Vous êtes sur la page 1sur 4

Léon Degrelle, né le 

15 juin 1906 à Bouillon (Belgique) et mort
le 31 mars 1994 à Malaga (Espagne), était un journaliste, écrivain, et directeur de presse engagé
dans la mouvance catholique belge. Il entama ensuite une carrière politique, en fondant
le mouvement Rex, au départ parti nationaliste proche des milieux catholiques, qui devint
rapidement un parti fasciste, puis durant la Seconde Guerre mondiale, se rapprocha du national-
socialisme, pour finir dans la collaboration avec l'occupant allemand. Combattant sur le front de
l'Est avec la 28e division SS Wallonien, il termina la guerre en tant que SS-
Sturmbannführer et Volksführer der Wallonen. Exilé en Espagne en 1945 et naturalisé en 1954, il
y vécut pendant près de cinquante ans, construisant sa propre légende et s'érigeant en ardent
défenseur du nazisme et des thèses négationnistes. Il s'imposa comme une référence de
l'extrême droite.

Enfance et jeunesse[modifier | modifier le code]

Bouillon, vers 1906.

Léon Joseph Marie Ignace Degrelle est né à Bouillon, dans l'Ardenne belge, le 15 juin 1906. Son
père, Édouard Degrelle, brasseur en France, s'était expatrié en Belgique en 1901 en réaction à
l'expulsion des Jésuites de France et au « sectarisme anticlérical », selon Robert Brasillach.
L'historien Alain Colignon envisage une hypothèse où Édouard Degrelle aurait quitté par intérêt la
France pour la Belgique où il a repris une brasserie florissante 1. Son épouse, Marie-Louise
Boever est la fille du chef de file de la droite luxembourgeoise2. Après sa naturalisation, Édouard
Degrelle se lance en politique au sein du Parti catholiquea ; élu au conseil provincial du
Luxembourg, il en devient député permanent en 19253. Léon est le cinquième enfant du couple,
après les naissances de Marie, Édouard (mort à vingt mois), Jeanne, Madeleine et avant celles
de Louise-Marie, d'Édouard et de Suzanne4. La famille est marquée par un catholicisme fervent :
prière du soir, messe et communion quotidiennes, présence à quatre offices le dimanche 5.
Léon va à l'école maternelle — appelée également école gardienne en Belgique — avec sa sœur
Louise-Marie, sa cadette de treize mois, chez les Religieuses de la doctrine chrétienne 6.
Après avoir entamé ses études secondaires à l'institut Saint-Pierre de Bouillon, en section gréco-
latine7, Léon Degrelle entre, en 1921, au Collège Notre-Dame-de-la-Paix à Namur tenu par
les Jésuites : « il y fait des études irrégulières, tantôt brillantes, tantôt médiocres suivant les
années3 ». Passionné par la littérature et notamment par Charles Péguy, il se met à écrire des
poèmes et collabore à des journaux et revues de la province à l'âge de quinze ans 3. À cet âge, il
est décrit comme « un adolescent costaud, plutôt râblé, pas très communicatif, avec une volonté
de dominer, de commander, une certaine insolence et une sensibilité presque maladive [...] il a
un penchant très prononcé pour les professions de foi, les phrases pleines, les mots ronflants 8 ».
À dix-sept ans, il entretient une correspondance suivie avec le cardinal Mercier, primat des
Belges, et est également remarqué par le dirigeant socialiste Émile Vandervelde qui publie l'un
de ses articles dans Le Peuple et lui manifeste sa sympathie9.
Pendant sa scolarité au collège, il découvre la pensée de Charles Maurras, dont il devient un
fervent partisan et « dont il retient essentiellement l'antiparlementarisme et le culte de la
monarchie9 ». En raison de sa proximité avec l'Action française, Degrelle conçoit également une
profonde admiration pour l'œuvre de Léon Daudet, et « c'est de toute évidence à son contact qu'il
acquiert son style polémique et vigoureux 9 ». En 1924, à dix-huit ans, Degrelle entame des
études de droit à la faculté catholique de Namur : c'est durant cette première année universitaire
qu'il organise une vigoureuse campagne de soutien à Maurras, en réponse à un sondage lancé
par les cahiers de la jeunesse catholique sur la question « parmi les écrivains des vingt-cinq
dernières années, lequel considérez-vous comme votre maître ? » La campagne est
particulièrement efficace et Maurras arrive largement en tête des votes 9. Degrelle rate ses
examens et entame ensuite des études de lettres et de philosophie thomiste à l'Université
catholique de Louvain ; après deux années brillantes, il s'inscrit en droit et sciences
politiques, « où il devient moins heureux dans ses examens. Il les passe de manière assez
pénible, et, de toute façon, il ne parviendra jamais à la licence. […] Si ses échecs en droit sont
eux-mêmes indéniables, ils tiennent plus à ses multiples activités extra-universitaires qu'à une
prétendue faiblesse intellectuelle10 ». L'un de ses professeurs, le vicomte Charles Terlinden,
estime qu'il s'agit d'un étudiant médiocre dont « la pauvreté culturelle alimentait avec peine, aux
examens, une langue pourtant bien pendue11 ».

Écrivain et journaliste[modifier | modifier le code]


En octobre 1927, avant la fin de ses études, et à l'initiative de Louis Picard, l'aumônier général de
l'Action catholique de la jeunesse belge (ACJB), Degrelle prend la direction de L'Avant-Garde, le
journal des étudiants de l'université de Louvain : son activité à la tête de ce périodique « lui fait
atteindre des tirages extraordinaires pour ce genre de publication (10 000 exemplaires)10 ». En
janvier 1928, il participe au saccage d'une exposition de l'Union des républiques socialistes
soviétiques organisée à Bruxelles, en déclarant, à propos des communistes : « Ils veulent
anéantir ce qui nous est le plus cher : l'Église, le Pays, l'ordre social et familial. [...] Ni platitudes
ni politesses aux gens de Moscou. Il faut seulement leur dire trois mots : À la porte12 ! » De 1928
à 1930, Degrelle écrit à la fois des poèmes (Les Tristesses d'hier, recueil paru en 1930), des
ouvrages parodiques comme Jeunes plumes et vieilles barbes de Belgique (1928) puis Les
grandes farces de Louvain, des livres politiques et polémiques (Les Flamingants en 1928, où il
prône « la nécessité d'une meilleure compréhension entre les deux communautés nationales »)
et Furor teutonico où il soutient les autorités catholiques contre les milieux anticléricaux 13.
En 1929, l'abbé Norbert Wallez l'engage comme rédacteur au Vingtième Siècle, où débute
également Hergé13. Sa série d'articles sur les taudis, particulièrement peu tendres pour les
propriétaires, lui vaut une lettre de félicitations du premier ministre Henri Jaspar ; lorsqu'ils sont
publiés dans un recueil, celui-ci est préfacé par le ministre du Travail 13.

Un groupe de Cristeros.

Après l'assassinat du président du Mexique Álvaro Obregón, par José de León Toral, un jeune
étudiant catholique opposé à la politique anticléricale du gouvernement, Degrelle publie un article
dans le Vingtième Siècle approuvant le meurtre d'Obregón et se clôturant par « À chaque
nouveau Toral, nous nous écrierons de tout cœur bravo ! », article qui déclenche un vaste
scandale14. Mis au défi par la presse de gauche de se rendre au Mexique pour aller voir de lui-
même ce qui s'y passe, Degrelle s'y rend dans des circonstances rocambolesques, qu'il amplifie
et romance dans son ouvrage Mes aventures au Mexique14. Après un séjour au milieu
des Cristeros, et grâce au produit de la vente de ses articles à un éditeur américain, il visite
ensuite rapidement les États-Unis, d'où il envoie des bandes dessinées à Hergé15, et le Canada,
avant de rentrer en Belgique en février 1930. Il publie, cette même année, une brochure de 37
pages intitulée Histoire de la guerre scolaire. 1879-1884, plaquette « sur la couverture de
laquelle apparaissent le dessin suggestif d'un crucifix violemment barré de rouge et les noms de
l'auteur et de l'illustrateur, en haut Degrelle, en bas Hergé. [...] Cette collaboration n'entraînera
chez le dessinateur « aucun regret, aucun remords »16 ».

Degrelle, Rex et le rexisme[modifier | modifier le code]


Une maison d'édition catholique[modifier | modifier le code]
En octobre 1930, Degrelle est nommé directeur de la modeste maison d'édition Christus-Rex,
spécialisée dans la publication des brochures de l'Action catholique, appelé à ce poste par Louis
Picard. « Créée par l'Église en 1921, cette association [...] est animée par un sentiment religieux
exubérant et, bien qu'elle demeure en dehors de la politique, elle forge une nouvelle génération
de catholiques engagés qui rejettent avec mépris les manœuvres et les compromis du parti
catholique17 ». « Sitôt entré dans la place, Degrelle décide que ça va changer »18 ». Il se lance
dans la publication de brochures d'actualité vendues un franc et dans celles de plaquettes pour
chaque événement pouvant intéresser de nombreux catholiques ; il participe au lancement, le 10
octobre 1931 de l'hebdomadaire Soirées qui connaît un certain succès et dont les éditions Rex
prennent le contrôle en avril 193318. Lors des élections législatives de 1932, Degrelle est chargé
d'une partie de la campagne électorale du parti catholique lors de laquelle il montre ses réels
talents de propagandiste, en diffusant d'après ses dires, 1 900 000 brochures et
430 000 affiches, « vrais chefs-d'œuvre de psychologie simple, de goût et d'art 18,b ». Au cours de
cette campagne, Degrelle utilise également une affiche réalisée par Hergé, sur laquelle figure
une tête de mort protégée par un masque à gaz, avec le slogan « Contre l'invasion, votez pour
les catholiques », et en lieu et place de la signature d'Hergé, la mention « le studio des éditions
de Rex » ; l'utilisation de cette affiche suscite l'opposition d'Hergé, pour des raisons qui ne sont
pas politiques mais purement artistiques. Le créateur de Tintin est « tout prêt à travailler avec
Degrelle, mais s'agissant de ce dessin comme de n'importe quel autre, il n'envisage pas de le
signer sans l'avoir méticuleusement revu, achevé et définitivement mis au point 20 ».
De 1932 à 1933, Degrelle lance successivement quatre nouvelles
publications, Rex, Vlan, Foyer et Crois18. À ses débuts, Rex est conçu comme un supplément
littéraire de 16 pages à Soiréesc, l'aspect politique étant confié à Vlan. En annonçant dans Rex le
premier numéro de Vlan, Degrelle ne cache pas ses objectifs : « Notre journal politique va y aller
carrément. [...] Nous servirons le Parti catholique de toutes nos forces, en le critiquant ou en
l'encourageant, en attendant de le conquérir 18 ». Les résultats de l'enquête sur le Parti catholique
publiés dans le Vlan du 29 avril 1933 confirment que la critique prend le pas sur les
encouragements : dans le numéro de Rex du 25 février 1933, Degrelle avait déjà été très clair :
« Rex est avant tout un mouvement, un organisme de combat. Nous voulons, en quelques
années, conquérir bastion par bastion, muraille par muraille, toutes les forteresses du pays...
Parce que nous avons un idéal et qu'on voit que nous serons un jour les maîtres, nous
rencontrerons des ennemis. D'abord, naturellement des catholiques. Ceux-là peuvent être
certains qu'ils jouiront toujours, en nous attaquant, de l'immunité la plus complète »
— Rex, 25 février 193321
Le 31 juillet 1933, Degrelle devient propriétaire des éditions Rex grâce à des interventions
financières familiales22, et à la souscription par les pères norbertins de l'abbaye d'Averbode de six
cents parts de la nouvelle société23. Cette prise de contrôle se traduit à nouveau par une
débauche d'activités et de nouvelles publications : lancement d'une collection de romans à la
portée de tous, édition de livres d'hommes politiques catholiques, de brochures tirées à plusieurs
dizaines de milliers d'exemplaires sur les apparitions de la Vierge à Beauraing et à Banneux22.

Rupture et ascension[modifier | modifier le code]


L'action de Degrelle prend une tournure de plus en plus politique à partir de 1934 : sa volonté
d'organiser le 21 octobre 1934 un congrès de presse des jeunes catholiques, dont le véritable but
est de lui fournir une publicité personnelle, suscite une réaction de l'évêque de Tournai, Gaston-
Antoine Rasneur qui lui fait savoir qu'il trouve cette initiative inopportune 24. Degrelle tourne ce
discret désaveu à son avantage en publiant dans Rex et Soirées, le 5 octobre 1934, un article
intitulé Au service de l'Église dans lequel il écrit notamment qu'« aujourd'hui, nous allons
changer. Et voici pourquoi : d'abord parce qu'un évêque nous en exprime le désir. Et cela seul
déjà suffirait. Nous sommes ici-bas pour servir le catholicisme [et qu'il conclut par] Pour le Christ !
Avec le Pape ! Avec nos évêques ! Rex vaincra24 ! » Cet article vaut à Degrelle une lettre de
remerciements de l'évêque de Liège, Louis-Joseph Kerkhofs24.

Drapeau de Rex.

Cet acte de soumission ne rassure les autorités catholiques qu'un temps. À la suite de l'activisme
de Degrelle, Louis Picard, l'aumônier général de l'Association catholique de la jeunesse belge,
fait part au cardinal Joseph-Ernest Van Roey de ses inquiétudes : « M. Degrelle veut disposer
d'une puissance d'opinion. [...] Une seule chose est certaine, c'est qu'il a une ambition immense
et qu'il rêve de gouverner son pays, comme il dit. Impulsif comme il est, dans un moment de
trouble social, il est capable des pires imprudences 24 ». Bien qu'il ait été convoqué à l'archevêché
de Malines pour dissiper la confusion entre Rex et l'Action catholique, Degrelle poursuit ses
meetings politiques24. Le 2 novembre 1935, c'est le pas de trop. Lors du congrès annuel de la
fédération des associations et cercles catholiques, à Courtrai, il fait bloquer les issues par trois
cents jeunes rexistes et se livre à une violente diatribe contre le parti catholique allant jusqu'à
traiter le sénateur Philips24, ou le ministre d'État Paul Segers « d'excrément vivant25 ». Le « Coup
de Courtrai » est suivi par un décret épiscopal du cardinal Van Roey, le 20 novembre 1935 « qui
condamne le mouvement [rexiste] sans équivoque, quoique de manière modérée 24 », ce qui vaut
au cardinal d'être traité par Degrelle de « Rhinocéros de Malines » et de « cardinal Van
Grenouille »26. Le « coup de Courtrai » et le blâme épiscopal qui en résulte, marquent la fin d'une
période du rexisme24.
Dans la perspective des élections législatives du 24 mai 1936, sous la plume de Degrelle, le ton
de Rex, se fait de plus en plus virulent et divers hommes politiques catholiques, auparavant
soutenus par Rex, se font traiter « d'aristocrate-banquier, de traître de la dévaluation », d'éternel
raté et d'homme qui a son avenir derrière lui » ; même un évêque, comme Joseph Schyrgens, est
décrit comme « un clown et un prêtre de foire27 ». Après le blâme épiscopal, ces tirades amènent
à une rupture définitive avec le parti catholique qui annonce, le 21 février 1936, la fin des
contacts avec Degrelle et interdit à ses membres de collaborer au mouvement rexiste 27. L'entrée
en politique de Rex de manière indépendante entraîne une profonde transformation du
mouvement : si la plupart de ses cadres sont encore de jeunes catholiques militants, Rex
devient « le point de ralliement d'une coalition disparate de mécontents du statu quo, regroupant
pêle-mêle, des vétérans de la guerre 14-18, des membres des ligues patriotiques de droite, des
boutiquiers et commerçants. » [...] Un peu de la même manière que le boulangisme de 1888-
1889 ou le poujadisme des années 1950 en France, [Rex] devient rapidement un fourre-tout de
la protestation28 ».

Vous aimerez peut-être aussi