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24/02/2023

M. Dan Gertler
Ramat Gan
Israël

Cher Monsieur Dan Gertler

Nous vous remercions pour l’initiative de nous avoir écrit une lettre du 7 février 2023 demandant
notre soutien pour la levée des sanctions pour corruption dont vous faites l’objet aux Etats-Unis.

Nous doutons toutefois de votre engagement pour le bien-être de notre peuple dont vous ne
parlez aucune langue malgré plusieurs décennies de séjour en RDC, ainsi que de la sincérité de
votre poésie sur les montagnes luxuriantes du Katanga où vous avez bâti votre fortune. C’est
précisément sur ces lieux qu’avec l’aide de l’ancien président Kabila et l’ancien PCA de la
Gécamines Albert Yuma, vous avez pris possession des mines et des blocs pétroliers de notre
beau et grand pays à des prix dérisoires.

Merci de nous rappeler la conclusion de l’accord signé le 24 février 2022 entre le Gouvernement
congolais et vous-même, cet accord que nos organisations membres jugent préjudiciable pour
notre pays et notre peuple. Nous sommes stupéfaits que c’est notre pays qui s’est engagé à vous
payer de l’argent et non l’inverse, malgré les milliards que vous nous avez déjà pris. Nous ne
partageons nullement votre estimation selon laquelle les actifs que vous revendez à notre pays
valent 2 milliards de dollars. A notre connaissance, cette estimation n’est confirmée par aucune
institution indépendante. A défaut d’informations certifiées sur les richesses qui s’y trouvent, c’est
un chiffre sans fondement.

Aujourd’hui, un an exactement après la signature de l’accord, le Congo est supposé vous payer
240 millions d’euros pour des soi-disant investissements que vous auriez fait dans les blocs
pétroliers et les permis miniers, sans qu’aucun cabinet d’audit n’ait confirmé que vous avez
effectivement investi ce montant, sans qu’il n’y ait de réserves certifiées, sans que les actifs
n’aient été formellement remis à l’État aux instances mandatées, et sans garantie que ces actifs
valent ne serait-ce qu’une fraction de ce que vous affirmez.

Merci aussi de nous rappeler votre volonté de transparence. Nous attendons les preuves
concrètes de cette volonté avec impatience. Depuis dix ans, vous négociez des clauses de
confidentialité dans vos contrats avec la Gécamines, des clauses contraires au décret sur la
publication des contrats et au Code minier. Dans votre lettre, vous indiquez joindre une copie de
l’accord – mais aucune copie n’a été attachée en pièce jointe. Comme vous le savez, le Congo
n’est pas à vendre dénonce depuis un an l’opacité qui entoure cet accord et a saisi la justice
congolaise pour l’entrave à la transparence qui en découle. Nous serions heureux si vous
pouviez mettre à la disposition du peuple congolais l’ensemble des annexes au protocole
d’accord et les documents complémentaires signés avec le gouvernement dans le cadre de cet
accord. Les lois congolaises et les principes de l’ITIE sur la transparence exigent leur publication.
Un tel acte mettrait alors en évidence votre bonne foi à jouer la transparence.

Monsieur Gertler, permettez-nous d’être surpris lorsque vous qualifiez d’inclusif cet accord
négocié dans la plus grande opacité. Comment parler de transparence alors même la ministre de
la justice qui a engagé notre République en maîtrisait mal le contenu, comme en témoignent ses
interventions lors de la conférence de presse succédant à sa signature de l’accord ? Comment
parler de transparence lorsque les autres ministres compétents n’ont découvert le protocole
qu’après qu’il ne soit conclu ? Comment parler de respect de la société civile si seuls quelques
acteurs de la société civile ont été invités par la présidence à assister à la présentation de
l’accord sans que ne leur soit distribuée de copie de l’accord et sans qu’ils n’aient pu le
commenter et y apporter des amendements? Comment parler de véritable représentation de la
voix congolaise quand votre accord prévoit que la société civile et les médias devront être
‘convaincus’ – coûte que coûte – que cet accord léonin est en leur faveur ?

Merci de reconnaître enfin que nos actions ont permis une certaine avancée, notamment par
l’imposition de sanctions américaines. Cette reconnaissance nous étonne toutefois, puisque vous
n’avez cessé de nous attaquer pendant que nous alertions le monde sur les pertes que notre
pays a subi en raison de vos contrats opaques. Elle nous étonne, vues vos actions en justice
actuelles contre deux de nos organisations, PPLAAF et Global Witness. Elle nous étonne,
puisque deux de nos collègues se retrouvent jusqu’à ce jour condamnés à mort au Congo, et ce
pour avoir découvert vos pratiques financières douteuses à Afriland Bank après les sanctions.
Vous comprendrez qu’un dialogue sincère ne peut se tenir tant que ces tactiques d’agression
persistent.

Merci de votre plaidoyer pour le bien-être des congolais, auxquelles vous estimez pouvoir
contribuer par une levée des sanctions américaines contre vous, des sanctions qui visent à
endiguer les pratiques de corruption auquel vous-mêmes, vos complices congolais et des
multinationales comme Och Ziff et Glencore se sont adonnés pendant des années, selon les
enquêtes de la justice américaine.

Vous écrivez que « s'opposer à ce Règlement, c'est dire que continuer mes souffrances est plus
important que d'améliorer la vie du peuple congolais ». Si vous souhaitez réellement contribuer
au bien-être de notre population, notre proposition est simple: renoncez gratuitement à
l’ensemble des actifs congolais que vous avez acquis dans des conditions illicites. Renoncez
sans contrepartie aux blocs pétroliers, aux permis miniers dans les secteurs de l’or et du fer que
vous gelez depuis des années. Renoncez aussi aux permis dans le secteur du manganèse dont
vous ne parlez pas. Coopérer ou impliquer d’une manière transparente avec les parties
prenantes (gouvernement, société civile et média, entreprises et Justice ) le processus de
rétrocession sans contrepartie de ces actifs congolais.

Renoncez par ailleurs aux 148 millions que vous avez envoyés à la Gécamines dans les
semaines avant les sanctions, et dont vous exigez le remboursement alors que l’Institution
Générale des Finances reconnaît aujourd’hui que ces fonds ont immédiatement disparus.
Renoncez surtout aux royalties de KCC, de Mutanda Mining et de Metalkol, qui vous rapportent
aujourd’hui plus de 200.000 EUR par jour, et que vous avez acquis dans une opacité totale, à
des prix risoires, en suivant des procédures contraires aux lois congolaises.

Enfin, coopérez pleinement avec les enquêtes judiciaires en cours afin qu’on établisse, une fois
pour toutes, la vérité sur la liste interminable de transactions suspectes que nous décrions depuis
tant d’années ainsi que sur la liste de tous les complices, tant dans le pays qu’en dehors du pays,
de vos transactions opaques. Tout règlement de votre contentieux avec le peuple congolais doit
prendre en compte les milliards de pertes que notre population a perdu à cause de vos accords.

Tant que vous n’êtes pas disposé à rendre au Congo l’ensemble des biens mal acquis – les
blocs, les permis, les royalties - n’attendez pas du Congo n’est pas à vendre d’endosser votre
propagande pour la levée des sanctions. Tant que vous n’êtes pas prêt à rendre compte de vos
actes passés, laissez-nous douter de votre bienveillance. Tant que nos collègues congolais sont
condamnés à mort, ne nous parlez pas de votre souci du bien-être de la population congolaise.

Nous restons dans l’attente de votre réponse et surtout, de vos actions permettant de remédier
aux torts causés à la population congolaise.

Sincères salutations,
Le Congo N’est Pas A Vendre

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