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SCC eT ayy SAGEM AM lM MCRAE EDITIONS 1970-2020 PARIS MAX CHALEIL MICHEL MOURLET Survivant de lage d’or Textes et entretiens sur le cinéma 1970-2020 SOMMAIRE Avant-propos Rossellini, 'apotre du 7° Art Dreyer : aux antipodes du Mac-Mahon Surprenante Italie Franz Eichhorn au ceeur du mystére ‘Cinéma et Identité La fracture Le Voyage de Bertrand Tavernier Rohmer en son Paradis Journal critique (extraits) Principes mac-mahoniens Caméra-Stylo Images en pages « Charlton Heston est un axiome » Retour aux sources Merci A Raphaél Sorin Forgeries i Une histoire de la Cinématheque . Sur Alexandre Astruc Lienquéte de Sight & Sound - Mes « dix plus grands films » Sur Joseph Losey - 1 Y a-til encore un cinéphile dans l’avion ? In memoriam : Pierre Rissient Résurgence de Cottafavi Immortelle Marléne Cinéphages Preminger en danger La fascination et la transparence ; ayec Michel Ciment La vision mac-mahonienne : avec Adéle Van Reeth Du temps et de l’espace : avec Hugues Moreau Les heureuses rencontres : avec Michel Ciment Liindifférence aux étiquettes : avec Elisabeth Lévy et Daoud Boughezala .....).-:01-0++ nie Des Cahiers Présence : avec Justine Alleron 16 60 62 63 67 + 68 76 el 73 83 87 87 2289 1 93 110 13 131 146 152 eT Th, Avant-propos Au milieu des années 1960, diverses circonstances d'or- dre surtout professionnel m'amenérent a délaisser quelque peu le grand écran. Je transmis a Jacques Lourcelles' les res- ponsabilités éditoriales, rédactionnelles et financiéres de la revue Présence du Cinéma. Mon arrivée aux Nou elles littéraires consacra l'intérét nouveau que je portais a la télévision, alors dans sa période de croissance, de richesse inventive, incarnée par ses pionniers. Puis, l'aventure du magazine Matulu m'ac- capara durant la premiére moitié des années 70, tandis que j'accordais aussi de plus en plus de place a mes travaux dra- matiques et purement littéraires. Néanmoins, je n'abandon- nais pas le « Septieme Art » : je continuais 4 voir des films, quoique avec beaucoup moins d'assiduité et de passion qu’auparavant, et il m'arrivait méme d'écrire de temps en temps des articles sur eux, soit dans mon magazine, soit pour les Nouvelles littéraires, soit encore, comme je !'ai raconté dans Une Vie en libert®, pour la revue Cinéma et Télécinéma. Mais T'enthousiasme qui avait accompagné mon entrée en ciné- philie était, je l'ai dit, en parti retombé. Les causes de cet amoindrissement de flamme n’‘étaient pas seulement personnelles. En septembre 1960, notre numéro spécial « mac-mahonien » des Cahiers du cinéma consacré a Losey avait poussé sur le devant de la scéne un cinéaste considéré jusqu’alors comme estimable sans plus. Soudain on Tavait vu, aux cétés de Lang, Preminger et Walsh, figurer dans le fameux « carré d'as » du Mac-Mahon, Or, quatre ans aprés, Losey avait donné des signes d'affaiblissement de la SE ies ee 1. Auteur notamment du Dictionnaire du cinéma dans la collection « Bouquins » (Robert Laffont) et scénariste de Pascal Thomas. 2. Cf, Matulu, journal rebelle (1971-1974), anthologie de 480 pages éta- blie et présentée par F. Kasbi (fd. de Paris-Max Chaleil, 2017.) 3. Ed, Séguier, 2016. Say PURVIVANT De , Ace * Diop + nimait ses premiers films amé,; a ae Bere paraissait peu a pey corrom, que ee volontiers — approuvant en ¢, a son premier admirateur | icaing ela la ustorique, Piette tication stylistique de The Servant, IMMEdiate. Pour l'exemple et de Modesty Blaise, Pouvait pré. je de premier repere de ce tournant pri Par |e ‘Rodeur, un autre signe etant l'unanimiré d'une alors passe imperturbable a cété d en marche, il était naturel qu'elle Sautat dans ;de queue. Pendant ce temps, dans Présence dy es Lourcelles déplorait que Losey fat pa’ dans le clan du pire cinéma intellectuel européen de avait €té pour certains d'entre nous le déclen- telative déprise de la Passion cinéphilique, du cinéaste que nous avions juché sur un cule comme une sorte de dieu. Mais son cas, I fut loin de rester isolé et c'est un ensem- lois sans Tapport entre elles qui devait décider en'se Tésoudre a appeler le déclin de la ciné- €n France, phénoméne que j'ai déja maintes faconté aussi dans la derniére réédition de Parmi ces Causes, la plus déterminante fut tion générale que nous constations 4 de perdre sa belle innocence - celle de “smite santé ~ celle de Walsh — en se frot- continent ; du moins a la partie de Sentiment fondateur » — selon M uropéen : la culpabilité’. Sse », i cone Sur un art ignoré, ta Mise & Soin - Avant-propas Apres la disparition — des écrans ou de la planéte — des sus- dits et d’Anthony Mann, Ford, Hawks, de tous les autres qu! avaient illustré l'age d'or de Hollywood et, par voie de consé- quence, celui de la cinéphilie, la fin des années 60 salua I'arri- yée d'une génération en phase avec I'« re du soupgon » : contestations individuelles, repentances politiques, déman- geaisons sociales, psychologisme invasif, prépondérance encombrante du dialogue frdlant le bavardage, la forme (regard sur la matiére, style) abdiquant du méme coup la net- teté, la franchise, la concision, la hauteur, la transparence et pour tout dire la simpli té de son classicisme. Ce qui n'était auparavant que le fait de quelques tempéraments singuliers (Kazan par exemple) devenait une vague montante a laquelle ne pouvaient s'opposer que des reprises ostentatoi- res des anciens codes, a la maniére de Sergio Leone ou de Clint Eastwood. La création artistique au fil des époques ne demeure jamais longtemps sur un plan horizontal ; elle se situe plus souvent sur une pente qui monte ou qui descend. Certes, surgissaient parfois de délicieuses ou puissantes exceptions : sur le moment elles illusionnaient, mais dans son ensemble le cinéma américain, qui avait suscité tant de mythes, de génie, d'admiration, de passion, allait désormais, tel un avion 4 court de carburant, poursuivre une descente inéluctable jusqu’a ces catastrophes spectaculaires aux allures de feux d'artifice (« artifice » revétant ici tout son sens) que sont aujourd'hui les blockbusters élaborés a l'ordinateur, avec leurs super-effets spéciaux, super-héros, super-robots, super- monstres galactiques, et les envols de ptérodactyles géants destinés aux lecteurs immatures de bandes dessinées. D'autre part, la cinéphilie pratiquée dans les années 50- 60 avait pour socle une exigence aiguisée 4 la meule, allant parfois jusqu'au fanatisme, et pour moteur une curiosité dévorante, attisée par la difficulté de l'accés. Les années qui Suivirent devaient au contraire préparer avec soin le triom- phe d'une valeur biaisée, l'éclectisme, évingant les hiérar- chies esthétiques au bénéfice d’un égalitarisme de Prisunic Dn SURVIVANT DE L’Acr domaines de Vart, condition premig ; nie du marché, c’est-a-dire de |g mul ses a offrir a la concupiscence q'y,, s en tous oC sports Oe as tame extension ae tiplication des i os frase deculul =. pans cette perspective alléchante, toy, idus-consommateurs rassemblés pa Jeurs seul ee yaloir tout: le plus mediocre pompie, nvallait plus tar eet c6té de Manet, le canard en plas trouver place ~ e de Léda, un Farinelli de bastringue 3 | que valoit le cysm se voir célébré comme autrefois Mozan a ante ' eae danimaux de la ferme s'attirer au festival des exhib! @ Avignon des commentaires aussi is ae sen- tation d’Andromaque. Bt, bien entenc u, le ciné ma connaitre une fortune semblable, facilitée par le développe- ment des techniques de diffusion qui permettraient bientét a tout un chacun, mastiquant ses chips, de télécommander tous les films et de passer de ’un a J’autre sans quitter canapé du salon. A present que le cinéphage boulimique ingurgite de giclées d'images étriquées et de sons aplatis — incapables de Transmettre ce que nous appelions mise en scéne — jaillissant de Son récepteur, de son écran d’ordinateur et méme de s' telephone de poche, qui se souvient du cinéphile, au sen Historique et authentique du mot ? Cet individu bizarre qi Sourait d’un cinoche de Belleville a un festival italien, vendait Un meuble de famille pour acheter un billet d’avion et étr oie a découvrir 4 Londres un film d’Edward Ludwig a Edgar ae pour étre le premier a le mettre en fiche Sot a en rencontrer le -metteur ¢ Positif, Mac-Mahoniens nos empoignades, Cahiers conte A contre tout le monde ? feta le plus net du déclin puis de la dispat Wansfert du cham i Sens oii nous I'entendions est S° S8V0IF ». Cela ne asia petinités a celui de 1’« archéologie 4 qui etalle qu ‘il n’existe plus aucun obset* ey " Pour certains cinéastes, en VO ues, Se lance éperdument a la recheth< és Hen existe encore, surtout a l'étrane' Avant-propos 11 et méme en France. Ce qui a disparu eae que phénoméne de société, léger sans doute a 1'é helle dune population, mais lourd de sens pour peu qu sf sf du quantitatif brut a la valeur culturelle. ee emmparent pour €crire des livres et tourner des documentaires si Vuniversité multiplie mémoires et theses sur ce su i en particulier sur le mac-mahonisme’, c’est a condition ae - favorise une distance entre l’observateur et l'objet de l’étude ; a condition que le trajet historique de l'objet soit considéré comme achevé. Une histoire ne peut s‘envisager avec sérieux que d’un destin arrivé a son terme. Vun des premiers repéres de I’historicisation de la ciné- philie est, en 1978, le pamphlet de Louis Skorecki (collabora- teur de Présence du cinéma sous le pseudonyme de Jean-Louis Noames), Contre la nouvelle cinéphilie ; titre qui enterrait I’« ancienne ». Autre témoin de la fin d'un monde : Antoine de Baecque, a l’aube du xxi siécle, avec la Cinéphilie : inven- tion d'un regard, histoire d'une culture. Dans le domaine de Vimage, je retiens surtout en 2012 la monumentale saga tél visée de Laurent Chollet, Cinéphiles de notre temps, présentée par Eddy Mitchell en souvenir de « la Derniére Séance », cette émission typiquement hollywoodo-cinéphilique, tré- passée en méme temps que le siecle dernier. La radio elle- méme y alla de son oraison funébre avec une copieuse Histoire de la cinéphilie sur France Culture. Cinéphile réduit par le cours des choses au statut d’an- cien combatant, j'étais donc passé prématurément de lar- deur a la nostalgie, lorsque l'occasion me fut donnée en 1975, jusqu’au début de la décennie suivante, de reprendre du service ; non plus comme éclaireur sur des pistes ouvertes a coups de machette, mais bel et bien comme critique installé, » C'est la cinéphilie en Si des historiens s’en 8. Démarche la plus récente en ce sens * |‘Université de Chicago tra~ Uulumon manifests « Sur un art ignoré » (1959), pour Je presenter danssa revue Critical Inquiry (janvier 2020). CI. également, dun \ entretien aves J, Alleron, annexé a I'un des nombreux travaux suseités par le mouverne A mac-mahonien, a I'initiative en particulier des pe J. Aumont, J.P, Tord! H. Joubert-Laurencin, P.-0. Toulza, L. Le Forestier SURVIVANT DE LAGE pg, t les projections pyj. 12 couran se, t . de pres>™’. ie tenir compte de ¢ attach oe mniere fois de ma VI pte de choy pares our erm! our attirer Jeur attention sur up nse P «ej que P a ees 8 lest eect dontjeme al gardais d'habitude ~ mer € ite enture un regain idinteret pour le er vuisal dans cette ie lai exposé en particulier dans écran. At sal nombre de mes préventions i is et assistai a l'essor de la comédie ita- ree cine franca ans mélange. Aujourd’hui l’Espagne, oun plas” : Ja Suisse me réservent plus de sur- eee is; et toujours fortement enra- gurais cru jad 1 roir. Rien a voir avec une prétendue « cul- rune européenne » invoquée par ue - igi is longtemps cessé de per- folles dont la pulpe digitale a depu F ae ; P: ee I icevoir les douces, les blessantes aiguilles ce antealite?. A deux ou trois exceptions pres, Survivant de |’Age dor se compose de textes inédits sur papier et d’entretiens, notam- ment radiophoniques, réalisés 4 partir de 2011 et ou je réta- bis de-ci, de-la, quelques vérités. L'ensemble, sur le modéle “Ge mes Ecrits antérieurs, se tient a l’écart des valeurs conve- ‘hues, de toute pensée obligatoire et du cinématographique- ‘Ment correct, ce qui, j’en suis conscient, ne convient pas a 4 a " emonde. Mais on ne'se refait pas. Et je sais d’expérience ne gui 4 la plupart, semblaient inadmissibles ou Ee ya pebente ans, font aujourd’hui partie du pay- * sclences humaines, que les entreti : et se recoupent le moins possible Sei ey ner certains passages, a en resser- 6 enh, €s Interlocuteurs de m’en excuser. ED Ouche, jai on : it papier... M Tecueilli un article qui {ful tin in Cire précis: sur le papier des Sous ee einquante ans. A tort ou a rai and cation a la fois dénonciatrice &! = Metteur en scéne itali Roberto scene italien : Robert sees quejene ‘nées dans leur ter! ccoucheurs de vaches CUidentiré », Avant-propos ts Rossellini, il ouvre assez pertinemment la période couverte par ce livre = période de déclin — espérons-le provisoire — dun art que nous aimions, déclin surtout de la fagon de I’aimer, et début de Vere télévisuelle. Seule manque 4 ce recueil aux allures testamentaires ma préface au livre du Pr Robert J. Berg: A la rencontre du cinéma francais”, reproduite ailleurs. On trouvera donc ici, dans l’ordre chronologique, ce que Vin- cendie qui embrasa la jeunesse d’un cinéphile lui a inspiré 4 Vhiver de sa vie. @einer ii) + ote 10, Yale University Press (2011). .— - Ros aj, Vapotre du 7° Art elim . Ross B Scé suc o juif. La Palestine colonisé : Be iy, Din coté, Jérusal oe monde latin Tg Jéhovah. D’un c usalem ava jupiter mais ae ses docteurs de la Loi. De autre jou Ess ee i gique, son respect d i cecesy ses are @aale, sa froide logique, son respect des administration np n locales, mais aussi sa répression impj- ie de la religio! jes Césars qui donna 4 |'ur ai moeurs € es, Get empire des he pot foyabledest@VOKS™ sique, civique, militaire domt vers Vorganisation Peeassi un grand navire miné par son pat vivons encore affaibli par la contestation et le désordre a poopie WOME je combrer dans le gouffre barbare d’oi jl ee chrétiens, pres de : vettra mille ans a ressurgir. du 2 On pourrait ainsi décrire la trame dans laquelle s‘insé vea tent les Actes des apotres filmés par Rossellini. A une nuanc ets pres, cependant : la crise de conscience du christianisme Eto apparait sans doute pas au cinéaste sous I’angle de la chute aux de Rome, mais bien plutot de I'Incarnation. n’e: Rossellini poursuit patiemment son chemin dans pou SheGiion *didactique » qu’il'a choisie aprés quelques déboi Tes financiers, direction illustrée en 1966 par La Prise de pou Sua soir par Louis XIV. Et it reste fidéle a la part chré! Inspiration, dont les Onze Fioretti de tienne de son bare init Francois d’Assise demeurent Sau “pression la plus heureuse, Be eteainerealise ne miintéresse plus | <‘écrie-t-il, Ls 01 ‘snéma nouveau, la formation des pens: e: ee eS pensées en imag cenaines tentations t produire une ceuv; Quelles sont ces, « tentations », : Fee (ot Ie cinéen ne auxquelles doit renonce be he ae se ee Vers quoi Rossellini sem se x : ran setipalement ja” i lent la ité & sont Tenlatives crudité €rotique et le sadisme. Ce é Strictement ¢ ¢ écle we Wi déserte es salles ‘OMmMerciales pour retenir le qui Dats Patfois $0u5 d’h, n Vl€ux truc que nous connais cern it que iinets papestites Taisons de « libération » Bain, eececemet eee es See MARE tye oe Rossellini, Yapotre du 7 art Jes Actes des apdtres ont é1é scénarisés par Vittorio Bonicelli, Jean-Dominique de La Rochefoucauld, Luciano $caffa et Rossellini lui-méme. Lieux de tournage : Rome le Sidide I'ltalie et la Tunisie qui, de l'avis du réalisateur, res- semble plus au décor du Nouveau Testament que la Palestine es acteurs sont des inconnus. La musique est d’aujourd’bui jouée sur des instruments hébraiques et arabes. Présentant sa derniére oeuvre qu’il a voulue résolument a contre-courant des mode le metteur en scéne en profite pour fustiger la décadence qu'il observe dans le cinéma: ~ La moitié des films traitent de cas cliniques, de psycho- pathologie, de traumatismes de Venfance et autres bizarre- Fes. Le cinéma est devenu une espéce de concours stérile entre spécialistes ; le spécialiste en psychanalyse, le spécialiste du délire, le spécialiste de l’aliénation. On dirait des nou- veaux riches de la culture, des gens qui ont appris hier a lire et a écrire et qui aujourd’hui croient faire des découvertes. #tonnez-vous que le langage de certains films reste etranger aux spectateurs et que ceux-ci n‘aillent plus au cinéma. Ce nest pas un langage, c’est de la sophistication. Des images pour revue photographique d/amateurs qui en sont encore 4 ce pamer devant les contrastes de blanc et noir, toujours per- suadés que le contre-jour est poétique, que le désordre est baroque, que la photo est artistique quand elle est floue Stupidités, vieilleries, acrobaties... Rossellini l’apétre, Rossellini l'imprécateur ‘n’est_ pas moins sévere a I’égard des balbutiements de certains analpha- bétes de la pellicule : = fl ya plus grave : ily a ceux qui yeulent faire passer pour langage nouveau les contresens et les fautes d’orthogra- phe ; ceux qui appellent « style » le mépris de toute régle de grammiaire. Jugements trés durs, jugements dont les bons esprits éclectiques, encourageant par leur passivité le déclin d'un art qui fur grand, ne peuvent qu’accepter l'autorite sans en dis- cerner la justess¢, (1970) [I se de la Passion de Jeanne d’Arc ipodes du Mac-Mahon vArc de Carl Dreyer, exhumée des airée et saupoudrée de musique en e sur les écrans commerciaux. D’yn ne peut que s’en réjouir. Nombre de du cinéma, et considérés comme du public dont seule une minus. Jes musées du septiéme art. Des uette, tournées par Griffith, Murnau, rveilleux Voleur de Bagdad de Raoul films d’Allan Dwan, mé€riteraient de circuits de distribution. Ils donne- ‘spectateurs férus d’images trop vite » sens de la pérennité en matiére de lu général au particulier et du Jeanne d’Are, doit-on réellement se un moyen d’expression auto- ure avant les lois de la perspec- ou Ia télé en noir et blanc. ine de se dresser sur ses jam- iples directions, et qui souffre ‘est un vi0- n Beethoven n’eit pu Passion de Jeanne d‘Are pu a la rigueur ‘Maitrisat ensemble iturel que possible In « code » parm! Dreyer : aux antipodes du Mac-Mahon grandes mises en scene a venir, pré nation OU dans Intolérance par exemple ou méme dans le Napoléon de Gance. Et le jeu des acteurs, en particulier de juges, y est d’un expressionnisme parfois insupportable aa Ropert Bresson, le premier, eut Vaudace de définir le « chef-d eevee: de Dreyer », voire « le plus beau film de his- toire du cinéma » devant lequel l’académie de la paléocriti- que pout eee se prostemie, « une collection de grimaces ». Par Ja suite, cédant peut-étre a la pression de Vopinion majori- taire, il atténua son Jugement, mais sans rien sacrifier de la distance qui Vécartait du film: « Vensemble, bien qu'il me paraisse (a moi) assez théatral (décors, gestes, mines) exerce encore une séduction incontestable, que je suis incapable d’expliquer"’. », Rien sans doute ne peut éloigner autant des sources pérennes du cinéma et de son développement ulté- rieur que cet album de photographies expressionnistes qui, on se demande encore comment, a trouvé son origine dans le roman de Joseph Delteil Jeanne d’Arc (prix Fémina 1925), étonnant, admirable portrait déja dans la maniére de son futur Don Juan", méditation sur la Jeanne charnelle, toute pétrie des senteurs de la terre et d’un christianisme pan- théiste, plus prés d’Horace et de Virgile que des froideurs pro- testantes du cinéaste danois. Jeanne y proclame ; « Bien com- munier, bien manger et bien boire, bien vivre et bien penser, n'est-ce pas accomplir le destin de l'homme et faire la volonté de Dieu ? » En regard de cette gourmandise, de cette joie de vivre exaltée par l’écrivain languedocien, posons, toujours au sujet de Jeanne, la proposition antinomique formulée par le cinéaste de la désincarnation : « Je voulais interpréter un hymne au triomphe de l’ame sur la vie. » (« De la mystique réalisée », in Réflexions sur mon métier.) Vincompatibilité entre ces deux conceptions de la foi, Yune presque paienne, l’autre presque cathare, appliquées 4 sente dans Naissance d'une 11. Cahiers du cinéma, féyrier 1963. : 12, Publié en 1930 et rebaptisé par Delteil Saint Don Juan en 1961, dans les ceuvres completes. SURVIVANT DE Vice p, tsi flagrante que plusieurs Titiques ror na: Sadoul Boemirent,. Ont pu voi, ju cit jreil a Ventreprise de Dreyer une ope c Neeivai ‘ P iebrité de Vécrivain alors sop apo page caution 2 un metteur €M scéne don, evil dépassait guere le nord de l’Europe, , alors ae un cinéaste farouchement ait spenes call DEY’ ei. Ala question nage €5 io ire :/a ache dun journaliste : « Que repré Sent il répondit en 1950; « Ma sey ae Je cinéma ? on a tard, Ordet, son film patlan, pour’ i Pee eique chose de surhumain dans |e; Haga cement extérieur et une volonté exclusive. 1 oak captation du mouvement le plus profong "elas! Plus qu‘austére, crest un pensum lugubre , aucun éblouissement, rien de ce qui nous pro. can enflammé ou notre coeur s’embrase n'y Ja morne exhalaison des vapeurs scandinaves dor Dreyer nait a Copenhague en 1889. Aprés no, il exerce divers petits métiers avant d’en- dans Vindustrie cinématographique, comme lus-titres, puis scénariste et monteur. Son pre- i, au scénario fondé sur deux dilemmes Yautre créonien (faut-il sauver I'individu ou le 1918 (sortie en salles ; 1920). I] tourne Pat an jusqu’a cette Passion de Jeanne = en) France, avec Renée Falconciti, € theatre dont ce sera le troisieme et suicidera en Amérique du Sud a cin- HF Wdesson Ole: comme Albert te d’Abel Gance, yr, tres loin de posséder les ver- de Murnau. C’est un catalogue § visant a truquer ostensible- toute eapacité de provoque ‘altre que de Vimaginé plausible: de chasse aux sorcidres au XV!" sie tel m pit Ge preyer :auxantipodes du MacMahon a siecle, on a salué Vambition « picturale », autrement dit la tentation du pastiche ; en l'espéce : de la peinture hollan daise. Puis Ordet, déja cité, curieusement retrouve indirecte- ment Delteil, celui de Jésus II, par son sujet inspiré d’une piece danoise : un fou qui se prend pour le Christ. Enfin Gertrud en 1963, encore plus statique et brumeux qu’Ordet Dreyer est mort en 1968, sans avoir pu mener 4 bien le pro- jet de toute sa vie : l'histoire de Jésus-Christ. Revenons un instant sur Dies Irae, félicité de son cousi- nage ayec la peinture. On n’insistera jamais assez sur la contre-productivité de cette démarche critique a l’ancienne, Jouant un film de se mettre a la remorque d’un autre art, compliment qui d’emblée le place en position de subordina- tion et le prive de la spécificité radicale du cinéma. Lun des analystes les plus pénétrants de la captation du monde animé par Vceil transparent de la caméra, André Bazin, ne fut pas exempt lui-méme de ce travers, puisqu ‘jl affirma un jour que Ja Passion de Jeanne d’Arc s’€galait « aux chefs-d’ceuvre des peintres ».... C’est sur des malentendus de cette nature — dont le sep- tieme art, contrairement aux six autres, est la victime perma- nente (a-t-on jamais prétendu que tel ruissellement irisé de Debussy s’égalait, mettons: aux Méditations poétiques de Lamartine ?) — que s‘€tablit dés sa sortie la réputation du film de Dreyer. Cocteau lui-méme y alla de sa louange, mais suffi- samment ambigué pour laisser planer plus qu’un doute : « Le Potemkine imitait un documentaire et nous bouleversa. Jeanne d’Are imite un document d'une époque oit le cinéma n' istait pas.» Pourrait-on insinuer avec plus d’élégance que le film de Dreyer se situe hors de la voie royale ouverte par les Fréres Lumiere ? Pourtant, en 1958, un aréopage de critiques plaga cette ceuvre parmi « les douze meilleurs films de tous les temps». N’insistons pas sur V’hyperbole farfelue + « tous les temps », en 58, représentaient un demi-siécle, ni sur le carac- tére aberrant de ce type de classement, opéré par un collége de bons éléves (sélectionnés comme t ) qui copient les uns sur les autres. Wexplication que cherchait Bresson est 1a, SURVIVANT Dy 2 4 nisSe i ye tient a la méconnaissance ¢ . pelle tée par le cinéma dans le domain, idle art all or ion prod Ee ance postule réfere ouvertement 4 la pei; re a la musique. C’est-3.4 moe Jution P’ méconnal Fi dem table que i dice voi e au : jrrerature, ia littérature, : c ce quill n’est P2® acteu Be eeicance ou il interpréte Marat es qui prete son visage tourmenteé : x « exécuteur des exploits et des co que le poéte, outré du traiter bi par ’un de ses scénarios, Ja ¢ que le cinéma ; ar du film, comme, Le plu dans le Napo! Antonin Artaud, Massieu, I"huissie! tions ». Notons aul passage ‘onirique » SU! y a : “aan pn déclarait a cette €poque: « Le premier degré q, ‘i pensée cinématographique me semble étre dans | Ek objets et des formes existantes, a qui on pee tout faire « dispositions de la nature sont profondes et véritablement infinie Cette proposition... prémac-mahonienne est on ne pe plus contraire a la pensée de Dreyer: « Comment donc anemia, un renouvellement artistique est-il possible ? Je répondre que pour moi-méme et je ne peux voir qu'un seul moi Vabstraction. Afin de bien me faire comprendre, je dirai que | traction est quelque chose exigeant de l’artiste qu'il sache s‘abstra Iui-méime de la réalité, pour renforcer le contenu spirituel de s ‘irre. » (On notera au Passage la préoccupation propren insenséede “renouveler » un art tne trentaine d’années d'existence eer Pe fearence des choses et I’incarna Visible jusqu’ay oe cas de Jeanne d’Arc, grossissant le ima de Dreyer ex oS = ce qui revient au _méme — le Proposer ig p, . Tespectable mais inévitable échec de clasicisme, qui, alors, compte a peine et n’en est qu’a ses balbu- ton de - Jeanne d’Are du public comme exemple days € cing e temps dy de large oP Piaue Ne saurait que le détourne! PS d’Anton; =i un art toujours aussi ignoré qu’au ia (1978) terre frap) lite. mals une dans Ces Ren: n’ex enh le pe Pour pire géog nes. chao italie dom. nue anne un ge Holly musi Srou reuss cette Cité | entés Surprenante Italie Stendhal nest pas le seul a Mavoir noté; I'Italie est la terre des contrastes et de l’inattendu. Il efit été certainement frappé de nos jours par la distance de son apparence a sa réa lité. Dans les années 1950-60, un « miracle économique », mais en fait, d'une extréme fragilité. Aujourd’hui, en 1978, une anarchie politique, et qui semble entrainer la péninsule dans un gouffre dont on n/imagine méme pas les contours. Crest, dirait peut-étre Stendhal, oublier un peu vite que la Renaissance est sortie tout armée du ventre d’une Italie qui n’existait pas, mosaique de petites seigneuries corrompues et en lutte perpétuelle les unes contre les autres. Et oublier que le penseur par excellence de la praxis politique au service du Pouvoir et de I’Etat, Nicolas Machiavel, a vécu au temps de la pire incurie, de l’absence de projet national, dans un espace géographique devenu le champ clos des querelles européen- nes. Ces réflexions peuvent venir a |’esprit si, au sein du chaos actuel, on considére la production cinématographique italienne. De toutes les cinématographies qui comptent en ce domaine, américaine comprise, c'est la seule a s‘étre mainte- nue 4 un niveau de qualité plus qu’honorable dans nos années 70. C’est aussi la seule a cultiver systématiquement un genre, en \'occurrence la comédie satirique, de méme que Hollywood, naguére, perpétuait le western ou la comédie musicale. André Bazin l’observait: la vigueur créatrice d'un groupe humain 4 une époque donnée ne se mesure pas aux réussites individuelles mais a la valeur globale de ses arts, Bt cette valeur globale est essentiellement apportée par la capa- cité de faire fructifier des genres bien définis, solidement entés sur une tradition. Cet avantage a permis a |'Espagne de SURVIVANT DE Ace 2 Ps 3 yangleterre élisabéthaing : ‘ «ABE . france dU aa co a ee ac dno endo ancient genre au cinéma, au thes : rations see fla Ee rommanesque aul XIX" siecle cette ee acute Bo seporter sans dommage dans |, se - stituant aux genres la cat exemple Pr ehitectre en substituant @ te at ine de !'@ une pratique arehitecturale qui n’offre i nnelles et disparates sans référence Jui du baron Haussmann, est érence, tandis que l’espace le». yres perso un, fat-il i : 5 état de des: pan son atmosphere et son ame a Frau contraie; une Italie capable de pemplin coup sur ‘coup nos sales obscures avec des films tels que Brancaleone ‘gon vac-aux Croisades, Un Bourgeois tout petit petit, ! Ai gent de vieille, Romances et Confiderices, Qui atué le chat ? Nos héros retrou- Jour ami mystérieusement disparu er Afrique, est un pays dont les forces vives paraissent intactes. La fécondité et ia force expansive de son cinéma sont telles que les distribu- ire d'innombrables reprises, programment d’anciens films non encore exploités en France. Comparons avec les Sees sonsidiautres origines distribuées depuis cing ou six ee Dew ou trois films frangais, dont /a A % te un ou deux films améri- ierand. film ae ! Herétique), un film russe: Tohyo.-Au Pca, mais qui date de quinze u soleil américain, la cine Ore remett; a d'italie, re un peu d’huile dans sa lampe Pas exagéré d’aff; oe affirmer qu’aprés le surgisse- eo Dh traii 18 et 1950, les cinéastes s In deffectuer en France une moi P Ins spectaculaire peut-étre, mais ent le ty ef €rrain. Pa any z » Parce erviteuls ou Térence, que, servite ute Ta mise ay poi ils ne sont pas retenUs int de leur microscope, j'¢" Su Surprenante Italie 23 tends : par des problémes de forme, syntaxe, vocabulaire, ces entomologistes de Vinsecte humain jouissent d’une complete liberté d’esprit (et de temps!) vis vis de la matiére a scruter, Libres d’en faire saillir des aspects neufs, d’en combiner ou approfondir les éléments a leur guise. Telle est la chance, et la force, des héritiers en ligne directe du plus malicieux des observateurs, Carlo Goldoni. (1978) du mystére» vu coeur porn a e Fritz Lang, le Diabolique Dr Mabuse mm autre titre dont la traduction littérale aaa Dr Mabuse ». S‘inspirant de celui.c, yeux du ui ont créé a Trieste le Festival inter. i oe arts, dirigé par Sergio Germani, lle Occhi. En 2014, sa treizieme session a may. as la premiere fois dans le monde, une atographique a inscrit a son programme Fichhorn. Cette initiative confirme que ce ctivement mille yeux, soit neuf cents de ptés, et qu'il sait s’en servir. miére Occurrence — une note en bas de cinéaste dans la littérature consacrée ay un art ignoré, publié en aoait 1959 dans ecueilli dans Vouvrage portant le méme €dition date de 2008. Rien avant 1959, Wfaudra attendre mon Ecran éblouissant dient a nouveau mentionnés Eichhorn interrogation fébrile de nombreux lens comme Claude Beylie, qui ant sa disparition. mon nom a celui de ce cinéaste INVité a Trieste pour présenter /e om moins mystérieux de Franz uvert 4 cette occasion si un let d’avion enyoyé mais jamais uer moment de ce _plaisi! Mne, les voies du diev *stival de Trieste. Franz Eichhorn au cceur du mystére pe & Ainsi, depuis ma petite note en bas de page jusqu’a la projection a Trieste du Diable noir, cette seule question posée 4 plusieurs reprises, au fil des années : mais qui est done cet fichhorn ? Un mythe? Un canular? De quel chapeau de prestidigitateur ou de dadaiste Vavez-vous tiré? Je vais essayer de répondre ici 4 cette obsédante question. La réponse n’est pas simple. Non seulement personne, parmi les cinéphiles ou les professionnels du cinéma, n’a conservé ou cherché a rassembler les informations que l’on accumule d’ordinaire sur n’importe quel gacheur de pellicule, si obscur ou nul qu'il soit, mais il semble que Franz Eichhorn lui- méme (1904-1982) se soit ingénié a brouiller les pistes. Identifiés 4 grand peine au cours de multiples recherches sur la Toile, les six ou sept films qui lui sont officiellement attribués portent de multiples titres ; luic-méme change de prénom : tan- t6t Franz, tantot Francisco ; il s‘affuble d’un pseudonyme, Franz E. Anders, pour signer certains de ses scénarios et les rééditions dun livre ov il a recueilli entre les deux guerres les souvenirs de ses débuts. Débuts, faut-il le préciser, trés particuliers, de cinéaste-explorateur... On lui préte aussi certains films dont la paternité est contredite par des génériques issus d’autres bases de données. Il se révéle indispensable de recouper chaque ren- seignement par d’autres sources. Eichhorn a été scénariste, chef-opérateur sous son nom ou sous pseudonyme, notam- ment pour Jésus Franco. Il a été producteur. On doit pour retrouver ses traces se déguiser en Sherlock Holmes, loupe ala main. Il serait méme utile d’aller enquéter dans les archives allemandes, auprés de ses héritiers s’ils existent et au Brésil. Car ce Bavarois a partie liée dés l’age de vingt-cing ans ayec le Brésil, plus exactement avec la région la plus mysté- reuse et fascinante de ce pays : ’Amazonie. Dés le début des années 30, i] participe avec son frére Edgar, qui deviendra chef opérateur de prises de yue, 4 une expédition en forét 4mazonienne, dans des territoires presque inconnus d’oUi sor “tira un documentaire intitulé en frangais Symphonie de la forét erge. D’une seconde expédition, il rapporte de sensationnel- scenes de jungle qui seront incorp orées a Kautschuk, SURVIVANT DE LAGE py ‘OR et dont il écrit le Se€nar} ual fi ront, apres la guerre tourné Par calomon. Puls coe ‘abl ee These Be, No avec Ernst Y" | 1, péesse des Incas, le Diable noir, Treze Cadeirg, gocumentaire attribué tantot a Eichhorn co réalisation avec le producteur, tantét ete filmographies oll regne la fantaisie la py, ee fe. On repere encore sous son nom deux long ee ines au début des années 60: les Rescapés 4, Lenfer vert et les Aventuriers de ta jungle. Mais, compte tenu de éparpillement et de Vincertitude des informations le concer. nant, i ne parait pas exclu qu'il ait tourne d’autres films ‘ou courts, soit seul, soit en coréalisation. Une fiche d’origine brésilienne indique qu’il a fondé en 7 1962 4 Rio de Janeiro I'Eurobras Film Production Ltd, deve. nue par Ja suite importatrice de matériel cinématogra phique. enparticulier de cameras vidéo. Enfin, il est l'auteur avéré dy récit mentionné plus haut, ot il raconte ses mésaventures et _ exploits souvent impressionnants dans |’« enfer vert » ama- zonien, lors de ses deux premieres expéditions des années 30, re franca pleats Ouvrage, plusieurs fois réédité en plu- aie a caméra en Amazonie. les Incas, il y a soix yon Borsody 4 son , tantor en Sea s ante ans, aoe AG b-sommes €n présence d’un cinéaste -atypique : ambitieux, secret, aventurie Ires avisé, Preférant sans doute a la célét T, poéte, . a brité, qui Hine vie - ebeiamad les amusements s Prtrbatio ia Fextréme entre action, n attistique par l'image et aussi PEUL-on é Parler de « Présence » a propos Point; 1 Sel et s’entoure de fumée ? Uil se fait de eet ‘Il semble en effet 2 nine fila pour peiant qu oe Ns permette de laperce Que je formulais de ago" (20!) ur pa tel na ex cle qu col ell les im] eu ace que son Per Or. én sem Tess Loire abpu Souci. ee — Cinéma et Identité" Videntité, ce qui fait qu’A est A et n’est pas non-A, reste un concept anthropologique peu utilisable tant qu’on n’en a pas précisé la qualification. 1! existe plusieurs identités princi- pales, s‘appliquant soit aux individus, soit aux collectivités, telles que la personnelle, la génétique, l’ethnique, la natio- nale, et secondaires, comme Vappartenance a un métier par exemple. On peut se représenter cela comme autant de des concentriques s’élargissant 4 partir du point central quiest l'individu ; ces multiples identités s‘impregnent les unes les autres et se confondent dans l’identité personnelle compléte. Cependant, nettement séparées par leurs attributs, elles ne concernent pas les mémes objets : avant d’examiner les rapports qui peuvent s‘établir entre cinéma et identité, il importe donc de sélectionner la ou les identités pertinentes eu égard a de tels rapports. Il va sans dire que l’identité personnelle ne saurait étre accueillie ici qu’a la faveur de l'étude d’ceuvres particuliéres : quelle relation entre l‘homme Welles et ses films, produits de son idiosynerasie ? Ce point de vue, quoique d’un intérét pri- mordial, n’est pas notre sujet, car il introduirait des facteurs personnels valables pour n‘importe quelle activité créatrice. Or ce qui se propose ici a notre réflexion est « le cinéma » en genéral, et seulement le cinéma, tel qu’il se pratique sur Ven- semble de la planéte, a présent et depuis ses debuts, avec les ressemblances et les dissemblances qui composent son his- toire et sa diversité. Vers quel référentiel identitaire se tour- 14, Cette étude, publiée une premiére fois dans la revue Krisis, prend @ppui sur deux de mes ouvrages : V’Beran éblouissant et Frangais, mon beau Mel, Putt que de me répérer, J’al choisi d’en citer les passages qui, sur Ceriains points, m’ont paru adaptés au sujet SURVIVANT DE LAG,» 8 a en général, du Point q, jném ; re du cif e et de la diversité de son histoir' de seg dre © ren net POM gqoutlement < le cinéma est em ? vant Malraux : '¢ © ‘ #8 fois CEUVTES savait meme syindustrie, en Voceurrence prog, oi une jndustrie. ge de maniére simple a l’€conomie , 5 } : unal spution. est li - ui renvoient en or; sribul echnique, 4 8ros 3 tion et dist ifique et ¢ enti 1 . jes continentales ou Mondial au savoir > nate, les économies Cor : ae . is cla T de Fidentité nation’ . papen plu Jairement chaque joy 1 wrétant - on le volt que des ensembles abstraits, fragile, neo E ou de non Yee qui reposent concrétement, 10); 5 dire 7 oe ; et ioe savoir dalleUs, sur les capacités propres a chaque pation. arts renvoient a un systeme plus eomposite ott S‘in- fe Jes identités nationale, religieuse, ethnique, et as Je plan général, Videntité personnelle, Voire ies artistiques). Le cinéma, art et industrie, 'globalement, est par conséquent en relation directe ités ethnique, nationale et religieuse, cette der- te demeurant relativement secondaire dans relle réside au fond des ceuvres et n’influe guére me: «Lart catholique italien (peinture, sculp- ure) n’entretient aucun autre Tapport que thé- Tart catholique Espagnol », écrivais-je dans # Ce qui prédomine dans les Ouvrages en style italien, le style espagnol. Le phénoméne 3 Ey cinéma, art tout récent privé de Vexception de quelques cinéastes tels Rohmer par éducation le christianisme au cinéma Tvolte 9u de blasphémes que de oe J4ts'en réclament — par le sce- WiMlatiére de mise en scene ¢! HABE et spécifique d'une idet ot bien en revanche par quo! a) Bresson et Rohmer, {rat py Re eee | _ \ cinéma et Identité 29 Quant a Videntité ethnique, si tant est qu’on puisse employer de nos jours cette alliance de mots (il faudrait avoir suivi avec assez dattention les derniers progrés accompli 5 les démoc s libérales par la libre circulation de dan: : idées), on en fera yite le tour, du fait que le cinéma est un art totalement européen et plus largement occidental (ftat Unis) dont I’invention, les techniques, les formes, la théorisa tion, la pratique et la critique ont pris naissance et sont développées pour l’essentiel dans les pays appartenant a la partie du monde ainsi désignée. Bric Rohmer, comme Je remarque Antoine de Baecque dans sa récente biographie du cinéaste, n’a pas manque dans ses écrits théoriques d’insister sur cette unicité originelle — et originale - du cinéma. La conséquence en est que méme des cinématographies extra- européennes majeures, comme celle du Japon (les chefs- dceuvre de Mizoguchi et Ozu au tout premier rang), bien que son écriture soit nourrie de traditions nipponnes notam- ment théatrales, ne peuvent faire qu’elles n’aient comme ultime horizon la mise en scéne et les techniques définies et pratiquées en Occident. On objectera qu’a l’intérieur de ce périmétre occidental délimité ici par le cinéma agissent des identités culturelles plus spécifiques, moins étendues, a quoi se rattachent des cinématographies diversifiées. Ici apparait a |’évidence l’iden- tité nationale, sur laquelle nous allons revenir ; mais aussi deux autres variantes souvent mises en exergue aujourd’hui en France au détriment de l/identité nationale, pour tenter de Jes substituer a celle-ci : la régionale et la continentale ; en ce gui nous concerne, « européenne » Si l'on peut discuter a Vinfini de Vimportance des identités picarde, bretonne, pro- vengale dans le domaine des arts traditionnels ou de la lan- gue, objection régionaliste en matiére de cinéma, d’ou le Tecours 4 un passé multiséculaire est exclu d'office, apparai- trait vide de sens. Reste l'autre identité culturelle de substitu- tion, dite européenne : Je sais bien que la mode est actuellement d‘invoquer une ire européenne », mais de quoi parle-t-on exactement ? SURVIVANT DE L’AGE D’or devel téraires et artistiques : |’anij_ ua christianisme- Ce n’est évidem. le Bee Je concept d’une culture 3 ar 108 importe, cest V'usage que cha. e peuvent se réclamer de deux i i ental: Revers jes sidcles et continue a faire esa fait a a faconnés selon les besoins, lex “sirens qui sol, de son ciel, de so, s nés de son Sol, 4 ntrairtes cles interchangeables ? Rossini coser or du Rhin ? Dostoievski écrire comme Bane Marivaux ? Canova sculpter les sia. du musée de Valladolid ou Le Vau conceyoir meniées de Gaudi ? Turner peindre la Montagne ius faire danser comme Théodorakis ? 5 ef ces incompatibilités aussi flagrantes que it la musique japonaise de la musique chi- ss de style, de pensée, de couleurs, de des- fatmosphere, chacun le sent bien au fond de ‘pas issues de différences personnelles. Elles elque chose de plus vaste qui rattache entre ts fondamentaux et spécifiques (la clarté fran- isme espagnol, les brouillards scandinaves, €s noryégiennes ou toutes les ceuvres ron appellera V'identité culturelle natio- ux individus qu’a I’empire-mosaique agn lo ak ie Francais, mon beau souci, Veraineté culturelle et linguistique » iyi considérations ci-dessus a I’his- ©commun entre Affreux, sales et lol ? Rien de plus qu’entre une as Bruyeére ; quoi de plus Quoi de plus francais que eur allemande, méthodique lere la caméra de Jea” ‘trempé dans I’acide espagnol obsédé 1 mappemonde, Ae ae DeSean a! Ginéma et Identite ‘ on voit mal ce que partageraient les films de Tati et de Comencini. En Tevanche, on distingue clairement ce qui rap- proche le premier de toute la psychologie francaise de carac- tere, comique ou tragique, et le second de la longue tradition jtalienne de la comédie de mceurs. Apres avoir placé entre parenthéses l'identité person- nelle, réduit a leur juste role les identités religieuse, ethnique, régionale, continentale, que reste-t-il comme identité de référence en relation forte et légitime avec le cinéma ? Toute histoire de ce dernier, les analyses critiques, théo- rigues, sociologiques, économiques qu’il a suscitées, ses modes de production et de diffusion, les batailles d’influence qui continuent de se livrer en son sein sont engendrés par le statut national des entités productrices qui le constituent. Les coproductions internationales, oi! s’exerce par nécessité une seule responsabilité créatrice, ne modifient pas cette régle generale. Le « cinéma », notion abstraite obtenue en addi- tionnant une par une les cinématographies du monde, deviendrait inanalysable hors du contexte des identités natio- nales. Penchons-nous comme il est naturel sur le cas du cinéma francais. Bien que d’apparition récente, le Septitme Art prend place parmi les éléments fondateurs de notre culture telle qu’on Peut V’appréhender aujourd’hui. Cela pour une raison histori- gue précise, quelles que soient les revendications adventices et Subalternes : dans la grande chaine d’inventions qui va de la photographie de Niepce et Daguerre au premier film tourné €n 1953 selon le procédé du Pr Chrétien (cinémascope et son stéréophonique), la part de loin la plus importante revient a la France, et guére moins que dans I’histoire de laviation. C’est Pourquoi, en dépit des chausses baissées de nos élites « mora- les » toujours a l’afffit des plus tartuffiennes résipiscences, mous avons célébré en 1995 le centenaire de la premiére S€ance de cinéma publique au monde, celle des Freres Lumiere, Daauitres motifs font que le cinéma, comme art et comme Industrie, revér en France une extréme importance ; notre SURVIVANT DE VACE py, e compte un nombre ONSidéra. ynnus Pat la ppmmupaute internatig. ome notre pays qwont vt le jour ey Sable critique et une veritable esih¢. eo, DES ayant la guerre de |9}4 ae », ami d’Apollinaire et chan. Ve impérialisme artistique fran. ‘avec les éclairs prophétiques d’ Abe] années soixante, durant un de us, et presque exclusivement chez ‘spontanée, sans précédent, d’ap. Je cinéma selon des critéres aussi que ceux qu’avaient suscités les ars ais et, partant, les Francophones des cinématographies qu etc.), sont-ils fondés a considé- ahi et celle des Etats-Unis. et surtout depuis le -Ticains ne cessent de se on nomme a présent diluer, ad usu changes I’écono- mie américaine- ssiste a un duel e-Atlantique d'un récent eure appr” Gi na et Identite ire NOS deux « podiupteles du réve », duel inégal, non point fant par les moyens mis en ceuvre (ils Gaient meme 1 yieurs dul cote frangais avant la Grande Guerre) que par fess constances historiques ayant entrainé pour les cing a es des deux nations des effets oppos¢s. en pref rappel. Avant la Premiére Guerre mondiale, préponde yance du cinéma frangais, du fait d’avoir été pratiquement |¢ jer en date et d’avoir installé non seulement sur son ter fitoire mais dans le monde entier un systéme de distribution (Gaumont ct Pathé) sans concurrence Cela fonctionna trés bien jusqu’a la date fatidique de 1914, qui ‘yit 8 la fois interruption totale de la production frangaise et Tinstallation de Cecil B. DeMille 4 Hollywood, dans son pre- mier studio, une grange de ce village appelé 4 devenir la « Mecque du cinéma’ ». A partir de ce moment, ’intention américaine tantot affichée, tant6t dissimulée, de conquérir la plus grande part et si possible la totalité du marché mondial du film s'est continuellement manifestée. La guerre terminée, le cinéma francais se releva de ses ruines. Ia machine recommenca de tourner. Cela dura jusqu’a la ‘seconde guerre mondiale et méme pendant celle-ci, puisque Jes effets sur notre production en ont été fort différents de la jere. Paradoxalement, la période 1940-1944 aura été Yume des plus brillantes de notre histoire cinématographique, ‘avec une multitude d’ceuvres présentes dans toutes les mémoires, de Carné, Decoin, L'Herbier, Gance, Clouzot, “Guitry, Pagnol, Grémillon, Christian-Jaque, Daquin, Autant- Lara, Bresson, Delannoy, Becker, etc. Alors que dans le méme ps, la production allemande se révélait particuliérement pcre, cette vitalité du cinéma occupé constitua une forme "de résistance authentique, aussi exemplaire que celle de la iture hellénique durant |’occupation romaine. s Vimmédiat aprés-guerre, la capacité de re frangais devait 4 nouveau étre mise 4 l'épreuve et ne esser de \’étre, Mais cette fois on revenalt a une autre celle que se livraient depuis le début du sidcle Frangats 4 coups de faisceaux |umineux sur leurs éerans stance du reur de Hollywood (dd. la plus recente SURVIVANT | fn mal 1946, sortié exsangue du conilit et de Vo. sone.aves 1es ftats-Unis les accords Blur CU-pa 2,85 millions de dollar nsByrn lars de dete signe Vannulation de jon en échange de l’ouverture d pendant quatre ans, k absent d’Europe, situat one ation considérable de { ies ilm ‘or 1 Mare pits américains tre-Atlantique avail entrainé une aecumul Jes distributeurs devaient absolt . iment france que dans les sales de notre continent, En ve cinéma frangais se ertu des acco, pénéfice du concurrent. Crétait la premiere manifestation ostensibl le d U projet cain d’étoulfer systématiquement les at pationales. Car, depuis 1945, et suri autres cinémato dannées, Pe esuicrignoten rout depuis une 1 Fay industries cinématographiques e| rent progressif de | oe Gamba] Lé-lent amaigri européennes, a 1’ oul aig) 0) of ex nationales (en chiffres de eo desvciner ception 'S Natog en parts de marché) est la Production, mais dav eeosraph hégémonique dan conséquence dire antage en Er eeicnca s nos pays de la ecte de la dilfy ae lestinée au grai production , X supports, nd qu’au petit é d’outre ics: on le sait, tendent d petit écran, pu Si cette héve BE erdrailcursiobjectifs. Mlisieni clus acun des cew ‘gemonie résultai pect oe Ge) res, ce serait de it d’une excel ee ates ¢ bonne guerr ellence incontest séries s‘incline Herre et Vobse aN ies ae eorties da is Mais, inondés d et inpar singes, a ee atlnolent: moule, de c eens 3 - ‘olents A ‘omédie: nous ie années-lumitre die et d’héroines al ers que le S, Nous so} du grand ciné eee aces des . cing 2 i Bi batest es ec améericain a. Be paca truqué ie ain qué Hon les prod convient di uits aud; fe remari Udiovisuels i Is am trouvait contingenté sur s¢ on pre IPTE so) coi 2 mpte et voyons bier is quer qu’ a b€néliciaires ee avant toute exporta peuvent dane un ae ee a sont déja largement ce Be usine (300 n entrées en salle pa ae rr jar an) iS IL en » ce qui Nditio conc NS arriver s erne Je sitéians « sur les marchés étrangct 1, appuyés ¢ angers ur des budge gets dc €N cassan et de Beng PUublicit dépit a Prix ; ce € colossau . Un, qui suffita X, soit, pour la tél tie pegs SF eeatpresenc 80) 4 ‘ésenee luvent faible, voire calam! © qualité anistig D ci al s Identité Gnéma et i _ yeuse (bien que Nous connaissions A cette 1 notables exceptions) Diauire part, il n’est pas possible non an égales chez l’adversaire, puisqu’un dispositit dc de pratiques établi par notre bor Oncle Sam («i |) propres produits) limite de fagon draconienne films 4 son marché intéricur. Tiste regle toutes les lutter & arme reglements ¢ t béral pour s¢ Vacees de no. §n 1980, avec le large sourire rayonnant du crocodile repy Jack Valenti, président de la Motion Picturc Association of America qui regroupe les grandes compagnies et les rey sente 4 travers le monde", ne craignait pas de déclarer a la presse frangaise = «1! ya en Amérique un formidable marché pour les films francais. Les Etats-Unis sont un marché libre. Tout film stranger peut y entrer sans probldme, exactement sur les mémes ha guiun film américain. Il n'existe ici aucune restric tion de 4g nature gue ce soit. Vous payez les mémes taxes. II n’y a pas mination. » Puisque tout cela allait tellement de soi, convenait-il de se demander pourquoi M. Valenti éprouvait la nécessité de le dire ? Contentons-nous de citer, tenue dans la foulée, une memargue de M. Yves Rousset-Rouard, alors président a@Unifrance Film : « La pénétration des films frangais sur le march wamiéricain se heurte a une sorte de protectionnisme latent qui est s. doute plus le fait, d’ailleurs, des structures Professionnelles en pl que du public. » Au méme moment, le directeur général de Gaumont, Daniel Toscan du Plantier, confirmait ; « Le fameux libéralisme améri- tain admet, dans la pratique et dans le droit, quelques nuances un wmbroglio extraordinaire et rien n'est fait & ce niveau pour qu Grrangers réussissent, Rien ! » On Weiit pu mieux dire que le modele libéral américain est un Meurre destiné aux naifs, leurre qui, malgré leurs perpétuelles déconvenues, continue a les faire réver - et disserter avec ore _ -Sssurance — des bienfaits du capitalisme mondial Dans cette guerre Economique sans merci livrée par les Btats- t~ Probablement pour avoir activement promu le festival de - ifs souvent d’excellente qualité mais téte de pont publt des films américains de petit ou moyen budget SURVIVANT DE AGE pg, J reste pourtant, on |’ qj, is, qui agace beaucoup a is sacharnent depuis qe, .s accords Blum-Byrnes, le toll frangais fut tel qu il fallut pary, ssouplissant les regles du jeu. C’eg peu 4 peu sa vigueur. ysteme frangais de produc. fie sur le fonds de soutien et Vavance utien est une idée géniale du pre- afin de constituer cette réserve imaginé de prélever une taxe sur F tout film aussi bien étranger de quoi les Américains se sont ropres films contribuaient 4 une des causes de la rela- ee en parts de marché, 4 €st saupoudrée par des Inlistique n’est pas toujours Mt trop souvent des idéo- ou du simple « copi- el Voisines, les fameux eSuction nationale, arra- § investissements partois ‘ils ne sont pas méme sits quotas, faut-il lissenr amiéricait! A Hugues, his: de Tokyo ¢! nent, dans les ia Gnéme at enti? 37 le rappeler ? firent Vobjet de batailles acharnées contr 1 pureaucratle européiste entrance a se courber sous les fo ; ches caudines de Washington Ire Ibid En dépit de ces carences occasionnelles mais qu'il ne faut Ss dissimuler, abolir le systeme frangais de financement comme le préconisent parfois des irresponsables serait renon- cer 4 notre privilege : rester le seul cinéma national 4 faire jece au rouleau compresseur hollywoodien. N’oublions pas ue les studios britanniques survivent pour le principal grace ux tournages internationaux sous obédience américaine, que le cinéma espagnol, en déroute, ne conservait plus sur son propre territoire que 13 % de part de marché en 2013 (chiffre fourni par Cinespagne), qu’a l’exception de Nanni Moretti le cinéma italien est en crise permanente depuis un quart de siecle, sans parler du notable recyclage en Allemagne de la production grand écran dans le petit. A l’in- verse, signalons qu’en France les premiers chiffres de 2014 indiquent prés de 47 % de part de marché pour les films fran- gais contre 40 % pour les films d’outre-Atlantique. Un dernier danger guette la production audiovisuelle francaise et francophone, tous écrans confondus ; le méme que celui qui menace notre langue : le mimétisme. Cest en raison d’un effondrement de nos ventes de films sur Je marché américain (effondrement au demeurant guére Gaiastrophique, yu le faible volume de notre chiffre d'affaires moyen sur ce marché) que les années 1978-1980 ont vu appa- faitre dans les milieux professionnels concernés une réflexion densemble plus sysiématique et plus fouillée sur les ralson> de Thos echecs, de nos médiocres résultats et sur les pistes 4 suivte Pour tenter d’y remédier. Entre 1975 et 1978, les ventes de films francais aux fiats-Unis ont chuté de 48 millions de francs 4 11 millions et demi, soit de plus des trols quarts. ly "Avail de quoi réfléchir, en effet ! i jours sur la bréche (la ndtre), l’inévitable Jack yalenti de | bureau, lanca; « Le cinéma frangais pent tripler son chiffre Waffaires dans ce pays, [Apres avoir dégt ingolé des & trois quarts SURVIVANT DE Vac, Ey un gros Fisque...] Linfiye,, _prenail ps ple. Liavenir ne devrait pas m5, A ais s'ils font le genre q, - ibn ye procter ent voir: Bit Jourde de conséquence, pe profession et les avis diverge, de core completement parven,, = a écoles s/affrontérent, don ,, » ie car elles accompagnen; lou celles de la résistance et de la collat, ‘en termes de sujets et de narratioy, sur qui penserent que pour Plaire au publi re des films comme les Américaing et fallait faire des films résolumen fran. dan, ag _le point important était que tour \, le Ja necessité d’une analyse global. =etnon pas seulement conjonciy ‘de soutien a l’exportation : renforce promotion par des manifestations fivals, etc. Cette derniére partie de /en réponse 4 Deauville, déboucher Sur la création de plusieurs ren ubli¢ et des professionnels améri- lait Evidemment primordiale venir jusqu’au public américain : dant de quelques années I'c! MN sort particulier : « 14 Passer gue par une certalt ye - et identité . 39. pation & ses standards (sic, sans doute Be nons », «archétypes », « moules », Rea nea A gsinée). Notre film national ne deviendra wy Hiding ane tion que dans la mesure 02 le principe de la double wang inate, impliquant 1 tournage direct en langue si version ori mess dans les mers et qu'd la condition expresse que eek se 0S productions sachent antégrer le concours des scénaristes et surtout di 4 lout des vec ules a posséder, pour I'hetire, la « classe tes. amné ricaines, Se! M Pie oe i justifie des cachets de plusieurs millions. » telertattonale yIsemble difficile d’accumuler plus de contrevérités, de ec sens, @abandons, de soumission 4 ladversaire se cane aire qu’en cette profession de non-foi dans les ressources de la créativité nati hale. On pataugeait, il est vrai, dans la pleine période a pseudo réalisme masochiste et capitulard a la Servan Schreiber {anti-nucléaire, anti-Concorde, anti-Le France (le navire), anti-nation, anti-toute manifestation de puissance et diidentité francaise quelle qu’elle {Gt), tandis qu'un certain polytechnicien au pouvoir fondait arithmétiquement le poids eile rayonnement de la France dans le monde sur le rapport du nombre de ses habitants a la population du globe. N’osant sans doute pas aller jusqu’au bout de sa pensée, M. Calderon nous privait d’une solution plus réaliste encore : renoncer car- yément a notre cinématographie et nous borner a financer Hollywood. (D’aucuns s'y essayérent d’ailleurs, qui ne s‘en sont pas encore remis.) Les propos de ce financier comme de ses pareils s‘appuyaient sur Vidée qu'il y aurait des films « internationaux » qui mar- chent et d’autres, nationaux, qui ne marchent pas. Or un exa- men méme rudimentaire de la saga hollywoodienne montre gue son succés repose essentiellement, on pourrait dire uni- ~ quement, sur le nationalisme pur et dur, Vethnicité, les pré- supposes politiques, la fierté historique, la revendication scientifique et jusqu’a la religiosité exacerbée propres aul peu- américain. Rien n’est moins « international » que la subs- de ce cinéma, de la comédie sentimentale jusqu’a lyssée de espace en passant par le western, la guerre de ion, le Débarquement ou la Bible en images. ¢ dans Ja Télévision ou le Mythe d’Argus la réponse judi- ‘du président de Gaumont, M. Nicolas Seydoux, poe Maileeventre 1975 et 1978 par Cousi" eouene S* SURVIVANT DE V’AGE py, wes Annaud, l’oscar y, 16 des films de Truffay) otorié Ibid — avait d’autre obje, an entre cinéma et identité fran- it partie de Videntité natio. ; politique de la nation, sq intes de sa psychologie col. de Monicelli brilleront du théatre transalpin. comment pénétrer la Fin d’automne, sans lation, un jardin au ma, comme dans cinéma francais €pondis : © Debussy ov contemporains et la sanctifica es mythes ct se de vigueur, Ce 5 foréts, les ceuvres enracinées : dans un terroir, un Passé, une sont les seules qui durent. Voyez Gance, rol, Guilty, Rohmer, Sautet, Pialat, Gérard 1, Bertrand Blier, certains films de Chabrol uw... Comment définir ce génie pour que lan- Renoir, Blain, et de la définition pe des temperaments et des inspirations aussi diverses > uut-€tre : une grace poétique et une liberté d’ jbstantiellement liées 4 la clarté toujours lumineu allure ise de L’Ecran éblouissant put langage, et donc tout langage artistique, moyen ssion de quelque pays que ce soit, considéré dans son », imprimé par la matrice de I'Histoire et de la ie, ’essentiel de son message ~ une relation privilé- étroite qu’avec aucun autre déterminant. Si, t le cas en France et pour le cinéma, ledit langage, formation de son embryon le plus sommaire jusqu’a y 4 toujours été brillamment pratiqué, la relation mment plus « fusionnelle » encore. C’est sans doute tant qu’existera la France, ni le capitalisme canni- jureaucratie apatride ne parviendront a démante- industrie du réve ». avions abordé le sujet sous les especes particuliéres des * ceuyres, I’identité nationale n’y serait pas moins pre- avons observé qu’elle participe de l'identité person- endant, d’autres éléments tout aussi prégnants vien- Vanalyse. eertaines. Cependant, «, que et de bon sens les surgissent par hasard jués. Par ailleurs, celles on, la couleur, l’agran- rise de vue, semblent lans le domaine de |a § dans un avenir pro- n du relief, bien qu'il ajoute grand-chose elques effets de sur- N question se bana- it banalisée, ce qui )- C'est probablement que des change ites de consom- e@ domaine ne © Vesthétique ¢! réflexion ana quer, On ne A quelques ew lt 43, ptions gouvernant le 7° Art depuis |’o 4 nos références nationales : le réalism » et le fantasmagorique de Méliés. Ou, pour prend le plus moderne en Italie, Comencini et Fellini ia » option poursuit a Toute en conformité avec 88 nsparent = la caméra — en prise directe sur la réalité ‘et en rupture radicale avec la voie traditionnelle de es autres arts, qui atteignent le réel par des moyens és; la seconde s’appuie au contraire sur cette tradition osition artificielle : des truquages matériels — et, ai- leurs, les orthographier « trucages » ne change rien jire = on est passé au virtuel, a l’informatique, aux ima- rigine. Pour € des Fréres « effets spéciaux » et constructions imaginaires, liction criante avec l’idée de « captation de la réa- qui a présidé a la naissance de la photographie, les années qui viennent, on ira donc probablement rcroit de réalité d’un c6té, en comptant aussi avec ntes Economiques et l’entrainement de la télévi- tres solidement installée sur cette position ; et vers us d/irréalité de l'autre, réservé a d’énormes copro- a vocation internationale et populaire. Cela ‘sans doute les films de fiction relevant de l’option ‘identifier davantage encore a des reportages - turelle, prise de son approximative — et a se diriger rations de type expérimental. Rappelons-nous | regard » de certains téléastes précurseurs aux eux de l‘ORTF. Les instruments allégés de la que s’y préteront avec bonheur. Inversement, irréalisme a gros budget deviendront au sens gue 4 part entiére des films d’animation. ls res- plus en plus a des jeux vidéo violents ou a des adolescents attardés. On peut supposer avec une certaine vrats lution du cinéma dans les années a venir ne te de celle qu’on observe deja dans d’au- raisem- SURVIVANT DE U’Ac etd’une maniére 8Enérale ‘corps social : Védition, | enseignement, I’agricu. centuera la fracture entre yy . masse. En matiére de littéra. aujourd'hui de plus inté. se trouve moins dans |es seulement de rentabilité, hes des « librairies » dy que a remplacé la presse a ‘une telle dichotomie , qui a besoin dans tous ala mise en scéne ses ait naguére sur ses (2015) f oyage de Bertrand Tavernier 1 américain, bataille et la assez longtemps, a été la référence, chasse gardée de la cinéphilie fran- ugurées par le texte «Naissance d’une nouvelle avant- icran frangais, 30 mars 1948) ; balisées ensuite par We cinéma ? d’André Bazin, le Celluloid et le Marbre imer, la théorie « mac-mahonienne » et sa pratique te et diffusion en France de films et de cinéastes Dune certaine facon, cet age d’or de la cinéphi- ment américanolatre s‘est trouvé conclu et favernier et Jean-Pierre Coursaudon®. t Ouvrage, Tavernier faisait montre d’un réel ous un instant sur cette notion d’« analyste de le est de nature a nous éclairer sur le caractére Ja valeur particuliére de son film mémoriel: § le cinéma frangais. i au cinéma, le concept d’« analyse », au sens ‘on emploie ce mot en matiére de A par i dans les domaines philosophique et sclenuliquc, fe inapproprié. Les opérations mentales neéce préhension et a la description essai- du ruban lumineux des deux mondes, 1 Cinquarite ans ligne, sur le site de la Revue é par Ja suite en un monument (Nathan, 1991). ey Le Voyage de Bertrand Tavernier ey commentaire: Si Von y ajoute Vavantage immense procuré par fae: connaissance complete de la généalogie du Septiéme ‘art, qui seule permet les rapprochements illuminants et la détection coon a posséde le trousseau de clés de ernier: celui qu’il utilis ice ‘ ‘ Fee. etsurde tub il nous ean Ura He 5 in pour nous faire yisiter son panthéon. ‘ Bien’ quiayertis) par le titre, surprise | En 2016, ce pan- ae 5 Pe cau est aaa Cela, évidermment, rest ” e, nou! ‘issi éja i tout de méme... Y aurait-il eu, ee ae i # , une évo- jution un peu! analogue 4 celle d’autres cinéphiles, pour qui Ja Californie n’est plus ce quelle était ? Depuis Abel Gance et Max Linder, le cinéma frangais a été et demeure Je seul concurrent sérieux de |’« Usine 4 réves » hollywoodienne. Constatation qui efit suffi a légiti- mer |’entreprise. Mais ce Voyage au bout de la lumiére nous emmene bien au-dela des comparaisons : au coeur de la démarche créatrice de Jacques Becker, de Melville, dans le commerce amical de Sautet, de Gabin dont nous continue- rons malgré tout a préférer les premiers films aux derniers. Une démonstration éblouissante autour d’un travelling par- yient presque, en revanche, a nous convainere du peu de part prise par le asard ou l'improvisation dans les films de Jean Renoir. Passé chez Thorez avec armes et bagages, puis de Thorez 4 Pétain, puis au capitalisme doutre-Atlantique, Renoir raconté par Tavernier apparait doué dune capacité d’indiffe- rence qui choque aujourd’hui le moralisme obligatoire, - quoique héritée des grands artistes du passé ; pourvu qu'il pat tourer ses films, ce paien de la Renaissance se fichait éperdu- ment des idées et des actes de ses mécénes, pas plus solidaire des stipendiaires de Staline, des lachetés de Vichy ou de la bombe d/Hiroshima que le peintre de la Joconde des crimes des Borgia. Cela, mon cher Bertrand, ne yaut-il pas mieux pour Je bonheur des hommes que de nous priver de quelques efs-d/ceuyre au fond d’un cachot de Rome ou de Florence ? SURVIVANT De U4, EY, ta travers les films de ses ae | laity | Nous accompagnan eras vole de ses parrains penchés sur son berceay, confreres de la Nouvelle Vague, Tavernier commente ,, séquences célebres ou méconnues pour approfong as plaisir. vintérét de Vexercice, qu’il pratique en yin IT Notre double: en disséquant un mouvement Meeparea & extraire la signification narrative, il nous livre sans Pour en, | Yair ses propres secrets de fabrication. En outre, ee Voir Vie et rien d’autre assortit de confidences plus tee cette promenade érudite: elles en marquent la ae avec ce qui aurait pu @tre un simple recueil de ae | choisis. Le charme puissant qui se dégage du Voyage Orceayx | le cinéma francais est aussi celui des anciens « Tesi aa | son », ou une liane fleurie de souvenirs intimes Sei o U. sur une portion d'Histoire. ses ainés, lait (2016) Rohmer en son Paradis L'Age d'or n'est pas toujours un yémoigner. Un beau et gros livre cee chez Pierre-Guillaume de Roux, sur un cinéaste aa aan qui ont découvert Vart de l'écran dans le sillage des Cahiers dit cinéma, au cours, des années cinquante et soixante du siecle dernier. Tel un écrin au couvercle refermé, ces deux décen- nies contiennent l'age d'or de la cinéphilie. La passion du cinéma s'y confondait avec la vie et ses travaux. Un cinéphile était souvent un futur cinéaste ; un scémariste en herbe fon- dait une revue ; un figurant anonyme allait devenir un criti- que influent ; un étudiant abandonnait la « fac» pour un tournage ou il occuperait le poste envié de deuxiéme assis- tant préposé a la biére et aux sandwichs ; des boulimiques, s‘empiffrant de pellicule comme de spaghettis dans la Grande Bouffe, entassaient chez eux jusqu’au plafond des dossiers de presse, fiches, photos, vieilles revues ; les insomniaques pas- saient leurs nuits a completer des filmographies déja exhaus- tives ou quasiment. Ces spectateurs ne restaient pas assis dans leur fauteuil. Ils sautaient dans l'avion de Londres, couraient apres le train de Bruxelles, cahotaient en Fiat 500 vers Rome pour vision- ner un Preminger inédit en France ou bavarder avec Cottafavi. Point de mire des cinéphiles, jardinier de leur éden, Rohmer, alors, régnait sur les Cahiers. Dans le quartier des Champs-Elysées, on apercevait parfois au coin d'une rue sa Jongue silhouette immobile, l’ceil collé au viseur d'une caméra de poche, en train d'essayer un cadrage ou de repé- rer un décor. Le gros ouvrage en question — plus de 400 pages — s‘inti- tule le Paradis francais d’ Bric Rohmer. Chantée sous la direction 26. Publié en ligne, sur le site de la Revue des deux mondes. 50 SURVIVany Oe ED éclairée de son chef Hugues Moreau, archiviste a du cinéma, par une cinquantaine de voix By SO, contrastées, cinéastes, €crivains, acteurs, Critiques ants partition polyphonique: a la gloire — Paradoxa) SS Une artiste secret et farouchement autarcique dans Reo aN yocation corporative ou, sans l'avouer, chacun ae autres pour faire ou ne pas faire comme eux, eil Rohmer, lui, seul dans son coin, a Construit un gry « manifestation d'un ordre profond », dit Hugues Mores es équivalent dans l'histoire du cinéma, UN peu 3 jy a Sans Balzac dans l'histoire de la création romanesque, en vee conférer une cohérence unificatrice 4 des Sujets divest Pour m’en tenir a la métaphore musicale (plus qu’ i autre appropriée 4 Rohmer, a ses suites de variations oa Carte du Tendre et casuistique), le Paradis frangais dix Rohmer donne effectivement a entendre dans |a tOtalité de, ceuvres du cinéaste, ceuvres filmées mais aussi écr; TQ le eg : ites (le Celluloid et le Marbre en est le meilleur exemple), la basse continue d'un ordre métaphysique et moral aux ancres mouillées a la fois dans le ciel et dans le « Pays réel », Qn i" pergoit, obstinée, sous les libres modulations d'une subtilité aussi clégante que désinvolte: la fameuse légéreté Francaise, tres dix-huitieme siecle. Lorsque celle-ci atteint pareille alt. tude de montgolfiere, on devrait savoir qu'elle n'est rien de moins que l'intelligence de la pudeur. (2017) Journal critique (extraits) Depuis 1954, je tiens un « Journal critique », sorte de miroir que je promene sur les ceuvres, les idées, les personnes, les événements croi- sés sur mon chemin. Je dis bien : « miroir » et non pas « objectif » comme on en utilise en photographie. La lentille transparente et inco- lore n’opére que des choix dans lespace qu elle balaie ; le miroir y ajoute son grain, son eau, sa courbure, ses reflets. Hormis les articles copieux et études construites, tout ce que j‘at publié a partir de 1958 dans les revues, magazines et journaux ou plus récemment sur la Toile, n’est que morceaux épars et remontes a la surface de ce mono- logue immerge. 1990 Janvier Principes mac-mahoniens Ree Beioy publie ce mois-ci un dossier, « Amour du cinéma américain », dirigé par Francis Bordat, suffisamment riche pour faire figure de témoignage — peut-étre — ultime Jouant avec l’énergie du désespoir « Plus prés de ‘Toi or Hollywood », voici l’orchestre de toute une culture anc phate que fondée sur la passion, culture naguére florissante et qui sombre, aprés avoir heurté la fausse modernité d/une idéolo- gie politico-semiologique, capable — disait Claude Beylie — de parler de tout sauf de cinéma, modemité régressive des Gahiers devenus si bétes, puis si pauvres, a force de se croire plus intelligents. Elle sombre, cette culture, dans Vinsigni- fiance du marché, hyperproductions, images qui s’écoulent sans fin avec un bruit d’évier. Que, dans ce brillant dossier, Tavernier soit mon voisin, que Ciment ne soit pas loin, me réconforte un peu. Il vaut mieux se noyer a plusieurs, c’est moins triste. Puis, ¢’a été pour moi l’occasion d’énoncer en deux pages les « Principes du Mac-Mahon ». Il me semble que je pose la quelques idées de nature a clarifier un débat toujours ouvert, si j’en juge par nombre de positions dont le référent, nomme ou tu, n’est autre que notre turbulent éléphant dans la porcelaine de la critique. (Je ne suis pas loin de penser qu’au fil des années a venir, ‘animal pésera méme encore un peu plus lourd.) Idées assez simples : A) Qu’elle le veuille ou non, qu’elle le sache ou non, aucune entreprise critique n’échappe 4 la subjectivité esthé- tique, d’ordre affectif et non rationnel. La neutralité éclecti- que, l’objectivité scientifique en matiére de réflexion sur V’art sont des leurres. Il convient que le critique assume sa subjec- tivité comme Je physicien inclut l’incidence de |’observateur et de ses outils dans les paramétres de l’objet observe. B) Le mac-mahonisme rejette hors du champ de Vappré- dation esthétique toute interférence idéologique et a fortiori 54 SURVIVANTp Udy te politique, lesquelles, contrairement aux MOtivatic ment esthétique, sont rationnellement identitiane, “Ying ne signifie pas du tout qu’on doive, dans un ae ae exemple, exclure la politique, dimension Gee i d’autres. Cela signifie qu’on ne nie pas le eilman ine a parce qu'il est de gauche ou de droite, ou parce «1 Sings yait ou non la guerre du Vietnam. qu'il Pty | C) Vinvention du cinéma a bouleversé je ee ditionnel de Ja recréation artistique, fondée cote tre de Vhumanité sur le recours a des matériaux ¢ iin intermédiaires pour représenter, évoquer, signitie, Niques voir; couleurs, marbre, notes, mots, dessin, cony Sou. métaphore... Vobjectif transparent et Venregistremet™ son nous livrent le monde tel quel et transmettent fee ly interposé non comme médiateur du réel mais comme ae D) Reconnaissance de la mise en scéne et etre Ullice tant que finalité du travail cinématographique ei aed reliure décorative d’une histoire. Ce concept qui i aujourd’hui digéré, en réalité oublié, il faut Savoir qui] a a peine entrevu au moment ot nous abattimes notre Cane d’as. Dans ma préface a la Mise en Scene comme Tangage, j'en 3 souligné l’équivalence dans \’histoire des arts avec la lente prise de conscience de la primauté de la matiére Sur le sujet en poésie et en peinture (Mallarmé, Valéry, Malraux...), 2002 Novembre Caméra-Stylo Soirée d’ouverture de la rétrospective Astruc a la Cinémathéque. Alexandre, amaigri mais en meilleure forme que d‘habitude, visiblement aiguillonné par la satisfaction de receyoir cet hommage. Présentation brillante, comme tov- jours, de Philippe d’Hugues. Revu — aprés tant d’années! — avec un vrai plaisit |? Rideau cramoisi qui m‘a paru moins formaliste que le souven" eure 55 que jen gardais. Et découvert Evariste Galois, sor: tres belle mais tres (trop ?) abstraite, comme si Vobj yérude du jeune mathématicien avait « Ronee fs caméra-stylo. On y constate en tout cas ce fameux Be h F dAlexandre pour les mathématiques, qui aurait feotnreeaS son passionnant Descartes, s'il avait pu y intéresser un che teur, une occasion de s‘illustrer. ea Le moment le plus intense de la soirée, du moins Ou! moi, aura été le Puits et le Pendule, que je connaissais ae, mais sur petit écran, et qui prend en grand format une fake accrue, — terrible. (Je vérifie une fois de plus ce que je répeéte depuis des années : il y a une déperdition de 60 4 70 % de la mise en scene d’un film qui passe a la télévision — puissance d'impact, lisibilité, sentiment de l’espace notamment -, ce qui pourrait expliquer pourquoi de moins en moins de gens s‘in- téressent aux questions touchant la spécificité du cinéma.) te d’épure 2005 Avril Images en pages Bien que le Prix Simone Genevois « du meilleur livre sur Je cinéma », dont Claude Sautet jusqu’a sa mort fut l’ardent promoteur et le pugnace président, ait cessé d’exister en 2004 aprés quinze ans de bons et loyaux services, les ouvrages ayant trait au Septiéme Art continuent de s’accumuler sur ma table. Avant d’en examiner quelques-uns de plus pres, je vou- drais reyenir un instant sur ce prix, l'un des mieux dotés en especes, et qui n’a pas survécu a son mécéne, André Conti. Celui-ci avait souhaité, avec cette récompense adossée a une association, perpétuer le souvenir de sa femme, l’actrice Simone Genevois (qui fut une magnifique Jeanne d’ Arc dans le film de Marc de Gastyne, trés supérieur selon moi a celui, suxfait, de Dreyer). Hélas ! Les héritiers, comme il arrive, se sont révélés plus motivés par la récupération des trois sous L 56 SURVivAnp Dev, Pa 2 3 que coutait cette Emouvante idée que Par Je Mémoire des morts. On n/a PeUt-€tre pas a... '°SPeq d quel point le mot « descendance » est convene Femara, <2 lachage du Prix Genevois ne peut que non SPP top mémoire les relations emblématiques de oe Temettre 2 fils Don Pedro dans la Reine Morte: « Allez oe a En prison pour médiocrité, » aA Confidence : le plus gros impair que, juré nous ayons commis est d’avoir laissé €chapper ee Dry somme définitive de Bernard Eisenschitz; j/aj out eet Ray fice de qui et de quoi... me au beng. Ve Lecture en priorité du Fritz Lang de Miche] publié chez Pardés dans la collection « Qui Suis-je Paru il y a peu un surprenant Pierre Benoit de y Torok. Ce qui se dégage de ce compendi deeil est une volonté, ou peut-étre un désir ieonsciens, g reconcilier deux visions du cinéma Presque opposées :|a sique et la « mac-mahonienne » (pour plus ample infor se reporter aux Ouvrages sur Vhistoire de la Critique és cinéma et de la cinéphilie d’Antoine de Baecque, dont inte, ligence le dispute a l’érudition). Position de Te€quilibrage 3 jy limite de linsoutenable, si l’on n’entend pas se régler sur je consentement mou d’un certain « éclectisme » de mauvaise compagnie qui hérissait tant Baudelaire Jadis et de nos jours Vesthéticien Edgar Wind”. Lorsque Michel Marmin prononce I’éloge des Nibelungen, pour critiquer férocement quelques pages plus loin lInvraisemblable Verité qui est comme la répétition générale, résumée et concentrée, de la mise en scene du Tigre et du Tombeau, jai peine a suivre, d’autant qu'il invoque |’étonne- ment du cinéaste lui-méme devant la notoriété de ce film. o, Jai pu constater 4 maintes reprises, lors de conversations a batons rompus avec Fritz La ng, a Paris et € Mannheim, qu! 2p oi a €an-Pa ul UM aU premie, cou; a clas. 27. Art et Anarchie, Gallimard, coll. Bibliotheque des Sciences hurnst “nes, 1988. Journal eritigue 57 ne fallait pas trop tenir compte des positio affichait 4 légard de Son ceuvre dans ses déclarations 3 presse: désireux qu il etait avant tout de ne pas Bae la comme le défenseur intempestif de films ‘considérés pe aitre mineurs OU ratés par les chroniqueurs, notamment ee cains. SSE Cela dit, ce petit livre fourmillant de remarque: nentes et d’informations s‘ajoutera, je l’espére, comptent = ils ne sont pas si nombreux — su exemplaire et redoutable Fritz Lang,., nS Officielles qu’il 'S perti- aux textes qui r Vimmense et Autre lecture excitante et tirée de la phatmacopée de J.- ¢. Pichon, I’éditeur d’anabolisants ; Assassinat d’un éditeur a la Libération. Il s’agit de Robert Denoél et de I'enquéte d’une universitaire américaine, A. Louise Staman, d’abord publiée aux Etats-Unis. Pourquoi avoir choisi de l’insérer dans cette séquence dédiée aux rapports entre l'image et l’écrit 2 Nous avons affaire ici 4 un magnifique scénario, avec ce que cette discipline comporte de spécifique : une certaine Opacité des comportements — comme dans la vie - qui préserve une marge de liberté tant pour le metteur en scéne que pour le spectateur. Si j’ai pu autrefois, a propos de Losey, invoquer le principe d’identité (A n’est pas non A) pour caractériser l’évi- dence dans la mise en scéne de cinéma, je n’en ai jamais exclu la polysémie qui fait dans les meilleurs cas la richesse scintil- Jante de cette évidence, — voir Otto Preminger. Vune des principales questions que I’on peut se poser au sujet de ’enquéte de Mme Staman sur l’assassinat de Denoél est Ja suivante : comment se fait-il que personne parmi les ayants droit, héritiers, continuateurs a un titre quelconque des personnages, entreprises ou institutions mis en cause, ne réagisse a ce brilot effarant ? Cela donne automatiquement @ penser que tout ce qu’affirme ou suggére l’enquéteuse™ est 28, On me permetira de rappeler que ce mot est le féminin correct nguéteur », existant depuis Je xin’ siécle. « Enquétrice » a été inventé dernier par Jes instituts de sondage et les agences de publicité.

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