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la métallurgie du fer
en Afrique
Une ancienneté méconnue
Afrique de l’Ouest et Afrique centrale
Éd iti o n s UN E SCO
4 J.F. Jemkur
Les auteurs sont responsables du choix et de la présentation des faits figurant dans cet
ouvrage ainsi que des opinions qui y sont exprimées, lesquelles ne sont pas nécessaire-
ment celles de l’UNESCO et n’engagent pas l’Organisation.
Les appellations employées dans cette publication et les données qui y figurent n’impli-
quent, de la part de l’UNESCO, aucune prise de position quant au statut juridique des
pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières
ou limites.
ISBN 92-3-203807-2
© UNESCO 2002
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 5
Préface
Doudou Diène
Directeur
Division du Dialogue interculturel
UNESCO
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 7
Sommaire
Préface 5
Introduction générale, Hamady Bocoum 9
Première partie
Vingt-cinq siècles de travail du fer au Nigéria – Contribution du
Nigéria à la première session du Comité scientifique international
(Abuja, 23-27 février 1995)
Introduction 21
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest, J. F. Jemkur 23
La réduction du fer dans les bas fourneaux — Une industrie vieille de
2 500 ans au Nigéria, E. E. Okafor 35
L’impact du fer en Pays yoruba, I. A. Akinjogbin 49
Deuxième partie
Rencontres sur la métallurgie du fer en Afrique (UNESCO, Paris
12 novembre 1999)
La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés.
Apport des études métallographiques, P. Fluzin 59
La métallurgie du fer en Afrique : un patrimoine et une ressource au
service du développement, H. Bocoum 93
Les datations de la métallurgie du fer à Termit (Niger) : leur fiabilité,
leur signification, G. Quéchon 105
Données chronométriques et chronologiques de la métallurgie à Termit
— Matériaux graphiques pour l’étude des âges anciens du fer,
A. Person, G. Quéchon 115
L’Afrique centrale : le « savoir-fer », P. de Maret 123
Bilan de l’archéologie de l’âge du fer au Cameroun méridional,
J.-M. Essomba 133
Les routes du fer en Afrique : une contribution du Nigéria, D. A. Aremu 147
8 Sommaire
Bibliographie 195
Annexes
• Liste des auteurs 217
• Consultation internationale de spécialistes (Maputo, 10-13 décembre
1991) – Extraits du rapport 219
• Membres du Comité scientifique international du projet « Les routes
du fer en Afrique » 225
Index
• Spécialistes 229
• Sites 233
Introduction générale
Hamady Bocoum
1. De 1991 à 1997, Mme Ana Elisa Santana Afonso, actuellement membre du person-
nel de l’UNESCO, puis M. Sedate Jobe, membre du Gouvernement de Gambie,
avaient successivement, avec l’aide de Mme Marie-Florette Lengue, assuré la mise
en œuvre du projet.
10 Hamady Bocoum
mais on s’est bien vite rendu compte que le plus important n’était pas seulement
de savoir d’où venait la sidérurgie africaine ; il s’agissait surtout, et c’est peut-être
ici que se trouvait l’essentiel, de savoir quelles étaient les caractéristiques techni-
ques de ce véritable corps de métier que la science moderne pouvait encore
observer in vivo comme une machine à remonter l’histoire des techniques sur
plusieurs millénaires. Il s’agissait également de chercher à comprendre quelles
conséquences sociales, économiques et culturelles une innovation technique
aussi impressionnante avait engendrées. Car, plus que toute autre analogie, elle
rend compte de l’issue, sans surprise, du choc entre le pot de terre et le pot de fer,
tant il est vrai que les sociétés qui ont adopté le fer — ou auxquelles le fer s’est
imposé — ont subi de profondes mutations.
À certains égards, les contributions rassemblées dans cet ouvrage tentent,
chacune à sa manière, d’apporter une réponse à l’une ou l’autre des questions
posées. Ces réponses nécessairement en devenir, tant est soutenu le rythme
auquel se font les découvertes et les remises en cause, doivent donc être considé-
rées comme autant d’étapes qui n’ont de signification que par rapport aux
contextes, parfois déjà anciens, qui présidèrent à leur production. Depuis dix ans
en effet, beaucoup d’encre a coulé à propos du fer en Afrique et dans le monde,
et bien des schémas diffusionnistes ont succombé sous le poids des évidences. Les
publications parues depuis la mise en place de ce projet rendent parfaitement
compte de cet engouement pour la métallurgie africaine et pour les métiers du
feu en général ; elles polarisent une bonne partie des publications archéologiques
et anthropologiques, témoignant de multiples bouleversements en cours 2. Parmi
les nombreux chantiers ouverts, certains méritent cependant un regard très
attentif, car il ne fait pas de doute qu’ils seront à l’origine de points d’inflexion
significatifs dans la conduite des recherches pour les années à venir. À cet égard,
on peut citer la chronologie, l’histoire technique de la sidérurgie et le renouvel-
lement du discours anthropologique qui n’a que trop souffert de comparaisons
de mauvais aloi.
Mais de toutes ces directions de recherche, c’est certainement dans le
domaine de la chronologie que les révélations de l’archéologie prennent place, et
ce dans une ambiance presque toujours suspicieuse. Il y a manifestement, sur ce
terrain, une difficulté à envisager ou à accepter une remise en cause d’hypothèses
diffusionnistes qui, paradoxalement, bien que posées il y a plus d’un demi-siècle,
ne trouvent pas encore la moindre confirmation. Il y a peut-être aussi une résis-
tance culturelle à accepter l’évidence alors que, à l’inverse, le fait de revisiter la
production anthropologique soulève moins de passions (McNaughton, 1988 ;
dans les scories étudiées, l’auteur constate qu’il était très élevé durant le premier
stade et pratiquement absent dans le deuxième, ce qui suggère une amélioration
de la maîtrise technique et du rendement. Cette maîtrise ira se renforçant avec
l’utilisation de fondants et le perfectionnement de la soufflerie qui permettront,
d’une part, de réussir d’excellentes réductions avec les plus basses températures
possibles — entre 1 150 et 1 280 °C — et, d’autre part, de réaliser une économie
considérable de main-d’œuvre, les fourneaux fonctionnant désormais à induc-
tion naturelle. Ces observations sont révélatrices de l’état d’esprit des métallur-
gistes qui, loin d’être de simples imitateurs, étaient résolument tournés vers le
perfectionnement, ce qui suppose des capacités d’observation, de comparaison,
de déduction et d’anticipation, autant de marqueurs de l’esprit scientifique. Faire
parler le matériau postréduction conduit ainsi parfois à de surprenantes rencon-
tres qui remettent en cause bien des convictions.
Il est tentant, sur ce point, de rompre avec l’ordre chronologique de présen-
tation des contributions de cet ouvrage pour introduire celle de Fluzin sur « La
chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés. Apport
des études métallographiques » qui est un complément naturel du travail d’Oka-
for. Fluzin aborde ici la sidérurgie, et la sidérurgie directe en particulier, sous un
angle totalement nouveau. L’ingénieur, au contact des dimensions culturelles et
ethnographiques de la sidérurgie directe, a affiné sa démarche en montrant tout
l’intérêt qu’il y a à développer les synergies entre archéologues et ingénieurs du
fait de la complexité des questions posées par la sidérurgie ancienne.
Ainsi, la réduction, l’épuration et l’élaboration apparaissent comme trois
niveaux techniques qui laissent chacun une signature au cœur du produit final,
qu’il soit scorie, objet ou simple battiture. L’archéométrie des vestiges sidérurgi-
ques, qui permet l’élaboration et la mise en œuvre des instruments méthodolo-
giques indispensables à ce type de recherche, est une discipline en pleine
expansion. Elle permet une discrimination de plus en plus fine des indices de
réduction, d’épuration et d’élaboration, et contribue déjà à une meilleure inter-
prétation fonctionnelle non seulement des espaces techniques mais également de
l’efficacité des procédés mis en œuvre par les artisans, compte tenu, d’une part,
de la qualité et de la quantité des matières premières disponibles et, d’autre part,
des contextes sociopolitiques. Les articles d’Okafor et de Martinelli, dans le pré-
sent ouvrage, rendent compte de la fécondité de cette approche, ce qui fait de la
contribution de Fluzin, un véritable « discours de la méthode ».
Après les aspects chronologiques et techniques, le travail d’Akinjogbin, en
s’organisant autour de « L’impact du fer en Pays yoruba », achève de donner de
la cohérence à la contribution du Nigéria. Celle-ci touche ainsi à tous les aspects
de la sidérurgie, même si, pour des raisons évidentes de moyens et de temps, tout
le pays n’a pas pu être couvert. Chez les Yoruba, il semble incontestable que l’uni-
fication du pays sous la férule des partisans d’Oduduwa s’explique en très grande
partie par une supériorité militaire due à l’usage du fer, la forge devenant elle-
Introduction générale 13
3. Les rencontres du 12 novembre 1999 ont réuni, au siège de l’UNESCO, les auteurs
suivants : David Aremu, Hamady Bocoum, Pierre de Maret, Bruno Martinelli,
Alain Person et Gérard Quéchon. À ce groupe d’intervenants il faut ajouter ceux
qui, bien que programmés, n’ont pu présenter leur contribution lors de cette ren-
contre, mais ont eu l’amabilité de la faire parvenir à l’UNESCO. Il s’agit de Louise-
Marie Maes-Diop, de Joseph-Marie Essomba et de Philippe Fluzin.
14 Hamady Bocoum
qui induit que la combustion lente est la résultante de mutations sociales dont
elle illustre les enjeux techniques, culturels et politiques.
Au terme de cette introduction, le lecteur se sera rendu compte, nous l’espé-
rons, de l’importance du chemin parcouru et du renversement de la perspective
qu’il induit. Il semble en effet établi qu’il n’est plus possible, sur cette question,
de continuer à penser que les Africains n’ont été que de simples consommateurs,
car, manifestement, il y a eu innovations. Des innovations multiples touchant à
tous les aspects de la chaîne opératoire technique (combustion lente, induction
naturelle, multiplicité des conceptions architecturales et des matériaux supports,
etc.). En réalité, aucun continent ne présente autant de variations dans la conduite
de la chaîne opératoire de la réduction directe que l’Afrique où les artisans ont
poussé l’ingéniosité jusqu’à produire du fer dans des fourneaux faits de troncs de
bananiers (Celis, 1991b).
C’est pourquoi, si la revue des textes anciens consacrés à cette question indi-
que clairement que leurs auteurs n’ont pas pu éviter le recours commode à la pro-
jection diachronique pour poser comme postulat que les Nègres, esclaves des
Berbères, ne pouvaient être des initiateurs4, les publications récentes prouvent
que les bouleversements en cours sont la conséquence d’un renversement radical
de perspective. Les archéologues africains, comme leurs collègues du reste du
monde, sont de plus en plus libérés des pesanteurs idéologiques, et une plus
grande harmonisation des méthodes de travail est en train de créer un contexte
nouveau fait de rigueur et d’expérimentations de toutes sortes sur la sidérurgie
ancienne. Des convergences très fortes, reposant sur une meilleure maîtrise des
données, autorisent à accréditer l’hypothèse de l’existence d’un ou de plusieurs
foyers d’invention de la sidérurgie en Afrique de l’Ouest et du Centre, ainsi que
dans la région des Grands Lacs.
En élargissant cette perspective, en rapport avec l’évaluation de la sidérurgie
dans le monde, il apparaît que l’histoire technique, où le génie de l’homme
prime sur toute autre considération, est fondamentalement différente de l’his-
toire biologique où la force des contingences détermine et encadre les passages
d’un stade à un autre. Sous ce rapport, le diffusionnisme, en tant que seule expli-
cation de la vulgarisation du progrès technique, trouve ici ses limites car le pos-
tulat de l’origine unique de la sidérurgie et celui, encore plus fonctionnaliste, du
passage obligé par la métallurgie du cuivre pour accéder à celle plus complexe du
fer ne reposent, en fait, que sur des hypothèses non vérifiables, de simples fabri-
cations supposées logiques et nécessaires. Se libérer de cette forme de scientisme
était assurément le premier tabou à dépasser et c’est bien ce qui semble être en
cours car, avec le recul, l’enseignement principal de l’histoire de la sidérurgie est
4. En réalité, tout cela relève de l’ambiance culturelle d’une époque où les colonisés, à
qui on indiquait la direction à suivre, ne pouvaient être perçus, en général, que
comme des consommateurs (Mauny, 1953).
Introduction générale 17
d’avoir établi que de par le monde, dans des contextes très différents, des com-
munautés humaines ont pu répondre avec efficacité aux questions posées par le
développement technique de leurs sociétés.
Au moment où nous terminons cette introduction, nous ne pouvons nous
empêcher d’émettre le souhait que l’UNESCO, en rapport avec la communauté
scientifique, maintienne et renforce « Les routes du fer », car les enseignements
présents et à venir de la sidérurgie africaine contribueront fortement, nous en
sommes persuadés, à l’enrichissement du patrimoine scientifique de l’humanité.
La petite fenêtre ouverte par ce volume ne fait que lever un coin du voile.
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 19
Première partie
Vingt-cinq siècles de travail du fer
au Nigéria
Contribution du Nigéria à la première session
du Comité scientifique international
(Abuja, 23-27 février 1995)
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 21
Introduction
Cette première partie est divisée en trois grands exposés consacrés à la réduction
du fer au Nigéria pendant près de 3 000 ans.
Le premier exposé résume la genèse de la métallurgie du fer en Afrique avec
une référence particulière à la situation qui a prévalu au Nigéria. Il récapitule les
théories soutenues par les deux écoles de pensée sur la question des origines du
travail du fer en Afrique, à savoir l’école « diffusionniste » et l’école « autochtone ».
Vient ensuite un résumé des témoignages obtenus sur le Nigéria, à partir de la
culture nok. Des exemples d’activités métallurgiques plus tardives sont égale-
ment mis en relief. Ils concernent d’autres régions du nord du Nigéria (depuis
Daima et Samaru Ouest). Certains résultent de témoignages ethnographiques
actuels.
Le deuxième exposé décrit en détail les techniques de réduction du fer dans
des bas fourneaux au Nigéria, avec une référence plus particulière à la région de
Nsukka où subsistent encore de nombreux vestiges. Ces techniques ont été étu-
diées au cours de recherches archéologiques et ethnographiques. Les résultats des
microanalyses et des macroanalyses effectuées sur des résidus de fusion montrent
que la réduction du minerai de fer a été pratiquée, dans cette région, de 760 cal. 1
av. J.-C. environ, à 1950 cal. apr. J.-C. environ, soit pendant plus de 2 500 ans,
ce qui fait de la région de Nsukka l’un des centres les plus anciens de la métallur-
gie du fer en Afrique. En outre, ces résultats mettent au jour les constituants
minéraux des scories, leur basicité et leur viscosité, ainsi que les températures
auxquelles fonctionnaient les fourneaux. En dernier lieu, ils indiquent la propor-
tion de fer extraite de ces anciens résidus de minerai.
Le troisième exposé traite de l’impact sociopolitique des techniques du fer au
Nigéria en prenant cette fois comme exemple le Pays yoruba. Chacun comprendra,
Origine et expansion
Comparée à d’autres régions du continent africain, c’est incontestablement l’Afri-
que de l’Ouest qui, de l’époque du Mungo Park (1813) à nos jours, a fait l’objet
des recherches ethnographiques et archéologiques les plus nombreuses et les plus
fructueuses tant de la part des chercheurs européens que de celle des chercheurs
africains. Une foule de données concernant les techniques métallurgiques de
l’Ouest africain ont été réunies (Jemkur, 1989 ; Okafor, 1992a et b ; Tylecote,
1975). Les chercheurs considèrent depuis longtemps la région comme une zone
particulièrement propice à la métallurgie du fer (Lhote, 1952, p. 270). Toutefois,
jusqu’à la reconnaissance de la culture nok au centre du Nigéria, il n’existait que
très peu d’informations archéologiques à partir desquelles on pouvait établir une
quelconque échelle chronologique pour cette industrie, même si l’on supposait
que la production de fer en Afrique de l’Ouest remontait à des temps très anciens.
Les figurines de terre cuite retrouvées dans la vallée de Nok étaient mélan-
gées, dans les dépôts alluviaux, à d’autres matériaux tels que des haches en pierre
polie et des fragments de fer (Fagg, 1969). Des datations ultérieures de ces
dépôts au carbone 14 (14C) font remonter ces matériaux à une époque comprise
entre 500 av. J.-C. et 200 apr. J.-C. (Barendson et al., 1965). Le contexte archéo-
logique dans lequel ils ont été découverts était, bien entendu, discutable, car il
n’était pas avéré qu’ils appartenaient à la même période tant qu’un lien entre eux
n’était pas établi in situ. C’est ce qui arriva en 1960, avec les fouilles de Taruga et
la découverte de fer, de terres cuites nok et de débris d’objets domestiques bien
associés, datés de la fin du premier millénaire av. J.-C. (Fagg, 1969). Il est certain
que cette région (Fagg, 1969 ; Tylecote, 1975) produisait son propre fer depuis
au moins le IVe siècle av. J.-C., les dates 400 ± 140, ± 100, 280 ± 120, 210 ± 95
av. J.-C. ayant marqué des étapes déterminantes.
24 Joseph Fazing Jemkur
Ces dates précoces placent sans aucun doute (jusqu’aux datations d’Opi,
Okafor, 1991) les fourneaux de réduction du fer de Taruga parmi les plus
anciens découverts en Afrique de l’Ouest. Certains spécialistes de la question y
ont vu la preuve d’une invention indépendante de la métallurgie du fer en
Afrique de l’Ouest (Davies, 1966 ; Maes-Diop, 1968 ; Andah, 1979). Mais
d’autres, qui en ont étudié les aspects techniques, ont fait valoir qu’une telle
invention était peu probable puisque, à l’exception de la Mauritanie, l’Afrique de
l’Ouest n’avait pas connu d’âge du bronze. Partout ailleurs dans l’Afrique subsa-
harienne, l’utilisation du fer succède à l’utilisation de la pierre pour l’outillage,
les ustensiles ménagers et les armes. En l’absence d’une métallurgie intermédiaire
du cuivre et du bronze, l’on voit mal comment, à la fin de l’âge de la pierre, cer-
tains peuples auraient pu découvrir par eux-mêmes l’utilisation du fer et la maî-
triser si rapidement sans aucune influence extérieure (Coghlan, 1941 ; Shinnie,
1967 et 1971 ; Tylecote, 1975b). Certains soutiennent néanmoins que cela
aurait pu se produire accidentellement, du fait des températures obtenues lors de
la cuisson des poteries et de l’inclusion accidentelle de minerai de fer dans le feu.
Mais dans une telle éventualité, il n’y aurait certainement pas eu production
d’une loupe de fer puisque les températures de cuisson de la poterie ne sont com-
prises qu’entre 600 et 800 °C, et que l’on n’utilise, pour les atteindre, ni charbon
de bois, ni fourneau, ni ventilation (Coghlan, 1942).
Désormais, les archéologues qui travaillent dans la région du Nigéria s’inté-
ressent moins à la théorie diffusionniste qu’au degré exact de perfectionnement
de la métallurgie dans un groupe donné. L’étude des méthodes de production du
fer de diverses sociétés peut permettre de mieux préciser certaines similitudes et
contacts culturels à travers tout le continent africain. Toutefois, aux fins du
présent article, nous présentons ci-après les arguments pour et contre la diffusion
de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest et en Afrique subsaharienne en
général (Jemkur, 1992).
est ensuite couramment utilisé dans le pays au Ve siècle av. J.-C. (Trigger, 1969,
p. 36).
Dans la partie du Soudan drainée par le Nil, le travail du fer semble avoir
débuté sous le règne d’Harsiyotef, qui gouverna la région de 416 à 398 av. J.-C.
(Trigger, 1969, p. 43 ; Arkell, 1966, p. 452). De 450 av. J.-C. jusqu’au IVe siècle
apr. J.-C., il existe pour Méroé une séquence archéologique complète, reposant
essentiellement sur les fouilles effectuées dans des nécropoles royales. Les objets
en fer datés d’environ 750 à 400 av. J.-C. sont plutôt rares et de petite taille. Sur
les 1 550 sépultures de Napata antérieures à 400 av. J.-C., 18 seulement contien-
nent des objets en fer (Arkell, 1966, p. 452). Trigger (1969, p. 42) pense que la
présence de tels objets à cette époque témoigne d’échanges commerciaux car il
n’existe aucun indice concret de production de fer. Ce n’est qu’après la chute du
pouvoir méroïtique, en 350 apr. J.-C., que les objets changent de nature. Les
bijoux en fer deviennent rares. De nombreux objets lourds apparaissent pour la
première fois, tandis que le nombre de types d’objets à caractère utilitaire aug-
mente. L’ensemble des outils découverts comprend des couteaux, des épées, des
mors pour chevaux, des haches, des houes et des marteaux. Un grand nombre de
ces objets sont emboîtés, contrairement aux outils pédonculés de la période
méroïtique. Il semblerait que ce soit seulement après la chute du royaume de
Méroé que la métallurgie du fer se soit orientée vers la fabrication d’outils et la
production à grande échelle, entraînant une augmentation de la productivité
(Trigger, 1969, p. 49). Trigger émet quelques réserves quant à cette interpréta-
tion, car les fouilles portent presque uniquement sur des sépultures et non sur
des sites habités. La représentativité des objets trouvés dans les tombeaux reste à
déterminer car ils peuvent être le reflet d’une panoplie d’outils ordinaire.
D’après une publication de Phillipson (1970, p. 5), un morceau de charbon
de bois trouvé en même temps que des fragments et scories de fer, ainsi que des
débris de poteries à la base du plus grand tas de scories, ou « Birmingham 97 »,
remonterait à 514 ± 73 av. J.-C. À son avis, c’est à cette époque que les Méroïtes
commencèrent à produire du fer. D’après Tylecote (1975b, p. 5), le premier âge
du fer à Méroé est représenté par de petits fourneaux bruns, retrouvés immédia-
tement au-dessus d’un niveau daté de 280 ± 120 av. J.-C., qui diffèrent tout à
fait des fourneaux à cuve de Taruga. Les conclusions de Trigger sur la succession
des techniques de la métallurgie du fer à Méroé, de la datation du travail du fer
à Taruga et à « Birmingham 97 », ajoutées aux différences entre les fourneaux de
Taruga et les premiers fourneaux méroïtiques utilisés pour réduire le minerai de
fer, rendent improbable le fait que Méroé ait été un centre de diffusion de la
métallurgie du fer vers l’Afrique de l’Ouest. En fait, Shinnie (1967, p. 14, et
1971, p. 99) estime que la culture méroïtique était exclusivement tournée vers le
Nil puisque l’on ne retrouve pas de matériaux méroïtiques plus à l’ouest que les
rives du ce fleuve. En outre, d’après Trigger (1969, p. 26), la première preuve
d’un contact entre les cultures nilotiques et du Darfur date de 550 apr. J.-C.
26 Joseph Fazing Jemkur
Enfin, Daima est l’un des rares sites archéologiques du Nigéria assez large-
ment décrit dans des publications. Il se trouve à proximité du corridor formé par
le lac Tchad et les monts de Mandara, par lequel des contacts est-ouest se sont
sans doute produits dans la région soudanaise. À ce jour, Daima est le seul site
connu au Nigéria à couvrir la transition entre l’utilisation de la technique de
la pierre — et de l’os — et la métallurgie du fer. Les couches archéologiques
qui y sont associées ont été datées comme suit : 980 ± 650 apr. J.-C. et 450
± 95 av. J.-C (Fagan, 1967, p. 518 ; Shaw, 1969 ; Connah, 1981). L’abondance
des assemblages de pierre polie qui y ont été retrouvés indique une structure néo-
lithique. Dans cette séquence, le morceau de fer le plus ancien a été découvert à
une profondeur de 6,5 m et devrait donc remonter au Ve siècle apr. J.-C. Trois
autres datations ont été publiées ultérieurement (Fagan, 1969, p. 153 ; Connah,
1981) : 1060 ± 90 apr. J.-C., 630 ± 190 apr. J.-C. et 570 ± 100 av. J.-C. En se
fondant sur l’avant-dernière date, Connah a révisé l’estimation qu’il avait faite de
l’introduction d’objets en fer dans la région, la repoussant du Ier au Ve siècle
apr. J.-C. Daniels a ultérieurement effectué une analyse statistique de l’ensemble
des dates concernant le site et en a conclu que le fer y aurait été introduit entre
le Ve et le VIe siècle apr. J.-C. (Willett, 1971, p. 355-356).
Si la métallurgie du fer était vraiment arrivée en Afrique de l’Ouest à partir
de Méroé, elle aurait dû transiter par Daima. Dans ce cas, il devrait y avoir des
témoignages de l’utilisation du fer à Daima à une date très antérieure à celle du
site de Taruga, appartenant à la culture nok, et qui se trouve à près de
1 000 kilomètres au sud-ouest. Or, aucun indice ne va actuellement dans ce sens.
En fait, les éléments disponibles semblent indiquer que l’on pratiquait la réduc-
tion du fer à Taruga quelque 600 à 800 ans avant que ce dernier fasse son appa-
rition à Daima. Ce dernier point et le fait qu’à Méroé les scories étaient coulées
à la romaine (Tylecote, 1975) sembleraient indiquer que, contrairement à ce que
l’on a souvent suggéré, il n’y a eu de diffusion vers les régions appartenant à la
culture nok ni d’objets en fer ni de la technique du travail du fer de Méroé
(Clark, 1969).
s’est fortement exercée sur la côte d’Afrique du Nord, le long du golfe de Gabès,
là où, à l’intérieur des terres, vivait la puissante tribu des Garamantes. Les Car-
thaginois ont également exploré la côte africaine à l’ouest du détroit de Gibraltar
et l’on pense que c’est par le biais de leurs contacts avec les autochtones que les
techniques du travail du fer se sont progressivement répandues à travers le Sahara
jusqu’aux centres situés en Afrique de l’Ouest (Mauny, 1952 ; Shaw, 1969).
La connaissance des techniques métallurgiques pourrait s’être propagée le long
de deux routes qui traversent le Sahara et atteignent l’Afrique de l’Ouest. La pre-
mière part du golfe de Syrte pour rejoindre la boucle du Niger à Gao ; elle aurait
probablement trouvé son point de départ dans la région sous influence carthagi-
noise, la connaissance du fer arrivant alors jusqu’au Nigéria par l’intermédiaire des
Garamantes qui longeaient les rives du fleuve avec leurs chariots. La seconde route
part du sud du Maroc et traverse la Mauritanie en longeant l’escarpement des
dahrs Tichitt et Oualata jusqu’au cours moyen du Niger. Des peintures rupestres
découvertes le long de ces deux routes attestent que des chariots tirés par des che-
vaux ont emprunté ces itinéraires plus de 1 000 ans av. J.-C. (Mauny, 1971).
Il a été déduit de ce qui précède que, après avoir appris la métallurgie auprès
des Carthaginois, les peuples du désert de langue berbère l’ont eux-mêmes trans-
mise aux peuples du Sud parcourant ces routes (Mauny, 1971, p. 66-87). Il res-
sort des recherches archéologiques récentes menées en Afrique de l’Ouest pour
déterminer à quel moment le travail des métaux est apparu dans cette région que
ces explications sont beaucoup trop simplistes. On sait déjà, par les travaux de
Lambert dans le sud-ouest du Sahara, que le minerai de cuivre était extrait et tra-
vaillé aux environs d’Akjoujt, en Mauritanie, au milieu du premier millénaire
av. J.-C., voire avant (Lambert, 1971, p. 9-12). Des indices découverts il y a peu
dans d’autres régions de l’Afrique de l’Ouest, en particulier au Niger, conduisent
également à penser que le cuivre y est apparu avant le fer. On aurait daté au
carbone 14 des ouvrages en cuivre remontant au premier millénaire av. J.-C., et
même plus tôt, dans les régions de Sekkiret et d’Azelik au Niger (Calvocoressi,
1971). Il semblerait donc qu’au Niger, comme dans la région d’Akjoujt, en Mau-
ritanie, le minerai de cuivre ait été exploité dès le début du premier millénaire
av. J.-C. Les techniques métallurgiques pratiquées dans la région d’Azelik
auraient donc pu, en quelque sorte, préparer à l’apprentissage des processus plus
complexes de réduction du minerai de fer.
Des éléments attestant l’existence du premier âge du fer au Nigéria ont éga-
lement été signalés. Trois datations au carbone 14 indiquent l’utilisation
ancienne du fer dans la région du massif de Termit, au sud-est du Niger, à la fin
du premier millénaire av. J.-C. (Posnansky et MacIntosh, 1979, p. 184). Selon
trois autres datations au carbone 14, effectuées dans les mêmes régions du Niger,
la métallurgie du fer remonterait aux trois derniers siècles av. J.-C. à Teguef
n’Agar. Ces dates semblent confirmer l’opinion selon laquelle elle serait arrivée
en Afrique de l’Ouest par le nord.
28 Joseph Fazing Jemkur
Enfin, des datations au carbone 14 du premier âge du fer ont également été
signalées dans la zone de savane et, plus particulièrement, à Jenne-Jeno dans le
delta intérieur du Niger, au Mali. Ce site a fait l’objet de fouilles en 1977
(McIntosh et McIntosh, 1981, p. 1-22). On y a découvert des preuves de l’utili-
sation et de la fabrication du fer par la population qui l’occupait au IIIe siècle
av. J.-C. Les niveaux les plus anciens contenaient du fer et des scories, ainsi que
de grandes quantités de débris d’objets utilitaires. Six datations au carbone 14
ont été effectuées sur le site, dont deux — 210 av. J.-C. ± 50 ans —, qui concer-
naient les niveaux situés à la base, contenaient du fer et des scories. La présence
de scories à Jenne-Jeno a conduit les chercheurs à conclure que le minerai devait
avoir été importé dans la région puisque le site se trouve dans une plaine alluviale
dépourvue de pierres et de fer. Celui-ci pourrait y avoir été transporté via la route
du Sahara occidental, ce qui indiquerait que les régions du delta du Niger ont
très tôt participé à des échanges interrégionaux.
Les éléments actuellement disponibles semblent donc indiquer que le cuivre
était au moins travaillé dans deux centres importants au sud du Sahara, en Mau-
ritanie et au Niger, au premier millénaire av. J.-C. Il est possible que le centre
mauritanien se soit développé grâce à une technique importée de la région médi-
terranéenne par les Berbères libyens, à l’initiative des Phéniciens et des Carthagi-
nois qui cherchaient de nouvelles mines à exploiter dans le sud du Maroc
(Mauny, 1978). Le même processus a également pu s’être produit dans le Sahara
central, à partir de Carthage vers la boucle du Niger, à proximité de Gao, en don-
nant naissance, au Mali et au Nigéria, à une métallurgie du fer plus tardive mais
appartenant encore au « premier âge du fer ». Par ailleurs, le centre de la métal-
lurgie du cuivre de la région d’Azelik, au Niger, pourrait bien avoir facilité la dif-
fusion du fer au Nigéria, ce qui suggère une deuxième route de diffusion
possible. D’après la datation du travail du fer à Taruga et d’après celles, récentes,
effectuées au Niger et dans d’autres parties du Sahara, la route transsaharienne
est probablement, mais pas nécessairement, plus plausible que celle passant par
Méroé. La question de la façon exacte dont la métallurgie du fer est apparue dans
le sud du Sahara n’est pas encore éclaircie. Les nouveaux éléments qui tendent à
prouver que le travail du cuivre a précédé celui du fer au Niger pourraient se
révéler déterminants, mais nous sommes encore loin de comprendre le contexte
socio-économique qui a précipité cette transformation technologique décisive.
raît aujourd’hui une école de pensée selon laquelle la métallurgie du fer peut
avoir débuté de façon indépendante en Afrique de l’Ouest (et, à dire vrai, en
d’autres endroits de l’Afrique subsaharienne). Les auteurs de cette théorie
(Lhote, 1966 ; Maes-Diop, 1968 ; Trigger, 1969 ; Schmidt et Avery, 1978 ; Rus-
tad, 1980 ; Andah, 1979 et 1981) ont souligné les nombreuses lacunes de la
thèse diffusionniste. Par exemple, certains de ces savants (Maes-Diop, 1968 ;
Andah, 1979) s’accordent sur le fait que la réduction du minerai de fer ne néces-
site pas une température très élevée (de 1 100 à 1 300 °C) et que, par consé-
quent, la métallurgie du fer peut s’être développée directement à partir des
techniques de cuisson de la poterie (Okafor, 1992a et b). Le fait qu’aucun élé-
ment n’atteste l’antériorité de la connaissance de la métallurgie sur celle de la
métallurgie du fer dans les régions appartenant à la culture nok et opi ne peut
être utilisé comme argument pour réfuter la théorie du développement local de
la technique du travail du fer dans la région. Il a également été observé que la
latérite ferrugineuse est largement répandue en Afrique de l’Ouest, soit qu’elle
affleure à la surface du sol, soit qu’elle forme des gisements souterrains qui
auraient pu être connus et exploités il y a longtemps (Okafor, 1992a). Il est donc
possible qu’un âge du fer se soit développé sans avoir été précédé par un âge du
cuivre et du bronze. Les informations recueillies sur le terrain laissent à penser
que la métallurgie du fer était largement répandue dans de nombreuses régions
d’Afrique. Les quelques dates disponibles à cet égard pour certaines régions de
l’Afrique subsaharienne sont aussi anciennes, voire plus anciennes, que celles
obtenues pour les régions « donatrices ». Par exemple, en dehors de la région de
la culture nok pour laquelle on sait que la métallurgie du fer a été pratiquée au
moins dès le IVe ou le Ve siècle av. J.-C., d’autres datations anciennes, remontant
au Ve siècle environ av. J.-C. ont été obtenues en Éthiopie, à Matara, ainsi que
dans la région bahaya du lac Victoria, où la datation au carbone 14 semble indi-
quer qu’elle existait en 500 av. J.-C. (Schmidt et Avery, 1978).
Il a également été observé que l’argument en faveur d’une diffusion à partir
de l’Afrique du Nord repose uniquement sur la datation des cultures phéni-
cienne et carthaginoise dans cette région. Or, aucun matériau provenant de Car-
thage ou d’Utique, ni aucun site comportant des matériaux phéniciens, n’est
antérieur au VIIIe siècle av. J.-C. (Warmington, 1969). Bien que les Carthaginois
aient produit à grande échelle des armures dès le IIIe siècle av. J.-C., selon Mauny
(1971), « c’est seulement à partir du VIe siècle av. J.-C. que le fer apparaît dans
leurs tombes ; à partir du IIIe siècle, il remplace nettement le bronze comme
matériau d’usage courant ». Les 100 à 200 ans qui séparent la présence de la
technique du travail du fer à Carthage de son apparition dans la région apparte-
nant à la culture nok rendent sa diffusion possible mais néanmoins improbable
en raison de la brièveté de cet intervalle (Diop, 1973 ; Andah, 1979).
Étant donné que nous manquons actuellement d’indices concrets pour dater
les « débuts » de la métallurgie du fer dans la plupart des régions de l’Afrique
30 Joseph Fazing Jemkur
deux ouvertures. À de légères différences près dans les détails, les procédés utilisés
et le matériel de réduction du minerai collecté sur le terrain semblent être iden-
tiques dans la majeure partie de la zone de savane du Nigéria. On trouvera ci-
après la description des procédés gardés en mémoire par les anciens de Kurmin
Mazuga, de Nok et d’Ashafa (tous dans le sud de l’État de Kaduna). Kurmin
Mazuga et Ashafa sont habités par le peuple ikulu (bakulu), alors que Nok est
habité par les Jaba (Ham), groupes ethniques qui ont la réputation d’être des
experts en métallurgie dans la région et auxquels la plupart des autres groupes
ethniques achètent du fer malléable.
Le fer était généralement produit par réduction du minerai, lequel provenait
essentiellement de mines peu profondes qui, cependant, ont pu parfois atteindre
plus de 10 mètres de profondeur. On localisait le minerai riche en fer en obser-
vant le type de sable déposé par les eaux de ruissellement le long des chemins,
dans les fermes, le long des cours d’eau, etc. Le minerai de fer, qui se présentait
généralement sous la forme d’une roche relativement tendre, était concassé
manuellement à l’aide d’outils de pierre. Le minerai écrasé était alors mélangé
avec du charbon de bois qui fournissait la chaleur nécessaire à la réduction
directe. Ce charbon de bois était habituellement fabriqué à partir de bois dur
comme l’acacia ou le bishiya (chez les Hawsa), espèces que l’on trouve couram-
ment dans la région. Le mélange de minerai et de charbon de bois était alors
versé dans les fourneaux de réduction où il était allumé. Les fourneaux étaient
ventilés par la base. Une fois que le fourneau avait atteint une température éle-
vée, le métal fondu s’écoulait doucement par un trou pratiqué dans la paroi du
fourneau jusqu’au moule situé dans le sol. Celui-ci était une simple cavité creu-
sée en dessous du fourneau. On laissait alors le fer fondu se solidifier sous forme
de lingot (fer malléable) qui servait ensuite à fabriquer divers articles comme du
matériel et des outils agricoles. Les instruments utilisés pour le travailler et le
transformer en outils étaient tous en granit solide jusqu’à l’arrivée des Européens
qui en introduisirent de plus perfectionnés. Les différentes étapes de la réduction
du minerai de fer s’accompagnaient de nombreux rituels chez les Ikulu et les
Jaba. Les préparatifs exigeaient que l’on tienne compte de croyances selon les-
quelles certaines personnes auraient été susceptibles d’affecter spirituellement le
processus. Ces peuples préféraient construire leurs fourneaux sur les berges des
cours d’eau. Aux dires de l’un de leurs anciens : « Notre peuple fondait le fer près
des rivières et obtenait un métal différent de celui des Hawsa. Ces derniers cons-
truisaient leurs fourneaux comme des fourneaux à briques et ne les édifiaient pas
sur les berges des cours d’eau. »
Il ressort de nos recherches que dans la zone de savane du nord du Nigéria
et, en fait, dans la plupart des régions du Nigéria et de l’Afrique de l’Ouest en
général, la métallurgie du fer était largement répandue et a prospéré pendant
plus de 2 500 ans avant l’arrivée des Européens, contrairement à ce que préten-
dent certains des premiers ouvrages européens selon lesquels les Africains de
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 33
l’Ouest ne connaissaient pas le fer avant l’arrivée des Blancs (McPhee, 1926). Les
latérites de la plupart des régions de l’Afrique de l’Ouest se prêtaient à l’exploita-
tion du fer dans le passé, comme en témoignent les vestiges métallurgiques que
l’on peut observer. Le fer avait une grande importance économique dans ces
régions ; il était largement commercialisé jusque dans des contrées lointaines. Par
exemple, selon un entretien qui s’est déroulé à Daura (État de Katsina), la réduc-
tion directe a été pratiquée dans la région jusque dans les années 1940, époque
où il a fallu la stopper de force, alors qu’auparavant Daura vendait des quantités
considérables de fer au Territoire français.
L’instauration de l’autorité britannique au Nigéria mit fin à cette industrie
locale autrefois prospère. Partout les habitants furent contraints d’abandonner
l’art de la métallurgie traditionnelle et leur production fut remplacée par du fer
moins coûteux importé d’Europe. L’arrivée des Britanniques a réussi à détruire
les fondements industriels tellement nécessaires à notre développement culturel
et technique. En effet, le niveau de développement technique influe considéra-
blement sur la culture d’un peuple et constitue, par conséquent, l’un des aspects
de son développement culturel.
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 35
Comme le montre bien la première partie de cette exposition1, 2 500 ans se sont
écoulés depuis le début de la production, par les peuples d’Afrique, d’outils en
fer à partir de minerai qu’ils fondaient eux-mêmes. Ceci n’avait rien d’accidentel
puisque partout sur le continent africain, d’est en ouest et du nord au sud
(Andah, 1979), on trouve ce minerai de fer qui, quantitativement parlant, se
place au troisième rang des ressources minérales de ce continent après la silice et
l’alumine. Il existe sous forme d’oxydes : l’hématite, la sidérite, la goethite et la
magnétite (Tylecote, 1987). Chacun de ces oxydes a été exploité et réduit par-
tout où l’on en trouvait en Afrique (Okafor, 1984a, b et c). L’argile réfractaire,
autre élément nécessaire au travail du fer, qui servait à fabriquer les tuyères, les
fourneaux et le foyer, est elle aussi très répandue dans cette région du monde
(Childs, 1984). Le combustible, essentiellement du bois et/ou du charbon de
bois, était facilement disponible. Enfin, la main-d’œuvre n’était pas difficile à
trouver, notamment pendant la période qui a précédé la traite négrière transatlan-
tique (Okafor, 1992a).
Tous les éléments nécessaires à cette industrie étant facilement disponibles
en Afrique, il n’est pas étonnant que l’on y observe une grande diversité et une large
variété de techniques et de matériels destinés à sa pratique (Schmidt, 1977). Aucun
autre continent n’abrite une telle diversité de fourneaux, aux fonctions aussi variées
(Kense, 1983 ; Pole, 1985 ; Sutton, 1985). On observe la même diversité dans le
traitement et la production du combustible. Mais, point important, ce n’est qu’en
Afrique que l’on peut observer une production d’acier à forte teneur en carbone
dans des bas fourneaux (Schmidt et Avery, 1978 ; Bellamy et Harbord, 1904).
Connah, 1968 et 1981 ; Fagg, 1969 ; Shaw, 1969, 1978 et 1981 ; Sutton,
1976). Au cours de la longue période où elle a été pratiquée dans la région, cette
industrie a subi quelques modifications techniques qui l’ont perfectionnée et en
ont progressivement accru l’efficacité. Durant la période la plus ancienne, les
méthodes d’extraction du fer étaient peu efficaces et exigeaient beaucoup de tra-
vail alors que, par la suite, elles sont devenues plus efficaces et ont exigé moins de
travail. D’après les données fournies par la recherche actuelle, la réduction du
minerai de fer à Nsukka se répartit chronologiquement en trois phases. Chacune
de ces phases correspond à un procédé spécifique.
verres représentent les phases mineures des scories de cette période. Ces phases
sont représentées par différentes textures et formes structurelles.
Les scories d’Opi contiennent davantage d’hercynite (22,47 %) que toutes
les autres scories en provenance de Nsukka. L’hercynite a une température de
fusion élevée : 1 780 °C. Par conséquent, toutes les scories d’Opi qui ont une
forte teneur en silice (Al2O3) et qui contiennent de l’hercynite ont des points de
fusion variant de 1 350 à 1 450 °C. Il semble que pour tenter de liquéfier cette
gangue à forte teneur en silice, les fondeurs d’Opi aient produit des scories ayant
des températures de fusion élevées.
Le phénomène s’est produit fortuitement pendant la première phase de réduc-
tion du fer à Nsukka. Cette technique de liquéfaction des scories à haute tempéra-
ture a été améliorée, lors de la dernière phase, par l’utilisation de silice comme
fondant pour abaisser le point de fusion de la gangue et extraire davantage de fer
du minerai. La silice formait du silicate de fer et un peu d’oxyde, libérant ainsi du
fer réduit. L’opération produisait des scories dépourvues de wustite, caractéristique
de la phase tardive de réduction du minerai de fer à Nsukka étudiée ci-après.
La wustite, oxyde de fer à l’état libre, était présente dans tous les échantillons
de scories appartenant à la première phase de réduction du minerai de fer à
Nsukka (sauf trois). Dans les scories de Nsukka, les oxydes de fer à l’état libre, ou
wustite, présentent des structures dendritiques de taille variable. En tant
qu’oxyde de fer à l’état libre, la wustite constitue l’avant-dernier stade de la
réduction du minerai de fer en fer métal (Morton et Wingrove, 1969, p. 1557),
le pourcentage de wustite dans les scories est censé indiquer le degré d’efficacité
d’une opération donnée de réduction du minerai. Plus la teneur en oxyde de fer
à l’état libre d’une scorie est élevée, moins l’opération de fusion est efficace
(McDonnel, 1986, p. 86). Autrement dit, la teneur en wustite des scories variera
en fonction de l’habileté des fondeurs à en réduire le plus possible le taux résiduel
dans les scories. Les améliorations techniques intervenues au fil du temps expli-
queraient l’efficacité accrue de l’opération et la baisse de la teneur en wustite des
scories (Morton et Wingrove, 1972, p. 480). Partant de là, il semblerait que les
fondeurs des sites appartenant à la première phase utilisaient des procédés
d’extraction du fer moins efficaces que ceux en usage durant les phases moyenne
et tardive dans la division administrative de Nsukka. Bien que la wustite ne repré-
sente que 6,2 % des composants minéraux des scories d’Opi, ce pourcentage n’en
est pas moins le plus élevé comparé à celui des scories datant des autres phases.
fourchette allant de 810 à 1 435 cal. apr. J.-C., ce qui permet de penser que la
phase moyenne de réduction du fer à Nsukka s’est probablement déroulée entre
ces deux dates (Okafor, 1992a et 1992b). Les sites de réduction du minerai de
fer correspondant à cette phase se trouvent sur l’axe Owerre-Elu-Nru-Isiakpu-
Edeoballa. À cette époque, l’opération se faisait encore dans des fourneaux à cuve
à tirage forcé. Les scories étaient encore coulées, mais non dans des fosses. On les
laissait s’écouler du fourneau et se répandre sur le sol, tout autour du fourneau,
où elles formaient ainsi des scories plates à surface régulièrement ondulée.
Ces scories sont typiques et ont subsisté jusqu’à nos jours sous forme
d’agglomérés plats pesant de 1,5 à 4,2 kilos. Elles sont très denses, leur densité
moyenne étant de 4,2 g par centimètre cube. Certaines sont faiblement magné-
tiques sur les surfaces fraîchement coupées. Elles ne sont pas rouillées et ne com-
portent pas d’inclusions. Elles sont entièrement de couleur mixte, brun foncé
(MC 7,5 YR 3/4) et noir (MC 7,5 YR 2/10). En coupe, elles ont une couleur gris
bleuté et une structure grossièrement vésiculaire à proximité de la surface. Les
résultats d’analyse des échantillons de ces scories montrent qu’elles ont une très
faible basicité (moyenne : 0,02, écart type : 0,01).
La plupart des scories appartenant à cette phase ne contiennent pas de wus-
tite à l’état libre, ce qui suggère une amélioration et une bonne maîtrise des tech-
niques d’extraction du fer réduit. L’amélioration a également été observée dans
la plupart des scories de cette période ayant un point de fusion relativement peu
élevé. Soixante-quinze pour cent de la quantité totale des scories analysées de
cette phase moyenne ont un point de fusion inférieur à 1 200 °C. Les analyses
effectuées au microscope électronique à balayage et au spectromètre à rayons X à
dispersion d’énergie sur des scories appartenant à la phase moyenne de la période
de réduction du minerai de fer à Nsukka montrent qu’elles sont constituées de
fayalite, d’hercynite et de quelques petits morceaux de verre qui se trouvent dans
les vésicules. Certaines contiennent également des dendrites blanches de wustite.
L’élément minéral le plus abondant dans les scories de la phase moyenne est le
silicate de fer ou fayalite (Fe2SiO4). Selon des calculs volumétriques effectués sur
les minéraux contenus dans ces scories, la teneur en fayalite est de 76,42 %.
Sur les 12 échantillons de scories provenant d’Owerre-Elu qui ont été étu-
diés, 5 seulement contiennent de la wustite. Les 7 autres en sont dépourvus. La
wustite existe sous forme de dendrite et entre, pour 3,92 %, dans la composi-
tion minérale des scories de la phase moyenne analysées au cours des présentes
recherches.
Le point où se situent les scories d’Owerre-Elu sur le diagramme de la phase
ternaire, FeOAl2O3SiO2, illustre les évidentes variations de composition des sco-
ries provenant de ce site. Sept d’entre elles ne contiennent pas de wustite et ont
un point de fusion inférieur à 1 150 °C, tandis que les 5 échantillons qui en
contiennent ont des points de fusion compris entre 1 150 et 1 325 °C. On com-
prendra peut-être mieux les informations fournies par les scories d’Owerre-Elu
40 Edwin Eme Okafor
tion de ces scories sans wustite avec un faible point de fusion, c’est la silice que
les fondeurs d’Orba et d’Umundu utilisaient comme fondant. Elle abaissait le
point de fusion de la gangue et se combinait avec une partie de l’oxyde de fer
pour donner du fer réduit à l’état libre.
La phase tardive de la réduction directe du fer à Nsukka marque la phase
finale et ultime de cette activité dans la région, en termes d’efficacité du procédé
d’extraction et de réduction de la main-d’œuvre au strict minimum. Aucune des
scories de cette phase ne contient de wustite, ce qui semble indiquer que l’inté-
gralité du fer contenu dans le minerai fondu en était extrait. C’est également
durant cette phase que l’on assiste à l’utilisation de sable en guise de fondant
pour abaisser la température de fusion de la gangue. Le silicate de fer qui se for-
mait à partir du sable, en même temps que l’oxyde de fer, libérait ainsi du fer
réduit. Les scories appartenant à cette phase avaient les plus faibles températures
de fusion nécessaires à n’importe quelle opération de réduction du minerai de fer.
Discussion
L’évolution de la technique de réduction du fer à Nsukka, que l’on vient d’évo-
quer, semble indiquer un progrès constant allant dans le sens d’une économie de
main-d’œuvre. Durant la phase moyenne, les fosses à coulée des scories ont été
abandonnées et l’on a laissé les scories couler directement sur le sol. Lors de la
phase tardive, la mise en service de fourneaux à appel d’air rendit inutile l’utili-
sation de soufflets. À mesure que le procédé s’améliorait, la coulée des scories est
devenue inutile, de même que la main-d’œuvre employée pour cette tâche puis-
que l’on vidait désormais le contenu du fourneau à la fin du processus. De toute
évidence, des changements ont régulièrement été enregistrés à Nsukka qui ten-
taient, à chaque fois, de perfectionner la technique et réduire la main-d’œuvre
nécessaire.
Les analyses morphologiques et physiques des résidus trouvés dans la région
de Nsukka montrent clairement que ceux-ci se répartissent en trois groupes bien
définis, délimités par les trois phases évoquées plus haut, ce qui élimine toute
possibilité d’existence d’une quatrième. Étant donné que chacun de ces groupes
possède des caractéristiques techniques et ethno-archéologiques distinctes, les
renseignements recueillis à Nsukka témoignent des variations concrètes qu’a
connues la technique de réduction du minerai de fer dans la région de la division
administrative de Nsukka. Ces variations ont aussi existé isolément dans cha-
cune des trois phases susmentionnées. La question se pose donc de savoir com-
ment était organisée la réduction du minerai de fer à Nsukka. Les données
obtenues suscitent les interrogations suivantes :
• Existait-il, dans la région de Nsukka, des communautés productrices de fer
distinctes, pratiquant cette activité indépendamment des autres groupes ?
La réduction du fer dans les bas fourneaux 43
du fer à Nsukka représentaient les solutions concrètes trouvées par les forgerons
pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre.
C’est manifestement pendant la phase moyenne que les fosses de coulée des
scories ont été abandonnées et que l’on a laissé couler celles-ci directement sur la
surface du sol. Des années d’amélioration et d’expérience, auxquelles s’ajoutait la
pénurie de main-d’œuvre, ont conduit à abandonner les fourneaux à tirage forcé
et, ultérieurement, à renoncer à couler les scories au cours du processus de réduc-
tion du minerai. Le fourneau était vidé à la fin de l’opération.
C’est probablement en raison de la pénurie de main-d’œuvre et de l’insécu-
rité causée par les rafles d’esclaves et les guerres entre Nsukka et Igala que certains
fondeurs ont commencé à utiliser directement du bois, sans prendre le temps de
le brûler pour produire du charbon de bois. Selon des données ethnographiques
provenant d’Ama Orba, cette technique était celle qu’utilisaient les fondeurs de
cette région durant la phase tardive de la réduction du fer à Nsukka (Okafor,
1984a et b, p. 23). La main-d’œuvre nécessaire à cette activité s’en trouvait dimi-
nuée et la technique en usage modifiée.
Les différences de techniques observées au cours des trois phases reflètent
donc la situation qui prévalait pendant chacune d’entre elles. La première phase
semble avoir été paisible, raison pour laquelle cette branche d’activité était très
perfectionnée et complexe. Les fondeurs disposaient de suffisamment de main-
d’œuvre et de temps pour construire et utiliser des fourneaux à cuve à tirage
forcé. À cette époque, ils creusaient également des fosses de coulée des scories, les
tapissaient d’argile et construisaient des chenaux de connexion conduisant aux
fosses.
La grave menace que faisait peser sur la main-d’œuvre disponible la traite des
esclaves, atlantique et interne, ajoutée à l’insécurité due aux guerres entre
Nsukka et Igala, imposa d’autres changements techniques. Ces derniers sont évi-
dents durant la phase tardive. La pénurie de main-d’œuvre et l’insécurité entraî-
nèrent le remplacement de la technique du fourneau à cuve à tirage forcé par le
fourneau autoventilé, éliminant ainsi les manieurs de soufflets. On cessa progres-
sivement de couler les scories incandescentes au cours du processus de réduction
pour vider la totalité de la charge du fourneau à la fin de l’opération. Lorsque les
contraintes susmentionnées pesaient trop lourdement sur eux, les fondeurs de la
phase tardive adaptaient parfois encore leur technique, procédant directement à
la réduction du minerai avec du bois au lieu de charbon de bois, ce qui réduisait
la durée du processus et l’investissement de main-d’œuvre dans la production de
charbon de bois.
Afin de comprendre pourquoi ces trois phases ne sont pas représentées dans
un seul et même site, il est indispensable de savoir ce qui se passait dans le nord
du Pays ibo (qui comprend la division administrative de Nsukka) pendant le pre-
mier âge du fer. D’après des études glottochronologiques, les Ibo ont commencé
à former un groupe ethnique distinct au sein de la sous-famille linguistique kwa,
La réduction du fer dans les bas fourneaux 45
des outils en fer, a poussé les habitants à chercher de nouvelles sources de matières
premières. C’est pourquoi le groupe, ou ses descendants, s’est déplacé vers la
région correspondant à la phase moyenne (Owerre-Elu-Nru-Isiakpu), où du
minerai riche en fer coiffait la chaîne des monts de Nru-Isiakpu et où l’on trou-
vait aussi en abondance du bois dur susceptible de servir de combustible. Les
datations au carbone 14 qui ont été réalisées montrent que ces sites ont proba-
blement été exploités entre 800 et 1450 apr. J.-C.
C’est sans doute autour de 1430 apr. J.-C. que la diminution des ressources
nécessaires à la réduction du minerai de fer sur les sites de la phase moyenne,
conjuguée au besoin d’outils en fer, a conduit à l’exploitation des ressources des
régions appartenant à la phase tardive (Umundu-Orba-Eha-Ndi-Agu). Ainsi
qu’on l’a fait observer précédemment, c’était la dernière phase de la métallurgie
du fer dans la division administrative de Nsukka. Six datations au carbone 14
montrent que l’on fondait le fer dans cette région entre 1430 et 1950 apr. J.-C.
Nous concluons de ce qui précède que la réduction du minerai de fer dans la
région de Nsukka a été le fait d’un groupe spécialisé d’artisans qui se déplaçait
d’un site à l’autre à mesure qu’il épuisait les matières premières disponibles sur
place. Bellamy et Harbord (1904) ont observé que les fondeurs de fer d’Ola Igbi,
près d’Oyo, en Pays yoruba, se déplaçaient de même lorsqu’ils avaient épuisé les
ressources locales nécessaires à leur industrie. Les témoignages archéologiques
dont il a précédemment été question démontrent l’existence d’une continuité
culturelle dans la région depuis le troisième millénaire av. J.-C. jusqu’à
aujourd’hui (Hartle, 1967). C’est la preuve que les ancêtres des communautés
actuelles de Nsukka ont toujours vécu dans la région. Les indices ethno-archéo-
logiques recueillis au sujet des eguru (forgerons) montrent que le travail du fer
était pratiqué par des groupes à part, qui n’étaient pas ouverts à tous. C’était le
métier d’une caste fermée, qui protégeait jalousement ses fonctions et privilèges,
et qui évitait d’admettre en son sein des personnes de l’extérieur (Okafor, 1984a,
b et c, p. 69-76).
Les témoignages recueillis à partir de l’étude linguistique réalisée dans la
division administrative de Nsukka semblent étayer cette conclusion. Il existe des
mots communs à toutes les communautés de la division administrative pour les
principaux articles liés à la production du fer. Par exemple, le fourneau est géné-
ralement connu sous le nom d’itoro ou utu, la loupe de fer est appelée aga, les
scories afuru ou nsi igwe et le minerai de fer nne igwe ou nne ukwume. L’unifor-
mité terminologique de tous les éléments indispensables à la production du fer
indique nettement une « pratique de groupe » plutôt qu’une multiplicité de pra-
ticiens indépendants les uns des autres.
Cette conclusion est également étayée par le fait que même si tous les
Nsukka connaissent le nom de ces éléments essentiels à la réduction du minerai
de fer, ils ne savent pas quelle est leur origine. Ainsi, la plupart des gens qui
vivent dans les régions correspondant aux phases ancienne et moyenne ne savent
La réduction du fer dans les bas fourneaux 47
pas d’où proviennent les résidus de fusion qu’ils rencontrent autour d’eux. Le
plus âgé des anciens d’Opi même, Onyishi Abonyi Nnamani, du village d’Umu-
gedu appartenant au clan Idi Opi, a déclaré à l’auteur que les blocs cylindriques
de scories que l’on rencontre à Opi sont « de petits monticules poussant de
terre ». Il croit qu’ils n’ont pas été édifiés par l’homme. On raconte une histoire
analogue à Owerre-Elu, dont l’un des habitants, Onyishi Ozioko Ugwu, décrit
les scories plates issues des coulées sous le nom de nsi igwe et déclare que Dieu les
a données au peuple d’Owerre-Elu pour vaincre leurs ennemis edoballa, ce qui,
d’après ce que j’ai appris, se réfère à une bataille au cours de laquelle la population
d’Owerre-Elu a infligé des pertes sévères à ses ennemis en leur lançant des scories.
Enfin, selon une tradition rapportée par Onyeke (1986, p. 14), le clan Idi
Opi prétend que les Opi n’ont jamais été eux-mêmes des fondeurs de fer. Le tra-
vail aurait été fait par des étrangers qui venaient vivre parmi eux et qui repar-
taient une fois leur travail achevé. La réduction du fer dans un bas fourneau est
une activité hautement spécialisée. Dans de nombreuses communautés d’arti-
sans, comme celles du Pays ibo, la présence de fondeurs devait être très précieuse
parce qu’ils produisaient les matériaux nécessaires à la fabrication de la plupart
des outils utilisés par la communauté ; le clan n’aurait autrement pas admis que
les fondeurs campent et procèdent à la réduction du minerai de fer partout où ils
trouvaient des matières premières. La tradition consistant à installer les sites
métallurgiques à proximité de la source de minerai de fer expliquerait pourquoi
le groupe de fondeurs se déplaçait vers de nouvelles sources de minerai lorsque le
gisement disponible en un lieu était épuisé. Njoku (1986) a noté que dans le
nord du Pays ibo, on tenait davantage compte de l’emplacement du minerai dis-
ponible que de la présence de bois pour choisir le site. Cependant, là où les con-
ditions étaient favorables, on tenait compte des deux.
Observations
Les découvertes effectuées ont permis de tirer les conclusions ci-après, concer-
nant la réduction du fer dans les bas fourneaux à Nsukka.
La réduction du fer dans des bas fourneaux a commencé à Nsukka aux envi-
rons de l’an 765 cal. av. J.-C. et s’est poursuivie jusqu’à environ 1950 cal.
apr. J.-C. Pendant cette longue période, cette industrie a connu trois phases suc-
cessives différentes, chacune représentant un changement ethnologique.
Dans l’ensemble, la technique de réduction du fer dans des bas fourneaux
était très efficace en termes d’extraction du métal. Il restait très peu d’oxyde de
fer à l’état libre dans les scories. À cet égard, la période la plus ancienne a été la
moins efficace, et la plus récente a été la plus efficace, puisque l’on extrayait alors
du minerai le maximum de fer disponible en réduisant la main-d’œuvre néces-
saire à cette activité.
48 Edwin Eme Okafor
assujettis à l’autorité politique de l’ooni1. Dès lors, l’ooni administra les anciens
territoires comme des parties intégrantes de son royaume.
Une fois l’expérience réussie et la situation stabilisée à Ile-Ife, de nombreux
fils d’Oduduwa et capitaines de son armée se répandirent dans tout le pays en
usant du même procédé et en créant des royaumes sur le modèle de celui d’Odu-
duwa à Ile-Ife (Akinjogbin, 1981, chap. 12). C’est ainsi que la majeure partie du
Pays yoruba, jusque-là organisée en groupes de villages, se transforma en grands
royaumes gouvernés par les fils et associés d’Oduduwa et par leurs descendants.
Selon certaines traditions, il existait sept royaumes. D’autres affirment qu’il en
existait seize. Mais un recensement exact réalisé au début du siècle en dénombra
plus de vingt (Anon, 19032).
Or, quels sont les processus qui ont conduit à cette révolution, et quel fac-
teur clef a permis cette réussite hormis les qualités de chef et le sens du comman-
dement du roi ? Bien que les traditions se soient efforcées de l’estomper, le
processus de conversion des groupes de villages en royaumes est l’aboutissement
de conquêtes militaires. À Ile-Ife et dans tout le Pays yoruba, les groupes des par-
tisans d’Oduduwa, généralement les plus restreints au départ, supplantaient les
groupes les plus vastes et les plus forts en apparence ; le facteur décisif de leur
succès était l’utilisation du fer. C’est par nécessité de minimiser le rôle du recours
à la force que les traditions généralement ne mettent pas l’accent sur ce facteur
de manière explicite, mais un certain nombre d’indices témoignent de l’impor-
tance déterminante de l’utilisation du fer pendant toute cette révolution.
Tout d’abord, Ogun, dieu du fer, était la divinité tutélaire d’Oduduwa, chef
de la révolution. C’était aussi celle de tous ses fils et partisans qui devinrent ulté-
rieurement des oba. Aujourd’hui encore, un festival annuel est organisé en l’hon-
neur d’Ogun, qui porte différents noms suivant les diverses régions du Pays
yoruba. C’est l’occasion pour l’oba, qui vit normalement retiré du monde, de
sortir au grand jour la tête ceinte de la couronne sacrée (are). Partout où s’est éta-
blie la royauté yoruba, Ogun est devenu le dieu tutélaire. Détail instructif :
l’Empire ewuare portait en fait le nom d’Ogun.
Un autre indice du rôle décisif joué par le fer dans la révolution d’Oduduwa
est l’installation d’une forge à l’intérieur même du palais de l’ooni. Appelée ogun
Laadin (la forge de Laadin), elle existe encore aujourd’hui dans l’état où l’on sup-
pose qu’elle se trouvait à l’époque d’Oduduwa et constitue désormais une attrac-
tion touristique.
Troisième indice : un coutelas à courte lame, appelé ogbo ou, sous une forme
plus élaborée, ida (épée), est devenu le symbole de l’autorité et de la justice ; tout
1. Comme Obalesun à Ife et à Ado Ekiti, Obaluru et Obalara à Ife, etc. Le titre ooni a
été traduit de diverses manières, mais il est peut-être dérivé d’un mot oghene qui
signifiait « très grand ».
2. Voir les débats relatifs à ce nombre dans Adediran (1984).
L’impact du fer en Pays yoruba 51
nouvel Alaafin (chef du royaume yoruba) reçoit rituellement l’ida Oranyan (épée
d’Oranyan) lors de son intronisation. La plupart des oba du Pays yoruba font
encore porter devant eux soit l’ogbo, soit l’ida lors des cérémonies officielles
publiques.
Le fait qu’Oduduwa ait donné une chaîne de fer (epe) à son premier petit-
fils, qui devint Olowu (roi d’Owu), est la preuve que le fer était considéré comme
un métal de valeur inestimable. Une ligne de l’Oriki (ensemble des psalmodies
de la littérature religieuse traditionnelle yoruba) d’Olowu dit : « Omo ajifepe
sire » [L’enfant de quelqu’un qui joue avec une chaîne en fer].
Il est probable que l’importance du fer dans la révolution d’Oduduwa ne
tienne pas seulement au fait que ce métal a permis la fabrication d’un armement
de guerre si décisif, mais également à celui qu’il a favorisé la révolution agricole
en améliorant l’approvisionnement en nourriture. En atteste la tradition selon
laquelle, peu après la révolution d’Oduduwa, la population d’Ife augmenta rapi-
dement. En fait, elle devint trop nombreuse par rapport à l’approvisionnement
disponible, ce qui nécessita une émigration organisée3.
Étant donné l’importance du fer, qui servait à fabriquer des instruments
aussi bien pour se défendre et attaquer que pour rendre la justice et pratiquer
l’agriculture, il n’est guère surprenant que, sous la dynastie d’Oduduwa, chaque
royaume et même chaque centre urbain de chaque royaume ait possédé de nom-
breuses fonderies et autant de forges qu’il lui était nécessaire pour assurer son
autosuffisance. Au début du XVe siècle, tout le fer utilisé dans le Pays yoruba était
fondu dans le pays, à partir des fourneaux construits par les Yoruba : ceux-ci uti-
lisaient uniquement des roches sédimentaires ferrugineuses et des matériaux de
chauffe qu’ils se procuraient localement. Dans l’Afrique des XVIIe et XVIIIe siècles,
au plus fort de la traite transatlantique des esclaves, les Yoruba continuaient de
préférer le fer qu’ils produisaient eux-mêmes, considérant celui qui était importé
comme rituellement impur et « sourd ». La plupart des centres urbains yoruba
avaient leurs propres mines appelées oko ota ou oko eta (centre d’exploitation des
roches sédimentaires ferrugineuses) et au moins un petit fourneau (ile iponrin ou
ile isunrin) dans le district. Johnson note que certaines régions comme celle
d’Okemesi, dans l’État d’Ekiti et Ilorin, au Pays yoruba, étaient célèbres pour
leurs gisements de roches ferrugineuses (Johnson, 1921, p. 119). On suppose
qu’elles fournissaient celles dont l’approvisionnement n’était pas suffisant. Les
grands centres urbains disposaient de nombreux fourneaux et exportaient leurs
excédents. Malgré les guerres civiles, qui firent sombrer le Pays yoruba de 1793
à 1893, et la dislocation sociale, démographique et économique massive du pays,
en 1904, les visiteurs pouvaient encore voir onze bas fourneaux à Laagbe, près
d’Oyo (Williams, 1973). Tous travaillaient encore à plein rendement et employaient
environ une centaine d’ouvriers. De fait, un Yoruba cultivé, habitant de Lagos,
qui suspectait ses contemporains d’avoir oublié, comme lui, qu’un tel savoir ait
jamais existé chez eux, s’est senti obligé de leur relater la surprise qu’il avait
éprouvée en découvrant ces fonderies.
La perte par les Africains de l’initiative politique et économique, conjuguée
à une politique de découragement au développement de ces entreprises indus-
trielles pour éviter la concurrence des produits locaux avec les produits importés,
a indubitablement contribué à faire péricliter la métallurgie du fer dans le Pays
yoruba. Celle-ci s’était poursuivie jusqu’aux environs de 1936. C’est à cette
époque que l’on produisit du fer pour la dernière fois. Cette ultime production
eut lieu à Isundunrin, près d’Ejigbo, ville qui semble avoir tiré son nom de son
activité.
de 1 050 °C. Puis on le laissait refroidir pendant 2 jours (48 heures) avant de
retirer le fer du fourneau. Pour produire de l’acier, le fer était réchauffé à la forge,
où le forgeron le débarrassait de toutes ses impuretés (appelées pepe irin) et y
introduisait du carbone. L’acier ainsi produit était largement utilisé pour fabri-
quer des outils volumineux et lourds.
Peut-être serait-il bon de souligner un certain nombre de caractéristiques de
la réduction du minerai de fer en Pays yoruba. Premièrement, tous les matériaux
utilisés du début à la fin du processus étaient intégralement produits localement
et disponibles dans pratiquement toutes les localités du Pays yoruba, même si
certaines régions étaient mieux loties que d’autres. Ils n’étaient jamais importés
car cela n’était pas nécessaire. Deuxièmement, même si la technique était simple,
elle était efficace et permettait de satisfaire totalement la demande en fer et pro-
duits dérivés des Yoruba. L’excédent de fer qu’il leur restait probablement était
exporté chez leurs voisins, preuve que complexité de conception n’est pas tou-
jours synonyme d’efficacité. Troisièmement, et cela ne ressort peut-être pas clai-
rement de la description qui vient d’en être faite, l’ensemble du processus n’était
pas uniquement considéré comme une opération « technique » ou « technologique » ;
il avait également une certaine valeur religieuse. À chaque étape du processus de
production, les fondeurs devaient respecter certains codes de conduite et des
offrandes propitiatoires étaient faites à Ogun, qui était révéré en sa qualité d’oni-
porin akoko (premier fondeur de fer). Avant d’enflammer l’allume-feu, la nature
même du feu était invoquée afin que celui-ci parvienne à produire la plus forte
chaleur possible. Le fer ainsi produit était à son tour considéré comme « pur » et
capable d’« entendre » lorsqu’on lui parlait dans le langage approprié. Il n’était ni
« impur » ni « sourd », comme le fer européen.
4. Ce qui est résumé dans l’Uprina Sauomg : « Apejuwe ni alagbede ro » [Un forgeron
peut fabriquer n’importe quel objet pourvu qu’on le lui décrive].
L’impact du fer en Pays yoruba 55
5. La description qui suit est entièrement tirée de mes propres observations sur le
terrain.
56 Isaac Adeagbo Akinjogbin
Comme dans la plupart des anciens métiers du Pays yoruba, les fondeurs de
fer et les forgerons appartenaient à des lignées spéciales (ebi). Ils portaient des
scarifications faciales particulières, appelées gombo, et ogun servait de préfixe à
leur nom6. Leurs couleurs favorites étaient le blanc et le noir. Le rouge était tout
particulièrement interdit. Leur boisson préférée était le vin de palme. Ils se
devaient d’être moralement droits parce que l’on prêtait à Ogun, leur dieu tuté-
laire, un tempérament emporté et qu’on le pensait capable de punir instantané-
ment ceux qui se seraient écartés du droit chemin. Les mineurs croyaient que
toute mauvaise action risquait d’entraîner l’effondrement du puits de mine sur
leur tête.
La capacité d’Ogun à punir instantanément continue d’être exploitée.
Jusqu’à ce jour, quand un oba siège pour écouter une affaire, un objet en fer sym-
bolisant Ogun est placé en face de lui. Le plaideur s’agenouille auprès du sym-
bole et, lorsqu’il a prêté serment au nom d’Ogun, on peut être sûr qu’il ne
mentira pas de façon éhontée. Dans les tribunaux modernes même, on pense
qu’un plaideur qui prête serment au nom d’Ogun dira la vérité, car il croit
qu’Ogun lui rendrait justice même si les tribunaux ne le faisaient pas.
Deuxième partie
Rencontres sur la métallurgie du fer
en Afrique
UNESCO, Paris,
12 novembre 1999
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 59
Épuration
CINGLAGE AFFINAGE
Italie , -Wallon XVes. -Cort (1784) -Bessemer (1855) -Martin (1864) -Moissan (1892)
Val Gabbia, -Comtois XVIIIe s. -Thomas (1875) -Kjellin (1900)
Ve-VIe s. -Nivernais à l'oxygène (1948)
Cémentation
FER ACIER ACIER
Acier au creuset
Huntsman (1740)
Formage
FORMAGE FORMAGE
phase solide phase liquide
Démoulage
Réchauffage
Laminage :
-blooming
-stabling
PRODUITS
SEMI-FINIS
ET FINIS
éléments auxquels il est associé. Le minerai est donc rarement utilisé tel qu’il
est extrait de la mine. Sa préparation se fait par un certain nombre de traitements
préliminaires (lavage, concassage, triage, calibrage, grillage, calcination…) ;
• le combustible (charbon de bois, tourbe, coke…). Le carbone qu’il contient
est un agent triple : thermique, réducteur et se combinant avec le fer pour
donner l’acier et la fonte (planche VIII). La différenciation entre fer, acier et
fonte est fondamentale dans l’histoire de la sidérurgie. L’homme sait parfai-
tement les distinguer par leur aspect visuel et mécanique, mais il faudra
attendre les travaux de Roozeboom, en 1889, et d’Osmond, en 1898 (Che-
zeau et Fluzin, 1997), pour disposer de diagrammes d’équilibre qui permet-
tent de définir théoriquement le domaine d’existence du fer, de l’acier et des
fontes (fer pur : moins de 0,02 % de carbone, acier : de 0,02 à 1,7 % de car-
bone, fonte : de 1,7 à 6,67 % de carbone) ;
• le comburant (oxygène de l’air). C’est principalement ce facteur qui condi-
tionne le niveau des températures atteint dans les fours. Cherchant à amélio-
rer celui-ci, on abandonnera le tirage naturel pour des procédés à air pulsé
d’abord manuels (soufflets) puis hydrauliques (au XIIe siècle) et mécaniques.
Comme l’indique la figure 1, il est donc indispensable de considérer dans le pro-
cessus sidérurgique de nombreuses étapes : préparation, réduction, épuration,
forgeage et mise en forme… Nous résumerons certaines d’entre elles ci-après.
pour obtenir l’acier selon deux grandes familles d’affinage ; l’affinage sans
fusion et l’affinage avec fusion. C’est à cause de cette étape supplémentaire,
l’affinage, que l’appellation indirecte a été retenue. Nous aborderons dans ce
texte essentiellement les aspects concernant la sidérurgie directe (pour la
sidérurgie indirecte, voir Fluzin, 1999 et 2000a et b ; Petrequin et al., 2000).
La réduction
La première étape consiste à transformer (par réduction) le minerai de fer en
métal brut dans un bas fourneau (planche I, photos 1 et 2). Cette opération, qui
combine minerai, charbon de bois et oxygène de l’air, s’effectue à une température
inférieure à celle de la fusion du métal. Le fer et l’acier issus d’une telle opération
demeurent à l’état pâteux. La gangue du minerai se transforme, quant à elle, en une
scorie plus ou moins liquide (suivant la composition du minerai ou l’emploi
d’ajouts : les fondants). Elle s’écoule ou s’accumule à l’intérieur ou à l’extérieur du
four (planche I, photos 4, 5 et 6). L’étude morphologique détaillée des scories
apporte des informations sur le fonctionnement et l’architecture du fourneau
(Groupe de travail suisse de l’archéologie du fer, 1997 ; Leroy, 1997 ; Serneels,
1993). On trouve principalement des scories ayant coulé à l’extérieur du fourneau
sous forme de plaques ou de cordons simples ou superposés (planche I, photo 4).
Elles peuvent mouler une dépression ou un chenal aménagés devant le fourneau
pour les recevoir (Biélenin et al., 1998). Les scories qui restent dans le fourneau se
présentent sous forme de blocs plus ou moins compacts moulant le fond de la cuve
ou imbriqués dans la masse du charbon de bois (planche I, photos 5 et 6). Les sco-
ries de réduction directe sont en général denses et constituées de silicates et d’oxy-
des de fer accompagnant une phase vitreuse plus ou moins abondante. Dans
certains cas, lors du refroidissement, la porosité est beaucoup plus importante (sco-
ries spongieuses, légères). Ces scories forment des accumulations parfois très
importantes (ferriers), souvent repérables sur le sol lors d’une prospection.
Il ne nous est pas possible de faire une typologie précise des bas fourneaux
tant leur diversité est grande, mais il est possible de les regrouper par exemple en
trois familles selon que la scorie se sépare plus ou moins facilement du métal et
qu’elle s’écoule à l’intérieur ou à l’extérieur du fourneau (Pelet, 1982 ; Biélenin
et al., 1998 ; Serneels, 1998 ; Pleiner, 2000).
La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés 63
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64 Philippe Fluzin
Quel que soit le type de bas fourneau, on introduit dans sa partie supérieure
alternativement du charbon de bois et du minerai (ou des mélanges de minerais
et éventuellement des fondants). La combustion est assurée par une ventilation
naturelle et/ou artificielle en utilisant des soufflets.
Le nombre de paramètres intervenant dans la conduite de l’opération de
réduction est très important. Seul le savoir-faire permet de les maîtriser. Celui-ci
ne laissant hélas aucune trace archéologique, il est indispensable, pour tenter de
l’appréhender, d’effectuer de nombreuses expérimentations et, dans la mesure du
possible, d’observer in situ et in vivo les rares ethnies africaines appliquant encore
cette technique (en se méfiant d’une comparaison totale) (Celis, 1991 ; Fluzin
et al., 1995 ; Petrequin et al., 2000 ; Fluzin, Serneels et al., à paraître). À l’issue
de la réduction (dont la durée, qui varie avec le type de fourneau et les conditions
de ventilation, peut, selon nos expérimentations, aller de 4 à 24 heures), on
retire du fourneau (par une ouverture ou en détruisant le four) une masse plus
ou moins hétérogène et spongieuse : l’éponge de fer (massiot, loupe) (planche I,
photos 7, 8 et 9). Elle peut peser (suivant la taille du four et la quantité de mine-
rai introduit) de quelques centaines de grammes à 90 kilos pour des exemples
africains que nous connaissons. C’est un agglomérat plus ou moins compact de
métal (fer/acier) (planche I, photo 9), de scories et de charbon de bois. La maî-
trise de la conduite du procédé de réduction influence beaucoup sa « qualité » et
La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés 65
l’éponge de fer est donc rarement suffisamment dense et pure pour ne pas exiger
un travail d’épuration. Il est vraisemblable que, dans presque tous les cas, ce tra-
vail est indispensable.
L’épuration
L’épuration consiste en un martelage à chaud (cinglage) de la loupe afin de den-
sifier le métal en évacuant les impuretés (planche II). Suivant la qualité (homo-
généité, compacité de la loupe), nous pouvons distinguer au moins deux grandes
familles d’épuration (figure 2) :
• le travail à partir de la masse directement à la sortie du four ou après passage
dans un foyer ou un four spécifique (planche II, photo 10) ;
• la fragmentation de la loupe en morceaux plus ou moins importants afin
éventuellement de les trier (séparation des stériles mais aussi du fer et de
l’acier comme le pratiquent notamment certains artisans japonais) et de les
assembler ensuite à la forge (planche II, photo 11).
Il peut être tout à fait intéressant d’effectuer une première épuration (dégrossis-
sage) de la loupe dès la sortie du four de réduction. En effet, en profitant de
l’inertie thermique, cela favorisera l’agglomération du métal et sa compacité tout
en évacuant un certain nombre de stériles. Toutefois, un travail de forge d’épura-
tion plus poussé est souvent indispensable et s’effectue a priori dans un foyer ou
un four spécifique (planche II, photos 12 et 13). Il est à cet égard intéressant de
mentionner le cas où la loupe est introduite telle quelle (ou par gros fragments
suivant son volume) dans de tels fours afin de fluidifier au maximum les scories
associées (notamment dans le cas que nous appelons de loupe « sale »). Certains
exemples ethnologiques et archéologiques démontrent cette pratique (Martinelli
et al., 2000). L’éponge de fer (loupe) est ainsi « asséchée » plus ou moins effica-
cement de ses scories externes (et internes) en générant une configuration parti-
culière de vestiges : les scories coulées de type « canal » (Biélenin et al., 1998).
Notons que dans ce cas, suivant la nature plus ou moins réductrice de l’opé-
ration, on peut également contribuer à renforcer la carburation de l’éponge par
cémentation. Il n’est pas absurde de pouvoir ainsi obtenir des aciers très carbu-
rés, voire de la fonte (Fluzin, 1999), en repassant plusieurs fois la loupe dans le
même fourneau (il n’est pas exclu de réutiliser le bas fourneau pour ce type
d’opération).
En ce qui concerne les déchets associés à l’opération d’épuration — qui peut
comporter plusieurs étapes : dégrossissage primaire et secondaire (Mangin et al.,
2000b) —, ils peuvent être de nature très variée : fragments de scories coulées,
scories informes plus ou moins riches en métal, fragments métalliques déchique-
tés imbibés de scories… Ce sont ces derniers types de déchets que l’on qualifie
de gromps (Nosek, 1994) (planche II, photo 15). Ils sont caractéristiques de
l’activité même de « compactage » de la loupe. Leur proportion varie considéra-
blement d’une loupe à l’autre en fonction de la qualité de celle-ci (densité du
Figure 2. La chaîne opératoire du fer : l’épuration (© P. Fluzin, 1999)
66
ESSAI DE TYPOLOGIE DES PRATIQUES D'ÉPURATION
EN FONCTION - Des dimensions et de la qualité de l'éponge de fer, de la loupe (densité, hétérogénéité : loupe «sale ou propre»)
- Du savoir-faire
- De la destination et de l'usage du demi-produit (lingot, ébauche) puis du produit fini (objet)
DEGRÉ DE TRANSFORMATION
➟ ➟ ➟
ÉPONGE CHAUDE LOUPE LOUPE
Philippe Fluzin
ou fragment
Dégrossissage,
➟ ➟
de loupe
compactage, (gromps)
fragmentation éventuelle
Culot
Culot Scories Battitures
Scories Battitures
B. Après interruption (lieu différent) Gromps
THERMIQUE
➟
Culot
➟
Scories coulées
(type canal) ➟
➟ Réchauffage
Séparation- Culot
ÉPONGE FROIDE fluidification des scoriers LOUPE
➟
Scories Battitures
MÉCANIQUE
➟ ➟ ➟ Soudure,
association directe
ou en creuset
Concassage, Fragmentation,
séparation métal-scorie tri sélectif fer-acier
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68 Philippe Fluzin
Le forgeage de l’objet
Cette troisième phase de la chaîne opératoire est pratiquée par le forgeron sur
l’enclume pour mettre en forme les objets (planche IV, photo 32). L’emploi du
terme forgeage devrait être limité aux traitements thermomécaniques de mise en
forme et aux traitements thermochimiques qui modifient la structure et la com-
position du métal. Le matériau de départ peut être un lingot ou une pièce de
métal correspondant à une ébauche de l’objet à produire, ou encore un lopin issu
du recyclage de différents fragments métalliques. Les déchets les plus caractéris-
tiques de cette étape sont les battitures, petites plaquettes d’oxydes de fer qui se
détachent de la surface du métal au cours du martelage (planche IV, photo 34).
Elles sont évidemment abondantes à proximité de l’enclume. Cela peut, comme
nous l’avons indiqué, signaler son existence même quand elle n’est plus là. Les
battitures sont en effet le résultat de l’oxydation du métal après son passage dans
le foyer de forge et son martelage. Pour la fabrication d’un objet donné, la pro-
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74 Philippe Fluzin
On voit que si les déchets issus de la réduction et ceux produits par les opé-
rations d’épuration et de mise en forme peuvent être aisément distingués, l’iden-
tification de ceux issus des deux stades postérieurs à la réduction est plus difficile.
Ces deux stades peuvent se pratiquer dans le même atelier, en utilisant les mêmes
foyers ou des foyers analogues juxtaposés, et ils peuvent ne constituer qu’une
seule opération. L’éponge de fer dégrossie de ses scories est purifiée par cinglage
et immédiatement, ou très rapidement, transformée en demi-produit (barre, lin-
got) puis, éventuellement, en objet, dans le même cadre spatial et avec les mêmes
structures et les mêmes outils. Il faut signaler à ce sujet que la quantité de déchets
(scories), en proportions relatives à l’opération, décroît lorsque l’on passe de la
réduction à la forge (épuration, élaboration), tout en considérant bien entendu
que le nombre d’opérations réalisées ainsi que le volume des produits traités
l’influencent forcément.
Méthodologie
Les méthodes d’investigation sur les matériaux archéologiques au laboratoire
peuvent contribuer de manière très significative à la compréhension des vestiges
métallurgiques. De nombreuses possibilités d’analyses sont offertes et apportent
des résultats complémentaires (Serneels, 1994 ; Ploquin, 1994 ; Mangin et al.,
2000b). La recherche dans ce domaine est en progrès constant.
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La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés 79
Ces indices sont sans aucun doute les plus difficiles à mettre en évidence (notam-
ment dans les culots), compte tenu de la persistance éventuelle d’indices de
réduction d’une part et de leur possible association avec les indices de forge d’éla-
boration d’objet d’autre part.
La prépondérance d’une atmosphère oxydante doit se manifester, comme
nous l’avons déjà signalé, par l’existence de degrés d’oxydation d’espèces plus
oxydées.
Il est nécessaire de considérer que l’opération de forge est conditionnée par
une succession de cycles thermomécaniques qui peut se traduire, indépendam-
ment du nombre de pièces traitées, par une certaine stratification au sein des
déchets (culots). Celle-ci est plus ou moins importante en fonction de la durée
et du niveau de température atteint lors d’un cycle thermique et peut être mise
en évidence de différentes façons (répartition et morphologie des porosités,
zonage de la matrice, nature et répartition des fragments métalliques…). En ce
qui concerne le métal, l’intensité des déformations thermomécaniques est per-
ceptible, suivant les températures atteintes, à travers les déformations structura-
les subsistantes (écrouissage, alignements d’impuretés…).
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Philippe Fluzin
47 50 53
48 51 54
La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés 83
Philippe Fluzin
56 59 62
57 60 63
La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés 87
Philippe Fluzin
65 68 71
66 69 72
La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés 89
des techniques sidérurgiques considérées. Pour ce faire, nous avons réuni un cor-
pus (plus de 100 références) d’objets allant de la période gallo-romaine au
XIXe siècle. Leur collecte a été effectuée selon des critères stricts permettant de
restituer les contextes historiques et techniques de leur fabrication. Ce corpus a
été complété par un certain nombre d’échantillons provenant d’expérimenta-
tions faites avec deux types particuliers de minerais, dans des bas fourneaux
reconstitués. La comparaison des types d’inclusions identifiés en fonction des
procédés d’élaboration des différents objets du corpus a donné toute sa valeur
aux données analytiques. Les inclusions ont été systématiquement analysées à
l’aide de la microdiffraction et de microfluorescences X sous rayonnement syn-
chrotron. Les manipulations ont eu lieu sur la ligne D15 du LURE. Les données
analytiques obtenues ont permis de dégager quatre facteurs discriminants liant la
structure et la composition des inclusions à l’un ou à l’autre des procédés de
réduction du minerai de fer (direct ou indirect) :
• un type d’inclusions à forte teneur en silicium et faible teneur en fer a été
identifié uniquement dans les inclusions issues d’objets provenant de la
réduction directe. Ces inclusions ont toujours été observées au voisinage des
zones fortement carburées ;
• des phases aluminées de type « spinelle » ont été identifiées uniquement dans
les inclusions issues de la filière directe ;
• des phosphates semblent être présents uniquement dans les inclusions for-
mées lors de l’affinage (procédé indirect). En particulier, la présence de phos-
phate de calcium ne peut être due qu’à l’ajout volontaire de chaux lors de
cette étape. Cette configuration pourrait toutefois exister avec certains mine-
rais en réduction directe (Lorraine) ;
• des différences de teneur en chrome, vanadium et titane. Les teneurs maxi-
males observées dans les inclusions d’objets issus du procédé indirect sont de
10 à 100 fois supérieures à celles mesurées dans les inclusions de la filière
directe. Cette différence pourrait être expliquée par la concentration de ces
éléments sous forme de carbures dans les fontes et par leur oxydation lors de
l’affinage.
Ainsi, l’utilisation de techniques d’analyse locale, utilisant le rayonnement syn-
chrotron, a permis de remonter à la structure et à la composition des inclusions
non métalliques contenues dans les objets ferreux anciens. Les informations
dégagées éclairent d’un jour nouveau les questions d’histoire des techniques fon-
damentales portant sur l’apparition du procédé indirect pour la réduction du
minerai de fer. Ce type d’examen des inclusions permet de resituer l’objet
archéologique analysé dans son contexte historique et technique sans qu’il soit
pour autant assimilé à une nouvelle méthode de datation.
La chaîne opératoire en sidérurgie : matériaux archéologiques et procédés 91
Conclusion
Il est particulièrement difficile de décrire en peu de pages le champ relativement
vaste des investigations archéométriques permettant d’essayer de reconstituer les
différentes étapes de la chaîne opératoire en sidérurgie à partir des vestiges
archéologiques.
Les quelques exemples cités illustrent, d’une part, la pertinence des résultats
obtenus depuis plusieurs années et, d’autre part, la nécessité d’une collaboration
interdisciplinaire réelle (sciences de l’homme et de la société, sciences naturelles,
sciences des matériaux). Chaque méthode, chaque discipline a ses limites et seule
la confrontation scientifique permet de tenter de « faire parler » les vestiges
archéologiques en réduisant les sources d’erreur. Ces travaux enrichissent en
retour chacun des domaines scientifiques concernés. La compréhension des ves-
tiges sidérurgiques contribue à l’histoire des techniques mais ouvre aussi des
perspectives sur les dimensions économiques et sociales de cette industrie, donc
sur l’histoire en général. Au-delà des aspects techniques, ces études visent à
retrouver l’homme qui « se cache derrière » le fait technique ; l’apport de l’ethno-
archéologie est à ce point de vue fondamental et on ne le soulignera jamais assez.
Par ailleurs, les scories et les métaux anciens fournissent aux ingénieurs des ana-
logues réels permettant de comprendre les phénomènes de vieillissement des
matériaux, connaissances applicables dans les domaines du génie civil, de la
conservation du patrimoine ou encore de la gestion des déchets modernes. Des
anomalies structurales observées dans les métaux anciens laissent entrevoir de
nouveaux matériaux comme ceux élaborés par mécanosynthèse (Fluzin et Gaffet,
1997).
Cependant, malgré tous nos efforts et nos succès, il convient de rester
modeste tant « l’objet technique, traduction physique d’un système intellectuel,
n’est jamais complètement connu » (Simondon, 1969).
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 93
L’origine exogène de la métallurgie du fer peut être considérée comme une ques-
tion récurrente de l’archéologie africaine tant elle traverse toute l’histoire de la
discipline sur le continent. Cette opinion, avant l’avènement massif des données
de la chronologie absolue, reposait sur deux idées directrices.
Partant de l’unicité supposée du foyer d’invention de la métallurgie, sa prin-
cipale préoccupation était la recherche de voies de transmission (Leclant, 1956 ;
La métallurgie du fer en Afrique : un patrimoine et une ressource 95
Mauny, 1952 ; Huard, 1960 ; Tylecote, 1975 ; Phillipson, 1985,). Mais, incontes-
tablement, c’est Mauny (1952) qui a le plus systématisé cette hypothèse. Selon
lui, ce sont les Hittites qui auraient découvert les techniques de réduction au
cours du deuxième millénaire av. J.-C. Celles-ci auraient par la suite essaimé à
travers la Méditerranée pour prendre pied en Égypte par contact direct. Les lettres
d’Amarna adressées à Ramsès II et datant de 1300 av. J.-C faisaient état, en effet,
du retard d’une livraison de lingots de fer au pharaon. Malgré ce contact précoce,
la propagation technique proprement dite n’aurait été réelle, toujours d’après
Mauny, que vers le VIIe siècle av. J.-C., à la suite de l’invasion d’Assourbanipal.
Pour l’Afrique de l’Ouest, Mauny excluant toute transmission par le biais de
l’Égypte, c’est une propagation indirecte, par Phéniciens interposés, qui est rete-
nue. Le contact aurait eu lieu en Afrique du Nord. Ce sont les Berbères qui
auraient initié l’Afrique de l’Ouest de proche en proche postérieurement au
VIe siècle av. J.-C.
La contestation de l’autonomie du foyer sidérurgique africain s’inspire égale-
ment d’un argument technique selon lequel la production du fer suppose des
connaissances pyrotechnologiques nécessaires à la maîtrise des hautes tempéra-
tures. Elle établit de fait une relation de causalité entre la connaissance de la
métallurgie du cuivre et l’acquisition d’un potentiel technique pouvant conduire
à l’invention, autrement plus complexe, de la sidérurgie. À côté de ces deux
lignes de force, existe un troisième argument, nouveau celui-là parce que se rap-
portant aux données récentes (Killick et al., 1988), qui repose sur la contestation
de la fiabilité de certaines mesures au carbone 14 obtenues au Niger par
Grébénart (1983b, 1985 et 1988)2. En rapport avec ce problème, on note une
tendance à la contestation des dates au carbone 14 dans les zones arides où la
présence possible de vieux morceaux de charbon de bois peut entraîner un
décalage chronologique considérable.
Toutefois, dans leurs constructions archéologiques, c’est-à-dire dans l’élabo-
ration des hypothèses, ces auteurs ne s’écartent pas considérablement de celle
déjà évoquée (Mauny, 1952). En effet, même s’ils excluent l’idée d’une initiation
à la métallurgie de l’Afrique de l’Ouest à partir de la vallée du Nil, ils maintien-
nent celle de la transmission transsaharienne. Mais, fait notable, il n’existe plus
de fixation sur la cité punique de Carthage, car le Maroc ainsi que la Libye (le
golfe de Syrte) sont également envisagés comme voies de transmission possibles.
(1903), Von Luschan (1909), Reinach (1913) et De Pedrals (1950) l’ont avancée
dès la fin du siècle dernier ou dans la première moitié du XXe siècle. Leurs études
faites à partir d’une base de données très réduite s’appuyaient, pour la plupart,
sur l’originalité des procédés de réduction mis en œuvre par les Africains (Von
Luschan, 1909).
C’est probablement Lhote (1952) et Diop (1973, 1976) qui, les premiers,
tentèrent de renouveler la question dans une polémique croisée contre Mauny
(1952), lequel s’inspirait pour l’essentiel des positions de Leclant (1956). Dans
sa première publication, centrée sur l’Égypte ancienne, Diop (1973, p. 532)
défend l’hypothèse selon laquelle la métallurgie du fer est une invention africaine
qui remonterait à l’Ancien Empire. À l’appui de sa thèse, il cite plusieurs décou-
vertes in situ, notamment celle d’un morceau de fer de réduction près de l’orifice
du canal d’aération de la grande pyramide construite vers 2700 av. J.-C. Poursui-
vant ses investigations, Diop (1976) ouvre de nouvelles perspectives à la suite des
datations qu’il a réalisées sur le site de Termit au Niger (Dak. 145 : 678 ± 120
av. J.-C. et Dak. 147 : 974 ± 120 av. J.-C.). Ces datations rendaient difficile-
ment opératoire l’hypothèse d’une diffusion à partir de l’Afrique du Nord, y com-
pris l’Égypte. Cette révélation, assez froidement accueillie, marque avec le recul un
véritable point d’inflexion des recherches sur le fer en Afrique en ce sens qu’elle
remettait en cause de manière pertinente les hypothèses jusque-là dominantes. Il
s’ensuivra une accumulation considérable de datations.
av. J.-C. en données corrigées (Paris et al., 1992, p. 58). Dans la même zone,
précisément à Égaro, deux mesures faites sur des poteries récoltées dans un con-
texte où l’on retrouve des objets en fer ont donné des dates comprises entre 2520
et 1675 av. J.-C. en données corrigées (Paris et al., 1992, p. 58). Une mesure a
même livré 4000 + 110 BP, soit entre 2900 et 2300 av. J.-C. 3
Toujours au Niger, dans la région de l’Azawagh, le site d’In Tékébrin, qui a
livré des objets en cuivre, a été daté entre 2531 et 1675 av. J.-C., dates obtenues
à partir de trois supports différents (ossements brûlés, charbons et céramiques),
toutes très proches les unes des autres, ce qui renforce considérablement l’hypo-
thèse de l’homogénéité supposée de l’assemblage étudié. Selon Paris et al. (1992,
p. 59) : « L’apparition des premiers objets en métal (fer et cuivre) se situe au-delà
de 1350 av. J.-C., dans un contexte encore largement ténéréen puisqu’ils sont
présents sur un site d’artisans spécialisés dans la fabrication de petits grattoirs. »
Ainsi, les dates obtenues en Afrique occidentale, centrale (Zangato, 1993 et
1999 ; Essomba, 1992a et b ; Holl, 1988, 1991 et 1997) et orientale constituent
aujourd’hui un corpus suffisamment consistant pour que tous les auteurs s’accor-
dent sur l’effondrement de l’hypothèse méroïtique. S’il en est ainsi, la contesta-
tion de l’autonomie du foyer sidérurgique africain se trouve totalement recentrée
sur la crédibilité de la voie nord-africaine, qui ne repose pas non plus sur des
données plus cohérentes (Holl, 2000). En effet, toutes les évidences archéologi-
ques actuellement disponibles sont en opposition avec les hypothèses nord-afri-
caines telles qu’elles apparaissent dans la publication de Miller et Van der Merwe
(1994, p. 8-9), qui ont proposé deux transmissions possibles : le golfe de Syrte
(Libye actuelle), via Gao jusqu’au Niger, ou du Maroc à Tombouctou, sans
qu’aucune découverte récente ne vienne les étayer. En réalité, elles ne diffèrent
guère de celles de Mauny (1952) qui, face à l’absence de preuves décisives, en
était réduit à faire remarquer à propos du monde punique que, à défaut d’ateliers
de réduction du minerai de fer, des objets finis se rencontrent dans les tombes du
VIe siècle av. J.-C.
Un demi-siècle plus tard, la situation n’a pas fondamentalement varié car,
pour la période concernée, aucun ensemble sidérurgique cohérent, d’une anti-
quité comparable au complexe nigérien n’a été mis au jour en Afrique du Nord.
On pourrait en déduire que, dans l’état l’actuel des connaissances, le débat est
clos faute de preuves décisives pouvant accréditer les voies de transmission
jusqu’ici envisagées4.
Divergences et hypothèses
Malgré l’apport considérable de la recherche archéologique à l’établissement
d’un cadre chronologique cohérent, toutes les questions relatives à la sidérurgie
ancienne en Afrique ne sont pas pour autant définitivement résolues et certaines
restent très discutées. Il s’agit, entre autres, de la culture pyrotechnologique, de
la fiabilité de certaines mesures au carbone 14 obtenues au Niger et de la problé-
matique des sites de transition pouvant renforcer l’hypothèse d’une invention
autochtone. Aussi nous voudrions les évoquer brièvement pour indiquer en
quoi, même si elles ne peuvent être totalement ignorées, ces hypothèses ne cons-
tituent pas, dans leur état actuel d’élaboration, des réserves de nature à valider un
doute substantiel quant à la vraisemblance des arguments en faveur d’un foyer
indigène de la sidérurgie africaine.
LA CULTURE PYROTECHNOLOGIQUE
5. Malgré les évidences déjà accumulées dans la définition du contexte culturel au sein
duquel apparurent les premières manifestations du fer au Niger, seule une datation
des artefacts associés à la production du fer (inclusions charbonneuses dans les sco-
ries, fourneaux, objets) apportera des arguments irréfutables. L’UNESCO devrait
favoriser la mise en place d’une équipe d’experts sur cette question.
100 Hamady Bocoum
ment à flux continu des hauts fourneaux permettra une production de masse du fer
à des coûts réduits dont l’Afrique sera un des destinataires, notamment dans le
cadre de la Traite atlantique. La barre de fer s’imposera inexorablement au conti-
nent entraînant concomitamment le recul de la production locale. Il n’est d’ailleurs
pas exagéré de dire que le décrochage technique du continent date de cette période
(Bocoum, 2000).
7. Même s’ils ne réactivent guère plus leurs installations qu’à l’occasion de cérémonies
très spécifiques (reconstitutions, rites, etc.) ils auront au moins réussi à maintenir
opérationnel un patrimoine technique vieux de plus de 4 000 ans.
8. En effet, dès le début de l’introduction de la culture attelée, les artisans africains
vont très rapidement réussir à copier les modèles proposés et fréquemment les
102 Hamady Bocoum
Conclusion
Dans l’étude des faits techniques et des traits culturels, surtout quand ils sont
aussi anciens que ceux relatifs à l’apparition du fer en Afrique, la recherche d’une
cohérence chronologique sur la base des évidences archéologiques est un exercice
améliorer en les adaptant à la nature des sols, à la morphologie des hommes aux-
quels ils sont destinés et aux capacités de traction des bêtes. Il est incontestable que
les succès de la traction asine et équine doivent beaucoup aux artisans du fer. Ce
sont également eux qui assurent l’entretien, voire le renouvellement du parc
existant.
La métallurgie du fer en Afrique : un patrimoine et une ressource 103
parfois de façon assez comique, davantage l’activité des préhistoriens que la pré-
sence des hommes préhistoriques.
Quand une région est vide sur la carte, il faudrait d’abord savoir si elle est
pauvre en témoins archéologiques ou pauvre en prospections et ne pas déduire
trop vite que les faits manquent, là où manquent seulement les informations.
Ainsi, la zone située immédiatement au sud de Termit n’a jamais été pros-
pectée, tandis que, encore plus au sud, la région de Zinder n’a fait l’objet que
d’une enquête préliminaire de J.-P. Maître, juste avant son décès subit ; celle-ci
n’a donc pas été publiée. Ce que j’en sais par mes conversations d’alors avec ce
collègue et ami, c’est qu’il s’agit d’une région difficile à interpréter, où les hiatus
éventuels avec la préhistoire du Ténéré sont probablement liés en bonne partie à
des climats et à des paléo-environnements différents. Rien, en tout cas, qui per-
mette d’écrire, par exemple, que les territoires de l’ouest du lac Tchad situés entre
Termit et Taruga n’ont commencé à utiliser le fer que près d’un millénaire après
ces deux régions2. Il faut vraiment arrêter, en préhistoire aussi, de confondre
l’absence de preuve et la preuve de l’absence.
Il faudrait également, pour présenter des résultats plus proches de la vérité,
que soient également publiées les prospections infructueuses, pratique qui reste
très exceptionnelle dans un contexte où « l’efficacité économique » est devenue
une priorité absolue.
Ces considérations, qui ont l’air de s’éloigner de la « science », sont pourtant
essentielles puisqu’elles gouvernent la fiabilité des résultats, alors qu’elles sont
rarement prises en compte dans les publications.
Il faut enfin souligner le décalage entre le souhaitable et le possible. La bonne
démarche à Termit aurait été de réunir sur le terrain l’équipe multidisciplinaire
la plus large, avec entre autres un paléométallurgiste. Les contraintes financières
qui pèsent désormais sur la recherche l’ont interdit. On ne peut que le regretter,
en soulignant que les résultats présentés ici relèvent donc d’une stricte archéo-
logie généraliste.
2. « But the lands west of Lake Chad lying between Termit and Taruga did not begin to use
iron for nearly a millenium after they did » (McIntosh, 1994).
Les datations de la métallurgie du fer à Termit (Niger) 107
production de fer par bas fourneaux. Peu après cet épisode, on enregistre l’aban-
don de la région, probablement en raison de la dégradation climatique.
Les datations
La séquence culturelle qui vient d’être esquissée ne devrait pas poser de problème
particulier. Elle est logique et s’inscrit dans un schéma de complexité croissante
et dans une sorte de cohérence interne. Cependant, au moment où furent obte-
nues les premières datations, elle surprenait par son ancienneté alors inattendue,
autant dans ses débuts — avec une « néolithisation » précoce, qui n’est pas l’objet
de l’exposé d’aujourd’hui — que dans sa fin, avec la présence, beaucoup plus tôt
que prévu, du métal sur les sites puis de fourneaux de métallurgie.
Rappelons les faits : en 1972, les premières mesures, à 2630 ± 120 ans BP
pour une base de fourneau à Do Dimmi, et à 2925 ± 120 ans BP pour un site
comportant des outils de fer et de cuivre nous avaient alertés, mais leur caractère
alors isolé obligeait à la prudence. Une des principales missions de la reprise des
opérations de terrain à partir de 1982 était de confirmer ou d’infirmer cette chro-
nologie ancienne. Les premiers résultats indiquant la contemporanéité du gros
site d’habitat de Do Dimmi avec les bas fourneaux voisins constituaient plutôt
une confirmation.
Néanmoins, la difficulté à obtenir des dates sur charbon et la relative incer-
titude de ces dates, s’agissant de sites de plein air, conduisirent à la mise sur pied
d’une tentative de datation sur dégraissants végétaux de céramique qui avait
l’avantage, en cas de réussite, de préciser la chronologie à partir du contexte
culturel lui-même, puisque les objets datés en font partie. Ce programme, mis
sur pied en collaboration par J.-F. Saliège, A. Person, F. Paris et moi-même, a
donné des résultats extrêmement positifs, notamment en ce qui concerne Ter-
mit. En effet, les mesures effectuées en aveugle par J.-F. Saliège sur des tessons de
céramique de diverses périodes se sont révélées étonnamment cohérentes et con-
formes à la logique archéologique (tableau 1). De plus, le croisement, chaque
fois que possible, des datations de céramiques et de charbon sur un même site a
donné des résultats très convaincants (tableau 2). À l’exception de deux sites sur
un ensemble d’une trentaine de mesures (ce qui semble plutôt de bon augure car
des résultats trop parfaits en matière de chronologie absolue pourraient avoir
tendance à inquiéter), on se trouve devant un corpus de datations qui délimite
un terrain temporel solide.
La signification calendaire de ces mesures pour la métallurgie ancienne en
Afrique fera l’objet d’un développement plus loin dans ce volume (Données
chronométriques et chronologiques de la métallurgie à Termit, A. Person et
G. Quéchon). Elle peut être résumée ici en deux dates essentielles confirmées à
plusieurs reprises : les objets de fer et de cuivre font leur apparition à Termit à
Les datations de la métallurgie du fer à Termit (Niger) 109
peu près en 1500 avant l’ère chrétienne et les premiers fourneaux de métallurgie
connus sont datés aux environs de 800 av. J.-C. (photo 73).
Tableau 1. Datations sur dégraissant végétal de céramiques
Ces datations ont été effectuées en aveugle par J.-F. Saliège. Les datations suivies d’un
astérisque indiquent la présence d’objets de métal sur le site. À l'exception des deux qui
figurent entre crochets, ces résultats sont conformes à la logique archéologique.
Sites Datations
Céramique ancienne
Termit ouest (dune sud) 7160 ± 300
Cheguelenga 84 6760 ± 100
Termit ouest 130 6085 ± 290
Termit ouest 131 5275 ± 180
Termit ouest (dune nord) 5240 ± 100
Bezi Yasko 134 5000 ± 120
Céramique « ténéréenne »
Gara Tchia Bo 200 4420 ± 200
Gara Tchia Bo 20 3625 ± 90
Gossololom Bo 151 3600 ± 100
Gara Tchia Bo 176 3510 ± 100
Gossololom Bo 152 3235 ± 120
Bézi Atchwa 3225 ± 90
[Gara Tchia Bo 75 1960 ± 150]
Céramique « post-néo phase 1 »
Tchiré Ouma 147 3300 ± 120
Gara Tchia Bo 48 ouest 3265 ± 100*
Gara Tchia Bo 48 est 3260 ± 100*
Tchiré Ouma 146 3230 ± 170*
Termit ouest 95-b 3100 ± 100*
Tchi Guiribé 127-b 2950 ± 100*
Termit ouest 8 b 2880 ± 120*
[Gara Tchia Bo 48 B 2430 ± 110*]
Céramique « post-néo phase 2 »
Do Dimmi 16 2270 ± 90*
Chegulenga 123 2095 ± 200*
Il faut, à ce propos, être tout à fait clair : l’écart entre ces deux dates ne sous-
entend en aucune manière qu’il aurait existé à Termit deux stades culturels suc-
cessifs, le premier dans lequel la population aurait connu le métal, mais non la
réduction des minerais, et le second où la métallurgie aurait été complète. Ce
scénario nous semble même très peu vraisemblable. Simplement, on doit s’en
110 Gérard Quéchon
Résultats satisfaisants
Charbons
Site Charbons 1972 Dégraissant végétal
1982-1985
Do Dimmi 15 (bases de 2630 ± 120 2500 ± 700
fourneaux) 2065 ± 600
Do Dimmi 16 1745 ± 110 2590 ± 120 2270 ± 900
(habitat)
Termit ouest 8B (site avec 2925 ± 120 2880 ± 120
objets métal)
Gara Tchia Bo 176 3535 ± 200 3510 ± 100
(Ténéréen tardif )
Gara Tchia Bo 20 4100 ± 900 3625 ± 900
(Ténéréen tardif ) 3695 ± 800
Termit ouest (néolithique
moyen) :
– paléosol organique 6340 ± 100
– poterie niveau supérieur 5240 ± 100
Résultats incohérents
Âge obtenu
Âge attendu
Charbons Dégraissant végétal
Gara Tchia Bo 75 ± 3500/3000 445 ± 80 1960 ± 150
Gara Tchia Bo 172 ± 3700/3200 2530 ?
(problème de mesure)
Dans le même ordre d’idées, le fait que les datations des bas fourneaux s’éta-
lent sur plusieurs siècles ne doit pas être attribué à une imprécision de la
Les datations de la métallurgie du fer à Termit (Niger) 111
Photo 73. Vue panoramique des 22 bases de fourneaux de Do Dimmi (Termit, Niger)
(© G. Quéchon).
Conclusion
Indiscutablement, dans l’état actuel des connaissances, l’hypothèse d’une inven-
tion autochtone s’impose, d’abord pour des raisons chronologiques, mais aussi
parce que cette métallurgie arrive dans des cultures complexes et très
« techniciennes », donc dans une tendance favorable à l’innovation.
Je voudrais insister néanmoins sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une position
définitive : les berceaux de l’humanité, de l’agriculture, de l’élevage, de la métal-
lurgie, etc. sont incontestablement des berceaux à roulettes et certains bébés peu-
vent s’attendre à un avenir agité. Peu enclin à la recherche obstinée du scoop et à
l’archéologie dite « de la fille du chef », je voudrais rappeler qu’il n’est pas impor-
tant, en soi, que la métallurgie africaine soit la plus jeune ou la plus vieille, endo-
gène ou allochtone. S’il s’avère que des dates plus anciennes trouvées ailleurs
indiquent que le fer s’est diffusé à partir d’une autre source, l’Afrique n’en sera ni
meilleure ni moins bonne : avoir des racines, ce n’est pas affirmer qu’elles sont
plus profondes que celles des autres.
Mais si toutes les positions scientifiques sont respectables, à condition d’être
fondées, celles de l’idéologie le sont parfois moins. Il est indéniable que, à l’instar
de toutes les opinions humaines, les avis scientifiques subissent l’influence du
contexte philosophique et politique dans lequel ils sont formulés. À cette aune,
la question des origines de la métallurgie africaine s’est souvent inscrite, dans le
passé (et parfois, hélas !, encore maintenant), au sein d’une logique intégrant les
rapports de force Nord-Sud, colonisateurs-colonisés.
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 115
Données chronométriques
et chronologiques de la métallurgie à Termit
Matériaux graphiques pour l’étude des âges
anciens du fer1
Alain Person, Gérard Quéchon
1. Les auteurs tiennent à remercier Vincent Balter, pour l’aide aussi précieuse que
spontanée apportée dans la mise en forme des graphiques, ainsi que Jean Polet pour
ses conseils et sa relecture amicale.
116 Alain Person, Gérard Quéchon
1500
1650
1800
1950
2100
2250
2400
2550
2700
2850
Âge 14C
3000
3150
3300
3450
3600
3750
3900
4050
4200
4350
4500
CAMEROUN GABON
(Mac Eachern, 1996) (Clist, 1995)
RWANDA-BURUNDI
(De Maret et Thiry, 1996)
117
Tableau 3. Datations sur dégraissant végétal des céramiques
118
Code Âge BP Âge av. J.-C. Calibration av. J.-C.
Sites (échantillons) Matériel Âge 14C BP
labo calibré apr. J.-C. calibré – apr. J.-C.
Gara Tchia Bo 200 Pa 547 Dégraissant végétal 4420 ± 200 – 4985 3036 av. J.-C. 3364-2789 av. J.-C.
Gara Tchia Bo 20 a UPS Charbon 4100 ± 90 – 4564 2615 av. J.-C. 2871-2493 av. J.-C.
Gara Tchia Bo 20 b UPS Charbon 3695 ± 80 – 4036 2087 av. J.-C. 2192-1947 av. J.-C.
Gara Tchia Bo 20 c Pa 505 Dégraissant végétal 3625 ± 90 – 3919 1970 av. J.-C. 2131-1828 av. J.-C.
Gossololom Bo 151 Pa 539 Dégraissant végétal 3600 ± 100 – 3885 1936 av. J.-C. 2120-1776 av. J.-C.
Gara Tchia Bo 176 a UPS Charbon 3535 ± 200 – 3780 1831 av. J.-C. 2136-1616 av. J.-C.
Gara Tchia Bo 176 b Pa 484 Dégraissant végétal 3510 ± 100 – 3760 1811 av. J.-C. 1944-1686 av. J.-C.
14
Âge C calibré
– 3000
– 2750
– 2250
– 1000
– 3500
– 3250
– 2500
– 2000
– 1750
– 1500
– 1250
– 750
– 500
– 250
250
500
0
Gara Tchia Bo 200
– 3036
Gara Tchia Bo 20 a
– 2615
Gara Tchia Bo 20 b
– 2087
Gara Tchia Bo 20 c
– 1970
Gossololom Bo 151
– 1936
Gara Tchia Bo 176 a
– 1831
Gara Tchia Bo 176 b
– 1811
Gossololom Bo 152
– 1512
Bézi Atchoua
– 1472
Gara Tchia Bo 75
66
Tchiré Ouma 147
– 1527
Sites (échantillons datés)
Gara Tchia Bo 48 W M
– 1519
Gara Tchia Bo 48 E M
– 1518
Tchiré Ouma 146 M
– 1511
Termit ouest 95 b M
– 1332
Tchi Guiribé 127 b M
– 1149
Termit W 8 a M
– 1118
Termit W 8 b M
– 1022
Do Dimmi 15 a F
– 803
Do Dimmi 16 a M
– 795
Charbon métal
Céramique métal
Charbon néolithique
Céramique néolithique
Do Dimmi 16 b M
– 793
Do Dimmi 15 b F
– 632
Gara Tchia Bo 48 B1 M
– 450
Do Dimmi 16 c M
– 372
Gara Tchia Bo 181 F
– 137
Cheguelenga 123 M
– 96
Do Dimmi 15 c F
– 47
Do Dimmi 16 d M
285
surface. Il est facile de visualiser l’influence graphique de ces deux dates entre 4100
et 3300 BP (figure 3). Pour confronter visuellement ces informations à l’ensemble
des données bibliographiques disponibles sur la métallurgie du fer en Afrique,
nous avons établi, de la même façon, des histogrammes cumulés de datations pour
chaque grande région où existent des corpus de dates au-delà de 1 000 années BP
(Clist, 1995 ; MacEachern, 1996 ; de Maret et Thiry, 1996 ; Okafor, 1993, Wood-
house, 1998). Nous avons fait figurer aussi le peu d’informations chronologiques
existant sur Méroé (Shinnie, 1985), en raison du rôle de référence « mythique » que
ce site a joué dans la littérature (figure 4). Il va de soi qu’à propos des données publiées
par différents auteurs à différentes époques, il est impossible d’établir un appareil cri-
tique comparable à celui mis en place pour les gisements de Termit, car tous les élé-
ments scientifiques pour le faire ne sont pas accessibles. Il ne s’agit donc que d’une
compilation de résultats, exprimés en âge au carbone 14 BP, destinée à donner une
vue d’ensemble sommaire, mais la plus globale possible, des données publiées.
Un tel graphique confirme néanmoins en première analyse l’ancienneté de la
métallurgie du fer en Afrique. Il y a, d’évidence, une bonne concordance chro-
nologique de tous les histogrammes, y compris dans les régions les plus éloignées.
Une fois encore, l’hypothèse diffusionniste à partir de Méroé est visuellement
invalidée. Il semble en revanche que les dates proposées pour l’Afrique centrale
soient aussi anciennes que celles du Niger. Enfin, il existe au Gabon, au Nigéria
et au Cameroun un ensemble impressionnant de mesures concordantes.
Après avoir ainsi présenté une vision synthétique, si schématique soit-elle,
des débuts de la métallurgie du fer en Afrique subsaharienne, il est intéressant,
pour la région de Termit où nous disposons des informations nécessaires, de ten-
ter une approche plus fine de la chronologie réelle en regroupant, après les avoir
transformées en données calendaires, l’ensemble des datations de la période
concernée (figure 5). Il était impossible de présenter les résultats de cette opéra-
tion sous la même forme graphique que les données non corrigées. En effet, la
probabilité qu’une date calendaire se situe en un point donné de son intervalle
de confiance est régie par une formule complexe, liée, entre autres, au nombre
d’interceptions entre la mesure non corrigée et la courbe de calibration. La forme
de représentation adoptée jusqu’ici est donc inapplicable.
D’ailleurs il ne serait pas souhaitable, même si c’était possible, de garder le
même mode de présentation car il s’agit maintenant de définir une chronologie
vraie et il vaut mieux bien faire la distinction entre les deux démarches. Nous
avons donc adopté une présentation plus classique, où les résultats sont disposés
par groupes culturels à la suite les uns des autres, en regard d’une échelle tempo-
relle exprimée en années historiques. La barre d’erreur a été volontairement limi-
tée à 1 σ car la multiplication des dates convergentes justifie que l’on minimise
l’incertitude dans le cadre d’un traitement statistique et aussi parce que l’essai
que nous avons fait avec 2 σ alourdissait et compliquait le graphique sans appor-
ter d’informations nouvelles.
122 Alain Person, Gérard Quéchon
d’ailleurs souvent un lieu d’où toute violence était strictement bannie. Dans la
recherche de la paix entre les personnes ou les peuples, les forgerons ont souvent
joué un rôle essentiel ; marginalisés, détenteurs de pouvoirs extraordinaires, ils
furent souvent les intercesseurs entre groupes ennemis, les émissaires en cas de
conflit entre familles ou ethnies.
Plus largement, en matière de dialogue interculturel, ce qui me fascine
depuis longtemps c’est, à propos de la métallurgie, l’extraordinaire parallélisme
symbolique qui existe entre les différentes civilisations, que ce soit en Europe, en
Asie ou en Afrique. Cela nous renvoie aux catégories universelles de l’esprit
humain chères à Claude Lévi-Strauss, ancrage idéal pour le dialogue interculturel
comme pour la recherche scientifique. Car de ce point de vue, l’Afrique offre
aussi aux scientifiques un champ extraordinaire d’observation et d’analyse où
technologie, archéologie et anthropologie peuvent dialoguer et fournir des exem-
ples et des modèles interprétatifs dont l’importance déborde du cadre stricte-
ment africain.
Je voudrais aborder essentiellement deux ordres de problèmes au départ de
mon expérience de l’Afrique centrale où je travaille depuis une trentaine
d’années. Comme on parle beaucoup de l’ancienneté de la métallurgie en Afri-
que, mes collègues Hamady Bocoum et Gérard Quéchon viennent de le faire, je
voudrais, d’abord, discuter un peu cet aspect des choses puis aborder brièvement
quelques aspects liés à la technique avant de développer les rapports que la métal-
lurgie entretient avec les systèmes de pensée chez les Bantu.
encore trouvé de trace à une époque aussi ancienne. Mais cela peut s’expliquer
par le fait que les objets en fer étant rares et précieux, ils étaient systématique-
ment récupérés et reforgés, et que le reste, rouillé, a disparu. L’absence jusqu’à
présent de fourneau, tuyère ou scories amène Lavachery (1997-1998) à faire
l’hypothèse que la population de ces régions utilisait le fer mais ne le produisait
pas.
Une de nos chercheuses (Thiry, 1996) a réexaminé les données linguistiques
et arrive à des conclusions très intéressantes et qui corroborent peut-être l’hypo-
thèse d’une connaissance et d’un usage anciens d’objets en fer à défaut d’une pra-
tique de la métallurgie. En effet, le terme signifiant fer semble finalement
d’origine proto-bantu, alors que celui signifiant minerai de fer serait, lui, d’ori-
gine plus récente et se serait diffusé d’est en ouest, de la région des Grands Lacs
vers l’Angola et la Namibie.
Tout cela semble de plus en plus indiquer une connaissance très ancienne de
la métallurgie du fer et, donc, sa probable découverte sur le continent africain
avec, pour certaines régions, un phénomène de frontière mobile, sur le modèle
de la conquête de l’Ouest américain. On aurait ainsi de vastes zones où la réduc-
tion du fer n’est pas bien connue mais où les outils en fer se répandent parfois
pendant longtemps avant que leurs habitants parviennent à la maîtrise de toutes
les étapes de la métallurgie.
vre l’évolution non seulement du travail du fer mais aussi du cuivre (de Maret,
1979 et 1980 ; de Maret et Thiry, 1996). Les forgerons luba pratiquaient aussi le
tréfilage de ces deux métaux à des fins décoratives. D’une façon générale, les
techniques de tréfilage sont très mal connues et ont malheureusement pratique-
ment disparu.
Mais la plus grande surprise de l’analyse métallographique par T. Childs des
objets archéologiques luba, c’est la présence de fonte, de fer fondu (inclusion de
carbide) dans des bracelets, et cela dans une proportion croissante au fil du
temps. Cette production de fonte est confirmée par le témoignage ancien d’un
missionnaire qui parle de fonte mise dans un moule pour des houes et par les
traditions orales actuelles (Childs, 1991).
La présence de véritable fonte de fer est, comme vous le savez, extraordinaire
puisqu’elle implique une maîtrise technique et l’obtention systématique de tem-
pératures très élevées réputées impossibles à atteindre avec les techniques afri-
caines. D’où l’insistance de Jean Devisse et des spécialistes français pour que l’on
parle de réduction et pas de fonte. Eh bien, il faut désormais admettre que les
Luba fondaient le fer, et ce depuis plus d’un millénaire !
La seconde surprise de taille, c’est que la fonte étant trop cassante pour être
forgée, une étape de décarburisation est nécessaire pour transformer le métal afin
de pouvoir le forger. C’est manifestement ce que les forgerons luba faisaient car
les bracelets étudiés sont essentiellement de l’acier qui englobe des zones de
fonte. Comme le souligne Childs (1991), les techniques luba pour la métallurgie
du fer et du cuivre ont évolué parallèlement, et les techniques mises au point avec
un métal ont été adaptées à l’autre. Ils avaient aussi, par exemple, mis au point
une technique de séparation du minerai contenu dans le sable des rivières par ce
qu’on appelle, en métallurgie moderne, le hancok jigg, c’est-à-dire un processus
de sédimentation différentiel dans de l’eau courante.
Bref, dès que l’on prend la peine d’étudier de façon approfondie différents
aspects de la forge et qu’on ne se limite pas aux techniques de réduction/fonte,
on constate le niveau de perfectionnement poussé de nombreux aspects de
l’activité métallurgique qui devraient être étudiés avant leur disparition totale
et définitive.
vise à corréler aussi étroitement que possible la production du métal et celle des
humains. Ces deux opérations cruciales relèvent toutes les deux d’une vaste
sphère qui englobe la procréation, la génération, la régénération, la transforma-
tion, la fertilité, la fécondité, le succès, un mélange particulier et subtil de force,
de savoir, de savoir-faire et de chance qui, comme dans beaucoup de cultures,
sont intégrés dans le concept très polysémique de pouvoir, de puissance.
En Afrique centrale bantu, la fonte est clairement, plus ou moins simultané-
ment, coït et accouchement. Le fourneau est orné de seins, de scarifications
comme une femme ; on lui met même parfois une ceinture comme chez les
Shona du Zimbabwe, et le vocabulaire utilisé pour désigner ses différentes parties
font référence au corps féminin. Soulignons au passage le parallèle avec les pote-
ries, faites aussi en argile et dont les parties sont désignées, comme dans beau-
coup de langues du monde, par des termes reprenant des éléments du corps :
panse, lèvre, postérieur, épaule… Ah, catégories universelles de l’esprit humain,
quand vous nous tenez !
Les soufflets avec leurs deux chambres sont souvent assimilés au pénis avec
ses testicules, leur rythme étant celui de l’acte sexuel.
Dans une vaste zone de l’Afrique centrale, on place des charmes à l’intérieur
du fourneau, souvent enterrés au centre, parfois dans un petit pot3. Cette der-
nière pratique est ancienne et largement attestée du Congo au Rwanda, comme
le montre l’archéologie.
Pour les humains aussi, les relations sexuelles provoquent un échauffement,
par exemple chez les Zulu ou les Thonga. Selon les Manyika du Zimbabwe, la
fusion d’un homme et d’une femme est particulièrement dangereuse et donc
brûlante. Elle abolit les frontières non seulement entre deux personnes mais aussi
entre les sexes, entre le haut et le bas. Pour eux, l’acte sexuel est clairement une
fonte, quelque chose de très « fusionnel » comme on dirait en français.
En matière de gestation aussi, les rapports entre la métallurgie, la poterie et
les humains sont multiples.
Érigé à l’écart du village, le fourneau est souvent protégé, en Afrique de
l’Ouest, par un auvent. Comme pour la poterie, la fonte est entourée de prohi-
bitions essentiellement à caractère sexuel : abstinence, interdiction de présence
féminine, surtout pour les femmes enceintes ou réglées.
Pour les Thonga, bien décrits par Junod (1910), « un enfant résulte d’une
cuisson réussie, et il est considéré comme une poterie qui a été cuite et ne s’est
pas fêlée à la cuisson ». En français aussi, on peut être un peu « fêlé ». Pour les
Thonga, comme l’observait mon maître de Heusch (1982), on doit veiller à une
3. En décembre 1997, cette pratique a encore été observée lors d’une opération de
reconstitution réalisée par des forgerons du Nord-Cameroun au cours de l’atelier
international sur les Métiers africains du feu (METAF) que j’avais organisé à
Yaoundé.
L’Afrique centrale : le « savoir-fer » 129
Conclusion
Au sein d’une Afrique, et particulièrement d’une Afrique centrale, déchirée par
trop de conflits atroces et face aux manipulations de l’histoire et de l’identité aux-
quelles on assiste, il est temps de montrer à ces peuples, aux hommes et aux
femmes qui les composent, que bien plus de choses les rassemblent qu’elles ne les
séparent, que leurs ressemblances l’emportent largement sur leurs différences.
L’analyse comparée des techniques, du vocabulaire, des rites et des mythes
liés à la métallurgie l’illustre bien. Quand on sait le rôle crucial que jouaient le
fer et sa métallurgie en matière économique, politique et symbolique dans les
L’Afrique centrale : le « savoir-fer » 131
1. Ce texte est, avec l’accord de l’éditeur, une version remaniée d’un article publié en
1999 dans Paléo-anthropologie en Afrique centrale. Un bilan de l’archéologie au Came-
roun, de M. Delneuf, J.-M. Essomba et A. Froment (Paris, L’Harmattan).
134 Joseph-Marie Essomba
sion qu’ils auraient suivies, voies naturelles que sont les savanes de la côte
atlantique, les cours d’eau de la forêt équatoriale, l’interface forêt-savane septen-
trionale et les savanes d’Afrique centrale, comme le suggèrent les analyses de Van
Noten (1982).
Il est incontestable que le centre et le sud du Cameroun demeurent, en la
matière, l’une des zones de passage et de sédentarisation des premiers locuteurs
bantu, dont il s’agit de restituer l’histoire économique, sociale et des techniques
par l’archéologie, les traditions orales et l’étude des cultures matérielles. Cette
restitution passe par l’établissement d’une grille chronologique et par l’étude de
l’environnement dans lequel ont évolué ces peuples et leurs civilisations en Afri-
que centrale. Le programme comporte donc :
• l’identification et la cartographie des sites de l’âge du fer au Sud-Cameroun ;
• la fouille des sites identifiés et l’étude scientifique du mobilier archéologique ;
• l’établissement d’une grille chronologique pour l’histoire ancienne de la
région ;
• l’étude de l’environnement, de son impact sur l’évolution des sociétés dans
la zone forestière, d’où l’importance de l’apport futur du programme
ECOFIT (Écosystèmes forestiers intertropicaux) ;
• la restitution des aspects historiques de l’histoire des techniques (métallurgie
du fer et de la céramique ; leurs chaînes opératoires) et de l’histoire
économique ;
• la mesure de l’ampleur des migrations bantu au Sud-Cameroun (de l’archéo-
logie à la biologie des peuples).
Un deuxième volet, culturel celui-là, intéresse ce programme. Il s’agit de :
• procéder à la collecte des documents d’intérêt historique et archéologique
pour le Musée national ;
• donner à de jeunes chercheurs camerounais une formation en archéologie ;
• procéder à une animation scientifique et culturelle par des séminaires,
conférences, colloques, publication et expositions.
Méthodologie
Sur le plan méthodologique, nous rattachons l’étude du fer en tant que procédé
technique, acteur économique et phénomène de société, aux différents contextes
de l’étude du passé des sociétés du Sud-Cameroun. L’étude du fer et de l’âge du
fer exige donc une approche interdisciplinaire. Elle fait appel aux sciences de la
terre, aux sciences exactes et aux analyses de laboratoire en prenant pour maté-
riau de base les données archéologiques et chronologiques.
Les sources orales constituent un instrument privilégié pour la bonne
compréhension de bien des questions dans ce domaine. Par les enquêtes, des
approches nouvelles sont ouvertes sur les procédés techniques ainsi que sur le
Bilan de l’archéologie de l’âge du fer au Cameroun méridional 135
Depuis 1983, nous avons mené des recherches dans les départements de la Lékié,
du Nyong et Kellé, de la Sanaga maritime et du Mfoundi. Ces recherches nous
ont amenés à identifier et à fouiller les sites de Nkometou et de Pan-Pan. Un pre-
mier bilan de ces travaux a été établi en 1988 (Essomba, 1988). Il a permis de
mettre en évidence l’importance de l’archéologie de l’âge du fer dans l’histoire
ancienne de la région (figure 6).
Trois zones, dans les sites étudiés, ont apporté des informations inédites et
précieuses. Il s’agit des sites de Nkometou et Pongsolo (Lékié) et de Pan-Pan
(Nyong et Kellé). En parallèle, il faut mentionner le gisement d’Obobogo étudié
par de Maret (1992), celui d’Okolo, étudié par Atangana (1988) et celui de
Ndindan, étudié par Mbida (1992). Ces sites ont permis d’estimer le début de
l’âge du fer dans la région vers le IVe siècle avant l’ère chrétienne.
Le site de Nkometou
Nkometou, à 20 kilomètres au nord de Yaoundé, où les fouilles ont débuté en
1983, s’est révélé important par la quantité de structures en fosses identifiées et
par les éléments prélevés dans quelques-unes d’entre elles. D’une manière géné-
rale, les informations apportées par ce site témoignent de deux stades de civilisa-
tion. Le premier, néolithique, est fondé sur une économie alimentaire établie à
partir des noix de palme et de l’utilisation des meules, des broyeurs et des usten-
siles en poterie. Le second est celui de l’âge du fer dont les témoins métallurgi-
ques (scories) sont datés du Ve siècle avant l’ère chrétienne (Essomba, 1992a).
NIGERIA
TCHAD
Neboya C.A.
a ga
Nituku Bafia San Yaoundé
+
Massangui (G.É.)
Nguilmulen Meboma
+
Eseka
+
Obobogo
+
Ngongtem
ng Pan-Nsas
OCÉAN ATLANTIQUE
N yo
Sangmelima
Kribi
Ebolowa
+
Nkolebengue
Ntem
1500 m
Figure 6. Localisation des principaux sites étudiés par l’auteur dans la région
De 1989 à 1991, nos recherches sur l’archéologie de l’âge du fer se sont poursuivies
dans le cadre de la problématique et des objectifs définis plus haut, avec l’interven-
tion de l’ORSTOM en partenariat. Au cours de cette période, des travaux ont été
réalisés à Yaoundé sur le site d’Oliga et sur celui de Saka à Awae, et dans l’arrondis-
sement de Zoétélé.
Le site d’Oliga
Situé dans la zone nord de Yaoundé, Oliga a été fouillé entre 1989 et 1990. C’est
la toute première structure de four à réduction enfouie examinée au Sud-Came-
roun. Ce gisement a apporté des informations inattendues sur la question de
l’âge du fer dans cette région et en Afrique centrale forestière (Essomba, 1989 et
1992b). Il a été daté du premier millénaire avant l’ère chrétienne.
Plusieurs échantillons de charbon de bois ont été prélevés à différents
niveaux stratigraphiques de la structure. Douze de ces échantillons ont fait
l’objet de datations au radiocarbone dont quatre par le Laboratoire de radiocar-
bone de l’Université Claude-Bernard de Lyon-I (par J. Evin) et huit par le Labo-
ratoire Beta Analytic de Miami, en Floride (États-Unis d’Amérique). Les
résultats de ces analyses chronologiques figurent dans les tableaux 4 et 5.
N° N° Carré et niveau
Dates (B.P.) Dates calibrées
échantillon laboratoire archéologique (en cm)
1 Beta 31 411 2710 ± 130 B.P. 1256-500 A2 (–90) NA7
av. J.-C.
2 Beta 31 412 1860 ± 70 B.P. 0-334 av. J.-C. A1-B1 (–50) NA1-2
3 Beta 31 413 1960 ± 80 B.P. ± 70 av. J.-C B2 (–60) NA3
70 apr. J.-C.
4 Beta 31 414 2820 ± 70 B.P. 1300-800 A2 (–50) NA2
av. J.-C.
5 Beta 31 410 2810 ± 100 B.P. 1300-800 A2 (–90) NA7 (–100)
av. J.-C.
6 Beta 31 534 2110 ± 60 B.P. 367 av. J.-C. A2 (–90) NA7
10 apr. J.-C.
7 Beta 32 228 2150 ± 80 B.P. 400 av. J.-C. A2 (–100) NA7
22 apr. J.-C.
8 Beta 32 264 2200 ± 60 B.P. 400 av. J.-C. A2 (–110) NA10 (–120)
90 apr. J.-C.
138 Joseph-Marie Essomba
N° N° Carré et niveau
Dates (B.P.) Dates calibrées
échantillon laboratoire de fouille (en cm)
9 Ly-4976 2150 ± 60 B.P. 365-68 A2 NA11 (–130)
av. J.-C.
10 Ly-4977 2185 ± 110 B.P. 539 av. J.-C. B2 NA10 (–120)
26 apr. J.-C.
11 Ly-4978 2380 ± 110 B.P. ± 773-212 B2 NA11 (–130)
12 Ly-4979 1945 ± 250 B.P. 831 av. J.-C. B2 NA4 (–70)
567 apr. J.-C.
Le site de Saka
En mars 1990, une prospection dans l’arrondissement d’Awae (département de
la Mefou) a permis l’identification du site de Saka chez les Mvele. Un sondage a
mis en évidence les éléments caractéristiques d’un atelier de réduction du fer :
des scories, des fragments de tuyères et des tessons de poterie. Les premières data-
tions au radiocarbone de cet atelier le situent aux XVIe et XVIIe siècles ap. J.-C.
Cette période correspond à celle de la mise en place de la population beti dans la
région. Les études sur ce site doivent se poursuivre.
LA RECONNAISSANCE ARCHÉOLOGIQUE
DANS L’ARRONDISSEMENT DE ZOÉTÉLÉ
Dja et Lobo sont restés pratiquement inconnus à ce point de vue. Les données
archéologiques actuelles demeurent insuffisantes. Cette situation justifie la pros-
pection menée à Zoétélé, étape préliminaire du long travail de recherche devant
être mené dans l’ensemble du département, d’une part, et dans la province du
Sud, d’autre part. Cette mission de reconnaissance nous a conduits à des villages
tels que Nkooveng, Nkolmebong, Fibot, Nkumadzap, Otetek Etoto, Zoétélé-
Brousse et Zoétélé-Village (figure 7).
La méthode de recherche a été fondée sur l’étude de la carte de la région au
1/200 000 sur laquelle nous avons identifié certains villages à partir d’éléments
toponymiques. Des enquêtes ont été ensuite menées auprès de certaines personnes
âgées et des autorités traditionnelles. Elles comportaient un questionnaire sur les
anciens villages et les vieux ateliers de production du fer. En outre, nous avons
procédé à la prospection systématique des champs et des habitations actuelles
afin de repérer et de localiser les vestiges d’activités anciennes. Deux types de
gisements ont été identifiés : les sites préhistoriques et les sites de l’âge du fer.
Nkolmebong (NKM1)
Ce gisement est situé à 3° 26’ 03” de latitude nord et à 11° 05’’ au nord-ouest de
Fibot. Il est à 3,4 km de Fibot-centre, sur la route d’Eboman, à Yemfok, dans le
village de Nkolmebong. Son altitude est de 690 mètres. Notre attention a été
attirée par la légende racontant qu’on y trouvait des traces de genoux sur le
Bilan de l’archéologie de l’âge du fer au Cameroun méridional 141
Ny
o ng
Obout
Akokoven
Meret Nkolmebong
Fibot
Ngomedjap
So Ngolbang
o
Elolo
donné à Lucien Oyono Eyamo (né vers 1888 et mort vers 1933), du groupe Fong,
par ses parents à cause de ses nombreuses richesses, de ses capacités et de ses
prouesses guerrières ainsi que de ses réalisations matérielles. Tous ses exploits ont
conduit à ce qu’on le compare à un éléphant. Ses parents avaient trouvé en lui leur
éléphant. C’est de ce nom que vient celui du site Zoétélé, ou « éléphant debout ».
Avant l’arrivée des Allemands au Cameroun, les parents d’Oyono Eyamo, dit
Zoétélé, ont d’abord habité la localité aujourd’hui connue sous le nom de Zoétélé-
Brousse. Ce site est à 10° NE de Zoétélé-Ville et à 1 500 mètres du village Eteto. La
distance entre Eteto et Zoétélé-Ville est de 11,8 km. C’est de Zoétélé-Brousse qu’est
parti Oyono Eyamo pour fonder Zoétélé-Village. Suivant nos informateurs, le fer
était produit dans ces localités aux temps anciens. Une prospection nous a permis
de repérer et de localiser des sites archéologiques dans ces deux endroits.
Zoétélé-Brousse (ZB1)
Le site est identifié à partir de scories ramassées en surface à 500 mètres du lieu
indiqué par l’informateur. Cette découverte nous a amenés à faire des prospec-
tions dans les environs et à trouver le site de ZB1-locus A (point de fouille A), ou
ZB1-LA.
Zoétélé-Village
Ce site se trouve à 1 kilomètre de la sous-préfecture Zoétélé-Ville, sur le côté
droit de la route qui mène à Meba, dans la cour de Joseph Aba Bilunga, décédé
144 Joseph-Marie Essomba
Koumou (KM1)
Le site de Koumou se trouve dans le village de Nkoumadzap, à 10 kilomètres de
la sous-préfecture de Zoétélé, près de la rivière Lobo et à 475 mètres des chutes
de Koumou. Il est dans une plantation, aujourd’hui exploitée par Thomas Akoa
Jean, paysan âgé de 27 ans qui nous a servi de guide. Selon nos informateurs, ce
lieu a été habité anciennement par les ancêtres de la population de Nkoumadzap.
Le site a souffert des travaux de construction de la route effectués avec un bull-
dozer. Le sondage effectué, sur 1 mètre carré de surface jusqu’à une profondeur
de 1 mètre, a permis de prélever des fragments de briques, de scories, des mor-
ceaux de tuyères et du charbon de bois. Les datations au radiocarbone en sont
attendues.
D’une manière générale, les résultats de cette mission de reconnaissance
archéologique dans l’arrondissement de Zoétélé se sont avérés intéressants. Huit
sites ont été identifiés dont trois préhistoriques et cinq de l’âge du fer. La mission
a été centrée particulièrement sur les zones nord et sud-est de l’arrondissement.
Cette orientation ressort de la pratique de l’ethno-archéologie qui a conduit à
Bilan de l’archéologie de l’âge du fer au Cameroun méridional 145
l’identification des anciens sites dans ces secteurs. Les gisements se retrouvent en
fait en dehors des lieux d’habitation actuels. On comprend, dès lors, les diffi-
cultés d’une prospection à grande échelle dans cette zone forestière et la justifi-
cation de l’approche ethno-archéologique dans ce milieu.
Par ailleurs, la mission a permis de mettre une fois de plus en évidence le
riche patrimoine archéologique du Cameroun méridional en sites tant préhisto-
riques que de l’âge du fer. L’exploitation des sites répertoriés devient donc
urgente. Leur étude devrait sans aucun doute apporter des données permettant
de mieux se documenter sur l’histoire ancienne du Cameroun. Cette urgence
réside aussi dans l’intensification des enquêtes orales dans la région qui se révè-
lent d’une aide précieuse pour la cartographie de ces gisements, tant que les
informateurs demeurent en vie.
Conclusion et perspectives
Le bilan des dernières recherches effectuées par le programme consacré à l’âge du
fer et à la métallurgie du fer dans le centre et le sud du Cameroun se révèle inté-
ressant de par la dimension historique des informations apportées sur les plans
chronologique et technique ; ces recherches ont été d’un apport particulier au
colloque de 1986 ; elles ont fait par ailleurs l’objet de conférences publiques à
l’Université de Yaoundé en mars 1990, à l’Université de Bangui en avril 1990, au
Centre culturel français de Yaoundé et à Akwa Palace de Douala en avril 1991
(Essomba, 1992b).
On peut dire aujourd’hui que, dans le centre et le sud du Cameroun, les
débuts de l’âge du fer remonteraient au premier millénaire avant notre ère. Cette
période est marquée par la sédentarisation, la production alimentaire, le regrou-
pement des habitants dans des villages et le peuplement de la région par les ban-
tuphones. Les dernières recherches mettent en évidence la concordance entre les
datations des ateliers de production du fer et les données de la tradition orale sur
l’occupation de la région par les anciennes communautés beti entre le XVIe et le
XVIIe siècle (sites de Nkometou, de Saaka et de Zoétélé-Brousse). Elles permet-
tent aujourd’hui d’établir sans conteste que le sud du Cameroun se situe au car-
refour des chemins des migrations des anciens bantuphones dès le premier
millénaire avant notre ère. Un fait historique très important dans l’histoire du
peuplement ancien de l’Afrique centrale se fait ainsi jour.
Si le bilan de ces recherches semble globalement positif, beaucoup reste
encore à faire. Il s’agit de l’extension des travaux à travers tous les départements
du Cameroun méridional. Par ailleurs, des questions relatives à l’environnement
n’ont pas encore été abordées : elles devraient intéresser l’économie ancienne,
l’occupation de l’espace, la couverture végétale et son évolution. Elles devraient
être abordées à l’aide de la palynologie, de l’anthropologie et de la paléoclimato-
logie. Elles doivent permettre d’aboutir à l’établissement d’une grille chronologique
146 Joseph-Marie Essomba
solide sur l’âge du fer au Sud-Cameroun, en rapport avec les recherches effec-
tuées dans le Woleu-Ntem au Gabon et celles à entreprendre dans l’Adamaoua et
sur la côte atlantique. C’est le vaste projet d’étude de l’évolution de l’homme et
de l’environnement dans l’aire bantuphone de l’Afrique centrale qui devrait en
analyser les informations essentielles. Une fois de plus, la palynologie, l’anthro-
pologie et la paléoclimatologie devraient participer à ces recherches. L’histoire
ancienne de l’Afrique centrale sera ainsi mieux comprise pour ce qui concerne la
période de l’âge du fer.
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 147
NIGER
Lac
Tchad
Illela
Daima
Kano
Zaria Yankari
BÉNIN
Zungeru Sukur
Jos
Bida NIGERIA
Abuja Yelwa
Ilorin Taruga
Idofin Uffe-Ljumu
Oyo Yauri
Okemesi
Akata Ibila-Alukpo
Ijebu-Ode Isunehinrin Oturkpo
Ife Umundu
Offa Igbo-Ukwu Afikpo
Agege Opi
Bénin Ikom CAMEROUN
Golfe
de Guinée 0 300 km
Figure 8. Principaux sites de réduction du fer et leur localisation dans les États du
Nigéria
maux et des sépultures humaines, datent d’une époque tout à fait différente et
sont d’une tout autre nature que les découvertes réalisées sur le site 1
d’Ugwuagu. Trois d’entre elles, provenant de la tranchée A, datent des XVe et
XVIe siècles apr. J.-C. et deux, provenant de la tranchée B, des XIIIe et IXe siècles
(Calvocoressi et David, 1979).
150 David A. Aremu
2. Nous prions nos lecteurs de bien vouloir contacter l’auteur, ou n’importe quel
département d’archéologie, ainsi que la Commission nationale pour les musées et
monuments du Nigéria, s’ils ont connaissance de sites similaires qui ne sont pas
encore recensés dans la liste en question. Il ressort de ce qui précède que de nom-
breux sites ont été détruits. Il sera nécessaire d’appliquer les lois relatives à la présen-
tation des sites appartenant au patrimoine culturel du Nigéria et de procéder à des
fouilles sur des sites qui n’en ont pas encore fait l’objet, ce qui exigera des crédits de
la part des instances gouvernementales compétentes et de l’UNESCO.
Les routes du fer en Afrique : une contribution du Nigéria 151
74 76
75 77
154 David A. Aremu
78
79 80
Les routes du fer en Afrique : une contribution du Nigéria 155
81 82
Photo 74. Trou de 5 cm servant à vérifier la
réduction du minerai de fer dans le fourneau
(© Aremu).
Photo 75. Tuyères dans les trous prévus à cet effet
(© Aremu).
Photo 76. Porte de fourneau (© Aremu).
Photo 77. Site de réduction du minerai de fer,
parc national de Yankari, État de Bauchi
(© Aremu).
Photo 78. Tas de scories de fer sur le site de
réduction du minerai de fer d’Ampara (© Aremu).
Photo 79. Revêtement extérieur écaillé d’un
fourneau à cuve (© Aremu).
Photo 80. Vue latérale d’un fourneau à cuve
(photographie prise du nord) (© Aremu).
Photos 81, 82 et 83. Divers stades de destruction
de fourneaux à cuve (© Aremu).
83
156 David A. Aremu
Il est important de noter que des indices de production du fer à l’époque préco-
loniale existent à Ajaokuta, à Aladja et à Itakpe, et se trouvent à l’emplacement
actuel d’un complexe métallurgique et sidérurgique. Cette coïncidence permet
de penser que dans les autres régions du Nigéria et d’Afrique où existe ce type
d’indices, il est peut-être possible de trouver du minerai de fer en quantité et
qualité suffisantes pour alimenter un complexe métallurgique et sidérurgique
moderne.
appel d’air qui est soit naturel, soit produit par des soufflets ; l’alimentation en
air est contrôlée lors des phases ultérieures par observation de la couleur de la
flamme qui s’échappe de la charge. La réduction dans des fours en forme de
dôme et à cuve, telle qu’elle est pratiquée aussi bien à Isundunrin qu’à Yankari
(Bauchi), dure au minimum de 18 à 20 heures. Après la fusion, on laisse le four-
neau refroidir et l’on en retire la masse spongieuse de fer métallique appelée
loupe3. Celle-ci est normalement réchauffée et martelée en une masse compacte,
opération qui doit être répétée plusieurs fois pour éliminer toutes les scories 4.
Il existe encore, au Nigéria, des artisans capables de réduire le fer. Ils repré-
sentent une période qui appartient à l’histoire et c’est l’une des raisons pour les-
quelles nous les avons enregistrés sur cassettes vidéo avant que leur savoir-faire ne
se perde.
Objets Observations
Couteaux à okras
Haches
Braseros ou fourneaux Ifonna Yoruba
Séchoir à viande Ayanra : Yoruba
Assiettes en métal
Chaînes
Les routes du fer en Afrique : une contribution du Nigéria 161
Objets Observations
Motifs artistiques destinés à représenter
des êtres humains et des animaux
Têtes en bronze ou en laiton Exemple : les têtes d’Ife et du Bénin
Animaux, serpents et oiseaux en bronze Exemple : le serpent de bronze d’Igbo
ou en laiton Ukwu
Objets
Montants et châssis de Volkswagen
Moulage de clés, de serrures, etc.
162 David A. Aremu
La coutume était de vénérer Ogun avant et après chaque guerre (Ojo, 1971,
p. 169-170). Désormais cette célébration a lieu tous les ans à l’occasion des pre-
mières récoltes d’ignames entre juin et septembre, et le chien a remplacé l’être
humain comme principale victime sacrificielle. À Idofin et Obo Ayegunle, c’est
en août que l’on célèbre la consommation de la nouvelle moisson d’ignames.
Alors qu’il était autrefois vénéré dans tout le pays, Ogun ne l’est plus que par
quelques dévots et forgerons disséminés sur la quasi-totalité du territoire du Pays
yoruba. Ire, dans l’État d’Ekiti, reste le principal lieu où se pratique ce culte.
Ikole, Ondo, Ado-Ekiti et Otun célèbrent le festival annuel avec raffinement. Le
christianisme en particulier et l’islam ont, de manière générale, entraîné la dimi-
nution du nombre d’adorateurs d’Ogun dans le Pays yoruba.
La nature masculine d’Ogun se traduit par le fait que, contrairement à ce qui
se passe dans la plupart des autres religions yoruba, les femmes ne peuvent pas
assumer les fonctions de prêtresses, même si elles peuvent désormais participer
aux cérémonies. Les sacrifices et les prières visent à apaiser le côté destructif
d’Ogun afin que ses disciples évitent le danger, notamment les accidents. Ce
n’est qu’à titre secondaire qu’on se tourne vers lui pour lui demander de favoriser
des objectifs individuels liés à la richesse, au pouvoir, à la fertilité, etc.
Ainsi qu’on l’a fait observer précédemment, il est instructif de voir à quel
point le fer a influencé les croyances et la vie spirituelle de la population de diver-
ses régions du Nigéria et de l’Afrique en général. Ce n’est peut-être pas sans rap-
port avec le fait que la connaissance du travail du fer venant de l’intérieur des
êtres, l’on peut aisément comprendre qu’il soit enraciné dans leurs croyances et
dans la manière dont ils pratiquent leur culte. La description des routes du fer en
Afrique ne serait pas complète si l’on ne mentionnait pas les croyances et cou-
tumes des différents peuples liées à Ogun. Tout travail de production et de for-
geage exige, du début à la fin, des offrandes propitiatoires à Ogun et l’on
considère que c’est lui qui assure le succès de toutes les activités.
Pour prendre pleinement conscience des contributions des diverses sociétés
nigérianes aux routes du fer en Afrique, il reste encore beaucoup de recherches à
faire. Elles devront être planifiées, programmées, financées de façon satisfaisante
et porter aussi bien sur l’archéologie et l’ethnographie que sur les autres disci-
plines qui s’y rattachent.
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 165
1. Ce texte est, avec l’accord de l’éditeur, une version remaniée d’un article publié en
2000 dans P. Pétrequin, P. Fluzin, J. Thiriot et P. Benoît (dir. publ.), Arts du feu et
productions artisanales, XXes Rencontres internationales d’Archéologie et d’Histoire
d’Antibes, Antibes, éditions APDCA.
166 Bruno Martinelli
MALI
MAURITANIE
Niger
NIGER
BURKINA-FASO
GUINÉE
BÉNIN
TOGO
CÔTE-
D'IVOIRE NIGERIA
GHANA
LIBERIA
Golfe de Guinée
Yatenga
Echard (1965) à partir de données concernant les Hawsa du Niger. Elle le fut
encore par Dupré (1981) en ce qui concerne l’Afrique centrale. Dans d’autres
sociétés, les forgerons réalisaient l’intégralité de la chaîne opératoire, de l’extrac-
tion du minerai jusqu’à la fabrication des objets. Si l’on considère les agriculteurs-
métallurgistes comme des « artisans », ce ne peut être qu’au nom d’un concept
importé dont la définition est en partie théorique. Dans l’ensemble de ces socié-
tés, les artisans reconnus comme tels par la terminologie vernaculaire sont les for-
gerons. « Gens des soufflets » ou « de l’enclume », ils sont identifiés par l’activité
de fabrication et la livraison de leurs produits aux utilisateurs locaux. Dans de
tels contextes, la distinction n’est jamais seulement technique et économique,
elle est aussi rituelle, symbolique et sociale. L’attribution systématique de la
métallurgie à la catégorie des forgerons par des auteurs aussi bien anciens que
contemporains est préjudiciable à la connaissance des anciennes sociétés afri-
caines. La difficulté résulte aussi de l’absence de terme spécifique pour désigner
localement les agriculteurs-métallurgistes, alors qu’il en existe toujours un pour
nommer les forgerons. Les documents d’archives doivent donc être systémati-
quement critiqués et confirmés sur le terrain.
Hombori
Dalla-Boni
Delta Dwênza
interieur Tabi
du Niger
Do g ô n
T ôm bori
Okoyeri
Mopti D og ôn M A L I
Do g ô n / Te lle m
Sanga
P la in e d u S é n o Djibo
Bandiagara Gondo
Somadougou
Wol Do g ô n
Koro
Bankas Kâyn
Aru
P l ai n e d u S én o Kibsi
D og ôn Yatenga
Sege Tyu fulse/mosi
Mêngao
Rônga
Ouahigouya
Ségénéga
Womsum
B U R K I N A - FA S O
Kwêere
Samo Gursi
0 50 km Kalsaka
production directe d’acier que les forgerons nomment généralement « fer dur »,
destiné à la réalisation des tranchants des lames de haches ou de sabres. Jusqu’au
XXe siècle, une partie des forgerons du Yatenga, gros producteurs de métal, se
fournissait en « fer dur », ou acier siècle, dans le nord du Pays samo ou même,
plus loin, en Pays dogon, auprès d’agriculteurs-métallurgistes. Ces derniers ont
conservé le monopole d’une production stratégique puisque ce métal était utilisé
pour les tranchants de haches ou de sabres jusqu’à son remplacement par l’acier
importé d’Europe.
172 Bruno Martinelli
L’antériorité et la complexité
Ces données soulèvent des questions de divers ordres : historique, technique et
social. Y a-t-il antériorité d’un système sur l’autre ? Si les datations permettent de
distribuer chronologiquement les métallurgies africaines, nous ne savons presque
rien des organisations sociales correspondantes. Les deux systèmes ont coexisté et
subsisté jusqu’au XXe siècle. À défaut de faits, un modèle explicatif transféré du
néolithique méditerranéen vers l’Afrique subsaharienne a souvent conduit à hié-
rarchiser historiquement les systèmes. Il définit l’artisanat métallurgique comme
un témoin privilégié de « libération du technicien » et de passage de sociétés
« polyvalentes » à des sociétés complexes (Leroi-Gourhan, 1964, p. 238). Il
pousse à considérer les systèmes dualistes comme plus anciens ou plus archaïques
que les systèmes unitaires. Pour décider d’un éventuel passage du proto-artisanat
vers l’artisanat proprement dit, l’argumentation peut-elle se déplacer sur le ter-
rain technique ? Le critère typologique n’est pas décisif, du moins en ce qui con-
cerne l’ensemble de la boucle du Niger. Un essai de classification des fours à
induction, réalisé sur plus d’une centaine de sites de réduction de cette région
(Martinelli, 1993a et b), ne permet pas d’établir de relation univoque entre tech-
nique utilisée et identité sociale des producteurs (figure 11).
Des techniques analogues de fours fonctionnant par induction étaient prati-
quées, dans des régions proches aussi bien qu’éloignées les unes des autres, par
des forgerons dans certains cas, par des agriculteurs-métallurgistes dans d’autres
(photos 84 et 85). Rien n’interdit de penser que des emprunts aient eu lieu, dans
les deux sens, entre ces groupes. L’exemple des métallurgies dogon, échelonnées
du nord au sud de la falaise, est l’un des exemples les plus remarquables de conver-
gences techniques et de divergences sociales (Martinelli, 1995b). Le critère de
complexité technique ne peut être récusé a priori, mais il relève d’une analyse
théorique des processus qu’en l’état actuel des connaissances, nous ne pouvons
encore mener avec toute la rigueur nécessaire. Les complexités ne se trouvent pas
forcément où on les attend. Pour la qualité des métaux, la supériorité de certains
agriculteurs-métallurgistes était si reconnue par les forgerons voisins qu’elle a pu
amener ces derniers à en abandonner la production. Tel fut le cas du Yatenga à la
fin du XIXe siècle et au début de la période coloniale. Le critère d’échelle de pro-
duction est-il moins discutable ? Dans ses travaux sur les forgerons hawsa et
touareg, Echard (1965 et 1992) avait fort justement insisté sur l’impact des
métallurgies africaines sur l’espace social tant pour le fonctionnement d’unités de
production dans des aires territorialisées que pour les transferts de matériaux, les
échanges de produits finis, la mobilité des hommes et les cycles marchands.
Intensité de production et emprise sur des espaces de distribution des produits et
de mobilité humaine dépendent de facteurs sociaux et politiques globaux. Les
comparaisons (bien peu nombreuses encore) que nous pouvons faire entre des
Au seuil de la métallurgie intensive 173
160 170
130 140
185
200
180 190 160 140
Dogon, Pignari Kurumba, Oursi Hawsa (Niger) Malinké
(Mali) (Burkina Faso) (d'après Échard 1965) (Côte d'Ivoire)
(d'après Célis 1991)
80
Zarma Tillaberi 90 Malinké et senufo
(Niger) (Côte d'Ivoire)
180
165 200
160
130/140
120 130 140 Nînsi/Samo, Kweere Daro
Dogon (?), Séno (Mali) Dogon, Aru (Mali) Dogon, Wol/Woru (Mali) (Burkina Faso)
480 2
1 600/650
450 500
400
130 140
130
Ninsi/fulse, Ronga, 1. Moose tikare ziitenga
Yatenga (Burkina Faso) (Burkina Faso) fulse/moose, 120
2. fulse fulogi yïngane, Yatenga Yatenga central Fulse/moose, Yatenga occidental (Burkina Faso)
(Burkina Faso) et Seno et reconstitution kâyn (Burkina Faso)
50/60
sont pas effacées des mémoires lignagères. Devenir forgeron alors que l’on était
métallurgiste est un franchissement de seuil aussi important que devenir forge-
ron alors qu’on était agriculteur ou guerrier. Le passage du statut de métallur-
giste à celui de forgeron s’est accompli dans un climat de rupture sociale, si ce
n’est de déchirement, puisque son principal enjeu était le mariage endogame et
l’ensemble des interdits qui l’accompagne. Les données de l’histoire orale
abondent et convergent sur ce point. Elles permettent de situer les principales
étapes d’une transition qui a commencé au XVIe siècle, sous le règne de Naaba
Wumtanângo, et qui s’est achevée sous le règne de Naaba Kângo (1757-1787)
(Izard, 1980, 1983 et 1985). Ce dernier souverain joua un rôle décisif dans
l’édification du royaume et la codification du statut des forgerons. Son règne
est caractérisé par la constitution d’un État centralisé et d’une société stratifiée,
la sécurisation des axes de commerce et l’accroissement des échanges avec les
pays voisins, l’accélération de la sédentarisation agricole, toutes conditions
favorables à l’intensification de la production métallurgique.
Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle s’est accomplie, parallèlement à ce
processus social, une mutation importante de la technique métallurgique. Les
témoins archéotechnologiques en fournissent les jalons. Les anciens fours étaient
de type cellulaire à aération continue et à fosse. Ils donnaient des métaux en
quantité limitée mais à forte proportion d’acier. Ils mettaient en œuvre une tech-
nique voisine de celle qui a subsisté jusqu’à une période récente en Pays samo
septentrional. Ils sont appelés bôn-daase (au singulier : bôn-daagha), ce qui signi-
fie « fours mâles ». À partir de la fin du XVIIIe siècle, s’est mis en place un nou-
veau mode de réduction directe original à partir de l’invention d’un type de four.
La séquence innovatrice a pu être reconstituée à partir de plusieurs témoins
matériels archéologiques. Elle est attribuée à un groupe de forgerons d’une zone
circonscrite du Yatenga central. Du fait de son rôle dans l’histoire sociale et tech-
nique de la région, ce groupe exerce des pouvoirs éminents sur l’ensemble des
forgerons du Yatenga en ce qui concerne les droits d’installation d’atelier de
forge. Les nouveaux fours ont la forme de colonnes hautes tronconiques ou
cylindriques plus ou moins cintrées ou galbées (photo 87). L’écoulement des
scories est latéral et se fait par l’extérieur. L’étude comparative de ces fours met
en évidence une tendance au surdimensionnement qui prend son sens dans un
contexte de production intensive. Ce four, appelé bônga (au pluriel : bômse), est
considéré comme un « four femelle » avec tout le symbolisme de parturition affé-
rant. Il est conçu pour traiter d’importantes quantités de minerai (environ
1 tonne) à chaque opération. Il produit environ 150 kilos de loupes par opéra-
tion. Les fours bômse ont une hauteur moyenne de plus de 5 mètres, bien que
nombre d’entre eux atteignent 6,50 m.
Au seuil de la métallurgie intensive 177
Photo 87. Batterie de fours de forgerons moose au Yatenga, avec soldat donnant
l’échelle (© J. Meniaud, Paris, É. Larose, 1912).
°C 1 600
1 400
1 200
Sonde 1 – base du four
1 000
Bruno Martinelli
800
Sonde 2 – 1,5 m
600
400
Sonde 3 – 2,5 m
200
Sonde 4 – 3,5 m
0
1 4 7 10 13 16 19 22 25 28 31 34 37 40 43 46 49 52 55 58 61 64 67 70 73 76 79 82 85 88 91
heures
Au seuil de la métallurgie intensive 183
Tableau 14. Yatenga. Reconstitutions réalisées à Kâyn. Bilan comparatif des matières
Valeur +/–
Durée totale (jours) 3,5 4,5
Durée combustion (heures) 70 100
Matériaux
Charbon :
– total (kg) 910,00 925,00 15,00
– nombre paniers (paniers) 91,00 93,00 2,00
– couche 1 (kg) 420,00 412,00 – 8,00
– couche 2 (kg) 170,00 192,00 22,00
– couche 3 (kg) 160,00 170,00 10,00
– couche 4 (kg) 160,00 180,00 20,00
– reste\fin réduction (kg) 176,00 36,00 – 140,00
– consommé (kg) 734,00 889,00 155,00
Minerai :
– brut (kg) 958,50 973,00 14,50
– concassage 1 (kg) 910,00 903,00 – 7,00
– concassage 2 (kg) 837,00 846,00 9,00
– nombre paniers (paniers) 131,00 133,00 2,00
– couche 1 (kg) 422,10 412,00 – 10,10
– couche 2 (kg) 100,80 125,00 24,20
– couche 3 (kg) 314,10 309,00 – 5,10
– total charge (kg) 837,00 846,00 9,00
Paille non tassée (m3) 3,00 3,00
Résultats de la réduction
Minerai non transformé (kg) 328,00 158,00 – 170
Loupe (fer non raffiné) :
Au seuil de la métallurgie intensive 185
Valeur +/–
– ouverture 1 (kg) 23,20 27,20 4,00
– ouverture 2 (kg) 8,20 21,30 13,10
– ouverture 3 (kg) 6,10 13,50 7,40
– ouverture 4 (kg) 6,10 12,10 6,00
– ouverture 5 (kg) 3,10 9,60 6,50
– ouverture 6 (kg) 6,80 18,30 11,50
– ouverture 7 (kg) 7,30 18,60 11,30
– ouverture 8 (kg) 18,50 29,10 10,60
– ouverture 9 (kg) 0,80 1,00 0,20
– total (kg) 80,10 150,70 70,60
Scories :
– vitrifiée, nwâre (kg) 90,00 175,00 85,00
– blocs, rângo (kg) 70,90 92,00 21,10
– fond four (kg) 34,00 65,00 31,00
– total (kg) 194,90 332,00 137,10
Récapitulations et quotients*
M, total charge (kg) 837,00 846,00 9,00
MNT (kg) 328,00 158,00 – 170,00
M2 > M-MNT transformé (kg) 509,00 688,00 179,00
C consommé (kg) 734,00 889,00 155,00
S totales (kg) 194,90 332,00 137,10
L totales (kg) 80,10 150,70 70,60
Restes (cendres, gaz, etc.) calculés par déduction
M2-L-S total (kg) 234,00 205,30 – 28,70
M2-L-S (%) 27,96 24,27 – 3,69
Réduction +/–
Ratios
70 h 100 h 30 h
M/C 1,14 0,95 – 0,19
M2/C 0,69 0,77 0,08
M/S 4,29 2,55 – 1,75
M2/S 2,61 2,07 – 0,54
C/S 3,77 2,68 – 1,09
M/L 10,45 5,61 – 4,84
M2/L 6,35 4,57 – 1,79
L/M 0,10 0,18 0,08
* M : minerai ; MNT : minerai non transformé ; M2 : minerai concassage 2 ; C :
charbon ; S : scories ; L : loupes.
de ces reconstitutions (tableau 14). Cela ne veut pas dire qu’elle ne l’est pas par
rapport à ce type de technique si l’on se réfère à certains témoignages de forge-
rons. Bien qu’il y ait un peu d’acier (fer « dur » — kutu kyênga) au centre des plus
gros blocs, sa proportion reste peu importante. La combustion lente semble
avoir d’autres objectifs. Interrogeons les forgerons. La combustion lente est
nécessaire, selon eux, pour plusieurs raisons :
• les quantités de minerai à réduire et de combustible à brûler ;
• la résistance de l’édifice. Les parois du four ne sont pas conçues pour résister
à des températures prolongées supérieures 1 000 °C. Les forgerons affirment
que si les ouvertures sont obturées durant 85 % du temps de réduction, c’est
pour que le four « ne se fende pas ». Maints récits se rapportent à des forge-
rons inexpérimentés (Martinelli, 1996) dont les fours se sont brisés. Il n’est
pas envisagé de modifier la technique de construction, par exemple en ren-
forçant les parois avec des blocs de scories et des soutènements d’argile
comme c’est le cas de certains fours dogon et samo connus des forgerons du
Yatenga ;
• le contrôle de la dynamique des matériaux et des gaz durant la réduction. Les
montées en température de cuisson se traduisent par des modifications de
répartition des matériaux dans le four. Il peut se produire des effondrements
de la charge créant des brèches à travers le minerai et le charbon qui entraî-
nent l’échappement direct au lieu d’une diffusion prolongée du carbone.
Une combustion prolongée permet une descente régulière de la charge de
combustible et une certaine homogénéisation de l’action du carbone sur
l’oxyde de fer ;
• la maîtrise des températures. Le progrès technique est représenté, pour les
forgerons, par la capacité de contrôler la montée de la température et de
contenir les températures les plus élevées dans une zone focale de cuisson.
L’un des objectifs de cette technique est de limiter l’hétérogénéité des zones
et des phases de combustion, par conséquent, celle des métaux finalement
produits ;
• les proportions croissantes de fer « dur » (kutu kyênga) et de fer commun, dit
« frais » (kutu masgha), directement utilisables à la forge par rapport à celles
de fer « acide » (kutu misgu). Pour les forgerons, les trois qualités de fer cor-
respondent à des durées de réduction variables à la base du four, le fer « dur »
étant associé aux durées les plus longues, le fer « acide » aux plus courtes
durant la phase terminale de l’ouverture du four.
le Niger oriental, les objets en fer sont plus anciens que les vestiges de fourneaux
(voir plus haut la contribution d’H. Bocoum).
En Zambie, le fer est présent au moins au début de l’ère chrétienne. En Afri-
que du Sud (rive méridionale du Limpopo), la métallurgie du fer est attestée au
IIIe siècle de notre ère.
La présence même de cette industrie du fer qui se développe, en Afrique sub-
saharienne, parallèlement à celle de la pierre et des autres métaux (cuivre, or,
étain, bronze…) implique une population relativement nombreuse. Le com-
merce existait déjà en Afrique noire à cette haute époque : « Un certain nombre
d’objets trouvés en fouilles montrent que, dès l’âge du fer ancien, il existait de
vastes réseaux d’échange » (Van Noten, 1981). Le même auteur observe que ce
commerce devait être « principalement limité » aux zones proches des grands
fleuves car les sites éloignés des axes fluviaux ou de la région interlacustre four-
nissent fort peu d’objets importés.
Ces réseaux d’échanges étendus existaient au troisième millénaire av. J.-C.
(rappelons sur ce point les quatre expéditions conduites par l’Égyptien Herkouf
au XXIVe siècle av. J.-C.), ce qui prouve la possibilité d’un commerce du fer entre
les différentes régions de l’Afrique. Les modes de désignation du fer sont appa-
rentés dans les langues soudanaises et bantu et en égyptien ancien 1. Le fer a pu
arriver en Égypte à partir du Soudan occidental et central par l’Ennedi où la pré-
sence ancienne de lances a été remarquée par Huard (1964).
Seule la multiplication des fouilles et des datations permettra d’en savoir
plus, quoique la vitesse de disparition du fer sous les climats chauds et humides
empêche probablement de découvrir exactement ce qu’il en a été dans bien des
cas.
En conclusion, il apparaît que la technique de réduction du minerai de fer a
été inventée en Afrique noire dès le milieu du troisième millénaire environ, c’est-
à-dire en même temps qu’en Asie occidentale et peut-être même avant. Il semble
que ces deux foyers d’invention aient été indépendants. Mais ce n’est pas absolu-
ment certain. À noter que ni l’Égypte ni la Mésopotamie ne possédaient de
minerai de fer sur leur propre territoire. Mais, connaissant déjà la fonte d’autres
métaux, elles pouvaient faire venir le minerai. Toutefois, le résultat des fouilles et
des datations laisse plutôt supposer que la sidérurgie, dans l’histoire de l’huma-
nité, est née d’une part en Afrique occidentale et d’autre part en Anatolie.
Cependant, d’autres régions nous réservent peut-être des surprises.
Des recherches systématiques devraient être effectuées non seulement dans la
région de Nok, et dans l’espace compris entre Nok et le massif de Termit, mais
aussi au Tchad (à Korotoro et dans la région de l’Ennedi) ainsi que dans les oasis
qui le relient à l’Égypte (Nukheila/Merga, Bir Abu Husein, Selima, Kharga,
1. Alors qu’au contraire, la racine commune du mot fer dans les langues sémitiques est
très différente (Lhote, 1952).
192 Louise-Marie Maes-Diop
Carthage
Giseh
Amarna
Abydos
Thèbes Tropique du Cancer
Nil
Tigidit Buhen
Sé
Egaro Napata
né
Méroé
Nig
ga
Termit
l
er
Cha
Nok ri
Taruga
Gbabiri
Oliga Co
Équateur ng
o
Otoumbi
Mubuga
OCÉAN
Katuruka
OCÉAN
INDIEN
ATLANTIQUE
bèze
am
Z
ne
Tropique du Capricor
O r a nge
0 1 000 km
Figure 13. La métallurgie africaine du fer du IIIe millénaire au Ve siècle av. J.-C., pour
les sites connus
Bilan des datations des vestiges anciens de la sidérurgie en Afrique 193
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BAR.
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 217
David A. Aremu
Université d’Ibadan
Department of Archaeology and Anthropology
Ibadan, Oyo State, Nigéria
Hamady Bocoum
Directeur du Patrimoine de la République du Sénégal
Ministère de la culture, avenue Léopold Sédar Senghor, Dakar
Université Cheikh-Anta-Diop, BP 206, Dakar, Sénégal
Joseph-Marie Essomba
Université de Yaoundé-I
Département d’histoire, arts et archéologie
BP 755, Yaoundé, Cameroun
Philippe Fluzin
Directeur de l’UMR 5060 CNRS
Laboratoire de métallurgies et cultures
Université de technologie de Belfort-Montbéliard,
90010 Belfort Cedex, France
218 Annexes
Louise-Marie Maes-Diop
Géographe et historienne, Paris
Association « Khepera »
BP 11, 91192 Gif-sur-Yvette, France
Pierre de Maret
Université libre de Bruxelles
44, avenue Jeanne, 1050 Bruxelles, Belgique
Université Léopold-Sédar-Senghor d’Alexandrie
1, place Ahmed Orabi El Mancheya, BP 21111, 415 Alexandrie, Égypte
Bruno Martinelli
Maison méditerranéenne des sciences de l’homme
5, rue du Château de l’Horloge, 13024 Aix-en-Provence, France
Alain Person
Laboratoire de recherches sur l’Afrique
Maison René-Ginouvès, CNRS-UMR 7041
allée de l’Université, 92023 Nanterre Cedex, France
Université Pierre et Marie Curie
Laboratoire de géologie des bassins sédimentaires
75252 Paris Cedex 05, France
Gérard Quéchon
Laboratoire de recherches sur l’Afrique
Maison René-Ginouvès, CNRS-UMR 7041
allée de l’Université, 92023 Nanterre Cedex, France
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 219
Extraits du Rapport
À l’invitation de la Commission nationale du Mozambique pour l’UNESCO,
s’est tenue à Maputo (Mozambique) du 10 au 13 décembre 1991 une réunion
internationale consultative de spécialistes sur le lancement du projet des Routes
du fer en Afrique.
• de faire une étude comparée des coûts et de la rentabilité entre les techniques
modernes importées et la réhabilitation des techniques anciennes de fabrica-
tion du fer pour l’artisanat ;
• de réaliser des publications (livres d’histoire, bandes dessinées et livres pour
enfants) ;
• de classer le monument Casa dos Mabyaias (La Maison des Mabyaias) comme
patrimoine du Mozambique ; réalisé par le maître-sculpteur Malangatana,
essentiellement à partir du fer comme matériau de sculpture, il symbolise plei-
nement la place et les objectifs du projet des Routes du fer en Afrique ;
• d’adopter ce monument comme logo du projet des Routes du fer en Afrique ;
• de réaliser toutes opérations techniques destinées à la préservation de ce
monument menacé à terme par la rouille ;
• de faire procéder à des études sur les thèmes suivants :
- le fer dans la tradition orale,
- le fer dans les échanges matrimoniaux,
- le fer et la mythologie,
- le fer et la musique,
- le statut social du forgeron,
- le fer et le pouvoir,
- le fer comme monnaie d’échange,
- le fer dans le développement de l’agriculture,
- le fer et la technologie,
- le fer et le développement industriel : la rentabilisation des industries du fer
en Afrique,
- l’histoire du chemin de fer en Afrique,
- les premières voitures en Afrique,
- le fer et l’environnement,
- le fer et la santé publique,
- le fer dans les musées,
- la répartition géographique du fer en Afrique,
- les minerais de fer,
- le fer dans la vie quotidienne,
- le fer et l’expansion bantu,
- le fer et l’architecture,
- l’industrie du fer et l’intégration régionale.
Ces recommandations ne sont pas limitatives et s’ajoutent à celles déjà con-
tenues dans le document d’avant projet.
Annexes 221
Appendice I
Ordre du jour
1. Ouverture de la réunion
2. Élection du bureau de la réunion
3. Adoption de l’ordre du jour
4. Réflexion sur la problématique du fer en Afrique
5. Histoire et anthropologie du fer (histoire, culture, philosophie, religion et
développement)
- histoire du fer en Afrique : état de la recherche, problèmes et perspectives ;
- l’homme et le métal : mythes, traditions et religions ;
- les artisans du fer : leurs modes de vie, confréries, statut social ;
- le fer dans la vie : alimentation, pharmacopée et thérapies traditionnelles.
6. Technologies et industries du fer
- les techniques du travail du fer en Afrique ;
- la métallurgie et les industries du fer en Afrique.
7. Fer, patrimoine culturel, environnement
- archéologie, géologie et géographie des minerais de fer en Afrique ;
- exploitation des mines de fer et protection de l’environnement ;
- le fer dans les ouvrages de génie civil (monuments, bâtiments, ponts) élé-
ments du patrimoine culturel.
8. Examen du projet de document des routes du fer en Afrique (CNUM/RF/
02/91/Rev.1)
9. Mécanisme de la mise en œuvre et coordination du projet des routes du fer
en Afrique
10. Approbation du rapport final et recommandations
11. Clôture de la réunion
222 Annexes
Appendice II
Liste des participants
BACCAR, Mounira : Secteur de la culture, UNESCO
CHAMBAL, Frederico Jeremias (Mozambique) : Instituto Nacional de Geologia,
Dep. Laboratorio Maputo, Mozambique
FAYE, Safi (Sénégal) : Ethnologue, Réalisateur, Dakar, Sénégal
JOSÉ, Alexandrion (Mozambique) : Universidade Eduardo Mondlane – Centro
de Estudos Africanos, Maputo, Mozambique
KARAYENGA, Athanase (Burundi) : Directeur général de Boneica (Société de
communication multimédia), Paris
KIPRÉ, Pierre (Côte d’Ivoire) : École Normale Supérieure, Direction de la recher-
che et de la coopération scientifique, Abidjan, Côte d’Ivoire
KOSSOU, Basile (Bénin) : Secrétaire de la Décennie mondiale du développement
culturel, UNESCO
LAIFA, Embarek (Algérie) : Conseiller technique (géologie minière) au Ministère
des ressources minérales, Maputo, Mozambique
LEYTEN, Harrie M. (Pays-Bas) : Conservateur, Tropenmuseum, Amsterdam,
Pays-Bas
LEISEGANG, Gerhard (Mozambique) : Departamento de História, Faculdade de
Letras, U.E.M., Maputo, Mozambique
LUCAS, Carlos (Mozambique) : Engenheiro químico, Dep. De Engenharia Quí-
mica, Faculdade de Engenharia, Universidade Eduardo Mondlane, Maputo,
Mozambique
MACHUNGO, Inês Beatriz Fernandes (Mozambique) : Assistante, Universidade
Eduardo Mondlane, Faculdade de Letras, Dep. de Letras Modernas, Maputo,
Mozambique
M’BOKOLO, Elikia (Zaïre) : Directeur d’études, École des Hautes Études en
Sciences Sociales, Paris
MEDEIROS, Eduardo (Mozambique) : Instituto Superior Pedagogico, Dep. De
Antropologia, Maputo, Mozambique
NGUNGA, Armindo (Mozambique) : Faculdade de Letras, Universidade Eduardo
Mondlane, Maputo, Mozambique
SANTANA AFONSO, Ana Elisa (Mozambique) : Coordinatrice du projet des Rou-
tes du fer en Afrique, CNUM, Maputo, Mozambique
SIBANDA, Eric (Swaziland) : Sandile University of Swaziland, Dept. of African
Languages and Lit., Swaziland
Annexes 223
Secrétariat
COVANE, Luis Antonio Covane (Mozambique) : Departamento de História,
Universidade Eduardo Mondlane, Maputo, Mozambique
MANUENSE, Herminia (Mozambique) : Ministérió da Cultura, Projecto ARPAC
(Arquivo do Património cultural), Maputo, Mozambique
RIBEIRO, Fatima (Mozambique) : Departamento de Português, Instituto Supe-
rio Pedagógico, Maputo, Mozambique
Appendice III
Liste des interventions
Allocution de bienvenue : Ana Elisa Santana Afonso, Secrétaire générale de la
CNUM
Allocution de Graça Machel, Présidente de la Commission nationale du Mozam-
bique pour l’UNESCO (CNUM)
Allocution de Basile Kossou, Secrétaire de la Décennie mondiale du développe-
ment culturel (DMDC), représentant du Directeur général de l’UNESCO
Allocution d’ouverture : S.E. le Ministre de la culture Dr. José Mateus Kathupa
Introduction générale des travaux : Ana Elisa Santana Afonso
Chapitre I – Réflexion sur la problématique du fer en Afrique
Thème 1 – La problématique du fer au Mozambique : problèmes et perspectives
Alexandrino José (Mozambique)
Thème 2 – Cadre général de la problématique du fer en Afrique : Harrie M. Ley-
ten (Pays-Bas)
Thème 3 – Interdisciplinarité, histoire et anthropologie du fer : les ambiguités du
fer dans l’aire Kongo-Teke : Elikia M’Bokolo (Zaïre)
Examen du document du projet des routes du fer en Afrique
Examen du document : Lignes générales sur les mécanismes de coordination et
de la mise en exécution du projet des routes du fer en Afrique
Chapitre II – Histoire et anthropologie du fer en Afrique
Thème 4 – The Iron smelting process in Africa and Mozambique and its docu-
mentation – Produçao e trabalho do ferro na Provincia do Niassa : Gerhard
Leisegang (Mozambique)
224 Annexes
A Celis 16, 64
Célis 74
Aba Bilunga 143 Chezeau 61
Adam 74 Chikwendu 148
Adeniji 54, 157 Childs 35, 126, 127
Adeniji (Pa) 52 Clark 26
Afigbo 43, 45 Clist 13, 121, 125, 139
Agadès 111 Coelho Lemos 101
Akinjogbin 12 Coghlan 24
Akoa Jean (Thomas) 144 Connah 26, 30, 37
Alabede 162 Coulthard 72, 83, 87
Andah 24, 29, 35, 148 Crew 64, 68, 69
Anozie 36, 48, 148 Cuccini-Tizzoni 68
Aremu 15, 36, 148, 157, 162, 190
Arkell 11, 25 D
Armstrong 45
Asombang 139 Daniels 26
Atangana 135 David 36, 148, 149
Avery 29, 35 David Adeniji 52
Davies 24
B De Barros 183
De Maret 14, 127
Barendson 23 Delneuf 133, 190
Bauvais 83, 87 Devisse 127
Bellamy 35, 36, 46 Dillmann 64, 68, 69, 76, 87, 89
Benoît 165 Diop 29, 96
Biélenin 62, 65 Dumont 72, 83
Biobaku (S.O.) 52 Dunikowski 64, 85
Bocoum 10, 14, 64, 87, 101, 102, 124 Dupré 169
Durand 120
C
E
Cabboï 64
Calvocoressi 27, 36, 148, 149 Echard 169, 172
Calvocorressi 148 Échard 127
230 Index des spécialistes
Effah-Gyamfi 36 J
Ekechukwu 36
Essaadi 72 Jemkur 11, 23, 24, 31, 36
Essomba 15, 97, 125, 133, 135, 136, 137, Johnson 51, 54
138, 145, 190 Junod 128
Evin 120
K
F Kense 35
Fagan 26 Kienon 74
Fagg 23, 36, 37 Killick 10, 41, 95, 96, 98, 99
Faivre 74
Fall 101 L
Fells 41
Fluzin 12, 61, 62, 64, 65, 68, 69, 70, 72, Lambert 27
74, 75, 76, 77, 79, 81, 83, 87, 89, 91, Lanfranchi 125
98, 103, 165 Lavachery 126
Forrières 68 Leclant 94, 96
Froment 133 Leclère 68, 74, 79, 87
Leroi-Gourhan 172
G Leroy 62, 68, 69, 72, 74, 77, 79, 81, 87,
181
Gaffet 84, 91 Lévi-Strauss 124
Gasco 120
Lhote 23, 29, 96, 191
Goucher 183
Grébénart 95, 96, 111
Griaule 168 M
Griffon 123 MacEachern 121
Groupe de travail suisse de l’archéologie Macintosh 27
du fer 62 Maes-Diop 14, 24, 29
Guilot 84 Maggs 10
Guthrie 124 Mangin 65, 68, 70, 72, 74, 83, 84, 85, 87
Maret 121, 125, 135
H Maret (de) 13
Harbord 36, 46 Martinelli 12, 15, 65, 172, 181, 186, 187
Hartle 45, 46 Masami 68
Hawkes 24 Mauny 11, 16, 26, 27, 28, 29, 93, 95, 96,
Herbach 64, 68 97
Herbert 11 Mbida 135
Herkouf 191 McDonnel 38
Heusch 128 McIntosh 111
Holl 94, 96, 97 McIntosh et McIntosh 28, 93
Huard 11, 95, 191 McNaughton 10, 170
McPhee 33
I Merluzzo 68, 72, 74, 79, 87
Idowu 162 Mezang Mezang (Pasteur Josué) 144
Izard 176 Miller 10, 97
Index des spécialistes 231
V W
Van der Merwe 41, 97 Warmington 29
Van der Plicht 37 Wente-Lukas (Renate) 168
Van Grunderbeek 14, 96, 125 Wiesmuller 96
Van Noten 134, 191 Willett 26
Vignati 96 Wingrove 38, 41
Von Luschan 96 Woodhouse 13, 121
Voruz 120 Woolley 24
Z
Zangato 97, 125, 190
Les débuts de la métallurgie du fer en Afrique de l’Ouest 233
Figures
Figure 1. Le processus sidérurgique et son évolution historique 60
Figure 2. La chaîne opératoire du fer : l’épuration 66
Figure 3. Représentation graphique des mesures 14C BP, à Termit-Égaro.
Histogramme additionnant par classes de 50 ans les dates
radiocarbones BP non calibrées selon l’intervalle de confiance
des mesures 116
Figure 4. Histogramme comparatif des âges 14C 117
Figure 5. Chronologie de la fin du néolithique et des débuts de la
métallurgie à Termit 119
Figure 6. Localisation des principaux sites étudiés par l’auteur dans
la région 136
Figure 7. Prospection archéologique dans l’arrondissement de Zoétélé.
Localisation des principaux sites identifiés par l’auteur (juillet-août
1990) 141
Figure 8. Principaux sites de réduction du fer et leur localisation dans les
États du Nigéria 149
Figure 9. Le Yatenga et l’aire de métallurgie moose 167
Figure 10. Agriculteurs métallurgistes et forgerons au Yatenga et dans la
plaine de Séno 171
Figure 11. Principaux types de fours à induction dans la boucle du Niger 173
Figure 12. Yatenga, Kâyn ; réductions comparées 70/100 h. Courbes de
température 182
Figure 13. La métallurgie africaine du fer du IIIe millénaire au Ve siècle
av. J.-C., pour les sites connus 192
240 Table des illustrations
Photos
Planche I. La réduction directe et ses produits 63
Planche II. L’épuration, pratiques et déchets 67
Planche III. Les demi-produits et les lingots 71
Planche IV. La forge : pratique, outils et déchets 73
Planche V. Indices métallographiques : la réduction 78
Planche VI. Indices métallographiques : l’épuration 82
Planche VII. Indices métallographiques : élaboration de l’objet 86
Planche VIII. La structure du métal : fer, acier, fonte, à partir de l’étude
métallographique d’échantillons archéologiques 88
Photo 73. Vue panoramique des 22 bases de fourneaux de Do Dimmi
(Termit, Niger) 112
Photo 74. Trou de 5 cm servant à vérifier la réduction du minerai de fer
dans le fourneau 153
Photo 75. Tuyères dans les trous prévus à cet effet 153
Photo 76. Porte de fourneau 153
Photo 77. Site de réduction du minerai de fer, parc national de Yankari,
État de Bauchi 153
Photo 78. Tas de scories de fer sur le site de réduction du minerai de fer
d’Ampara 154
Photo 79. Revêtement extérieur écaillé d’un fourneau à cuve 154
Photo 80. Vue latérale d’un fourneau à cuve 154
Photos 81, 82 et 83. Divers stades de destruction de fourneaux à cuve 155
Photo 84. Fours de métallurgistes dogon à Vol et Sege 174
Photo 85. Anciens fours (bôn-daagha) au Yatenga 175
Photo 86. Fours contemporains (bônga) au Yatenga 177
Photo 87. Batterie de fours de forgerons moose au Yatenga, avec soldat
donnant l’échelle 179