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Chapitre 2 : Les sources du Droit

Les modes de création des règles de droit dépendent des normes supérieures (traités,
constitution) qui sont la source de toutes les règles de droit. Ces normes xent l'autorité
de chaque règle de droit dans les ordres juridiques.

Les sources internationales et européennes sont importantes, il faut donc y consacrer


une partie spéci que.

Nous allons étudier les sources internationales et internationales (section 1) avant de


relever quelques transformations contemporaines du droit (section 2).

Section 1 : Les sources nationales et internationales

Nous allons revenir sur les sources nationales et les sources internationales.

I. Les sources nationales

La norme suprême est la Constitution, ensuite vient la loi, la coutume, la jurisprudence et


la doctrine.

A. La Constitution

Il s'agit de la Constitution du 4 octobre 1958 qui est la norme fondamentale de la V°


République Française. Elle a plus de 60 ans, c'est pratiquement la plus longue des
constitutions françaises. Adoptée par référendum le 28 septembre 1958, la Constitution
du 4 octobre 1958 a été modi ée à vingt-quatre reprises depuis sa publication par le
pouvoir constituant, soit par le Parlement réuni en Congrès, soit directement par le
peuple à travers l'expression du référendum. C'est la plus haute norme de l'ordre
juridique français que le Peuple français s'est donné à lui-même et la deuxième plus
longue constitution qu'a connu la France. Elle organise les di érents pouvoirs de l'Etat et
énonce un certain nombre de principes fondateurs, et garantit les droits et libertés
fondamentaux. Elle est surmontée d'un préambule et comporte 16 titres et 89 articles.
Elle proclame dans son préambule, l'attachement du Peuple français aux Droits de
l'Homme et aux principes de souveraineté nationale. Il existe des renvois explicites. Par
exemple, le Préambule renvoie à trois autres textes à valeur fondamentale : la Déclaration
des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789; le Préambule de la Constitution du
27 octobre 1946 (la Constitution de la IV° République); la Charte de l'environnement de
2004.

Le Conseil constitutionnel puise dans ces textes et dans la Constitution elle-même, les
éléments de dé nition du "bloc de constitutionnalité" : il reconnaît ce bloc dans sa
décision "Liberté d'association", de 1971, n°71-44 DC, loi complétant les dispositions
des articles 5 et 7 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association.


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La structure de la Constitution du 4 octobre 1958 : la Constitution de 1958 a été modi ée


pour la dernière fois par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 de modernisation des
institutions de la V° République. Elle a déjà fait l'objet de 24 révisions et une vingt-
cinquième a été annoncée par le Président Macron, mais mise de côté depuis la
pandémie. Elle se compose d'articles, le premier d'entre eux disposant que "La France
est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant
la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte
toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des
femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux
responsabilités professionnelles et sociales".

A titre indicatif, ou de rappel, sa structure est organisée autour de di érents titres :

Titre Ier : De la Souveraineté (art. 2 à 4)

Titre II : Le Président de la République (art. 5 à 19)

Titre III : Le Gouvernement (art. 20 à 23)

Titre IV : Le Parlement (art. 24 à 33)

Titre V : Des rapports entre le Parlement et le Gouvernement (art. 34 à 51-2)

Titre VI : Des traités et accords internationaux (art. 52 à 55)

Titre VII : Le Conseil constitutionnel (art. 56 à 63)

Titre VIII : De l'autorité judiciaire (art. 64 à 66-1)

Titre IX : La Haute Cour (art. 67 à 68)

Titre X : De la responsabilité pénale des membres du Gouvernement (art. 68-1 à 68-3)

Titre XI : Le Conseil économique, social et environnemental (art. 39 à 71)

Titre XI bis : Le Défenseur des droits (art. 71-1)

Titre XII : Des collectivités territoriales (art. 72 à 75-1)

Titre XIII : Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie (art. 76 et 77)

Titre XIV : De la Francophonie et des accords d'association (art. 87 et 88)

Titre XV : De l'Union européenne (art. 88-1 à 88-7)

Titre XVI : De la révision (art. 89)

Le Conseil constitutionnel est la juridiction chargée de contrôler la conformité de la loi à la


Constitution (avant son entrée en vigueur, mais également après son entrée en vigueur).
C'est une juridiction chargée d'interpréter et de protéger la Constitution. Le projet de loi
constitutionnelle pour un renouveau de la vie démocratique proposait de modi er la
composition du Conseil constitutionnel. Le Conseil constitutionnel est composé de 9
membres nommés par le Président de la République, les Présidents des deux assembles
pour 9 ans. Il s'agit d'un mandat non renouvelable pour garantir l'indépendance des
membres. Il est mis n à la présence de droit, à vie, des anciens présidents de la
République au Conseil constitutionnel (une disposition transitoire est prévue pour ceux
ayant siégé en 2018).


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Qui peut saisir le Conseil constitutionnel ? Le Président, le Premier ministre, les
Présidents des deux assemblées, 60 députés ou sénateurs.

Dans le projet de révision constitutionnelle, le seuil pour saisir le Conseil constitutionnel


est réduit à 45 députés ou sénateurs, au lieu de 60 députés ou 60 sénateurs (il s'agit ici
de préserver les droits de l'opposition dans la perspective de la diminution de 25% du
nombre de parlementaires prévue par le projet de loi organique.

B. La loi

Dé nition : Toute règle de droit formulée par écrit, à portée générale et


impersonnelle, établie par l'autorité publique compétente.

La notion recouvre di érentes lois. Ces lois di èrent quant à leur élaboration mais suivent
un régime identique pour la force obligatoire. Le régime est également identique pour
l'application de la loi dans le temps.

1. Classi cation de la loi

Lorsqu'il y a séparation des pouvoirs (cf. Montesquieu), il appartient au législatif


(Parlement) de faire la loi. Mais la Constitution de 1958 a conféré à l'exécutif
(gouvernement) le pouvoir d'édicter des règlements. La loi et le règlement ont des
domaines dé nis. On reviendra sur ce qu'est un règlement.

En outre, le Parlement peut déléguer au gouvernement une partie de son pouvoir :


l'exécutif légifère alors par ordonnances.

a) La notion de loi

Dé nition : C'est d'abord la loi au sens strict. La souveraineté nationale est exercée
par les représentants du peuple élus au Parlement, composé par l'Assemblée
nationale et le Sénat.

La loi parlementaire s'oppose à :


- la loi constitutionnelle : elle émane du pouvoir constituant, donc au sommet de la
hiérarchie.

- la loi référendaire : lorsque le Président de la République demande aux citoyens de se


prononcer directement par voie de référendum sur un projet de loi, mais seulement s'il
porte sur l'organisation des pouvoirs publics (art. 11 de la Constitution).

Par exemple, la loi de 1962 a permis l'adoption du su rage universel direct pour l'élection
du Président de la République.


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Elle comprend :
- la loi organique : qui a pour objet de xer les modalités d'organisation et de
fonctionnement des pouvoirs publics, dans les matières limitativement énumérées par la
Constitution. Par exemple le statut de la magistrature. Elle est adoptée suivant une
procédure particulière : soumise avant promulgation au Conseil constitutionnel.

- la loi "ordinaire" : règle de droit votée en termes identiques par l'Assemblée nationale et
le Sénat, qui forment le Parlement ; quand l'accord n'est pas possible, même après
réunion d'une commission mixte paritaire, c'est l'Assemblée nationale qui statue ;
l'initiative appartient au Premier ministre (on parle de "projet de loi") et aux
parlementaires (on parle de "proposition de loi").

—> Domaine de la loi


Depuis 1958, le domaine de la loi parlementaire est limité : le Parlement ne peut


légiférer que sur les matières qui lui sont attribuées par la Constitution, dans son article
34.

—> Délimitation du domaine législatif


Elle est prévu dans l'article 34 de la Constitution.

La loi xe les règles concernant :

- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour
l'exercice des libertés publiques ; les sujétions imposées par la Défense nationale aux
citoyens en leur personne et en leurs biens.

- la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les


successions et libéralités.

- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la
procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut
des magistrats.

- l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ;


le régime d'émission de la monnaie.

La loi xe également les règles concernant :

- le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales.

- la création de catégories d'établissements publics.

- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’Etat.

- les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur


public au secteur privé.


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La loi détermine les principes fondamentaux :

- de l'organisation générale de la Défense nationale.

- de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs


ressources.

- de l’enseignement.

- du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales.

- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

Les lois de nances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les
conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

Des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de


l'Etat.

—> Sanction de la délimitation

Si le Parlement veut empiéter sur le domaine réglementaire en sortant du domaine


législatif, le gouvernement peut opposer l'irrecevabilité de la discussion du texte. Si le
Parlement passe outre, le gouvernement peut déférer le texte au Conseil constitutionnel
qui peut en empêcher la promulgation.


Dé nition de la promulgation : La promulgation consiste à insérer la loi votée par le


Parlement dans un décret du Président de la République qui certi e d'une manière
authentique l'existence de la loi et donne l'ordre de l'exécuter.

—> Contrôle de la loi

Il n'existait en France, traditionnellement, un contrôle de constitutionnalité de la loi


parlementaire par le Conseil constitutionnel qu'avant promulgation, et non après : on
parle de contrôle de constitutionnalité a priori. C'est la di érence essentielle avec le rôle
de la Cour suprême aux Etats-Unis ou du Tribunal constitutionnel fédéral allemand.
Toutefois, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a ouvert une large brèche dans ce
principe.

Quelques mots de rappel sur chacun de ces modes de contrôle :

- Avant promulgation : contrôle a priori

Dans la Constitution de 1958, il appartient au Conseil constitutionnel de se prononcer sur


la constitutionnalité d'une loi : c'est-à-dire sur la conformité à la Constitution d'un texte
voté par le Parlement. Mais, à l'origine, le Conseil constitutionnel véri e seulement que le
Parlement n'a pas franchi les limites du domaine législatif (art. 34 de la Constitution).


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Au départ, la saisine du Conseil constitutionnel s'e ectue uniquement par : le Président
de la République, le Premier ministre, le Président de l'Assemblée nationale ou du Sénat.

En 1971, le contrôle de constitutionnalité est matériellement élargi : le Conseil


constitutionnel décide, en e et, de véri er aussi que le texte voté par le Parlement n'est
pas contraire aux dispositions du Préambule de la Constitution et aux principes
fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Dans son domaine, le Parlement n'est plus souverain, mais il doit respecter les principes
reconnus expressément ou implicitement par la Constitution ; ex : liberté d'association,
responsabilité du fait personne, respect des droits de la défense, principe de sécurité
juridique.

En 1974, est admise la saisine du Conseil constitutionnel par 60 députés ou sénateurs,


ce qui multiplie les occasions de recours.

- Après promulgation : contrôle a posteriori

Il faudra toutefois attendre 2008 pour consacrer l'existence d'un contrôle de


constitutionnalité après promulgation : on parle de contrôle a posteriori.

La loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit un contrôle "a posteriori", sous la


forme d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), suivant une procédure
complexe.

Elle prévoit : "Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est
soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la
Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi
du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé
" (Const., art. 61-1).

Par ailleurs, les tribunaux de l'ordre administratif et judiciaire ont le pouvoir de contrôler la
conventionnalité de la loi : ils véri ent que la loi n'est pas contraire à une convention
internationale ou européenne.

Voir les arrêts célèbres : Conseil d'Etat, arrêt "Nicolo" de 1989 ; Cour de Cassation, arrêt
"Cafés Jacques Vabre" de 1975.

Pour la loi : il est prévu de modi er pour l'adopter plus rapidement : limitation du droit
d'amendement ; maîtrise de l'ordre du jour par l'exécutif.


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b) Les règlements

Dé nition : ce sont les textes édictant des règles de droit, générales et


impersonnelles, émanant du pouvoir exécutif et des autorités administratives. Il est
d'une nature di érente, suivant l'autorité qui l'édicte, mais les actes réglementaires sont
hiérarchisés.

—> Décrets

Il existe trois classi cations de décret :

- Selon l'auteur : le Président de la République ou le Premier ministre.

- Selon la forme :

• Décret simple : signé par le Premier ministre

• Décret en Conseil des ministres : signé par le Président de la République

• Décret en Conseil d'Etat : pris après avis d'une section du Conseil d'Etat.

Les décrets du Président de la République doivent être contresignés par le Premier


ministre et "le cas échéant, par les ministres responsable" (art. 19 de la Constitution), et
les décrets du Premier ministre doivent être contresignés "le cas échéant, par les
ministres chargés de leur exécution" (art. 22 de la Constitution).

- Selon l'objet :

• Décret d'application : pris pour l'application d'une loi ; en précise les conditions
de mise en oeuvre.

• Décret autonome : pris dans une matière qui n'est pas du domaine législatif (ex. la
procédure civile).

—> Arrêtés

Les arrêtés sont subordonnés aux décrets, et eux-mêmes hiérarchisés en fonction du


rang de l'autorité qui l'édicte.

- Arrêtés ministériels (ou interministériels) : oeuvre d'un (ou de plusieurs) ministre.

- Arrêtés des présidents du conseil régional ou du conseil départemental, des préfets et


sous-préfets (arrêtés préfectoraux).

- Arrêtés municipaux, pris par les maires. La loi organique du 1er août 2003 relative au
référendum local permet à une collectivité territoriale de soumettre à référendum tout
projet de décision locale tendant à régler une a aire relevant de sa compétence.

En revanche, ne sont pas des règlements :

- Les réponses ministérielles aux question écrites posées par les parlementaires;

- Les circulaires, par lesquelles un ministre donne des instructions à des fonctionnaires
pour l'application des lois ou des règlements (circulaires non impératives, celles qui se
bornent à donner des interprétations de texte ou de loi).


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- Les décisions administratives, n'ayant pas de portée générale.

Ex : nomination d'un fonctionnaire par décret ; octroi d'un permis de construire par

arrêté.

—> Domaine des règlements par rapport au domaine de la loi

Le domaine de la loi étant limité, l'article 37 de la Constitution dispose que "les matières
autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ». Dans les
matières qui sont du domaine de la loi, les règlements peuvent (quand la loi xe les
règles) ou doivent (quand la loi ne détermine que les principes fondamentaux) intervenir,
pour assurer l'exécution des lois (mission du pouvoir "exécutif") : ce sont les "décrets
d’application". Dans les matières qui ne sont pas du domaine de la loi (ex. la procédure
civile), le pouvoir exécutif exerce la fonction "législative", en édictant des règles de droit
qui ne sont pas subordonnées à une loi parlementaire : ce sont les "règlements
autonomes".

—> Autorité et contrôle des règlements

Elle dépend de la place du règlement dans la hiérarchie des normes juridiques. Le


règlement doit être conforme aux textes qui lui sont supérieurs dans la hiérarchie : par
conséquent, un arrêté ne doit pas violer un décret, un décret ne doit pas être contraire à
une loi (s'il en existe une en la matière), ni à un traité international ou européen ni à la
Constitution (y inclus les principes généraux du droit). Le contrôle s'opère à l'initiative
directe des particuliers (di érence capitale avec la loi).

Il existe le recours en annulation pour excès de pouvoir. Ce recours relève de la


compétence exclusive des juridictions administratives. L'objet de ce contrôle est de
contrôler la conformité du règlement aux normes supérieures, on l'appelle le "contrôle de
légalité". Le but recherché est l'annulation, c'est-à-dire la disparition rétroactive du
règlement "illégal" ; donc, cette annulation produit des e ets à l'égard de tous.

Délai : deux mois à compter de la publication du règlement.

L'exception d'illégalité : le but est de faire écarter l'application du règlement illégal à


l'occasion d'un litige particulier.

Objet : Contrôle de légalité. Délai : exception perpétuelle.

Compétence : les juridictions administratives ; les juridictions répressives ; les juridictions


civiles en cas de voie de fait (atteinte à la liberté individuelle).


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c) Les ordonnances

Il s'agit d'une catégorie intermédiaire entre le règlement et la loi ; issue de la


pratique, elle est aujourd'hui prévue par la Constitution.

—> Avant la Constitution de 1958

Existait la pratique des "décrets-lois" dans deux circonstances :

Pendant les périodes de crise : confusion des pouvoirs ; le chef de l'exécutif édicte des
règlements ayant force de loi (ex. en 1870, le gouvernement de la Défense nationale ; à la
Libération (1944), le gouvernement provisoire de la République : décrets-lois nommés
"ordonnances").

Pendant les périodes d'instabilité : le Parlement délègue son pouvoir législatif au


gouvernement pour prendre des mesures urgentes qu'il est impuissant à édicter (ex. en
1939, 1953).

—> Depuis la Constitution de 1958

La Constitution, art. 38 : "le gouvernement peut, pour l'exécution de son programme,


demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai
limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi".

Domaine des ordonnances :

Par dé nition, c'est le domaine de la loi parlementaire (art. 34).

La crise sanitaire a particulièrement mis en exergue le rôle de l’ordonnance !

Des dizaines et des dizaines d'ordonnance ont été prises dans le cadre de la crise du
Covid-19 : chômage partiel, aides exceptionnelles, temps de travail, élections, justice,
etc. En juin 2020, 62 ordonnances, dont certaines modi catives, ont été prises pour faire
face à l'épidémie de Covid-19;

Ex : Ordonnances des 3, 10 juin et 17 juillet 2020, du 2, 7, 13 et 27 mai, du 1er, 8, 15 et


22 avril, du 25 et 27 mars.

—> Autorité et contrôle des ordonnances

Elle dépend étroitement de la procédure d'élaboration des ordonnances (art. 38). Le


cadre est xé par la loi d'habilitation adoptée par le Parlement. Le projet du
gouvernement fait l'objet d'un avis du Conseil d'Etat, puis d'une décision du Conseil des
ministres ; l'ordonnance est signée par le Président de la République.


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• L'ordonnance est publiée.

• L'ordonnance peut ensuite être rati ée par le Parlement.

• La particularité de l'ordonnance est sa nature hybride (c'est d'ailleurs pour cela


qu'on parle d'un acte mi-législatif, mi-réglementaire).

Avant la rati cation par le Parlement, l'ordonnance a une nature réglementaire : elle fait
donc l'objet d'un contrôle de légalité (possibilité de modi er ou d'abroger des lois
antérieures par ordonnance).

Après rati cation : les ordonnances acquièrent valeur législative (donc plus de contrôle de
légalité) et ne peuvent plus être modi ées que par la loi (dans le domaine législatif).

Récapitulatif :

- Le Parlement habilite par une loi le gouvernement.

- L’ordonnance est prise en Conseil des ministres.

- L’ordonnance est signée par le Président de la République.

- L’ordonnance est promulguée et entre en vigueur.

- Le gouvernement présente un projet de loi de rati cation.

- Le Parlement adopte le texte et l'ordonnance rati ée qui prend force de loi ou le


Parlement rejette le texte et l'ordonnance n'est pas rati ée. Elle devient caduque.

Quel sont les intérêts de l’ordonnance ?

- Elle permet la simpli cation du droit

- Elle permet d’aller vire

- Elle est souvent utilisée pour transposer les directives

- Elle permet l’adaptation législative en outre-mer

- Elle peut aider à la prise de mesures impopulaires (réforme du Code du travail)

- Elle est souvent utilisée en cas d’urgence, pas le temps de débattre (crise covid)

Quels sont les inconvénients ?

- Occulter les débats démocratiques : elle est donc souvent critiquée

- Le gouvernement fait la loi (et pas le Parlement, même s’il doit donner son accord)

2. La force de la loi

a) L’entrée en vigueur

L'entrée en vigueur de la loi comprend la naissance de la loi jusqu'à sa disparition. On


parlera d’abrogation.

La loi entre en vigueur à l'issue d'une procédure en deux phases : la promulgation et la


publication.


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La promulgation est l'ordre d'exécution de la loi. En ce sens, cet ordre émane de
l'exécutif. Elle va résulter de la signature de l'auteur du texte. Pour ce qui concerne la loi,
puisque la loi n'est pas le seul texte normatif promulgué, il y a aussi la promulgation des
règlements et des ordonnances, après son adoption par le Parlement, par l'Assemblée
nationale, la loi est transmise au gouvernement. Le Président de la République dispose
alors de quinze jours pour la promulguer, même si ce délai peut être suspendu si le
Conseil constitutionnel est saisi pour contrôler la conformité de la loi à la Constitution. La
promulgation de la loi consiste en réalité à insérer la loi votée par le Parlement dans un
décret du Président de la République. Ce décret va certi er d'une manière authentique
l'existence de la loi et donne l'ordre de l'exécuter. La promulgation est donc l'acte par
lequel une loi dé nitivement adoptée par le parlement ou une loi qui est approuvée
par le peuple via un référendum devient exécutoire. Elle prend la forme de décret du
Président de la République qui sera à son tour contresigné, c'est-à-dire qu'il y aura
d'autres signatures qui vont être apposées par le Premier ministre et les ministres qui
sont chargés d'appliquer la loi. S'il existe un contreseing c'est parce que dans le cadre
d'une République parlementaire, seul le gouvernement est politiquement responsable. Si
la France présente un régime un peu particulier, elle connait des caractéristiques de
régime parlementaire, notamment par la présence d'une responsabilité du gouvernement
devant le Parlement. Cette responsabilité est le contreseing par le Premier ministre et les
ministres qui sont chargés d'appliquer la loi.

A partir de cette promulgation, la loi devient exécutoire, c'est-à-dire qu'elle va s'imposer


et qu'on va devoir la mettre en application.

b) La publication

Cette loi doit également être publiée. Elle n'est obligatoire pour les citoyens que lorsqu'ils
la connaissent, et pour connaitre la loi elle doit être publiée. Les lois, les ordonnances, les
décrets et les actes administratifs, lorsqu'une disposition le prévoit, doivent être publiés
au Journal O ciel. C'est aussi en lien avec leur entrée en vigueur puisque tous ces textes
entrent en vigueur, c'est-à-dire qu'ils vont entrer en application, à la date qu'ils xent par
une mention, ou à défaut le lendemain de leur publication (Code civil, art. 1er). Le Journal
O ciel est donc le recueil des textes normatifs qui sont promulgués et qui vont devoir
être appliqués.

Depuis le 1er janvier 2016, le Journal O ciel est exclusivement numérique. On le retrouve
sur internet dans la base de référence, autrement dit Légifrance. On y trouve le Journal
o ciel de la République Française (JORF). Puisque nul n'est censé ignorer la loi, on peut
y consulter toutes les lois qui ont été adoptées et qui y sont publiées.

Donc du jour où elle entre en vigueur au jour où elle est abrogée, la loi est considérée
comme obligatoire pour tous. C'est le principe selon lequel "nul n'est censé ignorer la
loi". Cela veut dire que la loi doit être exécutée et qu'on ne peut pas se prévaloir de
l'ignorance de la loi pour ne pas la respecter. Cette loi pourra être amenée à exécution

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grâce à divers procédés de contrainte comme des peines de prison, l'annulation d'un
acte, des sanctions. Évidemment, cet adage signi e que nul ne peut échapper à
l'application de la loi sous prétexte de son ignorance de la loi. Donc chacun est censé
connaitre la loi. C'est ce qu'on appelle une ction juridique, cela ne correspond pas à la
réalité puisqu'on ne connait pas toutes les lois et ce serait impossible aujourd'hui, à une
époque où de nombreuses lois sont adoptées, où l'on a une in ation normative et
législative. De nombreux textes sont adoptés et nalement, une personne qui connait
toutes les lois est impossible. C'est une ction, mais elle est justi ée par la nécessité car
si on ne partait pas du principe que tout le monde doit connaitre la loi, ce serait en
quelques sortes l'anarchie puisque la loi ne serait applicable qu'en fonction de la
connaissance e ective que chacun aurait de la loi. Et il su rait de dire que nous n'étions
pas au courant pour nous dédouaner de tout comportement contraire à la loi. C'est donc
aussi un corolaire de l'égalité des citoyens devant la loi. Cela signi e également qu'il
appartient à celui qui se trouve confronté à une question de droit de se renseigner. Il
appartient aux citoyens de se renseigner auprès des professionnels du droit comme les
avocats ou les notaires. Mais il est vrai aujourd'hui que pour pallier les di cultés d'une
in ation législative, on a de plus en plus d'éléments qui viennent garantir une forme de
lisibilité de la loi, de sécurité juridique. Il faut éviter que la loi ne change trop souvent, trop
rapidement et il faut faire en sorte que la loi soit intelligible et compréhensible pour tous.
Depuis quelques années, les gouvernements qui se sont succédés se sont lancés dans
des réformes pour simpli er le droit. L'idée est de faire en sorte que le droit soit plus
accessible aux citoyens. Simpli er le droit passe par la rédaction des textes de lois, la
simpli cation de la rédaction des arrêts. La crise sanitaire actuelle nous montre aussi
toutes les di cultés à respecter le droit lorsque celui-ci n'est pas clair et intelligible. En ce
moment, on voit bien que la loi, au sens large du terme, change fréquemment, tous les
jours ou toutes les deux semaines. Cela a des conséquences sur la perception par le
citoyen de la clarté et de l'intelligibilité de la loi. Aujourd'hui, beaucoup de gens s'estiment
perdus, s'estiment confus dans ce qu'ils peuvent faire ou ne pas faire sur le port du
masque, sur le fait de pouvoir aller au restaurants, dans les bars, etc.

La loi est obligatoire, elle est sanctionnée par l'autorité publique. Mais, il est vrai qu'il
existe des degrés dans la force obligatoire de la loi. Certaines lois seront impératives
alors que d'autres lois seront plutôt supplétives.

—> Les lois impératives

Les lois impératives sont des lois dont il n'est pas permis, en principe, d'écarter
l'application. C'est un principe qu'on retrouve à l'article 6 du Code civil : "On ne peut
déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l'ordre public et les
bonnes moeurs". Il existe donc des lois qui sont impératives et auxquelles on ne peut
déroger. On ne peut conclure des contrats qui iraient à l'encontre de ces lois impératives.
Par exemple, toutes les règles gouvernant le mariage, le divorce et la liation sont des
règles impératives. Les lois relatives au salaire minimum et à la durée du travail des

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salariés sont aussi des règles impératives. Il existe aussi les règles de la circulation
routière.

Ces lois impératives ou d'ordre public sont dans certains cas susceptibles de dispenses
qui peuvent être accordées par des autorités habilités. Dans certains cas, l'administration
peut accorder des dérogations à des entreprises, par exemple pour les lois relatives au
salaire minimum ou à la durée du travail des salariés, il existe des dérogations
susceptibles d'être con ées par l'administration.

Pour les lois impératives, il n'y a pas de possibilité d'en écarter l'application, sauf
autorisation très stricte accordée par des autorités qui sont désignées, notamment par la
loi. L'administration va pouvoir accorder à une entreprise une dérogation à cette
obligation de donner à tous les salariés un jour de repos par exemple. Dans certains
corps de métier, cela se justi e.

Les lois impératives ont pour objet de protéger des intérêts particuliers. Cela peut être les
intérêts du consommateur, c'est ce qu'on appelle l'ordre public de protection, mais ces
lois impératives ont aussi pour objet de protéger des intérêts généraux comme les règles
relatives à la concurrence, ce sont des règles impératives auxquelles on ne peut déroger,
c'est ce qu'on appelle l'ordre public de direction.

Ces lois impératives sont à distinguer d'autres lois, des lois dites supplétives.

—> Les lois supplétives

Les lois supplétives sont les lois auxquelles il est permis de déroger par des conventions
particulières. C'est-à-dire qu'à la di érence des lois impératives, elles ne s'imposent qu'à
défaut de volonté contraire des intéressés. On peut donc y déroger, c'est pour cela qu'on
les appelle des lois supplétives. On peut donner cet exemple : dans le cadre d'une vente,
"s'il n'a rien été réglé à cet égard lors de la vente, l'acheteur doit payer au lieu et dans le
temps où doit se faire la délivrance" (art. 1651, Code civil). Donc, ici, on le voit, la loi
prévoit la possibilité d'en disposer autrement. Cela veut dire que les parties à une vente
ont la possibilité de convenir en amont d'une autre modalité de paiement que ‘au lieu et
dans le temps où se fait la délivrance’ des choses vendues.

C'est le principe du consensualisme, c'est l'idée de respecter le consentement des


parties à un contrat. Finalement, les parties ont une marge de manoeuvre qui leur est
laissée par la loi.

Les lois supplétives constituent donc un modèle commode. Si ces lois ne conviennent
pas aux particuliers, les particuliers peuvent donc en façonner un autre modèle. Sinon,
s'ils ne façonnent pas leur propre modèle alors la loi s'applique. Par exemple, pour les
modalités de vente, les parties peuvent décider dans leur contrat la livraison, le lieu de la
livraison, les modalités du paiement, etc. Si elles n'ont rien prévu, on revient à ce que dit
la loi puisque la loi s'applique à défaut de disposition contraire.


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D'ailleurs, pour distinguer une loi impérative d'une loi supplétive, on va se fonder sur les
termes de la loi. Une loi impérative sera souvent formulée de cette manière : ‘à peine de
nullité, il faudra faire telle ou telle chose’, si vous ne le faites pas, cela entrainera la nullité
de votre acte ou de votre opération. Lorsque la loi est supplétive, on retrouvera plutôt des
dispositions de type : ‘à défaut de stipulation contraire, voilà la règle qui va s’appliquer'.
Cela veut dire que si l'on fait une stipulation contraire, si l'on convient di éremment dans
le contrat, on peut béné cier de ces dispositions contraires.

Donc il existe di érents degrés d'obligation de la loi : loi impérative et loi supplétive.

Une loi nait, elle est promulguée, elle doit être publiée. La loi peut aussi mourir, elle peut
disparaitre, c'est la question de l'abrogation de la loi.

c) L’abrogation

La loi est permanente, c'est-à-dire qu'elle s'applique tant qu'elle n'a pas été abrogée ou
abolie. Il existe deux modes possibles d'abrogation. Il existe l'abrogation expresse et
l'abrogation tacite.

—> L’abrogation expresse

En réalité, l'abrogation expresse est la modalité la plus courante. Une loi nouvelle va
déclarer formellement que telle loi antérieure est abrogée. C'est ce qu'on appelle
l'abrogation expresse, c'est-à-dire qu'un texte de loi vient mettre n de manière expresse,
explicite à un autre texte de loi.

—> L’abrogation tacite

L'abrogation est parfois tacite, c'est-à-dire que les dispositions d'une loi nouvelle sont
inconciliables avec les dispositions d'une loi antérieure, qui n'est toutefois pas
expressément abrogée. Mais, les dispositions de la loi antérieure sont considérées
comme implicitement abrogées puisque c'est la volonté la plus récente du législateur qui
doit l'emporter. On estime que la loi est l'expression de la volonté générale et si une
nouvelle loi vient nalement contredire les dispositions d'une loi antérieure, qu'elles ne
sont pas du tout conciliables, dans ce cas on va donner la priorité à la loi la plus récente
puisque c'est elle qui exprime la volonté générale la plus récente. Mais il est vrai que la
plupart du temps et pour éviter toute insécurité juridique, les abrogations se font de
manière expresse.

Peut-il exister des abrogations par désuétude ? C'est-à-dire, est-ce qu'une loi qui est
restée longtemps inappliquée doit être considérée comme une loi abrogée. En principe,
en droit français, il n'y a pas d'abrogation par désuétude. Le motif, la raison principale est

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qu'on estime que la loi doit primer sur l'usage. C'est notre hiérarchie des normes qui
donne la priorité à la loi écrite plutôt qu'à l'usage. Et donc, seul le législateur peut abroger
l'ordre qu'il a donné de manière expresse ou en adoptant une nouvelle loi. C'est la
question de l'abrogation tacite.

Il est vrai que certaines lois anciennes ont cessé d'être appliquées sans pour autant avoir
été abrogées ; mais généralement, ce sont des lois d'importance réduite, ce sont
nalement des anecdotes qu'on cité jusqu'à travers sa mort les cours de droit. Par
exemple la loi qui interdisait le travestissement des femmes, cette loi qui interdisait aux
femmes de porter le pantalon est une loi qui datait de 1800, loi au sens large, elle a été
abrogée expressément récemment, en 2013. En réalité, cette loi n'était plus respectée
depuis bien longtemps, même si d'un stricte point de vue de l'orthodoxie juridique, il n'y
avait pas eu de texte qui était venu expressément abroger cette interdiction. La loi était
toujours formellement en vigueur même si en pratique, elle n'était plus appliquée. Pour
éviter tout doute et toute confusion, il s'agira plutôt d'une abrogation expresse ou d'une
abrogation tacite.

3. L’application de la loi

Il s'agit de ré échir à l'application de la loi dans l'espace et dans le temps.

a) Dans l'espace

Le principe est que la loi est d'application générale, cela signi e que la loi est applicable
sur tout le territoire français. Mais, il existe là aussi des exceptions, notamment sur le
territoire métropolitain il existe l'exception des départements d'Alsace-Moselle, le Bas-
Rhin, le Haut-Rhin et la Moselle, situés dans le grand est. Dans ces régions existe ce
qu'on appelle un droit local, ce qui explique que certaines règles sont très spéci ques,
notamment pour le droit des assurances ou encore pour ce qui concerne le statut des
associations où l'on a un droit local di érent de celui qui s'applique sur le reste du
territoire. Il y a aussi des règles en matière de laïcité qui ne s'appliquent pas forcément
sur le territoire d'Alsace-Moselle qui est soustrait au principe de laïcité qui peut
s'appliquer dans le reste du territoire.

Pourquoi ces exceptions qui peuvent paraitre étonnantes ? Tout simplement parce que
l'Alsace-Moselle est une région qui a connu des annexions à l'Allemagne, cela a été un
enjeux de con it entre la France et l'Allemagne pendant des siècles. Il est vrai que cette
région a été pendant longtemps sous l'in uence du droit allemand et il en est resté des
vestiges. Ce qui fait qu'aujourd'hui un certain nombre de règles demeurent régies par ce
droit spéci que, le droit local.

Il existe également des dispositions spéciales qui sont parfois prévues pour l'application
des lois dans ce qu'on appelle la France d'outre-mer, donc les départements et régions
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d'outre-mer et les collectivités d'outre-mer. Ce sont des territoires qui connaissent des
applications parfois particulières, tout dépend du régime. Les départements et régions
d'outre-mer ont un régime qui ressemble en réalité beaucoup au régime métropolitain,
c'est quasiment le même, alors que les collectivités d'outre-mer présentent des
spéci cités beaucoup plus poussées, c'est le cas notamment de la Nouvelle-Calédonie
qui est sur la voie d'un processus d'indépendance puisqu'on a eu le référendum sur
l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie qui a abouti à un résultat négatif mais d'un très
court nombre de voies. C'est un territoire sur le processus d'une indépendance, cela
justi e ou explique en tout cas qu'un certain nombre de dispositions soient spéci ques
dans le cadre de ces territoires. Ce n'est pas la même chose pour tous les outre-mers, il y
a des outre-mers qui sont plutôt dans le régime d'assimilation au régime métropolitain, et
d'autres qui sont plutôt dans le régime de di érenciation.

Cela étant dit, si on peut toujours partir du principe que la loi est générale et qu'elle
s'applique pour tous de la même manière sauf exception, il est vrai que depuis quelques
temps, la prime est accordée à la di érenciation et notamment la di érenciation
territoriale. C'est le maitre mot ces derniers temps, notamment dans la gestion de la crise
sanitaire, est-ce qu'il ne faudra pas appliquer des mesures di érenciées, des mesures
selon les spéci cités des territoires, il est vrai que c'est un mot qu'on a souvent retrouvé
ces derniers temps, le droit à la di érenciation territoriale. Donc l'application de la loi
dans l'espace, pour l'instant, le principe est toujours le même, la loi est d'application
générale mais il est vrai que les exceptions et l'admission des spéci cités territoriales
sera de plus en plus prégnantes dans les années à venir.

b) Dans le temps

C'est la question de savoir comment on va résoudre des con its de loi dans le temps. La
loi est applicable depuis son entrée en vigueur jusqu'à son abrogation mais dans certains
cas, on va avoir des lois qui vont se succéder. Dans ce cas, il faut déterminer comment
on va régler ces con its de loi dans le temps. Donc deux lois qui ont le même objet, qui
ont été successivement en vigueur et dont chacune a vocation à s'appliquer à une
situation donnée. Il en résulte un con it entre la loi ancienne et la loi nouvelle. Il faut le
résoudre en déterminant la loi qui va régir e ectivement la situation. Par exemple, la loi
qui a accordé aux enfants naturels (hors mariage) les mêmes droits successoraux qu'aux
enfants légitimes. C'est une loi de janvier 1972 qui est entrée en vigueur en août 1972.
Est-ce que cette loi s'applique aux enfants naturels nés avant son entrée en vigueur ou
est-ce qu'elle ne s'applique qu'aux enfants nés après ? Même chose pour la loi qui a
abaissé l'âge de la majorité par exemple. C'est une loi de 1974 qui est venu abaisser
l'âge de la majorité de 21 ans à 18 ans. Est-ce que cette loi entrée en vigueur en juillet
1974 a rendu majeurs les individus âgés de 18 à 21 ans à cette date et donc nés avant
l'entrée en vigueur de la loi et est-ce qu'elle a pu valider un certain nombre d'actes qui
ont été passés par des mineurs étant considérés comme tels avant cette loi de 1974. On

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voit que cette question des con its de lois dans le temps pose des questions très
pratiques en réalité.

Quelles sont les solutions au con it de lois dans le temps ? Il y a deux principes
fondamentaux qui nous sommes donnés par le Code civil à l'article 2 "la loi ne dispose
que pour l'avenir ; elle n'a point d'e et rétroactif".

C'est nalement deux principes que l'on a retrouvé théorisé par un auteur, un juriste
français, le Doyen Roubier, qui a élaboré sa doctrine dans son ouvrage "les con its de loi
dans temps" de 1929. Selon cette doctrine, il y a principe de non-rétroactivité de la loi
nouvelle et un principe d'application immédiate de la loi nouvelle. Cette loi nouvelle est
parfois assortie de dispositions transitoires spéciales qui vont alors xer son application
dans le temps.

—> Le principe de non-rétroactivité de la loi

La loi n'a pas d'e et rétroactif, c'est le principe que l'on retrouve à l'article 2 du Code
civil. Le principe de non-rétroactivité est l'idée selon laquelle une loi ne doit pas être
appliquée à des actes ou à des faits qui se sont passés avant son entrée en vigueur, en
vue de modi er ou d'e acer les e ets juridiques qui se sont produits sous l'empire de la
loi ancienne. Par exemple, la loi de 1974 qui est venue abaisser l'âge de la majorité de 21
à 18 ans n'a pas d'e et rétroactif, cela veut dire qu'elle n'a pas validé rétroactivement les
actes qui ont été passés avant son entrée en vigueur. Ces actes sont considérés comme
nuls au regard de la loi ancienne, c'est-à-dire qu'ils ne vont produire aucun e et juridique.

C'est un principe qu'on peut décliner en fonction des matières. Par exemple, si on a un
accident, c'est la loi en vigueur au jour de l'accident qui est appliquée pour déterminer la
responsabilité de l'auteur du dommage, ça ne sera pas une loi postérieure à l'accident
qui sera utilisée. On peut le décliner dans d'autres matières, en matière de droit de
succession, de droit de recours, on a ce principe selon lequel la loi n'a pas d'e et
rétroactif.

Pourquoi ce principe de non-rétroactivité ? Ce principe existe pour des raisons de


sécurité. La loi ne doit pas remettre en question des situations qui ont été réalisées
conformément à une loi ancienne. Chaque fois qu'une loi est adoptée, il ne s'agit pas
pour cette loi de remettre en question toutes les situations qui ont été réalisées
conformément à la loi ancienne. On comprend aussi cette explication, il en va de
l'impératif d'autorité de la loi, c'est-à-dire que la loi perdrait toute force si ceux qui lui
obéissent n'étaient pas assurés qu'une autre loi ne reviendra pas sur leur situation. Donc
ici, la loi perdrait son autorité si on doutait de l'application de la loi à un instant T. Si on se
dit qu'une autre loi va de toute façon revenir sur la situation, quel sera l'intérêt à respecter
cette loi. Pour éviter des atteintes à l'autorité de la loi, on estime que chaque fois qu'une
loi est adoptée, elle n'a pas d'e et rétroactif. Par ailleurs, la non-rétroactivité de la loi

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pénale est aussi une garantie de la liberté individuelle. Si demain le droit devient plus
restrictif, si la loi pénale est plus sévère, on ne pourra pas nous reprocher de ne pas avoir
respecté cette loi alors même qu'une loi plus clémente s'appliquait au moment où on a
enfreint cette loi. La liberté individuelle est garantie par la Constitution.

Il existe toutefois des exceptions au principe de non-rétroactivité. Le Parlement peut dans


certains cas opter pour des dispositions rétroactives. Mais comme c'est une dérogation
importante à l'article 2 du Code civil, seul le Parlement a le pouvoir de voter des lois
rétroactives. Il ne s'agira pas pour une autorité administrative d'adopter des dispositions
rétroactives. Seule la loi peut adopter des dispositions rétroactives. D'ailleurs, ce principe
de non-rétroactivité a même une valeur constitutionnelle en matière pénale, c'est-à-dire
que si l'on veut adopter une disposition rétroactive en matière pénale, il faudrait
nalement donner une valeur constitutionnelle à cette modi cation. Donc la loi a le
pouvoir d'opter pour des dispositions rétroactives, le Parlement peut le faire. Le pouvoir
exécutif ne peut pas édicter de règlements rétroactifs car le principe de non-rétroactivité
est une garantie fondamentale des libertés publiques et en tant que telle, cela rentre dans
le domaine de la loi.

Le juge est soumis au législateur et doit appliquer l'article 2 du Code civil, donc le juge ne
doit pas donner à une loi nouvelle un e et rétroactif.

Il existe la possibilité pour le Parlement de voter des lois rétroactives. Le Parlement peut
décider de conférer expressément à une loi un e et rétroactif. Ça a pu être le cas lors de
situations de crise. Par exemple en 1940 et 1944, il y a eu des dispositions qui avaient
des e ets rétroactifs. Dans certains cas, cela peut être pour élargir la portée d'une
réforme en matière sociale. Donc de manière rétroactive, cela va s'appliquer parce qu'on
estime que c'est une réforme ayant pour but un progrès social et donc on va élargir
l'application de la loi. Mais cette rétroactivité est exceptionnelle et elle doit répondre à
des motifs impérieux, il faut qu'il y ait des raisons impérieuses d'intérêt général pour
justi er une rétroactivité de la loi. D'ailleurs, aujourd'hui, cette rétroactivité par le
Parlement est encadrée par le droit européen. Il faut qu'il y ait des motifs d'intérêt
général, d'impérieux motifs d'intérêt général. L'idée ici est que le fait d'adopter une loi
rétroactive peut avoir des conséquences sur ce qu'on appelle la séparation des pouvoirs
et aujourd'hui, il existe une notion qu'on appelle le procès équitable qui est garanti par le
droit européen. Cette notion empêche le législateur de s'ingérer dans l'administration de
la justice. En réalité, il faut éviter qu'en adoptant une loi, le législateur in ue sur le
dénouement judiciaire des litiges.

Donc les validations législatives, les dispositions législatives rétroactives doivent être
exceptionnelles et elles doivent être justi ées par d'impérieux motifs d'intérêt général
puisqu'il ne faut pas porter atteinte à la séparation des pouvoirs et notamment à la notion
de procès équitable.

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En revanche, il existe une exception. Pour les lois pénales qui sont plus douces, moins
sévères, c'est-à-dire celles qui suppriment ou adoucissent une peine, elles s'appliquent
aux infractions qui ont été commises antérieurement. Il y a une rétroactivité de la loi
pénale plus douce. C'est ce qu'on appelle le principe de rétroactivité in mitius.
Attention, il n'y a pas de rétroactivité de la loi pénale plus sévère, il en va de l'impératif de
l'autorité de la loi.

—> Exceptions au principe de non-rétroactivité de la loi

Donc les lois de validation doivent être justi ées par d'impérieux motifs d'intérêt général.
Les lois pénales moins sévères, c'est-à-dire celles qui assouplissent ou suppriment une
peine s'appliquent aux infractions commises antérieurement, c'est le principe de
rétroactivité in mitius.

On peut aussi citer l'exemple des lois interprétative. Lorsqu'une loi intervient pour xer
le sens ambigu ou obscur d'une loi antérieure, elle rétroagit au jour où la loi ancienne est
entrée en vigueur. Donc lorsque c'est une loi interprétative, on estime que cette
interprétation doit valoir depuis la survenance de la loi ancienne puisqu'ici ça ne porte
que sur l'interprétation et non sur l'application de la loi.

Donc il existe des exceptions au principe de non-rétroactivité même si ces exceptions


sont encadrées et sont limitées.

Donc le premier principe de résolution de la loi dans le temps est que la loi est non-
rétroactive, elle ne vaut que pour l'avenir. Le deuxième principe est que la loi est
d'application immédiate.

—> La loi est d’application immédiate

C'est le principe dégagé de l'article 2 : "La loi ne dispose que pour l'avenir". Cela signi e
qu'une loi nouvelle s'applique aux actes et aux faits qui se produisent à compter de son
entrée en vigueur. En reprenant l'exemple de la loi sur la majorité : elle a rendu majeures
immédiatement les personnes qui étaient âgées de 18 à 21 ans au jour de son entrée en
vigueur. Donc la personne qui était âgée de 18 ans le jour de l'entrée en vigueur de la loi
de 1984 est devenue automatiquement une personne majeure alors qu'avant elle aurait
dû attendre 21 ans pour être considérée comme majeure.

Ce principe d'application immédiate de la loi est justi é par l'idée que la loi nouvelle est
considérée comme meilleure que la loi ancienne. Comme elle est considérée comme
meilleure, elle doit donc être appliquée sans attendre, y compris dans les instances en
cours.


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Autre justi cation à ce principe d'application immédiate est l'idée selon laquelle la loi est
générale, elle doit donc gouverner à un instant donné toutes les situations juridiques
identiques.

Cette loi d'application immédiate est mise en oeuvre en ce qui concerne la création des
situations juridiques et les e ets des situations juridiques.

La création des situations juridiques est l'idée selon laquelle une loi nouvelle ne
s'applique pas aux situations qui ont déjà été créées conformément à la loi ancienne
puisque la loi n'a pas d'e et rétroactif. Par exemple, pour les lois qui ont modi é les
conditions de formation du mariage ou les lois qui ont modi é les conditions de validité
des contrats, elles ne s'appliquent pas aux mariages déjà célébrés ou aux contrats qui
ont été conclus avant leur entrée en vigueur. Donc la loi nouvelle ne peut frapper de
nullité les actes juridiques valablement passés avant son entrée en vigueur.

En revanche, concernant les e ets juridiques, les e ets des situations juridiques, la loi
nouvelle va s'appliquer aux situations juridiques non encore créées puisque la loi est
d'application immédiate. Donc les lois qui sont relatives aux e ets du mariage ou de la
liation vont s'appliquer aux mariages non encore célébrés ou aux enfants qui seront nés
après l'entrée en vigueur. Une loi relative à la responsabilité s'appliquera aux
conséquences des accidents postérieurs à l'entrée en vigueur de cette loi. Les lois et les
décrets nouveaux qui sont relatifs à la procédure sont applicables immédiatement aux
instances en cours. Mais ils ne peuvent priver l'e et des actes qui ont été régulièrement
accomplis sous l'empire de la loi ancienne (principe de non-rétroactivité).

Donc la loi nouvelle va s'appliquer aux e ets futurs, c'est-à-dire postérieurs à son entrée
en vigueur mais non aux e ets passés, antérieurs à son entrée en vigueur. La loi est
d'application immédiate pour les e ets futurs, elles n'est donc pas rétroactive pour les
e ets passés. La loi de 1972 qui a donné les mêmes droits aux enfants naturels, des
droits égaux aux enfants légitimes, leur a conféré des droits dans les successions qui ont
été ouvertes après son entrée en vigueur mais sans modi er les droits dans les
successions qui étaient déjà ouvertes au moment de son entrée en vigueur. De la même
manière, en cas de modi cation légale d'un délais de prescription, la loi nouvelle n'a pas
d'e et sur la prescription qui a dé nitivement été acquise. C'est le principe de non-
rétroactivité. Mais cette loi nouvelle s'appliquera immédiatement au délais de prescription
qui sont en cours. La loi nouvelle ne s'applique pas aux e ets futurs des situations
contractuelles qui ont été établies avant son entrée en vigueur, c'est le principe de la
survie de la loi ancienne parce que la loi nouvelle ne va pas remettre en compte les e ets
qui auront été prévus dans les contrats conclus avant son entrée en vigueur. Il faut
prendre en compte la diversité des situations contractuelles et les dispositions des partis,
quelles ont été leurs prévisions. Par exemple, les dispositions nouvelles relatives à un
contrat de bail, de location, ne seront pas applicables aux contrats en cours et le
locataire qui sera titulaire d'un bail antérieur à la loi nouvelle ne pourra pas prétendre
béné cier de ces dispositions de cette nouvelle loi. Donc, ici, on va respecter le contrat
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qui a été conclu à l'origine, ce n'est pas parce qu'une nouvelle loi entre en vigueur sur les
conditions de location qu'on va béné cier immédiatement de ces dispositions, il y a un
principe de survie de la loi ancienne qui est fondé sur les éléments sur lesquels on s'est
mis d'accord dans le contrat. Donc, ici, on voit que c'est le principe de survie de la loi
ancienne.

Il peut exister des exceptions, c'est à dire une application immédiate de la loi nouvelle,
aux e ets futurs des contrats antérieurs. Lorsque des dispositions formelles de la loi
nouvelle le prévoient, cette loi va s'appliquer aux e ets futurs des contrats antérieurs,
dans certains cas, lorsque la loi nouvelle consacre un e et légal, indépendant de la
volonté des partis. C'est le cas notamment lorsque sont en jeux des intérêts essentiels de
la société en matière sociale, par exemple une réforme du contrat de travail pour
améliorer la condition ou la protection des salariés. Dans ce cas, la loi nouvelle va
s'appliquer aux e ets futurs de contrats pourtant antérieurs, mais ici, ce sont des raisons
sociales qui sont précisées par la loi nouvelle.

En conclusion, la loi nouvelle s'applique aux situations juridiques non encore créées
donc une loi nouvelle relative au mariage ou à la liation va s'appliquer aux
mariages non encore célébrés et aux enfants nés après l'entrée en vigueur de cette
loi. La loi nouvelle s'applique aux e ets futurs, c'est-à-dire postérieurs à son entrée
en vigueur, mais parfois, ces situations ont été créées avant son entrée en vigueur.
Elle va s'appliquer aux e ets futurs mais elle ne s'applique pas aux e ets passés
(principe de non-rétroactivité). Donc si un délai de prescription est modi é, la loi
nouvelle n'a pas d'e et sur la prescription qui a été dé nitivement acquise puisque
ici, ce sont des e ets antérieurs à son entrée en vigueur. En revanche, cette
modi cation va s'appliquer immédiatement aux délais de prescription qui sont en
cours puisque la loi est d'application immédiate. La loi nouvelle ne s'applique pas
aux e ets futurs des situations contractuelles établies avant son entrée en vigueur.
C'est le principe de survie de la loi ancienne. C'est-à-dire que dès lors qu'une loi est
adoptée, elle ne va pas revenir sur tous les contrats qui ont été conclus. On va
prendre en compte les prévisions des partis et parce qu'il existe des diversités de
situation contractuelle.

C. La coutume

C'est une règle de droit qui est née d'un usage prolongé et qui sera peu à peu considérée
comme obligatoire. La coutume est composée de deux éléments caractéristiques, un
élément matériel et un élément psychologique. Il y a donc deux éléments pour identi er la
notion de coutume, de règle coutumière.


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1. Un élément matériel

La coutume est fondée sur une répétition, une pratique constante qui crée la coutume et
est nalement une répétition d'usages. L'élément matériel est donc ce comportement
habituel de la vie sociale, une pratique constante qui crée la coutume et qui est l'usage.
Beaucoup de règles de conduite sociale, même couramment suivies, ne sont pas
forcément des coutumes. C'est le cas par exemple des règles de politesse, des usages
mondains. L'usage devient coutume s'il est général, c'est-à-dire largement répandu,
constant, c'est-à-dire régulièrement suivi avec la force de l'habitude et ancien, c'est-à-
dire lorsqu'il a une durée certaine ancrée dans le temps. C'est pour cela qu'on dit cet
adage français : "une fois n'est pas coutume". La coutume est créée dans la répétition.

2. Un élément psychologique

C'est l'idée selon laquelle l'usage doit être perçu comme un comportement obligatoire
par l'opinion commune. Cette conviction d'agir existe en vertu d'une règle qui va
distinguer la coutume des autres usages. C'est l'idée de se sentir obligé de se comporter
de telle ou telle manière.

Le rôle de la coutume en France, dans un système de droit écrit, est particulier puisque la
source principale du droit est la loi, le droit est écrit. Donc c'est par rapport à la loi que la
coutume va être dé nie. La priorité est la loi mais la loi elle-même peut dans certains cas
renvoyer à la coutume. C'est alors par une délégation expresse du législateur que l'usage
acquiert une force obligatoire. La coutume peut donc être selon la loi ("secundum
legem"), c'est l'idée selon laquelle on va se référer à la coutume pour compléter la loi. En
matière commerciale par exemple, on va se référer à la coutume pour compléter le
contrat, on va se référer aux pratiques qui sont habituellement suivies dans telle
profession, telle région. Donc dans certains domaines, par exemple pour les frais de la
vente, on va dire qu'on va se référer aux pratiques, aux usages en la matière. C'est le cas
par exemple dans le commerce du vin, il y a beaucoup d'usages, de pratiques
coutumières qui sont respectés.

La coutume va donc seconder la loi en quelque sorte. Mais la coutume peut aussi exister
dans le silence de la loi ("praeter legem"), dans ce cas, la coutume comble une lacune de
la loi, c'est-à-dire qu'elle va régler une situation que la loi n'a pas prévu. Dans ce cas, la
coutume vient combler un élément que la loi n'a pas développé. C'est le cas par exemple
en matière commerciale, il existe une règle coutumière qui est la solidarité entre les
débiteurs d'une dette commerciale. Les débiteurs vont être solidaires.


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D. La jurisprudence

La jurisprudence est aussi une source de droit. Quand on parle de jurisprudence, on


désigne en réalité l'ensemble des décisions de justice qui sont rendues par les
tribunaux. Il faut donc identi er les juges avant de revenir sur le rôle créateur de la
jurisprudence.

1. L’organisation judiciaire

Il existe de très nombreuses juridictions en France, mais ici, nous allons présenter les
juridictions étatiques. Seules font parties de l'organisation judiciaire les juridictions
étatiques. Les juridictions de nature privée qui assurent l'arbitrage de litiges commerciaux
à la demande des parties ne sont pas organisées par l'Etat. On verra qu'il existe d'autres
modes de règlement des litiges que le recours à un juge étatique. C'est le cas par
exemple de l’arbitrage, qui est une forme de justice privée qui n'est pas assurée par
l'Etat.

Pour faire trancher un litige, un di érent par une juridiction, il faut savoir quelle est la
juridiction qui peut connaitre du litige, c'est-à-dire quelle est la juridiction qui sera
compétente. Pour cela, il existe di érentes catégories, il existe des compétences
d'attribution et il faudra aussi déterminer les compétences territoriales de la juridiction. La
compétence d'attribution est celle qui détermine, suivant la nature de l’a aire, la
catégorie de tribunaux qui sont aptes à juger, à trancher le litige. Il existe aussi des
éléments de compétences territoriales qui déterminent parmi les tribunaux d'une
catégorie celui qui doit être saisi à cause de sa localisation géographique. En principe
dans les règles des procédures françaises, c'est le tribunal dans le ressort duquel se
trouve le domicile du défendeur. Le ressort du tribunal est le champ d'action du tribunal
et le domicile du défendeur est le domicile de la personne qui est assignée en justice.
Donc en principe en France, le tribunal qui sera compétent pour juger, pour trancher un
litige, sera le tribunal qui se situe dans la ville où se situe la personne qui est assignée en
justice.

La particularité en France concernant la compétence d'attribution est qu'il existe une


distinction entre les juges administratifs et les juges judiciaires. On a un ordre
administratif et un ordre judiciaire. Ce principe de la dualité juridictionnelle découle de la
distinction entre droit public et droit privé qui existe en droit français. On ne retrouve
pas forcément ce système dans tous les Etats, certains Etats ne connaissent pas cette
distinction entre droit public et droit privé. C'est lié à l'histoire de la France. Cette
organisation de la justice française a connu très récemment une réforme, la réforme de la
loi de programmation pour la justice qui couvre une période allant jusqu'en 2022 et qui
est entrée en vigueur le 1er Janvier 2020. Cette réforme a apporté di érents éléments,
elle est notamment venue transformer le premier degré de juridiction de l'ordre judiciaire.

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Entre les deux ordres juridictionnels, il existe une juridiction très particulière, qui est le
tribunal des con its, et qui existe précisément puisqu'il y a une dualité juridictionnelle. Il
est chargé de répartir les litiges entre les deux ordres ou en tout cas de trancher les
con its de répartition entre les deux ordres. Le Conseil constitutionnel est quant à lui
chargé de contrôler la conformité de la loi à la Constitution. Par conséquent, il est à part.

a) Les juges administratifs

Ce sont ceux qui connaissent des litiges relevant du droit public, c'est-à-dire les litiges
qui opposent les particuliers d'une part, l'Etat et les personnes publiques d'autre part.
Les personnes publiques sont l'administration mais aussi les collectivités territoriales ou
les établissements publics comme l’université.

Il y a trois ressorts au sein de l'ordre administratif. On distingue les tribunaux


administratifs, les cours administratives d'appel et au sommet de l'ordre administratif on
trouve le Conseil d'Etat.


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—> Les tribunaux administratif

Ils sont juges de droit commun, c'est-à-dire qu'ils sont en principe compétents sauf
quand un texte spécial attribue le litige à une autre juridiction. Donc si on a un problème
de droit public, de droit administratif, c'est d'abord le tribunal administratif qu'il faudra
saisir, c'est lui qui est compétent.

Ils connaissent des actes et des contrats administratifs qui sont faits par une autorité
publique située dans leur ressort territorial. Ils connaissent également des dommages
causés par l'activité des services publiques. Ces tribunaux administratifs jugent en
premier ressort, c'est-à-dire que leurs jugements sont susceptibles d'appel. Le président
du tribunal administratif sera par ailleurs juge de l'urgence, juge des référés, il pourra être
saisi en urgence.

En France, il existe quarante-deux tribunaux administratifs, trente-et-un sont situés en


métropole et onze sont situés en outre-mer.

—> Les cours administratives d’appel

Les jugements du tribunal administratif sont susceptibles d'être frappés d'appel. Il existe
des cours administratives d'appel. Elles ont été créées relativement récemment par une
loi du 31 décembre 1987, alors que les tribunaux administratifs sont hérités des
anciennes préfectures et datent du XIX° siècle. Les cours administratives d'appel sont au
nombre de huit et elles ont été créées en 1987 avec une entrée en vigueur le 1er janvier
1989. Ces cours administratives d'appel ont été créées pour permettre une voie d'appel
et pour alléger le stock d'a aires qui incombaient notamment au Conseil d’Etat.

Les cours administratives d'appel sont compétentes pour statuer sur les appels qui sont
formés contre les jugements des tribunaux administratifs à l'exception de certains
recours qui seront formés devant le Conseil d'Etat de manière directe. Les arrêts rendus
par la cour d'appel peuvent alors être déférés au Conseil d'Etat par voie du recours en
cassation. On parle de recours en cassation même si ce recours se fait devant le Conseil
d'Etat. Attention, ne pas confondre le recours en cassation avec le recours à la Cour de
cassation. Ici, c'est le nom de la voie de recours qui s'opère devant la juridiction suprême
de l'ordre administratif, c'est-à-dire le Conseil d'Etat. Mais pour l'ordre judiciaire, il existe
des recours en cassation devant la Cour de cassation.

—> Le Conseil d’Etat

La plus haute juridiction de l'ordre administratif est le Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat est
la juridiction suprême. Elle est particulière puisque c'est un organisme qui a une double
fonction, à la fois une fonction de conseil et une fonction de contentieux.


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Sa fonction de conseil est d'ailleurs une fonction originelle du Conseil d'Etat, d'ailleurs,
on le voit dans la dénomination du Conseil d'Etat, on ne parle pas de cour d'Etat mais
bien de conseil, puisque le Conseil d'Etat va donner des avis juridiques au
gouvernement sur les projets de loi, d'ordonnance, de décret ou sur toute autre
question de droit. A l'origine, le Conseil d'Etat était exclusivement un conseil de l'Etat,
du chef de l'Etat, et notamment un conseil de Napoléon.

La fonction de contentieux est une fonction que le Conseil d'Etat va développer, c'est-à-
dire que le Conseil d'Etat va exercer une fonction juridictionnelle, c'est lui qui va
trancher les litiges en matière administrative. En ce sens, le Conseil d'Etat va juger un
certain nombre de litiges, de contentieux. Auparavant il était seul ou accompagné des
tribunaux administratifs, depuis il y a le ressors de l'appel à travers les cours
administratifs d'appel. Mais le Conseil d'Etat continue d'être juge en premier et dernier
ressort, c'est-à-dire qu'il va être saisi directement, notamment pour traiter les demandes
d'annulation des décrets et des arrêtés ministériels. Lorsqu'on attaque un décret ou un
arrêté ministériel, ce ne sera pas le tribunal administratif à proximité qui va trancher mais
ce sera directement le Conseil d'Etat. Ce contentieux de l'annulation est ce qu'on appel
le recours pour excès de pouvoir.

Le Conseil d'Etat peut aussi faire o ce de juge d'appel. Dans certains cas, il va être juge
des jugements du tribunal administratif qui vont échapper à la compétence de la cour
administrative d'appel. Ça existe notamment pour les élections, les élections municipales
ou cantonales, ce sont des contentieux qui sont connus par le tribunal administratif mais
qui peuvent être susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat.

Le Conseil d'Etat est surtout juge en cassation des arrêts des cours administratives
d'appel. Mais pas seulement, il est aussi juge des arrêts des juridictions administratives
spécialisées, notamment la Cour des comptes par exemple qui est compétente pour
juger les comptes des comptables publics. Le Conseil d'Etat va se prononcer en
cassation sur les arrêts des cours administratives d'appel. C'est le dernier ressort en
matière administrative. Si on épuise toutes les voies de recours et qu'on arrive au
sommet de l'ordre administratif, on a épuisé toutes les voies de recours en droit interne.
Cependant, il existe des juridictions européennes qui peuvent être saisies une fois que les
voies de recours internes ont été épuisées.

b) Les juges judiciaires

Les juges judiciaires sont ceux qui tranchent les litiges qui relèvent du droit privé, ceux
qui concernent les particuliers, les personnes privées mais aussi dans certains cas les
personnes publiques lorsque ces personnes agissent comme des particuliers. Dans
certains cas, l'Etat et certaines personnes publiques vont agir comme s'ils étaient des
particuliers. Dans ce cas, le litige sera tranché devant l'ordre judiciaire. C'est le cas
notamment lorsqu'un véhicule de l'administration provoque un accident et le contentieux

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de la réparation des dommages qui sont causés par les véhicules de l'administration
relèvent de l'ordre judiciaire.

Au sein de cet ordre judiciaire, on va distinguer entre les juridictions civiles et les
juridictions pénales ou répressives.

—> Tribunaux judiciaires

Parmi les juges civils, jusqu'à présent, il y avait une organisation de la justice française
qui a été fortement modi ée, réformée. Jusqu'à présent existaient au premier degré le
Tribunal de grande instance et le Tribunal d'instance. Cette organisation a été
réformée par la loi de programmation et de réforme pour la justice. Cette loi prévue pour
la période 2018-2022, a été publiée en mars 2019 et son objectif était de réformer
l'organisation de la justice française et d'o rir une justice plus rapide, plus e cace et plus
moderne au service des justiciables. Cette loi a entrainé la fusion des tribunaux
d'instance et des tribunaux de grande instance pour que les justiciables n'aient plus
à se demander quel tribunal ils doivent saisir. Cette fusion est administratif, c'est-à-
dire que tous les sites sont maintenus dans l'étendue de leurs compétences, donc le
tribunal conserve ses compétences, ses juges, ses contentieux, les litiges du quotidien.
Mais pour faciliter les choses au justiciable, au citoyen qui saisit la justice, on a fusionné
tribunaux d'instance et tribunaux de grande instance. On va les fusionner et on va créer à
la place le tribunal judiciaire qui est en place depuis le 1er janvier 2020. A présent, on ne
parle plus de TGI et de TI, on parle de Tribunal judiciaire. De plus, il existe maintenant un
tribunal de proximité, ce sont les tribunaux d'instance qui ont été transformés en
quelque sorte en tribunal de proximité.

Le tribunal judiciaire est entièrement compétent, c'est lui qui reprend les
compétences du tribunal de grande instance et du tribunal d'instance. Auparavant,
selon le montant d'un litige, on saisissait soit le TGI soit le TI. Désormais, il n'y a plus à ce
soucier de cette évaluation, c'est le tribunal judiciaire qui est compétent quelque soit le
montant du litige. Attention, il est compétent chaque fois que le litige n'est pas con é à
un tribunal spécialisé. Il existe d'autres juridictions qui ont des compétences spécialisées
dans certains contentieux. Donc pour certaines matières, le tribunal judiciaire est seul
compétent. Mais dans le cadre même du tribunal judiciaire, il y a des a aires qui sont
con ées à des juges spécialisés, par exemple, le juge des a aires familiales, le juge des
contentieux de la protection. Il peut être compétent de manière exclusive. C'est le cas
pour les actions en responsabilité médicale, en responsabilité qui sont liées à une
construction immobilière par exemple.

S'il y a plusieurs tribunaux judiciaires dans un même département, les tribunaux


judiciaires pourront être spécialisés pour des a aires complexes ou qui comportent un
grand nombre de parties.


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Le tribunal d'instance qui est situé dans une commune di érente du tribunal de grande
instance devient un tribunal de proximité. En réalité, il devient une chambre détachée du
tribunal judiciaire que l'on va nommer tribunal de proximité. Le tribunal de proximité a un
périmètre d'attribution proche de l'ancien tribunal d'instance, même si un certain nombre
de compétences qui relevaient auparavant du TI ont été attribuées au tribunal judiciaire,
comme le contentieux des élections professionnelles ou le contentieux du travail des
marins.

La loi de programmation et de réforme de la justice a entrainé d'autres modi cations. Elle


a créé les pôles spécialisés dans les départements qui ont plusieurs TGI. Elle a permis la
création d'un parquet national anti-terroriste. Donc l'idée est d'avoir une équipe renforcée
de magistrats et de fonctionnaires qui seront consacrés à cette lutte contre le terrorisme.
Elle a créé également un juge spécialisé dans l'indemnisation des victimes du terrorisme.

—> Tribunal de commerce

Au côté du tribunal judiciaire, il existe des juridictions qui ont des contentieux plus
spécialisés. C'est le cas du tribunal de commerce. Les tribunaux de commerce sont des
juridictions d'exception qui sont composées de juges qui ont pour particularité d'être des
commerçants eux-mêmes. Ce sont des commerçants élus par d'autres commerçants.
Donc il est composé de juge qui ne sont pas professionnels, ce ne sont pas des
magistrats sortis de l'ENM. Ce sont des juges qu'on appelle consulaires, des juges
bénévoles qui ne sont pas rémunérés. La compétence du tribunal de commerce
concerne les litiges entre commerçants mais aussi les litiges qui portent sur les actes de
commerce entre les entreprises ou entre les personnes. Le tribunal de commerce est
aussi compétent pour les actions entre associés de sociétés commerciales et pour tout
ce qui relève de la procédure collective qui est une procédure de liquidation, de
redressement judiciaire d'un commerce (faillite).

—> Conseil de Prud’hommes

Là encore, ce sont des juridictions d'exception, composées de conseillers qu'on appelle


les prud'hommes qui sont élus pour moitié par les employeurs et pour moitié par les
salariés. Sa compétence est la compétence de conciliation dans le domaine du
travail. A défaut de conciliation, le conseil va juger les di érents qui sont relatifs aux
contrats de travail entre employeurs et salariés, c'est-à-dire les litiges sur les salaires,
les licenciements, etc.

Il existe d'autres juridictions, certaines ont disparu à la faveur de la réforme de la loi de


programmation de la justice. Il existe des tribunaux paritaires des baux ruraux, c'est-à-
dire lorsqu'un propriétaire agricole met à disposition d'un exploitant agricole des terres ou

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des bâtiments en vue de les exploiter en contrepartie d'un loyer ou d'une récolte. C'est
une sorte de location mais dans le domaine agricole.

Il existait également les tribunaux des a aires de sécurité sociale. Ce sont des juridictions
d'exception présidées par un juge qui provenait du tribunal de grande instance. Ces
tribunaux étaient compétents pour trancher les litiges en matière de sécurité sociale,
donc les litiges concernant les cotisations, les maladies professionnelles, les accidents
du travail. Depuis le 1er janvier 2019, le contentieux social réparti entre les tribunaux de
sécurité sociale mais aussi d'autres juridictions, les tribunaux des contentieux de
l'incapacité, les commissions départementales d'aide sociale, tout cela a été fusionné et
transféré aux tribunaux de grande instance qui sont devenus les tribunaux judiciaires.

A noter que depuis le 27 mai 2019, tout justiciable qui a consenti à échanger par voie
dématérialisée avec les juridictions peut consulter, à partir d'un espace personnel
sécurisé, l'état d'avancement de sa procédure civile. Il peut consulter et télécharger des
documents comme les avis, les convocations, les récépissés qui jusqu'à maintenant
étaient envoyés par la voie postale. Le justiciable reçoit aussi des rappels de convocation
par SMS quelques jours avant son audience. Donc ici, on a une organisation procédurale
qui passe par la voie numérique, la dématérialisation d'un certain nombre de procédures.

c) Les juridictions pénales ou répressives

En droit commun, les juridictions de premier degré sont les tribunaux de police. A la
base, les tribunaux de police sont une formation du tribunal d'instance mais depuis la loi
de modernisation de la justice, ces juridictions ont été transférées au tribunal de grande
instance. Donc on a transféré les compétences pour juger les contraventions de
cinquième classe.

Il faut savoir que le Code pénal distingue de cinq classes de contravention selon la
gravité de la sanction qui leur est appliquée. Les contraventions sont les infractions
pénales les moins graves comme le tapage nocturne ou les coups et blessures légers par
exemple.

C'est le tribunal de police qui va juger les contraventions des cinq classes : violences
légères, blessures involontaires, abandons de véhicule ou d'ordures, destruction d'un
animal domestique…

Auparavant, il existait des juridictions de proximité mais ces juridictions ont été
supprimées par la loi de 2011 sur la répartition des contentieux. Finalement, on a voulu
transférer des tribunaux de police vers le tribunal de grande instance pour permettre de
créer un véritable bloc de compétences en matière pénale, donc créer un véritable pôle
pénal et simpli er l'organisation des juridictions répressives. L'objectif de la réforme était

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de recentrer les tribunaux d'instance sur la justice civile du quotidien et centraliser le
contentieux pénal au niveau du tribunal de grande instance.

Il existe également les tribunaux correctionnels. Là encore, c'est une formation du


tribunal de grande instance devenu tribunal judiciaire qui est compétente cette fois pour
juger les délits, c'est-à-dire les infractions qui sont sanctionnées d'une peine
d'emprisonnement de dix ans au plus ou d'une amende. Cela concerne les vols, les
escroqueries, l'abus de con ance, les violences volontaires, les infractions les plus graves
au code de la route. Le tribunal correctionnel n'est pas compétent pour les
contraventions de cinquième classe, il va juger les délits. Il va juger les délits commis par
des personnes majeures. Il peut prononcer des peines qui vont jusqu'à dix ans
d'emprisonnement mais aussi des peines alternatives à l'emprisonnement comme des
travaux d'intérêt général ou un stage de citoyenneté. Il peut imposer des amendes ou des
peines complémentaires comme l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou
encore le retrait d'un permis. Dans le cadre de ce tribunal correctionnel, certains juges
vont avoir une fonction spécialisée. Par exemple, c'est le juge de l'application des peines
qui va surveiller l'exécution des peines, les mesures de libération ou encore le juge
délégué aux victimes qui va guider la victime dans ses recours, veiller à l'indemnisation
de la victime par le condamné.

Parmi les juridictions répressives, on relève aussi l'existence des cours d'assises qui sont
des juridictions non permanentes à la di érence du tribunal correctionnel ou du tribunal
de police, c'est-à-dire qu'elles vont tenir des sessions, des assises. Elles sont
compétentes pour juger les crimes, c'est-à-dire les infractions sanctionnées d'une peine
au moins égale à dix ans de réclusion (meurtres, assassinats, viols, vols avec violence ou
avec armes ou en bande organisée). La cour d'assises siège également en formation de
cour d'assises des mineurs quand il s'agit de crimes commis par des mineurs de plus de
seize ans, sinon, c'est le tribunal pour enfants qui va juger les crimes commis par des
enfants de moins de seize ans. Certains crimes relatifs aux crimes terroristes, militaires ou
tra cs de drogue sont jugés par une cour d'assisses spéciale. La particularité des cours
d'assises est qu'elles sont composées de jurés qui sont en réalité des citoyens tirés au
sort ainsi que de magistrats professionnels. Il y a six jurés et neuf en appel. Ces cours
d'assises siègent au chef lieu de chaque département. Il faut préciser que depuis la
réforme pour la justice, il y a eu la création d'un tribunal criminel départemental pour juger
les crimes punis de quinze à vingt ans. Ces tribunaux sont composés de cinq magistrats
et ils ne comprennent pas de jurés populaires. C'est une expérimentation qui a lieu
depuis le 1er septembre 2019. Si c'est un succès, elle a vocation à être généralisée.
L'arrêté du 2 juillet 2020 a d'ailleurs autorisé l'extension de cette expérimentation dans
plusieurs départements. L'expérimentation est menée pour une durée de trois ans,
jusqu'au 1er janvier 2022. Donc ici, on a la création de tribunaux criminels
départementaux sans la présence de jurés populaires comme dans le cadre des cours
d'assises. L'intérêt de cette réforme était de rendre la justice pénale plus accessible aux
victimes. En cela, la réforme s'est accompagnée d'un certain nombre de possibilités

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procédurales (développer les démarche en ligne). L'objectif était de simpli er le travail
des acteurs de la procédure pénale en supprimant certaines formalités, expérimenter
cette cour criminelle départementale pour juger à la place de la cour d'assises.

Il existe donc des juridictions d'instruction, mais aussi des juridictions de jugement, il
existe des juridictions spéciales pour les mineurs, le tribunal pour enfants et la cour
d'assises des mineurs.


Tout en haut de l'ordre judiciaire, on retrouve la Cour de cassation qui est la juridiction
suprême de l'ordre judiciaire, que ce soit pour les juridictions civiles ou pour les
juridictions pénales. Sa mission est d'assurer l'unité dans l'interprétation de la règle de
droit. Elle est composée de di érentes chambres : chambre sociale, chambre
commerciale, chambres civiles et chambre criminelle.

Le tribunal des con its est une spéci cité française puisqu'il existe un ordre administratif
et un ordre judiciaire. Lorsqu'on n'est pas sûr de savoir qui est compétent, c'est le
tribunal des con its qui sera chargé de déterminer quel est l'ordre qui sera compétent.
L'idée de la création de ce tribunal des con its est à l'origine de protéger l'administration
contre les empiètements de l'ordre judiciaire. Cette juridiction est composée à parité
de magistrats administratifs et de magistrats judiciaires. Mais le tribunal des con its
se réunit généralement au Conseil d'Etat. C'est une des raisons pour lesquelles on
rattache le tribunal des con its plutôt qu'à l'ordre administratif.

L'idée est que parfois on saisit le tribunal judiciaire pour un contentieux, le tribunal va se
considérer comme incompétent. Il va estimer que ça ne relève pas de sa compétence
mais plutôt de celle du tribunal administratif. Donc, on va saisir le tribunal administratif. Là
encore, le tribunal administratif va estimer qu'il n'est pas forcément compétent, que cela
relève plutôt du tribunal judiciaire. Alors, la juridiction qui est saisie en second va saisir
directement le tribunal des con its pour qu'il tranche ce litige, pour qu'il tranche la
répartition des compétences et va attribuer la compétence à l'ordre administratif ou à
l'ordre judiciaire. Donc c'est un élément de complexité supplémentaire qu'en tant que
justiciable, on est censé saisir un juge, on n'est pas censé savoir si cela revient de l'ordre
judiciaire ou administratif.

Cependant, il y a des modalités qui sont prévues pour éviter de faire un va et vient entre
les deux ordres judiciaires. C'est aussi le rôle de notre conseiller juridique de nous diriger
vers la bonne juridiction. Parmi les procédures qui sont prévues, il y a le fait de faire en
sorte que la juridiction qui est saisie en second, si elle estime qu'elle est elle-même
incompétente, c'est à elle de saisir le tribunal des con its et n'ont pas de renvoyer le
justiciable à saisir le tribunal des con its.


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2. Le rôle créateur de la jurisprudence

En France, la jurisprudence a une place qui est particulière, elle a une place qui est un
héritage de l'histoire de l'Etat français et notamment de la conception de la séparation
des pouvoirs. Du fait de la séparation des pouvoirs en France et de la mé ance envers ce
qu'on appelait les parlements sous l'Ancien régime qui se comportaient en législateur, le
Code civil a prévu une disposition selon laquelle il est défendu au juge de se prononcer
par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises.
Cela veut dire que le juge ne doit pas faire o ce de législateur, le juge n'a pas le
droit d'annoncer que désormais, dans tel type de litige, il rendra toujours telle
décision et ne peut en quelque sorte élaborer de règle législative, de règle de droit.
Ce serait une atteinte à la séparation des pouvoirs. Seul le législateur légifère. Donc c'est
une réaction du Code civil contre une pratique qui avait été adoptée par les parlements
sous l'Ancien régime qui consistait à rendre des arrêts de règlements, c'est-à-dire qu'ils
décidaient que telle question serait tranchée dans tel ou tel sens. Donc, en décidant qu'à
l'avenir, il rendrait telle décision de justice dans tel ou tel sens, nalement, les parlements
sous l'Ancien régime faisaient o ce de législateur.

L'autorité relative de la chose jugée est un principe qui vient accompagner ces limites
de la jurisprudence. En France, les décisions de justice ont une autorité relative de la
chose jugée. L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du
jugement (art. 1365 du Code civil). Quand un litige est tranché dé nitivement parce que
les voies de recours sont épuisées, que les délais de recours ont expirés, on estime que
la décision a autorité de la chose jugée, c'est-à-dire qu'elle doit être tenue pour vérité.
L'idée de ce principe est la nécessité de mettre un terme au litige. A un moment donné, il
faut nir les procédures juridictionnelles et on met un terme au litige, on va éviter les
contrariétés de jugement. Cela signi e qu'une fois qu'une décision de justice a été
rendue, il est interdit de recommencer un procès qui est exactement identique au
précédent, c'est-à-dire qui va opposer les mêmes parties sur le même objet et pour la
même cause. C'est la règle de la triple identité. Bien sûr, si l'on n'est pas satisfait de la
décision, on peut faire appel, on peut se pourvoir en cassation, mais une fois que ces
voies de recours ont été épuisées, la décision a autorité de chose jugée. Mais cette
autorité de la chose jugée est relative, cela signi e que la solution donnée par un
jugement ne vaut que pour l'espèce jugée et elle ne s'impose ni au même juge dans une
espèce qui est semblable, ni aux autres juges, ni aux autres justiciables. Donc ce n'est
pas parce qu'un juge a rendu une décision dans telle a aire que le lendemain, saisi d'une
a aire qui ressemble à celle qu'il a jugé, il va rendre forcément la même décision de
justice. Il ne va pas pouvoir dire qu'à l'avenir, dans tous les cas qui ressemblent à la
solution qu'il a prise en compte, il va juger de la même manière. La relativité de la chose
jugée est l'idée qu'une solution donnée par un jugement ne vaut que pour l'espèce
qui a été jugée, elle ne s'impose ni au même juge dans une espèce semblable, ni
aux autres juges, ni aux autres justiciables. Donc cette autorité de la chose jugée a

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des conséquences, cela signi e que deux juges peuvent interpréter di éremment une
même règle de droit. Un même tribunal peut aussi se déjuger. C'est ce qui explique qu'il
peut exister des revirement de jurisprudence. Les juges ne sont pas liés par des
décisions antérieures rendues par eux-mêmes ou par d’autres juridictions, mêmes
supérieures.

Donc la jurisprudence vient avec un certain nombre de limites qui découlent de la


conception de la séparation des pouvoirs en France, cette autorité relative de la chose
jugée est l'idée selon laquelle le juge ne doit pas faire o ce de législateur. Mais il est vrai
que la jurisprudence a tout de même un rôle créateur puisque l'interprétation de la loi
est créatrice en pratique. Le juge doit appliquer la loi (règle générale) à un cas
particulier. Cette application suppose une adaptation ou une interprétation de la loi qu'il
vient ajouter à celle-ci. L'interprétation est créatrice si le juge doit préciser la loi quand
elle ne dé nit pas un terme par exemple, quand elle utilise une notion vague, quand son
sens n'est pas évident. Parfois, la loi ne régit pas certains rapports de droit, par exemple,
le droit de relation de voisinage est largement passé sous silence dans le cadre de la loi ;
lorsque la loi n'exprime pas formellement un principe. Le juge peut faire oeuvre de
création lorsqu'il doit adapter la loi à l'évolution des faits, lorsque les textes existants ne
répondent plus forcément aux besoins sociaux, ça a été le cas lorsqu'on a découvert un
régime de responsabilité du fait des choses qu'on a sous sa garde. Ce n'est pas une
responsabilité pour faute mais on va tout de même avoir un mécanisme de responsabilité
pour les choses qui sont sous notre garde. Adapter la loi à l'évolution des faits, c'est
aussi, dans certains cas, lorsque l'intervention croissante de l'Etat va justi er un régime
spécial, ça a été le cas pour dégager un régime de responsabilité de la puissance
publique qui sera di érent de celui du régime de responsabilité civile. En tout état de
cause, le juge a l'obligation de juger. C'est l'interdiction qui existe en France du déni de
justice (art. 4 du Code civil) : "Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de
l'obscurité ou de l'insu sance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de
justice". Donc lorsque la loi est muette, obscure ou incomplète, le juge ne doit pas refuser
de statuer pour éviter que l'individu dont le droit est lésé ne veuille se faire justice à lui-
même. Le juge doit donc rendre une décision pour trancher le litige.

Donc, la jurisprudence a forcément un rôle créateur même s'il y a des limites au rôle de la
jurisprudence, notamment le principe de l'autorité relative de la chose jugée.

E. La doctrine

La doctrine est l'ensemble des opinions sur le droit que les auteurs publient dans leurs
ouvrages. Il s'agit d'une autorité plus qu'une source du droit. Son rôle est de critiquer, de
souligner les lacunes du droit, ses imperfections, proposer des réformes, orienter une
décision, etc.


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II. Les sources internationales et européennes

A. Les sources internationales

Les traités internationaux ou conventions, pactes ou chartes, sont des accords qui sont
conclus entre des Etats souverains et qui viennent déterminer des règles applicables. Ces
accords peuvent porter sur les rapports des Etats entre eux, c'est le cas par exemple
pour un traité de coopération militaire, ou ils peuvent porter sur des relations entre
personnes privées, c'est le cas par exemple d'accords internationaux sur les régimes du
transport par la mer ou par l'air.

Ils sont classés en di érents types. On peut les classer suivant le nombre d'Etats
contractants. Il existe des traités bilatéraux, traités conclus entre deux Etats, souvent
relatifs au commerce (droit d'exercer le commerce dans tel ou tel pays) ou encore relatifs
à la scalité (destinés à éviter les doubles impositions) ou relatifs au droit de douane
(échange commercial). Il existe aussi des traités dits multilatéraux conclus entre plusieurs
Etats ou conclus entre des Etats et des organisations internationales. Ces traités
multilatéraux ont plusieurs objets : souvent économique (ex : création du fond monétaire
international), politique (ex : création de l'ONU par la charte des Nations Unies adoptée
en 1945). Il peut s'agir aussi d'accords relatifs aux Droits de l'Homme comme la
Convention Européenne des Droits de l'Homme.

On peut les classer également selon leur contenu. Il existe des traités qui portent loi
uniforme, qui viennent uni er les règles applicables à une question donnée. C'est
par exemple le cas de la Convention de Vienne de 1980 sur la vente internationale des
marchandises. Donc il existe des traités portant uni cation internationale, c'est-à-dire
qui viennent uni er les règles applicables à une question dans les relations
internationales. Mais il existe des traités qui vont uni er certaines règles applicables
dans les relations internes à chaque Etat, aussi bien que dans les relations
internationales. C'est ce qu'on appelle des traités qui portent loi uniforme. Le traité fait
l'objet d'une négociation par les représentants des Etats, puis il fait l'objet d'une
signature. Cela relève généralement de la compétence du pouvoir exécutif. Le traité est
ensuite rati é. La rati cation est l'acte qui fait naitre l'engagement de l'Etat à respecter le
traité.

En France, c'est le Président de la République qui rati e les traités. Mais lorsque le traité
modi e une loi, la rati cation ne peut intervenir qu'après autorisation par une loi
votée par le Parlement. Les traités peuvent être soumis au Conseil constitutionnel.
L'objectif sera de contrôler la conformité du traité à la Constitution. Si le traité est
contraire à la Constitution, cela veut dire que sa rati cation ne peut intervenir
qu'après modi cation de la Constitution.

Le traité est publié au Journal O ciel de la République française.



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Dans la hiérarchie des normes, on constate une supériorité du traité à la loi. Cela signi e
qu'un accord international, un traité qui est régulièrement rati é et publié, a une autorité
supérieure à celle des lois. C'est prévu par l'article 55 de la Constitution. Cela concerne
les lois antérieures mais également les lois postérieures. Donc si une loi est adoptée
postérieurement à l'adoption d'un traité, elle sera considérée comme inconventionnelle,
c’est à dire contraire aux accords internationaux. Les juges ordinaires, juges
administratifs et judiciaires, véri ent que les lois respectent bien les accords
internationaux. C'est le contrôle de conventionnalité que la Cour de cassation exerce
depuis un arrêt Société des Cafés Jacques Vabre du 24 mai 1975. Le Conseil d'Etat
exerce ce contrôle de conventionnalité, c'est-à-dire la conformité des lois aux accords
internationaux depuis un arrêt Nicolo du 26 octobre 1989. Par ces deux arrêts, les juges
suprêmes de l'ordre judiciaire et de l'ordre administratif contrôlent la conformité d'une loi
à un accord international. Mais ces accords internationaux ne sont pas supérieurs aux
dispositions de valeur constitutionnelle. Donc les juges ordinaires font prévaloir la
Constitution par rapport aux accords internationaux. C'est un arrêt Fraisse de la Cour
de cassation de 2000 et un arrêt Sarran du Conseil d'Etat de 1998.

Donc les juges ordinaires, les tribunaux, doivent interpréter les traités et les faire
respecter y compris par rapport à la loi.

B. Les sources européennes

Dans la hiérarchie des normes, les sources européennes font parties du bloc
conventionnel. Mais on va distinguer parmi ces sources européennes entre le droit de
l'Union Européenne et le droit du Conseil de l'Europe.

1. Le droit de l’Union Européenne

Le droit de l'Union Européenne est historiquement le droit qui a été créé par les
Communautés Européennes. Les Communautés Européennes sont la création de
Communauté du Charbon et de l'Acier (CECA) qui a été instituée en 1952. Ensuite, c'est
la création de la Communauté Economique Européenne (CEE) et la Communauté
Européenne de l'énergie atomique (CEEA) qu'on a appelé Euratom. La CEE et Euratom
ont été instituées par les traités de Rome de 1957 entrées en vigueur en 1958. La CECA a
été instituée par le traité de Paris de 1951 et est entrée en vigueur en 1952.

Ces communautés européennes ont évolué et depuis le traité de Lisbonne de 2009,


on ne parle plus de Communautés Européennes ni de droit communautaire, on
parle plutôt d'Union Européenne.

L'Union Européenne est une organisation régionale d'intégration, c'est-à-dire qu'elle


met en place des institutions supra-nationales. C'est institutions vont être compétentes

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dans certaines matières que les Etats auront transférées à l'organisation. Donc cette
organisation concerne plusieurs matières : les transports, l'environnement, la scalité, la
pêche, la libre circulation des personnes, des marchandises, des services. Mais l'Union
Européenne a des compétences qu'elle exerce de manière exclusive, c'est le cas dans le
domaine douanier, dans le domaine de la politique commerciale, et puis d'autres
compétences qui restent partagées avec les Etats ou que les Etats conservent. Donc
toutes les compétences n'ont pas été transférées à l'Union Européenne.

Mais ce droit européen est un droit qui va s'appliquer dans de nombreux domaines au
quotidien y compris dans l'ordre juridique interne. C'est pour cela qu'on parle
d'organisations régionales d'intégration, c'est un droit qui va s'imposer au droit interne.
D'abord, les traités européens s'imposent, c'est ce qu'on appelle le droit primaire ou
originaire. Le traité sur l'Union Européenne, sur le fonctionnement de l'Union
Européenne, ce sont les traités européens et ils s'imposent, ils ont une valeur
supérieure au droit national. C'est ce qu'on appelle le principe de primauté.

Évidemment, la Constitution contient des dispositions qui viennent dire qu'il faut
respecter le droit européen. Donc, en respectant le droit européen, on ne viole pas la
Constitution. Finalement, la Constitution elle-même prescrit la nécessité de respecter le
droit européen. Mais le Conseil constitutionnel a estimé que le droit européen s'applique
avec supériorité mais qu'il ne doit pas aller à l'encontre d'une règle ou d'un principe
inhérent à l'identité constitutionnelle de la France. En faisant cela, le Conseil
constitutionnel réa rme que la Constitution reste supérieure à ce droit européen dès lors
qu'il vient porter atteinte à un principe qui est inhérent à l'identité constitutionnelle de la
France. C'est ce qu'a décidé le Conseil constitutionnel dans une décision de 2006 en
contrôlant la loi relative au droit d'auteur. Mais en réalité, cette réserve n'aura pas
vocation à être appliquée au quotidien, ce qui signi e qu'en réalité, le droit européen
vient primer sur le droit français. Donc aujourd'hui, dans un certain nombre de
domaines, ce n'est pas le droit français qu'on applique mais le droit européen, les règles
qui nous viennent de l'Union Européenne. C'est aussi en ce sens que c'est une
organisation d'intégration. Donc le droit des traités s'applique en droit interne sur le
fondement du principe de la primauté, c'est-à-dire que tant qu'il n'y a pas contradiction
entre droit national et droit européen, on applique les règles de droit national. En
revanche, dès qu'il y a un con it entre le droit national et le droit européen, on va
appliquer la règle de droit européen.

Donc on va appliquer les traités mais on doit aussi respecter le droit dit dérivé des traités.
Le droit dérivé des traités est le droit qui est édicté au quotidien par les institutions
européennes. Ces normes de droit dérivé émanent de la Commission européenne qui a
l'initiative des textes, mais elles émanent surtout du Conseil de l'Union Européenne et du
Parlement européen qui exercent de manière ordinaire le pouvoir de décision. Donc le
Conseil de l'Union Européenne est composé des ministres de l'UE, des Etats membres

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de l'UE et le Parlement est composé des représentants élus par des élections, au
su rage universel direct par les citoyens européens. Ces deux institutions adoptent au
quotidien des règlements européens, des directives européennes et des décisions. Ce
sont des instruments juridiques importants.

Le règlement européen est une disposition de portée générale, obligatoire dans tous
ses éléments et directement applicable dans tout Etat membre. Toute personne peut
d'ailleurs invoquer un règlement de l'Union Européenne soit à l'encontre des institutions
européennes, soit lors d'un litige entre particuliers. Par exemple, on a le règlement
général sur la protection des données personnelles (RGPD). C'est grâce à ce règlement
qu'aujourd'hui lorsqu'on clique sur un site on doit consentir à la collecte de nos données
personnelles. Les règlements sont des actes importants au sein de l'Union
Européenne et qui viennent donc s'imposer au droit français.

Les directives sont des dispositions qui lient les Etats membres de l'union quant aux
résultats à atteindre tout en laissant aux instances nationales la compétence quant
à la forme et au moyen. Donc il y a une obligation de résultat mais il y a une marge de
manoeuvre quant aux moyens utilisés pour mettre en oeuvre cette directive. Une directive
doit donc à la di érence du règlement être transposée, c'est-à-dire que l'Etat doit prendre
des mesures nationales pour mettre en oeuvre dans son ordre juridique les dispositions
de la directive. Cette directive prévoit d'ailleurs un délai pendant lequel l'Etat peut mettre
en place ces mesures pour venir transposer cette directive. La directive peut être
invoquée mais elle peut l'être partiellement par les personnes devant une juridiction
nationale. Le juge doit de toute façon interpréter la législation nationale de manière
conforme à une directive. On a par exemple la directive sur la réduction des plastiques à
usage unique qui est un texte pour venir réduire l'utilisation du plastique dans les Etats
membres de l'Union Européenne.

Les décisions sont des actes qui règlent des litiges individuels, des décisions qui
sont obligatoires pour les destinataires mais elles doivent être noti ées aux
destinataires.

Le droit de l'Union Européenne est publié au Journal O ciel des communautés


européennes qui est devenu le Journal o ciel de l'Union Européenne. Ce droit de
l'union s'applique obligatoirement dans l'ordre juridique interne. C'est le principe
d'immédiateté du droit de l'union, c'est-à-dire que les juridictions vont devoir
appliquer ce droit et les particuliers peuvent s'en prévaloir. Ce droit de l'Union
Européenne est aussi applicable en raison du principe de primauté des normes de l'Union
Européenne sur les lois nationales qui leur sont contraires, c'est-à-dire qu'il va falloir
abroger les lois antérieures et ces règles vont s'appliquer aux règles postérieures donc on
ne pourra pas maintenir une loi qui est contraire au droit de l'Union Européenne.


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Le droit de l'Union Européenne est donc un droit qui est fondamental pour le droit
français.

2. Le droit du Conseil de l’Europe

Le droit du Conseil de l'Europe est un droit qui émane de l'organisation régionale de


coopération que constitue le Conseil de l'Europe qui a été fondé en 1949. Si l'Union
Européenne a été fondée sur des objectifs économiques, le Conseil de l'Europe a été
fondé sur le fondement de la sauvegarde et de la promotion des droits de l'Homme et de
la démocratie. Donc son rôle est de sauvegarder et promouvoir les droits de l'Homme et
la démocratie, la prééminence du droit. Dans le cadre du Conseil de l'Europe qui est une
organisation régionale de coopération, c'est-à-dire qu'à la di érence du droit de l'Union
Européenne, toutes les décisions se font à l'unanimité dans le cadre du Conseil de
l'Europe, alors que pour l'Union Européenne, les décisions sont prises à la majorité.

Dans le cadre du Conseil de l'Europe ont été élaborés des traités, notamment la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales, qui a été signée le 4 novembre 1950. C'est un catalogue de droits
fondamentaux qui vient garantir des droits importants comme le droit à la vie, le droit à la
liberté, à l'interdiction de la torture, de l'esclavage, les droits procéduraux, le droit à la
présomption d'innocence, le droit à un procès équitable, à un jugement dans un délai
raisonnable, mais aussi d'autres dispositions comme le droit au respect de la vie privée
ou les libertés de pensée, de conscience, de religion, d'expression, de réunion, de
circulation. Ce droit est donc important puisque la France fait partie du Conseil de
l'Europe et a donc adhéré à la Convention européenne des droits de l'Homme.

La Convention européenne des droits de l'Homme fait l'objet d'un contrôle juridictionnel
par une Cour européenne des droits de l'Homme qui siège à Strasbourg (à ne pas
confondre avec la Cour de jugement européenne au Luxembourg qu'on appelle la Cour
de justice de l'Union Européenne). Elle peut être saisie par un recours individuel, c'est-à-
dire que toute personne qui se plaint d'une violation, par un Etat, des droits de l'Homme,
peut saisir la Cour européenne des droits de l'Homme. Il faut toutefois avoir épuisé au
préalable les voies de recours en droit interne. La Cour européenne des droits de
l'Homme dit donc si l'Etat a violé des droits de l'Homme ou non. Ses arrêts sont
obligatoires, c'est-à-dire que les Etats s'engagent à s'y conformer quand ils sont
condamnés, notamment en modi ant leur droit interne. En ce sens, la Convention
européenne des droits de l'Homme et les condamnations de la Cour ont donné lieu à de
multiples transformations en droit interne en ce qui concerne les droits fondamentaux. On
a eu des réformes de la procédure en matière civile, en matière administrative. Par
exemple, en France, on a tout un système de la garde à vue qui a été réformé pour être
plus compatible avec les droits fondamentaux. Le droit à un procès équitable a donné
lieu à beaucoup de réformes, à beaucoup de modi cations du droit interne. On voit que
c'est une source fondamentale du droit français.


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Section 2 : Les transformations contemporaines du
droit

Plusieurs mouvements de transformation contemporaine du droit peuvent être notés. Ils


conduisent à la nécessité de repenser en profondeur ce qu'est le droit, la hiérarchie
classique de ses sources et comment il peut opérer dans le monde d'aujourd'hui. Nous
en développerons ici quatre, même si un cinquième semble se développer depuis
quelques années : c'est la banalisation des régimes d'exception, le droit est de plus en
plus un droit « d’urgence ».

I. L’internationalisation du droit

La n du XX° siècle a été marquée par une internationalisation accélérée du droit. Il n'est
plus guère de domaine qui échappe à une réglementation ou à un contrôle supranational.
Dans certaines matières, par exemple en droit de l'environnement, c'est plus de 80% de
la réglementation qui est d'origine internationale.

Le droit européen est en particulier de plus en plus prégnant. Cette instauration d'un droit
commun a certes des e ets sur l'institution d'une Union européenne, elle rencontre des
limites. Il est parfois di cile d'accepter une décision supranationale et de provoquer un
sentiment d'appartenance à une communauté.

Les traditions juridiques sont parfois assez éloignées les unes des autres, et leur mixage
imposé par la globalisation donne à voir des transformations dans la production des
normes et l'articulation des sources du droit.

Dans la vision traditionnelle du droit français, qui partage ce point avec les autres cultures
continentales, le droit s'énonce sous forme de règles posées a priori, souvent codi ées,
et qu'il s'agira d'appliquer aux cas particuliers. Dans ce schéma, la méthode est plutôt
déductive, et la gure centrale est celle du souverain législateur qui énonce la règle.

Le processus de globalisation est de plus en plus dominé par les pays de common law
(Royaume-Uni, Etats-Unis ou la plupart des pays du Commonwealth) dans lesquels le
mode de production du droit est di érent. Le droit y est en e et pour l'essentiel un droit
jurisprudentiel, c'est-à-dire un droit casuistique (la jurisprudence se dit en anglais case-
law), et la gure centrale est alors celle du juge. La common law est gouvernée par le
principe du précédent : à la di érence du droit français (interdiction des arrêts de
règlement), les juridictions anglaises sont liées tout à la fois par leurs propres décisions
antérieures, mais aussi par celles rendues par les juridictions qui leur sont supérieures (ce
sont tous les précédents) ; seule la Cour suprême du Royaume-Uni peut procéder à un
revirement de sa propre jurisprudence.


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La seule façon de s'écarter d'un précédent consiste à essayer de "distinguer" (système
des distinctions) : il s'agit de trouver un fait di érent qui justi e d'adopter une solution
di érente du précédent. Pour ne pas rigidi er le système, il est admis que seule la ration
decidendi (c'est-à-dire les motifs décisoires : ceux qui justi ent le prononcé de la
solution) lie les juges ultérieurs et non pas tous les obiter dicta (un obiter dictum est un
motif non décisoire, exprimé par le juge, mais qui n'est pas nécessaire au soutien de la
solution adoptée).

II. La « procéduralisation » du droit

On distingue souvent deux formes de justice : la justice substantielle et la justice


procédurale.

La justice substantielle indique quelle part concrète il faut donner à chacun pour que la
distribution soit juste.

La justice procédurale se e quant à elle une procédure juste pour aboutir à une juste
répartition.

Exemple :

S'agit-il par exemple de partager un gâteau ?

Une règle de justice substantielle énoncerait quelle part chacun doit prendre : il faut
couper le gâteau en autant de parts que de personnes présentes, ou donner aux
enfants une part deux fois plus grosse qu'aux adultes.

Une règle de justice procédurale énoncerait en revanche que celui qui coupe n'est pas
celui qui choisit, ou encore qu'il faut mettre une personne sous la table pour énoncer à
qui reviendra chaque part.

La procéduralisation du droit est prônée par de nombreux philosophes et théoriciens du


droit. Rawls est ainsi classé parmi les partisans d'une justice procédurale car, dans son
système, c'est la procédure juste qui permet de garantir la justice du résultat. On
peut citer encore le philosophe allemand Jürgen Habermas (1929-), gure éminente de
l'Ecole de Francfort, qui propose une théorie de l'agir communicationnel mettant en
oeuvre une éthique de la discussion où la recherche du juste se ferait par la mise en place
d'une procédure de discussion. Il a alors précisé les conditions nécessaires à une
discussion rationnelle (des règles de sémantique ou de syntaxe pour pouvoir se faire
comprendre ou encore des règles de logique pour que la discussion puisse avoir une
certaine rationalité). Quelques objections surviennent cependant : tout le monde aura-t-il
accès à cette discussion, et ce sans distinction notamment sociale ? Une discussion
peut-elle être entièrement rationnelle et tout mettre sur la table, quand on sait ce qu'il en
est de l'insu et de l'inconscient ?


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Dans la tradition de common law, la place de l'action en justice est centrale et
l'attribution d'un droit est subordonnée à l'existence préalable d'une action
("Remedies precede rights", dit le célèbre adage). Les juridictions internationales ont
tendance à se calquer sur ce modèle, où le juge est la source première du droit : le juge
dit le droit et ne se contente pas d'être la bouche de la loi (les arrêts de la Cour de
cassation française sont ainsi rendus explicitement "au nom du peuple français", tandis
que la Cour de justice de l'Union européenne fait précéder sa décision de la formule "dit
pour le droit"). Le juge y est en outre davantage personnalisé puisque, à la di érence du
droit français où, dans les juridictions collégiales, le principe de l'anonymat demeure (la
décision rendue est le fruit de la majorité, et on ne connaît pas l'opinion individuelle de
chaque juge), la tradition de common law autorise l'expression d'opinions dissidentes
(dissenting opinions) : les juges qui sont en désaccord avec l'opinion majoritaire
peuvent annexer à la décision rendue leur opinion divergente (ce que font par
exemple les juges de la Cour européenne des droits de l'Homme). La
personnalisation se voit particulièrement à la Cour suprême des Etats-Unis où la
biographie de chaque juge est disséquée, et ses opinions personnelles sont
analysées et étiquetées, on l'a vu très récemment avec la nomination de Amy
Barrett par le Président D. Trump.

La place croissante prise par la gure du juge doit être analysée par rapport à la
question cruciale du droit qui est celle de sa légitimité : selon leur mode d'élection ou
de nomination, ou encore selon leur représentativité, la légitimité des juges peut être
di érente, même si le risque de "gouvernement des juges" est présent partout.
L'institution de juridictions supranationales pose à cet égard la question de la répartition
des compétences avec les Etats nationaux où la souveraineté populaire s'exprime par le
biais de parlements démocratiquement élus. La soumission de tous les Etats à un
contrôle supranational, notamment sur leur application des droits de l'homme, est sans
aucun doute salutaire. Le système n'est cependant durable que si les juridictions
supranationales n'abusent pas en étendant leurs compétences au-delà de leur légitimité,
et en empiétant ainsi sur des choix politiques relevant des souverainetés nationales.

La procéduralisation est également à l'oeuvre dans l'architecture globale des règles de


droit. Dans le système à la française, l'ensemble des sources est, comme nous l'avons
vu, organisé dans une sorte de pyramide au sein de laquelle la norme inférieure doit
respecter la norme supérieure, même si certaines articulations sont parfois plus
complexes.

En droit anglais, où il n'y a pas de constitution écrite, et où les principes sont découverts
par les juges, il y a moins l'idée de hiérarchie entre les normes et davantage l'idée de
leur nécessaire combinaison. Les règles sont a priori au même niveau, et il s'agit de les
faire coexister en donnant à chacune un domaine d'application propre. Sur ce
modèle, la méthode qui imprègne aujourd'hui les juridictions européennes est alors

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davantage ce que l'on appelle le principe de proportionnalité : le juge décide, au cas par
cas, quel intérêt faire prévaloir. Le vice majeur d'un tel système est qu'en l'absence de
toute règle de hiérarchisation ou d'articulation de ces intérêts, le juge a tout pouvoir pour
décider selon le poids supplémentaire qu'il accordera à un intérêt plutôt qu'à un autre, et
ce en fonction de ses propres préférences. On comprend pourquoi la méthode plaît aux
juges et notamment à la Cour de cassation.

III. La « fondamentalisation » du droit

Ce néologisme est aujourd'hui fréquemment utilisé par les juristes pour évoquer
l'importance croissante des droits et libertés fondamentaux dans l'architecture juridique.

Les premières déclarations de droits et libertés sont anciennes. On peut citer par exemple
la Grande Charte (Magna Carta libertarum) anglaise de 1215, qui contient des droits et
libertés de nature à lutter contre l'arbitraire royale, ou encore le fameux Habeas Corpus
Act de 1979 permettant, toujours en Angleterre, d'éviter les emprisonnements sans
jugement préalable. Plusieurs déclarations des droits de l'homme ont été adoptées au
XVIII° siècle, en particulier la Déclaration d'indépendance des Etats-Unis du 4 juillet 1776,
ou encore la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Toutes ces
déclarations proclament ce qu'on a appelé les droits de l'homme de la première
génération, qui sont des droits civils et politiques : par exemple la liberté et l'égalité, ou
encore la résistance à l'oppression.

Les atrocités de la Seconde Guerre mondiale ont conduit à l'élaboration de déclarations


internationales de droits fondamentaux : la déclaration de Philadelphie du 10 mai 1944, la
Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la Convention européenne de
sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales de 1950 ou encore les
pactes internationaux de 1966. Ces textes contiennent, à côté des droits civils et
politiques classiques, des droits dits de la deuxième génération qui sont des droits
économiques, sociaux et culturels. On a parfois quali é ces droits de "droits-créances"
dans la mesure où, pour être réalisés, ils nécessitent l'intervention de l'Etat comme
débiteur et prestataire de ces droits (c'est cependant aussi le cas de certains autres
droits comme la propriété intellectuelle).

Des droits fondamentaux sont de plus en plus souvent invoqués directement : le


mouvement de fondamentalisation a débuté par la «  constitutionnalisation  » du droit
initiée par la décision du Conseil constitutionnel du 16 juillet 1971 insérant, dans le
bloc de constitutionnalité, des droits et libertés fondamentaux reconnus par le
préambule de la Constitution de 1958. Il s'est poursuivi par l'application directe, de plus
en plus fréquente, de la Convention européenne des droits de l'homme dans les litiges
internes. L'introduction de la QPC ampli e encore le mouvement en permettant
l'invocation dans tout litige de l'argument tiré de la non-conformité d'une loi à des droits
et libertés fondamentaux.


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Dans le moindre litige, le débat peut désormais s'élever (au sens de la hiérarchie des
normes) et chacun des plaideurs va surenchérir en invoquant des droits fondamentaux.
La détermination de la règle applicable ne peut alors plus se faire par une hiérarchisation
purement formelle des normes, comme dans la pyramide traditionnelle, et on en vient à
une mise en balance des intérêts en présence qui conduit à accorder un important
pouvoir politique aux juges. Car si tous les droits sont quali és de "fondamentaux", on
pourrait dire, en paraphrasant Orwell, que les juges, en particulier les juges de l'Union
européenne, considèrent certains (les droits sociaux et culturels) comme moins
fondamentaux que d'autres (les droits du marché).

La globalisation du monde a fait naître l'ambition, louable mais complexe, de vouloir


construire une communauté universelle et un ordre mondial plus juste au moyen de la
reconnaissance et de la distribution universelles de droits de l'homme.

Cet objectif ambitieux suppose cependant une attention aux autres grandes cultures de
ce monde, a n que la "fondamentalisation" du droit ne devienne pas la marque d'un
"fondamentalisme occidental". Parfois les interprétations de la Cour européenne des
droits de l'homme sont considérées comme l'expression d'une conception "occidentale"
de ces droits. La pratique de la torture ou d'autres violations des droits de l'homme par
les pays occidentaux, doublée du refus de se voir juger à la même aune que les autres
pays montrés du doigt, se paye d'un très lourd prix : la délégitimation des droits de
l'homme.

IV. La contractualisation du droit

Une place importante est traditionnellement faite à la notion d'ordre public. Celui-ci
renvoie à l'ensemble des normes et principes soustraits à la volonté individuelle et
qui s'imposent à elle. La notion n'est pas toujours autoritaire, et on admet, à côté d'un
ordre public de direction destiné à protéger les principales valeurs sociales (la famille, la
police, la justice, etc.), un ordre public de protection, permettant de protéger la partie
faible contre la volonté d'une partie plus forte qui chercherait à lui imposer sa loi
(notamment en matière économique et sociale). On parle aussi d'un ordre public social en
droit du travail où l'employeur est autorisé à déroger à certaines règles (par exemple celle
du salaire minimum), mais uniquement en faveur du salarié (par exemple, s'agissant du
salaire, à la hausse et non à la baisse).

Une place plus importante est aujourd'hui laissée aux contrats. Ainsi, en droit de la
famille, le statut et l'impérativité de la loi ont fait place à la prise en compte croissante des
volontés individuelles : divorce par consentement mutuel, choix du nom de famille
transmis à l'enfant, institution d'un couple par un contrat (le pacte civil de solidarité ou
PACS), etc. En matière judiciaire, l'introduction du «  plaider coupable  » (procédure de
« comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité » instituée par la loi du 9 mars
2004) permet dans une certaine mesure au délinquant de négocier sa peine.


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L'action publique elle-même ne se fait plus uniquement sur un mode unilatéral, et une
place est faite à une négociation de la loi. Le Code du travail commence ainsi par un
chapitre préliminaire sur le dialogue social contenant un article L.1 prévoyant que tout
projet de réforme envisagé par le gouvernement qui porte sur les relations de travail, ou
encore l'emploi et la formation professionnelle doit faire l'objet d'une concertation
préalable avec les organisations syndicales. On parle aussi souvent de régulation plus
que de réglementation, ou de gouvernance à la place de gouvernement, pour marquer la
participation des destinataires de la règle à son élaboration. L'Etat se fait encore plus
discret - et l'on parle alors de droit "doux" ou "mou" (soft law disent les Anglo-
Américains) - lorsque les administrés décident eux-mêmes des règles qui leur sont
applicables : les entreprises édictent ainsi, à leur guise, des codes (ou chartes) d'éthique
ou de bonne conduite, et prennent des engagements en matière d'impact social et
environnemental de leur activité (responsabilité sociale des entreprises ou RSE). Ces
engagements unilatéraux sont cependant souvent a chés dans un but purement
publicitaire et commercial, et ressemblent alors à ce que les juristes appellent des
engagements "potestatifs", lesquels dépendent de la seule volonté du débiteur (je suis
obligé si je veux). Les juges devraient alors prendre ces engagements au sérieux, et les
« durcir » en leur redonnant une certaine force juridique.

Le mouvement ne se fait pas seulement sentir dans l'ordre interne. Dans l'ordre
international, la détermination par les juges de la loi applicable laisse place de plus en
plus souvent à un libre choix de leur loi par les parties (ce qu'on appelle la «  loi
d’autonomie »), ce qui conduit à un certain forum shopping (du latin forum, tribunal). Il en
résulte une mise en concurrence des droits nationaux dont on se doute que les
vainqueurs seront les fournisseurs de pavillons ou autres législations scales de
complaisance, plutôt que les législations protectrices des salariés ou des
consommateurs.

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