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LI Stéphanie TG2

Dissertation philosophie : Le langage n’est-il qu’un outil ?

Les muets ou les sourds ne peuvent soit pas parler, soit ne pas entendre, mais ça ne les empêche pas
de pouvoir communiquer avec les autres, comme tout autre être humain sur Terre, grâce à la langue des signes. En effet,
dans la vie courante, nous avons tendance à appeler « langage » tous les modes de communication comme « langage
informatique », « langages des animaux », « langage corporel », c’est le support qui permet de transmettre une
information. Le langage c’est la faculté de communiquer et d’exprimer ses pensées au moyen d’un système de signes.
D’après le Petit Robert, le terme « outil » désigne « un objet fabriqué qui sert à agir sur la matière, à faire un travail »,
mais le problème est que le langage n’est pas un objet donc comment faut-il concevoir le langage comme outil lorsqu’il
n’est lui-même pas réellement un outil ? De plus, il faut distinguer le langage de la langue : les hommes disposent tous
du langage, mais pas de la même langue, qui est un système particulier de signes propre à une culture ou à un peuple ;
et de la parole qui est usage singulier qu’un individu fait d’une langue dans une situation donnée. Ne serait-il que… est
une formulation restrictive, qui sous-entend implicitement que le langage ne pourrait être qu’un outil, ou qu’il pourrait
représenter davantage, nous pouvons donc nous demander ce qu’est réellement le langage, un simple outil ou plus
qu’un simple outil. Nous verrons dans un premier temps que le langage est un outil important qui permet la
communication mais pas seulement. Puis nous verrons dans un deuxième temps que le langage est plus qu’un simple
outil. Enfin, nous verrons dans un dernier temps que le langage est limité et imparfait.

Tout d’abord, le langage est un outil important qui permet la communication mais pas seulement.
Le langage permet la communication surtout chez l’Homme mais également chez les animaux. Dans le mythe
de la Tour de Babel de la Genèse, Yahvé décide de confondre la langue pour que les Hommes se dispersent et ne puissent
plus communiquer car cette unique langue parlée par tous les Hommes permettait l’action commune et donc la cohésion
sociale. Les manières de communiquer sont nombreuses, il y a le langage corporel, les phares, les cris etc. Mais que ce
soit chez l'animal ou l'homme, le langage est d'abord une capacité à communiquer ses affects ou ses pensées. Benveniste,
un linguiste observe les différences entre la communication chez les abeilles, et la communication chez les Hommes. En
effet, 3 différences sont notables, à commencer par une possibilité de dialogue chez l’Homme qui est impossible chez
les abeilles qui ne peuvent que réagir. Ceci s’explique par le contenu illimité du message dans la communication chez
l’Homme, qui peut parler ainsi de tout, que ce soit abstrait ou concret alors que l’abeille n’a qu’un unique contenu dans
son message, dont certes les paramètres peuvent changer mais dont le contenu reste le même. Mais également par un
langage qui est articulé chez l’être humain et qui se laisse décomposer en morphèmes permettant des combinaisons à
l’infini contrairement à l’abeille. La distinction de la parole humaine par rapport au langage animal ne se fait pas d'abord
quant au but, mais dans le moyen : d'un côté des signes et de l'autre des signaux.
Cependant, le langage ne permet pas uniquement la communication à la différence des animaux. En effet, il
servirait en premier lieu à la politique d’après Aristote, il constate que de nos jours, le langage est élémentaire et doté
d’une importance cruciale. Seul lui a l’usage de la parole, « la voix est le signe de la douleur et du plaisir », elle permet
de se faire comprendre par les autres, de communiquer sur le juste et l’injuste. Le langage apparaît ainsi comme un
caractère distinctif du politique, les animaux sociables comme les abeilles, fourmis par exemple, disposent d’un système
de communication complexe, mais cela ne leur permet pas d’avoir des débats d’ordre éthiques ou politiques. De plus, le
langage permet de désigner ce qui nous entoure et le fait que le langage, les mots qui servent à désigner les choses, soit
une invention de l’Homme apparaît dans la Genèse, 2, 19 – 20 : « L’homme donna des noms à tous les bestiaux, aux
oiseaux du ciel et à toutes les bêtes sauvages ». De plus, l'usage « appellatif » ou « performatif » du langage consiste à
provoquer en autrui un sentiment, une action ou une réaction. C'est ce qu'avaient bien compris les sophistes de
l'Antiquité, qui font usage du langage en vue de persuader leur auditoire de l'opinion qui leur sera avantageuse, du point
de vue politique ou judiciaire par exemple : l'art de bien parler, la rhétorique et la sophistique, permet d'entraîner les
foules dans la direction qu'on veut bien ainsi leur imprimer. Ainsi, l’articulation du langage permet une grande richesse
expressive, à la fois dans la poésie, les discours politiques, les énoncés scientifiques ou encore la philosophie et la
communication mais le langage n’est pas qu’un outil qui sert à la communication, il permet de nombreuses autres choses.

Ensuite, le langage est néanmoins plus qu’un simple outil qui offre de multiples choses à l’Homme.
En effet, le langage rend possible l’expression nos pensées, il est la condition d'une pensée conceptuelle et les
idées générales voire abstraites qui ne sont formées que par et dans les mots comme le dit Hegel, et ce langage est
proprement humain parce qu'il est la seule expression certaine et indubitable de la pensée de l'Homme. Autrement dit,
le langage est le seul signe certain de la présence d'une pensée et d'une raison dans un corps, par la quantité de mots
en premier, plus j’ai de mots, plus je peux penser, puis par la qualité, dont les particularités du langage font la singularité
d’une pensée. René Descartes la met en évidence en comparant lui aussi les animaux et les humains. Mais il montre que
malgré le fait que les animaux possèdent les organes et canaux propres à la parole comme le perroquet, ils sont dans
l’incapacité de constituer un langage qui exprimerait des pensées. Donc la différence entre la communication animale
et le langage humain est que les animaux ne peuvent qu'exprimer des besoins, pour la survie, ou la recherche de
nourriture, ou encore la reproduction, alors que l'Homme peut exprimer sa pensée grâce au langage. L’absence de cette
possibilité d’expression de la pensée chez les animaux est accentuée avec l’exemple du muet qui est privé de l'organe
de la parole, mais qui peut néanmoins utiliser un système de signes pour exprimer ses pensées. Pour appuyer l’idée du
langage comme expression des pensées, Hobbes dit que la fonction première du langage est de fixer les pensées afin de
pouvoir les réutiliser, mais aussi de les enrichir. Les mots ont pour fonction de servir de repères afin que nous puissions
nous rappeler nos propres pensées. Le langage nous permet donc de donner une forme fixe à la pensée : c'est grâce à
lui qu'il nous est possible de nous souvenir de ce que nous avons pensé.
De plus, le langage est un « pouvoir » offert à un individu. En effet, le langage fait plus que transmettre ou
énoncer une idée, on peut dire que la parole est créatrice et qu’il a une force qui permet au locuteur d'avoir des effets
sur le monde extérieur : c'est la signification de l'expression « acte de langage » qui est un moyen mis en œuvre par un
locuteur pour agir sur son environnement. Par exemple, la promesse est un acte de langage, elle a des effets sur le
monde, elle accomplit quelque chose. Il y a donc des énoncés qui, au lieu de rapporter un événement, constituent eux-
mêmes l'événement qu'ils désignent. Le philosophe Austin appelle un énoncé qui fait advenir quelque chose les «
énoncés performatifs ». Il utilise notamment l’exemple suivant : lorsqu'une personne, à la mairie ou à l'autel, dit « Oui
[je le veux] », elle se marie. Par ailleurs le langage est également un marqueur social avec la prise de parole, la maîtrise
de la langue, l'individu qui s’exprime prend, en quelque sorte, le pouvoir. Il apparaît en effet souvent que la maîtrise de
la langue peut permettre à un individu de manifester une forme de supériorité. Par exemple, l'utilisation d'un
vocabulaire très spécifique et inaccessible est une manière de manifester sa supériorité et sa culture. Lorsqu'une
personne prend la parole, elle exprime toujours plus qu'une simple information : le ton de sa voix, l'accent, le choix des
mots, et ainsi, choisir un mode d'expression c'est en même temps exprimer une appartenance sociale, c'est se classer.
Ainsi, si la langue est un instrument de pouvoir, alors prendre la parole est en un sens prendre le pouvoir.
Cette réflexion montre en quoi le langage dispose d’un pouvoir politique et social suivant le contexte, et que
certaines déclarations sont dotées d’une certaine puissance mais n'y a-t-il pas des choses que le langage est impuissant
à exprimer ?

Enfin, le langage comme outil est malgré tout limité et imparfait car il n’a pas la possibilité de tout
exprimer.
En effet, le langage semble être entaché d'imperfections insurmontables qui rendent aléatoire la
communication. On constate que le langage peut être source de malentendus involontaires comme le lapsus,
notamment en chinois lorsqu’on se trompe de ton sur un caractère, le mot veut dire totalement autre chose et peut être
la cause d’un problème, par exemple le chiffre quatre qui se dit « sì » peut être mal dit en « sǐ » signifiant mort ; ou
volontaires comme le mensonge. Kant traite de la question de la véracité car le mensonge est, selon lui, « la plus grande
atteinte » qui puisse être portée à l’humanité en l’homme. De surcroit, parler la même langue provoque aussi un
éloignement par la non-compréhension d'autrui alors qu’on s'identifie grâce au langage. Mais on communique souvent
sans pouvoir pénétrer les subtilités de telle ou telle culture et la langue de la communication, des échanges ne nous
rapprochent pas toujours suffisamment de nos interlocuteurs. Autre chose se joue dans la langue qu'une simple fonction
commune : il s'y joue aussi le rapport avec une culture, une vision du monde, des valeurs. Ainsi, le langage nous sépare
car il guide nos visions, nos façons de penser, donnant ainsi des ensembles de raisonnement, des manières de concevoir
ce qui nous entoure, complètement différents.
De surcroit, le langage ne peut pas tout exprimer, on l’appelle l’ineffable. Combien de fois en effet, voulant
exprimer un sentiment singulier ou violent, une idée originale, nous sommes-nous exclamés : « Mais je n’arrive pas à
expliquer ce que je veux dire » ? Si la pensée semble bien ne pouvoir s'exprimer qu'à travers le langage, il est possible
de se demander si tout ce qui est pensé, peut être pertinemment exprimé par le langage. Plus précisément, le langage
souffre essentiellement de deux types de faiblesse : « dire ce que nous voulons dire », d’une incapacité de type qualitatif,
lorsque aucun mot ne semble apte à désigner véritablement, réellement ce que nous ressentons ou avons à l'esprit, et
d’une incapacité de type quantitatif : par exemple lorsque nous tentons de décrire un paysage, un tableau, ou nous-
mêmes, il semble que nous ne parvenions jamais à dire tout ce qui devrait être dit. De plus, les mots sont toujours
universels, tandis que nos sentiments ou idées sont singuliers et c’est pourquoi, quand nous prononçons les mots « je
suis en colère » ou « je suis triste », nous avons le sentiment que ces mots ne parviennent pas à exprimer la singularité
des sentiments qui sont les nôtres. Mais ce qui est au-delà du langage ne doit pas pour autant être survalorisé. C'est ce
que soutient Hegel, pour lui l’ineffable est une opinion et un préjugé qu’on doit combattre car il empêche l’exercice de
la réflexion.

Ainsi, le langage comme outil permet la communication et bien plus. Il permet l’expression d’une
pensée et confère un pouvoir aux individus qui l’utilisent. Néanmoins il est quand même limité et imparfait à cause d’un
problème moral mais également à cause de l’ineffable pas toujours possible à exprimer.

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