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MOOC Découvrir la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) - Pr.

Valérie Swaen
Université catholique de Louvain

Typologie des parties prenantes


Kenneth De Roeck : Du point de vue stratégique, la RSE implique généralement deux grandes
catégories de parties prenantes : primaire et secondaire.
Les parties prenantes primaires sont les entités clés qui peuvent avoir un impact direct sur
votre organisation, de sorte qu'elles peuvent aussi contribuer directement au processus de
création de valeur partagée dont nous venons de parler. Cette catégorie englobe généralement
les membres de l'organisation qui contribuent à l'efficience, à l'efficacité et à l'innovation de
l'organisation ; les fournisseurs qui fournissent les ressources nécessaires (comme les matières
premières ou les services) à votre organisation pour créer de la valeur ; les actionnaires et autres
investisseurs qui fournissent les ressources financières nécessaires à votre entreprise pour
fonctionner ; le gouvernement qui crée le cadre juridique dans lequel votre entreprise exerce ses
activités ; et enfin les clients, qui achètent vos produits pour satisfaire leurs besoins. Si certaines
de ces parties prenantes décidaient de cesser de traiter avec vous, la survie de votre organisation
serait menacée. Si au contraire elles sont d'accord pour entrer dans un processus plus proactif,
partagé, de création de valeur, elles peuvent améliorer le fonctionnement de votre organisation
et accroître son succès sur le marché.
Les parties prenantes secondaires, au contraire, n'ont pas d'impact direct sur le fonctionnement
ou la survie de l'organisation, mais restent essentielles pour sa légitimité et sa licence pour opérer.
En d'autres termes, les parties prenantes secondaires ont le potentiel d'influencer les parties
prenantes primaires, ainsi que leur volonté de coopérer et de soutenir votre organisation. Cette
catégorie comprend généralement la communauté dans laquelle une organisation exerce ses
activités, l'opinion publique, la presse, les ONG, etc.
Cependant, ces catégories et conceptualisations ne doivent pas être vues ou comprises comme
étant rigides. Elles dépendent toujours de la situation ou du contexte particulier. Certaines parties
prenantes secondaires traditionnelles pourraient facilement devenir parties prenantes primaires
pour une industrie, un pays ou une culture, ou en fonction de la situation présente. Le point
principal est que le concept de parties prenantes, et leurs classifications relatives en différentes
catégories, doit être compris comme un outil conceptuel pour aider les dirigeants à comprendre
leur organisation, ses relations avec l'environnement, et ses responsabilités envers lui.

François Maon (2'54) : Mitchell, Agle et Wood vont également un peu plus loin. Dans leur
typologie, les groupes de parties prenantes ont – ou plus précisément, sont perçus comme ayant –
un, deux, ou trois attributs clés : pouvoir, qui est la mesure dans laquelle une partie prenante peut
imposer sa volonté à l'organisation, légitimité qui est la mesure dans laquelle sa relation avec
l'entreprise correspond à ce que Suchman appelle « une perception ou une hypothèse généralisée
que les actions de l'entité sont souhaitables, bonnes ou appropriées dans un système socialement
construit de normes, de valeurs et de croyances », et urgence, qui réfère à la mesure dans laquelle
la revendication de cette partie prenante exige une attention immédiate. En tenant compte de ces
trois attributs, les cadres supérieurs peuvent définir la puissance de chaque groupe de parties
prenantes et attribuer un degré de priorité à leurs différentes revendications. Par combinaison de
paires d'attributs, Mitchell, Agle et Wood suggèrent également qu'il existe huit types de parties
prenantes. Chacun d'eux adopte différents modèles de comportement qui influent sur la façon
dont il est perçu et approché par l'entreprise.

En ce sens, la notion de partie prenante est d'abord une idée de gestion stratégique. Du point de
vue de la gestion stratégique, le pouvoir d'une partie prenante est l'attribut le plus important pour
les entreprises et leurs dirigeants, qui tentent de répondre aux attentes des parties prenantes
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primaires ou puissantes dont l'influence potentielle sur le succès commercial de l'entreprise est
le plus important. Ils pourraient négliger d'autres groupes de parties prenantes qui n'ont beaucoup
de pouvoir sur l'organisation. Mais parfois, les parties prenantes secondaires d'une entreprise
sont les plus virulentes, même si elles n'ont pas d'intérêt direct dans la société. Elles peuvent
aussi causer des dommages importants à une entreprise ou à son image. Aussi, lorsque certaines
parties prenantes sont susceptibles de devenir plus puissantes ou cherchent des alliances avec
d'autres groupes puissants, les dirigeants intelligents essaient de travailler avec leurs parties
prenantes secondaires plutôt que contre. Ce faisant, l'entreprise peut bénéficier de la bonne
volonté et de la coopération de son environnement de parties prenantes et développer ainsi ses
activités.

D'une perspective qui se concentre davantage sur les impacts sociétaux et la RSE, la
distinction entre ces groupes de parties prenantes ou leur puissance n'est pas aussi pertinente, ou
du moins, elle devient plus discutable.
Tout d'abord, les dirigeants et leurs entreprises accordent une priorité aux groupes de parties
prenantes en fonction de leur puissance respective.
Deuxièmement, une compréhension par l'entreprise des besoins des parties prenantes, comme
des personnes comme Bobby Banerjee l'ont souligné, peut être limitée, en particulier si ces
groupes de parties prenantes ont des positions et des objectifs très différents, sociaux, culturels
et politiques. Par exemple, le cadre de parties prenantes défini par Mitchell, Agle, et Wood
devient particulièrement problématique quand nous essayons de l'appliquer à des parties
prenantes marginalisées, comme les groupes autochtones, qui tentent de négocier leur propre
survie dans les interactions avec les entreprises et les gouvernements.
Troisièmement, même si nous devions essayer de prendre l'attribut de légitimité en
considération, la question de savoir qui est une partie prenante « légitime » est constamment en
discussion. Certains acteurs clés sont toujours laissés dehors – l'environnement naturel en est
l'exemple le plus visible. Une question pertinente, « Les arbres doivent-ils avoir un rôle
managérial ? » a été posée par des auteurs comme Mark Starik il y a quelques années, mais elle
n'a pas encore reçu de bonne réponse.
De même, les générations futures sont généralement tenues en dehors de l'analyse.

Une autre chose intéressante à propos de ces cadres est que les examiner de façon critique peut
fournir des indications sur les parties prenantes potentielles, dont les intérêts pourraient être
négligés ou ignorés par les dirigeants et leurs entreprises, si nous devions suivre leur logique.

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