Vous êtes sur la page 1sur 434

ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES

MINES DE PARIS

THESE

présentée par

Jean Paul POLVORA

pour obtenir le titre de

DOCTEUR

de l'Ecole Nationale Supérieure des Mines de Paris


en Sciences et Génie de Matériaux

PROPAGATION DE FISSURE A HAUTE TEMPERATURE


DANS UN ACIER INOXYDABLE AUSTENITIQUE

Soutenue à Paris le 4 Février 1998

JURY

MM. A. PINEAU (Ecole des Mines de Paris) Président


J. MENDEZ (ENSMA Poitiers) Rapporteur
P. DELOBELLE (Université de Besançon) Rapporteur
L. LAIARINANDRASANA(Ecole des Mines de Paris) Examinateur
B. MARTELET (EDF/SEPTEN-Villeurbanne) Examinateur
D. MOULIN (CEA/DRN/DMT/SEMT/RDMS-Saclay) Examinateur
R. PIQUES (Ecole des Mines de Paris) Examinateur

Directeur de thèse : R. PIQUES (Ecole des Mines de Paris)


RAPPORT CEA-R-5802 - POLVORA Jean-Paul

"PROPAGATION DE FISSURE A HAUTE TEMPERATURE DANS UN ACIER


INOXYDABLE AUSTENITIQUE "

Sommaire - Cette étude porte sur la propagation de fissure à 650°C dans un acier inoxydable
austénitique de nuance Z2 CND 17-12 (316L(N)). Elle est basée sur un travail expérimental qui
s'articule autour de deux geometries d'éprouvette fissurée. Tout d'abord, des éprouvettes de type CT
sollicitées à 650°C en fatigue, fluage, fatigue-fluage en force imposée (27 essais). Ensuite, des tubes
fissurés avec entaille circonférentielle interne sur un banc de flexion 4 points sollicités à déplacement
imposé (10 essais)

En utilisant les outils de la mécanique de la rupture (paramètres K, J, C*), il s'agit ici de rechercher une
méthodologie de calcul permettant de prévoir l'évolution d'une fissure au cours du temps, et ce, pour
chaque sollicitation dans le cadre d'une approche globale de la propagation. Une instrumentation
spécifique sur chaque type d'éprouvette permet de suivre l'avancée du défaut au cours du temps par une
méthode de potentiel.

Les observations microscopiques (fractographies). sur éprouvettes CT et sur les Tubes, ont permis
d'identifier des faciès de rupture transgranulaire ou mixte (partiellement intergranulaire) en fatigue et
essentiellement intergranulaire en fatigue-fluage et fluage.

En fatigue continue, la loi de Paris du matériau à 650°C relie la vitesse de fissuration à la variation du
facteur d'intensité des contraintes qui peut être corrigée d'un facteur U(R) de façon à prendre en compte
les effets de fermeture en pointe de fissure et du rapport de chargement R. En fluage pur sur éprouvette
CT, la vitesse de propagation suit une corrélation qui la lie à l'évolution du paramètre C* (évalué
expérimentalement) qui peut être estimé, de façon satisfaisante, numériquement par éléments finis et
analytiquement à partir d'une méthode simplifiée utilisant la notion de contrainte de référence.

Les essais de fatigue-fluage avec temps de maintien compris entre l/2h et 48h ont mis en évidence une
accélération sur la vitesse de fissuration par rapport à la loi de Paris obtenue en fatigue continue. Pour
les faibles temps de maintien (Tm=0.5h), la vitesse de fissuration est légèrement supérieure à celle
obtenue en fatigue continue (environ 50%). La courbe résultante reste globalement parallèle à la loi de
Paris. Pour Tm. >5h, le comportement en propagation est semblable à celui observé en fluage pur. Après
une valeur initiale élevée, la vitesse diminue puis augmente à nouveau et suit une pente globalement plus
raide que la loi de Paris du matériau. Ces effets, associés aux observations microscopiques, traduisent
l'influence des mécanismes de déformation et de la loi de comportement de fluage sur la cinétique de
fissuration.

La modélisation des ces essais à partir d'un modèle de sommation des vitesses de fatigue et de fluage
fournit des résultats satisfaisants quand le paramètre C* est évalué à partir de l'estimation simplifiée
C*s. Pour cela, l'évolution de l'endommagement de fluage au cours de l'essai doit être prise en compte
dans le calcul des paramètres et dans leur intégration.

Dans le cas des tubes sollicités en flexion 4 points, la simulation selon la procédure actuelle du guide
A16 proposé par le CEA (avec réinitialisation du fluage à chaque cycle) surestime fortement la
propagation. L'utilisation d'un paramètre C*s(t). pour lequel on utilise une relaxation de contrainte
ajustée sur l'expérience, et son intégration (sans réinitialisation), donne les résultats les plus
satisfaisants.

1998 - Commissariat à l'Energie Atomique - Fiance


RAPPORT CEA-R-5802 - POLVORA Jean-Paul

" CRACK GROWTH IN AN AUSTENITIC STAINLESS STEEL AT HIGH


TEMPERATURE"

Summary - This study deals with crack propagation at 650°C on an austenitic stainless steel referenced
by Z2 CND 17-12 (316L(N)). It is based on an experimental work concerning two different cracked
specimens: CT specimens tested at 650°C in fatigue, creep and creep-fatigue with load controlled
conditions (27 tests), tube specimens containing an internal circonferential crack tested in four points
bending with displacement controlled conditions (10 tests).

Using the fracture mechanics tools (K, J and C* parameters), the purpose here is to construct a
methodology of calculation in order to predict the evolution of a crack with time for each loading
condition using a fracture mechanics global approach. For both specimen types, crack growth is
monitored by using a specific potential drop technique.

Microstructural observations (S.E.M), on CT and tube specimens, have revealed transgranular or mixed
(partially intergranular) cracking mechanisms in fatigue and essentially intergranular cracking
mechanisms in creep and creep-fatigue.

In continuous fatigue, a material Paris law at 650°C is used to correlate crack growth rate with the
stress intensity factor range corrected with a factor U(R) in order to take into account the effects of
crack closure and loading ratio R. In pure creep on CT specimens, crack growth rate is correlated to the
evolution of the C* parameter (evaluated experimentally) which can be estimated numerically with FEM
calculations and analytically by using a simplified method based on a reference stress approach.

Creep-fatigue tests with hold times ranging from l/2h to 48h have revealed an acceleration in
comparison with the Paris law obtained in continuous fatigue. For the short hold times (Th=0.5h), crack
growth rates slightly increase in comparison with pure fatigue data (about 50%). The curve remains
almost parallel to the Paris Law. Secondly, for T h ^5h, the crack growth rate behaviours are similar to
those obtained in pure creep. After an initial high value, crack growth rate starts to decrease, reaches a
minimum and increases again with a slope steeper than the Paris law. These effects, associated with the
SEM observations, are the result of the deformation mechanisms and the creep material law influence
upon the crack growth kinetic.

A modelling of creep fatigue growth rate is obtained from a simple summation of the fatigue
contribution (cycle dependent) and the creep contribution (time dependant) to the total crack growth.
Good results are obtained when C* parameter is evaluated from the simplified expression C*s. In this
case, creep damage history during the test has to be taken into account in parameter calculation and
integration with time.

Concerning the tube specimens tested in 4 point bending conditions, a simulation based on the actual
A16 French guide procedure proposed at CEA (with creep re-initialisation for each cycle) strongly
overestimates crack propagation. The choice of the C*s(t)parameter, for which a stress relaxation fitted
to the experiment is used, and its integration (without re-initialisation), appears to give the best results.

1998 - Commissariat à l'Energie Atomique - France


- Rapport CEA-R-5802-

CEA Saclay
Direction des Réacteurs Nucléaires
Département de Mécanique et de Technologie
Service d'Études Mécaniques et Thermiques

PROPAGATION DE FISSURE A HAUTE TEMPÉRATURE


DANS UN ACIER INOXYDABLE AUSTENITIQUE.

par

Jean-Paul POLVORA

- Mai 1998-
REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer ma profonde gratitude au Professeur A. Pineau pour l'honneur qu'il


m'a fait en présidant mon jury de thèse et pour l'intérêt qu'il a porté à mon travail. Je
remercie également vivement tous les autres membres du jury : J. Mendez et P. Delobelle,
rapporteurs, B. Martelet, D. Moulin, R. Piques et L. Laiarinandrasana, examinateurs.

Ce travail de thèse a été suivi et dirigé par Roland Piques du centre de Matériaux de
l'Ecole des Mines de Paris. Je tiens à le remercier sincèrement, pour la confiance qu'il m'a
accordée, dés l'année de DE A et jusqu'au bout de ces trois années, et pour ses qualités
humaines et pédagogiques. Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Lucien
Laiarinandrasana, mon prédécesseur, pour sa sympathie, son soutien et son aide qui m'a
souvent été précieuse.

Pour ces trois années et demi passées au laboratoire RDMS du CEA Saclay j'adresse mes
remerciements, tout d'abord à Didier Moulin, chef de laboratoire, pour son accueil, pour
la confiance qu'il m'a accordée et d'une façon générale pour les moyens considérables,
expérimentaux, numériques et logistiques dont j'ai pu bénéficier pour mener à bien cette
étude. Ma gratitude s'adresse également à Bernard Drubay, qui a suivi mon travail au
cours de ces trois années, pour ses qualités humaines, sa disponibilité et son dynamisme.
En m'intégrant au sein de son équipe, il a su m'impliquer pleinement dans la vie et les
objectifs scientifiques du laboratoire, aussi je l'en remercie. Et puis je pense à tous ceux du
RDMS avec qui j'ai fait un bout de chemin : S. Chapuliot, F. Curtit, M.H. Lacire-Papin,
C. Simon, C. Pousssard, G. Marsin, C. Sainte-Catherine, N. Seguin, H. Gouin, R. Vilhès,
G. Clément, S. Marie, T. Yuritzin et les autres .... Je les remercie vivement pour la
sympathie qu 'ils m'ont témoignée et leur bonne humeur générale.

Je remercie EDF/SEPTEN qui a cofinancé la thèse et son représentant Bertrand Martelet


pour l'intérêt qu 'il a porté à mon travail et sa sympathie.

Evidemment, je ne pourrai jamais assez remercier ceux sans qui rien n 'aurait été possible,
mes parents. Pour le soutien affectif qu 'ils m'ont apporté tout au long de mon parcours et
pour la fierté qu'ils ont toujours eue dans tout ce que j'ai entrepris, je les remercie.

Enfin, je ne peux oublier de remercier ma compagne Véronique, pour sa patience, sa


gentillesse et son soutien, et pour m'avoir fait une superbe petite Pauline qui a eu la bonté
d'âme de ne pas trop pleurer dans les derniers mois un peu nerveux de la rédaction.
This page is intentionally left blank.
RESUME

Cette étude porte sur la propagation de fissure à 650 °C dans un acier inoxydable
austénitique de nuance Z2 CND 17-12 (316L(N)). Elle est basée sur travail un expérimental
qui s'articule autour de deux geometries d'éprouvette fissurée. Tout d'abord, des
éprouvettes de type CT sollicitées à 650°C en fatigue, fluage, fatigue-fluage en force
imposée (27 essais). Ensuite, des tubes fissurés avec entaille circonférentielle interne sur un
banc de flexion 4 points sollicités à déplacement imposé (10 essais). En utilisant les outils
de la mécanique de la rupture (paramètres K, J et C*), il s'agit ici de rechercher une
méthodologie de calcul permettant de prévoir l'évolution d'une fissure pour chaque
sollicitation dans le cadre d'une approche globale de la propagation. Une instrumentation
spécifique sur chaque type d'éprouvette permet de suivre l'avancée du défaut au cours du
temps par une méthode de potentiel. Les observations microscopiques (fractographies), sur
éprouvettes CT et sur les Tubes, ont permis d'identifier des faciès de rupture
transgranulaire ou mixte (partiellement intergranulaire) en fatigue et essentiellement
intergranulaire en fatigue-fluage et fluage.

En fatigue continue, la loi de Paris du matériau à 650°C relie la vitesse de fissuration à la


variation du facteur d'intensité des contraintes qui peut être corrigée d'un facteur U(R) de
façon à prendre en compte les effets de fermeture en pointe de fissure et du rapport de
chargement R. En fluage pur sur éprouvette CT, la vitesse propagation suit une corrélation
qui la lie à l'évolution du paramètre C* (évalué expérimentalement) qui peut être estimé, de
façon satisfaisante, numériquement par éléments finis et analytiquement à partir d'une
méthode simplifiée utilisant la notion de contrainte de référence. Les essais de fatigue-
fluage avec temps de maintien compris entre l/2h et 48h ont mis en évidence une
accélération sur la vitesse de fissuration par rapport à la loi de Paris obtenus en fatigue
continue. Pour les faibles temps de maintien (T m =0.5h), la vitesse de fissuration est
légèrement supérieure a celles obtenues en fatigue continue (environ 50%). La courbe
résultante reste globalement parallèle à la loi de Paris. Pour Tm. >5h, le comportement en
propagation est semblable à celui observé en fluage pur. Après une valeur initiale élevée, la
vitesse diminue puis augmente à nouveau et suit une pente globalement plus raide que la loi
de Paris du matériau. Ces effets, associés aux observations microscopiques, traduisent
l'influence des mécanismes de déformation et de la loi de comportement de fluage sur la
cinétique de fissuration.

La modélisation des ces essais à partir d'un modèle de sommation des vitesses de fatigue et
de fluage fournit des résultats satisfaisants quand le paramètre C* est évalué à partir de
l'estimation simplifiée C*s- Pour cela, l'évolution de l'endommagement de fluage au cours
de l'essai doit être prise en compte dans le calcul des paramètres et dans leur intégration.
Dans le cas des tubes sollicités en flexion 4 points, la simulation selon la procédure actuelle
du guide Al6 proposé par le CEA (avec réinitialisation du fluage à chaque cycle) surestime
fortement la propagation. L'utilisation d'un paramètre C* s (0, pour lequel on utilise une
relaxation de contrainte ajustée sur l'expérience, et son intégration (sans réinitialisation),
donne les résultats les plus satisfaisants.

MOTS CLE

Acier inoxydable austénitique Approche globale


Propagation de fissure Méthode simplifiée
Fatigue-fluage Nocivité des défauts
Haute température Mécanique non linéaire de la rupture
This page is intentionally left blank.
ABSTRACT

This study deals with crack propagation at 650°C on an austenitic stainless steel referenced
by Z2 CND 17-12 (316L(N)). It is based on an experimental work concerning two different
cracked specimens: CT specimens tested at 650°C in fatigue, creep and creep-fatigue with
load controlled conditions (27 tests), tube specimens containing an internal circonferential
crack tested in four points bending with displacement controlled conditions (10 tests). Using
the fracture mechanics tools (K, J and C* parameters), the purpose here is to construct a
methodology of calculation in order to predict the evolution of a crack with time for each
loading condition using a fracture mechanics global approach. For both specimen types,
crack growth is monitored by using a specific potential drop technique. Microstructural
observations (S.E.M), on CT and tube specimens, have revealed transgranular or mixed
(partially intergranular) cracking mechanisms in fatigue and essentially intergranular
cracking mechanisms in creep and creep-fatigue.

In continuous fatigue, a material Paris law is at à 650°C is used to correlate crack growth
rate with the stress intensity factor range corrected with a factor U(R) in order to take into
account the effects of crack closure and loading ratio R. In pure creep on CT specimens,
crack growth rate is correlated to the evolution of the C* parameter (evaluated
experimentally) which can be estimated numerically with FEM calculations and analytically
by using a simplified method based on a reference stress approach. Creep-fatigue tests with
holdtimes ranging from l/2h to 48h have revealed an acceleration in comparison with the
Paris law obtained in continuous fatigue. For the short holdtimes (T h =0.5h), crack growth
rates slightly increase in comparison with pure fatigue data (about 50%). The curve remains
almost parallel to the Paris Law. Secondly, for Th. >5h, the crack growth rate behaviours
are similar to those obtained in pure creep. After an initial high value, crack growth rate
starts to decrease, reaches a minimum and increases again with a slope steeper than the
Paris law. These effects, associated with the SEM observations, are the result of the
deformation mechanisms and the creep material law influence upon the crack growth
kinetic.

A modelling of creep fatigue growth rate is obtained from a simple summation of the
fatigue contribution (cycle dependent) and the creep contribution (time dependant) to the
total crack growth. Good results are obtained when C* parameter is evaluated from the
simplified expression C*s. In this case, creep damage history during the test has to be taken
into account in parameter calculation and integration with time. Concerning the tube
specimens tested in 4 point bending conditions, a simulation based on the actual A16
French guide procedure proposed at CEA (with creep re-initialisation for each cycle)
strongly overestimates crack propagation. The choice of the C*s(t)parameter, for which a
stress relaxation fitted to the experiment is used, and its integration (without re-
initialisation), appears to give the best results.

KEY WORDS

Austenitic stainless steel Global approach


Crack propagation Simplified method
Creep-fatigue Integrity assessment
high temperature Non linear fracture mechanics

7
This page is intentionally left blank.
SOMMAIRE

1. INTRODUCTION 15

2. DESCRIPTION EXPÉRIMENTALE 21
2.1. LE MATÉRIAU 21
2.1.1. Désignation 21
2.1.2. Composition chimique 21
2.1.3. Les lois de comportement 22
2.2. EPROUVETTES ET INSTRUMENTATION 25
2.2.1. Les éprouvettes PROFIS 25
2.2.2. La machine d'essai Walter et Bai 27
2.2.3. La machine d'essai Mayes 28
2.2.4. L'instrumentation et l'acquisition 28
2.2.5. Principe de la mesure de l'avancée de fissure par la méthode de la ddp 28
2.2.6. Construction de la courbe de calibration Aa=f(Addp) 30
2.3. LES ESSAIS DE FLUAGE 31
2.4. LES ESSAIS DE FATIGUE CONTINUE 32
2.5. LES ESSAIS DE FATIGUE-FLUAGE 34
2.6. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES RÉSULTATS 36

3. LES MÉCANISMES DE FISSURATION ET LES OBSERVATIONS


MICROSCOPIQUES 39
3.1. LE MICRO-AMORÇAGE DES FISSURES DE FATIGUE 39
3.2. LA PROPAGATION EN FATIGUE : LE MÉCANISME DE GLISSEMENT ALTERNÉ 39
3 . 3 . LE FLUAGE ET LE MÉCANISME DE FISSURATION PAR CAVTTATION AUX JOINTS DE GRAINS40
3.3.1. La germination 41
3.3.2. La croissance 41
3.3.3. La coalescence 42
3.4. INTERACTION DES MÉCANISMES DE FATIGUE ET DE FLUAGE 43
3.5. LES OBSERVATIONS MICROSCOPIQUES AU M . E . B 44
3.5.1. Les essais de fatigue continue 44
3.5.2. Les essais de fluage 45
3.5.3. Les essais de fatigue-fluage 46
4. LES PARAMÈTRES DE LA MÉCANIQUE DE LA RUPTURE 49
4.1. SINGULARITÉ DES CONTRAINTES ET DES DÉFORMATIONS EN POINTE DE FISSURE 49
4.1.1. Elasticité linéaire 49
4.1.2. Elastoplasticité 50
4.1.3. Fluage 53
4.1.3.1. Définition de C* 53
4.1.3.2. Cas du fluage primaire 54
4.1.3.3. Cas plus général du fluage non stationnaire 55
4.2. LA CHARGE LIMITE ET LA CONTRAINTE DE RÉFÉRENCE 56
4.3. CALCUL DES PARAMÈTRES J, C * E T C * H 57
4.3.1. Evaluation de J et C* basée sur l'ouverture expérimentale 58
4.3.2. Estimations numériques de Kumar et Shih (code EPRI) 62
4.3.3. Les méthodes R5 et A16 63
4.3.4. Méthode EMP 68
4.4. UTILISATION DE CES PARAMÈTRES EN FATIGUE ET FATIGUE-FLU AGE 69
4.4.1. La propagation en fatigue 69
4.4.2. La propagation enfluage 69
4.4.3. La propagation en fatigue fluage 71
5. LES SIMULATIONS NUMÉRIQUES 75
5.1. LES CONDITIONS DE CALCUL 75
5.2. LA MISE EN CHARGE ÉLASTOPLASTIQUE 75
5.2.1. Simulation bidimensionnelle 75
5.2.2. Simulation tridimensionnelle 76
5.3. LA COURBE DE FLUAGE ô=F(t) 77
5.4. LE CALCUL DU PARAMÈTRE C* 78

6. INTERPRÉTATIONS 83
6.1. INTERPRÉTATION DES ESSAIS DE FATIGUE CONTINUE 83
6.1.1. Exploitation des essais 83
6.1.1.1. Préambule 83
6.1.1.2. Les essais cycliques et la validation du paramètre AK 84
6.1.2. Détermination de la loi de Paris PROFIS 85
6.1.2.1. Calcul prédictif en propagation : intégration de la loi de Paris 87
6.1.3. Comparaison avec les essais du programme AMORFIS 88
6.1.4. Le concept de fermeture 89
6.1.5. Prise en compte de l'effet de fermeture 91
6.1.5.1. Mesure expérimentale du niveau de fermeture 91
6.1.5.2. Etude de l'influence du rapport R 93
6.1.5.3. Conclusions sur la mesure de fermeture 96
6.1.6. Non linéarité sur les courbes da/dN=f(AK) 97
6.1.6.1. Préambule 97
6.1.6.2. Chargement limite de l'éprouvette CT en fatigue 97
6.1.6.3. Influence de l'écrouissage cyclique 98
6.1.7. Conclusions sur les essais de fatigue continue 100
6.2. INTERPRÉTATION DES ESSAIS DE FLUAGE 103
6.2.1. Exploitation des résultats 103
6.2.1.1. Préambule 103
6.2.2. Les courbes a(t) et S (t) 104
6.2.3. Détermination de l'amorçage 105
6.2.4. Discussion sur les contributions respectives de l'amorçage et de la propagation à
la durée de vie 106
6.2.5. Détermination de la Courbe maîtresse da/dt =f(C*) 107
6.2.6. Utilisation de la longueur de référence 109
6.2.7. Calcul de C* dans le cas de fissure qui se propage 111
6.2.8. Conclusions sur les essais de fluage 112
6.3. INTERPRÉTATION DES ESSAIS DE FATIGUE FLUAGE 115
6.3.1. Préambule 115
6.3.2. Exploitation des résultats expérimentaux 116
6.3.2.1. Les courbes a(N) et ô(N) 116
6.3.2.2. Les courbes da/dN=f(AK) et da/dt=f(C*) 117

10
6.3.2.3. Discussions 119
6.3.3. Modélisation de la propagation en fatigue-fluage 120
6.3.3.1. Loi de sommation des vitesses 120
6.3.3.2. Modélisation à partir d'une loi de cumul linéaire des dommages 127
6.3.3.3. Introduction d'une approche locale de la mécanique de la rupture en viscoplasticité. 131
6.3.3.4. Calcul de D c dans le cadre du programme PROFIS 133
6.3.3.5. Utilisation dans un modèle de propagation 135
6.3.4. Conclusions sur les essais de fatigue-fluage 135
7. APPLICATION AU CAS D'UN TUBE FISSURÉ SOLLICITÉ EN FLEXION 4
POINTS 139
7.1. DESCRIPTION EXPÉRIMENTALE 139
7.1.1. Le matériau 139
7.1.2. Les lois de comportement 140
7.1.3. Description de l'éprouvette Tube fissuré 140
7.1.4. Le dispositif d'essai TUBFIS 141
7.1.4.1. Le banc de flexion 4 points 141
7.1.4.2. Dispositif de chauffage 141
7.1.4.3. Instrumentation et acquisition 141
7.2. RÉSULTATS EXPÉRIMENTAUX 142
7.3. FRACTOGRAPHIE 144
7.3.1. Les essais de fatigue 145
7.3.2. Les essais de fatigue-relaxation 145
7 . 4 . DÉTERMINATION DE LA COURBE DE CALIBRATION 145
7.5. CALCULS PAR ÉLÉMENTS FINIS 147
7.5.1. Calcul des paramètres de la mécanique de la rupture (K, J) 147
7.5.1.1. Calcul élastique de K utilisant les éléments "Linespring" 147
7.5.1.2. Calcul élastoplastique sur maillage 3D massif 149
7.5.2. Comparaison avec les méthodes simplifiées 150
7.5.2.1. La méthode JSAi6 151
7.6. INTERPRÉTATION DES ESSAIS SUR TUBES 153
7.6.1. La courbe da/dN=f(AK) 153
7.6.2. Modélisation de la propagation 154
7.6.2.1. Utilisation des résultats obtenus sur éprouvette CT 154
7.6.2.2. Prise en compte de la relaxation 156
7.6.3. Les simulations de propagation 159
1.1. CONCLUSIONS SUR LES ESSAIS TUBFIS 160
8. CONCLUSIONS GÉNÉRALES ET PERSPECTIVES 165
+
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 153
FIGURES 162
ANNEXE 1 : Résultats expérimentaux sur éprouvettes CT 293
ANNEXE 2 : Résultats expérimentaux sur tubes fissurés TUBFIS 356
ANNEXE 3 : Les lois de comportement de l'acier TUBFIS 367
ANNEXE 4 Evaluation des contraintes nominales et des contraintes dans le ligament dans
l'éprouvette TUBFIS 390
ANNEXE 5 : Application de la procédure A16 en propagation sur un tube en flexion 4
points sollicité en fatigue relaxation 394

11
This page is intentionally left blank.
Chapitre 1 : Introduction

Chapitre 1 : Introduction

13
This page is intentionally left blank.
Chapitre 1 : Introduction

1. Introduction

Les problèmes d'amorçage et de propagation de fissures dans les composants métalliques


opérant à haute température font l'objet de nombreuses études et investigations depuis une
vingtaine d'années environ. On peut citer, par exemple, le cas des turbines à gaz ou à
vapeur, des générateurs de vapeur, de certains composants structuraux des réacteurs
nucléaires, des moteurs d'avions ou de fusées ou bien de certains équipements de l'industrie
chimique et pétrolière. Les matériaux utilisés dans ces composants sont généralement des
superalliages ou alliages d'aluminium et des aciers ferritiques ou austénitiques. L'acier
inoxydable austénitique de type 316 L(N) (ou Z2 CND 17-12) qui nous intéresse dans cette
étude, est très utilisé dans le cadre des réacteurs électronucléaires à neutrons rapides.

La sécurité et la fiabilité des installations nucléaires telles que celle du réacteur à neutrons
rapides Superphénix de Creys-Malville est un problème primordial. La cuve de ce réacteur,
constituée essentiellement d'acier inoxydable austénitique de type 316L (N), contient 3300
tonnes de sodium liquide, utilisé comme fluide caloporteur. Bien que la température de la
cuve principale ne dépasse rarement 400°C, certains des composants du réacteur baignent
dans le sodium liquide porté à 500-550°C. En cours de fonctionnement, ces composants
sont sujets à des maintiens à haute température qui peuvent occasionner des déformations
dues au fluage mais aussi à des transitoires thermiques (cycle arrêt-démarrage) qui peuvent
être assimilés à des sollicitations de fatigue plastique oligocyclique. Ces sollicitations
peuvent conduire à des phénomènes de fissuration à haute température caractérisés par
l'amorçage à partir de défauts pré-existants et la propagation de fissure qui, en cas de
propagation macroscopique, peuvent conduire à la ruine de la structure. La rupture dans de
tels composants sollicités à haute température résulte généralement d'une série complexe de
processus incluant l'endommagement de fatigue, l'endommagement de fluage, mais aussi,
dans certains cas, l'action d'environnements agressifs. Chacun de ces processus peut,
évidemment, agir de façon indépendante ou bien en interaction avec un autre.

A l'échelle du laboratoire, ces processus sont reproduits et simulés à partir d'essais


mécaniques spécifiques. Dans un premier temps, on cherche à établir les lois de
comportement du matériau (élasticité, plasticité, viscoplasticité) à partir de sollicitations
monotones ou cycliques. Ensuite, en s'aidant des outils de la mécanique linéaire et non
linéaire de la rupture, on étudie la fissuration dans des éprouvettes type de laboratoire
soumises à des sollicitations simples telles que la fatigue continue ou la fatigue avec
maintien de charge ou de déplacement pendant un temps Tm. Ces essais ont pour objet de
définir les critères de rupture mais aussi les lois d'évolution des défauts. L'étape finale de
cette procédure est, alors, la vérification et la validation des concepts utilisés, sur des
structures plus complexes, plus proches des composants réels. Evidemment, étant donné la
nature des phénomènes d'endommagement en jeu, les processus sont accélérés en
laboratoire. Les chargements ainsi que la température sont augmentés de façon à obtenir des
résultats dans un délai raisonnable.

De nombreuses études en France et dans le monde se sont intéressées à la fissuration à


haute température dans cet acier inoxydable austénitique. Au laboratoire des Règles de

15
Chapitre 1 : Introduction

Dimensionnement et de Mécanique Statique (RDMS) du CEA Saclay, des programmes


d'étude ont été lancés afin d'analyser les conditions d'amorçage sur éprouvette CT
(AMORFIS [1] ) et de propagation des fissures, sur CT (PROFIS), dans des tubes en
flexion quatre points (TUBFIS) et dans des plaques (PLAQFLU). Cette thèse s'inscrit dans
le cadre des programmes PROFIS et TUBFIS. Elle a pour objectif l'analyse et la
compréhension de la propagation de fissure à 650°C dans l'acier 316L(N) sous différentes
sollicitations : fatigue continue, fatigue-fluage et fluage.

Pour caractériser la nocivité des défauts à haute température dans ce matériau, nous faisons
le choix d'une approche globale de la mécanique de la rupture. Rappelons que ce type
d'approche privilégie l'utilisation de paramètres de chargement de la mécanique de la
rupture tels que K, J ou C*, pour décrire les grandeurs expérimentales comme le temps
nécessaire pour amorcer le défaut ou bien la vitesse de fissuration. A partir d'une approche
globale, il s'agit donc de définir et développer une méthodologie de calcul permettant de
prédire la propagation de défauts dans des éprouvettes normalisées de type CT (traction
compacte) mais aussi dans des tubes sollicités en flexion quatre points. Autant que possible,
nous essayons, dans ce type d'approche, de prendre en compte les mécanismes physiques
d'endommagement en jeu dans la définition, la validation et l'utilisation des paramètres et
des modèles introduits. Dans cet objectif, cette étude s'appuie sur une campagne
expérimentale, comportant environ 35 essais (sur CT et éprouvette TUBFIS), réalisée au
laboratoire RDMS en collaboration avec Electricité de France (EDF/SEPTEN) et l'Ecole
des Mines de Paris.

Les caractéristiques mécaniques et chimiques ainsi que les lois de comportement à 650°C
de cet acier sont présentées au chapitre 2. On décrit ensuite, les machines d'essais, les
éprouvettes CT et leur instrumentation. Le principe de la mesure de l'avancée de fissure est
détaillé et discuté. Les essais sont présentés par type de sollicitation ainsi que les
particularités opératoires.

Au chapitre 3, sont présentées des observations microscopiques sur les faciès de rupture
obtenus qui révèlent les mécanismes physiques de fissuration mis en jeu au cours de ces
essais à haute température. On s'attache à décrire le mode de fissuration propre à
l'endommagement de fatigue ainsi qu'à l'endommagement de fluage. La mise en évidence
de la prédominance d'un de ces modes au cours des essais de fatigue-fluage nous apporte
des éléments essentiels pour l'interprétation et la modélisation de la fissuration en fatigue
fluage.

Dans le chapitre 4, nous présentons un état de l'art de la mécanique de la rupture en


élasticité, plasticité et viscoplasticité. Nous nous intéressons, en particulier, à la définition
de chacun des paramètres de la mécanique de la rupture (K, J ou C*) en fonction de la
sollicitation étudiée, ainsi qu'au développement de leur méthode d'évaluation
expérimentale, numérique ou analytique. Leur utilisation dans le cadre de la propagation en
fatigue, fluage et fatigue-fluage est ensuite abordée.

Les calculs numériques par éléments finis, présentés au chapitre 5 nous permettent de
simuler les grandeurs expérimentales telles que l'ouverture globale de l'éprouvette CT,
pendant la phase de mise en charge mais aussi pendant le maintien de la charge au cours des
essais de fluage et de fatigue-fluage. Ces modélisations bidimensionnelles et
tridimensionnelles précisent l'état de contraintes réel dans les éprouvettes testées, mais

16
Chapitre 1 : Introduction

surtout nous permettent de comparer et valider les méthodes expérimentales et analytiques


d'évaluation des différents paramètres (par exemple, l'expression simplifiée C*s). On
s'attache, en particulier, à estimer l'influence de la propagation du défaut sur le calcul et la
validité de ces paramètres.

Au chapitre 6, l'interprétation de l'ensemble des résultats, dans le cadre d'une approche


globale en propagation est présentée. Pour chaque sollicitation, on s'attache à décrire les
lois gouvernant la cinétique de fissuration. Différentes modélisations de la propagation sont
proposées, comparées et discutées. On en retient celles qui seront particulièrement utiles
pour les règles de nocivité des défauts existantes telles que le guide A16 développé au CEA.
L'utilisation d'approche plus locale comme celle liée à l'évaluation de l'endommagement
intergranulaire de fluage est proposée et confrontée à l'approche globale.

L'application des différents modèles développés sur éprouvette CT à la propagation de


fissure dans des tubes entaillés sollicités en fatigue-relaxation fait l'objet de la dernière
partie de ce travail (chapitre 7). On commence par une description du matériau étudié, de
ses caractéristiques mécaniques ainsi que de la procédure expérimentale. En choisissant le
modèle le mieux adapté, on s'attache à rendre compte de la particularité de ces essais
réalisés à 650°C et déplacement imposé, pour ajuster et préciser les différents paramètres
du modèle et ainsi prédire la propagation du défaut jusqu'à pratiquement la ruine
(percement) de la structure.

17
This page is intentionally left blank.
Chapitre 2 : Description expérimentale

Chapitre 2 : Description expérimentale

19
This page is intentionally left blank.
Chapitre 2 : Description expérimentale

2. Description expérimentale

2.1. Le matériau

2.1.1. Désignation

Le programme PROFIS étudie les propriétés d'un acier inoxydable austénitique fabriqué
dans les aciéries de Creusot-Loire pour une utilisation en construction nucléaire. Dans le
cadre des spécifications demandées pour la fabrication de la cuve du réacteur à neutrons
rapides (RNR) Super-Phénix, un acier inoxydable austénitique de type 316L(N),
d'appellation commerciale ICL 167 SPH, a été retenu. La norme française AFNOR désigne
cet acier par le nom Z2 CND 17-12 qui résume les pourcentages des principaux constituants
métallurgiques.

Historiquement quatre tôles de types 316L(N) ont été fabriquées. Plusieurs nuances de tôle
ont été utilisées dont les nuances SP, SQ, SR et ST qui diffèrent par leur composition
chimique ou par leur mode d'élaboration. L'acier qui nous intéresse, fourni par la société
UNIREC, ne correspond à aucune de ces désignations. Néanmoins, il se rapproche le plus
de la tôle SR, celle-ci étant élaborée par le procédé de coulée continue comme l'est notre
acier.

Cet acier se présentait initialement sous la forme d'une tôle de dimensions 1279 mm par
1503 mm et de 30 mm d'épaisseur. Après élaboration par coulée continue, elle a subi une
hypertrempe à 1100°C suivi d'un refroidissement à l'eau.

L'étude et la caractérisation de cet acier ont été initiés dans le cadre d'un programme
AMORFIS [1], développé au laboratoire CEA/RDMS, traitant de l'amorçage de fissures à
haute température. La désignation alors retenue pour cet acier était SA (« A » signifiant
AMORFIS).

2.1.2. Composition chimique

La composition chimique de la tôle SA est résumée dans le tableau ci-dessous :

TOLE SAL (% en poids)


c Cr Ni Si Mo Ta Mn N Cu Ti Nb Co S P
0,02 17,51 12,2 0,35 2,35 <0,01 1,76 0,071 0,13 0,004 0,005 0,11 0,004 0,0021

La désignation AFNOR de l'acier est Z2 CND 17-12, soit 0,02% de carbone, 17,51% de
chrome et 12,2% de nickel. Le faible taux de carbone limite le risque de corrosion
intergranulaire, alors que les teneurs en chrome et en nickel lui confèrent ses propriétés
d'inoxydabilité.

21
Chapitre 2 : Description expérimentale

Des micrographies de l'acier SA [1], obtenues par observation en microscopie optique, sur
coupes polies attaquées à l'eau régale, ont montré que les grains ont une structure équiaxe
et une taille moyenne d'environ 50 |im.

On remarque aussi une quantité non négligeable de ferrite résiduelle qui se présente sous la
forme d'alignements allongés dans le plan transversal. Cette ferrite est présente d'ailleurs
en quantité plus ou moins importante dans toutes les tôles 316L(N) (maximale pour la tôle
SR). Des mesures de teneur en ferrite n'ont pu être effectuées sur l'acier SA, néanmoins,
en se basant sur la similitude du procédé d'élaboration, on peut supposer qu'elle est au
moins égale à celle de la tôle SR, soit 2,7%.

2.1.3. Les lois de comportement

Rappelons les lois de comportement de la tôle SA déterminées au cours du programme


AMORFIS.

Les caractéristiques mécaniques de la tôle SA à 650°C sont :

- Module d'Young : E = 140600MPa


- Coefficient de Poisson : v = 0,3

La courbe de traction rationnelle monotone à 650°C a été modélisée soit par un polynôme
de degré 4 soit par un tableau représentant le comportement réel moyenne sur 3 essais de
traction réalisés sur éprouvettes cylindriques.

Le polynôme optimisé de degré 4 qui représente au mieux la courbe rationnelle est :

£ =l,152.1O 11 a 4 -9,O71.1O- 9 a 3 +3,61.1O- 6 cr-3,184.1O- 4 a+l,2.1O 3

avec e en m/m et a en MPa

Ce lissage polynomial a été réalisé sur les données expérimentales qui ont conduit à des
déformations maximales de £=26%. Le polynôme est ensuite utilisé pour extrapoler le
comportement monotone réel jusqu'à des déformations de l'ordre de 90% (tableau 2.1.3).
Ce tableau est entré comme loi de comportement monotone dans les calculs par éléments
finis sur le code de calcul Castem 2000.

22
Chapitre 2 : Description expérimentale

Tableau 2.1.3 : Courbe de traction rationnelle moyenne de la tôle SA à 650°C

e 0 7e-4 2e-3 0,01 0,02 0,04 0,06 0,08 0,1 0,12 0,14 0,16
a(MPa) 0 100 125 157 182 226 265 300 330 356 376 395
e 0,18 0,2 0,22 0,24 0,26 0,38 0,33 0,35 0,37 0,4 0,43 0,46
G(MPa) 412 428 442 454 466 477 500 510 520 530 540 550
£ 0,49 0,52 0,56 0,6 0,64 0,69 0,73 0,78 0,83 0,88 0,94
<J(MPa) 560 570 580 590 600 610 620 630 640 650 665

avec £ en mm/mm et a en MPa

La courbe rationnelle peut aussi être modélisée sous la forme d'une loi puissance de type
Ramberg-Osgood. La limite élastique étant faible, le comportement réel à 650°C est
modélisé par une loi :

(2.1)

avec : Bo= 7,6524.10"11, n=3,6012, a en MPa et £ en m/m

La limite élastique à 650°C est : ao = 125 MPa

La courbe d'écrouissage cyclique à 650°C retenue est celle proposée dans la base de
données du RCC-MR A3.1S [2]. Cette courbe relie la variation de la contrainte cyclique Aa
à la variation de la déformation cyclique À£, au moment où la boucle d'hystérésis est
stabilisée au cours d'un essai de fatigue sur éprouvette lisse. Cette loi de comportement
représentée par une loi de type Ramberg-Osgood s'écrit :
i

Aa Aa R (2.2)
AF. —
E

Avec :
- AE en absolu m/m, Aa et E en MPa
- Kp=678
- mp=0,239

Pour la tôle SA, des essais de recalage sur eprouvettes cylindriques lisses effectués au
CEA/RDMS ont confirmé la validité des paramètres fournis dans le RCC-MR A3.1S et ont
montré qu'il n'y a aucune influence du sens de prélèvement des eprouvettes dans la tôle.

23
Chapitre 2 : Description expérimentale

En fluage, les lois de comportement ont été identifiées à partir d'essais de fluage sur
eprouvettes cylindriques réalisés au laboratoire de fluage EDF Les Renardières. On a ainsi
à 650°C.

Fluage primaire B, ni Pi

e = B1on>tp> 6,779 10 16 5,4698 0,4845

Fluage secondaire B2 n2
è = B2an2 1,7048 10 20 6.9953

Selon la formulation décrite dans le RCC-MR A3.1S le temps de transition Tffp, entre
fluage primaire et fluage secondaire est obtenu, à partir de ces équations en égalisant les
vitesses de fluage.

D'où (2.3)

La déformation totale au cours d'un essai de fluage est donc :

t<T
ffp
(2.4)
-B^'V+B^t-T^) t>Tff

24
Chapitre 2 : Description expérimentale

2.2. Eprouvettes et instrumentation

2.2.1. Les eprouvettes PROFIS

Les eprouvettes du programme PROFIS sont des eprouvettes du type CT25 (Compact
Tension) normalisées, particulièrement étudiées en mécanique de la rupture. Un schéma de
l'éprouvette est représenté à la figure 2.2.1. Son épaisseur B est de 25 mm et sa largeur W
de 50 mm. Ces dimensions sont conformes aux recommandations de la norme ASTM 647-
94 [3]. Elles sont usinées avec une entaille initiale de profondeur a 24,5 mm, soit un
rapport a/W égal à 0,49. Elles sont ensuite préfissurées par fatigue à température ambiante
sur une longueur Aa > 2,5 mm. Le rapport final a/W est donc toujours supérieur à 0,54.

Contrairement aux essais du programme AMORFIS, les eprouvettes CT du programme


PROFIS ne présentent pas un fond d'entaille usiné avec un rayon d'environ lOOptm, mais
sont préfissurées initialement par fatigue à température ambiante avant d'être soumises aux
différentes sollicitations à 650°C.

Cette géométrie en fond d'entaille permet d'éviter les phénomènes de petites fissures en
fond d'entaille profonde observés dans le cadre de programme AMORFIS [1].

Ces phénomènes, caractérisés par des décélérations en fonction de l'avancée de la fissure,


qui dans certains cas, peuvent même conduire à des arrêts de fissure, traduisent des effets
dus à l'influence de la plasticité en fond d'entaille sur le comportement de petites fissures
qui naissent dans le fond d'une entaille usinée.

Dans le cas des deux essais de propagation en fluage pur, deux entailles latérales sont
usinées sur les eprouvettes conformément à la norme ASTM 1457-94 [4] qui traite de la
détermination de lois de propagation en fluage. L'objectif de cette transformation est
d'obtenir un front de fissuration le plus rectiligne possible (afin d'éviter l'effet de tunnel)
ainsi que de se rapprocher de l'hypothèse de déformations planes. Ces entailles représentent
chacune 10% de l'épaisseur initiale de l'éprouvette, l'épaisseur finale (épaisseur nette, Bnet)
dans le plan de fissuration est donc égale à 20 mm.

La préfissuration

L'essai de préfissuration par fatigue doit commencer à un chargement assez élevé pour
permettre l'amorçage de la fissure à partir de l'entaille usinée. Après un certain nombre de
phases à chargement décroissant, il doit se terminer à un niveau de chargement faible, le
plus proche possible du seuil de non fissuration défini par la variation du facteur d'intensité
de contrainte seuil AKS. Dans tous les cas, la préfissuration doit se terminer à une valeur de
AK inférieure à celle du début de l'essai de propagation en fatigue proprement dit, afin
d'éviter, autant que possible, la présence de contraintes résiduelles engendrées par la
préfissuration pouvant perturber la propagation de la fissure.

25
Chapitre 2 : Description expérimentale

Pour les éprouvettes CT, la variation du facteur d'intensité de contrainte ÀK est obtenue à
partir de la norme de l'ASTM E 399-94 [5] :

(2.5)
BVW

où, AF est le chargement appliqué à l'éprouvette au niveau de la ligne de charge, B son


épaisseur, W sa largeur et a la profondeur de la fissure.

avec

(2.6)

L'objectif de l'essai de préfissuration est d'obtenir une fissure de fatigue suffisamment


aiguë et de dimension et géométrie adéquates (symétrie par rapport à l'axe du chargement
et à la direction de propagation).

La préfissuration est suivie sur les bords latéraux de l'éprouvette jusqu'à 2,5mm de la
pointe de l'entaille. En tenant compte de la courbure du front de fissure, on est ainsi sûr
d'atteindre au moins une profondeur moyenne comprise entre 28,5 à 30,5 mm (préfissure
de 3 à 5 mm).

- Machine d'essai : le vibrophore AMSLER ou Presse Instron

Les préfissurations sur éprouvettes CT PROFIS sont réalisées sur la machine vibrophore
AMSLER. L'opération consiste à mettre en résonance l'éprouvette, par l'intermédiaire d'un
système d'électro-aimants lié aux mors de fixation, de façon à amorcer et faire propager
une fissure. La fréquence de sollicitation obtenue est en général proche de 90 Hz.

Pour palier aux difficultés de mise en oeuvre de la préfissuration sur cette machine et à
l'incertitude (relative) des chargements réellement appliqués à cette fréquence, on choisit
d'utiliser, à partir de l'éprouvette CT91, la presse Instron. Sur cette machine, les différents
chargements sont mieux contrôlés, par contre la fréquence de préfissuration reste inférieure
à 20 Hz.

- Choix des chargements :

L'essai de préfissuration par fatigue démarre à un chargement assez élevé, pour permettre
l'amorçage de la fissure à partir de l'entaille usinée. Après un certain nombre de phases à
chargements décroissants, il se termine à un niveau de chargement faible, le plus proche
possible du seuil de non-fissuration défini par la variation du facteur d'intensité de
contrainte seuil AKS.

26
Chapitre 2 : Description expérimentale

La préfissuration s'effectue en trois phases à chargements décroissants, soit :

- première phase : jusqu'à 1 mm en surface, AF = 12 kN, Aa(réel) = 1,5 mm de AK=20,ll


MPa Vin à AK=22,08 MPa Vin .
- deuxième phase: jusqu'à 2 mm en surface, AF=9 kN, Aa(réel)=3 mm, AK = 16,56
MPa Vin à AK = 18,29 MPa Vin .
- troisième phase : jusqu'à 2,5 mm en surface, AF=7 kN, Aa(réel)=4 mm, AK = 14,23
MPa Vin à AK = 15,27 MPa Vin .

En supposant une longueur de préfissure finale de 4mm la dernière phase de préfissuration


se termine avec un AK égal à 15,27 MPa Vin. Les contraintes résiduelles introduites par cet
essai réalisé à température ambiante sont effacées au cours des premiers cycles de l'essai de
fatigue à 650°C comme nous allons le montrer dans les lignes suivantes en comparant les
tailles de zones plastiques cycliques pour ces deux températures.

L'expression simplifiée de la taille de la zone plastique la plus communément utilisée est


celle issue du modèle d'Irwin [6], on a ainsi :

R z p =4—î (2.7)
avec l'hypothèse de déformations planes,
où a y est la limite élastique monotone.

La limite élastique pour l'acier 316 passe de 280 MPa à la température ambiante à 125 MPa
a 650 °C ce qui conduit pour les zones plastiques à :

- Rz.p=78/nm à la fin de la préfissuration à l'ambiante

- Rz.p=395/xm au début de l'essai de fatigue à 650°C

La zone d'influence de déformations plastiques introduite par la préfissure est donc, dès le
début de l'essai à chaud, théoriquement englobée par la nouvelle zone et ses effets en sont
rendus négligeables.

Dans le cas des éprouvettes testées en fluage, la préfissuration est effectuée avant l'usinage
des entailles latérales.

2.2.2. La machine d'essai Walter et Bai

La photographie de la figure 2.2.2 représente une vue d'ensemble de la machine d'essais


Walter et Bai.

Cette machine a une capacité de lOOkN et peut effectuer des essais de traction et
compression. Elle est munie de deux traverses dont l'une, mobile, est mue par un vérin

27
Chapitre 2 : Description expérimentale

électromécanique sur vis à billes baignant dans l'huile sans jeu. Le pilotage est réalisé à
partir d'un micro-ordinateur ainsi qu'une grande partie des acquisitions. Les mesures
(déplacement du vérin, force, ouverture de l'entaille, température, ddp, etc.) sont
recueillies après avoir été traitées par l'armoire électrique PCS 200. Le chauffage et le
maintien en température sont assurés par un four de capacité maximale 750°C, fixé sur la
traverse supérieure. Il est constitué de 3 résistances métalliques englobées dans un bloc en
fibre isolante et béton allégé.

2.2.3. La machine d'essai Mayes

Cette machine, d'une capacité de 30 kN, est destinée à travailler essentiellement en


traction. Elle peut donc être utilisée dans le cas d'essais de fluage pur ou bien en fatigue et
fatigue-fluage tant que le rapport de chargement R reste positif. Elle est constituée d'un
bâti, de deux colonnes chromées et d'une traverse supérieure où est fixée, par
l'intermédiaire d'une rotule, la queue d'amarrage de l'éprouvette en acier réfractaire. Le
four embarqué d'une capacité de 800°C peut coulisser verticalement. Cette particularité
facilite l'installation, par la partie inférieure du four (Figure 2.2.3) d'un capteur
d'ouverture d'entaille de type LVDT, constitué de deux couteaux fixés à deux longs bras
équipés de ressorts et enfin au capteur lui-même de marque ASL. Ce système assez simple
et efficace est particulièrement adapté aux essais de fluage ou de fatigue-fluage dans
lesquels la déformation globale de l'éprouvette peut être très importante. En effet, il permet
de mesurer des ouvertures d'entaille jusqu'à 10-12 mm alors que des systèmes plus
classiques tels que ceux de la machine Walter et Bai sont limités à environ 2 mm.

2.2.4. L'instrumentation et l'acquisition

Au cours de l'essai les éprouvettes sont équipées de capteurs (thermocouple, capteur


d'ouverture d'entaille) ainsi que d'un système d'acquisition et de mesure de différence de
potentiel (figures 2.2.4.a et 2.2.4.b). Les grandeurs enregistrées sont : la force, le nombre
de cycle, la différence de potentiel (ddp), le déplacement du vérin (Walter et Bai), la
mesure de l'ouverture d'entaille ainsi que la durée d'essai et la température. La fréquence
d'acquisition varie en fonction du type d'essai et de la durée du temps de maintien appliqué
en cours d'essai. Dans tous les cas, les extrema des cycles sont enregistrés ainsi qu'une
centaine de points au cours du maintien, et cela, sur tous les cycles ou bien un cycle sur
deux. Pour certains essais, la partie fatigue est enregistrée, à une fréquence de 10 Hz, en
même temps que les autres données. L'ensemble de ces acquisitions s'effectue sur
ordinateur compatible PC équipé du logiciel Labtech Notebook.

2.2.5. Principe de la mesure de l'avancée de fissure par la méthode de la ddp

L'éprouvette est équipée de fils d'alimentation en courant et de mesure de ddp qui la relie
au "suiveur de fissure" de type ANS. Au cours de l'avancée de la fissure, la résistance de
l'éprouvette augmente avec la diminution de la section correspondant à la rupture
progressive du ligament restant. La ddp mesurée sur l'éprouvette croît donc continûment au
cours de la fissuration.

28
Chapitre 2 : Description expérimentale

L'avancée de la fissure Aa est alors déterminée en fonction du temps par l'intermédiaire


d'une courbe de calibration Aa = f(Addp) reliant l'avancée de fissure moyenne mesurée en
fin d'essai, Aa, à la valeur de la variation de différence de potentiel correspondante, avec :

|Addp = ddp F - (2.8)

Où ddpF est la différence de potentiel en fin d'essai, ou bien correspondant à un marquage


ddpo est la différence de potentiel initiale.

La différence de potentielle initiale n'est pas celle mesurée avant la mise en charge, ni
même celle mesurée tout de suite après la mise en charge. En fait, la différence de potentiel
initiale retenue, ddpo, est celle qui s'établit après une certaine période de stabilisation
correspondant à la mise en place du front de fissure et à la disparition de tout micro-
contacts au voisinage des lèvres de la fissure. Cette période peut s'étendre sur une dizaine
de cycles en fatigue continue et sur une heure ou deux en fluage et fatigue-fluage. Dans
certains cas, une petite période de cyclage avant maintien est nécessaire afin d'accélérer le
phénomène (cf § 2.5).

L'avancée de fissure moyenne est déduite de l'observation des fronts de fissure à la loupe
binoculaire. La valeur retenue est une moyenne sur 3 points conformément aux normes
ASTM E399.94 [3] et E647.94 [5]. Chaque point représente la distance de l'entaille initiale
au front de fissure, placé respectivement à 25%, 50% et 75% de l'épaisseur de l'éprouvette
(figure 2.2.5). On définit ainsi la longueur de fissure moyenne ao :

(2.9)

Les mesures de fissure précédentes sont ensuite validées conformément à la norme ASTM
E1457-92. Soit, pour une fissure ao résultant d'une moyenne sur les différents as (i = 1..3)
pris sur le front de fissure, on vérifie :

ao-as
0,95 < r-<l,05 (2.10)
a0 + 24,5

29
Chapitre 2 : Description expérimentale

2.2.6. Construction de la courbe de calibration Aa=f(Addp)

Une première courbe de calibration a été déterminée à l'issue de la première phase du


programme concernant essentiellement les essais de fatigue continue [7]. Cette courbe a été
obtenue à partir d'essais de marquage en fatigue continue et complétée par chacun des
points finaux (Aa, Addp) des essais de fatigue continue. Son expression est :

Aa = 3,143Addp - 0,2335(Addp) (2.11)

Courbe de calibration pour les essais de fatigue continue

où Aa est en mm et Addp en volts.

Cette courbe de calibration est valable jusqu'à une propagation de l'ordre de 8 mm [8] mais
a
pour des conditions d'essais très précises, soit un rapport — = 0,6 et à la température
W
T=650°C. A cette courbe nous devons rajouter les points obtenus à l'issue de la seconde
phase du programme qui concerne les essais de fiuage et de fatigue-fiuage. Sept points
résultant des essais de fatigue-fiuage et deux points d'essais de fiuage sont donc associés
aux points précédents à la figure 2.2.6.a.
Sur cette figure l'ensemble des points de fatigue-fluage et de fluage s'écarte sensiblement de
la courbe issue des essais de fatigue. L'avancée de fissure mesurée sur ces essais avec
temps de maintien est plus faible pour une même différence de potentiel, l'écart augmentant
quand le défaut se propage. Ces effets déjà rencontrés par L. Laiarinandrasana [1] sur
éprouvettes usinées, apparaissent donc aussi sur éprouvette préfissurée. Deux raisons
peuvent être invoquées pour expliquer ces différences :

- Les différences de morphologie de la pointe de fissure. L'émoussement en pointe de


fissure pour les essais avec temps de maintien, beaucoup plus important qu'en fatigue
continue, perturbe les lignes de champs électriques, rallonge le parcourt du courant et
tend à modifier la différence de potentiel mesurée.

- L'endommagement en avant de la pointe de fissure. Il se traduit par la création de


micro-cavités aux joints de grains. Ces décohésions partielles conduisent à l'augmentation
de la résistance globale mesurée dans le plan de fissuration.

Ces explications qualitatives pourraient être validées à l'aide d'un calcul aux éléments finis
électromagnétique (ou plus simplement, par analogie, par un calcul thermique) dans
lesquels différentes configurations de pointe de fissures seraient étudiées. L'influence de
l'émoussement sur les lignes champs et sur la ddp résultante pourrait ainsi être quantifiée
mais ceci sort du cadre de ce travail.

Ces différences nous conduisent donc à envisager une courbe de calibration propre aux
essais avec temps de maintien. Le cas des essais de fluage pose un problème particulier. En
effet, comme le montrent les valeurs correspondant aux essais CT87 et CT86, la
propagation mesurée sur ces essais est supérieure à celle mesurée sur les essais de fatigue-

30
Chapitre 2 : Description expérimentale

fluage et ceci pour une même différence de potentiel. Ce fait est particulièrement évident
quand on compare l'essai CT86 à l'essai de fatigue fluage CT93. Une même mesure de ddp
se traduit par une différence de près de 2 mm sur l'avancée de fissure. L'explication
pourrait provenir de la géométrie particulière des éprouvettes de fluage. Elles comportent,
en effet, des entailles latérales qui réduisent de 20% l'épaisseur dans le plan de fissuration.
La ddp mesurée étant globalement proportionnelle à l'aire fissurée, une propagation donnée
conduira donc à une mesure de potentiel plus faible. Plutôt que d'essayer de faire passer un
polynôme quelconque par les deux seuls points de fluage, ce qui entraînerait des problèmes
d'interpolation et d'interprétation, nous choisissons de recaler ces points par rapport aux
autres points avec temps de maintien. Pour cela, nous considérons, dans une première
approche que le rapport des potentiels mesurés est égal à celui des aires fissurées, et donc,
en considérant une avancée moyenne de fissure donnée, au rapport des deux épaisseurs
d'éprouvettes (25/20). Ce rapport nous permet de retrouver la différence de potentiel qui
aurait été mesurée sur les essais de fluage en absence d'entailles latérales. En multipliant les
valeurs de ddp mesurées par le coefficient 1,25, les points de fluage se placent dans la
bande de dispersion formée par les essais de fatigue-fluage et l'essai CT86 se retrouve, en
particulier, dans le prolongement parfait de l'essai CT93 (figure 2.2.6.b).

La courbe Aa = f(Addp) qui englobe l'ensemble des essais avec temps de maintien se met
sous la forme d'un polynôme de degré 3 d'expression :

|Aa = 0,0694(Addp)3 + 0,0129(Addp)2 + l,7321(Addp) | (2.12)

Courbe de calibration pour les essais de fluage et fatigue-fluage

2.3. Les essais de Fluage

Deux essais de fluage ont été réalisés dans le cadre de l'étude PROFIS avec l'objectif de
déterminer la courbe maîtresse de propagation en fluage da/dt = f(C*) qui relie la vitesse
de fissuration au paramètre de la mécanique de la rupture C*, évalué expérimentalement à
partir de la connaissance de la longueur du défaut et de l'ouverture de l'entaille au cours du
temps. Cette courbe nous servira par la suite pour l'interprétation des essais de fluage.

Conformément à la norme ASTM El457-94 dédiée à la détermination des vitesses de


fissuration en fluage pur, les éprouvettes comportent deux entailles latérales usinées sur une
épaisseur correspondant à 20% de l'épaisseur totale. L'épaisseur nette dans le plan de
fissuration est alors de 20 mm. Ces entailles latérales ont pour objectif de réduire l'effet
"tunnel" et ainsi d'obtenir un front le plus rectiligne possible. De plus, elles sont censées
favoriser la condition de déformations planes dans l'éprouvette tout au long de la
propagation. Ce point particulier est important, car il est très controversé. Au cours de sa
thèse, Laiarinandrasana a observé que le comportement global de ses éprouvettes CT25
(sans entailles latérales) pouvait être évalué en supposant l'hypothèse de déformations
planes pendant la mise en charge, alors qu'en fluage, celle de contraintes planes prévalait.
En fatigue-fluage on était supposé rester en déformations planes. Ce choix de l'hypothèse
d'état de contrainte est d'importance puisqu'il dirige, par exemple, le choix de la formule
de chargement limite qui nous permet de calculer une contrainte de référence dans

31
Chapitre 2 : Description expérimentale

l'éprouvette. Or, la notion de contrainte de référence est largement étendue dans le calcul
analytique simplifié des différents paramètres de la rupture( J, C*, C*h, etc.).

L'essai proprement dit est particulièrement simple dans son déroulement : Chaque essai
débute, après la mise en place de l'éprouvette équipée, par une phase de chauffe et de
maintien en température (650°C) de 12 heures minimum. Après une mise en charge lente
(15 secondes) jusqu'au chargement mesuré, on maintient l'effort tout au long de l'essai.

A chaque acquisition (8 à 24 par jour), on enregistre :


- la force,
- la différence de potentiel (ddp),
- l'ouverture de l'entaille.

Les caractéristiques de ces essais sont présentées dans le tableau 2.3 :

Eprouvette F a/W T Aa Durée essai


(kN) (°Q (mm) (h)
86 14,25 0,59 650 7,65 1100
87 13,25 0,57 650 1,1 3950

Tableau 2.3 : Caractéristiques des essais de fluage sur eprouvette CT PROFIS

2.4. Les essais de fatigue continue

Dans cette partie du programme PROFIS, nous nous intéressons à la propagation de fissure
à haute température au cours de sollicitations cycliques sans temps de maintien : les essais
de fatigue continue. Ces essais permettent de construire la courbe maîtresse de fatigue
da
— = f(AK) (loi de Paris). Cette courbe caractérise la vitesse de fissuration en fonction du
dN
paramètre AK, lié au chargement global et à la longueur du défaut. La machine Walter &
Bai impose une sollicitation cyclique à force imposée, chaque cycle durant 14 secondes (soit
f = 7,14 10"2 Hz). La durée de chacun de ces essais, relativement courts par rapport aux
essais avec temps de maintien du programme PROFIS, varie alors en fonction du
chargement et de la propagation obtenue entre 24 heures et 10 jours.
A chaque extremum du cycle on enregistre les variations de :

- la force,
- la différence de potentiel (ddp),
- l'ouverture de l'entaille,
- le déplacement du vérin.

32
Chapitre 2 : Description expérimentale

Schéma de principe des essais de fatigue continue

Force

14 s

temps

Cette campagne d'essais de fatigue continue s'est déroulée en deux phases (Tableau 2.4):

• Dans la première, 5 essais ont été réalisés à rapport de chargement R= Kmin/Kmax= 0,1,
avec pour objectif d'aboutir à la construction d'une loi de Paris. Les chargements ont été
dimensionnés de façon à balayer une gamme de AK suffisamment large ( de 15 à 40
MPaVnï) avec un minimum de recoupements.

• Dans la seconde, nous avons essayé de rendre compte de l'effet du chargement moyen sur
la loi de Paris en effectuant des essais à R = - l , -3 et -5, associés à une mesure de
complaisance élastique qui sera décrite ultérieurement.

Eprouvette AF a/W T R Aa Durée essai


kN CC) (mm) (h)
74 9 0,59 650 0,1 5,7 27
75 11 0,59 650 0,1 6,5 18
76 7 0,59 650 0,1 8,2 46
77 12 0,565 650 0,1 6,2 19
78 8 0,59 650 0,1 7,6 40
79/ CTOD 8 0,59 650 0,1 Non défini 45
84 16 0,57 650 -1 9 45
85 18 0,6 650 -5 1,5 311
88 21 650 -3 Non défini 94

Tableau 2.4 : Caractéristiques des essais de fatigue continue à force imposée

L'essai CT79 est un essai interrompu pour lequel la profondeur finale du défaut n'a pas été
mesurée. A partir de micrographies de coupes transversales perpendiculaires au plan de
fissuration, nous avons pu évaluer, sur cette eprouvette, le CTOD (crack tip opening
displacement) cyclique.

33
Chapitre 2 : Description expérimentale

2.5. Les essais de fatigue-fluage

Dans cette partie, nous nous intéressons à l'objectif principal du programme PROFIS
puisqu'il s'agit, ici, d'étudier la fissuration de défauts à haute température dans des essais
combinant les effets de fatigue et de fluage et en couvrant une large gamme de temps de
maintien (de 1/2 h à 48h).
Chaque essai débute, après la mise à sa place de l'éprouvette équipée, par une phase de
chauffe et de maintien en température (650°C) de 12 heures minimum. Ensuite,
l'éprouvette est mise en charge en force imposée jusqu'au chargement désiré. Rappelons le
comportement adopté par la ddp au cours de la mise en charge. La mise en place du fond
de fissure avant le cyclage se traduit par une brusque augmentation de la ddp (près de 1
Volt) correspondant à la séparation des lèvres de la fissure et à la disparition des micro-
contacts résultants de la préfissuration. Ensuite, cette phase de mise en place peut durer
encore quelques cycles. En fatigue-fluage, étant donnée la durée des cycles, nous
appliquons (à partir de l'essai CT91) une première étape de cyclage rapide (14s/cycle)
comportant une cinquantaine de cycles. Cette procédure a pour objectif de bien mettre en
place le fond de fissure vis à vis de la mesure de potentiel mais aussi d'éliminer les
éventuelles contraintes résiduelles résultant de la préfissuration à froid.
Ensuite, démarre l'essai de fatigue-fluage proprement dit constitué de deux demi-cycles
charge-décharge (de durée 7s) intercalés entre le maintien à force maximale pendant le
temps de maintien Tm. Tous les essais sont réalisés avec un rapport de chargement R = 0 , l .

A chaque extremum du cycle on enregistre les variations de :

- la force,
- la différence de potentiel (ddp),
- l'ouverture de l'entaille,
- le déplacement du vérin.

Schéma de principe des essais de fatigue-fluage


Charge F

50 cycles

•Trnir

temps

34
Chapitre 2 : Description expérimentale

Les caractéristiques de ces essais sont présentées dans le tableau suivant :

Eprouvette AF a/W T Tm Propagation Durée essai


(kN) (°C) (h) (mm) (h)
80 9 0,56 650 0,5 0,99 302
81 13 0,58 650 0,5 0,55 320
82 11 0,565 650 5 0,58 1215
92 12,5 0,57 650 2 4,08 2200
83 10 0,57 650 5 0,1 385
91 11 0,58 650 5 2,57 5700
90 13 0,58 650 12 3.6 3400
93 14 0,57 650 24 5.9 1300
97 12,5 0,59 650 24 4,2 3050
95 13 0,58 650 48 3,6 4130

Tableau 2.5 : Caractéristiques des essais de fatigue-fluage sur eprouvette CT PROFIS

Trois catégories de temps de maintien sont étudiées à partir de ces essais : des temps de
maintien courts (l/2h), moyennement longs et relativement longs (T m > 12h), l'ensemble
représentant une durée cumulée de 535 jours. Les 2 essais à temps de maintien court de Vin
ont eu des durées relativement limitées. L'objectif était de rendre compte globalement de
l'augmentation de la vitesse de propagation occasionnée par le maintien sur un diagramme
da/dN-AK. En choisissant deux chargements assez éloignés, on balaye ainsi une gamme de
AK suffisante pour rendre compte du décalage global. A partir de 5 heures de maintien, le
choix du chargement est primordial. Dans tous les cas, l'objectif est d'obtenir une
propagation suffisante (de l'ordre du mm) sur une durée moyenne de 2 à 3 mois. Si le
chargement est faible (cas de la CT83) la propagation est infime et il vaut mieux
interrompre l'essai au bout de quelques semaines. Le chargement des CT82 et CT91 semble
le plus approprié. Les conditions de l'essai CT91 sont identiques à celle de l'essai CT82.
Comme nous le verrons dans le chapitre 7, l'allure particulière de l'essai CT82 est
reproduite à l'identique sur la CT91 même après avoir affiné les conditions d'essai
(préfissuration sur machine Instron et pré-cyclage avant essai). Pour les essais à temps de
maintien élevé le chargement est légèrement augmenté.

35
Chapitre 2 : Description expérimentale

2.6. Présentation générale des résultats

L'ensemble des résultats des essais sur éprouvette CT est présenté à l'Annexe 1. Ils
comprennent :

• les essais de fluage CT86 et CT87 réalisés à 650°C , qui ont permis de construire la loi
de fissuration en fluage, da/dt-C* (Annexe l.a).

• les essais de fatigue continue de l'éprouvette CT71 à l'éprouvette CT79 (Annexe l.b)

• les essais de fatigue-fluage, CT80 et CT81 (T m = Vi h), CT92 (T m = 2h), CT82, CT83
et CT91 (T m = 5h), CT90 (T m =12h), CT93 et CT97 (T m =24h) et CT95 (T m =48h)
(Annexe l.c).

Pour chacun de ces essais un tableau présente sous forme réduite les données
expérimentales ainsi que les résultats de leur exploitation, soit :

- le nombre de cycles N ou le temps t,


- les valeurs extrêmes de la force (Fmax, F,™) et de l'ouverture de l'entaille (ômax, ômin),
- l'avancée de fissure Aa,
- la vitesse de fissuration da/dN ou da/dt,
- la variation du facteur d'intensité des contraintes AK ou K.

Quatre figures illustrant les résultats du tableau sont ensuite présentées pour chaque essai :

- les variations de la force en fonction de N ou du temps t,


- les variations de l'ouverture de l'entaille en fonction de N ou du temps t,
- l'avancée de fissure en fonction du temps t ou du nombre de cycles N,
- la vitesse de fissuration en fonction de AK ou de C*exp-

36
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et


les observations microscopiques

37
This page is intentionally left blank.
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

3. Les mécanismes de fissuration et les observations


microscopiques

Dans ce chapitre, nous présentons un rappel des mécanismes de fissuration en fatigue et


fatigue-fluage dans les métaux et alliages. Les observations microscopiques des faciès de
rupture obtenus au cours de nos essais sont ensuite présentées.

3.1. Le micro-amorçage des fissures de fatigue

L'endommagement d'une éprouvette soumise à une sollicitation de fatigue apparaît


essentiellement en surface. Les sources de dislocations sont activées dans les grains qui sont
favorablement orientés par rapport à l'axe de la sollicitation et il y a glissement le long des
plans préférentiels. Les grains internes s'écrouissent rapidement et durcissent alors que les
glissements dans les grains superficiels débouchent à la surface et éliminent une partie des
dislocations et ainsi diminuent l'écrouissage. Cependant, l'écrouissage n'est pas totalement
éliminé et rapidement des amas de dislocations se forment dans les grains et augmentent de
densité.

A partir d'un certain niveau d'écrouissage, des bandes quasiment libres de dislocations
forment entre les cellules des canaux de circulation aisée pour les dislocations. Ce sont les
bandes de glissement persistantes (PSB : Persistent Slip Bands). Au cours de la sollicitation,
la déformation cyclique est concentrée dans ces bandes et la surface ne reste pas plane. Des
marches irréversibles se forment dans les bandes de glissement persistantes et surtout à leur
périphérie. Ces marches sont des sites de concentration de contraintes qui conduisent très
vite à la formation de lamelles microscopiques, les extrusions, pendant que se creusent des
sillons parallèles : les intrusions. Ce mécanisme répété se traduit alors par la formation de
microfissures qui constituent les germes de l'amorçage et de la propagation des fissures.

3.2. La propagation en fatigue : le mécanisme de glissement alterné

Le glissement alterné est le plus courant des modes de fissuration en fatigue et provoque le
ré-amorçage cyclique de la pointe de la fissure. La surface nouvellement créée au cours de
la partie du cycle de mise en charge n'est pas éliminée, de façon réversible, en pointe de
fissure au cours de la décharge. Dans cette irréversibilité, l'émoussement en pointe de
fissure a un rôle prépondérant.

La fissure qui s'ouvre est soumise à une concentration de contrainte si élevée qu'il s'y
forme une zone de déformation plastique. Cette déformation plastique a pour effet
d'émousser la fissure et de créer un écartement de fissure, 8 (CTOD : Crack Tip Opening
Displacement). Cet émoussement s'accompagne d'une légère avancée de l'extrémité de la
fissure de l'ordre de 672. Au cours de la diminution de contrainte, la fissure se referme,
mais le reste de la pièce, qui est restée globalement élastique, agit comme une pince sur la
zone plastifiée déformée de façon irréversible. La zone plastique ainsi comprimée se
replastifie donc en compression. En pointe de fissure, il se forme alors une zone plastique
cyclique qui se comporte comme une éprouvette sollicitée en fatigue plastique

39
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

oligocyclique. Les contraintes locales de compression qui subsistent après décharge


maintiennent la fissure fermée, et au cycle suivant, il faut exercer une contrainte positive
pour commencer à rouvrir la pointe de fissure (figure 3.2.a). Cependant, comme le
glissement n'est pas parfaitement réversible, à chaque cycle la fissure se propage un peu.
Théoriquement la fissure avance à chaque cycle d'un incrément qui est une fraction du
CTOD cyclique. Chaque cycle laisse une strie, visible au niveau microscopique, sur la
surface de rupture. Des études détaillées de ce mécanisme de fissuration ont montré que la
fissuration au cours de la charge se produit par glissement alterné le long de deux systèmes
de glissement qui se croisent au niveau du front de fissure (figure 3.2.b).

Il convient de distinguer deux stades pour la propagation définis à l'issue des observations
et suggestions initiales de Forsyth [9] :

- au cours du stade I, une petite fissure de fatigue contenue dans un seul grain croît par
glissement simple dans un plan de glissement activé correspondant à un plan de
cisaillement maximum (orienté généralement à 45° pour les essais de fatigue uniaxiaux)
et non pas par glissement alterné. Ce mécanisme conduit à la création par glissement, au
cours du chargement, d'une nouvelle surface en pointe de fissure. A cause de
l'émoussement ou d'un autre processus irréversible (oxydation), cette surface n'est pas
ressoudée complètement par glissement en sens inverse.
- au cours du stade II, quand la fissure traverse un ou deux grains, la direction de
propagation macroscopique s'oriente perpendiculairement à la direction de la contrainte
principale maximale et se produit alors par glissement alterné. Ce mécanisme
représentatif d'un endommagement surfacique conduit à une fissuration transgranulaire
traditionnellement rencontrée dans les essais de fatigue à température modérée.

Un stade III est généralement identifié en fin de vie sur une éprouvette testée en fatigue. Il
correspond à une région de fissuration rapide proche de l'instabilité. Dans ce cas, des
processus de rupture microscopique en pointe de fissure ont lieu, tels que la cavitation
ductile, et contribuent à la fissuration totale.

3.3. Le fluage et le mécanisme de fissuration par cavitationaux joints de grains

On distingue habituellement deux formes d'endommagement intergranulaires ; les cavités


en forme de coins se formant aux points triples (Wedge cracks) et les cavités de forme plus
ou moins sphérique (Round cracks). Les mécanismes de cavitation aux joints de grains (R-
type) sont généralement représentatifs des mécanismes de fissuration en fluage pur. C'est le
type de mécanisme que l'on rencontre habituellement dans le cas du 316L et en particulier
dans les composants nucléaires. Il correspond à des conditions de chargement modéré
associé à des températures élevées et à des expositions longues. Pour de forts niveaux de
contrainte et des températures faibles (à 550°C), le mécanisme de fissuration est de type W-
type mais reste un mécanisme de cavitation intergranulaire . Pour des conditions
intermédiaires un mécanisme de fissuration de type transgranulaire (T-type) a, semble-t-il,
été rencontré par Tabuchi [10,11] (figure 3.3.a). Ce point particulier, mentionné
récemment, nous semble, cependant, difficile à admettre. En effet, il est curieux qu'il
puisse exister un processus de passage continu d'un mécanisme de cavitation en coin à un
mécanisme de cavitations rondes en passant par une phase de rupture transgranulaire. Au
cours d'essais en fluage pur sur éprouvette CT en 316, Tabuchi montre, de plus, que le
type de micromécanisme de rupture influence directement la vitesse de fissuration. La

40
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

figure 3.3.b nous montre, sur une représentation bi-logarithmique da/dt-C*, que les
vitesses maximales sont obtenues pour les fissurations de type W alors que les plus faibles
sont obtenues dans le cas de fissuration transgranulaire. Le mécanisme de cavitation aux
joints de grains intergranulaire qui nous intéresse principalement correspond donc à une
cinétique de fissuration intermédiaire.

Trois étapes sont à considérer pour la formation des cavités de fluage : la germination, la
croissance et la coalescence. Rappelons brièvement les principaux facteurs influençant ces
différents mécanismes.

3.3.1. La germination

Dans la plupart des cas, la germination est activée thermiquement. Dans certains cas,
lorsque les chargements sont importants, la germination peut ne pas être activée
thermiquement et se produire par décohésion ou rupture d'inclusions ou de précipités sous
l'effet de concentration de contrainte.
Différents modèles montrent que la germination activée thermiquement est favorisée dans
les joints de grains qui offrent des sites de concentration de contraintes privilégiés. La
germination est alors définie comme l'apparition d'une micro-cavité de l'ordre du micron.
Les mécanismes souvent reportés pour décrire la germination sont (figure 3.3.1) :

- le glissement intergranulaire,
- la décohésion de l'interface entre une inclusion et la matrice,
- la diffusion et condensation de lacunes aux joints de grains,
- le blocage des lignes de glissement par les joints de grains.

Les modèles qui proposent des mécanismes diffusionnels de création de défauts, par
accumulation (condensation) de lacunes, ne peuvent, à eux seuls, expliquer la formation des
cavités, car ils nécessitent des déformations plastiques très élevées. Celles-ci peuvent avoir
lieu dans les joints de grains qui constituent des zones de concentration de contraintes et
donc des sites de germination privilégiés. Ces germes de cavités proviennent, par exemple,
du blocage des lignes de glissements sur les joints, ou encore et surtout, du glissement des
joints sur eux-mêmes qui est un phénomène actif à haute température, en particulier dans
les aciers du type 316. En résumé, il apparaît que la formation des cavités est intimement
liée au processus de déformation plastique puisque le glissement intergranulaire en est une
fonction croissante. La déformation est de ce fait le paramètre prépondérant de la
germination.

3.3.2. La croissance

Les lois de croissance de cavités en viscoplasticité sont régies par deux mécanismes : la
déformation viscoplastique et la diffusion de lacunes aux joints de grains. Dans le cas de
l'acier inoxydable austénitique Z2 CND 17-12 du type 316, il y a un couplage entre les
deux mécanismes et, de plus, la croissance est freinée par le fluage de la matrice. Dans ce
cas, quand la cavitation se produit sur un joint de grain isolé, orienté perpendiculairement à
la contrainte appliquée, il y a localement un épaississement du joint. Ce joint de grain se

41
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

voit déchargé en partie et un transfert de charge se produit sur les joints de grains qui
l'entourent.

Pour les faibles vitesses de déformation, c'est la relaxation de contrainte locale par
viscoplasticité de la matrice qui peut contrôler en partie la croissance des cavités (figure
3.3.2.)- Le mécanisme de croissance de cavités contrôlé par la diffusion des lacunes est
spécifique du fluage. Il est d'autant plus probable que la vitesse de fluage est faible. Il sera
donc rencontré encore plus facilement dans les composants réels sollicités à faible
contrainte et pendant de plus longues durées que dans les éprouvettes de laboratoire qui sont
souvent testées dans des conditions de fluage accéléré. Etudié initialement par Hull et
Rimmer pour une cavité sphérique, ce mécanisme a donné lieu à de nombreux modèles qui
ne seront pas développés ici.

La croissance est contrôlée par la déformation viscoplastique lorsque cette vitesse est
suffisamment grande. Dans ce cas, les phénomènes de diffusion de lacunes n'ont pas le
temps de se mettre en place et les lois de croissance de cavités établies en plasticité (rupture
ductile) peuvent être transposées à condition de changer les déplacements en vitesses. Ainsi
la loi de Rice et Tracey s'écrit de façon approchée sous la forme :

dR 3 m
= O£ exp (3.1)
Rdt e
. q

R est le rayon des cavités supposées sphériques,
om/Geq le taux de triaxialité des contraintes,
a le taux de croissance des cavités,
a m = — (O] + G 2 + G3) où Gi désigne les contraintes principales,

Geq est la contrainte équivalente.

3.3.3. La coalescence

Les mécanismes de coalescence de cavité qui conduisent à la rupture finale en fluage pur
restent les moins étudiés et donc les moins connus. Dans certains cas, la coalescence peut
conduire à l'extension relativement brutale du dommage sur plusieurs facettes. Cependant,
on peut également avoir une absorption progressive des cavités selon un mode de
propagation stable.

De nombreux modèles théoriques ont permis d'établir des relations analytiques donnant les
vitesses de croissance de cavités, les temps à rupture en fonction des contraintes et des
déformations, généralement en sollicitation uniaxiale. L'état des contraintes en pointe de
fissure est triaxial, aussi si l'on étend les résultats de ces modèles au cas des chargements
multiaxiaux, on obtient les résultats qualitatifs suivant :

- dans un matériau où la diffusion des lacunes contrôle la cavitation, le moteur de la


diffusion est la contrainte normale locale sur le joint de grain. Dans le cas d'un

42
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

chargement multiaxial, la cavitation et la rupture sont contrôlées par la plus grande


contrainte principale.
- dans un modèle où la déformation plastique contrôle la cavitation, la croissance des
cavités, tout comme la rupture ductile, est influencée par le taux de triaxialité : plus
celui-ci est fort, plus la croissance des cavités est rapide.

3.4. Interaction des mécanismes de fatigue et defluage

A haute température et pour des fréquences faibles ou bien pour des temps de maintien
importants, les fissures de fatigue peuvent se propager par coalescence avec les cavités
formées aux joints de grains. Les mécanismes de glissement alterné et de cavitation aux
joints agissent simultanément et celui qui fournit la plus grande vitesse de fissuration
prédomine. L'interaction entre ces deux mécanismes conduit généralement, quand la
fréquence diminue ou quand le temps de maintien augmente, à une transition du faciès de
rupture qui passe de transgranulaire à intergranulaire.

Min et Raj [12,13] ont essayé de décrire la façon dont la fissuration en fatigue pouvait
interagir avec le dommage de cavitation dans l'acier 316 à 625°C. Pour les conditions
d'essais utilisées, ces auteurs ont montré que les fissures de fatigue dans les aciers
inoxydables austénitiques croissent de manière transgranulaire par glissement alterné. Si,
cependant, un chargement avec temps de maintien est appliqué avant l'essai de fatigue, le
chemin de fissuration devient intergranulaire et la vitesse de fissuration augmente
considérablement. Dans ce cas, le temps de maintien peut être assimilé à un mini essai de
fluage, dans lequel se forment des cavités aux joints de grains en avant de la fissure
principale. Le joint de grain ainsi pré-cavité devient un chemin préférentiel pour la fissure
de fatigue qui se propage ainsi cycle par cycle dans le joint de grain fragilisé plutôt qu'à
l'intérieur du grain. La synergie représentée par la combinaison de ces deux mécanismes
met donc en exergue dans ce cas l'influence de l'endommagement de fluage sur le
mécanisme de fissuration en fatigue.
L'interaction peut se traduire également par l'influence des mécanismes de fatigue sur
l'endommagement de fluage. Des essais sur éprouvettes axisymétriques entaillées ont
permis à Molinié et Levaillant de montrer l'influence de la plus grande contrainte principale
et de la déformation de fluage sur la cinétique de l'endommagement intergranulaire [14,
15]. Dans des éprouvettes CT par exemple, malgré l'émoussement, l'état des contraintes
dans le ligament est fortement influencé par la géométrie du défaut et crée localement des
concentrations de contraintes qui sont ré-initiées à chaque cycle de fatigue. Ces
concentrations de contraintes influencent donc directement la cinétique d'endommagement
intergranulaire comme nous l'avons vu précédemment en accélérant les mécanismes de
formation de cavités.

Il serait peu prudent d'opter de façon définitive pour la prédominance de l'un ou l'autre de
ces mécanismes d'interaction. Cependant, intuitivement, il semble que pour un matériau
donné la prédominance d'un mécanisme sur l'autre est fortement influencée par la durée
des temps de maintien des cycles de fatigue-fluage. Pour les temps de maintien longs, la
cavitation intergranulaire conduisant à une fragilisation plus importante du joint, il semble
que le premier mécanisme soit préféré. Alors que pour les temps très courts, la faible
relaxation de contrainte dans le ligament occasionnée après chaque mise en charge rapide
favoriserait le deuxième mécanisme. Cependant pour les temps intermédiaires et en fonction

43
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

du niveau de contrainte imposé, il semble raisonnable de penser que ces deux mécanismes
d'interaction agissent simultanément.

5.5. Les observations microscopiques au M.E.B

La fractographie nous permet de comparer les types de faciès de rupture observés dans le
cas de nos essais avec ceux qui sont classiquement reportés dans la littérature pour des
sollicitations bien déterminées.
Rappelons les grands types de faciès rencontrés pour les métaux :

-faciès de rupture fragile : lisse et intragranulaire, caractéristique du clivage,


-faciès à stries : transgranulaire, caractéristique des essais de fatigue et du stade II de la
propagation,
- faciès de rupture intergranulaire : II est lié à l'endommagement volumique et est
représentatif des mécanismes d'endommagement de fluage,
-faciès de rupture ductile : transgranulaire ou intergranulaire présentant des cupules. Il
est souvent observé sur des éprouvettes fortement déformées plastiquement.

3.5.1. Les essais de fatigue continue

Des observations de faciès de rupture au microscope électronique à balayage (MEB) sur les
éprouvettes CT75 et CT76 sont représentées sur les figures 3.5.1.a à g.. Sur chacune de
ces figures, la flèche verticale représente la direction de propagation de la fissure
macroscopique. Des observations dans la phase d'amorçage (entre lOO^im et lmm) ne
montrent pas de type de faciès particulier, la fissuration est transgranulaire mais aucune
strie de fatigue n'est visible.

Après quelques millimètres de propagation, des stries de fatigue apparaissent (figure


3.5.1.3 à d), orientées plus ou moins perpendiculairement à la direction de propagation.
Des mesures d'interstries sur ces photographies permettent d'estimer l'avancée moyenne
par cycle qui est de l'ordre de 10° mm/cycle. Cette valeur est en bon accord avec la vitesse
expérimentale mesurée après interprétation de l'essai, pour le niveau de AK correspondant
(AK =25,8 MPaVm). Cependant, la formation de stries est essentiellement la manifestation
d'une localisation de déformation plastique en pointe de fissure qui ne représente pas
nécessairement la quantité de nouvelle surface créée à chaque cycle. En conséquence, il
peut être hâtif de ne se contenter de mesure microscopique d'interstrie pour quantifier la
vitesse de propagation.

Des faciès mixtes sur lesquels apparaissent des zones de rupture intergranulaire entourées
de zones globalement transgranulaires avec stries peuvent également être rencontrés
(figures 3.5.l.e et 3.5.l.f). Ce type de faciès mixte a été observé par Laiarinandrasana sur
la tôle SA et par Solignac [16] et Piques [17] sur le même acier, pour des essais de fatigue
lente (5 cycles par heure ) ou modérée (4 cycles par minute) et pour des sollicitations telles
que AK<20 MPaVîn et R = 0 , l à 550°C. Dans notre cas, nous travaillons à 650°C avec
4,28 cycles par minute et à des niveaux de chargement de l'ordre de 25 MPaVm. Les
vitesses de sollicitation sont similaires et relativement lentes. L'augmentation de
température favorise le développement de l'endommagement volumique et de la croissance

44
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

de cavités aux joints de grains en avant de la fissure principale. La fissure, qui se propage
principalement de façon transgranulaire, peut rencontrer des zones ou l'endommagement
s'est suffisamment développé pour lui offrir un chemin préférentiel le long des joints de
grains. La photographie de la figure 3.5.l.g semble accréditer ce mécanisme d'interaction
entre les deux types de dommage. Les joints de grains et les facettes apparaissent
clairement. Sur certaines facettes, on note la présence de stries indiquant le cheminement de
la fissure dans le joint de grain ainsi que quelques fissures secondaires qui apparaissent dans
les plans perpendiculaires au plan de fissuration. Ce mécanisme de fissuration qui conduit à
des zones de rupture intergranulaire est distinct de celui qui est communément observé en
fluage où le stade ultime de la coalescence de cavités aux joints conduit à la décohésion des
grains. Dans notre cas, il semblerait que l'on soit en présence d'un mécanisme de
fissuration par fatigue des joints de grains fragilisés. Il y aurait d'abord fluage des joints de
grains, ce qui conduit à leur fragilisation (sans aller jusqu'à la coalescence de cavités) puis
la fissuration de ces joints par fatigue.

3.5.2. Les essais de fluage

Des observations de faciès de rupture au microscope électronique à balayage (MEB) sur


l'éprouvette CT86 sollicitée en fluage pur sont représentées sur les figures 3.5.2.a à d. Les
surfaces de rupture n'ont pas été traitées (par une attaque chimique) afin de ne pas effacer
les phénomènes observables à la surface des grains. De ce fait, certaines peuvent présenter
une légère couche d'oxyde pouvant être préjudiciable à l'identification des faciès. Sur
chacune de ces figures, la flèche verticale représente la direction de propagation de la
fissure macroscopique. Ces 4 fractographies, assez caractéristiques, nous montrent
l'évolution des faciès de rupture en fluage pur, de l'amorçage du défaut jusqu'à
pratiquement la rupture de l'éprouvette. Sur la figure 3.5.2.a ; la zone de préfissuration à
froid en fatigue se distingue nettement de l'amorçage du défaut en fluage. Dès le début du
fluage la surface devient perturbée, presque chaotique. Dans la phase d'amorçage (entre
lOOjim et lmm), de nombreuses fissures secondaires apparaissent aux joints de grains
jusqu'à ce que la symétrie du chargement en impose une, qui devient principale et qui se
propage dans une direction globalement perpendiculaire au chargement. Sur la figure
3.5.2.b., le faciès est intergranulaire avec des facettes bien visibles dans la zone
d'amorçage. Cet élément nous indique que les difficultés d'identification de faciès en fluage
pur rencontrées au cours du programme AMORFIS [1] étaient dues essentiellement à des
problèmes d'oxydation en surface. La rupture est bien intergranulaire dès l'amorçage.

Pour des propagations de l'ordre de 3 à 4 mm, (figure 3.5.2.c) le faciès intergranulaire


évolue et des poches de rupture intergranulaire ductile apparaissent sous l'effet des forts
niveaux de déformations en pointe de fissure. Peu avant la rupture de l'éprouvette (figure
3.5.2.d), le phénomène s'est étendu. Le faciès est alors semblable à celui rencontré
généralement dans la littérature et cité par Levaillant [15] au cours des essais de fluage sur
éprouvette lisses : il est essentiellement de type intergranulaire ductile avec cupules.

45
Chapitre 3 : Les mécanismes de fissuration et les observations microscopiques

3.5.3. Les essais de fatigue-fluage

Des observations de faciès de rupture au microscope électronique à balayage (MEB) sur les
éprouvettes CT80 et CT91 sollicitées en fatigue-fluage sont représentées sur les figures
3.5.3.a à f. Pour l'essai CT80 réalisé avec Vi heure de maintien (figure 3.5.3.a), à
nouveau, une transition brutale apparaît entre la fin de la préfissuration et le début de
l'essai. Comme le montre la figure 3.5.3.b, la rupture est intergranulaire, et ceci, dès xh
heure de temps de maintien. Cet élément confirme les observations du programme
AMORFIS (pour T m =0,5h). Elles mettent en évidence l'importance du dommage de fluage
sur la fissuration globale dès les temps de maintien courts. Aucune strie de fatigue, comme
celle rencontrée lors des essais de fatigue continue, n'apparaît, ni dans les grains, ni aux
joints. Le mécanisme de rupture transgranulaire ne semble pas présent. Il devient alors
difficile de quantifier les contributions respectives de la fatigue et du fluage sur la
fissuration globale par l'analyse seule des faciès. Cependant, il est clair que le fluage doit
être pris en compte comme phénomène essentiel dès les temps de maintien courts.
Pour les essais avec maintien de 5 heures et plus, la transition nette entre préfissuration et
fatigue-fluage apparaît de nouveau (figure 3.5.3.c) pour l'essai CT91. De larges plages
intergranulaires se répartissent sur toute la surface de rupture. A partir de ces
photographies seules, il est pratiquement impossible de différencier ces faciès de ceux
obtenus au cours d'un essai de fluage pur. Les facettes sont présentes en grand nombre ainsi
que quelques fissurations secondaires (figures 3.5.3.d et e).

46
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique


de la rupture

47
This page is intentionally left blank.
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rapture

4. Les paramètres de la mécanique de la rupture

Considérons une structure fissurée soumise à des sollicitations de type fatigue-fluage. La


réponse d'un élément de volume dans cette structure dépend de sa position, de la durée et
de l'intensité de la sollicitation. Ainsi, elle pourra être élastique linéaire, élastoplastique ou
viscoplastique. Nous rappellerons, pour chacun de ces cas, les expressions des paramètres
(K, J, C*) qui gouvernent les champs de contraintes et de déformations en pointe de
fissure, ainsi que les principales expressions analytiques ou expérimentales qui permettent
de les calculer. Leur utilisation dans le cadre de l'analyse de la propagation de défauts en
fatigue-fluage sera ensuite abordée. Le lecteur intéressé pourra consulter les références
bibliographiques [1, 6, 18, 19, 20, 21, 22].

4.1. Singularité des contraintes et des déformations en pointe de fissure

4.1.1. Elasticité linéaire

L'application des concepts de l'élasticité linéaire aux structures fissurées a constitué un


tournant de la mécanique de la rupture. La résolution des équations issues des conditions
d'équilibre, de compatibilité et des conditions aux limites ont fait apparaître un paramètre
K, appelé facteur d'intensité des contraintes, qui prend en compte le chargement, la
géométrie et la taille du défaut, et qui gouverne la singularité des contraintes en pointe de
fissure. La singularité obtenue est en —j=, où r est la distance à la pointe de la fissure, et K
Vr
représente l'amplitude du champ de contraintes en pointe de fissure.

En élasticité plane et dans le cas d'une rupture en mode I, l'expression du tenseur des
contraintes est donnée par :

y *
8f. . 6 . - 6
cos — 1 - sm — sin 3 —
2 1 2 2
a
6f, . e . oe (4.1)
yy r cos — 1 + sin — sin 3 —
2râr 2I 2 2
Q( . 6 -6
°xy = COS — SHI — COS 3 —
21 2 2
Les expressions donnant le facteur d'intensité des contraintes K en fonction de la géométrie
sont regroupées dans quatre ouvrages principaux [23, 24].

49
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Dans le cas d'une éprouvette CT en mode I l'expression de Ki est celle proposée dans la
norme ASTM 399 94:

1 ^Lf) (4.2)
BVW Iw
où F est la force réelle appliquée sur la ligne de charge,
a, la profondeur de l'entaille,
W et B, respectivement la largeur et l'épaisseur de l'éprouvette.

- f 0.886 + 4.64 - - 1332f-f + 14.72(-T - 5.ôf-


avec f — = - (4.3)
I I - •"•
w

En fatigue, c'est la variation du facteur d'intensité des contrainte AK qui est utilisée. Elle
est calculée en remplaçant la force F par AF.

4.1.2. Elastoplasticité

De la même façon que l'on utilise le facteur d'intensité des contraintes dans le cadre de
l'élasticité linéaire, un simple paramètre peut être utilisé pour décrire les variations locales
en pointe de fissure des contraintes et déformations en elastoplasticité. Rappelons les
équations constitutives qui définissent le comportement non-linéaire du matériau en
elastoplasticité.

Le comportement du matériau peut être modélisé par une relation contrainte-déformation


uniaxiale du type Ramberg-Osgood :

Où ay est la limite élastique, e y =a y /E, a une constante du matériau sans dimension et n


l'exposant d'écrouissage.

On peut utiliser la même relation sous la forme :


e = —+ B o a n avec B o = ae y /o y n
Dans le cas d'un état de contrainte multiaxial, et pour un chargement monotone radial, la
relation contrainte -déformation généralisée peut s'écrire sous la forme :

_ 1+ v l-2v s 3 £^q
£;; — S:: "I Gi^uO:: H S;; (4. J )
J c J ^c ^^ J o J
i-j JE Z Ogq

où Si* est le tenseur déviateur des contraintes : S:: = C:; - 4 a^ô;;

50
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

ceq et £eqp, les contraintes et déformations plastiques équivalentes définies par :

°eq

où J2 est le second invariant du déviateur des contraintes et EP la déformation


plastique équivalente

D'après l'équation (4.4), les équivalents doivent être reliés par la relation

M =BOG^ (4.6)

En conséquence, l'équation généralisée utilisant la formulation Ramberg-Osgood définie


pour un état de contrainte uniaxial s'écrit:

(4 7)
y T -
Près de la pointe de la fissure, c'est la déformation plastique et non la déformation élastique
qui détermine la singularité. Dans une petite zone entourant la pointe de la fissure, la
déformation élastique peut donc être négligée et on a alors :

3_ (4.8)
2 \°y

A partir de ces relations, la résolution des équations d'équilibre et de compatibilité, conduit


à la définition d'un paramètre unique appelé J qui contrôle la singularité des contraintes en
pointe de fissure en r"1/n+1. On définit ainsi les champs HRR (Hutchinson, Rice et
Rosengren) [25, 26] :

1 , n
+1 +1
V f J V
(e n) £ =B e7 (e n) (4 9)
^ ' * °ÏÏT7 J ' -
où In est une intégrale dépendant de n, ô ;j (e,n) une fonction tablée par Kumar et Shih [27]
en fonction de 0 et de n.

51
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Pour de nombreuses valeurs de n, In peut être estimée à partir des relations

i
( lu 4.6
I n =10.3 0.13 + en déformations planes
K nj n
(4.10)

M2 -- —
I n = 7.2 0.12 + - I
n/ n
en contraintes planes

J qui a une signification énergétique vérifie l'intégrale de contour définie par Rice [28] :

(4.11)

où W est la densité d'énergie de déformation : W = J c^de^,

Ti les composantes du vecteur contrainte, u; celles du vecteur déplacement et s un


arc le long du contour F. Le contour T est orienté dans le sens trigonometrique qui
entoure la pointe de fissure.

L'intégrale J a la propriété essentielle d'être indépendante du choix du contour, ce qui lui


permet d'être estimée numériquement à partir de n'importe quel contour entourant la
fissure.

52
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

4.1.3. Fluage

4.1.3.1. Définition de C*

Lorsqu'une structure fissurée est sollicitée à haute température avec un effet du temps, une
zone viscoplastique se développe autour de la pointe de la fissure et croît dans une zone
élastoplastique initiale. En fonction du développement de la déformation de fluage, les
champs de contraintes et de déformations vont évoluer à leur tour dans le temps et dans
l'espace. A chargement constant, au bout d'un temps suffisamment long, un état de fluage
asymptotique secondaire prévaut dans toute la structure. Considérons un matériau qui se
déforme suivant la loi de comportement en fluage secondaire :

èfij=|B2aeqll2-1sij (4.12)

ou dans le cas uniaxial éf = B 2 a n 2 (4.13)

où B2 est une constante du matériau et n2 l'exposant de la loi de fluage secondaire.

En comparant les lois de comportement de plasticité (£ p =B O CT") et fluage secondaire


(è f = B 2 o n 2 ) , on constate qu'il existe une analogie formelle entre ces deux relations. On
passe de la plasticité au fluage secondaire étendu en remplaçant les déformations par les
vitesses de déformations et l'exposant n par n2. Les équations gouvernant l'équilibre et les
équations de compatibilité ayant le même formalisme, Riedel et Rice [29] ont montré que
les champs de contrainte et de déformation en pointe de fissure dans une structure évoluant
en fluage secondaire stationnaire sont du type HRR. Ils sont obtenus en remplaçant J par un
paramètre appelé C*. Ces singularités, appelées champs R.R s'écrivent :

1 n2
( r* V2+1 ( n* "W+i

< n i  7 j ***•*>>é » = H i ï ? j ^ (4 i4)


-
L'intégrale In et les fonctions angulaires 0 ^ ( 6 , ^ ) ont les mêmes dépendances en n et 0 que
dans l'analyse plastique [30] et il suffit de remplacer n par n2 .

En conservant la même analogie entre plasticité et fluage étendu, on définit également


'intégrale de contour C* :

(4.15)

où W* est la densité du taux d'énergie de déformation tel que :

53
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

et ù; est le vecteur vitesse de déplacement et éVj le tenseur vitesse de déformation de


fluage.

Les conditions de contour sont les mêmes que celles spécifiées pour le calcul de J.
L'indépendance de C* vis-à-vis du choix du contour repose sur les mêmes bases que celles
de J. Néanmoins, cette intégrale n'est indépendante du contour que si l'état de fluage
secondaire étendu est atteint dans toute la structure et si la fissure est stationnaire.

4.1.3.2. Cas du fluage primaire

Pour de nombreux aciers, en particulier les aciers austénitiques, le fluage primaire a un rôle
prépondérant pour le comportement à haute température du matériau. Comme C*
caractérise le stade de fluage secondaire, Riedel [31] a montré que l'introduction du fluage
primaire permet de définir un nouveau paramètre, Ch*, qui est aussi une intégrale
indépendante du contour quand le matériau est dans un état asymptotique de fluage
primaire. Dans ce cas, la loi de comportement dans un état multiaxial est telle que:

F •• = — B'cT n '~V~ p S" C4 16^

où B', n' et p sont des caractéristiques du matériau et si: et aeq et eeq, respectivement le
tenseur déviateur des contraintes, la contrainte équivalente et la déformation équivalente
viscoplastique.
En uniaxial, l'intégration en temps nous donne : £ = B,c n i t P l

avec B, =

Pour des chargements proportionnels dépendant du temps, la nature homogène de la loi de


comportement, des équations d'équilibre et de compatibilité nous autorise à écrire le tenseur
des contraintes sous la forme :
0^(1,6,1) = P(t)-CTij(r,e) (4.17)

Où P(t) est un paramètre de chargement dépendant du temps et 0 ^ , 9 ) une fonction ne


dépendant que de r et 0. Pour des chargements proportionnels, l'intégration en temps de la
loi de comportement conduit à l'expression :

g,,=x .:' PWMT eo - (4.18)


[p(t)]n eq

L'indépendance de la relation précédente vis-à-vis des coordonnées spatiales est une


condition de l'indépendance du contour de l'intégrale de Rice J. L'indépendance en temps
de J et du produit e^Gy est identique. A chargement constant, on a par exemple J °= t ^ +p ^.
Bien sûr, l'intégrale J multipliée par n'importe quelle fonction du temps reste indépendante

54
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

du contour. Par analogie avec l'intégrale C*, il devient alors judicieux de définir une
intégrale indépendante du temps et du choix du contour à chargement constant :

(4.19)

J(t) J(t)
Si P(t)=P=cte C = - (4.20)
h
J_ tpl
t l+p

En analysant la loi de comportement £ = B 1 a D l t P l , on peut faire l'hypothèse que le


matériau se comporte comme s'il était élastique non linéaire avec un coefficient B(t)=Bitpl
qui dépend du temps.
£ = B1GnitPl =B(t)cni (4.21)

Par analogie avec le champ HRR en élastoplasticité, on peut déduire l'expression du champ
de contraintes pour un matériau qui flue en fluage primaire étendu:

(4.22)

4.1.3.3. Cas plus général du fluage non stationnaire

Les éprouvettes de laboratoire sont généralement sollicitées de sorte que l'hypothèse de


fluage étendu soit vérifiée pendant une grande partie de l'essai de fissuration en fluage.
Cependant, dans le cas de chargements peu importants et dans la majorité des composants,
une propagation de fissure peu être envisagée bien avant d'atteindre l'état de fluage étendu.
Juste après la mise en charge, une zone de fluage transitoire, dite "zone de fluage à petite
échelle" (Small Scale Creep), prévaut alors, en pointe de fissure avant d'atteindre le fluage
étendu (primaire puis secondaire). Dans ces conditions, les vitesses de déformation et les
contraintes en pointe de fissure sont des fonctions du temps et l'intégrale C* définie
précédemment n'est plus indépendante du contour d'intégration. Cependant, au voisinage
de la pointe de fissure les vitesses de déformation de fluage dominent les vitesses de
déformations élastiques. En choisissant un contour d'intégration suffisamment proche de la
pointe de fissure et dominé par le fluage, Riedel et Rice ont montré que l'intégrale devient
alors indépendante du contour. Cette intégrale, notée C(t) décrit, de plus, la singularité des
contraintes et déformations en pointe de fissure qui est toujours de type HRR :

n2
\n2+l \n2+l
C(t)
(4.23)
B 2 I n2 r 1
B2

55
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

OU (4.24)

La notation F -» 0 indique que l'intégrale doit être évaluée sur un contour près de la pointe
de fissure dont les dimensions tendent vers 0. L'évolution de C(t) traduit donc la relaxation
de contrainte en pointe de fissure. Partant d'une valeur élevée juste après la mise en charge,
C(t) décrit l'état de fluage transitoire ainsi que les états de fluage étendus (primaire puis
secondaire). On a donc la relation :

lim C(t) = C*
t-»oo
Où C* représente la valeur de l'intégrale de contour C* dans des conditions de fluage
secondaire étendu.

Pour un matériau qui a un comportement de type élastoplastique et fluage primaire, le


temps de transition ti, entre fluage primaire à faible échelle et fluage primaire étendu est :

ti = (4.25)

Au cours du temps, une zone de fluage secondaire se développe dans la zone de fluage
primaire. Eventuellement, cette zone finit par englober totalement la zone de fluage
primaire jusqu'à s'étendre dans l'ensemble du ligament. Le temps, t2, au bout duquel ce
processus est achevé est :

(4.26)
I n2+l C

Finalement, une formule d'interpolation simple est proposée par Riedel et Detampel [32]
Elle permet de décrire C(t) tout au long de la période de fluage :

C t = C * 1 + -^ + p^- (4.27)

4.2. La charge limite et la contrainte de référence

La charge limite FL d'une structure réalisée dans un matériau parfaitement plastique est le
chargement pour lequel la structure entre dans un état de plasticité envahissante. Elle est
calculée à partir des outils de l'analyse limite, en particulier les théorèmes extrémaux.

Un formulaire récent de charge limite a été publié par A. G. Miller [33]:

56
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Pour une eprouvette CT, on a : FL=B-W.m|-|-o: (4.28)

Où B est l'épaisseur de l'éprouvette,


W la largeur de l'éprouvette
oy la limite d'élasticité

La fonction m(aAV) dépend du choix de l'état de contrainte dans l'éprouvette et du critère


de plasticité. Ces expressions, proposées par Miller sont résumées dans le tableau suivant :

Déformations planes (DP) Contraintes planes (CP)


Tresca ( &\ I ( a Y2 ( a\ 2
m — = ,2.702 + 4599 — - 1 + 1.702 — m 7 + 2 +
l w ; ~ ~l \v J v + 2 m
Von 1 f a\2 f aA
m(—I = 1.155 ,2.702 + 4.599^— - 1 + 1.702—
Mises

La définition de la contrainte de référence cref découle directement de celle du chargement


limite. On a ainsi :

(4.29)
CT.,

Pour un matériau plastique parfait, la charge limite est donc atteinte quand la contrainte de
référence atteint la limite élastique a y .

4.3. Calcul des paramètres J, C* et C*h.

Nous rappellerons dans cette partie tout d'abord les différentes méthodes qui permettent de
calculer les paramètres J, C* et C*h à partir essentiellement de la connaissance, au cours
d'un essai, de l'ouverture expérimentale de l'entaille au niveau de la ligne de charge.
Différentes expressions analytiques de ces expressions qui découlent directement de
l'utilisation des concepts de contrainte de référence et longueur de référence seront
présentées.

57
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

4.3.1. Evaluation de J et C* basée sur l'ouverture expérimentale

Pour une ouverture donnée 8, ou pour une vitesse d'ouverture 8 donnée, la variation
d'énergie potentielle, dU, et sa vitesse dU* causées par une petite avancée de fissure, da,
sont reliées à J et C* par les relations :

où B est l'épaisseur de l'éprouvette.

D'après ces relations, J, par exemple, prend donc la forme d'une variation d'énergie
potentielle par unité d'aire fissurée.

Alternativement, en considérant les courbes de chargement P-8 (ou P-8) d'un corps fissuré
pour deux longueurs de fissure voisines a et a+da, l'aire comprise entre les deux courbes
(figure 4.3.1) estime Jda (respectivement C*da). Ainsi J et C* peuvent être évalués à partir
des relations:

0
_ ("38
-J (|*dP
J da
0
(4.31)

et
s P .
(4.32)

Où P est la charge appliquée par unité d'épaisseur et 8, le déplacement mesuré au niveau de


la ligne de charge.
Ce sont ces dernières relations qui ont permis à Landes et Begley [34] d'aboutir aux
premières évaluations expérimentales de J pour différentes configurations et aux premières
courbes J-Aa en utilisant la technique dite de "multispecimen".

La notion de longueur de référence

D'après la thèse de Roland Piques [17], la longueur de référence d'une éprouvette fissurée
pour laquelle on exprime le déplacement 8 est la longueur lref qui, mesurée sur une
éprouvette lisse fictive , produit la déformation eref sous la contrainte de référence oref telle
que :

8ref (4.33)
W
Lucien Laiarinandrasana [1] précise, dans sa thèse, qu'en fait, ce modèle consiste à
considérer une éprouvette lisse fictive placée sur la ligne de charge de l'éprouvette fissurée.
La base de mesure du déplacement de cette éprouvette lisse fictive est l'ouverture de
l'entaille initiale 8o de l'éprouvette fissurée. A un chargement F appliqué correspond non
seulement, la contrainte de référence oref, mais une augmentation de l'ouverture de
l'entaille 8. On suppose donc que c'est cette même contrainte qui s'exerce sur l'éprouvette

58
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

lisse fictive dont le déplacement enregistré sur la base de mesure correspond exactement à
l'augmentation de l'ouverture de l'entaille.

Selon la méthodologie suivie par R. Piques, la longueur de référence (définie par A. Pineau
et l'équipe du Centre des matériaux de l'Ecole des Mines de Paris) est telle que :

~" ^ref £ ref V^ref ) (4.34)

où Ô(t) est la courbe expérimentale de l'ouverture de l'entaille en fonction du temps. Soit


par exemple en plasticité et avec une loi "puissance" reliant £ref à aref :

= lrefB0Grefn (4.35)

On montre qu'il existe une corrélation de la forme : l r e f = y ( W - a ) . y est une


caractéristique du matériau que nous évaluerons pour notre acier au chapitre 6.2.6.

En partant de cette expression de Ô (4.35), et en utilisant la relation (4.40), on s'attache a


simplifier l'expression de J. On montre ainsi que :

90 n - 1 9m y(W-a)B c
>ref (4.36)
W
et

(4.37)

Finalement, pour J on obtient :

n F5
J (4.38)
" n+lB(W-a)

ai-1 am
avec A — ;nl= 1- — (4.39)

Pour a/W compris dans l'intervalle 0,2<a/W<0,8, on montre que A —;n est
VW J
pratiquement égal à 2.

59
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

L'expression généralement retenue pour le calcul de J dans le cas d'une éprouvette CT est
alors :

J-2

(4.33)
lB(W-a))
ou :
F est la force appliquée sur la ligne de charge,
8 est l'ouverture expérimentale de l'entaille,
B est l'épaisseur de l'éprouvette,
W est la largeur de l'éprouvette,
n est l'exposant de la loi de comportement élasto-plastique,
a est la longueur de fissure.

Cette expression permet donc l'évaluation de J directement à partir le la mesure


expérimentale de l'ouverture d'entaille ôexp.

Remarque : d'après le calcul précédent, l'aire sous la courbe force-ouverture F-Ô est :

U Fdô = Fô
n+1

U
d'où J*2 (4.40)
B(W-a))

La même démarche peut être appliquée à C*, a partir de la relation (4.32), par analogie
entre la loi de plasticité et la loi de fluage secondaire. Les travaux concernant la
détermination expérimentale de C* ont été initiés par Harper et Ellison (1978) [35], Landes
et Begley(1976) [36], Kubo, Ohji et Ogura (1976) [37] et Nikbin et Webster (1976) [38].
Dans le cas d'une éprouvette CT, leurs différentes formulations se résument à :


C*(t) = 2 Harper- Ellison (4.41)
n, + l B ( W - a )
où m est l'exposant de la loi de fluage secondaire é s = B 2 a n 2

La norme ASTM 1457-92 [4] remplace le facteur 2 par le facteur r\ dépendant du rapport
a/W et qui prend en compte la composante de traction entrant dans un chargement
globalement en flexion tel que celui qui prévaut dans les éprouvettes CT :

(4.42)

avec r| = 2 + 0.522 1 - —
V w

60
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rapture

Dans ces relations, le terme n2/n2 + l est théoriquement valide uniquement dans des
conditions de fluage secondaire étendu. Pour un matériau en fluage primaire seul, il doit
donc être remplacé par ni/rii + 1. Plus simplement, pour décrire un matériau évoluant en
fluage primaire puis secondaire Saxena [39] propose de remplacer r\—^— par le
n2 + 1
paramètre r\ ' vérifiant :

( ) ( ) (443)
^ IH)) -
i-Pi
avec : t2 =
n 2 +l C

Remarque : Bien que dépendante du temps, ces relations représentent la valeur de


l'intégrale de contour C* dans des conditions de fluage étendu. D'où C(t)**C(t). Elles ne
peuvent donc pas, d'une part, décrire correctement les situations de fluage transitoire, et
d'autre part, représenter sur toute la durée de l'essai l'amplitude des champs de contraintes
et de déformations en pointe de fissure.

Dans le cas d'essai à déplacement imposé, C* peut être estimé expérimentalement à partir
de l'équation suivante :

-dC Fâ CF
C*=T1 n
2
(4.44)
n 2 + 1 B W da E'B BE'

où C est la complaisance élastique, qui pour une éprouvette CT, peut être obtenue à partir,
notamment, du formulaire de Hudak et Saxena [40].

Une autre expression, proposée par Ernst [41], fait intervenir deux autres paramètres, y et
(3, qui dépendent de a et W :

C(t)*= ° 2 , F* , f Y -£] (4.45)


n2+lB(W-a)) l nj

avec : y = 2 + 0.9717^) - 0.9756(a4)2 - 0.637l(a^)3 + 0.6352(^)


(3 = 02391 - 0.

Pour le paramètre Ch*, aucune norme n'est disponible. Mais dans le cas d'un chargement
imposé il peut être évalué expérimentalement à partir de l'estimation de J(t)/tpl.

61
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

L'expression adéquate, déjà proposée par L.Laiarinandrasana, basée sur les développements
de Riedel (équation 4.20), devient alors :


C h (t)* = (4.46)
B(W-a)tPl

4.3.2. Estimations numériques de Kumar et Shih (code EPRI).

En partant d'un matériau type dont le comportement plastique peut être représenté par une
loi du type ep=BoaD, Kumar et Shih [42] ont réalisé des calculs par éléments finis pour une
large gamme de geometries, de longueurs de défaut et d'exposants de loi de comportement
n. Ils ont pu montrer que la contrainte dans un tel matériau est directement proportionnelle
au chargement F, ce qui implique que la partie plastique de J, Jp, d'après la forme du
champ HRR, est proportionnel à F n+1 .

n+l

(4.46)

où F/F o est la charge appliquée normalisée par un chargement adéquat F o et hi une fonction
de a/W et de n.
En choisissant par exemple pour F o , la charge limite F L d'un corps rigide plastique parfait
de limite élastique a y , avec :
F L = a ' - B - ( W - a ) - î i ( — \ay (4.47)

où a ' = 1.072 en CP et a ' = 1.455 en DP et

2a , 2a , 2a
+2| 2 •+ 1 (4.48)
W-a W77'+ - W-a

Kumar et Shih ont abouti à la construction d'une fonction hi, puis h2 et h3 qui ne dépendent
que de n et a/W, et qui permettent de calculer J, ainsi que l'ouverture de l'entaille au
niveau de la ligne de charge 8.

n+l

JL»=B 0 -(W-a)-hJ—;n (4.49)


a'-B.(W-a)-n-

T77;n • (4.50)
a'-B-(W-a)-d —

62
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

On remarquera, qu'à partir de ces expressions, on a toujours Ô °cFn et J °=Fô, ce qui montre
bien que toute ces expressions découlent implicitement ou explicitement de la notion de
longueur de référence.

Le J élastoplastique total est obtenu en rajoutant la composante élastique JeEPRI, telle que :

r EPRI _ ,
(4.51)

où ae est la longueur de fissure corrigée de la zone plastique d'Irwin définie par :

— avec B=2 en CP et B=6 en DP

Par analogie de la forme des lois de comportement et des champs asymptotiques en pointe
de fissure entre plasticité et fluage secondaire étendu, la formulation proposée par Kumar et
Shih permet d'évaluer l'intégrale de contour C* (fluage secondaire étendu) ainsi que C*h
(fluage primaire étendu). Finalement, on aboutit à :

C;PRI=B2-(W-a)-h1|-;n2 (4.52)
a'.B.(W-a).J-

et

(4.53)
a'.B-(W-a).Ti -

4.3.3. Les méthodes R5 et A16

La règle R5 [43] et le guide A16 [44] sont deux documents dédiés à l'analyse de la nocivité
des défauts dans les structures sollicitées à haute température. Chacun propose des
procédures d'analyse d'amorçage, de propagation et d'instabilité des défauts. Les deux
méthodes sont assez proches en ce qui concerne les règles utilisées pour déterminer la
propagation de défauts sous chargement cyclique à haute température en fatigue et fatigue-
fluage. Pour le calcul de J ainsi que pour celui de C*, elles sont basées sur le concept de
contrainte de référence.

63
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Bien que séduisante, la méthode EPRI a de nombreuses limitations pratiques. La plus


contraignante résulte de l'obligation de représenter la loi de comportement sous la forme
d'une loi puissance de type Ramberg-Osgood. Or, ce type de modélisation est souvent peu
réaliste, en particulier pour les matériaux qui s'écrouissent fortement. De plus, elle est
souvent limitée à un faible domaine de déformation. L'idéal serait dons d'utiliser
directement la loi de comportement du matériau construite point par point.

Une nouvelle estimation de J est proposée par Ainsworth [45] en partant de l'estimation du
J EPRI. Il choisit de remplacer la charge limite de normalisation F L par une autre charge F o
telle que :
a (4.54)
W . o.

\n+l

avech/ —;n U h J — ;

Ainsworth décide, alors, d'utiliser la notion de contrainte de référence généralisée telle


que :

(4.55)

En remplaçant F/F o dans l'équation (4.54) on aboutit à :

Jp=B0-(W-a).h;-;n • (4.56)

Pour un matériau qui a une loi de comportement de type Ramberg-Osgood, on peut


admettre que la déformation élastoplastique totale vérifie :

=e ref plas = + Boaref n


ref
d'où,
J p = -(W - a) • h / ^ ; ; n i • Gref (eref - Gref / (4.57)

£ref est donc la déformation de référence associée à la contrainte de référence aref sur la
courbe de traction du matériau.

Dans cette expression, seul hi dépend encore de n et donc de la modélisation en loi


puissance. L'essence de la méthode d'Ainsworth est de choisir F o (et donc de définir oref)
de façon à minimiser la dépendance de hi' en fonction de n.

64
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

La figure 4.3.3 nous montre que pour une certaine valeur de Fo, V est pratiquement
indépendant de la valeur de n ( K n < 2 0 ) . En définissant Fo* et aref* , la charge et la
contrainte de référence associée qui rendent V indépendant de n, on a alors :

(4.58)

Puisque hi' est indépendant de n, on peut l'évaluer pour n = l (cas d'un matériau linéaire
élastique). Ainsworth aboutit, après quelques simplifications, à l'expression de hi'(l)
suivante :

h (4.59)
i u) =
(w - a)o ref
avec n-1 en CP et \i=0,75 en DP.

En remplaçant hi'(l) dans (4.58) on a donc :

. K(a)2 (Ee
(4.60)
"UM
En rajoutant la partie élastique J , le J total s'exprime par :
e

K(a)2 E*fE£ref* ï
J= — — ^ — 1 +•
E* K(a)2

A partir de cette expression, dans l'optique de rester conservatif, Ainsworth choisit de se


placer uniquement en contraintes planes (fi = l , E=E*), d'où :

K(a)2 K(ae)2
J= -1 (4.61)
'ref K(a)2
En choisissant pour K(a)et K(ae), la solution pour une fissure en configuration d'Ingliss
dans une plaque infinie en contraintes planes (p=2) constituée d'un matériau plastique
parfait (n—»<»), on montre que :

K(aJ 1
2 (4.62)
K(a) " 2

L'expression de J qui en découle est celle retenue dans le guide A16. Elle repose sur une
correction plastique du J élastique (Je = K2/E*). On a ainsi :

(4.63)

65
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Plus tard, Ainsworth modifie légèrement le deuxième terme de la parenthèse (appelé


correction de zone plastique *F) dans l'expression qu'il propose pour la procédure
d'intégrité des structures du CEGB (Nuclear Electric) et dans la règle R6 [46] (ou R5 pour
les hautes températures). :

(4.64)

D'autre part, Ainsworth a remarqué que la charge limite d'une structure fissurée FL
(différente de celle utilisée initialement par EPRI) est, dans la majorité des cas, inférieure
de moins de 5% à la valeur idéale Fo* qui assure l'indépendance de hi' par rapport à n. La
charge limite FL apparaît donc comme solution particulièrement intéressante, d'après
Ainsworth, puisqu'elle est suffisamment proche de Fo* tout en conduisant à une légère
surestimation de oref et donc de J. Un léger conservatisme est donc introduit à nouveau dans
la méthode.

De la même façon, la méthode de contrainte de référence peut être appliquée, par analogie,
à l'estimation de C* dans les règles R5 ou A16. Le même schéma d'estimation peut être
appliqué pour C*, d'où :

K2 Eè ref
(4.65)
E* a ref

où èref est la vitesse de déformation viscoplastique associée à la contrainte de référence cref.


E
Par la suite, en introduisant la notion de longueur caractéristique Lref et en posant ~ 1,
E
l'expression précédente devient :

= |iè r e f a r e f L r e f (4.66)

avec Lref = (4.67)

Comme pour J, seule l'expression en contraintes planes est retenue (u.=l) dans la règle R5
afin de rester conservatif. On aboutit donc à l'expression :

c;5 = SrefO ref ^ ref

qui s' écrit aussi

êref
C R5 " J e , (4.68)
^ref/ E*

66
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Dans le guide A16, la distinction entre E et E* est conservée


f E ^
— - = 1 -1) en DP et 1 en CP à partir de la relation (4.65) et l'expression de C* s'écrit :
VE )

C
Ai6
(4.69)
G ref / E

où éref est la déformation viscoplastique associée à la contrainte de référence

Ces formulations sont donc identiques en contraintes planes et diffèrent d'un facteur (1-v2)
en déformations planes.

Bien que la méthode de contrainte de référence ait été développée dans le cas de lois de
comportement de type puissance (fluage secondaire), Ainsworth [47] admet que la
formulation précédente peut être utilisée pour évaluer C* quelle que soit la dépendance
déformation-contrainte de la loi de fluage. Par cette hypothèse, il suppose donc que la
relation (4.69) peut s'appliquer avant que la structure soit strictement dans un état de fluage
secondaire étendu, c'est à dire au cours de la redistribution en fluage primaire et même, en
partie, au début du fluage tertiaire. Bien que théoriquement discutable, étant donné le
formalisme des lois de comportement, cette hypothèse forte semble fournir de bons résultats
quand on compare les valeurs simulées au C* expérimental. De plus, elle a pour intérêt
évident de proposer un paramètre unique pour décrire, de façon approchée mais
relativement satisfaisante, la redistribution des contraintes en pointe de fissure sur une
bonne partie de l'essai de fluage. La validité de cette approche simplifiée appliquée au cas
des essais PROFIS sera discutée au chapitre 6.

Au cours d'un essai de fluage, il convient donc d'utiliser la vitesse de déformation actuelle
correspondant à la contrainte de référence appliquée. On définit alors un C*(t) qui décrit
l'ensemble de l'essai de fluage. Ainsi, si seules les expressions analytiques en fluage
secondaire sont connues , C*(t) à tout instant peut être évalué simplement à partir de
l'expression :

èc
(4.70)
i (n)

où C* (n) et è^f sont les valeurs pour un matériau qui flue selon une loi puissance (fluage

secondaire) et è ^ (cref) la vitesse de déformation actuelle issue des données de fluage.

67
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

En utilisant la formulation type RCC-MR pour exprimer la loi de comportement, C*s


s'écrit alors en condition de déformations planes:

t<T ffp
(4.71)
t>T ffp

le temps de fin de fluage primaire

4.3.4. Méthode EMP.

Cette méthode, développée par l'équipe du centre des Matériaux de l'Ecole des Mines de
Paris, utilise explicitement la notion de longueur de référence pour simuler l'ouverture
expérimentale dans les expressions semi-amalytique de J et de C*.

Soit par exemple en élastoplasticité et avec une loi "puissance" reliant £ref à cw :

5(t) = l r e f B 0 o r e f n

dans le cas des éprouvette CT, on montre que la longueur de référence peut se mettre sous
la forme : l ref = y(W - a). Laiarinandrasana a ainsi obtenu pour la tôle SA à 650°C , y=2,
soit: lref = 2 ( W - a ) . Le paramètre y a été déterminé à partir d'une modélisation de
l'ouverture d'entaille en fluage primaire et en contraintes planes. R. Piques [17] a obtenu
une valeur proche de 2/3 pour un acier de même type à 600°C. y est donc un paramètre
ajustable qui peut dépendre, pour un même type d'acier, de la nuance étudiée et de la
température. Nous pouvons remarquer, cependant, que le fait de garder la même valeur
pour simuler l'ouverture de l'entaille en élastoplasticité et en fluage secondaire est une
approximation qui peut diminuer la précision de la méthode.

Cette méthode permet donc de simuler l'ouverture expérimentale de l'entaille dans toutes
les expressions semi-analytiques utilisant Ô ou ô présentées au chapitre 4.3.1. On obtient
ainsi, dans le cas d'une éprouvette CT :

En plasticité avec ô = l ref B o a ref n = y(W - a)Boaref n

^-|-y-Bo-a;ef (4.72)

En fluage secondaire avec ô = l r e f B 2 a r e f n 2 = y ( W - a ) B 2 a r n 2


ref

68
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

F
°' B2-a- (4.73)
n 2 + l B ' z ret

En fluage primaire avec 8 = 1 ^ 6 , 0 ^ n i t P l = y ( W - a ) B , a r e f n i t P l :

2 - ^ — • — -Y-B, -a n ' f (4.74)

4.4. Utilisation de ces paramètres en fatigue et fatigue-fluage

4.4.1. La propagation en fatigue

L'analyse de la propagation de fatigue est généralement réalisée à partir des relations


empiriques appelées loi de Paris-Erdogan qui relient la vitesse de fissuration par cycle à la
variation du facteur d'intensité des contraintes entre les deux extrêma du cycle :

(4 75)
-
dN
Cette relation, qui est généralement vérifiée pour des vitesses allant de 10"6 à 10"2
mm/cycle, se caractérise sur un graphe en coordonnées bi-logarithmiques par une droite de
pente m. Cette valeur ainsi que le paramètre C sont des constantes du matériau qui ne
dépendent que de la température.

La variation du facteur d'intensité des contraintes AK peut aussi être remplacée par une
valeur efficace, AKeff, qui prend en compte les effets du chargement moyen ( effet de R) ou
bien les effets de fermeture en pointe de fissure. En cas de plasticité non confinée, il est
recommandé de remplacer AK par AJ. Le paramètre AJ est alors calculé avec le même
formalisme que pour le calcul de J décrit dans les chapitres précédents, mais en remplaçant
la loi de comportement de traction monotone par la loi d'écrouissage cyclique.

4.4.2. La propagation en fluage

La propagation de fissure en fluage a été abondamment étudiée depuis une vingtaine


d'années, en particulier par les auteurs qui sont à l'origine du paramètre viscoplastique C*
(Harper et Ellisson, Landes et Begley, Webster e t c . ) . D'après les études sur éprouvettes
CT, il apparaît que la vitesse de fissuration en fluage est une fonction de C*xp calculée avec
la mesure expérimentale de la vitesse d'ouverture d'entaille 8 :

a-. (4.76)

où A et q sont des constantes du matériau. Le paramètre q a une valeur généralement


proche de n2/(n2 + l), où n2 est l'exposant de la loi de fluage secondaire.

69
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

Dans le cas le l'acier 316, Sadananda [48] a montré que, comparativement à K ou J, C* est
le paramètre le mieux adapté pour décrire la propagation des fissures.

Une expression générale a été proposée par Webster [17] :

q
3(C*)
v
à= / à en mm/h (4.77)

C* en MJ/(m2h)
où £f est la ductilité en fluage ef en CP et à £f/50 en DP. Etant donnée la différence de
ductilité entre les hypothèses de déformations planes et de contraintes planes, cette relation
ne nous semble pas réellement utilisable. En effet, que doit-on prendre pour un état de
contraintes indéfini ou intermédiaire ? Un mauvais choix entraîne une erreur considérable
sur la prédiction, ce qui, de notre point de vue, rend cette relation inapplicable.

Les conditions de validité de la corrélation da/dt-C*

Bensussan, Pineau, Piques [49] se sont élevés contre l'utilisation de cette relation car ils
estiment qu'à partir d'une certaine avancée de fissure, elle traduit en fait une corrélation
triviale entre da/dt et da/dt. En fait, pendant l'essai de fissuration en fluage, la variation de
l'ouverture de l'entaille n'est pas due uniquement à la déformation de fluage mais aussi à la
croissance de la fissure, d'où :

§exp = f (a, t)
et
9f(a,t) af(a,t)3a
+ (4 78)
~^r ~^rvt -
La vitesse de l'ouverture expérimentale de l'entaille se décompose ainsi en deux termes :
- un premier terme de comportement contrôlé par la déformation en fluage,
- un second terme de structure, caractérisant l'évolution de la géométrie de l'éprouvette au
cours de l'essai et contrôlé essentiellement par l'avancée de la fissure.

Pour les grandes vitesses de fissuration, le deuxième terme devient très vite prédominant et
ôexp est contrôlé par la vitesse de fissuration. Surtout, la quasi proportionnalité observée
expérimentalement entre da/dt et C*xp se réduirait, selon les auteurs précités, à une
corrélation triviale entre da/dt et da/dt. Au cours de la propagation, il convient donc de
définir les zones de prédominance de chacun de ces termes de façon à sélectionner les
données expérimentales pour la construction de la corrélation da/dt-C*.

Avec les mêmes préoccupations, Webster et Ainsworth décomposent la vitesse d'ouverture


d'entaille expérimentale en ses deux composantes élastique et fluage :

 = Àe+ÀF (4.79)

70
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

L'utilisation de C* pour la propagation est alors limitée au cas où la déformation élastique


est faible par rapport à la déformation de fluage. En utilisant les formulations en contrainte
de référence, cette condition se traduit par l'inégalité :

(4.80)
EC*

où À, est un paramètre adimensionnel et E le module d'Young.

On reprochera cependant à ce modèle de décrire principalement le cas de matériaux au


comportement élasto-viscoplastique et de pas tenir compte de la composante plastique de la
vitesse d'ouverture d'entaille.

On lui préférera donc l'expression proposée la norme ASTM 1457-94 [4] qui décrit la
procédure de détermination de la corrélation da/dt-C*. On définit, cette fois, une condition
basée sur le rapport entre la vitesse de déformation de fluage et la vitesse de déformation
totale mesurée, soit :

^ > 0.8 ou bien 0.5 < ^ < 0.8 (4.81)


A À
àBf2K 2
avec A F = A - A e et Ae = — | - ^ - + (n +1)JD
F E
où À F , Â e et À sont, respectivement, la vitesse d'ouverture due au fluage, la vitesse
d'ouverture élastoplastique due à la modification de complaisance et la vitesse d'ouverture
totale. B est l'épaisseur de l'éprouvette CT, F la charge appliquée et Jp la composante
plastique de J issue du formulaire EPRI (4.49).

D'après cette relation, toutes les valeurs expérimentales correspondant à —£ > 0.8 sont
A
considérées comme valides ainsi que celles appartenant à l'intervalle 0 . 5 < - ^ - < 0 . 8 , à
A
condition que la tendance générale de la courbe da/dt-C* reste la même.

4.4.3. La propagation en fatigue fluage

En fatigue-fluage la propagation pour un cycle est généralement obtenue en sommant la


contribution cyclique de fatigue à la contribution de fluage pendant le temps de maintien.

Les différentes méthodes proposées dans les règles utilisent les vitesses de fissuration [50] :

^ +jA-(C*)"dt (4.82)

Elles seront présentées dans les chapitres suivants .

71
Chapitre 4 : Les paramètres de la mécanique de la rupture

D'autres méthodes d'analyse en fatigue-fluage basées sur la règle du "cumul linéaire des
dommages de fatigue et de fluage" ont été proposées :

1 A
FatFIu ^ Fat

Elles n'ont cependant pas encore été réellement introduites dans les règles.

Ces différentes méthodes ainsi que le calcul des paramètres appropriés seront explicités en
détail dans le cadre des interprétations d'essais au chapitre 6.

72
Chapitre 5 : Les simulations numériques

Chapitre 5 : Les simulations numériques

73
This page is intentionally left blank.
Chapitre 5 : Les simulations numériques

5. Les simulations numériques

Ce chapitre est consacré à l'utilisation du code de calcul par éléments finis du CEA
CASTEM 2000. Ce code de calcul a été développé initialement par le Département des
études Mécaniques et Thermique (DMT) pour l'analyse des structures par la méthode des
éléments finis. Dans le cadre d'une approche globale en propagation sur éprouvettes
fissurées, il ne s'agit pas ici de simuler par le calcul l'évolution du défaut au cours de
sollicitation de fluage ou bien de fatigue-fluage, mais d'essayer de comparer, chaque fois
que cela est possible, les grandeurs globales (force, ouverture de l'entaille) calculées avec
celles mesurées expérimentalement. Ces comparaisons doivent permettre de :

- préciser l'état des contraintes dans l'éprouvette au cours des différentes phases de
l'essai,
- valider le choix des paramètres de la mécanique de la rupture pour décrire la
propagation en fluage et fatigue fluage.

5.2. Les conditions de calcul

Les conditions générales du calcul comportent l'hypothèse d'écrouissage isotrope avec une
formulation en petites déformations et grands déplacements dans laquelle la géométrie est
réactualisée à chaque pas de calcul. Les figures 5.1.a et 5.1.b présentent deux parties du
maillage 2D construit pour les éprouvettes préfissurées du programme PROFIS. Deux types
d'éléments isoparamétriques quadratiques ont été utilisés : des triangles à 6 noeuds et des
quadrangles à 8 noeuds. La taille de maille en pointe de fissure est de l'ordre de 50 /xm.
Les longueurs de préfissures variant légèrement d'un essai à l'autre, le maillage est
paramétré afin de s'adapter aux caractéristiques de chacun des essais simulés. Comme les
calculs sont pour la plupart bidimensionnels, des hypothèses doivent être faites quant à
l'état de contrainte qui prévaut dans l'éprouvette. Ainsi, généralement, les calculs sont
effectués en déformations planes (DP) et en contraintes planes (CP).

5.2. La mise en charge élastoplastique

5.2.1. Simulation tridimensionnelle

La mise en charge élastoplastique précédant un essai de fluage ou de fatigue-fluage est


simulée en effectuant un calcul pas à pas, par pas de lkN de 0 à Fmax. Ce calcul utilise la
courbe de traction monotone moyenne du matériau (tableau 2.1.3).
Dans un premier temps, nous nous intéressons à la mise en charge des essais de fatigue-
fluage .
La figure 5.2.1.a compare l'évolution de l'ouverture ôexp de l'entaille mesurée sur l'essai
CT90 (Fraax=14,45kN et T m =12h) pendant la mise en charge avec les valeurs obtenues à
partir du calcul par éléments finis sur CASTEM 2000, soit en déformations planes, soit en
contraintes planes. Sur cette figure, les points expérimentaux suivent quasi parfaitement la

75
Chapitre 5 : Les simulations numériques

simulation en déformations planes pendant une bonne partie de la mise en charge. A partir
de 11 ou 12 kN la simulation en DP s'écarte de la courbe expérimentale qui reste toujours
très éloignée de la simulation en CP. Le comportement de l'éprouvette au cours de la mise
en charge élastoplastique obéit donc plutôt à un état de déformations planes.
Dans le cas de nos essais de fluage, le problème du choix de l'épaisseur effective pour la
simulation en éléments finis se pose. Les éprouvettes sont entaillées et l'épaisseur nette dans
le plan de fissuration est réduite de 20%, on passe de 25 mm à 20 mm. Les solutions les
plus couramment reportées dans la littérature considèrent les cas suivants:

- Le matériau qui reste globalement élastique; Beff = V B * B net (Befr=22,36 mm)


- Le matériau se plastifie; Beff = Bnet (Beff=20 mm)

Dans le second cas, on suppose donc que les mécanismes de déformations sont très localisés
dès que le matériau se plastifie. L'épaisseur à prendre en compte est donc celle du plan de
fissuration. C'est aussi la solution préconisée dans le cas des simulations en fluage pur.
Djavanroodi et Webster [51] proposent une autre formulation mieux adaptée à l'estimation
de la charge limite de l'éprouvette :

B e f f =B n e t 2 — f - (5.1)

La figure 5.2.l.b compare la mise en charge expérimentale de l'essai de fluage CT87 aux
simulations par éléments finis dans lesquelles on a fait varier l'épaisseur effective. Il
apparaît sur cette figure que Bnet ne peut être choisie pour cette simulation. Pour les deux
hypothèses, contraintes planes et déformations planes, l'ouverture d'entaille est fortement
surestimée. Le meilleur accord est ici obtenu en déformations planes avec Beff=22.36 mm.

5.2.2. Simulation tridimensionnelle

Des calculs par éléments finis sur un maillage d'éprouvette CT massif 3D ont également été
effectués. Deux types d'éprouvettes ont été modélisés : d'une part une éprouvette CT avec
une épaisseur B=25 mm (figure 5.2.2.a) et d'autre part, une éprouvette comportant des
entailles latérales et une épaisseur nette dans le plan de fissuration Bnet=25 mm (figure
5.2.2.b). Les conditions de calcul sont similaires à celles des calculs 2D et les maillages
résultants, construits à partir d'éléments cube à 20 noeuds, comportent entre 8500 et 15000
noeuds. Pour ces calculs, le front initial, issu de la préfissuration en fatigue, est reproduit
point par point de façon à rendre compte au mieux d'éventuels effets tunnels. La figure
5.2.2.C nous montre la correspondance entre le maillage utilisé et le front de fissure réel
pour l'essai CT93 testé en fatigue fluage avec T m =24h et l'essai CT86 testé en fluage pur.
L'ouverture d'entaille simulée sur l'essai CT93 est en très bon accord avec l'expérience
(figure 5.2.2.d) et complète la simulation en 2D jusqu'à des niveaux de chargement
relativement importants. De même, le calcul tridimensionnel avec entailles latérales sur
l'essai CT86 (figure 5.2.2.e) est en très bon accord avec la mise en charge expérimentale et
améliore même la simulation 2D avec l'épaisseur effective B eff =22,36 mm optimisée au
chapitre précédent.

76
Chapitre 5 : Les simulations numériques

5.3. La courbe defluage 8=f(t)

La mise en charge élastoplastique est suivie du calcul en fluage sous chargement constant.
Dans cette simulation, on restitue, au pas initial du calcul de fluage, les tables de
contraintes et déformations obtenues à la fin de la mise en charge. Le modèle de fluage
utilisé est le modèle" RCC-MR 316" du code CASTEM 2000. A nouveau, le choix de
l'épaisseur effective dans la simulation est primordial. La figure 5.3.a compare l'ouverture
obtenue expérimentalement aux différentes ouvertures simulées en faisant varier l'état de
contrainte ou l'épaisseur effective. A nouveau, il apparaît que la simulation avec l'épaisseur
Bnet n'est pas admissible. Elle est beaucoup trop pessimiste et conduit à de larges
surestimations de l'ouverture alors que logiquement les données expérimentales devraient se
trouver entre la simulation en déformations planes et celle en contraintes planes. En faisant
l'hypothèse que les conditions de déformations planes prévalent, c'est encore
Beff = -7^*15net qui fournit le meilleur accord. L'hypothèse de contraintes planes n'est
évidemment pas envisageable quelle que soit l'épaisseur considérée.

La présence des entailles latérales a donc bien favorisé les conditions de déformations
planes dans l'éprouvette au cours du fluage. De plus cette comparaison nous montre que
c'est l'épaisseur B eff = jB * B net qui doit être utilisée dans l'ensemble de la simulation
(mise en charge + fluage), mais aussi dans les calculs de contrainte de référence, car c'est
celle qui permet d'évaluer au mieux le chargement limite de l'éprouvette.

Des simulations tridimensionnelles de l'ouverture 6=f(t ) sont réalisées à partir de l'essai


CT93 testé en fatigue-fluage avec 24h de maintien. On supposera, étant donnée la valeur du
temps de maintien, que la fatigue contribue peu à l'ouverture globale pendant au moins une
dizaine de cycles. Une simulation en fluage pur est donc, dans ce cas, acceptable. Dans le
cas de cette éprouvette qui ne comporte pas d'entailles latérales, aucune des deux
simulations bidimensionnelles (déformations planes ou contraintes planes) n'est satisfaisante
(figure 5.3.b). La courbe expérimentale se place entre les deux simulations et il est bien
difficile de faire un choix. Une simulation par éléments finis tridimensionnelle est réalisée
sur un durée de 130 heures (figure 5.3.c). Un très bon accord est obtenu pour les 24
premières heures. Par contre, au delà, le calcul numérique réalisé sur fissure stationnaire,
sous-estime l'ouverture expérimentale qui, elle, est fortement influencée par l'avancée du
défaut. A partir de la méthode de longueur de référence, nous pouvons proposer une
estimation de l'ouverture calculée par éléments finis qui prend en compte l'avancée du
défaut. En effet, la première partie de la courbe simulée sur défaut stationnaire Ô E F= f(t)
peut être modélisée par la relation :

n p l
( ) ( ( ) ) t (5.2)

avec Gref calculé par exemple en déformation planes à partir de la relation (4.53).
Ô EF (a 0 )
En traçant la courbe — =f(t), une valeur moyenne stabilisée de y se

dégage (y=6.2).

77
Chapitre 5 : Les simulations numériques

La relation (5.2) peut alors être appliquée quelles que soient les valeurs de aref et a. En
utilisant la longueur de fissure expérimentale aeXp on obtient l'ouverture ÔEF simulée à partir
de la relation :
n i 1
( ) ( ) ( ( ) ) f (5.3)

La modélisation obtenue est cette fois en très bon accord avec l'expérience sur pratiquement
400h ce qui correspond à une propagation de lmm. Cette méthode apparaît donc
particulièrement intéressante et économique puisqu'elle ne nécessite, au mieux, qu'un seul
calcul par éléments finis pour une longueur de fissure donnée. Cependant, deux limitations
importantes doivent être évoquées. Tout d'abord, la modélisation par la méthode de
longueur de référence n'est efficace que lorsque le comportement global de l'éprouvette
reste en fluage primaire. Au delà, il faut utiliser une modélisation en fluage secondaire
mais, comme nous l'avons souligné au chapitre 4.3.4, aucune modélisation ne permet de
simuler l'ensemble de la courbe expérimentale. Ensuite, cette méthode reste semi-prédictive
puisqu'on utilise les données expérimentales de l'avancée du défaut. Par contre, elle
pourrait aisément être couplée à une simulation de propagation en fatigue-fluage ce qui la
rendrait prédictive. Rappelons pour finir, que la méthode de longueur de référence telle
qu'elle a été présentée n'a été validée correctement que pour des éprouvettes de type CT ou
axysimétriques entaillées. Son extension à des structures plus complexes, telles que par
exemple des tubes ou des plaques avec défaut, est une voie d'investigation particulièrement
intéressante.

5.4. Le calcul du paramètre C*

Le calcul de l'intégrale de contour C* a été implantée récemment par Suo et Brochard [52]
dans le code de calcul Castem 2000 du CEA. Ce calcul est réalisé à partir de la procédure
G-theta [53] développée initialement pour le calcul de J. Une extension de cette procédure à
la viscoplasticité permet de traiter, en post-processeur, directement les champs de
contraintes et de déformations issus d'un calcul de fluage. Ce calcul peut s'adapter à des
modèles de type « Norton », « RCC-MR 316 » ou même polynomial. Il est donc
particulièrement adapté pour évaluer l'intégrale C* dans nos éprouvettes CT évoluant de la
plasticité jusqu'au fluage primaire et secondaire. Dans un premier temps, nous nous
intéressons à un cas test de calcul de C* sur une fissure stationnaire en fluage pur. Il s'agit
d'un calcul en déformations planes sur éprouvette CT (ao^SOmm, B=25mm) qui flue sous
le chargement F = 14,25kN pendant 1000 heures.

La première vérification concerne l'indépendance des contours de l'intégrale calculée. La


figure 5.4.a représente l'évolution de C*(t) en fonction du temps pour les huit premiers
contours. Théoriquement, ces courbes doivent décrire la relaxation du champ de contraintes
en pointe de fissure jusqu'à la stabilisation en fluage secondaire étendu. La valeur
recherchée C* peut alors être relevée. La figure nous montre que la stabilisation se produit
assez vite quel que soit le contour. Par contre, les contours proches de la pointe de fissure
voient C* décroître avant la fin du calcul. Or, C*, qui caractérise l'état de fluage
secondaire étendu dans l'ensemble de l'éprouvette, doit rester constant après stabilisation. Il
faut donc choisir des contours suffisamment éloignés pour obtenir la valeur de C*
recherchée. Dans le cas présent, les contours 7 et 8 apparaissent les meilleurs. D'autres

78
Chapitre 5 : Les simulations numériques

calculs nous ont montré que cet effet est fonction du chargement appliqué. Plus le
chargement est élevé et plus les premiers contours posent problème.
La figure 5.4.b compare CEFO) avec C*(8 E F) calculé à partir de l'ouverture d'entaille
obtenue par éléments finis et la formule proposée dans la norme ASTM 1497.94 :

(5.4)

avec TI = 2 + 0.522(1- —
l W.
L'accord obtenu est quasiment parfait. L'ouverture d'entaille seule permet donc d'évaluer
de façon très satisfaisante l'intégrale de contour C*. De plus, cet accord nous montre que le
contour d'intégration choisi est bien représentatif du comportement global de l'éprouvette.
Inversement, l'obtention de cet accord peut être stipulée comme une condition nécessaire
pour la validation du contour d'intégration.

La figure 5.4.c compare l'évolution de C*/C*EF(0 OÙ C* est évalué à partir de différentes


expressions analytiques, soit :

- C*EPRI avec h, =0,741 et n=3,6


- C*EMp avec Y = 4,2 (voir son identification au chapitre 6)
- C*s(t) calculé selon la procédure A16
- C*(Ô E F) utilisant l'ouverture calculée par éléments finis dans l'expression (5.4).

L'accord obtenu avec C*EMp, C*EPRI et C*(5EF) est très bon. Ces expressions sont basées sur
un calcul de C* utilisant une ouverture d'entaille calculée (par éléments finis) ou bien
simulée (par la longueur de référence lref). A partir du moment où l'ouverture d'entaille est
correctement estimée, nous avons vu que la formule ASTM conduit à de très bons résultats.
Par contre, C*s(t) conduit à une surestimation de C E F* de près d'un facteur 2. Ce facteur
est proche de celui obtenu par Busso [54] qui a comparé l'estimation donnée par C*RS à
différents calculs par éléments finis de C*. La relation retenue par Ainsworth, qui a conduit
à l'expression de la règle R5 puis de C*s(t) du guide A16, résulte de plusieurs
simplifications et approximations. L'une d'elles conduit à utiliser la charge limite F L plutôt
que la charge adéquate Fo (qui assure l'indépendance de la fonction h \ en fonction n). Or,
FL est en moyenne au moins 5% inférieure à F o . La contrainte de référence résultante est
donc conservative d'au moins 5% par rapport à la contrainte de référence idéale. Ensuite,
par choix de conservatisme, nous avons vu au chapitre 4.3.3 que le facteur |i a été fixé à 1
quel que soit l'état de contraintes. Or ^=0,75 e n déformations planes. En prenant en
compte ces deux approximations, C*s(t) doit être corrigé par le facteur 0,75*0,95n"1 ce qui
conduit à une diminution de près de 45% de la valeur du C* stabilisé (figure 5.4.d) qui
devient alors très proche de C*EPRI et de la valeur obtenue par éléments finis. D'autres cas
tests nous ont permis de vérifier la validité de cette correction.
Une autre méthode consiste à corriger directement la contrainte de référence calculée. Dans
notre cas, une diminution de 12% de aref conduit à une très bonne estimation de C*EF- Ce
facteur de correction a déjà été appliqué avec succès au cours d'une étude précédente [55]
qui comparait les valeurs de J éléments finis à J s .

79
Chapitre 5 : Les simulations numériques

Des calculs tridimensionnels de C*EF le long du front de fissure au temps t=120 heures sont
présentés à la figure 5.4.e à partir de la simulation sur l'essai CT93. C*EF varie de près
d'un facteur 3 entre la valeur au point le plus profond et la valeur au bord. Il se place entre
les simulations en déformations planes et celles en contraintes planes mais reste inférieur à
la valeur expérimentale. En fait, comme le montre la figure 5.4.f, le calcul 3D est en très
bon accord avec la valeur de C*exp durant les 24 premières heures. Au delà, comme pour
l'ouverture 8, le calcul par éléments finis sur fissure stationnaire sous-estime la valeur
expérimentale qui, par définition, prend en compte la propagation de la fissure. Le même
type de correction que celle utilisée pour Ô peut être appliquée sur C* en utilisant une
formulation de type expérimentale utilisant l'ouverture éléments finis estimée à l'équation
(5.3) qui prend en compte l'avancée du défaut, soit :

(5-4)
n2+l B(w-aexp)

Cette fois, C*EF est très bon accord avec C*exp sur pratiquement 400 heures (figure 5.4.g).

80
Chapitre 6 : Interprétations

Chapitre 6 : Interprétations

81
This page is intentionally left blank.
Chapitre 6 : Interprétations

6. Interprétations

6.1. Interprétation des essais de fatigue continue

Rappelons les objectifs de cette interprétation :

• Obtenir une courbe maîtresse type loi de Paris qui caractérise la propagation de fissure
en fatigue continue à 650°C. Cette loi de Paris servira de base à l'interprétation des
essais avec temps de maintien .
• Faire le lien entre la propagation des fissures dites "courtes" (qui prennent naissance
dans le fond d'une entaille usinée) du programme AMORFIS et celle des fissures
"longues" sur éprouvettes préfissurées PROFIS.
• Etudier l'influence du rapport de chargement R=Kmin/KMnax
n

6.1.1. Exploitation des essais

6.1.1.1. Préambule

L'exploitation des données recueillies au cours d'essai comporte trois étapes principales :

- Déterminer la relation Àddp =f(N) par le lissage de la ddp expérimentale,


- Déterminer Àa=f(N) en utilisant la courbe de calibration Àa=f(Addp),
- Calculer la vitesse de fissuration da/dN.

Le lissage de la différence de potentiel expérimentale a pour objectif d'éliminer les parasites


et les bruits de fond enregistrés au cours de l'essai et qui sont incompatibles avec un calcul
ultérieur de dérivée. Une fois la ddp lissée, le résultat se présente sous la forme d'un fichier
traduisant une évolution monotone de la ddp au cours de l'essai. Cette opération qui peut
sembler banale, se révèle en fait assez délicate. En effet, le type de lissage utilisé est en
général un lissage polynomial et, dans la plupart des cas, un polynôme de degré 2, 3 ou 4
permet de rendre compte, de façon satisfaisante, de l'évolution de la ddp sur toute la durée
de l'essai. Cependant, dans le choix du degré de ce polynôme, il faut éviter d'introduire des
courbures ou inflexions qui n'ont pas lieu d'être. Le signal de ddp qui est ensuite converti
en avancée de fissure puis dérivé peut conduire à des variations fantasques de la vitesse de
fissuration et à des interprétations erronées.

83
Chapitre 6 : Interprétations

La courbe de calibration permet, à partir de la connaissance de la longueur initiale du


défaut ao, de représenter la taille de la fissure en fonction du nombre de cycles, a(N). La
vitesse expérimentale de fissuration est alors obtenue au cycle N; par la relation:

da
(6.1)

où a; est la taille de la fissure à la ligne n°i du fichier expérimental et Ni le nombre de


cycles correspondant.

La loi de Paris relie la vitesse de fissuration à la variation du facteur d'intensité des


contraintes AK=Kmax-Kmin où Kmax et K ^ représentent respectivement le facteur d'intensité
des contraintes maximal et minimal au cours du cycle de fatigue.

Pour les éprouvettes CT, AK est obtenue à partir de la norme de l'ASTM E 399-94 :

(6.2)


AF est le chargement appliqué à l'éprouvette au niveau de la ligne de charge, Fmax -Fmin,
B est l'épaisseur de l'éprouvette,
W sa largeur ,
et a la profondeur de la fissure.

Avec

(6.3)

Au cours de ces essais de fatigue continue le chargement global AF reste constant et


l'évolution de AK traduit donc uniquement la variation de longueur du défaut au cours du
temps.

6.1.1.2.Les essais cycliques et la validation du paramètre AK

Au cours des essais cycliques, l'évolution des paramètres globaux peut être simulée, à
partir d'un calcul par éléments finis simplifié. Au cours de ce calcul, le comportement réel
cyclique de l'éprouvette est modélisé par celui d'une éprouvette fictive soumise à un
chargement monotone et qui a pour loi de comportement la courbe d'écrouissage cyclique
du matériau réel.

84
Chapitre 6 : Interprétations

Les figures de l'Annexe l.a présentent, pour chaque essai, l'évolution de l'ouverture de
l'entaille au niveau de la ligne de charge. Le chargement étant constant, les valeurs de 8
aux extrema du cycle varient considérablement en fonction de l'évolution du défaut et donc
de la modification de géométrie de l'éprouvette. Par contre, la variation de l'ouverture
Aô=ômax-6rran varie peu et reste, comparativement à Ômax ou 5,™, pratiquement constante. Au
cours de la propagation, et en se fixant à une longueur de défaut donné (par exemple
a=30,5mm), on peut donc représenter, en combinant tous les essais, la relation liant la
variation de force à la variation d'ouverture AF= f(Aô). Les points expérimentaux
représentés sur la figure 6.1.1.2.a semblent s'aligner avec une faible dispersion. La
relation AF= f(Àô) nous montre que le comportement global de l'éprouvette reste dans le
cadre de l'élasticité linéaire. Pour le vérifier, nous rajoutons sur la même figure les
résultats obtenus par éléments finis et ceux résultant d'une simulation analytique utilisant la
complaisance élastique de Hudak et Saxena [39] AÔ=C (AF), avec :

1+ a
W 2164 + 12219^) - 20.065^J - 0.9925^J + 2 0 . 6 0 9 ^ _ 9 5 3 1 4 (JL (6.4)
a
1-
W

où a est la longueur de la fissure et, B l'épaisseur de l'éprouvette et W sa largeur.

Les données expérimentales ne se recoupent parfaitement ni avec les simulations élastiques


ni avec le calcul par éléments finis. Cependant, elles se rapprochent plus des simulations
réalisées en déformations planes utilisant la complaisance élastique. Pour une longueur de
fissure donnée, il apparaît que c'est bien une complaisance élastique qui lie la variation
d'ouverture Aô à la variation de force AF.

L'approche globale de la fissuration en fatigue est basée sur l'utilisation de la loi de Paris
du matériau reliant la vitesse d'avancée du défaut au paramètre global AK. A basse
température et en élasticité linéaire, AK est de toute évidence le paramètre adéquat quel que
soit le matériau. Mais, dans le cas d'essais à haute température et plasticité non négligeable,
c'est souvent l'utilisation du paramètre AJ (l'équivalent de J pour les essais cycliques) qui
est préconisée. Dans le cas des essais PROFIS, l'utilisation du paramètre AK repose sur la
linéarité de la relation AF=f(AÔ), qui montre que la comportement global de l'éprouvette
reste élastique.

6.1.2. Détermination de la loi de Paris PROFIS

Commençons par analyser les courbes Aa=f(N) et da/dN=f(AK) présentées à l'Annexe


l.a.
Tous les essais présentent, sur les courbes Aa=f(N), les caractéristiques communes
suivantes :

- la fissure avance dès les premiers cycles et on ne peut définir de période d'incubation,
- la première phase de l'essai se traduit par une progression importante de la fissure qui
accélère continûment,

85
Chapitre 6 : Interprétations

- dans la deuxième partie, il n'y a pas d'accélération catastrophique conduisant à la


rupture. Au contraire la pente des courbes semble diminuer et l'accélération semble se
réduire.

Les courbes da/dN-AK ne font pas apparaître de seuil de fissuration AKs. Pour expliquer
cela, deux raisons peuvent être évoquées : les chargements ont été choisis dans une gamme
de AK qui les placent, dès le début, au-dessus du seuil de fissuration, qui, pour ce type
d'acier 316L (N), à cette température, peut être estimé à environ 6-7 MPaVîn
(AK s =6MPaVm pour R=0,5 à 550°C d'après [56]). Mais surtout, ces essais de
propagation en fatigue continue ne sont pas réellement adaptés pour une détermination de ce
seuil critique de fissuration. En effet, comme le recommande la norme ASTM 647 [3], le
seuil doit être obtenu à partir d'essais à AK décroissant (Load Shedding Fatigue Crack
Growth).

L'accélération sur les courbes Aa=f(N) se traduit, sur les courbes da/dN-AK, par une
partie rectiligne en coordonnée bi-logarithmique représentative du stade II de la propagation
et du domaine où s'applique la loi de Paris. Néanmoins, dans la deuxième partie de l'essai
toutes les courbes présentent un fléchissement de la vitesse de fissuration alors qu'on
s'attend traditionnellement à observer une instabilité plastique et une accélération qui
conduit à la ruine de l'éprouvette.

Remarque : La plupart de nos essais ont été interrompus sur sécurité. Cette sécurité se
déclenchant quand l'ouverture de l'entaille atteint une valeur critique (environ 2,5 mm), ce
qui correspond à ce qui se passe dans le dernier cycle qui provoque la ruine de l'éprouvette.
L'accélération catastrophique se produit donc mais elle est très brève et n'apparaît pas dans
les courbes da/dN-AK. Pour résumer, la vitesse de fissuration connaît, au cours de l'essai,
trois étapes : une partie linéaire, un fléchissement et une accélération catastrophique (figure
6.1.2.a ).

Ce phénomène singulier rend difficile la détermination de la loi de Paris comme le montre


la figure 6.1.2.b sur l'exemple de l'éprouvette CT76. Seule la partie rectiligne de la courbe
de propagation est utile pour la détermination de la loi de Paris. Une interprétation de ce
phénomène est proposée au chapitre 6.1.6.

Sur la figure 6.1.2.C nous présentons toutes les courbes de propagation réalisées sur les
essais à R = 0 , l . Ces courbes ont été tronquées pour ne garder que la partie utile lors de la
détermination de la loi de Paris.

Une régression logarithmique linéaire réalisée sur ce fuseau de courbes qui couvre une
gamme de AK allant de 16 à 29 MPaVm nous donne pour l'équation de la loi de Paris
PROFIS à 650°C :

da
— = 3,2 .1(T7 AK 2,46
dN (6.5)
mm / cycle MPaVm"

86
Chapitre 6 : Interprétations

La loi de Paris obtenue est comparée (figure 6.1.2.d) à celle proposée dans le document
A16 [43] ainsi qu'à une loi résultant d'essais Européens sur acier 316 à 600 et 650°C
réalisés dans les laboratoires de Siemens et de l'AEA [57].

Les caractéristiques de ces lois (toutes obtenues pour R = 0 , l ) sont présentées dans le
tableau suivant :

da/dN (mm/cycle) C m
PROFIS 3,2 10"7 2,46
A16 316à650°C 6,8 108 3,28
Base de donnée Européenne 3,1 10"7 2,39

La loi de Paris PROFIS se place sous celle proposée dans le document A16 qui a un
exposant très fort. Mais elle est en très bon accord avec celle issue de la base de donnée
d'essais Européens.

6.1.2.1. Calcul prédictif en propagation : intégration de la loi de Paris

Afin de vérifier la validité de la loi de Paris obtenue pour nos essais, nous effectuons deux
types de calculs prédictifs en propagation :

- le calcul du nombre de cycles NP pour obtenir une propagation de défaut Aa,


- le calcul de l'avancée de fissure résultante au bout de NP cycles de fatigue continue.

L'intégration de la loi de Paris PROFIS (réalisée sur le logiciel Mathcad) entre les
longueurs de défaut ao et (ao +Aa) nous fournit le nombre de cycles NP à partir des relations
suivantes :

da AF f a
avec AK = — T = f — (6.6)
BVW \yj,

soit
a n +Aa

NP = —
Ct
AF
BVW J da (6.7)

Les résultats obtenus pour les avancées de fissure Aa=2 mm et Aa=5 mm sont présentés
sur la figures 6.1.2.1.a. Le nombre de cycles prédit est en très bon accord avec le nombre
de cycles expérimental, ce qui n'est pas étonnant puisque la loi de Paris PROFIS résulte
d'un lissage polynomial des courbes expérimentales. Néanmoins, ce calcul comparatif nous
permet de justifier la validité de la loi obtenue pour nos essais étant donné la dispersion
inhérente généralement à ce type de modélisation.

Le deuxième type de calcul n'est pas basé sur l'intégration de la loi de Paris mais sur un
calcul itératif à partir d'une relation de récurrence. A partir d'une longueur de défaut

87
Chapitre 6 : Interprétations

donnée ao, on cherche la longueur finale a; obtenue après le nombre de cycles Nj. Comme
précédemment, le calcul est effectué sur le logiciel Mathcad.

Les relations utilisées sont :


a
o =a0
i £

soit:

= a:+C L* (6.8)

Quelques évolutions de a=f(N) obtenues sont comparées aux longueurs de fissures


expérimentales (figures 6.1.2.1b à c). De nouveau, les prédictions sont en très bon accord
avec l'expérience. Il n'y a que vers la fin de chaque essai que l'avancée prédite devient
conservative. En effet, ce calcul est basé sur la loi de Paris et ne tient pas compte, cette
fois, du fléchissement observé sur les courbes de propagation.

6.1.3. Comparaison avec les essais du programme AMORFIS

Les essais du programme AMORFIS ont été réalisés sur des éprouvettes CT non
préfissurées qui présentent un rayon en fond d'entaille de l'ordre de 100 fim. La
propagation de fissure dans ce type d'éprouvette est fortement influencée par la présence de
l'entaille comme le montrent les figures 6.1.3.a. La vitesse de fissuration adopte un
comportement contraire à ce que prédisent la loi de Paris et le principe de similitude de la
mécanique linéaire élastique de la rupture (MLER). Elle se caractérise par des décélérations
qui, dans certains cas, conduisent à des arrêts de fissure. Dans d'autres cas, après un
minimum, on observe une réaccélération suivie d'un comportement plus linéaire (sur les
courbes da/dN-AK) proche de ce que prédit la loi de Paris. Ce phénomène assez singulier
est caractéristique d'un effet dit de "petites fissures de fatigue".

Les premières observations concernant le phénomène de petites fissures ont été reportées
par Pearson en 1975 [58] qui a étudié la propagation de fissures amorcées sur des inclusions
dans un alliage d'aluminium. Il remarque que les petites fissures (6 à 500 (im) se propagent
plus vite que les longues (10 mm) pour une même valeur de AK (figures 6.1.3.b), ce qui
contredit fortement le principe de similitude et la loi de PARIS. Cet effet est d'une
importance particulière si l'on considère que la plupart des règles de conception sont basées
sur des études réalisées sur fissures longues. Les prédictions obtenues peuvent alors devenir
dangereusement non-conservatives en présence de fissures courtes.

Suresh et Ritchie [59, 60] ont proposé les définitions suivantes pour caractériser les fissures
"courtes":

- Les fissures " microstructurellement " courtes qui ont une dimension comparable à celle
des caractéristiques microstructurales, telles que les joints de grains ou bien les distances
inter inclusionnaires.

88
Chapitre 6 : Interprétations

- Les fissures " mécaniquement " courtes pour lesquelles la plasticité en fond d'entaille
couvre une zone comparable à la dimension de la fissure ou bien qui l'englobe
totalement.
- Les fissures qui sont plus grandes que les caractéristiques microstructurales et que la
zone plastique mais qui restent physiquement petites (1 à 2 mm).

Remarque : Dans le cas des fissures AMORFIS, les zones plastiques cycliques peuvent
atteindre des tailles de l'ordre du mm. C'est donc le terme de fissure «mécaniquement
courte » qui prévaut ici.

La vitesse de fissuration da/dN présente un plateau sur les courbes da/dN-Aa jusqu'à des
avancées de fissure de l'ordre de lOOjum. La valeur de cette vitesse représente pour chaque
essai, caractérisé par le couple (da/dN;AK), le comportement en propagation de fissures
courtes de dimension inférieure à lOOpim. En regroupant les données d'essais AMORFIS
réalisés à 650°C en fatigue continue (6 points), on définit une loi de Paris AMORFIS
caractéristique des fissures courtes d'équation :

— = 9,7 10~8 AK2'98


dN (6.9)
mm / cycle MPaVrn

Loi de propagation des fissures courtes AMORFIS

La figure 6.1.3.C compare les lois de Paris obtenues sur les essais AMORFIS et PROFIS.
La différence entre les deux types de comportement apparaît clairement puisqu'on a
pratiquement un facteur 2 sur la vitesse de propagation pour la même valeur de AK.
Différents auteurs [61, 62, 63, 64, 65, 66, 67, 68] expliquent que cette différence traduit
un comportement fondamentalement différent vis à vis de la fermeture en pointe de fissure.
La prise en compte de l'effet de fermeture permet, alors, de réconcilier le comportement
des fissures courtes et des fissures longues. Ce thème est l'objet du chapitre suivant.

6.1.4. Le concept de fermeture

La fermeture, ou contact prématuré des lèvres de la fissure au cours de l'essai de fatigue, a


été mise en évidence expérimentalement par Elber en 1971 [69,70] qui a effectué des
mesures de complaisance sur un alliage d'aluminium 2024-T3. Elber propose le mécanisme
suivant pour caractériser ce type de fermeture due à la plasticité. Au cours de la
propagation, se forme une zone de déformation plastique dans le sillage de la pointe de la
fissure (figure 6.1.4.a). Cette zone qui s'étend autour des lèvres de la fissure est entourée
par le reste du matériau globalement élastique et est le siège de contraintes résiduelles de
compression tendant à refermer la fissure. Des contacts entre les lèvres de la fissure
peuvent donc se produire en arrière de la fissure pour une charge inférieure à la charge
minimale.

La fissure ne peut se propager que pendant la fraction de cycle où elle est complètement
ouverte. La variation du facteur d'intensité des contraintes AK= K^-K^n doit donc être

89
Chapitre 6 : Interprétations

corrigée et remplacée par une valeur plus faible correspondant "effectivement" à la portion
de cycle ouvrant la fissure, soit :

— Km,v — op
K (6.10)

KoP représente le niveau d'ouverture, c'est à dire, la valeur de K pour laquelle la fissure est
complètement ouverte. Il est en général déterminé à partir de mesures de complaisance sur
les courbes charge-ouverture F = f(Ô) (cf § 4.6).

'-max

Kop
rs
-min

En remplaçant AK par sa valeur efficace AKes qui contribue réellement à la propagation du


défaut, la loi de Paris devient :

— = C'(AK eff )
m (6.11)
V eîfJ
dN

Le mécanisme proposé par Elber est un mécanisme de fermeture induite par la plasticité
entourant la pointe de fissure. Dans le cas des fissures courtes le sillage de déformation
plastique est très faible et ne suffit pas pour induire une fermeture. Il est donc généralement
admis que les fissures courtes ne subissent pas d'effet de fermeture. Elles sont, soit
totalement fermées soit totalement ouvertes. L'intégralité du cycle de fatigue est efficace
pour la propagation, ce qui entraîne : AK=AKeff. La loi de Paris caractéristique des fissures
courtes AMORFIS représente donc, en quelque sorte, une courbe intrinsèque du matériau.
Elle fournit la vitesse de fissuration que l'on devrait observer sur le matériau en absence de
fermeture. Une prise en compte de cet effet de fermeture sur les essais PROFIS doit donc
nous permettre de réconcilier les deux comportements dans un diagramme bi-logarithmique
(da/dN; AKeff).

Le problème de fermeture prend toute son importance quand on considère l'effet du rapport
de chargement R=Kmin/Kmax sur les courbes de propagation en fatigue (appelé aussi "effet
du chargement moyen"). En effet, quand R augmente, le seuil de fissuration AKS diminue
et la vitesse de propagation augmente pour une même valeur de AK. Elber a montré que

90
Chapitre 6 : Interprétations

l'effet de R peut être pris en compte en utilisant le concept de AKeff, puisque le rapport U
tel que ,

u _ AKeff
(6.12)
AK

est alors une fonction unique de R. Il représente la fraction du cycle de fatigue qui
contribue à la propagation. Ainsi, sur l'alliage 2024-T3 et pour
13 MPaVm < AK < 23 MPaVm , il a montré pour -0,1< R < 0 que :

U = 0,5+0,4R
ou
Kop/Kmax = 0,5 + 0.1R +0,4 R2

Shijve [71] a ensuite étendu le domaine d'application d e U à - l < R <+l avec


l'expression:
U = 0,55+0,35R+0,lR 2

La prise en compte de l'effet de fermeture dans les courbes da/dN = f(AKeff) fait
disparaître l'influence de R et toutes les courbes se regroupent pour n'en former qu'une
seule (figure 6.1.4.b).

L'utilisation de AKeff, n'est cependant, dans certains cas, pas suffisante pour prendre en
compte les effets de R observés. On fait alors appel à des relations empiriques qui
traduisent la variation du seuil de fissuration en fonction de R. On a par exemple [72] :
da AKm
l'expression de Forman : — = C où Kcest la ténacité du matériau
dN (1-R)KC-AK

ou bien celle de Klesnil : — = c(AK m - (AKO(1 - R) Y ) m ) où AK0 = AKS (R=0)


v
dN '

Remarque : Comme on a généralement AK=AF*f(a/W), la connaissance de la charge à


l'ouverture Fop est suffisante pour déterminer U puisque l'on a :

F
x
—F
x
AP K
x
F
max op ^^eff op op
U=—
F - F — = AF
._ et K F
max min max max

6.1.5. Prise en compte de l'effet de fermeture.

6.1.5.1.Mesure expérimentale du niveau de fermeture

Le niveau de fermeture KQP est déterminé généralement par des mesures de complaisance
élastique. En effet, la fermeture induit sur les courbes charge-ouverture un écart à la
linéarité qui détermine le moment où la fissure s'ouvre (pendant la charge), ou se ferme

91
Chapitre 6 : Interprétations

(pendant la décharge). Cet écart à la linéarité résulte d'un changement de configuration


comme le montre la figure suivante :

NITIAL ELASTIC LOADING

Entre les points A et B la relation force-ouverture est linéaire et la raideur mesurée est celle
d'une éprouvette non fissurée. En comparaison, entre les points C et D, la relation linéaire
représente cette fois la complaisance d'une éprouvette qui contient une fissure aiguë. Entre

les points B et C, la courbure est négative. Puisque le comportement plastique d'un


dô 2
matériau ne peut produire qu'une courbure positive à la décharge, le fait que la courbure
reste négative traduit un changement de configuration qui fait augmenter la raideur quand la
charge diminue. Ce changement de configuration ne peut être expliqué que par la
fermeture.

A partir des essais PROFIS CT77 et CT78 (à R = 0 , l ) , il a été mis en place un banc de
mesure nous permettant de déterminer Fop et donc Kop [73]. L'acquisition des courbes
charge-ouverture s'effectue par l'intermédiaire d'un PC monté en parallèle avec le micro-
ordinateur qui pilote la machine d'essai Walter & Bai. L'acquisition de la force, de
l'ouverture, du nombre de cycles, s'effectue par période de 10 cycles tous les 500 cycles,
avec une fréquence de 20Hz soit 140 points par demi-cycle de fatigue. L'intervalle entre
chaque acquisition est inférieur à ION sur la force et de l'ordre du pim pour l'ouverture. La
figure 6.1.5.l.a présente un exemple de courbe force-ouverture sur laquelle apparaît la
non-linéarité induite par la fermeture. La détermination précise de la charge à l'ouverture
Fop reste néanmoins difficile avec cette courbe seule. Un post-traitement des données
d'acquisition par la méthode d'offset nous permet, cette fois, de définir plus précisément le
moment où la fissure s'ouvre (figure 6.1.5.1.b). Cette méthode consiste à effectuer une
régression linéaire sur la partie linéaire de la courbe force-ouverture correspondant à la
fissure ouverte et à définir une droite d'équation :

92
Chapitre 6 : Interprétations

= aF+b

On trace ensuite la courbe F = f(Aô), où Aô=Q (S-ô^ée), ^ étant un facteur de gain. Tous
les points expérimentaux correspondant à la fissure ouverte s'alignent sur une droite
verticale. La perte de linéarité est amplifiée ce qui facilite la détermination graphique de
Fop. La précision sur la mesure de la charge à l'ouverture Fop est de l'ordre de 250N soit
moins de 5 % de la charge maximale.

6.1.5.2.Etude de l'influence du rapport R

6.1.5.2.1 .Description des essais

Au cours de la première campagne d'essais à R = 0 , l , les mesures de fermeture n'ont pu


être effectuées que sur les essais CT77 et CT78. Par la suite une série d'essais à R négatifs
a été lancée avec les essais CT84 (R= -1), CT85 (R= -5) et CT88 (R= -3).

L'essai CT84 s'est déroulé en deux étapes :

- une première phase à chargement AF = 12 kN qui n'a pas conduit à une propagation
significative.
- une deuxième phase à AF = 16 kN, a cette fois conduit à une propagation d'environ
10mm, et une loi de Paris caractéristique de cet essai à R = -1 a pu être évaluée.

Au cours de ces deux phases, la mesure de fermeture a néanmoins été possible et nous
fournit deux jeux de données à R = - l appelés CT84a et CT84b.

Remarque : La propagation observée sur la CT 84 se démarque sensiblement de toutes


celles obtenues précédemment à R=0,l. Il n'y a pas, ici, de phase de fléchissement de la
vitesse de propagation sur le diagramme da/dN-ÀK après une première partie linéaire
(Annexe La). En fin d'essai, on observe une accélération catastrophique entraînant la
ruine de l'éprouvette.

Pour les essais CT85 et CT88, des mesures de fermeture ont pu être réalisées mais leur
interprétation en propagation sur les courbes da/dN=f(AK) est très difficile comme le
montrent les figures correspondantes à l'Annexe l.a.

Pour l'essai CT85 (R= -5), la propagation est relativement faible et la vitesse obtenue après
dépouillement des données expérimentales (ddp) reste pratiquement constante tout au long
de l'essai. L'essai CT88 (R- -3), présente, lui, une décélération suivie d'une ré-
accélération semblable à ce qui a été observé sur les éprouvettes du programme AMORFIS.

Un examen des fronts de fissure sur ces deux essais (figures 6.1.5.2.l.a et b) nous apporte
quelques éclaircissements sur ces comportements particuliers. La fissure sur la CT85 (R=-
5) ne s'est pratiquement pas développée dans la partie centrale de l'éprouvette mais
uniquement sur les bords en formant deux poches, le tout formant un front en « oreilles de
Mickey ». Pour la CT88 (R= -3), le phénomène est moins marqué puisqu'il y a eu

93 •
Chapitre 6 : Interprétations

propagation dans la partie centrale mais elle reste plus importante sur les bords. Le
phénomène, qui n'a pas été observée sur la CT84 (R= -1), semble donc croître quand R
diminue, c'est à dire quand la partie en compression du cycle de fatigue augmente. Cette
fermeture physique des lèvres de la fissure entraîne une propagation préférentielle sur les
bords de l'éprouvette, zones soumises à des conditions de contraintes planes et à un taux de
triaxialité plus faible. Par la suite la fissure peut se développer dans la partie centrale
comme le montre le stade intermédiaire à R= -3, mais la cinétique de l'évolution du front
total est très difficile évaluer. En effet, étant donnée la forme des fronts obtenus, la mesure
expérimentale de ddp n'est pas significative. La courbe de calibration Aa=f(Addp) que nous
utilisons a été déterminée à partir d'essais où le front de fissuration, de forme elliptique
(figure 6.1.5.2.l.c), garde sensiblement la même forme d'un essai à l'autre. Elle ne peut
donc pas s'adapter aux fissuration obtenues aux essais CT84 et CT85.

Les vitesses de propagation résultant du dépouillement expérimental n'ont donc pas de


signification et ne peuvent pas être utilisées pour définir des lois de Paris pour ces valeurs
deR.

6.1.5.2.2.Les mesures de Kop et de U

D'après le concept de fermeture, le paramètre adéquat pour représenter la propagation de


fissure en fatigue est AKeff qui représente la partie efficace de cycle de fatigue , avec :

= K m a x -Kop

La loi de Paris exprimée en terme de AKeff devient donc :

Elber a montré que le rapport de chargement U est une fonction de R, soit

U = ^ 2 - = Cst à R fixé
AK
A partir des deux équations précédentes, on montre que :

et U = - j ^ « - (6.14)

Le concept de fermeture, pour un essai de fatigue à R donné, implique donc que :

• La loi de paris en fonction de AKeff garde la même pente m ' = m P


• Kop n'est qu'une fonction de Kmax
• Le rapport Kmax/KoP reste constant pendant tout l'essai

Les figures 6.1.5.2.2.a à d représentent l'évolution du rapport Kop/Kmax au cours des essais
CT77, CT78, CT84, CT85 et CT88 réalisés respectivement à R = 0 , l , R = - l , R = - 5 , R =

94
Chapitre 6 : Interprétations

-3. Le rapport Kop/Kmax reste constant pendant pratiquement toute la durée de chaque essai
correspondant à la partie linéaire de la courbe da/dN-AK. Kop/Kmax est bien une fonction
de R . Ce résultat rejoint ceux publiés récemment par Marci [74] qui a étudié l'effet de R
sur un alliage à base Nickel Al 7475-T7351. D'après les relations qui relient Kop/Kmax à U,
on vérifie sur la figure 6.1.5.2.2.e que U est aussi constant tout au long de l'essai et prend
une valeur distincte pour chaque valeur de R.

L'évolution de U en fonction de R est représentée figure 6.1.5.2.2.f. Les données


expérimentales sont modélisées par deux polynômes tels que :

= 0,2R 2 +0,5R+0,7 -1< R<0,5


(6 15)
= O,O143R+0,4261 R<-1 "

Cette courbe est comparée à celle proposée dans le document A16. Elle est identique à celle
proposée dans la règle R5 pour les R négatifs qui est issue d'une série d'essais réalisés par
Skelton [75] :
1-0.5R
-siR<0:U =
1-R
(6.16)
1
-siR>0: U=
1-0.5R

La courbe U(R) obtenue sur nos essais se place sensiblement sous celle proposée dans l'A16
mais l'allure générale reste la même. Cependant l'expression du guide A16 suppose qu'il
n'y a pas d'effet de fermeture pour R > 0 puisqu'on a alors U>1. Or notre étude, ainsi que
la plupart de celles reportées dans la littérature montrent que la fermeture existe pour des R
positifs et en général jusqu'à R=0,5. Skelton [76] précise que les relations donnant U en
fonction de R n'avaient été établies qu'à partir d'essais réalisés à R négatifs ou nul. Une
extrapolation de ces relations pour les R positifs peut donc ne pas être justifiée. L'utilisation
de la relation obtenue sur les essais PROFIS conduit donc à des prédictions en propagation
moins pessimistes.

Une compilation de mesures de U sur différentes geometries d'éprouvette dans l'acier


ViCrMoV est présentée par Skelton et comparée à l'expression de l'A16 (figure
6.1.5.2.2.g).

6.1.5.2.3.La prise en compte de la fermeture sur les lois de Paris

Au cours d'un essai de fatigue sur éprouvette CT, la vitesse de propagation à un instant
donnée s'exprime par la loi de Paris en fonction de AK ou bien par la loi de Paris corrigée,
dans laquelle est prise en compte la fermeture, en fonction de AKeff. On doit donc vérifier :

95
Chapitre 6 : Interprétations

da
= CAKr
dN
(6.17)
da

U
or AK =
AKeff

d'où AKeffra=CAKeff (6.18)

•~i"

et (6.19)
Ur

L'équation de la loi de Paris sans fermeture est déduite de celle avec fermeture en utilisant
les valeurs de U mesurées précédemment. Les caractéristiques de ces lois pour chaque essai
sont résumées dans le tableau suivant :

AMORFIS R=0,l R=-l R=-3 R=-5


R=0,l
m 2,98 2,46 4,15 non défini non défini
U 1 0,76 0,41 0,387 0,366
C (mm/cycle) 9,73.10 8 3,2.10"7 9,04.10 u non défini non défini
C (mm/cycle) 9,73.10"8 6,28.10"7 3,65. 10"9 non défini non défini

La figure 6.1.5.2.3.a présente les lois de Paris classiques (exprimées en fonction de AK)
pour les essais à R=0,l (fissures courtes AMORFIS et fissures longues PROFIS) et pour
l'essai à R = - l . L'effet de fermeture à R = -1 apparaît ici clairement puisque la vitesse de
fissuration est globalement 10 fois plus faible que pour l'essai à R= 0,1. La prise en
compte de la fermeture sur la figure 6.1.5.2.3.b permet de réconcilier le comportement des
fissures courtes et des fissures longues [77] . La vitesse de propagation sur éprouvette
préfissurée rejoint la vitesse intrinsèque obtenue sur des fissures exemptes de fermeture. De
même, la courbe issue de l'essai à R= -1 se décale d'un facteur 30 et vient se placer dans
la bande de dispersion de la courbe intrinsèque, même si l'on peut considérer que dans ce
cas la correction de fermeture apparaît comme légèrement trop importante.

6.1.5.3. Conclusions sur la mesure de fermeture

Une procédure de mesure expérimentale de la fermeture par la méthode de complaisance


élastique a été développée sur les éprouvettes CT du programme PROFIS. L'acquisition des
grandeurs globales (force et ouverture d'entaille) ou cours des cycles s'effectue en parallèle
à fréquence élevée (20Hz). Le traitement des données expérimentales par la méthode
d'offset nous permet de définir la charge à l'ouverture Fop avec une assez bonne précision et
reproductibilité.

96
Chapitre 6 : Interprétations

L'interprétation des résultats basée sur le concept de fermeture utilisant le paramètre AKeff
nous a permis de :

- montrer que Kop est une fonction de Kmax à R constant et que le rapport Kop/Kmax varie
peu au cours de l'essai.
- exprimer l'évolution de U=AKeff/ÀK en fonction de R. L'expression obtenue prédit
plus de fermeture que celle proposée dans le document A16.
- réconcilier le comportement des fissures courtes émanant d'entailles usinées et des
fissures longues.
- prendre en compte l'effet de R en introduisant le facteur correctif U(R) dans la loi de
Paris.

6.1.6. Non linéarité sur les courbes da/dN=f(AK)

6.1.6.1. Préambule

Comme nous l'avons vu au chapitre 6.1.2, toutes les courbes de propagation da/dN=f(AK)
(à l'exception de celle représentative de l'essai CT84) présentent une partie linéaire en
début d'essai suivie d'un fléchissement en fin d'essai. L'accélération, constante pendant la
phase linéaire diminue et la vitesse se tasse. Cette phase reste néanmoins transitoire et
précède la rupture catastrophique de l'éprouvette. L'apparition de cet écart à la linéarité ne
semble pas correspondre à une valeur critique de AK ni à une avancée critique de fissure.
Plus le chargement imposé à l'éprouvette est élevé et plus la partie utile (linéaire) des
courbes de propagation est réduite. La première hypothèse envisagée pour expliquer ces
phénomènes est celle de l'existence d'un chargement limite qui entraîne la plastification du
ligament restant et ainsi la déperdition de l'énergie élastique utile pour faire avancer la
fissure.

6.1.6.2. Chargement limite de l'éprouvette CT en fatigue

La charge limite F L d'une structure réalisée dans un matériau parfaitement plastique est le
chargement pour lequel la structure entre dans un état de plasticité envahissante. Pour nos
éprouvettes CT nous supposons que l'hypothèse de déformations planes reste valable tout au
long de l'essai de fatigue. La contrainte de référence est donc calculée en DP avec le critère
de plasticité de Von Mises.

Pour chacun des essais, nous déterminons (graphiquement, ou par une méthode de
régression linéaire) le point où la courbe expérimentale s'écarte d'une approche type loi de
Paris. Ce point de fin de linéarité est associé à un chargement AF, une longueur de fissure
aFL et à une valeur de chargement limite cyclique (Aaref)FL obtenue à partir de la relation :

FL

97
Chapitre 6 : Interprétations

Les résultats obtenus sont reportés dans le tableau suivant :

Essai N aFL AK (Aaref)FL Aa


CT76 (7kN) 11100 34,12 24,7 123 5,13
CT78 (8kN) 6200 32571 24,4 115 3,42
CT74 (9kN) 4050 31,7 25,5 116 2,75
CT75(llkN) 1330 30,32 27,6 119,6 1,31
CT77 (12kN) 1730 29,43 28,15 118 1,64

La perte de linéarité se produit pour une valeur moyenne de Aaref=118MPa. Sachant que la
limite élastique cyclique pour la tôle SA est estimée à environ 125MPa, il semblerait donc
que cette perte de linéarité se produise quand la contrainte de référence atteint la limite
élastique cyclique du matériau. L'hypothèse d'un chargement limite expliquant l'apparition
du phénomène semble donc en première approche satisfaisante.

6.1.6.3. Influence de l'écrouissage cyclique

da
Le fléchissement sur les courbes — = f(AK) apparaît donc quand la contrainte de
dN
référence Aaref dans l'éprouvette atteint une valeur critique proche de la limite élastique
cyclique Aa y =125MPa. Nous savons à quel moment le phénomène se produit mais nous
n'avons pas d'explication physique qui puisse justifier une action locale en pointe de fissure
conduisant à une diminution de l'accélération du défaut telle qu'elle est mise en évidence
expérimentalement. Un premier élément de réponse peut être apporté en considérant la
relation théorique qui lie la vitesse de propagation en fatigue à la valeur du CTOD (Crack
Tip Opening Displacement) cyclique (ACTOD)c. Ce modèle est basé sur l'hypothèse que
l'incrément d'avancée de fissure par cycle est égal à une fraction du CTOD cyclique. On a
ainsi :
Ha
— - (ACTOD)LC
dN
avec
AK 2 (l-i) 2 )
(ACTOD)C (6.21)

en DP
et mais mP # 2
dN
Ce modèle prévoit donc une vitesse de fissuration en puissance 2 de AK, ce qui est
rarement observé dans les aciers où les valeurs de l'exposant m varient en moyenne entre 2
et 10. Pour notre acier on a m p =2,46, nous gardons la même forme d'équation en
remplaçant l'exposant 2 par mP, soit :

(6.22)

98
Chapitre 6 : Interprétations

avec X une constante telle que 0<À,< 1

Au cours de l'essai de fatigue à effort constant, l'avancée de fissure contribue à


l'augmentation de AK et si (Aay)c est constant, la vitesse de fissuration croît en puissance
mP de AK. D'après ce modèle, seule une augmentation de (Acy)c liée à l'écrouissage
cyclique du matériau peut venir compenser l'augmentation de AK due à l'avancée de fissure
et faire fléchir la vitesse de propagation. A tout instant, la limite élastique cyclique peut être
évaluée à partir de l'expression :
--u2) t

dNj e x p
Au cours de la première partie de la courbe de propagation, la vitesse suit l'expression de la
loi de Paris et on a :

(da/dN)exP=CPAKmp et (Ac y ) =-i - = ( A °y) = 125MPa

Où (Aoy)c est la limite élastique cyclique initiale.

En prenant (AG V ) = 125 MPa, on a donc X=6,18


y
\ 'C0
Dès que la vitesse de fissuration devient inférieure à la loi de Paris, (da/dN)exp < CpAKmp et
(Aay)c augmente.

Afin d'éliminer le paramètre inconnu X, on définit le paramètre adimensionnel P tel que :

CAK r a '

La figure 6.1.6.3 présente l'évolution de P en fonction de Aaref pour l'ensemble des essais
de fatigue. Le modèle proposé prévoit un accroissement très important de (Aay)c quand Aaref
dépasse environ 120 MPa. Le phénomène observé pourrait donc être dû à l'écrouissage
cyclique du matériau qui, intervenant après que l'éprouvette ait atteint son chargement
limite, conduit à une diminution du CTOD cyclique et donc de l'incrément de l'avancée de
fissure par cycle.

Afin de confirmer cette hypothèse, une étude complémentaire, qui n'a pu être menée dans
le cadre de ce travail, pourrait être menée au laboratoire RDMS. En effet, d'après le
modèle précédent, un matériau initialement écroui ne devrait pas présenter le même
comportement. D'une part la vitesse de propagation mesurée devrait être légèrement plus
faible et d'autre part, n'offrant que peu de possibilité d'écrouissage supplémentaire, la
pente de la courbe devrait rester linéaire jusqu'à l'accélération catastrophique conduisant à
la rupture.

Remarque : Le fait que le fléchissement de la vitesse de fissuration n'ait pas été observé sur
l'essai CT84 testé à R = - l est un élément allant dans le sens de l'hypothèse présentée ci-
dessus. En effet, cet essai est soumis à un chargement relativement élevé (AF = 16kN soit

99
Chapitre 6 : Interprétations

±8kN) pour lequel la contrainte de référence est, dès le début de l'essai (Àaref=150MPa),
bien au delà de la valeur limite définie précédemment. Le matériau pourrait donc avoir été
écroui cycliquement dans les premiers cycles jusqu'à stabilisation, aidé en cela par la
symétrie du chargement.

6.1.7. Conclusions sur les essais de fatigue continue

• Cette phase du programme a conduit à la réalisation de 9 essais de fatigue continue à


force imposée à 650°C sur éprouvette CT25 préfissurée à l'ambiante en fatigue.

• L'interprétation des essais de fatigue continue par l'approche globale da/dN=f(ÀK) a mis
en évidence deux phases caractéristiques sur la courbe de propagation :
- une première partie linéaire qui correspond au domaine de prédominance de la loi de
Paris
- un fléchissement vers le bas de la vitesse de fissuration en fin d'essai avant l'accélération
catastrophique conduisant à la ruine de l'éprouvette.

• Les données de la première partie de chaque courbe ont permis de déterminer une loi de
Paris à 650°C : da/dN= 3,2.10"7AK246 qui est en bon accord avec celle issue d'une base de
données d'essais Européens mais qui est différente de celle du document A16 plus
conservative, en particulier sur la pente. Cette loi sert de base à l'interprétation des essais
avec temps de maintien PROFIS.

• Une procédure de mesure expérimentale de la fermeture par la méthode de complaisance


élastique a été développée. Le traitement des données expérimentales par la méthode
d'offset nous permet de définir la charge à l'ouverture Fop avec une assez bonne précision et
reproductibilité.

L'interprétation des résultats basée sur le concept de fermeture utilisant le paramètre AKeff
nous a permis de :

- montrer que Kop est une fonction de Kmax à R constant et que le rapport Kop/Kmax varie peu
au cours de l'essai.
- exprimer l'évolution de U=AKeff/AK en fonction de R dans l'intervalle -5 < R < 0,1.
L'expression obtenue prédit plus de fermeture que celle proposée dans le document A16 et
est donc moins pessimiste.
- réconcilier le comportement des fissures courtes (qui nous permettent de définir une
courbe de propagation intrinsèque sans fermeture) émanant d'entailles usinées et des
fissures longues.
- prendre en compte l'effet de R en introduisant le facteur correctif U(R) dans la loi de
Paris.

• Nous nous sommes également intéressés au phénomène singulier qui apparaît en fin
d'essai sur les courbes da/dN=f(AK), caractérisé par un fléchissement de la vitesse de
fissuration. Ce phénomène semble lié à un problème de chargement limite dans
l'éprouvette; ce chargement limite étant franchi quand la contrainte de référence atteint la
limite élastique cyclique. Un modèle basé sur la relation théorique liant la vitesse de

100
Chapitre 6 : Interprétations

fissuration au CTOD cyclique montre que l'écrouissage cyclique du matériau après


franchissement de ce chargement limite peut conduire aux effets observés. Cette hypothèse
devra être confirmée expérimentalement dans le cadre d'une étude prochaine sur matériau
pré-écroui cycliquement.

101
This page is intentionally left blank.
Chapitre 6 : Interprétations

6.2. Interprétation des essais de fluage

Rappelons les objectifs de cette interprétation :

• Obtenir une courbe maîtresse qui caractérise la propagation de fissure en fluage pur à
650°C. Cette courbe servira de base, au même titre que la loi de Paris issue de
l'interprétation des essais de fatigue continue, à l'interprétation des essais avec temps de
maintien.

6.2.1. Exploitation des résultats

6.2.1.1. Préambule

L'exploitation des données recueillies au cours d'essai comporte trois étapes principales :

- Déterminer la relation Addp = f(t) par le lissage de la ddp expérimentale,


- Déterminer Aa = f(t) en utilisant la courbe de calibration Àa = f(Addp),
- Calculer la vitesse de fissuration da/dt.

La courbe de calibration permet, à partir de la connaissance de la longueur initiale du


défaut ao , de représenter la taille de la fissure en fonction du temps, a(t). La vitesse
expérimentale de fissuration est alors obtenue au temps t; par la relation :

"•• • •- (6.25)

où ^ est la taille de la fissure à la ligne n°i du fichier expérimental et t; le temps


correspondant.
L'intégrale de contour C*(t) est évaluée tout au long de l'essai de fluage par l'expression
proposée dans la norme ASTM 1492-94 :

aYl n2 FÔexp
C*(t)= 2 + 0522 1 - — (6.26)
WjJn2+lBnet(W-a)


F est le chargement appliqué à l'éprouvette au niveau de la ligne de charge
Ôexp est la vitesse d'ouverture d'entaille expérimentale,
Bnet est l'épaisseur nette de l'éprouvette dans le plan de fissuration (Bnet=20 mm),
W sa largeur,
et a la profondeur de la fissure.

103
Chapitre 6 : Interprétations

6.2.2. Les courbes a(t) et ô (t)

Les courbes représentant respectivement l'avancée de fissure au cours du temps et


l'ouverture expérimentale de l'entaille sont présentées en Annexe l.b. Ces figures sont
reproduites sur la même page de façon à mettre en évidence les similitudes dans l'allure des
courbes.

Les deux essais présentent sur les courbes a(t) et ô(t) les caractéristiques communes
suivantes :

- la première partie de l'essai se traduit par une phase de décélération d'autant plus
marquée que le chargement est faible (Ô(t) < 0 et â(t) < 0). Dans ce domaine, l'allure des
courbes est similaire à celle des courbes de fluage primaire,
- une deuxième partie relativement courte où les vitesses se stabilisent
(ô(t) = cteet à(t) = cte). Cette phase semble caractériser un domaine de fluage
secondaire plus ou moins établi,
- une dernière phase d'accélération (ô(t) > 0 et à(t) > 0) jusqu'à la rupture. L'allure des
courbes est alors semblable à celle d'une courbe de fluage tertiaire.

Pour chacun de ces domaines, il y a pratiquement correspondance en temps dans l'allure


des courbes a(t) et ô(t) comme le montrent les figures 6.2.2.a et 6.2.2.b.

L'élément important de ces figures est la mise en évidence de l'influence de la loi de


comportement de fluage sur la cinétique de fissuration. Nous avons vu que la vitesse de
fissuration est positive très rapidement après la mise en charge (comparativement à la durée
de l'essai) mais qu'elle diminue dans la phase correspondant au fluage primaire. Ce
phénomène a déjà été observé par E. Maas [19] sur un acier 316 L à 600 et 650°C mais
n'avait pas été attribué à une avancée réelle mais à une perturbation du signal de la ddp due
à la déformation en pointe de fissure ou bien à des changements microstructuraux. Dans
notre cas, le recalage systématique de l'avancée de fissure mesurée, sur les essais de fluage
et de fatigue-fluage, par rapport au signal ddp enregistré, nous conforte dans l'idée qu'il
s'agit bien d'une avancée réelle de la fissure. D'autant plus que ce phénomène peut occuper
près de 1/4 de la durée de vie de l'éprouvette comme c'est le cas pour l'essai CT86.

Ces résultats peuvent aussi apparaître en contradiction avec ceux de l'étude AMORFIS qui
traitait de l'amorçage de fissure dans le même acier que celui de notre étude et à la même
température. Dans cette étude, l'allure de courbes a(t) est décrite comme constituée de deux
parties. Une partie relativement courte correspondant à l'amorçage d'un défaut suivie d'une
phase de croissance de la fissure dont l'allure est perturbée. Or, une ré-interprétation de
deux essais de ce programme (CT52 et CT53, les deux seuls réalisés sur éprouvettes
préfissurées) nous montre, sans ambiguïté, que la phase initiale est du même type que celle
rencontrée dans notre étude, c'est à dire une phase à vitesse de propagation décroissante.
L'allure perturbée de la courbe a(t) résultant d'un lissage polynomiale sur un trop faible
domaine de propagation (quelques centaines de

D'autres auteurs font mention de cette phase transitoire de décélération en particulier dans
les matériaux où le fluage primaire est très important (ce qui est le cas de notre acier).

104
Chapitre 6 : Interprétations

Riedel [78] constate que ce fluage transitoire peut représenter 20% de la durée de vie dans
le cas d'un acier 2 1/4 cr-IMo testé à 540°C. De plus, il montre que l'allure de la courbe
expérimentale ne peut être simulée par une relation utilisant C*(t) uniquement si le fluage
primaire est pris en compte dans la description de C* en fonction du temps.

Plus récemment, Yokobori [79] souligne à nouveau la similitude temporelle entre la


cinétique de fissuration décrite par les trois stades énoncés précédemment (stade transitoire,
stade stationnaire et stade d'accélération) et la courbe de fluage Ô=f(t). De plus, il décrit
qualitativement l'influence de l'allure de ces courbes sur la forme de la corrélation
da/dt=f(C*) comme nous le verrons au chapitre 6.4.

6.2.3. Détermination de l'amorçage

L'observation de la courbe globale a(t) représentée sur l'ensemble de la durée d'essai ne


fait pas apparaître de période d'incubation du défaut. Un agrandissement sur les toutes
premières heures de l'essai de fluage (figure 6.2.3.a et b) nous montre que l'avancée de
fissure reste négligeable pendant une durée inversement proportionnelle au chargement
appliqué. Ainsi, cette période d'incubation est de l'ordre de 8 heures pour l'essai CT86
(F = 14,25kN) et d'une centaine d'heures pour l'essai CT87 (F = 13,25kN).

L'amorçage de fissure est défini, après la période d'incubation, comme une avancée de
fissure de 50/im détectée électriquement et en utilisant la courbe de calibration. Les temps à
l'amorçage obtenus sont ensuite comparés à ceux issus de l'application de la corrélation TV
C*h déterminée par R. Piques [17] sur la tôle SQ et vérifiée par L. Laiarinandrasana [1]
dans le cadre du programme AMORFIS. Le temps à l'amorçage Ti est ainsi lié au
paramètre
c*h par la relation :
./ , \0,95 • n
i FÔTl
l i ^ C h1 ) — is avec et Ki une constante
1B ( W - a ) T i P l

Le même type de comparaison peut être fait à partir de la corrélation T r C* également issue
des travaux de Piques et Laiarinandrasana. T; est alors lié à C* par la relation:

Fô Ti
Ti(c) =K: avec C*(Ti)* = et K2 une constante
n,+lB(W-a)

Les valeurs obtenues sont résumées dans le tableau suivant :

Essai F T; C* c*h pl
(N) (heures) (N/mh) (N/mh )
CT86 14250 20 482 2570
CT87 13250 95 79 1450

Les points expérimentaux (figure 6.2.3.c et d) se placent de part et d'autre de chacune des
corrélations dans une bande de dispersion relativement faible. Les temps à l'amorçage
obtenus sont donc en très bon accord avec ceux obtenus dans l'étude AMORFIS.

105
Chapitre 6 : Interprétations

6.2.4. Discussion sur les contributions respectives de l'amorçage et de la propagation à


la durée de vie

Ces derniers résultats nous indiquent que, contrairement à une idée souvent répandue,
l'amorçage en fluage pur ne représente pas systématiquement la majeure partie de la durée
de vie. La bonne estimation de l'amorçage n'apparaît donc pas suffisante pour évaluer la
nocivité d'un défaut. L'étude de la propagation reste une étape incontournable. L'exemple
de la CT87 est, sur ce point, particulièrement instructif. L'amorçage y est défini après une
centaine d'heures alors qu'au bout de 4000 heures la fissure ne s'est propagée que d'un
millimètre. Un examen des bases de données d'essais de fluage pur réalisés par R.Piques et
de E. Maas nous montre que différentes situations peuvent se présenter :

- des cas où le temps à l'amorçage occupe près du tiers de la durée de vie ;


particulièrement pour les essais fortement chargés. Mais, un grand nombre de ces essais
ont conduit à une rupture en moins de 200 heures. Ils sont donc peu représentatifs des
conditions réelles d'exploitation.

- des cas ou le rapport T/TF, temps à l'amorçage sur durée de vie, est du même ordre de
grandeur que ceux obtenus dans notre étude, par exemple l'essai CT6 [19] qui amorce en
lOh pour une durée d'essai supérieure à 2000 heures.

Ces différentes considérations sont illustrées à la figure 6.2.4.a qui présente le rapport
temps à l'amorçage sur durée vie, T/T F en fonction de la durée de vie TF. Cette courbe
reprend les essais de fluage pur réalisés par Maas (éprouvettes CT et DEN) et Piques
(éprouvettes CT) ainsi que les deux essais du programme PROFIS. Il apparaît clairement
que plus la durée de vie est importante et plus la proportion de l'amorçage diminue jusqu'à
passer en deçà des 10% pour des durées supérieures à 2000-3000 heures. Une autre
représentation, semblable à celle proposée par A. Pineau [80], présente directement TF en
fonction de Ti dans un diagramme Log-Log (figure 6.2.4.b). Dans ce cas, aucune tendance
ne semble se dégager mais ceci peut être dû à la forme de la représentation qui n'est pas
tout à fait adéquate. Quoi qu'il en soit, il est difficile de conclure, d'après cette figure, que
T; tend vers T F pour les durées de vie importantes. Parallèlement, la figure 6.2.4.C nous
montre que le rapport T / r F semble proportionnel à la contrainte de référence aref (calculé
en contraintes planes dans cet exemple). La part de l'amorçage n'est non-négligeable que
pour les essais très chargés (aref > 250MPa) peu représentatifs des conditions réelles
d'exploitation dans les centrales nucléaires. Finalement, au vu de ces différents
considérations, il nous semble qu'une valeur moyenne supérieure de l'ordre de 20% peut
être retenue pour caractériser la proportion de l'amorçage à la durée de vie totale.

Bien qu'ils aient été interrompus prématurément, nous pouvons penser que l'ensemble des
essais de fluage du programme AMORFIS auraient eu le même comportement en
propagation que ceux de notre étude PROFIS. Le temps à l'amorçage est faible
comparativement à la durée de vie de l'éprouvette.

106
Chapitre 6 : Interprétations

6.2.5. Détermination de la Courbe maîtresse da/dt = f(C*)

Les courbes Aa=f(t) et da/dt=f(C*) obtenues pour chacun des deux essais de fluage
réalisés dans le cadre de l'étude PROFIS sont présentées en Annexe l.b. Sur les courbes
da/dt-C*, la phase transitoire initiale de chaque essai se caractérise par une diminution de la
vitesse ainsi que de C*. Après un minimum, ces deux grandeurs croissent et une corrélation
en loi puissance se dessine entre da/dt et C*. Cette corrélation se prolonge jusqu'au moins
les trois quarts de la durée de vie de l'éprouvette comme le montre la courbe de l'essai
CT86.

La phase initiale de l'essai se présente alors comme une « queue » (transient tail) par
rapport à partie correspondant à la corrélation. Cette « queue » se plaçant en dessous
(CT86) ou bien au dessus (CT87) de la corrélation finale. Les raisons expliquant le choix de
ces positions respectives restent encore peu claires. Webster [81] propose deux explications
pour décrire la position de cette "queue" initiale. L'allure de la courbe I sur la figure
6.2.5.a (cas proche de l'essai CT87) semble correspondre au cas d'un matériau qui
commence à se fissurer avant que la redistribution de contraintes en pointe de fissure soit
complètement achevée. Or, le chargement de l'essai CT87 étant relativement faible
(Aa=lmm au bout de 4000 h), la redistribution est lente et se poursuivrait donc après le
début de fissuration. Dans ce cas, plutôt que C* , caractéristique d'un état de fluage étendu,
le paramètre adéquat pourrait être C*(t) qui traduit mieux l'amplitude du champ de
contrainte en pointe de fissure. Comme C*(t)>C*, la "queue" se décalerait vers la
corrélation. Le cas de la courbe II correspond, alors, à celui d'un matériau qui subit les
effets du fluage primaire tandis que le dommage de fluage croît et se développe en pointe
de fissure. Yokobori [79], quant à lui, met clairement en évidence l'influence de la loi de
comportement de fluage sur la cinétique de fissuration. En analysant les positions
respectives de certains temps caractéristiques sur les courbes Aa=f(t) et Ô=f(t), il
répertorie les différentes formes possibles de courbes da/dt-C* (figures.6.2.5.b et 6.2.5.c).
Il définit ainsi les temps :

Tj : temps à l'amorçage.
Ta : point d'inflexion sur la courbe a(t), où da/dt est minimum.
Tt : temps de fin de fluage transitoire, point d'inflexion sur la courbe d(t).
Ts : temps de fin de fluage étendu, début de la phase d'accélération.

Ces temps, pour les essais CT86 et CT87, sont présentés dans le tableau suivant :

Ti(h) Ta(h) Tt(h) Ts(h)


CT86 20 300 360 400
CT87 135 1800 1350 1500

On a donc Ta<Tt<Ts pour l'essai CT86 et Ta>Tt>Ts pour l'essai CT87. Ces conditions, ainsi
que l'allure des courbes expérimentales da/dt-C* (Annexe l.b) correspondent parfaitement
aux modèles proposés par Yokobori. On note en particulier, pour l'essai CT87, une
« queue » initiale au-dessus de la corrélation générale qui caractérise la phase de
décélération pouvant durer près des % de la durée de vie de l'éprouvette, alors qu'elle n'est
que de 25% pour la CT86.

107
Chapitre 6 : Interprétations

Un élément essentiel apparaît sur ces courbes : au cours de la phase de décélération, la


tendance générale qui se dégage entre da/dt et C* reste globalement la même. En première
approche, la corrélation peut donc être appliquée sur l'ensemble d'un essai de fluage, dans
le cadre d'un calcul prédictif en propagation si tant est que le modèle de propagation puisse
estimer correctement la valeur ainsi que l'évolution temporelle du paramètre C*.

Bien qu'ils aient été soumis à des valeurs de C* assez différentes, les deux seuls essais de
fluage pur du programme PROFIS ne permettent pas de déterminer, avec précision, une
corrélation globale da/dt=f(C*). Nous choisissons d'utiliser quatre essais du programme
AMORFIS afin de compléter et d'ajuster notre corrélation. Ces essais (CT52, CT53, CT33,
CT53), sont ré-interprétés entièrement en propagation. Bien qu'ayant conduit à de faibles
avancées de fissures, ces essais couvrent des gammes de C* relativement intéressantes en
particulier pour les faibles valeurs proches de celles de l'essai CT87. Pour l'essentiel, ces
essais AMORFIS on été stoppés alors que la phase de décélération n'est pas achevée. La
figure 6.2.5.d regroupe l'ensemble des courbes expérimentales dans un graphe
da/dt=f(C*). Une régression logarithmique linéaire réalisée sur ce fuseau de courbes nous
donne pour l'équation de la loi de propagation en fluage pur PROFIS à 650°C :

da
— = 7.10- 3 C* 0 ' 7 3
dt (6.27)
mm / h N /mmh

Une estimation de la dispersion expérimentale peut être obtenue en traçant deux droites
décalées d'un facteur 2 par rapport à la corrélation. L'ensemble des essais se placent dans
cette bande de dispersion de taille relativement raisonnable pour des essais de fluage.

La loi de propagation en fluage obtenue est comparée (figure 6.2.5.e), à celle obtenue par
Piques [17] à 650°C sur du 316L(N) (tôle SQ), ainsi qu'à d'autres lois obtenues par Jaske
[82], Ohtani [83] et Fujioka [84].

Loi de propagation da/dt=A(C*) q A q


PROFIS tôle SA à 650°C 7.10' 0,73
Piques Tôle SQ en 316 L(N) à 650°C 1,66.10' 0,74
Jaske316à650°C 2,07.10' 0,84
Fujioka 316 à 650°C 7,4.10' 0,88
Ohtani 316 à 650°C 9,3.10"2 0,99
Acier Virgo 316L 650°C [85] 1,5. ÎO"2 0,82

La loi de propagation de PROFIS se place dans la bande de dispersion formée par


l'ensemble des courbes avec une vitesse légèrement inférieure pour une même valeur de
C*. Elle est très proche de celle obtenue par Fujioka. Par contre, la pente de la courbe
(exposant q) est en très bon accord avec celle obtenue par Piques sur un acier 316L(N) du
même type. Les différences de sensibilité à la fissuration obtenues entre ces deux tôles
confortent les observations de Laiarinandrasana sur le comportement global en fluage de la
tôle SA. Celle-ci a en effet une tenue au fluage à 650°C bien meilleure que la tôle SQ.

108
Chapitre 6 : Interprétations

Remarque : Les conditions de validité de l'utilisation de C*exp dans le cas d'une fissure qui
se propage énoncées au chapitre 4.4.2 (équations 4.80 et 4.81) ont été respectées pour
l'établissement de cette corrélation.

En ce qui concerne la condition de la norme ASTM par exemple, que nous rappelons ici :

• • . àB("2K2 ï
avec A F = A - A e et Ae = — — + (n+l)J p

ÀF
Tous les points expérimentaux de l'essai CT87 vérifient la condition -v->0.8 et sont
considérés comme valides. Pour l'essai CT86, les points qui vérifient cette condition sont
retenus, ainsi que ceux pour lesquels le rapport est compris entre 0,5 et 0,8 et dont la
tendance sur la courbe da/dt-C* reste dans le prolongement de ceux vérifiant la première
condition. On exclue, néanmoins, de la corrélation, tous les points au delà de 920h (pour
t=920h Aa=3mm).

6.2.6. Utilisation de la longueur de référence

La méthode basée sur la notion de longueur de référence suppose que l'ouverture


expérimentale de l'entaille puisse se mettre sous la forme :

6 = l ref B]O ref ni t Pl en fluage primaire


2
ô = 1 ref B 2 a ref " en fluage secondaire
avec lref = y(W - a) où Y est une constante

On suppose donc que W est une fonction affine de la longueur de défaut a. Afin de vérifier
cette hypothèse dans le cas de nos essais de fluage (CT86 et CT87), on trace la fonction

Y=f(t), soit, ^Z = f(t) en fluage primaire et ^ = f(t)en

fluage secondaire avec aref calculé en déformations planes (figure 6.2.6.a et 6.2.6.b) :

' avecB eff = V B * B ne, (voir chapitres 5.2 et 5.3)

En fluage primaire (figure 6.2.6.a), la valeur de Y s e stabilise à une valeur moyenne


pratiquement identique pour les deux essais de fluage, et ce, pendant au moins la moitié de
chaque essai. En fonction de l'état de contraintes pris pour la simulation de 8, la valeur de Y
est différente. On a ainsi Y = 4,5 en déformations planes et Y = 0 , 6 5 en contraintes planes. En
fluage secondaire (figure 6.2.6.b), par contre, il est difficile de définir une valeur moyenne
pour Y qui se stabilise suffisamment longtemps dans la zone correspondant à un fluage de
type secondaire. On note cependant que la valeur de Y y est légèrement inférieure à celle
obtenue avec une simulation en fluage primaire. Une simulation de l'ouverture

109
Chapitre 6 : Interprétations

expérimentale en fluage primaire utilisant la longueur de référence calculée en déformations


planes est présentée à la figure 6.2.6.c. La simulation est en bon accord avec la courbe
expérimentale pendant toute la partie représentative du fluage primaire et même pendant
une bonne partie du fluage secondaire. Par contre elle est inadaptée pour représenter
l'ensemble de la courbe expérimentale ô=f(t).

Pour essayer de vérifier l'objection soulevée par Piques et al [49] concernant l'utilisation de
la corrélation da/dt-C* (cf § 4.4.2) nous pouvons utiliser la méthode de longueur de
référence pour décomposer la vitesse d'ouverture d'entaille 8 en deux contributions selon
les expressions :

Ôexp = ô ( a > t)
et
3S(a,t) 3ô(a, t) 3a
0 exp (6.28)
3t -r 8a at

La vitesse de l'ouverture expérimentale de l'entaille se décompose ainsi en deux termes :


- un premier terme de comportement contrôlé par la déformation en fluage,
- un second terme de structure, caractérisant l'évolution de la géométrie de l'éprouvette au
cours de l'essai et contrôlé essentiellement par l'avancée de la fissure.

En choisissant pour ô, la modélisation précédente qui utilise la loi de fluage primaire, on a


ainsi :

ô = l r e f 8 r e f =y(W-a)B 1 a r e f n >f"

et
d8(a,t)
(6.29)

terme de comportement

PI £ (6.30)
3a 3
3t ' BW da 3t
m
w;
terme de structure

Pour l'essai CT86, qui a conduit à une propagation très importante (7 mm sur 1000
heures), on compare à la figure 6.2.6.d l'évolution de ces deux termes au cours du temps
ainsi que leur somme à la vitesse d'ouverture expérimentale ô exp . Le terme de
comportement décroît initialement très rapidement en suivant l'allure de la courbe
expérimentale tandis que le terme de structure augmente continûment jusqu'à la fin de
l'essai où l'accélération devient alors quasiment asymptotique. Les deux termes ont des
contributions équivalentes vers 400h et on peut considérer que le terme de structure devient

110
Chapitre 6 : Interprétations

prédominant au delà de 500 h. Une première analyse hâtive nous amènerait donc à
restreindre les valeurs de ôexp utilisables pour la corrélation da/dt-C* aux temps inférieurs à
500 h. Or, comme nous l'avons mentionné sur la figure 6.2.6.b, la modélisation de 8 (et
donc deÔ ) utilisant la longueur de référence, n'est satisfaisante que dans la toute première
partie de l'essai. En particulier, le minimum de la courbe 8 simulée est décalée d'au moins
200 h par rapport à la courbe expérimentale. On peut donc supposer que les zones de
prédominance réelles devraient être décalées d'autant, ce qui nous amène à utiliser une
bonne partie des données expérimentales correspondant à la partie réaccélération pour la
courbe da/dt-C*. En conclusion, il apparaît que ce type d'approche ne fournit pas
d'éléments suffisamment discriminants pour juger de la pertinence ou non de l'utilisation
d'une partie des données expérimentales pour l'établissement de la corrélation. Seule une
modélisation analytique complète de la courbe expérimentale pourrait nous permettre de
faire la part des choses.

6.2.7. Calcul de C* dans le cas de fissure qui se propage

L'utilisation de C*s(t) pour la simulation de C*exp pose un problème récurrent qui apparaît
aussi dans le cas des essais de fatigue-fluage : le temps de transition entre fluage primaire et
fluage secondaire, Tffp(cf § 4.3.3), utilisé pour le calcul de C* s sous-estime généralement
fortement le temps de transition estimé expérimentalement (TE) sur la courbe ô=f(t) (point
d'inflexion pour lequel 8 > 0 ) . La comparaison entre ces différents temps est présentée
dans le tableau suivant :

Essai Tflp(h) TE (h) aref(MPa)


CT87 110 1400 131
CT86 63 360 158

Pl-1
avec Tffp = ref °ref = en DP, B eff = -"net
Beff

Considérons le cas de l'essai CT87 sur la figure 6.2.7.a. Jusqu'à environ 1500 h,
l'éprouvette reste en fluage primaire comme le montre la courbe Ô=f(t) en Annexel. Le
passage anticipé en fluage secondaire dans le calcul de C*s(t) conduit donc à une
surestimation de la valeur de C*exp car le fluage primaire, caractérisé par une relaxation de
C*s(t), n'est pas pris en compte suffisamment longtemps. En calculant C*s(t) uniquement
en fluage primaire, l'accord avec C*exp devient assez satisfaisant. Cet exemple est
symptomatique de la difficulté d'estimation des temps de transition sur éprouvette structure
en fluage pur à partir de lois de comportement déterminées sur éprouvette classique
cylindrique de fluage. En d'autre termes, c'est la transposition de relations déterminées à
partir d'un état de contraintes uniaxial à un état de contraintes multiaxial assez complexe,
qui peut être ici remise en cause. D'autant plus que la contrainte de référence, OK(, utilisée
dans le modèle, si elle est valable dans la section du défaut, n'a pas du tout la même
signification que la contrainte nominale calculée sur éprouvette lisse. Le modèle de

111
Chapitre 6 : Interprétations

décomposition des déformations proposé dans le RCC-MR (cf 2.1.3) doit donc être utilisé
avec précaution. Le calcul de C*s(t) en fluage primaire reste satisfaisant tant que le
comportement global de l'éprouvette reste en fluage primaire. Au delà, il devient très vite
non conservatif. Il faudrait introduire un temps de transition et passer à un C*s(t) incluant
une vitesse de déformation, è r e f , de type secondaire (sans dépendance en temps). Une telle
décomposition peut être obtenue à partir du modèle suivant :

èref =P 1 B 1 a ref n 't p -- 1 t<TE


(6.31)

Lèref = B 2 'a ref n- t > TE avec B 2 ' = p l B J / 1 " 1

Où TE est le temps de transition expérimental estimé à partir de l'inflexion sur les courbes
Ô=f(t) (point à partir duquelÔ>0). Evidemment, par définition, ce modèle n'est pas
prédictif puisqu'on utilise des données expérimentales. Il pourrait le devenir si nous
arrivions à calculer TE directement à partir de loi de comportement, ou bien , à partir d'une
correction de Tffp.

La figure 6.2.7.b nous montre que ce modèle assure la continuité de C*s au passage par TE
et décrit de façon satisfaisante l'allure de C*exP même s'il reste légèrement non conservatif.

La comparaison avec l'estimation numérique (par Castem 2000) de l'intégrale de contour


C*, C*EF pose d'autres problèmes. Le calcul par éléments finis s'applique strictement au
cas d'une fissure stationnaire et la propagation de fissure n'est pas du tout prise en compte.
La comparaison avec l'expression analytique C*s(t) ou expérimentale, C*exp, n'est possible
que dans un domaine de temps dans lequel la fissure se propage peu. Dans le cas de l'essai
CT87 (figure 6.2.7.c), cela restreint la comparaison à environ t<1000h (Aa<0,4mm).
Partant d'une valeur initiale très élevée, qui n'est pas représentative d'un état de fluage
étendu, C*EF (calculé en DP) se relaxe jusqu'à une valeur stabilisée qui est en bon accord
avec la simulation analytique C*s(t) (calculée en fluage primaire) et l'estimation
ex