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NNE alité s de sen ater- >, en rent ‘ons- alui- cl = peut quill solu, éen, iente 3 hi- © soi [ui se unité ani € tra. toute mpo- > eux, séces- ontre ment. titre ir § 32, (deux cst pas + la ph 9. Sut LE DONNE. 11: DEGRES 309 d’ «impression originaire », le temps s‘impose A partir de lui-méme comme «le non-modifié absolu (das absolut Unmodifizierte) », qui non seulement «... n'est pas produit », mais «... est la production originelle (6ie ist Urzeugung) »'. Liimpression originaire détermine originairement Ja conscience, qui, des lors, perd son statut d'origine, pour se décou- vrir originairement déterminée, impressionnée, constituée — transcen- dantalement prise 4 témoin’, Le phénoméne saturé n’a rien donc d’une hypothése extreme ou rare: il s’agit d’une figure de la phénoménalité si essentielle que des pensées méme peu phénoménologiques (Descartes, Kant) y recourent aussi bien que les plus phénoménologiques (Husserl), dés lors que la chose méme Pexige, lorsqu’elle apparait selon exces et non la pénurie de Fintuition, En fait, seul le phénoméne saturé peut, en se rendant visible a Pexcés, marquer les dimensions paradoxalement sans mesure de la donation possible, que rien n’arréte, ni ne conditionne. § 23. TOPIQUE DU PHENOMENE, Phénomines pawores, phénoménes communs Il parait désormais possible de tracer, ne fat-ce qu’en esquisse encore, une topique des différents types de phénoménes. Nous y maintiendrons dans tous les cas sa définition générique d’abord comme ce qui se montre en et @ partir de soi (Heidegger) et n’y par- 1. Zur Phinomenologi des inneren Zeithewusstscins, respectivement § 10 et § 11, p. 28 et 29 passin; tr. ft, p. 42-43; § 31, p. 67, 30 tr. fr. p. BB; et enfin Beilage 1, p. 100; tt fry p. 171. 3. FSur cette « primordial [.] pusionnelle », voir T6oligie wnivell, Ms. TIL (eptembre 1933), n. 34, Hua. XV, p. 593-597, te. fr. J. Benoist, Philosophie, 21, 1989, et les commentaires de E. Fink (« auto-constitution intentionnelle du temps phéno- snénologique »), Dele phinombnlgy te, fe Pati, 1974, p. 166, et D. Franck, op, ct p. 153. 310 STANT DONNE vient qu’autant qu’il se donne en soi et & partir de soi seul — ce qui se montre n’y parvient qu’a la mesure ot il se donne. Se donner signifie que Paspect qui tend 4 se montrer (figure, schéma, espace, concep, signification, intention, etc.) doit aussi toujours se donner en per. sonne, quoique dans une mesure variable (intuition, couche hylétique, noéme, etc). La donation accomplit la manifestation en lui donnant un remplissement, intuitif dans la plupart des occurrences, mais non nécessairement toutes'. Les différents types de phénoméne peuvent se définir comme autant de variations de l’automanifestation (se montrer en et a partir de soi) suivant le degré de donation (se donner en et 4 partir de soi). Nous distinguerons ainsi, selon leur teneur en donation, trois figures originales de la phénoménalité. 4) D’abord les phénoménes pauvres en intuition: ils ne réclament qu’une intuition formelle en mathématiques ou une intuition catégoriale en logique, autrement dit une «vision des essences » et des idéalités. Dans cette configuration, il suffit quasiment A ce qui se montre en et & partir de soi de son seul concept ou du moins de sa seule intelligibilité (a démonstration elle- méme) pour déja se donner ~ certes dans abstraction vide de Puni- versel, sans contenu, ni individuation, selon une itérabilité parfaite patce que indemne de toute matiére (méme signée), mais pourtant de fait. Peut-on envisager, outre ces phénoménes pauvres en intuition, autres absolument dépourvus dintuition ? Il se pourrait que Pab- sence d'intuition s’entende en deux acceptions opposées ; soit comme une pénurie réelle, qui contredit alors directement la phénoménalité: ce qui ne se donne en rien ne se montre pas non plus; soit, au contraire, comme une reléve de intuition (manifestation) par la dona- tion pure — ce qui demandera d’autres distinctions. Mais le point essentiel, concernant les phénoménes pauvres, se trouve ailleurs — dans le privilége que la métaphysique leur a toujours accordé sur tous autres phénoménes pensables: le privilége de la certitude. En 1. Voir supra, Livre I, § 6, Livre 11, § 12, Livre IIT, § 18, Que la donation puisse parfois ne pas en passer par Pintuition, on Pa déja vu au Livre I, § 4-5 et on le confit- mera plus bas (Livre IV, § 23) effi SEBRATSBREE BA. tic tir rois snes faite ion, Vab- ame lité: > au ona- soint curs sur En suisse onfir- LE DONNE. IT: DEGRES 31 effet, n’admettant dintuition que formelle ou catégoriale, les phéno- ménes pauvtes peuvent n’admettre non plus rien « que Pexpérience ait rendu incertain»', en sorte que leur abstraction méme leur garantisse la certitude, donc Vobjectivation. Mais ce privilége épistémique s’in- verse aussi bien en un déficit phénoménologique radical — la manifes- tation ici ne [se] donne pas (ou peu), puisqu’elle ne livre ni intuition séclle, ni individu, ni temporalisation d’événement, bref aucun phéno- méne accompli, A Yencontre de la décision constante de la métaphy- sique, nous devons donc conclure que le privilége des phénoménes pauvres (certitude épistémique abstraite), loin de les qualifier, interdit précisément de les ériger en patadigme assuré de la phénoménalité en général. J) Les phénoménes de droit commun doivent donc se définir selon la vatiation qu'ils apportent en propre a la donation, non point par référence aux phénoménes pauvres. Dans leur cas, la signification (visée par intention) ne se manifeste qu’a la mesure of elle recoit un remplissement intuitif; en principe, ce remplissement peut devenir adéquat intuition égalant Fintention) ; pourtant, de prime abord et la plupart du temps, il reste inadéquat et Pintention comme son concept restent partiellement non confitmés par l'intuition, non par- faitement donnés. Cependant, cette déficience ne suffit absolument pas a disqualifier Vobjectivité des phénoménes de droit commun : au contraire, elle seule Pétablit. D’abord parce que, de méme qu’une banque garantit les préts qu’elle consent sur des réserves qui n’en représentent qu’un pourcentage fort partiel, de méme une faible confirmation intuitive du concept suffit raisonnablement a donner le phénoméne correspondant, pourvu quelle se confirme en se répétant réguliérement. Ensuite et surtout parce que la déficience de Vintuition assure au concept de maitriser l'ensemble du procés de la manifesta- tion, donc de garder une abstraction forte grace a une intuition faible, soit d’atteindre un degré de certitude comparable (au moins tangen- tiellement) & celui des phénomenes pauvres. Ainsi le phénoméne com- mun peut-il s’accomplir suivant Pobjectivité. Relévent évidemment du 1. Descartes, Regulae ad directionem ingenit, MT X, 365, 16, cité supra, p. 273, 0. 1 hn 312 TANT DONNE phénoméne commun les objets de la physique et des sciences de lg nature ; il s’agit, dans tous ces cas, d’établir la certitude objective un maximum de concepts (significations, théories, etc.) & partir dun minimum intuition (sense data, protocoles expérimentaux, relevés statistiques, etc.); Ia «matiére», entendue comme la petturbation qu'apporte la 62%), doit pouvoir sinon s’éliminer, du moins se réduire la loi physique n’est vraie qu’aux perturbations prés, c'est-A-dire qu’en se corrigeant elle-méme pour intégrer les facteurs qui l’infirment, qu’en calculant aussi ce qui s’excepte de son calcul ; ainsi Ia loi de la chute des corps que formule Galilée ne se vétifie expérimentalement que si Fon y élimine en pensée le frottement, la résistance du milieu, la non infinite de espace parcouru, etc. L’objectivation du phénomene demande elle-méme la restriction du donné intuitif & ce qui confirme (ou plutot n’infirme pas) le concept. intention garde ainsi la mattrise de la manifestation et la donation se restreint au gabarit de Pobjectiva- tion. Mais cette figure de la phénoménalité — de droit commun, avec adéquation possible, mais non réalisée — trouve surtout confirmation dans le cas des objets techniques. Ici Pintention et le concept prennent le titre de plan, de schéma ou dessin («industriel » ou avec CAO), bref justement de ce que Pindustrie nomme désormais le « concept» d'un objet ; il se définit en ce qu’il rend en principe pleinement intelligible, Cest-A-dire en fait au moins imaginable, Ia structure de Pobjet, mais aussi en ce qu’ll intégre déja sa faisabilité (son industrialisation) et le calcul de la rentabilité de sa fabrication et de sa commercialisation — non seulement sa définition technique (son essence), mais aussi ses conditions de passage & la production et 4 économie (existence). Le concept (au sens du «concept» d’un produit) rend visible ce produit avant que la production ne le donne effectivement, et parfois méme sans qu’aucune production suive la manifestation du «concept» (Simulation, «concept car», etc.). Montrer par concept (signification, intention, etc.) précéde, détermine et parfois annule la donation intui- tive (effectivité, production, intuition, etc.). Liinadéquation entre intention et intuition, que Husserl décrit en termes de remplissement (voire de rattrapage) 4 partir du flux tempo- rel continu de la conscience, se décline ici en termes de retard et de 1E1 tect fest tior jou soit ait tiot au ple dos dé «ce «ce Lé tér ONNE, de la un dun devés ation wuire : qu’en nent, de la “ment eu, la méne firme ritrise ctiva- saver ration nent 1, bref > d'un igible, mais yetle sation ssi ses ©). Le roduit méme cept» cation, intui- crit en empo- letde LE DONE. 11: DEGRES 313 prévision, ~ De retard d’abord : il appartient essentiellement 4 objet technique (que nous nommerons désormais le produit) que sa mani- festation par « concept » précéde radicalement sa donation (a produc- tion dans et pour intuition), donc que son « concept» Pemporte tou- jours chronologiquement sur quelque remplissement intuitif que ce soit, C’est-A-dire sur ce produit lui-méme. L’objet technique ne justifie- rait donc littéralement pas son titre de « produit », puisque la produc- tion ne vient que compléter presque anecdotiquement son «concept », au sens oli en métaphysique lexistence n’apporte qu’un simple « com- plément de la possibilité», done de essence. Cat le produit ne se trouve précisément jamais donné d’abord, mais au contraire toujours donné aprés et d’aprés son «concept», antérieurement montré et démontré ; et, s'il faut ainsi considérer le produit 4 partir de son «concept», il faudrait donc le définir plutét comme induit (@ partir du «concept» antérieur) que comme pro-duit, d’avance ou en avant. Lécart chronologique irrémédiable entre le « concept» manifeste et sa production induite (donnée) décline, dans le champ de Pobjet tech- nique, Pinadéquation de fait entre intention et Vintuition ; surtout, il confirme le statut de phénoméne dérivé, voire aliéné de l'objet tech- nique, qui toujours vient aprés lui-méme et ne cesse de rattraper dans une effectivité toujours inégale sa propre intelligibilité, supposée impeccable, — La prévision s’ensuit : la prééminence théorique et chro- nologique du « concept» du produit, donc en général du concept sur Vintuition permet en effet de connaitre d’emblée et d’avance les carac- tétistiques de ce qui arrive en bout de chaine de production ; le pro- duit confirme — au mieux — le «concept» et Vintuition, Pintention, sans jamais aucune surprise, aucun arrivage, aucun incident. Ce que Yon nomme avec quelque naiveté dans la satisfaction la «qualité totale» du produit équivaut & ceci: jamais le «concept» ne subit la moindre variation ni le moindre incident lors de son effectuation intuitive — jamais la manifestation ne subit de contre-coup de la part de la donation. Ainsi prévues, production et intuition (donc la dona- tion) restent sous la vue regardante du concept; de son surplomb, il les voit venir de loin, sans surprise et sans en attendre rien de nou- veau. La prévision de objet technique, done la parfaite prévisibilité de 314 TANT Donne du produit induit & partir de son « concept », non seulement confirme quill agit Pune phénoménalité aliénée, mais permet (ou demande) enfin la répétition du produit. En effet, comme intuition vient toy. jours aprés coup et a titre de confirmation dans effectivité de la ratio. nalité originaire du plan, et comme elle ne doit faire aucune différence («sans faute»), elle doit aussi ne tolérer aucune innovation, aucune modification, bref aucun événement ; donc la répétition A Videntique du produit devient possible, puisqu’elle ne fait aucune différence ; ly production contient déja la teproduction, qui n’y ajoute en fait tien, puisque intuition n’ajoute rien de réel au «concept» ; et, bien évi. demment, la quantité de la [re]production — le nombre d’exemplaires produits du produit — n’ajoute non plus rien a la reproduction elle. méme, elle la décline seulement. II s’ensuit que, de méme que le phé. noméne pauvre, le phénoméne de droit commun A strictement parler ne peut pas s’individualiser. Serait-ce au moins par la «matiére», la perturbation de la 624? Mais précisément toute Pentreprise de la pro- duction consiste a éliminer aussi loin que possible cette perturbation («sans faute », «qualité absolue», ete.) ; donc le produit, phénomene de droit commun par excellence, ne peut s’individualiser — il doit done se reproduire, c’est-a-dire confirmer sans tréve le primat en lui du concept sur intuition, donc le déficit de la donation. Phénomines saturés ou paradoxes Il devient alors possible d’aborder ¢) les phénoménes saturés, 08 Pintuition submerge toujours Pattente de Pintention, ot Ia donation non seulement investit entiérement la manifestation, mais, la surpas- sant, en modifie les caractéristiques communes. En vertu de cet inves- tissement et cette modification, nous nommons aussi les phénoménes saturés des paradoxes. Le trait fondamental du paradoxe tient a ce que Pintuition y déploie un surcroit que le concept ne peut ordonner, done que Pintention ne peut prévoir; désormais Vintuition ne se trouve plus liée a et par lintention, mais s’en libére, s’érigeant dés lors en une intuition libre (intuitio vaga). Loin de venir aprés le concept et Tu pe pr fo ONNE, firme ande) = tou- ratio- rence acune atique ces la rien, a évi- olaires 1 elle- 2 phé- parler >, la a pro- sation oméne done hui du é, of nation wurpas- inves- ménes: ce que onner, ne se és lors cept et LE DONNE. II: DEGRES 315 donc en suivant le fil de intention (visée, prévision, répétition), Pin- tuition subvertit, donc précéde toute intention quelle déborde et décentre : la visibilité de Ia parence surgit ainsi a contre-courant de Vintention ~ d’od le para-doxe, la contre-parence, la visibilité a Pen contre de la visée. Paradoxe signifie certes ce qui va a’ lencontre (néga) de Popinion regue, comme aussi de Papparence, selon les deux sens obvies de la 808%; mais il signifie aussi ce qui va a Pencontre de Vattente —«... praeter expectationem offertur »' -, ce qui arrive contre toute attente de la représentation, de l'intention, bref du concept. Le paradoxe appartient donc sans discussion au domaine de la vérité, & cette caractéristique prés que sa donation contrevient, en son intui- tion, ce que Pexpérience antéricure devrait raisonnablement per- mettre d’en prévoir. En effet, le Je de 'intentionnalité ne peut ici ni constituer, ni synthétiser intuition en un objet défini par un horizo a synthése — s'il en faut d’ailleurs une — s’accomplit donc sans et 4 Yencontre du Je, comme une synthése passive, provenant du non- objet lui-méme, qui impose son surgissement et son moment a et avant toute visée active du Je ; car la passivité de la « synthése passive » indique non seulement que le Je ne ’accomplit pas activement et qu’il la subit donc passivement, mais surtout que Pactivité revient au phé- noméne et 4 lui seul. Ainsi se montre-t-il bien parce quill se donne dabord — par anticipation sur toute visée, libre de tout concept, selon un atrivage qui en délivre le soi. La donation, désormais a la mesure de Pexcés de intuition sur intention, ne se définit plus selon ce que le concept ou Phorizon lui assignent, mais peut se déployer indéfini- ment: le concept ne prévoit plus, car Vintuition le prévient — vient avant et donc, un temps au moins, sans lui. Désormais le rapport entre Ja manifestation et la donation s’inverse: pour les phénoménes 4) pauvres et ) de droit commun, V'intention et le concept prévoient Tintuition, pallient sa pénusie et délimitent la donation ; en revanche, pour les ¢) phénoménes saturés ou paradoxes, Vintuition surpasse 1, Goclenius (R. Géckel) : «Paradoxum est inopinatum et admirabile, quod practer opinionem et expectationem offertur », Lexicon philosephioum graccum, Franc- fort, 1615, p. 963. 316 ETANT DONNE intention, se déploie sans concept et laisse la donation prévenit toute limitation et tout horizon. Dans ce cas, la phénoménalité se réple @abord sur la donation en sorte que le phénoméne ne se donne plus Ia mesure of il se montre, mais se montre 4 la mesure (ou, éventuelle. ment, a la démesure) ot il se donne. Mais si le paradoxe accentue résolument au bénéfice de la dona. tion le principe qu’aucun phénoméne ne se montre, qu’autant qu se donne, il ne faudrait surtout pas en conclure qu’il fait exception a la régle commune, représentée aussi par les deux premiers types. Il revient en effet a la seule métaphysique de considérer le paradoxe comme un cas exceptionnel (voire excentrique) de la phénoménalité, dont elle organise le droit commun partir du paradigme du phéno- méne pauvre; cat, sauf exceptions notables (Descartes, Spinoza, Kant, Husserl), la métaphysique pense toujours le phénoméne de droit commun (pénurie d’intuition) 4 partir du phénoméne pauvre en intuition (certain, mais de peu ou de rien). Toute notre entreprise tend au contraire a penser le phénoméne de droit commun et a tra- vers Iui le phénoméne pauvre a partir du paradigme du phénomene saturé, dont ils n’offrent Pun et Pautre que des variantes affaiblies et dont ils dérivent par exténuations progressives. Car le phénoméne saturé ne se donne pas hors norme, en exception 4 la définition de la phénoménalité; il lui revient au contraire en propre de rendre pen- sable la mesure de la manifestation @ partir de la donation et de la retrouver jusque dans sa variation de droit commun, voire dans le phénoméne pauvre. Ce que la métaphysique écarte comme une exception (le paradoxe saturé), la phénoménologie le prend ici pour sa norme — tout phénoméne se montre 4 la mesure (ou 4 la déme- sure) ot il se donne. Certes, tous les phénoménes ne relévent pas du phénoméne saturé, mais tous les phénoménes saturés accomplissent Punique paradigme de la phénoménalité. Mieux, eux seuls permettent de illustrer. C’est pourquoi Pon peut sans grande difficulté mettre chacune des déterminations du phénoméne en tant que donné (Livre II) en correspondance avec l’un des caractéres du phénoméne saturé (Livre IV), précisément parce que celui-ci se borne a faire varier jusqu’a sa limite le paradigme du phénoméne comme tel wwe @! du} telle inst fon ONNE coute régle ‘lus a telle- lona. Vise ak 2. doxe valité, aéno- noza, © de re en prise A tra- méne ies et méne dela pen: de ba as le une pour léme- as du issent zttent aettre lonné méne faire e tel. up DONNE. II; DEGRES 317 @ Limprévisibilité (selon la quantité), done aussi la non-répétabilité du phénoméne saturé (§ 21) consacrent la factualité du fait accompli, tolle qu’elle détermine tout phénoméne donné (§ 15). (i) Le caractére insupportable et intolérable (selon la qualité) du phénomene saturé, donc aussi P’éblouissement qu’il provoque (§ 21), développent seule- ment jusqu’au terme Parrivage, détermination du phénomene donné en général (§ 14). (ii) L’absoluité du phénoméne saturé, hors toute relation et toute analogie (méme celles de la causalité) § 21), démarque jusqu’a l'excés l'incident, détermination du phénoméne comme donné (§ 16). (iv) Enfin Pimpossibilité a se laisser constituer ow tegarder (§ 22) s’accomplit a fond dans la saturation, l’anamor- phose qui caractérise déja le phénoméne donné (§ 13). Autrement dit, les deux subversions qui libérent les degrés saturés de la phéno- ménalité (submerger tout horizon, retouner le Je en un témoin) ne font que pousser hors de leurs limites les déterminations universelles du donné — que masquaient encore ses variantes pauvres, de droit commun ou intermédiaires (’étant donné). Le phénoméne saturé @tablit a la fin la vérité de toute phénoménalité, parce qu'il marque, plus que tout autre phénoméne, la donation dont il provient. Le paradoxe, entendu au sens le plus strict, ne va plus ici a Pencontre de Papparence, il va a la rencontre de apparition. Il devient désormais possible de tracer, 4 lintérieur de la topique du phénoméne en tant que donné et pour Pachever, une topique du phé- noméne saturé Iui-méme. Le fil conducteur n’en sera plus le degré intuition (puisque dans tous les cas il y a par principe saturation), mais a détermination par rapport & laquelle la saturation s’accomplit & chaque fois (quantité, qualité, relation ou modalité). Nous distingue- rons donc, sans aucune hiérarchie, quatre types de phénoménes satu- és; en tous les cas, il s’agira donc de paradoxes, ne pouvant jamais se constituer comme objets dans un horizon et par un je. On ne séonnera d’ailleurs pas d’avoir déja vu surgir ces phénoménes privilé- giés dans les analyses antérieures : dés les déterminations du phéno- méne donné en général, plus encore avec Pesquisse du phénoméne saturé, il ne s’agissait certes déja que d’eux. 318 ETANT DONNE L'tévénement Le phénoméne saturé s’atteste premiérement dans la figure du phe. noméne historique ou de l’événement porté a son excellence. Il sature ici la catégorie de la quantité. Lorsque Pévénement surgissant ne se limite ni A un instant, ni a un lieu, ni A un individu empirique, mais | déborde ces singularités pour faire époque dans le temps (délimiter une durée homogéne et l’imposer comme «un bloc»), couvre un espace physique tel qu’aucun regard ne P'embrasse d’un coup (pas un « théftre @opérations » cartographiable donc, mais un champ de bataille par- courir) et embrasse une population telle qu’aucun de ceux qui y appar. tiennent ne peut prendre sur elle un point de vue absolu, ni méme véri- tablement privilégié, alors il devient un événement historique. Ce qui signifie précisément que personne ne peut revendiquer pour soi le moindre « ici et maintenant », qui lui permettrait de le décrire exhausti- vement et de le constituer comme un objet. Trivialement dit, personne n’a jamais vu la bataille de Waterloo (ni d’Austetlitz, pour rester juste) ; certes, il va de soi que Fabrice n’y a vu que le feu de sa propre errance confuse et a peine le feu de la mitraille, a peine 'Empereur passant, son cheval volé ou la cantiniére en émoi ; mais ’Empereur lui-méme n’en a guére vu plus: il n’a vu ni l’avance du renfort ennemi, ni le retard du sien, ni le fossé ot s’embourbera sa cavaletie, ni bien entendu les agoni- sants parmi les déja morts ; en fait, personne n’en verra plus, ni Welling- ton, ni aucun des officiers d’état-major, ni aucun des hommes de terrain —chacun meublera d’informations confuses et partielles un angle de vision rétréci par la panique ou la rage. La bataille passe et se passe toute seule, sans que personne la fasse & proprement parler, ni ne la décide; elle passe, et chacun la regarde passer, se profiler et puis disparaitre, dis- paraitre comme elle était venue — c’est-a-dire d’elle-méme. Dans histoire se faisant (Geschichte), la bataille se fait bien d’elle-méme, a par- tir d’un point de vue qu’elle seule permet d’unifier, sans pourtant aucun horizon unique ; pour ceux, au contraire, qu’elle enrdle et englobe, nul de leurs horizons (individuels) ne suffit 4 l'unifier, la dire, ni surtout la prévoir : ni Fabrice, ni Flambeau, ni Chateaubriand, une oreille collée au neut ces! tion mie ses qua don Bess rélé de som met inte Lh pro: rent Tins gor der NNE ohé- LE DONE. 11: DEGRES 319 sol, ne Pont vue. Par suite, dans Phistoire qui se dit (Historie), la bataille demandera d’additionner des horizons (cette fois conceptuels) en nombre indéfini : horizons militaire (stratégie depuis le retour d’exil, tactique sur place), diplomatique, politique, économique, idéologique (cecours a la Revolution), etc. La pluralité des horizons interdit pratique- ment de constituer ’événement historique en wm objet et impose d’y substituer une herméneutique sans fin dans le temps: la narration se redouble @une narration des narrations. Plus: dans ce travail hermé- neutique, la démultiplication des horizons implique aussi celle des scien- ces a chaque fois convoquées, comme aussi des genres littéraires : la fic- tion romanesque de Chateaubriand, Hugo et Stendhal montre autant, mieux sans doute que les reports factuels des mémorialistes ou les analy- ses @histoire quantitative, sans aller plus avant’. La saturation selon la quantité d’un paradoxe du type de Pévénement historique implique donc, pour assurer l'indéfinie diversification de ses horizons (témoigna- ges, points de vue, sciences, genres littéraires, etc.), non seulement une tdéologie sans fin, mais surtout une interobjectivité — la connaissance de Pévénement historique devient elle-méme historique, comme la somme des accords et des désaccords entre sujets constituant partielle- ment un non-objet toujours a re-constituer, comme Thistoire d’une intersubjectivité médiatisée par un non-objet, le paradoxe lui-méme. Ltherménentique de Pévénement (saturé parce que historique) suffit produire une communauté historique et, par son inachevabilité méme, y rend possible la communication’. Lidole Le phénoméne saturé se signale deuxiémement sous l’aspect de Finsoutenable et de Péblouissement, tels qu’ils subvertissent la caté- gorie de la qualité, portée & son excellence. Nous nommerons ce para- 1. Voir Merleau-Ponty, Phénominologie de la perception, Patis, 1945, p. 416 sq. 2. La phénoménologie qui aborde ce type de phénoméne saturé a été élaborée, de maniére exemplaire, par P. Riccrur, en particulier avec Temps ef réit, IL: Le temps rucont, Patis, 1985. L 320 ETANT Dong doxe Pidole. L’idole se définit ici comme le premier terme indiscura. blement visible, parce que sa splendeur aréte pour la premiere fois Pintentionnalité ; et ce premier visible la comble, Parréte et méme I, bloque, au point de la retourner sur elle-méme, a la maniére dug obstacle — ou d'un miroir — invisible. L’occurrence privilégiée de Vidole reste a Pévidence le tableau (ou ce qui, sans le cadre du cadre, en tient liev), pour ne pas dire trop génériquement Pceuvre dart. 1g saturation marque en effet essentiellement le tableau : Vintuition y sup passe toujours le ou les concepts proposés pour la recueillir; il ne suf. | fit jamais de Yavoir une fois regardé pour Pavoir véritablement vu, ay contraire de Vobjet technique et du produit ; tout 4 Vinverse, chaque regard porté sur le tableau ne me fait pas percevoir seulement, nj méme d’abord ce que j’y vois, mais le fait méme que je ne patviens pas ale prendre en vue comme tel ~ qu’il recéle toujours encore ’essentiel de sa visibilité. Sans doute, j’en peux comprendre, par concepts ou 4 force d’informations, comme théoricien ou comme historien, une patt sans cesse accrue de son donné ; mais justement, plus cette part s’ac- croit, moins devient accessible la donation elle-méme, comme le pur arrivage du phénomeéne dans sa globalité et a son initiative. La dona- tion du visible suscite d’autres questions : 4 partir de quel «soi» se donne-t.il? Selon quelle anamorphose s’impose-t-il? De quelle auto- tité me convoque-t-il a venir le voir? A ces questions, toutes provo- quées par le surcroit de intuition, aucun concept ne pourra jamais répondre. Le tableau se donne définitivement « sans concept » — Kant Pa parfaitement compris ~, ni idée — Hegel I’ manqué. Cet arrivage, dont Vintuition sature tout concept possible, le tableau Patteste en convoquant. non seulement & venir le voir, mais surtout 4 venir le revoir. Revoir le tableau ne signifie pas ajouter une intuition a une autre (compléter un savoir par un autre), ni la raviver (réviser une information), mais confronter encore un nouveau concept ou une nouvelle intention & Pintuition indéfinie, que dompte pour ainsi dire Phabitude familiére de voir un méme tableau ; revoir équivaut A tenter de contenir et de résister au méme donné intuitif saturant & travers la grille d'un concept nouveau (ou de plusieurs), d’un horizon différent | (ou de plusieurs). Le donne intuitif de Pidole nous impose de changer ab eff ch bie Ta sat dif sat sat E25 ONNE scuta- € fois me la un ée de cadre, at La y sur. e suf. va, au haque ont, ni 8s pas sentiel soua ve part ‘t s’ac- le pur dons- oi se auto- >rovo- jamais ~ Kant rivage, ste en enir le a une ex une nu une si dire tenter vers la fférent hanger LE DONNE. I: DEGRES 321 sans cesse de regard, ne filt-ce que pour en affronter l'insupportable éblouissement. Dans le cas de Pidole, il faut noter un point qui le dis- tingue essentiellement du précédent phénoméne saturé: au lieu de présupposer une interobjectivité et une communication au moins téléologiques, comme le fait ?événement historique, Pidole provoque un solipsisme inéluctable ; en effet, puisque le tableau me convoque le voir, puisque surtout je dois le revoir au rythme de mes changements horizon et de concept, il ne se montre qu’en m’arrivant 4 moi, done en miindividualisant sadicalement (Jemeinigkeit par Vidole, non plus Pétre). La suite des regards que je ne cesse de poser sur V'idole fixe autant de miroirs invisibles de moi, donc la décrit ou la conceptualise moins qu’elle ne dessine une temporalité o’ il en va d’abord de mon ipséité. L'idole me marque — trace la marque du site od je me tiens — parce qu’en elle le concept manque toujours 4 T'intuition'. La chair Le phénoméne saturé intervient troisitmement sous Vaspect absolu de la chair, telle qu’elle s’arrache a la catégorie de la relation et qu'elle porte 4 son excellence le fait accompli. La chair se définit en effet comme Pidentité de ce qui touche avec le milieu of a lieu ce tou- cher (Aristote), donc du senti avec ce qui sent (Husser!), mais aussi bien du wu et de la vision ou de Poui et de Pouie, bref de l’affecté avec Paffectant (Henry). Car, avant que Vintentionnalité n’ouvre un écart 1. On pourrait attribuer la phénoménologie qui décrit ce type de phénoméne saturé, Vidole, a J. Derrida — étant bien entendu qu'il I’a trés exactement inverséc : la différence tient au déficit de principe et irrémédiable de intuition sur lintention. Mais elle ressortit ainsi d’autant plus a la thématique des degrés d'intuition et de la saturation : «Bien entendre la chance et la nécessité d’un “ga suffit”. C'est assez, mais sans satisfaction ; et qui me sature. — Rien A voir avec la suffisance ou Finsuffisance. Le verbe suffre ne Papprendra rien sur tel “ga suffit” » (La vérité en peinture, Paris, 1978, p. 284, & propos de G. Titus-Carmel) 2.’ On peut sans discussion attribuer l’élaboration d'une phénoménologie appro priée au paradoxe (phénoméne saturé) en tant qu’absolu & la pensée remarquable- ment endurante de M. Henry, depuis L’essence de la manifestation (Paris, 1963", 1990") jusqu’a Phénoménologie matérielle (Paris, 1990) et C'est moi la vérité (Paris, 1996). de 322 ETANT DONNE entre la visée et le remplissement ou entre le Je et son objectif et afin méme que la conscience rende cette extase possible, il faut admettre quelle doit d’abord recevoir des impressions, originaires ou dérivées, quelles qu’elles soient ~ impressions intuitives, mais impressions signi. tives aussi bien. Or, elle ne le peut qu’autant que, par essence, elle se laisse affecter radicalement en soi (affection de soi) ; mais elle ne peut se laisser affecter véritablement en soi qu’autant que son affection ne présuppose aucun affect externe ou préexistant, donc qu'elle s’accom. plit sans condition ; pour s’affecter en elle-méme, elle doit s’affecter dabord par rien autre qu’elle-méme (auto-affection). Il en va @une telle affection chaque fois que le paradoxe non seulement déborde tout objet constituable, mais sature Phorizon au point qu’aucune rela. tion ne le référe plus 4 un autre objet. L’affection ne renvoie a nul objet, selon aucune extase, mais qu’a soi, car il lui suffit d’elle-méme pour s’accomplir comme affectée. Elle s’attribue ainsi le privilage de Poicla selon Aristote : ne pas relever des termes relatifs, ob6eula obala -éov mpbe 71 Aéyerat!. La chair s’auto-affecte ainsi dans lagonie, la souf- france et la douleur, comme dans le désir, le sentir ou Porgasme ; il n’y a aucun sens 4 demander si ces affects lui viennent du corps, de esprit ou dautrui, puisque originairement elle s'y auto-affecte toujours d’abord en et par soi. Donc Ia joie, la peine, evidence de amour (a foudre) ou du souvenir vivant (Proust), mais encore ’appel de la conscience comme langoisse devant le rien (Heidegger), la terreur et le tremblement (Kierkegaard), bref le numen en général (pourva qu’on ne lui assigne aucune transcendance) relévent de la chair et de son immanence propre. Deux points permettent de singulariser le phéno- mene saturé du type de la chair. D’abord, au contraire de Vidole, mais peut-étre comme Pévénement historique, il ne peut proprement se regarder, ni méme se voir: Pimmédiateté de Pauto-affection interdit Pespace ot deviendrait possible Pextase d’une intentionnalité. Ensuite, au contraire de ’événement historique, mais sans doute plus radicale- 1. Aristote, Catigores, 7, 8 a 14-15. Certes, cette phrase appartient la formula tion d'une question ; mais elle recoit immeédiatement une réponse positive, concer- nant du moins les obaia: premieres. me: rest Hite par affe cor ne dos NINE afin sttre ées, gni- ese peut ane om- scter ‘ane orde rela- \ oul xéme ede rdola souf- ilny esprit jours ar (a de la cur et qu'on 2 son aéno- mais nt se terdit suite, licale- vemula- soncer- LB DONNE. It: DEGRES 323 ment que Fidole, la chair provoque et demande le solipsisme ; car elle reste par définition mienne, insubstituable — nul ne peut jouir ou souf- frit pour moi (méme s'il le peut ma place) ; la mienneté (Jemeinigheit) ne concerne pas d’abord ni seulement ma possibilité comme possibi- lité de Pimpossibilité (mourit), mais ma chair elle-méme. Plus, il n’ap- partient méme qu’ ma chair de m’individualiser en laissant sinscrire en elle la succession immanente de mes affections, ou plut6t des affections qui mont fait irréductiblement identique 4 moi seul. Au contraire de linterobjectivité que suscite l’événement historique, plus radicalement que la révision indéfinie que me demande idole, la chair ne se montre done qu’en se donnant ~ et, en ce « soi » premier, elle me donne a moi-méme. Litcine Le phénoméne saturé s’exerce quatriémement sous Daspect de V'r~ regardable et de Pirréductible, tels quills se libérent de toute référence au Je, donc aux catégories de la modalité. Nous nommerons ce dernier type de phénomene saturé licéne, parce qu’il n’offre plus aucun spec- tacle au regard, ni ne tolére le regard d’aucun spectateur, mais exerce a rebours son propre regard sur celui qui l'affronte. Le regardant prend la place du regardé, le phénoméne manifesté se renverse en une mani- festation non seulement en et de soi, mais strictement par et & partir du soi (auto-manifestation) — le paradoxe renverse la polarité de la manifestation en en prenant Tinitiative, loin de la subir, en la don- nant, loin de s’y faire donner. La saturation du phénoméne tient @abord au renversement silencieux et éventuellement pauvre de son flux, plus qu’a son éventuel excés : et ainsi Panamorphose atteint sa derniére excellence. Il faut en effet remarquer que Vintuition prend ici un tour absolument nouveau ; en effet, le regard qui m’advient (arri- vage, événement) ne fournit aucun spectacle, done aucune intuition immédiatement visible ou assignable; il réside justement dans les trous noits de deux pupilles, dans le seul et minuscule espace oi, sur toute la surface du corps d’autrui, il n’y a sien a voir (pas méme la 324 STANT DONNE couleur de Piris qui les entoure) dans le regard d’en face. Le regard qwautrui pose et fait peser sur moi ne se donne donc pas a regarder, ni méme a voir — ce regard invisible ne se donne qu’ endurer. Autruj mest a charge : strictement, il pése sur mon regard comme un poids, un fardeau. Il en va pareillement pour le visage. Certes, autrui m’as. signe par son visage, mais 4 condition d’en comprendre Pinvisibilite essentielle : ce visage, personne ne Pa jamais vu, sauf a le faire moutir — puisque le voir supposerait aussitét de le réduire au rang d’un spec. tacle constitué, donc de ’éliminer comme tel — ou 4 se faire mourir en tant que soi-méme — en se transférant 4 son point de vue, en s’annu- lant donc comme monade individualisée. Le visage d’autrui ne se voit pas plus que son regatd ; il en déploie simplement 'invisibilité sur une portion de la chair, o8 elle rayonne A partir du péle de deux vides. Ce visage, comme ce regard, ne me donne rien a voir — mais se donne en pesant sur moi: par regard et visage, autrui agit, accomplit Vacte de son atrivage comme phénoméne saturé', Pareille inversion de la pola- tité de la phénoménalité implique, a Pévidence, que le Je non seule- ment renonce a sa fonction transcendantale de constitution, mais qu’il passe a la figure de ce que nous avons déja thématisé comme le témoin (§ 22): moi, en tant que je me regois de la donation méme du phénomene irregardable, moi, en tant que je m’apprends moi-méme de ce que le regard d’autrui me dit en silence. Et, en fait, le concept de témoin ne trouve sa pleine légitimité phénoménologique qu’une fois rapporté au phénoméne saturé d’autrui, qui seul peut me constituer comme sien, parce qu’il me précéde dans Pordre de la manifestation. Liicéne offre enfin une caractéristique surprenante (ou plutdt, attendue) : elle rassemble en elle les caractéres particulier des trois pré- cédents types de phénoménes saturés. Comme P’événement historique, elle demande une sommation d’horizons et de narrations, puisque autrui ne peut se constituer objectivement et qu'il advient sans fin 1, Ilva de soi que l'on doit 4 E. Lévinas d’avoir génialement redéployé la phéno- ‘ménologie pour lui permettre d’accéder enfin & autrui en tant que phénoméne sature. — Nous entendons ici V'icéne (comme auparavant lidole) en conformité avec son sens phénoménologique, dégagé dans Dien sans Péir, Paris, 1981, 19913, c. 1. ass 6c inc nd ent le de aff des mé no) pbs la 10 de de «si adh de: qu bk qu tic gard der, teu vids, Yas- lite varie pec- ren anu- voit une Ce een ede sola- cule- quill re le veda xéme ptde > fois tituer on. lutét, 5 pré- cique, disque as fin shéno- saturé. cc son de LE DONNE. It: DEGRES 325 assignable; donc Vicdne: ouvre une téléologie. Comme Tidole, elle réclame d’étre vue et revue, quoique sur le mode de Pendurance inconditionnée ; elle exerce donc comme elle (mais sur un mode plus radical) une individuation sur le regard qui Paffronte. Comme la chair enfin, elle accomplit cette individuation en affectant si originairement le Je qu'il en perd sa fonction de péle transcendantal ; et Poriginarité de cette affection la rapproche méme tangentiellement d’une auto- affection. Cette rencontre des trois premiers types dans le quatriéme et dernier confirme au moins la cohérence de la région od les phéno- meénes [se] saturent. Elle en confirmerait aussi la légitimité phénomé- nologique, si la stricte correspondance entre les déterminations du phénoméne comme donné (Livre Ill) et ses degrés (Livre TV) jusqu’a Ja saturation ne Pavait déja parfaitement établie. La définition du phé- noméne comme donné le libére donc bien des bornes de Pobjectité et de Pétantité. Elle permet aussi de penser qu'il ne se montre en et partir de soi qu’autant qu’il se donne en et a partir de soi, voire en quittant le «soi». Mais elle élargit surtout le champ de la phénoménalité, en admettant, au-dela des phénoménes de droit commun et du paradigme des phénoménes pauvres en intuition, le domaine et le privilége des phénoménes saturés. § 24. SE DONNER, SE REVELER La derniire possibilité — le phénomine de révélation Dressant la topique du phénoméne saturé, nous avons constaté que son dernier type — autrui se montrant en tant qu’icdne — rassem- blait en lui les modes de saturation des trois autres types (’événement historique, idole et la chair). On ne peut donc éviter den conclure que, ne serait-ce qu’a 'intérieur de la région privilégiée de la satura- tion, tous les phénoménes, pourtant tous saturés, n’offrent pas le méme degré de donation. La question s‘impose ainsi de déterminer

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