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Chapitre 5 Les approches structurelles de l’entreprise

I. La raison d’être d’une structure

A. Comment est représentée la structure ?

Si la représentation traditionnelle de la structure est souvent l’organigramme, cet outil ne donne


qu’une image imparfaite de la réalité de l’entreprise. La structure apparaît comme le reflet à la fois
de l’organisation technique et humaine de l’entreprise, et des processus de décision employés par les
dirigeants.

La structure

Elle se définit comme une combinaison d’éléments et de mécanismes qui visent à répartir,
coordonner et contrôler les activités de l’entreprise afin d’atteindre avec efficacité et efficience les
objectifs stratégiques.
L’action sur la structure est de la compétence du manager. Elle permet de développer ou de modifier
la structure. C’est le travail de structuration organisationnelle.

L’organigramme

C’est une représentation schématique de la structure, de ses membres et de leurs fonctions. Il met en
évidence les liens hiérarchiques et fonctionnels qui les relient.
Un lien hiérarchique représente un rapport d’autorité en un subordonné et son supérieur. Un lien
fonctionnel indique un rapport lié à l’exécution de certaines tâches qui met deux membres de
l’entreprise en relation.

Les entreprises ne réalisent pas toutes un organigramme. Tout d’abord, cette représentation est
restrictive. Elle privilégie les relations hiérarchiques et ne donne pas l’image des rapports informels
qui lient les salariés. Ensuite, l’organigramme donne une représentation figée qui n’est exacte qu’au
moment de son élaboration. Enfin, l’organigramme peut générer des conflits entre les personnes en
montrant une image qui n’est pas celle perçue ou vécue par les salariés.

B. Comment caractériser la structure ?

On peut mettre en évidence trois éléments pour caractériser une structure :


– la division du travail ;
– le degré de contrôle des activités : plus ou moins centralisé ou décentralisé
– les mécanismes de coordination.

La division du travail

À partir du moment où, dans une entreprise, les tâches se répètent et nécessitent plusieurs personnes,
la division du travail devient nécessaire.
Les premières références à la division du travail se retrouvent chez Adam Smith, avec l’exemple de
la fabrique d’épingles. L’organisation scientifique du travail résulte de cette logique en séparant le
travail de conception et d’exécution et en parcellisant les tâches.

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On distingue :

 La division verticale
Elle détermine le nombre de lignes hiérarchiques. C’est la hauteur de l’organigramme. Plus le
nombre de niveaux hiérarchiques est élevé, plus l’organigramme est pointu. Inversement, un nombre
réduit de niveaux hiérarchiques aplatit l’organigramme.

 La division horizontale
Elle détermine le nombre de fonctions ou de services. C’est la largeur de l’organigramme. La
spécialisation peut se faire selon différents critères : par fonctions (approvisionnement, fabrication,
marketing…), produit, zone géographique, projet.

Les degrés de centralisation

Quand l’entreprise grandit, quand l’environnement devient plus imprévisible, quand les techniques
de production se complexifient, il devient impossible pour l’équipe dirigeante d’exercer son pouvoir
sur l’ensemble des niveaux hiérarchiques.
La décentralisation est un processus par lequel le pouvoir détenu par le sommet hiérarchique est réparti
en différentes unités. Chaque unité fonctionne alors comme un centre de profit autonome.
Dans sa forme la plus classique, la décentralisation est verticale, c’est-à-dire que le pouvoir descend
le long de la ligne hiérarchique.

 Les conditions de la décentralisation


Pour que la décentralisation soit un succès, il faut tout d’abord que la culture nationale soit favorable
à cette forme d’organisation.
Ensuite, la décentralisation doit être voulue. Elle doit être expliquée et préparée avec l’ensemble des
salariés. Elle nécessite donc un haut niveau de qualification, en particulier des cadres qui vont piloter
la décentralisation.
Enfin, le succès de la décentralisation exige la mise en place de procédures de contrôle qui soient
vérifiées et respectées. Cette centralisation du contrôle est indispensable pour préserver l’unité de
l’entreprise et conserver une communication homogène.

 Les avantages de la décentralisation


La décentralisation permet :
– de prendre des décisions plus pertinentes car elles sont prises par des personnes disposant
d’informations précises ;
– aux entreprises d’être plus réactives car le circuit de prise de décision est raccourci ;
– aux salariés d’être plus motivés car ils se trouvent plus impliqués dans les décisions.

Les mécanismes de coordination des activités définis par Mintzberg

La spécialisation du travail rend nécessaire la coordination des acteurs de l’entreprise. La


coordination des activités doit permettre aux différentes composantes de l’entreprise d’agir en
cohérence.

Mintzberg décrit six principaux mécanismes de coordination :

 L’ajustement mutuel
C’est la forme la plus simple et la plus rapide de coordination. Elle permet à des salariés de se
consulter directement sans passer par un supérieur hiérarchique. Cette forme de coordination
fonctionne si les parties ont la volonté de collaborer. Elle est dominante dans les entreprises naissantes

.
et de petite taille. À l’opposé, l’ajustement mutuel fait son retour quand il y a un excès de
standardisation du travail. L’ajustement mutuel vient alors fluidifier les relations.

 La supervision directe
Elle intervient dans une structure hiérarchisée. Un supérieur va donner des ordres à son ou ses
subordonnés et contrôler la réalisation des tâches. Dans cette forme de coordination, l’information
est essentiellement descendante. Si elle est rassurante pour les subordonnés qui reçoivent leurs
consignes d’un unique supérieur, elle présente l’inconvénient d’alourdir le processus de décision. La
supervision directe convient à des entreprises à structures mécanistes.
Quand la structure continue de grandir, il faut rationaliser l’organisation du travail, ce qui conduit à
standardiser le travail. Quatre formes de coordination supplémentaires vont alors exister…

 La standardisation des résultats


On définit précisément les performances à réaliser ou les caractéristiques du produit à réaliser. La
définition des résultats est du ressort des responsables fonctionnels ou de la technostructure. Cette
forme de coordination est motivante pour les salariés qui sont mobilisés pour atteindre leurs
objectifs ;

 La standardisation des procédés


On définit avec précision les tâches à réaliser ainsi que leur succession. C’est le rôle de la
technostructure qui élabore les procédés et les opérationnels qui exécutent le travail conformément
aux procédures. Cette forme de coordination permet de formaliser les méthodes de travail ;

 La standardisation des qualifications


On s’appuie sur le savoir-faire et les compétences acquises grâce à des formations (exemples :
chirurgiens dans un hôpital, avocat ou expert-comptable) ;

 La standardisation des normes


On s’appuie sur un système de valeurs pour organiser le travail. Ce système de valeurs doit être
partagé par l’ensemble des membres de l’organisation. Cette forme de coordination se trouve souvent
dans des organisations non marchandes.

II. Les principales configurations structurelles

Si chaque entreprise a sa propre façon d’organiser ses activités, on peut mettre en évidence des
structures récurrentes. Henry Mintzberg a particulièrement étudié les particularités des
configurations structurelles.

A. Quelles sont les structures classiques ?

 La structure simple
Dans cette structure simple ou entrepreneuriale, les relations sont très personnalisées. Elle
correspond à des entreprises de petite taille dans lesquelles le dirigeant va s’entourer d’une équipe de
salariés motivés et réactifs. Dans cette structure, le salarié n’a qu’un seul supérieur. Cette structure
s’avère vite insuffisante quand la taille de l’entreprise grandit car le dirigeant ne peut centraliser tous
les pouvoirs.

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 La structure fonctionnelle
Cette structure permet une spécialisation de l’entreprise par fonctions et correspond à des entreprises
développant une seule activité. Cependant, chaque responsable de fonction a la tentation de vouloir
défendre excessivement ses attributions au détriment de l’intérêt global de l’entreprise. Il peut en
résulter des tensions entre les responsables fonctionnels.

 La structure divisionnelle
Quand l’entreprise développe plusieurs activités (stratégie de diversification) ou s’étend
géographiquement (stratégie d’internationalisation), elle a intérêt à mettre en place une structure
divisionnelle. Cette structure répond également aux limites de la structure fonctionnelle. Les critères
de définition des divisions sont donc l’activité (exemple : division énergie, division santé, division
transport chez Siemens) ou la répartition géographique (division Europe, division Asie…).
Le dirigeant peut également constituer autour de lui une équipe de responsables fonctionnels ayant
en charge la coordination et le contrôle des activités des divisions.
Cette structure présente cependant l’inconvénient de multiplier les fonctions et de créer des doublons
dans les postes. La masse salariale engendrée par cette structure est importante. Par ailleurs, chaque
division fonctionnant de façon autonome, des risques d’éclatement peuvent être à craindre.

 La structure matricielle
Cette structure permet de découper l’activité selon deux, voire trois critères (fonctions, géographie,
activités). Elle convient particulièrement aux entreprises multi-activités.
Elle donne à l’entreprise une souplesse de fonctionnement. En effet, si l’entreprise désire s’implanter
sur un nouveau marché, elle va pouvoir faire évoluer sa structure sans remettre en cause
l’architecture d’ensemble.
En revanche, la structure matricielle fait dépendre un salarié d’au moins deux supérieurs. Elle crée
des risques de doubles consignes, qui peuvent parfois être contradictoires.

B. Quels sont les apports de Mintzberg en matière de configuration structurelle ?

Les composants d’une configuration structurelle

Henri Mintzberg a donné une représentation de l’entreprise qui permet d’identifier les différents
composants de la structure :

La ligne hiérarchique

La ligne de
conseil

.
 La ligne hiérarchique
Trois parties la composent :
– le sommet stratégique : c’est l’équipe de direction de l’organisation ;
– la ligne hiérarchique de la direction générale aux agents de maîtrise ;
– le centre opérationnel, chargé d’accomplir le travail de production et de commercialisation.
 La ligne de conseil
Elle est constituée de trois éléments :
– la technostructure, qui aide l’organisation en standardisant les procédures ;
– les fonctions de support logistique, qui offrent les services permettant au centre opérationnel de
fonctionner.

Les configurations structurelles

La prise en compte des transformations de l’environnement fait évoluer les structures de forme
simple vers des configurations adhocratiques. Les travaux de H. Mintzberg ont permis de dégager
cinq configurations.

 La configuration simple
Elle convient à la PME dont le dirigeant assume l’ensemble des fonctions à responsabilité. La
supervision directe est la forme dominante de coordination 

 La configuration mécaniste
Elle apparaît quand la rationalisation du travail devient nécessaire (entreprise industrielle). On
assiste à une standardisation qui s’opère par les procédés grâce à une technostructure émergente (en
charge justement de l’élaboration des procédures) ;

 La configuration professionnelle
Elle est adoptée essentiellement dans les organisations où l’activité dépend des compétences
professionnelles de ses membres (cabinets d’avocats, d’experts-comptables, hôpitaux, etc.). La
standardisation par les qualifications est forte 

 La configuration divisionnelle
C’est la caractéristique des entreprises diversifiées. La coordination repose sur une standardisation
par les résultats 

 La configuration adhocratique
Elle est capable de s’adapter aux contraintes engendrées par la complexité des tâches à effectuer. Ce
type de configuration convient aux entreprises évoluant dans des environnements incertains et
instables. L’ajustement mutuel est prédominant. C’est la configuration de la start-up, de l’entreprise
réalisant des productions à l’unité ou de l’entreprise recourant à des technologies de pointe.
Les entreprises ayant adopté ce dernier type de configuration ont généralement peu de niveaux
hiérarchiques. L’organigramme est plutôt plat, avec une forte spécialisation horizontale. Le contrôle
est réduit. L’autocontrôle est préféré. Les cadres, en raison de leur expertise, ont des fonctions de
coordination horizontale.
Une structure matricielle est de type adhocratique. On parle également de « structure transversale ».
Le cas de Google est une illustration de la configuration adhocratique. On y retrouve un
organigramme assez plat. Le niveau de qualification des salariés est très élevé, ce qui leur confère la
capacité à évoluer dans un environnement complexe.

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III. Les facteurs influençant la structure

Chaque entreprise a une structure adaptée à sa stratégie, sa technologie, son environnement, sa taille,
son âge ou sa culture. Ce sont donc des facteurs de contingence.

A. L’influence de la stratégie sur la structure

Les travaux empiriques et historiques d’Alfred Chandler (1918-2007) montrent clairement que les
choix stratégiques orientent les structures. Cette observation met en évidence deux phases.

Entreprise à un Stratégie de Organisation Structure simple


seul DAS* spécialisation centralisée et fonctionnelle

Quand l’entreprise se développe

Entreprise à Stratégie de Organisation Structure divisionnelle


plusieurs DAS diversification décentralisée ou matricielle

* DAS : domaine d’activité stratégique


La relation inverse – la structure détermine la stratégie – est plus délicate à montrer, sauf à envisager
des entreprises dans lesquelles les membres désireux de maintenir l’organisation existante orientent
la stratégie afin qu’elle préserve la structure.

B. L’influence de l’environnement sur la structure

Choisir entre structure mécanique et structure organique


Deux sociologues anglais, Burns et Stalker, en s’appuyant sur l’étude empirique d’une vingtaine de
sociétés, ont mis en évidence que les conditions environnementales avaient un impact fort sur les
structures.
Ils distinguent les structures mécaniques des structures organiques.

Structure mécanique Structure organique


– Faible division du travail
Spécialisation Forte division du travail
– Recherche de la polyvalence
Tâches Stables et prédéfinies Fréquemment redéfinies
Règles Nombreuses et contraignantes Peu nombreuses
Communication Formalisée et descendante Informelle et latérale
Pointu avec de nombreux
Organigramme Plat
niveaux hiérarchiques
Autorité Centralisation Décentralisation
Entreprises de l’industrie
Exemple Entreprises de la Net économie
agroalimentaire

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C. Les effets des incertitudes de l’environnement
Ces travaux sont prolongés par Lawrence et Lorsch, qui montrent que plus l’environnement est
complexe et instable, plus l’entreprise adopte une structure souple et décentralisée de type
organique. Elle va en effet découper sa structure en centres autonomes adaptés à chaque élément de
l’environnement. On parle alors de « différenciation organique ».
L’entreprise doit aussi avoir le souci de sa cohérence globale. Il en résulte un second processus
d’intégration organisationnelle.
La complexité de l’environnement se mesure par le nombre de variables à maîtriser. La stabilité se
mesure par le degré d’incertitude des variables.
Degré +
d’incertitude
Structure
matricielle
Structure
divisionnelle

Structure
fonctionnelle

Degré

– + de complexité
-

D. L’influence du système de production sur la structure


Joan Woodward montre que la structure de l’organisation dépend du système de production utilisé
pour réaliser le produit. Elle distingue trois systèmes :
– le système de production unitaire ou en petite unité ;
– le système de production en série ;
– le système de production en continu.
Elle démontre que plus le processus de fabrication est routinier, plus la structure est de type
mécaniste.
Des études montrent cependant que le développement des nouvelles technologies atténue ce lien
entre technologie et structure. En effet, les technologies de l’information et de la communication (TIC)
rendent plus flexibles les structures mécanistes dans des secteurs d’activités industrielles à forte
standardisation (exemple : l’automobile). Inversement, les TIC contraignent des structures flexibles
à rationaliser leur fonctionnement.

E. Les autres facteurs d’influence sur la structure

L’influence de l’âge et de la taille


Des études réalisées par l’INSEE sur les PME et par des auteurs anglo-saxons sur les grandes
organisations montrent que :

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– le nombre de fonctions et de niveaux hiérarchiques augmente avec la taille. Ainsi, 60 % des
entreprises de moins de 500 salariés ont moins de six fonctions différentes. Jusqu’à 200 salariés, il
existe au maximum trois niveaux hiérarchiques ;
– pour les entreprises de grande taille (plus de 2 000 salariés), la spécialisation du travail s’accroît,
une différenciation horizontale et verticale se met en place et des procédures de travail s’instaurent.
Quand la taille de l’entreprise augmente, le dirigeant ne peut plus conserver une structure simple et
un lien direct avec ses salariés. Il va embaucher des responsables par fonction. Plus la taille
augmente, plus les activités vont se diversifier, s’autonomiser et tendre vers une structure
divisionnelle.

L’influence de la culture
La notion de culture doit se comprendre au sens national. C’est l’ensemble des valeurs partagées par
un ensemble géographique homogène. On parle de culture anglo-saxonne, de culture chinoise…
Mais la culture a également une signification interne : la culture d’entreprise constituée des valeurs
qui réunissent les salariés autour d’un projet commun.

Les travaux conduits par Hofstede maintiennent, par exemple, qu’en France et dans les pays latins, le
fort besoin de contrôle et l’incertitude de l’environnement génèrent des structures où la distance
hiérarchique est très marquée. On y trouve des structures pyramidales et fonctionnelles.
À l’inverse, dans les pays anglo-saxons où l’acceptation de l’incertitude est forte, les distances
hiérarchiques sont réduites, les structures sont plus flexibles.

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