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Finance islamique en Tunisie :

les préalables au niveau de l’offre et évaluation de la demande


potentielle ?1

Rym AMMAR AYACHI - Université de Sousse

Mehrez BEN SLAMA, EAS- FSEG de Mahdia

Dhafer SAIDANE - Université Lille Nord de France - Skema

Mongi Ben Tkhayat- AMEF Consulting

Introduction

La finance islamique fascine de plus en plus. Au Maghreb, l'ouverture politique aux partis religieux au
Maroc et en Tunisie amplifient cet engouement. Il est vrai que cette finance connaît depuis vingt ans une
expansion considérable. Les experts s’accordent à dire que le marché de la finance islamique mondial
dépasserait aujourd’hui les 1000 milliards de dollars2. D’après Standard&Poor’s, le marché bancaire
islamique mondial serait même et au-dessous de son vrai potentiel qui serait de 4 200 milliards.
L’essor de la finance islamique au Maghreb s’est accompagné par la multiplication limitée des opérateurs et
des institutions islamiques surtout en Algérie et en Tunisie (Albaraka Bank Tunisie, Ezzitouna Bank, Banque
Albaraka Algérie, Banque Assalam, etc…). Celles-ci se sont intégrées dans les systèmes financiers nationaux
et une certaine complémentarité a été instaurée avec les banques conventionnelles pour répondre aux besoins
des marchés sans pour autant toucher aux principes de base de la finance islamique. Mais la mise en place
de solutions islamiques au Maghreb suppose cependant des préalables et une connaissance plus fine de leurs
structures de coûts et de rendements par rapport aux banques conventionnelles.
Portée sur la Tunisie, cette étude essaye d’exposer les préalables à mettre en œuvre pour cibler une
demande potentielle croissante pour la finance islamique. Nous nous proposons de présenter dans un
premier temps les préalables qu’il convient d’observer pour une mise en place efficace de solutions
islamiques. On insistera sur les vides et les flous juridiques notamment vis-à-vis de la clientèle, sur la
nécessité d’approfondir une industrie financière embryonnaire, sur la nécessité de consolider le capital
humain et enfin sur l’encouragement de la recherche académique qui demeure embryonnaire et désorganisée.
Nous analysons dans un second temps, à travers une enquête sur terrain, la demande potentielle de produits
islamiques par les ménages et les entreprises dans les régions tunisiennes.

1. Quels préalables observer ?

1.1 Consolider les vides et les flous juridiques notamment vis-à-vis de la clientèle

1
l'article peut être cité comme suit: Ammar Ayachi, R., Ben Salama, M. , Saidane, D. and Ben Tkhayat, M. ,2012.
Finance islamique en Tunisie: les préalables au niveau de l'offre et évaluation de la demande potentielle. In: the First
Sfax International Forum on Islamic Finance: Islamic Finance and Regional Development, 22-23 June 2012, Tunisia,
organized by Islamic Development Bank, Islamic Research and Training Institute, and University of Sfax.
2
The Banker, Top 500 Islamic Financial Institutions, Nov 2011
1
Pour le cas de la Tunisie, le vide juridique entrave considérablement l'épanouissement de l'industrie de la
finance islamique3. Cela peut donner libre cours à des pratiques non conforme à la Charia et qui nuisent à
cette industrie. Le sentiment de la majorité des observateurs au Maghreb ou en Afrique Subsaharienne est
qu'aujourd'hui les banques islamiques de détail ne proposent pas réellement de "vraies produits islamiques".
Les produits dits islamiques sont en réalité de produits conventionnels "maquillés". Certes, la loi de finance
2012 a introduit en Tunisie les premiers textes officiels en rapport avec les produits financiers islamiques.
Elle a principalement formulé de brèves définitions de certains produits financiers islamiques et harmoniser
le régime fiscal des produits financiers islamiques avec le régime fiscal d’autres produits financiers
classiques. Mais les lois doivent aussi prendre en considération la protection des banques islamiques et celle
de leurs déposants. Il y va de la crédibilité de cette finance.
Pour cette raison, il est nécessaire de réformer le cadre réglementaire, fiscal et comptable en s’inspirant en la
matière des expériences des autres pays (Malaisie, indonésie…).
A. Ecole Asiatique : exemple La Malaisie
En Malaisie, l’histoire de la finance islamique a commencé en 1983 quand les régulateurs et les autorités politiques
ont inauguré un modèle réglementaire spécifique aux banques islamiques. la Malaisie a joué dès lors un rôle pionnier
dans de nombreux domaines : en favorisant les premières émissions de sukuk, en organisant un marché interbancaire
conforme aux normes islamiques (1994, Islamic Interbank Money Market) ou en essayant d’harmoniser les normes
prudentielles et comptables relatives aux banques islamiques (les banques islamiques malaisiennes ont été soumises
dès 2010 aux règles de Bâle II). La Banque Centrale de Malaisie a obtenu le rôle de « prêteur en dernier ressort » pour
les banques islamiques en 1999 grâce à l’introduction de contrats de financement à court terme et en 2004 grâce aux
premiers bons de Trésor Islamiques (Islamic treasury bills). Elle a inclus dans ses rapports annuels un chapitre sur les
banques islamiques, en les plaçant dans un groupe distinct, avec des données agrégées qui fournissent des informations
sur l’ampleur et la croissance de ces institutions au niveau du pays. En outre, après la création d’un Shariah Board
central – rattaché à la Banque Centrale – qui statue sur la conformité des produits financiers – chaque institution peut
avoir son propre Shariah Board, mais elle doit, tout d’abord, se conformer aux normes édictées par ce Shariah Board
central. La mise en place d’une réglementation plus souple et de nombreuses incitations fiscales et réglementaires ainsi
que l’interprétation moins rigide des règles islamiques ont permis au marché malaisien de rester, pour l’instant, plus
profond et plus liquide que celui du moyen orient (Jouini et Pastre (2008)).
B. Ecole Française
Depuis Aout 2010, la France dispose d’un régime fiscal adapté pour les opérations de type Sukuk (proche des
obligations conventionnelles), Mourabaha (achat-revente avec marge servant de financement), Ijara (proche d’un
crédit-bail) et Salam (vente d’un bien livré à échéance proche de la VEFA) et confirme ses ambitions en matière de
finance islamique. Cependant, ces quatre instructions ont pour trait commun de ne pas se limiter à un montage
particulier mais de poser un véritable cadre général qui permet de respecter le principe de neutralité fiscale et
budgétaire. Les acteurs sont donc libres de structurer, dans ce cadre de droit français, des opérations potentiellement
compatibles avec la Charia.

Au Maroc, le concept de la banque islamique a émergé très faiblement malgré le changement de la


réglementation opéré par la Bank Al Maghrib (Banque Centrale du Maroc). Cette dernière, après avoir
longtemps refusé les produits bancaires dits" islamiques", a autorisé le 20 mars 2007 l’offre de produits dits
"alternatifs" : ijara (leasing), mourabaha (achat et revente d’un bien avec un surprix), et la moucharaka
(financement participatif). Les banques marocaines ont donc officiellement la possibilité de commercialiser
ces produits. Un projet de loi autorisant la création de banques islamiques sera soumis au parlement. Il
permettra l'introduction prochaine de principes de la finance islamique dans la nouvelle loi bancaire
marocaine 2012

1.2. Renforcer la profondeur financière d'une industrie financière embryonnaire

Beaucoup d'études montrent que pour le moment la finance islamique a un effet limité sur la croissance. Cela
serait la conséquence de la non maturité du système financier islamique. Il est nécessaire qu'il atteigne une
taille critique afin d'être capable d'amortir les coûts et bénéficier ainsi le développement économique. La
taille est en effet un des grands défis que les banques islamiques devront relever les prochaines années afin

3
Nasreddine Dekli, "Finance islamique : le vide juridique principale entrave"; L'Economiste Maghrébin, 25 janvier - 8
février 2012.
2
de mieux affirmer leur compétitivité. Cette faible taille ne favorise pas les économies d’échelle. Si on
compare au plan mondial la taille moyenne, en termes d’actif, des dix grandes banques conventionnelles et
des dix grandes banques islamiques, on s’aperçoit que le bilan moyen des banques islamiques est d’environ
20 milliards de dollars alors que celui de la banque conventionnelle est de plus de 1000 milliards de dollars.
Une taille aussi faible ne fait qu'engendrer une augmentation des coûts bancaires. Ces coûts sont dilués sur
une faible base de clientèle. Les acteurs de la finance islamique sont encore de taille modeste
comparativement aux banques universelles de type occidentale. Elles devront sans doute songer
(l’augmentation de capital ne me semble pas aujourd’hui un handicap au développement des banques
islamiques. Ceci sera plutôt une conséquence une fois la demande s’est développée) se regrouper afin de
renforcer leur surface financière.

1.3. Consolider le capital humain

A ce jour, le capital humain est un des principaux freins au développement de la Finance Islamique. Le
nombre d’experts ou shariah scholars est très faible. Dans le monde, on en compte moins de 100 pour plus
de 300 institutions financières islamiques. Selon Nasreddine Dekli, la légalité des opérations financières
islamiques par rapport à ces principes et ces valeurs sont soumises aux seuls avis du comité de la Sharia
(Sharia Board) dont l’indépendance peut être fortement limitée du fait qu’il est lui-même désigné par les
gestionnaires des banques islamiques. Il est évident, que dans ces cas le véritable pouvoir de décision
appartient aux gestionnaires de ces banques ce qui peut provoquer des risques de conflits d'intérêts4. Les
banques islamiques n'ont pas la structure, la capacité, l’environnement et le personnel pour remplir tous leurs
objectifs. Le manque de scholars et d’experts pourraient constituer un obstacle au développement du marché.
A titre d'exemple, Nizam Yacoubi, le Sharia Scholar le plus réputé au monde, siège dans 85 banques. Idem
pour Abdul Satar Abu Ghuddah, le deuxième scholar le plus convoité au monde5. On peut légitimement
penser que le recrutement de cadres et de personnels qualifiés devrait se faire sur la base de la maîtrise des
techniques bancaires et de la connaissance des standards du droit des contrats musulmans. Or, pour l’instant
l’équilibre dans les profils n’est pas encore acquis. Dans la finance islamique, il y a encore un fossé qui
sépare les techniciens de cette finance, souvent issus de la finance conventionnelle, et les docteurs en droit
musulman qui pourraient ignorer les rudiments de la finance. La finance islamique manque donc de cadres
dotés de la double compétence. Cette faiblesse caractérise l’Europe et les États-Unis et risque de ralentir son
expansion au-delà des pays historiques (islamiques).

1.4. Encourager la recherche académique qui demeure embryonnaire et désorganisée

Consolider le capital humain passe par la création de formations reconnues au plan académiques. Or le point
de départ est précisément l'organisation d'équipes de recherche reconnues issues des grandes universités et
veillant à la rigueur des méthodes employées et de l'analyse des conclusions obtenues en dehors de tout
prosélytisme. Par exemple, la création d'une Ecole doctorale tunisienne en finance islamique (EDTFI)
devient urgente. Elle constituerait l'ossature de la recherche et de la formation doctorale en la matière. Sans
l'EDTFI la visibilité de la finance islamique au plan académique et professionnel demeurera trouble.

1.5. Assurer une bonne gouvernance

Pour avoir une bonne gouvernance, les autorités monétaires devraient mettre en place un Sharia Board ou
Comité de conformité qui sera composé des représentants des autorités et des divers acteurs économiques
concernés : religieux, Ministère des finances, BCT, CMF, banquiers… Ce sharia board, qui doit être mis au
niveau national, sans exclure la constitution d’un sharia board au sein de chaque banque, devrait inclure des
religieux expérimentés, qu’ils soient tunisiens ou étrangers. La mise en place d’un sharia board et d’un
organe de supervision devrait être indépendants des autorités de contrôle existantes.

4 Nasreddine Dekli, "La finance islamique : entre légitimité et dérive"; L'Economiste Maghrébin, 22 février - 7 mars 2012.
5 Funds@Work, The Small World of Islamic Finance, Jan 2011,

3
1.6. Evaluer le potentiel de la clientèle

Avant de mettre en place des structures financières islamiques, il faut évaluer le potentiel de la « clientèle »
par des études et des enquêtes. Cette évaluation permet de construire une bonne segmentation de la clientèle
afin de proposer des produits adaptés. En plus, une étude de marché préalable quant à l’opportunité de
l’introduction de la finance islamique permet d’élaborer une Segmentation du marché en tenant compte du
niveau et du type d’épargne des tunisiens. Ces améliorations et ces préalables constituent une garantie pour
le succès des futures banques islamiques maghrébines. A défaut, elles risquent de voir leur raison d'être
altérée et leur efficacité affaiblie.

Les 7 recommandations pour une implémentation réussie de solutions islamiques dans les banques
A/ Clientèle
1. Evaluer le potentiel « clientèle » par des études et des enquêtes. Etude de marché préalable quant à
l’opportunité de l’introduction de la finance islamique.
2. Elaborer une segmentation de la clientèle afin de proposer des produits adaptés. Segmentation du marché
compte tenu du niveau et du type d’épargne.
B/ Gouvernance et de fonctionnement
3. Mise en place d’un Sharia Board ou Comité de conformité qui sera composé des représentants des autorités et
des divers acteurs économiques concernés : religieux, Banque centrale, Ministère des finances, Bourse, banquiers…
Concernant le sharia board, il devrait inclure des religieux expérimentés, qu’ils soient locaux ou étrangers.
Mise en place d’un sharia board au niveau national et également au sein de chaque banque. Chacun se focaliserait sur
des prérogatives spécifiques mais complémentaires. Mise en place d’un sharia board et d’un organe de supervision
indépendants des autorités de contrôle existantes.
4. Création d’un département marketing permettant de développer une pédagogie-clientèle et de nouveaux
produits à faire valider par le Comité Sharia. Insister sur le rôle de la communication destinée aux professionnels
(banquiers, juristes…) mais également au grand public.
5. Adapter le support informatique et de gestion aux produits islamiques.
6. Création d’une cellule de formation et de mise à niveau. Formation en finance islamique, notamment, pour les
juristes. Formations académiques (cursus spécialisés en finance islamique) et formations destinées au personnel des
banques mais également aux autres intervenants tels que les assureurs, les commissaires aux comptes… Formation des
banquiers et des religieux (sur les produits de la finance conventionnelle et islamique) tout en s’inspirant des
expériences étrangères en la matière.
C/ Ressources humaines
7. Organisation de séminaires de culture générale sur la Finance Islamique ouverts à tous les collaborateurs de la
banque.
8. Formation des agents aux produits pour assurer la promotion et la vente, notamment des commerciaux. Insister
sur l’importance du département « engagements » qui constitue l’activité principale de toute banque/ formation de
« Creditmen ».
D/ Etudes et prospectives
9. Réflexion sur les produits et les contrats islamiques (cellule de veille). Réflexion sur les critères de suivi, de
contrôle et de gestion des risques. Réflexion quant aux nouveautés à introduire (ingénierie et innovation financières).
10. Proposition d’une réflexion sur la bonne gouvernance (orientation, suivi, contrôle et circulation de
l’information sur les projets, communication interne et externe…). Mise en place d’une structure de veille afin d’éviter
la déconnexion entre l’économie réelle et l’activité financière et les dérapages qu’elle pourrait engendrer.
11. Prise de contact avec les associations musulmanes locales afin d’étudier le mode d’ouverture ainsi que le
fonctionnement de comptes ZAKAT. Les comptes ‘zakat’ pourraient être gérés par un fonds national spécialisé.
E/ Ingénierie et innovations
12. Promotion des SUKUK en complément des Bons du trésor (BDT) qui sont jugés non Charia Compliant. Il
s’agit plus généralement de la mise en place d’un cadre réglementaire afin de permettre aux banques islamiques de se
prêter/emprunter de l’argent entre elles et de se refinancer auprès de la BCT moyennant des produits financiers adaptés.
Création d’un fonds de refinancement spécialement dédié aux banques islamiques.
Introduction de l’équivalent du TEG afin de protéger les consommateurs des excès en matière de marge qui résulterait
d’une mauvaise pratiques des produits de la finance islamique.
F/ Cadres réglementaire et juridique
13. Réforme du cadre réglementaire, fiscal et comptable. S’inspirer en la matière des expériences et autres Success
Stories dans les autres pays en la matière (Malaisie, indonésie…). Mise en place d’un cadre et de normes prudentielles
adaptés à la finance islamique. Réforme de la loi bancaire en vue de l’ouverture de fenêtres islamiques.

4
Reformes d’ordre juridique et comptable. Refonte du cadre pour qu’il soit adapté à la finance islamique. Insister sur les
volets juridique et comptable (comptabilité analytique spécifique permettant la séparation entre l’activité
conventionnelle et islamique) ainsi que sur le volet gestion des risques. Cellule de réflexion au niveau de l’ordre des
experts-comptables.
14. Importance du Département juridique puisque c’est à lui que reviendra l’élaboration des contrats relatifs à la
finance islamique (mudharba, murabha…)
G/ Stratégies et canaux de distribution
15. Ouvrir des fenêtres islamiques tout en prévoyant un délai de reconversion au bout duquel la banque optera pour
la formule de banque conventionnelle ou de banque islamique et ce, afin de contourner les difficultés inhérentes à une
activité ‘hybride’ qui serait anticoncurrentielle.
Source : restitution d'enquête auprès de plus de 100 banquiers africains rencontrés dans les pays
suivants : Guinée, Tchad, Niger, Tunisie.

1.7. S'assurer que les rendements des banques sont bien croissants

Certains travaux récents (Ammar Ayachi et al., 2012) ne permettent de valider l’hypothèse que la finance
islamique joue un rôle important en tant que moteur de croissance au sens de Schumpeter. Cet effet limité
sur la croissance peut être une conséquence de la non maturité du système financier islamique. Comme le
signalent Zaher et Hassan (2001)) la taille est en effet un des grands défis que les banques islamiques devront
relever les prochaines années afin de mieux affirmer leur compétitivité. Cette faible taille ne favorise pas les
économies d’échelle. Au contraire elle engendre une augmentation des coûts bancaires. Ces coûts sont dilués
sur une faible base de clientèle.
La taille est donc un autre défi que les banques islamiques doivent relever (Zaher et Hassan (2001)). On
constate que la plupart de ces banques sont des banques de détail. En d’autres termes, la majorité des
institutions financières islamiques sont extrêmement petites et ne peuvent pas demeurer des acteurs viables
sur un marché qui continue à se développer et à attirer les grandes banques internationales. Notons que la
finance islamique ne représenterait aujourd’hui qu’environ 1% de la finance conventionnelle.
Afin d’être compétitives les banques islamiques devront fusionner ou coopérer. Elles doivent aussi prendre
des décisions stratégiques fondamentales concernant le type de modèle de banque qu’elles entendent
développer pour le futur.

Analyse des coûts des produits et des services : banque islamique vs banques conventionnelles

Nous analysons les coûts des produits et services d’un échantillon de 11 banques tunisiennes (Attijari Bank,
BH, BIAT, ATB, UIB, BT, STB, BNA, UBCI, AB). Nous comparons ainsi les coûts de la Banque Zitouna à
ceux des banques conventionnelles.

Pourquoi le choix de la Banque Zitouna ?


Créée en octobre 2009, Banque Zitouna est la première banque commerciale de détail en Tunisie offrant aux
particuliers, professionnels et entreprises une gamme innovante de produits et services conformes aux principes de la
finance islamique.
Banque Zitouna a démarré son activité en mai 2010. Elle offre aux particuliers et aux professionnels une large gamme
de produits et services en matière de comptes de dépôt, de financements, d’investissements participatifs, de monétique
et de banque à distance. Afin d’accompagner les entreprises dans la gestion quotidienne de leur trésorerie, Banque
Zitouna offre aussi des solutions de financement des cycles d’exploitation et d’investissements et conçoit des solutions
en matière de traitement des opérations du commerce extérieur.

Comparaison des coûts du financement : banque conventionnelles vs Banque Zitouna

Nous avons comparé les coûts des produits et des services d’un échantillon de 10 banques tunisiennes
(Attijari Bank, BH, BIAT, ATB, UIB, BT, STB, BNA, UBCI, AB) à ceux de la banque Zitouna (voir tableau
et graphique).
Coût de financement en % : banques conventionnelles vs Banque Zitouna
En % Fin Fin. Fin Fin. Fin. Fin Fin
Conso Tajhizet Tahsinet Syara Menzel<10 Menzel<15 Menzel<20

5
Attijari 5 5 3 3,5 2,75 2,75 7,39
BH 4 4 4 3 3 3 7,75
BIAT 4,5 4,5 5 4,5 3 3 8,15
ATB 5 4 4,75 3,5 3 3 7,75
UIB 5 4 4,1 5 3,25 3,25 7,95
BT 4 4 6 3,75 3,75 8
STB 4 5,5 3,5 4 4 7,5
BNA 7 5,5 3,75 4 8,5
UBCI 3 4,5 4,5 9,14
AB 4,5 4,5 8,89
Taux moyen
Banques
conventionnelles 4,52 4 4,43 4,53 3,7 3,75 8,20
Taux Banque
Zitouna 4 3,5 3 4 3 3,16 8

Figure 1 :Comparaison des coûts du financement : banques conventionnelles vs Banque Zitouna

Il apparaît que le coût moyen du financement pour les ménages est de 4,73% auprès des banques
conventionnelles et de 4,09% auprès de la banque Zitouna. L’écart de 0,64% mesure la compétitivité-coût de
la banque Zitouna vis-à-vis des 10 autres banques tunisiennes (Voir tableau et graphique ci-dessous).

Comparaison des coûts moyens du financement :


banques conventionnelles vs Banque Zitouna
1.
En % Moyenne
Taux moyen
Banques
convent. 4,73
Taux Banque
Zitouna 4,09

2. Quel potentiel en Tunisie ?

Nous avons essayé d’étudier la demande potentielle de produits financiers islamiques en Tunisie par les
particuliers choisis dans 24 gouvernorats6 et les entreprises situées dans 4 gouvernorats7. Pour ce faire, nous
avons élaboré deux questionnaires afin de mener deux enquêtes qualitatives. Ils ont été soumis à des
spécialistes en marketing pour nous faire part de leur point de vue. L’un des questionnaires était destiné à

6
Ariana, Kébili, Kef, Mahdia, Manouba, Médenine, Monastir, Nabeul, Sfax, Sidi Bouzid, Siliana, Béja, Sousse,
Tataouine, Tozeur, Tunis, Zaghouan, Ben Arous, Bizerte, Gabès, Gafsa, Jendouba, Kairouan, Kasserine
7
Béja, Kef, Jendouba, Siliana
6
l’ensemble des particuliers âgés de 20 ans et plus, choisis au hasard sur tout le territoire tunisien. On a pu
interroger 670 personnes. Le mode d’administration était le face à face (400 personnes) et en ligne (270
personnes). L’autre questionnaire a été adressé à des entrepreneurs de la région du nord ouest de la Tunisie,
soit un effectif total de 30 entreprises.

2.1. La finance islamique : enquête auprès des particuliers

L’objectif de cette enquête est d’évaluer le potentiel qui existe en matière de demande de produits financiers
islamiques. Pour ce faire, nous avons essayé de répondre aux questions suivantes :

 Les tunisiens connaissent-ils la finance islamique ?


 Seraient-ils intéressés par les produits financiers islamiques ?
 Quelles sont les exigences des tunisiens en matière de financement islamique ?

2.1.1. Description de l'échantillon

Notre échantillon compte 670 personnes de catégories sociales différentes dont l’âge est supérieur ou égal à
20 ans. La répartition de la population selon les régions est comme suit : 164 personnes résidentes au nord
est, 356 personnes résidentes au centre est, 44 personnes qui habitent au nord ouest, 50 personnes résidentes
dans la région du centre est et 29 personnes qui habitent au sud de la Tunisie. La répartition de la population
selon les gouvernorats est représentée dans l’annexe 1.

De plus, 50% des personnes interrogées sont âgées entre 26 et 40 ans (cf. figure 2 de l’annexe 1). En outre,
la répartition de la population est faite d’une manière équitable (à peu près 50% de la population sont des
hommes et 50% sont des femmes). Cette répartition reflète l’état réel de la population tunisienne (la
proportion des personnes âgées entre 15 et 59 ans est de 66,4% et les hommes représentent environ 50% de
la population Tunisienne Totale) (cf. figure 3 de l’annexe 1). En outre, 50% des personnes interrogées sont
mariées et 48% sont célibataires (cf. figure 4 de l’annexe 1)..

Au niveau de la situation professionnelle, notre échantillon est composé de 56 pourcent d’employés,


24pourcent d’étudiants, 7 pourcent de chômeurs (cf. figure 6 de l’annexe 1).

Concernant les revenus mensuels, 23,7 pourcent ont déclaré percevoir entre 3500 et 10 000 Dinars par an,
45.5 pourcent ont déclaré percevoir moins de 3500 dinars par an (sachant 23,7 pourcent parmi eux sont des
étudiants), 25,4 pourcent toucheraient entre 3500 et 10000 dinars et enfin 5,4 pourcent auraient des revenus
annuels supérieur à 25000 dinars. Le tableau ci-dessous montre que 21,8 pourcent de la population sont de
faible revenu.

Tableau 1: La répartition de l’échantillon selon les tranches de revenus annuels


Revenus Annuels Effectifs Pourcentage
inférieur à Etudiant 159 23,7
3500 D Autres 146 21,8
entre 3500 et 10000 D 159 23,7
entre 10000 et 25000 D 170 25,4
sup à 25000 D 36 5,4
Total 670 100,0

Parmi les personnes interrogées, 18,5% n’ont pas ni de compte bancaire ni de compte postal et seulement
7,3 pourcent ont un compte dans une banque islamique.

Tableau 2: L’accès aux services Fréquences


financier Avoir un compte effectifs
7
Banque islamique 49 7,31%
Banque conventionnelle 331 49,40%
La Poste 166 24,78%
Pas de compte 124 18,51%
Total 670 100%

2.1.1. Les Tunisiens connaissent-ils la finance islamique ?


Parmi les personnes interrogées, 46 pourcent disent connaître la finance islamique. Parmi ces
personnes, 157 seulement - soit 49,2 pourcent - ont cité au moins un produit financier islamique. Le produit
Mourabaha est le plus connu avec 30,7 pourcent (cf. figure 8). Ceci illustre une méconnaissance de la finance
islamique et de ses produits par le grand public en Tunisie.

Figure 8: Connaissance des Produits Financiers Islamiques par les tunisiens

La figure ci-dessous montre que la banque islamique la plus connus en Tunisie auprès du grand public
est la banque Zitouna, avec un taux de 71,3 pourcent de l’échantillon - soit 478 personnes.. Cependant
24,9 pourcent des personnes interrogées (soit 167 personnes) ne connaissent aucune banque.

Figure 9: Connaissance des Banques Islamiques Tunisiennes*

Ces résultats montrent aussi que 23,4 pourcent seulement des répondants (soit 157 personnes) disent
connaître la finance islamique et ont pu citer un produit de la finance islamique. Ceci est dû à la
faiblesse du développement de la Finance Islamique en Tunisie. En effet, 5,7 pourcent seulement ont eu
recours aux produits islamiques. Ce faible pourcentage devrait être amélioré pour que la demande potentielle
de ces produits financiers libre d’intérêt augmente.

Pour améliorer la connaissance des produits financiers islamiques par le grand public, facteur clé pour le
développement de la finance islamique en Tunisie, les autorités tunisiennes, les opérateurs financiers, les

8
universitaires et les associations ont à divulguer et présenter ces produits islamiques au public. Ceci pourrait
être, par exemple, à travers les médias tunisiens.

2.1.3. Les Tunisiens sont-ils intéressés par les produits financiers islamiques ?
D’après l’enquête, 470 des répondants (soit 70,2 pourcent) seraient séduits par cette offre de produits
financiers libre d’intérêt. Dans cette section, nous allons analyser le comportement de ces clients potentiels
(c'est-à-dire ces 470 personnes), en étudiant leurs besoins, leurs attentes et les raisons pour lesquelles ils ont
choisi de traiter avec les structures de finance islamiques.

Parmi ces personnes, 58,9 pourcent s’intéressent à la finance islamique pour le financement d’achat ou de
construction de bien immobilier. On trouve ensuite, le financement de la création d’entreprise qui capte
l’attention de 58,5 pourcent suivi de l’ouverture de compte et l’utilisation des moyens de paiement, le
financement d’achat de véhicules, les produits de placement ainsi que le financement de biens de
consommation (cf. figure 10).

Figure 1: Les produits les plus intéressants selon les personnes interrogées

L’enquête révèle que la principale raison qui incite les particuliers à travailler avec des banques
islamique est une raison d’ordre idéologique. 77,9% des personnes de notre sous échantillon feront
recours aux produits financiers islamiques pour une raison de conviction religieuse.

En outre, plus de 40 pourcent des personnes veulent faire recours aux produits et services financiers
islamiques à condition que leurs coûts soient compétitifs par rapport à ceux des banques conventionnelles.
Ce qui signifie que les banques islamiques doivent chercher à être compétitives par rapport aux banques
conventionnelles et ne peuvent pas se baser uniquement sur la conformité de leurs produits à la Charia pour
se développer et conquérir des parts de marché (voir figure 11).

9
Figure 2: Les raisons d’avoir recours aux produits financiers islamiques (en %)

Toutefois, ce constat mérite d’être nuancé par le fait que l’argument conformité à la charia domine de loin
l’argument coût . En effet, 50,4 pourcent des intéressés par la finance islamique sont disposés de travailler
avec des banques islamiques même si leurs coûts sont plus chers (voir figure 12) .

Figure 3:réaction des clients potentiels quand les produits des banques islamiques sont plus chers
(en%)

Par ailleurs, plus de 30 pourcent de ces personnes choisissent les produits financiers islamiques à cause de
leur innovation (voir figure 14). Ceci peut être révélateur de la capacité de la finance islamique de se
distinguer de la finance conventionnelle par sa capacité d’offrir des produits innovants, répondant à des
attentes qui ne sont pas ou mal satisfaits par la banque conventionnelle. Un argument marketing que la
finance islamique pourrait travailler et l’utiliser pour appuyer son développement.

Concernant les attentes des clients potentiels, l’enquête montre que plus de 71 pourcent veulent effectuer
des opérations financières dans un cadre licite (conforme à la charia), 57,7 pourcent veulent effectuer
des opérations financière à moindre coût et 50,4 pourcent désirent avoir un soutien fort dans le
financement de projets de la part des banques islamiques (cf. figure 13).

Par conséquent, cette enquête révèle que la plupart des personnes interrogées sont intéressées par une offre
bancaire islamique compétitive et compatible avec leurs convictions religieuses.

Figure 4: Attentes des clients potentiels des banques islamiques (en %)

10
2.1.4. Quels sont les exigences des personnes interrogées ?

Dans cette section nous allons étudier le comportement de l’échantillon (les 670 personnes).
D’après l’enquête, 56,9 pourcent (soit 381 personnes) déclarent que leur méconnaissance des produits
financiers islamiques peut constituer pour eux un frein au recours à ces produits.
La non proximité de banques islamiques auprès des consommateurs constitue le deuxième frein au
recours aux produits islamique par les particuliers. En effet, 48,1 pourcent (soit 322 personnes)
pensent que les produits financiers islamiques n’existent pas dans leur région de résidence. Or, 129
personnes seulement résident dans des régions où il n’y a pas une agence bancaire islamique. Ceci peut être
traduit par le fait que plusieurs tunisiens ne sont pas au courant de l’existence des banques islamiques dans
leur région.
Par ailleurs, 32,7 pourcent de la population ne feraient pas recours aux produits islamiques si leurs
coûts étaient plus élevés par rapport aux produits traditionnels (voir figure 15).

Figure 5: Les freins au recours aux produits financiers islamiques

Presque 60 pourcent des personnes interrogées pensent que les banques et les institutions bancaires
islamiques pourraient être considérées comme des systèmes alternatifs (complémentaires aux banques
conventionnelles). Cependant, ils pensent que le système financier libre d’intérêt doit répondre aux
exigences des clients potentiels tout en conservant leurs atouts essentiels.

En effet, 77 pourcent précisent que l’absence d’intérêt est primordiale dans le système bancaire
islamique. 61, 9 pourcent exigent que ces produits soient conformes aux principes de la Charia. 41,3%
déclarent que l’absence de spéculation est un atout essentiel, suivi par le principe du partage des pertes et
profits (35,4 pourcent qui l’exigent) et avoir un bon rapport qualité/prix des services et produits (seulement
33,7 pourcent le voient comme essentiel) (cf. figure 16).

11
Figure 16: atouts essentiels des banques islamiques

2.1.5. Discussion
Le potentiel du marché des produits bancaires islamiques pour les particuliers semble important et il se base
essentiellement sur une motivation de conformité aux principes de la religion islamique.

Pour transformer ce potentiel en un marché réel, il faut :


- Développer le niveau de connaissance des particuliers de la finance islamique et de ses produits
- Développer la proximité géographique des banques / de l’offre islamiques auprès des clients

Bien que le facteur coût semble ne pas être un facteur entravant au développement de la Finance Islamique
auprès des particuliers, nous suggérons de développer la concurrence entre les banques islamiques au profit
des consommateurs dans le but d’assurer un développement rapide et pérenne de cette Finance.

2.2. La Finance islamique : enquête auprès des entrepreneurs

L’objectif de cette enquête est d’évaluer le potentiel qui existe en matière de demande de produits financiers
islamiques par les entreprises. Pour ce faire, nous avons essayé de répondre aux questions suivantes, en
menant l’enquête auprès des entrepreneurs de la région du nord ouest :

 Les entrepreneurs connaissent-ils la finance islamique ?


 Comment les banques et les institutions financières sont-elles perçues par les entrepreneurs?
 Quels sont les besoins et les attentes des entrepreneurs?

2.2.1. Description de l'échantillon


Notre échantillon est composé de 30 entreprises de la région du nord ouest de la Tunisie (Béja, Kef,
Jendouba, Siliana)8 . Nous avons 7 entreprises qui ont un effectif « inférieur à 10 », 9 dont « l’effectif est
entre 10 et 49 », 12 qui ont un « effectif entre 50 et 199 » et 2 dont « l’effectif est supérieur à 199 » ( cf.
figure 17 de l’annexe 3). La répartition des entreprises selon le chiffre d’affaires est comme suit : 5 qui ont
un chiffre d’affaires inférieur à 100 000 dinars, 9 dont les chiffre d’affaires est entre 100 000 et 1 000 000 de

8
La surface des zones industrielles dans les zones littorales est remarquable par rapport aux zones intérieures. En effet,
le littoral capte plus de 80% de la surface des zones industrielles. Le Nord-Est (le Grand Tunis et les gouvernorats de
Bizerte, de Nabeul et de Zaghouan) dispose, à lui seul, 58% de la surface totale (soit 1906 hectares de zones
industrielles). De l’autre côté, les gouvernorats du Nord-Ouest (Béja, Jendouba, Kef, Siliana) ne possèdent que 233
hectares de zones industrielles, à peine 7% de la surface totale, alors que ceux du Centre-Ouest n’en disposent que de
309 hectares, soit moins de 10% de la surface totale. D’où se justifie le choix de la région de Nord-Ouest comme zone
prioritaire au développement régional dans notre étude.

12
dinars, 11 qui ont un chiffre d’affaires entre 1 000 000 et 10.000.000 dinars et 5 dont le chiffre d’affaires est
supérieur à 10.000.000 dinars (cf. figure 18 de l’annexe 3 ). Quant à la répartition des entreprises selon le
secteur d’activité, nous avons 19 entreprises industrielles, 5 entreprises commerciales, 5 entreprises de
services et 1 seule entreprise agricole (voir figure 19 de l’annexe 3).

2.2.2. Les entrepreneurs de la région nord ouest connaissent-ils la finance islamique ?

A peu près 37 pourcent seulement des entrepreneurs interrogés (soit 11 parmi eux) disent connaître la
finance islamique. Parmi ces responsables, 72,7 pourcent ont cité au moins un produit financier islamique.
Le produit Mourabaha est cité par 47 pourcent des responsables (cf. figure 20). 18 pourcent des
entrepreneurs ne connaissent aucun produit financier islamique.

Figure 6: les produits les plus connus selon les entrepreneurs de la région nord ouest de la Tunisie

L‘enquête révéle que la banque islamique la plus connue est la banque Zitouna, citée par 83,3 pourcent des
entrepreneurs . D’autant plus, 33,3 pourcent connaissent la banque Al Baraka. Cependant, 13,3 pourcent
seulement des responsables interrogés ne connaissent aucune banque islamique.

A l’instar de ce que l’enquête des particuliers a révélé, ces résultats montrent une très faible connaissance de
la finance islamique et de ses produits par les entreprises tunisiennes.

2.2.3. Comment les banques et les institutions financières sont-elles perçues par les entrepreneurs de la
région du nord ouest ?

D’après l’enquête, 26,6 pourcent des entrepreneurs pensent que les banques islamiques ne travaillent
pas totalement selon les principes de la Charia, 30 pourcent des responsables disent que les banques
islamiques pratiquent des taux d’intérêt dans leurs produits et 26,7 pourcent pensent que les banques
islamiques ne partage pas d’une manière équitable les profits et les pertes (voir figure 21).

Ces résultats montrent qu’environ 30 pourcent de la population n’ont pas confiance dans les banques
islamiques. Ainsi, ces banques doivent fournir plus d’effort pour respecter scrupuleusement les principes de
la finance islamique et attirer les entrepreneurs qui n’ont pas confiance en elles et ceux qui sont neutres.

13
Figure 7: Services et produits bancaires islamiques et principes de la Charia

Concernant la qualité des produits et services des banques islamiques, l’enquête révèle une proportion assez
importante d’entrepreneurs n’ayant pas d’opinion sur la question. Ceci prouve encore la non connaissance de
la finance islamique et son faible développement en Tunisie.

La figure 22 peut refléter un à priori positif de la part des entrepreneurs vis-à-vis de la qualité de la
relation des banques islamiques avec leur clientèle (transparence et qualité de service). Cependant, il
existe un à priori mitigé sur la capacité des banques islamiques à répondre à l’ensembles des besoins
des entreprises et à offrir des prix compétitifs.

Figure 8: évaluation de la qualité des produits et services des banques islamiques

La plupart des entrepreneurs pensent que les banques et les institutions financières islamiques
contribuent au développement socio-économique (cf. figure 23). En effet, 53,3 pourcent des responsables
déclarent que les systèmes financiers islamiques aident à lutter contre la pauvreté, 70 pourcent pensent qu’ils
favorisent l’inclusion financière (l’accès aux services financiers) et 70 pourcent disent que ces structures
financières islamiques peuvent promouvoir fortement la création d’emploi à travers le financement des
projets (cf. figure 23 et l’annexe 6). Par contre, le rôle de la Finance Islamique dans le développement
durable n’est pas perçu fort. Seulement 36,6% (soit 11 entrepreneurs) la considèrent soutenir fortement les
projets de développement durable.

14
Cet avis favorable, nous permet de constater que la plupart des entrepreneurs acceptent de collaborer avec les
banques islamiques pour améliorer les conditions de vie dans la région du nord ouest de la Tunisie. Ceci est
démontré par les résultats présentés dans la figure 23.

Figure 9: point de vue des entrepreneurs sur le lien entre les instituions bancaires islamiques et le
développement socio-économique

L’enquête nous montre un potentiel important pour la finance islamique auprès des entrepreneurs de
la région du nord-ouest. En effet, 58,3 pourcent des entreprises interrogées se déclarent prêtes à changer de
banque vers une banque islamique, si leur banque actuelle ne développe pas une offre de produits islamiques.
En outre, 29,2 pourcent des entrepreneurs acceptent de traiter avec des structures islamiques lors de
l’ouverture des guichets islamiques par leur banque.

Ceci est d’autant important qu’actuellement 80 pourcent des entrepreneurs de la région du nord ouest
travaillent uniquement avec des banques conventionnelles.

2.2.4. Quels sont les besoins et les attentes des entrepreneurs de la région nord ouest ?

Une grande part des entrepreneurs interrogés, soit 80 pourcent, pensent que les banques islamiques
servent comme un système bancaire alternatif - complémentaire aux banques conventionnelles.
Néanmoins, ces banques doivent répondent aux attentes et besoins de ces derniers .

Figure 25: les attentes des entrepreneurs de la région nord ouest

La plupart des entrepreneurs (soit 77,8 pourcent) veulent effectuer leurs opérations financières à moindre
coût. En deuxième lieu, 70,4 pourcent des entrepreneurs attendent un soutien fort dans le financement de

15
leurs investissements. Enfin, 66, 7 pourcent veulent effectuer leurs opérations dans un cadre licite (cf. figure
25).

Figure 26: les besoins des entreprises de la région du nord ouest

Concernant les besoins des entreprises de la région du nord ouest, la majorité des entrepreneurs auraient
recours aux services d’une banque islamique pour financer leurs investissements ainsi que leurs besoins
d’exploitation (80 pourcent veulent financer leurs investissements et 73,3 pourcent veulent financer leurs
besoins d’exploitation) (cf. figure 26).

On remarque que la majorité des dirigeants souhaitent que les banques islamiques fournissent des
produits et services qui ne sont pas chers et les aident dans leur financement d’investissements et leurs
besoins d’exploitation tout en respectant les valeurs religieuses.

2.2.5. Discussion
En bref, Il existe bien un marché potentiel pour la Finance Islamique auprès des entreprises tunisiennes :
87% se déclarent intéressés par les produits bancaires islamiques et dont 58% sont même prêt de quitter leur
banque conventionnelle pour travaille avec une banque islamique.
Mais ce potentiel ne serait pas facile de le transformer en un marché réel et le développer au vu de cette
enquête :
- Les facteurs coût, proximité, flexibilité et satisfaction des besoins sont des facteurs importants
dans le choix de banques auprès des entrepreneurs, même si leur conviction religieuse est forte et
les incite à travailler avec des banques islamiques.
- Les besoins des entreprises auprès des banques islamiques sont les mêmes qu’auprès des
banques conventionnelles. D’où la forte compétition des banques islamiques avec les banques
conventionnelles auprès de cette catégorie de clientèle, qui serait plus forte qu’auprès de la
clientèle des particuliers.
- La confiance des entrepreneurs dans le respect des principes de la Charia par les banques
islamiques est entachée de plusieurs doutes.

3. Conclusion

De toute évidence, les Tunisiens, ménages et entrepreneurs, perçoivent la finance islamique comme un
phénomène séduisant. Ses fondements et son fonctionnement constituent des facteurs favorables à son
développement. La proposition des produits répondants aux besoins de la clientèle à coût compétitif et la
proximité géographique et psychologique des institutions financières islamiques contribuent largement à
l’expansion de ce champ d’application.

Toutefois, le développement de cette industrie semble être difficile. En effet, ce dernier nécessite une bonne
connaissance de ses produits par les ménages et les décideurs des entreprises, des ressources humaines bien
formées et compétentes dans la Finance Islamique et la mise en place d’une réglementation dédiée et
appropriée à cette finance, tout en encourageant le développement de la concurrence dans ce domaine.
Néanmoins, il existe la loi 2001/65 relative aux établissements de crédit n’interdise pas la création de
16
banques ayant des spécificités au niveau des produits et des techniques d’intervention (ne n’ai pas saisi le
sens de cette phrase). Notant toutefois que le gouvernement a mis en place déjà plusieurs commissions
touchant à tous les domaines bancaires et financiers pour élaborer un cadre législatif et réglementaire
spécifique à tous les produits de la finance islamique (Banque, Takaful, fonds d’investissement, Soukouk,
Ijara…etc.). Ceci est de nature à contribuer au développement de la Finance Islamique sur un marché
potentiellement porteur.

17
Bibliographie
Ammar Ayachi R. et al. (2012)," La finance islamique peut-elle stimuler la croissance ?" à paraître Revue
d'économie financière.

Funds@Work, The Small World of Islamic Finance, Jan 2011

Jouini, E. et Pastré, O. (2008), « Enjeux et opportunités du développement de LA FINANCE ISLAMIQUE


pour la place de Paris », Paris Europlace.

Nasreddine Dekli, "Finance islamique : le vide juridique principale entrave"; L'Economiste Maghrébin, 25
janvier - 8 février 2012.

The Banker, Top 500 Islamic Financial Institutions, Nov 2011

Zaher T. S. et Hassan M. K. (2001), « A Comparative Literature Survey Of Islamic Finance And Banking »,
Financial Markets, Institutions & Instruments, V. 10, No. 4, pp: 155-195 November.

18
Annexes

Annexe 1 : La répartition de la population


A. La répartition selon le gouvernorat
Gouvernorat Effectifs Pourcentage
Ariana 36 5,4
Kébili 2 0,3
Kef 5 0,7
Mahdia 82 12,2
Manouba 10 1,5
Médenine 8 1,2
Monastir 51 7,6
Nabeul 21 3,1
Sfax 28 4,2
Sidi bouzid 12 1,8
Siliana 19 2,8
Béja 8 1,2
Sousse 195 29,1
Tataouine 3 0,4
Tozeur 2 0,3
Tunis 96 14,3
Zaghouane 3 0,4
Ben Arous 22 3,3
Bizerte 3 0,4
Gabès 5 0,7
Gafsa 9 1,3
Jendouba 12 1,8
Kairouan 28 4,2
Kasserine 10 1,5
Total 670 100,0

19
Figure 1: la répartition des personnes interrogées selon le gouvernorat

B. La répartition selon l’âge, le genre, l’état matrimonial, le niveau d’instruction et le


type d’employeur
Figure 10: la répartition de la population selon l'âge

20
Figure 11: la répartition de la population selon le Figure 12:Répartition de l'échantillon selon l'état
genre matrimonial

Figure 13: Répartition de l’échantillon selon le Figure 14: Répartition de l’échantillon selon le type
niveau d'instruction d'employeur

21
C. Les raisons de ne pas avoir un compte
Parmi ces derniers, 60,5 pourcent n’ont pas de compte bancaire parce qu’ils n’ont pas assez de moyens pour
en ouvrir - sachant que les étudiants doivent ouvrir un compte chez la poste pour s’inscrire. 15,3 pourcent
n’ont pas confiance dans les banques. On remarque ainsi que la plupart des personnes qui n’ont pas ouvert un
compte bancaire l’ont fait pour des raisons d’éthique et matériels.

Figure 15: Raisons de ne pas avoir un compte

22
Annexe 2 :
Figure 16: la proportion des personnes acceptant le principe du partage des pertes et profits

La plupart des clients potentiels, soit environ 68 pourcent (soit 318 personnes environ 47 pourcent de
la population entière), acceptent le principe de partage des pertes et profits (cf. figure 1 de l’annexe 2).
Cette catégorie de clients potentiels est attachée aux valeurs religieuses.

23
Annexe 3 : Répartition des entreprises
A. Répartition des entreprises selon l’effectif, le chiffre d’affaires et les secteur d’activité

Figure 17: Répartition des entreprises selon Figure 18: Répartition des entreprises selon le
l'effectif chiffre d'affaires

Figure 19: répartition des entreprises selon le secteur d'activité

B. Répartition des personnes interrogées selon leur position dans l'entreprise

La répartition des personnes interrogées selon leur position dans l’entreprise est représentée dans le tableau
3. 73,3 pourcent (22 personnes) des personnes interrogées sont des dirigeants de l’entreprise, 6,7 pourcent (2
personnes) sont des directeurs financiers et 20 pourcent (soit 6 personnes) occupent une autre position.

Tableau 3: Répartition des personnes interrogées selon leur position dans l'entreprise

Effectifs Pourcentages

Dirigeant 22 73,3

Directeur financier 2 6,7

autre 6 20,0

Total 30 100,0

24
Annexe 4: Les services et les produits bancaires islamiques sont ils conformes aux principes de la charia (selon les entrepreneurs
de la région du nord ouest de la Tunisie)

partagent d'une
Travaillent selon les ne pratiquent pas n'investissent pas n'investissent pas manière équitable n'investissent que
point de vue des principes de la des taux d'intérêt dans des projets dans des les profits et les dans des actifs
entrepreneurs charia dans leurs produits spéculatifs transactions illicites pertes tangibles
Absolument
désaccord 1 2 1 1 2 0
Désaccord 7 7 2 0 6 3
Neutre 9 5 14 5 8 10
effectifs
D'accord 11 12 9 17 12 13
Absolument
d'accord 2 4 4 7 2 4
Total 30 30 30 30 30 30
Absolument
désaccord 3,3 6,7 3,3 3,3 6,7 0
Désaccord 23,3 23,3 6,7 0 20 10
Neutre 30 16,7 46,7 16,7 26,7 33,3
fréquences
D'accord 36,7 40 30 56,7 40 43,3
Absolument
d'accord 6,7 13,3 13,3 23,3 6,7 13,3
Total 100 100 100 100 100 100

25
Annexe 5 : La qualité des produits et services des banques islamiques selon les entrepreneurs

point de vue des


entrepreneurs Sont souples et Sont transparentes
Offrent une large Pratiquent des tarifs flexibles en matière dans ses relations Offrent une bonne
gamme de produits compétitifs de financements avec leur clientèle qualité de service
Absolument
désaccord 0 4 3 3 1
Désaccord 7 4 6 2 2
Neutre 16 15 15 13 18
effectifs
D'accord 7 7 5 9 6
Absolument
d'accord 0 0 1 3 3
Total 30 30 30 30 30
Absolument
désaccord 0 13,3 10 10 3,3
Désaccord
23,3 13,3 20 6,7 6,7
fréquences Neutre 53,3 50 50 43,3 60
D'accord 23,3 23,3 16,7 30 20
Absolument
d'accord 0 0 3,3 10 10
Total 100 100 100 100 100

26
Annexe 6 : Point de vue des entrepreneurs de la région du nord ouest de la Tunisie sur le lien entre la finance islamique et le
développement régional.

Promeuvent fortement la
Soutiennent les
Aident à lutter Favorisent création
projets de
point de vue des entrepreneurs contre la l’inclusion d’emplois à travers le
développement
pauvreté financière financement
durable
des projets
Absolument désaccord 1 2 3 3
Désaccord 6 2 5 2
Neutre 7 5 11 4
effectifs
D'accord 13 19 10 18

Absolument d'accord 3 2 1 3
Total 30 30 30 30
Absolument désaccord 3,3 6,7 10 10
Désaccord 20 6,7 16,7 6,7
Neutre 23,3 16,7 36,7 13,3
fréquences
D'accord 43,3 63,3 33,3 60

Absolument d'accord 10 6,7 3,3 10


Total 100 100 100 100

27

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