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ATTAL Adam

TC

Peut-on ne pas être soi-même ?

On dit que Bruce Wayne est mort ce soir-là, dans cette allée, en même temps que ses
parents, et que seul le brutal Justicier masqué en est ressorti vivant. La question du Moi, de
l’identité, est importante dans de nombreuses œuvres, mais aussi et surtout dans la vie de
tous les jours : des crises existentielles pouvant faire douter de toute une vie en essayant de
répondre à la simple question : qui suis-je ?
Le soi-même, une autre façon possible de dire le Moi, renvoie à la notion d’identité
personnelle. Cette expression met l’accent sur la singularité de chacun, nous sommes nous-
mêmes et pas un autre, une personne a une identité, composé d’un nom, d’une histoire,
autant d’éléments qui participent à la création du Soi. Cette notion d’identité renferme un
triptyque : l’unité, l’unicité et l’ipséité, autrement dit je me pense comme étant un, comme
étant unique, et comme étant le même à travers le temps. « Être soi-même » est aussi une
forme de connaissance, de ses émotions, de ses capacités physiques et mentales, de ses
actes, de ce qu’on est capable de faire ou non…etc. Et le mot « être » désigne dans le
langage courant une chose empirique, existant concrètement, qu’on oppose généralement à
une illusion.
Le sujet présuppose qu’on peut être autre chose que soi-même, mais c’est une position à
première vue incohérent : « je suis moi, et pas un autre, qui pourrais-je être d’autre ? ». On
applique ainsi le triptyque, je suis seul dans ma tête, je ne fais qu’un avec mon corps, je suis
unique en mon genre, et même si je grandis et muris avec le temps, le centre de ma
personne reste le même.
Cependant, on peut immédiatement se rendre compte de l’instabilité de cette déclaration.
Une personne change au cours de sa vie, des événements graves peuvent survenir, et plus
simplement une personne peut se cacher pour être accepter socialement, qui peut dire avec
certitude qu’il n’a jamais rien caché à personne de toute sa vie ? D’ailleurs, on peut
s’interroger sur le sens de l’expression « soi-même », qu’est-ce qu’être soi-même ? Est-ce
que c’est être naturel ? Authentique ? Original ? Lorsque nous sommes avec les autres, nous
sommes surtout dans le paraitre, nous nous créons une façade, composée d’éléments de
notre soi et d’éléments plus faux pour être mieux en accord avec la société. Pour se sentir
tout de même différent, on veut être anticonformisme, à contrecourant, mais si tout le
monde est à contre-courant alors plus personne ne l’est. On peut donc conclure que la
société et les autres nous influencent et nous éloignent de notre « soi-même », mais ce n’est
pas tout, la question porte aussi sur notre rapport de moi à moi, est-il possible pour une
personne de se connaitre entièrement ? D’être capable de comprendre, et de prédire
chacune de ses réactions ? Si c’était le cas, il nous serait impossible de nous surprendre, ou
même faire des erreurs, après tout si je me connais, je connais mes limites et je sais donc où
et quand m’arrêter.
Le bateau de Thésée est une expérience philosophique sur l’identité : le navire de ce roi
Athénien mythologique a été gardé à Athènes, et au fur et à mesure que les morceaux de
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bois pourrissaient, ces derniers étaient remplacés par des nouveaux. On se pose alors la
question suivante : s’agit-il toujours du même navire ?
Ainsi on se rend compte qu’être soi-même est tous sauf une évidence, s’il est difficile de se
connaitre soi-même, on peut quand même se demander une chose : serait-il possible d’être
volontairement quelqu’un d’autre ? Ou est-ce que ce serait inconscient ? Est-ce qu’en niant
toute conscience de soi-même, y a-t-il une possibilité que l’on devienne quelqu’un d’autre ?
Notre inconscient nous influence inconsciemment. Et même certains produits peuvent nous
faire perde tout sens de soi : comment peut-on être aussi de qui on est, lorsqu’un nombre
aussi grand d’influences, interne et externes, existent ? C’est une question étudiée depuis
longtemps, notamment dans de multiples tragédies grecques, on peut penser à la folie qui a
embrasé Héraclès, le faisant tuer ses enfants.
Est-il seulement possible de ne d’être soi-même avec son identité alors que nous sommes en
perpétuel changement ?
Ainsi, nous analyserons de façon plus précise le constat de départ sur notre apparente
identité, avant d’avancer les possibles raisons de cette rupture identitaire et de finalement
s’attarder sur les façons de mieux s’approcher de son Soi profond.

Comment être quelqu’un d’autre que soi-même ? Nous n’avons qu’une seule identité,
composé d’une multitude d’éléments, que ce soit notre personnalité, notre apparence
physique, notre origine, notre milieu social, il n’en existe pas deux comme nous.
Nous pouvons être nous-même pour plusieurs raisons. Tout d’abord, nos caractéristiques
personnelles c’est-à-dire notre identité qui fait de nous ce que nous sommes. Nous sommes
uniques et il n’y a pas deux personnes comme nous dans le monde. Notre existence a donc
une place importante dans ce que nous sommes. Nous sommes définis par nos actes.
Il est impossible de ne pas être soi parce que la conscience est notre manière d'exister or la
conscience est présence à soi et au monde. J'ai conscience de moi et j'ai conscience du
monde, telle est la donnée immédiate. C’est le Cogito Ergo Sum de Descartes. En effet, pour
Descartes, à partir du moment où la pensée naît, nous sommes alors maitres de nous-
mêmes, tout ne pourrait être qu’illusion, et on pourrait ainsi douter de tout, mais pas de
nous : « Je pense donc je suis ». Notre conscience nous permet d’assurer notre identité, mais
également d’assurer que nous sommes nous et pas un autre.
Et même d’un point de vue de la responsabilité, on reste le même Soi dans toutes les
circonstances, ce n’est pas parce qu’une personne est en colère, qu’elle devient quelqu’un
d’autres, ce n’est pas parce qu’une personne est ivre, qu’elle se transforme en un autre. Et
en effet, ces éléments ne font que révéler une partie de ce Soi, qui sont pour souvent
cachés. La doxa répondrait que l’inconscient n’est pas un autre, mais une partie de nous.
Cependant, on constate que ce constat s’effrite assez rapidement. Tous les choix ne sont pas
nôtres, les circonstances font que nous sommes parfois amenés à agir contre notre volonté,
par obligation. Notamment en société, nombreux sont ceux qui portent un masque, pour
mieux se faire accepter par exemple, mais est-ce alors possible de dire qu’avec le masque,
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un individu n’est plus lui-même ? Un individu qui prend une certaine quantité de substance
psychotrope qui finit par le priver de sa conscience et de ses moyens, est-il alors encore lui-
même ? Et est-il responsable des actes commis sous cette emprise ? Justement non, la loi
prévoit que l’individu qui commet une infraction n’est pas alors responsable, on le dit donc
irresponsable, c’est ce qui s’est passé durant l’affaire Sarah Halimi. Ainsi, la loi elle-même
considère qu’un tel individu n’est plus lui-même, et par conséquent plus responsable de ses
actes. Il y a une claire distinction entre ces deux êtres : dans le cas contraire, la personne
serait condamnée de la même façon que dans son état normal.
Enfin, on peut critiquer les termes employés pour désigner ce soi-même, on dit souvent
« soit comme tu es », « soit naturel », « soit authentique ». Mais alors, qu’est-ce que le
naturel ? l’authentique ?

Après avoir fait quelque chose de mal, ou d’illégal, on entend souvent les gens dire « je
n’étais pas moi-même ». On peut imaginer qu’ils étaient dans un état second et qu’ils
n’imaginaient pas les conséquences de leurs actes. Ne pas être soi-même se résumerait à ne
pas prendre conscience de ses actes ? Nos pulsions sont restreintes par nos propres
principes moraux, et si cela ne suffit pas les lois sont là pour restreindre les individus. En
effet, personne ne peut être totalement soi-même, on pourrait même dire naturel. En effet,
la peur du regard d’autrui, ou simplement les conséquences légales que certains actes
peuvent engendrer, servent de moyen de dissuasion.
En société, nous ne sommes jamais vraiment nous-même : le contrat social nous lie pour
assurer la paix sociale, et faire taire les actions égoïstes. Ainsi, personne n’est vraiment soi-
même. En effet, sous la constante surveillance des autres, une personne veillera à garder en
lui ses pulsions, sous peine d’un ostracisme social qui peut être aussi bien au propre qu’au
figuré. Autrement dit, si un individu viole la loi, alors il sera puni par une peine, qui peut être
la prison, il est alors marqué et mis à l’écart. Mais s’il réalise un acte, qui n’est pas
légalement incriminé, qui reste cependant « mal vu », par exemple un adultère ou un simple
mensonge, alors il sera socialement laissé de côté.
Et pour aller plus loin, Kant posait que mentir c’était renoncer à sa personnalité, et même de
renoncer à être un homme. En effet, mentir aux autres, c’est aussi se mentir à soi-même, et
à force on finit par se perdre. En psychologie, il existe un symptôme
psychologique dissociatif qu’on appelle la dépersonnalisation : il s'agit d'un sentiment de
perte de sens de soi-même, dans lequel un individu ne possède aucun contrôle de la
situation.
Le travail nous empêcherait d’être nous-même car nous sommes aliénés par celui-ci ? En
effet, le travail nous contraint aussi de ne pas être nous-même puisqu’il nous torture et nous
oblige à faire des choses que l’on n’aurait pas forcément envie de faire, sans une
récompense à la clé. Le fait de nous promettre un due pourrait nous forcer à agir autrement
jusqu’à même devenir quelqu’un d’autre ? L’Homme serait tellement avare qu’il le ferait
sans avoir pris en compte les conséquences possibles de ses actes ?
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Un second élément peut nous rendre inconnu à nous-même : l’inconscient. En effet, nous
sommes partis au départ du fait qu’un individu est pleinement conscient de ses actes, qu’il
se connait, mais en réalité, il ne peut pas. Le Moi conscient n’est qu’une partie de nous, ce
n’est pas la totalité de notre psyché, c’est en tout cas ce qu’a théorisé Sigmund Freud. Il
divisait la psyché, la mentalité en 3 instances psychiques : Tout d’abord le Ça inconscient, il
est présent dès la naissance, c’est le réservoir des pulsions, des envies (pulsions sexuelles et
de mort). Ensuite, le Moi, mi-conscient mi-inconscient, il gère les pulsions, les tensions et les
souffrances. Il permet à l’individu de s’adapter à réalité extérieure, qui favorise la vie sociale,
tout en créant des mécanismes de défense, tel que la sublimation. Et enfin le Surmoi,
couvrant la morale, les interdits et les obligations. Il y a un conflit avec le Ça puisqu’il filtre
les pulsions. Et justement ce conflit peut provoquer des tensions, des nervosités…etc. On
voit bien que de ce point de vue, nous ne sommes pas Uni, cette partie inconsciente
provoque des choses, comme des rêves ou des lapsus, que nous ne pouvons pas contrôler.
De plus le Surmoi ne fait pas réellement partie de nous puisqu’il est le produit de la société.
Ainsi, l’homme n’a pas un contrôle complet de sa vie psychique, Freud parle d’ailleurs de la
troisième blessure narcissique de l’humanité.

Enfin, un dernier élément, qui est plus une version active du premier argument. La société
nous influence un peu contre notre gré, mais tous les individus sont des acteurs qui jouent
des rôles en fonction de leur situation. C’est le client et le garçon de café de Sartre, tous les
deux jouent un rôle, mais en même temps ils se mentent à eux-mêmes, ils préfèrent
s’immerger dans leur rôle plutôt que de penser être libre.
Mais si on considère que nous ne pouvons pas être nous-même, alors on se
déresponsabiliserait de toute chose puisqu’elle ne dépendrait plus de nous mais d’une autre
force intérieure. On peut ici citer la mauvaise foi de Sartre. Sartre dit que l’homme est libre
et que c’est comme un fardeau pour lui car la liberté entraine le fait d’avoir des
responsabilités. S’il est libre, alors il est responsale.
Est-ce qu’on ne se mentirait pas que nous sommes réellement nous-même ? Comme disait
Sartre, « dans la mauvaise foi, c’est à moi-même que je masque la vérité. » c’est-à-dire que
l’homme serait dans un déni total et dirait qu’il y a une force supérieure comme une forme
de destin, qui lui dicterait ses actes. De plus, il n’y aurait aucune possibilité d’avoir une
parole et donc de s’engager pour plus tard puisqu’on ne sait pas si on sera le même dans le
futur. Pour Sartre, « L'homme qui se croit déterminé se masque sa responsabilité ».
Il existe donc des éléments extérieurs, exogènes, mais aussi endogènes, qui nous influencent
et nous empêchent, pour le meilleur et pour le pire, d’être soi-même. La société nous limite,
nous nous limitons nous-mêmes.
Est-il même possible d’être un jour soi-même ?

On croit en général que nous sommes nous-même, mais cela parait plus compliqué que
prévu. En effet, on se demande souvent « Qui suis-je ? », avant on disait qu’un homme était
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le fils d’un tel, mais dans la société dans laquelle on vit, il y a de plus en plus une recherche
de qui l’on est vraiment. Il y a une individualisation de la société, un phénomène qui montre
que l’individu en tant que tel s’impose de plus en plus. On peut se relier à notre héritage
familial, historique, culturel ou social. Mais afin d’essayer de tenter de devenir une nouvelle
personne, ou même simplement réfléchir à la personne qu’on est actuellement, il faut faire
un retour sur soi. Cela peut passer par des questions qu’on poserait à nos amis ou à notre
famille, notamment sur la façon dont ces derniers nous voient. Mais même dans ce cas-là il
sera difficile d’avoir des observations précises, une mère verra une chose chez son fils que
les amis de celui-ci ne verront probablement pas. Pour obtenir de telles informations, il
faudrait procéder à une observation permanente du sujet, par une équipe d’expert en
psychologie et qui n’auraient eux-mêmes aucuns préjugés. Si on ne relève pas l’impossibilité
technique, il n’est pas certain que cette expérience soit très morale, surtout qu’il faudrait
faire cela sans que le sujet n’en ait conscience, pour éviter de fausser les données.
Par conséquent, pour découvrir qui l’on est vraiment, on ne peut compter principalement
que sur soi-même, il faudrait tenter de tout remettre en cause, que ce soient nos idées,
notre manière de faire, d’apprendre, de vivre. Et remettre en question nos décisions passées
permettrait de prendre de meilleures décisions futures. La clé pour comprendre qui l’on est
vraiment serait alors la remise en question de son existence. C’est ce que Kant préconisait.
Mais comment pouvons-nous remettre en question tout notre être si une partie de celui-ci,
qui se nomme l’inconscient, nous est encore inconnue ?
C’est pour cette raison qu’il peut être utile de s’intéresser aux sciences de l’esprit, à la
psychanalyse, à la psychologie pour mieux analyser les raisons de son comportement propre.
De lire son histoire, en commençant par Lombroso et en passant par Durkheim, Marx et
Freud.
Une 2ème méthode serait d’apprendre à canaliser ces pulsions incontrôlables et de les
sublimer. Ainsi, nous pouvons sublimer ces travers de notre inconscient par l’art, par le
sport. En effet, la sublimation consiste un procédé qui permet de dépenser toute l’énergie
négative de façon constructive. On transforme quelque chose de mauvais en quelque chose
de beau. C’est l’un des quatre comportements possibles face à la frustration qui peut
survenir selon John Dollar.
Et enfin un 3ème moyen serait d’accepter qu’il nous soit impossible de nous connaitre soi-
même complétement, et finalement accepter qu’on puisse ne pas être soi-même de façon
permanente. Ainsi prendre la position de Sartre qui disait que l’existence précède l’essence,
et que par conséquent chaque individu se construit par ses actes. De cette façon, c’est à
nous d’atteindre ce soi idéal, petit à petit. Cela ressemblerait à un voyage sans fin, sans un
but fixe et appréciable, mais ne dit-on pas que dans un voyage, ce qui compte ce n’est pas la
destination, mais le chemin parcouru et les compagnons rencontrés ?

En conclusion, nous avons pu voir que partant de ce constat que l’homme aurait
parfaitement conscience de son identité, notamment avec le triptyque
d’unicité/unité/ipséité, l’homme est en réalité bien impuissant face à sa propre psyché. Une
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identité est influencée par les éléments intérieurs tel que l’inconscient, et par des éléments
extérieurs comme la société. Ce sont des barrières qui empêchent une identité pleine et
entière, qui empêche qu’un individu soit pleinement lui-même. Cependant, on a pu
remarquer que ces barrières, en premier lieu opaque, peuvent devenir de plus en plus claire,
et même transparente, avec le temps, l’expérience et l’étude. Ainsi, on peut se rapprocher
de la connaissance du soi-même en suivant sa Voie.
Ceci étant dit, on peut se demander si, finalement, il ne serait pas plus aisé de vivre avec ce
masque, et de ne pas être soi-même. En effet, ce peut être un fardeau, et il est parfois de
plus facile de vivre dans l'ignorance que de partir à la quête de son soi intérieur.

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