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Sommaire
Étape 2 Comment Colette célèbre-t-elle les êtres aimés qui composent son monde ?
A. Corpus
• Texte 4 Le portrait de la mère (Sido)
• Texte 5 La réhabilitation du père (Sido)
• Texte 6 L’éloge animal (Les Vrilles de la vigne, « Nonoche »)
• Texte 7 L’héroïsme des femmes (Les Vrilles de la vigne, « Maquillages »)
B. Explication linéaire
• Texte 4 Le portrait de la mère (Sido)
A. Corpus
• Texte 11 L’aube d’été (Sido)
• Texte 12 L’ode à l’amour (Les Vrilles de la vigne, « Nuit blanche »)
• Texte 13 Carpe diem (Les Vrilles de la vigne, « Dialogue de bêtes »)
B. Écrit d’appropriation : imaginer une interview fictive de Colette
Pour commencer…
Étape 1
Comment Colette exprime-t-elle son amour de la nature ?
Objectif
Comprendre le rapport de Colette à la nature.
A. Corpus
• Texte 1 La civilité des jardins (Sido)
• Texte 2 Le pays enchanté (Les Vrilles de la vigne, « Jour gris »)
• Texte 3 La déclaration d’amour au pays natal (Les Vrilles de la vigne, « Printemps de la
Riviera »)
1. En quoi les jardins évoqués dans le texte 1 incarnent-ils pour Colette un art de vivre ?
Dans le quartier natal de Colette, quasiment toutes les maisons ont un jardin ou « une cour
plantée » (l. 2), et c’est ce qui semble assurer le lien entre toutes les maisons : « ces jardins-de-
derrière donnaient le ton au village » (l. 4). Quelle que soit la saison, une activité s’y déroule,
comme le suggère la juxtaposition des propositions aux lignes 4-5. C’est donc une vie tournée
vers l’extérieur, vers la nature. L’usage du pronom personnel indéfini « on » suppose une vie
collective, une sociabilité de jardin, ce qui est confirmé par l’emploi des indices personnels de
la première personne du pluriel « nos jardins se disaient tout » (l. 17). Cela rappelle le jardin
d’éden avant la faute : « pas de mystère » (l. 8), « que me parle-t-on de la
méfiance provinciale ? » (l. 16), « aimable vie policée de nos jardins ! » (l. 18), « courtoisie,
aménité » (l. 18), « quel mal fût jamais venu par-dessus un espalier mitoyen » (l. 20-21). Cette
civilité des jardins apparaît comme un véritable art de vivre, un temps édénique et regretté.
3. Relevez dans un tableau les différents sens sollicités dans ces descriptions. Quel effet
leur emploi produit-il ?
Texte 1 Texte 2 Texte 3
La vue Le « chien blanc » teint « noir » (l. 2), « Tes verdures » (l. 1),
en « bleu » et « en « bleuir » (l. 2), « azur « poudre blanche et roc
rouge » (l. 13) mauve » (l. 4), fleuris » (l. 6),
« blanc » (l. 7), « bleuâtre » (l. 11), « vert
« jaune » « rose » (l. émouvant » (l. 12),
15) « l’épine encore noire »
(l. 12)
L’ouïe « Le flanc sonore » (l. « Écoute » (l. 14 et 19) « glougloute
10), « nous entendions » « Le chant » (l. 16) mélodieusement » (l.
(l. 12), « chantait un « bat à tes oreilles » 13), « les notes limpides
petit cantique » (l. 14), (l. 17) et rondes » (l. 13)
« une sonnette triste » (l.
15)
Le toucher « orpin brûlant » (l. 20) « un frisson » (l. 12),
« brûlant » (l. 16),
« velours » (l. 17),
L’odorat « n’embaumes pas » (l.
2), « le banal parfum »
(l. 3), « l’odeur de la
terre, la souveraine
odeur du sol » (l. 4),
« narines ouvertes » (l.
5), « le parfum de la
terre » (l. 13-14),
« l’arôme » (l. 14)
Le goût « à boire l’air glacé » « l’amer » (l. 15)
(l. 11), « la saveur de
l’air enivre » (l. 28)
Le recours à ces notations sensorielles confère une dimension très sensuelle à ces descriptions
et souligne à quel point Colette est ouverte au monde qu’elle cherche à recueillir grâce à tous
ses sens.
4. Quels procédés permettent de mettre en place une tonalité lyrique dans ces trois textes ?
Dans chacun de ces textes, Colette manifeste sa subjectivité et sa présence à l’aide des indices
personnels de la première personne et en particulier de l’adjectif possessif : « mon quartier
natale » (texte 1, l. 1), « mon pays » répété comme un leitmotiv dans le texte 2, « mon âme
forestière » (texte 3, l. 3), « mon cœur » (l. 15). Elle met également en place des dialogues
poétiques, puisque dans le texte 2 elle s’adresse à la femme aimée et dans le texte 3 elle
apostrophe le « joli Midi menteur » qu’elle personnifie. Ces trois textes sont des déclarations
d’amour aux jardins et au pays de l’enfance. Cela se manifeste dans le dernier paragraphe du
texte 1 par des interjections et exclamations lyriques : « Oh ! aimable vie policée de nos
jardins ! ». Dans le texte 2, Colette célèbre par le lexique de l’enchantement le pays de son
enfance (« sentier enchanté » l. 16, « forêt ancienne […] pareille au paradis » (l. 19), « un pays
de merveilles » (l. 28). Dans le texte 3, elle désigne sa Bourgogne natale par la périphrase « le
pays que j’aime » (l. 10). Enfin, la thématique musicale est aussi présente : « chantait un petit
cantique » (texte 1) ,« chant bondissant des frelons fourrées de velours » (texte 2), le « merle
verni [qui] glougloute mélodieusement, égoutte des notes limpides et rondes » (texte 3). Cette
thématique musicale est mise en valeur par un jeu d’allitérations et d’assonances,
particulièrement dans les textes 2 et 3. Tous ces éléments participent à la mise en place de la
tonalité lyrique qui célèbre les paysages de l’enfance.
5. Quels éléments peuvent rattacher ces extraits à la tradition littéraire du locus amoenus
(voir texte 1, note 6) ?
• Dans le texte 1, les jardins sont présentés comme des lieux protégés où les rapports humains
sont harmonieux (« des rideaux d’arbres protégeaient notre jardin » l. 9). Dans cet éloge des
jardins, Colette reprend le nom « aménité » qui vient du latin amoenus.
• Dans le texte 2, le pays natal apparaît comme un lieu refuge (« une vallée étroite comme un
berceau » l. 6). L’ombrage et l’humidité, l’isolement (« forêt ancienne oubliée des hommes » l.
19) et la sérénité (« pareille au paradis » l. 19), le plaisir des sens visuels et auditifs font du pays
natal un véritable locus amoenus.
• Le texte 3 décrit la renaissance de la nature après l’hiver et s’inscrit donc dans une autre
tradition poétique, celle de la reverdie, qui date du Moyen Âge.
B. Explication linéaire
• Texte 2 Le pays enchanté (Les Vrilles de la vigne, « Jour gris »)
Introduction
Ce texte publié en 1908 dans le recueil Les Vrilles de la vigne a été écrit en 1907. Colette passe
alors quelques jours en baie de Somme avec son amante Missy. À son retour, elle écrit un
ensemble de trois textes autobiographiques dédiés à Missy. Elle y décrit son sentiment
amoureux, mais aussi sa mélancolie. En effet, dans « Jour gris », Colette évoque un jour
venteux et triste au bord de la mer. Elle se réfugie alors dans l’évocation de sa Bourgogne
natale. L’extrait prend la forme d’un dialogue avec l’être aimé, reposant sur l’hypothèse de la
venue de Missy dans le pays natal de Colette. Ce texte narratif s’apparente également à un
poème en prose par sa disposition en paragraphes courts, sa structure répétitive, ses effets de
musicalité et sa tonalité lyrique.
[Lecture du texte à voix haute]
[Projet de lecture] En quoi ce texte propose-t-il une célébration originale du pays natal ?
les différentes étapes de la découverte de ce pays. Ce dispositif est déjà en soit assez étrange
car Colette est censée profiter de son séjour avec son amante au bord de la mer, or elle passe
son temps à s’évader ailleurs et malgré l’apparent dialogue avec Missy, on comprend qu’elle
s’enferme et s’isole dans une rêverie solitaire. Le pronom personnel « tu » (l. 1, 2, 4) est un
masque car en fait Colette est en train de définir son ressenti et ses désirs : « tu m’oublierais et
tu t’assoirais là pour n’en plus bouger jusqu’au terme de ta vie » (l. 5). La formulation
hyperbolique célèbre le pouvoir presque magique d’un lieu qui fait tout oublier, même l’être
aimé. Cela n’a bien sûr rien d’appréciable pour Missy. En outre, ce paysage ne paraît pas si
idyllique : « un jardin noir de verdure et sans fleurs » (l. 2). Ici, l’adjectif « noir » et la
préposition privative « sans » donnent l’impression d’un lieu triste. La montagne elle-même
est caractérisée dans un rythme ternaire où seuls les papillons apportent une touche de
légèreté et de beauté, mais ils sont encadrés par des éléments plus rudes : « les cailloux, les
papillons et les chardons » (l. 3). L’azur est « mauve et poussiéreux » (l. 4). Colette ne cherche
pas à idéaliser ce paysage et, pourtant, l’évocation se fait poétique dans cette première phrase
ample qui mêle les rythmes binaires, ternaire et effets d’assonances en [on] créant une chaîne
sonore pour définir les éléments de ce singulier paysage « au fond » (l. 1), « montagne ronde »
(l. 3), « les papillons et les chardons » (l. 3). On a également une symphonie visuelle dans des
teintes un peu mélancoliques qui reflètent l’humeur de Colette : « noir de verdure » (l. 2),
« bleuir » (l. 3), « azur mauve et poussiéreux » (l. 4). Le regard poétique se manifeste également
dans la manière dont la fusion entre la couleur du ciel et des éléments du paysage est exprimée.
[…] et tes songes seront fous… » (l. 12). Notons toutefois que les temps verbaux ont évolué.
L’utilisation du présent et du futur (dans le premier paragraphe, on avait l’imparfait et le
conditionnel) donne davantage vie à cette hypothèse et on comprend que Colette est sans
doute davantage en train d’évoquer sa propre expérience plutôt que d’imaginer la venue
éventuelle de sa compagne dans la vallée de son enfance un soir d’été. De manière très
sensuelle, elle évoque l’effet produit par ce paysage en s’appuyant sur le goût et le toucher (« à
boire l’air glacé » l. 11, « frisson » l. 12). La dimension fantastique de ce paysage est confirmée
par l’hyperbole finale : « toute la nuit tes songes seront fous », l. 12-13. Finalement, Colette
métamorphose cette vallée étroite, humide, glacée en un paysage digne d’un tableau
romantique.
Conclusion
[Bilan] Colette célèbre son pays natal de manière originale : elle parvient, par les pouvoirs de
l’écriture, à métamorphoser les aspérités d’un paysage plutôt rude et stérile en éléments
merveilleux. Elle saisit la moindre beauté de son pays natal : les couleurs d’un paysage, le
brouillard humide, les frelons… Mais elle est consciente que cette ode au pays natal est une
mystification qui n’est possible que par l’enchantement littéraire. Finalement, Colette célèbre
donc la littérature qui permet de voir le monde autrement et de produire du beau.
[Ouverture] Dans ce texte, elle célèbre donc de manière lyrique son pays et fait comprendre
au lecteur qu’elle est une « âme forestière » (« Printemps de la Riviera ») et sûrement pas une
âme maritime.
Question de grammaire
Repérez et identifiez les différentes formes négatives dans la dernière phrase du texte.
« Tu ne verrais qu’une campagne un peu triste » négation restrictive que l’on pourrait
reformuler ainsi : « tu verrais seulement une campagne triste ».
« une montagne bleuâtre et nue qui ne nourrit pas même les chèvres » négation partielle
exprimée pas les adverbes de négation « ne » et « pas » qui encadrent le verbe . La négation
porte sur le complément « même les chèvres ».
Étape 2
Comment Colette célèbre-t-elle les êtres aimés qui composent son
monde ?
Objectif
Comprendre la commémoration lyrique des êtres aimés.
A. Corpus
• Texte 4 Le portrait de la mère (Sido)
• Texte 5 La réhabilitation du père (Sido)
• Texte 6 L’éloge animal (Les Vrilles de la vigne, « Nonoche »)
• Texte 7 L’héroïsme des femmes (Les Vrilles de la vigne, « Maquillages »)
1. Repérez les êtres décrits dans ces textes et identifiez leurs qualités.
Textes L’être décrit Les qualités
Texte 4 – Sido, la mère de Colette – Fine et sensible (« rurale sensibilité » l. 4,
« son goût fin de la province » l. 4)
– Intelligente (« la clarté originelle » l. 5)
– Passionnée et joyeuse (« passionnément
immobile » l. 11, « frénésie riante » l. 24,
« allégrement »l. 25)
– Libre et excentrique (à l’opposé des
opinions du « commun des mortels » l. 7,
« elle bannissait les religions humaines » l.
11-12, « universel mépris », « dédain
dansant » l. 24-25)
– Amoureuse de la nature (« rurale » l. 4, « à
la rencontre du ciel » l. 11, admiration pour le
merle noir)
– Belle (« ses yeux couleurs de pluie »l. 22)
3. Comment l’amour pour les animaux est-il perceptible dans ces textes ?
Colette célèbre les animaux qu’elle sait observer avec attention. Elle tient cela de sa mère,
comme nous le révèle l’anecdote du texte 4 lorsque Sido observe avec attention un merle dont
elle célèbre la beauté et l’habileté. Le texte 6 est entièrement consacré à Nonoche, la chatte de
la maison natale. Colette décrit avec attention son comportement et sait saisir dans des images
originales les pauses du chat : « la cuisse en l’air, Nonoche, copie cette classique figure de
chahut qu’on appelle "le port d’armes" » (l. 14-15). L’empathie est perceptible dans la constante
personnification de l’animal à qui elle attribue des émotions humaines, qui ne sont d’ailleurs
pas loin de celles que Colette éprouve : « elle s’ennuie » (l. 12), « cette mélancolie agacée, ce
vide et vague désir » (l. 13). Mais Colette célèbre aussi la beauté d’animaux moins prisés telles
la libellule et « son long corps de mosaïques turquoises » (l.4), ou encore la chauve-souris
caractérisée dans une étrange image qui mêle les éléments naturels : « elle nage en zigzag dans
l’air » (l. 16). Cette dernière est aussi évoquée dans une belle synesthésie à la ligne 17 qui
convoque la vue (« roux »), le toucher (« velours ») et le goût, voire même l’odorat avec la
figue. Colette nous invite ainsi à remettre en question le mépris que l’on pourrait avoir pour
certains animaux (« C’est encore une de ces bêtes où on ne comprend rien et dont la
conformation inspire une inquiétude méprisante. » l. 18-19). Enfin, dans le texte 7, on découvre
un procédé récurent chez Colette : elle animalise les humains. Les jeunes filles furtives sont en
effet comparées à la ligne 8 à l’élégante espèce canine des lévriers. Ce va-et-vient permanent
entre l’humain et l’animal révèle le respect et la tendresse de Colette pour les animaux.
B. Explication linéaire
• Texte 4 Le portrait de la mère (Sido)
Introduction
En 1930, Colette, âgée de 57 ans, publie Sido, récit autobiographique, qui poursuit le travail de
remémoration et d’hommage au monde de l’enfance entrepris en 1922 avec La Maison de
Claudine. Elle cherche à retrouver la petite fille qu’elle était, mais surtout sa mère Sido.
Celle-ci est la figure centrale de ce récit autobiographique. La première partie lui est
entièrement consacrée et son influence sur le reste de la famille est perceptible dans la
deuxième et la troisième parties consacrées au Capitaine Colette et à la fratrie. Dans cet extrait,
Colette tente de faire comprendre la singulière personnalité de sa mère à travers une anecdote.
[Lecture du texte à voix haute]
[Projet de lecture] Comment Colette rend-t-elle hommage à sa mère dans ce texte ?
oppose « la clarté originelle » (l. 5) de la mère aux « petites lumières péniblement allumées au
contact de ce qu’elle nommait le "commun des mortels" » (l. 6-7). On découvre le caractère sans
doute un peu hautain de Sido qui se considère unique et au-dessus des autres, mais Colette
adhère totalement à ce point de vue, puisqu’elle caractérise les lumières des autres par un
adjectif péjoratif (« petites » l. 6) et par l’adverbe tout aussi négatif « péniblement » (l. 6).
Colette veut signifier que sa mère est un être libre qui ne se laisse pas dicter sa conduite par
les convenances et la médiocrité. La liberté et la sagesse de sa mère sont ainsi caractérisées
dans une métaphore laudative (« clarté originelle » l. 5), qui souligne qu’elle est restée proche
des origines. L’aura et le pouvoir de cette mère sont signalés par les deux verbes (« elle
refoulait, éteignit souvent les petites lumières » l. 6). Encore une fois, il s’agit de dire
métaphoriquement qu’elle ne se laisse pas enfermer dans les normes et les convenances.
l’intelligence du petit oiseau : « Et remarque bien qu’il n’attrape que les plus mûres… » (l. 18).
Sido invite sa fille au silence et à la contemplation de ce spectacle à l’aide d’injonctions et de
questions rhétoriques qui sont des ordres déguisés : « Chut !... Regarde… » (l. 13), «Et tu
vois… » en anaphore aux lignes 16 et 17, « Et remarque » (l. 18) « Chut ! » (l. 20). Les
chuchotements (« chuchotait ma mère » l. 16) et l’immobilité de la mère contrastent avec
l’attitude du bruyant voisin de l’Ouest. Mais surtout Sido transmet à sa fille un véritable art
d’être au monde : écouter, regarder, saisir la beauté d’un petit oiseau. Colette prouve qu’elle a
compris cette leçon en insérant une description pleine de sensualité et de poésie du petit merle
en train de picorer les cerises aux lignes 14 et 15. Elle parvient en effet à saisir les subtiles
couleurs du petit oiseau noir dans une expression musicale où se rencontrent allitérations et
assonances « oxydé de vert et de violet » (l. 14). Le plumage contraste avec l’évocation de « la
chair rosée » (l. 15) des cerises, gravant dans l’esprit du lecteur un tableau coloré. Le rythme
ternaire souligne poétiquement l’enchaînement parfait des actions avec la juxtaposition des
verbes tout en poursuivant l’allitération en [e] : « piquait les cerises,/ buvait le jus,
/déchiquetait la chair rosée… » (l. 14-15). Lorsque sa mère cesse d’observer le merle, Colette
écrit qu’elle ramène « sur la terre ses yeux » (l. 22). Cette formulation fait écho à la ligne 11 où
sa tête était « à la rencontre du ciel ». Ainsi Colette nous raconte l’envolée de sa mère, puis son
retour à la réalité. Elle finit par évoquer la couleur des yeux de sa mère dans une formulation
qui souligne la fusion de Sido avec la nature : « ses yeux couleur de pluie » (l. 22). La dernière
phrase du texte est enfin une célébration du caractère unique de Sido où se mêlent la gaieté
(« riante » l. 24, « dansant » l. 25, « allégrement » l. 25), l’énergie (« frénésie » l. 24, « qui me
foulait » l. 25), mais aussi un mépris affirmé pour le conformisme (« un universel mépris » l.
24, « un dédain » l. 24-25). Les trois compléments d’objets directs mettent en place un rythme
ascendant qui renforce l’expression de l’admiration de Colette pour le caractère de cette mère
unique.
Conclusion
[Bilan] Dans ce portrait, Colette peint sa mère comme un esprit libre, prompt à s’écarter des
sentiers battus. Elle évoque aussi sa capacité à s’émerveiller devant le spectacle quotidien de
la nature. Elle célèbre « sa clarté originelle », c’est-à-dire sa capacité à voir la beauté du monde
dans une anecdote pétillante. Cet hommage est original car Colette ne masque pas les aspects
plus contestables de la personnalité de sa mère : son indifférence aux autres, sa singularité
assumée.
[Ouverture] Mais ce texte, dans lequel s’exprime l’admiration de Colette pour sa mère, nous
permet également de comprendre d’où Colette tient son regard sur le monde. Dans ses
œuvres, elle applique les injonctions maternelles : elle se tait, elle regarde et cherche à saisir la
beauté du monde. Dans « Maquillages », Colette observe avec tendresse les femmes en mettant
en application les préceptes maternels : « J’écoute, mais surtout je regarde. »
Question de grammaire
Identifiez le type d’interrogation employée dans le passage ci-dessous. La formulation vous
paraît-elle correcte ?
« Et tu vois comme il se sert de sa patte ? Et tu vois les mouvements de sa tête et cette
arrogance ? » (l. 16-17)
Il s’agit d’une interrogation directe et totale identifiable par le point d’interrogation et par le
fait que l’interrogation porte sur l’ensemble de la proposition et appelle une réponse par
« oui » ou « non ». Toutefois, on ne trouve pas l’inversion habituelle sujet/verbe (Et vois-
tu… ?).
Étape 3
Comment Colette célèbre-t-elle le bonheur de l’enfance retrouvée ?
Objectif
Comprendre la célébration de l’enfance et le processus de la mémoire affective.
A. Corpus
• Texte 8 L’enfance retrouvée (Sido)
• Texte 9 Les violettes magiques (Les Vrilles de la vigne, « Le Dernier Feu »)
• Texte 10 L’éloge de l’enfance (Les Vrilles de la vigne, « Le Miroir »)
1. Faites le portrait de Colette enfant telle qu’elle se décrit dans ces trois textes.
Colette se décrit comme une enfant amoureuse de la nature. Elle livre une magnifique
description des saisons de son enfance dans le texte 8 : « aucun été sauf ceux de mon enfance
ne commémore le géranium écarlate et la hampe enflammée des digitales » (l. 4-5). Un peu
plus loin, elle se décrit en train d’arpenter le jardin « happant la neige volante » (l. 11) et dans
le texte 9 elle explique que « le printemps [l’]enchantait » (l. 14). Dans ce même texte, elle
évoque cette nature aimée dans une longue énumération (l. 10 à 14) : « des prés, des bois
profonds… ». Elle explique aussi qu’elle se sentait « prisonnière, le jour » à l’école, sous-
entendant que le véritable bonheur résidait dans le fait de parcourir la campagne et les bois.
Dans ce texte 9, on découvre une petite fille amoureuse des fleurs, primevères et surtout
violettes : elle était prête à changer ses jouets et images « contre les premiers bouquets de
violettes » (l. 16-17). Dans le texte 10, elle définit son enfance en mettant en avant son « goût
passionné pour tout ce qui respire à l’air libre et loin de l’homme – arbre, fleur, animal peureux
et doux, eau furtive des sources inutiles » (l. 16-17).
Colette est également une petite fille exaltée et pleine d’imagination comme le révèle la
métaphore filée où lors d’une tempête de neige, elle se transforme en mousse (texte 8, l. 15)
d’un « navire natal » dont le capitaine serait sa mère. Le champ lexical de l’exaltation est
omniprésent dans ces extraits : « je m’élançais, claquant des sabots, enthousiasmée » (texte 8,
l. 15), « goût passionné » (texte 10, l. 16), « exaltation sans cause » (l. 18) , « mon bel orgueil »
(l. 19), « mon âme extraordinaire d’homme intelligent » (l. 20), « une âme à faire éclater mon
petit corps » (l. 21).
Mais Colette est aussi une enfant mélancolique « silencieuse » (texte 9, l. 14) qui se sent
prisonnière à l’école (l. 15), elle évoque son cœur « obscur et pudique » (l. 15) et sa « gravité »
(l. 18).
Elle apparait aussi comme un être paradoxal pétri de contradiction, exaltée et mélancolique
à la fois, ce que résume bien l’oxymore sa « triste et mystérieuse joie » (texte 9, l. 15).
met en place des dispositifs variés pour introduire ses souvenirs d’enfance. Si l’extrait de Sido
(texte 8) s’apparente à un récit rétrospectif assez traditionnel, la plongée dans le passé se fait
de manière plus originale dans les deux autres textes. Le texte 9 est un dialogue avec la femme
aimée à qui Colette décrit son enfance qu’elle parvient véritablement à faire renaître grâce au
parfum et à la couleur des violettes qui lui rappellent celles de son enfance. Elle illustre le
processus de la mémoire affective, mémoire réveillée par des odeurs et couleurs similaires à
celles de l’enfance. Le dernier texte est encore plus original. En effet, Colette imagine un
dialogue avec son double littéraire – Claudine – pour faire son portrait enfant.
3. Relevez le champ lexical du temps et de l’enfance dans ces textes. Que révèle-t-il ?
Texte 8 : « dans ce temps-là » (l. 1), « mon enfance » (l. 4), « ne commémore » (l. 4).
Texte 9 : « ne te souviens-tu pas » (l. 4), « le philtre qui abolit les années » (l. 7-8), « ressusciter
et grandir devant toi les printemps de ton enfance !... » (l. 9-10), « Ô violettes de mon
enfance ! » (l. 22).
Texte 10 : « Ô notre enfance… » (l. 1), « ne résiste jamais à une évocation du passé » (l. 2),
« vous souvenez-vous ? » (l. 3 et 4), « quand nous étions petites » (l. 7), « je me souviens » (l.
14), « c‘est moi enfant et moi à présent… » (l. 18-19), « Hélas, Claudine, j’ai perdu presque tout
cela » (l. 21-22).
Ce lexique du souvenir et de l’enfance révèle la nostalgie d’un temps heureux dans lequel
Colette aime se plonger. La tonalité se fait élégiaque pour célébrer l’enfance perdue, ce qui est
particulièrement perceptible avec la répétition du verbe « souvenir », les apostrophes à
l’enfance et l’interjection « Hélas ».
B. Explication linéaire
• Texte 9 Les violettes magiques (Les Vrilles de la vigne, « Le Dernier Feu »)
Introduction
Colette a 35 ans lorsqu’elle écrit ce récit, « Le Dernier Feu », qu’elle publie ensuite dans le
recueil Les Vrilles de la vigne. Elle commence sans doute à se sentir vieillir et elle vient de
connaître une séparation douloureuse. Après avoir été abandonnée par son mari, elle a une
relation amoureuse avec une femme à qui ce texte est dédié. L’écriture et la plongée dans le
passé apportent à Colette un apaisement salvateur. Cet extrait dévoile en effet une triple
célébration : celle de la femme aimée, celle de l’enfance et celle du printemps naissant. Tout
commence avec une banale conversation entre les deux amantes à propos de la couleur des
violettes.
[Lecture du texte à voix haute]
[Projet de lecture] Comment Colette parvient-elle à partager avec le lecteur la beauté d’un
moment précieux ?
ce différend sur la couleur des violettes en sollicitant un autre sens, l’odorat : « narines » (l. 6),
« parfum » (l. 6), « respirant » (l. 7). En effet, si les couleurs des violettes sont changeantes
d’une année sur l’autre, le parfum lui reste le même, « invariable » (l. 7). Cette antithèse permet
de mettre en œuvre le processus de la mémoire affective. En effet, ce parfum identique, qui ne
change pas, ramène Colette à l’année précédente, et même encore plus loin. Elle retrouve son
enfance en respirant le parfum des violettes. Le bonheur éprouvé est perceptible dans la
métaphore qui transforme les violettes en « philtre qui abolit les années » (l. 7-8) et l’on
comprend mieux l’emploi du nom « magie » à la première ligne du texte. L’impératif du verbe
« regarde », en anaphore aux lignes 7 et 8, est une invitation à partager ce voyage dans le passé.
Cette réminiscence est si vive qu’elle emploie deux verbes hyperboliques, « ressusciter et
grandir » (l. 8), pour la qualifier et une tournure exclamative pour évoquer au pluriel tous les
printemps de l’enfance. Les points de suspension confirment cette invitation à contempler les
printemps de l’enfance qui s’adresse aussi au lecteur.
détail : « le fil de cordon rouge » (l. 17) noué autour du bouquet. La multiplication des points
de suspension dans ce passage invite à se laisser aller à cette rêverie champêtre.
Conclusion
[Bilan] Dans ce texte poétique et lyrique, Colette célèbre le bonheur d’aimer et le bonheur de
retrouver les impressions d’enfance en se laissant porte par ses sens, en l’occurrence, la vue et
l’odorat. Mais elle célèbre aussi la beauté étrange, discrète et paradoxale de ces petites violettes
déchiquetées, qui, à son image, parviennent à renaître après le dur hiver.
[Ouverture] Si Colette « abolit les années » grâce au parfum retrouvé des violettes de son
enfance, Proust retrouve quant à lui, dans Du côté de chez Swann, publié en 1913, le temps passé
grâce au goût d’une madeleine trempée dans du thé.
Question de grammaire
Analysez la construction de la phrase complexe suivante :
« Porte plutôt à tes narines le parfum invariable de ces violettes changeantes et regarde, en
respirant le philtre qui abolit les années, regarde comme moi ressusciter et grandir devant toi
les printemps de ton enfance !... » (l. 6 à 9)
– Dans cette phrase complexe, on repère quatre verbes conjugués qui nous permettent de
distinguer quatre propositions.
– La première proposition « porte plutôt à tes narines le parfum invariable de ces violettes
changeantes » est coordonnée à une seconde proposition grâce à la conjonction de
coordination « et ».
– Dans cette deuxième proposition, le complément d’objet direct « philtre » est complété par
une proposition subordonnée relative (« qui abolit les années ») introduite par le pronom
relatif « qui ». On pourrait très bien supprimer cette subordonnée relative ou la remplacer par
un groupe nominal équivalent, par exemple « le philtre destructeur d’années ».
– On a enfin une dernière proposition qui est simplement juxtaposée sans mot de liaison :
« regarde comme moi ressusciter et grandir devant toi les printemps de ton enfance !... ».
Étape 4
Comment le bonheur de vivre et la sensualité de Colette se manifestent-
ils dans ces deux œuvres ?
Objectif
Comprendre l’art de vivre de Colette
A. Corpus
• Texte 11 L’aube d’été (Sido)
• Texte 12 L’ode à l’amour (Les Vrilles de la vigne, « Nuit blanche »)
• Texte 13 Carpe diem (Les Vrilles de la vigne, « Dialogue de bêtes »)
2. Quelles sont les formes de plaisir et de bonheur évoqués dans ces textes ?
Dans le texte 11, Colette décrit l’éveil de ses sens au contact d’une nature estivale généreuse,
alors qu’elle est enfant. Elle évoque les « terres maraîchères » (l. 4), « la rivière » (l. 5) et dans
une énumération, toutes les baies susceptibles d’émoustiller ses papilles : « les fraises, les
cassis, les groseilles barbues » (l. 5). Ainsi, cette nature stimule tout son corps : « mes lèvres,
mes oreilles et mes narines plus sensibles que tout le reste de mon corps » (l. 8-9). Dans « Nuit
blanche » (texte 12), on découvre une Colette adulte, toujours aussi réceptive aux plaisirs
sensuels offerts par l’existence. Le champ lexical des sens y est omniprésent : l’odorat (« fleurs
enchantées dont le cœur velu embaume l’abricot » l. 8-9), le goût avec sa gourmandise qui
transparaît dans l’évocation des nourritures (« la crème du petit pot de lait » l. 9, « l’heure du
goûter où ma faim féroce te faisait sourire » l. 9-10, « le pain le plus doré » l. 10), la vue (« ta
main transparente dans le soleil » l. 11), l’ouïe (« la guêpe qui grésillait » l. 11, « j’entends
bourdonner mon sang » l. 18, « le murmure des jardins » l. 18-19), et enfin le toucher (« j’ai
frissonné » l. 13 , « je sentirais tes cils frémir » l. 19-20). Elle définit ce plaisir sensuel en le
comparant à celui des bêtes : « le plaisir ingénu des bêtes heureuses dans le printemps » (l. 14-
15). Dans ce texte, Colette est allongée auprès de son amante et elle suggère également de
manière subtile et détournée par des métaphores et des litotes le désir charnel : « Ah ! si je
pense à toi , c’en est fini de mon repos » (l. 17), « Tu épies ma fièvre » (l. 20), « Si j’approchais
ma joue de la tienne » (l. 19), « tu penses à moi comme je pense à toi » (l. 21), « tout mon corps
s’abandonne, détendu et ma nuque pèse sur ta douce épaule » (l. 22-23), « nos pensées s’aiment
discrètement » (l. 23-24). Le nom « pensées » vient pudiquement se substituer au nom
« corps », qui reste présent à l’esprit du lecteur tant le champ lexical du corps est présent dans
ce passage. Ainsi, de manière poétique et subtile, Colette évoque deux femmes en train de
s’aimer. L’érotisme discret du texte apparaît lorsqu’elle se dit « toute moite, toute ivre d’un
plaisir sans nom parmi les hommes » (l. 13-14) . Certes ce passage est censé décrire son bonheur
de la journée, à l’image d’un animal heureux et innocent, mais « le plaisir sans nom parmi les
hommes » (l. 14) pourrait aussi se lire comme une périphrase pour désigner les amours
lesbiennes.
Le dernier texte (texte 13) convoque encore une fois tous les sens aux aguets de Colette,
capteurs fins et subtils de la beauté du monde qu’elle parvient à retranscrire dans de belles
images et synesthésies : « roche tiède » (l. 4), « branche odorante et basse du pin argenté » (l.
4-5), « la fraise blanche qui sent la fourmi écrasée » (l. 5-6), « l’odeur orientale et comestible de
mille roses, vineuses, mûres » (l. 6-7), « Son esprit […] se caresse au velours des géraniums, à
la cerise vernie et s’enroule à la couleuvre poudrée » (l. 10-12).
« s’enroule à la couleuvre poudrée » (l. 11-12) comme s’il était lui-même devenu serpent
comme le suggère le choix du verbe.
Le bonheur de Colette est profondément lié à l’amour de la nature qu’elle a hérité de sa mère,
Sido.
5. Faites une recherche sur le Carpe diem et expliquez en quoi le texte 13 en est une
illustration.
Carpe diem est une devise latine, signifiant littéralement « Cueille le jour », ce qui est une
métaphore pour signifier qu’il faut profiter de tous les instants de la vie et les savourer. Cette
devise a été formulée par le poète latin Horace au Ier siècle. Elle immortalise la pensée du
philosophe grec Épicure, dont la philosophie, l’épicurisme, est donc une invitation à jouir des
plaisirs de l’existence. Colette, par son approche sensuelle du monde et sa célébration des
moindres instants de l’existence, peut être qualifiée d’épicurienne. Dans le texte 13, on la
découvre songeuse en train de cueillir en imagination les fraises de son enfance, mais une
dernière métaphore méliorative nous dévoile que chaque instant est une petite graine qu’elle
savoure pleinement : « ses mains pendantes, qui semblent vides, possèdent et égrènent tous
les instants de ce beau jour lent et pur » (l. 13-14).
B. Écrit d’appropriation
Imaginer une interview fictive avec Colette.
On pourrait par exemple formuler des questions sur :
– l’enfance de Colette ;
– sur sa famille ;
– sur sa vie sentimentale ;
– sur son lieu ou son animal préféré ;
– sur la condition des femmes ;
– sur le music-hall ;
– sur sa philosophie de vie.
Étape 5
Quelle place la musique et le chant occupent-ils dans la vie de Colette ?
Objectif
Comprendre le rôle de la littérature dans l’existence de Colette
Corpus
• Texte 14 Le remède à la mélancolie (Sido)
• Texte 15 Écrire pour survivre (Les Vrilles de la vigne, « Les Vrilles de la vigne »)
2. Quels sont les obstacles de la vie évoqués dans ces deux textes ?
– Dans le texte 14 sont évoqués les soucis financiers : le fermier Laroche qui ne paye pas son
fermage met en difficulté la famille de Colette. Le champ lexical de l’argent met en évidence
cette réalité matérielle : « payer son fermage » (l. 16), « sept pour cent d’intérêts pour six mois »
(l. 17), « une somme indispensable » (l. 17).
– Dans le texte 15, les obstacles de la vie sont abordés plus métaphoriquement avec l’image
des vrilles de la vigne qui emprisonnent le rossignol, un oiseau au chant magnifique et qui
traditionnellement est associé à l’amour. Colette décrit de manière très péjorative ces vignes
comme une prison dont elle a réussi à s’échapper : « le premier chant naïf et effrayé du
rossignol pris aux vrilles de la vigne » (l. 7-8), « Cassantes, tenaces, les vrilles d’une vigne
amère m’avaient liée » (l. 10), « Mais j’ai rompu d’un sursaut effrayé, tous ces fils tors » (l. 11-
12), « le printemps menteur où fleurit la vigne crochue » (l. 17). Il s’agit d’une allégorie qui
représente ses déboires sentimentaux, sa souffrance de jeune fille naïve, enfermée dans un
mariage décevant, trompée par un mari volage.
3. Comment Colette met-elle en valeur la musique et le chant dans ces deux textes ?
Le chant est au cœur de l’existence de Colette : il est sa réponse à la tristesse et à la souffrance,
sa façon de les détourner et de les sublimer. Dans Sido (texte 14), elle explique qu’elle siffle dès
qu’elle est triste et qu’elle scande les pulsations de la fièvre (l. 3-4). Les Vrilles de la vigne
prennent pour titre le titre du premier récit, qui met en scène un rossignol, évidente allégorie
de Colette qui chante sa douleur. Le champ lexical de la chanson et de la musique est mis en
valeur par un lexique mélioratif et par des procédés de répétition. Le verbe « chanter » revient
quatre fois, relayé également par sa forme nominale « le premier chant naïf » (l. 7) : « chanter »
(l. 1), « il chante pour chanter » (l. 4), « il chante de si belles choses » (l. 4). Colette décrit aussi
les notes de musique : « une note éteinte… » (l. 3), « les notes d’or, les sons de flûte grave, les
trilles tremblés et cristallins » (l. 5-6). Dans cette dernière expression, le trille désigne le chant
d’un oiseau, mais constitue dans un effet de paranomase un rappel du mot « vrille ». Colette
désigne également la découverte de sa propre voix, qui lui a permis de se libérer. Elle passe
ainsi du cri au murmure apaisé : « les cris purs et vigoureux » (l. 6), « j’ai jeté tout haut une
plainte qui m’a révélé ma voix !... » (l. 14), « j’écoute le son de ma voix … » (l. 17), « je crie
fiévreusement ce qu’on a coutume de taire » (l. 18), « puis ma voix languit jusqu’au murmure »
(l. 18-19), « et mon cri qui s’exaltait redescend au verbiage modéré, à la volubilité de l’enfant »
(l. 22-23). La nuit elle-même devient « sonore » (l. 22) dans ce texte où les verbes « entendre » »
et « écouter » sont omniprésents.
Colette et son père assignent la même fonction au chant : se protéger du monde et se rassurer.
Ainsi, dans le texte 14, le Capitaine « allait précédé, protégé par son chant » (l. 12), « ce baryton
[…] pousse devant lui sa romance comme une blanche haleine d’hiver » (l. 20-21). Colette,
quant à elle, « parle haut pour se rassurer et s’étourdir » (texte 15, l. 24). Tout comme le
rossignol qui survit aux vrilles en chantant toute la nuit, Colette a survécu à son chagrin de
femme trompée en écrivant et en chantant sa vie, le plus souvent de manière lyrique, alliant
fantaisie et mélancolie. Le Capitaine se contentait de chanter les airs d’opéra connus de
l‘époque, Colette, elle, trouve ses propres mots pour se protéger de son chagrin, ce qui lui
permet chemin faisant de conquérir son indépendance financière et d’accomplir la vocation
ratée de son père : devenir écrivain.
NB : une version guidée pour l’élève, sans corrigé, est également proposée.
Colette publie en 1908 un recueil de récits intitulé Les Vrilles de la vigne, écrits souvent
intimistes qui reflètent sa vie agitée après l’échec de son mariage. En 1930, elle livre un récit
autobiographique, Sido, dans lequel elle se penche sur son enfance en rendant hommage à la
figure marquante de sa mère. Ces deux œuvres ont pour point commun d’exprimer une
célébration du monde qui prend sans doute sa source dans le rapport si particulier de sa mère
à la nature : « Toute présence végétale agissait sur elle comme un antidote ». Colette a bien
besoin aussi d’un antidote, c’est-à-dire d’un remède qui la soigne, qui la fortifie, qui la
réconforte, qui l’apaise. L’écriture semble jouer ce rôle. Mais comment la littérature peut-elle
agir comme un antidote ? Voyons d’abord comment Colette célèbre le monde dans ces deux
œuvres, pour ensuite comprendre quel antidote cela lui offre à elle, mais aussi aux lecteurs.
Dans Sido et Les Vrilles de la vigne Colette rend hommage à ce qui l’entoure. Elle préfère ne
retenir que les éléments positifs et ne pas se laisser envahir par des souvenirs négatifs. Cela
s’applique tout d’abord aux êtres qui constituent son monde, son univers. Cette vision du
monde s’exprime dans Sido, qui n’est rien moins qu’un chant d’amour dédié à sa mère. Colette
idéalise la figure maternelle : « je la chante de mon mieux » nous dit-elle. Dans la première
partie consacrée à cette mère, celle-ci est représentée comme une figure tutélaire, une déesse
au centre de son jardin. L’amour fou du père pour cette femme extraordinaire renforce la
célébration et même la dernière partie, consacrée aux frères et à la sœur, reste marquée par la
présence de Sido, puisque Colette explique qu’elle ne fait que reprendre « les récits
maternels ». Mais Colette souhaite aussi rendre hommage aux figures moins solaires, qui
pourraient passer pour des ratés, tels le père « mal connu, méconnu » ou les « Sauvages », ses
frères et sa sœur, dont elle loue le rapport unique à la nature et l’attitude libre. Elle idéalise
ainsi Léo, qui pour elle n’est pas un inadapté social mais « un sylphe de soixante-trois ans ».
Les Vrilles de la Vigne révèlent également cette célébration des êtres : Colette évoque avec
tendresse l’« héroïsme de poupée » de son amie Valentine (« De quoi est-ce qu’on a l’air ? »).
Mais Colette aime tous les êtres vivants et en particulier les animaux. Cet amour est perceptible
dans la description si précise du comportement de Nonoche – sa chatte – et dans les dispositifs
narratifs qui consistent à mettre les animaux au premier plan en leur donnant la
parole : « Dialogue de bêtes », « Toby-chien parle »… Ainsi elle ne cesse, dans un va-et-vient
permanent, de personnifier les animaux et d’animaliser les humains.
Colette vit à Paris, mais « ses yeux de l‘âme » sont tournés vers sa province natale et vers
la nature. Sido propose de merveilleuses descriptions du jardin de la mère, s’inscrivant dans
la pure tradition du locus amoenus dont Virgile, dans Les Bucoliques, pose les principales
caractéristiques : un lieu refuge, tranquille, beau et agréable. Les apostrophes lyriques ne
manquent pas pour louer la beauté tranquille des jardins de l’enfance : « Oh ! aimable vie
policée de nos jardins ». L’évocation des fleurs colorées telles le « le géranium écarlate et la
hampe enflammée des digitales » (Sido) marque l’esprit du lecteur. La tonalité lyrique et
poétique est encore plus enflammée dans Les Vrilles de la vigne lorsque Colette célèbre la forêt
de son enfance « toute pareille au paradis » et déclare qu’« elle a vécu dans un pays de
merveilles, où la saveur enivre » (« Jour gris »). Dans « Printemps de la Riviera », elle fait une
magnifique et sensuelle déclaration d’amour à ce pays que son « âme forestière » aime.
Toutefois, elle évoque très clairement le caractère fantasmé et idéalisé de tout cela en finissant
par dire à son interlocutrice Missy, et par ricochet aux lecteurs : « ne le crois pas ! ». Ainsi elle
avoue explicitement être dans un processus de célébration, c’est-à-dire un hommage qui
transforme et métamorphose les paysages de son enfance pour les rendre plus beaux.
Mais Colette ne se contente pas de célébrer les vivants et la nature. Chaque instant de sa
vie, même le plus banal et le plus quotidien, est prétexte à une célébration. Elle se souvient
sans doute des injonctions de sa mère qui l’invitait à voir, à regarder le monde et à s’en
émerveiller. L’anecdote du petit merle qui mange les cerises en est l’incarnation : « Chut !...
Regarde… » lui enjoignait sa mère. Colette a retenu cette invitation à regarder et à écouter le
monde qui l’entoure. Elle dédie d’ailleurs initialement Les Vrilles de la vigne à son contemporain
Jules Renard ; or celui-ci se présente dans ses Histoires naturelles comme « un chasseur
d’images », quelqu’un qui capte et cherche à garder une trace du monde. À son instar, tous les
sens de Colette sont donc en éveil, prêts à saisir la beauté du monde et à la restituer dans une
écriture poétique qui sublime et métamorphose le quotidien. Que cela soit « l’harmonie
modeste de la bouilloire, grillonne tapie dans les cendres ardentes, petite sorcière ventrue,
bienveillante » (« Toby-Chien et la musique ») ou encore le plaisir de marcher pied nu sur une
terrasse en vacances : « mon pied nu tâte amoureusement la pierre chaude de la terrasse »
(« En marge d’une plage blanche II »). Savoir capter la sensualité du monde par le pouvoir de
l’écriture est sans doute un bon remède contre la morosité.
Cette célébration, dont nous venons de définir les principales caractéristiques, témoigne
d’un regard généreux sur le monde et fonctionne sans doute comme un antidote sur Colette.
Ainsi elle peut mettre à distance les éléments douloureux de son existence. Les Vrilles de la vigne
constituent un ensemble de récits écrits principalement en 1908. Colette a trente-cinq ans et vit
un changement d’existence radical : son mariage est un échec, son mari Willy la trompe,
l’exploite et lui fait perdre une bonne partie de ses illusions sur l’amour. Même si le divorce
n’est pas encore prononcé, ils vivent séparés et Colette doit subvenir à ses besoins.
L’autofiction est le moyen de mettre à distance cette période douloureuse. Elle évoque avec
une douce ironie son déclassement social à travers les conversations fictionnelles avec une
amie imaginaire, Valentine, qui incarne les convenances sociales afin d’affirmer sa propre
liberté conquise dans cette période difficile. Mais le lecteur comprend également en creux le
mépris de la bonne société pour cette femme qui se donne en spectacle presque nue. Les
amours allégoriques de Nonoche (double animal de Colette), qui ne résiste pas à l’appel du
vieux Matou (représentation de Willy), sont des masques qui permettent de transposer de
manière humoristique ses propres amours. Le texte d’ouverture « Les Vrilles de la vigne »
évoque un rossignol qui a failli mourir, prisonnier des vrilles. Ce conte donne véritablement
la clé de l’œuvre : l’oiseau a survécu car il a chanté toute la nuit. Comme lui, Colette survit aux
épreuves car elle a sublimé, dompté sa souffrance en la transformant en matériau littéraire.
Son cri est devenu un « verbiage modéré » comparé à « la volubilité d’un enfant qui parle haut
pour se rassurer et s’étourdir ». L’écriture devient véritablement l’antidote qui permet de
surmonter la souffrance personnelle. Dans « Amours », texte rajouté aux Vrilles de la vigne en
1933, elle commence le récit par une brève phrase très symbolique qui peut aussi se lire comme
un bilan : « Le rouge-gorge triompha ». On peut y voir là un éloge du chant de ce petit oiseau
qui triomphe de tous les obstacles.
Sido, publié en 1930, est une œuvre de la maturité, qui agit comme un baume sur une
Colette âgée de 57 ans et qui souhaite retrouver les êtres disparus. Elle exprime le désir
commun « à tous ceux qui vieillissent » de posséder « les secrets d’un être à jamais dissous »
(« Les Sauvages »). Elle ne se contente pas d’une approche élégiaque, elle fait revivre les êtres
aimés grâce à la puissance évocatrice de petits récits remplis d’anecdotes. Le style incisif,
entrecoupé de nombreux discours directs, fait revivre les jeux sauvages et les chansons des
enfants. Le chapitre consacré à Sido commence in medias res en faisant entendre sa voix et
permet de découvrir le caractère affirmé de cette mère charismatique : « Et pourquoi cesserai-
je d’être de mon village ? ». Les anecdotes ne manquent pas pour célébrer les « prodiges
familiers » qui émaillent l’existence de cette mère singulière, comme l’épisode de la victoria
envahie par des grenouilles après une pluie diluvienne. À la fin du chapitre, Colette nous dit
qu’elle a vu sa mère en 1928 dans son jardin, comme si l’écriture et le travail de remémoration
qu’elle exige avait permis de ressusciter Sido. Colette fait également revivre son père en
écrivant. Sa vocation d’écrivaine semble être l’accomplissement du projet paternel raté. Elle a
choisi comme pseudonyme le nom du père, celui qui aurait voulu être écrivain. Elle rappelle
avec émotion les carnets vierges retrouvés dans la bibliothèque. En écrivant, elle s’inscrit dans
le sillage du « lyrisme paternel », dont son écriture porte la trace.
Mais surtout Colette cherche un antidote à la nostalgie qui la guette devant le passage du
temps. Elle a hérité de la nature mélancolique de son père, mais celui-ci avait trouvé un
remède : il « allait précédé, protégé par son chant. ». À son instar, Colette semble avancer dans
l’existence protégée par ses œuvres. Dans Les Vrilles de la vigne, on la découvre souvent penchée
mélancoliquement sur ses souvenirs. Missy, dans « Jour gris » ou « Le Dernier Feu », s’étonne
de la sentir parfois si absente et lointaine. Toby-Le Chien dit qu’« elle se délecte d’une tristesse
et d’une solitude plus savoureuse que le bonheur ». Mais Colette explique qu’elle crée « ce qui
lui manque et s’en repaît » (« Le Dernier Feu »). Elle est une créatrice qui parvient à recréer par
les mots le monde de son enfance. L’écriture est donc le remède absolu à sa mélancolie et elle
célèbre les pouvoirs de l’enchantement littéraire : « enchantée encore de mon rêve, je m’étonne
d’avoir changé, d’avoir vieilli pendant que je rêvais… » (« Rêverie de nouvel an »). Elle relate
également l’expérience magique qui lui permet de retrouver son enfance grâce au parfum des
violettes, véritable « philtre qui abolit les années » (« Le Dernier Feu »). Proust évoque cette
même expérience de la mémoire affective avec l’épisode de la madeleine qui le replonge dans
son enfance à Combray. En célébrant le monde grâce au pouvoir magique de la littérature,
Colette a trouvé un remède personnel pour surmonter ses épreuves, le chagrin face à la perte
des êtres aimés et aussi la mélancolie profonde qui est la sienne. Mais cet antidote est aussi
offert aux lecteurs.
En effet, cette célébration du monde agit également sur les lecteurs. Ils peuvent y trouver
un plaisir esthétique lors de la lecture de ces textes souvent poétiques et lyriques. Le regard de
Colette enchante le réel dans des images surprenantes et produit une prose musicale qui
charme les lecteurs. Les trois textes dédiés à Missy, la femme aimée, s’apparentent à de
véritables poèmes en prose par leur rythmique et leur dimension incantatoire. Dans « Nuit
blanche », les anaphores « tu m’as donné » célèbrent ainsi les dons de la femme aimée dans un
chant digne du Cantique des cantiques. Très poétiquement, Colette parvient à transformer le
réel : elle évoque « le chant bondissant des frelons fourrés de velours » dans une synesthésie
qui sollicite les sens du lecteur, l’expression très imagée et musicale charme le lecteur par son
originalité. Les points de suspension et les tirets si caractéristiques de son écriture sont une
invitation à la rêverie, à l’évasion : « – Fleurs impérissables effeuillées en pétales de nacre rose,
ô coquillages… » (« Jour gris »). Le lecteur est ainsi invité à poursuivre cette énumération
poétique et à se remémorer la beauté des moments vécus.
Mais Colette offre davantage encore à ses lecteurs : elle partage avec eux un art de vivre,
un art d’être au monde, visible dans son appréhension sensuelle de la vie : « un de mes grands
plaisirs, c’est la découverte […]. J’écoute, mais surtout je regarde ». Colette a soixante ans
lorsqu’elle écrit ces mots, mais on a l’impression qu’elle est encore la petite fille qui se levait
tôt pour embrasser l’aube d’été : « c’est sur ce chemin, c’est à cette heure que je prenais
conscience de mon prix, d’un état de grâce indicible et de ma connivence avec le premier
souffle accouru, le premier oiseau, le soleil encore ovale, déformé par son éclosion… » (Sido).
Cette connivence avec le monde est pour elle la clé du bonheur. Albert Camus la rejoint dans
son recueil Noces où il décrit cette « science de vivre » en communion avec le monde. Pour lui,
il s’agit des bords de la Méditerranée à Tipasa. Cette manière d’envisager l’existence
s’apparente à une philosophie qui permet d’aborder sereinement l’approche de la mort :
« d’une danse involontaire et chaque jour ralentie, je saluerai la lumière qui me fit belle et qui
me vit aimée ». Ainsi Colette partage avec son lecteur l’antidote suprême face à l‘angoisse de
la mort : saluer le monde, le célébrer est le suprême apaisement face aux angoisses
existentielles.
Mais ces deux œuvres célèbrent également le monde par une approche fantaisiste et
divertissante. Colette n’hésite pas à se mettre en scène de manière comique et décalée. Elle
rapporte dans Sido les propos de sa mère qui se moque de son arrogance parisienne : « Te voilà
comme un pou sur ses pieds de derrière parce que tu as épousé un Parisien ». Les aventures
croustillantes de madame Loquette (anagramme comique de Colette) nous sont également
racontées dans « Music-halls ». Elle est amenée progressivement par son patron à dévoiler sur
scène un sein : « Lâchez un sein ! crie-t-il ». Elle n’hésite pas également à se moquer de son
exaltation décrite dans les conversations de Kiki-la-doucette et Toby-chien qui s’étonnent de
cette maîtresse fantasque, qui désire surtout jouir de l’existence : « je veux…, je veux… Je veux
faire ce que je veux… ! » (« Toby-Chien parle »). La diversité des formes littéraires présentes
dans ces deux œuvres est l’illustration de cette liberté. Les Vrilles de la vigne commencent ainsi
par des textes assez intimistes pour dilater un peu plus l’espace avec des chroniques au ton
journalistique qui relatent des vacances en baie de Somme : les enfants jouent, les pécheurs
sont au café… Elle n’hésite d’ailleurs pas, dans un mouvement complice, à apostropher son
lecteur de manière comique : « « Ô lecteur vicieux, qui espérez une anecdote dans le goût
grivois et suranné, détrompez-vous » (« En marge d’une plage blanche I »). Ces instants saisis
sur le vif et offerts au lecteur témoignent de cette capacité à s’ouvrir sur le monde et à en saisir
toute la diversité et le dynamisme.
Colette, en célébrant le monde dans ses récits fantaisistes et plein d’anecdotes, transfigure
son existence et maîtrise ainsi sa souffrance intime. Ses textes poétiques charment également
le lecteur, invité à capter la beauté du monde. La littérature devient alors un véritable antidote
à la mélancolie et aux épreuves du réel. Toutefois, certains pourraient reprocher à Colette de
fuir les réalités sociales et historiques. La littérature engagée ne serait-elle pas plus à même de
jouer ce rôle d’antidote ?
► Analyse du sujet
• La célébration = éloge, enthousiasme face au monde.
• L’adjectif « naïf » : vient de nativus qui signifie « naturel », du verbe latin nasci (« naître »).
Cela signifie, dans un sens premier, que l’on est proche de l’origine du monde, où la vie est
simple, naturelle. Par extension, l’adjectif désigne quelqu’un d’innocent, de pur, mais un peu
plus négativement quelqu’un de trop crédule et confiant.
• Le présupposé de la célébration est-il l’ignorance d’une partie du monde, des problèmes
sociaux, de la diversité du monde ?
• Peut-on célébrer le monde en étant lucide et en acceptant toute sa diversité ?
► Connaissances attendues
• Des connaissances sur les deux œuvres au programme.
• Des textes du parcours associé pour confirmer que la célébration du monde n’est
pas une ignorance du monde, mais un art de vivre.
► Introduction
[Amorce] Colette publie en 1908 un recueil de récits intitulé Les Vrilles de la vigne, écrits
souvent intimistes qui reflètent sa vie agitée après l’échec de son mariage ; elle a alors
35 ans. En 1930, âgée de 57 ans, elle livre un récit autobiographique, Sido, dans lequel
elle se penche sur son enfance en rendant hommage à la figure marquante de sa mère.
Ces deux œuvres ont pour point commun d’exprimer une célébration du monde à
travers le regard d’une femme qui a vécu. [Sujet et problématique] Peut-on alors
vraiment considérer que ces deux œuvres proposent une célébration naïve du monde ?
[Analyse du sujet] L’adjectif « naïf » laisse supposer une forme de crédulité et
d’aveuglement sur le monde. [Annonce du plan] Nous tenterons d’abord de
comprendre pourquoi la célébration du monde peut paraître naïve dans Les Vrilles de
la vigne et dans Sido, avant de découvrir les nombreux aspects qui dévoilent une
connaissance lucide et subtile du monde, pour enfin saisir comment Colette nous
propose un art d’écrire qui permet de se protéger et de mieux vivre.
3. L’enfance retrouvée
– Enfin, les évocations du pays natal permettent à Colette de faire revivre son passé, d’abolir
le passage du temps. Dans « Le Dernier Feu », elle décrit les violettes magiques de son enfance
comme un « véritable filtre qui abolit le temps ».
– Sido commence d’ailleurs en faisant résonner la voix de sa mère. L’écriture la fait renaître.
► Conclusion
[Bilan] Colette choisit de célébrer le monde de manière lyrique. Elle chante le monde,
la nature, les êtres... Mais cette célébration n’est pas naïve, elle est tout au contraire
l’attitude d’une femme expérimentée, mais aussi mélancolique qui a réussi à capter la
beauté du monde pour mieux vivre. Elle ne se détourne pas pour autant des réalités :
la solitude, le passage du temps, les désillusions amoureuses, la condition des femmes
sont subtilement évoquées dans des dispositifs narratifs divers. Colette n’est donc pas
naïve ; bien au contraire, elle maquille ce réel qu’elle connaît trop bien, non pour
tromper son lecteur mais pour lui rendre la vie plus belle. [Ouverture] Tout comme
Albert Camus, elle veut transmettre aux lecteurs cette « difficile science de vivre » qui
consiste à savoir apprécier le monde.