40-440

Complications des anomalies

embryologiques de la rotation intestinale :
prise en charge chez l’adulte
S. Scarvaglieri Mazzeo, H. Kotobi

Résumé : Les anomalies de la rotation (AR) intestinale sont à l’origine de complications survenant habi-
tuellement à l’âge pédiatrique. La complication la plus grave est le volvulus total du grêle (VTG), qui se
produit lorsque l’AR est de type mésentère commun incomplet. Le fait que cette complication, exception-
nelle à l’âge adulte, puisse engager le pronostic vital en cas de retard de prise en charge justifie pleinement
que tout chirurgien d’adultes connaisse cette pathologie, les méthodes pour en faire le diagnostic et les
principes de son traitement chirurgical. Cet article a pour objectif de rappeler les principes embryologiques
de la rotation de l’intestin primitif, l’anatomie des différents types d’AR intestinale, les moyens permet-
tant de réaliser les diagnostics d’AR et de VTG, ainsi que les principes de leur cure chirurgicale, étape par
étape, en insistant sur les gestes à proscrire et la place de la laparoscopie. Sont également abordés dans
cet article les formes chroniques de VTG sur AR, ainsi que les autres formes anatomiques d’AR que sont
les rotations inverses et les hyper-rotations, plus exceptionnelles encore.
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Mots-clés : Anomalie de rotation intestinale ; Volvulus total du grêle ; Mésentère commun incomplet ;
Procédure de Ladd ; Laparoscopie ; Rotation inverse ; Hyper-rotation

Plan Le VTG sur AR a une symptomatologie peu spécifique. Il est

donc essentiel de penser à évoquer précocement ce diagnostic,
■ Introduction 1 idéalement en préopératoire, puis de prescrire un examen tomo-
densitométrique (TDM) avec injection de produit de contraste
■ Volvulus total aigu du grêle sur anomalie de rotation de type
pour le confirmer. À défaut, tout chirurgien d’adultes doit au
mésentère commun incomplet 1
minimum savoir diagnostiquer à « ventre ouvert » l’AR et sa
Embryologie 2
complication, et connaître la procédure de Ladd, qui permet non
Anatomie 3
seulement de traiter le VTG mais également d’en prévenir la réci-
Physiopathologie 4
dive en corrigeant l’AR elle-même. Sont également abordées les
Diagnostic 4
autres complications des AR, moins spécifiques et de meilleur
Traitement 5
pronostic que le VTG.
Complications 7
Les objectifs de cet article sont de permettre à tout chirurgien
Formes subaiguë et chronique des volvulus totaux du grêle 7
d’adultes confronté pour la première fois à une complication d’AR
■ Autres formes anatomiques d’anomalies de rotation 8 intestinale de la prendre correctement en charge, ou à défaut,
Pathogénie 8 de savoir quand et pourquoi solliciter un collègue chirurgien
Complications 8 pédiatre.
Principes du traitement 9

 Volvulus total aigu du grêle

 Introduction
L’anomalie de rotation (AR) intestinale est une malposition
congénitale du tube digestif dont la principale complication est
le volvulus total du grêle (VTG). Le pronostic vital étant en jeu,
le risque de VTG justifie que tout chirurgien d’adultes connaisse
cette pathologie, les moyens d’en faire le diagnostic et les prin-
cipes de son traitement. La prise en charge chirurgicale du VTG sur
AR nécessite une compréhension et une connaissance préalables
de l’embryologie de la rotation intestinale, de l’anatomie des AR
et des différents temps opératoires de la procédure de Ladd.
sur anomalie de rotation de type
mésentère commun incomplet
Pathologie classique en période néonatale, le VTG sur AR est
une urgence bien connue des chirurgiens pédiatres [1, 2] . Sa pré-
valence serait, en France, de l’ordre de 1/20 000 naissances. La
plupart des VTG surviennent avant l’âge d’un an, avec un pic de
fréquence dans le premier mois de vie (64 à 80 % des cas), le risque
diminuant significativement au-delà d’un an (moins de 10 % des
cas [3] ).

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Volume 40 > n◦ 1 > février 2023
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40-440  Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale : prise en charge chez l’adulte

Figure 2. Rotation de l’anse ombilicale : pre-

mier stade.

Figure 1. Anse ombilicale : position embryologique initiale.

Chez l’adulte, la prévalence du VTG sur AR semble tout à fait

exceptionnelle [4, 5] . Cependant, on ne peut exclure qu’un cer-
tain nombre de patients décédés de VTG sur AR n’aient eu qu’un
simple diagnostic peropératoire d’« infarctus mésentérique ». Par
conséquent, la fréquence réelle de cette complication pourrait être
plus élevée qu’évoqué dans la littérature.
En pratique, si la fréquence des VTG sur AR chez l’adulte est de
l’ordre de 1 à 2 % des cas décrits en pédiatrie, cela revient à dire
que moins d’un chirurgien digestif sur cinq sera confronté à un
cas durant sa carrière [6] .
Quoi qu’il en soit, le VTG sur AR est une pathologie peu connue,
voire méconnue des chirurgiens d’adultes, d’où un risque accru de
retard ou d’absence de diagnostic et une mise en jeu du pronostic
vital lorsque le traitement est trop tardif, voire inadapté [7, 8] .

Embryologie
Meckel [9] fut le premier à décrire en 1817 la hernie physio-
logique de l’intestin primitif au stade embryonnaire. En 1898,
Mall [10] décrivit la réintégration de l’intestin dans la cavité abdo-
minale. Puis, en 1915, les embryologistes Frazer et Robbins [11]
présentèrent les trois stades de la rotation intestinale, toujours
valides deux siècles plus tard. Sur le plan chirurgical, c’est en 1923
que Dott [12] envisagea le traitement des AR pour la première fois,
suivi par Gardner et Hart [13] en 1934. Puis Ladd, en 1941, pro-
posa une nouvelle approche chirurgicale pour traiter les VTG sur
AR [14] , dénommée « procédure de Ladd », qui reste à ce jour le
traitement de référence, chez l’adulte comme chez l’enfant. Préci-
sons qu’en 1932 Ladd [15] avait déjà décrit les brides congénitales
préduodénales et leur association aux AR, appelées depuis « brides
de Ladd ».
Embryologie normale
La portion de l’intestin primitif concernée par la rotation intes-
tinale s’appelle l’« anse ombilicale ». Elle correspond à l’intestin
moyen, qui s’étend du deuxième duodénum au tiers droit du
côlon transverse, et qui est vascularisé par l’artère mésentérique
supérieure (AMS). Cette dernière représente donc l’axe autour
duquel se fait la rotation intestinale.
Entre la 5e et la 10e semaine du développement embryonnaire,
l’anse ombilicale se situe en dehors de la cavité abdominale. Puis,
sous l’influence de facteurs de transcription (FOXF1, PITX2 et
ISL1) et de gènes homéotiques (IRX3) [16, 17] , l’anse va amorcer
sa rotation dans le sens antihoraire et intégrer progressivement
Figure 3. Rotation de l’anse ombilicale : deuxième stade.
la cavité abdominale en achevant sa rotation, pour finir par se
positionner définitivement dans l’abdomen.
La rotation complète de l’anse ombilicale s’effectue en trois
stades successifs [18, 19] . Son interruption prématurée modifie la
position définitive de l’intestin, qui peut alors être à risque de
volvulus.
Premier stade
Le premier stade correspond à la période où l’anse ombilicale est
située en dehors de la cavité abdominale. Initialement placée en
position de « non-rotation » dans un plan vertical sagittal (Fig. 1),
l’anse ombilicale subit progressivement une première rotation de
90◦ dans le sens antihoraire, centrée sur l’AMS, l’amenant dans
un plan horizontal et toujours sagittal (Fig. 2). À ce stade, l’angle
duodénojéjunal est à droite de l’AMS, et la jonction iléocæcale à
sa gauche.
Deuxième stade
Beaucoup plus rapide, le deuxième stade se produit au cours de
la 10e semaine. Il consiste, d’une part, en une deuxième rotation
de 90◦ , toujours dans le sens antihoraire (soit une rotation globale
de 180◦ depuis la position initiale) et, d’autre part, en une inté-
gration de l’anse ombilicale dans la cavité abdominale (Fig. 3).
À ce stade, l’angle duodénojéjunal reste à droite de l’AMS et la

2 EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif

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Figure 4. Rotation de l’anse ombilicale : troisième stade.

Figure 5. Position dite de « mésentère commun complet ».

jonction iléocæcale se positionne dans la région sous-hépatique,

à proximité de l’origine de l’AMS. La première anse jéjunale et la
dernière anse iléale se trouvent alors très proches l’une de l’autre.

Troisième stade
Dernier temps de la rotation intestinale, le troisième stade se
produit durant les 11e et 12e semaines. Il consiste en une troi-
sième rotation antihoraire de 90◦ (soit une rotation globale de
270◦ depuis la position initiale) dans la cavité abdominale. Une
fois sa rotation achevée, l’intestin s’accole définitivement au péri-
toine pariétal postérieur primitif au niveau du duodénum (fascia
de Treitz), de la racine du mésentère et des côlons ascendant et
descendant (fascias de Toldt droit et gauche) (Fig. 4). L’angle duo-
dénojéjunal, qui est passé sous l’AMS, se retrouve à gauche du
rachis, tandis que la jonction iléocæcale, passée en avant de l’AMS,
descend dans le flanc droit. La première anse jéjunale se situe alors
dans l’hypocondre gauche et la dernière anse iléale dans la fosse
iliaque droite avec, entre les deux, une longue racine du mésen-
tère, parfaitement accolée. Il s’agit déjà de la position intestinale
dite « normale », même si le cæcum peut encore migrer davantage
vers la fosse iliaque droite durant la première année de vie.

Anomalies de rotation
L’interruption prématurée de la rotation intestinale à 90◦ abou-
tit à une position où la totalité du grêle, y compris l’angle
duodénojéjunal, se situe à droite du rachis, tandis que la totalité
du côlon se situe à sa gauche. La racine du mésentère s’étend donc
de l’hypocondre droit à la fosse iliaque gauche (Fig. 5). Cette posi-
tion, dite en « mésentère commun complet », n’est pas à risque
de VTG du fait de la longueur de la racine du mésentère et de son
accolement.
L’interruption prématurée de la rotation intestinale à 180◦
aboutit à une position où l’angle duodénojéjunal reste à droite
du rachis et la jonction iléocæcale vient se fixer dans la
région sous-hépatique. Parfois, cette fixation est à l’origine d’une
compression extrinsèque du premier ou du deuxième duodénum.
On parle alors de « brides de Ladd » (Fig. 6) [15] . Dans cette posi-
tion à 180◦ , la première anse jéjunale et la dernière anse iléale se
trouvent à proximité de l’AMS et très proches l’une de l’autre. Avec
pour conséquence, une racine du mésentère extrêmement courte
et un intestin grêle « pédiculé » sur son axe vasculaire mésenté-
rique supérieur. Parfois, il existe même un accolement congénital
du méso des première et dernière anses grêles, qui prend alors le
nom de « fusion mésentérique de Pellerin » [20] . Cette position,
dite en « mésentère commun incomplet » est à haut risque de
VTG, du fait de la brièveté de la racine du mésentère et de son
absence d’accolement.
Figure 6. Position dite de « mésentère commun incomplet ».
Dans cette forme d’AR, le processus unciforme du pancréas est
souvent décrit comme hypoplasique ou inexistant [21] , avec parfois
un allongement de la tête du pancréas et un risque de plicature du
Wirsung pouvant entrainer un défaut de vidange du pancréas [22] .
Les trois positions dites « normale », en « mésentère commun
complet » et en « mésentère commun incomplet », sont les trois
situations anatomiques classiques qu’il faut savoir reconnaître.
Cependant, toutes les rotations intermédiaires entre 90 et 270◦
sont théoriquement possibles. Le risque de VTG est alors d’autant
plus important que la racine du mésentère apparaît courte et peu
accolée, du fait d’une rotation interrompue autour de 180◦ .
Enfin, nous ne détaillons pas les autres classifications d’AR que
l’on retrouve dans la littérature [23–25] , car elles ne nous semblent
pas faciliter la compréhension de cette pathologie.
Anatomie
La connaissance de l’anatomie des AR est indispensable pour en
faire le diagnostic en peropératoire et comprendre les principes de
sa cure chirurgicale. Nous décrivons ici la forme anatomique de la

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rotation intestinale à 180◦ dite en mésentère commun incomplet
et ses variantes, en dehors de toute complication. Classiquement,
cette position se définit par :
• un duodénum court s’interrompant après D2 avec un angle de
Treitz situé à droite du rachis ;
• un cæcum en position sous-hépatique, fixé près du duodénum
et de l’origine de l’AMS ;
• une racine du mésentère très courte lui donnant un aspect
« pédiculé », centré par l’AMS.
Dans le détail, l’angle de Treitz est souvent le siège de remanie-
ments fibreux, en rapport avec des épisodes subaigus de torsions
incomplètes, parfois répétés et anciens. La première et la dernière
anse grêle sont parfois accolées, soit directement, soit par leur
méso respectif (fusion mésentérique) [20] . L’adhérence du cæcum
en regard du duodénum se fait par l’intermédiaire de fibres qui,
lorsqu’elles compriment le duodénum au niveau du genu super-
ius ou de D2, prennent le nom de brides de Ladd [14] . Enfin,
l’accolement du grand épiploon sur le côlon transverse étant
embryologiquement plus tardif que la rotation intestinale, en cas
d’AR, l’épiploon va s’accoler « où il peut » et se retrouve le plus
souvent fixé sur le côlon droit, voire sur le caecum.
Les variantes de cette forme classique « à 180◦ » correspondent
à une rotation, soit légèrement inférieure, soit légèrement supé-
rieure à 180◦ :
• si la rotation est légèrement inférieure à 180◦ , l’angle de Treitz
reste à droite du rachis. En revanche, le cæcum peut siéger dans
l’hémiabdomen gauche, voire être mobile et se projeter dans le
flanc ou la fosse iliaque gauche, faisant ainsi penser à un mésen-
tère commun complet à 90◦ . Pour savoir s’il existe un risque
de VTG, il est alors essentiel de vérifier trois points : la mobi-
lité éventuelle du cæcum qui lui permettrait de se retrouver en
position sous-hépatique, la présence d’une fusion mésentérique
au niveau de la première et de la dernière anse grêle, une trop
grande brièveté de la racine du mésentère. Si l’une de ces trois
conditions est retrouvée, l’AR est alors plus proche d’une forme
à 180◦ que d’une forme à 90◦ , avec un risque de VTG qui doit
donc être traité préventivement ;
• si la rotation est légèrement supérieure à 180◦ , l’angle de Treitz
peut se situer soit à droite du rachis, soit sur la ligne médiane. Le
cæcum est le plus souvent libre dans l’hypocondre droit ou le
flanc droit et c’est alors le côlon ascendant qui se trouve accolé
au rétropéritoine en regard du duodénum. Néanmoins, la racine
du mésentère reste courte et le risque de VTG est bien réel. Dans
ce cas, le cæcum, voire le côlon ascendant risquent d’être entraî-
nés dans le volvulus avec la totalité du grêle. Noter que cette
position, rare chez le nouveau-né, semble être la plus fréquente
chez l’adulte [26] . Elle prend même le nom d’AR à « 200◦ », selon
certains auteurs [27] .
Physiopathologie
Le mécanisme du VTG sur AR à 180◦ est le suivant : le bol ali-
mentaire alourdit la masse intestinale, puis finit par déséquilibrer
le mésentère et entraîner sa torsion. Le volvulus se produit clas-
siquement dans le sens horaire [3] , mais certains auteurs insistent
sur le fait qu’il peut exceptionnellement se produire dans le sens
antihoraire [20] . L’ischémie qui résulte du volvulus peut être soit
aiguë, avec un ou plusieurs tours de spire (ischémie artérielle),
soit subaiguë, avec une torsion du mésentère peu serrée, généra-
lement inférieure à un tour de spire (risque d’ischémie veineuse).
Dans ce cas, il peut tout de même se produire un infarctus vei-
neux mésentérique d’installation progressive, mais pouvant finir
par être aussi délétère que l’infarctus artériel. Il peut également
apparaître une ascite secondaire à la stase veineuse, parfois abon-
dante, voire une ascite chyleuse secondaire à l’obstruction isolée
des vaisseaux lymphatiques dilatés, sans ischémie artérielle ou
veineuse.
Diagnostic
Le diagnostic de VTG peut se faire dans des circonstances très
variées :
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• en urgence, devant un tableau d’occlusion intestinale aiguë
haute, voire un état de choc [28] ;
• devant un tableau de douleurs abdominales récurrentes plus ou
moins associées à des troubles de transit [26] .
Plus rarement :
• à l’occasion d’une appendicite aiguë [8, 29–33] , qui, lorsqu’elle est
en position ectopique, devrait inciter à chercher une inversion
de position des vaisseaux mésentériques supérieurs en échogra-
phie ou en TDM [21] ;
• à l’occasion d’une grossesse, laquelle majore le risque de VTG,
en cas d’AR préexistante [34–36] ;
• à l’occasion d’épisodes récurrents de pancréatite aiguë, dont la
physiopathologie serait l’obstruction intermittente du canal de
Wirsung par plicature mécanique de la tête du pancréas [37, 38] .
Les AR peuvent aussi être associées à une polysplénie. Dans ce
cas, l’AR doit être recherchée systématiquement, pour prévenir la
survenue d’un VTG [39, 40] .
Les AR sont également fréquemment associées aux hétérotaxies,
avec une difficulté pour interpréter la position « normale » ou
« inversée » des vaisseaux mésentériques supérieurs, selon que
l’hétérotaxie est un situs inversus ou un situs ambigus [41] .
Noter également l’association possible entre AR et pseudo-
obstruction intestinale chronique (POIC) qui doit aussi faire
rechercher l’AR chez ces patients pour prévenir la survenue d’un
VTG [42] .
Noter enfin la possibilité de cas familiaux rapportés chez
l’adulte, pouvant justifier la pratique d’un examen de dépistage
devant des douleurs abdominales récurrentes au sein de la fra-
trie [43, 44] .
Symptomatologie
Nous détaillons ici le tableau aigu classique.
Bien que parfois inaugural, le VTG chez l’adulte est souvent pré-
cédé par une symptomatologie digestive récurrente [45] que nous
détaillons dans le tableau chronique décrit plus loin. En aigu, le
tableau clinique du VTG est souvent peu spécifique, protéiforme
et peut donc se révéler déroutant. Il s’agit habituellement d’un
syndrome occlusif haut associant des douleurs abdominales par-
fois violentes à début brutal, des vomissements alimentaires puis
rapidement bileux, un ballonnement abdominal inconstant mais
parfois majeur et un arrêt des matières et des gaz retardés [4, 26] .
S’associent volontiers à ces signes une défense abdominale, qui
doit faire craindre une ischémie intestinale, ou bien une rector-
ragie, une diarrhée sanglante ou une hématémèse, qui doivent
être également interprétées comme des signes de gravité, même
s’ils ne traduisent parfois qu’une ischémie muqueuse encore réver-
sible [45] . Enfin, lorsque le volvulus est suraigu ou qu’une nécrose
intestinale est déjà constituée, les signes de choc peuvent alors être
au premier plan : marbrure, tachycardie, angoisse, hypotension
artérielle, voire collapsus, anurie.
Imagerie
Abdomen sans préparation
L’abdomen sans préparation (ASP) ne doit plus être prescrit
de première intention devant un tableau douloureux abdominal.
Toutefois, lorsqu’il est réalisé, l’ASP est souvent non spécifique et
peu contributif dans cette indication.
Transit œso-gastro-duodénal
Examen de référence en pédiatrie pour les AR [2, 3] , le transit
œso-gastro-duodénal (TOGD) n’est toutefois pas indiqué devant
un tableau d’occlusion aiguë du grêle chez l’adulte. En revanche,
s’il est prescrit dans le cadre d’un bilan pour vomissements, il est
important que celui-ci soit étudié jusqu’à l’angle de Treitz pour
détecter l’AR. En effet, le TOGD peut alors montrer un angle
de Treitz à droite du rachis et une première anse jéjunale dans
l’hypochondre droit. Dans ce cas, rappelons que les clichés de pro-
fil sont essentiels pour identifier formellement l’angle de Treitz.
Puisque, contrairement au duodénum, la première anse jéjunale
se projette sagittalement vers l’avant. En cas de VTG, le TOGD
montre un arrêt du produit de contraste à droite du rachis, avec
le plus souvent une image en « bec de flûte », ou plus rarement
un passage tardif de produit de contraste dans un jéjunum en
 Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale : prise en charge chez l’adulte  40-440
position non anatomique (soit médian soit dans l’hypocondre
droit), donnant parfois un aspect en « tire-bouchon » [6, 46] .
Lavement aux hydrosolubles
S’il est réalisé, le lavement aux hydrosolubles (LHS) montre un
cadre colique incomplet avec un cæcum (identifié formellement
lorsque l’appendice est opacifié) anormalement haut, en posi-
tion sous-hépatique [47] . En cas de VTG, lorsque le côlon droit
est entraîné par le volvulus, il peut alors exister une image d’arrêt
du produit de contraste en « bec de flûte » au niveau du côlon
transverse.
Échographie Doppler
Souvent gênée par les gaz intestinaux, l’échographie n’est
pas toujours contributive en cas de VTG chez l’adulte [48] . Elle
peut cependant montrer des anses digestives pleines signant
l’occlusion, ou bien un épanchement intra-abdominal en rapport
avec une ischémie aiguë, une gêne au retour veineux, ou encore
une ascite chyleuse. Dans le meilleur des cas, l’échographie permet
de visualiser la vrille du mésentère [50, 51] , formant une image en
cocarde médiane tissulaire contenant des vaisseaux et correspon-
dant au « signe du tourbillon » décrit en TDM. L’examen doit alors
être complété par un Doppler des vaisseaux mésentériques supé-
rieurs, à la recherche d’une inversion de position à leur origine,
avec une veine mésentérique supérieure située à gauche de son
artère [49] et parfois un arrêt proximal du flux artériel, de mauvais
pronostic.
Tomodensitométrie
La TDM abdominopelvienne avec injection de produit de
contraste [29, 46, 50] est l’examen de référence pour le diagnostic
de VTG sur AR chez l’adulte. Initialement décrit par Fischer [51]
en 1981, le whirlpool sign, ou « signe du tourbillon », visible en
TDM, est désormais reconnu comme pathognomonique du VTG
par la plupart des auteurs. Il correspond à la vrille du mésentère
visible en position médiane, en avant de l’aorte, centrée sur l’AMS
autour de laquelle viennent « s’enrouler » la veine mésentérique
supérieure et le jéjunum proximal. Les clichés avec injection per-
mettent de confirmer l’AR, avec la verticalisation, ou l’inversion,
des vaisseaux mésentériques supérieurs, avec une veine se plaçant
au-dessus ou à gauche de l’artère [52, 53] . Néanmoins, en cas de vol-
vulus peu serré, l’AR peut être plus difficile à diagnostiquer sur
la simple TDM avec injection, lorsque le signe du tourbillon fait
défaut. Dans ce cas, il peut être utile d’associer une opacification
haute au cours du scanner [51] , par la sonde gastrique, en laissant
le temps au produit de contraste de franchir le pylore. L’absence
de passage du duodénum dans la pince aortomésentérique signe
alors l’AR.
Traitement
Quelle voie d’abord utiliser ? Comment reconnaître la patho-
logie en peropératoire ? Quels sont les temps opératoires de la
procédure de Ladd ? Quels gestes sont à proscrire ? Que faire
lorsque le grêle ne se recolore pas ? Qui et quand doit-on appeler
“ Conduite à tenir
Le diagnostic préopératoire de VTG sur AR est au mieux
réalisé chez l’adulte par la TDM avec injection. Il est donc
recommandé de prescrire cet examen en urgence devant
tout syndrome douloureux abdominal auquel s’associe
l’un des éléments suivants :
• un syndrome occlusif haut, quel qu’il soit (a fortiori si le
patient ne présente pas de cicatrice abdominale) ;
• un passé digestif avec symptômes postprandiaux récur-
rents, parfois anciens ;
• une étiquette diagnostique d’affection digestive chro-
nique non ou mal documentée (migraine intestinale,
maladie inflammatoire chronique de l’intestin, etc.).
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▲ Attention
La présence d’une cicatrice abdominale n’« élimine » en
aucun cas le diagnostic de VTG. Car certains patients ont
déjà « bénéficié » d’une appendicectomie, sans que l’AR
soit reconnue, voire d’une laparotomie pour dévolvuler le
mésentère, sans qu’une cure adéquate de l’AR n’ait été
réalisée dans le même temps opératoire.
▲ Attention
En cas de signes de choc présents d’emblée, il faut savoir
renoncer à la TDM pour procéder à une laparotomie explo-
ratrice en extrême urgence.
à l’aide ? Voilà les questions auxquelles doit savoir répondre tout
chirurgien digestif confronté à un VTG chez l’adulte.
Quelle voie d’abord utiliser ?
Devant un tableau aigu, la laparotomie médiane doit être pré-
férée de première intention.
La voie d’abord laparoscopique est à éviter de principe en raison
de la difficulté technique majeure que constitue la détorsion de
la masse d’intestin grêle fragilisé par l’occlusion et des difficultés
diagnostiques posées par cette voie.
Comment reconnaître la pathologie
en peropératoire ?
Le VTG est identifié sur le fait que la totalité du grêle est
concernée par le volvulus et se trouve, une fois extériorisée, « pédi-
culisée » sur son mésentère. L’inspection du mésentère permet de
visualiser le ou les tours de spires. À ce stade, il est important
de noter le sens du volvulus (le plus souvent horaire), le nombre
approximatif de tours de spires et la coloration du grêle avant et
après détorsion.
L’AR est identifiée par la position non anatomique du cæcum (et
ses éventuelles adhérences en regard du duodénum), la position
de l’angle de Treitz à droite du rachis et le défaut d’accolement du
mésentère, dont la racine, très courte, apparaît « pédiculée ».
Quels sont les temps opératoires de la procédure
de Ladd ?
Bien que certains auteurs aient proposé plusieurs variantes tech-
niques, comme la fixation du cæcum [54] ou du mésentère [55] ,
voire le positionnement avec pexie de l’intestin en position « nor-
male » à 270◦ [56] , la procédure de Ladd reste à ce jour le traitement
de référence du VTG sur AR, aussi bien chez l’adulte que chez
l’enfant. Cette procédure consiste en une réduction du volvulus,
suivie d’une mise en mésentère commun complet de l’intestin
grêle pour prévenir la récidive du volvulus.
La procédure de Ladd se décompose en cinq temps opératoires
successifs.
Détorsion
Le premier temps consiste en une extériorisation prudente de
la totalité de la masse d’intestin grêle en dehors de la cavité abdo-
minale. Seule cette manœuvre permet une réduction complète du
volvulus en toute sécurité (Fig. 7). Pour cela, le grêle doit être pro-
gressivement soulevé à deux mains, sans traction excessive, puis
immédiatement placé dans des champs chauds et humides. Il est
alors aisé d’inspecter les tours de spires du mésentère et leur sens
horaire (ou exceptionnellement antihoraire), puis de procéder à
la réduction du volvulus par demi-tours successifs de l’ensemble
de la masse du grêle, dans le sens inverse de la torsion. La pro-
gression par demi-tours successifs a pour avantage de permettre à
5
40-440  Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale : prise en charge chez l’adulte
Figure 7. Volvulus total du grêle. Flèche : sens de la détorsion.
Figure 8. Libération du cæcum. Flèches : zones à disséquer. 1. Décol-
lement coloépiploïque ; 2. section des brides de Ladd ; 3. section de la
fusion mésentérique de Pellerin.
l’opérateur de vérifier qu’elle se fait dans le bon sens et de mieux
apprécier sa réduction complète. La qualité de la réduction peut
également être appréciée sur la bonne recoloration du grêle et la
palpation d’un pouls mésentérique distal satisfaisant.
Libération du cæcum
Le second temps consiste en une dissection du cæcum. Celui-ci,
comme nous l’avons vu, peut être directement accolé au rétro-
péritoine en regard du duodénum ou par le biais de brides de
Ladd. C’est donc l’ensemble de ces attaches qu’il faut section-
ner. La simple traction du cæcum permet leur mise en tension et
facilite leur section progressive. À ce stade, un décollement coloé-
piploïque atypique doit souvent être réalisé, car l’épiploon s’est
généralement accolé au cæcum ou au côlon droit de façon hasar-
deuse (Fig. 8). Parfois, il peut être également nécessaire de libérer la
dernière anse iléale, lorsque celle-ci est accolée à la première anse
jéjunale (fusion mésentérique). Souvent, la mobilisation complète
du côlon droit est nécessaire, une fois le cæcum disséqué, pour per-
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Figure 9. Libération de l’angle de Treitz. Flèches : zones à disséquer.
mettre à ce dernier d’être positionné en fosse iliaque gauche en
fin d’intervention.
Libération de l’angle de Treitz
Le temps suivant consiste en une mobilisation complète de
l’angle de Treitz (Fig. 9), siège d’adhérences congénitales, ou
parfois acquises à la suite d’épisodes antérieurs de torsions incom-
plètes. L’angle de Treitz doit être disséqué au plus près de la capsule
pancréatique, mais sans effraction de celle-ci. Le but est de pouvoir
placer la première anse jéjunale, une fois libérée, le plus à droite
possible, en position sous-hépatique, idéalement dans l’espace de
Morrison.
▲ Attention
Le déjantage du duodénum en amont de l’angle de Treitz
ne doit jamais dépasser le genu inferius, ni se prolonger
sur D2, pour ne pas risquer de léser la papille.
Appendicectomie
L’appendicectomie doit être réalisée de principe pour mettre
le patient à l’abri d’un éventuel épisode d’appendicite aiguë ecto-
pique ultérieur. Cette appendicectomie peut être faite soit de façon
classique par ligature de la base appendiculaire après ligature et
section de son méso, soit selon la technique de retournement
(absence d’ouverture de la lumière digestive), couramment prati-
quée en pédiatrie et consistant, après ligature du méso, à invaginer
l’appendice à l’aide d’un stylet mousse, puis à fermer l’orifice cæcal
borgne par une bourse de fil fin à résorption lente.
Positionnement en mésentère commun complet
La manœuvre consiste à positionner la première anse jéjunale
dans l’espace de Morrisson, puis le cæcum en fosse iliaque gauche,
le plus bas possible. Ensuite, grêle et colon sont progressivement
réintégrés dans la cavité abdominale, de telle façon que la totalité
du grêle se retrouve dans l’hémiabdomen droit et la totalité du
côlon dans l’hémiabdomen gauche (Fig. 5). Aucune pexie intesti-
nale ou mésentérique n’ayant fait la preuve de son utilité, voire de
son innocuité [55] , l’intestin est donc laissé tel quel sans fixation.
Les éventuelles opacifications digestives ultérieures montrent le
plus souvent la bonne stabilité de cette position, sans doute fixée
par les adhérences postopératoires du mésentère sur les zones de
dépéritonisation pariétales postérieures laissées en place. Dans
cette perspective, il peut être recommandé au patient de rester
 Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale : prise en charge chez l’adulte  40-440
alité en postopératoire durant 48 h pour faciliter l’accolement de
l’intestin dans la position ad hoc.
Quels gestes sont à proscrire ?
Un certain nombre de gestes peuvent avoir des conséquences
dramatiques pour le patient. Ils doivent donc être connus pour
être évités.
“ Point fort
Il ne faut pas :
• effectuer une manœuvre de réduction du volvulus
dans le mauvais sens, qui peut temporairement aggraver
l’ischémie intestinale ;
• réduire insuffisamment le volvulus, entraînant une isché-
mie à bas bruit, voire un infarctus veineux de la totalité du
territoire mésentérique supérieur ;
• prendre le pédicule mésentérique supérieur pour une
bride congénitale responsable du volvulus ;
• tenter de rétablir l’anatomie digestive « normale »
par des manœuvres de décroisement avec résection-
anastomose, tout en laissant en place la torsion du
mésentère ;
• dévolvuler l’intestin, puis tenter coûte que coûte de le
placer en position anatomique dite « normale » à 270◦ ,
le risque étant, d’une part, de voir l’intestin se reposition-
ner spontanément à 180◦ et, d’autre part, de créer une
obstruction duodénale extrinsèque au niveau de la pince
aortomésentérique ;
• se contenter de réduire le volvulus sans traiter l’AR,
exposant ainsi le patient à une récidive certaine.
Que faire lorsque le grêle ne se recolore pas ?
Dans le cas où la nécrose de la totalité du grêle est avérée,
le patient est alors au-delà de toute ressource thérapeutique [24] .
Néanmoins, s’il survit malgré l’état de choc, le patient reste alors
tributaire d’une nutrition parentérale, dans l’attente d’une éven-
tuelle greffe de grêle.
Lorsque, après réduction du volvulus, le grêle reste franchement
ischémique au point que le chirurgien doute de sa vitalité, en
urgence, il est préférable d’éviter d’importantes résections intesti-
nales emportant les zones « douteuses ». Seules les zones nécrosées
avec certitude doivent être réséquées. En effet, la capacité de
récupération de l’intestin étant fonction du degré d’ischémie, de
l’importance de l’état de choc et de la pression intra-abdominale
en postopératoire, mieux vaut laisser en place l’intestin « dou-
teux », en écourtant la laparotomie et en laissant le patient en
laparostomie, tout en programmant un second look à 24 ou 48 h.
En cas de survie du patient, le risque de grêle court peut ainsi
être limité et le pronostic fonctionnel amélioré. Il est entendu
que toute anastomose est à proscrire en cas de nécrose intesti-
nale avec état de choc. De même, lorsqu’une résection intestinale
est indispensable, il est préférable de laisser les deux orifices en
stomie.
Quand et qui doit-on appeler à l’aide ?
Lorsque le diagnostic d’AR est évoqué en préopératoire et que
le tableau est chronique ou subaigu, sans signe d’ischémie, mieux
vaut prendre le temps de contacter un chirurgien pédiatre et pro-
grammer l’intervention en sa présence dans les jours suivants.
Lorsque le chirurgien d’adultes se voit confronté pour la
première fois, dans l’urgence, à un VTG sur AR, toute incom-
préhension doit le conduire à suspendre son geste chirurgical et
à prendre conseil en peropératoire, par téléphone ou en visio,
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auprès d’un chirurgien pédiatre susceptible, le cas échant, de se
déplacer en urgence pour aider son collègue en difficulté.
Complications
Les séquelles à long terme et les complications tardives de la
chirurgie des AR n’ont été que très peu étudiées chez l’adulte. En
dehors des complications classiques, à type de brides postopéra-
toires, seule une irritabilité intestinale semble souvent persister [4] .
Chez l’enfant, à partir d’une série de 46 cas [57] , pas moins de 46 %
de complications sont retrouvées, correspondant à des douleurs
abdominales récurrentes ou des difficultés alimentaires, avec syn-
drome occlusif dans 24 % des cas et réintervention dans 13 % des
cas.
Formes subaiguë et chronique des volvulus
totaux du grêle
Diagnostic et symptomatologie
Le plus souvent, il s’agit d’une symptomatologie digestive à type
d’occlusion haute incomplète et récurrente. Cette symptomato-
logie peut remonter à quelques mois ou quelques années, voire
jusqu’à l’enfance [4, 58, 59] . Les symptômes les plus fréquents sont
alors des nausées, des ballonnements abdominaux postprandiaux,
des douleurs abdominales ou des borborygmes « bruyants », voire
des clapotis plusieurs heures après l’ingestion de boissons [4, 60] . La
période de digestion peut être marquée par une diarrhée motrice
profuse soulageant le patient, ou bien des vomissements alimen-
taires également salutaires. Une ascite est parfois associée. La
plupart du temps, les patients ont eux-mêmes évité progressi-
vement certains aliments riches en fibres, ou certaines boissons
gazeuses, par exemple. Un reflux gastro-œsophagien peut éga-
lement être retrouvé, lui-même à l’origine de complications
respiratoires.
Lorsque de tels prodromes sont présents, il n’est pas rare que
ces patients soient porteurs d’une « étiquette » diagnostique pou-
vant dramatiquement égarer le clinicien en cas de VTG avéré [61] .
La plupart du temps, ces diagnostics sont anciens et peu, voire
non documentés. Ainsi retrouve-t-on dans la littérature [45, 62, 63]
des cas de patients ayant été suivis préalablement pour « gastrite
chronique », « maladie de Crohn », « pancréatite aiguë récidi-
vante », « colite spasmodique », « migraine intestinale » (sic !), etc.
De façon non exceptionnelle, au moment du VTG, on s’aperçoit
que le patient a déjà été « appendicectomisé », ce qui peut détour-
ner le diagnostic vers un problème de bride postopératoire, etc. La
voie d’abord utilisée est d’ailleurs souvent « inhabituelle », de type
McBurney élargie, Jalaggier, etc. [45] Quant aux comptes-rendus,
une fois récupérés, on constate souvent que l’appendicite n’était
pas si « aiguë », ou même qu’un mésentère commun avait été
signalé sans que soit précisé ou détaillé son caractère complet ou
incomplet.
Imagerie
Comme dans les formes aiguës, le diagnostic repose sur la TDM
avec injection [4, 45, 58] . Les autres examens d’imagerie apportent
sensiblement les mêmes informations que devant un tableau aigu.
Traitement et indications
Chez l’adulte, trois scénarios peuvent être envisagés [6] :
• en cas de symptômes patents, le traitement est chirurgical
d’emblée, comme décrit précédemment ;
• en cas de symptomatologie chronique, le traitement chirurgical
peut être réalisé par laparoscopie et, si possible, programmé avec
le concours d’un chirurgien pédiatre ;
• en cas de découverte fortuite de l’AR, il peut être difficile
d’affirmer son caractère « complet » ou « incomplet ». Ce qui
rend discutable l’indication d’un traitement chirurgical laparo-
scopique préventif, si le risque de VTG n’est pas avéré. Nous
verrons plus loin qu’une place peut être réservée à une laparo-
scopie à visée diagnostique, dans ce cas précis.
7
40-440  Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale : prise en charge chez l’adulte
Figure 10. Voie laparoscopique : positions des trocarts. Trocart
d’optique de 10 mm (1) ; trocarts opérateurs de 5 mm (2,3,4).
Voie d’abord
Déjà en 2009, 15,1 % des interventions étaient effectuées chez
l’enfant par laparoscopie, avec un taux de conversion de 33 %,
sur un total de 284 procédures de Ladd rapportées par Fraser
et al. [64] Aujourd’hui, la voie laparoscopique peut être recomman-
dée pour les chirurgiens d’adultes rompus à cette technique [65, 66] .
Elle apporte en effet des bénéfices antalgiques et esthétiques, une
convalescence plus courte et une moindre morbidité, même si le
taux de conversion reste important. Ainsi, dans l’étude compara-
tive de Matzke et al. [66] , la durée opératoire est plus longue en
laparoscopie et le taux de conversion est de 27 %. Néanmoins, il
existe un bénéfice significatif sur la reprise alimentaire, la durée
d’hospitalisation et l’utilisation de morphiniques. Noter enfin
qu’après laparoscopie l’iléus postopératoire peut tout de même
persister de façon prolongée [68] et que le taux de réintervention
pour occlusion sur bride reste important [66] .
Principes chirurgicaux
La reconnaissance de l’AR se fait selon les mêmes principes
qu’en phase aiguë et la cure chirurgicale repose également sur la
procédure de Ladd.
En cas de symptomatologie subaiguë, où la voie ouverte reste
préférable, les manœuvres de détorsion suivent les mêmes prin-
cipes qu’en phase aiguë [27] .
Devant un tableau chronique ou intermittent, la voie d’abord
laparoscopique est aujourd’hui préférée [65, 66] et a même été réali-
sée une fois, avec succès, par single-port [67] . Sonde urinaire et sonde
nasogastrique en place, l’exposition optimale par laparoscopie est
la suivante (Fig. 10) : l’opérateur se place à gauche du patient,
face à la colonne située à l’épaule droite. Un trocart d’optique de
10 mm est introduit par voie d’open à travers l’ombilic ; la réa-
lisation du pneumopéritoine à l’aide de l’aiguille de Veress est
à proscrire en raison de la distension intestinale potentielle et,
surtout, de la disposition incertaine du cadre colique. Le pneu-
mopéritoine est réalisé avec une pression de 12 à 15 mm de
mercure, puis deux trocarts opérateurs de 5 mm sont placés dans
l’hypocondre gauche et dans la fosse iliaque droite sous contrôle
de la vue.
La table est inclinée avec du roulis sur la gauche, de telle façon
que la région duodénale puisse être parfaitement exposée. Pour ce
faire, il est parfois nécessaire d’introduire un troisième trocart opé-
rateur de 5 mm dans l’épigastre. Le grêle ne pouvant être mobilisé
en monobloc par voie laparoscopique, celui-ci doit être manipulé
avec beaucoup de précaution et déroulé progressivement dans
le sens inverse de la subtorsion en commençant par le jéjunum
proximal, jusqu’à l’obtention d’une réduction complète de la tor-
sion du mésentère. Une fois le volvulus entièrement réduit, les
différents temps de la procédure de Ladd sont possibles par voie
laparoscopique, en suivant la même chronologie qu’à ciel ouvert.
Signalons que l’abord laparoscopique peut également être
choisi à visée diagnostique lorsque l’imagerie n’arrive pas à
distinguer formellement un mésentère commun complet d’un
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mésentère commun incomplet chez un patient symptomatique.
En effet, pour certains auteurs, lorsque la longueur entre la jonc-
tion duodénojéjunale et la valvule iléocæcale correspond à moins
de la moitié du diamètre transversal de la cavité abdominale, il
existe un risque de VTG justifiant alors un traitement chirurgical
de l’AR [65, 66] .
 Autres formes anatomiques
d’anomalies de rotation
Les autres formes d’AR sont encore plus exceptionnelles chez
l’adulte que la forme dite de mésentère commun incomplet à 180◦
étudiée précédemment. Il s’agit de l’exceptionnelle absence totale
de rotation, des rotations inverses et des hyper-rotations.
Pathogénie
Absence totale de rotation
Tout à fait exceptionnelle, l’absence de rotation intestinale se
présente sous la forme d’un mésentère vertical avec un intestin
non accolé qui ne se rencontre qu’en cas de hernie diaphrag-
matique, d’omphalocèle ou de laparoschisis [3] . Exclusivement
retrouvées en période néonatale, elles sont donc ici hors sujet.
Rotations inverses
Également exceptionnelles, les rotations inverses ont été
décrites par Grob en 1953 [5] . Elles se présentent avec un duo-
dénum situé en avant de l’AMS et correspondent à une rotation
initiale à 90◦ antihoraire habituelle, suivie d’une rotation inverse
de 90 ou 180◦ [3, 68] , voire d’un passage en arrière de l’AMS, comme
cela a été récemment décrit [69] . Le plus souvent, le côlon réin-
tègre l’abdomen avant le grêle. Ainsi, dans le cas d’une rotation
inverse de 90◦ , le cæcum vient se placer dans le petit bassin mais
est situé en arrière du mésentère venu s’accoler sur le côlon droit ;
dans le cas d’une rotation inverse de 180◦ , le cadre colique est
en place avec un cæcum en fosse iliaque droite, mais le côlon
transverse passe en arrière des vaisseaux mésentériques et du duo-
dénum [70] . Encore plus rarement, si le côlon réintègre l’abdomen
après le grêle, il est alors possible de retrouver la totalité du
grêle dans l’hémiabdomen gauche et la totalité du côlon dans
l’hémiabdomen droit, correspondant ainsi à une position « en
miroir » du mésentère commun complet avec, cependant, un
duodénum en avant des vaisseaux mésentériques.
Enfin, dans certains cas, la totalité du grêle étant réintégrée
avant le côlon, le mésocôlon peut l’envelopper en totalité, ce
qui expliquerait dans certains cas la formation d’exceptionnelles
hernies paraduodénales droites ou gauches [68, 71] , dont l’origine
congénitale est fortement suspectée du fait qu’elles intéressent
parfois la totalité du grêle et que le grand épiploon n’est jamais
retrouvé en intraherniaire [72] .
Hyper-rotations
Les hyper-rotations correspondent à une migration du cæcum
dans le pelvis, trop précoce et avant tout accolement, voire, à
l’extrême, à sa « réascension » dans l’hémiabdomen gauche, en
direction de l’angle colique gauche [18] . Cependant, le cadre duo-
dénal ainsi que le cadre colique sont toujours en place.
Complications
Parmi toutes ces formes exceptionnelles d’AR, il ne semble pas
exister de situation à risque similaire à celle de l’AR à 180◦ , à
savoir un mésentère très court, à proximité de la première et de
la dernière anse grêle, sauf peut-être dans un sous-groupe de rota-
tion inverse à 90◦ , lorsque le cæcum reste en avant du duodénum
tandis que la dernière anse grêle reste en arrière des vaisseaux
mésentériques (où, dans ce cas, il existe un risque théorique de
VTG, non retrouvé dans la littérature).
Les complications rencontrées dans ces formes de rotation
inverse ou d’hyper-rotations sont plutôt de trois ordres :
 Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale : prise en charge chez l’adulte  40-440

• soit un obstacle mécanique par compression extrinsèque d’un  Références

segment intestinal sur lequel est venu s’accoler de façon aber-
rante un autre segment intestinal ; [1]
• soit un volvulus du carrefour iléocæcal, libre ou trop allongé ;
• soit, enfin, une occlusion dans une hernie paraduodénale droite [2]
ou gauche [68] dont le mécanisme correspond à une plicature
ou un étranglement des pieds de l’anse incarcérée au niveau du
collet herniaire, avec un risque certain d’ischémie segmentaire [3]
du grêle [72] .
Dans tous les cas, malgré la gravité potentielle de ces [4]
complications, le pronostic reste tout de même moins sombre en
cas de retard dans la prise en charge, du fait du caractère seg- [5]
mentaire de l’ischémie intestinale, contrairement au VTG, qui
[6]
intéresse, lui, la totalité du territoire mésentérique supérieur.
[7]
Principes du traitement [8]
Les complications des rotations inverses sont à traiter au cas par
cas, selon le mécanisme en cause, soit par une section de brides [9]
pathogènes, soit par une résection intestinale limitée, soit par
une mise en mésentère commun complet, soit par l’extraction [10]
du grêle hernié dans un orifice paraduodénal droit ou gauche.
Dans ce dernier cas, si l’agrandissement de l’orifice herniaire [11]
peut être nécessaire pour faciliter l’extraction de la totalité du
[12]
grêle, il est alors indispensable de veiller à respecter les vais-
[13]
seaux situés au niveau du bord libre du collet herniaire (AMS
dans la hernie paraduodénale droite et la veine mésentérique infé- [14]
rieure dans la hernie paraduodénale gauche) [73] . D’autre part, il
ne faut pas oublier d’obturer prudemment l’orifice pour éviter [15]
toute récidive [72] . Dans tous les cas, la réduction de la hernie
paraduodénale [73] et la correction de l’AR peuvent être tentées [16]
en laparoscopie.
Enfin, concernant les hyper-rotations compliquées de volvu- [17]
lus du cæcum, celles-ci doivent être traitées par simple résection
iléocæcale.
[18]
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“ Points essentiels [19]

• L’AR de type mésentère commun incomplet correspond
à une rotation antihoraire à 180◦ de l’anse ombilicale.
L’angle de Treitz est situé à droite du rachis et le carrefour
iléocæcal est situé en sous-hépatique et en préduodénal.
La racine du mésentère est très courte et le risque de vol-
vulus total du grêle est élevé.
• L’AR de type mésentère commun complet correspond à
une rotation antihoraire à 90◦ de l’anse ombilicale. L’angle
de Treitz est situé à droite du rachis et la région iléocæcale
est située en fosse iliaque gauche. La totalité du grêle est
située dans l’hémiabdomen droit et l’ensemble du côlon
dans l’hémiabdomen gauche. La racine du mésentère est
longue, ce qui empêche tout VTG.
• Le diagnostic d’AR repose chez l’adulte sur la TDM
avec injection et/ou l’échodoppler (inversion des vaisseaux
mésentériques supérieurs). Le diagnostic de VTG sur AR
(whirpool sign) repose chez l’adulte sur la TDM avec injec-
tion et/ou l’échodoppler.
• Le traitement chirurgical du VTG sur AR correspond à la
procédure de Ladd, qui comporte cinq temps : la détor-
sion du mésentère, la libération du cæcum, la libération de
l’angle de Treitz, l’appendicectomie et la mise en mésen-
tère commun complet.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
d’intérêts en relation avec cet article.
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S. Scarvaglieri Mazzeo, Praticien hospitalier.

Service de chirurgie viscérale pédiatrique et néonatale, AP-HP, Groupe hospitalier HUPE, Hôpital Trousseau, 26, avenue du Docteur-Arnold-Netter, 75571
Paris cedex 12, France.
H. Kotobi, Praticien hospitalier (henri@kotobi.fr).
Service de chirurgie pédiatrique viscérale et urologique, Centre hospitalier Robert-Ballanger, boulevard Robert-Ballanger, 93600 Aulnay-sous-Bois, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Scarvaglieri Mazzeo S, Kotobi H. Complications des anomalies embryologiques de la rotation intestinale :
prise en charge chez l’adulte. EMC - Techniques chirurgicales - Appareil digestif 2023;40(1):1-10 [Article 40-440].

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