CAYPTOGRAPHIE. — SOCIETES SECRETES. — BEAUX ARTS.
LA PREFACE DE POLIPHILE
Pan M. Guaumts POPELIN
I
Comme couronnement d'une carridre aussi brillante que
bien remplic, M, Claudius Popelin vient de s‘élever unde ces
monuments que lui enviera tout letiré doublé d'un artiste et
tout artiste douhlé Wun lettwé, J'ctablis cette distinction parce
qu'elle n'est pas oiseuse, L'enseigne de eo monument est
modeste; il s‘intitule tout simplement : /etroduction d la
lecture de Chypnérotomachie de Poliphile. Mais cette intro-
duction forme 4 elle seule un fort volume, dans lequel sont
résumées toutes les recherches faites par J'auteur pour mener
i bien une muvre d'érudition colossale ; ct je ne crois pas
quwilexiste nulle part d'histoire plus compléte de l'art italien,
depuis sa naissance jusqu’a la fin du seizitme sitele. J'aurais
voulu que M, Popelin fit une part plus large & l'influence
francaise, dont les Italiens eux-mémes reconnaissent la pré-
dominance dans Ja formation de leur littérature et de leur art
national, Mais Jes effurts que j'ai tontés pour |'établir n'ont pas
encore abouti 4 des résultats assez indiscutales pour 4tre ac-
ceptés les yeux fermés par un esprit aussi académique que
celui de M'élégant traducteur du Songe de Poliphile. Je crois
cependant qu'aprés avoir lu cet article, ses convictions s'en
trouveront fortement ébranides,48 DA PREFACE DE POLIPINLE
La voie que je suis n'est pas seulement hiérissée (obstacles
de toute sorte; elle aen grande partic été effacée par le temps,
et surtout par le grand cataclysme do ta lin du dernier sitcle,
I] m'est done souvent arrivé dans mes essais préeédents de
perdre la piste et de m'égarer dans de faux sentiors ; cepen-
dant je n'ai jamais cessé d’entrovoir le but que je me propo-
sais, et cette fois je erois l'avoir atteint.
Gest un sujet que M. Popelin wapas osé aborder; il a
préféré renvoyer le lecteur dla Revue Britannigue du mois
de juin (881, Je n’avais alors fait qu’entrevoir [a vérité ;
je puis affirmer aujourd'hui haut la main que fe Songe de
Poliphile vest pas autre chose qu'un traité de grimaire ma-
conmique, c'est-i-dire de grimoire appliqué & architecture,
ne différant des traités plus modernes de ce genre que par
la richesse ct la noblesse incomparables de ses compositions.
A cette époque, je ne possédais qu'une seule des clefs de cetle
écriture mystérieuse, celle qui suffit pour interpréter l'art
grec; depuis, je me suis apercu qu'il en existait une autre
particulitre & l'art moderne, dont on ne trouve pas de trace
dans le gree.
En effet, la /angue des dieux, puisque tel est le nom que
Platon donne I'écriture secrdte de son temps, a été condensée
sous une forme hidratique, dune époque peut-dtre antérieure
a Valphabet phdénicien, dans le syllabaire chypriote, qui, con-
tvairement aux syllabaires égyptiens et cunéiformes, ne com-
porte pas de caractéres po/yphones, c'est-’-dire jouant tantét
le rdle d'iddogrammes, tantét celui de phonogrammes.
Le grimoire moderne, 4 la différence du gree ot a la res-
semblance de I'égyptien et du chaldéen, procade 4 la fois par
phonogrammes, qui sont des rébus, et par tdéogrammes, qui
sont des ¢harades, Ainsi un soulier, une sandale, une botte,
indépendamment de leur valeur phondtique, peuvent indiquer
celui qui les fabrique, c'est-A-dire un robelinewr ; un masque se
lit comedie; une dpde, guerre; une balance, marchanl ;
une fiole, verre; un poisson, mer; une béle fauve, vene, ele.
Crest la déterminatiun exacte de ces termes de metier qui
fait la plus grande difficulté du grimoire moderie, parceLa PREFACE DE POLIPHILE 49
qwils ont changé & la suite des temps, Jamais je n'surais
trouvé fa signification des chaussures en grimoire, s'il ne m'é-
tait Lombé entre les mains un dictionnaire des arts et métiors
du siéele dernier, mentionnant la corporation trés illustre des
savetiers-robedinenrs, qui semblent avoir joué un rdle consi-
dérable dans lunion des syndicats de corps et métiers for-
mant l'ancienne frane-magonnerie parisienne. On trouve les
traces de ce voeable dans une foule de noms propres francais,
tels que Aoditlot, Robilened, Robslin, Rabedais, ete., et il sert
en grimaire 4 derire le mat ribald, Le rot des ribandds était,
comme on sait, un des hauts personnages de la trvanderia,
On trouve. dans Marot le motréh/ew, avec le méme sens que
celui de vidardd. 1 semblerait que son étymologie vienne de
rhabiller les vieilles chaussures,
Mais le grimoire moderne n'entreméle pas la charade-et lo
rébus, comme le faisaitlhidroglyphie égyptienne. La charade,
ainsi nommée parce que les personnages qui la jouaient étaient
montés la plupart du temps sur des chars, servait A composer
des mascarades satiriques dans lesquelles chaque personnage
était un couplet ou ritournelle | cause du retour régulier
duneé consonance en Lau huititme et dernier pied de chaque
vers, destiné A aider les spectateurs 4 le déchiffrer.\
Voici comment les experts tailleurs composatent ces per-
solnages, car, A velle dpoque, ils dtaient en méme temps
podtes; et, comme le fait remarquer le P. Ménestrier, ils
ont fourni au A/aion Aéraleigrve la plupart de ses termes.
Un homme portant une épée et une dadance était un guer-
rié marchan, ot sil y joignait un dijo queleonque, ¢'était
un joailié ajoutez-v wn pete, emblime naturel du pannetie,
vous lirer guerre-marchan-joatllé-pain. Ce genre d'éeriture
n‘élant possible qu’a la condition de ne pas tenir compte des
voyelles, on devra traduire grimoire saint Gilpin, ca qui
est aussi la véritable traduction d'hypndrotomachie (gree,
anvour songe if poi). Nos pbres pronongaient grec ard,
toutes les fois qu'on trouve en grimoire des mats derits duns
une langue dtranghre, i!s doivent (tre traduits on mefpaire,
e'est-A-dire en frangais héraldiqne, en faisant précdder la tras50 LA PREFACE DE POLIPHILE
fluction du nom de la langue, comme dans Aypnérotumachia
(art, amour songe il poing), La plupart des noms de Rabelais
sont composds de la sorte; par exemple: Thawnaste (grec,
mirobolant), qrimaive hlane, et Pichracau (grec, humo
noire), grimoive noir. Quant & Panurge (grec, fin), Griffon,
c'est le nom de son ami, le célébre imprimeur Griffe, prési
tlent du cerele maconnique dont il faisait partie; lequel s'in-
titulait société angéligue, parce qu'un chef @ange (che angel)
est I'hiérogramme le plus fréquent des saingilles ou atint-gil-
pins, que le vulgaire nommait rose-croix,
Passons maintenant 4 Vinterprétation d'une de cos charaides
telles qu'elles fourmillent dans tous les livres des siteles pas-
sds. Il yavait trois maniéres de les exprimer : par des person-
nages vivanés, comme dans les mascarades: par das sdessins,
comme dans les gravures; enfin, par de simples descriptions,
comme celles qui emplissent les pages dle Gargantna et de
Poliphile. En voici une que j'emprunte au Tuilew Expert des
sept grades de rite francais, ornd d'une gravure allégovigne.
Paris, Roret, 1836.
Tignore si cette gravure a existé, car elle n'existe plus
dans mon exemplaire; mais, en tout cas, elle a été don-
blée d'une description qui la rend complitement inutile.
Comme toutes les lectures htraldiques, celle-ci est beauconp
plus claire que les blasons figurés, qui sont presque tonjonrs
& peu pros indéchiflvables sans cette lecture, Gest pour cela
que de Songe de Poliphife et tant d'autres livres de cette
espbce sont accompagnés d'un texte n‘ayant géndralement
d'autre but que de faciliter l'intelligence du grimoire contenu
dans les planches, lesquelles en sont le véritableetunique texte.
Passons maintenant 4 la gravure absente de mon expert
tuilewr. Je cite textuellement
DESCHIPTEON He La GRAVENR,
Dans un jardin doisé d'une manidre pittoresque, est une belle
femme revétue du costume gree. Ello ost assive au pied d'un andre,
Appuyte sor son bras droit, tenant un tives qu'elle lit avec beaucoup
Wattontion, Prés d'ello, veillant sur elle, est un chevalier mystérioux,LA PREFACE DE POLIPHTILE 51
armé de pied en cap, le bouelier au bras gauche, un glatve & la main
droite.
Dans un marais fangeux, faiblement éclairé, sort un monstre d sept
fetes qui s‘avanea sur la déesse. Mais lo chovalier qui veille avec solli-
ritude apergoit le monstra ot lui présonte sou dowelier, dont les
rayons lumineusx I'éblouissent et lui font faire un mouvement violent
onaeriére, Le chevalier le menace ce son glaive divin, s'il ne con-
linue & s"élorgner.
La femme, c'est la déesse de la magonnerie, occupée & méditer Is
livre de la Sagesse. Le chevalier est le turleur expert; lo monstre d
sept tétes est l'embléme des sept passions ennemies de la magonnerie:
Vignoranee, le fanatisme, la superstition, I"hypocrisie, l'audaca, la
euriosité, lindiserdtion.
Inutile de dire que cette explication n'est qu'un tissu de
grimaces, car tel était le nom qu'on donnait ’ ce genre d’al-
ldgorie, et de la est venu le mot se grime, qui littéralement
veut dire s’éerire.
Voici la traduction de cette explication :
Un jardin boisé est une forée feriilue; sous un arbre, chef
arére; un chevalior armé de toutes pibces, Aeaudmier ; l'épde
ala main, querrid; la déesse de maconnerie, la mere, mére;
assise au pied de l'arbre, git; tenant un livre qu'elle fit, dt; le
chevalier combat, potng;avee un bouclier rayonnant, cour rats;
un monstre, monstre ;h sept téles, chefs 7; il l'dloigne, dloagne.
Maintenant on peut suivre pas 4 pas sur la traduction que
j'ai donnée la composition de cette charade.
Fordt fils cerfbeer lumitre grimoire Gilpin
Ecrire monstre sache patelin,
Le baron Cerfbeer de Medelsheim, |’auteur de cette cha-
rade, était le frére de la femme de mon grand-onele maternel,
et, aprés avoir été pacha do Seutari, il fut, comme il le dit,
nne des /umisres de la francemaconneric. Les foréts fils, que
Rabelais écrit farfelis, sont la traduction francaise exacte du
grec driides ; on les nomme forsters en Angleterra, ait ils sont
restés la branche Ja plus importante de la frane-maconneric
britannique. Quant au patelin, ou langage patelinots, c'est un52 LA PREFACE DE POLIPHILE
des nombreux noms du grimoire: mais il indique plus parti-
culiérement celui que Rabelais désigne sous le nom de gri-
moire blanc et qui comprend les signes de reconnaissancs ou
yrimaces 4 l'aide des mains (pattes),
Montre-mui patte blanche, ou je n'ouvricai point,
tépond le -Atgreé au loup dans la fable de la Fontaine. En gri-
moire, une pate dlanche, c'est une patte hunée, ou couleur de
fa lune,
Le diguet demande au loup de patediner, et presque toutes
les fables du malicioux bonhomme sont elles-mémes des pate-
finages, dont quelques-unes se retrouvent dans Paliphile,
notamment le foup berger, dont j'aurai occasion de parler
plus loin.
Il résulte dle cette citation que, contre mon opinion d'autre-
fois, le grimoire n'a pas Std extirpé par la Revolution ; qu'il
s'est bien perdu dans tous les corps dle métiers par I'abolition
dw secret de maitrise; mais qu'il s'est conserve dans toutes
les sectes magonniqies ct yu'il doit étre encore conn plus ow
moins de tous les falewes experts, ou fumiéres ee grimoire,
qui ont été primitivement des taillours experts, ut jonent au-
jourd’hui le rile de htrauts magonniques.
Et non seulement le grimoire ne s'est pas perdu, mais en-
core une des plus belles compositions en ce genre est due au
pointre allemand contemporain Rethel, Cost lo Treamphe de le
Mort, publié & Leipzig en 1840, On y vetrouve toutes les qua-
lités des compositions de cette espice, qui sont limprévwet
le serré de la trame, et elle vant lo poine que je lui consacre
un jour une étude 4 part, si y'en ai le loisir.
Entin le testament mystique de Garibaldi prouve qu'il avait
aussi le secret du grimoire et qu'il avait lo grade de phénix
ard, ou phéniz renaixsant de ses cendres, que nous retrouve-
rons dans Poliphite. De la son désie d'éire incinéré comme le
phénix,
Mais le grimoire est en mime temps la plus simple et la
plus difficile des écritures, et l'on peut en domer la clef auLA PREFACE DE POLIPHILE 53
vulgaire sans qu'il lui soit possible d’ouvrir une serrure aussi
compliquée. C'est littéralement comme un rossignol entre les
mains d'un yoleur novice. L'étude du grimozre exige les con-
naissances si ¢tenducs et si variées que, si les Grecs le nom-
maient la dangwe des dieuwx, nos pores l'appelaient & bien plus
juste titre le noble savour, Et, quand on l'étudie 4 fond, on
sexplique parfaitement la passion avee laquelle s'y livraient
jadis savants, grands scigneurs et grandes dames, tels que le
Dante, Rabelais, Diane de Poitiers, Catherine de Médicis et
Jeanne d'Albret,
_ Il
L’histoire du grimoire est étroitement lide 4 celle de notre
architecture nationale et en explique toutes les vicissitmdes.
Le grimoire des Gilpins, ou saint Jean Gilpin, désigne celui
qui s'est toujours exclusivement servi du langage frangais ou
atin cudgeire, eta supplanté en Oceident les grimoires grees,
saxons ou scandinaves, dont il nous reste comme vestiges les
alphabets dits runtgues.
Mais 4 quelle époque remonte l'emploi du éaten vulgatre
dans le yetmotre? Ven connais un exemple contemporain
d'Auguste; on en trouve quelques autres dans les calaeombes
de Rome chrétienne, et le musde W'Epinal en posshde un
spécimen gallo-romain. Il est eependant certain que tous les
pays soumis 4 l'influence druidique, c’est-a-dire les Gaules,
l'Angleterreet ine grande partie de l’Allemagne, se servaient
du grimoire grec, 4 commencer par les Franes, doutles éten-
dards, au dire du P. Ménétrier, étaient semés de crapaneds,
idéogramme bien connu dans l'antiquité de Feronia, Phry-
nike, Bérénice ou Vérone, déasse de la Liberté.
Existuit-il en méme temps des dissidents qui employaient
la langue vulgaire, comme le fit plus tard Luther? G'est pos~
sible, probable méme; mais, en tout cas, ils furent peu nom-
breux avant I'ére chrétienne et ne le devinrent que lorsque le
gree cesta pou & peu d’étre compris. Il est prowve que54 LA PREFACE DE POLIPHILE
Vidiome vulgaire existait dés l'époque mérovingienne, sous le
nom de /angue thais, qui semble venir du gree thés (domes-
tique), et qu'on se servait de cette langue pour composer des
chansons, dont aucune ne nous est parvenue. Le premier
signe certain de l'apparition du frangais est Vemploi du gant,
qui remplaga le Ayneéa ou bonnet grec, comme désignation de
la bonne fortune. Il est antérieur au régne de Théodose, qui
abattit les temples paiens et n’en laissa plus reconstruire.
Sur les chapiteaux mérovingiens apparaissent deux palom-
bes perehées sur un pied, remplacées plus tard par deux
pieds de lion; c'est le grade de maitre parplon ou parpanime,
ce qui signilie parpodi-homme, un homme achevé, parpolitus
homo Dans les dialectes romans, palombe se pronongait
paton; colombe, colon; hnmime, on; dou est ver le pronom
impersonnel on. Le grimoire a conservé les élisions systéma-
tiques des consonnes finales; ainsi monehe ya la valeur de
m; are, de ar ou ry flite, do fl; rains, de rain, ete,
A partir de Charles le Ghauve, le grimoire en latin Vulgaire
dit gifpin, gallois, qaultier, gaultigque, lanternois, patelin, ete..
se répandit dans tous les pays do l'Europe sans exception.
Peut-étre s'étail-il conservé on Angleterre ; mais, 4 coup sir,
il y est rentré avec le christianisme et a préparé la conquéte
normande, qui fut une revanche éelatante de l'élément cel-
tique sur V'anglo-saxon, Les mémes Normands le portérent
en Sicile, et les Carlovingions l'imposérent aux Saxons vain-
ens, comme & toutes les tribus sauvages de la Germanie.]
Meme aujourd'hui, le Triomphe de la Mort, de l'Allemand
Rethel, est écrit en francais, comme le Songe de Poliphtle ot
les parties mystiques du Dante, comme les cadres de Gulliver,
de Faust et de la facétieuse eavaleade de John Givpin, que
jai commentée préeédemment._\
Il semblerait que la substitution du style néo-romain de la
Renaissance au style frangais ou gawltique, aurait dd amener
un changement de grimoire et remetire en honneur celui des
Grees, auquel le Jatin vulgaire s‘¢tait substitué. Il n’en fut
rien, malgré la prise de Constantinople, qui jeta en Oecident
un grand nombre de réfugiés byzantins.LA PREFACE DE POLIPHILE 55
Les Grees ont-ils conservé leur grimoira national? Cela
devrait étre, puisque les traités de franc-magonnerie les don-
nent, avee les Chinois, comme possédant une franc-magon-
nerie sistinete ; mais je mai pas eu loecasion de vérifier si la
maconnerie greeque moderne n'est pas tout simplement une
branelie de la feane-magonnerie frangaise, bien que les chan-
sons populaires de la Gréce renferment de nombreux vestiges
de l'ancien grimoire.
Toujours est-il que les réfugiés byzantins n'eurent aucune
influence, ni apparente ni seeréte, sur le développement de
fart de Ja Renaissance, qui n'a rien 4 déméler avec le byzantin
et n'est que du francais habillé Ala romaine. En effet, l'idiome
liéraldique, emprunté au frangais du onzibme sitcle, est en=
core Villiome vulgaire d'une grande partic de I'[talie et de
VEspagne; et, quant au saint-empire romain, "étude de la
langue offiielle, cest-'-dire du latin, y était si universelle~
ment répandue, le frangais moderne y était si généralement
cultivé que les artistes et les lettrés d'outre-Rhin n’aperce-
vaient pas plus de diffieulté que les autres 4 se servir d'un
idiome archaique. Tl n'en aurait pas été de méme du gree,
langue essenticllement rebelle aux Oceidentanx, dans laquelle
il me serait fort difficile pour ma part de composer des rébus,
bien que, ardee A quinge ans de séjour en Grace, je lise sans
_trop de peine eeux que nous ont laissés les anciens.
Le vieux dialecte. picard resta done Ia langue de _l'arh; mais
Ja Renaissance introduisait dans le primitif bagage du grimoire
une foule d'images retapeées d neuf, qu'il fallait classer, et qui
le furent uniquement comme les mots étrangers introduits jadis
dans 'higroglyphie égyptienne, c'est-A-dire par lenr valeur pho-
nétigue. Ainsi nn faune devient dans Paliphale Véquivalent du
phénix gothique; Vers est Ta syllabe ven; Jupiter, la dis-
syllabe Juin. Dans le caducée, on ne considére que les ser-
pents, qui sont l'idéogeamme de la médecine (myre). Mars
avec une épde n'est qu'un quavrié, et s'il a un casgue, il de-
vient un Aeaubnier au une dumiére. Bref, le changement ap-
porté A l'art par la Renaissance n‘a été que purement exté=
riewr : ‘zs plans et le grimoire sont restés gothiques.56 LA PREFACE DE POLIPHILE
Mais pour faciliter usage do cette ealligraph ie nouvelle any
initiés, il fallait une nouvelle grammaire ou un nouveau gri-
moire, puisque ce dernier vocable n'est que la prononciation
Bothique de celui de gramzmaire. Le Poliphile est, ainsi que
Nindique son titre, la grammaire ou le grimotve des disciples
de saine Gilpin, ou, plus explicitement, la grammaire de
saint Jean Glypant. Ce dernier mat est aussi gree que celui
de grammaire et doit tre un legs de l'ancien grimoire. On
sait ce que yeut dire en gree gfype ou glyphe, dont on a tice
le mot Ai¢raglyphe, Ce mot veut dire graver et est passé dans
notre langue moderne sous la forme de glyptigue, Le livre
de Pofiphite est donc, en francais moderne, une méthode de
glyptique.
Mais pourquoi fait-on intervenir saint Jean dans cette af-
faire? C'est parce qu'il a écrit (Apocalypse, qui est elle-méme
un traité de glyptique ehrétienne en langue greeque. Aussi
les Gilpins le considéraient-ls 4 juste litre comme leur an-
eétre et leur fondateur. C'est ce Gou/ia mystérienx dont ils
prétendent ¢tre les lils, et il n'y a qu'é voir l'embléme
qu'on lui donne dans toute la glyptique gothique :l'aigle,
ainsi que la place qui lui est constamment assignée an nord,
pour se rendre compte des fonctions du diew gaulois quil a
remplacé, car ce Jean n'est pas le /o-han hébreu, diew ilu
soleil couchant; c'est le (rien gaulois, ou Vhiver, combaltant
Vaguiton : Gien, Glas poing. Le nom de Gien est gréeco-drut-
dique; il vient du mot ganas, qui veut dire yarn, fumiere, et
il est représenté par un gent, lequel est en effet le meilleur
moyen de combattre le froid.
C'est sur ce personnage que pivotent toutes les frane-
maqonneries anciennes et modernes, dont les dogmes sont, du
reste, d'une identité absolue. Dans toutes, il est représenté
sous les traits d'un enfant, qui estle germe de la nature, ense-
veli sous le linceul de la froidure, Dans toutes, il joue le role
d'un musicien ou d'un chantre, le barde des druides, devenu
chez les modernes le bardache, Ce nom signilie ignorant, et,
en effet, le chantre, qui est représenté dans nos églises par
enfant de chosur, a tout 4 apprendre. In'en est pas moinsLA PREFACE DE POLTPULLE 57
le demivrge, eréant de toutes pitces, 4 mesure que son
esprit s'ouvre 4 la lumiére, cet édifice merveilleux que nous
croyons dire le monde universel et qui n'est cependant qu'un
réve individuel, tout au plus fait & plusieurs, commengant et
linissant avee chacun de nous. ¥ a-t-ilune réalité sous cetle fie-
tion? Le vulguire linit par le croire; mais le savant ne peut
Vadmettee que comme une lypothise & jamais invériliable,
Pour lui, il n'y a qu'une seule certitude, celle du mot se mou-
vant éternellement dans l’inconnu el recommengant sans cesse
en lui-méme la eréation d'un nouveau monde. Telle est l'ceuvre
du magon dans ses quatre grades, calqués sur les quatre 4ges
de la vie et les quatre saisons de l'année.
Et si j'emploie ce mot de smeagon, auquel le vulgaire attache
un sens mystérieux, c'est qu'il est beaucoup plus ancien que
ne le supposent toutes les lumitres modernes du grimoire que
j'ai pu consulter jusqu’h ce jour. Jadis Ja magonnerie cachait
ses livres et ne les laissait guére circuler dans le public; au-
jourd’hui, rien n'est plus facile que de se les procurer. Il est
vrai qu'ils ne disent pas grand'chose et qu’aucun surtout ne
révile le secret du grimoire, Rabelais est le seul qui, dans son
fameux chapitre de l'estomae, ait prouvé qu'il avait une pleine
intelligence de l'identité des doctrines goudtaresgues ou gaul-
figues avec celles de Platon. Béroalde de Verville assure
quwelles étaient un legs des druides, ce qui est parfaitement
exact.
Les auteurs plus modernes donnent de curieux rensei-
gnements historiques sur la frane-magonnerie ; mais, tout en
aftirmant identité de leurs traditions avec celles des Grees,
des Egyptiens et des Assyriens, ils ne possédaient pas des
connaissances archéologiques suffisantes pour ¢tablir solide=
ment ectte identiteé, et aucun n'était en état de remonter plus
liaut que le sixidme sitele, e'est-’-dire le moment oft la magon-
nerie de langue franguise a commencé son grand mouvement
d'expansion. Mais pourquoi ce nom de magon? II leur serait
bien difficile de l'expliquer autrement que par le conte de
nourrice du rite adoniramite, le plus moderne de tous, qui
fait intervenir Hiram, architecte du temple de Salomon, Pour58 LA PREFACE DE POLIPHILE
un archéologue, Hiram et Adiram ne sunt, comme le psewda-
antique de la Renaissance, que du pseudo-bibdique, desting &
déguiser du bon francais. Hiram est ddre se féve, c'est-d-dire
le soleil levant, en grimoire : so/ monte (Salomon), et Adiram,
n'est que fibre oppriment, en grimoire la mort ou le bravil-
fard, Quant aux grimoires qui décorent les trailés de frane=
magonnerie moderne, ils sont, comme le Yiriomphe de la
Mort, de Rethel, de tout point identiques & ceux de la franc-
waconnerie non adoniramite de Rabelais, de Poltphite et du
Dante, et les noms des grades sont les mémes, sauf les ort-
flans ou orphelins, que je ne retrouve pas dans les planches
de mon dictionnaire magonnique.
Pour ce qui est d'étre magons, ils le sont done autantles uns
que les autres, parce que les Grees l'élaient avant eux. Dans
les mosaiques funébres du musée de Naples et sur les monu-
ments funéraires de Marseille, de Lyon et des Aliscamps
d’Arles, on retrouve, dés le premier sitele, le marteau ou
mailtet de la magonneric, souvent accompagné du niveau, du
fil é plomb et du evdve, insigne, chez les anciens comme chez
les modernes, du grade de maitre ou troisitme grade, repré=
senté sur la colomne gréco-druidique de Gussy par le Chiron
gree les mains liées. Nous le retrouvons dans Poliphtle sous
Ja forme dune Meorne, et j'ai recneilli dans les églises
d'Tialie des spécimens de grimoire finébre composes d'un lys
et d'aa cedue. En gree, chiron veut dire prisonnier; la trae
duction moderne de fierane est fié i te chair (ltd carn en
viewr frangats) (1).
Dans Jes tombeaux antiques, on tigurait les trois outils ma-
conniques ; le marteas, le niveaw et le ld plomb; ils reprd-
sentent les trois cabires ou les trois personnages de la trinité
platonique,
{° Le marteau grec, MAKELLA; latin, MARCVLA, d'ou
viennent les deux noms de la ville de Marseille, représente la
(1) Cependant son hi¢rogliphe le plus véritablement maconnique est une
jucarne ou fendtre, et ce erode correspond au troisiiwe évangdliste Lue,
euleétre veuteil dire Cumitre ?LA PREFACE DE POLIPHILE ao
Mort, on {a mauvaise fortune. Une é¢pigraphe du musée dela
villa Borelli porte ces deux mots :
MACELLE EVTVXEI.
A MACELLA, A LA BOXNE FONTUNE.
2° La bonne fortune correspond au fil 4 plomb représentant
la rectitude, en gree, Orthosia, lun des surnoms de Mane;
4° Le niveau, en gree, stethmos, équilibre, dtait un des
altributs de Jupiter Stetor et était représenté plus aneienne-
ment par !'adrogyne sommeillang, e'est-b-dire la Mort, prin-
cipe de la vie, divinité primordiale de toutes les magonneries.
Ges outils de magon se disaient en gree todkho mékhand,
outils 4 faire les murs, ce quise prononeait exactement comme
igkhomekhané, instruments de la destinée. Ce sont ceux &
aide desquels chacun de hous se fait la sienne, c’est-4-dire
lo passé, ou maziiet; le présent, ou fil @ plomb, et l'avenir,
ou niveau, qui, placé entre le mduyement ascendant et le
mouvement descendant, n'est ni lun ni l'autre,
Mais, pour le philosophe comme pour le philologue, il
existe qu'un temps, celui que les Grees mommaient aoristes,
Je sans borne, ou indéfini, qui est représenté par landrogyne
et le niveau, car c'est en réalité lunique forme de l'étre ou
du moi, l'unique chose indiscutable. Cette idée est traduite
dans les églises et les loges magonniques de I'Oceident par un
sentoir de femurs surmontés d'un erdne, coulerr de lune (c'est.
a-dive déanc),ce qui donne l'adage suivant :
Sautoir fémur mort lisse crine chef lund.
Crest-h-dire :
Estre foi mort amour, Licrane c'est l'un,
Pour le Licrane, il est de foi que l'amour et la mort ne font qu'na,
Sur mon dictionnaire magonnique, un de mes prédécesseurs
les a peints en rouge (guew/e}, ce qui en fournit une variante
intéressante +
Estre fui mort amour, Licrane s’égelent,60 LA PREFACE DE POLIPHLLE
Cetembléame ne se retrouve jamais dans les églises orien-
tales.non plus que le crucifix, qui ne date que du onzitme
sitele et est resté jusqu'i ce jour un des insignes du grade
de rose-croix, Dieu y est Ji? evaix me, c'est-A-ilire Herane,
Il ne faut pas oublier que ta frane-magunneric moderne,
quoique aussi vieille que le monde parses origines, s'est réar-
ganisée & neuf dans les couvents carlovingiens, et que le rite
adoniramile, d'origine anglaise et protestante, est le seul aqui
ait eu maille & partir avee la cour de Rome. Au contraire, alle
a toujours toléré et quelquefois protégé les associations qui
prenaient le titre de fordts fils ow farfelus, comme une sou-
pape indispensable 4 lesprit humain, et tous les détails du
costume sacerdotal occidental, qui différe si notoirement de
Voriental, ont été réglés d'aprds le grimoaire fatin vulgaire,
notamment la onstre, qui est la marque du diacre ou /ierane,
On sait, au contraire, que le clergé oriental laissa croitre
intacls sa barbe et ses cheveux, comme les tétes antiques qui
nous restentde Neptune et d'Akmon, dieux de la fortune crois-
sante. En effet, si tome veut dire on gree cherefure, homes
signille prince, chef. C'est une probabilité de plus en fayeur
de lorigine druidique de la famille chevelue des Mérovingiens,
D'aprés ee qui prictde, on voit que toutes les seetes ma-
gonniques modernes de l'OQccident ont pour lien commun
Vunité de dogme, qui gst celui de l'éternité du moi, et Vunité
de geimoire, qui est ie[latin vulgaire ou vieux frangais} Elles
étaient tolérées par la cour de Rome et quelquefois méme elles
ont été vigourensement défendues par elle contre le pouvoir
séculier, sous la condition de n'exprimer leurs idées reli-
gieuses qu'en grimoire. L'inquisition espagnole elle-méme les
a laissées tranquilles, et, comme nous le verrons plus loin,
quelques-unes de leurs ramifications, telles que les louge-
rows, étaient les soutiens reconnus de |*Eglise. Aussi ne doit-
on pas sétonner si les traités de grimoire Jes plus remar-
quables que nous posséidious, 4 commeneer par le Songe de
Poliphile, sont dus 4 des ecelésiastiques dont le paganisme si
peu voilé n’a jamais subi la moindre condamnation. La cour
de Rome ne considérait leurs doctrines comme dangercusesLA PREPACE DE POLIPAHILE 61
qu'autant qu’elles suraient été divulguées en langage intelli-
gible pour tous, ainsi qu’elles le furent plus tard par la
franc=magonnerie adoniramtte.
il
Comme je l'ai ddjh dit, fe Songe de Poliphile n'est autee
chose que la grammaire de saint Jean Glypant, c'est-d-dire,
en francais moderne, une grammaire de glyptique, at, soit
dit en passant, une grammaire autrement vivante, autrement
profitable que cella de feu Charles Blane, car c'est dans cette
grammaire qu'ont appris leur métier Michel-Ango, Jean
Goujon, Pierre Leseot, Philibert Delorma, et tous les artistes
de laseconde moitié dela Renaissance. Mais, dans les idéea
de nos prédécesseurs, l'art n'était pas seulement un médtier,
c'était une religion qui se refldte dans toutes les cauvres de
Michel-Ange, comme dans celles Je Rabelais; car, de momo
que chez les Grees, les grands génies du seizitime sidcle ai-
maient 4 enfermer les idées les plus élevées dans un étui af-
feetant les formes grotesques et obscénes du salyre.
C'est ce qui est exprimé trés correctament dans I'épigraphe
de mon dictionnaire magonnique : «Lorsque les anciens
podtes, dit-il, parlent de la fondation d‘une ville, ils entan-
dent |"dtablissement d'une doctrine: ainsi un macon est colui
qui concourt par son intelligence 4 la formation d'une doc-
tring, C'est ainsi que Neptune, dieu du raisonnement, et Apol-
lon, dieu des choses cachées, se présentent chez Laomédon en
qualité de magons pour l'aider 4 construire la villa de Troia,
c'ast-4-dire & former la raligion troyenne. » (Travtd des sym- ~
boles, par Decourcelle. )
Rien do plus exact, en effet, et rien de plus conformed la
définition de la maconnerie greeque, tykhomdkhand. Capen-
dant le but n‘était pas du tout le méme, car lo programma
magunnique tel que lexpose Decourcelle est un progvamma
de religion sociale et » pour but de former un citayea Cout je
divinité sera ls conunune ou la rdpuddique, taodis que colui de62 LA PREFACE DR POLIPHILE
Vancienne maconnerie était un programme de religion indivi-
duelle ayant pour but de former un artiste doutla divinité était
loheaw. Telest l'abime qui sépare la frane-magonnerie adonira-
mite, organisée par Cromwell dans un but tout politique, de
Vancienne frane-maconnerie des corps de métiers, qui ne visait
qui faire de bons ouvriers dans leur spécialité. La frane~
maconneric adoniramile recrule ses adeptes dans toutes les
professions, et le seul lien qu'ils puissent avoir de commun
est la politique. Les compains ou compagnons de saint dean
Glypant ne pouvaient étre que des adeptes en glyptique, ¢’est-
a-dire des peintres, des sculpteurs et des architectes, et de
Songe de Podiphile a été faitexclusivemont pour eux. Chaque
corps de métier avait son grimoire particulierdont la con-
naissance était indispensable pour Lous ceux qui employaient
des poingons. Celui des tailleurs, qui s’éerivail 4 coups de
ciseaux, n'dtait pas beaucoup moins important que celui des
arts du dessin, G'dtait le plus populaire etle plus aristocratique
ila fois, puisque c'est colui qui a fourni le plus de termes au
blasonhéraldique. Mais aucune barrigre ne séparaitle grimoire
d'une profession de celui d'une autre, et on les employait
tous simultanément snivant.sa fantaisie. Les Sunges drole-
fiques, attribuées 4 Rabelais, diant des sujets de masearade,
exigent une connaissanee approfoudiv du grimoire des tail-
leurs, tandis que fe Sunge de Poliphile est plus spécialement
celui de larchitecture
Ce livre a 6 publié anouyme, comme In plupart de ceux
du méme genre, el ee est que beaucoup plus tard qq ila été
allribué au frére Frangois Colonna, moine trevisan, parce que
les lettres capilales de chaque chapitre forment un acrostiche
Jatin ainsi conen : POL! FAATER PRANGISCUS O0-
LYMNA PERAMAVIT, ct Men pretend qu'll aurait aimé une
belle fille de Trévise, qui lui aurait fourni te type de Poilta, la
maitresse de Poliphite. Je ne puis, a vo siyel, que reuvoyer
le lecteur a fa savante introduction de M. Popelin. Lui-meéme
note en passant que Habelais, dont toute U'wuvre est pour
ainsi dire une parodie de Podiphile, vite deux fois ce Golonna
et le nomme Pierre au lieu de Francois. Mais I'éditeur duLA PREFACE DE POLIPHILE 63
wyre qu'on Tui attribue n’en parle pas du tout, rien n'in-
dique qu’ils aient jamais cu des relations ensemble, et jamaia
Pierre ou Franecseo Colonna n'a réclamé la paternité d'un
livre douton le disait lauteur aprés qu'il avait obtenu un
suceés Gelatant qui s'est continué pandant plus do deux
siteles.
Il est done beaucoup plus probable quo le véritable auteur
était Leonardo Grasso, savant de premier ordre, au dire de
lous ses contemporains, cl que frater Franciscus Columna
West pis une signatuce, mais un grade magonnique des plus
tlevés, celui de frére Franche colonne d'or veillant, qui se lit
dija sur les églises du onzieme sidele ({).
Cet acrostiche n'est donc pas la signature de Pierre Golonna,
mais de Leonardo Grasso lui-méme. Rabelais l'avait certai-
nement luc, comme il avait lu celle de Ligier Richer, sculp-
tour lorrain, qui a signé de la méme fagon que Leonardo
Grasso le d/ason des couleurs ; mais le sceret professionnel ne
Ini permettait pas de divulguer ees signatures grimorices, pas
plus qu'on n'a jamais traduit cello d'Adcofridas Nazier, qui
est en hébreu pur, dont la traduction littérale est :
Al, rien cofre, ville; ibas, futur de das, pucr; nazier,
poilu,
Vai dit précédemment que l'hébreu en grimoire se traduit
litre,
La signature de Rabelais est done: Maitre déére rien ville
puera poili, cest-i-dire : « Maitre libero renouvel parpoli. »
Le parpodt ov homme parfait est le grade magonnique qui
a douné naissance au mot parpaillot, et le renouvel ou prin-
temps est la révo/ution francaise, qui était attendue plus de
mille ans avant qu'elle arrivat. A cette signature révolution:
naire en sucedéda une qui l'était heaucoup moins, celle de ea-
layer desiles d'Iiéres. Un caloyer est un moine grecou gremoine
que mion dictiounaire magonnique écrit girmon, et |'Arioste,
agramant, roi des Sarrasins. C'est un terme du grimoire des
(1) Les grades do maitrises des corps et miétiers se nommalent dea fran-
chiies, odtait le terme techmique,64 LA PREFACE DE POLIPHILE
tailleurs, désignant celui qui faisait les agréments ou orne-
ments des habits. Me Hiére est pour Aierei/e, qui se lit royal.
Rabelais signe done: Frangois Rabelais, grément royal, et
devait alors appartenir & la corporation des libraires, dont
son ami, 'imprimeur Griffe, de Lyon, était une des lumitres.
Ces potites devinettes, que tous les lettrés de son temps dé-
chiffraient & livre ouvert, n'ont pas peu contribud au succes de
_ses livres.
Il est A remarquer qu'on n'a pu y adjoindre d’illustrations
un harmonic avec le texte, Gustave Doré est celui qui donne
Vidée la moins inexacte de ce qu'elles devraient ¢tre, parce
qu'il s'est servi pour composer les siennes des Songes drode-
Hues attribués & Rabelais; mais ce n'est qu'un pastiche super-
fiviel ; des illustrations de Rabelais ne peuvent étre composdées
que comme le texte lui-méme, en grimoire.
Dans fe Songe de Poliphile, le seul texte dont on se soit
jamais préoceupé est ln partie glyptique, car il est évident
que le texte éerit, f/istoirc, comme dit Béroalde de Ver-
ville, a uniquement été composée pour les gravures ct est,
par conséquent, postérieur 4 ces dernitres. Sont-elles de
Francesco Colonna? C'est bien peu probable. Ce qui est cer-
tain, c'est qu’elles sont d'une exéeution et d'un style assez
mous, qui ne permettent pas de les attribuer 4 Mantegna ni a
aucun grand artiste italien de la tin du quinziime sitele, St
Leonardo Crasso n'en est pas [ui-méme l'auteur, i] a da les
acheter Aun artiste de seeond ordre, bien que fort savant en
grimoire, et il en a composé la glose.
Du reste, j'avoue que celte question ne m‘intéresse que mé-
diocrement, Persorine ne liva jamais Podiphile pour son plai-
sir, mame dans I'él¢gantissime traduction de M. Popelin;
mais les savants bénéficieront de immense érudition qu'il a
accumulée dans ses notes, et, quant aux gravures, ladmita-
tion qu’elles ont toujours provoquée ne peutaller qu’en crois-
sant, surtout aujourd'hui que rien ne s'oppose plus 4 la di-
vulgation de ta double collaboration royale jointe 4 celle de
Philibert Delorme, & laquelle sont dues les planches de la
traduction frangaise de 1546. Pour ce qui est de la traductionLA PREFACE DE POLIPHILE 65
alinexdée & cette cdition, le mystére est depuis longtemps dé-
voilé, et l'on sait qu'elle est due, au moins en partie, au ear-
dinal de Lenoneourt, ce qui cst confirmé pleinement par le
grimoire du frontispicu. Mais il n'en est pas de méme des
planches, qui ont donndé liewa bien des controverses anciennes
et modernes, religionsement enregisteées par M, Popelin; car
dans une époque ie dibedoteri# comme la ndlre, cette partie
de son étude restera toujours la plus lue et la plus inté-
ressante,
On avait attribud les bois de lédition italienne k Raphaél,
co qui est invraisemblable de tout point, puis 4 Carpaccio, puis
& Bellini, puis & Mantegna, Toutes ces attributions sont ab-
surdes; ces bois doivent étre loeuvre d'un homme de lettres
plus fort sur la composition que sur lexéeution, et rien n'em-
péche de supposer que c'est Francesco Colonna ou Leonardo
Crasso lui-méme. Quant aux bois francais, nonsallons voir que
le roi René n'était pas le seul qui maniat le crayon, et que,
dans le siécle suivant, de beancoup plus hauts personnages
que Leonardo Crasso ne eraignaient pas de publier leurs
compositions sous le voile d'un demi-anonyme.
On les a attribuées 4 Geoflroy Tory, & Jean Goujon, & Jean
Cousin, & Etienne Delaulne ; mais déja, dans ma premibre
étude sur l'examen du monogramme altribué 4 Jacques Ker-
ver, édileur de cette édition, et sur la comparaison des des-
sins de Padiphile avec ceux des Nownelles Inventions pour bien
beitiv ot d pen de frais, de Philibert Delorme, canseiller ordi-
mare du feu roy Henry et abhd de Saint-Eloy-les-Noyon,
javais conelu en faveur de Philibert. Mes téméritds inspirent
AM. Popelin une défiance peut-dtre légitime. Cependant il
wa pus'empdcher d'examiner sérieusement cette opinion et
il se demande si les bois de ce livre sont de Jean Goujon ou
de l'abbé de Saint-Eloy.
Mais n'est-co pas quelque peu téméraire de faire recourir &
Jean Goujon un dessinateur tel que Philibert Delorme, certai~
nement un des plus élégants de la Renaissance, ainsi que le
prouvent, ou le prouvaient, hélas! les Tuileries? A-t-ileu te=
cours 4 lui pour faire exécuter ses admirables cartouches 7 Jean66 LA PREFACE DE FPOLIPHILE
Goujon était l'homme de Diane de Poitiers, 'ennemie itrécon-
ciliable de Catherine de Médicis, sa matiresse, A Ini Delorme,
dans tous les sens que comporte ce mot, et il ne fut étranger ni
la Saint-Barthélemy ni 4 la mort de l'arliste favori de Diane,
bien que I"histoire officielle n'en dise pas un mot. [est done
tout 4 fait invraisemblable d'attribuer & Jean Goujon les bois
d'un livre d'architecture composé par un dessinatewr de
premier ordre, qui, de plus, n’était pas son ami. [ls sont certai-
nement bien de ce dernier, comme le sont ceux de M. Viollet-
Je-Ducetde tant d'autres arehitectes de cette trempe, et |'ana-
logie des bois du Poliphile avec ceux du Traité de Philibert,
conslatée par M. Popelin, est déjd une forte présomption en
faveur de ce dernier.
«De qui sont ces planches frangaises? se demande cepen=
dant M. Popelin ; un heureux hasard pourrait seul lo révéler
un jour, »
Sur le hasard, il n'y a pas compté. Los franes-maconneries
de tous les temps et de tous les licux ont toujours été dune
diserétion & toute épreuve, ct si C
les hiéroglyphes éayptivns ; si l'ou a devhitl P plus tard ceux
de l’Assyrio et de Chypre, le hasard n'y a bté pour rien. Les
anciens n’avaient rien laissé qui pit cm faciliter lo déchiilre-
ment. Le secret des grimoires «le "Egypte, de l'Assyrio et le
Chypre avait été enterré avec cux,
ipollion a pu déehilfrer
Heureusement que le seerct du grimoire du seizibme sivele
nest pas aussi bien mort, et que je posstde sur mes illnstres
prédécesseurs l'avantage d'ayoirallaire 4 la plus répanduy des
langues modernes.
Ce que j'ai Iu dans le frontispice du Poliphite francais de
1546, Rabelais l'avait tu avant moi et I'a consigné en gri=
moire dans une phrase du quatritme livre de son épapée
burlesque, publié, comme lon sait, en (548. Philibert
Delorme y est qualilié Warehstrictin du vod tris méqgiste. Com-
mengons d'abord par faire romarquer que Philibert rst le
seul des artistes de san temps qui soit cité par Mabelais, ee
qui semblerait faire supposer que sa réputation ayait préeddé
celle de Jean Goujon et de Jean Cousin,on qu'il avait da con-LA PREFACE DE POLIPHILE 67
courir a quelque cuvre ayant ou un geand retentissement dans
le monde des arts et des lettres.
Or, si l'on traduit le mot areéiirielin, on trouve qu'il veut
ilire en grec : maistre Chostel, fonctions eulinaires que Phili-
bert lait probablement impropre & exercer. Quant & éris mé-
giste, personne n'ignore qu'il se traduit par trots fois grand.
Si l'on aligne cette traduction d’aprds les rbgles du grimoire,
on trouve :
Grd, maistro d’hostel du trois fais grand roy;
Ajoutez-y le nom de Delorme, qui terminera ;
Grimasses tradnise tel editenr
Figures n’aient du roy, Delorme.
Delorme a done été léditenr d'un livre de grimaces, parmi
lesquelles se Lrouvaient des figures de la composition du rei,
otil fant suppaser que ce ne sont pas les meilleures. Quel
Glait co lives? Rabelais ne le dit point; mais ce renseigne-
ment vient en ¢clairer on autre un pen plus clair, (West
Vétrange monogramme attribué par M. Papelin 4 dacgues
Kerver, éditeur ostensible du Podiphie francais.
Or ce monogramme, trés ingénieusement composé, est
Wune exdeution si facile qu'elle ne dépassait certainement
pas les talents du roi chevadier. Un enfant de dix ans en vien-
drait aisément 4 bout.
Crest une rowe (rondelle) dans laquelle ost dessiné, au
simply trait, se pliant, chargé a droite dune ligne se termi-
nantan hout pari croc; en chef: une croix ayant a Rh,
(droite) we / majuserle, ¢ Tor (gauche) un K sur Fangle Tor
du pliant,
ll en résulte les vers suivants :
Roue charge ligne, sous croc bout pliant,
Croix, mainseule BR, J. Tor K. Triangle pliant.
Roy charge l'inseribe planque, Orme esquelles rajoute Moi Cathe-
rine Glypes l'y aient,68 LA PREFACE OF POLIPHLLE
Ainsi le roi avait chargé Delorme d'inserire les planehes du
Poliphile, et d'y rajouter celles of ily avait des glyphes de
Catherine de Médicis et de Ini. Il est probable que léditeur
add fortement retoucher les eroquis de ses deux augustes
collaborateurs ; mais cette collaboration n'en expliquerait pas
moins les différences de style, que M. Popelin signale trés
judicieusement, dans los trois parties de Podiphile. Ul sera
peut-étre possible de faire un jour la part de chacun; pour ce
qui est d’aujourd'fmi, M. Popelin sera certainement d'avis
que je me suis suffisamment avancd. Je me contenterai done
de signaler l'auteur de la traduction, Lenoncowrt, dont le nom
est écrit par un cewr lid avec des anneaua, surmonté de deux
tétes @aigte et d'un chef d'angelet. Ce qui se lit + Lenaneourt
eserip régle saint Gilles,
Cette quadruple collaboration justifie parfaitement le luxe
des gravures et de Ia publication de cette traduction, qui sera
toujours plus recherchée que l'original.
Iv
Le frontispiece de V'édition de 1846 est une ouvre magis-
trale qui fait le plus grand honneur A Philibert Delorme, at,
comme toutes les ceuvres du méme genre, elle contient une
partie politique se rapportant au grand diffévend qni se débat-
tait 4 cette époque entre Catherine de Médicis et Frangois I",
appuyés sur la bourgeoisie, contre la haute noblesse qualilide
@arche Saint-Come. Arche, on grimoire, commu dans les
diclionnaires magonniques modernes, signiliv chef. Komes a
le méme sens en gree. Faut-il lire : sang hommes, ce que le
francais moderne traduit par hommes de race? Je laisse la so-
lution de ce probléme aux grimoiristes de Uavenir. Ce qui
m’a étonné a été de rencontrer la mine expression dans le
Triomphe de la Mort, de Rethel, en 1849. C'est une inter-
vention en faveur des insurgés allemands, du méme genre que
celle tentée sous la Commune par la franc-magonnerie pari-LA PREFACE DE POLIPHILE 69
siemne, avec cette differences qu'elle se dissimulait prudem-
menten Allemagne sous le voile du grimoire. A titre de curio-
sité, en voici Ja traduction :
Merci I'ait cour arche, accords ne veuille,
Peuple, saint Céme arche ne fait voir, saint Gille
sepulere, guerre i mort, saint Céme doit pas l’effraie,
Monstre que s’armat si ne regoive égale
Justice captif, cour telle qu'il n'a droit (1).
Cette magnilique composition, aussi noble par le fond que
par la forme, est intitulée : Liberté, égalité, fraternitd.
Cette expression de sépulere, quirevient sans cesse dans le
grimoire, demande sans doute un motd'explication, Par suite
d'un usage essentiellement chrétien, loutes les confréries du
moyen age se rangeaient autour du sépulere d’un saint ofli-
ciel ou apocryphe, dont les plus connus étaient saint Gilles,
Pierre Brouillard, Pierre Abailard et beaucoup d'autres. Qui-
congue entre dans une église peut remarquer dailleurs que
tout autel est un sépulere,
Le Songe de Poliphile a été réédité au seizitme et au dix-
septidme siéele, jusqu'd ce qu'il ait été remplacé, en France
et en Angleterre, par une infinilé de traités de ce genre, plus
courts et plus gais. Les plus amusants sont: en France, l'Ace-
jou et Zifile, de Boucher; en Allemagne, la légende du doc:
teur Faust, qui veut dire 4 qourmeur, doit ge more, et, en An-
gleterre, la charmante pochade du Guerrier mearchand Jahn
Gilpin, cet illustre et vérilablement héros sulaire qui m'a
Tee Tourn Voceasion de divaguer agréablement,
De toutes les rééditions frangaises de PodipAile qui ont preé-
eédé cello de M. Popelin, la seule qui mérite qu'on s‘en
aceupe est celle de Heroatde de Verville (4600), 4 cause des
éclaircissements, trés obscurs d'ailleurs ct encore plus assom-
(f) Que le chef de In cour veuille accorder justice au peuple. Le sépulere
de saint Gilles fait voir A orche saint Come qu'une guerre & mort pe doit
pas Velfrayer. 1 lui momtre qu'il ‘a neruil, si tout prisonnier ne recevait
pas de lo cour l'égaly juwtice 2 laquelle il a droit,70 LA PREFACE DE POLIPHILE
mants, qu'il donne sur le grimoire. Mais au moins met-il
hors de doute le caracthre du Songe de Poliphile, qu'il dé-
clare formellement ¢tre un traité de stéganographie, c'est-
a-dire de grimoire, car ce mot ne peut pas se traduire autre-
ment. Il nous apprend également qu'elle nous vient des
druides, ce que répatent tous les traités de franc-maconnerie.
Dans une série mortelle d'acrostiches on gree, en hébreu et en
latin, il donne la doctrine secréte de ces mémes druides ow
farfelus, dont j'ai pu extraire 4 grands renforts de névralgies
ce qui suit :
Les droides ont pour principe, sire (seignour) est vrai seul amour,
vie universelle, d’oh sort la nature, Je monde, le civl, le soleil,
L'amour est le vrai seul domaine do lime, Le brouillard, principe
ténébreuz nuisible, sort du principe universe! ; i] pousserait l'homme
esclave & n'avoir d’autre sire cue le principe ténébrenx nuisible, s'il
n’avait pas l'aide et la prudence des patriarches et des plilosophes.
Jupiter, dit Christ, né d'une yucelle uazirdenne, est lo soleil qui
renatt au ciel, Le fatal sophisine ost lo Lrwvillar! mensonger. Les phi-
losophes ont ¢tabli le droit que l'on applique,
Amour, Christ, Sol mont, naltau seplenirion et arrive & midi &
loccident pour mourir.
Mourir doit le soleil, amour, Clirist, Jupiter, pour que l'homme
qu'il créa roi renaisse du destin, qui est le diable. Le démon renverso
Vharmonie, C'est un due! d’ot I'lomme doil renaiiro comme le
phénix.
Jouvence fait que les Ames se lient pour renverser la diablo Brouil-
lard.
Brouillard veut que Sif mant (fe gerne snfaire) passe dans le sang
de l'homme, pour faire le jewne corps du fils, ins lequel Brouillard
veut qu'il passe, pour qu'il renaisse et renverse Jo brouillard,
Il doit avoir Ia chair dans laquelle Brouillard yeut qu'il passe pour
renverser Brouillard du ciel.
La chaos est la mort od doit lever le germo dans lequel amanera
Vdme a Vheure, amour, qui se fit fils de la mort.
Diew veut qua les saints y passent, les rois comme les reines, pour
étre appelés 4 l'heure of régnora lo vrai soul grand hien délinitif,
Le diable doit laisser naltre celui qui doit lo renvarser, quand le
ciel serein n‘aura qu'une seule dma, le soleil.LA PREFACE DE POLIPHILE 71
Colui qui doit le renverser est lo views passé rajeuni qu’anime le
few universel, sortant de In constance du destin.
Cette régle, qu'on ne verra jamais iléchir, est Polie (la perfection),
dame de Brouillacd, le soleil que le monde adore comme un dieu, et
que lame appelle a l'aide pour pouvoir éloigner le diable Brouillard,
Il vainera Vembrouilleur diable, l'enfant ué de jouvence, qu'anime
Jo feu universel, et qui sort Vorivul, sire universel,
Al! c'est un rude os meéduéiaire 4 briser que celui de Be-
roalde ; autrement plaisantest celui de Rabelais. Qu'on en juge
par eet épouvantable galimatias ;
Druides, Hamuel. Oloelirée. Amour Psyche Oloclirée, Ce
qu'il fant traduire + « Drnides, principe l'ont sire n'est vrai
seul amour, vic sort universelle, etc,, ele.» Ce sort universel
se représente 4 chaque instant et doit étre interprété par tous
les calembours d'\ pew prés qu'il peut fournir. Que j'aime
mieux le début du Joli Gilpin anglais :
The diverting History of John Gilpin, showing how he wont forther
than he intended, and came safo home aagain,
Ce qui est traduit du vieux frangais :
Joyeuses adventures ty Jean Gilpin,
Monsire veuille vinsse plus crut, loin, tourne saulf.
Ce dernier vers doit s'entendre qu'il vint an sépulere et
qu'il en revint saul, Cest le résumé du charabia de Beroulde
et de la longue série de planches du Podiphile, & savoir le
drame solaire appliqué & la destinée humaine, Pode, dont le
nom veut dire fa perfection, est, W'aprés Wantres gloses,
le femps fiamiére, dporse du Beonillard, qui est le temps té-
nébroux ; et Podifi/ cat be efena passe, rajeuni dans la mort,
ala recherche de Pole ou Poli amon, c'est-4-dire la por-
fection et parfait amon, Le poli amony est représenté por la
paume de la main droite (palme #.), le Pods fils, par celle de
la main gauche (Tor pedme), ve quis'interprate durpe fdme
ou l'dme dans la éerpe, L'adjouction des deux mains fait le
pair paulme, qui doit s‘entondre parpali homme, l'homme72 LA PREFACE DA POLIPHILE
achevé, C’était ce qu'on nommaitl'affiliation des deux mains,
et, chaque fois qu'on trouve sur un tombeau un personnage &
mains jointes, c'est un parpoli homme.
Toutes les grammaires de saint Gilpin se divisent en quatre
étapes, celles de la course solaire et de la vie humaine, A
chacune desquelles correspond un grade maconnique, qui
sont; l'apprenti ou l'enfant, le compagnon ou I'adolescent,
le maitre ou l'homme parfait et enfin lo vieillard ou l'homme
en pleine décadence, dont le grade n'est jamais éerit qu'en
hitroglyphes, Le plus commun et le plus moderne est ta
branche d'aeaera ; il a remplacé le enisse Aarnais, e'est-i-dire
ln jarretiére ou harnats de cuisse, qu'on retrouve dans le nom
de don Quichotte. Les autres grades ne sont des super-
fétations. Le Pofiphile en admet deux : te phéniz et le fin
dracon (dragon), relatif au séjour de I'dme dans l'autre
monde,
Chacun de ces six grades correspon 4 une charade triom-
phate ou parade, qui ne peuvent étre attribudes qu’s Philibert
Delorme tui-méme, tant elles sont merveilleuses de richesse,
d'ampleur et d'élégance.
Mais, avant de leur accorder le rapide examen que com-
portent les bornes de cette étude, je dois exposer les régles
de déchiffrement que j'ai pu recueillir dans la grammaire de
Poliphale, Elles sont indiquées par une grate infernal, mu-
nie dun perron ou chaussde, suv lequel court les dex
pour alter se préeipiter du heut Pun pont (arche\ dans un
lac, geléd'un cdté, ardent de Uautre,
Cette composition est inserite dans inn cartel ou carrd, qui
désigne ce que nous nommans um article, A ehacun de ces
articles formant le texte de la grammaire sont annexées des
compositions non eneadrées, faisant Toffiee de notes ow
@exemples.
Voici le mot 4 mot de ce carte! ou éeriteau, quiest vn des
plus simples et des plus faciles 4 déchiffrer :
Cartel, ecrited;|enfer, enfer ; grotle, gro; Ames, dme ; pont,
arche; perron, perron ; feu, ar; glace, glas; ce qui se tra-
duit: Eerit fest n'ate faire grimace sapprenne régles, c'est-LA PREFACE DE POLIPHILE 73
i-dire wici sont dcrites les régles que doit apprendre celui qui
veut faire des grimaces » (1).
Ces réyles sont contenues dans la note suivante, non enca-
drée. Elle représente un autel, avee linseription latine :
ARA DEUM INFERXORUM
Viator, hic c#sim Lagdiam Publiam inspice, Edquod glam suam
fraudaverat, abnuerat que contri puellarum ritum, jussa amoris,
semet expes, gladimmn interfecit (2),
M. Popelin ne donne pas la traduction de cette épigraphe,
dont la fausseté ne saurait tromper aucun archéologue mo-
derne. Voici comment l'interpréte Beroalde : Auted des diews:
infernaux, Passant, tu pews vor tet Laodte Publia, laquelle
pour avoir fraudé son dge et, contre la coutume des demot-
selles, méprisé les constitutions d'amour, elle-méme cdses-
perée s'est meurtrie de son glaive,
La lecture, d'aprés les régles du grimoire, doit étre :
Aute! ts deités infernales (latin could)
Pellegrin, morte ci Laodic Public
Vois, parce que son Age alle fraudé avait,
Etrenié contre és pucelles
Rogle, ordonnance d'amour; elle mame
Sans espoir meurdrit se de son glaive.
‘
Les vers sont’ faits; il s’agit de les interpréter. Voici
linterprétation que j'en donne :
Huit lise, doit temps faire, un L'y tienne clef.
Pellegrin Murcie, l'aide appui baille
Voit parce que saint Gille faire
Deive hut tranques n’étre espace L,
Régle ordonnance demeurde la méme
Sans exprimé redresse aide saint Gille voit.
Le lecteur bénévole me saura peut-ttre gré de lui donner,
de cette traduction, la traduction suivante :
(1) Poliphite, tr. Popelin, t. Hl, p- 49.
(2) PolipAile, tr. Popelin, t. Tl. p. 52.74 LA PREFACE DE POLIPHILE
« Qui veut lire (un grimoire) doit faire huit temps, dont un
en L qui servira de clef au polerin de Murcie; elle l'aide &
appuyer sur la voie, parce que le saint Gilles doit faire huit
tranches espacdes par des L. réglant l'ordounance, qui, de-
meurée la méme, aide le saint Gilles & exprimer le sens ct A
redresser ce qu'il voit. »
Les pélerins de Mureie étaient, parait-il, une edlébre cor-
poration de Gouliards ; ils étaient probablement les mémes
que ceux de Marana, auxquels on doit la léygende de don
Juan de Marana, illustré par Moliire, Beaumareliais, Mozurt
et lord Byron, Cette corporation avait en Franee ct en Italic
de nombreux adhérents, car l'on retrouve sa devise sur une
foule de livres. Elle est une des deux grandes confréries gou-
Hiaresques, pour lesquelles Pauteur de Pofiphile, quel qu'il
fit, a védigé sa Grammaire de Saint-Gilles. L'autre était celle
des Licranes normatmeds, afliliés 4 la maison d'Est (4),
Du reste, Normans ct Maranes étaient, & ee qu'il parait,
des soutiens des papes on des Guelfes, of e'Glait sans doute 4
cause dle leurs relations avee le suint-sitge qu'on lear donnait
le surnom ce fatys deegers. ou doepsegerois.
Voici comment M, Popelin dderit le sépulere du Pellegrin
normand (t. 1%, py. db)
« Le sépulere ctait composé d'une parfaite image d’lhomme
au, de grandeur moyenne, portant couronne faite de pierre
trés noire. Los dents, los year et les ongles Glaient rev
Wargent Willant. Gotle stitne dressde sur le eouy
bombed, imbsigue U'ccuilles aux iioulures exynises, avangait
le bras droit tenant un scepire en eidere dure. La main gauche
appuyait sur un charmant dew, fail exacivment dans fa forme
d'un os de téte de eheved.
« Un sépulere surmonte d'un roi et couvert deeiles (pa-
pelonné), avee un couvercle dumée (arche), est une arch sé-
pulere voyal papal, C'est le titve de celui qui, dans la corpo-
(1) On peut remarquer que le Licarne Ggure encore ii titre de support
dans les ormes 'Angleterre. C'utait done, dans le principe, an cmbleme
particulier aux Normands, janis pour le moment je n'eosuis pas dayanu-
tage.
aLA PREFACE DE POLIPHILE 75
ration, représentait le pape roi, Un noir Aomme neu est un
Norma. Liargent des ongles, des dents ot des yeux, indique
qu'il est ame et adhond d'argent ou de perde. Un sceptre de
eatore duré est oeuvre d'un févre; mais, en grimoira, il a
Je plus la valeur d'une ¢anne, ct, sil est dans la main droite,
i} indique un ean-peedme ft (camp-lumiétre). C'est pour cela
que les maréchaux ont un bdlon, Dans la main gauche, c'est
un conple mettre, un homme quia fait son tour du monde,
eest-d-iire un pediegrin. L'os de téte de cheval annonce un
erdne de cheval ou un erdne chevalier.
Si Fon met cela en vers de huit pieds ou de huit temps,
cspacts d'L, ana :
Sepulerc, arche royale papale
Normand Gerusalem preux Licrane
Chevalior, fait voir camp lumitre.
Liéeu porte la devise suivante en trois langues: lhedrei,
grec, datin :
Nuelus era, bestia ni me texisset, Quaive et inventes, me
sinite
M. Popelin wen donne point la traduction. La voici, d'aprés
les régles dugrimoire : Nw, horsmee ne doup héberge. Heures.
Laie-moi (jour larsse-mor),
Le tout fit la devise du sépulere royal et papal normand :
Normand libere derusetem, Mais elle ne se traduit pas moins
exactement > Vecmand dap berger, or seed aime,
Le second sépulere est lout pareil a Vautre, Seulement, il
est surmonte cutie feast nite. Lin grimvire, une femme est
Woe were, el une jere nite tle nom de Merena. Elle
porte une couronne, indiquant que le sépulere est royal. Son
poing gauche est pose sur in éen on covur (camer chef porng
ou crdsilie) 7 de da parme droite (pafme A, pol amour), elle
montre son ceil (onstre antl, menestrel).
Le tout donne :
Sepulere, arche royale papale
Nest Marana, Crispin, Paulmier, Menestrel,76 LA PREPACE DE POLUPHLLE
La confrérie normande était militaire, et celle de Marana
artistique et littéraire.
L'éeu de Marana portait en trois langues’: Quisquis es,
quantumgue libuorit, hujus thesauri, sume, at moneo, aufer
capul, corpus ne tangito,
Comme Ia préeédente, cette devise est une charade dont le
mot serait difficile A deviner, si olle ne se trouvait en rélus
sur une fonle de livres: Le deem regard prend lespa-
qnole cour. Tl est probable que cette devise a servi de thime
Ala légende de Jean de Mavana ou don Jican, de mime que
ecllo des Leranes normands a inspieé au Tasse sa Jéreselem
délivrde,
On pout remurquer que ees deuy devises commencent par
dot bergen owe heaw regar, quia dd dtee dans Vorigine fe
heme Roger. Us'éerit aussi par de Vadhreu et du gree (lébren-
uré).
La présence des trois devises identiques en hdbren, grou ot
Jatin, sur les carmrs on deus, se treduit: Ce® pavetl Che
firew, gré, latin, et signifie que les Normands et les Maranas
fe ticnment (latin) ert pavett, & heen regan,
Les dougerous avaient encore un autre eri pareil ; ponos
kei euphute, au-tessus de sa traduction en arabe, Ge qui
donne : paretl grd arede, peine et nohlesse, ot a0 tealuit &
volonté : pres fongarou, robe point cst noble, ow encore ;
prew lougarou, robe por west noble,
Ces amphibologies, qui ouvrent la porte aux insinuations
hes, sont lessenee meme du gei-
ire, laisser tout deviner, tel est
politiques lea plus enveni
moire et du blason. Ne rien
le supréme du genre.
Vi
Les planches de Podipiife sont done une véritable eneyelo-
pédie philosophique ot artistique, une couvre lilteraire derite
dans une langue volontairement obseure, mais d'une in-
eroyable vigueur, dont la pensdu jaillit aussi aigné et aussi
vive qu'elle est lourde et endarmie duns ta glose dont elle estLA PREFACE DE POLIPIHTLE 77
accompagner, Mais cette fade intrigue romanesque est ee-
pendant indispensable pour fournir les explications qu'tne
eeivinr on nole ne peut pas donner, Comment saurait-on,
sais ty teste, que le négre est armé et alfumé d'argent, ot
que son seeqtee est de enivve dove? M. Popelin adone rendu
uti immense service aux commentateurs futurs de Podiphile,
en le traduisant rellgicusement, Une analyse des planches,
uéine sommaire, m'entraiverait trop loin, C'est un code
complet, comprenant le eérémonial et les doctrines religieuses
des Farfelus, avee leurs devoirs et la sanction pénale qui y
Mait attachée, Je deveai done me lorner 4 énumeération des
six grades,
1° LES JEUNES CENTAUNES MENESTRELS,
En grimoire, les centuures, qui figurent si souvent sur les
chapiteaus des églises romanes, sont les chantres au enfants
de chour, les bardes es druides. Gest la premitre épreuve
du grimoire: elle est représentée dans Poliphile par une
charade tisuphate, composée de guerriers et de meres por-
tant des ensvigues chargéus de friéts et de fewilles, emblame
des faréts fils ou farfelus, Six eeutaures, dant quatre jeunes
couronnés |e chapraue de fawrier (vainqueurs), jouant de la
trompette (menestreds}, portent autant de meres ménestrelles
et sont suivis d'une paire de viewer centaures portant des
vases de metal (fevres), ainsi que des méres ménestrefies ; les
six centaures traluent un char (cer), sur lequel on voit Europe
assise su qe fauveau, une couronne de laurier (chapel,
reingeeyy) & la main,
En grimoire, un char surmonté de n'importe quoi est un
secret (chef car), Eurape assise si wn tavreau (Europe sis
taureau) fait Aarpe cithare,
Le secret qui se révéle dans cette épreuve est celui de la
ferpeetde la ecithare, ou la notation de la musique, Les cun-
taures sont admis en qualité d'enfants de chieur.
Voici maintenant l'esplication de la charade +78 LA PREPACK DE POLLPHILE
Prescrit leet s‘aceorde triomphe Farfela,
Grimoire blane, saint Jean, chantee menestrel,
Vaincro Belistre Murcia monstre, & l'épreuve
L’ai fait voir habile dtra Murcia manestrel
Harpe sepulere vainqueur belistre (1).
On sait qu'un defistre est un gueur. En grimoire, ca terme
ilésigne tout profane, Cette éprouve est déerite dans les an-
ciens trailés de magonnerie. On dispose un mannequin dans
une grotte, au bord d'une eau qui coule. Le néopAyte doit
arracher la ¢ée du mannequin et lui puindre fe corps d'un
coup de poignard,
C'est la charade en action de la devise des ménestrels de
Mureie : L'eau, bord, grew (grotte) prends le chef, poing le
corps.
Cette éprenve est lorigine de ce qu'on nomme aujourd'hui
les brimedes. Colle encore usitée 4 l'Ecole des beaux-arts en
est une variante assez curicuse pour dtre citée :
1° Le néopliyte doit chanter ;
2 On lui ségne en quence (rouge) Ia jambe nue:
2 On lenferme dans une /oge, of il doit apprendre Ie
réglement de Vatelier ;
4 On le met 4 la droche, comme feu Panurge, et pour les
mémes raisons.
Voici l'explication de cette charade on parades
Chantre jambe nue signe gueule point
Loge apprend regle clos, barre cul,
c'ost-d-dire ;
Chantre Jean Bendt, saint Gilpin
Loge apprenne ragle, accucille bercail,
Jean Benét, ou Jean yur denit, peut se voir sur tons les ta-
leaux anciens; il représento la candeur et l'ignoranee de
(i) Mest prescrit d'accorder le triomphe des Farfelus, en grinwire dlanc,
iw chantre ménestrel de saint Jean qui, vainqueur de l'épreuve du Helistre
ile Murcie, s'est montré habile ménestral de Murrie, vainqueur & la harper,
dh bélistre, dane le afpulere,LA PREFACE DE POLIPHILE 79
Venfant de chwur. L'Eeole des beaux-arts n'a certainement
ps conservd la signification de cette parade, qui donne ce-
pendant lexplication d'un passage curieux de Rabelais, La
vonstance avee laquelle elle se transmet prouve quelle est la
force de habitude et avec quelle facilité se maintiennent,
pendant des siteles, des traditions dont on ne s'explique plus
la raison.
2° LES ELEPHANTS,
Le cadre de cette parade est identique & l'autre, sinon que
lv char est tralné par six éléphants (oriflans) montés par des
meres ménestrelles et désignant le grade d'orphelins, ou
fils de fa vewve. Le secret au-dessus du char est une Léda
nue, avec un cygne, une ceinture (le grimoire prononce kein-
ture), un bracelet sur le sein, se lit sein joatlle (saint Gille),
lle git sur un fit orn de honppe (git lit houppe).
Le secret qu'on donne aux orpAelins ou compagnons est le
secret:
Ceinture Léda cygne sein joaille git lit houppes
Secret connaltre lait dessine saint Gille Glypes.
C'est la seconde partie du grimoire blane.
Voici maintenant Ja leclure complate de la charade, qui n'a
pas besoin d’autre explication ;
Proscrit "est s'accorde triomphe Farfelu,
Grimoire blanc, signe esire Oriflan,
Secret admirable se monstrer lait
Connaitre lait dessine saint Gille Glypo,
3° Les LICORNES,
Je n'ai pas & revenir sur la signification de ce mot, Le fond
ilu décor de cette charade est le méme que les précédents, Le
char ou. secred représente Danad habilide, assise sur un tigre
ailé (vol tigre), reeevant dans ses dras la péuée, Une couronne
indique qu'elle est royale. L'ensemble donne ;
Yol tigre, habillée, royale, bras dansé,
Choit pluie, car80 \4 PREFACE DE POLIPHILE
La charade entiére se lit:
Preserit l'est saccorde triomphe Farfelu,
Grimoire blane, signe estre Licrane,
Secret admirable se monstrer lait
Voltiger hayle, rai Wait Buridan sépulere.
Ce secret est celui de la danse mecedre, qui veut dire
Chébreu dans sépulere.
La tour de Nesle a été longtemps le liew de réunion des
jurés des corporations parisicnues, formant un conseil ma-
gonnique secret, avec leqnel le rai avait 4 compler et auprits
duquel il désignait une arehe rayefe, chargée de le reprd-
senter. Oo s'y réunissail en sucret 4 certuines fetus, dout lo
principale était la Nodl, et lon y exéeutait les jugements se-
erets en précipitant les délingnants dans la Seine. De bi les
légendes qu'on fit courir sur fa tour de Neste ef notamment
celle de Buridan, de n'ai pas assee étudid la danse macabre
pour en parler sciemment, mais i! est probable que sa tradue-
tion en grimoire veut dire quion test bre que dans le
prdcre, de méme qu'il n'y apas (autre rgadité, Rois et layles,
reines et vilains, doivent y aller vodtiges de pair. On yoit, par
cet exemple, que catte initiation graduée suit pas A pas le pros
gramme mystique tracé par Beroalde, Le grade de Lecrene
ou de maitre, marque lapogée de la vie, ef mould sur le faite
or aspire & descendre.
(Les sues.
Tei le décor change, les guerriers disparaissent, les meres,
au lien d'etre habilldes, sont nies, plusde menestred, plus de
secret admirable. Six tigres lirent un char suivi de Siléne
monté sur son dre et de mares Adifides, dont l'une tient une
ckévre, tandis que l'autre porte un van,
Le char est surmonté d'une pile, composée de trois aigles,
d'un vase orné d'une wage, de deux animaux difficiles & dé-
terminer mordant des anneanx, et d'un urbre aussi ifficile &
préciser que les animaux, Mais, cn ce cag, il se dit rineeda on
rein (fewillage).LA PREFACE DE POLIPHILE 81
La description de cette charade ne concorde pas avec la
gravure et la traduction littérale n’en est pas possible par suite
de certaines crudités que j'ai dd supprimer dans la para-
plirase du grimoire de Béroalde; je me contente donc d'une
interpretation quelque peu gazéo,
Prescrit l'est s‘accorde triomphe Farfelu,
Triste Guérin signe est vainqueur viel va
Maran Licrane eo horrible silence,
Achive réve en Mirebalais.
Farleln enseigne Angleterre vole au vent
Doibt Ame renyoie couchée renalt sépulere.
Le triste Guévin, Guérin fe Mesquin dans les romans de
clevaleric, est le vieilard, en gree Géron. Maran, nom de la
confrérie de Marana, vient du gree maraine,croupir. Le pays
dle Mirebalais, dont il est si souvent question dans Rabelais,
comme étant celui des moulins & vent, est /a Touraine ou la
France, opposée & CAngleterre, dans laquelle les druides ou
facfodus plagaient le séjour des trépassés, dont les Ames ren-
traient chaque année & la yeillée des démons ou Notl pour
renalire.
Cette composition est la plus belle et la plus grandiose des
quatre.
On voit, Kaprés ce qui préctde, que les Farfelus se divi-
saictt en quatre classes: les chantres de Saint-Jean Ménes-
trel, les arifanes, les dicranes, et les tristes guerins ou ma-
reas, Mon dictionnaire maconnique ¢numbre les chantres
Saint-Jean Benet, les ribaulds ertbles, les licranes, escots,
capebles Pairpaulmes, ct les maraits, couch! vené sdépulere.
Ce dernier grade est indique par une branche d'acia (acacia
rein\, qui fait son apparition au quinziéme siéele, dans les
tableaux de Pérugin et de Raphaél,
Le méme dictionnaire signale un cinquikme grade qui exis-
tait au dernier sitcle, celui de fender ou bdcheron, & propos
duquel Rabelais a derit la légende des Trois Coignées, I est
souvent représenté dans |'imagerie d'Epinal par wn bacheron
en sabots, la hache sur Uépaule. Dans lantiqnité, c'est Mer-