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Etude de Sido (1930) et Les Vrilles de la vigne (1908), récits autobiographiques de Colette

LECTURE LINEAIRE 1

Extrait de Sido, partie 1 « Sido », 1930 de « Au vrai, cette Française… » à « …allègrement. »
Pages 61-62 lignes 609 à 645 de l’édition Livre de poche.

INTRODUCTION 
L’autrice
Sidonie-Gabrielle Colette dite Colette est une femme de lettres, actrice et journaliste française, née
en1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) et morte en 1954 à Paris.
Elle est l'une des plus célèbres romancières, aussi bien en France qu'à l'étranger, de la littérature
française. Elle épouse jeune Willy, critique musical et auteur de romans populaires à succès. Il l’incite à écrire
et profitera du talent de son épouse en publiant de son seul nom la série des « Claudine »1 à partir de 1895
(Claudine à l’école, Claudine à Paris, Claudine en ménage, Claudine s'en va.). Après leur séparation en
1906, Colette écrira et signera de son nom la fin de la série des Claudine avec La Retraite sentimentale.
Pour gagner sa vie, elle poursuit de 1906 à 1912 une carrière au music-hall, où elle présente
des pantomimes orientales (« la première mime féminine de mon temps », écrit-elle) dans des tenues très
légères. Ce sont des années de scandale et de libération morale : elle vit plusieurs relations lesbiennes,
notamment avec Mathilde de Morny (Missy, souvent dédicataire des chapitres des Vrilles de la vigne, « pour
M… » pages 141, 153). Durant toute cette période, Colette chemine aussi dans sa vocation d'écrivaine. Elle
publie des ouvrages évoquant ces années, comme Les Vrilles de la vigne et La Vagabonde, L'Envers du
music-hall ou En tournée. 
En 1912, elle épouse en secondes noces, Henry de Jouvenel, homme politique et journaliste, qui
l'engage à donner quelques billets et reportages au journal Le Matin, dont il est le rédacteur en chef. De cette
union nait une fille : Colette Renée de Jouvenel, dite « Bel-Gazou » (« beau gazouillis » en provençal). À plus
de quarante ans, alors que son mari la trompe, elle devient la maîtresse du fils de son époux,  Bertrand de
Jouvenel, qui a alors seize ans. Cette relation qui dure cinq années nourrit les thèmes et les situations dans son
roman Le Blé en herbe. Le divorce d'avec Henry de Jouvenel sera prononcé en 1923.
Elle va ensuite, tout en poursuivant son œuvre romanesque, écrire pour divers journaux des critiques
littéraires ou musicales.
Son troisième et dernier mariage sera plus heureux, son mari est Maurice Goudeket, homme
d'affaires, journaliste et écrivain français.
Deuxième femme à être élue membre de l'académie Goncourt en 1945, elle en devient la présidente
entre 1949 et 1954. Elle est la première femme en France à recevoir des funérailles nationales. Sa prose
poétique, largement autobiographique, célèbre la nature et les êtres qu’elle aime.

L’œuvre
En 1930, Colette publie un recueil de souvenirs d'enfance qu'elle intitule Sido, du surnom de sa mère
Sidonie. Cette œuvre autobiographique est associée au parcours « célébration du monde ». Elle y raconte avec
humour et poésie des épisodes de l'enfance heureuse qu'elle a passée dans un petit village de l'Yonne, son
amour de la nature et son rapport, admiratif et fasciné, à sa mère.

Situation du passage dans l’œuvre


Nous sommes ici à la dernière page de la première partie de Sido, appelée également « Sido » : il s’agit
d’une partie entièrement vouée à la mère tant aimée et elle se termine par un portrait laudatif de cette dernière
en réponse au portrait limité (« rustique fermière » « bohème fantaisiste »), voire erroné, que font d’elle les
biographes de sa célèbre fille, Colette.

Caractérisation du passage
Colette se livre à un éloge de sa mère dont elle célèbre le caractère original grâce au récit de vie de cette
dernière, suivi d’une anecdote significative. L’extrait, très vivant, mêle récit (sommaire de la de Sido ; scène

1
Colette évoque la série des « Claudine » dans « le miroir », extrait des Vrilles de la vigne ; page 233

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du merle chapardeur), discours (la narratrice loue sa mère) et discours direct (dialogue entre Sido et Colette
enfant).

Problématique
En quoi ce portrait constitue-t-il une célébration de la mère ?

Mouvements du texte
 Mouvement 1er, lignes 1 à 3 :  Colette résume la vie de sa mère
 Mouvement 2, lignes 3 à 7 : puis elle célèbre comme un être exceptionnel
 Mouvement 3, lignes 7 à la fin de l’extrait : enfin, elle illustre cette originalité grâce à l'anecdote du merle
chapardeur de cerises

I. ETUDE DE LA 1ère PARTIE DU TEXTE : lignes 1 à 3 :  Colette résume la vie de sa mère


(utilisation d’un sommaire)

Citations Procédés Interprétations


« Au vrai » Locution adverbiale Colette s’oppose ici aux récits de vie que ses biographes
font de sa mère et souhaite rétablir la vérité.
« cette Française » Désignation de sa mère Elle la présente comme dans un dictionnaire, une notice
par sa nationalité biographique par sa nationalité  volonté de sobriété,
d’objectivité.
1ère phrase 3 propositions Résumé de sa vie au passé simple grâce à des vb qui
coordonnées par marquent les étapes de sa vie : « vécut son enfance, son
« puis » et « et » adolescence /puis revint ds l’Yonne et s’y maria » :
enfance/adolescence/mariage
 Elle s’oppose par ce côté simple et factuel aux
légendes extravagantes créées par les
biographes.
« Dans l’Yonne », CCL Désignent ses lieux de vie, imp. de l’Yonne, où se déroule
En Belgique » l’action principale de Sido et où a grandi Colette.
« dans l’Yonne »
« parmi les peintres, Groupe prépositionnel Désigne son « milieu » : elle a été marquée par la vie
journalistes, des qui indique un milieu artistique
virtuoses de la ou un groupe  Caractère original, exceptionnel
musique » Enumération  S’élève contre la caricature de la « rustique
fermière » faite par les biographes.

« deux frères » « s’y Récurrence de Suggestion de structures récurrentes ds la vie de cette


maria deux fois » « deux » femme qui la distinguent ; aspect incantatoire.

Bilan : Colette souhaite réhabiliter la vérité sur la biographie de sa mère ; elle rejette les caricatures faciles de
ses biographes et pour cela adopte le ton sobre d’une simple notice biographique. Pourtant on sent poindre
l’éloge de Sido : sous le récit d’une vie simple se dégagent déjà l’attachement à la campagne grâce à
l’importance de l’Yonne et l’imprégnation des arts.

II. ETUDE DE LA 2ème PARTIE DU TEXTE : lignes 3 à 7 :  puis elle célèbre comme un être
exceptionnel

Citations Procédés Interprétations


1ère phrase Phrase interrogative Mère présentée comme un mystère
« d’où, de qui lui Mot interrogatifs Mère liée à une dimension sacrée car « de qui » suggère

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furent remis » une intervention divine + « furent remis » suggère un don
« Rurale Oxymores Colette associe des termes a priori antithétiques pour
sensibilité » Vocabulaire positif mettre en lumière l’originalité de sa mère qui possédait une
« Gout fin de la nature surprenante.
province » Colette met en avant les qualités de sa mère : sensibilité et
raffinement du gout
« je ne saurais le Passage au discours : D’emblée, sa mère demeure un mystère, même lorsqu’elle
dire » Colette met en pause est devenue adulte.
son récit et intervient
directement
Utilisation de P1
« je la chante, de Présent d’énonciation Utilisation du présent d’énonciation mais qui actualise tjs
mon mieux » « je la Verbes cette ode à la mère par la lecture.
célèbre » Vbes qui indiquent l’éloge de la mère sur un mode élevé,
Colette devient l’aède de sa mère. Cf le début de l’Iliade2
l’Odyssée3
« la clarté « clarté originelle » : Elle est exceptionnelle, comparée métaphoriquement à un
originelle » qui métaphore soleil dc donnant vie et lumière ; mais aussi très lointaine,
éteignait les pt elle brûle si on s’en approche trop.
lumières allumées Antithèses « la clarté La mère se distingue par cet éclat immense, qui vient
au contact de ce originelle /en elle » # solaire que les autres n’ont pas.
qu’elle nommait « pts lumières/le
« le commun des commun des mortels »
mortels »
« refoulait, éteignait » Son éclat rend terne ce qui l’entoure  mère toute
« péniblement puissance mais aussi dangereuse.
allumées » AMBIVALENCE DE SA MERE.

Bilan : Colette fait part de toute l’admiration qu’elle a pour sa mère. Elle célèbre son caractère exceptionnel,
sa nature paradoxale, voire divine, en tous cas éloigné de la banalité ; elle montre combien la présence de sa
mère irradiait dans le monde, à l’image d’une divinité.

III. ETUDE DE LA 3ème PARTIE DU TEXTE : lignes 7 à la fin de l’extrait : enfin, elle illustre
cette originalité grâce à l'anecdote du merle chapardeur de cerises

Citations Procédés Interprétations


« je l’aie vue » Passage au passé Début de l’anecdote du merle chapardeur, retour aux temps
composé du récit (passé composé/imparfait/passé simple)
Colette se présente comme un témoin des actions de sa mère.
Elle atteste de la véracité de ce qu’elle avance sur sa mère
Ici enchâssement des regards : Colette regarde Sido qui
regarde le merle.
Verbe voir
« cerisier », Ch lexical de la Importance de la nature pour la mère
« merle », nature : faune et flore
« groseilliers »
« épouvantail » Evocations étonnantes, Scène et personnages pittoresques : le monde subit une
« l’Ouest » originales transformation : le voisin possède un drôle de surnom + 2
« déguiser  ses …  adjectifs « enrhumé et doux » ; les arbres deviennent des
poilus » humains

2
« Chante, déesse, du Pèlèiade Achille la colère désastreuse, qui de maux infinis accabla les Akhaiens, et précipita chez Aidès tant de fortes âmes de
héros, livrés eux-mêmes en pâture aux chiens et à tous les oiseaux carnassiers. »
3
« MUSE, chante ce héros, illustre par sa prudence, qui longtemps erra sur la terre après avoir détruit la ville sacrée de Troie »

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« suspendre un 2 prop. coordonnées : La mère aide son voisin à poser un épouvantail ; elle est
épouvantail … ce que fait la mère et serviable
car notre voisin sa cause « car »
secoué
d’éternuements en
série »
« peu de jours Après l’action la Colette voit sa mère observer la nature avec attention et
après, je trouvais contemplation intensité.
ma mère sous Oxymore Oxymore indique une forte activité intérieure et encore une
l’arbre, fois une nature surprenante.
passionnément
immobile »
« La tête à la Evocations du divin de Mère exceptionnelle car associée à une dimension supérieure
rencontre du deux manières : mais pour elle le ciel # religion tradi = implicite : il existe
ciel d’où elle  Mère associée pour elle un autre divin qu’elle contemple avec adoration = la
bannissait les au divin nature. Mère originale.
religions  Mère qui
humaines » rejette les
religions
traditionnelles
« - chut, regarde » Discours direct Elle fait revivre sa mère
Description du Détails de la description Attention à la nature
merle Convocation des  Vue : couleurs « noir, vert, violet, rosée »
différents sens  Gout : « cerises »
 Ouïe : « déchiquetait »
 Richesse de l’observation de Sido qui met en jeu
de nb sens.
2è DD de la mère Ponctuation forte La narratrice rend sa mère très vivante et témoigne de son
admiration pour la nature grâce aux phrases exclamatives et
interrogatives.
L’admiration que Sido ressent face à l’oiseau porte sur :
 sa beauté « qu’il est beau »,
Eloge de l’oiseau  son agilité « tu vois comme il se sert de sa patte » +
« et ce tour de bec pour vider le noyau »,
 son caractère arrogant, càd qu’il est fier de lui, son
tempérament affirmé
 son intelligence « il n’attrape que les plus mûres »
« Mais maman » Connecteur Colette oppose, vainement, à sa fantasque mère des
x2 d’opposition arguments rationnels
« l’épouvantail … La reprise du mot et Colette sous-entend qu’on n’est pas censé laisser un oiseau
« l’épouvantail ne l’implicite des points chaparder ; c’était le but de l’épouvantail que sa mère avait placé.
le gêne pas » de suspension Sa mère répond et explicite son point de vue, qui est celui des
bêtes et non des hommes. Amour de la nature.
« les cerises » Reprise du terme Retour au réel/monde/valeurs des humains grâce à ce mot
« Ma mère Opposition Réactivation de l’opposition entre terre et ciel, la nature
ramena sur la symbolique ciel (ligne apparait encore comme une dimension supérieure pour cette
terre » 10) et terre mère
« Ses yeux Groupe nominal Mère associée à la nature, aux phénomènes naturels
couleur de pluie »
« Dans ses yeux CCL Vie intérieure forte
passa … »
Dern. phrase Caractérisation de la « Frénésie riante »  beaucoup d’énergie, renforcée par les
mère sonorités fortes des allitérations en [R] et assonances en [e]et [i].
Caractère poétique des « Universel mépris » « dédain dansant »  regarde les autres de

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évocations de sa mère haut, comme s’ils ne comprenaient pas la réalité, renforcé par les
grâce aux assonances allitérations en [d] et la forte présence des voyelles nasales qui
et allitérations assourdissent l’expression « dédain dansant » et semblent créer
une distance entre Sido et le monde
« qui me foulait Narratrice est COD du Colette devient objet du dédain de sa mère ainsi que le monde
avec tout le reste verbe et associée au entier  sa mère apparait comme un être singulier ; comme si
allègrement… » reste du monde elle avait accès à un monde ou des valeurs ignorés des autres.
« me foulait » Action de la mère Réactivation de la symbolique haut/bas : mère en haut et presse
au sol sa fille et les autres personnes : mère supérieure et
dangereuse. Nature ambivalente de sa mère.

Bilan III : l’anecdote manifeste l’admiration de Colette pour Sido : si passionnément attachée à la nature, et
d’abord aux bêtes ; ce profond respect lui fait tourner le dos aux simples réalités humaines ; Colette élève sa
mère au-dessus du commun des mortels par cette attention à la nature vivante et vibrante autour d’elle  ;
pourtant, cette singularité l’isole aussi, et surtout de sa fille : Sido regarde la nature ; elle apprend à sa fille
l’attention à la nature ; mais aussi elle ne prêt pas assez d’attention à sa fille.

CONCLUSION
En conclusion, cet extrait célèbre Sido. D’abord, Colette restitue son originalité puisque Sido place la
nature au-dessus des valeurs traditionnelles (la religion, l’intérêt du voisin) et du monde borné des hommes,
elle porte son regard plus haut, elle regarde ce que le commun ne voit pas. De surcroit, l’autrice chante
l’énergie de sa mère qui irradiait dans le monde, jusqu’à « éteindre » ceux qui l’environnent ; plus encore
Colette signale une sorte de détachement orgueilleux de sa mère, tout absorbée à sa contemplation du monde.
Cet extrait témoigne de l’amour de la petite fille pour sa mère, mais aussi de la relation ambivalente de Colette
à Sido : entre profonde admiration et sentiment de rejet. On peut parler de la fascination qu’a exercé Sido sur
sa petite fille et qu’elle continue de perpétuer grâce à l’écriture.
Ouverture : la célébration du monde est dans Sido, intimement liée à la mère. On comprend dans cet
extrait que la jeune Colette a été sensibilisée tôt à l’observation puis à la célébration du monde par cette figure
tutélaire si extraordinaire qu’est Sido.

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