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Université Pierre et Marie Curie – Paris 6

Licence de Mathématiques, 2ème année

Topologie et Calcul Différentiel


2M216
Nina Aguillon, Jean-Yves Chemin d’après le
polycopié de J.-F. Babadjian
Table des matières

1 Distances et Normes sur Rn 9


1.1 La notion abstraite de distance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.2 Normes sur Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
1.3 Convergence des suites . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17

2 Topologie sur Rn 21
2.1 Boules ouvertes, boules fermées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
2.2 Ensembles ouverts dans Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
2.3 Ensembles fermés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.4 Ensembles compacts . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.5 Rappels rapides de théorie des ensembles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

3 Fonctions continues 33
3.1 Définitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.2 Opérations sur les fonctions continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
3.2.1 Combinaisons linéaires, produits, composition . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
3.2.2 Passage à la limite dans les inégalités, prolongement par continuité . . . . . 36
3.3 Exemples de fonctions continues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
3.4 Fonctions continues en tout point et topologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40
3.5 Continuité et compacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.6 Uniforme continuité et théorème de Heine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45

4 Connexité par arcs et courbes paramétrées 47


4.1 Connexité par arcs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
4.2 Deux problèmes élémentaires de minimisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50

5 Dérivées partielles et fonctions C 1 51


5.1 Dérivée partielle, matrice jacobienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5.1.1 Dérivées partielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51
5.1.2 Matrice jacobienne, gradient . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
5.2 Fonction de classe C 1 et formule de Taylor . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54
5.3 Pourquoi la continuité des dérivées partielles est cruciale . . . . . . . . . . . . . . . 57
5.4 Opérations sur les fonctions de classe C 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
5.4.1 Combinaison linéaire et produit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
5.4.2 Composition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59

3
4

6 Recherche d’extremum 63
6.1 Extremum local et extremum global . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
6.2 Points critiques et extrema . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
6.3 Le retour de la compacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
6.4 Dérivées partielles d’ordre deux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
6.5 Nature des points critiques : des critères avec la hessienne . . . . . . . . . . . . . . 71

7 Inégalité des accroissements finis 75


7.1 Le cas des fonctions d’une variable réelle à valeurs vectorielles . . . . . . . . . . . . 75
7.2 Le théorème des accroissements finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77

8 Complétude et point fixe 79


8.1 Suites de Cauchy et complétude dans Rn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 79
8.2 Théorème du point fixe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
8.2.1 Application lipschtiziennes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81
8.2.2 Théorème du point fixe de Banach . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 83

9 Un bref aperçu des fonctions holomorphes 85


9.1 La dérivabilité au sens complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
9.2 La formule de Cauchy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86
9.3 Formule de Cauchy et analyticité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88
On peut faire des encadrés comme suit :

Exercice indispensable 1 : exemple fondamental


Syntaxe :
\begin{exfonda}[Exemple fondamental] ... \end{exfonda}
Introduction

Ce module est consacré à l’étude des fonctions à plusieurs variables. Quand on cherche à modéli-
ser un phénomène (c’est-à-dire à trouver des équations mathématiques qui décrivent correctement
ce qu’on observe), qu’il soit physique, biologique, économique ou autre, il est plutôt rare qu’il ne
dépende que d’un seul paramètre. Par exemple pour la météo, le temps qu’il fait dépend de la
pression atmosphérique, de la température et du taux d’humidité. Et bien entendu, chacune de ces
choses est fonction de votre position et du jour : les phénomènes physiques dépendent très souvent
de 2 ou 3 variables d’espace et de la variable de temps. Le PIB dépend de la consommation, des
investissements, de la dépense publique (mais pas que). Votre IMC est déterminé à partir de votre
taille et de votre poids, la taille d’une population animale dépend de la quantité de nourriture
disponible et du nombre de prédateurs, etc.
L’objet de ce cours n’est pas de proposer des modèles mais d’étudier les outils mathématiques
qui permettent de les analyser. Vous savez déjà très bien, à partir de son expression, étudier une
fonction d’une variable réelle : trouver ses points de discontinuité, sa limite en +∞ et son minimum
par exemple. Vous savez également faire des développements limités ou calculer des intégrales.
Dans ce cours nous allons nous attacher à généraliser toutes ces notions aux fonctions de plusieurs
variables.
Désormais, par « fonctions de plusieurs variables » nous entendons une fonction (d’un sous
domaine) de Rn , n ≥ 2 dans Rm , m ≥ 1. Le cas m ≥ 2 est intéressant quand le résultat qui nous
intéresse a lui même plusieurs dimensions, par exemple quand on cherche à modéliser un champ
de vitesse. Beaucoup d’exemples du cours porteront sur les fonctions de R2 dans R, qu’on peut
représenter par des surfaces. Les énoncés du cours seront donnés dans un cadre général.

Que doit-on généraliser ?


Convergence des suites, distance entre deux points
Rappelons la définition de la limite d’une suite.

Définition. Soit (xk )k∈N une suite de nombre réels. On dit que la suite (xk )k∈N converge vers un
réel ℓ si et seulement si
∀ε > 0 , ∃kε / k ≥ kε =⇒ |xk − ℓ| < ε .

La notation signifie que le rang kε à partir duquel tous les termes de la suite sont à une distance
inférieure à ε de la limite ℓ dépend de ε. Nous l’adopterons tout du long du polycopié.
On voit que la définition de convergence d’une suite donnée ici utilise la notion de distance entre
deux points, donnée par la valeur absolue. Si xk est un vecteur et non un réel, on verra qu’il y a
beaucoup de choix pour remplacer la valeur absolue. Notons que c’est aussi la valeur absolue, et
donc la notion de distance, qui intervient dans la définition de la convergence d’une suite réelle.
L’une des propriétés remarquables des suites réelles est le théorème suivant.

5
6

Théorème (de Bolzano-Weierstrass). Soit (xk )k∈N une suite d’éléments d’une intervalle fermé
et borné [a, b] de R. Il existe une sous-suite de la suite (xk )k∈N qui converge vers un élément ℓ
de [a, b].

Nous verrons plus tard en détail la notion de sous-suite (Définition 2.16) ; ce théorème signifie
qu’on peut choisir certains termes de la suite de sorte que, si on oublie les autres, la suite obtenue
converge.

Continuité et dérivabilité
Commençons par rappeler la définition de la continuité pour une fonction d’une variable réelle.

Définition. Soit x un réel. La fonction f : R → R est continue au point x si et seulement si

∀ε > 0, ∃ηε > 0, |x − y| < ηε =⇒ |f (x) − f (y)| < ε.

Cela signifie que si on prend un tube de diamètre ε, aussi petit que soit ε, on va pouvoir le
couper à une longueur ηε (qui dépend de ε) de sorte que le graphe de la fonction reste dans le tube
autour du point (x, f (x)).
Au delà de la continuité, la dérivabilité est une notion bien pratique pour étudier les fonctions
de R dans R. Rappelons la définition.

Définition. Soit f une fonction de R dans R une fonction et x un point de R. On dit que f est
dérivable au point x, de dérivée f ′ (x), si

f (x + h) − f (x)
lim = f ′ (x) . (0.0.1)
h→0 h
Cette notion est fondamentale dans l’étude des fonctions par exemple pour la recherche d’ex-
trema, comme le montre le résultat suivant.

Proposition. Soit f une fonction de R dans R admettant un minimum local en un point x0 de R.


Si f est dérivable au point x0 , alors f ′ (x0 ) = 0.

Démonstration. Le fait que x0 soit un minimum local implique l’existence d’un nombre α stricte-
ment positif tel que
∀h ∈] − α, α[, f (x0 + h) − f (x0 ) ≥ 0 .
Écrit autrement, cela signifie que

f (x0 + h) − f (x0 ) f (x0 + h) − f (x0 )


0 < h < α =⇒ ≥0 et − α < h < 0 =⇒ ≤ 0.
h h
Ceci implique que la limite f ′ (x0 ) du taux d’accroissement doit être positive et négative, ce qui
démontre la proposition.

La définition ci-dessus de la dérivée pose un énorme problème si h est un vecteur : on ne sait


pas diviser par des vecteurs ! Toutefois on dispose d’une définition équivalente de la dérivée qui est
la suivante.

Proposition. La fonction f : R → R est dérivable au point x ∈ R, de dérivée f ′ (x) si et seulement


! !
∀ε > 0 , ∃α > 0, |h| < α =⇒ !f (x + h) − f (x) − f ′ (x)h! ≤ ε|h| .
7

Démonstration. Par définition de la limite en un point d’une fonction, une fonction f est dérivable
en un point si et seulement si
! !
! f (x + h) − f (x) !
∀ε > 0 , ∃α > 0, |h| < α =⇒ !! − f ′ (x)!! < ε .
h

En multipliant par h, on conclut la démonstration de la proposition.


Nous n’avons donc plus besoin de diviser pour pouvoir espérer définir un analogue de la dériva-
tion lorsqu’il y a plusieurs variables. Par contre, nous avons toujours besoin de généraliser ce que
l’on appelle la distance entre deux nombres réels qui est la valeur absolue de la différence des deux
normes. Ce point sera l’objet du premier chapitre de ces notes. À propos de la dérivation, nous
établirons également une généralisation de l’inégalité des accroissements finis que nous rappelons
et qui sera un outil fondamental de ce cours.
Théorème (Inégalité des accroissements finis). Soit f une fonction continue sur l’intervalle [a, b]
est dérivable sur l’intervalle ouvert ]a, b[. Supposons que la dérivée soit bornée, c’est-à-dire que

M = sup |f ′ (t)| < ∞.


t∈]a,b[

Alors on a
|f (b) − f (a)| ≤ M |b − a|.
Démonstration. Les deux applications
" "
[a, b] −→ R [a, b] −→ R
et
t *−→ f (t) − f (a) − M (t − a) t *−→ f (a) − f (t) − M (t − a)

sont continues sur l’intervalle fermé [a, b], dérivable à dérivées négatives sur l’intervalle ]a, b[ et
nulle en a, donc elles sont toutes deux négatives. Donnons un peu plus de détails pour la deuxième
fonction
ϕ(t) = f (a) − f (t) − M (t − a),
qui est dérivable car c’est la somme entre la fonction −f qui est dérivable et le polynôme t *→
f (a) − M (t − a). Sa dérivée est ϕ′ (t) = −f ′ (t) − M . Par hypothèse, pour tout t dans l’intervalle
]a, b[, |f ′ (t)| ≤ M . Autrement dit,

∀t ∈]a, b[, −M ≤ f ′ (t) ≤ M

et donc −f ′ (t) − m ≤ 0. La fonction ϕ est décroissante, et ϕ(a) = 0, donc ϕ est négative sur
l’intervalle [a, b], ce qui conclut la preuve en prenant t = b.

Remarque. Ce résultat est donné ici sous forme d’inégalité car ce type de résultat qui se généra-
lisera aux fonctions à valeurs dans Rm avec m ≥ 2.

Et autres
Nous allons généraliser bien d’autres choses, par exemple les intégrales, les changements de
variables, la dérivée seconde, les développements limités et les théorèmes sur les recherches d’ex-
tremum.
8
Chapitre 1

Distances et Normes sur Rn

1.1 La notion abstraite de distance


La définition que nous allons présenter ici résulte d’une démarche très fréquente en mathéma-
tiques. Retenir quelques propriétés de base d’objets familiers, puis les poser dans un cadre très
abstrait et général. Voici ce que cela donne dans le cas présent.
Définition 1.1. Soit X un ensemble, on appelle distance sur X toute application d de X × X
dans R+ telle que
i) (Séparation) d(x, x′ ) = 0 si et seulement si x = x′ ;
ii) (Symétrie) d(x, x′ ) = d(x′ , x) pour tout couple (x, x′ ) d’éléments de X ;
iii) (Inégalité triangulaire) d(x, x′ ) ≤ d(x, x′′ ) + d(x′′ , x′ ) pour tout x, x′ et x′′ dans X.
Le couple (X, d) est appelé un espace métrique.
Un point important de cette définition est caché : une distance prend uniquement des valeurs
positives puisque l’espace d’arrivée de d est R+ .
Le point i) reprend l’idée très simple selon laquelle la distance est nulle d’un point à lui-même
et que cela est le seul cas où elle l’est.
Le point ii) reprend l’idée elle aussi très simple que la distance est symétrique 1
Le point iii) est une relation fondamentale de la distance que l’on utilise constamment et que
l’on appelle inégalité triangulaire. Ceci reprend l’idée très intuitive selon laquelle le parcours est
plus long lorsque l’on fait un détour.
Nous allons maintenant donner quelques exemples de distance. Tout d’abord, l’exemple familier
déjà évoqué sur R qui est
déf
d(x, x′ ) = |x − x′ | .
Comme il arrive parfois, une définition mathématique très intuitive contient des exemples qui le
sont beaucoup moins. Donnons-en un.
Soit X un ensemble ; on définit sur X × X la fonction

dg (x, x′ ) = 0 si x = x′ et dg (x, x′ ) = 1 sinon.

Ceci définit une distance (à dire vrai sans grand intérêt). En effet les deux premières conditions
sont immédiates. Pour l’inégalité triangulaire, le membre de droite de l’inégalité vaut au moins 1
sauf si x = x′ = x′′ auquel cas les deux membres de l’inégalité sont nuls.
1. Notons à ce propos que l’on peut comprendre cette vision comme une vision statique au sens où l’on ne prétend
pas décrire "un temps de parcours" qui pendrait par exemple en compte la pente d’un chemin entre deux points

9
10 CHAPITRE 1. DISTANCES ET NORMES SUR RN

Enfin, on peut citer la “distance SNCF” pour laquelle nous ne donnerons pas de détails puisque
sa formalisation mathématiques n’est pas si simple. X est l’ensemble des villes françaises pourvues
d’une gare en fonctionnement, et pour deux villes A, B on définit dSN CF (A, B) comme la distance
minimale (et non le temps, ce qui supprime les problèmes de correspondance, retard et de dénivelé)
à parcourir en train pour rejoindre ces deux villes. à vous de vous persuader que les trois points
de la définition sont vérifiés.
Pour conclure cette section, remarquons que l’inégalité triangulaire peut s’écrire
d(x, x′ ) − d(x, x′′ ) ≤ d(x′′ , x′ )
ce qui en permutant le rôle de x′ et de x′′ assure que d(x, x′′ ) − d(x, x′ ) ≤ d(x′ , x′′ ). En utilisant la
symétrie de la distance, on obtient finalement
−d(x′′ , x′ ) ≤ d(x, x′ ) − d(x, x′′ ) ≤ d(x′′ , x′ )
ce qui constitue la seconde inégalité triangulaire (ou inégalité triangulaire inverse)
!
!d(x, x′ ) − d(x, x′′ )| ≤ d(x′′ , x′ ) . (1.1.1)

1.2 Normes sur Rn


Nous allons dans cette section introduire la notion de norme sur un espace vectoriel qui nous
permettra de définir une distance associée. Avant de donner une définition, rappelons que l’en-
semble Rn est un espace vectoriel sur R de dimension finie égale à n (qui est un entier strictement
positif). Ses éléments sont appelés des vecteurs. En tant qu’espace vectoriel de dimension n, il
existe une base {e1 , . . . , en }, i.e. une famille libre et génératrice, de sorte que tout vecteur x de Rn
peut s’écrire de manière unique
#n
x= xi ei ,
i=1

où les nombres réels x1 , . . . , xn désignent les coordonnées de x dans la base {e1 , . . . , en }. Une fois
fixée la base (la plupart du temps, on utilisera la base canonique définie par
⎛ ⎞ ⎛ ⎞ ⎛ ⎞
1 0 0
⎜0⎟ ⎜1⎟ ⎜0⎟
⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟
⎜0⎟ ⎜0⎟ ⎜0⎟
⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟
e1 = ⎜ . ⎟ , e2 = ⎜ . ⎟ , · · · , en = ⎜ . ⎟ .
⎜ .. ⎟ ⎜ .. ⎟ ⎜ .. ⎟
⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟
⎝0⎠ ⎝0⎠ ⎝0⎠
0 0 1
et on identifiera le vecteur x avec la matrice colonne de taille n × 1
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
x1 x1
⎜ .. ⎟ ⎜ .. ⎟
⎝ . ⎠ et on écrira x = ⎝ . ⎠ = (x1 , . . . , xn ) .
T

xn xn
AVERTISSEMENT : Le fait de représenter un vecteur de Rn sous forme d’un vecteur colonne
sera essentiel lorsque l’on devra effectuer des produits matrices/vecteurs. Dans les autres situations,
la représentation d’un vecteur sous forme d’une colonne ou d’une ligne ne sera pas particulièrement
importante et pour cette raison, nous ferons parfois des abus de notations (surtout au tableau).
Dans le polycopié, nous notons souvent un vecteur (x1 , · · · , xn )T , le T indiquant la transposée ; il
s’agit donc en fait d’un vecteur colonne.
1.2. NORMES SUR RN 11

En tant qu’espace vectoriel, Rn possède


— une loi interne (l’addition) : si x = (x1 , . . . , xn )T ∈ Rn et y = (y1 , . . . , yn )T ∈ Rn , alors
déf
x + y = (x1 + y1 , . . . , xn + yn )T ∈ Rn ;

— une loi externe (la multiplication par un réel) : si x = (x1 , . . . , xn )T ∈ Rn et λ ∈ R, alors


déf
λx = (λx1 , . . . , λxn )T ∈ Rn .

Définition
Nous pouvons maintenant définir la notion de norme sur Rn . On peut remplacer Rn par un
espace vectoriel quelconque dans cette définition, mais ce n’est pas l’objet de ce cours de travailler
en toute généralité.
Définition 1.2. On appelle norme sur Rn toute application N de Rn dans R+ telle que, pour tout
couple (x, x′ ) de vecteurs de Rn et tout réel λ,
i) (Séparation) N (x) = 0 si et seulement si x = 0Rn = (0, · · · , 0)T ;
ii) (Homogénéité) N (λx) = |λ|N (x) pour tout x ∈ Rn et tout λ ∈ R ;
iii) (Inégalité triangulaire) N (x + x′ ) ≤ N (x) + N (x′ ) pour tout x et x′ dans Rn .
Des deux dernières propriétés, on déduit la seconde inégalité triangulaire.
Proposition 1.3. Soit N une norme sur Rn . Alors pour tout x et y dans Rn on a

|N (x) − N (y)| ≤ N (x − y).

Démonstration. En utilisant l’inégalité triangulaire, on obtient

N (x) = N (x − y + y) ≤ N (x − y) + N (y) et N (y) = N (y − x + x) ≤ N (y − x) + N (x).

L’homogénéité avec λ = −1 donne que N (x − y) = N (y − x), et on peut réécrire ces deux inégalités
comme
−N (x − y) ≤ N (x) − N (y) ≤ N (x − y)
ce qui constitue le résultat recherché.

Trois exemples importants, inégalité de Cauchy-Schwarz


Donnons trois exemples qui nous accompagneront tout au long de ces notes.
Proposition 1.4. L’application ∥ · ∥1 définie sur Rn par
n
#
déf
∥x∥1 = |xj | = |x1 | + |x2 | + · · · + |xn |
j=1

est une norme.


Démonstration. Commençons par un rappel important : une somme de termes positifs est nulle
si et seulement si tous ces termes sont nuls. Ici on a sommé des valeurs absolue donc des termes
positif. On a donc ||x||1 = 0 si et seulement si tous les |xj | sont nuls, donc si et seulement si tous
les xj sont nuls, donc si x = (0, 0, · · · , 0)T . L’homogénéïté résulte du fait que
n
# n
# n
#
∥λx∥1 = |λxj | = |λ| |xj | = |λ| |xj | = ∥x∥1 .
j=1 j=1 j=1
12 CHAPITRE 1. DISTANCES ET NORMES SUR RN

On utilise l’inégalité triangulaire sur R pour écrire que, pour tout j dans {1, · · · , n},

|xj + x′j | ≤ |xj | + |x′j | .

On conclut la démonstration par sommation par rapport à l’indice j.

Proposition 1.5. L’application ∥ · ∥∞ définie sur Rn par

déf
∥x∥∞ = max |xj |
1≤j≤n

est une norme.

Démonstration. Si ∥x∥∞ = 0, on a que pour tout j dans {1, · · · n}, |xj | = 0 et donc x = 0Rn .
Comme pour tout j dans {1, · · · n}, on a |λxj | = |λ||xj |, on a

max |λxj | = |λ| max |xj | .


1≤j≤n 1≤j≤n

Pour démontrer l’inégalité triangulaire, on utilise que

∀j ∈ {1, · · · , n} , ∀(x, x′ ) ∈ (Rn )2 , |xj + x′j | ≤ |xj | + |x′j | ≤ ∥x∥∞ + ∥x′ ∥∞ .

Ainsi donc max |xj + x′j | ≤ ∥x∥∞ + ∥x′ ∥∞ et l’inégalité triangulaire est démontrée.
1≤j≤n

Proposition 1.6. L’application ∥ · ∥2 définie sur Rn par


*
+ n -
déf +# 2
∥x∥2 = , xj = x21 + x22 + · · · + x2n
j=1

est une norme, appelée norme euclidienne.


n
#
Démonstration. On a ∥x∥2 = 0 si et seulement si ∥x∥22 = x2j = 0. En utilisant à nouveau le fait
j=1
qu’une somme de termes positifs est nulle si et seulement si tous ces termes sont nuls, on en déduit
que pour tout j, x2j = 0, donc que touts les xj sont nuls, donc que x = 0Rn .
En ce qui concerne l’homogénéïté, écrivons que
n
# n
#
∥λx∥22 = (λxj )2 = λ2 x2j = λ2 ∥x∥22
j=1 j=1

ce qui assure l’homogénéïté.


La démonstration de l’inégalité triangulaire dans ce cas est sensiblement plus délicate que le
deux précédentes. Elle repose sur l’inégalité fondamentale suivante qui est souvent utilisée pour
elle-même.
Proposition 1.7 (Inégalité de Cauchy-Schwarz). Pour tout couple (x, x′ ) d’éléments de Rn ,
on a ! n !
!# !
! x x′! ′
j ! ≤ ∥x∥2 ∥x ∥2 .
! j
j=1

L’égalité a lieu si et seulement si x et x′ sont co-linéaires.


1.2. NORMES SUR RN 13

Démonstration. Pour tout nombre réel t, on définit


n
#
déf
P (t) = ∥x + tx′ ∥22 = (xj + tx′j )2 .
j=1

Un développement élémentaire permet d’écrire que


n
# . 2 /
P (t) = xj + 2txj x′j + t2 (x′j )2
j=1
n
#
déf
= ∥x∥22 + 2tS + t2 ∥x′ ∥22 avec S = xj x′j .
j=1

La fonction P est donc un trinôme du second degré qui est positif (puisque c’est une somme de
carrés) donc a au plus une racine double ; son discriminant est donc négatif ou nul, ce qui assure
que 4S 2 − 4∥x∥22 ∥x′ ∥22 est négatif ou nul, ce qui exactement l’inégalité voulue.
Le cas d’égalité correspond exactement au cas où le discriminant est nul, c’est-à-dire au cas où
le polynôme P admet une racine t0 tel que ∥x + t0 x′ ∥22 = 0. L’axiome de séparation de la norme
implique que x + t0 x′ = 0Rn .
Conclusion de la démonstration de la proposition 1.6 Par un développement élémentaire, on
trouve que
n
# . 2 /
∥x + x′ ∥22 = xj + 2xj x′j + (x′i )2
j=1
n
#
= ∥x∥22 + ∥x′ ∥22 + 2 xj x′j .
j=1

L’inégalité de Cauchy-Schwartz ci-dessus assure alors que


. /2
∥x + x′ ∥22 ≤ ∥x∥22 + ∥x′ ∥22 + 2∥x∥2 ∥x′ ∥2 = ∥x∥2 + ∥x′ ∥2 .
La proposition est ainsi démontrée.

Exercice indispensable 2 :
Calculer les normes || ||1 , || ||2 et || ||∞ du vecteur u = (1, −1, 2, −3, 1)T .

Corrigé. En revenant aux définitions, vous devez trouver ||u||1 = 8, ||u||2 = 4 et ||u||∞ = 3

Exercice indispensable 3 :
Sur R3 , démontrer que ces trois normes classiques sont bien des normes.
Dans le cas où n = 2, représenter graphiquement les ensembles

S1 = {(x, y) ∈ R2 : ||(x, y)||1 = 1},

S2 = {(x, y) ∈ R2 : ||(x, y)||2 = 1},


et
S∞ = {(x, y) ∈ R2 : ||(x, y)||∞ = 1},
14 CHAPITRE 1. DISTANCES ET NORMES SUR RN

y=x
1 1
1

1 1 1

y = −x

Figure 1.1 – De gauche à droite, les ensembles S2 , S1 et S∞ .

Corrigé. Le fait que ce sont des normes a été démontré ci-dessus ; le point le plus délicat est sans
doute l’application de l’inégalité de Cauchy-Schwartz pour démontrer l’inégalité triangulaire pour
la norme euclidienne || ||2 .
L’ensemble S2 n’est autre que {(x, y) ∈ R2 : x2 +y 2 = 1} : c’est donc un cercle centré en l’origine
(0, 0) et de rayon 1 (figure 1.1, gauche).
Pour la norme || ||1 , on a
S1 = {(x, y) ∈ R2 : ||(x, y)||1 = 1} = {(x, y) ∈ R2 : |x| + |y| = 1}.
Distinguons selon le signe de x et y :
— si x ≥ 0 et y ≥ 0, |x| + |y| = x + y et nous avons la portion de droite y = 1 − x contenue
dans le quadrant supérieur droit ;
— si x ≤ 0 et y ≥ 0, |x| + |y| = x − y et nous avons la portion de droite y = x − 1 contenue
dans le quadrant supérieur gauche.
En procédant de même pour les deux autres quadrant, on obtient un carré de sommets (1, 0), (0, 1),
(−1, 0) et (0, −1) (figure 1.1, milieu)
Enfin pour la norme || · ||∞ , il nous faut comparer |x| et |y|. Dans le demi plan x ≥ 0,
|y| ≤ |x| ⇐⇒ |y| ≤ x ⇐⇒ −x ≤ y ≤ x.
Ainsi, toujours si x ≥ 0, 0
|x| si − x ≤ y ≤ x
||(x, y)||∞ =
|y| sinon
ce qui nous permet de dessiner la moitié de l’ensemble S1 contenue dans le demi plan x ≥ 0, qui
contient :
— la portion droite x = 1 à l’intérieur de l’entonnoir −x ≤ y ≤ x ;
— les deux portions de droite |y| = 1 en dehors de cet entonnoir (y = 1 ou y = −1 en fonction
du signe de y).
En remarquant que ||(−x, y)||∞ = ||(x, y)||∞ , on complète le dessin par une symétrie d’axe x = 0
et on obtient un carré de sommets (1, 1), (−1, 1), (−1, −1), (1, −1) (figure 1.1, droite).

Exercice indispensable 4 :
Montrer que l’application
"
R2 −→ R
N
(x, y) *−→ |x + 2y| + 3|y|
1.2. NORMES SUR RN 15

est une norme sur R2 .

Corrigé. Démontrons que N vérifie les trois points de la définition 1.2, en commençons par la
propriété de séparation (on voit immédiatement que N est à valeurs positives). Si N (x, y) = 0,
comme les deux termes de la somme sont positifs, il faut qu’ils soient tous les deux nuls ; on a donc
0 0 0
|x + 2y| = 0 x + 2y = 0 x=0
N (x, y) = 0 ⇐⇒ ⇐⇒ ⇐⇒
|3y| = 0 3y = 0 y=0

L’homogénéïté est comme souvent facile. Soit λ un réel,


. /
N (λx, λy) = |λx + 2λy| + |3λy| = |λ| |x + 2y| + |3y| = |λ|N (x, y).

Enfin, l’inégalité triangulaire découle de celle sur la valeur absolue :


N (x + x′ , y + y ′ ) = |(x + x′ ) + 2(y + y ′ )| + |3(y + y ′ )|
= |(x + 2y) + (x′ + 2y ′ )| + |3y + 3y ′ |
≤ |x + 2y| + |x′ + 2y ′ | + |3y| + |3y ′ |
≤ N (x, y) + N (x′ , y ′ ).

Normes équivalentes
La définition suivante fournit un critère de comparaison entre deux normes distinctes.
Définition 1.8. Soient N1 et N2 deux normes sur Rn . On dit que N1 et N2 sont équivalentes s’il
existe deux constantes α > 0 et β > 0 telles que

∀x ∈ Rn , αN1 (x) ≤ N2 (x) ≤ βN1 (x) .

Cette propriété signifie intuitivement qu’un vecteur “petit” selon la norme N1 le sera aussi selon
l’autre norme N2 et réciproquement. La proposition 1.9 ci-dessous montre que les trois normes ∥ ·
∥1 , ∥ · ∥2 et ∥ · ∥∞ sont équivalentes.
Commençons par comparer les trois normes les plus classiques entre elles.
Proposition 1.9. Pour tout x de Rn , on a

∥x∥∞ ≤ ∥x∥2 ≤ ∥x∥1 ≤ n∥x∥2 ≤ n∥x∥∞ .

Démonstration. Pour tout j dans {1, · · · , n}, on a


n
#
x2j ≤ x2j = ∥x∥22 et donc ∥x∥2∞ ≤ ∥x∥22 .
j=1

Nous avons 1# 22
n
# n
x2j ≤ |xj | et donc ∥x∥22 ≤ ∥x∥21 .
j=1 j=1

En appliquant l’inégalité de Cauchy-Schwartz avec x = (|x1 |, · · · , |xn |) et x′ = (1, · · · , 1), on


trouve que
# n 1 n 2 12
√ # 2
|xj | ≤ n xj
j=1 j=1
16 CHAPITRE 1. DISTANCES ET NORMES SUR RN


ce qui est exactement l’inégalité ∥x∥1 ≤ n∥x∥2 . Enfin, écrivons que
n
#
x2j ≤ n max x2j
1≤j≤n
j=1


et l’on conclut que ∥x∥2 ≤ n∥x∥∞ et la proposition est ainsi démontrée.

Exercice indispensable 5 :
Savoir redémontrer l’équivalence des normes || ||1 , || ||2 et || ||∞ , au moins dans R2 .

Exercice complémentaire 1 :
Sur R2 , montrer que la norme définit par N (x, y) = |x + 2y| + 3|y| est équivalente à la norme
|| ||∞ .

Corrigé. Soit (x, y) un élément de R2 . En utilisant d’abord l’inégalité triangulaire puis le fait que
|x| et |y| sont tous les deux inférieurs ou égaux à max(|x|, |y|), on obtient

|x + 2y| + 3|y| ≤ |x| + 2|y| + 3|y| ≤ 6 max(|x|, |y|) = 6||(x, y)||∞ .

Pour l’autre sens, faisons apparaitre la majoration connue max(|x|, |y|) ≤ |x| + |y| :

||(x, y)||∞ ≤ |x| + |y| ≤ |(x + 2y) − 2y| + |y| ≤ |x + 2y| + |2y| + |y| ≤ N (x, y).

On a finalement obtenu

∀(x, y) ∈ R2 , ||(x, y)||∞ ≤ N (x, y) ≤ 6||(x, y)||∞

ce qui montre que ces deux normes sont équivalentes.

En fait, la propriété suivante, que nous démontrerons à la fin du chapitre 3 montre que cette
propriété est générale.

Théorème 1.10. Toutes les normes sur Rn sont équivalentes entre elles.

Ce théorème est d’une extrême importance. Il a pour conséquence que les notions de convergence
de suite, de continuité, etc, ne dépendent pas de la norme choisie dans Rn . En dimension infinie,
cas que nous n’aborderons pas dans ce cours, ce n’est pas du tout le cas (pensez par exemple aux
suites de fonctions qui convergent simplement mais pas uniformément par exemple). On peut aussi
observer que lorsque la dimension n devient très grande, les contrôles de la norme ∥ · ∥2 par la
norme ∥ · ∥∞ et de la norme ∥ · ∥1 par la norme ∥ · ∥2 donnés par la proposition 1.9 deviennent très
mauvais.

Distance associée à une norme


Définissons maintenant le concept de distance associée à une norme. Cette définition est basée
sur la proposition suivante.
1.3. CONVERGENCE DES SUITES 17

Proposition 1.11. Soit N une norme sur Rn , l’application d définie par

d : Rn × Rn −→ R+
(x, x′ ) *−→ N (x′ − x)

est une distance.


Démonstration. On commence par observer que si N est une norme, alors

d(x, x′ ) = N (x′ − x) = 0Rn ⇐⇒ x′ − x = 0Rn

ce qui assure le premier point de la définition d’une distance. En ce qui concerne le deuxième point,
la propriété d’homogénéïté appliquée avec λ égal à −1 assure que

d(x, x′ ) = N (x′ − x) = N (x − x′ ) = d(x′ , x).

Quant à l’inégalité triangulaire, observons que

d(x, x′ ) = N (x′ − x′′ + x′′ − x)


≤ N (x′ − x′′ ) + N (x′′ − x)
≤ d(x′ , x′′ ) + d(x, x′′ ).

L’application d est donc bien une distance.

1.3 Convergence des suites


Nous allons voir comment étendre la notion de suite convergente que l’on connait pour les suites
à valeurs réelles aux suites à valeurs dans Rn .
Définition 1.12. Soit N une norme sur Rn . Considérons une suite (xk )k∈N d’éléments de Rn . On
dit que (xk )k∈N converge vers a ∈ Rn en norme N , et on note xk −→ a, si et seulement si
N

∀ε > 0 , ∃kε ∈ N / k ≥ kε =⇒ d(a, xk ) = N (xk − a) < ε .

AVERTISSEMENT : Si (xk )k∈N est une suite de Rn , l’indice en haut désigne l’indice de la suite.
En revanche, l’indice en bas désigne la composante du vecteur. Ainsi, xki est la i-ème composante
du vecteur xk .
Dans Rn , une suite qui converge pour une norme converge pour toutes les autres. En effet, toutes
les normes sont équivalentes et on a la proposition suivante.
Proposition 1.13. Soient N et N ′ deux normes équivalentes. On a

xk −→ a ⇐⇒ xk −→

a
N N

Démonstration. Les deux normes sont équivalentes, donc il existe α > 0 et β > 0 tels que

∀x ∈ Rn , αN (x) ≤ N ′ (x) ≤ βN (x).

Supposons que la suite (xk )k∈N converge vers a au sens de la norme N . Ceci signifie que pour
tout réel strictement positif ε, il existe un entier positif kε tel que pour tout k supérieur à kε ,
on ait N (xk − a) ≤ ε/β, et donc que N ′ (xk − a) ≤ ε. La réciproque est strictement identique en
utilisant que N (x) ≤ 1/αN ′ (x).
18 CHAPITRE 1. DISTANCES ET NORMES SUR RN

Un raisonnement similaire s’appliquant pour toutes les définitions du cours, on


utilisera désormais la norme qui rend la démonstration la plus simple. Parfois, nous
écrirons la démonstration pour une norme quelconque. On notera tout simplement
xk −→ a

Proposition 1.14. La limite, si elle existe, est unique.

Démonstration. Vu ce qui précède, nous écrivons la démonstration pour une quelconque norme
sur Rn que l’on note ∥ · ∥. Soient a et b deux éléments de Rn tels que la suite (xk )k∈N converge
vers a et vers b. Alors, pour tout ε > 0 il existe deux entiers positifs kε,a et kε,b tels que

∀k ≥ kε,a , ∥xk − a∥ < ε et ∀k ≥ kε,b , ∥xk − b∥ < ε .

En utilisant l’inégalité triangulaire, on en déduit que pour tout k supérieur au maximum de kε,a
et ≥ kε,b on a
∥a − b∥ ≤ ∥a − xk ∥ + ∥xk − b∥ < 2ε
ce qui montre que a = b, puisque ε est arbitraire.

Le résultat suivant montre que la convergence d’une suite de Rn est équivalente à la convergence
de chacune de ses composantes dans R.

Proposition 1.15. Soit (xk )k∈N une suite d’éléments de Rn et a un point de Rn . Alors

lim xk = a ⇐⇒ ∀j ∈ {1, · · · , n} , lim xkj → aj .


k→∞ k→∞

Démonstration. En utilisant l’équivalence des normes et la proposition 1.13, nous allons utiliser la
norme ∥·∥∞ pour décrire la convergence des suites à valeurs dans Rn . Supposons que la suite (xk )k∈N
converge vers a (en norme ∥ · ∥∞ donc). Par définition, pour tout ε > 0, il existe un entier positif kε
tel que pour tout k ≥ kε , on ait ∥xk − a∥∞ < ε. Ceci implique que

∀j ∈ {1, · · · , n} , |xkj − aj | < ε

et donc que lim xkj = aj . Réciproquement, supposons que pour tout j dans {1, · · · , n} on
k→∞
ait lim xkj = aj . Par définition,
k→∞

∀ε > 0 , ∃kε,j / ∀k ≥ kε,j |xkj − aj | < ε .

déf
Posons kε = max kε,j . Nous avons alors
1≤j≤n

∀k ≥ kε , ∀j ∈ {1, · · · , n} , |xkj − aj | < ε et donc ∥xk − a∥∞ < ε

ce qui montre bien que xk → a en norme ∥ · ∥∞ .

Attention!
Dans le cas des suites vectorielles, la notation avec un exposant k peut prêter à confusion :
il ne s’agit dans ce cas pas d’une puissance. Notons déjà que si x est un vecteur, xk n’est pas
1.3. CONVERGENCE DES SUITES 19

définit. On choisit cette notation en exposant car on a pris l’habiture de noter la composante
en indice, ainsi
⎛ 0⎞ ⎛ 1⎞ ⎛ 2⎞
x1 x1 x1
⎜ x02 ⎟ ⎜ x12 ⎟ ⎜ x22 ⎟
⎜ ⎟ ⎜ ⎟ ⎜ ⎟
x0 = ⎜ . ⎟ , x1 = ⎜ . ⎟ , x2 = ⎜ . ⎟ , ···
⎝ .. ⎠ ⎝ .. ⎠ ⎝ .. ⎠
x0n x1n x2n

Notons aussi que la notation n est réservée pour la dimension de l’espace, on indice donc la
suite avec une autre notation (ici k).
20 CHAPITRE 1. DISTANCES ET NORMES SUR RN
Chapitre 2

Topologie sur Rn

Les fonctions d’une variable réelle sont (le plus souvent) définies sur des intervalles. Il n’y a
pas beaucoup de type d’intervalle : les ouverts de la forme ]a, b[, les fermés de la forme [a, b], les
ni l’un ni l’autre de la forme [a, b[ ou ]a, b]. Enfin, il y a ceux qui ne sont pas bornés (a = −∞
ou b = +∞) et ceux qui sont bornés. D’un coup d’œil, vous savez sur quel type d’intervalle vous
êtes. Les fonctions de deux variables sont définies sur des parties du plan. Et les parties du plan,
même “en un seul morceau”, sont bien plus compliquées et variées que des intervalles ! La topologie,
c’est l’étude des propriétés intéressantes pour un tel ensemble, qui généralisent celles qu’on utilise
sans y penser pour les intervalles de R.

2.1 Boules ouvertes, boules fermées


Il s’agit de généraliser (partiellement) les intervalles ouverts et fermés de R aux espaces Rn . On
peut voir l’intervalle ]a, b[ (resp.[a, b]) comme
3 ! a + b !! b − a 4 3 ! a + b !! b − a 4
! !
x ∈ R / !x − !< (resp. x ∈ R / !x − !≤ .)
2 2 2 2
b−a
c’est à dire comme l’ensemble des points qui sont à une distance inférieure (ou égale) à du
2
a+b
centre de l’intervalle . Ceci conduit à la définition suivante.
2
Définition 2.1. Soient N une norme sur Rn , x un point de Rn et r un réel strictement positif.
On définit la boule ouverte de centre x et rayon r associée à la norme N par
5 6
BN (x, r) = x′ ∈ Rn / d(x, x′ ) = N (x′ − x) < r .

On définit boule fermée de centre x et rayon r associée à la norme N par


f 5 6
BN (x, r) = x ∈ Rn / d(x, x′ ) = N (x′ − x) ≤ r .

Si r = 1 et x = ORn , on parle de boule unité (fermée ou ouverte).

Exercice indispensable 6 :

21
22 CHAPITRE 2. TOPOLOGIE SUR RN

1. Pour n = 2, représenter A1 = B|| ||1 ((0, 0), 3), A2 = B||f ||2 ((2, 0), 2) et A∞ =
B|| ||∞ ((1, −1), 3). On dessinera la frontière en pointillés si elle n’est pas incluse dans
l’ensemble, et en trait plein si elle l’est.
2. Exprimer les ensembles suivants comme des boules, en précisant la norme, le rayon, et
si elles sont ouvertes ou fermées.

{(x, y, z) ∈ R3 : x2 + y 2 + z 2 < 5}, et {(x1 , x2 ) ∈ R2 : |x1 − 2| + |x2 + 3| ≤ 2}.

Corrigé. 1. Les trois ensembles sont représentés sur la figure 2.1. En utilisant les définitions
des normes, on a
A2 = B||f ||2 ((2, 0), 2) = {(x, y) ∈ R2 : (x − 2)2 + (y − 0)2 ≤ 22 }
c’est donc un disque de rayon 2 et de centre (2, 0), frontière comprise puisque l’inégalité est
large. Ensuite, A1 = B|| ||1 ((0, 0), 3) = {(x, y) ∈ R2 : |x| + |y| < 3} et un raisonnement tout

A1 1

A2

A∞

Figure 2.1 – Les trois ensembles de l’exercice 6

à fait similaire à celui de l’exercice 3 permet de dessiner cet ensemble, en remplaçant le 1


par un 3. . / 5 6
Enfin A∞ = B|| ||∞ (1, −1), 3 = (x, y) ∈ R2 : max(|x − 1|, |y + 1|) < 3 . Le plus simple
est de placer l’origine du repère en (1, −1) ; on note les nouvelles coordonnées (X, Y ) et on
a X = x − 1, Y = y − 1. Une fois ceci fait, le dessin découle aisément de l’exercice 3.
2. En revenant aux définitions, on voit que
5 6 . √ /
(x, y, z) ∈ R3 : x2 + y 2 + z 2 < 5 = B|| ||2 (0, 0, 0), 5
(attention à la racine carrée dans la définition de la norme euclidienne) et que
5 6 . /
(x1 , x2 ) ∈ R2 : |x1 − 2| + |x2 + 3| ≤ 2 = B||f ||1 (2, −3), 2 .
2.2. ENSEMBLES OUVERTS DANS RN 23

La proposition suivante peut-être vue comme une interprétation géométrique de l’inégalité tri-
angulaire.

Proposition 2.2. Pour tout réel r strictement positif, pour tout point x de Rn et pour toute
norme N sur Rn , on a
. /
∀x′ ∈ BN (x, r) , BN x′ , r − d(x, x′ ) ⊂ BN (x, r) .

Démonstration. Soit x′ un point de BN (x, r). Posons r′ = r − dN (x,.x′ ) et montrons que BN (x′ , r′ )
est incluse dans BN (x, r). Pour tout x′′ appartenant à la boule BN x′ , r′ ), on a grâce à l’inégalité
triangulaire,
. /
dN (x, x′′ ) ≤ dN (x, x′ ) + dN (x′ , x′′ )
< dN (x, x′ ) + r − dN (x, x′ )
< r.

D’où la proposition. Cette preuve est illustrée pour les normes || ||1 et || ||2 sur la figure 2.2 ;
noter que la manière dont sont comptées les distances dépendent du choix fait pour la norme. Les
pointillés indiquent que les points de la frontière n’appartiennent pas aux boules, puisqu’elles sont
ouvertes.

r
r
d

d
r′
r′

Figure 2.2 – Preuve de la proposition 2.2 pour N = || ||2 (à gauche) et N = || ||1 (à droite), où
d = dN (x, x′ ).

Redessiner des boules

2.2 Ensembles ouverts dans Rn


Définition 2.3. Un ensemble U ⊂ Rn est dit ouvert si pour tout x ∈ U , il existe un r > 0 tel que
B2 (x, r) ⊂ U . En particulier, l’ensemble vide ∅ est ouvert.

La proposition suivante est essentielle en ce qu’elle montre que la définition ci-dessus est indé-
pendante de la norme choisie.

Proposition 2.4. Soit N une norme sur Rn . Une partie U de Rn est un ouvert si et seulement si
pour tout x ∈ U , il existe un r > 0 tel que BN (x, r) ⊂ U .
24 CHAPITRE 2. TOPOLOGIE SUR RN

Démonstration. Soit N une norme sur Rn . D’après le théorème 1.10, il existe deux réels strictement
positifs α et β tels que
∀x ∈ Rn , αN (x) ≤ ||x||2 ≤ βN (x).
Supposons que U est un ouvert au sens de la définition 2.3. Soit x un élément de U : il existe r > 0
tel que B2 (x, r) est inclus dans U . La boule BN (x, r/β) est elle aussi incluse dans U , en effet, si x′
appartient à BN (x, r/β), on a
||x′ − x||2 ≤ βN (x′ − x) ≤ r
donc x′ appartient à U .
Réciproquement, supposons que U vérifie la propriété de la proposition 2.4 et montrons que U
est ouvert. Soit x un élément de U , alors pour tout x′ tel que ||x − x′ ||2 ≤ αr on a
1
N (x − x′ ) ≤ N (x − x′ ) ≤ r
α
et donc x′ appartient à U . Cela signifie que B2 (x, αr) est incluse dans U qui est donc ouvert.

Cette proposition montre que la notion d’ouverts est indépendante de la norme


choisie pour démontrer l’inclusion d’une boule. À nouveau, on pourra choisir la norme
qui rend la démonstration plus légère.
La proposition ci-dessus jointe à la proposition 2.2 implique que les boules ouvertes (associées à
une norme quelconque) sont des ouverts de Rn .

Exemple 2.5. Le complémentaire d’une boule fermée pour une norme N est un ouvert.

Démonstration. En effet, soient N une norme sur Rn , a un point de Rn et r un réel strictement


f
positif. Considérons un point x de Rn n’appartenant pas à BN (a, r), c’est-à-dire un point x tel que

d(a, x) = N (x − a) > r .

Considérons un élément de x′ de BN (x, d(a, x) − r). D’après l’inégalité triangulaire, on a alors

d(a, x′ ) ≥ d(a, x) − d(x, x′ )


> d(a, x) − (d(a, x) − r) = r

ce qui assure bien que le résultat.


déf
Exemple 2.6. Soit ∆ = {(x1 , x2 ) ∈ R2 / x1 = x2 }. L’ensemble R2 \ ∆ est un ouvert de R2 .

Démonstration. Grâce à la proposition 2.4, on peut utiliser la norme ∥ · ∥1 dans la démonstration.


Soit a = (a1 , a2 ) un point de R2 \ ∆. Soit x = (x1 , x2 ) un élément de la boule (pour la norme ∥ · ∥1 )
|a1 − a2 |
de centre a et de rayon . On a alors
2
|a1 − a2 | ≤ |a1 − x1 | + |x1 − x2 | + |x2 − a2 |
≤ |x1 − x2 | + ∥x − a∥1
1
≤ |x1 − x2 | + |a1 − a2 | .
2
1
Il en résulte que |x1 − x2 | ≥ |a1 − a2 | et donc comme a1 ̸= a2 , que |x1 − x2 | > 0. Autrement
2
dit, x1 =
̸ x2 , donc (x1 , x2 ) appartient à R2 \ ∆ qui est ouvert.
2.2. ENSEMBLES OUVERTS DANS RN 25

Le résultat suivant est l’un des fondements de la topologie.

Proposition 2.7. Toute union d’ouverts de Rn est un ouvert de Rn . Toute intersection finie
d’ouverts de Rn est ouvert de Rn .

Démonstration. Soit (Uλ )λ∈Λ une famille d’ensembles ouverts de Rn indexée sur un ensemble
déf 7
quelconque Λ. Considérons un point a de V = Uλ . Par définition de l’union, il existe un
λ∈Λ
indice λ0 dans Λ tel que a appartienne à Uλ0 . L’ensemble Uλ0 étant lui même ouvert, il existe un
réel strictement positif r tel que la boule B(x, r) soit incluse dans Uλ0 et donc dans V ; ce qui
montre bien que V est ouvert.
Considérons maintenant une famille finie (U k )1≤k≤M d’ouverts de Rn . Soit a un point de l’in-
tersection (que l’on suppose non vide). Comme chaque U k est un ouvert,

∃rk > 0 , BN (a, rk ) ⊂ U k .

déf
Posons r = min rk . Pour tout k, on a
1≤k≤M

BN (a, r) ⊂ BN (a, rk ) ⊂ U k .

Ceci implique que BN (a, r) est incluse dans l’intersection des U k . D’où la proposition.

Exemple 2.8. Une intersection infinie d’ouverts de Rn peut très bien ne pas être ouverte. C’est
le cas pour n = 1 :
8 9 1
:
0, 1 + =]0, 1]

n
n∈N

qui n’est ni ouvert ni fermé.

Exercice complémentaire 2 :
8 1 2
1
Montrer que B1 0Rn , 1 + n’est pas un ouvert de Rn .

n
n∈N

8 1 2
1
Corrigé. Nous allons montrer que B1 0Rn , 1 + = B1f (0Rn , 1). Tout d’abord, comme

n
n∈N
1
1<1+ , on obtient que
n 1 2
8 1
B1f (0Rn , 1) ⊂ B1 0Rn , 1 + .

n
n∈N

Réciproquement, si un point appartient à l’intersection, alors pour tout n ∈ N∗ , ||x||1 < 1 + n1 . En


passant à la limite quand n tend vers +∞, on obtient ||x||1 ≤ 1.
Montrons maintenant que B1f (0Rn , 1) n’est pas un ouvert. Cela peut sembler évident puisque
c’est une boule fermée mais jusqu’ici, nous ne l’avons pas démontré. Nous pouvons le faire en
formalisant l’intuition que les points de la frontière ne vérifient pas la définition d’un ouvert. Ainsi,
le point x = (1, 0, · · · , 0) appartient à cette boule fermé. Soit ε > 0, le point (1 + ε/2, 0, · · · , 0)
appartient à B1 (x, ε) mais il n’appartient pas B1f (0Rn , 1). Ceci étant vrai pour tout ε, la boule
fermée n’est pas ouverte.
26 CHAPITRE 2. TOPOLOGIE SUR RN

2.3 Ensembles fermés


Définition 2.9. Un sous-ensemble F de Rn est dit fermé si son complémentaire noté c F est ouvert.
Proposition 2.10. Toute boule fermée est un ensemble fermé. En particulier les singletons (c’est-
à-dire les ensembles réduits à un seul point de Rn ) sont fermés : ce sont les boules fermées de rayon
nul.
La preuve a déjà été faire dans l’exemple 2.5. Donnons deux autres exemples :
— L’ensemble Rn tout entier ainsi que l’ensemble vide sont des fermés d’après la définition 2.3.
— L’ensemble ∆ de l’exemple 2.6 est un fermé.
La proposition suivante est une traduction en termes de fermés de la proposition 2.7 sur les
réunions d’ouverts et de fermés.
Proposition 2.11. Toute intersection de fermés est fermée. Toute union finie de fermés est fermée.
Quelques rappels de théorie des ensembles sont regroupés dans la section 2.5. Il est
important de bien maitriser ces quelques notions pour ce cours, comme le montre la
preuve suivante.
Démonstration. Pour les propriétés concernant les fermés, il suffit de remarquer que si (Fλ )λ∈Λ est
une famille quelconque d’ensembles fermés, alors
; <
8 7
c
Fλ = c

λ∈Λ λ∈Λ

qui est ouvert d’après la proposition 8


2.7. En effet, chacun de c Fλ est ouvert, et nous avons affaire
à une union quelconque. Ainsi donc Fλ est fermé.
λ∈Λ
De même, si (Fℓ )1≤ℓ≤k est une famille finie de fermés de Rn , alors
; k < k
7 8
c
Fℓ = c
Fℓ
ℓ=1 ℓ=1

k
7
qui est ouvert à nouveau d’après la proposition 2.7. Donc Fℓ est fermé.
ℓ=1

Proposition 2.12. Une partie F de Rn est fermée si et seulement si


. /
∀r > 0 , B(x, r) ∩ F ̸= ∅ =⇒ x ∈ F . (2.3.1)

Démonstration. La contraposée de l’assertion (2.3.1) s’écrit


. /
x ∈ c F =⇒ ∃r > 0 / B(x, r) ∩ F = ∅

ce qui s’écrit encore . /


x ∈ c F =⇒ ∃r > 0 / B(x, r) ⊂ c F .
Ceci est exactement la définition du fait que c F est ouvert.
Grâce à cette proposition, on obtient le corollaire suivant qui permet de caractériser les sous-
ensembles fermés en terme des suites.
2.3. ENSEMBLES FERMÉS 27

Corollaire 2.13. Une partie F de Rn est fermée si et seulement si toute suite d’éléments de F qui
converge dans Rn a en fait sa limite dans F , c’est-à-dire si et seulement si l’implication suivante
est vraie : . k /
(x )k∈N ∈ F N / lim xk = x =⇒ x ∈ F . (2.3.2)
k→∞

Démonstration. Il suffit de démontrer que


. k / . /
(x )k∈N ∈ F N / lim xk = x ⇐⇒ ∀r > 0 , B(x, r) ∩ F ̸= ∅
k→∞

Pour démontrer l’implication, observons que par définition de la convergence,


∀r > 0 , ∃kr / ∀k ≥ kr , d(xk , x) < r
et donc B(x, r) ∩ F est non vide. Réciproquement, en prenant r = 2−k , on en déduit l’existence
d’une suite (xk )k∈N d’éléments de F telle que d(x, xk ) ≤ 2−k et qui donc converge vers x.

Exercice indispensable 7 :
1. En partant de la définition 2.9, montrer que l’ensemble suivant est fermé :

A = {(x, y) ∈ R2 : (x − 1)2 + y 2 ≥ 2 ou (x + 1)2 + y 2 ≥ 1 }.

2. Grâce à la proposition 2.13, montrer que l’ensemble suivant est fermé :

B = {(x, y) ∈ R2 : sin(x) + cos(y) ≤ 1}.

Corrigé. 1. Le complémentaire de A est


. √ / . /
c
A = {(x, y) ∈ R2 : (x − 1)2 + y 2 < 2 et (x + 1)2 + y 2 < 1 } = B2 (1, 0), 2 ∩ B2 (−1, 0), 1 .
C’est une intersection finie de deux boules ouvertes (pour la norme euclidienne), donc de
deux ouverts. Par conséquent, c A est ouvert et A est fermé.
2. Soit (xk , yk ) une suite d’élément de B qui converge vers un point (x, y) de R2 . Comme tout
les éléments de la suite appartiennent à B, on a
∀k ∈ N , sin(xk ) + cos(yk ) ≤ 1.
D’après la proposition 1.15, xk → x et yk → y, donc en passant à la limite et par continuité
des fonctions sin et cos
sin(x) + cos(y) = lim sin(xk ) + cos(yk ) ≤ 1
k→+∞

et la limite (x, y) est en fait dans B, ce qui montre que B est fermé.

Exercice complémentaire 3 :
Montrer que l’ensemble
5 6
C = (x, y) ∈ R2 : 2x + y > 1 et x−y ≥0 .

n’est ni ouvert, ni fermé.


28 CHAPITRE 2. TOPOLOGIE SUR RN

Corrigé. Cet ensemble est l’ensemble des points qui se trouvent à la fois en dessous de la droite
y = x et au dessus de la droite y = 1 − 2x. Nous adoptons comme d’habitude la convention qu’une
frontière pointillée n’appartient pas au domaine. Ce dessin est fort utile pour répondre à la ques-
tion, puisque les points de la frontière inclus dans le domaine empêche C d’être ouvert, tandis que
ceux qui en sont exclus l’empêche d’être fermé.

y = 1 − 2x

1
y=x

L’ensemble n’est pas ouvert : le point (2, 2) appartient à C, mais pour tout ε > 0, le point (2 − ε, 2)
n’appartient pas à C, donc on ne peut trouver aucune petite boule centrée en (2, 2) entièrement
incluse dans C. L’ensemble n’est pas fermé non plus : on peut construire. une suite d’élément
/ de C
qui converge vers un point qui n’est pas dans C, par exemple la suite (1, −1 + 1/n) n∈N∗ .

2.4 Ensembles compacts


La notion de compacité est extrêment importante ; la présentation que nous en faisons ici repose
sur la notion de suite extraite.
Définition 2.14. On appelle fonction d’extraction une fonction ϕ de N dans N qui est strictement
croissante.
Exemples. Les fonctions ϕ(k) = 2k, ϕ(k) = 2k + 1 ou bien ϕ(k) = 2k sont des fonctions d’ex-
traction.
Proposition 2.15. Soit ϕ une fonction d’extraction. Alors, pour tout k de N, ϕ(k) ≥ k.
Démonstration. On procède par récurrence. Comme ϕ(0) appartient à N, il est supérieur ou égal
à 0. Supposons que ϕ(k) soit supérieur ou égal à k. Comme ϕ est strictement croissante, on a
ϕ(k + 1) > ϕ(k) ≥ k .
Et donc ϕ(k + 1) ≥ k + 1.
Définition 2.16. Soit (xk )k∈N une suite d’éléments de Rn (ou bien plus généralement d’un en-
semble quelconque). Une suite extraite (ou sous-suite) de la suite (xk )k∈N est une suite de la
forme (xϕ(k) )k∈N où ϕ est une fonction d’extraction.
Proposition 2.17. Soit (xk )k∈N une suite convergeant vers ℓ. Toute sous-suite de (xϕ(k) )k∈N
converge aussi vers ℓ.
2.4. ENSEMBLES COMPACTS 29

Démonstration. La suite (xk )k∈N étant supposée convergente, on a

∀ε > 0 , ∃kε / k ≥ kε =⇒ d(xk , ℓ) < ε .

Soit ϕ une quelconque fonction d’extraction, la proposition 2.16 assure que

∀ε > 0 , ∃kε / k ≥ kε =⇒ d(xϕ(k) , ℓ) < ε

ce qui assure bien que la suite extraite (xϕ(k) )k∈N converge.

Définition 2.18. Une partie K de Rn est dite compacte si et seulement si toute suite d’éléments
de K admet une sous-suite convergente.

Exemple. Les intervalles fermés et bornés de R sont des parties compactes de R d’après le théo-
rème de Bolzano-Weierstrass page 6.

Proposition 2.19. Soit K une partie compacte de Rn . Un sous-ensemble A de K est compact si


et seulement si c’est une partie fermée de Rn .

Démonstration. Commençons par démontrer qu’une partie fermé A d’un compact K est un com-
pact. Pour ce faire, considérons une suite (xk )k∈N d’éléments de A. C’est aussi une suite d’éléments
de K qui est compact. Il existe donc une sous-suite (xϕ(k) )k∈N qui converge vers un élément x de K.
Comme A est supposé fermé, le corollaire 2.13 assure que x appartient à A qui est donc compact.
La réciproque est une conséquence immédiate du lemme suivant.

Lemme 2.20. Toute partie compacte de Rn est fermée.

Démonstration. Soit K une partie compacte de Rn et x un point de Rn tel qu’il existe une
suite (xk )k∈N d’éléments deK convergeant vers un point x de Rn . Il nous faut montrer que x
appartient à K. La compacité de K entraîne l’existence d’une sous-suite (xϕ(k) )k∈N et d’un point x
=
de K tels que
lim xϕ(k) = x =.
k→∞

D’après la proposition 2.17 on. a


lim xϕ(k) = x .
k→∞

L’unicité de la limite assure que x = x


= et donc quex appartient à K ce qui entraine le résultat
d’après le corollaire 2.13.

Le théorème principal sur la compacité est le suivant.

Théorème 2.21. Un ensemble K dans Rn est compact si et seulement s’il est à la fois borné,
c’est-à-dire s’il existe un R > 0 tel que K ⊂ [−R, R]n , et fermé.

Démonstration. Pour démontrer le sens direct, il suffit tout d’abord d’appliquer le lemme 2.20
ci-dessus qui affirme que K est fermé. Pour démontrer que K est borné, nous allons procéder par
contraposition et démontrer que si une partie K n’est pas bornée, alors on peut construire une suite
d’éléments de K qui n’admet aucun suite convergente. Si K n’est pas bornée, pour une entier k il
existe un élément xk de K tel que ∥xk ∥∞ ≥ k. Toute sous-suite (xϕ(k) )k∈N vérifie

∥xϕ(k) ∥∞ ≥ ϕ(k) ≥ k .

Les suites convergentes étant bornées, nous avons démontré que K n’est pas compact.
30 CHAPITRE 2. TOPOLOGIE SUR RN

Nous allons démontrer la réciproque dans le cas où n = 2. D’après la proposition 2.19, il suffit
de démontrer que [−R, R]2 est compact. Pour ce faire, considérons une suite (xk )k∈N d’éléments
de [−R, R]2 . Nous allons procéder par deux extractions successives. Commençons par regarder la
suite (xk1 )k∈N contenant uniquement la première coordonnée de chacun des xk . C’est une suite
réelle à valeur dans [−R, R]. D’après le théorème de Bolzano-Weierstrass rappelé page 6, il existe
une fonction d’extraction ϕ1 et un réel x1 dans l’intervalle [−R, R] tel que
ϕ (k)
lim x1 1 = x1 .
k→∞

Par conséquent, dans la suite (y k )k∈N = (xϕ1 (k) )k∈N , la première coordonnée à une limite, mais
(sauf exception) pas le seconde. En appliquant à nouveau le théorème de Bolzano-Weierstrass à la
suite (y2k )k∈N , il existe une fonction d’extraction ϕ2 et un réel y2 de l’intervalle −[R, R] tels que
ϕ (k)
limk→∞ y2 2 = y2 . On en déduit que
(ϕ1 ◦ϕ2 )(k)
lim y ϕ2 (k) = lim x2 = y2 .
k→∞ k→∞

puis d’après la proposition 2.17, que


(ϕ1 ◦ϕ2 )(k)
lim x1 = x1 .
k→∞

Ainsi les deux coordonnées de la suite (x(ϕ1 ◦ϕ2 )(k) )k∈N convergent, et d’après la proposition 1.13,
on a
lim x(ϕ1 ◦ϕ2 )(k) = (x1 , y2 ) dans R2 .
k→∞

Exercice indispensable 8 :
— Trouver un sous-ensemble de R2 qui est fermé mais non borné (et donc qui n’est pas
compact).
— Trouver un sous-ensemble de R2 qui est borné mais non fermé (et donc qui n’est pas
compact).

Corrigé. 1. N’importe quel ensemble “qui comprend sa frontière” et “qui s’échappe vers l’in-
fini” convient. Le plus dur n’est donc pas de faire un dessin, mais de trouver un exemple
explicite. Par exemple
{(x, y) ∈ R2 : y ≤ x}
convient. On montre qu’il est fermé grâce à la caractérisation 2.13. Il est non borné puisqu’il
contient des points de norme aussi grande que l’on veut, par exemple les points (2n, n) pour
tout n entier positif.
2. Toute boule ouverte de rayon fini donne un exemple.

Exercice indispensable 9 :
Montrer que l’ensemble suivant est compact :

D = {(x, y) ∈ R2 : x2 + y 4 ≤ 4}.
2.5. RAPPELS RAPIDES DE THÉORIE DES ENSEMBLES 31

Corrigé. Montrons que cet ensemble est à la fois fermé et borné. Soit (xk , yk ) une suite de points
de D qui converge vers un point (x, y) de R2 . La fonction (x, y) *→ x2 + y 4 étant continue, on a

x2 + y 4 = lim x2k + yk4 ≤ 4


k→+∞

puisque tous les (xk , yk ) appartiennent à D. Par conséquent, la limite appartient à D et D est
fermé. Reste à montrer que D est borné. Si (x, y) est dans D,

x2 ≤ x2 + y 2 ≤ x2 + 3y 2 ≤ 4 et y 4 ≤ x2 + y 2 ≤ x2 + 3y 2 ≤ 4
√ √
donc x ∈ [−2, 2] et y ∈ [− 2, 2]. Finalement l’ensemble D est fermé et borné donc compact.

2.5 Rappels rapides de théorie des ensembles


On rappelle briévement ici les notions d’union, d’intersection et de complémentaire ; en cas de
doutes sur les propriétés, un petit dessin avec des patates permets toujours de les retrouver. Dans
tout ce qui suit, X désigne un ensemble quelconque, par exemple X = R2 .
Définition 2.22. Soit A un sous-ensemble de X. Le complémentaire de l’ensemble A est l’ensemble
des points qui n’appartiennent pas à A :
c
A = {x ∈ X : x ∈
/ A}.

Définition 2.23. Soient A et B deux sous-ensembles de X. On définit


— l’union de A et de B comme l’ensemble des points qui appartiennent à l’un ou l’autre des
ensembles (ou les deux) :

A ∪ B = {x ∈ X : x ∈ A ou x ∈ B};

— l’intersection de A et de B comme l’ensemble des points qui appartiennent aux deux en-
sembles :
A ∩ B = {x ∈ X : x ∈ A et x ∈ B};
Rappelons qu’en mathématiques, le “ou” signifie toujours “et/ou”. De la même manière, on peut
faire des unions et des intersections d’une famille quelconque de sous-ensemble.
Définition 2.24. Soit (Aλ )λ∈Λ une famille quelconque de sous-ensemble de X. On définit
— l’union des Aλ , λ ∈ Λ comme l’ensemble des points qui appartiennent au moins un ensemble
de la famille : 7
Aλ = {x ∈ X : ∃λ0 ∈ Λ, x ∈ Aλ0 };
λ∈Λ

— l’intersection des Aλ , λ ∈ Λ comme l’ensemble des points qui appartiennent à tous les en-
sembles de la famille : 8
Aλ = {x ∈ X : ∀λ ∈ Λ, x ∈ Aλ };
λ∈Λ

Exercice indispensable 10 :
Écrire les deux ensembles suivants comme des unions, intersections et complémentaire de
boules euclidienne, puis donner une écriture développée du type {(x, y) ∈ R2 : · · · } de l’en-
semble et de son complémentaire.
32 CHAPITRE 2. TOPOLOGIE SUR RN

1 2 1 3

f. /
Corrigé. Pour la figure de droite, le grand. disque/ est B2 (0, 0), 2 . Les points ne doivent pas
appartenir au disque central blanc fermé B2 (0, 0), 1 . Finalement c’est l’ensemble

A = B2f ((0, 0), 2) ∩c B2f ((0, 0), 1) = {(x, y) ∈ R2 : 1 < x2 + y 2 ≤ 4}.


Son complémentaire est
. / . /
c
A = {(x, y) ∈ R2 : x2 + y 2 ≤ 1 ou x2 + y 2 > 4} =c B2f (0, 0), 2 ∪ B2f (0, 0), 1 .
L’ensemble de droite, qu’on note B, est l’union de deux disques fermés :
. / . /
B = B2f (−1, 0), 2 ∪ B2f (1, 0), 2
> >
= {(x, y) ∈ R2 : (x + 1)2 + y 2 ≤ 2 ou (x − 1)2 + y 2 ≤ 2}
Son complémentaire est
> >
c
B = {(x, y) ∈ R2 : (x + 1)2 + y 2 > 2 et (x − 1)2 + y 2 > 2}.
Proposition 2.25. Soit (Aλ )λ∈Λ une famille quelconque de sous-ensemble de X. On a
7 c
8 8 c
7
c
Aλ = Aλ et c
Aλ = Aλ
λ∈Λ λ∈Λ λ∈Λ λ∈Λ
?
Démonstration. Si x n’est pas dans l’union c λ∈Λ Aλ , cela signifie qu’il n’est dans aucun des
ensembles Aλ : pour tout λ ∈ Λ, x n’appartient pas à Aλ . Le complémentaire de l’union est donc
l’intersection des complémentaires. @
Si x n’est pas dans l’intersection c λ∈Λ Aλ , cela signifie qu’il n’est pas dans tous les ensembles,
donc qu’il y a au moins un ensemble auquel il n’appartient pas. Le complémentaire de l’intersection
est donc l’union des complémentaires.

Exercice indispensable 11 :

Prenons X l’ensemble des hommes, A l’ensemble des barbus, B l’ensemble des moustachus.
À quoi correspond A ∪ B, A ∩ B, et leurs complémentaires ?
Chapitre 3

Fonctions continues

3.1 Définitions
On s’intéresse à des fonctions de deux variables ou plus, définies d’un sous domaine D de Rn
(n ≥ 2) à valeurs réelles (ensemble d’arrivée R) ou vectorielles (ensemble d’arrivée Rm , m ≥ 2) :

f :D −→ Rm
x = (x1 , . . . , xn )T *−→ (f1 (x), . . . , fm (x))T .

Quand m ≥ 2 on parle aussi de champ de vecteurs. Quand n = 2 (resp. 3), on notera souvent
f (x, y) (resp. f (x, y, z)) au lieu de f (x1 , x2 ) (resp. f (x1 , x2 , x3 )).
Il faut veiller à ce que la quantité f (x) ait un sens pour tout élément x de D, autrement dit à
ce que le domaine de départ D soit inclus dans l’ensemble de définition de la fonction
déf 5 6
Df = x ∈ Rn : f (x) existe .

Exercice indispensable 12 :
Trouver l’ensemble de définition de la fonction (x, y) *→ ln(3 − x2 − y 2 )

Corrigé. Cette fonction √ est bien définie si et seulement si 3 − x − y > 0, autrement dit si (x, y)
2 2

appartient à B||∥|2 (0R2 , 3).

Commençons par définir la notion de limite d’une fonction en un point. Nous utilisons dans ce
chapitre la norme || ||∞ à la fois sur l’espace de départ et l’espace d’arrivée, mais en raison de
l’équivalence des normes en dimension finie (théorème 1.10), on pourrait choisir n’importe quelle
autre norme, éventuellement différentes sur l’espace de départ et l’espace d’arrivée. Ce sera très
différent quand, à partir de la L3, vous travaillerez en dimension infinie ; il sera alors crucial de
préciser quelles normes sont choisies.

Définition 3.1. Soit f une fonction d’une partie D de Rn dans Rm . On considère un point a
de D. On dit que f admet une limite ℓ au point a, ce qu’on note limx→a f (x) = ℓ, si

∀ε > 0 , ∃αε > 0 / ||x − a||∞ < αε =⇒ ||f (x) − ℓ||∞ < ε . (3.1.1)

Une fonction est continue en un point a si elle admet f (a) comme limite en ce point.

33
34 CHAPITRE 3. FONCTIONS CONTINUES

Définition 3.2. Une fonction f défine sur une partie D de Rn à valeurs dans Rm est continue en
un point a de D si
lim f (x) = f (a),
x→a

autrement dit si

∀ε > 0 , ∃αε > 0 : x ∈ B|| ||∞ (a, αε ) ∩ D =⇒ ||f (x) − f (a)||∞ < ε .

Une fonction f : D → Rm est continue sur un ensemble E ⊂ D si elle est continue en tout point
de E. L’ensemble des fonctions continues de E dans Rm sera noté C(E; Rm ) ou C 0 (E; Rm ).

Le point x appartient à B|| ||∞ (a, αε ) ∩ D si et seulement si x est dans D (et donc que f (a) est
bien définie) et ||a − x||∞ ≤ αε . Cette définition signifie donc que aussi petit qu’on choississe ε, on
peut trouver un αε tel que, quand x est a une distance inférieure à αε de a, f (x) (si elle est définie)
est à une distance inférieure à ε de f (a). Les distances sont ici celle associée à la norme infinie.

Remarque 3.3. Les définitions 3.1 et 3.2 sont similaires à celle que vous connaissez pour une
fonction de R dans R : on a juste remplacé la valeur absolue par la norme infinie. En utilisant
le théorème sur l’équivalence des normes en dimension finie 1.10, on pourrait remplacer la norme
infinie par n’importe quelle autre norme, avec possiblement des choix de normes différents pour
l’espace de départ et l’espace d’arrivée.

Donnons maintenant des définitions équivalentes de la continuité en un point a.

Proposition 3.4. Soient f une fonction d’une partie D de Rn dans Rm et a un point de D. Alors
les propriétés suivantes sont équivalentes :
i) f est continue en a ;
ii) pour toute suite (xk )k∈N d’éléments de D telle que xk → a dans Rn , alors f (xk ) → f (a)
dans Rm ;
iii) pour tout ouvert V de Rm contenant f (a), il existe un ouvert U de Rn contenant a tel que
f (D ∩ U ) ⊂ V .
iv) Les m composantes de f sont continues en a : pour tout i ∈ {1, · · · , m}, la fonction fi :
D → R est continues en a.

Démonstration. i) ⇒ iii) : Soit V un ouvert de Rm contenant f (a). Par définition, il existe un réel
strictement positif ε tel que
B∞ (f (a), ε) ⊂ V .
En posant U = B∞ (a, αε ) où αε est donné par la définition 3.2, on établit iii).
i) ⇒ iii) : Soit ε > 0, prenons V = B∞ (f (a), ε). D’après iii), il existe un ouvert Uε de Rn
contenant a tel que
f (D ∩ Uε ) ⊂ BN= (ℓ, ε).
Comme U.ε est ouvert, il existe un réel strictement positif αε tel que B∞ (a, αε ) soit inclus dans Uε .
Comme f B∞ (a, αε ) ∩ D) est inclus dans f (Uε ∩ D) qui est lui même inclus B∞ (f (a), ε) d’après
iii), on retrouve exactement la définition 3.2.
i) ⇒ ii) : Soient ε et αε comme dans la définition de la continuité en a et (xk )k∈N une suite de
D telle que xk → a. Alors, par définition de la limite d’une suite, il existe un N ∈ N tel que pour
tout k ≥ N , xk appartient à B∞ (a, αε ) (ce qui se lit ∥xk − a∥∞ < αε ), puis par définition de la
continuité, ∥f (xk ) − f (a)∥∞ < ε. Ceci montre bien que f (xk ) → f (a) dans Rm .
ii) ⇒ i) : Supposons par l’absurde que f n’est pas continue en a. Il existe alors un ε0 > 0
tel que pour tout δ > 0, on peut trouver un xδ ∈ D ayant les propriétés ∥xδ − a∥∞ < δ et
∥f (xδ ) − f (a)∥∞ ≥ ε0 . En prenant δ = 1/k, avec k ∈ N∗ , on obtient une suite (xk )k∈N d’éléments
3.1. DÉFINITIONS 35

de D telle que ∥xk − a∥∞ < 1/k et ∥f (xk ) − f (a)∥∞ ≥ ε0 pour tout k ∈ N∗ . Par conséquent xk → a
dans Rn mais f (xk ) ̸→ f (a) dans Rm , ce qui contredit ii).
i) ⇔ iv) : Soit i{1, · · · , m}, on a
|fi (x) − fi (a)| ≤ ||f (x) − f (a)||∞ →x→a 0
donc fi est continue en a. Réciproquement, si toutes les composantes fi sont continues en a,
||f (x) − f (a)||∞ ≤ |f1 (x) − f1 (a)| + · · · + |fm (x) − fm (a)| →x→a 0.
La limite est vraie car on a effectue une somme finie de termes qui tendent vers 0.

La contraposée du point ii) est utile pour montrer qu’une fonction n’est pas continue.
Proposition 3.5. Soient f une fonction d’une partie D de Rn dans Rm et a un point de D. S’il
existe (xk )k∈N et (x′k )k∈N deux suites d’éléments de D telles que
lim xk = lim x′k = a
k→∞ k→∞

et
lim f (xk ) ̸= lim f (x′k )
k→∞ k→∞
Alors la fonction f n’est pas continue au point a.

Exercice indispensable 13 :
Montrer que la fonction

ψ : R2 \ {(0, 0)} → R
xy
(x, y) *→
x2 + y 2

ne peut pas être prolongée par continuité en (0, 0).

Corrigé. Essayons de prolonger f par continuité en (0, 0). La suite (1/n, 0) tend vers (0, 0) quand
n tend vers +∞. De plus f (1/n, 0) = 0. Pour que f soit continue il faudrait donc f (0, 0) = 0. La
suite (1/n, 1/n) tend elle aussi vers (0, 0). Mais f (1/n, 1/n) = 1/2 ! On ne peut donc pas prolonger
f par continuité.

Exercice complémentaire 4 :
Montrer que la fonction

ψ: R2 → ⎧ R
⎨ 1 − cos(xy) si y ̸= 0
(x, y) *→ y

0 si y = 0

est continue sur R2 tout entier. On pourra utiliser sans justification le fait que

θ2
∀θ ∈ R, 0 ≤ 1 − cos(θ) ≤
2
36 CHAPITRE 3. FONCTIONS CONTINUES

Corrigé. Le continuité de la fonction sur l’ensemble {(x, y) ∈ R2 , y ̸= 0} est facile, puisque sur
cet ensemble f est le quotient de deux fonctions continue avec un dénominateur qui ne s’annule
pas. Reste à démontrer la continuité sur la droite y = 0. Soit (x0 , 0) un point de cette droite, où
x0 est réel fixé. Si (x, y) est tel que y ̸= 0, on a
! ! ! ! ! !
! 1 − cos(xy) ! ! (xy)2 ! ! 1 2 !
!
|f (x, y) − f (x0 , 0)| = ! ! ! ! ! !
y ! ≤ ! 2y ! = ! 2 x y !

et cette inégalité est aussi vrai si y = 0. Quand (x, y) tend vers (x0 , 0), x2 y tend vers x20 × 0 = 0 ;
par conséquent,
lim f (x, y) = f (x0 , 0)
(x,y)→(x0 ,0)

et f est continue sur R2 tout entier.

3.2 Opérations sur les fonctions continues


3.2.1 Combinaisons linéaires, produits, composition
Propriétés 3.6. i) Toute combinaison linéaire de fonctions continues est continue. Autrement
dit, C(E; Rm ) est un espace vectoriel pour tout sous-ensemble E de Rn ;
ii) Si m = 1, le produit de deux fonctions continues est continu. Autrement dit C(E) est une
algèbre pour tout sous-ensemble E de Rn ;
iii) Si f : Rn → Rm est continue en a ∈ Rn , et g : Rm → Rp est continue en f (a), alors
g ◦ f : Rn → Rp est continue en a ;
Démonstration. Nous allons utiliser la caractérisation séquentielle de la continuité établie dans la
proposition 3.4.
i) Soient f et g : Rn → Rm continues en a ∈ Rn et λ, µ ∈ R. Si (xk )k∈N est une suite de Rn telle
que xk → a dans Rn , alors f (xk ) → f (a) et g(xk ) → g(a) dans Rm et donc λf (xk ) + µg(xk ) →
λf (a) + µg(a) dans Rm ce qui montre que λf + µg est continue en a.
ii) Si f et g : Rn → R sont continues en a ∈ Rn et (xk )k∈N est une suite de Rn telle que xk → a
dans Rn , alors f (xk ) → f (a) et g(xk ) → g(a) dans R et donc f (xk )g(xk ) → f (a)g(a) dans R ce
qui montre que f g est continue en a.
iii) Si (xk )k∈N est une suite de Rn telle que xk → a dans Rn , par continuité de f en a, on a que
f (xk ) → f (a) dans Rm , puis par continuité de g en f (a), il vient g(f (xk )) → g(f (a)) dans Rp , ce
qui montre que g ◦ f est continue en a.

3.2.2 Passage à la limite dans les inégalités, prolongement par continuité


Commençons par la propriété de passage à la limite dans les inégalités larges.
Proposition 3.7. Soient f et g deux fonctions définies d’un sous-ensemble D de Rn à valeurs
dans R, telles que
∀x ∈ D, f (x) ≤ g(x).
Soit a un point de D. Supposons que f et g ont chacune une limite en ce point. Alors

lim f (x) ≤ lim g(x).


x→a x→a

Démonstration. Notons α = limx→a f (x) et β = limx→a g(x). Soit ε > 0, il existe ηf > 0 et ηg > 0
tels que . /
x ∈ D et ||x − a||∞ < ηf =⇒ |f (x) − α| < ε
3.2. OPÉRATIONS SUR LES FONCTIONS CONTINUES 37

et . /
x ∈ D et ||x − a||∞ < ηg =⇒ |g(x) − β| < ε.
Soit x un point de D tel que ||x − a||∞ < min(ηf , ηg ). On a
α = (α − f (x)) + f (x) ≤ ε + g(x) ≤ ε + g(x) − β + β ≤ 2ε + β
Ceci étant vrai pour tout ε, on en déduit α ≤ β.
Cette propriété est souvent utilisée pour montrer qu’une fonction est prolongeable par continuité
en un point. Rappelons ce que signifie ce terme.
Définition 3.8. Soit f une fonction définie et continue sur une boule ouverte de Rn privée de son
centre B2 (a, r) \ {a} à valeurs dans R. On dit que f est prolongeable par continuité si elle admet
une limite finie ℓ au point a. Dans ce cas, la fonction
f˜ : B2 (a, r) → 0 R
f (x) si x ̸= a
x *→
ℓ si x = a
est continue sur en a.
Pour montrer un résultat de ce type, il est courant d’utiliser le théorème des gendarmes.
Proposition 3.9. Soit f : B(a, r) \ {a} ⊂ Rn → R une fonction. Supposons qu’il existe ϕ et ψ
deux fonctions telles que
∀x ∈ B(a, r) \ {a}, ϕ(x) ≤ f (x) ≤ ψ(x)
déf
et limx→a ϕ(x) = limx→a ψ(x) = ℓ. Alors f est prolongeable par continuité par ℓ en a.

Exercice complémentaire 5 :
Montrer que la fonction
ln(1 + x4 + 2y 6 )
(x, y) *→
x2 + 3y 4
est prolongeable par continuité en (0, 0).

Corrigé. Cet énoncé est volontairement flou. Il faut commencer par s’interroger sur le domaine
de définition de f . Comme on n’a que des puissances paires, le logarithme ne pose pas de problème
puisque 1 + x4 + 2y 6 ≥ 1 > 0. De même, le dénominateur ne s’annule que si (x, y) = (0, 0). Il suit
en utilisant le fait que pour tout s ≥ 0, ln(1 + s) ≤ s et x4 + 2y 6 positif :
ln(1 + x4 + 2y 6 ) x4 + 2y 6
0≤ ≤ 2
x + 3y
2 4 x + 3y 4
x4 2y 6
≤ 2 + ≤
x + 3y 6 x2 + 3y 4
x4
2y 6
≤ 2+ ≤ 4
x 3y
2
≤ x2 + y 2
3
et le résultat découle du théorème des gendarmes puisque x2 + 23 y 2 −→(x,y)→(0,0) 0.
38 CHAPITRE 3. FONCTIONS CONTINUES

Exercice complémentaire 6 :
sin(x2 )
La fonction g : (x, y) *→ n’est pas prolongeable par continuité en (0, 0).
x+y

Corrigé. Ici encore s’interroger sur l’ensemble de définition est très utile. En effet, on voit que la
fonction n’est pas définie sur la droite y = −x (qui contient (0, 0)) et de plus, on voit “facilement”
que f n’est pas prolongeable par continuité aux points de cette droite dès lors que sin(x2 ) ne s’annule
pas.
sin(x2 ) 1
On a de plus g(x, −x + x3 ) = ∼x→0 , donc g n’est pas prolongeable par continuité
x3 x
en (0, 0). La grande question est : d’où sort ce −x + x3 ? L’idée est de se rapprocher de (0, 0) en
s’approchant de la droite y = −x sur laquelle on sait que la fonction “explose”. Cela incite à poser
2
y = −x + ε(x). On trouve g(x, −x + ε) = sin(x )
ε(x) . Il reste à choisir ε de sorte que ε(x) → 0 quand
x → 0 et que cette quantité explose. En utilisant le fait que sin(s) ∼s→0 s, on voit que ε(x) = x3
convient.

3.3 Exemples de fonctions continues


Un premier exemple est donné par les fonctions polynômes.
Définition 3.10. Soit (ak )k∈Nn une suite d’éléments de Rm . Un polynôme est une fonction P
de Rn dans Rm de la forme #
P (x) = ak xk11 · · · xknn
k∈Nn ,
k1 +···+kn ≤d

où les ak sont des éléments de Rm . On note deg(p) = d le degré du polynôme P .


Un polynôme est continu sur Rn comme produit et combinaison linéaire de fonctions continues.
remarquons que les applications linéaires sont des cas particuliers de polynômes (a0 = 0 et d = 1).
Remarque 3.11. Si f est une fonction d’une partie D de Rn dans R, continue en un point a de D
telle que f (a) ̸= 0. Alors la fonction 1/f est bien définie sur l’intersection d’un ouvert contenant a
avec D et continue en a.
Pour montrer qu’une fonction est continue, le plus facile est de la décomposer en somme, produit,
et commposée de fonctions dont on sait qu’elles sont continues. Il sera très utile par la suite que
cette décomposition soit écrite de manière la plus explicite possible, comme dans l’exemple suivant.

Exercice indispensable 14 :
Montrer que la fonction (x, y) *→ ln(3 − x2 − y 2 ) est continue sur son domaine de définition.

Corrigé.
√ On a déjà vu que la fonction f : R → R, (x, y) *→ ln(3 − x − y ) est bien définie sur
2 2 2

B2 (0, 3). Elle y est également continue car f = ln ◦P , où

P : R2 → R, (x, y) *→ 3 − x2 − y 2

qui est continue car polynomiale, et de la fonction usuelle ln : R+


∗ → R qui est continue.
3.3. EXEMPLES DE FONCTIONS CONTINUES 39

Quand il y a un point problématique, on le traite à part.

Exercice complémentaire 7 :
Montrer que la fonction f : R2 → R, définie par
⎧ 4
⎨ x si (x, y) ̸= (0, 0),
f (x, y) := x + 3y 2
2

0 si (x, y) = (0, 0).

Corrigé. Les fonctions (x, y) *→ x4 et (x, y) *→ x2 + 3y 2 sont polynomiales donc continues. De


plus, la dernière fonction ne s’annule pas sur R2 \ {(0, 0)}. Par conséquent, f est continue sur
R2 \ {(0, 0)} comme quotient de deux fonctions dont le dénominateur ne s’annule pas. Montrons
maintenant que f est continue en (0, 0). Pour x ̸= 0 on a comme x2 + 3y 2 ≥ x2 > 0 :

x4 x4
|f (x, y) − f (0, 0)| = ≤ 2 ≤ x −→(x,y)→(0,0) 0
x2 + 3y 2 x
Si x = 0, on a f (x, y) = f (0, 0) donc ces points ne posent pas de problème.

Exercice complémentaire 8 :
Soit f continûment différentiable de R dans R. On définit

⎨ R2 −→ R
F f (x1 ) − f (x2 )
⎩ (x1 , x2 ) *−→ si x1 ̸= x2 , f ′ (t) si x1 = x2 = t.
x1 − x2

La fonction F est continue.

Corrigé. Soit a un point de R2 \ ∆ 1 . La fonction F est continue comme le produit deux fonctions
continues
1
(x1 , x2 ) *−→ f (x1 ) − f (x2 ) et (x1 , x2 ) *−→ ·
x1 − x2
Si a = (t0 , t0 ) appartient à ∆. En appliquant l’inégalité des accroissements finis établie page 7
appliquée sur le segment [x1 , x2 ] assure que
! !
!f (x1 ) − f (x2 ) − (x1 − x2 )f ′ (t0 )! ≤ sup |f ′ (t) − f ′ (t0 )| .
t∈[x1 ,x2 ]

Ainsi donc,

|F (x1 , x2 ) − f ′ (t0 )| ≤ sup |f ′ (t) − f ′ (t0 )| si x ̸∈ ∆ et


t∈[x1 ,x2 ]

|F (t, t) − f ′ (t0 )| ≤ |f ′ (t) − f ′ (t0 )| si x = (t, t) ∈ ∆ .

La fonction f ′ étant continue en t0 , on a

∀ε > 0 , ∃αε > 0 / |t − t0 | < αε =⇒ |f ′ (t) − f ′ (t0 )| < ε .


1. On reprend la notation de l’exemple 2.6 page 24.
40 CHAPITRE 3. FONCTIONS CONTINUES

Observons maintenant que

∥(x1 , x2 ) − (t0 , t0 )∥∞ < αε =⇒ ∀t ∈ [x1 , x2 ] , |t − t0 | < αε .

Il en résulte que
∥x − a∥∞ < αε =⇒ |F (x) − f ′ (t0 )| < ε
ce qui conclut la démonstration.

3.4 Fonctions continues en tout point et topologie


Cette section est tout d’abord l’occasion de faire une courte digression sur les notions d’image
et d’image réciproque d’un ensemble par une fonction.
Définition 3.12. Soit f une fonction de D dans Rm 2 . Si A est une partie de D, on définit
l’ensemble image de A par f par
déf 5 6
f (A) = y ∈ Rm / ∃x ∈ A / y = f (x) .

Si B est une partie de Rm , on définit l’image réciproque de B par f par


5 6
f −1 (B) = x ∈ D / f (x) ∈ B .

ATTENTION La notation f −1 ne doit pas faire croire que f est supposée bijective, ce qui n’est
pas du tout le cas et l’on se gardera d’appliquer sans réflexion des propriétés des bijections. La
proposition suivante est très éclairante à ce sujet.
Proposition 3.13. Soient f une fonction de D dans Rm et A (resp. B) est une partie de D
(resp. Rm ). On a
5 6
f (f −1 (B)) = B ∩ f (D) et f −1 (f (A)) = x ∈ D / ∃a ∈ A / f (x) = f (a) .

Cette proposition ainsi que la définition précédente sont illustrées sur la figure 3.1.

f f

B B
. /
/
f −1 f (A)

f f −1 (B)
.

f −1 (B)
f (A)

A A

Figure 3.1 – Illustration de la définition 3.12 (à gauche) et de la proposition 3.13 (à droite) dans
le cas général d’une fonction f qui n’est ni injective ni surjective

2. Dans cette définition, on peut remplacer D (resp. Rm ) par un exemple quelconque X (resp. Y ).
3.4. FONCTIONS CONTINUES EN TOUT POINT ET TOPOLOGIE 41

Démonstration. Si y appartient à B ∩ f (D), alors il existe un élément x de D tel que y = f (x). Par
définition, x appartient àf −1 (B) et f (x) = y. Donc y appartient à f (f −1 (B)). Réciproquement,
si y appartient à f (f −1 (B)), il existe x appartenant à f −1 (B) tel quey = f (x). Le fait que x
appartienne àf −1 (B) signifie exactement que y appartient à B. Donc y appartient à f (f −1 (B)).
Démontrons la seconde inégalité. Soit x tel qu’il existe a dans A tel que f (x) = f (a). Cela signifie
exactement que x appartient à f −1 (f (A)). Si x appartient à f −1 (f (A), il existe un élément b = f (a)
de f (A) tel que f (x) = f (a). D’où la proposition.
Remarque 3.14. La proposition ci-dessus implique, comme on peut l’observer sur la figure 3.1,
que
f (f −1 (B)) ⊂ B et A ⊂ f −1 (f (A)) . (3.4.1)

Exercice indispensable 15 :
Soit f : R2 →
. R, (x,
/ y) *→ |x| + |y|. Soit B =] − 1, 1[ et soit A = [0, 1] × [0, 1]. Calculer f (A),
f (B) et f −1 f (A) .
−1

Corrigé. On voit facilement que f (A) = [0, 2]. Par définition, (x, y) appartient à f −1 (B) si et
seulement si −1 < |x| + |y| < 1, et donc si et seulement si (x, y) appartient à B1 (0R2 , 1) (boule
ouverte centrée en l’origine, de rayon 1, pour la norme || ||1 ). Un raisonnement similaire donne
. /
f −1 f (A) = B1f (0R2 , 2).
Passons maintenant à un lien intéressant entre les fonctions continues et les ouverts et les fermés.
Proposition 3.15. Soit f une application de Rn dans Rm (il est important qu’elle soit définie sur
Rn tout entier) continue en tout point de Rn . Alors
i) Pour tout ouvert V ⊂ Rm , f −1 (V ) est ouvert dans Rn ;
ii) Pour tout fermé F ⊂ Rm , f −1 (F ) est fermé dans Rn .
Démonstration. Observons tout d’abord que l’on a
c
(f −1 (E)) = f −1 (c E)
et donc les assertions i) et ii) ont équivalentes. Démontrons i). Considérons un ouvert V de Rm .
Si f −1 (V ) est vide, il n’y a rien à démontrer. Sinon, considérons un point a de f −1 (V ). Le point f (a)
appartient à V qui est ouvert. D’après la proposition 3.4, il existe un ouvert U contenant a tel
que f (U ) soit inclus dans V . D’après l’assertion 3.4.1, on en déduit que
U ⊂ f −1 (f (U )) ⊂ f −1 (V ).
Comme U est ouvert et contient a, il existe r > 0 tel que B∞ (a, r) ⊂ U , et donc pour tout
a ∈ f −1 (V ), il existe r > 0 tel que B(a, r) ⊂ f −1 (V ) et f −1 (V ) est ouvert. Donc f −1 (V ) est un
ouvert.
Cette caractérisation topologique de la continuité est fort utile en pratique pour montrer qu’un
ensemble est ouvert ou fermé. Il suffit de montrer que c’est l’image réciproque d’un ouvert ou d’un
fermé par une fonction continue.

Exercice indispensable 16 :
déf 5 6
1. Montrer que l’ensemble U = (x, y) ∈ R2 : x2 − y 2 > 0 est un ouvert de R2 .
déf 5 6
2. Montrer que l’ensemble F = (x, y) ∈ R2 : x2 + 3y 2 ≤ 4 et y ≤ 0 est fermé.
42 CHAPITRE 3. FONCTIONS CONTINUES

Corrigé. 1. La fonction f : (x, y) *→ x2 − y 2 est continue sur R2 et U = f −1 (]0, +∞[) avec


]0, +∞[ ouvert dans R. On en déduit que U est ouvert dans R2 .
2. Cette question est légèrement plus difficile car il y a deux conditions dans sa définition. On
introduit la fonction
g : 1R22 → 1 R2 2
x x2 + 3y 2
*→
y y
et on vérifie qu’on a F = g −1 ([0, +∞[×] − ∞, 0]). En effet, vu la définition de l’image
réciproque,
(x, y) ∈ g −1 ([0, +∞[×] − ∞, 0]) ⇐⇒ g(x, y) ∈] − ∞, 4]×] − ∞, 0]
⇐⇒ x2 + 3y 2 ∈] − ∞, 4] et y ∈] − ∞, 0]
⇐⇒ (x, y) ∈ F
Les deux composantes de la fonction g sont polynomiales donc continues, donc g est continue
(proposition 3.4, iv.). De plus, l’ensemble ] − ∞, 4]×] − ∞, 0] est fermé, donc F est fermé.
Pour démontrer ce résultat, on peut aussi écrire
5 6 85 6
F = (x, y) ∈ R2 : x2 + 3y 2 ≥ 0 (x, y) ∈ R2 : y ≤ 0

et montrer que ces deux ensembles sont fermés en introduisant les bonnes fonctions R2 → R
comme dans la première questions. On conclut avec la proposition 2.11.

3.5 Continuité et compacité


Le résultat suivant est un résultat fondamental qui décrit l’action des fonctions continues sur
les compacts.
Théorème 3.16. Soient K une partie compacte de Rn et f une fonction continue de K dans Rm .
Alors f (K) est compact de Rp .
Démonstration. Pour démontrer la compacité de f (K), considérons une suite (y k )k∈N une suite
d’élements de f (K). Par définition de l’ensemble image, pour tout indice k, il existe un élément xk
de K tel que f (xk ) = y k . Comme K est une partie compacte de Rn , il existe une fonction d’ex-
traction ϕ et un point ℓ de K tel que
lim xϕ(k) = ℓ.
k→∞

D’après la caractérisation séquentielle de la continuité (la proposition 3.4 page 34), on peut affir-
mer que
lim f (xϕ(k) ) = y ϕ(k) = f (ℓ) .
k→∞
Ainsi donc f (K) est une partie compacte de Rm .
Les résultats qui suivent représentent une première incursion vers la recherche d’extrema d’une
fonction à valeurs réelles. Nous avons besoin, tout d’abord d’introduire un peu de vocabulaire.
Soient f : Rn → R et E un sous-ensemble de Rn . On dit que f est minorée sur E s’il existe un
réel m ∈ R tel que f (x) ≥ m pour tout x ∈ E. Le plus grand des minorants de f , appelé borne
inférieure ou infimum, est noté
α := inf f (x).
x∈E
Il est caractérisé par les deux propriétés suivantes :
3.5. CONTINUITÉ ET COMPACITÉ 43

— pour tout x ∈ E, f (x) ≥ α ;


— il existe une suite (xk )k∈N de E telle que f (xk ) → α.
Si l’infimum est atteint, i.e., s’il existe un a ∈ E tel que f (a) = α, alors on dit que f admet un
minimum sur E en a et on note
α = f (a) = min f (x).
x∈E

De façon similaire, on dit que f est majorée sur E s’il existe un réel M ∈ R tel que f (x) ≤ M pour
tout x ∈ E. Le plus petit des majorants de f , appelé borne supérieure ou supremum, est noté

β := sup f (x).
x∈E

Il est caractérisé par les deux propriétés suivantes :


— pour tout x ∈ E, f (x) ≤ β ;
— il existe une suite (xk )k∈N de E telle que f (xk ) → β.
Si le supremum est atteint, i.e., s’il existe un b ∈ E tel que f (b) = β, alors on dit que f admet un
maximum sur E en b et on note
β = f (b) = max f (x).
x∈E

Théorème 3.17. Soient K une partie compacte de Rn et f une fonction continue de K dans R.
Il existe deux points a et b de K tels que

f (a) = min f (x), f (b) = max f (x).


x∈K x∈K

Exercice indispensable 17 :
sin(x)
1. Quel est l’ensemble de définition de la fonction ϕ : (x, y) *→ y ?
2
2. Montrer que l’ensemble K = {(x, y) ∈ R2 : y ≥ 1 et − 1 ≤ ex + y ≤ 4} est compact.
3. Montrer que ϕ admet un maximum global sur K.

Corrigé. 1. Le seul point qui pose problème est la division par y, qui doit être non nul. L’en-
semble de définition est
{(x, y) ∈ R2 \ y ̸= 0}.
2. Montrons que K est fermé et borné. Soit (xk , yk ) une suite d’éléments de K qui converge
vers un point (x, y) de R2 . On a pour tout k
2
yk ≥ 1 et 1 ≤ e(xk ) + yk ≤ 4

et en passant à la limite, ce qui est autorisé puisque les fonctions exponentielle et logarithme
sont continues, on obtient
2
y ≥ 1 et 1 ≤ ex + y ≤ 4.
La limite (x, y) est donc dans K, ce qui montre que K est fermé. Reste à montrer que K est
borné. Soit (x, y) ∈ K. On a d’une part
2
1 ≤ y ≤ ex + y ≤ 4
2
donc y ∈ [1, 4]. On en déduit 0 ≤ ex ≤ 4−y ≤ 3 donc x2 ∈ [0, ln(3)] donc x ∈ [− ln(3), ln(3)].
L’ensemble K est fermé et borné donc compact.
44 CHAPITRE 3. FONCTIONS CONTINUES

3. Pour commencer, notons que l’ensemble K est bien inclus dans l’ensemble de définition de f .
Le résultat suit par le théorème 3.17 puisque la fonction f est continue sur R2 \{(x, y) : y ̸= 0}
et donc sur K.
Démonstration. Démontrons l’existence d’un minimum ce qui démontre aussi l’existence d’un
maximum en changeant f en −f . Le théorème précédent implique que f (K) est inclus dans un
intervalle du type [−M, M ] ; il existe donc un réel m tel que m = inf f (x). Par définition de la
x∈K
borne inférieure, pour tout entier positif k, il existe un élément xk de K tel que
1
m ≤ f (xk ) ≤ m + · (3.5.1)
k+1

Comme K est compact, il existe une fonction d’extraction ϕ telle que la suite (xϕ(k) )k∈N converge
vers un point a de K. En utilisant à nouveau la proposition 3.4 page 34, on en déduit que

lim f (xϕ(k) ) = f (a).


k→∞

D’après l’encadrement (3.5.1), on en déduit que f (a) = m ce qui démontre le théorème.


Pour finir ce chapitre, nous présentons à présent une démonstration du théorème d’équivalence
des normes (le théorème 1.10 page 16).
Démonstration du théorème 1.10. Dans cette preuve, l’équivalence de toutes les normes n’est pas
encore connue. Il faut donc utiliser les définitions des ouverts, de la continuité, de la convergence
des suites, etc, en norme infinie.
Soit N une norme sur Rn . Nous allons montrer qu’elle est équivalente à la norme ∥ · ∥∞ , c’est-
à-dire qu’il existe α et β deux réels strictement positifs tels que

∀x ∈ Rn , α||x||∞ ≤ N (x) ≤ β||x||∞ .

Démontrons tout d’abord que la norme N est une application continue sur Rn au sens de la
norme ∥ · ∥∞ . D’après l’inégalité triangulaire, on a en notant (e1 , · · · , en ) la base canonique de Rn
et (x1 , · · · , xn ), (x′1 , · · · , x′n ) les coordonnées des deux vecteurs x et x′ dans cette base :
D#
n E
N (x − x′ ) = N (xi − x′i )ei
i=1
n
#
≤ N ((xi − yi )ei )
i=1
#n
≤ |xi − yi |N (ei ).
i=1

La dernière ligne vient de la propriété d’homogénéité de N avec le réel λ = xi − x′i . Comme pour
tout i, |xi − x′i | ≤ ||x − x′ ||∞ , on en déduit que
n
#
déf
N (x − x′ ) ≤ M ∥x − y∥∞ avec M = N (ei ) .
i=1

La seconde inégalité triangulaire 1.3 montre que |N (x) − N (x′ )| ≤ N (x − x′ ), et donc

∀(x, x′ ) ∈ (Rn )2 , |N (x) − N (x′ )| ≤ M ∥x − x′ ∥∞


3.6. UNIFORME CONTINUITÉ ET THÉORÈME DE HEINE 45

et la continuité de N .
déf
L’ensemble S∞ = {x ∈ Rn : ∥x∥∞ = 1} est fermé. En effet si (xk )k∈N est une suite d’éléments
de S∞ qui tend vers x ∈ Rn , alors
! ! ! !
!||x||∞ − 1! = !||x||∞ − ||xk ||∞ ! ≤ ||x − xk ||∞ −→k→+∞ 0

et la limite x est dans S∞ . De plus, S∞ est inclus dans [−1, 1]n donc est compact d’après le
théorème 2.21. Le théorème 3.17 assure l’existence de deux réels m et M tels que

m = min N (x) et M = max N (x) .


x∈S∞ x∈S∞

Comme la fonction N est positive et ne s’annule pas sur S∞ (elle ne s’annule qu’en 0Rn ), le réel m
est strictement positif.
Considérons maintenant un point x de Rn \ {0Rn }. On a
1 2
x x
et donc m ≤ N ≤M.
∥x∥∞ ∥x∥∞

En multipliant par ∥x∥∞ , on trouve que

∀x ∈ Rn , m∥x∥∞ ≤ N (x) ≤ M ∥x∥∞

ce qui démontre le théorème, puisque cet encadrement est évidemment vrai pour x = 0Rn .

3.6 Uniforme continuité et théorème de Heine


Cette partie est hors programme

Nous allons maintenant définir un e notion qui joue un rôle important dans l’étude des fonctions ;
la notion d’uniforme continuité.
Définition 3.18. Une fonction f d’une partie D de Rn à valeurs dans Rm est dite uniformément
continue si

∀ε > 0 , ∃δε > 0 / ∀(x, y) ∈ D , ∥x − y∥∞ < δε =⇒ ∥f (x) − f (y)∥∞ < ε.

La différence entre continuité et uniforme continuité est subtile et réside dans l’ordre des quan-
tificateurs. Dans la définition de la continuité en un point a, le δε dépend à la fois de a et de ε. En
revanche, dans la définition de l’uniforme continuité, le δε est indépendant du point ; il ne dépend
que de ε.
Théorème 3.19 (Heine). Soit f : Rn → Rm une fonction continue sur un compact K de Rn .
Alors f est uniformément continue sur K.
Démonstration. On raisonne par contraposition. Supposons que f n’est pas uniformément continue
sur K. Nous allons alors démontrer qu’il existe un point a de K tel que f ne soit pas continue au
point a. Si f n’est pas uniformément continu, alors

∃ε0 / ∀α > 0 , ∃(aα , bα ) / d(aα , bα ) = ∥bα − aα ∥ ≤ α et d(f (aα ), f (bα )) = ∥f (bα ) − f (aα )∥ ≥ ε0 .

En appliquant ceci pour α = 2−k , on en déduite l’existence de deux suites (ak )k∈N et (bk )k∈N
telle que
∥bk − ak ∥ ≤ 2−k et d(f (ak ), f (bk )) = ∥f (bk ) − f (ak )∥ ≥ ε0 .
46 CHAPITRE 3. FONCTIONS CONTINUES

La compacité de K implique l’existence d’une fonction d’extraction ϕ et d’un point c de K telle

lim aϕ(k) = c.
k→∞

Comme ∥ak − bk ∥ ≤ 2−k on a aussi


lim bϕ(k) = c.
k→∞

En appliquant l’inégalité triangulaire, on trouve que

ε0 ≤ ∥f (bϕ(k) ) − f (aϕ(k) )∥ ≤ ∥f (bϕ(k) ) − f (c)∥ + ∥f (c) − f (aϕ(k) )∥ .

La proposition 3.4 page 34 permet alors d’affirmer que la fonction f n’est pas continue au point c.
Chapitre 4

Connexité par arcs et courbes


paramétrées

Ce chapitre est culturel : un amphi y sera consacré mais l’évaluation ne portera pas dessus

4.1 Connexité par arcs


Définition 4.1. Soit A une partie de Rn . On dit que A est connexe par arcs si et seulement si
pour tout couple (x0 , x1 ) de points de A, il existe une application continue γ de [0, 1] dans A telle
que γ(j) = xj .
Donnons quelques exemples.
— Tout d’abord si x est un point de Rn , alors la partie {x} est connexe par arcs (prendre γ(t) ≡
x.
— L’espace Rn est connexe par arcs. En effet, soit deux points x0 et x1 de Rn , l’application
déf
γ(t) = (1 − t)x0 + tx1

est une application continue de [0, 1] dans Rn telle que γ(j) = xj .


Proposition 4.2. Les parties connexes par arcs de (R, | · |) sont les intervalles.
Démonstration. Soit I un intervalle de R et (a, b) un couple de points de I. Posons γ(t) = a+t(b−a).
Par définition d’un intervalle γ([0, 1]) est inclus dans I. Donc I est connexe par arcs.
Considérons maintenant une partie A de R qui n’est pas un intervalle. Ceci signife qu’il existe
un triplet (x0 , x1 , α) de A2 × Ac tel que x0 < c < x1 . Soit γ une fonction continue de [0, 1] dans R
telle que γ(j) = xj . Le théorème des valeurs intermédiares implique l’existence de point t0 de
l’intervalle [0, 1] tel que γ(t0 ) = α. Donc γ([0, 1]) n’est pas inclus dans A et donc A n’est pas
connexe par arcs.
Un autre exemple d’espaces connexes par arcs est donné par le théorème suivant.
Proposition 4.3. Soit x un point de R2 et y 0 et y 1 deux points de R2 \{x}. Il existe une application
continue γ de [0, 1] de R2 \ {x} telle que γ(0) = y 0 et γ(1) = y 1 .
Démonstration. Si x n’appartient pas au segment [y0 , y1 ], alors la fonction γ définie sur [0, 1] par
déf
γ(t) = (1 − t)y0 + ty1

47
48 CHAPITRE 4. CONNEXITÉ PAR ARCS ET COURBES PARAMÉTRÉES

convient. Si x appartient au segment ]y0 , y1 [, alors il existe t0 dans l’intervalle [0, 1] tel que

x = (1 − t0 )y 0 + t0 y 1 .

Soit ε0 un réel strictement positif tel que ε0 soit strictement inférieur à min{t0 , 1 − t0 } et N un
vecteur de R2 non colinéaire à y 1 − y0. On définit alors la fonction γ par
déf
γ(t) = (1 − t)y 0 + ty 1 pour t ∈ [0, 1]\]t0 − ε0 , t0 + ε0 [ et sinon
D t−t +ε E D t−t +ε E
déf 0 0 0 0
γ(t) = (1 − t0 )y 0 + t0 y 1 − ε0 (y 1 − y 0 ) cos π + ε0 N sin π ·
2ε0 2ε0
D’où la proposition.
Théorème 4.4. Soit f une application continue de Rn dans Rp . Si A est connexe par arcs,
alors f (A) est connexe par arcs.
Démonstration. Soient y 0 et y 1 deux points de l’ensemble f (A). Par définition, il existe un couple
de points (x0 , x1 ) de A tel que f (xj ) = y j . Comme A est connexe par arcs, il existe une application
continue γ de [0, 1] dans A tel que γ(j) = xj . La composition de deux applications continues l’étant,
déf
l’application =g = f ◦ γ est une application continue. De tout évidence =
γ ([0, 1]) est inclus dans f (A)
et γ
=(j) = y j . D’où le théorème.
Des trois résultats ci-dessus, on peut déduire le corollaire suivant
Corollaire 4.5. Il n’existe pas d’homéomorphismes (c’est-à-dire de bijection continue d’inverse
continue) de R2 dans R.
Démonstration. Soit ϕ une application bijective de R2 dans R. C’est une application bijective
de R2 \ {0} sur R \ {ϕ(0)}. Comme R2 \ {0} est connexe par arcs et pas R \ {ϕ(0)}. Donc ϕ n’est
pas continue.
Théorème 4.6. Soit (Aλ )λΛ une famille de parties connexes par arcs de Rn . On a
8 déf 7
Aλ ̸= ∅ =⇒ A = Aλ est connexe par arcs.
λ∈Λ λ∈Λ

Démonstration. Soient x0 et x1 deux poins de A. Par définition de A, il existe λ0 et λ1 tels que xj


soit dans Aλj . Par hypothèse, il existe un point z appartenant à l’intersection de Aλ0 et de Aλ1 .
Ces deux ensembles sont connexes par arcs ; il existe donc deux applications continues γ0 et γ1
telles que
γj (0) = xj et γj (1) = z.
On définit alors l’application γ par
F 1G . / F1 G
γ(t) = γ0 (2t) si t ∈ 0, et γ(t) = γ1 2(1 − t) si t ∈ , 1 .
2 2
L’application γ est continue (exercice : vérifiez-le !) et donc A est connexe par arcs.
Théorème 4.7. Soit U un ouvert de Rn . Si U est connexe par arcs alors il est connexe par
lignes brisées, ce qui signifie que, pour tout couple [a, b] de points de U , il existe une suite de
points (aj )0≤j≤N telle que

a0 = a , b N = b et ∀j ∈ {0, · · · , N − 1} , [aj , aj+1 ] ⊂ U .


4.1. CONNEXITÉ PAR ARCS 49

Démonstration. La compacité joue un rôle important dans cette démonstration. La première étape
consiste consiste à établir le lemme suivant.
Lemme 4.8. Soit γ une fonction continue de [0, 1] dans U . Alors, il existe un réel ε0 strictement
positif tel que
∀t ∈ [0, 1] , Bf (γ(t), ε0 ) ⊂ U .
Démonstration. Pour démontrer ce lemme, on introduit la fonction
déf
d(x, U c ) = inf c d∞ (x, y) .
y∈U

Démontrons que cette fonction est continue. En effet, pour tout (x, x′ , y) dans Rn × Rn × U c , on
peut écrire l’inégalité triangulaire sous la forme

d∞ (x, y) − d∞ (x, x′ ) ≤ d∞ (x′ , y) .

La borne inférieure étant un minorant, on a

∀(x, x′ , y) ∈ Rn × Rn × U c , d∞ (x, U c ) − d∞ (x, x′ ) ≤ d∞ (x′ , y) .

La borne inférieure étant le plus petit des minorants, on a

∀(x, x′ ) ∈ Rn × Rn , d∞ (x, U c ) − d∞ (x, x′ ) ≤ d∞ (x′ , U c )

ce qui s’écrit aussi

∀(x, x′ ) ∈ Rn × Rn , d∞ (x, U c ) − d∞ (x′ , U c ) ≤ d∞ (x, x′ ) .

En permutant x et x′ dans l’inégalité ci-dessus, on en déduit


! !
!d∞ (x, U c ) − d∞ (x′ , U c )! ≤ d∞ (x, x′ ) .

La composée de deux fonctions continues étant continue, on en déduit que la fonction


"
[0, 1] −→ R . /
t *−→ d∞ γ(t), U c .

est continue. Le théorème 3.17 assure qu’il existe un t0 dans [0, 1] tel que
. / . /
d∞ γ(t0 ), U c = min d∞ γ(t), U c .
t∈[0,t]

Comme u est ouvert, il existe un réel strictement positif ε0 tel que B∞ (γ(t0 ), r) soit incluse dans U
ce qui implique que /
∀y ∈ U c , d∞ (γ(t0 ), y ≥ ε0 .
D’où le lemme.
Poursuite de la démonstration du théorème 4.7 Le théorème de Heine implique l’existence d’un
réel α0 strictement positif tel que
! ! ε0
|t − t0 | ≤ α0 =⇒ !γ(t) − γ(t0 )! < ·
2
On définit alors les suites
F 1 G
déf
t0 = 0 , tj = jα0 si j < N0 = , tN 0 = 1 et aj = γ(tj ) .
α0
50 CHAPITRE 4. CONNEXITÉ PAR ARCS ET COURBES PARAMÉTRÉES

Nous avons, pour tout j dans {0, · · · N0 − 1},


H D EH
Hγ(tj ) − γ(tj ) + (t − tj ) γ(tj+1 ) − γ(tj ) H
H H t − tj
H H ≤ ∥γ(tj+1 ) − γ(tj )∥∞
tj+1 − tj ∞ tj+1 − tj
≤ ∥γ(tj+1 ) − γ(tj )∥∞
ε0
< ·
2
On en déduit que, pour tout γj de l’intervalle [γ(tj ), γ(tj+1 )], on a, pour tout y de U c ,

d∞ (y, γj ) ≥ d∞ (y, γ(tj )) − d∞ (γ(tj ), γj )


ε0
≥ ε0 −
2
ε0
> ·
2
Et donc γj appartient à U .

4.2 Deux problèmes élémentaires de minimisation


Chapitre 5

Dérivées partielles et fonctions C 1

5.1 Dérivée partielle, matrice jacobienne


Dans le cas des fonctions à plusieurs variables, il est impossible de généraliser la formule (0.0.1)
puisque h est un vecteur : la division n’a pas de sens. Cependant, on peut définir les dérivées
partielles dans une direction en fixant toutes les variables sauf une et en dérivant par rapport à
celle qui reste.

5.1.1 Dérivées partielles


Définition 5.1. Soit f une fonction définie sur un ouvert U de Rn à valeurs dans Rp . Soit i
un entier entre 1 et n. Soit a = (a1 , a2 , · · · , an ) un point de U . On dit que f admet une dérivée
partielle par rapport à sa i-ème variable en a si la fonction suivante, définie sur un intervalle du
type −]α, α[ avec α assez petit,
Fj (t) = f (a + tei ) = f (a1 , · · · , ai−1 , ai + t, ai+1 , · · · , an )
∂f
est dérivable en t = 0. Dans le cas où les variable sont notées (x1 , · · · xn ), on note (a) cette
∂xi
∂f
limite, ou encore (a).
∂i
Autrement dit, f admet une dérivée partielle par rapport à sa i-ème variable en a si la limite
suivante existe
f (a1 , · · · , ai−1 , ai + ε, ai+1 , · · · , an ) − f (a1 , · · · , ai−1 , ai , ai+1 , · · · , an )
lim ·
ε→0 ε
Le calcul de la i-ème dérivée partielle consiste à regarder les variations de la fonction f suivant la
direction ei .
Dans la grande majorité des cas, pour calculer une dérivée partielle, il suffit de dériver la fonction
"comme on a l’habitude" selon la variable qui nous intéresse, en imagineant que les autres sont fixées.

Exercice indispensable 18 :
La fonction f : R3 → R est définie par f (x, y, z) = −2x cos y admet des dérivées partielles
en tout point selon toutes les directions.

51
52 CHAPITRE 5. DÉRIVÉES PARTIELLES ET FONCTIONS C 1

Corrigé. Il suffit de se rendre compte qu’on a que des fonctions usuelles qu’on sait dériver.

∂f ∂f ∂f
(x, y, z) = −2 cos y, (x, y, z) = 2x sin y, (x, y, z) = 0.
∂x ∂y ∂z

Dans de plus rares cas, en particulier si la fonction est définie de manière spécifique en certains
points, il faut revenir à la définition

Exercice complémentaire 9 :
La fonction g : R2 → R définie par

⎨ sin(xy)
si x ̸= 0
g(x, y) = x
⎩y si x = 0

a des dérivée partielles selon x et y au point (0, 1).

Corrigé. Pour la direction y on a

g(0, 1 + h) − g(0, 1) (1 + h) − 1
lim = lim =1
h→0 h h→0 h
∂g
et par conséquent, (0, 1) = 1. Pour la direction x
∂y
sin(h) h+o(h2 )
g(h, 1) − g(0, 1) −1 −1 1 + o(h) − 1
= h
= h
= = o(1) →h→0 0
h h h h
∂g
donc cette limite existe et (0, 1) = 0.
∂x

5.1.2 Matrice jacobienne, gradient


Introduisons maintenant la matrice jacobienne, qui à terme nous permettra de généraliser les
développements limités d’ordre 1.

Définition 5.2. On considère une fonction f définie sur un ouvert U de Rn à valeurs dans Rp et
un point a = (a1 , a2 , · · · , an ) de U . Si pour tout i dans {1, · · · , p}, la fonction fi de U qui désigne
la i-ème composant de f admet des dérivées partielles selon toutes les directions au point a, on
définit la matrice jacobienne de f en a par
⎛ ⎞
∂f1 ∂f1 ∂f1
⎜ ∂x1 (a) (a) · · · (a)
⎜ ∂f ∂x2 ∂xn ⎟ ⎟
⎜ 2 ∂f2 ∂f2 ⎟
⎜ (a) (a) · · · (a)⎟
Df (a) = ⎜ ∂x1 ∂x2 ∂xn ⎟
⎜ . .. ⎟
⎜ .. . ⎟
⎜ ⎟
⎝ ∂fp ∂fp ∂fp ⎠
(a) (a) · · · (a)
∂x1 ∂x2 ∂xn
C’est une matrice qui a p lignes et n colonnes.
5.1. DÉRIVÉE PARTIELLE, MATRICE JACOBIENNE 53

Définition 5.3. Soit f une fonction d’ouvert U de Rn à valeurs dans R qui admet des dérivées
partielles au point a ∈ Rn . Le vecteur colonne
1 2T
déf ∂f ∂f
∇f (a) = (a), . . . , (a)
∂x1 ∂xn

est appelé gradient de f en a.

Dans le cas où p = 1, la matrice Df (a) est un vecteur ligne. Sa transposée est appellée le
gradient. Il y a en fait une vraie différence entre matrice jacobienne et gradient, mais c’est difficile
à voir en dimension finie ; pour ce cours, on vous demande de faire attention à la taille et au nom
des objets employés.

Attention!
Quand on calcule une matrice jacobienne, il est crucial de faire attention à sa taille (nombre
de lignes, nombre de colonne), et à l’ordre dans lequel elle est remplie. Cela se retrouve en
faisant le cas f : Rn → R. On verra plus loin la formule

f (a + h) = f (a) + Df (a)h + reste

qui généralise le développement limité d’ordre 1. Ici, a et h sont des vecteurs colonne et f (a+h),
f (a) sont des réels ; pour que cette formule ait un sens, il faut donc que Df (a)h soit un réel
et donc que Df (a) soit un vecteur ligne. Cela donne donc dans ce cas
1 2
∂f ∂f
Df (a) = ··· .
∂x1 ∂xn

Exercice indispensable 19 :
1. Soit f : (a, b, c) *→ (εca , sin(a − b)c), quelle est la taille de Df (0, 0, 0) ? Calculer ensuite
cette matrice.
∂g2
2. Soit g : (x, y) *→ (x2 + y 2 , xy ). Où trouve t-on le coefficient ∂x (1, 1) dans Dg(1, 1) ?
Calculer cette matrice.

Corrigé. 1. Cette matrice a deux lignes et trois colonnes. On a


1 2 1 2
ceca 0 aeca 0 0 0
Df (a, b, c) = et Df (0, 0, 0) =
c cos(a − b) −c cos(a − b) sin(a − b) 0 0 0

∂g2
2. Le coefficient (1, 1) se trouve sur la deuxième ligne et la première colonne de Dg(1, 1) ?
∂x
On a pour y ̸= 0,
⎛ ⎞
2x 2y 1 2
2 2
Dg(x, y) = ⎝ 1 x ⎠ et donc Dg(1, 1) =
− 2 1 −1
y y
54 CHAPITRE 5. DÉRIVÉES PARTIELLES ET FONCTIONS C 1

5.2 Fonction de classe C 1 et formule de Taylor


Définition 5.4. Une fonction définie sur un ouvert U de Rn à valeurs dans Rp est dite de classe C 1
si toutes les dérivées partielles de f sont continues, c’est-à-dire si pour tout j de {1, · · · , n}, la
∂f
fonction de U dans Rp est continue, où on note
∂xj
∂f
U → Rp
∂xj ⎛ ⎞
∂f1
⎛ ⎞
⎜ ∂xj (x1 , · · · , xn )⎟
x1 ⎜ ⎟
⎜ .. ⎟ ⎜ .
.. ⎟
⎝ . ⎠ *→ ⎜ ⎟
⎜ ⎟
xn ⎝ ∂fp ⎠
(x1 , · · · , xn )
∂xj

Exercice indispensable 20 :
La fonction f : R3 → R est définie par f (x, y, z) = −2x cos y est de classe C 1 .

Corrigé. Les dérivées partielles de cette fonction ont été calculées dans l’exercice 18 et on voit
sans difficulté qu’elles sont continues.

Exercice complémentaire 10 :
La fonction f : R → R définit par
2

>
f (x, y) = x x2 + y 2

est de classe C 1

Corrigé. Le problème vient de la racine carrée : la fonction d’une variable t *→ t n’est pas
dérivable en 0. Il faut donc se méfier quand x2 + y 2 = 0, ce qui se produit si et seulement si
(x, y) = (0, 0).
Commençons par ce qui ne pose pas de difficulté : sur R2 \ {(0, 0)}, on a
∂f > x2 ∂f xy
(x, y) = x2 + y 2 + > et (x, y) = > , (5.2.1)
∂x x +y
2 2 ∂y x2 + y 2
et ces deux fonctions sont continues sur R2 \ {(0, 0)} comme quotient de deux fonctions continues
dont le dénominateur ne s’annule pas.
En (0, 0) il nous faut
√ calculer les dérivées partielles grâce à la définition. D’une part, la fonction
t *→ f (t, 0) est t *→ t t2 = t|t| ; cette fonction est dérivable en 0, de dérivée 0 (on le vérifie en
calculant les dérivées en 0+ et en 0− ). D’autre part, la fonction t *→ f (0, t) est constante égale à
0, donc dérivable de dérivée 0. Cela montre que
∂f ∂f
(0, 0) = (0, 0) = 0.
∂x ∂y
Montrons maintenant que les dérivées partielles sont continues en (0, 0). Dans la direction x,
on
∂f > x2 > x2 >
(x, y) = x2 + y 2 + > = x2 + y 2 + √ ≤ x2 + y 2 + |x| →(x,y)→(0,0) 0
∂x x2 + y 2 x2
5.2. FONCTION DE CLASSE C 1 ET FORMULE DE TAYLOR 55

Pour la direction y, on a en utilisant l’inégalité 2|xy| ≤ x2 + y 2 ,


! !
! ∂f !
! (x, y) − ∂f (0, 0)! = √ |xy| x2 + y 2 1> 2
! ∂y ! ≤ √ ≤ x + x2 →(x,y)→(0,0) 0.
∂y x2 + x2 2 x2 + x2 2

Le résultat fondamental de cette section est le suivant.


Théorème 5.5 (Formule de Taylor à l’ordre 1). Soient U un ouvert de Rn et f une fonction de
classe C 1 de U dans Rp . Soit a ∈ U . Alors,
H #n
∂f H
H H
∀ε > 0, ∃αε > 0, ∥h∥∞ < αε =⇒ Hf (a + h) − f (a) − hj (a)H < ε∥h∥∞ .
j=1
∂xj ∞

ou encore, en écriture matricielle,


H H
∀ε > 0, ∃αε > 0, ∥h∥∞ < αε =⇒ Hf (a + h) − f (a) − Df (a)hH∞ < ε∥h∥∞ .

Remarque 5.6. On rencontre aussi la notation suivante, plus compacte mais moins explicite
n
# ∂f
f (a + h) = f (a) + hj (a) + o(||h||∞ )
j=1
∂xj
= f (a) + Df (a)h + o(||h||∞ )

où il faut comprendre que h *→ o(||h||∞ ) est une fonction de Rn dans Rp qui dépend de h (et pas
o(||h||∞ )
seulement de ||h||∞ comme le suggère la notation) telle que lim||h||∞ →0 = 0 Rp .
||h||∞
Remarque. Nous avons énoncé le théorème avec des normes ∥ · ∥∞ car c’est sous cette forme
que nous le démontrerons. Grâce au théorème d’équivalence des normes 1.10, il est vrai pour des
normes quelconques sur Rn et sur Rp .
Avant de démontrer ce théorème, donnons-en le corollaire suivant.
Corollaire 5.7. Une fonction de classe C 1 est aussi continue.
Démonstration. Soit ε un réel strictement positif. D’après le théorème 5.5 ci-dessus, il existe un
réel strictement positif α1 tel que

H H H #n
∂f H H# n
∂f H
Hf (a + h) − f (a)H H H H H

≤ Hf (a + h) − f (a) − hj (a)H + H hj (a)H
j=1
∂xj ∞
j=1
∂xj ∞

H# n
∂f H
H H
≤ ∥h∥∞ + H hj (a)H
j=1
∂xj ∞

#n H H
déf H ∂f H
≤ Ma ∥h∥∞ avec M = 1 + H (a)H .
j=1
∂xj ∞

On obtient finalement
3 ε H H
∥h_∞ < min α1 , } =⇒ Hf (a + h) − f (a)H∞ < ε
Ma
ce qui démontre le corollaire.
56 CHAPITRE 5. DÉRIVÉES PARTIELLES ET FONCTIONS C 1

Démonstration du théorème 5.5. Commençons par remarquer que Df (a) est une matrice à p lignes
et n colonne, et que Df (a)h appartient à Rp .
⎛ ⎞
∂f1 ∂f1 ∂f1
⎜ ∂x1 (a) (a) · · · (a) ⎛ ⎞
⎜ ∂f ∂x2 ∂xn ⎟ ⎟ h1
⎜ 2 ∂f 2 ∂f 2 ⎟
⎜ (a) (a) · · · (a)⎟ ⎜ h2 ⎟
Df (a)h = ⎜ ∂x1 ∂x2 ∂xn ⎟ ⎜ ⎟
⎜ .. ⎟
⎜ . .. ⎟ ⎝ . ⎠
⎜ .. . ⎟ ⎟

⎝ ∂fp ∂fp ∂fp ⎠ hn
(a) (a) · · · (a)
∂x ∂x2 ∂xn
⎛ 1 ⎞
∂f1 ∂f1
⎜ ∂x1 (a)h1 + · · · + ∂xn (a)hn ⎟
⎜ ∂f ∂f2 ⎟
⎜ 2 ⎟
⎜ (a)h1 + · · · + (a)hn ⎟ # n
∂f

=⎜ 1∂x ∂x n ⎟= (a)hk
. ⎟ ∂x
⎜ .. ⎟ k=1 k
⎜ ⎟
⎝ ∂fp ∂fp ⎠
(a)h1 + · · · + (a)hn
∂x1 ∂xn
Par souci de simplicité, nous allons écrire la démonstration dans le cas où n = 2. Écrivons, pour
chaque composante fi de f que
#2
déf ∂fi
∆i (h) = fi (a + h) − fi (a) − (a)hj · h = ∆1i (h) + ∆2i (h1 ) avec
j=1
∂xj

déf . / . / ∂fi
∆1i (h) = fi a + (h1 , h2 ) − fi a + (h1 , 0) − (a)h2 et
∂x2
déf . / ∂fi
∆2i (h1 ) = fi a + (h1 , 0) − fi (a) − (a)h1 .
∂x1
Les deux fonctions
h2 *−→ ∆1i (h1 , h2 ) et h1 *−→ ∆2i (h1 )
sont des fonctions à valeurs réelles d’une variable réelle qui sont dérivables. L’inégalité des accrois-
sements finis établie page 7 assure que
! ∂f . ∂fi . /!!
! i
|∆1i (h)| ≤ sup ! a + (h1 , t) − a + (h1 , 0) ! |h2 | et
t∈[0,h2 ] ∂x2 ∂x2
! ∂f . ∂fi !
! i !
|∆2i (h1 )| ≤ sup ! a + (t, 0) − (a)! |h1 | .
t∈[0,h1 ] ∂x1 ∂x1

Les dérivées partielles de f étant continues, on. a


H ∂f . ∂f H ε
H H
∀ε > 0 , ∃αε > 0 / ∥h′ ∥∞ < αε =⇒ ∀j ∈ {1, 2} , H a + h′ ) − (a)H < · (5.2.2)
∂xj ∂xj ∞ 4
On en déduit immédiatement que
ε
∀ε > 0 , ∃αε > 0 / ∥h∥∞ < αε =⇒ ∀i ∈ {1, 2} , |∆2i (h1 )| < ∥h∥∞ .
2
En écrivant, grâce à l’inégalité triangulaire, que
! ∂f . ∂fi ! ! ∂f ∂fi . /!!
! i ! ! i
|∆1i (h)| ≤ sup ! a + (h1 , t) − (a)! |h2 | + ! (a) − a + (h1 , 0) ! |h2 |
t∈[0,h2 ] ∂x2 ∂x2 ∂x2 ∂x2
5.3. POURQUOI LA CONTINUITÉ DES DÉRIVÉES PARTIELLES EST CRUCIALE 57

on déduit que l’assertion (5.2.2) que


ε
∀ε > 0 , ∃αε > 0 / ∥h∥∞ < αε =⇒ ∀i ∈ {1, 2} , |∆2i (h1 )| < ∥h∥∞ .
2
Ainsi donc, par définition de Di (h), on en déduit que

H #2
∂f H
H H
∀ε > 0 ∃αε / ∥h∥∞ < αε =⇒ Hf (a + h) − f (a) − (a)hj H < ε∥h∥∞ .
j=1
∂xj ∞

ce qui démontre le théorème lorsque n = 2.

5.3 Pourquoi la continuité des dérivées partielles est cru-


ciale
Les fonctions pour lesquelles il existe une matrice Df (a) telle que f (a+h) = f (a)+Df (a)h+o(h)
sont appellées les fonctions différentiables au point a. C’est cette notion qui généralise celle de
fonctions dérivables. On peut montrer que si une fonction est différentiable au point a, elle a
forcément des dérivées partielles en ce point ; par contre, ses dérivées partielles ne sont toujours
continues. Encore plus subtil : si les dérivées partielles existent sans être continues, alors la fonction
peut être différentiable.. ou pas !

Exercice indispensable 21 :
la fonction définie sur R2 par
x1 x2
f (x1 , x2 ) = si (x1 , x2 ) ̸= (0, 0) et f (0, 0) = 0.
x21 + x22

admet des dérivées partielles en tout point. Elle n’est pas de classe C 1 , ni même continue.

Corrigé. Pour (x1 , x2 ) ̸= (0, 0) la fonction est dérivable par rapport à chacune des variables en
tant que prosuit de composées de fonctions à valeurs réelles d’une variable réel et l’on a

∂f x2 (x22 − x21 ) ∂f x1 (x21 − x22 )


(x1 , x2 ) = et (x1 , x2 ) = ·
∂x1 (x21 + x22 )2 ∂x2 (x21 + x22 )2

Quant l’existence de dérivées partielles au point (0, 0), il suffit d’observer que

∂f ∂f
f (x1 , 0) = f (0, x2 ) = f (0, 0) et donc que (0, 0) = (0, 0) = (0, 0) .
∂x1 ∂x2

La fonction f admet donc des dérivées partielles en tout point. Malgré tout, la fonction f n’est pas
continue en (0, 0). En effet, utilisons les coordonnées polaires en posant

(x1 , x2 ) = r(cos θ, sin θ) .

Il apparait alors que


. / 1
f r(cos θ, sin θ) = cos θ sin θ = sin(2θ).
2
58 CHAPITRE 5. DÉRIVÉES PARTIELLES ET FONCTIONS C 1

Ainsi donc il suffit de prendre une suite


déf π
xk = 2−k (cos θ0 , sin θ0 ) avec θ0 ̸∈ Z
2
1
qui tend vers (0, 0) pour laquelle f (xk ) = sin(2θ0 ). La fonction f n’est pas pas continue en (0, 0).
2
On voit ici que l’existence de dérivées partielles ne garantit donc même pas la continuité. Une
hypothèse de régularité sur les dérivées partielles permet d’éviter ce genre de désagrément.

5.4 Opérations sur les fonctions de classe C 1


5.4.1 Combinaison linéaire et produit
Comme le calcul des dérivées partielles se ramène au calcul de dérivées classiques, celles-ci
jouissent des mêmes règles que celles connues pour les fonctions d’une seule variable. Les propriétés
suivantes sont présentées sans démonstration.
Propriétés 5.8. Soit U un ouvert de Rn et soient f , g : Rn → Rm deux fonctions de classe C 1 ,
soient λ et µ deux réels. La fonction s = λf + µg est de classe C 1 et
∂si ∂fi ∂gi
∀i ∈ {1, · · · , m}, ∀j ∈ {1, · · · , n}, (a) = λ (a) + µ (a)
∂xj ∂xj ∂xj

et par conséquent Ds(a) = λDf (a) + µDg(a).


Propriétés 5.9. Soit U un ouvert de Rn et soient f : U → R et g : Rn → Rm deux fonctions de
classe C 1 . La fonction p = f g est bien définie de U dans Rm . Elle est de classe C 1 et
∂pi ∂f ∂gi
∀i ∈ {1, · · · , m}, ∀j ∈ {1, · · · , n}, (a) = (a)gi (a) + f (a) (a).
∂xj ∂xj ∂xj

et par conséquent Dp(a) = g(a)Df (a) + f (a)Dg(a)


Démonstration. La partie de la preuve sur la dérivée partielle est la même que pour les fonctions
d’une variable, en considérant toutes les autres comme des paramètres, on vérifie ensuite la formule
sur la différentielle coefficient par coefficient :

g(a)Df (a) + f (a)Dg(a)


⎛ ⎞
⎛ ⎞ ∂g1 ∂g1
g1 (a) D (a) · · · (a)
E ⎜ ∂x1 ∂xn ⎟
⎜ ⎟
= ⎝ ... ⎠ ∂x .. ..
⎜ ⎟ ∂f ∂f ⎜ ⎟
1
(a) · · · ∂xn (a) + f (a) ⎜ . . ⎟
⎝ ∂g ∂gm ⎠
gm (a) m
(a) · · · (a)
∂x1 ∂xn
⎛ ⎞ ⎛ ⎞
∂f ∂f ∂g1 ∂g1
g1 (a) (a) · · · g1 (a) (a) f (a) (a) · · · f (a) (a)
⎜ ∂x1 ∂xn ⎟ ⎜ ∂x1 ∂xn ⎟
⎜ .. .. ⎟ ⎜ .. .. ⎟
=⎜⎜ . .
⎟+⎜
⎟ ⎜ . .


⎝ ∂f ∂f ⎠ ⎝ ∂gm ∂gm ⎠
gm (a) (a) · · · gm (a) (a) f (a) (a) · · · f (a) (a)
∂x1 ∂xn ∂x1 ∂xn
5.4. OPÉRATIONS SUR LES FONCTIONS DE CLASSE C 1 59

Attention!
Dans la formule pour le produit Dp(a) = g(a)Df (a) + f (a)Dg(a), l’ordre est important
puisque les éléments sont des matrices. Ainsi, Dp(a) a m lignes et n colonnes. C’est aussi le
cas de Dg(a). Quant à g(a), c’est un vecteur colonne de taille m, et Df (a) est un vecteur
ligne de taille n. On ne peut les multiplier que dans ce sens là !

Propriétés 5.10. Soit U un ouvert de Rn et soient f : U → R une fonction de classe C 1 . Si la


∂fi
i-ème composante de f est indépendante de xj , ∂x j
(a) = 0 pour tout a ∈ U . Par conséquent, si f
est constante, Df (a) = 0Mmn (R) .

Nous verrons une réciproque partielle de cette propriété plus tard.

5.4.2 Composition
Nous établissons à présent une formule de différentiation des fonctions composées.

Théorème 5.11. Soient f une fonction de classe C 1 d’un ouvert U de Rn à valeurs dans un
ouvert V de Rm et g une fonction de classe C 1 de V à valeurs dans Rp . Alors g ◦ f est de
classe C 1 sur U et l’on a
m
# ∂g
∂ ∂fk
∀a ∈ U , ∀j ∈ {1, · · · , n} , (g ◦ f )(a) = (f (a)) (a)
∂xj ∂yk ∂xj
k=1

ce qui s’écrit aussi


m# ∂gi
∂ ∂fk
∀a ∈ U , ∀i ∈ {1, · · · , p} , ∀j ∈ {1, · · · , n} , (g ◦ f )i (a) = (f (a)) (a)
∂xj ∂yk ∂xj
k=1

ou bien de manière plus compacte

∀a ∈ U , D(g ◦ f )(a) = Dg(f (a)) · Df (a) .

Attention!
. /
Là encore l’ordre est très important ! Dg f (a) a m lignes et p colonnes tandis que Dg(a)
a p lignes et m colonnes. Le produit de ses deux matrices ne peut se faire que dans cet ordre,
sauf dans le cas n = m où seul cet ordre donne le bon résultat.

Exercice indispensable 22 :
Soit ϕ : R2 → R une fonction de classe C 1 et soit g : R2 → R définie par

g(x, y) = ϕ(x + y, x2 + y 2 ).

Exprimer les dérivées partielles de g en (2, 3) en fonction de celles de ϕ en un point bien


choisi.
60 CHAPITRE 5. DÉRIVÉES PARTIELLES ET FONCTIONS C 1

Corrigé. Le plus délicat est de décomposer g en une composée de deux fonctions ; après "il suffit"
d’appliquer la formule. Introduisons la fonction h : R2 → R2 définie par
h(x, y) = (x + y, x2 + y 2 )
de sorte que g = ϕ ◦ h. On a h(2, 3) = (5, 13) et
1 2 1 2
1 1 1 1
Dh(x, y) = donc Dh(2, 3) =
2x 2y 4 6
de sorte que
Dg(2, 3) = Dϕ(h(2, 3))Dh(2, 3)
1 21 2
∂ϕ ∂ϕ 1 1
= (5, 13) (5, 13)
∂x ∂y 4 6
1 2
∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ ∂ϕ
= (5, 13) + 4 (5, 13) (5, 13) + 6 (5, 13)
∂x ∂y ∂x ∂y

Exercice indispensable 23 :
Soient g : R2 → R une fonction de classe C 1 et Φ : R2 → R2 la fonction définie par
1 2
ax + by
Φ(x, y) := , pour tout (x, y) ∈ R2 .
cx + dy

Montrer que F = g ◦ Φ est de classe C 1 et calculer ses dérivées partielles.

Corrigé. La fonction Φ est classe C 1 sur R2 car c’est une application linéaire. La fonction f est
donc de classe C 1 comme composée de deux fonctions de classe C 1 . De plus on a
⎧ ∂F ∂g ∂g

⎨ (x, y) = a (ax + by, cx + dy) + c (ax + by, cx + dy),
∂x ∂u ∂v
⎩ ∂F (x, y) = b ∂g (ax + by, cx + dy) + d ∂g (ax + by, cx + dy).

∂y ∂u ∂v

Exercice complémentaire 11 :
Démontrer que la fonction
"
Rn \ {0} −→ R
F
x *−→ ∥x∥−2
2

est de classe C 1 et calculer DF (a) pour a dans Rn \ {0}.

Démonstration du théorème 5.11. Par définition des dérivées partielles, il s’agit de démontrer pour
tout j de {1, · · · , n}, la fonction
"
] − α, α[ −→ R.p /
Hj
t *−→ g f (a + tej )
est dérivable en 0 et que
m
# ∂g ∂fk
Hj′ (0) = (f (a)) (a) .
∂yk ∂xj
k=1
5.4. OPÉRATIONS SUR LES FONCTIONS DE CLASSE C 1 61

Pour ce faire, posons


m
#
déf ∂g ∂fk
∆j (t) = Hj (t) − Hj (0) − t (f (a)) (a)
∂yk ∂xj
k=1
m
#
. / . / ∂g ∂fk
= g f (a + tej ) − g f (a) − t (f (a)) (a) .
∂yk ∂xj
k=1

Nous voulons démontrer que


∀ε > 0 , ∃αε > 0 / |t| < αε =⇒ ∥∆j (t)∥∞ ≤ ε|t| . (5.4.1)
déf
Posons hj (t) = f (a + tej ) − f (a). On peut alors écrire que
m
#
. / . / ∂g ∂fk
∆j (t) = g f (a) + hj (t) − g f (a) − t (f (a)) (a) .
∂yk ∂xj
k=1

Le théorème 5.5 implique que


H H
H j ∂f H
H
∀ε > 0 , ∃βε > 0 / |t| < βε =⇒ Hh (t) − t (a)H ≤ ε|t| . (5.4.2)
∂xj H

En appliquant ceci avec ε = 1 et en utilisant l’inégalité triangulaire, on trouve que


H H
déf H ∂f H
|t| < β1 =⇒ ∥hj (t)∥∞ ≤ Mj |t| avec Mj = 1 + H H ∂xj (a)H .
H

Le théorème 5.5 appliqué avec h = hj (t) assure que


H m H
H . / . / # ∂g H
= = H j
∀ε > 0 , ∃βε > 0 , / |t| < βε =⇒ Hg f (a) + h (t) − g f (a) − t j
(f (a))hk (t)H
∂yk H < εMj |t| .
k=1 ∞

Ainsi donc on a
H m
# H
H . / . / ∂g j
H
∥∆j (t)∥∞ H j
≤ Hg f (a) + h (t) − g f (a) − t (f (a))hk (t)H
∂yk H
k=1 ∞
m H D H
H ∂g
H
# j ∂fk EH H
+ H ∂yk (f (a)) hk (t) − t ∂xj (a) H
k=1 ∞
m H
# D E H
H ∂g j ∂fk H
= εMj |t| + H H
H ∂yk (f (a)) hk (t) − t ∂xj (a) H .
k=1 ∞

L’assertion (5.4.2) assure alors que si |t| < min{βε , β=ε }, on a


m H
#
H
déf H ∂g H
∥∆j (t)∥∞ ≤ ε(Mj + Mg )|t| avec Mg = H (f (a))H .
H ∂yk H
k=1 ∞

Ceci prouve bien que la fonction g ◦ f admet des dérivées partielles en tout point et que
m
# ∂g
∂ ∂fk
(g ◦ f )(a) = (f (a)) (a)
∂xj ∂yk ∂xj
k=1

De plus, une somme de composées de fonctions continues étant continue, la fonction g ◦ f est de
classe C 1 .
62 CHAPITRE 5. DÉRIVÉES PARTIELLES ET FONCTIONS C 1
Chapitre 6

Recherche d’extremum

6.1 Extremum local et extremum global


Extremum est un terme générique qui regroupe les minimums et les maximums.
Définition 6.1. Soit E un sous-ensemble de Rn et f : E → R une fonction. On dit que f admet
un maximum global sur E au point a ∈ E si f (a) ≥ f (y) pour tout y ∈ E. On dit que f admet un
minimum global sur E au point a ∈ E si f (a) ≤ f (y) pour tout y ∈ E.
Il est souvent difficile de montrer qu’une fonction atteint un extremum global au point a car
il faut comparer f (a) à tous les f (x), y compris pour x très éloigné de a. On évite ceci avec les
extremum locaux.
Définition 6.2. On dit que f admet un minimum local sur E en a ∈ E s’il existe ε > 0 tel que
f (a) ≤ f (y) pour tout y ∈ E ∩ B∞ (a, ε). On dit que f admet un maximum local sur E en a ∈ E
s’il existe ε > 0 tel que f (a) ≥ f (y) pour tout y ∈ E ∩ B∞ (a, ε).
Cela signifie que si on ne prend que les points à une distance inférieure à r du point a, f (a) est
la plus petite valeur prise par la fonction.
Un extremum global est toujours local, la réciproque est fausse. Si E est Paris et si f est l’altitude,
la tour Zamansky est un maximum local si on se limite au 5ème arrondissement de Paris. Ce n’est
pas un maximum global à cause de la tour Eiffel et de la tour Monparnasse.

6.2 Points critiques et extrema


Nous allons généraliser le lien entre annulation de la dérivée et extremum local.
Théorème. Soit f :]a, b[→ R une fonction de classe C 1 . Si f a un extremum local au point
x0 ∈]a, b[, alors f ′ (x0 ) = 0

Attention!
Toutes les objections suivantes sont vraies quand l’espace de départ est R, et le seront encore
pour les fonctions à plusieurs variables
— C’est une implication seulement : si f ′ (x0 ) = 0, la fonction peut ne pas avoir d’extremum
local en ce point. Par exemple : f : R → R, x *→ x3 n’a ni minimum local, ni maximum
local au 0.

63
64 CHAPITRE 6. RECHERCHE D’EXTREMUM

— Prenez garde au fait que l’intervalle est ouvert. Pas exemple, la fonction [0, 1] → R, x *→
x2 a un maximum local en x = 1, pourtant sa dérivée en ce point est non nulle. Conclu-
sion : le résultat n’est pas valable pour les points du bord.

Définition 6.3. Soit U ⊂ Rn un ouvert et soit f : U → R une fonction de classe C 1 . On dit que
a ∈ U est un point critique de f si Df (a) = 0Rn c’est-à-dire si
∂f
∀j ∈ {1, · · · n} , (a) = 0 .
∂xj
Lorsque l’espace de départ est ouvert, les points critiques sont les seuls points où il est possible
que la fonction ait un extremum local. Il est donc important d’être capable de trouver les points
critiques.

Exercice indispensable 24 :
On considère la fonction

g: R2 → R
(x, y) *→ x2 (1 + y)3 + y 2

Montrer que g a un seul point critique.

Corrigé. Notons déjà que g est de classe C 1 car g est polynomiale. On a


. /
Dg(x, y) = 2x(1 + y)3 3x2 (1 + y)2 + 2y .
Pour trouver les points critiques, nous devons résoudre le système linéaire
0
2x(1 + y)3 = 0
3x2 (1 + y)2 + 2y = 0

La première ligne implique que soit x = 0, soit y = −1. Si y = −1, le deuxième ligne devient
−2 = 0 qui n’a pas de solution. Si x = 0, la deuxième ligne donne 2y = 0 et donc y = 0 ; on vérifie
que (0, 0) est bien une solution du système.
Théorème 6.4. Soit U ⊂ Rn un ouvert et f une fonction de classe C 1 de U dans R . Si f admet
un extremum local sur U en un point a de U , alors a est un point critique de f c’est-à-dire que
∂f
∀j ∈ {1, · · · n} , (a) = 0 .
∂xj
Démonstration. Comme U est ouvert, il existe un réel strictement positif r tel que B∞ (a, r) soit
incluse dans U . Pour tout j dans {1, · · · , n}, la fonction
déf
Fj (t) = f (a + tej )
est défine sur l’intervalle ] − r, r[ et est dérivable. De plus, le point 0R est un extremum local. La
proposition page 6 assure que
∂f
Fj′ (0) = (a) = 0
∂xj
Le théorème est donc démontré.
6.3. LE RETOUR DE LA COMPACITÉ 65

Être un point critique est donc une condition nécessaire pour être un extremum. Elle n’est
cependant pas suffisante.Les points critiques sont seulement les "candidats" pour les extrema locaux.
Parfois, ce sont effectivement des extremum locaux ...

Exercice indispensable 25 :
La fonction g : R → R, (x, y) *→ x2 (1 + y)3 + y 2 a un minimum local en (0, 0). Ce n’est pas
2

un minimum global.

Corrigé. Nous avons déjà vu que (0, 0) est un point critique de g donc il est possible que g ait un
minimum local en ce point. On a g(0, 0) = 0. De plus si y ∈ [−0.5, 0.5], 1 + y est positif donc g est
une somme de termes positifs et

∀y ∈ [−0.5, 0.5] ∀x ∈ R, g(x, y) ≥ 0 = g(0, 0)

ce qui montre que g atteint un minimum local en ce point. On devine ici que quand y devient
très négatif, le terme cubique va l’emporter sur tout le reste et donner des valeurs négatives. Par
exemple g(1, −11) = (−10)3 + 102 = −900 < g(0, 0) donc le maximum local n’est pas global.
Mais parfois, comme pour les fonctions d’une variable réelle, un point critique peut très bien
n’être ni un minimum ni un maximum local ; un tel point est appelé un point selle.

Exercice indispensable 26 :
Soit f : R2 → R la fonction définie par f (x, y) = x2 − y 2 pour tout (x, y) ∈ R2 . Montrer
que (0, 0) est un point critique de f qui n’est ni un minimum local ni des maximum local.

Corrigé. Cherchons d’abord les points critiques de f . Pour ce faire, on résoud l’équation Df (x, y) =
(0, 0), i.e.,
∂f ∂f
(x, y) = 2x = 0, (x, y) = −2y = 0,
∂x ∂y
et on trouve que (x, y) = (0, 0). La fonction f admet donc un unique point critique qui est (0, 0). Par
ailleurs, on constate que f n’admet ni un minimum local ni un maximum local sur R2 en (0, 0). Pour
cela, on va construire une suite de points (xn , yn ) qui tend vers (0, 0) telle que f (xn , yn ) > f (0, 0)
et une autre suite de points (x′n , yn′ ) qui tend aussi vers (0, 0) tel que f (x′n , yn′ ) < f (0, 0) :

∀n ∈ N∗ , f (1/n, 0) = 1/n2 > f (0, 0) =⇒ donc (0, 0) n’est pas un point de maximum local,

et

∀n ∈ N∗ , f (0, 1/n) = −1/n2 < f (0, 0) =⇒ donc (0, 0) n’est pas un point de minimum local.

6.3 Le retour de la compacité


Il faut faire bien attention au fait que dans l’énoncé du théorème 6.4, l’ensemble de départ U
est ouvert. Voyons ce qui se passe quand l’ensemble de départ est compact. D’un côté, c’est plus
agréable car l’existence d’un extremum local est garantie par le théorème 3.17 énoncé page 43 relatif
aux fonctions continues sur les compacts. Par contre, localiser les extremums n’est pas si simple,
car les points sur la frontière de K doivent être étudiés à part.
66 CHAPITRE 6. RECHERCHE D’EXTREMUM

Cela contraste avec la section d’avant où on localise facilement les points où il y a peut-être un
extremum local grâce aux points critiques (proposition 6.4), mais où il est difficile de savoir si 1/
il y a bien un extremum local en ce point, 2/ si oui, si c’est un minimum ou un maximum local et
3/ si ces extremums sont globaux ou pas.
Théorème 6.5. Soit K un compact de Rn et soit f : K → R une fonction continue sur K et de
classe C 1 sur U . Alors la fonction f admet un maximum global et un minimum global sur K. De
plus, si f admet un extremum local en un point a de K,
— si il existe un ε > 0 tel que B2 (a, ε) ⊂ K (on dit que a est à l’intérieur de K), alors
nécessairement, Df (a) = 0Rn ;
— sinon, on dit que a appartient à la frontière de K et on ne peut rien dire sur Df (a).
Démonstration. La fonction f est continue sur un compact, donc par le théorème 3.17, elle atteint
son infimum et son supremum sur ce compact, autrement dit elle a un maximum et un minimum
global sur K.
Passons à la seconde partie du théorème. Supposons que f a un extremum local en a ∈ K. Si il
existe ε > 0 tel que B2 (a, ε) ⊂ K, alors la fonction f|U : U → R a un extremum local en a et est
définie sur un ouvert. Le théorème 6.4 précédent qui nous dit que Df|U (a) = 0Rn , et bien entendu
Df|U (a) = Df (a).

Exercice indispensable 27 :
On considère la fonction de deux variables
1
f (x, y) = √ + x2
1+y

1. Quel est sont ensemble de définition ?


2. Montrer que f est de classe C 1 sur son ensemble de définition.
3. La fonction f a t-elle des points critiques ?
4. On considère l’ensemble A = {(x, y) ∈ R2 : 0 ≤ x ≤ 1, 0 ≤ y ≤ x2 }. Montrer qu’il
existe un (x0 , y0 ) ∈ A tel que

∀(x, y) ∈ A, f (x, y) ≤ f (x0 , y0 ).

5. Où se situe le point (x0 , y0 ) : à l’intérieur ou sur la frontière de A ?

Corrigé.
√ 1. La fonction est définie si 1 + y ≥ 0 (pour pouvoir appliquer la racine carrée) et si
1 + y ̸= 0 (pour pouvoir diviser par cette quantité). Par conséquent,

Df = {(x, y) ∈ R2 , y > −1} = R×] − 1, +∞[.

2. L’ensemble Df est ouvert, et de plus comme y > −1, on va être amener à dériver la fonction
racine sur ]0, +∞[ où elle est effectivement dérivable. Ainsi, f est C 1 car c’est la somme de
1
la fonction polynomiale (x, y) *→ x2 et de la fonction (x, y) *→ √ , et cette dernière est
1+y
de classe C 1 sur Df car le dénominateur ne s’annule pas et que la fonction sous la racine
carrée est non nulle. Un calcul donne
∂f ∂f −1
∀x ∈ R, ∀y > −1, (x, y) = 2x, (x, y) = 3 .
∂x ∂y 2(1 + y) 2
6.4. DÉRIVÉES PARTIELLES D’ORDRE DEUX 67

3. Trouver les points critiques, c’est trouver les solutions (dans Df ) du système

⎨2x = 0
1 .
⎩ √ =0
2 1+y
Ce système n’a aucune solution car la deuxième équation n’a aucune solution. Donc f n’a
aucun point critique.
4. Cette question revient à montrer que f admet un maximum global sur A. Pour ce faire,
montrons que A est compact. Soit (xk , y k )k∈N une suite d’élements de A qui converge vers un
point(x, y) ∈ R2 . On a donc pour tout k, 0 ≤ xk ≤ 1 et 0 ≤ y k ≤ (xk )2 donc en passant à la
limite (ces inégalités ne faisant intervenir que des fonctions continues) on obtient 0 ≤ x ≤ 1
et 0 ≤ y ≤ x2 donc (x, y) ∈ A et A est fermé. De plus A est borné. On a immédiatement
que si (x, y) appartient à A, x ∈ [0, 1]. Il suit 0 ≤ y ≤ x2 ≤ 1. Finalement A ⊂ [0, 1] × [0, 1]
donc A est borné. On est en dimension 2, A est fermé et borné, donc A est compact.
Comme A ⊂ Df , et comme f est continue sur A, on en déduit que f admet un maximum
global sur A, c’est-à-dire qu’il existe (x0 , y0 ) ∈ A tel que
∀(x, y) ∈ A, f (x, y) ≤ f (x0 , y0 ).
. /
5. Le point se situe sur la frontière de A. En effet, s’il existe r > 0 tel que B = B∞ (x0 , y0 ), z ⊂
A, la fonction f aurait un minimum local sur l’ouvert B, et (x0 , y0 ) serait donc un point
critique de f , ce qui n’est pas possible d’après la question 3.

6.4 Dérivées partielles d’ordre deux


Tout comme pour les fonctions d’une seule variable, nous avons aussi des notions de dérivées
d’ordre supérieur pour les fonctions de plusieurs variables. Nous nous limitons ici à la notion de
dérivée partielle d’ordre deux et au cas où l’espace d’arrivée est R. Nous verrons dans la partie
suivante que cela nous permet, dans la plupart des cas, de déterminer si un point critique est un
minimum local, un maximum local ou un point-selle (c’est-à-dire ni l’un ni l’autre).
Définition 6.6. Soit U ⊂ Rn un ouvert et f : U → R une fonction de classe C 1 . On dit que f
∂f ∂f
admet des dérivées partielles d’ordre 2 en a ∈ U si les fonctions ∂x 1
, . . . , ∂x n
admettent des dérivées
partielles en a. On note alors pour tout 1 ≤ i, j ≤ n,
: 9
∂ 2f ∂ ∂f
(a) := (a)
∂xi ∂xj ∂xi ∂xj
la i-ème dérivée partielle de la j-ème dérivée partielle de f en a. La matrice formée des dérivées
partielles d’ordre 2 en a est notée
1 2 2
∂ f
D2 f (a) = (a)
∂xi ∂xj 1≤i,j≤n

est appelée matrice hessienne de f au point a.


On dit que f est de classe C 2 sur un ouvert U de Rn si f est de classe C 1 , admet des dérivées
partielles secondes en tout point et si, pour tout couple (i, j) de {1, · · · , n}2 , la fonction
∂2f
U → R, x *−→ (x)
∂xi ∂xj
est continue.
68 CHAPITRE 6. RECHERCHE D’EXTREMUM

Un résultat fondamental est la relation de Schwarz qui affirme que lorsque les dérivées partielles
secondes sont continues, l’ordre des variables n’importe pas.

Théorème 6.7 (Schwarz). Soit U ⊂ Rn un ouvert et f : U → R une fonction de classe C 2 . Alors


pour tout 1 ≤ i, j ≤ n,
∂2f ∂2f
(a) = (a).
∂xi ∂xj ∂xj ∂xi

En particulier, la matrice D2 f (a) est symétrique.

Démonstration. Admis.

Exercice complémentaire 12 :
st(t2 − s2 )
1. Montrer que la fonction définie pour t ̸= 0 par ϕ(t, s) = est prolongeable
t2 + s 2
par continuité. On appelle toujours ϕ la fonction définie sur R2 tout entier grâce à ce
prolongement.
2. Montrer que ϕ est C 1 sur R2 .
∂2ϕ ∂2ϕ
3. Calculer (0, 0) et (0, 0). Que peut-on en déduire ?
∂t∂s ∂s∂t

Corrigé. 1. On peut prolonger ϕ par continuité en posant ϕ(0, 0) = 0. En effet, en utilisant


l’inégalité de Young qui stipule que pour tout (a, b) ∈ R2 , |ab| ≤ 21 (a2 + b2 ) on obtient
! ! ! !
! st(t2 − s2 ) ! ! |st| ! 1
! 0 !=! !
! t2 + s 2 − ! ! t2 + s2 ! |t + s||t − s| ≤ 2 |t + s||t − s| →(s,t)→(0,0) 0

2. Il est évident que ϕ est de classe C 1 sur R2 \ {(0, 0)} puisque sur cet ensemble, c’est un
quotient de polynôme dont le dénominateur ne s’annule pas. Un calcul passionnant donne
alors, pour (s, t) ̸= (0, 0),

∂ϕ 3st2 − s3 2t(st3 − s3 t)
(t, s) = 2 −
∂t s +t 2 (s2 + t2 )2

et
∂ϕ t3 − 3s2 t 2s(st3 − s3 t)
(t, s) = 2 −
∂s s + t2 (s2 + t2 )2
En revenant à la définition, on trouve

∂ϕ ϕ(ε, 0) − ϕ(0, 0)
(0, 0) = lim = lim 0 = 0
∂t ε→0 ε e→0

∂ϕ
et de même (0, 0) = 0. Il reste à voir que ces dérivées partielles sont continues en (0, 0).
∂s
En utilisant le fait que

∀(t, s) ∈ R2 , |t| ≤ ||(t, s)||∞ , |s| ≤ ||(t, s)||∞ et ||(t, s)||2∞ ≤ t2 + s2


6.4. DÉRIVÉES PARTIELLES D’ORDRE DEUX 69

il vient ! !
! (t, s) − ∂ϕ (0, 0)! ≤ 3|s||t| + |s| + 2|s||t| + 2|s| |t|
! ∂ϕ ! 2 3 4 3 2
! ∂t ∂t ! s 2 + t2 (s2 + t2 )2
3|s||t| + |s|
2 3
2|s||t|4 + 2|s|3 |t|2
≤ 2
+
||(t, s)||∞ ||(t, s)||4∞
4||(t, s)||∞3
4||(t, s)||5∞
≤ +
||(t, s)||2∞ ||(t, s)||4∞
≤ 8||(t, s)||∞ −→(s,t)→(0,0) 0
∂ϕ
On montre de la même manière la continuité de en (0, 0).
∂s
3. Ici encore, les dérivées partielles en (0, 0) étant définies à part, il nous vaut revenir à la
définition. On a
∂ϕ ∂ϕ
∂2ϕ (ε, 0) − (0, 0)
(0, 0) = lim ∂s ∂s
∂t∂s ε→0 ε
ε3
2
−0
= lim ε = lim 1 = 1
ε→0 ε ε→0
et
∂ϕ ∂ϕ
∂2ϕ (0, ε) − (0, 0)
(0, 0) = lim ∂t ∂t
∂s∂t ε→0 ε
−ε3
2
−0
= lim ε = lim −1 = −1
ε→0 ε ε→0

∂2ϕ ∂2ϕ
La fonction ϕ ne vérifie pas le théorème de Schwarz en (0, 0) puisque (0, 0) ̸= (0, 0).
∂t∂s ∂s∂t
2 2
Donc cette fonction n’est pas de classe C sur R tout entier.
La connaissance de dérivées partielles d’ordre 2 permet de donner une formule de Taylor à
l’ordre 2 pour les fonctions de plusieurs variables.
Théorème 6.8 (Formule de Taylor à l’ordre 2). Soit U ⊂ Rn un ouvert et f : U → R une
fonction de classe C 2 sur U . Soit a ∈ U . Pour tout ε > 0, il existe ηε >0 tel que B∞ (a, ηe ) ⊂ U et
! !
! #n # ∂2f !
! ∂f 1 !
∥h∥∞ < ηε =⇒ !!f (a + h) − f (a) − (a)hi − (a)hi hj !! ≤ ε∥h∥2∞ .
! ∂xi 2 ∂xi ∂j !
i=1 1≤i,j≤n

En utilisant matrice hessienne et jacobienne, cela se réecrit


! !
! 1 !
∥h∥∞ < αε =⇒ !!f (a + h) − f (a) − Df (a)h − D2 f (a)h · h!! ≤ ε∥h∥2∞ . (6.4.1)
2

Attention!
Dans la formule (6.4.1), il faut bien faire la distinction entre le produit scalaire, noté avec
un ·, et les produits matriciels notés sans rien. En effet, puisque f : Rn → R, h est un vecteur
colonne de taille n, Df (a) un vecteur ligne de taille n, donc le produit matriciel Df (a)h ∈ R.
70 CHAPITRE 6. RECHERCHE D’EXTREMUM

D’autre part, D2 f (a) est une matrice carrée, donc D2 f (a)h est un vecteur colonne tout comme
h ! Le produit matriciel n’a pas de sens et pour obtenir un réel, il faut donc prendre le produit
scalaire.

Remarque 6.9. On rencontre aussi la notation suivante, plus compacte mais moins explicite
#n #
∂f 1 ∂2f
f (a + h) = f (a) + (a)hi + (a)hi hj + o(||h||2∞ )
∂xi 2 ∂xi ∂j
i=1 1≤i,j≤n
1
= f (a) + Df (a)h + D2 f (a)h · h + o(||h||2∞ )
2
où il faut comprendre que h *→ o(||h||2∞ ) est une fonction de Rn dans R qui dépend de h (et pas
o(||h||2∞ )
seulement de ||h||2∞ comme le suggère la notation) telle que lim||h||∞ →0 = 0.
||h||2∞

Démonstration. L’ensemble U étant ouvert, il existe un r > 0 tel que B ∞ (a, r) ⊂ U . Pour tout h
appartenant à B ∞ (a, r) on définit la fonction

⎨ [−1, 1] → R

n
gh # ∂f t2 # ∂ 2 f

⎩ t −
* → f (a + th) − f (a) − t (a)h i − (a)hi hj .
∂xi 2 ∂xi ∂j
i=1 1≤i,j≤n

On sait que la fonction gh est de classe C 1 et que


n 1
# 2 #
∂f ∂f ∂2f
∀t ∈] − 1, 1[ , gh′ (t) = (a + th) − (a) hi − t (a)hi hj .
∂xi ∂xi ∂xi ∂j
i=1 1≤i,j≤n

La fonction f étant de classe C 2 , la fonction gh′ est de classe C 1 et l’on a


# 1 ∂2f ∂2f
2
′′
∀t ∈] − 1, 1[ , gh (t) = (a + th) − (a) hi hj .
∂xi ∂xj ∂xi ∂j
1≤i,j≤n

La fonction gh est de classe C 2 sur ] − 1, 1[. D’après l’inégalité de Taylor a formule de Taylor, on a
pour tout t ∈]0, r[
! t2 ! 1
! !
∀t ∈ [−1, 1] , !gh (t) − gh (0) − tgh′ (0) + gh′′ (0)! ≤ sup |g ′′ (t)| .
2 2 t∈]−1,1[

Vu la définition de gh , nous avons

gh (0) = gh′ (0) = gh′′ (0) = 0.

Ainsi donc nous avons


! # 1 2 2 !
! ∂ f ∂2f !
|gh (t)] ≤ sup !! (a + th) − (a) hi hj !!
t∈[−1,1] 1≤i,j≤n ∂xi ∂xj ∂xi ∂j
! !
# ! ∂2f ∂2f !
2
≤ ∥h∥∞ sup ! !
! ∂xi ∂xj (a + th) − ∂xi ∂j (a)! .
t∈]−1,1[ 1≤i,j≤n
6.5. NATURE DES POINTS CRITIQUES : DES CRITÈRES AVEC LA HESSIENNE 71

Chaque dérivée partielle seconde étant continue,


! 2 !
! ∂ f ∂2f ! ε
∃αi,j > 0 / ∥h∥∞ < αi,j !
=⇒ ∀t ∈] − 1, 1[ , ! (a + th) − (a)!! ≤ 2 .
ε ε
∂xi ∂xj ∂xi ∂j n

déf
Donc en prenant αε = min αi,j
ε , on trouve que
(i,j)∈{1,··· ,n}2

∀t ∈ [−1, 1] , |gh (t)| ≤ ε∥h∥2∞ .

En prenant t = 1, on obtient exactement l’inégalité recherchée.

6.5 Nature des points critiques : des critères avec la hes-


sienne
La matrice hessienne nous permet de généraliser la proposition suivante.

Proposition 6.10. Soit f : R → R une fonction de classe C 2 . Soit x0 un point de R tel que
f ′ (x0 ) = 0. Alors
— si f ′′ (x0 ) > 0, f a un minimum local au point x0 ;
— si f ′′ (x0 ) < 0, f a un maximum local au point x0 ;
— si f ′′ (x0 ) = 0, tout peut arriver, on ne peut pas conclure.

Démonstration. Effectuons un développement limité d’ordre 2 au point x0 et utilisons le fait que


f ′ (x0 ) = 0 :

1 1
f (x0 + h) = f (x0 ) + f ′ (x0 )h + f ′′ (x0 )h2 + o(h2 ) = f (x0 ) + f ′′ (x0 )h2 + o(h2 ).
2 2

Supposons f ′′ (x0 )h2 > 0. La fonction g *→ f (x0 ) + 12 f ′′ (x0 )h2 admet un minimum local en h = 0.
Le DL nous dit que la fonction f ressemble fort à cette parabole quand h est petit : il reste à
2
)
voir que le petit écart o(h2 ) ne détruit pas le minimum local. Comme o(h h2 −→h→0 0 et comme
2
) 1 ′′
f ′′ (x0 ) > 0, il existe ε assez petit tel que pour tout h ∈ [−ε, ε], o(h h2 ≥ − 4 f (x0 ). On a donc pour
tout h dans [−ε, ε]
1
f (x0 + h) = f (x0 ) + f ′′ (x0 )h2 + o(h2 )
2
1 1
≥ f (x0 ) + f ′′ (x0 )h2 − f ′′ (x0 )h2
2 4
1
≥ f (x0 ) + f ′′ (x0 )h2 ≥ f (x0 )
4
ce qui montre le résultat. Notons que la dernière inégalité est stricte si h ̸= 0.

Avant de généraliser ce théorème aux fonctions à plusieurs variables, énoncons un résultat per-
mettant de montrer que la fonction n’admet pas d’extremum local en un point critique donné.

Proposition 6.11. Soit U ⊂ Rn un ouvert de Rn et f : U → R une fonction de classe C 2 sur U .


Soit a ∈ U un point critique de f . Si la matrice hessienne D2 f (a) a une valeur propre strictement
positive et une valeur propre strictement négative, alors f n’a pas d’extremum local en a.
72 CHAPITRE 6. RECHERCHE D’EXTREMUM

Démonstration. Soit λ une valeur propre strictement positive de D2 f (a) et v un vecteur propre
associé. Comme U est ouvert, il existe un r > 0 tel que B∞ (a, r) ⊂ U . La fonction d’une variable
ϕ :] − r, r[→ R, ϕ(t) = f (a + tv) = f (a1 + tv1 , · · · , an + tvn )
est alors bien définie, et elle est de classe C 2 car c’est la composée de f qui est C 2 et de l’application
R → Rn , ℓ : t *→ a + tv dont toutes les composantes sont linéaires donc C 2 . On a donc
n
# ∂f
ϕ′ (t) = Df (ℓ(t))Dℓ(t) = (ℓ(t))vk
∂xk
k=1

∂f
Les applications : Rn → R sont de classe C 1 , donc en réappliquant la différentiation composée
∂xk
on obtient ⎛ ⎞
n
# #n 2
∂ f
ϕ′′ (t) = ⎝ (ℓ(t))vj ⎠ vk .
j=1
∂x j ∂x k
k=1

Jn
∂f
Montrons maintenant que ϕ a un . On a ϕ′ (0) = (a)vk = 0 car a est un point critique
k=1
∂xk
de f donc il y a possiblement un extremum local en a. De plus,
⎛ ⎞
n
# #n 2
∂ f
ϕ′′ (0) = ⎝ (a)vj ⎠ vk = D2 f (a)v · v = λv · v = λ||v||2 > 0
j=1
∂xj ∂x k
k=1

D’après la proposition 6.10, cela implique que ϕ a un minimum local en t = 0. Mieux, il existe ε1
tel que
∀t ∈] − ε1 , ε1 [\{0}, ϕ(t) > ϕ(0)
et donc
∀t ∈] − ε1 , ε1 [\{0}, f (a + tv) > f (a).
Par conséquent, f n’a pas de maximum local en a. En reprenant la preuve pour une valeur propre
strictement négative, on obtient que f n’a pas non plus de minimum local en a.

Dans le cas où la matrice hessienne n’a pas de valeur propre nulle, on peut aussi obtenir une
condition suffisante assurant qu’un point critique est un point d’extremum local qui généralise la
proposition 6.10.
Théorème 6.12. Soit U ⊂ Rn un ouvert de Rn , f : U → R une fonction de classe C 2 sur U et
a ∈ U un point critique de f .
— Si les valeurs propres de la matrice hessienne D2 f (a) sont toutes strictement positives, alors
f admet un minimum local sur U en a ∈ U ;
— Si les valeurs propres de la matrice hessienne D2 f (a) sont toutes strictement négatives, alors
f admet un maximum local sur U en a ∈ U .
Démonstration. D’après le théorème de Schwarz, la matrice hessienne D2 f (a) est symétrique.
Un résultat d’algèbre linéaire montre qu’elle est diagonalisable dans une base orthonormée de
vecteurs propres : il existe des valeurs propres λ1 , λ2 , ... λn et des vecteurs propres associés v 1 ,
v 2 , ...,v n ∈ Rn tels que la famille {v 1 , . . . , v n } est une base orthonormée de Rn et D2 f (a)v i = λi v i
pour tout 1 ≤ i ≤ n. Le fait que la base soit orthonormée signifie que
0
0 si i ̸= j,
i
v ·v = j
1 si i = j.
6.5. NATURE DES POINTS CRITIQUES : DES CRITÈRES AVEC LA HESSIENNE 73

Jn
Pour tout h ∈ Rn , il existe donc des réels α1 , . . . , αn ∈ R tels que h = i=1 αi v i et donc d’une
part
; n < ⎛ n ⎞
n # n n
# # # #
2 2
||h||∞ ≤ ||h||2 = αi v . ⎝
i
αj v ⎠ =
j
αi αj v i · v j = α2i
i=1 j=1 i=1 j=1 i=1

et
; n
< ⎛ n ⎞ ;
n
< ⎛ n ⎞
n
# # # # #
[D2 f (a)h] · h = αi D2 f (a)v i · ⎝ αj v j ⎠ = λi αi v i · ⎝ αj v j ⎠ = λi α2i .
i=1 j=1 i=1 j=1 i=1

La formule de Taylor que pour tout ε > 0 il existe r > ηε > 0 tel que,
! !
! 1 !
∀h ∈ B∞ (0Rn , ηε ) !!f (a + h) − f (a) − Df (a)h − D2 f (a)h · h!! ≤ ε||h||2∞
2

et en utilisant que a est un point critique de f et les calculs précédents,


! !
! 1#
n ! n
#
! 2!
∀h ∈ B∞ (0Rn , ηε ), !f (a + h) − f (a) − λi αi ! ≤ ε α2i
! 2 !
i=1 i=1

ce qui se réécrit encore


n n n n
1# # 1# #
∀h ∈ B∞ (0Rn , ηε ), λi α2i − ε α2i ≤ f (a + h) − f (a) ≤ λi α2i + ε α2i (6.5.1)
2 i=1 i=1
2 i=1 i=1

Supposons désormais que tous les λi sont strictement positifs et montrons que f a un minimum
local en a. Prenons ε = 14 min1≤i≤n λi qui est bien strictement positif. L’inégalité de gauche devient
n 1 2#
n
1# 1
∀h ∈ B∞ (0Rn , ηε ), ≤ λi α2i − min λi α2i ≤ f (a + h) − f (a)
2 i=1 4 1≤i≤n
i=1

ce qui conclut la preuve puisque


n 1 2#
n 1 2#
n 1 2#
n
1# 1 1 1
λi α2i − min λi α2i ≥ min λi α2i − min λi α2i ≥ 0.
2 i=1 4 1≤i≤n
i=1
2 1≤i≤n
i=1
4 1≤i≤n
i=1

Si les valeurs propres sont toutes strictement négatives, on utilise l’inégalité de droite dans (6.5.1)
et ε = 14 min1≤i≤n (−λi ) qui est strictement positif.

Remarque 6.13. En dimension n = 2, la matrice hessienne est une matrice symétrique 2 × 2 et


si a est un point critique (sans quoi on sait qu’il n’y a pas d’extremum local en ce point), le signe
des valeurs propres λ1 et λ2 s’obtient facilement. Il suffit de remarquer que det(D2 f (a)) = λ1 λ2
et que tr(D2.f (a)) = /λ1 + λ2 . On constate alors que
— si det D2 f (a) < 0, il y a une valeur propre strictement négative et une valeur propre
strictement
. positive
/ donc f n’a pas d’extremum local au point a (proposition 6.11) ;
— si det D2 f (a) > 0 alors, les deux valeurs propres sont non nulles et de même signe, ce qui
/ un extremum local et on peut appliquer le théorème 6.12 :
implique. que a est
— si tr D2 f (a) > 0 alors les deux valeurs propres sont strictement positives et a est un
point de minimum local ;
74 CHAPITRE 6. RECHERCHE D’EXTREMUM
. /
— si tr D2 f (a) < 0 alors les deux valeurs propres sont strictement positives et a est un
point
. de maximum
/ local ;
— si det D2 f (a) = 0, au moins une des valeurs propres est nulle et il faut faire une étude
spécifique, ce cas n’étant couvert par aucun de nos théorèmes.

Exercice indispensable 28 :
y2
Trouver les extremums locaux de la fonction g : (x, y) *→ −x2 y + 2 + y et déterminer leur
nature.

Corrigé. Cherchons d’abord les points critiques de g.



⎪ ∂g 0 0
⎨ (x, y) = 0 −2xy = 0 x = 0 ou y = 0
∂x ⇐⇒ ⇐⇒
⎪ ∂g −x2 + y + 1 = 0 −x2 + y + 1 = 0
⎩ (x, y) = 0
∂y
Si x = 0, la deuxième équation donne y = −1 et si y = 0, elle donne x = ±1. La fonction g a trois
points critiques, (1, 0), (−1, 0) et (0, −1). La matrice hessienne de g est
1 2
−2y −2x
D2 g(x, y) =
−2x 1
1 2
0 −2
Donc D2 g(1, 0) = . Le polynôme caractéristique de cette matrice est −X(1 − X) − 4 =
−2 1

X 2 − X − 4 admet les racines 1±2 17 . L’une est strictement positive, l’autre strictement négative,
donc g n’a pas de maximum en (1, 0). En (−1,
1 0),2on trouve les mêmes valeurs propres et c’est aussi
2 0
un point selle. En (0, −1), D g(0, −1) =
2
, on voit tout de suite les deux valeurs propres 2
0 1
et 1, toutes deux strictement positives, donc g a un minimum local en (0, −1).
Chapitre 7

Inégalité des accroissements finis

7.1 Le cas des fonctions d’une variable réelle à valeurs vec-


torielles
La généralisation de l’inégalité des accroissements finis énoncée dans le cas des fonctions d’un
variable réelle à valeurs réelles page 7 au cas des fonctions à valeurs dans Rm est la suivante.
Théorème 7.1. Soit f une fonction de [a, b] dans Rm continue sur [a, b] et dérivable sur ]a, b[.
= sur Rm
Alors on a, pour tout norme N
= (f (b) − f (a)) ≤ (b − a) sup N
N = (f ′ (t)) .
t∈]a,b[

Démonstration. La démonstration de ce théorème pour une norme quelconque sur Rm est délicate
sauf si l’on accepte de mettre une constante dans l’inégalité ce qui n’est pas souhaitable comme
le verrons au chapitre 8. Nous allons démontrer le théorème dans le cas des normes ∥ · ∥∞ , ∥ · ∥1
et ∥ · ∥2 en nous ramenant à l’inégalité des accroissements finis dans les fonctions d’une variable
réelle à valeurs dans R.
Dans le cas de la norme ∥ · ∥∞ , l’inégalité des accroissements finis page 7 assure que pour tout i
dans {1, · · · , m}, on a

|fi (b) − fi (a)| ≤ (b − a) sup |fi′ (t)|


t∈]a,b[

≤ (b − a) sup ∥f ′ (t)∥∞ .
t∈]a,b[

D’où le résultat pour la norme ∥ · ∥∞ .


Pour la norme ∥ · ∥1 , introduisons, pour un réel ε strictement positif, la fonction
m
#
déf . /1
∆ε (t) = (fi (t) − fi (a))2 + ε2 2 .
i=1

En tant que composée de sommes de fonctions continues sur [a, b] et dérivable sur ]a, b[, la fonc-
tion ∆ε est une fonction continue sur [a, b] et dérivable sur ]a, b[ à valeurs réelles. De plus on a
m
# 1 2fi′ (t)(fi (t) − fi (a))
∆′ε (t) =
i=1
2 (f (t) − f (a))2 + ε2 / 12
.
i i

75
76 CHAPITRE 7. INÉGALITÉ DES ACCROISSEMENTS FINIS

On peut majorer |∆′ε (t)| en écrivant que

#m
1 2|fi′ (t)| |fi (t) − fi (a)|
|∆′ε (t)| ≤
i=1
2 .(f (t) − f (a))2 + ε2 / 12
i i
m
# |fi (t) − fi (a)|
≤ |fi′ (t)| . / 21
i=1 (fi (t) − fi (a))2 + ε2
#m
≤ |fi′ (t)|
i=1

≤ ∥f (t)∥1 .

L’inégalité des accroissements finis dans le cas d’une fonction d’une variable réelle à valeurs réelles
assure que
|∆ε (b) − ε| ≤ (b − a) sup ∥f ′ (t)∥1 .
t∈]a,b[

Ceci étant vrai pour tout ε strictement positif, on en déduit ainsi le théorème dans le cas de la
norme ∥ · ∥1 , puisque ∆ε (b) −→ε→0 ||b − a||1 .
Pour la norme euclidienne, on procède de manière analogue en introduisant, pour un réel stric-
tement positif ε, la fonction
D m
# E 12
= ε (t) déf
∆ = ε2 + (fi (t) − fi (a))2 .
i=1

= ε est une fonction continue sur [a, b] et dérivable


Comme dans le cas précédent, la fonction ∆
sur ]a, b[ à valeurs réelles. On a

# m
= ′ (t) = 1

2fi′ (t)(fi (t) − fi (a))
·
ε
2 i=1 (ε2 + Jm (fi (t) − fi (a))2 ) 21
i=1

L’inégalité de Cauchy-Schwarz assure que

= ′ (t)| ≤ ∥f ′ (t)∥2 |f (t) − f (a)∥2


|∆ ε
ε2 + ∥f (t) − f (a)∥22
≤ ∥f ′ (t)∥2 .

L’inégalité des accroissements finis dans le cas d’une fonction d’une variable réelle à valeurs réelles
assure que
|∆ε (b) − ε| ≤ (b − a) sup ∥f ′ (t)∥2 .
t∈]a,b[

Ceci étant vrai pour tout ε strictement positif, on en déduit ainsi le théorème dans le cas de la
norme ∥ · ∥2 .

FIN DU PROGRAMME DE L’EXA-


MEN, CE QUI SUIT EST HORS PRO-
GRAMME
7.2. LE THÉORÈME DES ACCROISSEMENTS FINIS 77

7.2 Le théorème des accroissements finis


Théorème 7.2. Soit f une fonction de classe C 1 d’un ouvert U de Rn dans Rm . Pour tout couple
de points (a, b) de U tel que le segment [a, b] soit inclus dans U , on a
;mH H <
#H ∂f . /H
∥f (b) − f (a)∥∞ ≤ sup H H
H ∂xk a + t(b − a) H ∥b − a||∞ .
t∈]0,1[ k=1 ∞

Démonstration. On se ramène au cas d’une fonction d’une variable réelle à valeurs dans Rm .
Comme l’intervalle [a, b] est inclus dans U , on peut définir la fonction

déf
F (t) = f (a + t(b − a)).

La fonction F est dérivable sur ]0, 1[ et l’on a


m
# ∂f . /
F ′ (t) = (bk − ak ) a + t(b − a) .
∂k
k=1

On en déduit que ; m H H <


# H ∂f . /H

∥F (t)∥∞ ≤ H H
H ∂xk a + t(b − a) H ∥b − a||∞ .
k=1 ∞

D’après l’inégalité des accroissements finis pour les fonctions d’une variable réelle (voir le théo-
rème 7.1 appliqué dans le cas de la norme ∥ · ∥∞ sur Rm , on a

∥f (b) − f (a)∥∞ = ∥F (1) − F (0)∥∞


≤ sup ∥F ′ (t)∥∞
t∈]0,1[
; m H H <
# H ∂f . /H
sup H H
≤ H ∂xk a + t(b − a) H ∥b − a||∞
t∈]0,1[ k=1 ∞

ce qui est le résultat voulu.

Comme première application de ce résultat, nous avons le résultat suivant qui généralise le fait
qu’une fonction définie sur un intervalle est constante si et seulement si sa dérivée est nulle. Cette
généralisation fait appel à la notion d’ouvert connexe par arcs introduite dans la définition 4.1
page 47.

Théorème 7.3. Soient U ⊂ Rn un ouvert connexe par arcs et f une fonction de classe C 1 de U
dans Rm telle que Df (x) = 0Mmn (R) pour tout x dans U . Alors f est constante sur U , i.e., il existe
c ∈ Rm tel que f (x) = c pour tout x dans U .

Démonstration. Soient a et b deux points quelconques de U . D’après le théorème 4.7 page 48,
il existe une suite finie (ak )0≤k≤N de points de U telle que a0 = a, aN = B et pour tout k
de {0, · · · , N − 1}, le segment [ak , ak+1 ] est inclus dans U . D’après le théorème des accroissements
finis ci-dessus,
;mH H <
#H ∂f . /H
∥f (ak+1 ) − f (ak )∥∞ ≤ sup H H
H ∂xk ak + t(ak+1 − ak ) H ∥ak+1 − ak ∥∞ = 0
t∈]0,1[ k=1 ∞
78 CHAPITRE 7. INÉGALITÉ DES ACCROISSEMENTS FINIS

puisque Df (z) = 0 pour tout z ∈ [ak+1 , ak ]. D’après l’inégalité triangulaire,


N
# −1
∥f (b) − f (a)∥∞ ≤ ∥f (xk+1 ) − f (xk )∥∞ = 0
k=0

ce qui montre que f est constante dans U .


L’hypothèse de connexité par arcs est réellement nécessaire comme le montre l’exemple suivant.
Exemple 7.4. On note x0 = (−1, 0) et y0 = (1, 0). On définit l’ensemble U = B2 (x0 , 1/2) ∪
B2 (y0 , 1/2). Il s’agit d’un ensemble ouvert car c’est la réunion de deux boules ouvertes mais non
connexe puique U est lui même l’union de deux ouverts disjoints. Si l’on définit la fonction f : U →
R par f (x, y) = −1 si (x, y) ∈ B2 (x0 , 1/2) et f (x, y) = 1 si (x, y) ∈ B2 (y0 , 1/2) alors df (x, y) = 0
pour tout (x, y) ∈ U , mais pourtant f n’est pas constante sur U .
Chapitre 8

Complétude et point fixe

8.1 Suites de Cauchy et complétude dans Rn


Tout comme dans R, l’inconvénient majeur est que pour savoir qu’une suite converge, il est
nécessaire de calculer et donc de connaître sa limite. Nous définissons maintenant un critère qui
s’avère extrêmement pratique car il nous permet de nous affranchir de la connaissance a priori de
la limite d’une suite pour savoir si celle-ci est convergente.
Définition 8.1. Une suite (xk )k∈N de Rn est dite de Cauchy si pour tout ε > 0, il existe un N ∈ N
tel que pour tout p, q ≥ N , on a ∥xp − xq ∥∞ < ε.
Remarque 8.2. Comme ||xp − xq ||∞ = ||xq − xp ||∞ , on peut supposer sans perte de généralité
que p ≥ q dans cette définition.
Comme d’habitude, puisqu’on est en dimension finie, on peut choisir n’importe quelle norme
dans la définition.
Proposition 8.3. Soit || || une norme sur Rn . Une suite (xk )k∈N est de Cauchy pour la norme
|| ||∞ (au sens de la définition 8.1) si et seulement si elle est de Cauchy pour la norme || ||,
c’est-à-dire
∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀p ≥ N, ∀q ≥ N, ||xp − xq || < ε.

Exercice complémentaire 13 :
Démontrer cette propriété.

Proposition 8.4. Une suite de Rn converge si et seulement si elle est de Cauchy. On dit alors
que Rn est complet.
Démonstration. Soit (xk )k∈N une suite de Rn telle que xk → a. Alors, pour tout ε > 0, il existe un
N ∈ N tel que pour tout k ≥ N , ∥xk − a∥∞ < ε/2. Si k et l ≥ N , d’après l’inégalité triangulaire,
on a
ε ε
∥xk − xl ∥∞ ≤ ∥xk − a∥∞ + ∥a − xl ∥∞ < + = ε,
2 2
ce qui montre bien que (xk )k∈N est de Cauchy.
Réciproquement, supposons que (xk )k∈N est une suite de Cauchy dans Rn . Pour tout ε > 0, il
existe un N ∈ N tel que pour tout k, l ≥ N , on a ∥xk − xl ∥∞ < ε. Comme |xki − xli | ≤ ∥xk − xl ∥∞
pour tout 1 ≤ i ≤ n, on en déduit que |xki − xli | < ε pour tout k, l ≥ N et tout 1 ≤ i ≤ n. Par

79
80 CHAPITRE 8. COMPLÉTUDE ET POINT FIXE

conséquent, la suite numérique (xki )k∈N est de Cauchy dans R qui est lui même un espace complet.
Pour tout 1 ≤ i ≤ n, il existe donc un ai ∈ R tel que xki → ai dans R, et la proposition 1.15 permet
de conclure que xk → a = (a1 , . . . , an )T dans Rn .
Voici un exemple d’application
Jk Aℓ
Proposition 8.5. Soit A une matrice carrée de taille n × n. La suite de matrice Sk = ℓ=0 ℓ!
converge vers une matrice, noté exp(A).
2
Démonstration. On identifie Mn (R) l’ensemble des matrices carrées Rn , et on muni cet ensemble
de la norme || ||∞ . Ainsi, on note ||A||∞ = max1≤i,j≤n |aij |. Commençons par montrer par récur-
rence que ||Ak ||∞ ≤ nk ||A||k∞ . C’est évident pour k = 1. Supposons que ce soit vrai pour l’entier
k. Majorons le coefficient i, j de la matrice Ak+1 :
! n !
!# ! # n
! k ! n
#
k+1 ! ! !(A )iℓ !|Aℓj | ≤
|(A k
)ij | = ! (A )iℓ Aℓj ! ≤ ||Ak ||∞ ||A||∞ ≤ nk+1 ||A||k+1

! !
ℓ=1 ℓ=1 ℓ=1

en utilisant l’hypothèse de récurrence dans la dernière majoration. Ceci étant vrai pour tout 1 ≤
i, j, ≤ n, on obtient le résultat ||Ak+1 ||∞ ≤ nk+1 ||A||k+1
∞ .
Soient maintenant p et q deux entiers, avec p > q. On a en utilisant successivement l’inégalité
triangulaire et la majoration qu’on vient d’obtenir,
!! !!
!! p !! p !! ℓ !! p
!! # Aℓ !! # !! A !! # (n||A||∞ )ℓ
||Sp − Sk ||∞ = !!!! !! ≤ !! !! ≤ .
!! ℓ! !!!! !! ℓ! !!
∞ ℓ!
ℓ=q+1 ℓ=q+1 ℓ=q+1

J+∞ xℓ
On sait que pour tout réel x, la série ℓ=0 converge absolument. Par conséquent, en prenant
ℓ!
J+∞ (n||A||∞ )ℓ
x = n||A||∞ , on obtient que la série ℓ=0 converge. Son reste tant donc vers 0 : pour
ℓ!
J+∞ (n||A||∞ )ℓ
tout ε > 0, il existe N entier tel que pour tout q ≥ N , ℓ=q < ε. Cela implique
ℓ!
p
# +∞
#
(n||A||∞ )ℓ (n||A||∞ )ℓ
∀p ≥ N, ∀q ≥ N, ||Sp − Sk ||∞ ≤ ≤ < ε;
ℓ! ℓ!
ℓ=q+1 ℓ=q

la suite (Sk )k est de Cauchy, donc elle converge.

Exercice complémentaire 14 :
1 2 1 2
a0 ak
Soit V =
0
∈ R fixé. On définit la suite V =
2 k
par la relation de récurrence
b0 bk
suivante : 1 2 1 2
ak+1 bk
V k+1 = = ak +b .
bk+1 2
k

−1
1. Montrer par récurrence que pour tout k ≥ 1, V k+1 − V k = 2 (V
k
− V k−1 ).
1
2. Prouver que pour tout k ≥ 0, ||V k+1 − V k ||∞ ≤ 2k ||V
1
− V 0 ||∞ .
3. En déduire que la suite (V )k∈N et de Cauchy.
k

4. Montrer que la suite (V k )k∈N converge.


8.2. THÉORÈME DU POINT FIXE 81

Corrigé. 1. Un calcul donne


1 2 1 2 1 2
k+1 ak+1 − ak b k − ak b k − ak
V −Vk = = ak +bk = ak −bk .
bk+1 − bk 2 − bk 2
1 2
bk−1 − ak−1
D’une part, en changeant k en k − 1, cela donne V k − V k−1 = ak−1 −bk−1 . D’un autre
2
côté, en utilisant la relation de récurrence entre j et j − 1,
1 2 ; ak−1 +bk−1 < ;
ak−1 −bk−1
<
b k − ak 2 − bk−1 −1 k
ak −bk = a +b
bk−1 − k−1 2 k−1
= bk−1 −ak−1 =
2 (V − V k−1 ).
2 4
2
2

2. Par récurrence de nouveau. La propriété est vérifiée pour k = 0. Si elle l’est pour k ∈ N, on
a en utilisant la question 1 puis l’hypothèse de récurrence
1 k+1 1 1
||V k+2 − V k+1 ||∞ ≤ ||V − V k ||∞ ≤ ||V 1 − V 0 ||∞
2 2 2k
et le résultat.
3. Soient p, q deux entiers, p > q. On a

||V p+k − V p ||∞ ≤ ||V q − V q−1 ||∞ + · · · + ||V p+2 − V p+1 ||∞ + ||V p+1 − V q ||∞
1 1 1
≤ q−1 ||V 1 − V 0 ||∞ + · · · + p+1 ||V 1 − V 0 ||∞ + p ||V 1 − V 0 ||∞
21 2 2 2
1 1
≤2 − q ||V 1 − V 0 ||∞
2p 2

Pour la dernière ligne, on a utilisé la formule suivante, valable pour x ̸= 0 :

1 − xq−p xp − xq
xp + xp+1 + · · · + xq−1 = xp (1 + x + · · · + xq−1−p ) = xp = .
1−x 1−x

Soit ε > 0. Si ||V 1 − V 0 ||∞ = 0, la suite est stationnaire donc de Cauchy. Sinon
ε
Il existe un entier N tel que 2N1−1 < . On en déduit si p et q sont plus grand
||V 1 − V 0 ||∞
que N (avec p > q)
1 2
1 1 1 1
||V p − V q ||∞ ≤ 2 − ||V 1 − V 0 ||∞ ≤ p−1 ||V 1 − V 0 ||∞ ≤ N −1 ||V 1 − V 0 ||∞ ≤ ε.
2 p 2 q 2 2

4. La suite est de Cauchy, R2 est complet, donc la suite converge.

8.2 Théorème du point fixe


8.2.1 Application lipschtiziennes
Définition 8.6. Soit A un sous-ensemble de Rn . Une application f : A → Rm est dite lipschit-
zienne (sur A) s’il existe une constante L telle que

∀x ∈ A, ∀y ∈ A, ||f (x) − f (y)||∞ ≤ L||x − y||∞ .


82 CHAPITRE 8. COMPLÉTUDE ET POINT FIXE

Proposition 8.7. Soit N une norme sur Rn et N ′ une norme sur Rm . L’application f est lipsch-
tizienne si et seulement si il existe une constante L telle que

∀x ∈ A, ∀y ∈ A, N ′ (f (x) − f (y)) ≤ LN (x − y).

Nous admettons cette preuve qui repose comme d’habitude sur l’équivalence des normes en di-
mension finie.

Exercice complémentaire 15 :
Démontrer cette propriété.

Voyons maintenant le lien entre les applications lipschitzienne et les applications continues.
Proposition 8.8. Toute application lipschitzienne est continue.
Démonstration. Supposons f : A → Rm lipschitzienne. Soit ε > 0, et soit x0 ∈ A. Alors pour tout
y ∈ A tel que ||y − x0 ||∞ < Lε , on a ||f (y) − f (x − 0)||∞ ≤ L||y − x0 ||∞ < ε, d’où la continuité
de f en x0 . Remarquons ici que le “η”de la définition de la continuité, ici Lε , est indépendant du
choix de x0 : on dit que f est uniformément continue.
Et maintenant, un lien entre fonctions C 1 et fonctions lipschitziennes.
Proposition 8.9. Soit f : Rn → Rm une application de classe C 1 dont toutes les dérivées partielles
sont bornées, c’est-à-dire telle qu’il existe un réel M tel que
! !
! ∂fj !
∀i ∈ {1, · · · , n}, ∀j ∈ {1, · · · , m}, ∀x ∈ Rn , !! (x)!! ≤ M.
∂xi
Alors f est lipschitzienne.
On en déduit le résultat bien pratique suivant.
Corollaire 8.10. Soit f : Rn → Rm une application de classe C 1 , et soit K un compact convexe
de Rn . Alors f : K → Rm est lipschitzienne sur K.
Avant de passer à la preuve, rappellons que convexe signifie que si a et b sont deux points de K,
alors le segment
[a, b] = {ta + (1 − t)b, 0 ≤ t ≤ 1 }
est inclus dans K. En particulier, un convexe est connexe par arcs.
Démonstration. Commençons par démontrer la proposition. Soient x et y deux éléments de Rn .
D’après l’inégalité des accroissements finis 7.2, on a
;mH H <
#H ∂f . /H
∥f (y) − f (x)∥∞ ≤ sup H H
H ∂xk y + x(b − a) H ∥y − x||∞ ,
t∈]0,1[ k=1 ∞

et donc puisque chaque dérivées partielles est bornées par M en tout point
m
#
∥f (y) − f (x)∥∞ ≤ sup M ∥y − x||∞ ≤ mM ∥y − x||∞
t∈]0,1[ k=1

et f est lipshtzienne.
8.2. THÉORÈME DU POINT FIXE 83

∂fj
Passons maintenant au corollaire. Puisque f est C 1 , alors la fonction Rn → R, x *→ est
∂xi
continue. Comme K est compact, cette fonction est bornée sur K : il existe un réel Mij tel que
! !
! ∂fj !
∀x ∈ K, !! (x)!! ≤ Mij .
∂xi

En posant M = max1≤i≤n,1≤j≤m Mij , on obtient


! !
! ∂fj !
!
∀i ∈ {1, · · · , n}, ∀j ∈ {1, · · · , m}, ∀x ∈ K, ! (x)!! ≤ M
∂xi

et on conclut comme précédemment.

Exercice indispensable 29 :
Trouver un exemple de fonction C 1 qui soit lipschtzienne

Exercice complémentaire 16 :
Trouver un exemple de fonction C 1 qui soit ne soit pas lipschtzienne sur Rn puis faire la
restriction à un compact.

8.2.2 Théorème du point fixe de Banach


Définition 8.11. Soit A un sous-ensemble de Rn et soit f : A → A. Soit N une norme sur Rn .
f est contractant en norme N s’il existe un réel α strictement inférieur à 1 tel que

∀x ∈ A, ∀y ∈ A, N (f (x) − f (y)) ≤ αN (x − y).

Remarque 8.12. Une fois n’est pas coutume, une application peut-être contractante pour une
norme mais pas pour une autre qui lui est équivalente. En effet, l’équivalence des normes fait
intervenir des constantes multiplicatives, potentiellement très grande : on n’arrive alors pas à garder
la propriété α < 1.

Exercice indispensable 30 :
Trouver un exemple

Théorème 8.13. (Banach–Picard sur Rn ) Soit f : Rn → Rn une application contractante pour


une certaine norme N sur Rn . Alors f a un unique point fixe, c’est-à-dire qu’il existe un unique
a ∈ Rn tel que f (a) = a. De plus, la suite définie par récurrence par x0 ∈ Rn et xk+1 = f (xk )
converge vers a, et ce quelque soit la valeur de x0 .

Démonstration. L’unicité du point fixe est facile : supposons qu’il existe a ∈ Rn et b ∈ Rn tel que
f (a) = a et f (b) = b. Comme f est contractante en norme N , il existe α ∈ [0, 1[ telle que

∀x ∈ A, ∀y ∈ A, N (f (x) − f (y)) ≤ αN (x − y).


84 CHAPITRE 8. COMPLÉTUDE ET POINT FIXE

En particulier,
N (a − b) = N (f (a) − f (b)) ≤ αN (x − y) donc (1 − α)N (a − b) ≤ 0.
Comme 1 − α > 0 et N (a − b) ≥ 0, cela n’est possible que si N (a − b) = 0, et donc a = b.
Pour l’existence, montrons la convergence de la suite (xk )k∈N vers un point fixe de f . Pour tout
k ≥ 1 on a
N (xk+1 − xk ) = N (f (xk) − f (xk−1 )) ≤ αN (xk − xk−1 )
et une récurrence facile montre alors que pour tout k ≥ 0, N (xk+1 − xk ) ≤ αk N (x1 − x0 ). On en
déduit que la suite est de Cauchy : pour tout entiers p, q, p > q,
⎛ ⎞
p−1 p−1
# # . / p−1
# . /
N (xp − xq ) = N ⎝ xk+1 − xk ⎠ ≤ N xk+1 − xk ≤ αk x1 − x0 .
k=q k=q k=q

Comme α ̸= 1, on a
p−1
# q−1−p
# 1 − αq−p αp − αq αp
αk = αp αk = αp = ≤ .
1−α 1−α 1−α
k=q k=0

On distingue alors deux cas. Si x = x0 , alors f (x0 ) = x0 et on a trouvé un point fixe. Sinon, soit
1

αk
ε >. Comme α < 1, la suite ( )k∈N est décroissante et tend vers 0. Il existe donc un entier N
1−α
tel que
αk ε
∀k ≥ N, ≤ .
1−α N (x1 − x0 )
On en déduit pour tout entiers p, q supérieurs à N , avec p ≥ q,
p−1
# . / αp . 1 / αN . 1 /
N (xp − xq ) ≤ αk x1 − x0 ≤ x − x0 ≤ x − x0 < ε.
1−α 1−α
k=q

La suite (x )k∈N est de Cauchy, donc elle converge. Notons x sa limite. Comme xk+1 = f (xk ) et
k

que f est continue car lipschitzienne, on a


x = lim xk+1 = lim f (xk ) = f ( lim xk ) = f (x)
k→+∞ k→+∞ k→+∞

ce qui montre l’existence d’un point fixe.


Théorème 8.14. (Banach–Picard sur un fermé de Rn ) Soit F un ensemble fermé de Rn et soit
f : F → F une application contractante pour une certaine norme N sur Rn . Alors f a un unique
point fixe sur F , c’est-à-dire qu’il existe un unique a ∈ F tel que f (a) = a. De plus, la suite définie
par récurrence par x0 ∈ F et xk+1 = f (xk ) converge vers a.

Attention!
Il faut bien veiller que l’ensemble de départ et d’arrivée de f soient les mêmes, et donc
vérifier que pour tout x ∈ F , f (x) ∈ F . C’est souvent un point difficile à prouver quand on
utilise ce théorème.

Démonstration. Notons déjà que la suite (xk )k∈N est bien définie. En effet xk+1 = f (xk ) ∈ F , donc
on peut bien définir xk+2 , etc. On déroule ensuite la preuve précédente exactement pareil. La suite
(xk )k∈N est une suite de Cauchy dans Rn , donc elle a une limite. Mais a priori, cette limite est
dans Rn ! Il faut donc vérifier qu’elle est en fait dans F , et c’est vrai puisque F est fermé.
Chapitre 9

Un bref aperçu des fonctions


holomorphes

9.1 La dérivabilité au sens complexe


Dans ce chapitre, nous considérerons des fonctions définies sur un ouvert U de C à valeurs
dans C. Nous identifierons C à R2 par l’application
"
R2 −→ C
(x, y) *−→ x + iy
Une fonction f de U dans C étant donnée, on note

f=(x, y) = f (x + iy) = fℜ (x, y) + ifℑ (x, y).

Dans le cas de C, il est d’usage de noter la boule euclidienne ouverte (resp. fermée) de centre z0
et de rayon r par D(z0 , r) (resp. Df (z0 , r)).
La définition de la dérivation des fonctions d’une variable réelle donnée page 6 se généralise
sans problème au fonction d’une variable complexe.
Définition 9.1. On dit que fonction f de U dans C est dérivable au sens complexe en un point z0
de U si et seulement si
f (z) − f (z0
lim
z→z0 z − z0
existe. Cette limite est alors noté f (z0 ).

Proposition 9.2. La somme et le produit de deux fonctions f et g dérivables au sens complexe


en un point z0 sont dérivable au sens complexe et l’on a

(f + g)′ (z0 ) = f ′ (z0 ) + g ′ (z0 ) et (f g)′ (z0 ) = f ′ (z0 )g(z0 ) + f (z0 )g ′ (z0 ) .

Démonstration. Elle est strictement égale au cas des fonctions d’une variable réelle ; elle est donc
laissée au lecteur.
d
#
Exemple 9.3. Les polynômes en z, c’est-à-dire les fonctions ak z k sont dérivables au sens
k=0
complexe en un point z0 de C. La fonction z −1 est dérivable au sens complexe en un point z0
de C \ {0}.

85
86 CHAPITRE 9. UN BREF APERÇU DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Exemple 9.4. La fonction "


C −→ C
z *−→ z
n’est dérivable au sens complexe en aucun point.

Définition 9.5. Soit U un ouvert de C ; une fonction f de U dans C est dite C 1 -holomorphe si
elle est dérivable au sens complexe en tout point de U et si la fonction de U dans C 1 qui à z
associe f ′ (z) est continue. 1

Proposition 9.6. Soit (ak )k∈N une suite de nombres complexes telle que la rayon de convergence
de la série entière associée un réel positif r. Alors la fonction f défine sur D(z0 , r) par

déf #
f (z) = ak (z − z0 )k
k∈N

est dérivable au sens complexe en tout point de D(z0 , r).

Proposition 9.7. Les deux propriétés suivantes sont équivalentes :


i) La fonction f est C 1 -hoplomorphe sur U
ii) La fonction f= est de classe C 1 (au sens de la théorie des fonctions de deux variebles réelles)
et l’on a
∂fℜ ∂fℑ ∂fℜ ∂fℑ
(x0 , y0 ) = (x0 , y0 ) et (x0 , y0 ) = − (x0 , y0 ) . (9.1.1)
∂x ∂y ∂y ∂x

9.2 La formule de Cauchy


Nous allons tout d’abord définir la notion d’intégrale le long d’une courbe C 1 .

Définition 9.8. Soit f une fonction continue sur un ouvert U de C et γ une fonction de classe C 1
de [0, 1] dans U . On pose alors
K K 1
déf
f (z)dz = f (γ(t))γ ′ (t)dt .
γ 0

Théorème 9.9 (Formule de Cauchy). Soit f une fonction C 1 -holomorphe sur un ouvert U . On
considère un point z0 de U et R un réel strictement positif tels que

Df (z0 , R) ⊂ U .

Alors, pour tout z de D(z0 , R), on a


K
1 f (ζ)
f (z) = dζ .
2iπ C(z0 ,R) ζ −z

où l’on note K K
g(z)dz = f (z)dz avec γ(t) = z0 + Re2iπt .
C(z0 ,R) γ

Démonstration. Elle repose sur le lemme suivant.


1. Dans un cours d’analyse complexe plus avancé, l’hypothèse de continuité de la dérivée devient une propriété
démontrée
9.2. LA FORMULE DE CAUCHY 87

Lemme 9.10. Soient z0 et z deux points de U et r et R deux réels strictement positifs tels que
z ∈ D(z0 , R) et r < R − |z − z0 | .
Si g est une fonction holomorphe sur U \ {z}, alors
K K
g(ζ)dζ = g(ζ)dζ .
C(z,r) C(z0 ,R)

Admettons momentanément ce lemme. La fonction


1
ζ *−→
ζ −z
est holomorphe sur C \ {z} et la fonction ζ *−→ f (ζ) est holomorphe sur U . Ainsi donc la fonction
déf f (ζ)
g(ζ) =
ζ −z
est holomorphe sur U \ {z}. Le lemme 9.10 ci-dessus appliquée à la fonction g assure que
K K
f (ζ) f (ζ)
dζ = dζ .
C(z,r) ζ − z C(z0 ,R) ζ − z

Par définition de l’intégrable sur une courbe assure que


K K 2π
f (ζ) f (z + reiθ ) iθ
dζ = ire dθ
C(z,r) ζ − z 0 reiθ
K 2π
= i f (z + reiθ )dθ .
0

La fonction f étant continue en z on a


K 2π
lim f (z + reiθ )dθ = 2πf (z) .
r→∞ 0

Le théorème est alors démontrée pourvu bien sûr que l’on démontre le lemme 9.10.
Démonstration du lemme 9.10. On procède en déformant le cercle C(z0 , R) en le cercle C(z, r) de
la manière suivante. Posons pour t dans [0, 1],
déf déf
z(t) = tz + (1 − t)z0 et r(t) = tr + (1 − t)R .
Remarquons que, pour tout z ′ sur C(z(t), r(t)) on a
|z ′ − z| ≥ |z ′ − z(t)| − |z(t) − z|
≥ r(t) − (1 − t)|z − z0 | .
Comme |z − z0 | < R − r on a par définition de r(t)
|z ′ − z| ≥ tr + (1 − t)R − (1 − t)(R − r) = r .
Donc pour tout t de [0, 1], le cercle C(z(t), r(t)) est inclus dans D(z0 , R) \ Df (z, r) qui est un ouvert
où la fonction g est dérivable au sens complexe. Considérons maintenant la fonction
K
déf
G(t) = g(ζ)dζ .
C(z(t),r(t))

En posant γ(θ, t) = z(t) + r(t)e , le lemme 9.10 est la conséquence du lemme plus général suivant.

88 CHAPITRE 9. UN BREF APERÇU DES FONCTIONS HOLOMORPHES

Lemme 9.11. Considérons une fonction γ de classe C 1 sur ]0, 2π[×]0, 1[ continue sur [0, 2π]× [0, 1]
à valeurs dans C telle que
∀t ∈ [0, 1] , γ(0, t) = γ(2π, t).

Alors pour toute fonction g holomorphe sur un ouvert U contenant l’image de γ, la fonction
K 2π
déf ∂γ
G(t) = g(γ(θ, t)) (θ, t)dθ .
0 ∂θ

est contante.

Démonstration. Pour tout θ de l’intervalle [0, 2π, la fonction

∂γ
t *−→ g(γ(θ, t)) (θ, t)
∂θ
est dérivable et l’on a

∂D ∂γ E ∂γ ∂γ ∂2γ
g(γ(θ, t)) (θ, t) = g ′ (γ(θ, t)) (θ, t) (θ, t) + g(γ(θ, t)) (θ, t)
∂t ∂θ ∂t ∂θ ∂t∂θ
La théorème de dérivation des intégrales de fonctions continues s’applique et donc G est dérivable
et sa dérivée est
K 2π 1 2
′ ∂γ ∂γ ∂2γ
g (γ(θ, t)) (θ, t) (θ, t) + g(γ(θ, t)) (θ, t) dθ .
0 ∂t ∂θ ∂t∂θ

Il suffit maintenant d’observer que

∂γ ∂γ ∂2γ ∂ D ∂γ E
g ′ (γ(θ, t)) (θ, t) (θ, t) + g(γ(θ, t)) (θ, t) = g(γ(θ, t)) (θ, t) .
∂t ∂θ ∂t∂θ ∂θ ∂t

Ainsi donc, la fonction G′ est identiquement nulle et donc la fonction G est constante.

9.3 Formule de Cauchy et analyticité


La formule de Cauchy a d’innombrables applications et conséquences. Nous allons ici en donner
l’une des plus spectaculaires.

Théorème 9.12. Soit f une fonction C 1 -holomorphe sur un ouvert U de C. On considère un


point z0 de U et un réel strictement positif R tel que le disque fermé de centre z0 et de rayon R
soit inclus dans U . Alors la série de terme général (an )n∈N définie par
K 2π
déf 1 . /
an = f z0 + Reiθ (Reiθ )−n dθ
2π 0

a un rayon de convergence supérieur ou égal à R et f est somme de la série entière associée,


c’est-à-dire que

#
∀z ∈ D(z0 , R) , f (z) = an (z − z0 )n .
n=0
9.3. FORMULE DE CAUCHY ET ANALYTICITÉ 89

Démonstration. La formule de Cauchy (théorème 9.9) assure que, pour tout R1 < R, et pour tout z
tel que |z − z0 | ≤ R1 ,
K 2π . /
1 f z0 + Reiθ
f (z) = dθ
2π 0 z0 + Reiθ − z
K 2π . /
1 f z0 + Reiθ
= dθ
2π 0 (z − z0 )e−iθ
1−
R
On utilise que
! 1 N
# ! k N +1
! !
∀ζ ∈ C / |ζ| ≤ k < 1 , ! − ζn! ≤ ·
1 − ζ n=0 1−k
Cela implique que
! #N K 2π ! D E
!f (z) − 1 iθ (z − z0 ) e
! . / n −inθ ! N +1 ! . /!
f z 0 + Re dθ ! ≤ R1 R1
max !f z0 + Reiθ ! .
! 2π n=0 0 R n ! R R − R1 θ∈[0,1]

D’où le résultat.

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