Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Anna 656 1403
Anna 656 1403
Tapati Guha-Thakurta
Dans les monts Vindhya, au cœur de l’Inde – dans le district de Raisen, au Madhya
Pradesh, à 46 kilomètres de la capitale de l’État de Bhopal –, on trouve au sommet
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
3 - Sir John Hubert MARSHALL et Alfred FOUCHER, The monuments of Sanchi, New Delhi,
Swati Publications, [1940] 1983, vol. 1, p. 9.
4 - Une partie de cet article a été publiée dans un volume consacré à Sir J. H. Marshall
et à ses activités archéologiques en Inde : Tapati GUHA-THAKURTA, « The many lives
of the Sanchi Stupa in colonial India », in S. GUHA (dir.), The Marshall albums: Photography
and archaeology, New Delhi, Mapin Publishing/Alkazi Collection of Photography, 2010.
Je suis très reconnaissante envers le Dr Sudeshna Guha, de l’université de Cambridge,
pour les idées et les images qu’elle m’a fournies.
5 - Mêmes remarques de la part de Nayanjot Lahiri à propos de l’« histoire moderne
tumultueuse et désordonnée » de Sanchi, dont « les aspérités deviennent invisibles
lorsqu’elle est observée exclusivement à travers le prisme des récits sur les entreprises
1404 de Marshall » : N. LAHIRI, « From ruin to restoration... », art. cit., p. 99.
ART ET PATRIMOINE
voir les différentes strates de sens qui sont en concurrence pour la reconstruction
des passés « véritables » de Sanchi, ainsi que le tourbillon des consécrations tempo-
relles et sacrées, archéologiques et dévotionnelles, qu’a entraîné sa métamorphose,
lorsque ce monument colonial est devenu un monument post-colonial.
Découvertes et spoliations
De nos jours, on estime souvent que « la principale nuisance qu’eut à subir Sanchi,
ce fut d’être vandalisé par les responsables des fouilles modernes 6 ». Ce point de
vue, qui tend à devenir dominant dans les histoires plus récentes du site, s’enracine
jusque dans les récits successifs des inspecteurs (surveyors) britanniques du XIXe siècle.
Il met en lumière l’aspect général des premières campagnes archéologiques colo-
niales : les « dommages collatéraux » paraissaient être la conséquence inévitable
de la curiosité pour les antiquités et de leur collecte ; en soulignant le peu d’intérêt
que montraient les indigènes et le mauvais usage qu’ils faisaient des pierres
anciennes, on donnait une justification supplémentaire à ceux qui affirmaient que
les intrusions de l’homme blanc étaient acceptables et légitimes. À bien des égards,
le complexe de stupas de Sanchi a connu une meilleure fortune que les ensembles
de la même période situés à Bharhut dans le district des Central Provinces, et à
Amaravati dans la présidence de Madras (district de Guntur). Les pierres sculptées
et les piliers de clôture n’y ont pas été dérobés d’une manière aussi systématique,
autant par les populations locales que par les fonctionnaires coloniaux ; dans les
autres cas, ces disparitions ont rendu impossible la conservation des restes sur
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
6 - Ibid., p. 102.
7 - Sanchi offre un contraste frappant avec les sites d’Amaravati et de Bharhut, où l’on
ne trouve plus de stupas intacts et dont les panneaux sculptés, les piliers et les clôtures
avaient beaucoup voyagé, pour revenir au cours du XIXe siècle dans les musées de
Madras, de Londres et de Calcutta. Pour un développement sur la dispersion des restes
d’Amaravati et de Bharhut, voir Tapati GUHA-THAKURTA, Monuments, objects, histories:
Institutions of art in colonial and postcolonial India, New York, Columbia University Press,
2004, p. 63-70.
8 - Le récit qu’Edward Fell fit en 1819 et celui que livra en 1847 Joseph D. Cunningham,
ingénieur militaire jouant le rôle d’agent politique de Bhopal – il s’agit peut-être des
deux récits les plus anciens et on en trouvera des citations ci-dessous – mentionnent deux
stupas sur la colline, dont le second ne contenait pas de sculptures et était dépourvu
de portails. L’existence du « stupa no 3 », ainsi que d’un groupe de stupas à proximité
(à Satdhara, Bhojpur et Andher), est indiquée pour la première fois par Alexander
Cunningham en 1854. 1405
TAPATI GUHA-THAKURTA
Parmi les officiers qui se firent orientalistes, sans cesse plus nombreux, c’est
à Edward Fell, capitaine du dixième régiment d’infanterie, que l’on attribue la
première description moderne de Sanchi. En 1819, il s’émerveillait de la taille et
de l’aspect massif du grand dôme hémisphérique, « solide selon toute apparence »,
avec son revêtement extérieur de mortier encore « parfaitement conservé », sauf
en un ou deux endroits où il avait été emporté par les pluies 9. Par une ironie du
sort, l’existence même d’un dôme si bien conservé exposa le grand stupa et le
petit stupa attenant à un assaut archéologique destiné à les « ouvrir ». Ouvrir de
tels stupas – en anglais, on les appelait alors topes [mot issu du panjabi thup ou thop,
« tertre », lui-même probablement apparenté au sanskrit stupa] – consistait à creuser
à leur sommet un puits vers le centre de l’hémisphère afin d’atteindre les chambres
intérieures et d’en extraire les coffrets de reliques ; cela devint le passe-temps de
spécialistes parcourant les Indes britanniques à la recherche d’antiquités. Vers le
milieu du XIXe siècle, on reconnaissait un talent particulier dans cette pratique à
Alexander Cunningham, qui fut un précurseur en matière d’archéologie de ter-
rain 10. Il avait accompli cette opération pour la première fois en 1834, semble-t-il,
sur le stupa de Dhamek, à Sarnath, puis d’une façon plus parfaite sur le stupa
principal de Sanchi au cours de son exploration approfondie du site en compagnie
du lieutenant-colonel Frederick Charles Maisey, au début de l’année 1851. À un
usage que l’on pourrait considérer comme un parfait exemple de vandalisme et
de chasse au trésor, on conférait donc la légitimité d’une technique d’enquête au
service de l’archéologie de terrain : c’est à l’édification de cette « science » qu’un
personnage tel que Cunningham œuvrait sur tous les sites anciens qu’il arpenta
et fouilla. Dans ces prémices de l’archéologie indienne, on cherchait apparemment
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
d’Alexander Cunningham pour ouvrir le stupa de Sanchi, trente ans plus tard,
demeurent un sujet de controverse parmi les spécialistes et les historiens 12.
À cette époque, il semble que la fin ait amplement justifié les moyens mis
en œuvre. En pénétrant dans les profondeurs cachées des tertres et en récupérant
les coffrets gravés qui contenaient les reliques, Cunningham parvint à identifier
plusieurs moines bouddhistes dont les restes étaient enterrés dans le périmètre
que délimitaient les stupas de la région de Bhilsa, et à prouver la présence en ce
lieu des reliques funéraires de deux des principaux disciples de Bouddha, Sariputta
et Mahamogalana. Dans son livre The Bhilsa topes, enhardi par le succès de cette
« ouverture » et par la richesse des données ainsi recueillies, poussé également par
la volonté de mettre au jour le passé bouddhiste de l’Inde ancienne, Cunningham
incitait les directeurs de la compagnie des Indes à
employer un fonctionnaire capable d’ouvrir les nombreux stupas qui se trouvent encore
au nord et au sud du Bahar, et à dresser la liste de tous les restes bouddhistes de Kapila et
de Kusinagara, ainsi que de Vaishali et de Rajagriha, principaux théâtres des hauts faits de
Sakya. Un tel travail contribuerait plus utilement à l’histoire ancienne de l’Inde (le
territoire de la Great Company) que l’édition critique la plus exigeante des dix-huit puranas 13.
depuis Cunningham jusqu’à Marshall et à l’article de N. Lahiri. Elle est également mise
en évidence dans le livret publié par le Service archéologique de l’Inde : Debala MITRA,
Sanchi, New Delhi, Archaeological Survey of India, [1957] 2001, p. 11.
12 - Si des spécialistes comme Dilip K. Chakrabarti ont loué les travaux de Cunningham
à Sanchi comme la fondation de nouvelles techniques « scientifiques » d’investigation
dans le domaine de l’archéologie de terrain, d’autres comme N. Lahiri, citant les récits
des fonctionnaires et des savants de la fin de l’époque coloniale, critiquent bien plus
sévèrement les dégâts causés par Cunningham au stupa principal et la façon dont il a
dispersé ou s’est approprié les reliques exhumées sur le site : N. LAHIRI, « From ruin
to restoration... », art. cit., p. 101.
13 - Alexander CUNNINGHAM, The Bhilsa topes or Buddhist monuments of Central India,
Londres/Bombay, Elder & Co./Smith, Taylor & Co., 1854, p. X-XI. 1407
TAPATI GUHA-THAKURTA
14 - Une récente publication à ce sujet, destinée à faire date, est le reflet d’une exposition
itinérante de photographies anciennes sur l’architecture indienne issues de la collection
du Canadian Centre for Architecture (CCA), Montréal : Maria Antonella PELIZZARI (dir.),
Traces of India: Photography, architecture, and the politics of representation 1850-1900, New
Haven, Yale University Press, 2002.
15 - E. FELL, « Description of an ancient and remarkable monument near Bhilsa », art.
1408 cit., p. 481, 491-492 et 494.
Figure 1. Vue du grand stupa de Sanchi, après la restauration de la clôture de la terrasse, 1918-1919. Tirage
gélatino-argentique, reproduit dans l’Annual report of the Director General of Archaeology for the year
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
Figure 2. Frise sculptée, Sanchi (Journal of the Asiatic Society of Bengal, 3, 1834, figure XXVII).
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
Figure 6. Moulage en cours d’exécution, sous la direction de H. H. Cole, dans le complexe de mosquées de Quwwat-
ul-Islam, Delhi, vers 1870. Tirage à l’albumine de Charles Shepherd © Canadian Centre for Architecture (CCA),
Montréal.
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
Figure 7. Portail sud reconstruit du grand stupa, Sanchi, dans les années 1880 environ. Tirage à l’albumine
reproduit dans J. BURGESS, The ancient monuments..., op. cit., figure 50.
ART ET PATRIMOINE
16 - Ibid., p. 494.
17 - N. LAHIRI, « From ruin to restoration... », art. cit., p. 101.
18 - A. CUNNINGHAM, The Bhilsa topes..., op. cit., pl. I-XXXIII. 1409
TAPATI GUHA-THAKURTA
tertre ne devint un reliquaire bouddhiste que plus tard, vers le début de l’ère
chrétienne ; le bouddhisme lui-même ne datait pas du VIe siècle avant J.-C., mais
du Ier siècle avant J.-C. environ 19. Le scepticisme de Maisey était clairement arbi-
traire. Il s’expliquait par « le vœu pieux de prouver que le christianisme était
antérieur au bouddhisme », comme le notait Cunningham, qui reconnaissait néan-
moins, aussitôt après cette remarque, la très grande familiarité de l’auteur avec
le stupa de Sanchi et recommandait les nombreuses illustrations qui ajoutaient
beaucoup à la valeur de l’ouvrage « en donnant, à grande échelle, des copies très
fidèles des sculptures 20 ».
Dans les années 1850 et 1860, avant l’introduction massive de la photographie
sur le site, les dessins lithographiés de Maisey devenaient le principal corpus
d’images en circulation et étaient utilisés dans diverses publications et expositions
d’art indien. De la fin du XVIIIe jusqu’au milieu du XIXe siècle – depuis les artistes
voyageurs, tels William Hodges ou Thomas et William Daniell, jusqu’aux anti-
quaires et aux collectionneurs, tels Richard Gough et Colin Mackenzie, ou au
spécialiste d’architecture James Fergusson –, on privilégia sans cesse davantage
les dessins sur site, que l’on pouvait embellir et enrichir pour aboutir à des gravures
ou à des lithographies colorées. Ce moment premier, celui de la vision et de la
réalisation d’un croquis, donnait ensuite lieu à une grande diversité de représen-
tations : évocations de ruines « pittoresques », enregistrement de tout ce que
l’inspection du site permettait de constater, mais non de collecter, ou bien images
illustrant la mythologie et l’architecture de l’Orient ancien. À une époque où la
technologie de l’imprimerie changeait rapidement, les gravures et les lithographies
ouvraient à la reproduction une large gamme de possibilités. Elles eurent une forte
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
19 - Frederick Charles MAISEY, Sanchi and its remains... With remarks on the evidence they
supply as to the... date of the Buddhism of Gotama... With forty plates... and an introductory
note by Major-General Sir A. Cunningham, Londres, Keagan Paul, 1892, p. X-XI.
20 - Ibid., p. XV.
21 - James FERGUSSON, Picturesque illustrations of ancient architecture in Hindostan,
1410 Londres, J. Hogarth, 1847-1848, p. 21-22.
ART ET PATRIMOINE
d’une exposition et d’une publication conçues par Fergusson que les monuments
de Sanchi allaient entamer une nouvelle carrière mondiale, sous la forme d’images.
Le cadre en fut l’Exposition internationale de 1867, pour laquelle Fergusson
présenta un ensemble de photographies et de moulages en plâtre d’édifices et
de sculptures indiennes. À cette occasion, alors qu’il recherchait des spécimens
architecturaux dans les collections de l’India Museum, à la Fife House de Londres,
il découvrit un vaste groupe de sculptures en pierre calcaire provenant des stupas
d’Amaravati ; ces objets avaient été laissés à l’abandon, tout d’abord dans les
entrepôts puis dans les garages de Fife House, depuis leur arrivée à Londres au
milieu des années 1850 22. Il est très suggestif de mettre en regard l’histoire bien
connue des « marbres » d’Amaravati, dispersés et négligés à Madras comme à
Londres, et celle des croquis de Mackenzie et de Maisey que l’on conservait à la
même époque avec mille précautions à l’India Museum et à l’India Office. Les
archives visuelles répondaient à une telle demande et possédaient un tel statut
qu’elles ont connu un meilleur sort que les originaux. Cette anomalie fut bientôt
réparée. Il est cependant intéressant que les possibilités offertes par la nouvelle
technologie aient joué un rôle lorsque les sculptures d’Amaravati furent officielle-
ment réclamées. Les cas de Sanchi et d’Amaravati nous permettent d’observer, à
la fois sur les sites et loin des monuments, l’acclimatation de la photographie
dans les études archéologiques et dans les musées. On commanda au photographe
Linnaeus Tripe des clichés des panneaux sculptés d’Amaravati pour le musée
de Madras en 1858 23. Durant l’hiver 1866-1867, Fergusson s’adjoignit les ser-
vices de William Griggs, photographe de l’India Museum, pour prendre une série
complète de clichés à la même échelle que les panneaux, afin d’aider à assembler
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
22 - J. Fergusson l’indique dans son livre sur les sculptures de Sanchi et d’Amaravati,
qui résulta des recherches préparatoires et de la conception de l’exposition : James
FERGUSSON, Tree and serpent worship or illustrations of mythology and art in India in the first
and fourth centuries after Christ from the sculptures of the Buddhist topes at Sanchi and Amara-
vati, Londres, W. H. Allen, 1868, p. III-IV.
23 - L’album de photographies des sculptures d’Amaravati publié par Linnaeus Tripe
en 1858, où chaque panneau est mesuré et photographié sur le sol du Central Museum
de Madras, est conservé à la British Library, dans les collections de l’Oriental and India
Office. Par analogie avec les marbres d’Elgin du British Museum, ces sculptures de
pierre calcaire furent ensuite désignées comme les « marbres d’Elliot », d’après le nom
de Walter Elliot, qui avait fouillé le site et expédié ces pièces à Madras en 1845.
24 - J. FERGUSSON, Tree and serpent worship..., op. cit., p. IV. 1411
TAPATI GUHA-THAKURTA
25 - Ibid., p. V.
26 - Ibid., p. 105.
27 - John Forbes WATSON, Report on the illustration of the archaic architecture of India,
Londres, India Museum, 1869.
1412 28 - T. GUHA-THAKURTA, Monuments, objects, histories..., op. cit., p. 23-24.
ART ET PATRIMOINE
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
Figure 4. Dessin de Frederick Charles Maisey d’un panneau sculpté de Sanchi montrant le rêve de la reine
Maya, le prince Siddharta à son départ de Kapilavastu et l’adoration aux pieds de l’arbre Bodhi. Lithographie
coloriée, reproduite dans J. FERGUSSON, Tree and serpent worship..., op. cit., figure XXXIII. 1413
TAPATI GUHA-THAKURTA
29 - Donald PREZIOSI, Rethinking art history: Meditations on a coy science, New Haven, Yale
University Press, 1989, propose les formulations les plus fortes au sujet de ces archives
« panoptiques » et de l’essor de l’histoire de l’art en tant que discipline savante.
30 - J. FERGUSSON, Tree and serpent worship..., op. cit., p. IV.
31 - James FERGUSSON, On the study of Indian architecture read at a meeting of the Society of
Arts... 19th December, 1866... With a report of the discussion which ensued, Londres, John
Murray, 1867.
32 - James FERGUSSON, Illustrations of various styles of Indian architecture: A series of fifteen
photographs of some of the most important buildings in India erected between B.C. 250 and A.D.
1830, with a lecture on the study of Indian architecture, read at a meeting of the Society of
Arts, on 19th December, 1866, Londres, Printed for use of schools of art in the United
1414 Kingdom, 1869.
ART ET PATRIMOINE
partie lointaine de l’empire. Par son antiquité et par son art, il était en mesure
de rivaliser avec les répliques d’objets occidentaux aussi fameux que la colonne de
Trajan, pour la Rome impériale, ou le David de Michel-Ange, pour la Renaissance
florentine, deux pièces que l’on pouvait voir dans les cours adjacentes 33.
La constitution de ces cours magnifiques à South Kensington avait été faci-
litée par une convention paneuropéenne entre monarques, signée en 1867 durant
l’Exposition internationale de Paris, par laquelle quinze princes régnants accep-
taient de promouvoir, à destination des musées d’Europe, la représentation d’œuvres
d’art et d’ouvrages architecturaux du monde entier (sous la forme de moulages, de
galvanotypes et de photographies). La connaissance de ces monuments, croyait-
on, était « essentielle pour le progrès de l’art » et, grâce à l’amélioration des techno-
logies de reproduction, il était désormais possible de remplir ce programme à
l’échelle du continent « sans nuire en quoi que ce soit aux originaux 34 ». La colonie
indienne offrait de riches traditions artistiques susceptibles d’éclairer l’Occident :
le portail de Sanchi proclamait à présent l’ancienneté de cette tradition, aussi bien
que l’étendue de l’empire qui s’était chargé de la découvrir et de la faire connaître.
Plusieurs répliques furent commandées par les musées d’Édimbourg, de Paris et
de Berlin, ce qui témoigne du prestige dont jouissait à l’époque ce moulage.
Ce fut une chance immense pour le site que l’on fasse voyager une réplique
grandeur nature, et non les portails eux-mêmes. En effet, au cours des décennies
précédentes, certains des archéologues et des fonctionnaires de l’empire avaient
très sérieusement demandé à ce que l’on transfère à Londres deux des portails
(ceux qui étaient encore debout et à peu près intacts), avant tout pour assurer
leur sauvegarde. Inquiets des pillages et de la dispersion des trésors mis au jour,
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
43 - Major Henry H. COLE, Reports of the curator of ancient monuments in India, Parts I-III,
for the years, 1881-1884, Calcutta, Office of the Curator of Ancient Monuments in India,
1885 ; Id., Preservation of National Monuments in India, Simla, Government Central Branch
Press, 1884-1885.
44 - Major Henry H. COLE, Reports of the curator of ancient monuments in India, Part II,
1418 Second Report for the year, 1882-1883, with special attention to the « disrepair and neglect of
ART ET PATRIMOINE
superintendant des travaux publics à Bhopal, qui se félicita d’un travail si bien
accompli que le stupa pouvait dorénavant subsister, selon lui, « deux mille ans
de plus, autant qu’il avait vécu avant que ne le saccagent des archéologues inca-
pables 45 ». Mais cette phase des travaux n’alla pas sans erreurs et occasionna elle-
même des dégâts. Pour nettoyer le sol autour de la balustrade du monument princi-
pal, sur une vingtaine de mètres, et pour tracer une route qui conduisait à lui, il
fallut déplacer plusieurs stupas plus petits qui l’entouraient. Par la suite, lorsque
les piliers et les architraves des portails sud et ouest furent restaurés par le major
Keith, l’assistant de Cole dans les Central Provinces, certains des linteaux du
portail sud, tombés à terre, furent par mégarde remis en place à l’envers.
Il fallait avoir une connaissance intime des programmes narratifs pour réa-
liser une restauration exacte. Or, si l’iconographie bouddhiste devait devenir la
spécialité principale des experts en histoire de l’art qui travaillèrent à Sanchi,
la discipline était encore à l’état naissant dans les années 1880 – et lorsque l’on
s’aperçut que des erreurs avaient été commises, on n’envisagea pas de retourner
les linteaux, de peur que la rectification n’entraîne de nouveaux dégâts 46. En dépit
de ces défauts, la première phase des activités de conservation a connu des succès
incontestables, dont la rénovation du grand stupa et des stupas 2 et 3, ainsi que
la reconstruction de tous les portails effondrés les entourant. De plus, pendant la
période où Cole était en fonction, tout fut mis en œuvre pour favoriser la conser-
vation in situ et résister aux propositions de transfert des objets et des édifices 47.
Bien que Cunningham ait recommandé que l’on envoie le chapiteau du pilier
asokéen à l’Indian Museum de Calcutta (qui devait par la suite en acquérir de
semblables en provenance du Bihar), cet élément, parmi les plus anciens, demeura
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
important monuments, in the use and charge of native princes and communities... », Calcutta,
Office of the Curator of Ancient Monuments in India, 1885, p. 1-4.
45 - Cité par N. LAHIRI, « From ruin to restoration... », art. cit., p. 105.
46 - Ibid. On voit les linteaux replacés à l’envers et l’ordre erroné des sculptures dans
J. H. MARSHALL et A. FOUCHER, The monuments of Sanchi, op. cit., vol. II, pl. 10, avec un
historique de la reconstruction.
47 - Sous son mandat, la priorité accordée à la conservation in situ est formulée en détail
par son collègue le major Keith, Archaeological Survey, North Western Provinces,
14 octobre 1885 (d’après le document) : Government of India, Home Department
Proceedings, Archaeology and the Conservation of Ancient Monuments, novembre
1885, no 1-3. 1419
TAPATI GUHA-THAKURTA
un rôle crucial dans les premiers temps de la photographie en Inde. Au début des
années 1880, il avait quitté son métier d’origine (dessinateur en chef au secrétariat
aux travaux publics d’Indore) pour ouvrir ses propres studios à Indore, Bombay et
Hyderabad, et il avait commencé à travailler pour des fonctionnaires britanniques
dans le centre de l’Inde, tout en jouissant du patronage de la cour d’Indore et de
celle de Nizam. Son répertoire de l’époque – portraits royaux, cérémonies d’État,
événements officiels, paysages et vues d’édifices – pouvait tout à fait rivaliser avec
celui de ses confrères européens 48. Il photographia le site vers 1882, au moment
où il travaillait avec Sir Lepel Griffin à un recensement des formes architecturales
de la région (89 de ses clichés figurent dans le volume que Griffin publia en 1886
sous le titre Famous monuments of central India). Les vues de Sanchi dues à Deen
Dayal se retrouveraient également dans les recueils que les services de Cole pro-
duisirent en 1884-1885 comme le résultat final de leurs travaux. Comme ce cas
le montre bien, les photographies témoignent des activités de restauration, étape
après étape : comblement de la brèche du grand dôme, nettoyage des végétaux
envahissants, reconstitution des piliers écroulés et des fragments de pierre, recons-
truction des portails. Elles retracent ainsi la transformation des ruines en un monu-
ment reconstitué 49.
Au cours des deux décennies suivantes, un corpus de photographies en
constante augmentation devait être accumulé dans les collections des musées
d’Inde et de Londres. Ces documents accompagnaient le développement des
archives impériales relatives à l’art et à l’architecture de l’Inde. Les images de
Deen Dayal allaient se mêler à cet ensemble de clichés pris à la même période ou
dans les années qui suivirent, souvent par des photographes anonymes. Cette mine
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
48 - Sur la carrière et les travaux de Deen Dayal à cette époque, voir Christopher PINNEY,
Camera Indica: The social life of Indian photographs, Chicago, The University of Chicago
Press, 1997, p. 82-85.
49 - À côté des photographies les plus anciennes du site, prises par J. Waterhouse en
1862-1863, les clichés de Deen Dayal (un ensemble de photographies datant du début
des années 1880, alors que Cole commençait la restauration du site, et un ensemble
plus récent concernant les portails après restauration, réalisé le 5 novembre 1895) sont
à présent conservés sur microfiches au sein de la vaste collection photographique du
Service archéologique de l’Inde. Ces images de Sanchi appartiennent aux plus anciens
documents des India Office Series ; elles consistent en 16 albums de photographies
prises entre le milieu des années 1850 et les années 1890 : Archaeological Survey of
India, microfiche collection, fiche 42, 1296-1297, 1301-1322 et 1413-1427.
50 - William GRIGGS, India: Photographs and drawings of historical buildings – One hundred
1420 plates reproduced by W. Griggs from the collection of the late Office of the Curator of Ancient
ART ET PATRIMOINE
Monuments in India, Londres, W. Griggs & Sons, 1896 ; James BURGESS, The ancient
monuments, temples and sculptures of India, illustrated in a series of reproductions of photographs
in the India Office, Calcutta museum and other collections, Londres, W. Griggs & Sons, 1897.
51 - J. BURGESS, The ancient monuments..., op. cit., figures 5-32 (sur Bharhut) et fig. 35-53
(sur Sanchi).
52 - Sanchi and the seven pagodas of Mahabalipuram, Calcutta, Johnston and Hoffman,
photographers and publishers, n. d., album de 61 photographies collées.
53 - Un traitement fondateur de ce sujet se trouve dans Philip C. ALMOND, The British
discovery of Buddhism, Cambridge, Cambridge University Press, 1988. 1421
TAPATI GUHA-THAKURTA
original, attribué à l’empereur Asoka, avait été partiellement détruit après la chute
de l’empire maurya, puis recouvert de pierres, reconstruit et agrandi sous les der-
niers rois sunga au IIe siècle avant J.-C. ; il reçut ses quatre portails sous le règne
satavahana, entre le Ier siècle avant J.-C. et le Ier siècle après J.-C. Sous les Gupta
et après eux, les cultes bouddhistes furent constamment entretenus sur le site et
ce premier complexe forma le noyau d’un site où furent construits d’autres stupas,
des chaitya-griha et de grandes statues assises de Bouddha. Périodiquement aug-
menté et embelli pendant toutes ces années, puis abandonné mais intégralement
conservé durant le Moyen Âge, le site de Sanchi a donc subi les pires dégâts au
début de l’époque moderne, du fait « d’explorateurs et de fouilleurs britanniques
incompétents ». Les vastes opérations de Marshall représentent un baume enfin
répandu sur les plaies du site : elles l’ont sauvé après des décennies de délabrement
et de vandalisme.
La réussite de ce grand archéologue est d’avoir conféré au monument
reconstitué l’aura et la qualité esthétique de la « ruine », en donnant à la relique
sans vie une « beauté » bien supérieure, aux yeux des modernes, à celle du stupa
qui était jadis un vivant objet de culte. Marshall le dépeint ainsi à ses lecteurs :
Sa forme était la même qu’aujourd’hui. Seules ses teintes étaient différentes, et à quel
point ! Au lieu des gris sombres et des noirs qu’on lui voit à présent, le dôme devait être d’un
blanc éclatant, peut-être entouré de festons de mille couleurs, tandis que les balustrades et,
par la suite, les clôtures étaient peintes en rouge. À son sommet, les ombrelles étaient peut-
être rouges, ou dorées, comme ce fut souvent le cas plus tard [...]. Le temps a été clément
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
envers ce stupa, en vérité, comme il l’a été envers les matériaux de nos grandes cathédrales,
Ainsi, le grand stupa et ses portails prenaient la luisante patine du temps et les tons
doux et fanés des pierres antiques témoignant silencieusement d’un glorieux passé.
Mais ce fut aussi l’histoire de ce monument « esthétisé » que l’on parvint à exhumer.
Selon son propre rapport, le plus haut accomplissement de Marshall avait été
de mettre au jour tout un complexe, formé de bâtiments d’époques diverses, et la
totalité des objets épars sur le site, sans rien y laisser d’invisible, d’inconnu ou
d’impossible à classer. Il eut également le mérite de fonder à Sanchi un musée,
qui devint un ajout crucial lorsque l’archéologue eut passé le terrain au peigne
fin. Tous les fragments isolés et dispersés qui ne pouvaient être conservés sur
l’emplacement de leur découverte furent transportés dans le musée, dont le cata-
logue indique le mode de présentation et le regroupement des objets exposés dans
la cour principale et dans les salles intérieures, selon leur taille, leur époque et
leur vertical artistique. Une annexe du catalogue fournit même une liste et une
tentative de datation des objets non exposés mais conservés dans la réserve du
musée, ainsi que des objets qui se trouvent encore en divers points du site, systé-
matiquement précisés 57. L’accumulation de connaissances exhaustives était à
l’ordre du jour : Marshall espérait qu’elle permettrait d’éviter à l’avenir tout pillage
et toute erreur d’interprétation malencontreuse. Les opérations sur le terrain furent
naturellement suivies d’une vague de publications relatives à Sanchi, invariable-
ment placées sous l’autorité de Marshall. Son premier Guide to Sanchi, paru en
1918, était un assez mince volume à destination du grand public, qui exposait
brièvement la topographie, l’histoire et la structure du complexe, mais ne manquait
pas cependant de donner des détails sur les portails du grand stupa et sur l’icono-
graphie, la technique et le style de leurs sculptures 58. Une version augmentée
de ce Guide parut en 1940, sous la forme d’une monographie richement illustrée de
photographies, The monuments of Sanchi, dont Marshall signa les trois volumes avec
Alfred Foucher et N. G. Majumdar 59.
Ce volume porte à un degré sans précédent l’évocation du monument par la
photographie, tout spécialement en ce qui concerne les détails des sculptures, en
exploitant cette fois les archives réunies par le Service archéologique de l’Inde.
Pour terminer ce passage en revue des représentations visuelles de Sanchi à l’époque
coloniale, je mentionnerai deux photographies assez différentes, qui montrent le
sauveur du site. La première met en scène un véritable tableau de famille, Marshall
posant en compagnie de son épouse et de sa fille (parmi d’autres personnes) contre
un pilier sculpté du portail est. La seconde porte d’une manière plus évidente les
emblèmes de la royauté, puisque la famille est photographiée, au camp de Sanchi,
au milieu de laquais en livrée et d’éléphants équipés de leur howdah, gracieusement
fournis par la cour de Bhopal. Voilà sans doute une fin appropriée pour cette phase
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
Je ne peux qu’esquisser certaines des directions que devaient emprunter plus tard
ces revendications identitaires et indiquer de quelle façon elles vinrent à la surface
à l’époque même des réhabilitations et des rénovations magistrales de Marshall,
et bien souvent en raison de l’intensité et de l’efficacité de ses activités.
Les relations que Marshall entretint avec les milieux savants indiens, alors en
pleine transformation, et les autorités institutionnelles indiennes ne furent jamais
simples. Il n’est guère surprenant que son colossal ouvrage The monuments of Sanchi
soit fondé sur une hiérarchie claire entre les compétences savantes des Occidentaux
et des Indiens. Alors que Marshall répartissait entre lui-même et Alfred Foucher
(spécialiste français de l’art bouddhiste) les conclusions sur Sanchi du point de vue
de l’archéologie et de l’histoire de l’art, et mettait en avant leurs deux noms comme
ceux des auteurs du livre, Mazumdar (l’assistant le plus proche de Marshall et son
collègue du Service archéologique de l’Inde), l’Indien de l’équipe, se trouvait relégué
au rôle subalterne de déchiffreur et de traducteur des inscriptions. L’affirmation
d’une différence de statut et de contenu entre la science occidentale et la science
indienne perdurera longtemps, à travers tout le XIXe siècle et au début du XXe siècle.
Durant l’« ère Marshall », les lignes de démarcation et de distinction devaient être
négociées d’une façon plus urgente : l’indianisation de la profession archéologique
et des métiers des musées allait bon train, tandis que les ressortissants de la métro-
pole perdaient graduellement le privilège de l’autorité institutionnelle et savante 60.
En ce qui concerne la rédaction du catalogue du musée, Marshall pouvait aisé-
ment déléguer la tâche à celui qui l’assistait fidèlement lors des fouilles, Maulavi
Muhammad Habib, et à une équipe de spécialistes indiens travaillant exactement
comme il le prescrivait, tout comme il pouvait réserver l’étude épigraphique du site
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
comme le furent les principes des musées et les droits du culte 64. Ces conflits
furent également mis en évidence dans les réponses sèches que les directeurs
du British Museum et du Victoria & Albert Museum firent aux demandes de
rapatriement : il ne prirent pas même en considération le passé cultuel de ces
objets, car ils craignaient d’établir un précédent qui mette en danger le statut
même de leur institution. Leur refus de laisser s’éloigner la précieuse collection
se transforma en une solution de compromis lorsque les responsables des musées
acceptèrent de restituer à la Mahabodhi Society les fragments d’os, mais insistèrent
pour conserver les reliquaires décorés, en raison de leur importance historique et
artistique. Les prérogatives de l’archéologie coloniale et des musées devaient être
défendues avec une assurance sans faille contre la caractérisation des reliques
comme « bien usurpé » par la Mahabodhi Society. On fit valoir que les musées
occidentaux étaient les endroits où ces objets seraient conservés et exposés avec
le plus grand « respect 65 ».
L’affaire demeura en suspens jusqu’en 1939-1940. Un nouveau climat inter-
national s’installa alors dans la « diplomatie des reliques ». Les autorités des musées
de Londres et le Service archéologique de l’Inde remirent plusieurs reliques prove-
nant de stupas à la Mahabodhi Society, à Calcutta et à Sarnath 66. Le gouvernement
de Bhopal fit pression une fois de plus pour affirmer contre la Mahabodhi Society
ses droits sur les reliques rapatriées, en avançant auprès des autorités coloniales
l’argument que les coffrets devaient retourner au musée de Sanchi qui était
« incontestablement l’endroit le plus adapté à leur conservation 67 ». Dans le
même temps, la Mahabodhi Society continuait sa campagne pour héberger les
reliques revenues en Inde dans le nouveau temple (vihara) dont elle commençait
© Éditions de l'EHESS | Téléchargé le 16/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 102.64.156.83)
64 - Saloni MATHUR, India by design: Colonial history and cultural display, Berkeley,
University of California Press, 2007, chap. 5.
65 - Ibid., p. 146-155. Ce vif débat suscita une série d’interrogations sur ce que l’on peut
légitimement définir et conserver comme le « bien » propre d’un musée, et sur les fonde-
ments des pratiques de commémoration. De là vint la déclaration passionnée d’Eric
Maclagan, directeur du Victoria & Albert Museum, qui affirma en 1939 : « le fait que nous
désirions avoir de tels objets dans nos musées est un hommage à la civilisation bouddhiste »
– mais les bouddhistes refusaient obstinément de prendre cet aspect en considération.
66 - Par exemple, l’acquisition par le Service archéologique de l’Inde des reliques funé-
raires retrouvées sur les sites de Taxila et de Nagarajunakonda entraîna la consécration
du nouveau vihara que la Mahabodhi Society édifia à Sarnath en 1932, durant les der-
nières années de la vie d’Anagarika Dharmapala, qui avait à cette époque fait de Sarnath
son lieu de résidence principal. Voir Thero KAHAWATTE SIRI SUMEDHO (dir.), History
of the Mulagandha Kuty Vihara: The prime place of worship at Isipatana, Varanasi, Kahawatte
Siri Sumedha Thero, 2006. Je remercie Sraman Mukherjee de m’avoir communiqué
ces informations.
67 - N. LAHIRI, « From ruin to restoration... », art. cit., p. 111. 1427
TAPATI GUHA-THAKURTA
1948, des reliques issues non du grand stupa mais du site voisin de Satdhara, encore
contenues dans les coffrets d’origine, commencèrent le voyage longtemps retardé
qui les vit quitter les musées londoniens, passer par Ceylan, puis par Calcutta, la
Birmanie, le Népal et le Ladakh, pour finir leur périple sacré, en 1952, à Sanchi
– où elles ne furent pas installées dans le musée archéologique du site, mais dans
le nouveau Chetiyagiri Vihara, construit à cette fin par la Mahabodhi Society sur
un terrain cédé par le gouvernement local.
Tapati Guha-Thakurta
Centre for Studies in Social Sciences, Calcutta
68 - Il n’est guère surprenant que le nouveau Chetiyagiri Vihara ait été négligé par tous
les guides de Sanchi publiés sous les auspices du Service archéologique de l’Inde. L’un
des plus récents, paru en 2003, le mentionne brièvement, moins pour suggérer une
visite que pour signaler que les coffrets qu’il contient sont peut-être en effet ceux de
deux grands disciples de Bouddha, Sariputta et Mahamogalana, et que ces objets se
1428 trouvaient jadis à Satdhara, dans le stupa 2.