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COURS D'INSTITUTIONS POLITIQUES COMPAREES

Dr. DIE LEON KASSABO


Enseignant-chercheur

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

CHAPITRE I : Les institutions Politiques des Démocraties Occidentales

Section 1 : La classification des régimes politiques

Section 2 : Le régime parlementaire

Section 3 : Le régime Présidentiel : le modèle américain

CHAPITRE II : Les institutions Politiques en Afrique

Section 1 : Les difficultés d’adaptation de la démocratie libérale

Section 2 : Le retour à la démocratie libérale

CHAPITRE III : Les institutions Politiques d’Amérique

Section 1 : l’abandon du modèle parlementaire

Section 2 : L’instauration de régime présidentialistes au lieu du régime


présidentiel

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INTRODUCTION GENERALE

Etudier les régimes étrangers permet selon Marie-Claire Ponthoreau1 de réaliser


trois types d’actions à la fois distincts et intimement liés : d’abord un processus
cognitif, ensuite un travail d’interprétation des différences et des convergences
observées, enfin l’emprunt éventuel de mécanismes étrangers aux fins
d’amélioration du système institutionnel national.

Il n’est pas question ici d’entrer dans les détails de fonctionnement de tous les
régimes à travers le monde. En effet, il n’est pas besoin pour un juriste de
connaître parfaitement un système politique. Il doit simplement disposer des clés
d’analyse lui permettant de comprendre (et de déduire) la façon dont
fonctionnent des institutions. Si la curiosité pousse le lecteur à connaître ensuite
mieux un régime, il lira des ouvrages spécifiques à celui-ci et il n’oubliera pas
de consulter la pratique de ce régime, sinon il risque de commettre la même
erreur que celle que commettrait un étranger à la seule lecture de la Constitution
de 1958 s’agissant de la France.

L’objet de cet enseignement est de faire découvrir les différents mécanismes


constitutionnels étrangers, il est donc judicieux de s’intéresser à la forme de
l’Etat, au type de régime… puis à l’étude des chefs d’Etats, des gouvernements,
des parlements et dans la mesure du possible aux cours constitutionnelles.

Reste à savoir avec qui comparer. Certains ouvrages comparent les grandes
démocraties (Yves Mény et Philippe Lauvaux) mais ceux-ci ne coïncident pas
sur l’étendue territoriale de ces « grandes démocraties » (Allemagne, Etats-Unis,
France, Grande-Bretagne et Italie pour Yves Mény ; auxquels Philippe Lauvaux
ajoute la Suisse, la Suède, le Japon et l’Espagne). D’autres doctrines, font un
choix moins fondé sur un aspect qualitatif que sur un aspect géographique.

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Marie-Claire Ponthoreau, Droit(s) constitutionnel(s) comparé(s), Paris, Economica, 2010.

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Notre cours se situe dans cette seconde approche de comparaison des institutions
politiques à travers différents système politiques des différents continents.

L’approche comparative n’est pas une démarche nouvelle dans les


disciplines juridiques. Cette approche est nécessaire pour faire progresser les
techniques juridiques aussi bien en droit privé qu’en droit public. Mais elle
demeure marginale dans les programmes d’étude en Afrique plus encore qu’en
Europe. En Afrique francophone, cette approche est seulement appliquée en ce
qui concerne la parenté avec le droit français. Or la comparaison plus ouverte est
indispensable.

C’est ainsi qu’en droit constitutionnel et en science politique, par exemple,


l’approche des régimes politiques, c’est-à dire des formes (à l’intérieur des types
d’Etat) ou encore des institutions politiques et de leur fonctionnement, a
longtemps souffert de la critique européocentriste.

En effet, l’étude comparée se limite à l’Europe, négligeant par là les autres


continents (Afrique noire, Amérique latine, Asie…). Même dans le contexte
européen, elle passait sous silence le système socialiste. Aujourd’hui les
institutions des Etats d’Europe de l’Est demeurent peu connues.

Après la deuxième guerre mondiale, ces critiques ont amené un changement


d’attitudes. Cette évolution est favorisée par trois phénomènes :

- L’explosion du nationalisme (exaltation du sentiment national ; doctrine


apparut essentiellement depuis la fin du XVIIIe siècle) de l’après guerre
en Afrique, en Asie et au Moyen –orient, qui conduira à l’indépendance
de plusieurs Etats ;
- La diversification des expériences d’institutions politiques ;
- Les rapprochements entre les systèmes politiques.

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L’étude d’institutions politiques comparées se présente comme un voyage à
travers les différents pays du globe permettant à la fois d’approcher les grands
concepts du droit constitutionnel et de sensibiliser au droit comparé et à l’étude
des droits étrangers. En effet, il a pour ambition d’examiner la façon dont
fonctionne la démocratie, l’Etat de droit, les relations entre le pouvoir central et
le pouvoir local et la séparation des pouvoirs. La perspective comparative
permet d’entrevoir qu’au-delà de différences ponctuelles ou culturelles entre
Etats se profile un véritable patrimoine commun aux démocraties. Mais avant
d’entrer dans l’étude comparée des institutions politiques, quelques définitions
conceptuelles doivent être faites pour baliser le terrain. Ces précisions porteront
sur les notions d’institutions, de régime politiques et de culture politique, mais
aussi sur les instruments de l’approche politique comparée (typologie, type
idéal…). Il s’agit enfaite d’un préalable essentiel à la bonne compréhension du
cours.

I- Les notions d’institutions, de régime politique, de système politique et


de culture politique

Le vocable d’Institutions Politiques Comparées fait appel à un certain nombre


de notions, qu’il convient au préalable de clarifier : notion d’institution, de
régime politique, de système politique, voir de culture politique, concept de
politique…)

1) L’institution
Seront successivement abordés le concept (a) et les types d’institutions
(b).
a) Le concept

L’institution est un concept. Elle traduit une pensée, une idée. L’institution,
dit J. Cadart (D. const. et instit. po, p. 38 et s.) « C’est ce qui est établi de
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manière durable, permanente, en vertu de l’union des volontés individuelles
agissant pour une entreprise commune ». L’élément volonté humaine distingue
l’institution de ce qui est une donnée de la nature (ex : l’homme, les saisons
etc.). Ainsi entendu, l’institution recouvre deux aspects :

- L’institution –organe et
- L’institution mécanisme. (Règles auxquelles obéissent les organes)

La famille, le gouvernement, le parlement, les partis politiques… sont des


institutions organes.

Par contre, les institutions mécanismes sont les règles auxquelles obéissent
les organes, les règles de fonctionnement de ces organes. Par exemple, la
constitution, le mariage, la circoncision sont des institutions mécanismes. La
constitution est une institution- mécanisme, en tant qu’ensemble de règles
auxquelles obéissent le gouvernement, le parlement et les citoyens. Les deux
aspects de l’institution se retrouvent souvent imbriqués : la commune par
exemple est une institution organe qui comprend le maire, le conseil municipal
et des commissions.

Elle est une institution mécanisme en tant que règles, idée d’autonomie
propre à ce type d’organe. La décentralisation exprime d’une manière générale
l’idée d’autonomie appliquée à des collectivités territoriales.

b) Les types d’institutions

L’institution peut être qualifiée de juridique (exemple : la constitution, le


mariage) de religieuse (église, secte, lieux de cultes sacrés Africain)) de
politique (parlement, gouvernement) etc.

L’institution politique désigne l’institution relative à l’Etat ou au pouvoir qui


dirige dans l’Etat. L’institution politique est ce qui est relatif au pouvoir, au
gouvernement des hommes. L’institution ainsi entendue, le domaine d’étude des

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institutions politiques devient le problème général de l’objet d’étude de la
science politique. Les deux termes ont le même sens, sauf que le terme
institution politique semble viser la science politique axée sur l’étude
institutionnelle, l’étude des règles juridiques. On peut, en effet, être axé sur
l’étude de l’Etat, du pouvoir, c’est-à dire sur les règles juridiques (aspects
institutionnels) d’agencement et de fonctionnement des organes politiques et sur
leurs pratiques. Ou alors on peut être tourné vers l’étude des phénomènes
sociaux qui se manifestent dans la cité, en ne privilégiant pas l’étude des
institutions (ex : comportement électoral ; union ou fusion des partis politiques)

De nos jours, la tendance est d’aborder le domaine d’étude des institutions


politiques en englobant les deux aspects : l’étude des règles de droit, mais aussi
des phénomènes sociaux de grande envergure. C’est une approche en termes de
système politique.

2) Régime politique et système politique

Le système politique est un ensemble d’interactions constatées au sein d’une


société. Il désigne les institutions plongées dans un environnement. Envisagées
dans le sens de système, l’étude des institutions politiques prend en compte la
société globale (l’interaction entre institutions, règlementation et
comportements.)

Le régime politique est la résultante globale du système tel qu’il fonctionne et


non pas seulement tel que décrit. La raison de prendre en compte le système tel
qu’il fonctionne est que les Constitutions créent des institutions et des règles de
fonctionnement, mais l’observation extérieure (détachée) du fonctionnement de
ces institutions peut permettre de les classer en régimes politiques différents
selon le résultat des interactions dans le fonctionnement. Par exemple la
constitution crée des organes de l’Etat (le parlement, le gouvernement, le chef
d’Etat) et des règles de fonctionnement (compétence de chaque organe, relation

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d’égalité ou de hiérarchie entre les organes) et l’observation de cet ensemble
aboutit à faire des distinctions en régime parlementaire, régime présidentiel,
régime semi-présidentiel ou semi-parlementaire, régime d’assemblée, régime
présidentialiste selon les déplacements du centre du pouvoir. Il y a toujours un
décalage entre le régime tel qu’il existe dans les textes et le régime tel qu’il se
comporte dans la pratique, tel qu’il devait être suivant une Constitution. Décrire
donc le régime c’est mesurer le décalage entre les institutions telle que créées et
la réalité ou l’étendue du système.

3) La culture politique

Les sociétés ont leur histoire, faites d’affrontements extérieurs ou intérieurs,


leurs expériences de l’organisation politique, leurs différentiations sociales, leurs
difficultés économiques. Ces facteurs jouent sur leurs réactions politiques, leurs
lignes de pensée et d’action, leurs rapports avec le pouvoir politique. L’analyse
des institutions politiques ne peut omettre de prendre en compte ces facteurs qui
constituent la culture de la société. La culture politique peut être saisie à travers
un certain nombre d’aspects : dans le rapport avec le vote par exemple, on peut
se demander comment votent les hommes et les femmes, pourquoi votent-ils
pour tel ou tel parti, pour tel ou tel homme ; dans la question de la légitimité du
pouvoir, les hommes peuvent être attachés à la monarchie ou à la république.
Pourquoi ces différences ?

La culture politique n’est pas immuable, elle change, elle évolue. Dans un
même Etat, on peut distinguer des sous-cultures, des différences de réaction face
au politique : les paysans, les citadins, les riches, les intellectuels ne réagissent
pas toujours de la même façon. La culture politique fait partie de
l’environnement du système politique.

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4) Le concept de politique

Le mot politique signifie ce qui concerne le mode de gouvernement d’un


Etat. Dans le langage courant, non rigoureux, il peut s’appliquer à toute chose
avec une connotation péjorative ou non péjorative. Ainsi on peut parler de la
politique de l’entreprise, pour désigner les choix stratégiques ou tactiques des
dirigeants de l’entreprise, leurs conduites commerciales ou sociales (à l’égard
des employés), sans connotation péjorative. On peut aussi parler de la politique
de telle personne dans un groupe ou un cercle, (pour dire qu’il y a des
manigances). Plus généralement, on qualifiera de politique n’importe quelle
attitude ou prise de position et, de manière encore plus péjorative, on qualifiera
tel ou tel homme de « politicien » au lieu d’homme politique ou d’homme
d’Etat.

II. Les instruments de l’approche comparée

L’approche comparée pose des problèmes pratiques (langue, collecte des


informations, appréciation de leur fiabilité ou objectivité) mais aussi et surtout
des problèmes méthodologiques.

A cet égard, il y a évolution de l’objet de l’étude de la politique comparée.


On ne s’intéresse plus exclusivement à la pensée politique ou aux institutions
gouvernementales. L’analyse s’élargit à celle des systèmes politiques, c’est-à-
dire à l’étude de toutes les structures et tous les phénomènes qui jouent sur la
décision politique. Comme le cite avec justesse Léo HAMON, « ce qui
différencie essentiellement l’étude des institutions politiques du point de vue
formel du droit constitutionnel et du point de vue sociologique qui est celui de la
science politique est que la science politique se refuse à envisager les institutions
indépendamment des milieux qui peuvent en modifier l’esprit et les effets » (cité
par Léo HAMON, in « Droit et contexte social, structuralisme et pluralisme
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social », in Mélanges J. Lambert, p 321). Les analyses traitent désormais des
mécanismes de gouvernement, des partis politiques, des groupes de pression
(société civile), des procédés électoraux, de la communication politique, etc. Ces
ouvertures viennent compléter de manière heureuse l’étude classique des
institutions constitutionnelles.

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CHAPITRE I – LES INSTUTIONS POLITIQUES DES DEMOCRATIES
OCCIDENTALES

Les institutions politiques sont la résultante de conceptions idéologiques sur le


rôle de l’Etat et du pouvoir dans la société. A cet égard, l’on opposait
classiquement la conception libérale et la conception marxiste ou socialiste de
l’Etat (les deux qualificatifs, socialiste et marxiste, sont souvent confondus, par
exemple quand on parle de pays socialistes. Mais marxisme et socialisme
peuvent désigner des visions différentes, surtout lorsque l’on renvoie à la vision
marxiste-léniniste ou à la vision sociale-démocrate. La conception socialiste ou
sociale-démocrate donne des régimes de centre gauche acceptant les fondements
de la démocratie libérale alors que la conception marxiste aboutit à son rejet et à
un régime dit de démocratie populaire).

L’opposition entre pays à démocratie libérale (occidentale) et pays à régime de


démocratie populaire n’existe pratiquement plus, sauf quelques Etats qui en
restent de timides représentants (Cuba, Corée du Nord, Chine dans une certaine
mesure). Mais cette opposition, sur le plan idéologique n’en subsiste pas moins à
travers les partis politiques non au pouvoir qui se réclament plus ou moins de la
vision socialo-marxiste, généralement à travers les critiques virulentes de la
démocratie libérale. Peu de partis politiques se réclament aujourd’hui du
marxisme et beaucoup de partis communistes se sont rebaptisés socialistes ou
autres.

Il convient donc de situer les bases communes de cette démocratie libérale


avant d’examiner les institutions qui en sont issues.

La conception libérale du pouvoir politique trouve son origine dans la


pensée chrétienne (certains réclamaient que le projet de constitution de
l’Union Européenne mentionne cette origine). Celle-ci considère que
l’homme a été créé à l’image de Dieu et lui accorde une situation privilégiée

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et des droits personnels considérés comme des droits naturels. Cette théorie
des droits naturels a été reprise au 18ème siècle par les penseurs et laïcisée
sous la forme de droits individuels fondamentaux.

La priorité donnée aux droits de l’homme amène les libéraux à considérer


le pouvoir politique comme un phénomène second. Le pouvoir politique est
indispensable à la société mais il constitue une menace pour les droits
naturels individuels. Pour éviter ou limiter cette menace, l’Etat, qui incarne le
pouvoir, doit être limité, freiné.

L’Etat doit s’abstenir d’intervenir dans certains domaines celui de


l’économie notamment, afin de ne pas menacer l’initiative individuelle.
L’Etat doit être un Etat gendarme, chargé du maintien de l’ordre public.

Un des moyens pour garantir cette abstention et cette limitation des


pouvoirs est d’adopter une structure étatique qui affaiblisse le pouvoir. Le
moyen par excellence pour aboutir à l’affaiblissement du pouvoir est le
principe de la séparation des pouvoirs, qui est devenu la base du
constitutionnalisme libéral ou de la démocratie. La séparation des pouvoirs
est un principe général d’organisation du pouvoir étatique, érigé en dogme
par les révolutionnaires de 1789. Ainsi l’article 16 de la Déclaration des
Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 déclare « toute société dans
laquelle … la séparation des pouvoirs n’est pas déterminée, n’a point de
constitution ». Il s’établit donc un courant de pensée visant à éviter le
despotisme par l’encadrement du pouvoir et du phénomène politique grâce à
des règles de droit, écrites ou non écrites. Il s’agit de limiter le pouvoir de
chaque organe de l’Etat et de limiter le pouvoir de l’Etat au sein de la société.

Selon Jean-Louis QUERMONNE (in les régimes occidentaux, 5ème


édition, pp. 17-18), cinq traits caractérisent la démocratie occidentale :

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1. Le choix de gouvernants par des élections libres (ce qui suppose la
liberté de candidature, la liberté de suffrage, la liberté du scrutin) ;
2. L’exercice du gouvernement par la majorité ;
3. L’obligation de respecter l’opposition ;
4. Le respect de la constitution par les pouvoirs publics
(constitutionnalisme) ;
5. La garantie des droits fondamentaux des citoyens.

En partant de la même base du principe de la séparation des pouvoirs, la mise


en œuvre va donner lieu à des discussions et donner naissance à une diversité de
régimes politiques, en raison d’interprétations différentes. Cette diversité va
poser le problème de leur classification, comme action préliminaire à leur
comparaison.

SECTION 1 – LA CLASSIFICATION DES REGIMES POLITIQUES

La classification des régimes politiques peut se faire sur la base de


l’organisation constitutionnelle. Mais cette base de classification doit être
complétée par un autre phénomène, celui des partis politiques. A ces deux bases
peuvent s’ajouter, comme élément de différenciation, l’intervention des
citoyens, leur participation à l’action politique.

Paragraphe 1 – La classification selon l’organisation constitutionnelle.

A. Les régimes de confusion des pouvoirs

L’expression « confusion des pouvoirs » peut renvoyer à deux données


historiques différentes : le régime monarchique et le régime d’assemblée.

1) La monarchie absolue

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La confusion des pouvoirs dans la monarchie absolue résulte du fait que les
fonctions législatives, exécutives et juridictionnelles sont exercées par le même
organe, le Monarque. Selon la formule de Louis XIV, « l’Etat, c’est moi ». Le
monarque fait les lois, veille à leur exécution et rend la justice. C’est en quelque
sorte l’antithèse de la démocratie.

2) Le régime d’assemblée

Le régime d’assemblée est issu des débats sur l’instauration de la démocratie,


sur la refondation du pouvoir. Dans le régime d’assemblée, le pouvoir tire sa
légitimité du peuple directement ou représenté par une assemblée élue.
L’aménagement constitutionnel peut consacrer la toute puissance d’une
assemblée plus ou moins large. L’exécutif est rigoureusement cantonné dans
l’exécution de la volonté du parlement, dans l’exécution de la loi et de la
politique déterminée par le parlement.

3) La confusion en faveur de l’exécutif

Cette confusion peut provenir d’une pratique contraire à la lettre de la


Constitution qui distingue les pouvoirs et les organes mais aménage la primauté
de l’exécutif. C’était le cas dans le tiers monde où dans beaucoup de pays, le
parlement existait mais était domestiqué par divers mécanismes : système de
parti unique, pouvoir personnel, limitations constitutionnelles du pouvoir de
contrôle et de sanction du parlement sur l’exécutif. Depuis les années 1990, dans
les Etats du Tiers Monde, en particulier ceux qui sont engagés dans le processus
de démocratisation, les mécanismes constitutionnels ne tendent plus
formellement à la confusion des pouvoirs. Toutefois, les cas de déséquilibre en
faveur de l’exécutif restent fréquents.

B- Les régimes de séparation stricte des pouvoirs

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Ces régimes résultent d’une interprétation du principe de la séparation des
pouvoirs dans toute sa rigueur : distinction entre les fonctions et les organes qui
les exercent, spécialisation des fonctions et autonomie des organes. Selon
Montesquieu, « lorsque dans la même personne ou dans le même corps la
puissance législative est réunie à la puissance exécutive, il n’y a plus de
liberté ». Chaque organe exerce une fonction et une seule. L’idée est de traduire
en pratique la pensée de Montesquieu qui dit que « il faut que par la disposition
des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ».

A l’époque contemporaine, le régime présidentiel américain illustre le régime


de séparation rigide des pouvoirs : les organes législatif et exécutif sont élus et
aucun ne dispose d’un pouvoir de révocation sur l’autre et ne peut s’immiscer
dans les fonctions de l’autre.

C- Les régimes de séparation souple des pouvoirs

Les régimes de séparation souple ou de collaboration des pouvoirs


proviennent d’une autre interprétation du principe de la séparation des pouvoirs,
interprétations somme toute la plus répandue. Ces régimes reposent aussi sur la
séparation des fonctions et l’autonomie des organes mais cette autonomie ne
signifie pas l’isolement des organes. Tout au contraire, les organes de l’Etat
doivent collaborer au bon accomplissement des actions. Ce système est illustré
par le régime dit parlementaire. Cette appellation vient de ce que le parlement
était la plaque tournante, celui qui réalisait l’harmonie entre le législatif et
l’exécutif en désignant, directement ou indirectement ce dernier : l’exécutif se
formait par négociation au sein des parlementaires pour former le
gouvernement.

Le régime parlementaire va lui-même se différencier en régime parlementaire


moniste et en régime parlementaire dualiste ou régime semi-présidentiel (ou
présidentialiste) par emprunt de traits du régime présidentiel et du régime

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parlementaire mais généralement dans le cadre d’une collaboration des pouvoirs.
L’appellation de régime présidentialiste sera pratiquement réservée, avec une
connotation péjorative, aux régimes dans lesquels un déséquilibre prononcé se
produit en faveur du président, volontairement ou involontairement.

Paragraphe 2 : La classification selon les systèmes de partis

Selon les systèmes de partis, on distingue trois sortes de classifications (si


l’on exclut le système sans parti politique) : les régimes politiques à parti
unique, qui n’existent pas dans la tradition des Etats libéraux ; les régimes à
bipartisme ; et les régimes à multipartisme. En effet, les régimes à parti unique
sont une antinomie à la démocratie libérale. Ils ont toutefois existé en Europe
Occidentale dans les régimes totalitaires et dans les régimes autoritaires.

1) Les régimes politiques à parti unique

Les régimes politiques unitaires s’opposent aux régimes de pluralisme


politique. Les premiers se caractérisent par l’existence, en droit ou en fait, d’une
force politique qui monopolise l’exercice du pouvoir.

Le parti unique est censé traduire l’unité nationale ou œuvre à cette unité. Ces
régimes peuvent être de deux types : les régimes totalitaires et les régimes
simplement autoritaires.

Le régime totalitaire est « celui qui prétend, sans tolérer la moindre


contestation, faire triompher une idéologie par les moyens révolutionnaires »
selon P. Leroy (op. cit. p. 47). Il entend réaliser un projet de société, celui, pour
les ex-Etats socialistes, de la société débarrassée de la domination d’une classe
sociale sur l’autre, ou du moins celui qui assure la domination dite transitoire du
prolétariat sur la bourgeoisie, avant la disparition des classes sociales.

A la différence des régimes totalitaire, les régimes autoritaires n’ont pas


l’ambition d’imposer une idéologie. Ce sont des régimes dans lesquels le

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pouvoir est monopolisé par un homme ou par une oligarchie partisane ou non
partisane. Cette monopolisation peut se faire autour d’un parti ou autour d’un
homme. La monopolisation peut se réaliser par la répression d’adversaire ou
l’interdiction de partis d’opposition. Les pays du tiers monde fournissent des
exemples de régimes autoritaires, sans ambition idéologique totalitaire.

2) Les régimes politiques à bipartisme

Les régimes politiques où prévaut le bipartisme sont des régimes pluralistes


en ce sens que le multipartisme en est la base. Le principe constitutionnel est la
liberté de création des partis politiques et leur libre participation à la compétition
pour la conquête du pouvoir politique.

L’existence de deux partis politiques (ou bipartisme) qui alternent au pouvoir


est le résultat de caractéristiques nationales particulières, d’une culture politique
et d’un mode de scrutin, le scrutin majoritaire.

Généralement, ce n’est pas seulement deux partis politiques qui existent mais
les autres drainent très peu d’électeurs ont très peu d’adhérents et sont, en plus,
écrasés par le mode de scrutin qui ne leur laisse aucune chance d’avoir un
nombre significatif d’élus.

Le fait que seulement deux partis politiques monopolisent le champ influe sur
le fonctionnement de l’organisation constitutionnelle. L’exemple typique en est
donné par la Grande Bretagne où le système constitutionnel (coutumier) ne peut
se comprendre, dans la réalité de son fonctionnement, qu’à travers cette donnée.
Les USA aussi en sont un autre grand exemple.

3) Les régimes à multipartisme

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Le multipartisme et le bipartisme font tous partie du pluralisme politique.
Celui-ci peut se définir comme l’acceptation de la compétition entre plusieurs
partis politiques pour la conquête et l’exercice du pouvoir politique dans un Etat.

La différence entre multipartisme et bipartisme ne provient pas de restrictions


juridiques consistant à limiter le nombre de partis politiques (une telle restitution
avait été faite au Sénégal et au BF sous la 3ème république) mais d’une situation
de fait résultant de divers facteurs dont, principalement, le système électoral.

Alors que le bipartisme désigne la situation où, durablement, deux partis


alternent au pouvoir et sont les seuls susceptibles de l’emporter à chaque
échéance électorale, le multipartisme désigne la situation où une multitude de
partis politiques participent aux élections, non peut-être pas avec les mêmes
chances de l’emporter, mais en provoquant des incertitudes sur la possibilité
pour un seul parti politique d’avoir la majorité absolue au parlement et de
pouvoir gouverner seul.

La différence fondamentale est donc que, dans le bipartisme, l’on est presque
sûr qu’un seul des deux partis aura la majorité de gouvernement alors que cela
n’est pas le cas dans le multipartisme. Le multipartisme conduit fréquemment à
des gouvernements de coalition. Le parti majoritaire au parlement n’a souvent
pas une majorité absolue. Ce système conduit souvent à l’instabilité
gouvernementale.

Paragraphe 3 – la classification selon l’intervention des citoyens

Les régimes politiques sont aussi souvent appréciés à partir, non pas du
système de parti, mais à partir d’autres axes tel que le critère, plus diffus de
l’intervention du citoyen. La démocratie suppose la participation du citoyen à la
décision sur les affaires politiques. Le niveau de participation ou les formes de

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cette participation peuvent être des indices de bon ou de mauvais
fonctionnement de la démocratie.

1) Le referendum

Le referendum est considéré comme un mécanisme de démocratie semi-


directe. C’est une procédure par laquelle le peuple intervient dans l’adoption
d’une décision.

Mais le referendum peut être consultatif ou délibératif. Il est consultatif


lorsque le peuple est appelé à donner son opinion. Ex : faut-il ou non réviser la
constitution ? Il est délibératif lorsque le peuple est appelé à prendre directement
la décision : adopter la constitution, adhérer à un traité, adhérer à une
organisation.

Certains font la distinction (selon l’objet) entre le referendum normatif et le


referendum d’arbitrage. Le referendum normatif est celui qui intervient dans le
domaine constitutionnel pour l’adoption ou la révision de la constitution, ou
dans le domaine législatif pour ratifier, confirmer ou refuser un texte adopté par
le parlement ou en dehors de toute intervention du parlement. Il peut aussi être
utilisé pour l’abrogation d’une loi.

Le referendum d’arbitrage est celui qui amène le peuple à trancher un conflit


apparu dans le fonctionnement de l’Etat. Cet objet de referendum fait que ce
dernier est à double tranchant parce qu’il peut envenimer les antagonismes ou
conduire au plébiscite.

2) Les groupes de pression

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La démocratie est aussi appréciée, surtout dans les pays nouvellement
entrés dans le processus démocratique, à l’étalon du dynamisme de ce qu’on
appelle « la société civile ». Celle-ci désigne la diversité des organisations
situées entre la famille (cellule de base) et l’Etat, en dehors des partis
politiques qui sont considérés comme relevant du champ politique.

Le citoyen participe à la vie publique non pas seulement en votant, mais


aussi à travers des canaux tels que les associations, les syndicats, les clubs,
les amicales, les centres de réflexions, etc. Ces divers organismes peuvent
avoir pour objet, affiché ou non affiché, d’exercer des pressions sur les
pouvoirs publics, sur les partis politiques (ex : associations des femmes élues
qui demandent aux partis politiques d’accroître le nombre et la position sur
les listes des candidatures féminines), sur les décideurs.

Les modalités d’exercice des pressions peuvent différer : lobbying


(rencontres avec les décideurs divers), campagne de presse, manifestations
publiques (défilés, sit-in) et même des actions de violence, pour contraindre à
accepter leurs propositions ou à adopter leur cause.

Les groupes de pression peuvent se situer explicitement sur le terrain


politique (mouvements des droits humains, mouvement des droits de la
femme…) ou sur un terrain économique (coopérative, associations de
développement) culturel (promotion de la musique, livre…) sportif ou de
loisir.

Toutes ces organisations sont amenées, plus ou moins fréquemment ou


intensément à interpeller le pouvoir politique. Elles constituent en cela un
autre canal d’expression du citoyen même si cette expression peut prendre
une tournure civique ou franchement incivique. Elles peuvent, dans leurs
méthodes et/ou dans leurs buts, volontairement ou involontairement viser à
renforcer la démocratie pluraliste (ou libérale ou, au contraire, viser à

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l’éprouver, à la faire rompre en la mettant devant l’alternative de tolérer les
diverses formes de violence ou d’être en contradiction avec ses principes de
tolérance.

SECTION II – LE REGIME PARLEMENTAIRE

Paragraphe 1 – Le parlementarisme majoritaire

Le qualificatif de majoritaire indique un fonctionnement des institutions dans


le cadre durable d’élections qui dégagent une majorité de gouvernement en
faveur d’un parti politique de gouvernement ou qui limitent l’instabilité
gouvernementale et le recours à des gouvernements de coalition.

Deux exemples peuvent être donnés, dont l’un illustre le bipartisme


« parfait » et l’autre le bipartisme « imparfait », ceux de la Grande Bretagne et
de la RFA.

A. L’exemple de bipartisme parfait : la Grande Bretagne

La Grande Bretagne est le modèle du parlementarisme majoritaire. D’abord


elle connaît un régime de type parlementaire : le chef de l’Etat est un monarque
(roi ou reine) mais le pouvoir est entre les mains du parlement constitué de deux
chambres : la chambre des communes (651 membres) et la chambre des Lords
(plus de 1000).

C’est en réalité le modèle du régime parlementaire marqué par la position


constitutionnelle prééminente du parlement (la souveraineté parlementaire).

Celui-ci est parvenu à éclipser le monarque et à prendre juridiquement


prééminence sur l’exécutif.

Le caractère parlementaire du régime se traduit par :

- La responsabilité du cabinet devant le parlement


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- Le droit de dissolution (appartenant au 1er Ministre)
- Il s’agit d’un parlementarisme moniste, en ce sens que le pouvoir au sein
de l’exécutif appartient au 1er Ministre qui ne répond que devant la
chambre des communes.

Le caractère de parlementarisme majoritaire est le produit du mode de


scrutin : le scrutin majoritaire à un tour qui maintient deux partis en
compétitions pour la formation du gouvernement en éliminant les autres
partis du parlement. Dans ce mode de scrutin, est déclaré élu celui qui a
obtenu le plus grand nombre de voix. Dans sa signification, le vote n’a pas
pour objet de faire connaître ses opinions, mais de désigner des gouvernants.

La Grande Bretagne a toujours connu, avec ce mode de scrutin, le


bipartisme depuis le 17ème siècle.

L’intérêt de ce mode scrutin est double :

- Il assure une majorité en faveur d’un parti politique au parlement ;


- Il assure une clarté dans la désignation du 1 er Ministre et une stabilité
gouvernementale.
- Le Premier Ministre est quasiment élu au suffrage universel dans la
mesure où le leader du parti qui gagne les élections est automatiquement
nommé 1er Ministre (chef du cabinet) par la reine.

La stabilité gouvernementale est assurée par :

- l’existence d’une majorité au parlement ;


- la discipline traditionnelle au sein des partis politiques et,
- un facteur psychologique, la popularité du 1er Ministre qui conforte sa
position de chef de majorité.

22
B. L’exemple de bipartisme imparfait : la République Fédérale
d’Allemagne (RFA)

La RFA offre l’exemple d’un régime parlementaire à bipartisme dit


imparfait : deux partis alternent au pouvoir, mais souvent dans une coalition
avec un troisième parti. Ce dernier s’allie tantôt à l’un, tantôt à l’autre.

La constitution du 8 mai 1949 promulgué le 29 mai, qui s’applique à


l’Allemagne réunifiée le 3 octobre 1990, prévoit un régime parlementaire avec
les traits suivants:

1. Un parlement composé de deux chambres ;


 Le Bundestag ou chambre basse, représentant la population et
comprenant 662 membres élus pour quatre ans.
 Le Bundesrat, conseil des Etats (ou chambre haute) comprend 68
membres désignés par les gouvernements des länders
proportionnellement à la population (3, 4, 5 ou 6 sièges selon les
Etats ou länders). La RFA compte 16 Etats dont le land de Berlin.

2. Au sein de l’exécutif
 Un chef d’Etat (le président fédéral) sans pouvoir, élu pour 5 ans
par un collège composé des parlementaires (des 2 chambres) et de
délégués élus par les législatures des Länders (Etats fédérés).
 Un chancelier (1er Ministre, actuellement Angela MERKEL élu par
le Bundestag sur proposition du Président.

3. La constitution reconnait le multipartisme, qui a évolué en un bipartisme


parfait à partir des élections de 1953 et 1957 par élimination des autres

23
partis absorbés par les deux grands. Les trois partis qui participent
régulièrement au gouvernement sont :
 Le CDU (union chrétienne démocrate) et sa branche bavaroise CSU
(Union chrétienne sociale) qui forment la CDU/CSU.
 Le SPD (Parti social démocrate) ;
 Le FDP (Parti libéral démocrate).

Mais il y a plusieurs autres partis restés longtemps sans représentation au


parlement :

 Les verts (dont l’ex. ministre des affaires étrangères Oscar Fisher en est
issu ainsi que le député européen et célèbre leader de la révolution de mai
1968 en France, B. Cohn-Bendit)
 Le PDS (ex : parti communiste de RDA)

4. Le mode de scrutin est un scrutin mixte, à la fois proportionnel et


majoritaire :
 L’électeur a deux voix et deux votes : il vote pour choisir un député
et il vote pour exprimer sa préférence pour un parti ;
 Une moitié des députés élus dans chaque Land est désignée au
scrutin uninominal à un tour ;
 L’autre moitié est élue à la proportionnelle.

Ce mode de scrutin comporte deux correctifs permettant d’éliminer les


extrêmes. Pour être représenté au parlement, il faut :

 Obtenir trois « sièges directs » c’est-à-dire être victorieux dans trois


circonscriptions par l’usage de la première voix des électeurs.
 Ou obtenir pour l’ensemble du pays 5% des suffrages exprimés lors de
l’usage de la seconde voix des électeurs.

24
L’avantage de ce système électoral est que le choix du chancelier est dicté par
les élections, le Président proposant le chef du parti vainqueur qui, faute souvent
de pouvoir composer un gouvernement homogène, est appelé à former un
gouvernement de coalition.

Paragraphe 2 – Le parlementarisme non majoritaire

A. Les traits du régime parlementaire non majoritaire

L’expression parlementaire non majoritaire ne signifie pas qu’aucun des


partis n’obtient la majorité au parlement, mais qu’il est rare qu’un des partis
obtiennent une majorité qui lui permette de former un gouvernement homogène
sans recourir à une alliance de gouvernement. Cette situation emporte plusieurs
conséquences et provient de causes déterminables dont le nombre pléthorique de
partis représentés au parlement.

1) Le nombre de partis représentés au parlement

Contrairement au régime de bipartisme ou l’électorat est concentré autour de


deux partis et où trois ou quatre partis obtiennent des sièges au parlement, les
régimes non majoritaires connaissent souvent la représentation de plus d’une
dizaine de partis politiques à l’Assemblée. Par exemple, la France compterait,
pour la législature 2007-2012, seize (16) partis politiques représentés au
parlement (10 grands partis et six partis alliés de l’UMP) auxquels s’ajoutent les
partis régionaux (Corse, Guadeloupe, Martinique, Nouvelle Calédonie,
Réunion…). Il est par conséquent rare qu’un parti politique obtienne la majorité
absolue. L’électorat étant éparpillé, le parlement reflète cette mosaïque de
courants politiques et ne traduit pas véritablement un choix ferme de société.

25
2) La fréquence des gouvernements de coalition

Lorsque l’élection se traduit par un dénombrement d’opinions et n’exprime


pas un choix de société ou tout simplement de programme politique, les partis
qui ont obtenu les plus grands nombres de sièges sont contraints de recourir à
des alliances pour former un gouvernement. Le chef de l’Etat, qui a le pouvoir
de désigner le chef de gouvernement nommera celui qui a pu constituer des
alliances lui donnant la majorité absolue au parlement. Beaucoup d’auteurs
critiquent ces gouvernements constitués en dehors de la volonté des électeurs,
par tractations entre les Etats-majors des partis politiques.

3) L’instabilité gouvernementale

L’instabilité gouvernementale est la conséquence des gouvernements de


coalition. Lorsqu’un seul parti dispose d’une majorité absolue, il cherche à
appliquer son programme de gouvernement qui a peut-être contribué à son
succès. Il cherche aussi à se maintenir en développant une discipline au sein du
parti. Cette discipline est nécessaire à la fois pour faire face à l’adversité et pour
pouvoir mettre en application son programme à travers les lois et les règlements.

Dans un gouvernement de coalition ou d’alliance, après le laborieux


compromis sur les programmes de gouvernement, il est encore plus difficile
d’obtenir la discipline et la solidarité devant les difficultés de mise en œuvre. Le
partenariat qui craint de perdre son âme et son électorat à propos d’un détail de
la politique conduite, peut se retirer et entraîner la chute du gouvernement. La
menace de retrait est toujours suspendue sur la tête du gouvernement et
l’empêche d’entreprendre ces reformes hardies et responsables.

Certains correctifs ont pourtant été imaginés contre l’instabilité


gouvernementale, mais ces correctifs ne peuvent pas jouer.

26
Ainsi, beaucoup de ces constitutions ont adopté les traits du régime
parlementaire rationalisé se traduisant notamment par la limitation des
possibilités de mise en jeu de la responsabilité politique du gouvernement :
menace de dissolution pour contrer la grogne des parlementaires et des alliés,
alourdissement de la procédure de recours à la motion de censure. Mais ces
mécanismes ne sont pas destinés à faire face à des dissensions entre alliés. La
démission d’un ministre marque souvent la chute du gouvernement.

B. Les exemples de régimes parlementaires non majoritaires

L’instabilité gouvernementale, qui marque le régime parlementaire non


majoritaire, peut-être plus ou moins prononcée selon le pays. Quelques
exemples peuvent illustrer les différences du vécu des régimes parlementaires.

1) L’Italie

La constitution italienne du 27 décembre 1947 établit un régime


parlementaire marqué par les traits suivants :

- Un régime parlementaire bicaméral (chambre des députés et sénat) ; Les


deux chambres n’ont pas les mêmes pouvoirs bien que les membres soient
élus selon un régime électoral très proche (contrairement au sénat français
élu au suffrage indirect)
- Un exécutif dualiste comprenant : un président élu au suffrage indirect par
un collège composé des députés, des sénateurs et quelques représentants
des régions, et un président du conseil (1er Ministre) désigné par le chef de
l’Etat (président).

Le président n’est pas l’organe actif de l’exécutif, mais il dispose de quelques


pouvoirs réels puisqu’il a le pouvoir de dissoudre le parlement après avoir
simplement entendu les deux présidents des chambres et de désigner le 1 er

27
Ministre. Le gouvernement, dirigé par le 1er Ministre, doit être investi par le
parlement par le vote de confiance et est responsable devant le parlement.

Le mode de scrutin pour les élections législatives était la représentation


proportionnelle sans correctif notable.

Ce mode de scrutin produit une représentation parlementaire sans majorité


ferme : plus de dix partis politiques (16 en 1992) sont représentés au parlement.
Deux partis politiques, le parti communiste (aujourd’hui le parti démocratique
de la gauche) et la démocratie chrétienne obtenaient régulièrement les plus gros
scores (environ 25% et 40% respectivement). En raison de leurs positions aux
antipodes, la Démocratie chrétienne, qui fait figure de parti dominant a été
régulièrement appelée à composer le gouvernement par des coalitions avec les
autres partis (Parti socialiste, Ligue Lombarde, Parti radical, les verts). Elle a été
pratiquement permanente au gouvernement sur plus de 40 ans.

Les victoires de Berlusconi et son parti « Forza italia » en 1994 et d’une


coalition de centre gauche dirigée par Romano Prodi en 1996 ont rompu avec la
domination de la Démocratie chrétienne sans sortir des cycles de gouvernements
de coalition. Après avoir dirigé seulement trois mois en 1994, Berlusconi est
revenu au pouvoir de 2001 à 2006. En 2006 il a été remplacé par Romano Prodi.
Puis Berlusconi est revenu en Avril 2008, avec une confortable majorité (avec
son allié, La ligue du Nord).

Le changement du système politique et le renouvellement de la classe


politique ont été favorisés par une modification du système électoral en 1993 à
la suite d’un referendum organisé en 1991 sur la question. La représentation
proportionnelle a été remplacée par un scrutin majoritaire à un tour avec un
correctif proportionnel, ce qui en fait un scrutin mixte. Le scrutin était à 75%
majoritaire et 25% à la représentation proportionnelle. Ce mode de scrutin, lié
aux affaires « opérations mains propres » ont entraîné la disparition du parti

28
démocratie chrétienne, de même que son protagoniste le Parti communiste
italien (PCI) a subi des reculs électoraux et a dû se transformer après la
déconfiture des Etas socialistes.

Mais en 2006, Berlusconi était revenu sur le mode de scrutin, en


réintroduisant la représentation proportionnelle, pour dit-on, limiter la victoire
attendue à l’époque, de la gauche dirigée par Romano PRODI.

2) La Belgique

Le royaume de Belgique offre un autre cas de régime parlementaire marqué


par une certaine permanence du gouvernement de coalition autour de trois
grands partis traditionnels (démocratie chrétienne, Parti libéral, parti socialiste).
La constitution établit une monarchie parlementaire (….) mais le système
politique s’est complexifié : à la suite des querelles « ethnique » entre flamands
(néerlandophones) et wallons (francophones) et une petite minorité
germanophone, le pays a glissé progressivement de l’Etat unitaire vers un Etat
fédéral. Les querelles linguistiques ou nationalistes ont aussi entraîné la division
des grands partis en deux branches (flamandes et wallonnes), auxquelles
s’ajoutent une multitude d’autres formations politiques : écologistes,
nationalistes, Wlams blok (extrême droite).

Le système électoral, la représentation proportionnelle, favorise la


représentation au parlement de plus de 10 formations politiques, engendrant de
ce fait une situation où aucun des grands partis ne peut obtenir une majorité
suffisamment large pour pouvoir former seul le gouvernement ou le former avec
un minimum d’alliances. Il en résulte qu’après chaque élection il faut, pour le
parti ou la personne pressentie pour le poste de 1 er Ministre, engager de
laborieuses tractations pour former le gouvernement. Ces négociations peuvent
parfois prendre plusieurs mois (7 mois en 1987 – 88, 100 jours 1991 – 92). En
2008, Yves LETERNE avait été proposé une première fois et avait essayé en

29
vain de composer un gouvernement. Un premier ministre par intérim fut nommé
pour trois mois. Ce fut après cette période que reproposé une seconde fois, les
négociations aboutirent à la formation d’un gouvernement d’union nationale.

De plus, les coalitions gouvernementales sont extrêmement fragiles parce que


la démission d’un ministre allié nécessite souvent l’organisation d’élections
générales pour tenter de recomposer des alliances.

Si, conformément au régime parlementaire, le gouvernement est responsable


devant le parlement – ici composer de deux chambres : le sénat et la chambre
des représentants – la réalité est que le sort du gouvernement est tributaire des
états majors des partis politiques. Ceux-ci font et défont les gouvernements sans
avoir à passer par des motions de censure ou des votes de défiance à la chambre
des représentants. Le Roi, qui propose le 1er Ministre, désigne la personnalité qui
peut réaliser la coalition de gouvernement et non pas nécessairement le parti qui
a le plus grand nombre de députés.

3) La France

Le régime politique français est dans une position intermédiaire entre les pays
à régimes multipartistes marqués par l’instabilité gouvernementale et les
régimes bipartites ou tripartites à grande stabilité gouvernementale. Il présente
de grandes originalités dans l’ossature constitutionnelle. Deux traits de
particularités peuvent être relevés.

a) Le régime constitutionnel

Le premier trait est constitué par le régime constitutionnel. La constitution du


4 octobre 1958 institue un régime parlementaire assez classique avec : un
parlement composé de deux chambres (le sénat et l’assemblée nationale), et un
exécutif bicéphale comprenant un président (chef d’Etat) et un 1 er Ministre
responsable uniquement devant l’Assemblée nationale. Les mesures

30
constitutionnelles de rationalisation du régime parlementaire (limitation du
domaine de la loi et du règlement, limitation des possibilités de renverser le
gouvernement par la motion de censure et le vote de défiance, élargissement des
possibilités de dissolution du parlement), ainsi que les quelques pouvoirs donnés
au Président ne changeaient pas la nature de régime parlementaire.

Par contre, la révision de la constitution le 6 novembre 1962 par référendum


pour permettre l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel va
considérablement modifier la nature du régime. Les quelques pouvoirs conférés
au chef de l’Etat (incarnation de l’unité nationale, veiller au respect des accords
internationaux, nomination du 1er Ministre, recours au référendum) vont pouvoir
être réinterprété dans un sens extensif, c’est-à-dire qu’il s’agit de pouvoirs
propres ; alors que dans les autres pays c’est le 1 er Ministre qui les exerce. Après
cette révision constitutionnelle, l’on considère que le régime est à la fois mi-
parlementaire, mi- présidentiel, en ce sens qu’il ne répond plus totalement à la
logique du régime parlementaire, bien qu’il en garde l’apparence.

b) Le fonctionnement du système politique

Le second trait de particularité, qui provient du fonctionnement du système


politique, réside dans l’existence d’une majorité stable de gouvernement malgré
le foisonnement du nombre de partis politiques. Cette stabilité est surtout due au
mode de scrutin, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours qui, sans
éliminer les extrêmes (de gauche ou de droite) ou les petits ou moyens partis
centristes, favorisent les grands partis politiques. Ainsi de 1958 à 1981 il a existé
une majorité stable de gouvernement autour du mouvement « gaulliste » (RPF-
Rassemblement du Peuple Français-, UNR -Union pour la Nouvelle République-
puis UDR (Union des démocrates pour la République) puis RPR,
Rassemblement pour la République, selon les changements de dénomination)
allés aux républicains indépendants (RI) de Valéry Giscard d’Estaing (le RI est

31
devenu par la suite UDF= Union pour la Démocratie Française). Mais la perte de
la présidence par l’UDR (principal parti se réclamant de Charles De gaulle) au
profit de son allié Giscard d’Estaing en 1974 annonçait déjà une recomposition
des forces politiques, d’autant plus que les partis de gauche s’organisaient dans
un « programme commun de la gauche » signé en 1972 par le parti socialiste de
F. Mitterrand, le parti communiste, le PSU (parti socialiste unifié) de Michel
ROCARD, le MRG (Mouvement des Radicaux de Gauche) de J.J. SERVAN-
SCHREIBER.

La recomposition progressive de la vie politique à partir de 1958 se traduisait


par l’existence de 4 grands partis et deux blocs plus ou moins nettement définis :
à droite le parti gaulliste (UDR) et l’UDF, ainsi que leurs alliés ; et, à gauche le
PS et le PCF ainsi que leurs associés. Ce « multipartisme bipolaire » reposait
toujours sur l’existence d’un parti qui avait une majorité confortable sinon,
souvent, une majorité absolue. La survie du gouvernement ne dépendait pas des
caprices d’un allié comme en Italie, en Belgique ou aux Pays-Bas. Le jeu
politique s’est organisé autour d’une « majorité présidentielle » c’est-à-dire une
alliance de partis qui soutiennent « l’action » du Président de la République
devenu noyau central du régime à la place du 1er Ministre. Ainsi entre 1974 et
1981, V. Giscard d’Estaing, élu Président alors que son parti ne représentait que
la 4ème force à l’Assemblée nationale et en pourcentage de voix (après l’UDR, le
PC, et le PS, voyez Tableau ci-après) a pu gouverner en nommant un 1er
Ministre venant de l’UDR (J. Chirac) puis de son obédience (Raymond Barre).
En 1981, après la victoire F. Mitterrand sur V. Giscard d’Estaing, une
dissolution de l’Assemblée nationale a permis au parti socialiste d’opérer une
razzia et de se faire une majorité confortable malgré un recul du PC qui était son
allié principal de gauche.

Le mode de scrutin, le scrutin majoritaire à deux tours, oblige les partis


politiques et les candidats à la présidence à se ménager des alliances. En effet,
32
au second tour, du fait de l’élimination des candidats moins bien placés, les deux
candidats venant en tête doivent compter sur des reports des voix des électeurs
des candidats éliminés pour espérer l’emporter. Ces reports étant présumés
s’effectuer par proximité idéologique et politique des partis, des alliances
électorales entre les partis politiques sont nécessaires. Par ces alliances, le
candidat battu appelle ses partisans et électeurs à voter pour son allié qui était un
adversaire au premier tour. Ce mode de scrutin pousse à la constitution de deux
pôles par proximité, sans obliger les partis à se fondre en un bipartisme.

A partir de 1986, le système politique français a révélé ses limites avec le


phénomène de la cohabitation dans un exécutif dyarchique. Ce mot désigne la
situation où le chef de l’Etat et le Premier ministre ne sont plus du même bord
politique. Le chef de l’Etat est d’un pôle politique (gauche ou droite) et le
Premier ministre est de l’autre. La majorité parlementaire ne correspond plus
avec la majorité présidentielle. Comme en toute logique, le premier Ministre
doit être désigné au sein de la majorité parlementaire, parce que le chef de
gouvernement a besoin de soutien du parlement pour pouvoir appliquer sa
politique et même pour survivre (risque de vote de défiance ou motion de
censure), le 1er Ministre n’est plus du même bord que le Président de la
république. Au sein de l’exécutif le duo se transforme en situation de duel.

Ainsi en 1986, le président était de Gauche (F. Mitterrand du PS) et le 1er


Ministre de droite (J. Chirac du RPR) ; en 1993, le président était de gauche (F.
Mitterrand) et le 1er Ministre de droite (Edouard Balladur). En 1997, le président
était de droite (Jacques Chirac) et le 1er Ministre de gauche (Lionel Jospin). Pour
éviter un blocage, le régime politique doit être réinterprété dans un sens
purement parlementaire : le chef du gouvernement, issu de la majorité au
parlement, détermine et conduit la politique de la nation sous réserve des
pouvoirs propres conférés au président. Mais l’interprétation de cette réserve fait

33
appel à la sagesse de deux hommes pour éviter les chocs quotidiens sur ce que
chacun peut faire ou ne peut faire.

Cet exemple français montre combien le fonctionnement satisfaisant du


régime parlementaire ou même semi parlementaire est tributaire du fait
majoritaire. Pour que le régime fonctionne sans trop de secousses entre deux
élections législatives et pour que ces élections reflètent un choix global du
politique, il faut qu’un parti politique obtienne la majorité (de préférence
absolue) des sièges au parlement. Ce fait majoritaire est lui-même tributaire – en
grande partie – du mode de scrutin. Le mode de scrutin peut éparpiller ou
concentrer la représentation des partis politiques à l’Assemblée Nationale.

Le système politique français semble évoluer vers un bipartisme imparfait (au


lieu du multipartisme bipolaire), avec une opposition entre le parti socialiste, à
gauche, et, à droite, l’héritier du gaullisme, l’UMP (LR), (Union pour un
mouvement populaire). L’élection présidentielle, qui est structurante dans un
système semi-présidentiel, a régulièrement opposé au second tour, le candidat de
la gauche (du parti socialiste) à un candidat de droite (gaulliste c’est-à-dire RPR
puis UMP) sauf les deux incidents de l’accession des candidats du Front
National notamment Jean-Marie LEPEN (2003) et Marin LEPEN (2017) au
second Tour à l’élection présidentielle. Cette évolution est favorisée par la perte
d’influence électorale du Parti communiste français. Mais certaines données
empêchent la constitution d’un bipartisme parfait ou imparfait :

- Le maintien, à droite, d’un parti centriste (UDF ex. RI de V. Giscard


d’Estaing et récemment le modem de François Bayrou), assez fort sur le
plan électoral et d’une extrême droite disposant d’une assise électorale
significative ;
- A gauche, la montée des partis écologistes et le maintien d’une position
électorale significative du PCF qui empêchent le Parti socialiste d’espérer

34
réunir à lui seule (sauf lors d’une élection anticipée destinée à profiter
d’un climat favorable) la majorité absolue aux élections législatives.

Représentation à l’Assemblée Nationale des 4 principaux partis

1973 1978 1981 (juin) 1986

UDR (puis RPR) 183 154 88 147

PC 73 86 44 32

PS + RG 102 115 286 196

RI (puis PR puis 55 123 62 114


UDF)

Listes des présidents de la République sous la Ve République

1958 – 1969 : Général Charles De Gaulle ;

1969 – 1974 : Georges Pompidou ;

1974 - 1981 : Valéry Giscard d’Estaing ;

1981 – 1988 : François Mitterrand ;

1988 – 1995 : François Mitterrand ;

1995 – 2002 : jacques Chirac ;

2002 – 2007 : Jacques Chirac ;

2007- 2012 Nicolas Sarkozy ;

2012 - 2017: François Hollande.

2017 – 2022 : Emmanuel Macron

35
Section III – Le régime présidentiel : le modèle Américain

Le régime politique américain (USA) est marqué d’une très grande originalité
et l’on peut dire qu’il est unique. Ce caractère de modèle unique tient à plusieurs
facteurs cumulés :

- Le caractère d’Etat fédéral qui, en soi, n’est pas particulier, mais


intervient dans le jeu d’équilibre des pouvoirs (tel le rôle que joue le
Sénat) ;
- La fonction de superpuissance, de première puissance économique et
militaire, qui fait que ce pays influence plus qu’il n’est influencé par
les institutions des autres pays ;
- Une prospérité économique qui fait que le système économique et
politique est peu remis en cause par la population malgré des inégalités
et des injustices criardes ;
- Le système partisan bipartite comme en Grande Bretagne mais avec
deux partis politiques fonctionnant de manière souple ;
- Un système électoral qui soutient le bipartisme et qui donne de
l’élection présidentielle quasiment le caractère d’une élection au
suffrage universel direct ;
- Une capacité d’adaptation de la constitution à l’évolution de la société
et des idées par des amendements, sommes toutes peu nombreux
(moins de trente en 200 ans. 27ème amendements en 1992).

La constitution a été adoptée le 17 septembre 1787 et est entrée en vigueur


en juin 1788 (après la ratification de la Constitution par les Etats du
Maryland, de la Caroline du Sud et du New Hampshire, l’on avait atteint
le total des neuf ratifications). L’on remarque que cette constitution n’a
été adoptée qu’en 1787, soit une dizaine d’année après la proclamation de
l’indépendance en 1776, en raison de 6 années de guerre soutenue contre

36
l’Angleterre à la fois pays colonisateur et pays dont la majorité des
américains sont ressortissants d’origine. Cette guerre ne prit fin qu’en
octobre 1781 et alors s’engagea les négociations pour la constitution d’un
Etat fédéral après la confédération établit le 14 novembre 1777 pendant la
guerre d’indépendance.

En partant des critères d’analyse des régimes politiques des Etats libéraux,
deux traits peuvent être ressortis : le système de partis politiques et la
stabilité absolue de l’exécutif.

Paragraphe 1 - Le système de partis politiques

A l’instar de la Grande-Bretagne, les USA connaissent un bipartisme. Ce


bipartisme est encore plus marqué qu’en G.B. où il existe un troisième parti
visible sur le plan électoral. Aux USA, le jeu politique a toujours été marqué par
l’alternance entre le Parti républicain (symbole : l’éléphant) et le parti démocrate
(symbole : l’âne). Aucun autre parti n’a réussi à s’intercaler entre les deux. La
spécificité du bipartisme américain provient de plusieurs traits, dont les deux
principaux sont l’idéologie et le mode de fonctionnement des partis politiques.

1) Sur le plan idéologique

Sur ce plan, le bipartisme américain n’est pas traversé par les fractures
idéologiques plus ou moins prononcées entre socialiste et conservateur ou
libéraux comme en G.B. et en RFA ou en Europe de manière générale. Les USA
n’ont pas importé les luttes idéologiques entre socialistes, communistes,
libéraux, démocrates chrétiens, etc. Les partis socialistes et communistes ont
tenté de s’y greffer en vain : il y a certes eu la période de répression du
communisme ou supposé tel sous la guerre froide (le Mac carthisme) mais
l’élément fondamental est que ces courants n’avaient pas prise. Les
revendications et particularismes sont portés non pas par des partis politiques

37
mais par des groupes de pressions : mouvements noirs, Ku Klux Klan et lobbies
militaro-industriels.

Certes les démocrates sont présentés comme plus à gauche, un parti plus
social que les républicains taxés de conservateurs et de libéraux. Mais il s’agit
d’une catégorisation européenne. En réalité, chaque parti est traversé par des
différences de sensibilités et de doctrines économiques et sociales peu éloignées.
Le libéralisme économique, et le capitalisme sont largement acceptés comme
base de la société. De même, le partage entre sudistes, réputés favorables au
parti démocrate, et nordistes, favorables au parti républicain, est tout aussi
relatif : il s’agit d’une fréquence de vote majoritaire et non pas d’une véritable
ligne de partage.

2) Sur le plan du fonctionnement des partis

Les deux partis sont caractérisés par une souplesse de fonctionnement et


l’absence de disciple.

La souplesse de fonctionnement se remarque par l’absence d’un appareil


puissant au niveau central. Les partis ont une assiette locale, c’est-à-dire dans
chaque Etat. Au niveau central (fédéral) il y a certes « un comité national » à la
tête de chaque parti mais sans grands pouvoirs. Une convention nationale se
réunit tous les 4 ans mais il s’agit d’un forum et non pas d’une véritable
assemblée décisionnelle qui oriente et dicte une politique. Les partis jouent
beaucoup plus un rôle de sélection des leaders et de clubs électoraux qu’une
fonction programmatique.

L’indiscipline des partis politiques s’aperçoit dans l’expression des diversités


de sensibilités au sein de chaque parti : chacun a ses conservateurs et ses
libéraux, ses sensibilités sudistes ou nordistes (les sudistes par exemple sont
taxés d’être plus conservateurs et racistes).

38
L’indiscipline est favorisée par le système électoral qui fait que l’élection du
parlementaire ne dépend pas du leader du parti. Un sénateur ne doit pas son
mandat au leader même s’il est président en exercice. L’élection présidentielle
n’a aucun effet d’entraînement sur les autres élections (Sénat, chambre des
représentants, gouverneur). Certains ont parlé de « no parti system » (P. Avril
cité par Gicquel, p. 266).

Le système électoral (le système majoritaire de liste) assurant la domination


des deux partis, les campagnes électorales ne reposent pas sur une compétition
idéologique mais sur des programmes pragmatiques destinés à maintenir
l’électorat traditionnel et à convaincre de nouvelles franges de la société (noirs,
immigrés, vieux ou jeunes etc.).

Paragraphe 2 – la stabilité absolue de l’exécutif

L’attrait du régime présidentiel américain, qui a conduit les pays latino


américains et africains à en faire une référence constitutionnelle, est dû à la
stabilité de l’exécutif. Celui-ci est monocéphale et irresponsable devant le
parlement.

1) Le monocéphalisme de l’exécutif

Le Président incarne à lui seul tout l’exécutif. Il n’y a pas de dualisme


président–premier ministre. Comme un monarque, il constitue librement le
gouvernement ou, en réalité, il choisit ses ministres (appelés secrétaires d’Etat)
qui sont ses collaborateurs et ne tiennent leur pouvoir que de lui. Les ministres
ne sont pas choisis parce qu’ils sont des leaders de partis politiques ou des
représentants d’ailes du même parti. Ils ne sont souvent pas des élus (Sénateurs,
représentants ou gouverneurs). Seul le vice-président est choisi en tant que
leader pouvant faire gagner le ticket candidat, généralement parmi les battus
bien placés des primaires des partis. Celui-ci ne constitue pas un contre poids
parce qu’il n’a constitutionnellement aucune attribution si ce n’est la présidence
39
du Sénat à laquelle il peut d’ailleurs renoncer. La seule limite au libre choix des
ministres (15 secrétaires d’Etat assistent le président mais en réalité c’est une
centaine de personnes qui remplissent des fonctions ayant la nature de fonction
de ministre) est la nécessité d’une approbation du Sénat aux nominations à
certains hauts postes (ministre de la justice, représentant dans certaines instances
comme le FMI, chef du FBI ou de la CIA…). Cette approbation est destinée à
éviter des nominations fantaisistes ou hasardeuses et n’est pas une investiture
politique. Il n’y a pas de gouvernement mais un cabinet.

Le Président est donc tout puissant, et cette puissance est favorisée par sa
désignation par élection au suffrage universel juridiquement indirect, mais en
fait quasiment direct après une dure épreuve de désignation des candidats. Les
éléments de sa puissance sont les suivants : il détient le pouvoir réglementaire, il
est chef de l’administration, il est responsable de la politique étrangère, il est le
commandant en chef des forces armées, ses secrétaires d’Etat sont révocables ad
nutum (Lincoln aurait dit : sept oui ou un non et le non l’emporte).

Le président est élu par le collège d’électeurs présidentiels de 538 membres


correspondant au nombre des membres du congrès (100 sénateurs + 435
représentants + 3 électeurs du district de Columbia). La phase décisive est le
processus de désignation des candidats qui se présenteront au choix de 538
électeurs.

Les candidats sont désignés au sein des deux partis politiques soit par des
primaires soit par des caucus selon la procédure retenue dans chaque Etat. La
phase finale dans chaque parti étant la réunion d’une convention en juillet – août
pour investir leur candidat.

Les élections primaires consistent à faire intervenir les électeurs d’un parti
dans la sélection des candidats à la candidature. Ces primaires peuvent être
fermés si les électeurs doivent déclarer préalablement leur appartenance au parti

40
(réduction aux membres du parti). Elles sont ouvertes si peuvent y prendre part
tous ceux qui veulent participer au vote. Il est donc organisé des élections dans
l’Etat ou cette procédure est retenue pour désigner des candidats.

Les caucus sont en principe des assemblées d’adhérents du parti. Ces


adhérents se réunissent en assemblée pour désigner le candidat, ces caucus sont
en réalité ouverts parce qu’il suffit souvent de se déclarer électeur du parti.

La particularité de ces deux formes est que lors de ces élections (primaires)
ou de ces assemblées (caucus), il est élu des déléguées à la convention qui
doivent choisir le candidat. Chaque candidat se bat donc pour réunir le plus
grand nombre de délégués élus sur son nom. Mais il y a aussi les super délégués
constitués des élus et des cadres du parti, qui participent à la convention en étant
libres de leur vote, contrairement aux délégués ordinaires. Ces super délégués,
qui se composent des membres du congrès, des gouverneurs, des membres du
Comité national du parti et autres personnalités influentes, représentent une
certaine proportion des grands électeurs du parti : 796 sur 4049 chez les
démocrates ; 463 sur 2380 chez les républicains. Pour le parti Démocrate, par
exemple, où se sont affrontés Barack OBAMA et Mme Hilary CLINTON, il
fallait obtenir 2025 délégués sur les 4049 pour être désigné à la convention du
parti en fin août 2008 à Denver. Pour les républicains, il faut obtenir 1191
délégués sur 2380.

Le président en exercice qui se représente, est en principe dispensé de faire


les primaires mais il peut le faire pour éviter que le parti adverse occupe seul le
terrain médiatique.

L’élection du Président des Etats-Unis se présente comme une compétition


entre les deux partis. Mais un candidat peut se présenter en indépendant par le
dépôt de pétitions dans le cadre des Etats (Ross PEROT en 1992). Il n’a

41
quasiment aucune chance de passer mais il peut troubler le système en rendant
incertain les résultats des élections des grands électeurs.

Le président est élu au scrutin de liste majoritaire à un tour. Théoriquement,


le suffrage est indirect dans la mesure où la campagne électorale s’ouvre pour la
désignation des grands électeurs dans le cadre de chaque Etat. L’Etat a donc
droit à un nombre d’électeurs égal à celui de ses parlementaires ou congressmen.
Le candidat qui a obtenu la majorité simple des voix emporte tous les mandats
de grands électeurs dans cet Etat (majorité de listes à un tour).

Les grands électeurs se réunissent le mardi qui suit le premier lundi de


novembre pour élire le Président. Cette réunion est en principe purement
formelle parce que l’on sait déjà, au vue des résultats des élections des grands
électeurs qui des deux candidats est élu.

En résumé, la logique de ce système peut être présentée comme suit :

- Ce sont les Etats qui élisent les présidents (puisque les grands électeurs
viennent avec mandat de choisir tel candidat) ;
- Chaque Etat désigne ses mandataires pour aller à l’élection du Président
(au lieu de donner mandat à ses parlementaires où à des diplomates ou au
gouvernement de l’Etat) ;
- Pour désigner ses mandataires, chaque Etat organise des votes au scrutin
majoritaire de liste et sont désignés les membres de la liste qui a obtenu la
majorité ;
- Les listes à la désignation des mandataires étant constituées sur la base
que l’Etat se prononce pour tel ou tel candidat, les membres de la liste
élue ont un mandat impératif, celui de voter pour le candidat en question ;
- En cas d’égalité, il revient au Congrès de désigner le Président.

Les inconvénients de ce système que les auteurs relèvent sont de deux


ordres :
42
- En raison du scrutin de liste majoritaire à un tour, un Président peut être
élu sans avoir la majorité des voix au niveau national ;
- En raison de la possibilité de la candidature indépendante : il peut se
produire une situation ou les traditions peuvent conduire à l’élection d’un
candidat qui n’apparaissait pas comme le vainqueur. De plus en cas
d’égalité, il peut revenir au congrès de désigner le Président.

L’avantage du système est que le Président élu apparaît comme quasiment


désigné au suffrage universel. La campagne électorale est d’ailleurs analogue à
une campagne d’élection au suffrage universel successivement dans chaque Etat.

En tout état de cause le système électoral assure au Président la légitimité


d’un Président élu au suffrage universel.

2) L’irresponsabilité devant le parlement

La constitution garantit au Président l’irresponsabilité politique devant les


chambres du congrès (Sénat ou chambre des représentants) qui ne disposent ni
de la motion de censure ni d’un vote de défiance devant entraîner sa démission.
De plus le président dispose avec le droit de veto d’un moyen de se défendre
face à un parlement (congrès) qui voudrait indirectement lui imposer une
politique à suivre. Les situations d’affrontement entre le Président et le congrès
sont rares car le système politique ne repose pas sur le phénomène majoritaire :
la majorité au Sénat ou à la chambre des représentants n’est pas la majorité du
Président ou « majorité présidentielle ». Les parlementaires se prononcent sur
les cas qui leur sont soumis et non en fonction d’une discipline de parti.

Le Président est non seulement irresponsable mais aussi il a la garantie de


pouvoir déterminer et conduire sa politique, sous réserve d’obtenir du congrès le
vote de son budget ou des crédits spéciaux nécessaires lors des opérations
exceptionnelles d'une certaine envergure.

43
CHAPITRE II- LES INSTITUTIONS POLITIQUES EN AFRIQUE

L’étude des institutions politiques des Etats africains doit nécessairement être
replacée dans le contexte spécifique de ce continent. L’Afrique, qualifiée de plus
vieux continent, est composée d’une cinquantaine d’états ayant accédé à
l’indépendance très récemment, puisque le plus grand nombre a accédé à
l’indépendance dans les années 1960. L’Afrique fait partie des pays du tiers-
monde. Même si cette classification tend à tomber en désuétude depuis « la
chute du mur de Berlin », elle permet de comprendre l’évolution politique de ces
pays.

Le tiers-monde est composé d’Etats venus tard dans l’arène mondiale, pour
avoir été colonisés ou dominés par les pays européens et d’Amérique du Nord.
Après leurs indépendances, qui datent de la fin du 19 ème siècle, pour l’Amérique
latine, à la moitié du 20ème siècle pour l’Afrique, ils continuent en général de
subir une domination économique et culturelle. Ainsi, système libérale et
système socialiste étaient les deux modèles d’institutions politiques qui
s’offraient à eux après la seconde Guerre mondiale.

Ces pays du tiers –monde, notamment d’Amérique latine et d’Afrique se


doteront, tout au moins au départ, d’institutions de type libéral, de forme
parlementaire ou présidentielle. Les raisons de ce choix sont multiples :

- en premier lieu, c’était, avant la révolution soviétique de 1917, le seul


système d’organisation politique moderne qui s’offrait à eux, si l’on
excepte la révolution mexicaine de 1910 inspirée de l’idéologie socialiste
(V. Jacques Lambert, Amérique latine, structures sociales et institutions
politiques, Thémis, PUF, 1963 p. 325) ;
- en second lieu, les élites de ces pays avaient subi l’influence culturelle des
Etats occidentaux ou s’étaient même formés dans ces pays.
44
- troisièmement, le choix du modèle occidental résulte de l’effet général de
la domination économique et culturelle, qui faisait apparaître les règles
essentielles de la séparation des pouvoirs comme un élément nécessaire de
la démocratie. L’idée même de démocratie s’est imposée dans la lutte
contre le colonisateur ;
- quatrièmement, à ces facteurs, il faut ajouter le fait que, comme l’illustre
le cas de l’Afrique, par le jeu des accords de coopération, les experts de la
métropole ont participé directement à la rédaction de la constitution de ces
pays.

Les principes du gouvernement démocratique seront ainsi consacrés, par


emprunt culturel des élites et par rejet des institutions politiques et sociales
traditionnelles, considérées comme archaïque. Après la seconde guerre
mondiale, on verra se développer, dans les pays du tiers monde, les emprunts au
système socialiste (Cuba, Chine etc.) ou de tendance socialiste, ou encore des
choix électriques de certains modes de fonctionnement d’institutions socialistes
(le parti unique notamment).

Dans l’ensemble, si le modèle de démocratie libérale était dominant, le


constat peut être fait de difficultés d’application des modèles libéraux
originaires. Cette inadaptation avait conduit à un rejet du système parlementaire
aussi bien en Amérique latine qu’en Afrique. Ce rejet se traduisait par l’adoption
du régime présidentiel américain ou du régime parlementaire rationalisé
français. Certains pays du Tiers-monde notamment les pays arabe dont la Lybie
en offre l’illustration- ont prétendu rejeter à la fois les deux modèles, mais bien
moins qu’un rejet, il s’agit d’une intégration de ces deux modèles dans des
institutions inspirées de sources coraniques ou traditionnelles (exemples :
« troisième voie » de M. Khadafi et « authenticité » de Mobutu).

45
Nous nous limiterons dans ce chapitre aux difficultés d’adaptation du modèle
libéral en Afrique, qui s’est traduit par des échecs aussi bien du régime
parlementaire que du régime présidentiel, à quelques rares exceptions près. Mais
après l’effondrement du socialisme, l’on assiste à un retour à la démocratie
libérale. C’est ce que nous verrons dans les deux sections qui suivent.

SECTION I – LES DIFFICULTES D’ADAPTATION DE LA


DEMOCRATIE LIBERALE

L’on peut parler d’échec du modèle classique de démocratie libérale, mais


l’expression échec doit être relativisée. En effet, de nombreux auteurs l’ont
montré, nul part ailleurs, le régime parlementaire classique ou le régime
présidentiel n’est aujourd’hui appliqué dans sa version théorique. Aussi bien en
Grande –Bretagne qu’aux Etats-Unis, les versions théoriques de ces régimes ont
subi des déformations dans leurs fonctionnements pratiques. Mais ces
déformations constituent une adaptation du régime politique aux nécessités
d’évolutions des systèmes par rapport à l’évolution des forces sociales et par
rapport à l’évolution des processus de décision dans les domaines politique ou
économique. Au contraire, dans les pays d’Afrique et d’Amérique latine, les
déformations traduisaient une inadaptation des institutions aux systèmes
sociaux. En effet, l’Afrique en particulier est caractérisée, sur le plan
sociologique, par une grande diversité ethnique, linguistique et religieuse.

Sur le plan économique, elle était et est composée de pays dont la population
est à grande majorité rurale et pratique une agriculture de subsistance. L’absence
de nation, l’analphabétisme et l’étroitesse numérique des élites font que le
système de la démocratie représentative ne peut être compris et fortement
soutenu par une idéologie politique partagée. Il ne s’agit pas de dire que la
démocratie est un luxe mais de reconnaître qu’elle ne bénéficie pas d’une grande

46
assise sociale. Les troubles ethniques ou économiques plongent ces pays dans
l’instabilité politique, conduisant à la recherche des voies énergiques de
gouvernement.

L’inadaptation du jeu démocratique libéral, reposant sur un consensus sur les


règles, s’est d’abord révélée dans la question des choix institutionnels (§1). L’on
a constaté l’abandon quasi général du régime parlementaire, mais du régime
présidentialiste qui désigne une forme volontaire déformée dès le départ, du
régime présidentiel. Cette déformation est faite au profit de l’exécutif, alors que
le régime présidentiel est décrit comme celui d’un équilibre rigide des pouvoirs.
Puis le modèle libéral a été progressivement et quasiment récusé (§2).

§1 – Les problèmes de choix institutionnels

La démocratie libérale pouvant se réaliser dans une diversité de régimes


politiques (régime d’assemblée, présidentiel, parlementaire ou semi-
présidentiel), l’on constate des hésitations, dans les premières années des
indépendances, sur le choix de régime politique. Ces hésitations se constatent
dans l’abandon du système parlementaire hérité du pays colonisateur en faveur
du régime présidentiel dès avant les années 1970.

1) L’abandon du régime parlementaire

Les premières constitutions des Etats africains (subsahariens) ont été


tributaires des modèles métropolitains, d’autant plus que ces constitutions sont
apparues dans le cadre du maintien de relations juridiques avec la métropole.
Ainsi, les constitutions de 1959 des Etats francophones reprenaient en gros la
constitution française de 1958. En effet, ces Etats étaient encore membres de la
communauté franco-africaine (française), comme d’ailleurs les Etats
anglophones allaient à l’indépendance en étant membres du Commonwealth (ex.
Kwame Nkrumah a d’abord été Premier ministre du Ghana, la Reine
d’Angleterre étant le chef d’Etat).
47
Les Premières constitutions des Etats anglophones étaient de type monarchie
parlementaire à l’exemple de celle de la Grande-Bretagne. Au sein du
Commonweath, la reine d’Angleterre était le Chef de l’Etat, les Etats africains
nouvellement indépendants ne se dotant que de Premiers ministres. Il en était
ainsi, par exemple dans les constitutions du Ghana de 1957, du Nigéria de 1960,
de l’Ouganda de 1961. Puis, dans un second temps, ces Etats anglophones vont
se transformer en Républiques (dès les années 60).

La généralisation du régime présidentiel était favorisée (ou provoquée) par la


tendance à la personnalisation du pouvoir et à l’instauration de partis uniques ou
de partis dominants. Elle consacre l’inadaptation du régime parlementaire dans
des Etats à la recherche de la construction de la nation, soumis à de nombreuses
forces centrifuges internes (ex : tribalisme ou régionalisme, difficultés
économiques, sociétés dualistes) et externes (influence prépondérante des
marchands étrangers, pressions (politiques et économique des métropoles). Ces
régimes présidentiels glisseront vers ce que l’on appelle péjorativement le
régime « présidentialiste ».

2) L’instauration de régimes présidentialistes

Officiellement, les constitutions proclament instaurer le régime présidentiel.


Le régime présidentiel se caractérise par deux traits principaux et revêt une
signification politique particulière. Le régime présidentialiste est le produit de
déviations ayant pour sources des emprunts multiples.

a) Les deux traits principaux qui le distinguent du régime parlementaire


(caractérisé par la distinction entre chef de l’Etat et chef du gouvernement, la
responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée) et du régime d’assemblée
sont :

- 1er l’égalité entre l’exécutif et le législatif, accompagnée de


l’indépendance du pouvoir judiciaire.
48
- 2ème le caractère monocéphale de l’exécutif.

L’égalité entre l’exécutif et le législatif est assurée par la plénitude de chaque


organe dans ses fonctions (irresponsabilité du chef de l’Etat et impossibilité de
dissoudre le parlement), et par la possibilité d’obstruction mais non d’imposition
d’un organe sur l’autre : l’exécutif peut par exemple opposer le véto à un texte et
refuser de le promulguer ; le parlement peut refuser de voter le budget ou de
ratifier un accord.

Le caractère monocéphale de l’exécutif par le fait que le président de la


République est élu par le peuple et est responsable devant lui seul. Le Président
nomme librement les membres du gouvernement qui ne répondent que devant
lui. La nomination d’un Premier ministre ou président du conseil des ministres
apparaît alors superflue.

b) Sur le plan de sa signification, le régime présidentiel (V. André De


Laubadère) est historiquement issu de la monarchie limitée ; il traduit
politiquement une volonté de limiter le pouvoir étatique (en l’éparpillant par des
freins et contrepoids), et donc un libéralisme politique ; et idéologique, il vise à
instaurer un gouvernement modéré (doctrine libérale).

c) Le présidentialisme est une déviation du régime présidentiel, déviation


résultant de simples glissements dans la pratique politique ou alors de tentatives
de l’appliquer hors contexte comme en Amérique latine et en Afrique. Ainsi, les
présidentialismes latino-américains et africains se rapprochent, si l’on considère
l’inadaptation du contexte socio-économique et leurs vies politiques agitées
(coup d’Etats, instabilité constitutionnelle…). Mais ils se dissocient quant à la
source d’inspiration et dans les tentatives, en Amérique latine, d’instaurer
certains mécanismes de garantie telle que le « non continuisme », c’est-à-dire la
limitation du nombre de renouvellement possible du mandat présidentiel.

49
Les Etats africains vont évoluer dès les premières années des indépendances
vers une concentration des pouvoirs. Cette concentration se manifeste à travers
le passage d’Etats fédéraux à des Etats unitaires ou la régression de la
décentralisation administrative ; le passage du parlementarisme au
présidentialisme ; le passage du multipartisme au parti unique (de droit ou de
fait) ou au parti dominant ; le renforcement de l’exécutif et la personnalisation
du pouvoir.

d) Le présidentialisme africain se caractérise par des emprunts multiples :


emprunt limité au système des Etats-Unis d’Amérique ; emprunt à la
constitution française de 1958 ; emprunt allant croissant au système soviétique.

L’emprunt au régime politique des Etats-Unis se limite à quelques aspects :


l’élection du président au suffrage universel, le fait que le Président est
l’exécutif (le système ne comprend normalement pas un premier ministre, mais
il arrive qu’un premier ministre soit institué dans un but de déconcentration (ex.
Sénégal, Cameroun) ; l’attribution du droit de veto au chef de l’Etat. Ce droit de
veto peut se présenter sous la forme particulière du veto suspensif (Algérie,
Mali, Sénégal, Egypte, Tanzanie », Zambie).

L’emprunt à la constitution française de 1958 est le fait des Etats


francophones d’abord, mais aussi des Etats anglophones (on dit que la
constitution ghanéenne de 1960 présidentialise le régime parlementaire) et
lusophones. Ainsi, ces constitutions reconnaissent t-elles au Président le droit de
nommer et révoquer le Premier ministre et les ministres, de dissoudre
l’Assemblée nationale, de recourir au référendum et de s’attribuer les pleins
pouvoirs en cas de crise (à l’instar de l’art. 16 de la constitution française). On y
introduit les éléments de rationalisation du jeu parlementaire français c’est-à-
dire la limitation du domaine législatif ; la possibilité de mettre le budget en
vigueur par ordonnance s’il n’a pas été voté dans les délais ; la procédure de

50
vote bloqué sur un texte à la demande de l’exécutif ; etc. en contrepartie, la
motion de censure (institution du régime parlementaire) est accordée à
l’Assemblée, avec des mesures visant à restreindre son exercice (majorité
qualifiée, délai de débat, interdiction pour un député d’en signer d’autres dans
un délai défini).bien plus, l’on assistera à un rejet du modèle libéral qui se
traduira dans les emprunts au système socialiste.

§ 2 – Le rejet du modèle libéral

Le rejet du modèle libéral se constate dans l’évolution vers le parti unique et


dans les emprunts au modèle soviétique.

1) Le modèle du parti unique

L’emprunt au constitutionnalisme soviétique concerne généralement l’idée de


parti unique et sa structuration : le parti emprunte la même structuration
hiérarchisée avec des organes analogues au comité central et au bureau
politique. Le Président est le chef du parti (Président partisan) et non plus,
comme dans les régimes parlementaires européens, un personnage qui, même
s’il est issu d’un parti politique, doit se poser en arbitre au-dessus des partis
politiques. A l’instar du régime soviétique, le rôle dirigeant du parti dans la
société est affirmé : c’est le parti qui oriente, au moins en théorie, les activités
des organes d’Etat, c’est-à-dire du parlement et du gouvernement. Le parti a, de
manière générale, un rôle de mobilisation des masses et d’orientation de la
société.

Par contre, en Afrique, dans la majorité des cas, le parti n’affiche pas une
idéologie déterminée. Comme le note M. Bernard Chantebout, le monopartisme
dans le tiers-monde ne répond pas au même but que dans les régimes
communistes : « l’objectif de ces partis n’est pas de transformer la société à la
lumière d’une idéologie, mais simplement d’empêcher la naissance d’une
opposition susceptible de menacer les gouvernants en place ».
51
2) La conception de l’Etat

Mais l’influence du régime soviétique, comme le note Joseph OWONA, va


au-delà de l’imitation des structures partisanes, surtout dans les pays à
orientation socialiste (V. Joseph. OWONA, L’influence du constitutionnalisme
soviétique en Afrique Noire, RJPIC, n° 4, 1983, pp. 741 et s.). Les constitutions
de certains Etats font des emprunts à la conception soviétique de l’Etat dans les
domaines de la nature de classe et de la forme de l’Etat ; de l’agencement des
pouvoirs en régime d’assemblée ; des objectifs économiques et sociaux assignés
à l’Etat. Par exemple, en ce qui concerne la forme de l’Etat, l’article 3 de la loi
fondamentale du Bénin faisait de ce pays « un Etat unifié multinational » (V.
Loi fondamentale de la République populaire du Bénin de 1977, Penant n° 769,
p. 288 et s. n°770, 1980, pp. 1 à 440 ; Afrique contemporaine, n° 93, sept. Oct.
1977, pp. 23 à 36). En ce qui concerne la nature de classe de l’Etat, le Bénin et
le Congo s’y référaient explicitement pour le premier (article 2 de la loi
fondamentale) et implicitement pour le second. Le rôle directeur de l’Etat dans
le processus de développement économique, social et culturel était affirmé dans
les Etats à orientation socialiste (par exemple : art. 8 de la const. De 1973 en
Guinée Bissau ; art. 3 de la const. Du 20 juillet 1975 du Mozambique ; au Congo
dans les constitutions successives ; et même dans la constitution de certains Etas
comme le Cameroun (thèse n° 21 de la charte de 1972). Certains Etats
épousaient même l’agencement du pouvoir en régime d’assemblée comportant,
d’une part, une certaine distinction entre « pouvoir d’Etat » exercé par les
organes populaires et pouvoir administratif exercé par le gouvernement et,
d’autre part, la confusion des pouvoirs d’Etat. Ces emprunts que l’on retrouvait
dans la constitution guinéenne de 1958, dans les constitutions de la Guinée
Bissau, du Bénin (art. 41), du Mozambique, de l’Angola etc., étaient plus ou
moins poussés.

52
Dans l’ensemble, les emprunts au système soviétique, de même qu’au
système français ou des USA, servaient à renforcer le pouvoir de l’exécutif. Que
ces pays aient voulu créer un régime présidentiel (dans la majorité des cas) ou
instaurer des formes collégiales de gouvernement, la pratique a donné naissance
à des régimes présidentialistes.

§ 3 – Les exceptions à l’échec du modèle libéral

(V. Christian COULON, Le Sénégal : développement et fragilité d’une semi-


démocratie, in Larry DIAMOND, Juan J. LINZ et Seymour Martin LIPSET : les
pays en développement et l’expérience de la démocratie, Nouveaux Horizons,
1990, pp. 603 à 654 ; S.KEITH PANTER6BRICK, trois exceptions à la règle :
le multipartisme à Maurice, au Botswana et au Nigéria, in Gérard CONAC (sous
la direction), l’Afrique en transition vers le pluralisme politique, Economica,
1993, pp. 423 à 446 ; Stéphane BERNARD, Les élections générales d’octobre
1989 au Botswana : l’apparence de la continuité et de la permanence, in Travaux
et documents du Centre d’Etude d’Afrique Noire, n° 27, 1990 ; Paul LEROY,
Les régimes politiques du monde contemporain, Tome 3, les régimes politiques
du monde contemporain, tome 3, le régimes politiques des Etats du tiers monde,
(pp. 82 et s. pour l’Inde et le Venezuela°.

Que ce soit en Amérique latine ou en Afrique, quelques pays ont réussi à «


institutionnaliser quelques aspects essentiels de la démocratie, à savoir des
élections libres et loyales, le respect de la constitution, le pluralisme des partis »
(Cf. S. Keith Panter-Brick, ci-dessus cité, p. 423). Les exemples les plus avérés
de succès sont les cas du Botswana et de l’Ile Maurice. Mais certains autres pays
comme le Sénégal ont maintenu vaille que vaille le pluralisme politique.

53
1) Le cas du Botswana

Le Botswana (pays d’Afrique australe de 570.000 km² et d’environ 1,5 à 2


millions d’habitants) est pratiquement le seul pays africain à avoir pratiqué sans
interruption le multipartisme et les élections pluralistes conformément aux
principes de la démocratie libérale. Protectorat britannique depuis 1885, il
accéda à l’indépendance en 1966, après des élections générales organisée en
1965. Le BDP (Botswana democratic party), dirigé à l’époque par Seretse
KHAMA, remporta ces élections face à deux adversaires principaux, le BPP
(Botswana people’s party) et le BIP (Botswana Indépendance party).

Depuis lors le BDP a établi son hégémonie en remportant largement les


autres élections face aux autres partis dont les deux anciens (le BPP et le BIP), et
des formations postérieures, le BNF (Botswana national front), le BPU
(Botswana progressive union).

Malgré la longue domination d’un seul parti, le jeu est reconnu démocratique
parce que les élections sont organisées de manières satisfaisantes : le processus
est libre et impartial, le résultat étant accepté, après les recours juridictionnels
éventuels. La domination du BDP est imputable à un certain nombre de facteurs
et non à la fraude.

Ces facteurs sont de deux ordres

Le premier tient au système électoral qui avantage le BDP de deux manières :


par les effets du mode de scrutin, le scrutin majoritaire à un tour, héritage du
système britannique, qui amplifie le résultat du vainqueur en terme de nombre
de sièges (v. Stéphane BERNARD, op. cit. p. 7 : « le choix du scrutin à un tour
est habituellement lié au bipartisme qu’il contribue à renforcer et à perpétuer en
éliminant les petits partis au moins sur le plan parlementaire) ; et dans une
certaine mesure le découpage des circonstances électorales qui sur-représente les
zones rurales. Mais dans les deux cas, le régime électoral est accepté, peut-on
54
dire, culturellement, et ne résulte pas d’un pur artifice pour favoriser le parti au
pouvoir.

Le second facteur tient aux raisons historiques et politiques de l’hégémonie


du BDP. Ce dernier a bénéficié au départ de la double légitimité de son leader,
celle de la naissance et celle de l’élection. En effet, Seretse KHAMA était fils du
roi Sekgoma II. Ce parti bénéficiera ainsi du vote ethnique de l’ethnie
majoritaire et par la suite du soutien constant des ethnies majoritaires. Par
ailleurs, ce parti a su s’attirer le soutien ou la bienveillance des puissances
(Grande Bretagne et Afrique du sud) par une politique conciliante vis-à-vis de
l’Afrique du sud, face aux positions radicales de ses deux adversaires (le BIP et
le BPP). La position dominante du BDP s’explique donc, selon Panter-Brick,
« par sa politique conciliante envers l’Afrique du sud et grâce à sa double
légitimité ».

Certes, le système politique a fonctionné longtemps dans le cadre d’un parti


dominant, mais les éléments essentiels de la démocratie libérale étaient
pleinement réunis : liberté de la presse, pluripartisme, élections loyales.

2) Le cas de l’Ile Maurice

La République de Maurice (constituée de l’Ile Maurice et de l’Ile de


Rodrigues) est située dans l’océan indien, dans l’archipel de Mascareignes, au
sud-Est de l’Afrique. Elle se situe à 900 km à l’est de Madagascar et à 250 km
de la Réunion. Indépendante depuis le 12 mars 1968, elle compte une population
d’environ un million deux cent quarante mille (1 240 000) habitants pour une
superficie de 2040 km² (dont 1865 km² pour l’Ile Maurice).

L’Ile Maurice se rapproche de la situation de l’Afrique par le pluralisme


ethnique mais s’en différentie par un contexte culturel où se croisent les
cultures : hindoue, européenne, créole… L’Ile compte en effet, plus de 50%
d’hindous arrivés vers le 19è siècle, plus de 16% de musulmans venant de
55
l’immigration indienne, près de 3% de sino-mauriciens et environ 28% de blancs
et de créoles qui constituent la première vague d’immigration de colons français
avec leurs esclaves venus d’Afrique.

Loin d’occulter cette diversité ethnique, le système politique retenu à


l’approche de l’indépendance la reproduit à travers le système électoral : les
communautés ethniques sont classées en 4 catégories lors des élections ; chaque
électeur doit déclarer appartenir à une des catégories ; hindoue, musulmane,
sino-mauricienne, ou population générale (anciens colons français et leurs
esclaves venus d’Afrique et de Madagascar qui sont en fait les Premiers
immigrants). Le système politique reproduit la diversité ethnique.

Au parlement qui compte une seule chambre, une partie des députés (60 sur
70) est élue à la majorité simple et au scrutin uninominal dans une vingtaine de
circonscriptions. Dans la circonscription, l’électeur à trois voix et élit trois
députés. Sur les autres sièges (10), huit sont réservés aux « perdants les mieux
placés » (à l’exclusion des candidats indépendants).

Les partis politiques se sont organisés en tenant compte de cette diversité


ethnique et en se présentant comme les représentants principaux de tel ou tel
groupe ethnique mais pas exclusivement, chaque parti essayant de présenter un
large éventail de candidats.

En gros, les partis en lice à l’approche des indépendances, en 1967 étaient :

- Le PMSD (Parti Mauricien Social Démocrate), plus proche de la


population générale avec comme leader Gaston DUVAL ;
- L’IP (Parti de l’Indépendance) comptant plus de candidats hindous et
qui est une alliance de partis politiques : MLP (Parti mauricien
travailliste), CAM (Comité d’action musulmane) dirigé par
Seewoosagur RAMGOOLAM.

56
Plus tard apparaîtra le MMM (Mouvement Militant Mauricien), dirigé par
Paul Bérenger qui commença à émerger aux élections de 1976.

Aux élections de 1976, trois partis principaux animaient la scène politique :

- L’I.P. (alliance du MLP et du CAM)


- Le MMM ;
- Et le PMSD.

Aucun parti n’avait la majorité parlementaire,

Les élections de 1982 donnèrent la victoire au MMM allié à un nouveau


parti, le PSM (Parti socialiste mauricien, issu d’une scission du MLP). Leur
victoire fut écrasante, mais ne conduisit pas au parti unique comme certains
l’avaient craint.

Par suite de divergence au sein du MMM (entre Bérenger et Jugnauth) le


parlement fut dissout en 1983.

Les élections successives montrèrent que les alliances étaient nécessaires


pour gagner des élections, mais ne produisaient pas de majorité stable. Il y a de
plus en plus de coalitions gouvernementales avec une certaine stabilité des
protagonistes qui alternent au pouvoir, si ce n’est le même premier ministre qui
est appelé à recomposer le gouvernement (ex. RAMGOOLAM fut premier
ministre de 1963 à 1982 et JUGNAUTH à partir de 1983.

Mis à part ces deux cas, le Sénégal peut aussi être considéré comme un Etat
où le fonctionnement régulier d’institutions démocratiques pluralistes a existé.
Preuve de la recherche d’un modèle parlementaire majoritaire, ce pays a même
tenté (comme la 3ème république de l’ex. Haute-Volta), de mettre en place un
bipartisme ou un tripartisme forcé (reconnaissance de l’existence légale des trois
partis politiques les mieux placés après une élection de mise en place des
institutions constitutionnelles). Au-delà de cette expérience originale, le Sénégal

57
a connu une continuité constitutionnelle depuis 1960. Ce fait n’est pas
particulier (car c’est le cas également de la Côte d’Ivoire) mais il témoigne
d’une certaine stabilité institutionnelle. De plus, le Sénégal a connu des élections
régulières depuis 1963. Depuis 1978, les élections opposent plusieurs partis
politiques. A part l’intermède des premières années où l’opposition entre le
Président de la république et le Premier ministre, Mamadou DIA a failli
compromettre l’existence d’une opposition, le pluralisme politique a toujours
existé. Ni la constitution, ni le code électoral sénégalais ne faisait d’exclusive en
consacrant un parti unique.

Mais comme le remarque Sérigne DIOP (La transition démocratique :


l’exemple de Sénégal, in G. CONAC (sous la direction), op.cit., pp.379 et s.), à
propos du manque d’aura de cette expérience, « objectivement la vie politique
est mal vécue, souvent mal exprimée et cela depuis 1960 mais surtout depuis
1983 ». Pour lui, les raisons de ce scepticisme à l’égard de la démocratie
sénégalaise tiennent :

- à l’absence d’alternance sur une période jugée trop longue ;


- à la contestation des élections et au climat de violence politique depuis
1978 ;

La faible audience de cette expérience tient donc au mauvais fonctionnement


de la démocratie durant la période. Mais il n’en demeure pas moins que cette
persévérance à maintenir les conditions minimales de pluralisme politique
mérite d’être soulignée.

SECTION II – LE RETOUR A LA DEMOCRATIE LIBERALE

La déconfiture politique et économique de l’Europe de l’est a été un


accélérateur de la démocratisation ou libéralisation des systèmes politiques en

58
Afrique. Il serait inexact de ne voir que ce facteur externe, qui a lui seul ne
suffirait pas. En Afrique, sur le plan interne, il y a eu des expériences de
démocratie libérale, généralement limitées et, surtout, l’on remarque un certain
essoufflement économique et politique qui s’exprime par divers indices :

- Le premier indice concerne les pays à orientation socialiste, qui étaient


manifestement dans l’impasse sur le plan de la politique économique.
C’était le cas du Bénin, de la Guinée et même de la République
populaire du Congo (ou Congo Brazza) ;
- Le second indice est que les Etats restés dans la mouvance libérale
dont le secteur public s’était toutefois considérablement développé,
selon une tendance de politique économique qui était générale,
connaissaient aux aussi une situation de crise économique (ex. crise de
cacao et du café en Côte d’Ivoire ; crise des entreprises publiques un
peu partout).

La situation économique et politique était plutôt tendue à la fin des années


1980. L’effondrement des régimes dits de « démocratie populaire » ne pouvait
que favoriser un retour quasi-général, à terme, à la démocratie libérale. Le coup
de pouce sera donné par les Etats occidentaux qui menaçaient les régimes qui ne
voudraient pas se libéraliser de couper ou de réduire leurs soutiens financiers.
C’est ainsi que le discours de François Mitterrand à la Baule en 1990, lors de la
Conférence France –Afrique, passe pour le facteur déclencheur de la
démocratisation en Afrique francophone. L’observation que l’on peut faire est
qu’il serait plus juste de dire que le mouvement de libéralisation est dû à la
conjonction des deux facteurs externes et internes : les facteurs internes
(difficultés économiques et politiques provoquant des grèves et des
revendications de changement politique) et externes (effondrement d’un référent
socialiste et pressions occidentales) poussaient au retour au libéralisme politique
et économique.
59
Ce retour au libéralisme, dit transition démocratique, se fera par des voies
différentes d’un pays à l’autre (§1). Aujourd’hui, l’on constate une diversité de
régimes politiques, du point de vue du choix entre le modèle parlementaire, le
modèle présidentiel et le modèle semi-présidentiel (§2).

§ 1 – Les transitions démocratiques

Les années 1990 resteront dans l’histoire comme une période de rupture
marquée par la vague de transition démocratique, principalement en Europe de
l’Est et en Afrique, le mouvement de transition démocratique semblant avoir été
antérieur en Amérique latine.

La déconfiture économique et politique de l’Europe de l’est a été un


accélérateur des pressions internes et externes pour la libéralisation des systèmes
politiques. Un des traits particuliers de cette libéralisation a été l’engouement en
Afrique pour la voie de la conférence nationale souveraine comme mode
d’organisation de la transition vers la démocratie.

Une distinction peut donc être faite entre les transitions opérées sans
conférence nationale souveraine et les transitions à l’aide de conférences
nationales souveraines, même si le succès de la transition ne dépend pas du
choix de l’une ou l’autre voie.

1) Les transitions sans conférence nationale souveraine

L’absence de CNS ne signifie pas qu’il n’y a pas eu discussion ou


négociation sur les réformes à opérer. Ces négociations ont été faites dans les
cadres formels ou informels qui ne réalisaient pas ce qui fait la particularité
juridique de la CNS, la dépossession des gouvernants (exécutif et parlement le
cas échéant) de l’essentiel de leurs pouvoirs. A l’intérieur des pays qui ont
réalisé la transition sans CNS, une distinction peut être faite entre les Etats qui
ont opéré la démocratisation en ayant recours à l’adoption d’une nouvelle

60
constitution et ceux qui ont seulement procédé à une révision de l’ancienne
constitution. Certains comme le Burkina Faso, qui ont adopté une nouvelle
constitution, ont connu des instances du genre conférence mais non souveraine.

a) Se classent parmi les pays qui ont seulement procédé à une révision de
l’ancienne constitution, le Sénégal et la Côte d’Ivoire.

Le Sénégal bénéficie d’une longue pratique du pluralisme politique, surtout


depuis les années 1980, à la faveur de révisions successives de la constitution
adoptée par référendum du 3 mars 1963, promulguée le 7 mars 1963. Mais la
vague de revendications de démocratisation des années 1990 n’y a pas moins
provoqué des secousses et une dévalorisation, sur le plan interne, de son
expérience de libéralisme politique. Les nombreuses révisions constitutionnelles
(1991, 1992 et 2 mars 1998) ainsi que les révisions du code électoral, attestent
des efforts de réadaptation de ce pays au nouveau contexte.

La Côte d’Ivoire a également opéré une transition sans changement de sa


constitution du 3 novembre 1963 qui institutionnalisait le multipartisme.
L’abandon du parti unique de fait (non prévu par la constitution) s’est fait sous
la pression des évènements sans recours à une nouvelle constitution. Les
révisions constitutionnelles visant à réaménager les organes institués ont été
l’œuvre du pouvoir constituant dérivé.

b) Le Burkina Faso peut aussi être rangé dans la catégorie des Etats qui ont
réalisé la transition sans conférence nationale souveraine, que le processus ait
été différent de ceux du Sénégal et de la RCI. La différence se situe d’abord
dans le fait que le Burkina Faso se situe dans les pays qui ont recours à
l’adoption d’une nouvelle constitution soit parce qu’il n’y avait pas de
constitution (Etat d’exception) soit parce que la constitution en vigueur consacre
un système non démocratique. La différence se situe ensuite dans le fait que, s’il
n’y a pas eu de CNS au sens d’un organe investit de pouvoirs confisqués au

61
gouvernement et au parlement en place, il y a eu des cadres formels de
négociation des nouvelles institutions avec l’opposition. Ainsi, certains pays ont
connu des commissions constitutionnelles, des conférences, assises ou états
généraux non souverains. L’objectif de cette procédure est également de
parvenir à un consensus minimum de la classe politique sur le projet de
constitution avant sa soumission à la ratification du peuple par référendum.

Pour le cas spécifique du Burkina Faso, le gouvernement du Front populaire


du Président Blaise COMPAORE était issu d’un coup d’état intervenu en
octobre 1987 contre le Président SANKARA. En raison de cette situation, le
nouveau pouvoir était obligé d’évoluer et de pratiquer une politique d’ouverture
en direction des autres forces politiques afin de se bâtir une assise populaire.
Ainsi, dès 1989, Blaise COMPAORE avait clairement annoncé ses intentions et
engagé la démarche devant conduire à l’élaboration d’une constitution et à des
élections pluralistes. Ce processus aboutit à la création d’une commission
constitutionnelle qui débuta ses travaux le 8 mai 1990 et pu, après d’âpres
discussions, remettre au gouvernement un projet de constitution en octobre
1990. Ce projet fut soumis à des assises populaires d’environ 2000 participants.
Malgré les vives discussions qui ont eu lieu pendant les assises, tous les partis
politique, y compris ceux de l’opposition, appelèrent à voter « oui » lors du
référendum constitutionnel du 2 juin 1991. L’antériorité de ce processus de
libéralisation par rapport aux résultats de la CNS du Bénin et par rapport au
discours de la Baule de F. Mitterand a probablement contribué au succès de cette
procédure de retour à la démocratie. La preuve en est que, après l’adoption de la
constitution par le référendum du 2 juin 1991, le climat politique s’est fortement
dégradé à la suite de la revendication d’une conférence nationale souveraine.
L’échec de cette revendication a été la raison de la non-participation de
l’opposition à l’élection présidentielle de décembre 1991.

62
De temps en temps, des hommes d’opposition ou des observateurs imputent
l’existence d’un parti dominant et la faiblesse au fait qu’il n’y ait pas eu de
conférence nationale souveraine. Mais ils devraient tout autant l’imputer au fait
d’avoir abandonné notre processus autonome de négociation des réformes
institutionnelles, qui était entrain de produire ses fruits avec l’adoption de la
constitution, au lieu de changer de voie.

D’autres pays qui ont connu une transition sans CNS se voient reprocher
cette sorte de tare originelle. Mais le passage par la CNS n’est apparemment pas
un gage de transition parfaite ou durable.

2) Les transitions avec Conférence Nationale Souveraine

Le Bénin est le pays qui a lancé la transition par la voie de la tenue d’une
conférence nationale souveraine. Des instances de ce genre ont existé dans
l’histoire sous d’autres noms. Mais l’expression CNS se réfère en Afrique au
processus de sortie de crise organisé au Bénin. Ce pays, dont le régime se
rangeait dans les pays à orientation socialiste, était dans l’impasse sur le plan
économique et politique. Dès 1989, des consultations pour des solutions de
sortie de crise furent engagées. Ces consultations aboutirent à l’idée d’une
conférence nationale du type « états généraux » réunissant les « forces vives »
de la nation et un comité préparatoire fut mis en place le 22 décembre 1989
(Voy. Robert DOUSSOU, Le Bénin : du monolithisme à la démocratie
pluraliste, un témoignage, in G. Conac (sous la direction), L’Afrique en
transition vers le pluralisme, Economica, 1993, pp. 179 et s.). La CNS
commença ses travaux à partir du 19 février 1990. Le caractère souverain résulte
de ce que le Président KEREKOU s’est engagé à appliquer les résultats des
travaux, de sorte que les décisions prises par la CNS devaient être considérées
comme obligatoires et, au besoin, devaient être rendues exécutoires par la
sanction classique de la promulgation.

63
Après l’expérience réussie du Bénin, certains pays s’y sont engagés avec plus
ou moins de bonheur. C’est le cas, en Afrique de l’Ouest, du Mali, du Togo, du
Niger.

Mais le succès dans la mise en œuvre des institutions issues de la CNS est
tributaire de plusieurs autres facteurs :

- La stratégie des acteurs dans la compétition, ceux-ci pouvant se


montrer plus ou moins soucieux du respect de la règle et de l’esprit de
la constitution ;
- L’existence d’une majorité ferme de gouvernement après les élections ;
- Le maintien ou la cassure du consensus après les élections…

Après le cas du Bénin, le Mali est apparu comme un exemple de réussite de


la transition démocratique. La transition s’est déroulée dans un contexte qui
nous semble assez particulier par rapport aux autres pays, cette constatation
n’enlevant rien aux méritent des acteurs. Après le renversement, par coup d’Etat
du 26 mars 1991 de Moussa TRAORE, réticent à la libération, la conférence
nationale souveraine bénéficiait d’un climat favorable, malgré la situation de
rébellion touareg dans le nord. La CNS se passait dans l’ensemble entre
protagonistes du mouvement de contestation du pouvoir. Les militaires ont
donné des gages de leur volonté d’œuvrer à l’avènement d’un Etat de droit et de
ne pas confisquer le pouvoir. L’acte fondamental pris par le Comité de transition
pour le salut du peuple est d’interdire aux membres du gouvernement de
transition d’être candidat à l’élection présidentielle, ce qui fait que ceux qui
devaient gérer la transition n’étaient pas directement concernés par la course à la
magistrature suprême. Les premières élections, malgré de faibles taux de
participation, ont été libres et transparentes. Mais par la suite, les rapports entre
le pouvoir et l’opposition ont été difficiles. La tension a culminé au moment du
premier tour des élections législatives du 13 avril 1997, annulées pour mauvaise

64
organisation manifeste. De même l’élection présidentielle de 1997 avait été
boycottée par l’opposition. Fort heureusement, l’alternance a pu se réaliser sans
accroc, ce qui justifie que l’on ait une bonne appréciation de cette transition.

Par contre le cas du Togo est illustratif de la faiblesse du consensus issu du


compromis constitutionnel. L’on attend généralement de la tenue d’une CNS de
permettre de solder les comptes sur le passé afin de repartir d’un bon pied. La
CNS du Togo n’avait manifestement pas réussi à apaiser les tensions : aussi bien
l’opposition (qui a tenté d’interdire l’ancien parti unique du président
EYADEMA° que le pouvoir ne voulait pas se tolérer et s’en remettre
exclusivement au résultat des urnes pour se départager. Cet état d’esprit, lié au
fait que les élections de février 1994 n’ont pas dégagé une majorité de
gouvernement en faveur d’un parti, ont été à l’origine de l’impasse de la
transition après l’adoption de la constitution du 14 octobre 1992.

Le Niger est également un exemple d’insuccès des institutions issues d’une


CNS. Mais pour ce cas, la faute ne revient pas à une mauvaise organisation de la
CNS mais à l’incapacité des acteurs politiques de gérer des gouvernements de
coalition, après des élections qui n’ont pas dégagé une majorité au parlement en
faveur d’un seul parti.

Ces deux cas apparaissent comme des situations extrêmes mais ils montrent
bien que les difficultés de la transition démocratique ne tiennent pas seulement
aux voies d’adoption des nouvelles constitutions.

Après les transitions, les régimes politiques mis en place recouvrent une
grande diversité, malgré l’uniforme consécration des principes de la démocratie
libérale.

65
§ 2 – La diversité des régimes politiques

Uniformité ou similitude et diversité sont les deux traits que l’on retrouve
dans le constitutionnalisme d’Afrique francophone notamment.

1) L’uniformité de certaines dispositions

L’uniformité est entendue au sens de la présence de dispositions ou de


mécanismes constitutionnelles identiques ou similaires. Elle provient de deux
facteurs :

Le premier facteur d’uniformité institutionnelle est lié aux emprunts à la


constitution française, notamment en ce qui concerne les mécanismes de
rationalisation du régime parlementaire. Par exemple, les constitutions
reprennent la technique de la répartition des domaines de la loi et des
règlements, confèrent au chef de l’Etat des pouvoirs de crise, et prévoient, dans
les rapports entre le parlement et le gouvernement, le recours à des délégations
législatives, de même qu’elles mettent quelques obstacles à l’usage de la motion
de censure ou au vote de défiance.

Le second facteur d’uniformité tient à l’esprit nouveau, par rapport à a


période de rejet de la démocratie libérale. Cet esprit nouveau est de mieux
organiser la protection des droits de l’homme et du citoyen. Ce souci se
constate :

- dans les longues dispositions similaires énonçant et visant à garantir les


droits humains (ou droits et libertés fondamentaux) ;
- dans l’effort de réhabilitation du pouvoir judiciaire ;
- pour certains Etats, à travers l’institution dans la constitution, d’une
autorité administrative indépendante pour la régulation du secteur de
l’audio-visuel et de la communication

66
2) Les choix de régimes politiques

Même si les constitutions comportent des points de similitudes, la diversité


prévaut en ce qui concerne l’aménagement des institutions politiques et
l’organisation judiciaire.

S’agissant des régimes politiques, une large gamme de qualifications s’y


applique : à l’opposition classique entre les régimes parlementaires et
présidentiels s’ajoutent les qualificatifs de régime semi-présidentiel (illustré par
la constitution française) et de régime présidentialiste au sens d’une dénaturation
dans le Tiers-monde des trois autres types de régimes.

Si l’on s’en tient aux choix intentionnels des constituants (et non pas des
qualificatifs donnés par des auteurs), l’on constate que les nouvelles
constitutions expriment la diversité de régimes politiques, comme quelques
exemples peuvent en attester.

Le Bénin a opté pour le régime présidentiel. Il en est de même de la Côte


d’Ivoire, du Sénégal, du Niger, de la Mauritanie, de la Guinée Conakry… le
critère premier de cette qualification est que le chef de l’Etat est le détenteur
exclusif du pouvoir exécutif, qu’il y ait ou non un premier ministre, car dans ce
cas c’est un premier niveau de déconcentration. Dans certaines de ces
constitutions, des dispositions permettent la dérive vers le présidentialisme :
c’est le cas de la constitution guinéenne (article 76) et mauritanienne d’alors
(article 31), qui confèrent au chef de l’Etat, qui est responsable devant le
parlement, la possibilité de dissoudre le parlement.

Par contre, le Mali par exemple a choisi le régime parlementaire, même s’il
n’est pas moniste européen. Dans la constitution issue de la transition, ce sont
les traits du parlementarisme qui sont mis en relief : c’est le premier ministre qui
détermine et conduit la politique de la nation (article 53) ; le chef de l’Etat
nomme le premier ministre sans obligation particulière, mais il ne peut mettre
67
fin à ses fonctions que « sur présentation par celui-ci de sa démission » ; le chef
de l’Etat ne peut recourir au référendum que sur proposition du gouvernement
pendant les sessions ou sur proposition de l’Assemblée. Selon Eloi Diarra, ces
dispositions montrent que le constituant malien « n’a pas entendu en faire (du
chef de l’Etat) le pivot de toute la vie constitutionnelle » (in RJPIC, 1995, P.
268). La constitution du Togo est aussi de type parlementaire : c’est le
gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation (article 77) et le
chef de l’Etat est tenu de nommer le premier ministre dans la majorité
parlementaire.

Ces constitutions reflètent clairement le désir de se situer dans l’un ou l’autre


régime. Entre ces deux situations assez claires certaines constitutions aménagent
des régimes semi-présidentiels si l’on tient compte des critères tels que : la
responsabilité du premier ministre à la fois devant le chef de l’Etat dans la
détermination et la conduite de la politique de la nation. La constitution du
Burkina Faso, par exemple, répond à ces critères.

En ce qui concerne la diversité des institutions judiciaires, l’on voit que


certains Etats avaient opté pour l’unicité en créant une cour suprême comprenant
des sections ou chambres (chambre constitutionnelle, chambre judiciaire,
chambre administrative, chambre des comptes). D’autres avaient prévu deux
juridictions suprêmes dont une cour constitutionnelle et une cour suprême
comprenant les sections administrative, judiciaire et des comptes. D’autres
encore, à l’instar de la France, vont jusqu’à trois ou quatre juridictions
suprêmes. Mais dans ce domaine, beaucoup ont évolué vers la dernière solution,
dont le Burkina Faso.

68
CHAPITRE III – LES INSTITUTIONS POLITIQUES EN AMERIQUE
LATINE

Comme en Afrique, dans les pays d’Amérique latine, l’on a constaté une
évolution vers le régime présidentiel déformé, et ces déformations traduisent
aussi une inadaptation de ces institutions aux systèmes sociaux. Ainsi, cette
inadaptation s’est aussi traduite par l’abandon du régime parlementaire, puis
l’adoption, non pas du régime présidentiel, mais du régime présidentialiste,
c’est-à-dire volontairement déformé dès le départ au profit de l’exécutif.

Section I –L’abandon du modèle parlementaire

L’attitude au départ n’a pas été la même en Amérique latine et en Afrique.


L’Amérique latine a dès le départ généralement opté pour le modèle
constitutionnel nord-américain, tandis qu’en Afrique on a en général opté pour
le régime parlementaire. L’abandon du régime parlementaire tient au contexte
social de cette région et à son contexte d’instabilité politique.

§ 1 – Le contexte social de l’Amérique latine

Le rejet du régime parlementaire peut être relié : aux caractéristiques des


structures sociales ; à quelques malheureuses expériences de ce régime mais
aussi à l’attrait du système politique des Etats-Unis.

Au moment des indépendances, au 19ème siècle, les Etats d’Amérique latine


(Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Pérou, Uruguay, Paraguay, Panama,
République dominicaine, Haïti, etc.) ne constituent pas des nations. Les
populations sont dispersées, analphabètes dans l’écrasante majorité et
hétérogènes (européens, métis, noirs, indiens). Seul le désir de se libérer de

69
l’autorité des pays colonisateurs (Espagne et Portugal) les unit lors de la lutte de
libération.

Sur le plan économique, ces pays sont (et sont encore) dominés par de grands
propriétaires terriens qui emploient les paysans dans leurs plantations
(latifundias) ou encore berger (gauchos).

Sur le plan institutionnel, on rencontre plutôt de petites communautés


autonomes et plus ou moins autarciques constituées de villages, de communes et
de centres urbains. Ces communautés autonomes sont dominées par les grands
propriétaires, les chefs de clans ou simplement les chefs de bandes. Ces chefs
(ou caciques : chefs politiques, terme qui était appliqué par les espagnols aux
chefs indiens) exercent une domination sur les populations rurales qui sont
soumises à leur autorité personnelle.

Une fois le colonisateur chassé, il n’y a pratiquement plus d’autorité, ni


même de consensus sur les institutions à établir. Un gouvernement central ne
peut bénéficier d’aucune légitimité en dehors du soutien des caciques. En effet,
ceux-ci exercent un pouvoir personnel économique, social et politique sur un
village, une propriété, un clan, une bande ou une armée. Ce n’est pas une
organisation de type féodal européen, même si certains chefs sont devenus
héréditaires (à côté de chefs improvisés) mais plutôt une sorte d’anarchie dans
laquelle chaque chef héréditaire ou improvisé exerce sa domination, étend ou
perd son au gré des luttes de clans ou de bandes. La fidélité envers le groupe et
son chef est la seule vertu sociale, non le patriotisme. C’est dans ce contexte
social que se mènent dès les premières années des indépendances, les luttes
entre partisans de l’union ou du fédéralisme (confédération) et entre partisans du
régime parlementaire ou du régime présidentiel.

70
§ 2 – Le contexte d’instabilité politique

Comme plus tard en Afrique francophone, ces pays sont marqués au début
par les luttes politiques entre partisans de l’unité et partisans du fédéralisme ou
même de la confédération. Les caciques sont en général plus favorables à des
formes d’union plus lâche qui sauvegardent leurs pouvoirs sur les communautés
restreintes mais autonomes. De même, les luttes entre partisans du régime
parlementaire et partisans du régime présidentiel ont pour toile de fond la
sauvegarde des pouvoirs des chefs et propriétaires latifundiaires. L’exemple des
USA amène à l’adoption d’institutions de type présidentiel. Les Constitutions de
ces pays affirment leur fidélité aux principes de séparation des pouvoirs. Par
exemple, la Constitution du Venezuela du 21 décembre 1811, celle de Colombie
de 1811, celle du Pérou du 17 décembre 1822, celle de Bolivie de 1825, etc.
affirment leur adhésion au principe de séparation des trois pouvoirs comme
principe fondamental de la démocratie.

Mais à quelques exceptions près (Brésil où existe au début une monarchie et


Uruguay de 1830 à 1917), ces pays sont marqués par une instabilité politique et
constitutionnelle, dominée par le phénomène du caudillisme jusqu’au début du
20ème siècle (et même vers 1950 dans les petits pays). Le caudillisme (caudillo),
c’est «la dictature ou même la prépondérance d’un homme qui s’appuie sur une
clientèle personnelle ». Mais cette domination est nationale. En cela, le
caudillisme apparaît comme une réplique au caciquisme qui tend à affaiblir
l’autorité de l’Etat, au morcellement de la souveraineté (comme la féodalité en
Europe). Il vise donc à soumettre le caciquisme à une discipline nationale. Les
caudillos ont été socialement d’origines diverses : chef politique ou militaire ou
simple gaucho ou même bandit. Son pouvoir est fondé sur la fidélité personnelle
de clientèle compte tenu de des structures sociales qui rendent illusoire toute
légitimité fondée sur l’élection. L’origine illégale de son pouvoir et sa nature
personnelle, contraignent le caudillo à recourir à la violence et même à la
71
tyrannie. Au point de vue des effets, il y a eu des caudillos conservateurs,
réactionnaires ou progressistes ; mais beaucoup d’auteurs reconnaissent aux
caudillos un rôle déterminant dans la construction des nations latino-
américaines.

Mais si ce phénomène du caudillisme a contribué à forcer l’unité des Etats, il


demeure, même aujourd’hui, en Amérique latine une situation qui rend le
régime présidentiel de type nord-américain inapplicable. Cette situation se
caractérise par un sous-développement de manière générale, et par une
dichotomie structurelle, c’est-à-dire un écart de structures sociales entre la
campagne arriérée et analphabète et les centres urbains qui vivent à l’ère de la
civilisation industrielle. Ce dualisme reflète la division générale entre la ville et
la campagne mais elle revêt en Amérique latine et dans le Tiers-monde en
général une importance politique plus grande par l’écart de niveau de vie et de
niveau culturel.

Section II – l’instauration de régimes présidentialistes au lieu du régime


présidentiel

§ 1 – Les facteurs du choix du régime présidentiel en Amérique latine

Les Etats d’Amérique latine se sont inspirés, dès leurs indépendances, de la


Constitution des USA. Ce pays les a aidés lors de leurs luttes d’indépendance et
jouit d’institutions démocratiques admirées par les élites latino américaines.
Mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu de régime parlementaire. Les
combats politiques entre partisans du régime parlementaire et ceux du régime
présidentiel ont été en ces moments très âpres. Il faut ajouter que l’expérience la
plus longue de régime parlementaire, celle du Chili de 1891 à 1925, a été aussi
celle qui a laissé les plus mauvais souvenir : il a tout d’abord fallu une guerre
civile (1890) pour l’instituer et durant cette période il y a eu 125 cabinets (et 530

72
ministres et c’est un évènement quand un ministre fait un an à son poste.
Présidence de Balmaceda).

§ 2 – La finalité du choix du régime présidentiel

L’instauration du régime présidentiel est donc historiquement justifiée car


comme le dit G. Conac, la préoccupation « n’était pas de limiter le pouvoir, mais
de le rendre effectif ». Mais les Constitutions de ces pays diffèrent de celle des
USA en ce qu’elles comportent des éléments de renforcement du pouvoir
exécutif. Le président bénéficie de pouvoirs dont ne bénéficie pas celui des
Etats-Unis. Ainsi, alors que la Constitution des USA réserve l’initiative
législative au Congrès, les Constitutions d’Amérique latine concèdent au
président aussi la possibilité de présenter des projets de loi. Dans ces
Constitutions, le président a le droit de mettre en vigueur le budget s’il n’est pas
voté en temps utile par le parlement. Il peut de même, selon cette procédure
ouvrir des crédits supplémentaires. Comme aux Etats-Unis, le Président dispose
du droit de veto, mais avec une modification importante : il a la possibilité
d’exercer non seulement le veto total, mais encore le veto partiel, ce qui lui offre
le moyen de repousser un texte ou de le vider de son contenu. Le veto partiel est
ainsi une arme redoutable contre le parlement. Lors des sessions parlementaires,
contrairement à ce qui se passe aux USA, les Ministres ont accès aux séances
des chambres et peuvent librement y prendre la parole. De plus, le Président a la
possibilité légale d’élargir ses pouvoirs : d’une part, les Constitutions prévoient
qu’il peut intervenir par décret ayant force de loi pour règlementer une matière
en se limitant en principe à développer la loi ; d’autre part, il peut recevoir des
délégations législatives dans les situations de crise. Ces pays connaissent de très

73
nombreuses crises (grèves, guerres civiles), la technique des décrets-lois se
trouve souvent utilisée par l’exécutif.

Dans l’ensemble, les régimes mis en place ont comme traits le caractère
autocratique et la personnalisation du pouvoir. Mais dans ces Constitutions, il y
a aussi une recherche de garantie contre la dictature. Cette volonté est marquée
par le principe du non-continuisme. La quasi-totalité des Constitutions imposent
au Président de ne pas solliciter le renouvellement après un ou deux mandats
(généralement un mandat long de 7 ans). Ce principe, qui part de bonnes
intentions, a parfois aussi provoqué des crises et des coups d’Etat lors des
tentatives pour le détourner.

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EXERCICES ET CORRIGES

I- EXCERCICES

Sujet n°1

1) Comment sont désignés les chefs de l’exécutif anglais et allemand.

2) S’agissant de régime politique, en quoi les notions de légitimité et légalité


s’opposent ou se complètent ?

Sujet n°2

1) Comparez l’élection du chancelier allemand à celui du président du Faso.

2) Comment expliquez-vous la multiplication des partis politiques ?

3) Comment expliquez-vous la stabilité politique de la RFA ?

Sujet n°3

1) Evoquez quelques rapports entre l’exécutif et le législatif dans le système


présidentiel des USA.

2) Quelles similitudes et différences y a-t-il entre les régimes politiques à


multipartismes ?

3) Après avoir succinctement donné les traits du parlementarisme non


majoritaire, illustrez-le avec un exemple précis en ajoutant vos
commentaires.

Sujet n°4

1) Que savez-vous du référendum ?

2) Quels rapports y a-t-il entre régime politique et système politique ?

3) Pourquoi l’exemple du régime politique du Botswana a-t-il été un succès ?

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Sujet n°5

1) Pourquoi qualifie-t-on le régime Helvétique de régime d’Assemblée ?

2) Régime totalitaire et régime autoritaire.

Sujet n°6

1) Comparez le bipartisme et le multipartisme

2) L’élection du président des Etats-Unis est-elle démocratique ?

Sujet n°7

L’étudiant doit cocher uniquement ce qui est vrai. Toutes fausse réponse annule
la bonne ou les bonnes réponses cochées.

1) Dans un régime présidentiel, le chef de l’exécutif ( le président) peut :

a) Révoquer son premier ministre ;

b) Dissoudre le parlement ;

c) Révoquer les ministres ;

d) Préparer la loi de finance (budget de l’Etat).

2) Dans le régime présidentiel des Etats-Unis d’Amérique, le président peut :

a) Révoquer le premier ministre ;

b) Dissoudre le sénat en cas de désaccord ;

c) Bloquer un texte de loi en examen devant les deux chambres du


congrès ;

d) Influer sur l’examen des textes de loi au congrès.

3) Dans le régime d’assemblée, l’exécutif

a) A droit d’accès au parlement ;

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b) Domine le parlement

c) Peut dissoudre le parlement

d) Ne peut démissionner.

4) Dans le régime parlementaire anglais, le chef de l’Etat peut :

a) Introduire un projet de loi à la chambre des communes ;

b) Poser la question de confiance ;

c) Proposer et nommer un premier ministre ;

d) Mettre fin aux pouvoir du premier ministre.

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II- CORRIGES

Sujet n°1

1) La désignation du chef de l’exécutif (président fédéral) sans pouvoir est


élu pour 5 ans par un collège composé de parlementaires (deux chambres
et des délégués élus par les législatures des landers (Etats fédérés). Alors
que celle de l’exécutif anglais (monarque) est transmissible de génération
en génération, c’est-à-dire de père au fils, ou du père à la fille.

2) La naissance de l’opinion publique a posé le problème de la légitimité.


Cette légitimité constitue une question différente de celle de la légalité.

La légalité et la légitimité se complètent car la légalité est normalement un


élément de la légitimité. Mais les deux notions peuvent entrer en conflit,
être opposée l’une à l’autre, la légitimité est le fait pour un régime d’être
accepté par l’opinion.

Sujet n°2

1) Le Chancelier allemand est élu par le bundestag ou chambre basse,


représentant la population et comprenant 662 membres sur proposition du
président. Alors que celui du Faso est élu au suffrage universel direct par
le peuple pour un mandat de 5 ans.

2) Les partis politiques peuvent se définir comme les organisations durables,


disposant d’une assise à la fois nationale et locale, dont le but est de
conquérir et d’exercer le pouvoir politique en recherchant le soutien
populaire. Ainsi, c’est ce but qui fera naître de nombreux partis avec
l’intention d’exercer un jour le pouvoir politique. Aussi, le mode de
scrutin favorise la multiplication des partis politiques surtout celui de la
représentation proportionnelle.

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3) La stabilité politique de la RFA s’explique par le mode de scrutin qui est à
la fois proportionnel et majoritaire puisqu’il comporte des correctifs
permettant d’éliminer les extrêmes. Ces règles mises par le scrutin à
conduit à l’élimination des petits partis au parlements. Aussi ce système
électoral donne l’avantage de former un gouvernement de coalition encore
appelé compromis historique à défaut de former un gouvernement
homogène.

Sujet n°3

1) Dans leur fonctionnement, l’exécutif et le législatif n’ont pas de pression


l’un sur l’autre. Le président est irresponsable devant le parlement et ce
dernier ne dispose ni de la motion de censure ni d’un vote défiance devant
entrainer sa démission. Mais des mécanismes ont été institués pour
contraindre les deux organes à collaborer. En effet, le président dispose,
avec le droit de véto d’un moyen de se défendre face à un parlement (véto
explicite et véto de poche) qui voudrait lui imposer une politique à suivre.
L’autre mécanisme est la procédure de nomination à certaines fonctions
dans les hautes fonctions de l’Etat faisant appel à l’approbation par le
sénat.

2) Similitudes :

- Existence de plusieurs partis (pluralisme politique)

- Liberté de création de partis politiques et leur libre participation.

Différences :

- Dans le bipartisme, deux partis alternent durablement au pouvoir et


sont les seuls susceptibles de l’emporter à chaque échéance électorale

- Dans le multipartisme, une multitude de partis participent aux élections


en provoquant des incertitudes sur la possibilité pour un seul parti
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politique d’avoir la majorité absolue au parlement et de pouvoir
gouverner seul ;

- Le multipartisme conduit fréquemment à des gouvernements de


coalition.

3) L’expression parlementarisme non majoritaire ne signifie pas qu’aucun


des partis n’obtient la majorité au parlement, mais qu’il est rare qu’un des
partis obtiennent une majorité qui lui permette de former un
gouvernement homogène sans recourir à une coalition :

- Le nombre de partis représentés au parlement (plus d’une dizaine de


partis)

- La fréquence de gouvernement de coalition

- Le mode de scrutin est la représentation proportionnelle intégrale

- L’instabilité gouvernementale.

Sujet n°4

1) Le référendum est un mécanisme de démocratie semi-direct. Le peuple


intervient dans l’adoption d’une décision. Il peut être consultatif ou
délibératif. Consultatif lorsque le peuple est appelé à donner son opinion.
Délibératif lorsque le peuple est appelé à prendre directement une
décision.

2) Par définition, le système politique est un ensemble d’interactions


constatées au sein d’une société. Il désigne les institutions politiques dans
un environnement. Envisagé dans le système, l’étude des institutions
politiques prend en compte la société globale (interaction entre
institutions, règlementations et comportements).

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Le régime politique est la résultante globale du système tel qu’il
fonctionne et non pas seulement que décrit. La raison de prendre en
compte le système tel qu’il fonctionne et des règles de fonctionnement
mais l’observation extérieure (détaché du fonctionnement).

Le système politique est un ensemble d’interaction constatées au sein


d’une société. Il désigne les institutions politiques tandis que le régime
politique est la résultante globale du système tel qu’il fonctionne.

3) Le régime politique du Botswana a été un succès grâce à des facteurs qui


sont de deux ordres à savoir le système électoral et à des raisons
historiques et politiques. Le système électoral donne deux manières, par
les effets du mode de scrutin, le scrutin majoritaire à un tour, héritage du
système britannique, qui amplifie le résultat du vainqueur en termes de
nombre de sièges et dans une certaine mesure de découpage des
circonscriptions électorales qui surreprésentent les zones rurales.

Quant aux raisons historiques et politiques, il faut souligner que le parti de


SeretseKhama a bénéficié d’une double légitimité, à savoir le vote
ethnique (majoritaire) dont il était issu et du fait qu’il était le fils du roi
Sekgoma.

Sujet n°7

1) C

2) C

3) A

4) A

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