Plan Introduction
■ Introduction 1 La pharmacocinétique est l’étude quantifiée du devenir des
■ Pharmacocinétique descriptive 2 médicaments dans l’organisme depuis leur administration jusqu’à
Distribution 2 leur élimination [1–5] . Ainsi, elle s’intéresse directement à la
Élimination des médicaments 3 relation entre la dose administrée et la concentration du médi-
Effet de premier passage pulmonaire 5 cament dans le sang et au site d’action. La pharmacodynamie
Clairance plasmatique totale et aire sous la courbe 6 décrit la relation entre la dose administrée ou la concentration
Demi-vie d’élimination 6 plasmatique du médicament et son effet pharmacologique [6] .
Fixation aux protéines 6 L’intensité et la durée de cet effet dépendent de la concen-
■
tration du médicament au site d’action et de son évolution
Concepts pharmacocinétiques 7
dans le temps. L’objectif de la pharmacocinétique est d’améliorer
Processus d’ordre zéro et d’ordre 1 7
l’administration des agents anesthésiques en adaptant les doses
Modèles pharmacocinétiques 8
et les modalités d’administration (bolus, perfusion continue)
Cinétique terminale et demi-vie contextuelle 10
aux nécessités de la procédure chirurgicale (profondeur de
Pharmacocinétique de population 10
l’anesthésie, de la myorelaxation, de l’analgésie). Les modèles
■ Pharmacodynamie 10 pharmacocinétiques sont une aide à l’ajustement des doses
Interactions pharmacologiques des agents anesthésiques 11 des anesthésiques, permettant de réduire les risques de sous-
■ Pharmacogénétique 12 dosage ou de surdosage et les effets secondaires qui y sont
■ Conclusion 13 liés. En anesthésie, du fait de l’administration des médica-
ments pendant une durée limitée et de la nécessité de modifier
EMC - Anesthésie-Réanimation 1
Volume 13 > n◦ 2 > avril 2016
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
http://dx.doi.org/10.1016/S0246-0289(16)53310-6
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
36-304-A-10 Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie
“ Point fort Liaison aux protéines : seule la fraction libre non ionisée diffuse à travers
la membrane cellulaire
Liposolubilité : le taux de diffusion augmente avec la liposolubilité qui
Pharmacocinétique : ce que l’organisme fait au médica- est exprimée par le coefficient de partage entre la phase lipide
(membrane cellulaire) et la phase aqueuse
ment.
Pharmacodynamie : ce que le médicament fait à
l’organisme. Tableau 2.
Facteurs impliqués dans la distribution tissulaire des agents anesthésiques.
Diffusion passive (Tableau 1)
Gradient de concentration : le taux de diffusion est proportionnel au
gradient de concentration de part et d’autre de la membrane (loi de Fick)
Pharmacocinétique descriptive Débits sanguins régionaux : la quantité de médicament transférée par
unité de temps augmente avec le débit sanguin de l’organe
En anesthésie, les médicaments sont pour la plupart admi-
nistrés par voie intraveineuse, ce qui supprime la phase
d’absorption et s’accompagne d’une biodisponibilité proche de sans nécessité d’énergie). Pour les agents anesthésiques c’est essen-
100 %. L’évolution de la concentration plasmatique en fonction tiellement le transport passif qui est en jeu et il dépend du gradient
du temps est le résultat de la distribution et de l’élimination du de concentration entre le sang circulant et les organes périphé-
médicament. Ces phénomènes de distribution et d’élimination riques. Pour les médicaments hydrosolubles, la diffusion passive
sont décrits par les concepts de volume de distribution et de clai- selon le gradient de concentration se fait par des canaux pro-
rance [3, 5] . téiques hydrophiles (par exemple, curares et canal ionique des
récepteurs cholinergiques).
En anesthésie, cette étape de distribution a une importance par-
Distribution ticulière : c’est elle qui est à l’origine des variations les plus rapides
de la concentration plasmatique de l’agent, et donc de la quantité
Après l’injection intraveineuse d’un anesthésique, la concen- d’agent qui est présentée à chaque instant devant les sites d’action.
tration plasmatique décroît selon une courbe exponentielle [11] Les variations de la concentration plasmatique modulent directe-
(Fig. 1). Injecté dans le sang circulant, le médicament quitte ment la cinétique d’action du médicament. Ainsi, deux agents
la circulation pour être fixé par les organes périphériques. Les dont la vitesse d’élimination est proche, par exemple le fentanyl
principaux facteurs qui régissent cette distribution tissulaire sont et le sufentanil, ont une cinétique d’action très différente par le
résumés dans les Tableaux 1, 2. Pour atteindre son site d’action, simple fait de leur distribution : le sufentanil distribué rapidement
l’agent anesthésique doit traverser les membranes cellulaires, et de façon extensive voit sa concentration plasmatique décroître
endothélium vasculaire et membrane de la cellule cible, par très vite au-dessous du seuil de concentration efficace, alors que la
exemple neurones du système nerveux central. Le transport à tra- concentration plasmatique du fentanyl distribué plus lentement
vers les membranes cellulaires peut se faire par trois mécanismes, reste plus longtemps dans la zone thérapeutique, même si secon-
passif, actif, et facilité (intervention d’une protéine de transport dairement les concentrations résiduelles des deux agents dimi-
nuent à la même vitesse du fait d’une élimination comparable.
Après un temps variable, en fonction du médicament, de la
8 dose et du mode d’administration (injection unique, perfusion),
Concentration plasmatique (µg ml-1)
2 EMC - Anesthésie-Réanimation
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie 36-304-A-10
EMC - Anesthésie-Réanimation 3
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
36-304-A-10 Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie
Tableau 3. Tableau 4.
Élimination des anesthésiques par métabolisme. Principales enzymes de la famille des cytochromes P450 (CYP) et méta-
bolisme des médicaments utilisés en anesthésie (classement en fonction
Enzymes des réactions de phase I
de leur importance quantitative dans le foie).
Cytochrome P450 (CYP450) : oxydation (hydroxylation, O- et
N-désalkylation, désamination), réduction CYP3A4 : fentanyl et dérivés (sauf rémifentanil), benzodiazépines
(midazolam), anesthésiques locaux, méthadone, codéine, inhibiteurs
Estérases : hydrolyse par les carboxylestérases, les cholinestérases
calciques, ondansétron et dérivés
Enzymes des réactions de phase II (conjugaison)
CYP2D6 : codéine, dextrométorphan, oxycodone, tramadol,
Glucuronyltransférases : adjonction d’un radical acide glucuronique à ondansétron et dérivés, antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs de la
des médicaments lipophiles qui comportent un résidu phénol, alcool, recapture de la sérotonine, neuroleptiques, bêtabloquants, flécaïne
amine, carboxyle ou sulfhydrile. Il y a une quinzaine de
CYP2B6 : propofol, kétamine, benzodiazépines, méthadone,
glucuronyltransférases dénommées UGT1, UGT2, etc.
mépéridine, lidocaïne, clopidogrel
– UGT1A9 : propofol
CYP1A2 : ropivacaïne
– UGT2B7 : morphine, codéine, naloxone, buprénorphine,
CYP2A6 : halothane
oxymorphone, hydromorphone ; 1-hydroxymidazolam
CYP2C : barbituriques, diazépam
Glutathion-S-transférase : intervient dans la formation du composé A
lors de la dégradation du sévoflurane par certains absorbeurs de CO2 CYP2E1 : paracétamol, éthanol, anesthésiques halogénés
Sulfotransférases : chez le nouveau-né, métabolisme du paracétamol et
de la morphine
Tableau 5.
Inducteurs et inhibiteurs du CYP3A.
Réactions de biotransformation
Inducteurs : rifampicine, phénobarbital, phénytoïne, carbamazépine,
La plupart des médicaments anesthésiques sont lipophiles et dexaméthasone, nelfinavir, éfavirenz, millepertuis
nécessitent leur transformation pour être éliminés. Les réactions Inhibiteurs : macrolides (troléandomycine, érythromycine,
enzymatiques qui transforment les médicaments sont classées en clarithromycine), antifongiques (kétoconazole, miconazole,
réactions de phases I et II (Tableau 3). La phase I transforme le itraconazole, fluconazole), agents anti-VIH (indinavir, ritonavir,
médicament en un ou plusieurs composés polaires, plus faciles à saquinavir, amprénavir, delavirdine), jus de pamplemousse
éliminer. La phase II rend le métabolite encore plus hydrophile en
conjuguant les sites polaires avec divers composés endogènes. La VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
plupart des médicaments subissent successivement les réactions
de phase I, puis de phase II. Néanmoins, certains médicaments Certaines enzymes (CYP3A4 et CYP2B6) subissent une induc-
ne sont soumis qu’à un type de réaction, soit de type I, soit de tion ou une inhibition par divers xénobiotiques, dont des
type II [16] . médicaments (Tableau 5). Ces phénomènes d’induction ou
Réactions de type I d’inhibition peuvent influencer la pharmacocinétique des anes-
Les principales réactions de type I sont l’hydrolyse, l’oxydation thésiques. Ainsi, la troléandomycine diminue la clairance de
ou la réduction de la molécule mère. L’hydrolyse qui dégrade l’alfentanil de près de 88 % [16, 17] . Néanmoins, dans la plupart des
la molécule en deux métabolites par adjonction d’une molécule cas, l’incidence clinique de ces modifications n’est pas majeure
d’eau est le mode de métabolisme des esters comme les anesthé- car c’est la phase terminale d’élimination qui est prolongée alors
siques locaux, la succinylcholine et le rémifentanil. L’oxydation, que l’effet pharmacologique est surtout observé durant la phase
réaction la plus fréquente, introduit un groupe OH dans la initiale de distribution. De plus, ces modifications sont en partie
molécule. L’hydroxylation initiale précède souvent une seconde masquées par les variations inter-individuelles de la pharmacoci-
réaction qui est une désalkylation (suppression d’un radical car- nétique.
boné), une désamination (suppression d’un radical azoté), une Autres enzymes. D’autres enzymes interviennent dans les
oxydation d’un radical azoté, une désulfuration, une déshalogé- réactions de type I. Ce sont les estérases, carboxylestérases et
nation ou une déshydrogénation. cholinestérases. Les carboxylestérases sont des enzymes micro-
Cytochrome P450. Le cytochrome P450 (CYP) est une somiales présentes dans de nombreux tissus, dont le foie. Elles
superfamille d’enzymes qui catalysent la plupart des réactions comportent deux types principaux, hCE-1 et hCE-2. La hCE-
de type I [16] . Le CYP est aussi appelé oxydases à fonction mixte 1 métabolise la cocaïne, la mépéridine et l’héroïne. La hCE-2
ou mono-oxygénases. Le CYP est intégré au réticulum endo- hydrolyse l’héroïne en 6-monoacétylmorphine puis en morphine.
plasmique lisse (microsomes) des hépatocytes et à la membrane Les cholinestérases comportent l’acétylcholinestérase (AchE) et
des entérocytes de l’intestin grêle. Il existe aussi au niveau des la butyrylcholinestérase ou pseudocholinestérase plasmatique.
poumons, des reins et de la peau. Les isoenzymes du CYP oxydent Cette dernière intervient dans le métabolisme de la succinylcho-
leur substrat essentiellement par insertion d’un atome d’oxygène line, du mivacurium, des anesthésiques locaux de type esters dont
sous forme de radical hydroxyle. La réaction d’oxydation typique la cocaïne et l’héroïne. Le rémifentanil est hydrolysé par des esté-
implique une hydroxylation initiale, le nicotinamide adénine rases plasmatiques et surtout tissulaires, non spécifiques.
dinucléotide phosphate (NADPH) fournissant deux électrons Réactions de type II
pour réduire un atome d’oxygène moléculaire en eau et insérer Les réactions de type I introduisent des groupes polaires
un autre électron dans le substrat selon la réaction suivante : dans la molécule, ce qui permet les réactions de conjugai-
son. La morphine comporte d’emblée des groupes polaires et
RH + O2 + NADPH + H+ → ROH + H2 O + NADP+
elle subit une conjugaison directe. Les principales enzymes de
conjugaison sont les méthyltransférases, les sulfotransférases, les
RH = substrat ; ROH = métabolite oxydé.
acétyltransférases, les acyltransférases, les glucuronosyltransfé-
Plus de 50 isoformes du CYP ont été identifiées, mais seules
rases ou glucuronyltransférases et les glutathion-S-transférases
quelques-unes sont responsables du métabolisme de la majo-
(Tableau 3). Les métabolites conjugués sont hydrosolubles et
rité des médicaments. Les CYP ont une plus ou moins grande
peuvent être éliminés par le rein et la bile.
spécificité vis-à-vis de leurs substrats. Dans le métabolisme des
anesthésiques, les CYP les plus importants sont les CYP2B6, 2D6,
2E1 et 3A. Le CYP3A4 est l’enzyme quantitativement la plus
Clairance
importante, elle représente 40 à 45 % du métabolisme médié par La clairance quantifie l’élimination du médicament du sang cir-
le CYP. Le CYP3A4 métabolise un large éventail de médicaments culant. Deux processus participent à cette clairance : la clairance
dont plusieurs anesthésiques (Tableau 4). Chez certains sujets, systémique et la clairance intercompartimentale. La clairance sys-
c’est le CYP3A5 qui assure une grande partie des fonctions du témique correspond à l’élimination définitive du médicament
CYP3A4. de l’organisme, soit sous forme inchangée, soit sous forme de
4 EMC - Anesthésie-Réanimation
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie 36-304-A-10
Tableau 6.
Coefficient d’extraction hépatique (CE) des principaux médicaments CE
anesthésiques. 2,5 1,0
EMC - Anesthésie-Réanimation 5
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
36-304-A-10 Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie
Demi-vie d’élimination
La partie terminale de la courbe de décroissance de la concen- Fixation aux protéines
tration plasmatique est linéaire et elle définit la demi-vie
d’élimination (t1/2  ou t1/2 ␥ selon que le modèle est à deux ou La plupart des anesthésiques se lient peu ou prou aux protéines
à trois compartiments) qui est le paramètre pharmacocinétique plasmatiques (Tableau 7). L’albumine lie les molécules faiblement
couramment utilisé pour préciser la vitesse d’élimination du acides (thiopental, midazolam, propofol) et l’␣1-glycoprotéine
médicament. La demi-vie est le temps nécessaire pour que la acide lie les molécules basiques (anesthésiques locaux, fenta-
quantité de médicament présente dans l’organisme diminue de nyl et dérivés). D’autres constituants plasmatiques (lipoprotéines)
50 %. Les variations de la demi-vie d’élimination sont dépen- et cellulaires (globules rouges) fixent à un moindre degré les
dantes non seulement des processus d’élimination, mais aussi du médicaments [20, 26–28] . Dans la période périopératoire, les concen-
volume de distribution selon la formule : trations plasmatiques de ces deux protéines évoluent de façon
indépendante et souvent opposée, l’albumine baisse alors que
t1/2 = 0, 693 × Vd /Cl l’␣1-glycoprotéine, protéine de l’inflammation, augmente. La
concentration plasmatique de l’albumine (35 à 50 g l−1 ) est plus
Vd = volume de distribution ; Cl = clairance plasmatique totale. élevée que celle de l’␣1-glycoprotéine acide (0,4 à 1 g l−1 ) et
En anesthésie, cette demi-vie d’élimination a moins d’intérêt donc ses capacités de fixation sont plus importantes. Dans une
puisqu’elle ne décrit pas la dissipation de l’effet pharmacologique. même situation clinique, on peut donc observer une augmenta-
Ainsi, la demi-vie d’élimination d’un bolus de propofol est de plu- tion de la fraction libre des anesthésiques fixés par l’albumine
sieurs heures alors que son effet clinique n’est que de quelques et une diminution de la fraction libre de ceux fixés par l’␣1-
minutes. glycoprotéine.
6 EMC - Anesthésie-Réanimation
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie 36-304-A-10
EMC - Anesthésie-Réanimation 7
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
36-304-A-10 Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie
8
Dose injectée k12
Compartiment Compartiment
k = 0,5 Volume de
périphérique central
X (dose)
6 distribution k21
4 k k10
0 Dose injectée
0 2 4 6 8 10
t (temps)
Figure 6. Décroissance de la concentration plasmatique en fonction Compartiment k12 k13 Compartiment
du temps. En coordonnées arithmétiques, la courbe est une exponen- Compartiment
d'équilibration d'équilibration
tielle dont l’équation est x(t) = xo × e–kt . Dans cet exemple avec des unités k21 central k31
rapide lente
arbitraires, x0 = 10 et k = 0,5.
k10
10 x0 = 10 Modèle tricompartimental
k = 0,5 Figure 8. Modèles compartimentaux. Le modèle bicompartimental
comporte un compartiment central et un seul compartiment périphé-
rique. Le modèle tricompartimental est le plus adapté à la description de
la cinétique des anesthésiques. Ce modèle comporte un compartiment
X (dose)
Modèles physiologiques
La pharmacocinétique peut être décrite en utilisant un modèle
anatomique et physiologique basé sur la distribution du débit
0.1 cardiaque vers les différents organes périphériques. Il est ainsi pos-
0 2 6 4 8 10 sible d’analyser les volumes et les clairances pour chaque organe
t (temps) et de construire un modèle pharmacocinétique pour l’organisme
entier en associant les différents organes [3, 5] . Ces modèles sont
Figure 7. La courbe de la Figure 6 est une droite de pente –k en
complexes et difficiles à mettre en œuvre car les mesures de tous les
coordonnées semi-logarithmiques (dose x = ordonnées en unités logarith-
débits sanguins régionaux et des concentrations afférentes et effé-
miques et temps = abscisses arithmétiques).
rentes ne sont pas réalisables chez l’homme [2, 5] . De plus, il a été
montré que la précision de ces modèles physiologiques n’était pas
Tableau 8. plus grande que celle des modèles compartimentaux. Un modèle
Pourcentage de médicament éliminé en fonction du temps (demi-vies). physiologique simplifié est décrit (cf. supra) (Fig. 2).
Demi-vies (n) % de médicament restant % de médicament
éliminé
Modèles pharmacocinétiques des compartiments
0 100 0
Les modèles compartimentaux simplifient les modèles phy-
1 50 50
siologiques. Dans ces modèles, les compartiments n’ont pas
2 25 75 d’équivalents anatomiques stricts. Le modèle le plus simple est
3 12,5 87,5 monocompartimental (Fig. 8) et contient un seul volume et une
4 6,25 93,75 seule clairance. Pour les médicaments anesthésiques, le modèle bi-
5 3,125 96,875
ou tricompartimental est plus adapté (Fig. 8). Ces modèles multi-
compartimentaux, appelés modèles mamillaires, comportent un
volume central sur lequel sont branchés des volumes périphé-
riques. La somme des volumes est le volume de distribution à
Modèles pharmacocinétiques l’état stable, Vdss .
L’objectif des modèles pharmacocinétiques est de prédire chez
un patient donné le plus précisément possible l’évolution des Modèle monocompartimental
concentrations du médicament dans l’organisme en fonction L’organisme est représenté par un réservoir unique et homogène
de la dose et du mode d’administration. Même si les modèles dans lequel est injecté en bolus une quantité de substance xo (x
pharmacocinétiques sont établis à partir d’études réalisées chez au temps zéro) (Fig. 3). La concentration initiale est xo /V (V est le
des patients représentatifs d’une population chirurgicale cou- volume du réservoir). Si l’on veut obtenir la concentration cible
rante, il existe une discordance d’importance variable selon le Ct (target), la dose à administrer est : dose = Ct × V
modèle entre les concentrations prédites et celles réellement Si la substance est éliminée du réservoir à un taux constant
mesurées [10, 11, 14, 15] . Néanmoins, les modèles décrits ci-dessous (clairance), on a l’équation suivante :
ont une précision acceptable en clinique pour le calcul de la dose
(en bolus ou en perfusion) nécessaire pour atteindre et mainte- dx x
= Cl
nir une concentration plasmatique prédéfinie. La prédiction de dt V
la cinétique des concentrations plasmatiques et au site d’action dx/dt est le taux d’élimination de la substance en fonction du
est encore améliorée par des ajustements appliqués aux modèles temps, x est la quantité de médicament présente dans l’organisme
pharmacocinétiques classiques (cf. infra). et Cl est la clairance.
8 EMC - Anesthésie-Réanimation
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie 36-304-A-10
Dose initiale = 100 mg Dose initiale = 100 mg Figure 9. Modèle monocompartimental avec une élimina-
tion linéaire d’ordre 1. À deux minutes et à quatre minutes
Temps = Temps = après un bolus de 100 mg, la concentration dans le réservoir
2 min 4 min est respectivement de 10 et de 5 mg l−1 . En tenant compte
de l’élimination (50 % de la dose à 2 min, 75 % de la dose à
4 min), le volume du réservoir est de 5 l.
Volume du réservoir = 5 l
100
100
Rapide
Concentration (ng ml–1)
Concentration
10
C(t ) = Ae–αt
10
C(t ) = Be–βt
C(t ) = Ce–γ t
Intermédiaire C(t ) = Ae–αt + Be–βt + Ce–γ t
Lent
1 1
0 60 120 180 240
0 120 240 360 480 600 Temps après le bolus (min)
Temps après le bolus (min) Figure 11. Courbe de décroissance en fonction du temps avec trois
Figure 10. Courbe de décroissance en fonction du temps de la concen- parties et leur expression mathématique.
tration plasmatique après injection d’un bolus de fentanyl. La courbe
comporte trois parties correspondant à la distribution, à la redistribution Le modèle tricompartimental peut être décrit par un modèle
et à l’élimination. Le modèle hydraulique visualise ces trois phases. La hydraulique à trois réservoirs (Fig. 10). Ce modèle, très didac-
hauteur dans chaque réservoir correspond à la concentration du fentanyl. tique, a été développé par Mapleson pour les anesthésiques
Le tuyau partant du réservoir central vers l’extérieur représente la clai- halogénés [30, 31] . Il visualise l’évolution des concentrations et les
rance métabolique (élimination) (cf. texte). Durant la phase terminale, la directions des flux entre les compartiments au cours du temps, la
courbe devient linéaire car la diminution de la concentration plasmatique taille des réservoirs et le diamètre des tuyaux de connexion étant
est essentiellement liée à l’élimination par métabolisme. proportionnels, respectivement aux volumes des compartiments
et aux débits sanguins régionaux.
Dans le modèle tricompartimental, la courbe de décroissance
Le processus d’élimination étant d’ordre 1 (Fig. 9), la pharmaco- de la concentration plasmatique en fonction du temps est décrite
cinétique est linéaire et le volume et la clairance sont constants : par la somme de trois exponentielles :
Cl/V = k
k = constante de vitesse d’élimination. C (t) = Ae–␣t + Be–t + Ce–␥t
En introduisant la demi-vie (équation t1/2 = 0,693/k), on obtient
la relation : t = temps depuis le bolus ; C(t) = concentration au temps t après
une dose bolus ; et A, ␣, B, , C, ␥ sont les paramètres du modèle
V V
t1/2 = 0, 693 soit t1/2 ≈ pharmacocinétique.
Cl Cl Au temps 0 (t0 ) l’équation se simplifie : C0 = A + B + C
Modèles multicompartimentaux La somme des coefficients A, B et C est égale à la concentration
La pharmacocinétique des anesthésiques nécessite un modèle immédiatement après l’injection d’un bolus.
plus complexe que le modèle à un compartiment. La courbe Dans sa représentation figurée, ce modèle comporte des micro-
exponentielle qui décrit l’évolution de la concentration plasma- constantes de transfert qui définissent le taux de transfert entre
tique après l’administration d’un bolus comporte trois parties les différents compartiments (Fig. 8). Le compartiment 0 est
dont la pente diminue en fonction du temps (Fig. 10, 11). Les en dehors du modèle et correspond à l’élimination : k10 est la
trois phases correspondent schématiquement à une phase de microconstante de transfert qui définit l’élimination, c’est-à-dire
distribution rapide, une phase intermédiaire et une phase ter- la sortie définitive du médicament de l’organisme. Les micro-
minale. La phase initiale correspond à la distribution à partir constantes k12 et k21 , k13 et k31 décrivent les transferts entre les
du compartiment central (volume sanguin circulant et premier compartiments périphériques et le compartiment central. Dans
passage pulmonaire) vers les tissus périphériques richement vas- le modèle hydraulique, les microconstantes de transfert corres-
cularisés. La phase intermédiaire correspond à la distribution plus pondent aux tuyaux qui relient les réservoirs.
lente vers les tissus moyennement vascularisés et au retour du La raison principale de l’utilisation en clinique de l’équation
médicament à partir des tissus à équilibration rapide (début de la triexponentielle est qu’elle décrit assez exactement l’évolution
redistribution). La phase terminale est essentiellement la phase temporelle de la concentration plasmatique du médicament
d’élimination, mais la redistribution a aussi lieu lors de cette administré en bolus. Cependant, ce modèle tricompartimental
phase. Durant cette phase d’élimination, la concentration plas- est peu précis dans sa prévision de la concentration plasmatique
matique est inférieure à la concentration tissulaire, le médicament au tout début de l’injection (bolus ou perfusion). Durant cette
est transféré des tissus vers le plasma et du plasma il est éliminé phase initiale, la concentration plasmatique varie rapidement et
par le métabolisme et l’excrétion. le concept de cinétique précoce (front-end kinetics) introduit les
EMC - Anesthésie-Réanimation 9
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
36-304-A-10 Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie
450 1,0
Fentanyl
Midazolam analgésique γ
Thiopental 0,6 50 %
300
0,5
250 0,4
200 0,3
0,2
150
0,1
C50
100 0,0
0 1 2 3 4 5 6
50 Concentration de fentanyl (ng ml–1)
Figure 13. Relation entre la concentration plasmatique de fentanyl et
0
l’effet analgésique (0,0 = pas d’effet, 1,0 = effet analgésique maximal). La
4 60 82 10
courbe a une forme sigmoïde. La C50 est la concentration pour laquelle
Durée de la perfusion (h) l’effet analgésique est égal à 50 % de l’effet maximal. La pente de la courbe
Figure 12. Demi-vies contextuelles des principaux anesthésiques (cf. est ␥.
texte). D’après [33] .
écart entre les paramètres prédits et ceux réellement mesurés,
phénomènes de recirculation précoce et décrit la pharmacociné- une variation de près de 100 % n’étant pas rare. La variabilité
tique dans les premières minutes, période essentielle puisque c’est pharmacodynamique est même plus importante puisqu’il est
la phase d’installation de l’effet pharmacologique [32] . Le modèle fréquent d’observer que pour un effet donné, la concentration
classique admet que le médicament introduit dans le volume cen- plasmatique nécessaire varie de 1 à 5, voire plus chez certains
tral (Vc) est dilué presque instantanément et de façon homogène sujets [14, 15] . Cette variabilité n’est pas gênante pour les anesthé-
dans ce volume. Si initialement le volume central peut être assi- siques ayant une marge de sécurité importante. En revanche,
milé au volume sanguin circulant, dans la réalité il varie dans le lorsque l’anesthésique a des effets secondaires (dépression car-
temps et augmente en fonction des conditions physiologiques et diovasculaire, dépression ventilatoire), une titration plus précise
des propriétés physicochimiques du médicament. Ceci explique est nécessaire. Diverses solutions sont proposées pour amélio-
que plus la mesure de la concentration sanguine est précoce, plus rer la prévision statistique des modèles pharmacocinétiques.
petit est le volume central calculé. La plupart des modèles pharma- Parmi celles-ci, il y a la pharmacocinétique de population et
cocinétiques surestiment le Vc car ils ne prennent pas en compte la méthode bayésienne [34–36] . L’analyse de population a pour
la complexité de la mixique initiale. Si ces modèles où le Vc est objectif d’intégrer les variations inter-individuelles des para-
surestimé sont utilisés dans les logiciels de l’AIVOC, la concentra- mètres pharmacocinétiques et des effets pharmacodynamiques.
tion sanguine réelle dépasse la concentration cible au début de la L’approche bayésienne (Bayes 1702–1761) est une méthode
mise en route, mais aussi ultérieurement. Les modèles pharmaco- statistique qui pondère la contribution de chaque individu à
cinétiques qui tiennent compte de la recirculation précoce se sont l’estimation des paramètres de la population globale. La méthode
révélés plus précis pour une utilisation en mode AIVOC [32] . bayésienne utilise un modèle de régression non linéaire, dont
un logiciel d’application, dénommé par l’acronyme NONMEM
(non-linear mixed effects modeling), a été introduit par Sheiner et
Cinétique terminale et demi-vie contextuelle Beal en 1979 [37] . Cette méthode, très largement utilisée, analyse
En clinique, il est intéressant de connaître la cinétique de une population comportant un nombre important de sujets
décroissance de la concentration plasmatique à l’arrêt d’une per- et a pour avantage de ne nécessiter qu’un nombre réduit de
fusion continue car elle permet de prédire le délai de réveil. Cette mesures de la concentration sanguine du médicament chez
cinétique terminale (back-end kinetics) est représentée par le temps un sujet donné. En revanche, son inconvénient est de recourir
de décroissance ou temps nécessaire pour que la concentration à des calculs complexes. Néanmoins, cette méthode est très
plasmatique atteigne une certaine valeur, par exemple pour le pro- utilisée pour l’analyse des études pharmacocinétiques et leurs
pofol, la concentration pour laquelle le sujet répond aux ordres applications cliniques.
simples. Le temps de décroissance dépend de la durée de per-
fusion et s’allonge avec celle-ci. Cet allongement est le témoin
d’une accumulation du médicament dans les tissus périphériques. Pharmacodynamie
Le temps de décroissance de 50 %, temps nécessaire pour que la
concentration plasmatique au moment de l’arrêt de la perfusion Ce qui intéresse le clinicien, c’est le profil cinétique de
diminue de moitié, est la demi-vie contextuelle (Fig. 12) [33] . Plus l’action pharmacodynamique de l’anesthésique, c’est-à-dire le
la demi-vie contextuelle est courte, plus rapide est le réveil. En délai d’installation, l’intensité de l’effet et sa durée. En grande par-
pratique, il est souvent plus intéressant de connaître le temps de tie ce profil cinétique dépend de l’évolution de la concentration
décroissance à 90 %, concentration plus proche de celle nécessaire efficace (CE ou EC effective concentration) de l’anesthésique au site
à la dissipation de l’effet clinique. d’action. Cette concentration n’étant pas mesurable en pratique,
elle est assimilée à la concentration plasmatique.
Pour la plupart des médicaments, dont les anesthésiques, la
Pharmacocinétique de population relation entre la concentration plasmatique et l’intensité de
Un des objectifs des modèles pharmacocinétiques est l’effet est décrite par une courbe sigmoïde (Fig. 13). L’équation
l’utilisation optimale des anesthésiques selon leurs diverses standard qui décrit cette relation est l’équation de Hill :
modalités d’administration (bolus unique, bolus itératifs, perfu- Cy
sion intraveineuse avec ou sans objectif de concentration). Les Effet = E0 + (Emax − E0 ) y
modèles pharmacocinétiques et leurs équations d’application C50+ Cy
décrits ci-dessus sont dérivés de mesures réalisées chez des sujets E0 = effet en l’absence du médicament ; Emax = effet maximal ; C
sains ou chez des groupes de patients définis. Lorsque ces modèles est la concentration ou la dose ; ␥ est le coefficient de Hill qui
sont appliqués à tous les patients chirurgicaux, on constate un représente la pente de la courbe dans sa partie dynamique ; C50
10 EMC - Anesthésie-Réanimation
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie 36-304-A-10
90
80 8
70 ke0 0,2
Concentration au site effet (µg ml–1)
60 ke0 0,4
50 Régression 6
ke0 0,8
Installation
40
30
20 4
10
0
0 10 20 30 40 50
0 60 2
–1)
Concentration plasmatique ou au site d'action (ng ml
Figure 14. Courbe concentration–effet du fentanyl à l’installation et
à la régression de l’effet sur l’électroencéphalogramme (EEG). Pour un 0
même effet sur l’EEG, la concentration est très différente au début et à 4 6 0 8 2 10
la régression de l’effet clinique (hystérésis) (cf. texte). Les cercles bleus Temps (min)
correspondent aux dosages réalisés chez plusieurs sujets. La courbe mar- Figure 16. Effet de la constante ke0 sur le délai d’installation de l’effet
ron est la réponse moyenne obtenue par association des deux courbes, pharmacologique maximal. Lorsque ke0 diminue de 0,8 à 0,2, ce délai
ascendante et descendante (d’après [5] ). s’allonge et la concentration maximale au site d’effet diminue (d’après [5] ).
EMC - Anesthésie-Réanimation 11
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
36-304-A-10 Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie
1
1
Fentanyl (concentration normalisée)
0,1
0,2
Site effet
0,03 Plasma
0,1
0,01 Site effet
Plasma
0,05
0,003
0.02 0,001
30 40 50 60 0 10 0
20 15 30 45 60 75 90 105 120
Temps (min) A Temps (min) B
Figure 17. Propriétés pharmacocinétique/pharmacodynamie (PK/PD) du fentanyl (A) et de la morphine (B). La concentration de l’opiacé est normalisée
par le rapport Ce /Cpmax (Ce concentration au site d’action ; Cpmax = concentration plasmatique maximale après un bolus). Pour le fentanyl, la Ce atteint en
quelques minutes la valeur de la Cp et lui reste ensuite constamment supérieure. À l’inverse, la Ce de la morphine augmente lentement et ne dépasse la Cp
qu’après 105 minutes. On constate aussi que la morphine n’atteint que 1 % de la Cpmax . Néanmoins, malgré cette faible Ce , la morphine est un analgésique
efficace. La connaissance de la cinétique de la concentration au site d’action est dans ce cas plus utile que l’évolution de la Cp (d’après [17] ).
10
1,0
0,75
8
Concentration sanguine de
Effet
0,50
rémifentanil (ng ml–1)
0,25
6
0,00
3
Mé 2 6,0
4 dic 4,5
am
en 1 3,0
tA 1,5 nt B
0 icame
Méd
%
2
t 50
3
effe
0
Médicament A
ole
2 4 6 8 10 0 2
Isob
12 EMC - Anesthésie-Réanimation
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie 36-304-A-10
“ Points essentiels
Probabilité de non-réponse
100
• Les processus pharmacocinétiques fondamentaux sont
75 la dilution dans des volumes de distribution et la clairance.
Ces processus sont dépendants des propriétés physicochi-
50 miques des médicaments et de la capacité métabolique de
l’organisme. La plupart des médicaments anesthésiques
10 sont métabolisés au niveau du foie.
25
8 • La pharmacocinétique des anesthésiques est décrite
de par des modèles mathématiques qui comportent un
6 ine
0 n gu–1 ) compartiment central et un ou plusieurs compartiments
10 4 a
s ml
8 6 on
4 2 2 t r ati l (µg périphériques. Ces compartiments ne correspondent pas
Conce en pofo
n nc à une structure anatomique ou physiologique précise. La
de rém tration sang 0
Co pro
ifentan uin simulation par ordinateur permet de prédire l’évolution
il (ng m –1e
l ) temporelle de la concentration plasmatique en fonction
Figure 20. Effet de l’association propofol et rémifentanil sur la suppres- des différents modes d’administration (bolus ou perfusion
sion de la réponse à la laryngoscopie. Le modèle des surfaces de réponse intraveineuse continue).
est une représentation tridimensionnelle des relations entre d’une part les • La précision prédictive des modèles pharmacociné-
concentrations de propofol et de rémifentanil et d’autre part l’effet cli- tiques standards est améliorée par certaines méthodes
nique (probabilité de non-réponse à la laryngoscopie). Les isoboles 25, telles la cinétique initiale (front-end kinetic) et la pharmaco-
50 et 75 % sont identifiées (cf. texte) (d’après [38] ).
cinétique des populations associée à l’analyse bayésienne.
• Les médicaments induisent leur effet en se liant à des
récepteurs. L’intensité et la durée de l’effet pharmacolo-
gique dépendent de la concentration au site d’action et
Tableau 9.
Polymorphisme génétique modifiant la pharmacocinétique et la pharma- de son évolution en fonction du temps.
codynamie des anesthésiques. • La relation PK/PD décrit la relation entre la concentra-
tion au site d’action et l’effet clinique. Ce principe est
Modifications pharmacocinétiques
appliqué à l’administration des anesthésiques par la tech-
Polymorphisme des CYP3A4 et CYP3A5 : élimination ralentie du nique d’AIVOC.
midazolam
• L’interaction entre les agents anesthésiques peut être de
Polymorphisme du CYP2C19 : action prolongée et effet exagéré du
nature pharmacocinétique (induction ou inhibition enzy-
diazépam
matique, liaison aux protéines) ou pharmacodynamique
Polymorphisme du CYP2D6 : métabolisme ralenti de la codéine et du
(effet additif ou synergique). Les techniques anesthé-
tramadol
siques tirent avantage de la synergie entre les hypnotiques
Polymorphisme de la UDP-GT2B7 (glucuronyltransférase) :
glucuronation plus rapide de la morphine
et les opioïdes pour induire un niveau de profondeur
d’anesthésie pour des doses d’anesthésiques inférieures
Modifications pharmacodynamiques
aux doses nécessaires si chaque agent était utilisé seul.
Modification des récepteurs mu des opiacés : mutation du gène OPRM1, • La pharmacogénétique, essentiellement le polymor-
mutation A118G : moindre efficacité des opiacés dans la douleur aiguë
et chronique phisme des enzymes du métabolisme, explique certaines
des variabilités interindividuelles de l’effet des agents anes-
thésiques.
EMC - Anesthésie-Réanimation 13
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.
36-304-A-10 Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie
[5] Kim TK, Obara S, Johnson KB. Basic principles of pharmacology. [21] Tucker GT, Boas RA. Pharmacokinetic aspects of intravenous regional
In: Miller RD, Neal NH, Eriksson LI, Fleisher LA, Wiener-Kronish anesthesia. Anesthesiology 1971;34:538–49.
JP, Young WL, editors. Miller’s Anesthesia. Philadelphia: Saunders [22] Löfström JB. Tissue distribution of local anesthetics with special refe-
Elsevier; 2015, p. 590–613. rence to the lung. Int Anesthesiol Clin 1978;16:53–71.
[6] Forman SA. Principles of drug action. Pharmacodynamic principles of [23] Jorfeldt L. Lung uptake of lidocaine in healthy volunteers. Acta Anaes-
drug action. In: Evers AS, Maze M, Kharasch ED, editors. Anesthe- thesiol Scand 1979;23:567–74.
tic pharmacology. Basic principles and clinical practice. Cambridge: [24] Roerig DL, Kotrly KJ, Vucins EJ, Ahlf SB, Dawson CA, Kampine JP.
Cambridge University Press; 2011, p. 1–16. First pass uptake of fentanyl, meperidine and morphine in the human
[7] Egan TD, Minto CF. Principles of drug action. Pharmacodynamic drug lung. Anesthesiology 1987;67:466–72.
interactions in anesthesia. In: Evers AS, Maze M, Kharasch ED, edi- [25] Boer F. Drug handling by the lungs. Br J Anaesth 2003;91:50–60.
tors. Anesthetic pharmacology. Basic principles and clinical practice. [26] Wood M. Plasma drug binding: implications for anesthesiologists.
Cambridge: Cambridge University Press; 2011, p. 147–65. Anesth Analg 1986;65:786–804.
[8] Shafer SL, Gregg KM. Algorithms to rapidly achieve and main- [27] Benet LZ, Hoener BA. Changes in plasma protein binding have little
tain stable drug concentrations at the site of drug effect with clinical relevance. Clin Pharmacol Ther 2002;71:115–21.
a computer-controlled infusion pump. J Pharmacokinet Biopharm [28] Schmidt S, Gonzalez D, Derendorf H. Significance of protein bin-
1992;20:147–69. ding in pharmacokinetics and pharmacodynamics. J Pharm Sci
[9] Struys MM. Optimizing iv. drug administration by applying phar- 2010;99:1107–22.
macokinetic/pharmacodynamic concepts. Br J Anaesth 2011;107: [29] Burch PG, Stanski DR. Decresased protein binding and thiopental
38–47. kinetics. Clin Pharmacol Ther 1981;30:636–43.
[10] Struys MM, Absalom AR, Shafer SL. Intravenous drug delivery [30] Mapleson WW. Circulation-time models of the uptake of inha-
systems. In: Miller RD, Neal NH, Eriksson LI, Fleisher LA, Wiener- led anaesthetics and data for quantifying them. Br J Anaesth
Kronish JP, Young WL, editors. Miller’s Anesthesia. Philadelphia: 1973;45:319–34.
Saunders Elsevier; 2015, p. 920–57. [31] Davis NR, Mapleson WW. Structure and quantification of a physiologi-
[11] Vuyk J, Sitsen E, Reekers M. Intravenous anesthetics. In: Miller RD, cal model of the distribution of injected agents and inhaled anaesthetics.
Neal NH, Eriksson LI, Fleisher LA, Wiener-Kronish JP, Young WL, Br J Anaesth 1981;53:399–406.
editors. Miller’s Anesthesia. Philadelphia: Saunders Elsevier; 2015, p. [32] Avram MJ, Krejcie TC. Using front-end kinetics to optimize target-
821–63. controlled drug infusions. Anesthesiology 2003;99:1078–86.
[12] Price HL. A dynamic concept of the distribution of thiopental in the [33] Hughes M, Glass P, Jacobs R. Context-sensitive half time in multicom-
human body. Anesthesiology 1960;21:40–5. partment pharmacokinetic models for intravenous anesthetic drugs.
[13] Shafer SL, Varvel JR. Pharmacokinetics, pharmacodynamics, and Anesthesiology 1992;76:334–41.
rational opioid selection. Anesthesiology 1991;74:53–63. [34] Maitre PO, Stanski DR. Bayesian forecasting improves the prediction
[14] Minto CF, Schnider TW, Egan TD, Youngs E, Lemmens HJ, Gambus of intraoperative plasma concentrations of alfentanil. Anesthesiology
PL, et al. Influence of age and gender on the pharmacokinetics and phar- 1988;69:652–9.
macodynamics of remifentanil. I. Model development. Anesthesiology [35] Minto CF, Schnider TW. Expanding clinical applications of population
1997;86:10–23. pharmacodynamic modeling. Br J Clin Pharmacol 1998;46:321–33.
[15] Minto CF, Schnider TW, Shafer SL. Pharmacokinetics and pharma- [36] Wright PM. Population based pharmacokinetic analysis: why do we
codynamics of remifentanil. II. Model application. Anesthesiology need it; what it is; and what it has told us about anaesthetics. Br J
1997;86:24–33. Anaesth 1998;80:488–501.
[16] Kharasch ED. Principles of drug action. Principles of drug biotrans- [37] Sheiner LB, Beal S, Rosenberg B, Marathe VV. Forecasting individual
formation. In: Evers AS, Maze M, Kharasch ED, editors. Anesthetic pharmacokinetics. Clin Pharmacol Ther 1979;26:294–305.
pharmacology. Basic principles and clinical practice. Cambridge: [38] Mertens MJ, Olofsen E, Engbers FH, Burm AG, Bovill JG, Vuyk J. Pro-
Cambridge University Press; 2011, p. 72–89. pofol reduces perioperative remifentanil requirements in a synergistic
[17] Gupta DK, Krejcie TC, Avram MJ. Essential drugs in anesthetic prac- manner: response surface modeling of perioperative remifentanil-
tice. Pharmacokinetics of opioids. In: Evers AS, Maze M, Kharasch propofol interactions. Anesthesiology 2003;99:347–59.
ED, editors. Anesthetic pharmacology. Basic principles and clinical [39] Hogan K. Principles of drug action. Principles of pharmacogenetics.
practice. Cambridge: Cambridge University Press; 2011, p. 509–30. In: Evers AS, Maze M, Kharasch ED, editors. Anesthetic pharmaco-
[18] Wilkinson GR, Shand DG. A physiologic approach to hepatic drug logy. Basic principles and clinical practice. Cambridge: Cambridge
clearance. Clin Pharmacol Ther 1975;18:377–90. University Press; 2011, p. 132–46.
[19] Nies AS, Shand DG, Wilkinson GR. Altered hepatic blood flow and [40] Landau R, Bollag LA, Kraft JC. Pharmacogenetics and anaesthesia:
drug disposition. Clin Pharmacokinet 1976;1:135–55. the value of genetic profiling. Anaesthesia 2012;67:165–79.
[20] Blaschke TF. Protein binding and kinetics of drugs in liver diseases. [41] Vuilleumier PH, Stamer UM, Landau R. Pharmacogenomic considera-
Clin Pharmacokinet 1977;2:32–44. tions in opioid analgesia. Pharmacogenomics Pers Med 2012;5:73–87.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Haberer JP. Principes de pharmacocinétique appliqués à l’anesthésie. EMC - Anesthésie-Réanimation
2016;13(2):1-14 [Article 36-304-A-10].
14 EMC - Anesthésie-Réanimation
Téléchargé pour moncef alawi (alawimoncef@gmail.com) à University of Tunis El Manar Faculty of Medicine of Tunis à partir de ClinicalKey.fr par Elsevier
sur mars 21, 2023. Pour un usage personnel seulement. Aucune autre utilisation n´est autorisée. Copyright ©2023. Elsevier Inc. Tous droits réservés.