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BIO-1011 Biodiversité II

ENV-1100 Biodiversité II :
aspects théoriques
4. Les « poissons »

Jean-Pierre Tremblay
DÉPARTEMENT DE BIOLOGIE
[i]

Table des matières


Les « poissons » ...................................................................................................................... 4-1
Résultats attendus .......................................................................................................................... 4-1
4.1 Phylogénie des Teleostomiens (Ostéichthyens) ........................................................ 4-2
4.1.1 Sarcoptérygiens ...................................................................................................... 4-2
4.1.2 Actinoptérygiens .................................................................................................... 4-5
4.1.3 Teleostomiens (Ostéichtyens) ........................................................................ 4-10
4.2 Phylogénie des Gnathostomes ...................................................................................... 4-13
4.2.1 Chondrichthyens ................................................................................................. 4-14
4.2.2 Gnathostomes ...................................................................................................... 4-18
4.3 Relations phylogénétiques et évolution de la mâchoire chez les
Gnathostomes....................................................................................................................... 4-23
4.4 Adaptations associées à la vie aquatique .................................................................. 4-25
4.4.1 Circulation et échange des gaz (Figure 4.28) .......................................... 4-25
4.4.2 Excrétion et osmorégulation chez les organismes aquatiques
vs terrestre 4-28
4.4.3 Fonctions nerveuses et sensorielles en milieu aquatique .................. 4-32
4.5 Bibliographie ......................................................................................................................... 4-33
[ii]

Table des matières de la première partie du cours basée sur une


interprétation de la phylogénie des Deutérostomiens. Inspirée de
Vargas et Zardoya (2014).
[4-1]

Les « poissons »
Résultats attendus
 Reconnaître les clades à l’étude sur la base de leurs caractères dérivés
propres (synapomorphies) tout en étant en mesure de reconnaître aussi les
caractères ancestraux dont ils ont hérité (symplésiomorphies).

o Retracer leurs relations phylogénétiques afin d’établir l’origine des


caractères, et la nature des ancêtres communs.

 Expliquer l’origine de la mâchoire chez les Gnathostomes.

• Faire appel à la notion d’exaptation pour proposer une explication


plausible à l’évolution d’un caractère comme la mâchoire.

• Expliquer comment la configuration des nerfs faciaux appuie


l’hypothèse de l’exaptation des arcs branchiaux vers les mâchoires des
Gnathostomes.

 Discuter les adaptations associées à la vie en milieu aquatique, p. ex. :

• Expliquer comment les « poissons » effectuent les échanges de gaz


entre l’eau et le sang.

• Justifiez le constat selon lequel les poissons d’eau douce et les poissons
marins font face à des problèmes d’osmorégulation très différents,
mais à des problèmes d’excrétion similaires.
[4-2]

4.1 Phylogénie des Teleostomiens (Ostéichthyens)


Sarcoptérygiens
Au nœud des Tétrapodes, les Lissamphibiens nous ont rejoints. Nous avons ensuite
brièvement abordé l’ancêtre commun que nous partageons avec les Dipneustes
pour former le clade des Dipnotetrapodomorphes. Le prochain point de
confluence que nous rencontrons est celui des Sarcoptérygiens (Figure 4.2).

Ce clade est composé des


Dipnotetrapodomorphes et d’un clade
relique nommé Coelacanthimorphes
(aussi appelé Actinistiens par (Lecointre
et al. 2016) avec deux espèces connues,
les cœlacanthes Latimeria menadoensis
et Latimeria chalumnae (Figure 4.1). Figure 4.1 Latimeria
chalumnae Par © Citron /, CC BY-
SA 3.0,
[4-3]

Figure 4.2 Une interprétation de la phylogénie des


Telestomiens ou Ostéichthyens.
https://tree.opentreeoflife.org/ et
http://www.onezoom.org
Avec leur groupe-frère Actinoptérygiens, les Sarcoptérygiens forment le clade des
(Eu)Teleostomiens ou Ostéichthyens.
[4-4]

Nous ne décrirons par les synapomorphies des Coelacanthimorphes, mais il est


intéressant de noter que ces poissons à nageoires charnues nous donnent un
aperçu des ancêtres Sarcoptérygiens ichthyens (aquatiques) dont les traits ont été
exaptés (voir la notion d’exaptation dans le module 3) pour coloniser le milieu
terrestre.

Les Sarcoptérygiens (sarco, chair ou charnu + pteryx, nageoire ou aile = poissons


à nageoires charnues) regroupent la moitié de la diversité des Vertébrés, incluant
le cœlacanthe, les Dipneustes et les Tétrapodes (Figure 4.2). Tous les Vertébrés
terrestres sont des Sarcoptérygiens. Cela dit, certains Actinoptérygiens (le groupe-
frère des Sarcoptérygiens [voir section 4.1.2]) survivent hors de l’eau grâce à des
organes respiratoires accessoires (p. ex. le sauteur de vase atlantique,
Periophthalmus barbarus).

Synapomorphies des Sarcoptérygiens


1. Les nageoires paires sont charnues avec un squelette
monobasal c’est-à-dire que les nageoires s’attachent aux ceintures
(pectoral ou scapulaire et pelvienne) par un seul élément (Figure 4.3).

2. Émail sur les dents.

Figure 4.3 Nageoires


pectorales a) d’un
Actinoptérygiens
(esturgeon) et de 3
Sarcoptérygiens soit
b) un Cœlacanthe,
c) un Dipneuste et
d) un Tétrapode.
La partie de
l’endosquelette qui
est hachurée chez l’Actinoptérygiens est considérée
comme l’homologue de la nageoire pectorale monobasale
des Sarcoptérygiens. Tirée de Lecointre et Le Guyader (2001).
[4-5]

Actinoptérygiens
Le groupe des Actinoptérygiens (actino, rayon + pteryx, nageoire ou aile =
poissons à nageoires rayonnées) est le groupe-frère des Sarcoptérygiens au sein
du clade des Téléostomiens. À lui seul ce clade compte la moitié des Vertébrés
actuels (~27 000 spp). Le clade comporte quatre clades reliques, c’est-à-dire des
lignées qui ont une grande diversité fossile, mais dont la diversité actuelle est faible
(Figure 4.4 et Figure 4.5). Les Téléostéens (ne pas confondre avec Téléostomiens)
sont le clade dominant de la troisième radiation évolutive des Actinoptérygiens
avec presque avec plus de 24 000 espèces vivantes (Figure 4.5 et Figure 4.6).

Figure 4.4. Précision sur la phylogénie des


Actinoptérygiens. Adaptée de https://tree.opentreeoflife.org/ ,
http://www.onezoom.org.
[4-6]

radiation evolutive

Figure 4.5. La première radiation évolutive 1 des Actinoptérygiens


a pris fin avec l’extinction massive de la fin du Paléozoïque et la
seconde avec celle de la fin du Mésozoïque. Quelques clades
reliques de ces radiations ont survécu jusqu’à aujourd’hui.
Adaptée de Kardong (2006) et Liem et coll. (2001).

1 Épisode de spéciation intense menant à une explosion de la diversité au sein d’un


clade.
[4-7]

Figure 4.6. Le clade des Actinoptérygiens est dominé par


un clade (Téléostéens) qui compte pour plus de la moitié
de tous les Vertébrés actuels. Tirée de Liem et coll. (2001).

Le Vertébré de la semaine : le
sauteur de vase atlantique,
Periophthalmus barbarus
[4-8]

Synapomorphies des Actinoptérygiens


1. Les dents portent un petit capuchon de tissus minéralisé :
l’acrodine (Figure 4.7).

2. Les écailles s’articulent entre elles par un système de tenon-


mortaise (Figure 4.7).

3. Perte de la nageoire dorsale antérieure présente chez les


clades ancestraux aux Actinoptérygiens (Figure 4.7).
• Celle qui reste est l’homologue de la nageoire dorsale postérieure
des Chondrichthyens

4. Les nageoires sont attachées aux ceintures par des rayons


multiples (Figure 4.8).

5. Le maxillaire et le prémaxillaire ne portent généralement pas


de dent et ne sont pas fusionnés au squelette (mobile) (Figure
4.9).

Figure 4.7. Quelques synapomorphies des Actinoptérygiens : 1)


dents avec un capuchon d’acrodine, 2) écailles articulées par un
procès antérodorsal (tenon et mortaise) et 3) perte de la nageoire
dorsale antérieure. Adaptée de Lecointre et le Guyader (2001).
[4-9]

Figure 4.8. Nageoires pectorales a) d’un Actinoptérygien


(esturgeon) et b) d’un Sarcoptérygien (Dipneuste). Tirée de
Lecointre et Le Guyader (2001).

Figure 4.9. Le maxillaire et le prémaxillaire mobiles des


Actinoptérygiens permettent de rapidement augmenter le volume
de la chambre orobranchiale et ainsi de pomper l’eau et/ou
d’aspirer leurs proies. Tirée de Kardong (2006; fig. 7.25).
[4-10]

Teleostomiens (Ostéichtyens)
Le clade des (eu)Teleostomiens, aussi appelé Ostéichtyens par Lecointre et al.
(2016), constitue le clade des poissons osseux composés à la fois des poissons à
nageoires charnues (Sarcoptérygiens) et des poissons à nageoires rayonnées
(Actinoptérygiens). Dans la classification naturelle, les Ostéichtyens sont une
superclasse qui regroupe seulement les poissons qui possèdent un squelette
osseux. C’est donc un groupe paraphylétique (pourquoi ?).

Synapomorphies des Teleostomiens

1. Formation d’os endochondral (c.-à-d. ossification du cartilage)

• l’os endochondral pourrait aussi être un trait des Gnathostomes que


les Chondrichthyens auraient perdu secondairement (Brazeau and
Friedman 2015).

• il y a réversion chez certains clades reliques comme les


Chondrostéens (esturgeons et spatules).

2. Membranes des nageoires soutenues par des rayons d’os


dermique, les lépidotriches (Figure 4.10)

Figure 4.10. Le support de


la nageoire est assuré par
des rayons de kératine ou
cératotriches chez les
Chondrichthyens versus
des lépidotriches osseuses
chez les Ostéichthyens.
Adaptée de Kardong
(2006; fig. 9.1).
[4-11]

3. Apparitiond’ensembles d’éléments osseux d’origine


dermique dont (Figure 4.11) :

• os maxillaires, prémaxillaires et dentaires, portant tous des dents.

• la ceinture pectorale (synonyme : scapulaire), c.-à-d. l’ensemble des


os joignant les membres antérieurs au corps, porte aussi des os
dermiques.

4. Présence de sacs aériens (Figure 4.12)

• vessie gazeuse (ou vessie natatoire) jouant le rôle de flotteur

• ce sont des poumons lorsqu’ils servent à la respiration

Figure 4.11. Cette tête d’Amia calva (poisson-castor)


montre les éléments osseux d’origine dermique propre
aux Teleostomiens notamment sur le maxillaire (mx),
prémaxillaire (pmx), le dentaire (de), l’opercule (op) et la
ceinture pectorale ou scapulaire. Tirée de Lecointre et Le
Guyader (2001).
[4-12]

Figure 4.12. Les sacs aériens sont des excroissances de


l’œsophage (a). Certains poissons les utilisent comme
organes respiratoires accessoires. Dans les poumons des
Dipneustes et des Tétrapodes, les alvéoles multiplient la
surface d’échange gazeux. Chez la plupart des poissons,
les sacs aériens sont des vessies natatoires permettant
d’ajuster la flottabilité (b). La circulation de l’air peut se
faire par un canal pneumatique (physostome) ou par une
glande à gaz, le rête mirabile et l’organe ovale qui
échangent les gaz avec le sang (c). Tirée de Miller et Harley
(2015 ; fig. 18.17).
[4-13]

4.2 Phylogénie des Gnathostomes


Les relations phylogénétiques entre les Gnathostomes (Vertébrés à mâchoire)
actuels sont bien supportées avec un embranchement entre les Chondrichthyens
(requins, raies et chimères) et leur groupe-frère les Teleostomiens (Figure 4.13)
remontant au début de l’aire paléozoïque (Silurien ; Figure 4.5).

Figure 4.13. Phylogénie des Gnathostomes. Adaptée de


https://tree.opentreeoflife.org et http://www.onezoom.org
[4-14]

Chondrichthyens
Le clade des Chondrichthyens (du grec chondros, cartilage + ichthyos, poisson) est
le groupe-frère des Teleostomiens au sein du clade des Gnathostomes (Figure
4.14). Ils se divisent eux-mêmes en deux clades dérivés, les Élasmobranches
(requins et raies), les Holocéphales (chimères) (Figure 4.14).

Figure 4.14. Phylogénie des Chondrichthyens. Adapté de


https://tree.opentreeoflife.org.
Synapomorphies des Chondrichthyens
1. Suspension hyostylique de la mâchoire
• le cartilage hyomandibulaire est fixé au crâne, mais mobile par rapport à
celui-ci permettant le projection de la mâchoire vers l’avant (Figure 4.15)

2. Vertèbres cartilagineuses avec centrum + plaques


intercalaires (Figure 4.16)
3. Cartilage calcifié prismatique sur l’endosquelette (Figure 4.17)
4. Écailles placoïdes (Figure 4.18)
• Fonction locomotrice (réduction de la résistance de l’eau) et de protection

5. Les mâles ont des ptérygopodes (Figure 4.19)


• Élément cartilagineux des nageoires pelviennes que le mâle introduit
dans le cloaque de la femelle pendant l’accouplement
[4-15]

Figure 4.15. La suspension hyostylique de la mâchoire des


Chondrichthyens permet la protraction mandibulaire. Adaptée de
Kardong (2006; fig. 7.8 et 7.19).
[4-16]

Figure 4.16. Les Chondrichthyens ont des plaques intercalaires


(« interneural arch ») entre leur arc neural. Tirée de Kardong
(2006; fig. 8.15).

Figure 4.17. Ultrastructure du cartilage calcifié prismatique qui


tapisse le squelette des Chondrichthyens. Tirée de Dean et coll.
(2005)
[4-17]

Figure 4.18. Structure des écailles placoïdes des Chondrichthyens.


Image tirée de Kardong (2006 ; fig. 8.4)

les oeufs vont eclater dans l'uterus

Figure 4.19. Les ptérygopodes situés sur les nageoires pelviennes


des mâles permettent la fécondation interne. Images tirées de
Pough et coll. (2005; fig. 5.6).

Saisissez du texte ici


[4-18]

Gnathostomes

Figure 4.20. Phylogénie des Gnathostomes. Adaptée de


https://tree.opentreeoflife.org

Synapomorphies des Gnathostomes


1. Ce sont les premiers Vertébrés à posséder une mâchoire

• Hypothèse de l’exaptation des arcs branchiaux antérieurs (Figure 4.21)

2. Vertèbres avec centrum (Figure 4.22)

3. Nageoires appariées au niveau pectoral et pelvien (Figure 4.23


et Figure 4.24)

4. Arcs branchiaux fusionnés et internes par rapport aux


branchies (Figure 4.24, #2)

• Par opposition, le panier branchial des lamproies (Petromyzontides)


est externe par rapport aux branchies

5. Première fente branchiale transformée en spiracle


(Figure 4.24, #5)

• Orifice qui s’ouvre sur le pharynx

6. Cœur avec un cône artériel (Figure 4.24, #7)

7. Fibres nerveuses avec gaine de myéline

8. Deux narines et tubes olfactifs distincts (Figure 4.24, #4)

9. Oreilles internes avec trois canaux semi-circulaires (Figure 4.24,


#6 et Figure 4.25)
[4-19]

Figure 4.21. Hypothèse de l’évolution par sélection naturelle de la


mâchoire par exaptation 2 des arcs branchiaux antérieurs. Images
tirées de Kardong (2006; fig. 7.6 et 7.7). (voir aussi la section 4.3).

2 Processus d’adaptation d’un caractère existant, selon lequel une ou plusieurs


fonctions s’ajoutent à sa fonction d’origine, ou la remplacent. Le caractère peut
alors être sélectionné sur la base de cette nouvelle fonction.
[4-20]

Figure 4.22. Les Gnathostomes possèdent des vertèbres


avec des centrums fusionnés (formes dérivées à droite) ou
non (image de gauche). Tirée de Kardong (2006; fig. 8.1
et 8.3)
[4-21]

Figure 4.23. La théorie du « fin-fold » ou du repli latéral


propose que des nageoires latérales stabilisatrices se sont
divisées en nageoires pectorales et pelviennes. Les
cartilages basaux et radiaux favorisent la mobilité et les
rayons (fin ray) supportent les nageoires. Tirée de (2006; fig. 9.5)

structure ancestrale au vertebres


[4-22]
+ Fibres nerveuses gainées de myéline

Figure 4.24. Modèle d’un Gnathostome illustrant des


synapomorphies comme la mâchoire (1), les arcs
branchiaux fusionnés et internes par rapport aux
branchies (2), la première fente branchiale transformée en
spiracle (5), le cœur avec un cône artériel (7), les deux
narines et tubes olfactifs distincts (4 ; un seul côté
présenté) et l’oreille interne avec trois canaux semi-
circulaires (6). Tirée de Pough et coll. (2005; fig. 3.9).

Figure 4.25. Augmentation du nombre de canaux semi-


circulaires dans l’oreille interne. Tirée de Kardong (2006;
fig. 17.34)
[4-23]

4.3 Relations phylogénétiques et évolution de la


mâchoire chez les Gnathostomes
L’étude des relations phylogénétiques au sein du clade des Gnathostomes nous
informe sur l’origine et l’évolution de la mâchoire chez les Vertébrés. Le scénario
classique de l’origine de la mâchoire à partir des arcs branchiaux antérieurs que
nous avons vu dans la section sur les Synapomorphies des Gnathostomes (Figure
4.21) nous offre une perspective macroscopique de l’évolution de cet organe.

Une des difficultés dans l’étude des Gnathostomes est que plusieurs fossiles ont
été classés chez des clades dérivés comme les Chondrichthyens et les
Actinoptérygiens, nous donnant peu d’information sur les taxons éteints
constituant le groupe tronc (stem group) à la base de l’embranchement des
Gnathostomes. On peut donc se demander si ceux-ci avaient un squelette
cartilagineux comme les Chondrichthyens et s’ils possédaient déjà des mâchoires
spécialisées.

Dans un premier temps, la découverte de fossiles bien préservés attribués à des


Acanthodiens (poissons avec mâchoires pourvues de petites écailles et d’épines le
long de leurs nageoires) a permis de leur associer de nombreux autres fossiles
partiels préalablement associés aux Chondrichthyens (Figure 4.26). Cette
découverte nous a permis de positionner les Acanthodiens dans le groupe-tronc
des Chondrichthyens (Figure 4.27) et nous ouvre ainsi une fenêtre sur la
morphologie des premiers Chondrichthyens. En fait, la mâchoire des Acanthodiens
présentait déjà des pièces osseuses ressemblant à celle des Téléostomiens (Figure
4.26).

Un caractère apparemment insignifiant observé dans le neurocrâne fossilisé de


certains poissons sans mâchoire (en rouge sur la Figure 4.26) est fondamental à
notre compréhension de l’évolution de la mâchoire : la séparation marquée des
capsules nasales. Ce caractère est essentiel au développement de la mâchoire
puisqu’une position centrale des capsules nasales, comme on le voit chez les
Cyclostomes, obstrue la croissance des cellules impliquées dans la formation des
mandibules pendant le développement embryonnaire. Cela démontre bien la
notion volant que l’évolution est contrainte par la forme des structures ancestrales.
[4-24]

Figure 4.26. Reconstitution et détails du fossile de la tête


d’Entelognathus primordialis, un Placoderme de 420 millions
d’années présentant la plus ancienne évidence d’une mâchoire.
Tirée de Zhu et coll. (2013).

Figure 4.27. Arbre phylogénétique des Gnathostomes. Tirée de


Brazeau et Friedman (2015)
[4-25]

4.4 Adaptations associées à la vie aquatique


Circulation et échange des gaz (Figure 4.28)

reseau systemique

sang reduit ->


oreillete

Figure 4.28. Le système circulatoire simple des Chondrichthyens et


des Actinoptérygiens. Tirée de Kardong (2006; fig. 12.13). Voir aussi Miller
et Harley (2015; fig. 18.15). Voir semaine 3 pour comparer avec un
système double chez une Dipneuste.
[4-26]
shema de concepte

= D*A*deltaP/d

Figure 4.29. La fonction du système respiratoire est d’optimiser le


taux de diffusion des gaz, notamment oxygène et le dioxyde de
carbone, entre le corps et l’environnement.
[4-27] demonstration

le sens de circulation de l'eau est opposé a celui du sang

sang reduit deja oxygené

% concentration d'oxygéne (o2)

contre courant

-> echange gazeux

Figure 4.30. Les échanges gazeux au niveau des lamelles


branchiales sont optimisés par un système de circulation
à contre-courant (c) qui maintient une pression partielle
positive entre le sang et l’eau par rapport à une circulation
concourante (d). Tirée de Miller et Harley (2015; fig. 18.16).
[4-28]

Excrétion et osmorégulation en milieu aquatiques vs terrestre


La fonction du système excréteur est de maintenir l’homéostasie c.-à-d. la stabilité
de l’environnement interne de l’organisme par :

1. La régulation de la l’équilibre osmotique (eau et sels minéraux) ;


2. Le rejet des déchets azotés.
Les sources de perturbation du milieu interne de l’organisme sont :

• Métabolisme des cellules qui rejette CO², H²O, Na,


NH3 (ammoniaque) ;
• Milieu de vie : eau salée, eau douce, terrestre ;
• Nourriture ingérée.
Les éléments constituants du système excréteur chez les poissons sont d’abord les
branchies ainsi que les reins. La glande rectale des Chondrichtyens, le foie, les
poumons, la peau sont souvent associés au système excréteur. Ce dernier est
fréquemment joint au système reproducteur parce que les gonades sont formées
à partir de tissus adjacents et les canaux des systèmes excréteurs et reproducteurs
se combinent souvent. C’est pour cette raison qu’on parle du système urogénital.

L’unité de base du rein est le néphron composé d’un corpuscule rénal lui-même
formé d’une capsule rénale et d’un glomérule. Le glomérule est constitué d’un
réseau de capillaires sanguins. Un tubule rénal suit chaque corpuscule et se
connecte à un canal collecteur (plusieurs néphrons par canal) qui lui-même se
déverse dans le canal de Wolfe (Figure 4.31). La taille du glomérule est une
indication de sa capacité de filtration. Deux mécanismes augmentent le pouvoir de
filtration de glomérule :

1. diamètre de l’artériole efférente plus petit que celui de l’afférente entraîne


l’augmentation de la pression hydrostatique ;
2. paroi des capillaires mince et perforée.
Le glomérule filtre les déchets azotés, l’eau ainsi que d’autres petites molécules qui
ne doivent pas nécessairement être excrétées. Ces molécules sont réabsorbées
alors que d’autres peuvent être excrétées sélectivement par échanges actifs avec
les capillaires périphériques aux tubules des néphrons. La longueur du tubule est
une indication du transfert des sels minéraux (ions) dans entre les tubules et les
capillaires.
[4-29]

Une cellule exposée à un milieu hypoosmotique, c’est-à-dire moins concentré en


sels minéraux qu’elle-même, aura tendance à s’équilibrer avec le milieu ambiant
en absorbant de l’eau par osmose et en perdant des sels minéraux (par transport
actif). Les organismes dont la concentration osmotique est plus grande que
l’environnement sont des régulateurs hyperosmotiques ou hypertoniques (p. ex.
Téléostéens d’eau douce). Ils présenteront de gros glomérules pour évacuer l’eau
et des tubules courts où s’effectue une réabsorption active des sels minéraux
(Figure 4.31). Inversement, une cellule exposée à un milieu hyperosmotique aura
tendance à perdre de l’eau. Les poissons dont la concentration osmotique des
fluides internes est inférieure à celle de l’environnement sont des régulateurs
hypoosmotiques ou hypotoniques (ex. Téléostéens marins) (Tableau 1). Ils doivent
lutter contre la perte d’eau et l’absorption d’électrolytes (sels) supplémentaires
alors leur glomérule est petit ou absent et les tubules sont longs pour favoriser
l’excrétion active des électrolytes en excès (Figure 4.31).

Tableau 1. Les ancêtres des Vertébrés vivaient en milieu


marin et étaient sans doute iso-osmotiques comme les
Myxines. Chez les requins, l’équilibre est atteint par
l’accumulation d’urée dans le foie.

Habitat Concentration
osmotique (mOsm/L)

Marin 1000

Eau douce 0.1-10

Myxinoïdes Marin 1152


cyclostomes
Pétromyzontides Marin 317

Chondrichthyens Marin 1000

Téléostéens Marin 392

Téléostéens Eau douce 259

Anoure Eau douce 200


[4-30]

néphron : unité de base du rein

prise de different element

son defit est d'eleminer ses sel et garder son eau

Figure 4.31. Osmorégulation chez les Téléostéens d’eau


douce (a) et d’eau salée (b). Les grosses flèches noires
indiquent la prise ou la perte d’eau ou de sels minéraux.
Les flèches blanches présentent les prises ou pertes
passives par diffusion. Les petites flèches noires
représentent le transport actif d’ions dans les branchies et
les tubules rénaux. Miller et Harley (2015; fig. 18.20)
[4-31]

L’ammoniaque (NH3) issue du métabolisme des protéines est toxique. Il doit être
excrété ou converti en une substance moins toxique. L’ammoniaque est très
soluble dans l’eau, mais si la disponibilité de l’eau est contraignante alors des
composés plus coûteux à produire, mais qui consomment moins d’eau sont
avantageux (Tableau 2). En général, les poissons excrètent passivement
l’ammoniaque par diffusion à travers les branchies. Les Chondrichthyens font
exception parce qu’ils transforment l’ammoniaque en urée moins toxique (Tableau
2) qu’ils accumulent dans leurs tissus pour s’équilibrer avec le milieu marin ambiant
(Tableau 1).

Tableau 2. L’ammoniaque produite par le métabolisme


peut être transformée en des produits moins toxiques au
prix d’une dépense énergétique supplémentaire.

Composé Formule Solubilité Toxicité Coût Animal


(g/L) métabolique

Ammoniaque NH3 890 Élevé Aucun Téléostéens


d’eau douce

Urée CO(NH2)2 1190 Modéré Faible Chondrichtyens,


Lissamphibiens
et Mammifères

Acide urique C5H4O3N4 0,065 Basse Élevé Archosauriens et


-> sauropsides Lépidosauriens
(Sauropsides)
[4-32]

Fonctions nerveuses et sensorielles en milieu aquatique


Les trois canaux circulaires sont les récepteurs de l’équilibre (Figure 4.25).

Le système de ligne latérale permet de détecter les courants d’eau provoquée par
une proie, un prédateur ou un conspécifique. Il est activé par de petits interrupteurs
activés par le mouvement de l’eau (Figure 4.32).

ligne latterale

Figure 4.32. Le système de ligne latérale des poissons


détecte les courants d’eau par l’activation des
neuromastes, de petits interrupteurs qui émettent des
signaux électriques positifs ou négatifs selon le sens de
déplacement. Tirée de Pough et coll. (2005; fig. 4.4).
[4-33]

4.5 Bibliographie
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