36-305-A-30

Propofol : pharmacodynamie et utilisation

pratique
J.-P. Haberer

Résumé : Le propofol est l’anesthésique intraveineux le plus utilisé. Il est administré à la fois en bolus
pour l’induction et en perfusion pour l’entretien de l’anesthésie, le plus souvent en mode à objectif de
concentration (AIVOC). Les actions hypnotique, sédative et amnésiante du propofol sont dues à son
action sur différents récepteurs du système nerveux central. Sa cible principale sont les récepteurs A du
GABA dont il est un agoniste. À l’électroencéphalogramme, le propofol induit des ondes amples et lentes
et en anesthésie profonde des bursts suppression. La perte de conscience et le maintien de l’anesthésie
sont liés à une interruption des connexions entre les régions cérébrales impliquées dans l’état d’éveil
et le sommeil. Les effets cardiovasculaires principaux sont une baisse de la pression artérielle d’environ
15 à 20 %. Le débit cardiaque reste stable ou diminue légèrement. Les effets hémodynamiques sont
plus importants en cas de maladie cardiaque et chez le sujet âgé. Le propofol entraîne une dépression
de la ventilation et l’hypotonie des muscles pharyngolaryngés favorise l’obstruction des voies aériennes
supérieures. Le propofol a peu d’effet sur la fonction rénale et hépatique et sur les glandes endocrines.
Le principal inconvénient du propofol est la douleur au niveau du site d’injection, surtout chez l’enfant.
Les complications sont rares et l’allergie est exceptionnelle. Le propofol est conseillé pour l’anesthésie des
patients atteints de maladies génétiques (hyperthermie maligne, porphyries aiguës). Il est utilisé pour
tous types de patients et de chirurgie. C’est l’anesthésique de choix pour les actes d’endoscopie et de
radiologie interventionnelle. En réanimation, il est utilisé pour la sédation, la limitation des doses et de
la durée permet d’éviter le syndrome de perfusion du propofol.
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Mots-clés : Propofol ; Effets cardiovasculaires ; Effets respiratoires ; Récepteurs GABAA ; Conscience ;

Électroencéphalographie ; Neurotoxicité ; Effets secondaires ; Utilisation pratique

Plan ■ Interférences pharmacodynamiques 14

■ Effets indésirables 14
■ Introduction 2 ■ Utilisation pratique 16
■ Effets sur le système nerveux central 2 ■ Utilisation non anesthésique 17
■ Effets sur le muscle et la transmission neuromusculaire 8 ■ Annexe A. Récepteur GABAA 17
■ Effets sur l’appareil cardiovasculaire 8 ■ Annexe B. Action sur les autres récepteurs du système
■ Effets sur l’appareil respiratoire 11 nerveux central 18
■ Effets sur le rein 11 ■ Annexe C. Effets hypnotiques 18
■ Effets sur l’appareil digestif 12 ■ Annexe D. Effets hypnotiques et conscience 18
■ Effets métaboliques généraux 12 ■ Annexe E. EEG et « burst suppression » 19
■ Effets sur les glandes endocrines 12 ■ Annexe F. Électroencéphalographie et profondeur
■ Effets hématologiques 13 de l’anesthésie 20
■ Annexe G. Réflexe H 20
■ Immunologie 13
■ Annexe H. Protection myocardique 20
■ Inflammation 13
■ Annexe I. Stress oxydatif et effet antioxydant 21
■ Cancer 13
■ Annexe J. Pharmacodynamie. Divers 21
■ Effets sur l’œil 13
■ Annexe K. Interférences pharmacodynamiques 21
■ Obstétrique 13

EMC - Anesthésie-Réanimation 1
Volume 40 > n◦ 4 > octobre 2020
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36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
■ Annexe L. Antécédents de diabète
■ Annexe M. Anesthésie intraveineuse à objectif
de concentration (AIVOC)
■ Annexe N. Propofol et système endocannabinoïde
■ Annexe O. Médecine forensique
■ Annexe P. Pour en savoir plus
 Introduction
Le propofol est l’anesthésique intraveineux le plus utilisé en
anesthésie-réanimation. Cette position prééminente est liée à
son profil pharmacocinétique adapté à l’utilisation en perfu-
sion continue et à sa bonne tolérance pharmacodynamique, la
seule limitation étant ses effets hémodynamiques chez certains
patients. Ce chapitre fait la synthèse des effets pharmacody-
namiques du propofol et résume ses principales utilisations
pratiques [1, 2] .
 Effets sur le système nerveux
central
Mécanisme d’action
Préciser le mécanisme d’action du propofol au niveau du sys-
tème nerveux central (SNC) revient à envisager les mécanismes
de l’anesthésie générale [3, 4] . Si plusieurs sites et mécanismes
d’action ont été identifiés, il n’est pas possible actuellement de
proposer un schéma d’ensemble des mécanismes par lesquels
le propofol induit et maintient la perte de conscience. Tous les
domaines des neurosciences, étude des récepteurs cérébraux et de
leurs neuromédiateurs, biologie moléculaire, imagerie cérébrale
fonctionnelle, électrophysiologie cérébrale et description des cir-
cuits neuronaux impliqués dans la conscience, la mémoire et
le sommeil, ont été appliqués à l’étude du propofol. Les cibles
moléculaires du propofol sont principalement des récepteurs neu-
ronaux localisés dans différentes régions du SNC. Le propofol
en agissant sur certains récepteurs du SNC facilite ou bloque les
connexions entre les régions cérébrales impliquées dans l’état de
veille, dans la conscience et la nociception [4] .
Le propofol exerce son effet hypnotique principalement par une
potentialisation des effets inhibiteurs de l’acide ␥-aminobutyrique
(GABA), neurotransmetteur inhibiteur le plus abondant dans le
SNC. Il partage cette action avec d’autres anesthésiques dont le
thiopental, l’étomidate et les benzodiazépines [3] .
“ Point fort
Les différentes actions du propofol, action sédative et
anxiolytique, perte de conscience, anesthésie profonde
chirurgicale, amnésie et immobilité mettent en jeu non
seulement des circuits neuronaux différents mais peut-être
aussi des récepteurs différents.
Action sur les récepteurs GABAA
L’action la mieux précisée est celle sur les récepteurs A, surtout
postsynaptiques de l’acide ␥-aminobutyrique (GABAA R) (Fig. 1).
Les récepteurs GABAA R font partie de la famille des récepteurs
pentamériques associés à un canal ionique et dont l’ouverture
est activée par la fixation d’un ligand (pentameric ligand-gated
ion channels, pLGIC) [5] . L’action inhibitrice est secondaire à la
liaison de l’agoniste au récepteur GABAA qui maintient le canal
chlore postsynaptique en position ouverte, favorisant la pénétra-
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21 tion intracellulaire du chlore ce qui hyperpolarise le neurone et
bloque la transmission synaptique. Aux doses cliniques, le propo-
22 fol agit comme un modulateur allostérique qui augmente l’activité
du canal ionique en se fixant au niveau d’une cavité protéique
22
située à distance du site de fixation du GABA, ligand physiolo-
22 gique. Le propofol produit une modification conformationnelle
22 du récepteur qui augmente et prolonge l’action du GABA. Les
études structure-activité ont montré que la puissance anesthé-
sique du propofol est liée à la fois au radical OH qui est donneur
de ponts hydrogène au niveau des acides aminés des sous-unités
du récepteur et aux interactions hydrophobes avec les radicaux
isopropyle en position 2 et 6 sur le noyau aromatique [6] . Aux
concentrations supracliniques, le propofol active directement les
GABAA R.
Les récepteurs synaptiques sont responsables de l’inhibition
rapide phasique en réponse à l’augmentation transitoire du GABA
libéré par les vésicules synaptiques. Les récepteurs GABAA sont
aussi présents au niveau des régions extrasynaptiques notamment
au niveau des dendrites. Ces récepteurs extrasynaptiques sont acti-
vés de façon répétitive par le GABA périsynaptique et produisent
une inhibition tonique de durée prolongée [7] . Les récepteurs
synaptiques sont activés par des concentrations de GABA élevées
tandis que les récepteurs extrasynaptiques sont sensibles à des
concentrations plus faibles de GABA.
Les récepteurs GABAA sont formés par cinq sous-unités assem-
blées autour d’un canal central. Dix-neuf sous-unités différentes
ont été identifiées et sont dénommées, ␣1-6, ␤1-3, ␥1-3, ␦, ␧, ␪ et
␳1-2. La combinaison de ces sous-unités donne naissance à près de
20 à 30 isoformes du récepteur GABAA . La combinaison la plus fré-
quente est celle qui associe deux sous-unités ␣, deux sous-unités ␤
et une sous-unité ␥ ou ␦. Les récepteurs synaptiques comportent
une sous-unité ␥ et les récepteurs extrasynaptiques une sous-unité
␦. Pour les récepteurs synaptiques, la structure ␣1␤2␥2 est la plus
fréquente, suivie des structures ␣2␤3␥2 et ␣3␤1-3␥2 [3, 7] . Pour les
récepteurs extrasynaptiques qui comportent des sous-unités ␣4-6,
les structures les plus fréquentes sont ␣4␤x␦, ␣5␤x␥2 et ␣6␤x␦.
L’importance respective des différentes sous-unités dans les
actions pharmacologiques du propofol reste discutée. Le rôle des
sous-unités ␤ est le mieux établi et notamment celui de la sous-
unité ␤3.
Les récepteurs GABAA sont disséminés dans le SNC (cortex et
thalamus) et périphérique (moelle). La distribution des récepteurs
GABAA varie selon la région cérébrale, à l’intérieur d’une même
région et même au niveau des différents neurones d’une même
région (Annexe A).
Action sur les autres récepteurs
Les études in vitro et in vivo chez l’animal ont montré que
le propofol agit au niveau de nombreux autres récepteurs du
SNC [8] . L’intervention de ces récepteurs dans l’action pharma-
codynamique du propofol est moins bien établie que pour les
récepteurs GABAA . Ils interviendraient surtout dans les effets tels
que l’amnésie, l’analgésie, la suppression de la réactivité aux sti-
muli sensoriels et la mémorisation.
Les récepteurs, les canaux ioniques et les autres structures cel-
lulaires sur lesquels agit le propofol sont résumés dans l’Annexe
B.
Le propofol agit sur des récepteurs possédant un canal ionique
activé par la fixation d’un ligand tels les récepteurs cholinergiques
et les récepteurs à la glycine. L’effet de ces récepteurs sur l’action
hypnotique du propofol est controversé. Chez le rat, la strychnine
(antagoniste des récepteurs à la glycine) diminue l’effet hypno-
tique du propofol. Les récepteurs NMDA (N-méthyl-d-aspartate)
sont des cibles de la kétamine et des anesthésiques halogénés.
En revanche, si certaines études in vitro ont observé une inhibi-
tion des récepteurs NMDA par le propofol, cette action ne semble
pas intervenir dans son effet hypnotique. Les récepteurs choliner-
giques muscariniques auraient un rôle dans la survenue des rêves
sous propofol, les rêves étant supprimés par la scopolamine. Les
récepteurs cholinergiques nicotiniques pourraient intervenir dans
l’effet hypnotique du propofol puisque la physostigmine favorise
le réveil au cours de la sédation par propofol [9] . Le propofol dimi-
nue la libération de l’acétylcholine au niveau de certaines régions
 Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30

Récepteur GABAA Sous-types de récepteurs

7 nm α1 β2 α2 β3 α5 β3
Milieu
extracellulaire

Paroi cellulaire 5 nm β2 γ2 β2 γ2 β3 γ2
α1 α2 α5
Cytoplasme
3 nm

8 nm

Cerveau Moelle

Amnésie Sédation Anxiolyse Hypnose Antihyperalgésie Immobilité

α1 α1 α2 β2 α2 β3
α5 β2 β3
Figure 1. Schéma général du récepteur GABAA . Le récepteur est formé de cinq sous-unités qui sont groupées autour d’un canal ionique chlore. Chaque
sous-unité comporte une partie extracellulaire et une partie cytoplasmique. La majorité des récepteurs sont formés par deux ␣, deux ␤ et une sous-unité
␥. Les récepteurs en fonction du nombre et du type de sous-unités ␣, ␤, ␥ ou autres sont les médiateurs de l’action hypnotique, sédative, amnésique et
antihyperalgésique des agents anesthésiques (d’après B. Antkowiak [5] ).

cérébrales telles que le cortex frontal, l’hippocampe et à un degré

moindre le striatum.
La noradrénaline est un neuromédiateur excitateur, modulateur
du système d’éveil ascendant (locus coeruleus et protubérance).
Chez le rat, les récepteurs adrénergiques du thalamus influencent
l’effet hypnotique du propofol [10] . Les neurones dopaminergiques
de l’aire tegmentale ventrale et de la substance grise périaquedu-
cale contribueraient à l’émergence de l’anesthésie et l’inhibition
de la neurotransmission dopaminergique jouerait un rôle dans
l’action hypnotique du propofol [10] .
Une action du propofol a aussi été observée sur les récepteurs
à l’histamine, les récepteurs à l’adénosine (récepteurs A1 et A2A),
les récepteurs TRPA (transient receptor potential A) et TRPV (transient
receptor potential vanilloide). Le propofol bloque les voies orexiner-
giques qui interviennent dans le cycle éveil-sommeil [11] .
Effets hypnotiques
Le propofol est un anesthésique d’effet rapide et de courte durée
d’action. Les variables habituellement utilisées pour caractériser
le délai de perte de conscience (LOC, loss of consciousness) sont
celles allant du début de l’injection de l’anesthésique jusqu’à
ce que le patient s’arrête de compter, arrête de serrer la main
ou ne réagit plus à une stimulation tactile ou auditive. Pour
une dose de 2,5 mg kg−1 , ce délai est de 30 à 60 secondes
selon la vitesse d’injection [12] . Le délai de l’induction diminue
avec l’âge. La vitesse d’injection joue un rôle déterminant et le
délai d’endormissement est d’autant plus rapide que la vitesse
d’administration augmente [13] .
Le réveil, marqué par l’ouverture spontanée des yeux (ROC,
recovery of consciousness), survient 3,5 à 8 minutes après l’arrêt de
l’administration du propofol. Les effets du propofol sont ampli-
fiés et prolongés par l’adjonction d’un opiacé (cf. Interférences
pharmacodynamiques).
Il existe une grande variabilité interindividuelle des concen-
trations sanguines du propofol mesurées au moment de la perte
de conscience. Ces concentrations dépendent étroitement de la
dose et de la vitesse d’administration. En effet, au moment de
l’induction de l’anesthésie, il n’y a pas d’équilibration entre le
sang et le cerveau et la concentration sanguine ne reflète pas
la concentration cérébrale [14] . Dans les conditions d’un pseudo-
équilibre la concentration sanguine moyenne au moment du LOC
15
Aréactif (n)
10
5
0
0 21 3 4 5
Cp de propofol mesurée (µg ml–1)
Figure 2. Nombre de patients qui en fonction de la concentration plas-
matique mesurée de propofol ne réagissent pas au moment de la perte de
conscience (LOC) (courbe rouge) et au moment du réveil (ROC) (courbe
verte). L’hystérésis entre les deux courbes serait expliquée par l’inertie
neuronale du système nerveux central (d’après P.O. Sepúlveda [16] ).
chez des volontaires jeunes est de 5,5 ± 1,3 ␮g ml−1 [13] . Chez des
patients de 15 à 83 ans, la concentration moyenne au moment du
LOC est de 3,69 ± 1,09 ␮g ml−1 . Elle diminue avec l’âge [15] . Chez
des sujets jeunes pour une administration lente de 10 mg kg−1 h−1 ,
la dose d’induction est de 92 ± 6 mg et le temps d’induction (LOC)
de 625 ± 36 s ; pour une administration rapide de 300 mg kg−1 h−1 ,
la dose d’induction est de 195 ± 20 mg et le temps d’induction de
44 ± 4 s [13] .
La perte de conscience au moment de l’induction et le réveil au
moment de la dissipation de l’effet des anesthésiques sont deux
phénomènes dont les bases neurophysiologiques ne sont pas tota-
lement identiques. Il ne s’agit pas de simples états en miroir. Ceci
expliquerait en partie que la concentration sanguine de propofol
soit différente au moment du LOC et du ROC. Dans une étude
chez des sujets jeunes, la concentration moyenne au moment
du LOC a été de 2,6 ␮g ml−1 (extrêmes 1,2 à 4,7 ␮g ml−1 ) et de
1,6 ␮g ml−1 (extrêmes 0,6 à 3,3 ␮g ml−1 ) au moment du ROC [16]
(Fig. 2). Cette différence entre les deux concentrations définit le
phénomène d’hystérésis qui serait lié à l’inertie neuronale des
structures cérébrales impliquées dans la perte de conscience et

EMC - Anesthésie-Réanimation 3
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du réveil anesthésique. Ce phénomène d’hystérésis n’a pas été
observé par tous les auteurs [17] et la réalité de l’inertie neuro-
nale appliquée aux anesthésiques intraveineux est encore discutée
(Annexe C).
Effet sur la conscience
L’action inhibitrice du propofol au niveau du SNC est corti-
cale et sous-corticale. Le thalamus joue un rôle central dans le
traitement des informations sensorielles transmises aux régions
corticales. La perte de conscience s’accompagne d’une diminu-
tion de l’activité et du débit sanguin régional et du métabolisme
du thalamus. Si les principales régions cérébrales impliquées dans
la perte de conscience qui suit l’administration d’un anesthé-
sique ont été identifiées, le déroulement spatiotemporel précis de
leur inhibition est encore l’objet de discussions. Dans la première
hypothèse, la cible initiale est le thalamus dont la commuta-
tion (switch) aboutit à une inhibition thalamocorticale. Cette
hypothèse s’appuie sur l’observation d’une atténuation de la puis-
sance des fréquences ␥ de l’activité électrique plus importante
au niveau du thalamus que du cortex. Pour la deuxième hypo-
thèse, le phénomène initial est l’action sur les circuits corticaux
et la connectivité corticocorticale [18] . Dans une étude chez le rat,
par rapport à l’état de veille, la suppression de la cohérence élec-
troencéphalographique et de la connectivité frontopariétale dans
la bande des fréquences élevées ␥ (85 à 155 Hz) est la signature de
la perte de conscience aussi bien au cours du sommeil REM que
de l’anesthésie induite par le propofol ou le sévoflurane [18, 19] .
Le propofol agit aussi sur d’autres régions cérébrales. Ainsi les
anesthésiques augmentent la transmission inhibitrice dans le lobe
olfactif et l’hippocampe. L’hippocampe joue un rôle central dans
l’apprentissage et la mémorisation. Le propofol par son action sur
l’hippocampe induirait l’amnésie qui accompagne l’anesthésie [20]
(Annexe D).
Effets sur l’activité électrique cérébrale
Effets sur l’électroencéphalogramme
−1
L’injection d’un bolus de 2,5 mg kg de propofol induit rapi-
dement des modifications électroencéphalographiques. En moins
d’une minute, l’activité physiologique de veille se désynchro-
nise et le rythme alpha (9 à 10 Hz) augmente d’amplitude. À
la deuxième minute apparaissent des ondes théta amples à pré-
dominance antérieure. Puis surviennent des ondes delta lentes
(1 à 3 Hz), hypervoltées, de projection diffuse, à prédominance
bifrontale. Au stade suivant celles-ci sont fragmentées en bouf-
fées et séparées par une activité polymorphe, de faible amplitude
et de localisation antérieure [21, 22] . Lors de la perte de conscience,
les variations EEG sont importantes et l’amplitude des oscilla-
tions des ondes lentes delta peut être 5 à 20 fois supérieure à
l’amplitude des oscillations des ondes ␥ et ␤ observées à l’état de
veille (Fig. 3) [23] .
Pendant l’entretien de l’anesthésie, l’activité cérébrale élec-
trique est comparable à l’activité lente enregistrée lors du sommeil
non-REM et ceci est un argument en faveur d’une action sur
le système d’éveil. La perte de conscience est caractérisée par
un déplacement des oscillations lentes et du rythme alpha des
régions occipitales vers les régions frontales, phénomène appelé
antériorisation électroencéphalographique. Ces oscillations sont
cohérentes, c’est-à-dire synchrones. À la dose de 2,5 mg kg−1 ,
l’apparition de bursts suppression et d’un tracé isoélectrique n’est
pas constante. Chez l’adulte, ce tracé électroencéphalographique
est observé pour des doses habituellement plus importantes et tra-
duit un niveau d’anesthésie profond. Les bursts suppression sont
plus fréquents chez le sujet âgé. Ainsi celui-ci peut présenter des
épisodes de burst suppression très rapidement après l’injection d’un
seul bolus de propofol.
Les modifications EEG ne sont pas univoques et d’importantes
variations interindividuelles sont observées au moment de la perte
de conscience. Dans une étude au moment de LOC, 5 % des sujets
ont une activité bêta dominante (> 12 Hz), 53 % une activité
delta (2–4 Hz), 29 % une activité lente (< 1 Hz) et 13 % des bursts
suppression [24] .
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Lorsque la perfusion de propofol est stoppée et que le
patient se réveille, les oscillations lentes et alpha se dissipent
et sont progressivement remplacées par des oscillations bêta et
gamma de fréquences plus élevées et d’amplitude plus faible.
L’antériorisation de l’EEG régresse avec perte des oscillations alpha
cohérentes frontales qui se déplacent vers la région occipitale.
L’activité électrique cérébrale a été enregistrée au cours de la
chirurgie de l’épilepsie par des électrodes sous-durales [25] . Les
modifications EEG induites par le propofol sont sensiblement
identiques à celles enregistrées avec des électrodes de surface.
Les microélectrodes sous-corticales (DBS, deep brain stimulation)
pour la stimulation dans la maladie de Parkinson (noyau sous-
thalamique, globus pallidus interne) et le traitement des douleurs
chroniques (cortex cingulaire antérieur, thalamus sensoriel et
substance grise périaqueducale) enregistrent les potentiels des
courants locaux (LFP, local field potentials) qui sont diminués par le
propofol. Cette action du propofol pourrait être une aide au posi-
tionnement correct des électrodes de stimulation (Annexes E et F).
Effets sur les potentiels évoqués
Les potentiels évoqués (PE) sont utilisés pour le monitorage neu-
rophysiologique dans la chirurgie du rachis [26] , la chirurgie ORL
et la chirurgie intracérébrale (anévrisme). Les PE auditifs ont aussi
été proposés pour la surveillance de la profondeur de l’anesthésie.
L’interprétation du monitorage neurophysiologique doit prendre
en compte les modifications des PE liées au propofol.
Potentiels évoqués somesthésiques
Les PE somesthésiques monitorent les colonnes postérieures
de la moelle et sont utilisés dans la chirurgie du rachis [26] .
Après stimulation du nerf tibial, les PE sont détectés au niveau
du cortex sensoriel par des électrodes cutanées ou sous-durales.
Le propofol diminue l’amplitude et augmente la latence des PE
somesthésiques, mais son effet est moins important que celui des
anesthésiques halogénés. L’association propofol–rémifentanil est
conseillée car le rémifentanil a peu d’effet sur les PE et il permet
de réduire les doses de propofol.
Potentiels évoqués moteurs
Les PE moteurs monitorent la partie antérolatérale de la moelle.
L’amplitude des PE est diminuée par le propofol. Une anesthésie
associant le propofol à une concentration cible de 2,5 ␮g ml−1
et le rémifentanil, le BIS étant entre 45 et 60, permet un recueil
satisfaisant des PE moteurs [27] . Les PE moteurs ont une amplitude
plus grande avec le propofol qu’avec le desflurane. Au cours des
anesthésies de longue durée (4 à 5 h), l’amplitude des PE moteurs
diminue progressivement.
Potentiels évoqués auditifs
Le propofol diminue l’amplitude et augmente les latences
médianes des ondes Pa et Nb des PE auditifs. Les modifications
des PE auditifs sont dose-dépendantes [28] . Chez des enfants béné-
ficiant d’implants auditifs au niveau du tronc cérébral, le propofol
comme le sévoflurane ne modifient pas les PE auditifs enregistrés
au niveau du tronc cérébral.
Électrorétinogramme
Chez le porc, le propofol modifie légèrement les ondes b et a de
l’électrorétinogramme et ces modifications sont moins marquées
qu’avec le thiopental [29] .
Effets sur la circulation cérébrale,
la consommation cérébrale d’oxygène,
la pression intracrânienne
Le propofol diminue la consommation d’oxygène du cerveau
(CMRO2 ) et le débit sanguin cérébral (DSC) et augmente les
résistances vasculaires cérébrales. L’équilibre entre la CMRO2 et
l’apport en oxygène est préservé. La diminution du DSC est
dose-dépendante. Elle est en moyenne de 25 à 60 %. Au stade
d’anesthésie profonde qui est associé à l’EEG avec des bursts sup-
pression, la réduction de la CMRO2 est en moyenne de 60 %. Chez
des volontaires sains à la concentration sanguine moyenne de
7,4 ± 1,7 ␮g ml−1 , la diminution du DSC régional (rCBF) est de 62

A Éveillé et yeux ouverts : oscillations bêta et gamma
B Excitation paradoxale : oscillations bêta
C Sédation : oscillations alpha et bêta
D Inconscience au stade chirurgical : oscillations lentes et alpha
E Inconscience durant l'induction : oscillations lentes
F Inconscience : burst suppression
G Inconscience : tracé isoélectrique
50 µV
1s
à 70 %. L’augmentation de la concentration sanguine de propofol
(12,3 ± 2,6 et 18,3 ± 5 ␮g ml−1 ) n’entraîne qu’une diminution
supplémentaire modérée du DSC. Il existe donc un effet plafond
et la plus grande réduction du DSC est observée avec la concen-
tration initiale [30] . Chez des volontaires sains, le propofol à la
concentration sanguine moyenne de 1,73 ± 0,37 ␮g ml−1 (corres-
pondant à la dose EC50 pour la perte de conscience) diminue la
consommation cérébrale de glucose (CMRglucose) en moyenne de
28,6 % [31] . La diminution du DSC est plus importante au niveau
de la substance grise. Chez des volontaires pour une concentra-
tion sanguine moyenne de propofol de 4,1 ± 0,8 ␮g ml−1 et un BIS
entre 35 et 40, le DSC régional (rCBF) et la CMRglucose régionale
diminuent dans la substance blanche et la substance grise respec-
tivement de 37 % et 49 % et de 45 % et 57 % [32] . La réduction de
la CMRglucose est dose-dépendante ; elle est maximale dans les
régions corticales.
Les variations du DSC ne sont pas identiques au niveau de
toutes les régions cérébrales. Par exemple, elle est plus impor-
tante au niveau du cortex cingulaire et au niveau des structures
sous-corticales impliquées dans l’état d’éveil comme le thalamus.
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
Figure 3. Effet du propofol sur l’électro-
encéphalogramme (EEG) (d’après P.L. Pur-
don [23] ).
A. Sujet éveillé, yeux ouverts.
B. Excitation paradoxale.
C. Oscillations alpha et bêta habituellement
observées au cours de la sédation.
D. Ondes lentes delta et oscillations alpha obser-
vées durant la perte de conscience.
E. Oscillations lentes habituellement observées au
moment de la perte de conscience au cours de
l’induction.
F. Burst suppression.
Chez l’animal, le propofol préserve l’autorégulation de la cir-
culation cérébrale, aussi bien lors des variations de la pression
artérielle que lors de celles de la PaCO2 [33] . Chez l’animal, une
hypocapnie n’entraîne pas une diminution supplémentaire du
DSC sans doute en raison de la vasoconstriction liée à la dimi-
nution du DSC entraînée par le propofol. Chez l’homme, des
résultats identiques ont été observés [34] .
La saturation en oxygène du sang de la veine jugulaire interne
(SjvO2 ) est un indice indirect de la CMRO2 et de l’adéquation
entre DSC et CMRO2 . La diminution de la SjvO2 est le témoin
d’une augmentation de l’extraction cérébrale d’oxygène. La plu-
part des auteurs admettent qu’une SjvO2 inférieure à 50 % est le
témoin d’une inadéquation relative entre le DSC et la CMRO2 .
Plusieurs études montrent que la SjvO2 diminue plus avec le pro-
pofol qu’avec le sévoflurane et la fréquence d’une SjvO2 inférieure
à 50 % est plus grande. Le propofol maintiendrait moins bien
l’équilibre entre apport et consommation que le sévoflurane [35] .
Les variations du DSC sont liées à la perte de conscience et à la
réduction de l’activité cérébrale. Elles s’accompagnent de modi-
fications de la vasomotricité des vaisseaux cérébraux. In vitro
5
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
le propofol a un effet vasodilatateur sur des anneaux d’artères
cérébrales animales. Cet effet vasodilatateur est même observé
en l’absence de l’endothélium et son mécanisme met en jeu
une interférence avec les mouvements calciques au niveau des
fibres musculaires lisses de la paroi artérielle. Sur des artères piales
humaines, le propofol ne modifie pas la vasomotricité. In vivo
la vasomotricité cérébrale est régulée par l’équilibre entre DSC
et CMRO2 . Les résistances artérielles cérébrales mesurées en pre-
nant en compte la pression de perfusion cérébrale et le DSC sont
normales [36] .
La réduction du flux de l’artère cérébrale moyenne (vMCA)
mesuré par doppler transcrânien est sensiblement parallèle à celle
du DSC [37] . Chez le chien sous anesthésie par perfusion de propo-
fol jusqu’à des bursts suppression, il y a une bonne relation entre la
diminution du vMCA (60 %) et du DSC (70 %). Chez des patients
ayant eu une sédation avec le propofol à une concentration cible
de 2 à 3 ␮g ml−1 , la vMCA moyenne n’a pas été modifiée [38] .
Le propofol diminue la pression intracrânienne (PIC). L’action
sur la PIC dépend en partie de sa valeur avant l’anesthésie. Chez le
traumatisé crânien, la PIC diminue en moyenne de 19 % [36] . Tous
les auteurs n’ont pas noté cette diminution [39] . La mesure par
échographie du diamètre de la gaine du nerf optique est consi-
dérée comme un paramètre indirect de la PIC. Au cours de la
chirurgie robotique de la prostate en position de Trendelenburg,
le propofol limite l’augmentation du diamètre de la gaine du nerf
optique [40] .
Action spinale
L’évolution du débit sanguin spinal est sensiblement identique
à celle du débit cardiaque et du DSC [41] .
Le réflexe H est un réflexe spinal qui correspond à la réaction
motrice en réponse à un stimulus nociceptif ou mécanique. Le
propofol déprime le réflexe H. Lors de l’induction, la suppression
du réflexe H apparaît plus rapidement que la perte de consci-
ence [42] . Le réflexe H est aboli pour une concentration sanguine
moyenne de 3 ␮g ml−1 alors qu’il faut des concentrations de 10
à 15 ␮g ml−1 pour abolir la réaction motrice à la stimulation chi-
rurgicale lorsque le propofol est utilisé seul. Les neurones de la
corne antérieure sont plus sensibles au propofol que les neurones
de la corne postérieure. Le propofol déprime aussi l’onde F (autre
témoin de l’excitabilité du motoneurone) du nerf médian avec
une EC50 de 1,04 ␮g ml−1 [43] .
Par son action au niveau de la moelle, le propofol participe à la
modulation de la nociception (cf. ci-dessous) (Annexe G).
Effet analgésique et anti-analgésique
Chez l’animal, le propofol inhibe la nociception liée à une
sensibilisation spinale et diminue la réponse des neurones de la
corne postérieure lombaire aux stimuli nociceptifs [44] . Le propofol
déprime le phénomène du windup au niveau des neurones spi-
naux. Un effet antinociceptif n’est pas noté par tous les auteurs et
dans certains cas un effet hyperalgésique a été décrit [45] . Ces effets
contradictoires pourraient s’expliquer par une action qui diffère
selon la concentration de propofol. Chez le rat, les doses sédatives
induisent une hyperalgésie par une action supraspinale inhibitrice
sur la voie nociceptive descendante. À l’inverse, les doses hypno-
tiques produisent l’analgésie au niveau spinal en inhibant les voies
nociceptives ascendantes.
Au niveau spinal, le propofol agit sur les récepteurs GABAA ,
les récepteurs à la glycine, les récepteurs NMDA et les récepteurs
aux opioïdes notamment delta. Chez des volontaires soumis à
un modèle de douleur aiguë, le propofol augmente le seuil de la
douleur [46] . L’influence du propofol sur l’intensité des douleurs
postopératoires est controversée. Certaines études ont observé que
l’anesthésie intraveineuse avec le propofol diminue la consom-
mation postopératoire d’analgésiques par comparaison avec les
agents halogénés [47] . D’autres auteurs n’ont pas observé cet effet
d’épargne analgésique [48] et même dans certaines études on note
une augmentation de l’intensité des douleurs postopératoires.
Le propofol a une influence favorable sur l’hyperalgésie des
opiacés. Cet effet est surtout net pour le rémifentanil. Dans un
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modèle de douleur expérimentale, la coadministration de propo-
fol et de rémifentanil atténue mais n’élimine pas l’hyperalgésie
induite par l’opiacé [49] . Chez des volontaires sains, le propofol
diminue l’hyperalgésie et l’allodynie. Cet effet antihyperalgé-
sique est néanmoins de brève durée puisqu’il disparaît lorsque la
concentration sanguine de propofol diminue et peut même être
suivie d’une hyperalgésie.
En conclusion, en clinique humaine, le propofol a une
influence modérée sur la fréquence et l’intensité des douleurs
postopératoires et les protocoles validés d’analgésie postopératoire
sont à appliquer après une anesthésie avec le propofol.
Effets sur les phénomènes convulsifs
Le propofol a des propriétés anticonvulsivantes in vitro et in
vivo [22] . In vitro sur des cellules pyramidales de la couche V du cor-
tex de rat, le propofol inhibe les potentiels d’action déclenchés par
des substances proconvulsivantes. L’action anticonvulsivante du
propofol peut s’expliquer par l’action sur les GABAA R, l’inhibition
des récepteurs NMDA, la modulation des canaux calciques lents
ou le blocage des canaux sodiques. L’effet antiépileptique du pro-
pofol n’est pas un obstacle à son utilisation au cours de la chirurgie
de l’épilepsie. Il ne masque pas la détection du foyer épilepto-
gène par l’électroencéphalographie corticale ou par les électrodes
cérébrales profondes [50] .
De nombreuses observations ont noté l’efficacité du propofol
dans le traitement de l’état de mal épileptique [51] . Il est parfois
efficace alors que les autres médicaments ont échoué. Néanmoins,
aucune étude prospective randomisée n’a démontré la supériorité
du propofol par rapport au thiopental [52] . Ce dernier n’étant plus
facilement disponible, le propofol est un substitut acceptable. Le
propofol en perfusion est efficace même sans atteindre à l’EEG le
stade des bursts suppression. Les doses de propofol nécessaires pour
stopper un état de mal épileptique sont très variables, allant de
0,1 à 24 mg kg−1 h−1 . Le propofol est efficace rapidement mais la
récidive des crises épileptiques est possible à l’arrêt de la perfusion.
Chez certains patients, le propofol peut déclencher
d’authentiques crises d’épilepsie généralisées [53] (cf. Effets
secondaires). La survenue des crises d’épilepsie serait favorisée
par les variations rapides des concentrations cérébrales de propo-
fol au moment de l’induction ou du réveil. Un antagonisme des
récepteurs à la glycine en serait un des mécanismes en cause.
Le propofol n’est pas contre-indiqué chez le patient épileptique
qui prend avec régularité son traitement.
Effets sur la thermorégulation et le rythme
circadien
Thermorégulation
Le propofol inhibe la vasoconstriction thermorégulatrice [54] .
Chez des volontaires, pour une concentration sanguine moyenne
de propofol de 3,9 ± 1,1 ␮g ml−1 , la vasoconstriction en réponse à
une hypothermie ne se déclenche que pour une température cen-
trale de 33,3 ± 1 ◦ C [55] . En revanche, le seuil de déclenchement de
la sudation est peu modifié. Le seuil de déclenchement du frisson
est aussi diminué par le propofol [55] .
Rythme circadien
Le propofol perturbe le cycle circadien chez les rongeurs et
chez l’homme [56] . Chez le rat pendant les 48 heures qui suivent
une anesthésie réalisée avec le propofol, le rythme circadien de
l’alternance repos-activité est perturbé [56] . Le jour qui suit une
coloscopie sous anesthésie générale par propofol, le cycle nor-
mal activité-sommeil est perturbé [57] . Le propofol entraîne une
modification des rythmes circadiens en agissant sur le noyau
suprachiasmatique, horloge principale de ces rythmes. Il perturbe
aussi le cycle circadien de la sécrétion de mélatonine chez le rat
pendant les 24 heures qui suivent l’anesthésie. La perturbation de
la sécrétion de mélatonine serait un des facteurs qui expliquerait
les troubles du sommeil après l’anesthésie et la chirurgie [57] .

Mémoire
Un des effets de l’anesthésie en général et du propofol en
particulier est de s’accompagner d’une amnésie antérograde. Le
propofol a un effet sur la mémorisation même à des doses faibles.
Ainsi chez des volontaires recevant des doses non sédatives de pro-
pofol (concentration plasmatique cible de 0,45 et 0,90 ␮g ml−1 )
au cours d’une phase d’apprentissage, on observe une amné-
sie antérograde liée à une perturbation de la consolidation de
la mémoire à long terme [58] . Le propofol empêche la mémoire
explicite épisodique [58] . Chez des volontaires, l’imagerie par réso-
nance magnétique (IRM) fonctionnelle montre que le propofol
agit au niveau de l’hippocampe et de l’amygdale, deux structures
impliquées dans la mémorisation des expériences à charge émo-
tionnelle importante [59] . Chez le rat, le propofol en agissant sur le
système endocannabinoïde pourrait aussi agir sur la consolidation
de la mémoire rétrograde.
Sommeil et rêves
Chez des volontaires jeunes ayant eu une anesthésie générale
avec le propofol dans l’après-midi, de 14 h à 15 h, la poly-
somnographie est peu modifiée durant la première nuit après
l’anesthésie. La distribution des stades 3 et 4 et du sommeil REM
n’est pas modifiée. La seule modification est une augmentation de
la latence de l’endormissement [60] . Chez des patients de réanima-
tion, la sédation par propofol a été accompagnée d’une durée de
sommeil allongée et de moins de perturbations de l’architecture
du sommeil par rapport à une sédation par fentanyl ou propofol-
fentanyl [61] .
La fréquence des rêves au cours de l’anesthésie générale a
été diversement évaluée. La réminiscence des rêves est plus fré-
quente lorsque l’interview est précoce, réalisé dès le réveil. Lorsque
l’interview est réalisé à la 24e heure, la fréquence des rêves est beau-
coup plus faible. Avec le propofol, les rêves sont plus fréquents
qu’avec le thiopental et sont plus souvent décrits comme plaisants
(cf. Effets secondaires) [62] . Les rêves que le patient se remémore
semblent surtout survenir dans la période qui précède immédia-
tement le réveil et sont plus fréquents au cours des anesthésies de
courte durée.
Neurotoxicité et neuroprotection
Neurotoxicité
Dès 1979, des études cliniques ont posé la question d’une
éventuelle action nocive de l’anesthésie sur le développement du
système nerveux chez le nouveau-né et le nourrisson [63] . Chez
l’animal, l’action neurotoxique des anesthésiques est observée
surtout pendant la période de maturation du SNC. Chez l’adulte,
le GABA est un neurotransmetteur inhibiteur, mais dans le cer-
veau immature, il agit comme un neurotransmetteur excitateur.
Ainsi dans le cerveau immature, la stimulation des récepteurs
GABAA aboutit à une augmentation du calcium intracellulaire,
ce qui favorise les lésions neuronales. Chez l’animal, l’exposition
in utero au propofol peut entraîner des lésions cérébrales immé-
diates et des modifications retardées de l’apprentissage et de la
mémorisation plusieurs semaines après la naissance.
Le propofol a une action neurotoxique sur différents modèles
expérimentaux in vitro sur cellules isolées en culture et in vivo
chez l’animal [64] . Trois facteurs principaux influencent la neuro-
toxicité des anesthésiques et du propofol en particulier :
• le moment de l’exposition : le SNC avant sa maturation
complète est plus sensible que le cerveau adulte. Chez l’homme,
la phase critique s’étend du troisième trimestre de la grossesse
jusqu’à l’âge de trois ans ;
• la durée d’exposition et la répétition de l’exposition à
l’anesthésique ;
• la relation dose-effet : la neurotoxicité dépend de la dose et
augmente avec celle-ci.
Plusieurs études ont montré que les neurones gabaergiques et
glutaminergiques sont plus sensibles que les neurones choliner-
giques.
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
Les mécanismes cellulaires de l’action toxique des anesthé-
siques sont nombreux. Certains mécanismes sont communs
à l’ensemble des anesthésiques intraveineux et halogénés et
d’autres sont plus spécifiques à une classe d’anesthésiques. Le pro-
pofol modifie l’apoptose et interfère avec le développement de la
neurogenèse, la multiplication des cellules souches neuronales, la
différentiation et la plasticité des neurones. Plusieurs études sug-
gèrent que les perturbations mitochondriales et la libération de
radicaux libres oxygène seraient des facteurs importants dans la
survenue des lésions neurodégénératives induites par les anesthé-
siques.
Plusieurs études cliniques ont eu pour objectif d’analyser
l’influence de l’anesthésie générale sur le développement cog-
nitif des nouveau-nés. Les difficultés méthodologiques associées
au caractère rétrospectif de la plupart des études font que leurs
conclusions sont à retenir avec précaution. Les résultats sont
contradictoires, certaines études concluant à l’absence d’effet de
l’anesthésie générale [65] et d’autres observant des perturbations
du développement cognitif [66] .
Neuroprotection
À l’inverse, de nombreuses études expérimentales ont démon-
tré que le propofol avait des propriétés neuroprotectrices en
cas d’agression cérébrale (traumatisme crânien, ischémie céré-
brale, hyperglycémie) [67, 68] . Le propofol limite l’importance des
lésions après une agression de type ischémie-reperfusion. Il a des
propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires qui mettent en
jeu de multiples mécanismes cellulaires : diminution du méta-
bolisme neuronal ce qui améliore la tolérance de l’ischémie,
inhibition de l’activation de la microglie, inhibition des récep-
teurs glutamate et NMDA, modulation de la concentration en
calcium intracellulaire, action sur les canaux potassiques des mito-
chondries, préservation des concentrations de protéine kinase II
calcium/calmoduline dépendante (CaMKII), diminution des cyto-
kines et des enzymes pro-inflammatoires, diminution de l’œdème
cérébral par modulation de l’expression de l’aquaporine 4 (AQP4).
Addiction et tolérance
Addiction
Le propofol a un pouvoir addictif important et son addiction
touche surtout les médecins et les paramédicaux et au premier
rang les médecins et les infirmiers(ères) anesthésistes [69] . Des
cas dans la population générale ne sont pas rares et le cas de
Michaël Jackson a été très médiatisé. En cas d’addiction au propo-
fol, son besoin irrépressible et sa recherche compulsive (craving)
sont des composantes fortes. À l’inverse, il y a peu de symptômes
de manque. Il existe des critères de tolérance (augmentation pro-
gressive des doses unitaires injectées) dans 50 % des cas. Certains
sujets s’injectent le propofol 20 à 40 fois par jour et des doses
journalières de 4 g ne sont pas rares. Le risque essentiel est la
dépression respiratoire et plusieurs décès par surdosage ont été
décrits. Dans près d’un cas sur deux, l’addiction au propofol est
associée à l’utilisation d’autres médicaments psychotropes (ben-
zodiazépines, opiacés), à l’alcool et au cannabis. Les antécédents
psychiatriques à type de dépression sont fréquents. Les sujets
ayant une addiction au propofol sont souvent victimes de trau-
matismes, accidents de la circulation et chutes au moment de
la diminution de la vigilance. L’addiction se caractérise par des
troubles du comportement et des problèmes en milieu profession-
nel. Le diagnostic est souvent fait par l’entourage professionnel.
En milieu médical, le problème délicat est celui du retour à
l’activité professionnelle antérieure. En anesthésie, le risque de
récidive est élevé et le changement de spécialité est recommandé.
Une des explications de l’addiction au propofol est son action
au niveau des circuits dopaminergiques de récompense mésocorti-
colimbiques [70] . Le nucleus accubens est une structure importante
du circuit de récompense et aux doses sédatives et anesthésiques,
le propofol augmente la concentration de dopamine au niveau
de ce noyau [71] . Le propofol induit la production de la molécule
addictive de signalement deltaFosB dans le noyau accumbens et
7
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
l’aire tegmentale ventrale par l’intermédiaire des récepteurs à la
dopamine D1 [72] .
Tolérance
La tolérance, phénomène proche de la tachyphylaxie, se défi-
nit par la nécessité d’augmenter la dose de propofol pour obtenir
le même effet hypnotique. La tolérance peut être due à une
augmentation de la clairance d’élimination (tolérance pharma-
cocinétique) ou à une diminution de la sensibilité cérébrale
(tolérance pharmacodynamique).
Les études expérimentales chez l’animal [73] et les études cli-
niques ont fourni des résultats contradictoires. Un cas de tolérance
a été observé chez un enfant ayant eu 23 anesthésies pour radio-
thérapie. Une augmentation progressive des doses a été nécessaire
et pour la dernière anesthésie, la dose de 18 mg kg−1 n’a pas
entraîné de perte de conscience [74] . Ce résultat n’a pas été noté
par d’autres auteurs. Chez les patients de réanimation soumis
à une sédation pendant 5 à 10 jours, certains nécessitent une
augmentation des doses pour le maintien d’un niveau de séda-
tion identique [75] . Il est probable que chez l’homme la tolérance
associe à des degrés variables une augmentation de la clairance
d’élimination et une diminution de la sensibilité du SNC.
 Effets sur le muscle
et la transmission
neuromusculaire
Sur une préparation de nerf phrénique-hémidiaphragme isolé
de rat, le propofol ne diminue la contraction musculaire en
réponse à une stimulation nerveuse que pour des concentra-
tions 5 à 10 fois supérieures aux concentrations cliniques [76] .
Le propofol ne modifie pas la transmission neuromusculaire et
il ne potentialise pas les curares dépolarisants et non dépolari-
sants [77] . Le propofol entraîne des modifications mineures du
profil pharmacodynamique des curares non dépolarisants. Par
exemple, il raccourcit le délai d’action du vécuronium mais ne
modifie pas la durée d’action et le délai de récupération [78] . Le
propofol, à l’inverse des anesthésiques halogénés, n’active pas
in vitro les canaux calciques liés à la ryanodine, aussi bien des
muscles squelettiques normaux que des muscles de porcs ayant
une susceptibilité à l’hyperthermie maligne.
 Effets sur l’appareil
cardiovasculaire
Effets hémodynamiques globaux
Les effets hémodynamiques du propofol ont été étudiés chez
de nombreuses espèces animales. Dans l’ensemble, les effets sur
la pression artérielle, le débit cardiaque, les résistances artérielles
systémiques et les pressions de remplissage sont souvent moindres
que chez l’homme [79] . Chez l’homme, les modifications car-
diovasculaires induites par le propofol dépendent de nombreux
facteurs (Tableau 1). Certaines modifications ne sont pas spé-
cifiques de l’anesthésique injecté, mais sont liées à la perte de
conscience et à la diminution de la consommation d’oxygène de
l’organisme du fait de l’anesthésie générale.
Chez l’adulte sain, une dose unique pour l’induction anesthé-
sique de 2 à 2,5 mg kg−1 injectée en 20 à 60 s s’accompagne
d’une diminution de la pression artérielle systolique (PAS) de 15 à
30 % [80–82] . La fréquence cardiaque (FC) reste stable, ou augmente
de 5 à 15 b min−1 , ou plus rarement diminue. L’augmentation de
la FC, observée dès la première minute, régresse souvent rapide-
ment. La diminution de la pression artérielle diastolique (PAD) et
moyenne (PAM) est sensiblement équivalente à celle de la PAS.
Le débit cardiaque (Qc) diminue moins que la PAS. Il s’abaisse en
moyenne de 10 à 20 %, rarement plus chez les patients ASA 1 ou
2. Le propofol abaisse les résistances artérielles légèrement moins
que la PAM. Les pressions de remplissage (pression veineuse cen-
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Tableau 1.
Facteurs qui modifient les effets hémodynamiques du propofol.
Prémédication
Dose de propofol
Vitesse d’injection
Agents associés
- Vagolytiques
- Opiacés
- Protoxyde d’azote
- Médicaments cardiovasculaires
Sexe
Âge
Antécédents
Ventilation peropératoire
Position peropératoire
Stimulations : intubation, acte chirurgical
trale, pression auriculaire droite et pression capillaire pulmonaire
bloquée) restent stables ou diminuent légèrement.
En définitive, le propofol détermine une hypotension artérielle
modérée chez l’adulte sain avec une diminution de la précharge,
de la postcharge et du débit cardiaque. Les mécanismes res-
ponsables sont multiples, faisant intervenir un effet vasculaire
périphérique prépondérant. Dans les cas habituels, l’effet vaso-
dilatateur tant au niveau du réseau artériel résistif qu’au niveau
du réseau veineux capacitif explique l’hypotension artérielle liée
au propofol. Ce n’est qu’en présence d’une altération préalable
de la fonction cardiaque qu’une diminution de la contractilité
myocardique peut être un facteur supplémentaire d’hypotension
artérielle (cf. ci-dessous).
En perfusion continue sans bolus initial avec ou sans utilisa-
tion du mode AIVOC, les effets hémodynamiques du propofol
sont doses-dépendants et habituellement moins prononcés qu’en
injections discontinues. Chez des patients après chirurgie abdomi-
nale majeure, les effets hémodynamiques du propofol administré
en mode AIVOC ont été mesurés pour trois concentrations san-
guines croissantes, respectivement de 3,0, 4,5 et 6,5 ␮g ml−1 . La
PAM diminue de 82 ± 13 mmHg pour une concentration sanguine
(Cb) de 3 ␮g ml−1 à 66 ± 10 mmHg pour une Cb de 6,5 ␮g ml−1 .
Le débit cardiaque reste stable ; les résistances vasculaires systé-
miques diminuent de 13,6 ± 4,5 à 11,0 ± 3,6 mmHg min−1 l−1 [83] .
Effets sur la contractilité myocardique
L’effet du propofol sur la contractilité myocardique a été étudié
in vitro et in vivo chez l’animal et en clinique humaine.
Études in vitro
Les études in vitro sur des fragments de muscle myocardique
auriculaire ou ventriculaire de rat, de hamster, de furet et de
patients de chirurgie cardiaque ont fourni des résultats variables.
Une majorité d’études a conclu à l’absence d’effet sur la contracti-
lité myocardique [84] . Chez le hamster atteint de myocardiopathie
hypertrophique congénitale, la contractilité du muscle papillaire
n’est pas altérée [85] . À l’inverse, une diminution de la contractilité
myocardique a été notée sur les myocytes ventriculaires isolés de
cobaye, sur le muscle papillaire de furet et de cobaye [86] . Les diver-
gences observées dans les études in vitro sont liées à des différences
entre les espèces, mais aussi à des différences méthodologiques,
notamment dans les concentrations de propofol introduites dans
la solution de survie. En effet, la concordance entre ces dernières
et les concentrations cliniques est incertaine.
Le propofol interfère avec les canaux ioniques calciques et
potassiques de la membrane et des structures intracellulaires des
cardiomyocytes [87] . Il inhibe le courant calcique lent entrant au
niveau des canaux de type L du sarcolemme. La traduction élec-
trophysiologique de cet effet est une diminution du plateau et
de la durée du potentiel d’action et de la repolarisation des cel-
lules ventriculaires. Il diminue aussi la libération de Ca2+ par le

réticulum sarcoplasmique. Le propofol interfère avec le transport
du calcium au niveau de la membrane mitochondriale des cardio-
myocytes de rat [88] . Il augmente la sensibilité des myofilaments
de troponine et de myosine au calcium par l’intermédiaire de la
voie de la phosphorylase kinase C [89] .
Études sur cœur isolé
Les études sur cœur isolé perfusé de rat, de cobaye ou de lapin
selon la méthode de Langendorff n’ont pas, pour une majorité
d’entre elles, observé de modification de la contractilité myo-
cardique pour des concentrations de propofol équivalentes aux
concentrations cliniques [84] .
Études animales in vivo
Chez des chiens ou des porcs à thorax ouvert, le propofol
diminue la précharge évaluée par la pression et le volume télé-
diastoliques ventriculaires gauches. Il n’est pas observé d’effet
inotrope négatif aux concentrations cliniques et la contractilité
myocardique diminue uniquement aux doses élevées [90, 91] . Lors
de l’ischémie aiguë induite par l’occlusion d’une artère coronaire,
le propofol ne modifie pas la contractilité myocardique [92] ou au
contraire déprime la contractilité du myocarde ischémié. Le pro-
toxyde d’azote exagère les anomalies dans les zones myocardiques
ischémiques. Le propofol ne modifie pas la fonction diastolique
ventriculaire gauche.
Études humaines
Chez l’homme, la mesure de la contractilité myocardique est
difficile et la plupart des techniques utilisées sont sujettes à cri-
tique. Ceci explique en partie les données divergentes de la
littérature. Le propofol a un effet inotrope négatif mais à des
concentrations nettement supérieures aux concentrations cli-
niques habituelles. Aux doses normales, le propofol ne modifie
pas la contractilité du ventricule gauche évaluée par angioscin-
tigraphie [93] . La fraction d’éjection du ventricule droit n’est pas
modifiée [94] ou diminuée. À l’échographie transœsophagienne,
le propofol a un effet inotrope négatif dose-dépendant. Avec la
même technique, une autre étude ne note pas de modification
des indices de contractilité myocardique [95] .
En conclusion, chez les patients dont la fonction cardio-
vasculaire est normale, l’effet inotrope négatif du propofol est
absent ou modéré. L’effet dépresseur myocardique n’explique pas
l’hypotension artérielle et la diminution du débit cardiaque qui
résultent principalement de la réduction du tonus sympathique
et du retour veineux.
Protection moycardique
L’action cardioprotectrice du propofol est controversée. Le pro-
pofol administré avant ou après une phase d’ischémie-reperfusion
myocardique n’a pas eu d’effet protecteur dans des études in vitro
sur des cellules myocardiques isolées et sur des cœurs isolés et per-
fusés de lapin et de rat [96] . La plupart des études chez l’homme
montrent que le propofol n’a pas d’effet protecteur myocardique
important (Annexe H).
Effets sur le nœud sinusal et le tissu
de conduction intracardiaque
En agissant sur le nœud sinusal et le tissu de conduction intra-
cardiaque, les anesthésiques peuvent favoriser les troubles du
rythme cardiaque. Ainsi plusieurs cas de bradycardie sinusale
allant jusqu’à l’arrêt circulatoire transitoire et de bloc auriculo-
ventriculaire ont été rapportés lors de l’utilisation du propofol [97] .
Néanmoins, les effets du propofol sont le plus souvent moins
prononcés que ceux des anesthésiques halogénés [1, 2] .
Études expérimentales
L’effet chronotrope négatif du propofol est lié à la diminution
de l’automaticité du nœud sinoauriculaire par inhibition de plu-
sieurs canaux ioniques dont les canaux calciques T et L [98] .
EMC - Anesthésie-Réanimation
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
Les études expérimentales de l’effet du propofol sur la conduc-
tion intracardiaque ont eu des résultats discordants. Sur le cœur de
cobaye isolé et perfusé, le propofol n’a pas modifié la conduction
intra-auriculaire et intraventriculaire mais a allongé légèrement
la conduction auriculoventriculaire [99] . Le ralentissement de la
conduction auriculoventriculaire est plus important en cas de FC
élevée. Cet effet fréquence-dépendant est identique à l’action du
diltiazem et de l’adénosine [99] . Au niveau des cellules myocar-
diques ventriculaires de cobaye, le propofol déprime le courant
potassique entrant principal (IK) qui est le courant de la repola-
risation cellulaire, mais ne modifie pas le courant entrant (IK1)
responsable du potentiel de repos [86, 100] . Ces constatations expé-
rimentales in vitro sont difficiles à concilier avec les autres effets
hémodynamiques, car l’allongement de la repolarisation myocar-
dique normalement augmente la contractilité myocardique.
Le propofol pourrait agir sur le nœud sinusal et la conduction
auriculoventriculaire par une action sur les récepteurs choliner-
giques muscariniques M2 cardiaques [99] .
Chez le chat, le seuil arythmogène de l’adrénaline est nettement
plus élevé avec le propofol qu’avec l’halothane. Chez le chien, au
contraire le seuil arythmogène de l’adrénaline est identique pour
le propofol et l’halothane.
Études cliniques
L’activité du nœud sinusal et la conduction auriculoventri-
culaire explorées avec une sonde œsophagienne ne sont pas
modifiées par le propofol. Chez des enfants au cours de l’ablation
par radiofréquence d’une voie accessoire responsable de tachy-
cardie supraventriculaire [101] et chez des adultes traités pour
syndrome de Wolff-Parkinson-White, le propofol ne modifie pas
la conduction auriculoventriculaire.
En définitive la bradycardie survenant lors de l’anesthésie
comportant du propofol n’est vraisemblablement pas liée à son
action sur le nœud sinusal ou la conduction auriculoventriculaire.
Elle semble essentiellement due à une hypertonie vagale favori-
sée par certains médicaments associés tels que le vécuronium et les
opiacés. La constatation d’une réduction de la variabilité rapide
et lente de la FC indiquant un déséquilibre du système nerveux
végétatif avec une prépondérance du système parasympathique
est un argument en faveur de cette explication [102] .
Effet sur l’espace QT
L’allongement de l’espace QT favorise les troubles du rythme
cardiaque dont les torsades de pointes. Les études cliniques ini-
tiales ont noté un allongement modéré de l’espace QT corrigé
après administration d’un bolus de propofol de 2,5 mg kg−1 [103] .
Pour la même dose, cet allongement est plus net chez l’enfant. Le
plus souvent si le QT est allongé, il reste inférieur à 440 ms [103] .
Cependant, la plupart des études montrent que le propofol n’a pas
d’action importante sur la durée de l’espace QT ou QTc (espace QT
corrigé) chez les adultes avec [104] ou sans cardiopathie [105] . Chez
des patients ayant une hémorragie sous-arachnoïdienne, le propo-
fol raccourcit l’espace QT [106] . Le propofol peut même antagoniser
l’allongement de l’espace QT induit par le sévoflurane [107] . Le
propofol ne modifie pas la dispersion transmurale de la repolarisa-
tion (TDR, transmural dispersion of repolarization) qui détermine la
période vulnérable de déclenchement des torsades de pointes [105] .
Un aspect électrocardiographique de type syndrome de Brugada
a été décrit chez un sujet ayant une addiction au propofol [108] . À
l’inverse, l’expérience clinique a montré que le propofol peut être
utilisé chez les patients atteints de ce syndrome [109] .
Effets antiarythmiques
Dans certaines situations cliniques, le propofol a une action
antiarythmique. Chez un enfant de 3,5 ans atteint de tachy-
cardie supraventriculaire par foyer atrial ectopique, le propofol
a permis le retour au rythme sinusal pendant la durée de
l’anesthésie [110] . Dans certains cas de tachycardie ventriculaire
(TV) qui ne répondent pas au traitement antiarythmique, le pro-
pofol peut aider à arrêter la TV en agissant sur l’hyperactivité
sympathique. L’action antiarythmique du propofol est en partie
liée à l’inhibition de certains canaux ioniques dont les canaux
9
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
potassiques (Ito, Ikur, Iks) et à une action sur l’équilibre entre le
système sympathique et parasympathique [111] .
Effets sur la perfusion et l’activité
métabolique du myocarde
Les modifications du débit sanguin coronarien (DSCor) et de
la consommation d’oxygène du myocarde (MVO2 ) sont sensible-
ment parallèles aux modifications hémodynamiques générales.
Études expérimentales
In vitro sur des anneaux d’artère coronaire, le propofol aux
doses cliniques soit ne modifie pas la vasomotricité, soit est légè-
rement vasodilatateur [112] . La vasodilatation est plus nette si les
artères sont contractées préalablement par le KCl, la noradréna-
line, la sérotonine ou le carbachol. L’effet vasodilatateur observé
en l’absence de l’endothélium est lié essentiellement à une inter-
férence avec les mouvements calciques des cellules musculaires
lisses de la paroi artérielle.
Les études sur cœur isolé et perfusé ont fourni des résultats
discordants. Certaines études ont noté une augmentation paral-
lèle de DSCor et de MVO2 [84] . Dans une autre étude chez le
chien, le propofol administré à doses croissantes diminue de façon
parallèle et dose-dépendante le DSCor et la MVO2 tandis que le
coefficient d’extraction d’oxygène reste stable [91] . Les résistances
artérielles coronariennes sont diminuées. Le rapport de perfusion
endocarde/épicarde reste stable. L’injection intracoronarienne de
propofol a des effets variables. Dans une étude, le DSCor n’est pas
modifié [91] . Dans une autre étude, le DSCor augmente et cette
augmentation persiste malgré l’inhibition de la synthèse du NO,
constatation qui est en faveur d’un effet vasodilatateur coronarien
direct [113] .
Études cliniques
Chez l’homme, le propofol diminue le DSCor d’environ 30 %,
alors que la MVO2 diminue souvent un peu plus [114] . L’équilibre
entre l’apport et la consommation est maintenu et le coefficient
d’extraction des lactates n’est pas modifié [115] . Si la fonction
ventriculaire gauche est altérée, l’extraction myocardique des lac-
tates est réduite et certains patients ont présenté des épisodes
d’ischémie myocardiaque [116] .
Effet sur les vaisseaux
Le propofol diminue la pression artérielle essentiellement par
diminution des résistances vasculaires systémiques (RVS). L’effet
vasomoteur du propofol dépend du territoire vasculaire. Au
niveau de la plupart des artères périphériques, le propofol a
un effet vasodilatateur. De nombreuses études in vitro sur des
anneaux d’artères de différents organes et de différents animaux
ont montré que l’effet vasodilatateur du propofol était indépen-
dant de l’endothélium, c’est-à-dire de la voie du NO [112, 117] .
L’effet vasodilatateur semble principalement expliqué par une
inhibition des canaux calciques. Cependant certaines études ont
montré l’intervention d’autres mécanismes tels que la synthèse
par l’endothélium de facteurs vasodilatateurs [118] dont des pros-
tanoïdes vasodilatateurs. Le propofol augmente la vasodilatation
induite par l’acétylcholine au niveau des artères mésentériques de
rats âgés [119] .
Au niveau de la circulation pulmonaire, l’effet vasomoteur
du propofol est différent. Il inhibe la vasodilatation induite par
l’acétylcholine au niveau des artères pulmonaires du chien [120]
et atténue la relaxation des veines pulmonaires médiée par les
canaux KATP de l’endothélium.
Par ses propriétés antioxydantes, le propofol a un effet pro-
tecteur au niveau de l’endothélium des vaisseaux des organes
périphériques tels que le cœur, le rein et le cerveau. Le propo-
fol protège contre le stress oxydatif les cellules endothéliales de
veines ombilicales humaines en diminuant l’apoptose par dimi-
nution de l’activité de la caspase-3 et en augmentant la production
de eNOS par une action sur la protéine kinase C [121] . Le propofol
améliore la dysfonction endothéliale chez des rats septiques.
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Effets sur les circulations régionales
Les circulations cérébrale, pulmonaire, cardiaque et rénale sont
envisagées dans les paragraphes correspondants.
Circulation splanchnique
Chez le rat, le propofol en perfusion augmente le débit san-
guin hépatique total. Cette augmentation est dose-dépendante,
plus importante au niveau de l’artère hépatique que de la
veine porte [122] . Parallèlement, les résistances artérielles hépa-
tiques et veineuses porte diminuent. La consommation hépatique
d’oxygène augmente d’environ 50 %, tandis que l’extraction
d’oxygène n’est pas modifiée [122] . À l’inverse, chez le mouton, le
propofol diminue le débit hépatique total de façon modérée [79] .
Chez le chien en normoxie et en hypoxie, le propofol ne modifie
pas le débit sanguin de l’artère hépatique. Chez l’homme, le pro-
pofol modifie la clairance hépatique du vert d’indocyanine ce qui
est en faveur d’une réduction du débit sanguin hépatique. Chez
des volontaires jeunes, le propofol en perfusion diminue le débit
sanguin hépatique mesuré par la clairance plasmatique du vert
d’indocyanine de 23 ± 11 % [123] . Au cours de la chirurgie car-
diaque sous circulation extracorporelle (CEC), le propofol associé
au fentanyl ne modifie pas la SvO2 de la veine hépatique droite
témoin du maintien de l’équilibre entre l’apport et la consomma-
tion d’oxygène hépatique.
Circulations musculaire et cutanée
Chez le chien, le débit sanguin diaphragmatique est stable, tan-
dis que celui du quadriceps diminue. La stabilité du débit sanguin
diaphragmatique est sans doute expliquée par le travail ventila-
toire chez ces animaux en ventilation spontanée. Chez l’homme,
le propofol augmente le débit sanguin musculaire de la jambe et
le débit sanguin cutané [124] . La vasodilatation cutanée induite par
le propofol interfère avec la thermorégulation.
Microcirculation
Chez le rat, le propofol a un effet vasodilatateur sur les artérioles
du diaphragme. Chez le hamster, le propofol a un effet vasodila-
tateur au niveau de la microcirculation artériolaire et veinulaire
qui s’estompe après une perfusion de quatre heures [125] .
Régulation de la circulation
Les effets cardiovasculaires du propofol sont la résultante, d’une
part, de ses effets directs sur la contractilité myocardique, sur le
nœud sinusal et le système de conduction intracardiaque, ainsi
que sur la vasomotricité artérielle et veineuse et, d’autre part, de
ses effets indirects sur les systèmes de régulation de l’homéostasie
cardiovasculaire.
Baroréflexe
Les études chez l’animal ont montré que le propofol atténuait
de façon souvent nette et dose-dépendante la pente du baroré-
flexe [126] . Cependant, l’effet est moins prononcé que celui du
thiopental ou de l’halothane. Chez l’homme, les résultats sont
moins concordants. Dans certaines études, le baroréflexe n’est
pas déprimé [127] , alors qu’il est nettement déprimé dans d’autres
études [124] . Cependant, même si sa pente n’est pas modifiée, son
seuil de déclenchement est déplacé vers des valeurs de pression
artérielle plus basses (décalage ou reset du baroréflexe) [124, 127, 128] .
Chez le sujet âgé, le propofol déprime très nettement le baroré-
flexe.
Variabilité de la fréquence cardiaque
La FC varie instantanément selon des oscillations de fréquence
variable. Cette variabilité résulte de l’interaction de nombreux fac-
teurs comme la respiration, le baroréflexe, le retour veineux aux
cavités cardiaques, le tonus vasomoteur et la thermorégulation.
Le propofol diminue la variabilité globale de la FC, avec un effet
prédominant sur la bande de fréquences rapides, c’est-à-dire sur
l’arythmie respiratoire [102] .
EMC - Anesthésie-Réanimation

Effets sur le système nerveux autonome
Système sympathique
Le propofol n’a pas d’action ganglioplégique. Chez le lapin
et le rat, le propofol diminue l’activité des nerfs sympathiques
des vaisseaux rénaux [129] . Le propofol déprime aussi l’activité du
centre vasomoteur bulbaire. Chez l’homme, le propofol déprime
l’activité des fibres sympathiques du nerf péronier commun à des-
tinée des artères musculaires de la jambe.
Sécrétion des catécholamines
Chez le chien, la perfusion de propofol diminue la concentra-
tion plasmatique de noradrénaline. Cette réduction est surtout
liée à une diminution de la libération de la noradrénaline par les
terminaisons nerveuses sympathiques, la clairance plasmatique
étant moins diminuée. Chez l’homme, le dosage plasmatique des
catécholamines a fourni des résultats contradictoires. Certains
auteurs n’ont pas noté de variations même après la stimulation de
l’intubation [127] , alors que d’autres ont noté une augmentation
après celle-ci [130] mais moins importante qu’avec le thiopen-
tal. Cependant, en raison de la cinétique de la noradrénaline au
niveau des synapses adrénergiques, la concentration plasmatique
de noradrénaline n’est pas un reflet fidèle de l’activité sympa-
thique. Chez des patients avec un cœur artificiel Jarvick-7, la
sécrétion des catécholamines et du FAN (facteur atrial natriuré-
tique) n’est pas modifiée [131] . Chez des sujets sains, le propofol
augmente l’activité de la rénine plasmatique.
 Effets sur l’appareil respiratoire
Comme la plupart des anesthésiques généraux, le propofol
déprime la ventilation. Cette dépression est maximale dans les
premières minutes suivant l’injection en bolus, en déterminant
souvent une apnée transitoire. Le propofol facilite l’intubation
endotrachéale ou l’insertion d’un masque laryngé, en relâchant
les masséters et en déprimant les réflexes pharyngolaryngés. Le
propofol a un effet bronchodilatateur en cas de résistances bron-
chiques élevées.
Effets sur la mécanique et la commande
ventilatoire
Les effets sur la mécanique ventilatoire sont en partie indirects,
liés au décubitus dorsal et à la perte de conscience qui diminuent la
capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) [132] . Le propofol déprime
la commande ventilatoire centrale. Il détermine une apnée tran-
sitoire dont la fréquence et la durée dépendent de la dose
administrée, de la sensibilité individuelle et de l’administration
préalable ou simultanée d’un opiacé [133] . L’apnée peut être précé-
dée par une courte phase d’hyperventilation. Pour une injection
en 20 à 30 s, l’apnée supérieure à 30 s est deux à quatre fois plus
fréquente que pour une injection en 60 à 90 s. Les apnées sont
plus fréquentes chez le sujet âgé. Le volume courant est dimi-
nué de 39 à 60 % [134] , tandis que la fréquence respiratoire reste
stable, diminue ou augmente, ce qui au total diminue la venti-
lation minute (VE) de 30 à 50 % [135] . La dépression ventilatoire
est objectivée par une augmentation de la PetCO2 , mais qui reste
habituellement inférieure à 50 mmHg, surtout après le début de
la stimulation chirurgicale. L’augmentation de la PetCO2 est dose-
dépendante. Après l’injection d’un bolus de 2,5 mg kg−1 , la VE se
normalise en 2 à 4 minutes. À doses sédatives (0,3 à 0,6 mg kg−1 )
administrées en bolus, le propofol diminue modérément la VE,
par réduction du volume courant [136] .
La répartition du volume courant entre ses deux composantes,
thoracique et abdominale, n’est pas modifiée par des bolus de
20 à 50 mg de propofol. À ces doses, la composante abdomi-
nale est supérieure à la composante thoracique. Au contraire lors
d’une perfusion, la composante abdominale diminue alors que
la composante thoracique reste stable [137] . Le propofol modi-
fie le profil du cycle respiratoire par une action sur la décharge
des motoneurones des muscles ventilatoires et sur l’automatisme
responsable de l’alternance inspiration-expiration. Le temps ins-
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
piratoire (TI) diminue. La réduction du débit inspiratoire moyen
(Vt/TI) est moindre. Chez certains sujets, la durée de l’expiration
est modifiée de façon cyclique et les durées expiratoires moyennes
ont une distribution bimodale alors qu’elle est unimodale chez le
sujet éveillé [133, 138] . Sous propofol les soupirs sont maintenus et
suivis d’environ 10 VT modifiés.
Le propofol diminue la sensibilité des centres respiratoires à
l’hypercapnie et à l’hypoxie. Une dose de 2,5 mg kg−1 diminue
la réponse ventilatoire au CO2 de plus de 50 %. La dépression
ventilatoire persiste au-delà du réveil clinique [133] . Chez l’animal,
le propofol déprime la réponse des chémorécepteurs carotidiens à
l’hypoxie. Chez l’homme, les données sont contradictoires. Dans
une étude, les chémorécepteurs périphériques conservent leur
sensibilité [139] . À l’inverse chez des volontaires sains, le propofol
en perfusion à doses sédatives (Cp moyenne de 2,4 ± 0,7 ␮g ml−1 )
diminue la réponse ventilatoire à l’hypoxie [135] .
La sédation résiduelle après une colonoscopie sous anesthésie
au propofol ne modifie pas le seuil de déclenchement du réflexe
de toux [140] .
Effets sur les voies aériennes
Bronchomotricité
Sur des anneaux de trachée de cobaye, le propofol a un effet
dilatateur direct, indépendant des récepteurs adrénergiques bêta
ou cholinergiques muscariniques. Il dilate des anneaux de trachée
de cobaye contractés par le carbachol, l’histamine et la prostaglan-
dine F2 alpha [141] . En clinique, l’association propofol–alfentanil
n’augmente pas les résistances bronchiques. Chez des patients
atteints de bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO)
décompensée nécessitant une ventilation artificielle, le propo-
fol apporte une amélioration de la compliance dynamique,
une diminution des résistances respiratoires et de la pression
d’insufflation de crête [142] . Chez des enfants asthmatiques, le pro-
pofol n’augmente pas les résistances bronchiques.
Voies aériennes supérieures
Le propofol détermine une obstruction des voies aériennes
supérieures (VAS) proportionnelle à la profondeur de l’anesthésie.
Il relâche en effet les muscles pharyngés et laryngés et déprime la
réactivité pharyngolaryngée [143] . Chez des volontaires étudiés lors
de leur sommeil et lors d’une anesthésie avec le propofol admi-
nistré en perfusion (BIS ≤ 50), la collapsibilité des VAS mesurée
par la pression critique d’occlusion est plus importante lors de
l’anesthésie que lors du sommeil [144] . Les sujets qui ont un syn-
drome d’apnées du sommeil ont aussi une collapsibilité des VAS
plus importante durant l’anesthésie.
Effets sur la circulation pulmonaire
Le propofol a un effet vasodilatateur artériel pulmonaire sur des
anneaux d’artère pulmonaire de rat. Il réduit les résistances arté-
rielles pulmonaires lorsqu’elles sont augmentées et ceci par un
effet vasodilatateur direct. Cette vasodilatation mettrait en jeu les
canaux potassiques ATP sensibles. Le propofol ne s’oppose pas à la
vasoconstriction pulmonaire hypoxique [145] . Lors de la chirurgie
thoracique avec ventilation unipulmonaire, la perfusion de pro-
pofol ne modifie ni la PaO2 ni le shunt intrapulmonaire [145, 146] .
Le propofol n’augmente pas le shunt en cas de pneumopathie.
Chez l’animal, le propofol a un effet protecteur pulmonaire en
cas d’inflammation déclenchée par l’administration de lipopoly-
saccharides (LPS). Le propofol diminue les cytokines (TNF-␣, IL-6,
Il-1␤) et a ainsi un effet bénéfique sur les lésions pulmonaires.
 Effets sur le rein
Le propofol n’a pas d’effet direct sur le rein et les variables
plasmatiques comme l’urée et la créatinine ne sont pas modi-
fiées. Le propofol ne modifie pas la fonction rénale même lors
d’interventions majeures telles que l’hépatectomie droite chez
le donneur vivant [147] ou la chirurgie cardiaque. Au cours de la
11
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
transplantation rénale, le propofol n’interfère pas avec la reprise
de la diurèse [148] .
Chez le rat, le propofol augmente le débit sanguin rénal
d’environ 30 % si la pression artérielle reste normale [122] . Chez
la brebis et le chien, le débit sanguin rénal reste stable ou dimi-
nue légèrement [149] . Chez la brebis ayant un sepsis déclenché par
l’administration de Pseudomonas aeruginosa, le propofol diminue
le débit sanguin rénal de 60 % [149] .
L’élimination de médicaments qui dépend de la filtration glo-
mérulaire et de la sécrétion tubulaire comme la péthidine et la
céfoxitine est diminuée par le propofol [150] . Le propofol augmente
l’élimination rénale de l’acide urique peut-être par une inhibition
de sa réabsorption par les métabolites du propofol.
In vitro et in vivo le propofol a un effet protecteur rénal sur
différents modèles animaux d’ischémie-reperfusion rénale et de
sepsis déclenché par l’administration de LPS [151] . Le propofol pro-
tège les cellules rénales de l’apoptose en inhibant le stress oxydatif
et les voies d’aval correspondantes comme le stress mitochon-
drial et l’expression du facteur nucléaire ␬B. Le propofol limite les
effets du sepsis sur l’expression de l’aquaporine-2 et les médiateurs
ICAM-1 et TNF-␣.
 Effets sur l’appareil digestif
Déglutition
Le propofol diminue la sensibilité du réflexe de déglutition dans
les dix premières minutes qui suivent l’anesthésie [152] , mais aussi
au cours de la sédation [153] . La récupération du réflexe est notée à
la 12e minute, alors que le réveil clinique survient dès la sixième
minute. La récupération du réflexe de déglutition est nettement
plus rapide qu’avec d’autres agents tels que le midazolam.
Sphincter du bas œsophage
Les anesthésiques généraux diminuent la contractilité sponta-
née et déclenchée du bas œsophage. Cet effet est proportionnel
à la profondeur de l’anesthésie. À la concentration plasmatique
moyenne de 5,9 ␮g ml−1 , le propofol inhibe à 95 % la contraction
spontanée du bas œsophage [154] .
Vidange gastrique
Le propofol ralentit la vidange gastrique [155] . Cet effet est pro-
bablement un mécanisme non spécifique de l’anesthésie géné-
rale.
Nausées et vomissements
Après une anesthésie ayant comporté du propofol, la fréquence
des nausées et des vomissements postopératoires (NVPO) est plus
faible qu’avec l’utilisation des anesthésiques halogénés. Cet effet
s’observe chez tous les patients qu’ils soient à risque (femme en
période menstruelle, antécédents de NVPO, mal des transports) ou
non. L’effet est particulièrement net après certains actes, comme la
chirurgie du strabisme [156] , la chirurgie ORL, la chirurgie gynéco-
logique et la chirurgie ambulatoire. La faible incidence des NVPO
avec le propofol n’est pas liée à l’émulsion lipidique [157] . Un effet
antagoniste au niveau des récepteurs dopaminergiques D2 a été
suggéré, mais n’a pas été mis en évidence in vitro ou in vivo [158] .
Il pourrait s’agir d’une action sur la chemoreceptor trigger zone, sur
le noyau central du nerf vague ou d’autres structures centrales
impliquées dans les vomissements.
Intestin
In vitro sur des fragments de côlon gauche prélevés en per-
opératoire, le propofol inhibe la contraction colique induite par
l’acétylcholine [159] . En revanche, lors d’une laparoscopie, le pro-
pofol a augmenté la motilité intestinale [160] .
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Effets sur le foie
Le propofol n’est pas héptotoxique. Il ne modifie pas les tests
hépatiques usuels, comme le dosage des transaminases ASAT et
ALAT ou des phosphatases alcalines aussi bien en cas d’anesthésie
de courte durée [161] que de longue durée [162] . Le propofol ne
modifie pas la clairance du vert d’indocyanine et n’augmente pas
la concentration plasmatique de la glutathion transférase qui est
un marqueur sensible de l’intégrité des hépatocytes centrolobu-
laires [163] . Les effets sur la circulation hépatique ont été envisagés
dans la section « Effets cardiovasculaires ». In vitro le propofol a un
effet protecteur sur des hépatocytes humains soumis à un stress
oxydatif par le peroxyde d’oxygène [164] . Chez des patients opé-
rés pour une hépatectomie partielle avec clampage du pédicule
hépatique, les tests hépatiques et la fonction rénale sont iden-
tiques avec le propofol et le sévoflurane [165] . Le propofol utilisé
pour l’endoscopie digestive haute chez des patients cirrhotiques
n’aggrave pas les signes de l’encéphalopathie préexistante [166] .
Pancréas
Le propofol ne modifie pas la fonction exocrine du pancréas,
tout au plus a-t-il été noté une augmentation modérée des lipases
plasmatiques chez des nourrissons de 1 à 36 mois ayant reçu une
dose totale moyenne de propofol de 12 ± 2,75 mg kg−1 [167] . La
pancréatite aiguë est une complication exceptionnelle du propo-
fol (cf. Effets secondaires).
 Effets métaboliques généraux
Le propofol diminue la consommation d’oxygène (VO2 ) et la
production de CO2 (VCO2 ) [1, 2] . Cette diminution du métabolisme
n’est pas spécifique du propofol car elle est observée avec les autres
anesthésiques généraux et est liée à la perte de conscience et à la
diminution du métabolisme cellulaire qui l’accompagne.
Effets sur le métabolisme lipidique
Le propofol contient des lipides à raison de 0,1 g ml−1 , corres-
pondant à un apport calorique de 1,1 kcal ml−1 . En anesthésie,
pour des interventions d’une durée moyenne de 3 à 6 h, les
modifications des lipides plasmatiques sont mineures [14] . Les tri-
glycérides et les lipides totaux restent inchangés ou augmentent
modérément. En réanimation après une sédation prolongée,
l’élévation des lipides plasmatiques dépend de la dose totale
de propofol administrée. Concernant les hyperlipidémies congé-
nitales, la contre-indication du propofol s’applique surtout à
l’hyperchylomicronémie et à l’hypertriglycéridémie.
 Effets sur les glandes
endocrines
Le propofol ne modifie pas ou modérément la sécrétion des
principales hormones. Le propofol n’influence pas la sécrétion
de l’hormone de croissance, ni de la somatomédine C son cofac-
teur, contrairement au diazépam et au thiopental. In vitro sur
des cellules isolées au niveau des noyaux supraoptiques de rat, le
propofol diminue la libération d’arginine vasopressine stimulée
par le potassium et le glutamate [168] . Chez l’homme, le propo-
fol ne modifie pas la sécrétion de l’ADH, de l’ACTH et de la
GH [169] . Chez des patientes opérées sous laparoscopie pour chi-
rurgie gynécologique, on note une augmentation modérée de la
TSH et de T4 [170] . Chez le rat au cours de l’hyperglycémie provo-
quée, l’augmentation de l’insuline plasmatique est normale [171] .
Cette augmentation de la sécrétion de l’insuline est liée à une inhi-
bition des canaux KATP des cellules bêta du pancréas. Dans une
étude clinique de la réponse neuroendocrinienne à la chirurgie, la
concentration plasmatique de l’insuline et du glucagon est restée
stable [172] .
EMC - Anesthésie-Réanimation

Le propofol diminue la concentration sanguine et urinaire de
cortisol [173] . Cette diminution n’est pas liée à un effet inhibiteur de
la synthèse des corticoïdes par la corticosurrénale mais s’explique
probablement par un blocage de la réponse neuroendocrinienne
à l’acte chirurgical [174] . La réponse de la surrénale à l’ACTH est
préservée [175] .
Le propofol inhibe la sécrétion de testostérone par des cellules
de Leydig de rat. L’action du propofol est différente de celle de
l’étomidate car l’inhibition de la stéroïdogenèse se fait au niveau
des stades précoces de la synthèse des hormones. De plus, cette
inhibition n’est observée que pour des concentrations de propofol
nettement supérieures aux concentrations cliniques.
Une augmentation modérée des doses de propofol pour
l’induction et l’entretien (niveau de BIS prédéterminé) a été obser-
vée chez des sujets atteints d’une tumeur hypophysaire sécrétant
l’hormone de croissance (acromégalie) [176] .
 Effets hématologiques
Le propofol ne modifie pas les paramètres biochimiques usuels.
Dans une étude, le propofol a inhibé l’agrégation plaquettaire [177] .
Cet effet est spécifique du propofol et n’est pas lié à l’émulsion
lipidique. Le temps de saignement n’est pas allongé. Dans une
autre étude in vitro, le propofol à des concentrations sédatives
et anesthésiques n’a pas modifié l’agrégation plaquettaire [178] . In
vitro et in vivo le propofol à dose anesthésique n’a pas modifié la
courbe de dissociation de l’oxyhémoglobine [179] .
 Immunologie
La chirurgie et l’anesthésie qu’elle implique ont des effets
multiples sur l’immunité humorale et cellulaire, les médiateurs
de l’inflammation et les voies de signalisation des cellules can-
céreuses. Le stress opératoire s’accompagne d’une diminution
transitoire de l’immunité cellulaire. Le rôle joué par les agents
anesthésiques dans l’immunosuppression périopératoire est diffi-
cile à identifier. Des études in vitro ont montré que le propofol
avait une action sur les cellules immunocompétentes. Chez le rat,
le propofol ne diminue pas le nombre de cellules NK (cellules
tueuses naturelles) circulantes au contraire du thiopental et de la
kétamine [180] . Le propofol augmente l’activité des lymphocytes
T cytotoxiques et ne modifie pas le rapport des lymphocytes T
CD4/CD8 [181] . Chez des patients subissant une craniotomie, le
rapport lymphocytes T1 (immunité cellulaire) sur lymphocytes
T2 (immunité humorale) diminue moins avec le propofol qu’avec
l’isoflurane [182] .
 Inflammation
Le propofol a un effet protecteur vis-à-vis des processus inflam-
matoires aigus. Chez l’animal, le propofol diminue la libération
des cytokines au cours du sepsis et diminue les lésions inflam-
matoires aiguës pulmonaires médiées par les polynucléaires
neutrophiles. Le propofol diminue le chimiotactisme, la phago-
cytose [183] et la formation des radicaux libres (ROS, reactive oxygen
species) par les polynucléaires neutrophiles activés [184] . Il diminue
la synthèse des cytokines par les monocytes et les macrophages
et cette action est médiée par l’activation des récepteurs GABAA .
L’effet anti-inflammatoire du propofol est aussi lié à une action sur
plusieurs autres voies intervenant dans la réaction inflammatoire
telles que les voies du AKT/IKKb/NF-kB et du récepteur formyl
peptide 1 (FPR1) qui régule la phosphorylation du p44/42 MAPK
(mitogen-activated protein kinase) [185, 186] .
L’effet protecteur du propofol vis-à-vis des lésions d’ischémie-
reperfusion des organes périphériques est en partie lié à son action
sur les réactions inflammatoires induites par le stress oxydatif.
 Cancer
Par ses effets sur l’immunité et l’inflammation, la période pério-
pératoire créé un environnement favorable au développement de
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
la maladie cancéreuse en favorisant les récidives et le dévelop-
pement des métastases [187] . De nombreuses études in vitro ont
analysé l’action du propofol sur le développement des cellules
cancéreuses [188] . Une majorité d’études a montré que le propofol
avait un effet antitumoral en inhibant la croissance et la migra-
tion des cellules de carcinome rénal, de carcinome prostatique et
de cancer œsophagien. Il induit l’apoptose dans des cellules de
cancer du poumon non à petites cellules, de cancer colique et de
cancer ovarien [189] . Les mécanismes potentiellement impliqués
dans l’action antitumorale du propofol sont nombreux. Il pour-
rait agir sur de nombreuses voies de signalisation intracellulaires
des cellules cancéreuses : la CAMKII (calmodulin-dependent protein
kinase II), le ERK-H1F1alpha (hypoxia inducible factor 1) ; action
sur l’expression de certains microRNA ; matrix métalloprotéinase
(MMP)-2 et -9 [187] , voie NF-␬B. Il favorise l’apoptose notamment
en exprimant le neuroepithelial cell transforming gene 1 (NET1) qui
est un oncogène. Quelques études ont au contraire observé un
effet protumoral du propofol. In vitro le propofol a favorisé la
migration de cellules de cancer du sein [190] .
La technique anesthésique peut-elle influencer l’évolution d’un
cancer opéré ? Certaines études rétrospectives qui ont étudié la
fréquence des récidives et le développement des métastases dans
le cancer du sein, du poumon et de l’œsophage ont montré un
avantage du propofol sur les anesthésiques halogénés [188, 191, 192] .
Plusieurs études prospectives sont en cours [188] .
En conclusion et dans l’état actuel des connaissances, un éven-
tuel effet sur l’évolution des tumeurs cancéreuses ne peut pas être
un élément de choix de la technique et des agents anesthésiques.
 Effets sur l’œil
Le propofol diminue la pression intraoculaire (PIO) et limite
son élévation en réponse à l’intubation endotrachéale [193, 194] . Cet
effet s’observe aussi bien chez l’enfant que chez l’adulte [195, 196] .
La réduction de la PIO est habituellement plus importante ou
identique à celle observée avec les autres anesthésiques intravei-
neux ou par inhalation. Au cours de l’anesthésie générale pour
cataracte, la PIO de départ a été de 14,2 ± 2,8 mmHg et après
l’induction avec le propofol elle a diminué à 6,0 ± 3,2 mmHg [197] .
La mise en position ventrale augmente la PIO et l’anesthésie (pro-
pofol ou sévoflurane) a peu d’influence sur la PIO qui reste élevée
jusqu’au retournement. Il est intéressant de noter que le propo-
fol augmente la PIO chez le chien [198] . De nombreux facteurs
influencent la PIO et le mécanisme de sa diminution par le pro-
pofol n’est pas précisé. Chez le lapin, il diminue la formation
de l’humeur aqueuse de façon plus importante que son drainage
trabéculaire [199] .
Au cours de la prostatectomie assistée par robot en position de
Trendelenburg, la PIC augmente. La PIC peut être évaluée indi-
rectement par la mesure du diamètre de la gaine du nerf optique
par échographie. Le propofol limite l’augmentation de ce dia-
mètre [40] .
 Obstétrique
Les études chez l’animal n’ont pas mis en évidence d’effet téra-
togène. Chez la souris, le propofol ne modifie pas la maturation
des ovocytes, la fertilité et le développement embryonnaire [200] .
Néanmoins, par mesure de précaution lors de son introduction,
le propofol était contre-indiqué chez la femme enceinte. Depuis
lors et en raison de l’absence d’effets secondaires, le propofol est
utilisé en obstétrique notamment au cours de la césarienne [201] .
Effets sur la contractilité utérine
Sur des fragments d’utérus de rattes gestantes précontractés par
l’oxytocine, le propofol de façon dose-dépendante diminue la
contraction des fibres musculaires lisses utérines. Cet effet est lié
en partie à une diminution du calcium intracellulaire. Pour une
concentration de propofol de 5 ␮g ml−1 , la contractilité utérine
diminue de 53 ± 4,3 % [202] .
13
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
Effets vasculaires
Chez la brebis gestante, le propofol ne modifie pas le débit
sanguin utérin [203] .
Sur des anneaux de veine et d’artère ombilicales prélevés au
cours de la césarienne, le propofol à doses faibles a un effet vaso-
constricteur modéré et vasodilatateur à doses élevées. Sur des
anneaux d’artère ombilicale dépourvus d’endothélium et contrac-
tés par la dopamine, la noradrénaline ou l’adrénaline, le propofol
a un effet vasodilatateur dose-dépendant [204] .
Chez la brebis gestante, le propofol a un effet protecteur sur le
myocarde fœtal au cours d’un arrêt cardiaque hypoxique provo-
qué in utero [205] .
Le passage placentaire du propofol a été traité dans un autre
chapitre de ce traité [14] (Annexes I et J).
 Interférences
pharmacodynamiques
L’interférence entre le propofol et les autres médicaments uti-
lisés en anesthésie-réanimation peut être pharmacocinétique,
pharmacodynamique ou les deux [2] . Les interactions pharmaco-
cinétiques ont été traitées dans un autre chapitre de ce traité [14]
(Annexe K).
Agents sédatifs et anesthésiques
Selon les études, l’interaction avec le midazolam est addi-
tive ou synergique. Le midazolam en prémédication diminue la
dose d’induction en moyenne de 20 % [206] . Chez des femmes
chinoises jeunes, la dose ED50 du propofol pour l’induction anes-
thésique (absence de réponse à une stimulation tétanique) est de
1,93 mg kg−1 . L’adjonction de 0,13 mg kg−1 de midazolam réduit
la dose ED50 en moyenne de 52 % à 0,93 mg kg−1 [207] .
La dexmédétomidine, agoniste adrénergique alpha-2, adminis-
trée avant l’induction diminue la dose de propofol [208] . Chez
l’adulte, une dose de dexmédétomidine de 0,1 ␮g kg−1 adminis-
trée dix minutes avant l’induction permet de réduire la dose de
propofol pour la mise en place d’un i-Gel, l’EC50 diminuant de
6,75 à 3,18 ␮g ml−1 . À l’inverse, cet effet de potentialisation n’a pas
été noté chez l’enfant anesthésié pour une endoscopie haute [209] .
La clonidine, agoniste adrénergique alpha-2 plus ancien, à la dose
de 1 à 2 ␮g kg−1 diminue la dose d’induction du propofol de 15 à
20 % en moyenne.
Le sévoflurane a un effet additif avec le propofol sur les para-
mètres cliniques de l’anesthésie (perte de conscience, BIS, réaction
à l’incision chirurgicale) [210] . Les anesthésiques volatils et le
propofol ont certaines cibles communes au niveau du SNC,
notamment les récepteurs GABAA .
Avec les opiacés, l’interaction est synergique. L’effet syner-
gique est plus important pour l’effet analgésique (réaction à
l’incision chirurgicale) que pour l’effet hypnotique (perte de cons-
cience) [211] . Avec le fentanyl on observe un effet plafond et à la
concentration plasmatique moyenne de fentanyl de 3 ng ml−1 , la
concentration de propofol nécessaire pour la perte de réponse à
la commande verbale est diminuée de 40 % [212] .
Le sufentanil a un effet additif. Pour la chirurgie de la thyroïde,
le sufentanil administré en mode AIVOC à la concentration au
site effet de 0,3 ng ml−1 permet une réduction de 36 % de la dose
de propofol en perfusion [213] . L’association rémifentanil–propofol
en AIVOC a un profil d’action qui s’adapte rapidement aux
nécessités peropératoires et s’accompagne d’un réveil rapide.
L’inconvénient principal de cette association est la fréquence éle-
vée de l’hypotension artérielle. L’association du rémifentanil au
propofol a un effet supra-additif pour l’hypnose et l’analgésie [214] .
Chez des volontaires, le propofol seul, le rémifentanil seul ou
l’association propofol–rémifentanil ont été administrés en mode
AIVOC. Pour l’intubation avec une bonne exposition de la glotte
et sans réaction, avec le propofol seul il a fallu une concentra-
tion au site effet de 15 ␮g ml−1 , mais en associant 6 ng ml−1
de rémifentanil la concentration de propofol a pu être réduite à
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2,5 ␮g ml−1 [214] . Au cours d’interventions gynécologiques, le rémi-
fentanil à la concentration cible de 5 ng ml−1 associé au propofol
ne modifie pas le BIS [215] .
La kétamine a été associée au propofol pour l’anesthésie du
polytraumatisé et en pédiatrie pour les examens endoscopiques et
radiologiques. Chez l’enfant au cours de l’endoscopie gastrique,
la kétamine à la dose de 0,5 à 1 mg kg−1 permet de réduire la dose
de propofol et limite ses effets hémodynamiques [216] .
Autres interactions
Dans une étude, l’atropine administrée en prémédication a
nécessité une légère augmentation de la dose d’induction de pro-
pofol. La prégabaline en prémédication ne modifie pas la dose
ED50 du propofol. Chez des femmes opérées pour cancer du
sein, la chimiothérapie néoadjuvante préopératoire a nécessité
une réduction des doses de propofol en perfusion pour le main-
tien d’un niveau d’anesthésie stable [217] . Chez des patients traités
avec des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou des antago-
nistes de l’angiotensine, le propofol augmente la fréquence de
l’hypotension artérielle [218] .
 Effets indésirables
Allergie
In vitro la dégranulation des basophiles de patients atopiques
et de sujets sains n’est pas augmentée par des concentrations cli-
niques de propofol. Chez des volontaires et chez des patients,
le propofol n’augmente pas la concentration plasmatique de
l’histamine [219] .
Dans les accidents anaphylactiques peropératoires, le propofol
est rarement en cause. Néanmoins, dès 1988, un cas d’anaphylaxie
au propofol a été publié [220] . Ultérieurement, plusieurs autres cas
ont été décrits et le bilan allergologique a identifié des IgE spéci-
fiques et des prick-tests positifs [221] . L’allergie est liée au propofol
et non à l’émulsion. L’hypothèse est que ce sont les groupes iso-
propyl du propofol qui ont le rôle d’épitopes et qui sont en cause
dans l’allergie. Un accident anaphylactique lié au propofol a été
attribué à la sensibilisation à l’huile de soja. En effet l’huile de
soja même purifiée contient plusieurs protéines dont la Gly m4
qui peut être la cause de l’allergie. Dans un cas, des IgE spé-
cifiques pour les graines de soja et la protéine Gly m4 ont été
identifiées [222] .
L’émulsion de propofol contient de l’huile de soja et des léci-
thines de jaune d’œuf et la question se pose de l’utilisation du
propofol en cas d’allergie à l’œuf ou aux arachides. La réponse à
cette question n’est pas définitivement tranchée mais une majo-
rité d’auteurs ne déconseille pas le propofol en cas d’allergie à
l’œuf chez l’adulte et chez l’enfant [223, 224] . Chez l’enfant, certains
auteurs continuent à maintenir la contre-indication. Un cas de
bronchospasme sévère a été décrit au cours d’une anesthésie avec
du propofol chez un enfant de 7 ans ayant une allergie à l’arachide
et au pollen de bouleau [225] .
Convulsions et mouvements anormaux
Des crises de type épileptique ont été observées au cours et
en fin d’administration de propofol aussi bien chez des épilep-
tiques que des patients non épileptiques [226] . Dans quelques cas
privilégiés, l’EEG a confirmé le caractère épileptique des mouve-
ments anormaux. Mais le plus souvent, l’EEG n’est pas modifié.
Les mouvements anormaux d’intensité très variable sont des
myoclonies touchant les membres, des tremblements, une hyper-
tonie musculaire des membres et du tronc (opisthotonos), plus
rarement des mouvements athétoïdes [227, 228] . Les mouvements
anormaux surviennent surtout au moment de l’endormissement,
phase qui est caractérisée par l’apparition d’ondes lentes à l’EEG.
Ces manifestations excitomotrices sont nettement plus rares
qu’avec l’étomidate [229] . Dans plusieurs cas, le fentanyl a été mis
en cause.
EMC - Anesthésie-Réanimation

Chez deux patients devant subir une thalamotomie pour des
tremblements, ceux-ci ont été supprimés pendant une durée de
huit heures après l’administration de propofol [230] . Les mouve-
ments anormaux seraient liés à l’inhibition des récepteurs GABAA
des afférences du globus pallidus vers le thalamus aboutissant à
des influx excitateurs accrus du thalamus vers le cortex. La rigidité
musculaire serait liée à une action spinale via les récepteurs à la
glycine [231] .
Dysphorie au réveil
Le réveil après anesthésie par propofol est le plus souvent
agréable avec sensation de bien-être. Dans certains cas, on
observe un état d’euphorie, voire de désinhibition avec des
comportements inappropriés et mémorisation de rêves à contenu
érotique. Le réveil avec un comportement inadapté et des avances
à caractère sexuel ont été plus fréquents chez les femmes anesthé-
siées pour un acte bref de chirurgie gynécologique. Ce type de
réaction a été observé avec d’autres anesthésiques et notamment
les benzodiazépines. La survenue de ce type de réveil est le plus
souvent imprévisible et a été surtout décrit dans des cas cliniques
isolés. Les études prospectives n’ont le plus souvent pas détecté
ce type de modifications [62, 232] . Chez des volontaires jeunes,
l’administration de trois doses différentes de propofol, doses séda-
tives et doses anesthésiques n’a pas modifié l’humeur et n’a pas
entraîné de comportement dysphorique ni de modification de la
personnalité aux tests psychologiques [232] .
Infections
La majorité des émulsions de propofol ne contenant pas de
conservateur, le propofol peut être à l’origine d’infections car
l’émulsion lipidique facilite la croissance bactérienne si elle est
contaminée lors de son utilisation [233] . Au début de l’introduction
du Diprivan® en raison de son prix élevé, les utilisateurs ont
conservé les ampoules ouvertes à température ambiante souvent
pendant plus de 12 heures. Les infections concernaient le sang
(septicémies) et le site opéré [233, 234] . Ce risque est grandement
réduit par le respect des règles d’utilisation du propofol dont les
plus importantes sont de ne pas utiliser la même seringue pour
deux patients, que toute ampoule ouverte doit être jetée et de ne
pas préparer des seringues plusieurs heures en avance.
Effets au niveau du site d’injection
Douleurs à l’injection
L’injection en bolus du propofol donne fréquemment lieu à une
douleur au niveau de la veine concernée [235] . Les douleurs sont
parfois très vives, surtout chez l’enfant en raison notamment du
petit calibre de son réseau veineux. La fréquence des douleurs
peut atteindre 50 % au niveau des petites veines de la main et
du poignet. La douleur liée à l’injection du propofol n’est pas
expliquée par l’osmolalité ou le pH de l’émulsion. Le mécanisme
serait une action directe du propofol au niveau des terminaisons
nerveuses de l’endothélium. Une étude suggère l’activation du
système kallicréine-kinine avec production de bradykinine.
Plusieurs moyens permettent de diminuer cette douleur à
l’injection :
• injection dans des veines de grand calibre de l’avant-bras et du
pli du coude ;
• injection préalable de lidocaïne ou administration d’un
mélange propofol–lidocaïne préparé juste avant l’injection [235] .
Si une dose de 0,1 mg kg−1 de lidocaïne est déjà efficace, la
dose habituelle chez l’adulte est de 20 mg [236] . Une dose supé-
rieure à 20 mg n’est pas plus efficace. De nombreux autres
moyens, plus ou moins actifs, ont été proposés pour réduire la
douleur lors de l’injection de propofol (Tableau 2). L’injection
préalable d’un opiacé atténue la douleur. L’intervention la plus
efficace est l’injection intraveineuse de lidocaïne associée à
l’occlusion temporaire (garrot à 50 mmHg) de la veine. Les
émulsions contenant des triglycérides à chaîne moyenne (TCM)
ne réduisent pas la fréquence des douleurs [237] .
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
Tableau 2.
Interventions dans le but de diminuer les douleurs à l’injection de
propofol.
Interventions non pharmacologiques
- Vitesse de la perfusion
- Occlusion veineuse
- Taille de l’aiguille ou du cathéter
- Site d’injection
- Microfiltration
- Température : émulsion à 4 ◦ C
- Soluté bactériostatique
Interventions pharmacologiques
- Prétraitement par alpha-agonistes adrénergiques
- Prétraitement par antiémétiques (métoclopramide, sétrons)
- Barbituriques (prétraitement ou association)
- Benzodiazépines (prétraitement ou association)
- Prétraitement par inhibiteurs des cholinestérases
- Prétraitement par inhibiteur de la kallicréine
- Prétraitement par la lidocaïne : 5 à 20 mg ; 30 à 40 mg ; plus de 50 mg
- Lidocaïne (association) : 5 à 10 mg ; 20 à 30 mg ; plus de 40 mg
- Prétraitement par kétamine
- Prétraitement par sulfate de magnésium
- Prétraitement par nitroglycérine
- Prétraitement par protoxyde d’azote
- Prétraitement par AINS
- Formes galéniques de l’émulsion de propofol : triglycérides à chaîne
moyenne
- Prétraitement par corticoïdes
- Prétraitement par anesthésique local topique (EMLA)
- Prétraitement par vasodilatateur
- Lidocaïne appliquée par iontophorèse
- Associations médicamenteuses : opiacés
AINS : anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Injection intra-artérielle accidentelle
L’injection intra-artérielle accidentelle de propofol, incident
surtout décrit au niveau du membre supérieur, s’accompagne
d’une vive douleur irradiant en aval avec blanchiment de la peau
puis hyperhémie avec rougeur qui dure quelques heures [238] . Une
diminution transitoire de la SpO2 au niveau de la main est notée,
ce qui est en faveur d’une vasoconstriction initiale. Les symptômes
régressent en quelques heures sans séquelles. Il est intéressant de
signaler que le propofol en injection intracarotidienne directe a
été utilisé comme test préopératoire dans la chirurgie de l’épilepsie
(test de Wada).
Coloration verte des urines
L’administration de propofol peut s’accompagner d’une colora-
tion verte des urines. Cet effet secondaire est surtout décrit après
une administration en perfusion, mais quelques cas ont été obser-
vés après un bolus unique [239] . C’est un effet secondaire bénin et
qui n’a pas d’effet toxique pour le rein. D’autres colorations ont été
décrites (rose, brune, blanche) et peuvent toucher d’autres tissus
(cheveux, foie, lait maternel). Une coloration verte des urines est
observée avec de nombreux autres médicaments (amitriptyline,
indométacine, cimétidine, métoclopramide, prométhazine, bleu
de méthylène) et lors d’infections urinaires à P. aeruginosa. La colo-
ration anormale des urines disparaît en général quelques heures
après l’arrêt du propofol. Plusieurs hypothèses ont été émises
pour expliquer la coloration verte des urines, l’explication la
plus communément acceptée est que cette coloration est liée aux
métabolites urinaires phénoliques du propofol (1-glucuronide, 4-
glucuronide, conjugués 4-sulfate du 2,6-diisopropyl-1,4-quinol).
Le pH des urines intervient puisque l’alcalinisation des urines
augmente et l’acidification diminue la formation de ces dérivés
15
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
phénoliques. La coloration rose des urines serait liée à la précipita-
tion de cristaux d’acide urique qui se produit lorsque l’osmolalité
des urines augmente et que le pH est bas [240] .
Syndrome de perfusion du propofol
C’est en pédiatrie que les premiers cas de syndrome de la per-
fusion de propofol (propofol infusion syndrome) ont été décrits [241] .
Ce syndrome qui est caractérisé par une acidose métabolique,
une rhabdomyolyse et une défaillance multisystémique, abou-
tit parfois au décès [242] . L’épidémiologie et la physiopathologie
de ce syndrome ne sont pas totalement élucidées. Ce syndrome
serait lié en partie à une perturbation du métabolisme des acides
gras au niveau mitochondrial et dans certains cas il est favorisé
par une maladie génétique touchant les mitochondries. Les fac-
teurs de risque du syndrome de perfusion du propofol sont les
suivants : jeune âge, maladie aiguë grave, traumatisme crânien,
régime riche en graisses et pauvre en glucides, traitement par caté-
cholamines et corticoïdes, administration du propofol pendant
plus de 48 heures et à des doses supérieures à 4–5 mg kg−1 par
heure, antécédents d’une anomalie de la bêta-oxydation ou d’une
atteinte mitochondriale. Les recommandations sont de ne pas uti-
liser le propofol pour la sédation en pédiatrie pour une durée
supérieure à 24 heures [242, 243] . Le traitement est symptomatique
et comporte l’arrêt immédiat de la perfusion de propofol.
Pancréatite
Chez des nourrissons de 1 à 36 mois, l’administration d’une
dose totale moyenne de propofol de 12 ± 2,75 mg kg−1
s’accompagne d’une légère augmentation des lipases plasma-
tiques sans variations des amylases [167] .
Plusieurs cas de pancréatite aiguë dans les suites d’une anesthé-
sie ayant comporté du propofol ont été décrits [244] . Dans certains
cas, la pancréatite a été favorisée par une administration pro-
longée accompagnée d’une hypertriglycéridémie. Mais ce facteur
n’est pas observé dans tous les cas. Dans un cas de pancréatite
aiguë avec hypertriglycéridémie, le test de réintroduction du pro-
pofol a été positif [245] . La pancréatite a été responsable de trois
décès sur 21 patients regroupés dans une analyse de 18 études [244] .
Le propofol n’a pas d’action toxique directe sur le pancréas et en
l’absence d’hypertriglycéridémie, la cause de la pancréatite n’est
pas identifiée.
Priapisme
Plusieurs cas de priapisme chez des hommes jeunes ont été rat-
tachés à une anesthésie avec le propofol [246] . La cause du priapisme
serait liée à l’action vasodilatatrice du propofol au niveau des vais-
seaux des corps caverneux et à un blocage du sympathique au
niveau spinal. In vitro sur des fragments de muscles lisses de corps
caverneux humains, le propofol interfère avec les mouvements
calciques intracellulaires.
 Utilisation pratique
Les utilisations du propofol selon le terrain (âge, obésité,
antécédents cardiovasculaires, diabète, insuffisance rénale et
hépatique) et selon le type de chirurgie (ambulatoire, neuro-
chirurgie, thoracique, cardiovasculaire, endoscopies, radiologie
interventionnelle) sont abordées dans des chapitres spécifiques
du traité (Annexes L et M).
Maladies rares
Maladies mitochondriales
Les études in vitro ont montré que le propofol pouvait perturber
l’activité des mitochondries et notamment le fonctionnement de
la chaîne respiratoire aboutissant à une réduction de la production
d’ATP. Les cibles potentielles du propofol sont le cytochrome C et
le cytochrome aa3, les transporteurs des acides gras et la carnitine
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palmitoyl transférase I et II (CPT I/II) [247] . Les effets toxiques du
propofol sont surtout observés à des doses élevées, supérieures
aux doses cliniques. Les maladies mitochondriales sont un facteur
favorisant de la survenue du syndrome de perfusion du propofol.
Une revue de la littérature de 37 patients ayant une mala-
die mitochondriale a analysé l’utilisation du propofol [247] .
Deux patients ayant une maladie génétique mitochondriale ont
développé un syndrome de perfusion du propofol. Les ano-
malies mitochondriales qui sont à risque d’effets secondaires
avec le propofol sont la mutation LHON m.3460G>A, l’atteinte
mitochondriale du complexe IV de la chaîne respiratoire, la per-
turbation du captage de l’acyl-carnitine liée à une inhibition de
CPT-1, le déficit de la cytochrome-c-oxydase, le syndrome de
MELAS et le syndrome de Kearns-Sayre. À l’inverse, le propofol
a été utilisé sans incident dans de nombreuses autres maladies
mitochondriales telles que le déficit en complexe I et le syndrome
de Leigh.
Les recommandations actuelles sont que le propofol ne doit pas
être administré de façon prolongée dans les maladies mitochon-
driales. Il n’est pas contre-indiqué pour l’induction anesthésique
et pour une perfusion de brève durée (durée ne dépassant pas 1 à
2 h).
Maladies musculaires
Dans les myopathies autres que les myopathies mitochon-
driales, le propofol est bien toléré. De nombreux cas cliniques
ont noté la sécurité d’emploi du propofol dans la myopathie de
Duchenne, la myopathie distale, la myopathie central core, la dys-
trophie musculaire de Fukuyama, la myopathie centronucléaire
(myotubulaire), la dystrophie musculaire des ceintures, la maladie
de Werdnig-Hoffmann.
Le propofol n’étant pas un médicament déclenchant
l’hyperthermie maligne peranesthésique, il est un des anes-
thésiques conseillés dans cette maladie génétique [248] .
Porphyries
Lors de son introduction, le propofol a été mis sur la liste des
médicaments contre-indiqués chez les patients atteints de por-
phyrie aiguë intermittente [249] . En effet, in vitro sur un modèle
d’embryon de poulet, le propofol a été porphyrinogène. Ce
modèle expérimental a été critiqué et chez le rat le propofol n’a pas
d’action sur l’acide aminolévulinique synthase (ALA synthase),
enzyme limitante de la synthèse de l’hème [250] . Les études ulté-
rieures ont montré que son utilisation chez ces patients était sûre
et actuellement le propofol est un des anesthésiques indiqués chez
les patients atteints de porphyries hépatiques ou cutanées [251] .
Autres maladies
Le propofol n’est pas contre-indiqué dans la maladie de Parkin-
son et dans les autres formes de dystonies. En revanche, il interfère
avec l’enregistrement des potentiels cérébraux lors de la mise en
place des électrodes de stimulation cérébrale profonde (DBS) [252] .
Le propofol a été utilisé sans incident dans la mastocytose sys-
témique, la narcolepsie et de nombreuses anomalies innées du
métabolisme [253] .
Sismothérapie
Le propofol est très utilisé en psychiatrie pour la réalisation des
sismothérapies. Le réveil rapide est un élément important dans
ce choix [254–256] . Le propofol augmente le seuil de déclenchement
de la crise épileptique et réduit la durée de la crise électrique et
clinique déclenchée par la stimulation électrique cérébrale bila-
térale ou unilatérale gauche. À la dose de 1,5 mg kg−1 , la durée
de la crise est le plus souvent inférieure à 30 s. La plupart des
auteurs admettent que la diminution de la durée de la crise n’a pas
d’incidence importante sur l’efficacité du traitement. Le protocole
courant est une dose de propofol de 1 à 1,5 mg kg−1 associée à la
succinylcholine en l’absence de contre-indication. Avec ce proto-
cole, le réveil est rapide et il y a moins de perturbations cognitives
et de nausées et de vomissements. L’association de la kétamine
EMC - Anesthésie-Réanimation

(0,8 mg kg−1 ) au propofol (1,5 mg kg−1 ) a été proposée pour pallier
l’inconvénient de la réduction de la durée de la crise [257] .
La sismothérapie s’accompagne de modifications hémodyna-
miques. Il y a souvent initialement une stimulation parasympa-
thique avec bradycardie et hypotension artérielle suivie d’une
stimulation sympathique avec tachycardie et hypertension. Le
propofol contrôle mieux l’hypertension artérielle que l’étomidate.
L’adjonction de 1 ␮g kg−1 de rémifentanil permet de diminuer la
dose de propofol et augmente la durée de la crise épileptique.
Le propofol a été utilisé pour la sismothérapie chez la femme
enceinte. La diminution de la durée de la crise épileptique dimi-
nue le risque de bradycardie fœtale [258] .
 Utilisation non anesthésique
Nausées et vomissements
Le propofol a un effet antiémétique en postopératoire et en
dehors du contexte chirurgical [259] . En salle de surveillance post-
interventionnelle, le propofol en bolus de 10 à 15 mg a un effet
curatif sur les NVPO. La durée de l’effet curatif est transitoire et
une réinjection après un délai moyen de 30 min est fréquem-
ment nécessaire [260] . Le propofol en perfusion à doses sédatives
(1 mg kg−1 h−1 ) débuté quatre heures avant la chimiothérapie et
maintenu pendant 24 heures diminue la fréquence et l’intensité
des nausées et des vomissements [260] .
Prurit
Chez le rat, l’injection intrathécale de morphine déclenche un
grattage qui est supprimé par le propofol [261] . En clinique, le pro-
pofol améliore le prurit lié à l’utilisation des opiacés notamment
par voie périmédullaire sans affecter l’efficacité de l’analgésie. Le
propofol est utilisé en bolus de 10 à 20 mg et sa durée d’action est
d’une heure environ, voire moins. Les réinjections ont la même
efficacité ainsi que la perfusion de 0,5 à 1 mg kg−1 par heure. Le
“ Points essentiels
• Au niveau du système nerveux central, la cible principale
du propofol sont les récepteurs A du GABA. Le propo-
fol interrompt les connexions entre les régions cérébrales
sous-corticales et corticales impliquées dans la conscience
et le sommeil.
• Le propofol entraîne une hypotension artérielle modé-
rée essentiellement par diminution de la précharge et des
résistances systémiques. L’hypotension artérielle est plus
importante chez certains patients (hypovolémie, maladie
cardiaque, sujet âgé).
• Le propofol entraîne une dépression respiratoire et il
favorise l’obstruction des voies aériennes supérieures.
• Le propofol n’a pas d’action sur le rein, le foie et les
glandes endocrines.
• Les douleurs au site d’injection sont l’effet secondaire
le plus fréquent. L’anaphylaxie au propofol est exception-
nelle.
• Le propofol est bien adapté à la perfusion continue selon
le mode à objectif de concentration (AIVOC), seul ou asso-
cié au rémifentanil.
• Le propofol est utilisé chez tous types de patients et
de chirurgie. Il est l’anesthésique le plus utilisé pour les
anesthésies en dehors du bloc opératoire (endoscopies,
radiologie interventionnelle, sismothérapie).
• Le propofol en perfusion est utilisé pour la sédation en
réanimation.
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
propofol est aussi efficace chez les patients ayant un ictère par
rétention. L’action antiprurigineuse est expliquée par une action
spinale au niveau de la corne postérieure et une action centrale
au niveau des récepteurs cannabinoïdes du cortex cingulaire anté-
rieur [262] (Annexe N).
Migraine
Le propofol a été utilisé pour traiter des crises de migraine
sévères résistantes au traitement antimigraineux. Il est administré
par bolus de 10 à 30 mg. Dans une étude, le propofol par bolus de
10 mg avec une dose maximale de 80 mg a été efficace dans deux
tiers des cas dès la 20e minute [263] .
Sevrage aux opiacés et sevrage alcoolique
Le propofol a été utilisé dans les techniques de désintoxication
rapide en cas d’addiction aux opiacés. La naloxone et la cloni-
dine sont administrées sous anesthésie générale avec le propofol
en perfusion [264] . Malgré l’anesthésie générale, la stimulation
sympathique est intense avec une augmentation importante des
catécholamines plasmatiques.
Le delirium tremens est la forme la plus grave du syndrome
de sevrage alcoolique aigu. En cas d’inefficacité des benzodia-
zépines, celles-ci peuvent être associées au propofol [265, 266] . Le
propofol serait efficace par son action sur les récepteurs NMDA car
les voies glutamatergiques sont impliquées dans le sevrage alcoo-
lique. Dans les études cliniques, les doses de propofol ont varié
de 5 à 100 ␮g kg−1 par minute administrées pendant 12 heures à
15 jours (Annexe O).
Déclaration de liens d’intérêts : l’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
en relation avec cet article.
 Annexe A. Récepteur GABAA
Chaque sous-unité du récepteur GABAA comporte un domaine
extracellulaire N-terminal et quatre segments en hélice transmem-
branaires (M1, M2, M3, M4) (Fig. A.1). Les deux sites de fixation
du GABA sont localisés au niveau du domaine extracellulaire à
l’interface des sous-unités ␤-␣. Les sites de fixation du propo-
fol sont situés au niveau de cavités localisées dans le domaine
transmembranaire entre des sous-unités adjacentes [3] . Deux sites
de fixation du propofol ont été identifiés. Le premier est loca-
lisé à l’interface ␤« + »–␣« – » dans la région transmembranaire
au niveau des résidus ␤2(M286) et ␣1(M236). Le deuxième site
de fixation est défini par une poche près de la jonction entre les
domaines extracellulaire et transmembranaire à proximité du côté
« – » de la sous-unité ␤ [267, 268] .
Le propofol interagirait en priorité avec les sous-unités ␤ du
récepteur et plusieurs études ont identifié la sous-unité ␤3 comme
étant le site de fixation principal du propofol [269] . L’action ago-
niste du propofol dépend étroitement de la nature de l’acide
aminé en position 265 au niveau du deuxième domaine trans-
membranaire. À ce niveau, la sous-unité ␤3 (région TM2) contient
un résidu asparagine alors que la sous-unité ␤1 contient un résidu
sérine. La substitution de l’asparagine par la sérine au niveau de
␤3 génère un récepteur qui est insensible à l’action du propofol,
tandis que la substitution inverse S265N au niveau de ␤1 produit
un récepteur qui peut être activé par le propofol [270] . Lorsque le
récepteur contient des sous-unités ␤1, le propofol est moins effi-
cace qu’en présence des sous-unités ␤2 ou ␤3. Néanmoins, le site
précis, cible de l’action du propofol, varie en fonction des études.
Par exemple, dans une étude, le propofol a interagi au niveau
du résidu méthionine dans la région TM3 (M286) de l’interface
␤-␣ et au niveau des interfaces ␤-␤ et ␣-␤ à proximité des rési-
dus ␤3(Y143), ␤3(F221) ou ␤3(Q224) [271, 272] . Chez la souris, une
modification génétique de la sous-unité ␥2 (mutation Y365/7F) au
cours de laquelle un résidu tyrosine a été remplacé par la phényla-
lanine a induit une augmentation de l’inhibition tonique dans le
thalamus et le noyau gyrus dentelé uniquement chez les femelles.
17
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
Récepteurs GABAA
α sous-unité β sous-unité
Site de fixation Site de fixation
A291
du GABA du GABA
S270
T415
L232 G219
TM1 TM2 TM3 TM4 TM1 TM2 TM3 TM4
Site
cytoplasmique
Cette inhibition a participé à l’action hypnotique de l’étomidate
et du propofol [273] .
Pour identifier les sites de liaison des anesthésiques au niveau
des sous-unités du récepteur GABAA , on peut étudier les mutations
des différentes sous-unités. Une autre méthode est l’utilisation
de propofol rendu photoréactif par photomarquage avec un ana-
logue photosensible (métazi-propofol). Certaines mutations au
niveau des sous-unités peuvent modifier l’effet pharmacologique
du propofol. Les mutations au niveau de la sous-unité ␣ diminuent
ou suppriment l’effet hypnotique des anesthésiques halogénés
mais ont peu d’effet sur celui du propofol. Ce sont les mutations
au niveau de la sous-unité ␤ qui influencent l’activité du propo-
fol. Par exemple, la mutation ␤3N265M diminue l’efficacité du
propofol chez le rat sur le réflexe de posture et la réponse à un sti-
mulus nociceptif [274] . La technique knockin a permis de démontrer
chez la souris que l’immobilité induite par le propofol est liée à la
potentialisation des sous-unités ␤3 du récepteur GABAA [274] . Chez
la souris knockout pour la sous-unité ␤2, l’activité anesthésique du
propofol est normale.
Le propofol accroît la phosphorylation de la sous-unité ␤3 du
GABAA R par activation transitoire de la phosphokinase C (PKC).
Cet effet atténue l’interaction entre le GABAA R␤3 et l’AP-2 (adap-
tor protein 2) aboutissant à une diminution de l’endocytose des
GABAA R et à une potentialisation de l’inhibition synaptique du
GABA [275] .
Les récepteurs GABAA sont disséminés dans le système nerveux
central (SNC) et périphérique. Ces récepteurs sont très nom-
breux au niveau des structures qui interviennent dans l’éveil
tels les noyaux tubéromamillaires (TMN) et l’hypothalamus.
L’application d’un antagoniste gabaergique (gabazine) au niveau
du noyau TMN diminue l’effet sédatif du propofol. Les récep-
teurs GABAA du SNC interviennent dans la perte de conscience,
l’analgésie et l’amnésie. Au niveau de la moelle, ils interviennent
dans l’immobilité.
 Annexe B. Action sur les autres
récepteurs du système nerveux
central
De très nombreuses études, pour la plupart in vitro, ont observé
une action du propofol sur d’autres récepteurs que le GABAA R,
ainsi que sur des canaux ioniques et des structures cellulaires du
système nerveux intervenant dans la conscience, l’analgésie et
la mémoire. Cependant, le rôle de ces récepteurs dans l’action
pharmacodynamique du propofol reste à préciser (Tableau B.1).
 Annexe C. Effets hypnotiques
Les premières observations d’une différence entre les concen-
trations des anesthésiques au moment de l’endormissement
et du réveil ont été faites avec l’halothane et l’isoflurane
chez l’animal (drosophile et rat). La concentration nécessaire à
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Figure A1. Sous-unités ␣ et ␤ du récepteur GABAA . Plu-
sieurs mutations (indiquées par des étoiles) au niveau de la
sous-unité ␣ modifient la sensibilité du récepteur aux anesthé-
siques volatils. Par exemple, la substitution au niveau de Ser270
diminue l’action de l’isoflurane. Les mutations au niveau de la
N265 sous-unité ␤ modifient la sensibilité au propofol. La mutation
M286 ␤3N265M diminue l’action hypnotique du propofol (d’après
Y444 N.P. Franks [3] ).
Site
cytoplasmique
l’endormissement est plus élevée que celle mesurée au moment
du réveil [300] . Cette discordance dans le passage entre éveil et
inconscience et inconscience et réveil reflèterait une propriété
intrinsèque du système nerveux central appelée inertie neuro-
nale. Au plan pharmacologique, elle est désignée sous le nom
d’hystérésis. Dans l’étude de P.O. Sepulveda, la concentration au
moment du LOC a été de 2,6 ␮g ml−1 (extrêmes 1,2 à 4,7 ␮g ml−1 )
et de 1,6 ␮g ml−1 (extrêmes 0,6 à 3,3 ␮g ml−1 ) au moment du
ROC (Fig. 2) [300] . Ce type d’étude est discuté car deux points cru-
ciaux ne font pas consensus, à savoir d’une part l’absence d’un
état stable avec une équilibration incomplète entre les concentra-
tions sanguine et cérébrale, et d’autre part la définition du meilleur
paramètre pour déterminer le moment de LOC et ROC (para-
mètres cliniques ou électroencéphalographiques). Dans une étude
similaire, la concentration efficace 50 (EC50) de propofol n’a pas
été différente entre l’endormissement et le réveil (moyenne de
1,72 ␮g ml−1 ) [17] .
Dans le Tableau C.1 sont résumées les concentrations sanguines
de propofol mesurées au moment de la perte de conscience et du
réveil.
 Annexe D. Effets hypnotiques
et conscience
Les difficultés pour identifier au niveau du système nerveux cen-
tral (SNC) les structures sur lesquelles agit le propofol tiennent au
fait qu’aucune des techniques, in vivo, électrophysiologiques ou
d’imagerie fonctionnelle, ne peut mesurer directement l’activité
neuronale. Cette activité est déduite de paramètres indirects tels
que le débit sanguin cérébral (DSC), le métabolisme cérébral
(CMRO2 ), la consommation de glucose ou la concentration céré-
brale d’oxygène. Or ces paramètres peuvent être influencés par les
anesthésiques indépendamment de leur action sur l’activité neu-
ronale, par exemple par leur action sur la vasomotricité des artères
cérébrales.
Les études utilisant la tomographie par émission de positrons
(TEP) ont montré que l’anesthésie générale s’accompagnait d’une
désactivation du thalamus et de certaines structures du mésen-
céphale qui sont associées à la substance réticulaire activatrice
ascendante et d’une désactivation de certaines régions corticales
telles que le précuneus et le cortex cingulaire postérieur du cortex
pariétal, le cuneus (cortex occipital) et certaines régions du cortex
frontal [3, 303–305] . La chronologie de la désactivation des régions
cérébrales au moment de la perte de conscience n’est pas défi-
nie avec certitude [4, 306, 307] . Une majorité d’études est en faveur
d’une déconnexion thalamocorticale initiale [308–310] . En effet, le
thalamus est la zone de transit principale des informations senso-
rielles de la périphérie vers le cortex. Le blocage de la connectivité
thalamocorticale serait donc un élément essentiel de l’anesthésie.
Cependant, tous les auteurs n’admettent pas la déconnexion tha-
lamocorticale comme mécanisme initial et certains arguments
expérimentaux sont en faveur d’une action corticale initiale et
d’une déconnexion corticothalamique secondaire [311, 312] .
EMC - Anesthésie-Réanimation
 Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30

Tableau B.1.
Autres récepteurs, canaux ioniques, structures cellulaires et voies nerveuses sensibles à l’action du propofol.
Type de récepteur, canal ionique,
structure cellulaire
Récepteurs à la glycine [276–278]
Récepteurs NMDA [279, 280]
Récepteurs muscariniques et nicotiniques
et voies cholinergiques [9, 281, 282]
Récepteurs et voies adrénergiques [283, 284]
Récepteurs dopaminergiques [8, 285–287]
Canaux à adénosine [288–290]
Canaux potassiques SK (small
conductance calcium-activated potassium
[SK] channels) [291, 292]
Canaux NA+ et K+ présynaptiques [293, 294]
Canaux HCN-1
(hyperpolarization-activated cyclic
nucleotide–gated channels) [292]
Récepteurs TRPA et TRPV [295]
SIRT-2 déacétylase ou sirtuine 2 [296]
Orexine [11]
Récepteurs aux cannabinoïdes
(CB1) [261, 297]
Connexine 36 gap junction [298]
Protéine kinase C (PKC) [299]
Localisation Action
Moelle, hypothalamus, thalamus Effet hypnotique (effet antagonisé par la strychnine)
Action analgésique au niveau spinal
Cortex, striatum, aire ventrolatérale préoptique Effet hypnotique
(VLPO) Action directe sur le récepteur et indirecte par
inhibition de la phosphorylation de la sous-unité NR1
du récepteur NMDA
Potentialisation de l’action du GABA au niveau de
VLPO
Cortex, thalamus, hippocampe Effet hypnotique, action sur la mémorisation,
l’apprentissage, les rêves
Antagonisme partiel du propofol par la
physostigmine ; suppression des rêves par la
scopolamine
Le GABAA diminue la libération cérébrale de l’ACh
Régions sous-corticales (protubérance, bulbe, Voies noradrénergiques impliquées dans l’éveil
locus cœruleus, thalamus), cortex Réveil plus rapide par administration de noradrénaline
au niveau du thalamus
Mésencéphale (aire tegmentale ventrale et Le méthylphénidate, inhibiteur de la recapture de la
substantia nigra pars compacta), substance grise dopamine et de la noradrénaline antagonise l’effet
périaqueducale hypnotique du propofol
Récepteurs D1 Les récepteurs D1 interviennent dans l’addiction au
propofol
Rôle dans l’état d’éveil et la privation de sommeil
Lors de la privation de sommeil, l’action du propofol
est potentialisée
La caféine antagoniste de l’adénosine accélère le réveil
Thalamus, cellules pyramidales corticales Effet hypnotique
Inhibition du courant Ih
(hyperpolarization-activated cationic current)
Cortex, hippocampe Effet hypnotique
Modulation de la libération de glutamate
Hippocampe Sommeil
Analgésie
Corne postérieure de la moelle Analgésie
Enzyme présente dans la myéline des neurones Neuromodulation lors du développement du SNC
Uniquement présent au niveau de Favorise le réveil après anesthésie par le propofol
l’hypothalamus postérieur et la région Pas d’action sur la sensibilité au propofol au moment
périfornicale. Projection des neurones vers le de l’induction
cortex frontal et la moelle
Cortex cingulaire antérieur Le propofol inhibe l’acide gras amide hydrolase
Autres régions du SNC (FAAH) et augmente la concentration de la
N-arachidonoyl éthanolamine (anandamide; AEA),
cannabinoïde endogène
Effet anti-prurit
Les connexines sont des protéines des jonctions Favorise l’action hypnotique par blocage des
communicantes connexines 36
Cellules pyramidales du cortex
Facilitation de la libération de Le propofol augmente l’activité de la PKC cérébrale
neurotransmetteur au niveau des synapses Effet hypnotique

Ach : acétylcholine ; PK : protéine kinase ; SIRT-2 : silencing information regulator 2 ; TRPA : transient receptor potential A ; TRPV : transient receptor potential vanilloide.

Les mécanismes de l’anesthésie ne sont pas strictement super-
posables à ceux du sommeil physiologique. Il y a certes des
similitudes mais aussi des différences [313–317] . Lors du passage de
l’état d’éveil au sommeil, des ondes en fuseaux (spindle waves)
(oscillations de fréquences 7–14 Hz survenant pendant quelques
secondes) apparaissent à l’EEG. Ces fuseaux sont générés par le
thalamus. Au cours du sommeil profond non-REM, les neurones
thalamiques présentent des bursts de fréquence basse. Ce mode
de bursts s’étend à certains neurones corticaux et forme des oscil-
lations delta de grande amplitude (fréquences de ∼1–4 Hz). Chez
l’homme, à l’imagerie fonctionnelle, la désactivation du thalamus
observée lors du passage de l’éveil au sommeil profond est hau-
tement corrélée avec l’apparition des fuseaux et des oscillations
delta à l’EEG [318–321] . Une des similitudes entre sommeil et anes-
thésie est le fait que la perte de conscience (loss of consciousness,
LOC) s’accompagne d’une modification de l’EEG qui rappelle les
fuseaux et les oscillations delta, les fuseaux étant le témoin de
l’endormissement et les oscillations delta témoignant du sommeil
profond [318, 319] . À côté de l’action directe sur le thalamus et le cor-
tex, les anesthésiques pourraient aussi agir en inhibant les voies
excitatrices de l’éveil ou en potentialisant les voies du sommeil
qui contrôlent ces voies de l’éveil.
 Annexe E. EEG et « burst
suppression »
Le terme burst suppression (BS) désigne un tracé électroencé-
phalographique caractérisé par des périodes d’activité électrique

EMC - Anesthésie-Réanimation 19
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36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique

Tableau C.1.
Concentrations sanguines du propofol mesurées au moment de la perte de conscience et du réveil a .
Auteurs
J. Vuyk, 1992 [301]
C. Smith, 1994 [302]
T. Kazama, 2000 [13]
Y.U. Adachi, 2001 [15]
P.O. Sepúlveda, 2018 [300]
a
Perte de conscience (LOC : loss of consciousness ; LOR : loss of responsiveness) évaluée par l’absence de réponse à un stimulus auditif ou tactile ; réveil (ROC : recovery of
consciousness ; ROR : recovery of responsiveness) évalué par la présence d’une réponse à un stimulus auditif ou tactile. C : concentration sanguine.
Sujets étudiés Protocole d’anesthésie
18 femmes ASA 1, âge de 29 à 49 AIVOC : augmentation de la
ans concentration cible par palier de
Chirurgie générale 0,5 ␮g ml−1
Pas de prémédication
Patients de 20 à 55 ans ASA 1 et 2 AIVOC : chaque groupe reçoit une
chirurgie programmée dose de propofol avec une
Pas de prémédication concentration cible variant selon
le patient de 1,5 à 10 ␮g ml−1
Étude de la potentialisation du
propofol par le fentanyl
Patients ASA 1 et 2 de 25 à 55 ans Propofol : induction à des doses
chirurgie programmée variant de 10 à 300 mg kg−1 h−1
Pas de prémédication
Patients de 15 à 83 ans ASA 1 et 2 Propofol : 250 ␮g kg−1 min−1
Mesure du débit cardiaque (dose constante pour tous les
Prémédication avec hydroxyzine patients)
19 volontaires ASA 1 et 2, âge AIVOC avec concentration cible
moyen : 31,5 ± 5,3 ans initiale de 0,5 ␮g ml−1 pendant
7 min puis augmentation par
palier de 0,5 ␮g ml−1
Après LOR deux paliers
supplémentaires avant le réveil
Concentration sanguine du propofol
LOC : 4,3 ± 0,7 ␮g ml−1 (extrêmes : 2,75
et 5,40 ␮g ml−1 )
EC50 : 3,40 ␮g ml−1
EC90 : 4,34 ␮g ml−1
Cp50 : 3,3 ␮g ml−1 (extrêmes : 2,5 et
7 ␮g ml−1 )
Cp95 : 5,4 ␮g ml−1
Absence de réponse à l’incision
chirurgicale : Cp50i : 15,2 ␮g ml−1
Cp50i diminue de 50 % pour une
concentration sanguine de fentanyl de
0,63 ng ml−1
LOC : à la dose de 10 mg kg−1 h−1 la C
est de 5,5 ± 1,3 ␮g ml−1
À la dose de 300 mg kg−1 h−1 la C est de
21 ± 1,5 ␮g ml−1
LOC : concentration moyenne :
3,69 ± 1,09 ␮g ml−1
La concentration dépend de l’âge, du
débit cardiaque et du poids
LOR : 2,6 ␮g ml−1 (extrêmes 1,2 à
4,7 ␮g ml−1 )
ROR : 1,6 ␮g ml−1 (extrêmes 0,6 à
3,3 ␮g ml−1 )

entrecoupées de disparition de toute activité électrique (tracé
isoélectrique ou silence électrique) et qui correspond à un état
d’inconscience profonde [23] . Lorsque le patient présente des BS,
l’augmentation des doses de propofol s’accompagne d’un allon-
gement des périodes isoélectriques entre les épisodes de burst, et à
doses suffisantes l’EEG peut être totalement isoélectrique. Le burst
suppression ratio ou suppression ratio est un paramètre utilisé pour
quantifier les périodes de BS. Ce rapport est un nombre de 0 à 1
et mesure la fraction de temps pendant un intervalle de temps
donné au cours duquel l’EEG est isoélectrique. Ce paramètre est
intégré dans certains moniteurs de la mesure de la profondeur
d’anesthésie tels le BIS. Les BS ne sont le reflet que de l’activité
corticale puisque chez l’animal lors d’épisodes de BS inférieurs à
30 s il persiste une activité au niveau de 30 à 40 % des neurones
thalamiques [322] .
 Annexe F.
Électroencéphalographie
et profondeur de l’anesthésie
L’électroencéphalographie (EEG) dans des modalités simpli-
fiées a été utilisée pour évaluer la profondeur de l’anesthésie. Un
chapitre spécifique de ce traité est consacré à ce sujet. L’index
bispectral (BIS) est la technique la plus répandue et c’est elle qui
est la plus utilisée dans les modèles d’AIVOC basés sur l’analyse
pharmacocinétique-pharmacodynamie. Le BIS inclut dans son
algorithme de calcul la présence, la durée et la fréquence des bursts
suppression. Le BIS est recommandé lors de l’anesthésie intravei-
neuse totale associée à un curare [323] .
Chez des patients ASA 1 et 2 recevant le propofol à une concen-
tration cible de 6 ␮g ml−1 , la concentration sanguine moyenne
permettant l’obtention de bursts suppression chez 50 % des patients
(CP50BS) est en moyenne de 4,85 ␮g ml−1 [324] . La relation entre la
valeur du BIS et la concentration sanguine est assez bonne lors de
l’entretien de l’anesthésie [325] . La concentration EC50 (réduction
du BIS à 50) mesurée est de 4,03 ␮g ml−1 en moyenne chez les
enfants et de 3,34 ␮g ml−1 chez les adultes jeunes. En revanche,
à l’induction et au réveil, la relation entre le BIS et la concentra-
tion sanguine est moins étroite et il existe une grande variabilité
interindividuelle. Au moment de la perte de conscience, la valeur
moyenne du BIS est de 58,7 ± 7 et au moment du réveil (ROC)
elle est de 67,7 ± 8,7 [326] .
 Annexe G. Réflexe H
Le réflexe H (nommé selon le physiologiste Hoffmann qui
l’a décrit) est un réflexe monosynaptique ou oligosynaptique
observé aux niveaux des muscles du mollet après une sti-
mulation électrique transcutanée supramaximale du nerf tibial
postérieur [327–329] . Ce réflexe comporte essentiellement des fibres
afférentes Ia avec une projection monosynaptique sur les moto-
neurones. Les voies du réflexe H correspondent à celles du
réflexe monosynaptique d’étirement (réflexe tendineux) tandis
que les terminaisons sensitives des fuseaux musculaires sont
court-circuitées par la stimulation électrique directe. Les varia-
tions de l’amplitude du réflexe H reflètent l’excitabilité de la
composante neuronale de l’arc réflexe et peuvent être liées à au
moins trois mécanismes :
• modification de l’excitabilité des motoneurones due à des
influences excitatrices ou inhibitrices postsynaptiques ;
• des variations de la quantité de neurotransmetteur libérée par
les terminaisons afférentes ;
• des variations des propriétés intrinsèques de la membrane des
motoneurones.
 Annexe H. Protection
myocardique
Le concept de protection myocardique a initialement été décrit
lors de l’utilisation des anesthésiques halogénés. Le précondition-
nement et le postconditionnement correspondent à la protection
myocardique assurée par l’administration avant ou après un épi-
sode d’hypoxie (type ischémie-reperfusion) d’un anesthésique
halogéné ou intraveineux. Les anesthésiques sont susceptibles de
réduire l’importance des lésions cellulaires myocardiques et donc

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de limiter la diminution de la performance cardiaque au cours
ou au décours d’un épisode d’ischémie. Cette protection a été
démontrée in vitro et in vivo chez l’animal ainsi que dans des
études cliniques.
Le propofol améliore l’apoptose de cardiomyocytes de rats
nouveau-nés soumis à un stress oxydatif par exposition à la
doxorubicine [330, 331] . Sur des cardiomyocytes humains prélevés
en peropératoire au niveau de l’oreillette droite, le propofol est
cardioprotecteur. Cette action favorable est liée à son action
au niveau des mitochondries avec comme cibles principales les
canaux potassiques, la chaîne respiratoire mitochondriale et la NO
synthase [332] . Sur le modèle du cœur isolé perfusé (modèle de Lan-
gendorff), le propofol a un effet cardioprotecteur. Cette protection
est liée à une action au niveau de différentes voies intracellulaires :
perméabilité mitochondriale [333] ; action au niveau de l’activité
GSK-3bêta dont la concentration est augmentée [334] ; réduction
de la taille des zones ischémiées [335–337] ; inhibition des masto-
cytes cardiaques [338] . Une amélioration de certains paramètres de
viabilité myocardique, témoin de l’action cardioprotectrice, a été
observée au cours de la chirurgie cardiaque [339–342] .
À l’inverse, de nombreuses autres études n’ont pas démontré
d’effet protecteur myocardique du propofol. Sur cœur isolé et
perfusé de rat ou de lapin, le propofol n’a pas eu d’effet protec-
teur vis-à-vis d’une ischémie [96, 343, 344] . Chez le rat sur un modèle
de syndrome de Takotsubo par administration d’isoprénaline,
l’isoflurane procure une protection myocardique supérieure à celle
du propofol [345] . Dans plusieurs études au cours de la chirurgie car-
diaque avec ou sans circulation extracorporelle, le propofol n’a pas
eu d’effet protecteur ou un effet protecteur moins important que
les anesthésiques halogénés (isoflurane et sévoflurane) [346–350] .
 Annexe I. Stress oxydatif
et effet antioxydant
Le propofol a une structure chimique proche de celle de l’alpha-
tocophérol et du butylhydroxytoluène, deux substances ayant des
propriétés antioxydantes. Le propofol inhibe la peroxydation des
lipides au niveau des micrososmes hépatiques et cérébraux [351, 352] .
Il stimule aussi les enzymes cellulaires (glutathion réductase, glu-
tathion transférase) du système du glutathion qui est un système
antioxydant intracellulaire. Le glutathion réduit est la principale
substance antioxydante intracellulaire [353] . L’effet antioxydant du
propofol a été observé dans plusieurs études dans lesquelles les
organes périphériques (cerveau, cœur, rein, foie) ont été soumis
à des épisodes d’ischémie-reperfusion qui est un des modèles de
stress oxydatif cellulaire [346, 354] (cf. Neuroprotection).
 Annexe J. Pharmacodynamie.
Divers
Effet sur le métabolisme des protéines
Chez des patients avant une chirurgie colorectale programmée,
le métabolisme protéique a été étudié par administration de L-
leucine marquée au carbone 13 (13 C). Le propofol administré
pendant 100 min (concentration plasmatique calculée entre 2 et
6 ␮g ml−1 ) diminue modérément l’alpha-cétoisocaproate, méta-
bolite de la L-leucine. Ces modifications sont plus faibles que celles
induites par l’acte chirurgical [355] .
Effets sur l’appétit et la sensation de faim
Un effet du propofol sur le goût et sur l’appétit dans la période
postopératoire a été décrit chez l’animal et chez l’homme [356–359] .
Chez la souris, le propofol augmente la prise alimentaire dans
la période postopératoire immédiate. Cet effet sur l’appétit serait
dû à une diminution de la pro-opiomélanocortine (POMC) qui
est anorexigène [359] . Le propofol ne modifie pas la sécrétion du
neuropeptide Y (NPY) qui est orexigène [357] . Chez des chiens, le
propofol à doses sédatives augmente la prise alimentaire dans les
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Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique  36-305-A-30
15 premières minutes suivant l’injection. Cet effet sur la faim ne
persiste pas au-delà de la 15e minute [358] .
Effets sur l’activité osseuse
In vitro sur des macrophages de souris, le propofol favorise la
différentiation et la maturation des ostéoclastes et la résorption
osseuse. Lors de l’ostéoclastogenèse, le propofol favorise la fusion
des cellules ostéoclastiques. Cet effet est lié à l’augmentation de
l’expression de la protéine DC-STAMP (dendritic cell-specific trans-
membrane protein) [360] . Le propofol augmente l’ostéoprotégérine
(OPG) et diminue l’activité de la protéine RANKL (receptor activa-
tor of nuclear factor kappa B) qui sont des protéines qui régulent
l’équilibre entre les ostéoclastes et les ostéoblastes [361] .
Effets sur la fluidité des membranes
cellulaires
Le propofol peut modifier la fluidité des membranes cellu-
laires [362–364] . In vitro sur des membranes érythrocytaires, sur des
membranes de cellules neuronales en culture et des bicouches de
DMPC (dimyristoyl-L-phosphatidylcholine), le propofol a un effet
de fluidification membranaire. Aux concentrations cliniques cet
effet est modéré [363, 364] .
In vitro sur des cellules de lymphome humain et des cellules
végétales (protoplaste), le propofol diminue la perméabilité de la
membrane des cellules [365] .
Effets sur les lymphatiques
La circulation lymphatique est très dépendante des forces
extrinsèques appliquées aux vaisseaux. Cependant, les lympha-
tiques possèdent des propriétés contractiles et celles-ci influencent
le flux lymphatique. Dans une étude in vitro et in vivo chez le
rat, le propofol inhibe la circulation lymphatique et cette inhibi-
tion semble liée à une diminution de la contractilité de la paroi
lymphatique [366] .
 Annexe K. Interférences
pharmacodynamiques
L’interaction pharmacodynamique peut être additive, syner-
gique ou antagoniste. Les effets de l’association du propofol avec
les autres agents anesthésiques sont évalués par des paramètres cli-
niques et électrophysiologiques (perte de conscience, EEG et BIS,
analgésie).
L’association de deux, voire trois agents anesthésiques est étu-
diée par la méthode isobolographique qui utilise les courbes
isoboles (courbes qui correspondent à un effet pharmacodyna-
mique identique pour différentes doses des agents anesthésiques
administrés en même temps) [367] . Une autre technique est le
modèle des surfaces de réponse [367, 368] .
Beaucoup d’études d’interactions pharmacodynamiques sont
difficiles à interpréter en raison de la méthodologie utilisée.
L’interaction entre deux médicaments dépend étroitement des
concentrations de ces deux médicaments au site d’action. Or
en l’absence d’un état pharmacocinétique d’équilibre stable, les
concentrations au site effet ne peuvent pas être prédites avec pré-
cision et expliquent la variabilité de l’effet clinique.
 Annexe L. Antécédents
de diabète
Chez l’animal diabétique, le propofol modifie la sensibilité des
organes périphériques à l’insuline. Il augmente la résistance à
l’insuline au niveau du cœur de rats diabétiques [369] . Sur cœur
isolé perfusé de rats diabétiques, le propofol diminue le captage
myocardique du glucose notamment par diminution de l’activité
du transporteur GLUT4. La concentration d’HMV adiponectine
21
36-305-A-30  Propofol : pharmacodynamie et utilisation pratique
(high molecular weight adiponectine) n’augmente pas. L’HMV adi-
ponectine est une adipocytokine qui intervient dans la sensibilité
à l’insuline [171] .
In vitro le propofol a un effet protecteur sur des cellules myocar-
diques et endothéliales aortiques soumises à une hyperglycémie
du milieu de survie [370, 371] . Chez le rat diabétique soumis à une
ischémie cérébrale par occlusion de l’artère cérébrale moyenne
et à une hyperglycémie, le propofol diminue l’œdème cérébral
et atténue l’accumulation de lactates au niveau de la zone céré-
brale ischémique [372] . Un effet protecteur est aussi observé chez
le rat diabétique soumis à une ischémie-reperfusion myocardique
et rénale [373, 374] . Chez le rat rendu hyperglycémique, le propofol
atténue les lésions tubulaires induites par l’insuffisance rénale. Il
préserve la superoxide dismutase et atténue l’augmentation lors
de la reperfusion de la myéloperoxidase, de l’interleukine-1␤, du
TNF-␣, de la production de l’oxyde nitrique synthase inductible
et de la phosphorylation de l’inhibiteur ␬B du facteur nucléaire
␬B [373] . Cet effet protecteur est lié à un effet antioxydant (pro-
duction de la NO synthase inductible) et à une diminution des
médiateurs de l’inflammation (interleukine-1␤, TNF-␣) [374] . Chez
le rat ayant un diabète de type 2 (régime riche en glucose et
injection de streptozotocine), le propofol a un effet protecteur
dans l’ischémie-reperfusion myocardique par clampage de l’artère
interventriculaire. Le propofol améliore la fonction myocardique.
La concentration plasmatique du NO et de l’endothéline 1 est
augmentée et celle des médiateurs de l’inflammation (Il-1␤, Il-6,
TNF-␣) est diminuée [374] .
Les résultats des études expérimentales sont difficiles à trans-
poser en clinique. Une étude chez des patients ayant un diabète
type 2 et opérés pour un pontage aortocoronarien sous circulation
extracorporelle en normothermie a observé une évolution post-
opératoire immédiate plus favorable avec le propofol comparé à
l’isoflurane [340] . En raison de la résistance à l’insuline favorisée par
le propofol, certains auteurs considèrent que le propofol n’est pas
le meilleur anesthésique chez le diabétique. Malgré cette réserve,
la majorité des auteurs considèrent que le propofol peut être utilisé
sans effets délétères chez le diabétique.
 Annexe M. Anesthésie
intraveineuse à objectif
de concentration (AIVOC)
L’anesthésie intraveineuse à objectif de concentration (AIVOC)
a été traitée dans la première partie. L’AIVOC peut être utilisée
en boucle fermée, l’administration du propofol étant contrôlée
par les variations d’un paramètre pharmacodynamique qui est
habituellement une mesure de la profondeur d’anesthésie (dans
la plupart des cas une analyse de l’EEG et le plus fréquemment le
BIS) [375–398] . La méthode fournit des résultats satisfaisants mais les
multiples problèmes théoriques et pratiques font que la technique
est peu diffusée. Les deux problèmes principaux qui compliquent
la méthode c’est que le propofol est presque toujours associé à
d’autres médicaments (opiacés) qui peuvent modifier le BIS et que
ce dernier n’est pas un critère fidèle de l’action du propofol sur le
système nerveux central [399, 400] .
Une revue systématique du système AIVOC en boucle fermée
a inclus 36 études randomisées [399] . Elle a évalué la sécurité et
la précision du système. L’AIVOC en boucle fermée a amélioré le
temps pendant lequel la concentration de propofol s’est main-
tenue dans la fourchette des concentrations cibles fixées par le
médecin anesthésiste.
 Annexe N. Propofol et système
endocannabinoïde
Le système endocannabinoïde est un système paracrine de
signalisation cellulaire largement distribué dans le système ner-
veux central. Ce système comporte des récepteurs dont deux
sous-types sont bien individualisés (CB1 et CB2), des can-
nabinoïdes endogènes tels que l’anandamide et le système
métabolique responsable de la synthèse et de la dégradation des
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endocannabinoïdes. Les récepteurs CB1 sont largement exprimés
dans le cerveau et sont les médiateurs de la plupart des effets
psychotropes du 9 -tétrahydrocannabinol (9 THC), le principal
composé psychoactif du cannabis. Le propofol inhibe l’activité de
l’hydrolase des acides gras amide, enzyme clé de la dégradation
de l’anandamide. La perte du réflexe de retournement (righting
reflex) induite par le propofol est antagonisée par l’administration
de rimonabant qui est un antagoniste du récepteur CB1. Ces
observations sont en faveur d’une intervention du système endo-
cannabinoïde dans l’effet sédatif du propofol par l’intermédiaire
de l’inhibition de la dégradation de l’anandamide, agoniste endo-
gène du récepteur CB1 [297, 401, 402] .
L’étude de Liu et al. chez le rat soumis à une injection intrathé-
cale de morphine a montré que le propofol agissait au niveau du
système des endocannabinoïdes du système nerveux central [261] .
Les agonistes des récepteurs CB1 diminuent le grattage chez le rat
tandis que les antagonistes comme le rimonabant déclenchent
le grattage. Le propofol en inhibant l’amide hydrolase augmente
l’anandamide qui active les récepteurs CB1centraux. Ceci suggère
que l’action anti-prurit du propofol est liée à une action sur le
cortex cingulaire antérieur [262] .
Le système endocannabinoïde serait aussi impliqué dans
d’autres effets du propofol tels que l’effet antiémétique, l’effet sur
l’humeur et sur l’activité onirique postopératoire [403–405] .
 Annexe O. Médecine forensique
Le propofol a été utilisé pour commettre un suicide [406–409] ou un
homicide [410] . Il a été utilisé seul ou en association avec un opiacé
ou un curare. Dans ces cas se pose le problème de la détection
du propofol et de ses métabolites dans le sang et les tissus de la
victime et ceci parfois un long délai après le décès. Le dosage du
propofol au niveau des cheveux est souvent la solution [411, 412] .
Certains états américains ont inclus le propofol dans le pro-
tocole d’application de la peine capitale par injection létale.
Néanmoins, en raison de l’opposition des compagnies phar-
maceutiques refusant la délivrance du médicament dans cette
indication et de celle des sociétés médicales, le propofol ne semble
n’avoir jamais été utilisé [413–416] .
 Annexe P. Pour en savoir plus
Introduction
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