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Antony Kitts
2008/1 N° 1 | pages 37 à 56
ISSN 1969-9123
DOI 10.3917/rhps.001.0037
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-d-histoire-de-la-protection-sociale-2008-1-page-37.htm
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Mendicité,
vagabondage
et contrôle sociaL
du moyen âge
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au XIXe siècLe :
état des recherches
P
armi les figures historiques du monde des marginaux, les mendiants
et les vagabonds ont traversé les siècles sans jamais cesser d’inquié-
ter les autorités qui, au gré des perceptions sociales, ont oscillé en
permanence entre assistance et répression. Si jusqu’au XIVe siècle
l’image du pauvre mendiant errant s’incarne encore le plus souvent dans le pau-
vre christique, recevant l’aumône et jouant le rôle d’intercesseur auprès de Dieu
pour ses donateurs, celle-ci se dégrade dans un contexte de crise (Guerre de cent
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ans, peste noire), au point de distinguer de plus en plus le « faux » pauvre valide
du « vrai » pauvre malade et infirme. À partir du XVIe siècle, cette stigmatisation
s’impose durablement dans une société où leurs comportements remettent en
cause des valeurs comme la sédentarité et le travail. « Demeurant partout » et
nulle part, ces marginaux sont en effet perçus comme des êtres oisifs, des « inu-
tiles au monde » sans attache communautaire ou territoriale.
Ces diverses représentations révèlent ainsi l’ambivalence des attitudes d’une
société, hésitant entre la compassion et la peur ce dont témoigne l’abondante
littérature qui leur a été consacrée depuis le moyen âge1. D’une manière géné-
rale, on assiste à une pénalisation croissante de la mendicité et du vagabon-
dage, même si la société porte un regard plus indulgent à l’égard du mendiant.
Paradoxalement ces visages de la marginalité sont demeurés longtemps à l’écart
de la recherche historique, car l’histoire de la mendicité et du vagabondage reste
une histoire par définition difficile à saisir, incertaine, pour des hommes et des
femmes qui s’expriment peu et dont les sources émanent toujours ou presque
des représentants du pouvoir. Pourtant, depuis les années 1970, plusieurs
travaux ont été menés surtout pour le moyen âge et l’époque moderne, travaux
1 Chartier Roger, Figures de la voet Guido, Godding Philippe et Kalifa Dominique (sous la direction
gueuserie, Paris, Montalba, 1982 ; van den Auweele Dirk, Langage et de), Les Exclus en Europe 1830-
Geremek Bronislaw, Les fils de droit à travers l’histoire, réalités 1930, Paris, Les Éditions de l’Atelier,
Caïn. L’image des pauvres et des et fictions, Louvain, Paris, Peeters, 1999, p. 49-58 ; Dauven Bernard,
vagabonds dans la littérature 1989, p. 147-183 ; Carcamo Juan « La genèse d’une législation sur
européenne du XVe au XVIIe siècle, Gracia, Mendigos y vagabundos le vagabondage en Brabant et en
Paris, Flammarion, 1991. en Vizcaya (1766-1833), Bilbao, Hainaut aux XVe et XVIe siècles »,
2 Rousseaux Xavier, « L’incrimina- Universidad del Pais Vasco, 1993 ; Bulletin des anciennes lois et
tion du vagabondage en Brabant Fatela Joao, « Les milles visages du ordonnances de Belgique, 2004,
(XIVe-XVIIIe siècles) », in van Die- vadio portugais », in Gueslin André, n° 45, p. 11-98.
Mendicité,
vagabondage
qui ne sont d’ailleurs pas propres à la France puisque des historiens européens2 et contrôLe sociaL
et nord-américains3 ont aussi travaillé sur cette question sociale. du moyen âge au
xIXe siècle
Antony Kitts
Mendiants et vagabonds :
un moment dans l’historiographie française 39
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reproduire les discours des représentants du pouvoir, mais donnait la parole à
ces gens ordinaires. Aujourd’hui, cette histoire sociale présente une multitude
de visages7.
À cet égard, même s’ils sont longtemps restés absents de l’historiographie fran-
çaise, les mendiants et les vagabonds émergent à nouveau depuis une dizaine
d’années comme objets d’histoire. Situés au carrefour de l’histoire de la pau-
vreté et de la marginalité, ils ont été particulièrement étudiés pour le moyen âge
(Bronislaw Geremek) et la période moderne (Jean-Pierre Gutton)8. Mais pour la
période contemporaine, rares ont été les études sur ces marginaux, les historiens
3 Vandal Gilles, « Le vagabondage l’histoire », in Serge Paugam (sous la 7 « L’histoire sociale en mouve-
et la loi : les classes dangereuses à direction de), L’exclusion, l’état des ment », Le Mouvement social,
la Nouvelle-Orléans, 1850-1885 », savoirs, Paris, La Découverte, 1996, juillet-septembre 2002, n° 200 ;
Canadian Review of American p. 32-41 ; Schmitt Jean-Claude, Pigenet Michel, « L’histoire sociale en
Studies, automne 1991, n° 22-2, p. « L’histoire des marginaux », in Jac- question ; perspectives et enjeux »,
153-171 ; Laberge Danielle, Margi- ques Le Goff (sous la direction de), Histoire et sociétés. Revue européen-
naux et marginalité. Les États-Unis La Nouvelle Histoire, Bruxelles, Édi- ne d’histoire sociale, 2ème trimestre
aux XVIIIe et XIXe siècles, Paris, tions Complexe, 2006, p. 344-369. 2004, Hors série n° 1, p. 6-14.
l’Harmattan, 1997 ; Aranguiz Marcela, 5 Mollat Michel, Les Pauvres au 8 Geremek Bronislaw, aux XIVe
Vagabonds et sans abri à Montréal. Moyen Age, Bruxelles, Éditions et XVe siècles, Paris, Flammarion,
Perception et prise en charge de Complexe, 2006 (1ère édition : 1978) ; collection « L’histoire vivante »,
l’errance (1840 à 1925), Montréal, Geremek Bronislaw, La potence ou 1976 ; Gutton Jean-Pierre, La société
RCHTQ, 2000 ; Fecteau Jean-Ma- la pitié : l’Europe et les pauvres et les pauvres. L’exemple de la
rie, La liberté du pauvre. Crime et du Moyen Age à nos jours, Paris, généralité de Lyon, 1534-1789, Paris,
pauvreté au XIXe siècle québécois, Gallimard, 1987 ; Forrest Alan, Les PUF, 1971 ; L’État et la mendicité
Montréal, VLB éditeur, 2004. Pauvres et la Révolution, Paris, dans la première moitié du XVIIIe
4 Farge Arlette, « Marginaux », in Perrin, 1988. siècle, Auvergne, Beaujolais, Forez,
Burguière André (sous la direction 6 Les marginaux et les exclus Lyonnais, Lyon, Centre d’Études
de), Dictionnaire des Sciences histo- dans l’histoire, Cahier Jussieu, foréziennes, 1973 ; La société et les
riques, Paris, PUF, 1986, p. 436-438 ; printemps 1979, n° 5, Paris, UGE, pauvres en Europe (XVIe-XVIIIe
Castel Robert, « Les marginaux dans collection 10/18. siècles), Paris, PUF, 1974.
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XXe siècles18, constituant une contribution majeure à l’histoire contemporaine de
la pauvreté19, mais également de Yannick Marec dont les travaux font aujourd’hui
autorité dans le champ historiographique de l’histoire de la protection sociale, et
particulièrement ses dernières publications, fruit d’une longue recherche menée
depuis trente ans20. En définitive, il existe encore peu de travaux sur le sujet.
Toutes ces études s’inscrivent, plus largement, dans le cadre d’une réflexion sur
l’état de la société française au tournant des XXe et XXIe siècles, et notamment
9 Perrot Michelle, « La fin des 15 Dartiguenave Paul, Vagabonds gens de rien. Une histoire de la
vagabonds », L’Histoire, juillet-août et mendiants en Normandie entre grande pauvreté dans la France
1978, n° 3, p. 23-33. assistance et répression : histoire du du XXe siècle, Paris, Fayard, 2004 ;
10 Marginalité, déviance, pauvreté vagabondage et de la mendicité du Pierrard Pierre, Les pauvres et leur
en France XIVe-XXe siècles, Cahier XVIIIe au XXe siècle, Condé-sur-Noi- histoire. De Jean Valjean à l’abbé
des Annales de Normandie, 1981, reau, Éditions Charles Corlet, 1997. Pierre, Paris, Bayard, 2005.
n°13. 16 Thuillier Guy, La mendicité en 19 Voir le dossier « Au nom des
11 Beaune Jean-Claude, Le Va- Nivernais : débats et pratiques pauvres », coordonné par Jean-
gabond et la machine. Essai sur (1840-1860), Paris, Comité d’histoire François Wagniart, Cahiers d’His-
l’automatisme ambulatoire. Méde- de la Sécurité sociale, 2001 ; Préfets toire. Revue d’Histoire critique,
cine, Technique, Société (1880- et mendiants : le dépôt de mendi- n° 101, 2ème trimestre 2007.
1910), Seyssel, Éditions du Champ cité de la Nièvre (1808-1820), Paris, 20 Marec Yannick, Pauvreté et
Vallon, collection « Milieux », 1983. Comité d’histoire de la Sécurité protection sociale aux XIXe et XXe
12 Cubéro José, Histoire du vaga- sociale, 2002. siècles. Des expériences rouennaises
bondage du Moyen Age à nos jours, 17 Des Vagabonds aux SDF. aux politiques nationales, Rennes,
Paris, Imago, 1998. Approches d’une marginalité Presses universitaires de Rennes, Col-
13 Wagniart Jean-François, Le (textes rassemblés par Avon-So- lection « Carnot », 2006 ; Bienfaisan-
Vagabond à la fin du XIXe siècle, letti Marie-Thérèse), Saint-Étienne, ce communale et protection sociale
Paris, Belin, 1999. Publications de l’Université de à Rouen (1796-1927). Expériences
14 Haudebourg Guy, Mendiants Saint-Étienne, 2002. locales et liaisons nationales, Paris,
et Vagabonds en Bretagne au XIXe 18 Gueslin André, Gens pauvres. La Documentation Française et Asso-
siècle, Rennes, Presses universitaires Pauvres gens dans la France au ciation pour l’étude de l’histoire de la
de Rennes, 1998. XIXe siècle, Paris, Aubier, 1998 ; Les Sécurité sociale, 2002, 2 volumes.
Mendicité,
vagabondage
sur l’existence d’une très grande pauvreté, parfois errante, et née avec les années et contrôLe sociaL
du moyen âge au
de crise. Cette réflexion s’est nourrie des travaux de sociologues, d’ethnologues xIXe siècle
et de géographes21, qui ont prolongé, à leur manière, les recherches pionnières du Antony Kitts
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21 Damon Julien, Des hommes en p. 137-154. Les premiers arrêtés ont 27 Ils sont passés de 9 298 condam-
trop : essai sur le vagabondage été pris durant l’été 1993, surtout nations en 1953 à 1 431 infractions en
et la mendicité, La Tour d’Aigues, dans des villes du sud (Montpellier, 1993, avant de tomber à une seule
Éditions de l’Aube, 1996 ; Gaboriau Carcassonne, Cannes, Perpignan), infraction l’année suivante.
Patrick, Les SDF à la Belle Époque : puis l’été suivant dans d’autres villes 28 En août 2007, le maire d’Argen-
l’univers des mendiants vaga- (Avignon, Toulouse), et surtout lors teuil, Georges Mothron, avait pris
bonds au tournant des XIXe et XXe de l’été 1995 (La Rochelle, Banuyls, un arrêté anti-mendicité de longue
siècles, Paris, Desclée de Brouwer, Pau, Mende, Tarbes, Valence, Car- durée (jusqu’en 2011) et décidé
1998 ; Declerck Patrick, Les naufra- pentras). l’achat d’un produit répulsif - le
gés. Avec les clochards de Paris, 24 Damon Julien, « La question SDF Malodor - contre la « gêne olfactive
Paris, Plon, Collection « Terre hu- au prisme des médias », Espaces et anormale » provoquée par les SDF.
maine », 2001 ; Zeneidi-Henry Dje- sociétés, 2004/1-2, n° 116-117, p. 93-110. Devant le tollé général, il fut
mila, Les SDF et la ville. Géographie 25 Durant l’hiver 2006-2007, sous contraint, quelques semaines plus
du savoir-survivre, Paris, Éditions l’impulsion de l’association Les En- tard, de retirer ses deux mesures.
Bréal, Collection « D’autre part », fants de Don Quichotte, un campe- 29 Dans le cadre du plan d’action
2002 ; Rullac Stéphane, Et si les ment de tentes fut organisé le long renforcé en faveur des sans abri
SDF n’étaient pas des exclus ? Essai du canal Saint-Martin à Paris et dans (PARSA), le gouvernement de
ethnologique pour une définition plusieurs villes de province. Plus Dominique de Villepin a prévu la
positive, Paris, L’Harmattan, 2004 ; récemment, dans la nuit du 21 au 22 création de plus de 27 000 places
André Lacroix, Des rues et des février 2008, une manifestation des d’hébergement et a fait voter une
hommes. Les SDF : une question 28 associations de solidarité avec loi sur le droit au logement opposa-
de société, Paris, Dunod, Collection les sans-abri et les mal-logés s’est ble le 5 mars 2007.
« Action sociale », 2006. déroulée à Paris. 30 Le gouvernement de Jean-Pierre
22 Vexliard Alexandre, Le Clochard, 26 Renaut Marie-Hélène, « Vaga- Raffarin fit adopter le 18 mars 2003 une
Paris, Desclée de Brouwer, 1998 (1ère bondage et mendicité : délits péri- loi sur la sécurité intérieure entérinant
édition en 1955) ; Introduction à la més, réalité quotidienne », Revue un durcissement de la législation à
sociologie du vagabondage, Paris, Historique, avril-juin 1998, n° 606, l’égard des marginaux et particuliè-
L’Harmattan, 1999 (1ère édition : 1956). p. 287 ; Damon Julien, « Vagabon- rement des mendiants. Elle réprime
23 Bertrand Valérie, « La mendicité dage et mendicité : délits périmés et « l’exploitation de la mendicité » de
et l’état dangereux : l’historicité des contrôle persistant », in Mucchielli trois ans de prison et d’une amende
représentations sociales dans le Laurent et Robert Philippe (sous de 45 000 euros, peines qui peuvent
discours juridique », Connexions, la direction de), Crime et sécurité, aller jusqu’à dix ans de prison et 1 500
« Mémoires collectives et représen- l’état des savoirs, Paris, La décou- 000 euros lorsque la mendicité est «
tations sociales », 2004/1, n° 80, verte, 2002, p. 120-129. commise en bande organisée ».
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personne sans domicile fixe32. Plus tard, dans sa vaste entreprise de collecte de
l’information et de vulgarisation scientifique et philosophique, l’Encyclopédie
s’est également intéressée aux problèmes de la pauvreté, consacrant notamment
des articles aux mots mendiant et vagabond33, rédigé respectivement par Louis
de Jaucourt et par Boucher d’Argis.
Ces premières définitions ont d’ailleurs perduré. À quelques nuances près, elles
sont reprises par l’ensemble des dictionnaires du XIXe siècle. Pour le Dictionnaire
universel de la langue française de Boiste comme pour le Dictionnaire de la lan-
gue française de Littré, le mendiant est celui « qui mendie », le vagabond est
celui qui « erre çà et là », qui est « sans aveu, sans état, sans domicile », défini-
tions que l’on retrouve dans le Dictionnaire de l’Académie française ou le Grand
Larousse universel du XIXe siècle34. Au-delà des définitions littéraires, l’histoire
de la mendicité et du vagabondage va de pair avec une importante législation,
qui, elle aussi, a essayé de proposer une définition juridique de ces individus
vivant en marge de la société.
31 Articles : « Vagabonage », particulier l’encadré sur « men- 34 Boiste Pierre-Claude-Victor,
« Vagabond », in Lachiver Marcel, diants et mendicité », p. 526-527, Dictionnaire universel de la langue
Dictionnaire du monde rural. Les volume 3. française, Paris, 1834 ; Littré Émile,
mots du passé, Paris, Fayard, 1997. 33 Articles « mendiant » (vol. 10) Dictionnaire de la langue française,
32 Pour plus de détails, voir Rey et « vagabond » (vol. 16), in Le Rond Paris, Hachette, 1863-1872, 4 vol. ;
Alain (sous la direction de), Dic- d’Alembert Jean, Diderot Denis, Dictionnaire de l’Académie fran-
tionnaire historique de la langue (sous la direction de), Encyclopé- çaise, Paris, Firmin Didot, 1884 (7ème
française, Paris, Dictionnaires Le die ou dictionnaire raisonné des édition) ; Larousse Pierre, Grand
Robert, 1998, 3 tomes ; Dictionnaire arts, des sciences et des métiers dictionnaire universel du XIXe
culturel en langue française, Paris, par une société de gens de lettres, siècle, Paris, Lacour éditeur, 1866-
Le Robert, 2005, 4 volumes, en Paris-Neufchâtel, 1751-1772, 28 vol. 1875, 15 vol.
Mendicité,
vagabondage
Des définitions juridiques et contrôLe sociaL
du moyen âge au
xIXe siècle
À ce propos, l’Ancien Régime a, en effet, produit de nombreux textes de loi, parti- Antony Kitts
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mendiant devient manifeste. Ce qui les différenciait jusqu’alors, à savoir l’exis-
tence d’un domicile et d’un métier, n’apparaît plus comme un caractère distinctif.
Ce texte de loi n’est pas sans rappeler une déclaration royale du 10 février 1699,
qui assimilait déjà le mendiant au vagabond39. Plus tard, la déclaration du 3
août 1764 n’est pas également dénuée de toute ambiguïté. Du fait de l’impréci-
sion des termes juridiques employés, les mendiants peuvent être soupçonnés de
vagabondage. Cependant, ce texte apporte une précision importante sur le statut
du vagabond, en y ajoutant la notion de « chômage ». Cette nouvelle définition
cherche à distinguer le vagabond oisif de celui qui serait privé pour un temps
(depuis plus de six mois) d’un travail.
À l’égard de ce monde de l’errance, la législation révolutionnaire renouvelle les
mêmes définitions. Ainsi, une loi du 1er février- 28 mars 1792 considère comme
vagabond toute personne trouvée hors de son canton et incapable de justifier
dans les vingt jours de son inscription sur le tableau de sa commune de domi-
cile. La loi du 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793), « pour l’extinction de la
mendicité », accorde un secours à toute personne dans le besoin, à la condition
d’avoir un domicile connu depuis « un an dans une commune », plus commu-
nément appelé « domicile de secours ». Ce qui signifie que celui qui ne possède
pas de lieu d’habitation ne peut pas être secouru. Il court même le risque d’être
35 Dauven Bernard, « Les vaga- justice prévôtale de Lyon », in Des 39 Depauw Jacques, « Pauvres,
bondes : des inconnues aux XVe et Vagabonds aux SDF. Approches pauvres mendiants, mendiants vali-
XVIe siècles ? », Genèses, septembre d’une marginalité), op. cit. , p. 121-146. des ou vagabonds ? Les hésitations
2006, n° 64, p. 5-25. 37 Cité dans Castel Robert, op. de la législation royale », Revue
36 Grand Catherine, « Le délit de cit., p. 141. d’Histoire Moderne et Contempo-
vagabondage au XVIIIe siècle : une 38 Cité par Catherine Grand, op. raine, juillet-septembre 1974,
illustration jurisprudentielle de la cit., p. 124. p. 401-418.
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possible d’envisager une définition, aussi modeste soit-elle, de cette population
flottante.
En soi, cette démarche ne fait pas preuve d’originalité. Des historiens tels que
Michel Mollat ou André Gueslin se sont déjà penchés sur la question, donnant
respectivement une définition de la pauvreté au moyen âge44 et au XIXe siècle45.
Incontestablement, les mendiants et les vagabonds appartiennent à ce monde
de la grande pauvreté, incapables d’assurer leur minimum vital, et donc placés
dans une situation de dépendance et d’exclusion. En constituant « la frange la
plus marginale de la société »46, ces pauvres errants appartiennent à ce monde
des marginaux, vivant en dehors des normes dominantes de la société47. Dans
une société comme celle du XIXe siècle, qui valorise peu à peu le travail et le
domicile fixe, ils apparaissent alors comme des individus à part, des oisifs, le
plus souvent stigmatisés comme des « inutiles au monde ». Mis à l’écart de la
société, ils le sont d’autant plus qu’ils ne peuvent participer pleinement à la vie
40 Chassaing Jean-François, chose publique. Chapitre III. Crimes 43 Cité par Renaut Marie-Hélène,
« Vagabondage et histoire du droit et délits contre la paix publique. op. cit., p. 304.
pénal. Synthèse sur le problème Section V. Association de malfaiteurs, 44 Mollat Michel, op. cit., p. 14.
du vagabondage du Moyen Age au Vagabondage et Mendicité. Paragra- 45 Gueslin André, op. cit., p. 49.
XIXe siècle », in Des Vagabonds aux phe II. Vagabondage. Paragraphe III. 46 Castel Robert, op. cit., p. 140.
SDF. Approches d’une marginalité, Mendicité. Dispositions communes 47 Garnot Benoît (sous la direction
op. cit., p. 15. aux Vagabonds et Mendiants. de), Normes juridiques et pratiques
41 Code pénal de 1810 : Livre III. Des 42 Cette définition du Code pénal de judiciaires du Moyen Age à l’époque
crimes, des délits et de leur punition. 1810 n’est pas sans rappeler celle de la contemporaine, Dijon, Éditions
Titre 1er. Crimes et délits contre la déclaration royale du 27 août 1701. universitaires de Dijon, 2007.
Mendicité,
vagabondage
de la Cité puisque l’exercice de la citoyenneté suppose le rattachement à une com- et contrôLe sociaL
mune. Déjà effective sous la Révolution française48, cette obligation renaîtsous du moyen âge au
xIXe siècle
la Seconde République. La loi électorale du 31 mai 1850 modifie celle du 15 mars Antony Kitts
1849 : la liste électorale comprendra dorénavant tous les Français âgés de vingt
et un ans « qui ont leur domicile dans la commune ou dans le canton depuis 45
trois ans au moins » (article 2) au lieu de six mois. Cette privation de leurs droits
civiques ne peut que les exclure encore un peu plus de la société.
Fort de ces constatations, il est dès lors possible de proposer une définition de
ces marginaux. Situés tout en bas de l’échelle sociale, ces « désespérés »49 se
trouvent dans une situation d’extrême pauvreté. Privés de travail, donc sans
moyens d’existences suffisants, et le plus souvent sans domicile, ils ne peuvent
entretenir, dans ces conditions, que des relations familiales et sociales fragiles,
voire quasi inexistantes. Dans une société où ils se sentent de moins en moins
intégrés, voire exclus, les seuls liens qui les rattachent encore à celle-ci, les pla-
cent, de par leurs modes de vie ou leurs comportements marginaux, dans une
situation de dépendance à l’égard des institutions d’assistance et/ou de suspi-
cion à l’égard des institutions policières, judiciaires et pénitentiaires. Ce sont
autant d’handicaps qui en font des « citoyens » à part et pas comme les autres.
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Mendiants et vagabonds : de la pénalisation à la relégation
48 Bart Jean, « Vagabondage et ci- economiche in memoria di Corrado de sciences politiques et de gestion,
toyenneté », in Des Vagabonds aux Barbagallo, tome II, Napoli, Edizioni Dimensions historiques du droit
SDF. Approches d’une marginalité, scientifiche italiane, p. 211-236. européen, septembre 2003, n° 8,
op. cit., p. 147-159. 51 Fontaine Juliette, Hubschwerlin p. 125-167 ; Schnapper Bernard, « La
49 Chauvaud Frédéric, Les crimi- Marie-Odile, Rose Jonathan, Stein- répression du vagabondage et sa
nels du Poitou au XIXe siècle. Les metz Thomas, « La répression pé- signification historique du XIVe au
monstres, les désespérés et les nale de la mendicité du XVIe siècle XVIIIe siècle », Revue d’histoire du
voleurs, La Crèche, Geste éditions, à nos jours », in Jeanclos Yves (sous droit français et étranger, avril-juin
Collection « Pays d’histoire », 1999. la direction de), Les délinquances 1985, n° 2, p. 143-157.
50 Geremek Bronislaw, « La lutte urbaines en France du XVIe siècle 52 Tournerie Jean-André, Crimi-
contre le vagabondage à Paris aux XIVe à nos jours, Strasbourg, Université nels et vagabonds au siècle des
et XVe siècles », in Ricerche storiche ed Robert Schuman, Faculté de droit, Lumières, Paris, Imago, 1997.
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condition que les trois critères retenus et définis par l’article 270 soient réunis :
à savoir l’absence d’un domicile certain, d’une profession et de suffisamment
de ressources pour vivre. Le délit de mendicité est, lui, fixé par les articles 274
et 275. Toutefois le Code pénal ne définit pas les caractères de la mendicité55.
Punis par la loi, les mendiants et les vagabonds encourent des peines de trois
à six mois d’emprisonnement, qui peuvent aller jusqu’à cinq ans, voire dix ans
dans les cas de circonstances aggravantes (articles 277-282). À l’expiration de
leurs peines, ils seront « conduits au dépôt de mendicité » pour y effectuer une
peine de travail ou mis à la « disposition du Gouvernement pendant le temps
qu’il déterminera, eu égard à leur conduite ». Pourtant, en y regardant de plus
près, ces peines apparaissent beaucoup moins sévères que celles appliquées
sous l’Ancien Régime, même si, dans certaines circonstances (article 279), le
délit de mendicité ou de vagabondage devient un crime. Dans la plupart des cas,
le délit de mendicité ou de vagabondage reste un délit mineur. Mais, derrière
cet arsenal répressif se cache, en réalité, la volonté du législateur de réprimer
les comportements supposés délinquants du mendiant et du vagabond. Ils ne
sont plus coupables d’avoir seulement des mauvaises mœurs, mais suspectés
de commettre des actes délictueux tels que le vol56.
Cette présomption de délinquance des mendiants et des vagabonds est reprise
avec la loi de relégation des multirécidivistes du 27 mai 1885. L’accroissement du
nombre des récidivistes inquiète en effet les autorités et suscitent de nombreux
53 Zysberg André, Les Galé- 1987, p. 66-74. 55 Pour l’application de l’article
riens. Vies et destins de 60 000 54 Sur 65 dépôts de mendicité 274, la jurisprudence donnera une
forçats sur les galères de France, créés entre 1809 et 1813, seule- définition de la mendicité.
1680-1748, Paris, Éditions du Seuil, ment 37 seront effectivement en 56 Chassaing Jean-François, op.
Collection « L’Univers historique », activité. cit., p. 19-20.
Mendicité,
vagabondage
débats dans les milieux médicaux57. Pour les seuls vagabonds, les statistiques et contrôLe sociaL
du moyen âge au
criminelles sont encore plus préoccupantes : pour les seules années 1881-1885, xIXe siècle
la récidive des vagabonds atteint 73 %. Aussi, le 12 mai 1885, la loi sur les réci- Antony Kitts
divistes est adoptée à une large majorité à la Chambre des députés par 385 voix
contre 52. Elle décide l’internement permanent des récidivistes « sur le territoire 47
de colonies ou possessions françaises »58. Parmi les multirécidivistes à reléguer,
les vagabonds ou les mendiants n’échappent pas à la règle prévue par l’article
4 de la loi59. Pourtant, la relégation se révèle rapidement inefficace tant sur le
plan pénal qu’économique60, le nombre de récidivistes continuant de s’accroître
et les magistrats n’appliquant que très peu la loi61, lui préférant le dispositif
Bérenger.
Mener une recherche sur ce monde marginal suppose d’abord une étude quanti-
tative de cette délinquance, à la fois dans ses dimensions sociologiques et géo-
graphiques. Elle demande de prendre en considération les facteurs d’évolution
de cette grande pauvreté. Au-delà des représentations dont ils font l’objet depuis
le moyen âge, il est également nécessaire d’étudier les politiques de traitement
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de cette pauvreté, en sachant que les autorités ont le plus souvent mené de front
une politique répressive et une politique d’assistance.
57 Mucchielli Laurent, « Crimino- française aux XVIIe et XVIIIe siècles », et récidivistes du Moyen Age au
logie, hygiénisme et eugénisme en Annales de Bretagne et des pays de XXe siècle, Genève, Droz, 2006, p.
France (1870-1914) : débats médicaux l’Ouest, 1978, Tome 85, p. 67-94. 289-308.
sur l’élimination des criminels 59 Schnapper Bernard, « La réci- 60 Bérard Alexandre, « La reléga-
réputés « incorrigibles », Revue dive, une obsession créatrice au tion. Résultats de la loi du 27 mai
d’histoire des sciences humaines, XIXe siècle », in Schnapper Bernard, 1885 », Archives d’anthropologie
2000/2, n° 3, p. 57-88. Voies nouvelles en histoire du droit, criminelle, de criminologie et de
58 Les mendiants vagabonds et la justice, la famille, la répression psychologie normale et pathologi-
gens sans aveu multirécidivistes pénale (XVIe-XXe siècles), Paris, PUF, que, 1897, tome 12, p. 245-264.
avaient déjà fait l’objet d’une dépor- 1991, p. 313-351 ; Tanguy Jean-Fran- 61 En 1907, la relégation des
tation vers l’Amérique au début du çois, « Ceux qu’il faut renoncer femmes est abolie. Puis par la loi du
XVIIIe siècle, qui fut ensuite interdite à amender ? La loi de 1885 sur la 18 mars 1955, la peine de relégation
par les déclarations royales des 5 Relégation : origines et implications pour vagabondage est supprimée.
juillet 1722 et du 18 juillet 1724. À politiques », in Briegel Françoise et Mais il faut attendre la loi du
ce sujet, voir Frostin Charles, « Le Perrot Michelle (sous la direction 17 juillet 1970 pour que soit définiti-
peuplement pénal de l’Amérique de), Le criminel endurci. Récidive vement supprimée la relégation.
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plémentaires fourmillent de détails propres à compléter les données offertes par
les jugements et les dossiers correctionnels ainsi que par les registres d’écrou
des prisons.
Toutefois, il ne serait question de voir dans ces archives judiciaires que la solu-
tion miracle pour qui voudrait mesurer avec exactitude ce type de délinquance.
En effet, devant la difficulté à qualifier parfois le délit de vagabondage, la pra-
tique judiciaire a tendance à retenir d’autres incriminations telles que le vol65,
l’outrage à agent ou le trouble à l’ordre public, tendance qui s’accentue lorsque le
jeune vagabond a moins de 16 ans. Il faut d’ailleurs rappeler que ces délits étaient
souvent commis en même temps que ceux de mendicité et/ou de vagabondage66.
Aussi, convient-il de dépouiller les registres d’écrou67 et les jugements correc-
tionnels relatifs à cette petite délinquance afin de réévaluer les phénomènes
de mendicité et de vagabondage. Mais, en y regardant de plus près, il faut se
62 Mollat Michel, op. cit., p. 297. and social crisis in France, 1880- Des Vagabonds aux SDF. Appro-
63 Perrot Michelle, Robert Phi- 1914 », Journal of Social History, ches d’une marginalité, op. cit.,
lippe, Compte général de l’admi- summer 1999, volume 32, n° 4, p. 213-229 ; Luther Viret Jérôme,
nistration de la justice criminelle p. 821-846. « Vagabonds et mendiants dans
en France pendant l’année 1880 65 Berger Virginie, « Le vol néces- les campagnes au Nord de Paris
et rapport relatif aux années 1826 saire au XIXe siècle. Entre réalité dans le premier tiers du XVIIIe
à 1880, Genève-Paris, Slatkine sociale et lacune juridique, une siècle », Annales de Démogra-
Reprints, 1989, p. CXLII-CXLIII. histoire en construction », Le Temps phie Historique, 2006, n° 1,
64 Wagniart Jean-François, « La de l’histoire, revue d’histoire de p. 12-16.
pénalisation du vagabondage et la l’enfance « irrégulière », Hors-série, 67 Berlanstein Leonard R.,
répression de la pauvreté errante à 2001, p. 241-251. « Vagrants, Beggars and Thieves :
la fin du XIXe siècle », Cahier d’His- 66 Peccoud Patricia, « La délin- Delinquent Boys in Mid-Nineteenth
toire, 1996, n° 64, p. 77-90 ; Smith quance des vagabonds en Isère Century Paris », Journal of Social
Timothy B., « Assistance and repres- au XIXe siècle. Les formes de la History, 1979, volume 12, n° 4,
sion : rural exodus, vagabondage répression de la marginalité », in p. 531-552.
Mendicité,
vagabondage
garder de voir dans ces statistiques l’unique réponse à une étude quantitative et contrôLe sociaL
du moyen âge au
de cette délinquance, qui serait le plus fidèle reflet de l’activité des appareils xIXe siècle
répressifs. Antony Kitts
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modestes de la société, corrélation particulièrement nette dans les régions indus-
trielles69. La précarité sociale, le chômage, l’absence de domicile sont autant de
difficultés qui les poussent à commettre des délits pour subsister, contraints
le plus souvent de voler, de mendier pour se nourrir70. On ne doit pas non plus
négliger l’influence de la démographie (exode rural, épidémies, etc.) et des guer-
res sur l’évolution de la mendicité et du vagabondage.
Plus généralement, d’autres éléments d’explications ont été mis en avant par les
historiens. On pense ici à l’urbanisation et au développement des migrations.
À l’origine de cette réflexion, on trouve le livre de Louis Chevalier, Classes labo-
rieuses et classes dangereuses à Paris, publié en 1958 et réédité récemment71.
Étudiant la criminalité à Paris pendant la première moitié du XIXe siècle, il
observe une augmentation du crime dont attestent l’importance des faits divers
dans la presse et le nombre considérable de romans abordant ce thème, pour
l’essentiel ceux de Victor Hugo et de Balzac. La misère ouvrière est telle que les
classes laborieuses, en menaçant l’ordre social, sont devenues dangereuses aux
yeux des contemporains. Pour lui, la prolifération des crimes s’explique surtout
par l’arrivée massive des migrants qui viennent s’entasser dans la capitale. Le
nombre d’habitants à Paris passe, en effet, de 600 000 en 1800 à plus de 1 million
68 Désert Gabriel, « Aspects de la Saint-Étienne, Centre d’Études à la fin du XIXe siécle : le vagabon-
criminalité en France et en Norman- foréziennes, 1981 ; Desmars Bernard, dage ou la solitude des voyages
die », Marginalité, déviance, pau- La Délinquance en Loire-Inférieure incertains », Genèses, mars 1998,
vreté en France XIVe-XXe siècles, entre 1800 et 1830, thèse de doc- p. 30-52
Cahier des Annales de Normandie, torat d’histoire (sous la direction de 71 Chevalier Louis, Classes labo-
1981, n°13, p. 221-316. Nouailhat Yves-Henri), Université rieuses et classes dangereuses à
69 Chatelard Claude, Crime et de Nantes, 1990. Paris pendant la première moitié
criminalité dans l’arrondissement 70 Wagniart Jean-François, « Les du XIXe siècle, Paris, Plon, 1958 ;
de Saint-Étienne au XIXe siècle, migrations des pauvres en France réédition, Perrin, 2002.
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accrue76, en relation avec le développement d’une importante réglementation
de la vie urbaine et parfaitement mise en lumière par Patricia Peccoud pour la
ville de Grenoble77.
Beaucoup plus proche de notre sujet d’étude est la relation étroite qui peut
exister entre les migrations et la criminalité. Inspirée des réflexions d’un des
spécialistes du crime, Henri Joly78, qui s’inquiétait à la fin du XIXe siècle de l’ac-
croissement considérable de la mobilité sociale et géographique des populations
sous l’effet des mutations économiques, la théorie du déracinement a été reprise
par la suite par nombre d’historiens, à commencer par Gabriel Désert, partisan
72 Gegot Jean-Claude, « La crimi- Christine, Vivre la ville. Les classes 76 Milliot Vincent, « Une ville
nalité urbaine dans l’Hérault sous populaires à Paris (1ère moitié du malade de son espace ? Paris et le
le Second Empire : Montpellier, XIXe siècle), Paris, La Boutique de lieutenant général de police Lenoir
Béziers, Sète », in La ville en pays l’Histoire éditions, 2007, et en parti- (1775-1785) », in Marec Yannick (sous
languedocien et catalan, Colloque, culier le chapitre II : « Déconstruire la direction de), Villes en crise ? op.
Perpignan, Société languedocienne la représentation dominante : la cit., p. 32-53 ; Nugues-Bourchat (A.),
de géographie, Bulletin, 1982, série thèse de Louis Chevalier », « Les ajustements du quadrillage
3, n° 3-4, tome 16, p. 345-353 ; Pas- p. 53-86 ; Ratcliffe Barrie M., « Clas- policier à Lyon (1800-1852) », in
sion Luc, « Conjoncture et géogra- ses laborieuses et classes dangereu- Marec Yannick (sous la direction de),
phie du crime à Paris sous le Second ses à Paris dans la première moitié du op. cit., p. 54-64.
Empire », Fédération des sociétés XIXe siècle ? The Chevalier Thesis 77 Peccoud Patricia, Villes et dé-
historiques et archéologiques de Re-examined », French Historical linquance : l’exemple de Grenoble
Paris et de l’Île-de-France. Mémoi- Studies, 1991, n° 17, p. 542-574. au XIXe siècle (1789-1914), thèse de
res, 1982, tome 33, p. 187-224. 75 Farcy Jean-Claude, « La ville doctorat d’histoire du droit (sous
73 Rosental Paul-André et Couzon contemporaine (XIXe et XXe siècles) la direction de Gérard Chianéa),
Isabelle, « Le Paris dangereux de est-elle criminogène ? », in Marec Université Pierre-Mendès-France,
Louis Chevalier : un projet d’histoire Yannick (sous la direction de), Villes Grenoble II, 2001.
utile », in Lepetit Bernard et Topalov en crise ? Les politiques municipa- 78 Joly Henri, « L’émigration
Christian (eds), La Ville des sciences les faces aux pathologies urbaines provinciale et les arrestations dans
sociales, Paris, Belin, 2001, p. 191-226. (fin XVIIIe-fin XXe siècles), Grâne, Paris », Revue encyclopédique, 1898,
74 Ratcliffe Barrie M., Piette Créaphis, 2005, p. 20-31. 2ème semestre, p. 795 et s.
Mendicité,
vagabondage
de cette vision pessimiste des mouvements migratoires79. D’autres historiens et contrôLe sociaL
ont également conclu à une délinquance plus forte parmi les migrants80. Dans le du moyen âge au
xIXe siècle
département de l’Hérault81, 21 % des délinquants jugés en 1845 par les tribunaux Antony Kitts
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de promotion sociale, surtout à partir du dernier quart du XIXe siècle85.
Au-delà de ces multiples facteurs socio-économiques qui rendent compte de
l’évolution de la mendicité et du vagabondage, on ne peut passer sous silence
le fait que pour une partie de ces marginaux, ce mode de vie peut se révéler
être aussi un choix personnel, choix qu’il est toutefois difficile d’approcher de
près. D’ailleurs on peut se poser la question de savoir jusqu’à quel point ces
marginaux ont conscience de leur inadaptation aux normes sociales dominan-
tes. Majoritairement analphabètes et illettrés, les mendiants et les vagabonds
écrivent et parlent peu, même s’ils peuvent produire exceptionnellement des
graffiti86 ou des récits de leur vie87. Ce sont sur ces écrits autobiographiques que
l’historien peut s’appuyer pour retracer les heurs et malheurs d’un quotidien
79 Désert Gabriel, op. cit., p. 249. d’Eure-et-Loir, 1989, p. 990. 86 Vimont Jean-Claude, « Les graf-
80 Donovan James M., The 83 Farcy Jean-Claude, Faure Alain, fiti de la colonie pénitentiaire des
relationship between migration La mobilité d’une génération de Douaires », in Chauvaud Frédéric,
and criminality in Marseille Français. Recherche sur les migra- Petit Jacques-Guy (sous la direction
1825-1880, Doctoral Dissertation, tions et les déménagements vers et de), L’histoire contemporaine et
Syracuse University, 1982 ; Sewell dans Paris à la fin du XIXe siècle, les usages des archives judiciaires
William H., Structure and mobility. Paris, INED, 2003, p. 477-519 : « La (1800-1939), Histoire et archives,
The men and women of Marseille, migration, école du crime ? ». hors série n° 2, Paris, Honoré Cham-
1820-1870, Cambridge, Cambridge 84 Piette Christine et Ratcliffe pion Éditeur, 1998, p. 139-155.
University Press, 1985. Barrie M., « Les migrants et la ville : 87 Yvorel Jean-Jacques, « Errance
81 Santucci Marie-Renée, Dé- un nouveau regard sur le Paris de juvénile et souffrance sociale au
linquance et répression au XIXe la première moitié du XIXe siècle », XIXe siècle d’après les récits
siècle. L’exemple de l’Hérault, Paris, Annales de démographie histori- autobiographiques », in Chauvaud
Économica, 1986, p. 86-104 : « Les que, 1993, p. 263-302. Frédéric (sous la direction de),
aléas des migrations ». 85 Rosental Paul-André, Les Histoires de la souffrance sociale
82 Farcy Jean-Claude, Les Pay- sentiers invisibles. Espace, familles XVIIe-XXe siècles, Rennes, Presses
sans beaucerons au XIXe siècle, et migrations dans la France du XIXe universitaires de Rennes, 2007,
Chartres, Société archéologique siècle, Paris, Éditions de l’EHESS, 1999. p. 87-109.
Cette réflexion sur les logiques et les processus de marginalisation doit égale-
ment conduire à s’interroger sur les moyens qu’une société met en place pour
contrôler et parfois soumettre ces marginaux. Au préalable, il faut, cependant,
revenir sur ce que sous-tend, selon nous, le terme de contrôle, et plus particu-
lièrement l’expression « contrôle social ». Il faut remonter au XIVe siècle pour
en retrouver la trace : le terme « contrôle » tirait son origine de l’expression
« contre-rôle », qui concernait un registre tenu en double pour la vérification.
Sous l’influence de la sociologie américaine, est apparu, dès les années 1920,
le concept de contrôle social. Au départ, il a désigné la capacité d’une société à
s’autoréguler, à assurer sa stabilité. Puis on est passé à une acception négative
du contrôle social, considéré comme une réaction aux comportements déviants.
Le contrôle social est alors entendu comme « l’ensemble des ressources maté-
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rielles et symboliques dont dispose une société pour assurer la conformité du
comportement de ses membres à un ensemble de règles et principes prescrits et
sanctionnés »91. C’est cette dernière définition que l’on retiendra pour qualifier
les différentes politiques d’assistance et de coercition mises en œuvre dans la
lutte contre la mendicité et le vagabondage.
En cela, le XIXe siècle fait apparemment preuve de peu d’originalité. Il y a,
en effet, toujours eu une forte intervention du pouvoir sur ces problèmes.
Sans remonter jusqu’au moyen âge, il faut rappeler qu’à partir du XVIe siècle,
on assiste progressivement à la mise en place d’une politique d’enferme-
ment des pauvres, dans des institutions comme les hôpitaux généraux ou les
dépôts de mendicité92. Entre 1764 et 1767, trente-trois dépôts de mendicité
sont créés dans tout le royaume, soit un dans chaque généralité 93. Jugés trop
coûteux, ils sont supprimés deux ans plus tard, puis de nouveau rétablis
en 1777 devant la recrudescence de la mendicité, avant de renaître avec les
88 Veysset Nicolas, « Le mendiant Paris, Éditions Tallandier, Collection Poor in Eighteenth-Century France,
infirme au XIXe siècle », in Gueslin « Texto », 2007, et plus particulière- Chapelle Hill et Londres, University
André et Stiker Henri-Jacques (sous ment le chapitre VII : Les mendiants, of North Carolina Press, 1988 ; Mcs-
la direction de), Handicaps, pau- p. 269-314. tay Adams Thomas, Bureaucrats
vreté et exclusion dans la France 91 Cité dans l’article « Contrôle and Beggars. Franch Social Policy
du XIXe siècle, Paris, Les Éditions de social », in Barreyre Jean-Yves, Bou- in the Age of the Enlightenment,
l’Atelier/Éditions ouvrières, 2003, quet Brigitte (sous la direction de), New York-Oxford, Oxford University
p. 33-51. Nouveau Dictionnaire critique d’ac- Press, 1990.
89 Geremek Bronislaw, Les Mar- tion sociale, Paris, Bayard Éditions, 93 Castan Nicole, Zysberg André,
ginaux parisiens aux XIVe et XVe collection « Travail social », 2006. Histoire des galères, bagnes et pri-
siècles, op. cit., p. 208-237. 92 Gutton Jean-Pierre, La société sons en France de l’Ancien Régime,
90 Chesney Kellow, Les Bas- et les pauvres en Europe ( XVIe- Toulouse, Éditions Privat, collection
Fonds de Londres. Crime et pros- XVIIIe siècles), op. cit., p. 122-157 ; « Hommes et communautés »,
titution sous le règne de Victoria, Schwartz Robert M., Policing the 2002, p. 57-87.
Mendicité,
vagabondage
lois du 10 septembre 1790 et du 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793) sous et contrôLe sociaL
la forme de « maisons de répression »94. Marquée par de profonds boulever- du moyen âge au
xIXe siècle
sements politiques et sociaux, la Révolution ne pouvait par conséquent ne Antony Kitts
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encore assez mal connues. Par ailleurs, on ne doit pas passer sous silence
les différentes lois d’assistance mises en place à la charnière des XIXe et XXe
siècles : loi sur l’assistance médicale gratuite du 15 juillet 1893 et la loi sur
les vieillards, infirmes et incurables du 14 juillet 1905, lois qui sont encore
peu étudiées sur le plan local. Mais derrière ces préoccupations sociales, ne
doit-on par voir, en définitive, ici le désir sécuritaire des élites99 de renforcer
le contrôle policier de ces marginaux à un moment où l’État-nation naissant
considère comme une priorité le contrôle des étrangers ?100
Au regard de la société, le vagabondage et la mendicité constituent en effet
des délits sanctionnés par la loi. Dans ces conditions, ils restent soumis à un
contrôle policier et judiciaire particulièrement contraignant. Depuis long-
temps, le contrôle de la mobilité est demeuré un enjeu majeur pour les pouvoirs
94 Petit Jacques-Guy, Faugeron 97 Gros Nicolas, Les dépôts ouvrières, 1996.
Claude, Pierre Michel, Histoire de mendicité (1808-1905). Un 99 Kalifa Dominique, « Délin-
des prisons en France (1789- exemple de la politique sociale au quance et insécurité urbaine
2000), Toulouse, Éditions Privat, XIXe siècle, mémoire de maîtrise en France (XIXe-XXe siècles) :
collection « Hommes et commu- d’histoire, Université de Paris X un contrepoint », in Fourchard
nautés », 2002, p. 26-29. Nanterre, 1994 ; Veysset Nicolas, Laurent et Olawale Albert Isaac
95 Imbert Jean (sous la direction « La fin des dépôts de mendicité (sous la direction de), Sécurité,
de), La protection sociale sous la au début de la IIIe République », in crime et ségrégation dans les
Révolution française, Paris, Asso- Gueslin André, Kalifa Dominique villes d’Afrique de l’Ouest du
ciation pour l’étude de l’histoire (sous la direction de), Les Exclus XIXe siècle à nos jours, Paris/
de la Sécurité sociale, 1990. en Europe 1830-1939, op. cit., Ibadan, Karthala-IFRA, 2003,
96 Thuillier Guy, « Le désordre de p. 112-123. p. 73-84.
l’administration napoléonienne : 98 Petit Jacques-Guy, Marec 100 Noiriel Gérard, Immigra-
l’échec des dépôts de mendicité Yannick (sous la direction de), Le tion, antisémitisme et racisme
(1808-1815) », La Revue adminis- social dans la ville en France et en France (XIXe-XXe siècles).
trative, janvier-février 2002, en Europe (1750-1914), Paris, Les Discours publics, humiliations
n° 325, p. 30-36. Éditions de l’Atelier/ Éditions privées, Paris, Fayard, 2007.
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activités particulièrement recherchées par les migrants111. En effet ces activités
101 Noiriel Gérard, « Les prati- 106 Lorgnier Jacques, Maréchaus- parisiens au Siècle des Lumières »,
ques policières d’identification sée. Histoire d’une révolution in Blanc-Chaléard Marie-Claude,
des migrants et leurs enjeux pour judiciaire et administrative, tome I, Douki Caroline, Dyonet Nicole, Mil-
l’histoire des relations de Pouvoir. Les juges bottés et tome II, Quand liot Vincent (sous la direction de),
Contribution à une réflexion en le gendarme juge, Paris, L’Harmat- op. cit., p. 315-331 ; « La surveillance
longue durée », in Blanc-Chaléard tan, 1995. des migrants et des lieux d’accueil
Marie-Claude, Douki Caroline, 107 Merriman John, Police Stories. parisiens du XVIe siècle aux années
Dyonet Nicole, Milliot Vincent, Po- Bulding the French State, 1815- 1830 », in Roche Daniel (sous la
lice et migrants. France 1667-1939, 1851, Oxford, Oxford Univer- direction de), La ville promise. Mo-
p. 115-132. sity Press, 2006 ; Aubouin Michel, bilité et accueil à Paris (fin XVIIe-
102 Denis Vincent, « Le contrôle de Teyssier Arnaud, Tulard Jean, début XIXe siècles), Paris, Fayard,
la mobilité à travers les passeports Histoire et dictionnaire de la police 2000, p. 21-76 ; Levy-Vroelant
sous l’Empire », in Blanc-Chaléard du Moyen Age à nos jours, Paris, Claire, « Un siècle de surveillance
Marie-Claude, Douki Caroline, Robert Laffont, Collection « Bou- des garnis à Versailles : 1830-1930 »,
Dyonet Nicole, Milliot Vincent, op. quins », 2005 ; Berlière Jean-Marc, in Blanc-Chaléard Marie-Claude,
cit., p. 75-90. Le Monde des polices en France Douki Caroline, Dyonet Nicole,
103 Marec Yannick, « Des pas- XIXe-XXe siècles, Paris, Éditions Milliot Vincent (sous la direction
seports pour indigents à Rouen Complexe, 1996. de), op. cit., p. 333-363.
(1813-1852) », in Gueslin André, Kalifa 108 Milliot Vincent, « Histoire des 110 Delattre Simone, Les douze heu-
Dominique (sous la direction de), polices : l’ouverture d’un moment res noires. La nuit à Paris au XIXe
op. cit., p. 73. historiographique », Revue d’His- siècle, Paris, Albin Michel, 2000.
104 Noiriel Gérard, « Surveiller toire Moderne et Contemporaine, 111 Bernard Daniel, « Surveillance
les déplacements ou identifier les avril-juin 2007, n° 54-2, p. 162-177 ; des itinérants et ambulants dans
personnes ? Contribution à l’histoire Luc Jean-Noël (dir.), Histoire de la le département de l’Indre au XIXe
des passeports en France de la Ière maréchaussée et de la gendarme- siècle et au début du XXe siècle »,
à la IIIe République », Genèses, mars rie. Guide de recherche, Maisons- in Maintien de l’ordre et polices en
1998, n° 30, p. 77-100. Alfort, Service Historique de la France et en Europe au XIXe siècle,
105 Luc Jean-Noël (sous la Gendarmerie Nationale, 2005. Société d’Histoire de la Révolution
direction de), Gendarmerie, État et 109 Milliot (V.), « Migrants et de 1848 et des Révolutions du XIXe
société au XIXe siècle, Paris, Publi- étrangers » sous l’œil de la police : siècle, Paris, Créaphis, 1987,
cations de la Sorbonne, 2002. la surveillance des lieux d’accueil p. 235-247.
Mendicité,
vagabondage
sont perçues - dans les discours des autorités ou de la presse - à travers le prisme et contrôLe sociaL
du moyen âge au
du vagabondage. La rue est également sous une surveillance étroite. À la fois lieu xIXe siècle
de passage et lieu de vie des marginaux, la rue offre souvent le spectacle de la Antony Kitts
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contre la mendicité et le vagabondage.
Arrêtés par les représentants de l’ordre, ils sont dès lors pris en charge par l’ap-
pareil judiciaire. Ne relevant normalement d’aucune juridiction spécifique sous
l’Ancien Régime, les mendiants et les vagabonds dépendent ainsi de la juridic-
tion dans lesquelles ils ont été arrêtés, à l’instar des prévôts des maréchaux. Au
XIXe siècle, ces délits relèvent des tribunaux correctionnels au sein du tribunal
de Première Instance (loi du 27 ventôse an VIII). À partir de l’étude des juge-
ments correctionnels116 ou des registres d’écrous, des historiens, comme Guy
Haudebourg pour la Bretagne et Patricia Peccoud pour l’Isère, ont montré que
les magistrats étaient plus sévères pour les vagabonds que pour les mendiants117.
On ne doit pas non plus négliger le rôle de certaines institutions (l’école, l’Église
ou l’armée) comme lieu d’éducation et de régulation de cette marginalité.
Faire l’histoire de ces marginaux, c’est donc d’abord se heurter à un problème
112 Leguay Jean-Pierre, La rue Vincent (sous la direction de), op. et gardes champêtres, de 1795 à
au Moyen Age, Rennes, Éditions cit., p. 51-62 et 235-249 ; Wagniard 1854 : une relation ambiguë », in Luc
Ouest-France Université, 1984 ; Jean-François, « La gendarmerie et Jean-Noël (sous la direction de), op.
Arlette Farge, Vivre dans la rue à les gendarmes face à la question du cit., p. 81-90.
Paris au XVIIIe siècle, Paris, Jul- vagabondage (1870-1914) », in Luc 116 Flori Juliette, « Les vagabonds de-
liard-Gallimard, 1992. Jean-Noël (sous la direction de), op. vant les tribunaux correctionnels à la
113 Dyonet Nicole, « La maré- cit., p. 289-299. fin du XIXe siècle », Labyrinthe. La re-
chaussée et la population mobile 114 Gaveau Fabien, L’ordre aux vue des étudiants-chercheurs, 1999,
dans l’Orléanais au XVIIIe siècle » champs. Histoire des gardes cham- n° 2, p. 19-39 ; Wagniart Jean-François,
et Houtte Arnaud-Dominique, « Le pêtres en France de la Révolution à « La pénalisation du vagabondage et
migrant du gendarme. Le quotidien la Troisième République. Pour une la répression de la pauvreté errante à
de la surveillance dans le départe- autre histoire de l’État, thèse de la fin du XIXe siècle », Cahier d’His-
ment du Nord pendant la première doctorat d’histoire (sous la direction toire, 1996, n° 64, p. 77-90.
moitié du XIXe siècle », in Blanc- de Berlière Jean-Marc), Université 117 Haudebourg Guy, op. cit., p.
Chaléard Marie-Claude, Douki de Dijon, 2005, 3 volumes. 331-339 ; Peccoud Patricia, op. cit.,
Caroline, Dyonet Nicole, Milliot 115 Gaveau Fabien, « Gendarmes p. 223-229.
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ainsi de multiples visages qui n’ont aujourd’hui malheureusement pas disparu
de notre société.
118 Farge Arlette, Laé Jean-François, direction de), Archives de la peur. 2, 2005, p. 80-89 (Chapitre IX : La
Cingolani Patrick, Magloire Franck, Les « populations à risque » dans mendicité) et 90-101 (Chapitre X :
Sans visages. L’impossible regard la Franche-Comté au XIXe siècle, Probabilisme et mendicité).
sur le pauvre, Paris, Bayard, 2004. Besançon, Presses universitaires 123 London Jack, La Route. Les
119 Wagniart Jean-François, « À la franc-comtoises/Annales littéraires Vagabonds du rail, Paris, Éditions
recherche de la parole errante (1871- de l’université de Franche-Comté, Phébus, Collection « Libretto »,
1914) », Revue d’Histoire du XIXe 2000. 2001.
siècle, 2000, n° 20-21, p. 217-230. 122 Thuillier Guy, L’histoire de la 124 London Jack, Le peuple d’en
120 Chauvaud Frédéric, « La parole protection sociale. Orientations bas, Paris, Éditions Phébus, Collec-
captive. L’interrogatoire judiciaire au de recherche sur la pauvreté et la tion « Libretto », 1999.
XIXe siècle », Histoire et Archives, souffrance, Paris, Comité d’His- 125 Amédée Fraigneau, Rouen
1997, n°1, p. 33-60. toire de la Sécurité sociale, Cahier bizarre, Rouen, Éditions PTC, 2003,
121 Stora-Lamarre Annie (sous la d’Histoire de la Sécurité sociale, n° p. 13-72.