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Éric Laurent
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L'ÉcoleDE
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ÉVÉNEMENTS
DE DIRE
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L’INTERPRÉTATION ÉVÉNEMENT
Éric Laurent
Dès que l’on évoque l’interprétation surgit un malentendu. le binaire entre le texte et
son interprétation nous fourvoie. nous tombons immédiatement dans l’illusion qu’il exis-
terait le langage de l’inconscient et que celui-ci appellerait un métalangage, l’interpré-
tation. lacan n’a pas cessé de marteler que l’expérience de la psychanalyse lui permettait
non seulement d’affirmer qu’il n’y avait pas de métalangage, mais que ce dire donnait la
seule chance de s’orienter correctement dans cette expérience. deux propositions fonda-
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lorsque lacan isole le n’importe quoi du maître 3, lacan ne parle pas de la tech-
nique zen en général, mais spécialement de celle d’un des fondateurs d’une école
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3. cf. ibid.
4. lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, texte établi par J.-a. miller, paris, Seuil, 2004, p. 261.
5. cf. demiéville p., « le miroir spirituel », Sinologica, vol. i, no 2, 1947, p. 112-137, cité in Choix d’études
bouddhiques, 1929-1970, leiden, e. J. brill, 1973, p. 131-156.
6. cf. diény J.-p., demiéville p., École pratique des hautes études. rapport sur les conférences des années
1981-1982, 4e section, livret 2, p. 23-29, disponible sur internet.
7. cf. lacan J., « d’un dessein », Écrits, op. cit., p. 364.
8. cf. charraud n., « lacan et le bouddhisme chan », La Cause freudienne, no 79, mars 2011, p. 122-126,
disponible sur le site de cairn.
9. lacan J., le Séminaire, livre Xiii, « l’objet de la psychanalyse », leçon du 1er décembre 1965, inédit.
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Éric Laurent, l’interprétation événement
10. cf. lacan J., Le Séminaire, livre iii, Les Psychoses, texte établi par J.-a. miller, paris, Seuil, 1981, p. 154.
11. cf. lacan J., Le Séminaire, livre X, L’Angoisse, op. cit., p. 317.
12. cf. lacan J., « d’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, op. cit.,
p. 532-533.
13. cf. lacan J., « la direction de la cure », Écrits, op. cit., p. 594-95.
14. miller J.-a., « l’interprétation à l’envers », La Cause freudienne, no 32, février, 1996, p. 13.
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événements de dire
logue. ce thème du monologue hante le lacan des années soixante-dix – le rappel que
la parole est surtout monologue. Je propose ici l’apparole comme le concept qui répond
à ce qui se fait jour dans le Séminaire Encore, quand lacan interroge de façon rhéto-
rique – Lalangue sert-elle d’abord au dialogue ? rien n’est moins sûr. 15 »
Si, pour lalangue, l’utile de la communication n’est pas de mise, c’est qu’elle a
partie liée avec la jouissance. « Là où ça parle, ça jouit. cela veut dire, dans le contexte,
cela jouit de parler. 16 » alors que l’interprétation sémantique voulait faire relance, l’in-
terprétation qui s’affronte à la jouissance vise, au contraire, une non-relance, une
limite 17. la potentialité infinie du discours libre ne pose comme seule limite à la jouis-
sance que celle du principe de plaisir. la limite de l’interprétation se veut autre. « Dire
n’importe quoi mène toujours au principe du plaisir, au Lustprinzip 18 ». en lieu et place
du recours au principe de plaisir et ses possibilités infinies, il s’agit de s’appuyer sur
l’inverse de la modalité du possible, celle de l’impossible pour faire limite. « par l’in-
troduction de cette modalité qui rompt avec l’association libre de la parole, par la
mise en place d’un certain ça ne veut rien dire. 19 » l’interprétation, qui passe pourtant
par la parole, se retrouve du côté de l’écrit, seul capable de prendre en charge le trou
du sens et l’impossible 20.
la problématique de l’interprétation a-sémantique introduit une dimension
hybride entre le signifiant et la lettre. elle rend compte du fait que lacan oppose l’in-
terprétation et la parole. « l’interprétation analytique […] porte d’une façon qui va
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« la question se pose de savoir si l’effet de sens dans son réel tient à l’emploi des
mots ou bien à leur jaculation. […] on croyait que c’étaient les mots qui portent. alors
que si nous nous donnons la peine d’isoler la catégorie du signifiant, nous voyons
bien que la jaculation garde un sens isolable 22 ». pour conserver ce lien d’un effet qui
demeure, sans pour autant croire en la portée du sens d’un énoncé, lacan en vient
à poser l’existence d’un effet de sens réel. « l’effet de sens exigible du discours analy-
tique n’est pas imaginaire. il n’est pas non plus symbolique. il faut qu’il soit réel. 23 »
15. miller J.-a., « le monologue de l’apparole », La Cause freudienne, no 34, octobre, 1996, p. 13.
16. Ibid.
17. cf. ibid., p. 17.
18. Ibid.
19. Ibid., p. 18.
20. cf. ibid.
21. lacan J., le Séminaire, livre XXii, « r.S.i. », leçon du 11 février 1975, Ornicar ?, no 4, rentrée 1975, p. 95-96.
22. Ibid., p. 96-97.
23. Ibid.
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Éric Laurent, l’interprétation événement
cette interprétation n’est pas ajout d’un signifiant deux par rapport à un signi-
fiant un. elle ne vise pas la concaténation ou la production d’une chaîne signifiante.
elle prend acte de la nouvelle visée du serrage du nœud autour de l’événement de
corps et de l’inscription qui peut être notée (a). lacan avait déjà utilisé le terme de
jaculation pour rendre compte de la force du texte poétique, que ce soit à propos de
pindare 24 ou d’angélus Silesius 25. il fait aussi du Poordjeli de Serge leclaire, forma-
lisation hors sens de différents éléments du fantasme, « une jaculation secrète, une
formule jubilatoire, une onomatopée 26 ». nous pouvons maintenant ajouter que linji
a été, dans le zen, l’inventeur et celui qui sut au mieux pratiquer ce que demiéville
traduit par éructation. « une éructation, procédé inimitable de la maïeutique chan ;
lin-tsi passe pour en avoir été le virtuose le plus consommé sinon l’inventeur 27 ». la
jaculation comporte quelque chose de l’éructation.
ce qui est appelé jaculation dans le Séminaire XXii, comme désignant un effet de
sens réel, annonce le signifiant nouveau du Séminaire XXiv. « il s’agirait, en fait, d’un
signifiant qui pourrait avoir un autre usage, […] un signifiant qui serait nouveau, pas
simplement parce que ce serait un plus, mais parce qu’au lieu d’être contaminé par
le sommeil, il déclencherait un réveil 28 ». ce réveil est connecté à la production d’un
effet de sens réel comme production d’un événement de corps.
24. cf. lacan J., Le Séminaire, livre viii, Le Transfert, texte établi par J.-a. miller, paris, Seuil, 2001, p. 437.
lacan parle de la « jaculation célèbre de pindare ».
25. cf. lacan J., le Séminaire, livre Xiii, « l’objet de la psychanalyse », leçon du 1er décembre 1965, inédit.
26. lacan J., le Séminaire, livre Xii, « problèmes cruciaux pour la psychanalyse », leçon du 27 janvier 1965,
inédit.
27. demiéville p., Entretiens de Linji, 1972, cité par n. charraud, in « lacan et le bouddhisme chan », op. cit.
28. miller J.-a., « l’orientation lacanienne. le tout dernier lacan », enseignement prononcé dans le cadre
du département de psychanalyse de l’université paris viii, cours du 14 mars 2007, inédit.
29. cf. miller J.-a., « biologie lacanienne et événement de corps », La Cause freudienne, no 44, février 2000, p. 47.
30. Ibid.
31. miller J.-a., « l’orientation lacanienne. nullibiété » enseignement prononcé dans le cadre du dépar-
tement de psychanalyse de l’université paris viii, cours du 11 juin 2008, inédit.
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événements de dire
32. cf. lacan J., le Séminaire, livre XXiv, « l’insu qui sait de l’une-bévue s’aile à mourre », leçon du 19
avril 1977, inédit.
33. miller J.-a., « biologie lacanienne et événement de corps », La Cause freudienne, op. cit., p. 59.
34. lacan J., le Séminaire, livre XXiv, « l’insu qui sait de l’une-bévue s’aile à mourre », op. cit.
35. Ibid.
36. Ibid., leçon du 17 mai 1977.
37. lacan J., le Séminaire, livre XXi, « les non-dupes errent », leçon du 18 décembre 1973, inédit. Je
remercie Guy briole de m’avoir indiqué cette référence.
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Éric Laurent, l’interprétation événement
38. lacan J., le Séminaire, livre XXiv, « l’insu que sait de l’une bévue s’aile à mourre », leçon du 19 avril
1977, publié dans Ornicar ?, no 17-18, printemps 1979, p. 16.
39. lacan J., « propos sur la causalité psychique », Écrits, paris, Seuil, 1966, p. 188.
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