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Introduction à la théorie de Galois

0. Théorie de Galois pour les non initiés.


1. Rappels sur les corps.
2. Corps premiers.
3. Le corps des nombres algébriques.
4. Théorie de Galois dans C.
5. Résolution par radicaux.
6. Un peu de théorie de Galois inverse.
7. Corps finis.
Pierre-Jean Hormière
___________

Introduction
« Sauter à pieds joints sur ces calculs ; grouper les opérations, les classer suivant leurs
difficultés et non suivant leurs formes ; telle est, suivant moi, la mission des géomètres
futurs ; telle est la voie où je suis entré (…) Ici on fait l’analyse de l’analyse. Ici les calculs
les plus élevés exécutés jusqu’à présent sont considérés comme des cas particuliers, qu’il a
été utile, indispensable de traiter, mais qu’il serait funeste de ne pas abandonner pour des
recherches plus larges. Il sera temps d’effectuer des calculs prévus par cette haute analyse
et classés dans leur forme, quand la spécialité d’une question les réclamera. » a écrit Galois
dans la préface à ses deux Mémoires sur les équations algébriques. A cette citation je trouve
pertinent d’adjoindre celle-ci, d’un autre grand Voyant :
« De nos jours encore, nombreux sont les algébristes qui n’ont toujours pas compris que
la théorie de Galois est bien, dans son essence, une vision « géométrique », venant
renouveler notre compréhension des phénomènes dits « arithmétiques ». » 1
Quand on effectue un calcul algébrique, c’est-à-dire un nombre fini d’additions, sous-
tractions, multiplications, divisions et résolutions d’équations polynomiales, dans quel
ensemble de nombres travaille-t-on exactement ? L’analyste ne se pose pas ce genre de
questions : pour lui, tous les calculs s’effectuent dans R ou C. Mais il sait bien au fond que
R et C sont des fictions, nul ne pouvant donner toutes les décimales de π ; d’où la théorie
des approximations rationnelles, algébriques, etc. L’algébriste, lui, place ces questions au
cœur de sa pratique. Un calcul algébrique s’effectue toujours dans une extension de degré
fini d’un corps premier Q, Z/pZ, ou plus généra-lement du corps de départ.
Ce chapitre est conçu comme un atelier pédagogique d’instituteur. Il se présente sous
forme de problèmes indépendants, de niveau taupe 2. Il en résulte des redites. Il est dédié à
Ian Stewart, dont le petit livre Galois Theory, paru chez Chapman & Hall dans les années
1973-76, m’avait enchanté, tant il est vrai que les mathématiques anglo-saxonnes (et russes
3
) sont souvent plus agréables à lire que les françaises 4.

1
Alexandre Grothendieck, Récoltes et semailles, tome 1, p. 52.
2
En hypotaupe et en taupe, on ne peut guère aller très loin : le programme est lourd et le temps presse. Un
devoir de temps en temps quand on a une bonne classe. Pour calculer des groupes de Galois, il faut connaître
S4 et S5, et leurs sous-groupes transitifs, qui sont déjà hors d’atteinte.
3
Je parle de la Russie soviétique, qui, malgré les crimes staliniens, se réclamait encore d’idéaux universalistes,
et non de la dictature fasciste qui lui a succédé.

1
Par « corps » on entendra toujours ici un corps commutatif. 5

0. Théorie de Galois pour les non initiés.


« Nul n’est censé ignorer Galois. »
Marcel Benabou
Dans ce § introductif, tâchons de présenter à un non-initié les idées-force de ce qu’on nomme la
« théorie de Galois », et d’expliquer pourquoi cette théorie fascine les matheux depuis deux siècles.

0.1. Notion de corps.


Commençons par définir un corps. C’est un ensemble muni d’au moins deux éléments, 0 et 1, et
dans lequel on peut effectuer les quatre opérations usuelles : addition, soustraction, multiplication et
division (par un élément non nul bien entendu).
Le plus simple des corps de nombres usuels est le corps Q des nombres dits « rationnels », c’est-
à-dire des nombres fractionnaires :
Q = { … , −3, −2,5 , −2 , −4/3, −1, − 1.2 , 0 , 1/3 , ½ , 4/5 , 1 , 1,25 , 7/8 , 2 , 2,4 , … }.
Le plus « gros » des corps de nombres usuels est le corps C des nombres dits « complexes ». Il
n n−1
possède la propriété de « clôture » suivante : tout polynôme P = X + a1.X + … + an à
coefficients complexes possède n racines, distinctes ou confondues, x1, …, xn. On peut alors écrire :
n
P(X) = ∏(X −x ) .
i =1
i

Tous les corps que nous allons considérer dans ce § sont intermédiaires entre Q et C.

0.2. Corps des racines d’un polynôme.


n n−1
A tout polynôme P = X + a1.X + … + an à coefficients dans le corps Q, associons l’ensemble
Z = {x1, …, xn} des racines complexes de P. On supposera ces racines deux à deux distinctes.

Soit alors K le plus petit sous-corps de C contenant l’ensemble Z ; on le note aussi QP ou Q(Z),
pour signifier qu’il contient à la fois Q et Z. On le nomme « corps des racines » de P. Dans le corps
K, on peut définir cinq opérations : addition, soustraction, multiplication, division et extraction des
racines de P. On peut démontrer que les éléments du corps K sont les combinaisons linéaires à
coefficients rationnels des monômes x1k1 ...xnkn , où k1, …, kn sont des entiers.
Prenons des exemples :
2
1) Si P = X – (5/6).X + 1/6 = (X – 1/2)(X – 1/3), Z = {1/2, 1/3} et K = Q. Le polynôme P a ses
deux racines rationnelles, donc son corps des racines est Q.
2
2) Si P = X – 2 = (X – 2 )(X + 2 ), Z = {− 2 , 2 }. On sait depuis les pythagoriciens que
± 2 ne sont pas des nombres rationnels. Le corps des racines K = Q(Z) = Q( 2 ) est le plus petit
sous-corps de C contenant 2 (il contient automatiquement − 2 ). Ce corps est facile à décrire :
c’est l’ensemble des nombres x de la forme a + b 2 , où a et b sont rationnels.
Mener des calculs dans ce corps est facile : si x = a + b 2 et y = c + d 2 ,
x + y = ( a + c ) + ( b + d ) 2 , x – y = ( a – c ) + ( b – d ) 2 , x.y = ( ab + 2cd ) + ( ad + bc ) 2 ,

4
L’exposé de Bourbaki (Algèbre, chap. V) est indigeste. Quant à la Longue marche à travers la théorie de
Galois, de Grothendieck, rédigée en 1981, qui vient d’être mise en ligne, je n’y comprends rien.
5
La théorie des corps non commutatifs, appelés aussi corps gauches ou algèbres à division (en anglais skew
fields) a pour point de départ celle des quaternions, et est esquissée dans les livres d’Arnaudiès-Bertin.

2
Pour calculer 1 = 1 , il faut multiplier haut et bas par le nombre a − b 2 que l’on appelle
x a+b 2
« conjugué », ou « conjugué de Galois », de x, et que l’on note x :
1 = a−b 2 = a−b 2 .
x (a+b 2)(a−b 2) a²−2b²
Pour calculer x/y, il suffit alors de multiplier x par l’inverse de y.
4 2
3) Soit maintenant P = X – 10.X + 1. Ce polynôme possède 4 racines, que l’on peut calculer en
2 4 2 2
deux temps : si l’on pose x = u, x – 10.x + 1 = 0 équivaut à u – 10.u + 1 = 0, que l’on résout en
2
u = 5 ± 2 6 . Il reste à résoudre les deux équations x = 5 ± 2 6 , il vient x = ± 2 ± 3 .
4 2 2 2 2 2
( On peut aussi noter que X – 10.X + 1 = ( X – 5 ) − 24 = ( X – 5 − 2 6 )( X – 5 + 2 6 ). )
Bref, le corps des racines de P est K = Q(± 2 ± 3 ) = Q( 2 ± 3 ) = Q( 2 + 3 ).
[ car si un corps contient 2 + 3 , il contient 2 − 3 = −1/( 2 + 3 ). ]
Peut-on décrire les éléments de K ? Oui, et de deux façons :
2 3
1) Si l’on note θ = 2 + 3 , K = { a + b.θ + c.θ + d.θ ; a, b, c, d ∈ Q }.
( θ est ce qu’on appellera un « élément primitif » de K. )
Additionner, soustraire, multiplier les éléments de K est facile, car :
4 2 5 3 6 4
θ = 10.θ − 1 , θ = 10.θ − θ , θ = 99.θ − 1 .
Calculer 1 = 1 demande de recourir à l’algorithme d’Euclide et à l’identité de
x a+bθ +cθ 2 +dθ 3
2 3
Bezout, les polynômes Q = a + bX + c.X + d.X et P étant premiers entre eux.
Il existe des polynômes U et V, de degrés < 4, tels que 1 = U.P + V.Q.
Substituant θ à X, il vient 1 = V(θ).Q(θ). Par conséquent, 1 = V(θ).
x
2) K est aussi l’ensemble des x = a + b 2 + c 3 + d 6 , où a, b, c et d décrivent Q.
Additionner, soustraire, multiplier les éléments de K est facile.
En revanche, calculer 1 = 1 demande plus de technique :
x a+b 2 +c 3 +d 6
il faut multiplier haut et bas par trois nombres, à savoir :
a − b 2 + c 3 − d 6 , a + b 2 − c 3 − d 6 et a − b 2 − c 3 + d 6 .
que l’on appelle les trois « conjugués de Galois », de x :
1 = (a−b 2 +c 3 −d 6)(a+b 2 −c 3 −d 6)(a−b 2 −c 3 +d 6)
.
x (a+b 2 +c 3 +d 6)(a−b 2 +c 3 −d 6)(a+b 2 −c 3 −d 6)(a−b 2 −c 3 +d 6)
Un calcul montre en effet que le dénominateur est rationnel.

0.3. Groupe de Galois d’un polynôme.


La grande idée de Galois est de considérer les racines x1, …, xn d’un polynôme (irréductible) de
3
degré n comme des objets indistingables. Peu importe que les racines de x – 3x + 1 soient réelles et
3 4
approximativement égales à –1.88, 0.35 et 1.53. Elles vérifient toutes x = 3x – 1, et, par suite, x =
2 5 2 2
3x – x , x = − x + 9x – 3, etc. Elles sont liées par des relations symétriques x1 + x2 + x3 = 0, x1 +
2 2
x2 + x3 = 6, x1.x2.x3 = − 1, etc. Pour les voir, l’algébriste n’a nul besoin de les placer sur la droite
réelle, il lui suffit de les placer aux sommets d’un triangle équilatéral ABC. Les permutations
conservent les formules précédentes.

3
Autre exemple illustrant ces idées : le polynôme P ci-dessous a quatre racines : ± i.ϕ et ± i. ϕ , où ϕ
3 3
est le nombre d’or. Si θ est une quelconque des racines, −θ , θ + 3θ et −θ − 3θ sont les trois autres.
3 3
Et, s’il existe une racine α telle que β = α + 3α soit aussi racine, alors, pour toute racine θ, θ + 3θ
est aussi racine de P.
> P:=X^4+3*X^2+1;
> irreduc(P);solve(P=0);
true
1 1 1 1 1 1 1 1
− I 5 + I, I 5 − I, − I − I 5 , I + I 5
2 2 2 2 2 2 2 2
> alias(theta=RootOf(P)):factor(P,theta);
( X + 3 θ + θ 3 ) ( −X + 3 θ + θ 3 ) ( X + θ ) ( −X + θ )
Par « automorphismes » du corps K des racines de P, on entend les bijections σ de K dans K
vérifiant identiquement σ(x + y) = σ(x) + σ(y) , σ(1) = 1 et σ(x.y) = σ(x).σ(y), c’est-à-dire qui
respectent la structure de corps. Parmi eux il y en a un qui est trivial : l’identité x → x, mais il y en a
d’autres en général : ce sont précisément les « conjugaisons » rencontrées au § précédent. Ces
automorphismes forment un ensemble noté G ou Gal(P), stable pour la composition. On l’appelle
groupe de Galois du polynôme P. Ce groupe permute les racines de P, en ce sens que si xk est une
racine de P, σ(xk) aussi, et il est entièrement défini par son action sur les racines. Il s’identifie donc
à un sous-groupe du groupe des permutations de Z = {x1, …, xn}. Il est donc fini. Le groupe de
Galois G agit sur l’ensemble Z, il munit Z d’une géométrie, et c’est en ce sens que Grothendieck a
pu écrire : « De nos jours encore, nombreux sont les algébristes qui n’ont toujours pas compris que
la théorie de Galois est bien, dans son essence, une vision « géométrique », venant renouveler notre
compréhension des phénomènes dits « arithmétiques ». »
Les propriétés du groupe G (le nombre de ses éléments, sa table de composition, l’architecture
de ses sous-groupes, et notamment de ses sous-groupes dits « distingués ») fournissent des
informations fondamentales sur le polynôme P et sur l’architecture du corps K.
Ainsi, sous certaines hypothèses, le corps K a autant de sous-corps que G a de sous-groupes : il y a
une correspondance parfaite entre les sous-corps de l’un et les sous-groupes de l’autre, la fameuse
correspondance de Galois.
Le polynôme P est « résoluble par radicaux » si et seulement si le groupe G possède une certaine
propriété relative à l’architecture de ses sous-groupes distingués. Cette propriété est automati-
quement satisfaite par tous les groupes de Galois des polynômes de degré 2, 3 et 4. Du coup, la
théorie de Galois englobe les travaux antérieurs des babyloniens, de Tartaglia, Cardan, Ferrari et
Bombelli. Elle n’est pas satisfaite par tous les groupes de Galois des polynômes de degré ≥ 5. Du
coup, la théorie de Galois englobe les travaux de Ruffini et Abel. Mais elle va plus loin, puisqu’elle
caractérise les équations résolubles par radicaux.
Exemples :
2
1) Si P = X – (5/6).X + 1/6 = ( X – ½ )( X – 1/3 ), nous avons vu que K = Q.
Le seul automorphisme de Q est l’identité.
2
2) Si P = X – 2 = ( X – 2 )( X + 2 ), K = Q( 2 ) = { x = a + b 2 ; a et b rationnels }.
K a deux automorphismes, l’identité σ0 et la conjugaison σ1 : x = a + b 2 → x = a − b 2 .
Le groupe de Galois G de P a donc deux éléments.
Si l’on note 1 = x1 = 2 , 2 = x2 = − 2 , G permute les racines de la façon suivante :
σ0 = 
1 2 σ1 = 
1 2
 
 
1 2 2 1

4
4 2
3) Soit P = X – 10.X + 1.
On a vu que K est l’ensemble des x = a + b 2 + c 3 + d 6 , où a, b, c et d décrivent Q.
Si σ est un automorphisme de K, σ( 2 ) = ± 2 , σ( 3 ) = ± 3 et σ( 6 ) = ± 6 .
Mais cela ne fait pas 8 possibilités, mais seulement au plus 4, car σ( 6 ) = σ( 2 ).σ( 3 ).
Et en fait, exactement 4 après examen. Ainsi G = { σ0 , σ1 , σ2 , σ3 }
où, si x = a + b 2 + c 3 + d 6 ,
σ0(x) = a + b 2 + c 3 + d 6 , σ1(x) = a − b 2 + c 3 − d 6 ,
σ2(x) = a + b 2 − c 3 − d 6 , σ3(x) = a − b 2 − c 3 + d 6 .
Chacun des automorphismes σ0 , σ1 , σ2 , σ3 est involutif, et σ3 = σ1 o σ2
Le groupe G est par conséquent isomorphe au groupe de Klein.
Si l’on note 1 = x1 = 2 + 3 , 2 = x2 = 2 − 3 , 3 = x3 = − 2 + 3 , 4 = x4 = − 2 − 3 ,
G permute les racines de la façon suivante :

σ0 = 
1 2 3 4 σ1 = 
1 2 3 4 σ2 = 
1 2 3 4 σ3 = 
1 2 3 4 .
1 2 3 4
   3 4 1 2  2 1 4 3
  4 3 2 1
 
Remarque : il y a 24 permutations de Z = { x1 , x2 , x3 , x4 }, mais toutes ne sont pas autorisées, car
x4 = − x1 , x3 = − x2 , x1.x3 = 1, etc. La donnée de σ(x1) implique aussitôt celle des trois autres
σ(xk) ; il y a donc bien au plus 4 automorphismes de K.
Le groupe G possède 5 sous-groupes : { σ0 } , { σ0 , σ1 } , { σ0 , σ2 } , { σ0 , σ3 } et G.
De même, K possède exactement 5 sous-corps : K , Q( 2 ) , Q( 3 ) , Q( 6 ) et Q.
3
4) Soit P = X – 2. Si l’on pose α = 3
2 , il vient :
P = ( X − α )( X + αX + α ) = ( X − α )( X − β )( X − γ ), où β = j.α , γ = j .α et j = −1+i 3 .
2 2 2
2
Le corps des racines de P est K = Q(α, β, γ) = Q(α, β) = Q(α, j) = Q(θ), où θ = α + j.
K = { x = a + b 3 2 + c 3 4 + d j + e j 3 2 + f j 3 4 ; a, b, c, d, e, f rationnels }
2 3 4 5
= { x = a + b.θ + c.θ + d.θ + e.θ + f.θ ; a, b, c, d, e, f rationnels }.
2 2
Si σ est un automorphisme de G, σ(α) = α , j.α ou j .α , σ(j) = j ou j .
2
Si σ(α) = α et σ(j) = j on retrouve l’identité ; si σ(α) = α et σ(j) = j , on trouve la conjugaison.
On devine que le groupe de Galois G possède 6 éléments, et qu’il est isomorphe au groupe
symétrique S3, ou encore au groupe diédral D3 des isométries du triangle équilatéral.
Ce groupe G possède 6 sous-groupes, donc K possède 6 sous-corps.
2
K , { a + b 3 2 + c 3 4 ; a, b, c rationnels } , { a + b j 3 2 + c j 3
4 ; a, b, c rationnels } ,
23 3
{a+bj 2 + c j 4 ; a, b, c rationnels } , { a + b.j ; a, b rationnels } , Q .

0.4. Beauté de la théorie de Galois.


Si la théorie de Galois a marqué les esprits, ce n’est pas seulement en raison du destin tragique de
son auteur (sa mort prématurée, le fait que ses travaux n’aient pas été reconnus de son vivant), c’est
aussi et avant tout pour des raisons esthétiques, historiques et mathématiques.
Dans l’esprit visionnaire de Galois, les choses étaient claires, il ramenait un problème compliqué à
un problème simple : les propriétés d’un polynôme P, les calculs que l’on peut mener dans son corps
des racines K (corps infini muni des 5 opérations : +, −, ×, ÷, résolution de P(x) = 0) se résument
dans une structure finie munie d’une seule opération. Au fond, le groupe de Galois G d’un
polynôme P est l’« ADN » de son corps des racines.

5
Le hic, c’est que, lorsque Galois découvre ces résultats, en 1829-1831, la théorie des groupes est
encore dans les limbes. En algèbre, la notion de groupe apparaît en filigrane dans un calcul de
Lagrange (1770), dans un traité de Gauss (1801) et des articles de Cauchy (1813), mais on est
encore loin du compte, et il faudra attendre 1870 pour que la théorie des groupes sorte véritablement
de terre, avec Jordan, et 1900 pour que soit donnée la définition abstraite des groupes que nous
connaissons. Quant à la théorie des corps, elle fut parachevée par Steinitz en 1910. En somme, les
idées de Galois ne sont vraiment devenues théorie mathématique qu’entre 1870 et 1914. On
comprend pourquoi, de son vivant, ses articles ont désarçonné ses rares lecteurs (Poisson, notam-
ment) : ils étaient rédigés dans une langue elliptique, dépourvus d’exemples, et renvoyaient à des
calculs qui relevaient d’une mathématique à venir. Galois lui-même en était conscient : dans un de
ses textes, il s’adresse aux « géomètres du futur ». D’ailleurs, déterminer le groupe de Galois d’un
polynôme P donné n’est pas chose aisée (Maple sait le faire pour les polynômes de degré ≤ 8, un
bon agrégé de maths ne va pas jusque là). De plus, une fois déterminé le groupe de Galois G de P, il
reste à trouver ses sous-groupes, les sous-corps de son corps des racines, ses résolvantes éventuelles,
etc., vaste chantier !
Galois a douté jusqu’au bout, non de la véracité de sa théorie, mais de son intérêt, car il s’agit
d’une théorie purement algébrique, c’est-à-dire reposant sur des calculs exacts, alors qu’au début du
e
XIX siècle, l’étoile de l’algèbre pâlit et monte celle de l’analyse, science des calculs approchés et
des passages à la limite. L’histoire des mathématiques a balayé ces doutes : Galois ne s’est pas
contenté de clore un chapitre de l’algèbre, la résolution par radicaux des équations algébriques, il a
ouvert toutes grandes les portes de l’algèbre moderne. A tout objet mathématique on peut associer le
groupe de ses automorphismes, groupe qui fournit bien des informations sur l’objet lui-même.
Aux questions : « A quoi sert la théorie de Galois ? A-t-elle des applications pratiques ? »,
répondons d’abord qu’au départ elle ne servait à rien. Pendant longtemps, elle a fasciné la
communauté mathématique par sa beauté, son pouvoir d’intelligibilité, et son inutilité : « C’est bien
plus beau lorsque c’est inutile ». Ce n’est qu’au lendemain de la Deuxième guerre mondiale, avec la
naissance de l’informatique, qu’elle a commencé à avoir des retombées concrètes. Au fond, qu’est-
ce que l’informatique, sinon la revanche du discret sur le continu, la revanche du monde du 0-1 sur
le monde des droites et des courbes ? Or 0-1 est le plus petit corps commutatif, ses extensions sont
des corps à 4, 8, 16… éléments, jadis trouvés par Galois, et aujourd’hui utiles dans les codes
correcteurs, la cryptographie, etc. La théorie de Galois a fini par trouver des applications, mais il a
fallu du temps !

1. Rappels sur les corps.

Définition 1 : Un corps 6 est un anneau commutatif K non réduit à 0, dans lequel tout élément non
nul est inversible, autrement dit tel que K' = K −{0} est un groupe multiplicatif.
Un corps est donc muni des 4 opérations usuelles : addition, soustraction, multiplication et division.
C’est en particulier un anneau intègre
Par homomorphisme de corps K → L, on entend simplement un morphisme d’anneaux.
Un sous-corps de K est un sous-anneau L de K tel que : (∀x ∈ L*) x−1 ∈ L.
Toute intersection de sous-corps de K est un sous-corps de K.
Proposition 1 : La caractéristique d’un corps est 0 ou un nombre premier.
Proposition 2 : Tout anneau intègre fini est un corps.
Proposition 3 : Tout homomorphisme de corps K → L est injectif.
Autrement dit, si K et L sont deux corps, soit l’un d’eux contient un sous-corps isomorphe à l’autre,
soit ils sont sans relation (sans morphisme).

6
En anglais, un anneau se dit ring, un corps field ; en russe aussi, un corps s’appelle un champ.

6
p
Proposition 4 : Si K est un corps de caractéristique p premier, x → x est un endomorphisme de
corps de K, appelé endomorphisme de Frobenius de K.
Le résultat précédent sera utile au § 7.
Proposition 5 : Si K est un corps, les automorphismes de corps de K forment un groupe pour la
composition, noté Aut(K).
Si K est un sous-corps de L, les automorphismes σ de L tels que ∀x ∈ K σ(x) = x forment groupe
pour la compostion, appelé groupe de Galois de L sur K et noté Gal(L : K).
Preuve : Plaçons-nous dans SL ; Gal(L : K) est l’intersection du groupe Aut(L) et du groupe
linéaire GlK(L) des automorphismes de L considéré comme K-espace vectoriel.
On a esquissé, dans le chapitre sur les anneaux, la construction du corps des fractions d’un anneau
intègre : elle permet de construire Q à partir de Z, et K(X) à partir de K[X].
Exemples.
La structure de corps est une des plus riches en axiomes de toute l’algèbre, donc elle est rare ; et
les relations entre la multiplication et l’addition sont si fortes qu’il y a souvent des liens entre la
structure du groupe multiplicatif K* et celle du groupe additif K.
1) Q, R et C sont trois corps commutatifs.
2) K[X] est un anneau intègre, K(X) son corps des fractions ; idem en pls indéterminées.
3) Si p est un nombre premier, l’anneau quotient Z/pZ est un corps commutatif, noté aussi Fp.
On peut démontrer que le groupe multiplicatif (Z/pZ)* est cyclique.
4) Plus généralement, si p est un élément extrêmal d’un anneau euclidien A, l’anneau quotient
A/(p) est un corps. En particulier, on peut définir C comme quotient de l’anneau R[X] par l’idéal
2 2
engendré par X + 1 : C = R[X]/( X + 1 ).
5) En analyse, outre les corps R et C, on rencontre :
− Le corps *R des réels non standard ;
− Les corps de Hardy dans la théorie des développements asymptotiques ;
− L’anneau intègre H(Ω, C) des fonctions holomorphes sur l’ouvert connexe Ω ;
− Le corps M(Ω, C) des fonctions méromorphes sur l’ouvert connexe Ω.
6) En théorie des nombres, les corps p-adiques Qp de Hensel.

Exercice 1 : un théorème de Dedekind.


Soient K et L deux corps. Montrer que les homomorphismes de corps de K dans L sont linéairement
indépendants dans le L-espace vectoriel F(K, L).

Exercice 2 : 1) Démontrer que Z/13Z×Z/13Z est un corps commtatif à 169 éléments pour les deux
lois : (x, y) + (x’, y’) = (x + x’, y + y’) , (x, y).(x’, y’) = (xx’ + 5yy’, xy’ + x’y).
2) Démontrer que Z/2Z×Z/2Z est un corps commutatif à 4 éléments pour les deux lois :
(x, y) + (x’, y’) = (x + x’, y + y’) , (x, y).(x’, y’) = (xx’ + yy’, xy’ + x’y + yy’).

Exercice 3 : Démontrer que Q×Q est un corps commtatif pour les deux lois :
(x, y) + (x’, y’) = (x + x’, y + y’) , (x, y).(x’, y’) = (xx’ + 2yy’, xy’ + x’y).

2
Exercice 4 : 1) Montrer que Q[ 2 ] = { x = a + b 2 ; (a, b) ∈ Q } est un corps pour les lois
usuelles. Quels sont les automorphismes de corps de Q[ 2 ] ?
2
2) Même question pour Q[ 3 ] = { x = a + b 3 ; (a, b) ∈ Q }.
3) Ces deux corps sont-ils isomorphes ?
4) Décrire, sans démonstration, le plus petit sous-corps de R contenant ces deux corps.

7
Solution :
1) Montrons que Q[ 2 ] est un sous-corps de R.
1 ∈ Q[ 2 ] , x = a + b 2 et y = c + d 2 ∈ Q[ 2 ] ⇒ x − y et x.y ∈ Q[ 2 ], car :
x–y=(a–c)+(b–d) 2 et x.y = ( ac + 2bd ) + ( ad + bc ) 2 .

Enfin x = a + b 2 ∈ Q[ 2 ] – {0} ⇒ 1/x ∈ Q[ 2 ] , car 1 = 1 = a−b 2 .


x a+b 2 a²−2b²
Pour justifier rigoureusement cela, il faut noter que, 2 étant irrationnel,
a − b 2 = 0 ⇔ a = b = 0.
Si σ est un endomorphisme d’anneau de Q[ 2 ], alors σ(1) implique σ(n) = n pour tout n ∈ N, σ(n)
= n pour tout n ∈ Z et enfin σ(a) = a pour tout a ∈ Q.
σ( 2 ).σ( 2 ) = σ( 2 . 2 ) = σ(2) = 2 implique σ( 2 ) = ± 2 .
Si σ( 2 ) = 2 , σ est l’identité.
Si σ( 2 ) = − 2 , σ est la conjugaison a + b 2 → a − b 2 , laquelle est bien un endomorphisme
d’anneau, et même un automorphisme.
Il y a donc deux automorphismes de Q[ 2 ], l’identité et la conjugaison.

2) Etude en tout point analogue pour Q[ 3 ]. Plus généralement, si K est un sous-corps de L, et si ω


est un élément de L−K dont le carré appartient à K, alors { a + bω ; (a, b) ∈ K×K } est un sous-
corps de L et un plan vectoriel sur K.
3) Où l’on apprend à se méfier des apparences…
Il semble bien que les corps Q[ 2 ] et Q[ 3 ] sont isomorphes, via f : a + b 2 → a + b 3 .
Hélas, si f est bien un isomorphisme de groupes additifs, et de Q-espaces vectoriels, tel que f(1) = 1,
ce n’est pas un isomorphisme de corps, car il ne vérifie pas f(x.y) = f(x).f(y).
En effet f( 2 ) = 3 , et f( 2 . 2 ) = f(2) = 2 tandis que f( 2 ).f( 2 ) = 3 . 3 = 3.
Le fait que f ne soit pas un isomorphisme ne prouve pas que les corps Q[ 2 ] et Q[ 3 ] ne sont pas
isomorphes, mais le laisse entendre.
Analysons en effet les propriétés d’un éventuel isomorphisme f de Q[ 2 ] sur Q[ 3 ].
Il vérifierait f(1) = 1, donc f(n) = n pour tout n ∈ N, n ∈ Z, puis f(a) = a pour tout a ∈ Q.
Par suite f(a + b 2 ) = f(a) + f(b).f( 2 ) = a + b.f( 2 ).
Posons f( 2 ) = a + b 3 , et écrivons f( 2 ).f( 2 ) = 2.
2 2 2 2
Donc a + 3b + 2ab 3 = 2. La Q-liberté de 1 et 3 implique a + 3b = 2 et ab = 0.
2
• b = 0 implique a = 2, ce qui est impossible.
2 2
• b ≠ 0 implique a = 0, puis 3b = 2. D’où 9b = 6 : or 6 n’est pas rationnel. CQFD.
4) On devine que le plus petit sous-corps de R contenant Q[ 2 ] et Q[ 3 ] est :
4
K = { x = a + b 2 + c 3 + d 6 ; (a, b, c, d) ∈ Q } .
C’est une Q-algèbre de dimension 4. Cela sera justifié dans la suite.

3
Exercice 5 : Soient K un sous-corps de C, P = X + pX + q un polynôme irréductible de K[X].
3 2
On note a, b, c les racines de P dans C , d = ( a – b )( b – c )( c – a ) , ∆ = − 4p − 27q ,
3
et l’on admet que d = ∆.
1) Démontrer que a et d sont non nuls. Exprimer ( a – b )( c – a ) à l’aide de a et q.
2) Soit K[a, b, c] le corps de décomposition de P sur K.
a) Démontrer que K[a, d] ⊂ K[a, b, c].

8
b) Démontrer que K[a, b, c] ⊂ K[a, d].
3) En déduire que dim K[a, b, c] = 3 ou 6, selon que ∆ est ou non un carré dans K.

2. Corps premiers.

Définition : Un corps P est dit premier si P est le seul sous-corps de P.


Soit K un corps. Toute intersection de sous-corps de K est un sous-corps. En particulier,
l’intersection de tous les sous-corps de K est un corps premier, appelé corps premier de K.
Proposition 1 : Un corps premier est isomorphe à Q s’il est de caractéristique 0, à Fp s’il est de
caractéristique p.
Voici quelques conséquences simples de ce qui précède :
• Tout corps de caractéristique 0 contient un sous-corps isomorphe à Q ; il est donc infini.
• Tout corps de caractéristique p contient un sous-corps isomorphe à Fp. Il est donc muni d’une
structure de Fp–algèbre.
• Tout corps fini est de caractéristique p, p premier. Du coup, c’est un Fp–espace vectoriel de
dimension finie, car il admet une famille génératrice finie : lui-même ! Il admet donc une base finie,
et son cardinal est une puissance de p. Nous reviendrons sur ce point au § 5
• En revanche, un corps de caractéristique p peut fort bien être infini : penser à Fp(X).
Proposition 2 : Si P est un corps premier, le seul automorphisme de corps de P est l’identité.
La démonstration de ce résultat est évidente si P est fini. Si P = Q, on démontre aisément que tout
automorphisme laisse fixe les n ∈ N, les n ∈ Z, et enfin les p/q.
Corollaire : Si K est un corps, P le corps premier de K, Gal(K : P) = Aut(K).
Plus précisément, si .σ ∈ Aut(K), k = { x ∈ K. σ(x) = x } est un sous-corps de K et σ ∈ Aut(K : k).
2
Exercice 1 : Soient K un corps de caractéristique ≠ 2, .σ ∈ Aut(K) tel que σ = idK.
Si k = { x ∈ K. σ(x) = x }, montrer que K est une k-algèbre de dimension 2.
La proposition 2 est sans réciproque. Les corps premiers ne sont pas les seuls à n’avoir qu’un seul
automorphisme.
3
Exercice 2 : Démontrer que le polynôme X – 2 est irréductible sur Q[X].
En déduire que K = { x = a + b 3 2 + c 3
4 ; (a, b, c) ∈ Q×Q×Q } est un sous-corps de R.
Quels sont les automorphismes de K ?
Théorème de Darboux (1880) : L’identité est le seul endomorphisme de corps de R.
Preuve : Soit f un endomorphisme de corps de R.
f satisfait l’équation de Cauchy f(x + y) = f(x) + f(y) . De plus, f(1) = 1.
On en déduit que f(n) = n pour tout n ∈ N, puis tout n ∈ Z, puis f(r) = r pour tout rationnel r ∈ Q.
2 2
De plus, pour tout couple (x, y), f(xy) = f(x)f(y). On en déduit pour tout x, f(x ) = f(x ).
Or, dans R, les carrés coindicent avec les réels positifs. Donc
y ≥ 0 ⇒ f(y) ≥ 0, puis y ≥ z ⇒ y − z ≥ 0 ⇒ f(y − z) = f(y) − f(z) ≥ 0 ⇒ f(y) ≥ f(z).
f est croissante. Or la seule application croissante de R dans R qui laisse fixe tous les rationnels est
l’identité. En effet, si x est réel et si (rn) et (sn) sont deux suites adjacentes de rationnels tendant vers
x, on a pour tout n, rn = f(rn) ≤ f(x) ≤ f(sn) = sn, donc à la limite f(x) = x.

9
Remarque : Ce résultat est paradoxal, car il signifie que, bien que R soit une extension de Q de
degré infini, le groupe de Galois de R sur Q est trivial : propriété que l’on pourrait croire réservée
aux seuls corps premiers 7. Nous étudierons dans la suite le groupe de Galois de C sur Q.

Soient K un corps, P son corps premier, et (αi)i∈I une famille d’éléments de K. On note P(αi)i∈I le
plus petit sous-corps de K contenant la famille (αi)i∈I , c’est-à-dire le sous-corps engendré par P ∪
{αi}i∈I . Par exemple, le pgcd des polynômes P = ∑ αi.Xi et Q = ∑ β i.Xi est à coefficients dans
P(αi, β i)i∈N . Lorsqu’on applique la méthode du pivot à la matrice A = (αij) ∈ MK(n, p), les
matrices de passage ont leurs éléments dans P(αij).

3. Le corps des nombres algébriques.

Problème 1

Dans ce problème, l’ensemble C des nombres complexes est à la fois muni de sa structure de corps
et de sa structure de Q-espace vectoriel.
2
1) Un nombre complexe z est dit algébrique (sur Q) si la famille (1, z, z , … ) est Q-liée. Le plus
d d−1
petit entier d tel que z soit combinaison linéaire de 1, z, …, z est appelé degré de z.
d −1

∑ a .z
d
On note z = k
k , où les ak ∈ Q.
k =0
a) Montrer que ∀P ∈ Q[X] P(z) = 0 ⇔ µ(X) | P(X) .
d d−1
b) Montrer que le polynôme µ(X) = X − ad−1.X − … − a0 est irréductible dans Q[X].
c) Réciproquement, montrer que si P est un polynôme irréductible de Q[X] tel que P(z) = 0, P
est le polynôme minimal de z.
d) Montrer que µ(X) n’a que des racines simples dans C ; on les appelle conjugués de z.
e) Montrer que E = {P(z) ; P ∈ Q[X]} est une Q-algèbre de dimension d, et un sous-corps de C.
2) Soient x et y deux nombres algébriques de degrés respectifs m et n.
p q
Montrer que le sous Q-espace vectoriel de C engendré par la famille (x .y )(p,q)∈N² est de dimension
finie ≤ m.n. En déduire que x + y et x.y sont algébriques.
Montrer que l’ensemble A 8 des nombres algébriques est un sous-corps de C.

2 + 3 . Montrer que a est algébrique et que 2 ∈ Q[a] et 3 ∈ Q[a].


3) Soit a =
Montrer que 3 ∉ Q[ 2 ]. En déduire dimQ Q[a] = 4, et indiquer le polynôme minimal de a sur
Q. Quels sont les conjugués de a ?
4) Soit P ∈ Q[X]. Montrer l’équivalence P(exp 2iπ ) = 0 ⇔ 1 + X + X + X + X | P.
2 3 4
5
5) Soit a = 2 + 2 . Montrer que a est algébrique, et que 2 ∈ Q[a] et 3 2 ∈ Q[a].
3

7
Quand j’ai passé l’oral de l’agrégation, en 1978, dans une leçon sur les groupes finis, j’ai mentionné cette
propriété du corps des réels. Un examinateur, surpris, s’est tourné vers ses collègues en disant : « C’est
impossible ! ». Il y a eu entre eux une discussion, et ils m’ont finalement donné gain de cause. La réaction de
cet examinateur s’explique. Si l’on adjoint au corps Q successivement 2 , 3 , 5 , 7 etc., nous verrons
dans la suite qu’on obtient une suite d’extensions quadratiques dont les groupes de Galois ont resp. 2, 4, 8, 16
éléments. La réunion K de ces corps a un groupe de Galois énorme. Comme K se plonge naturellement dans R,
il est naturel de penser que Gal(R : Q) est énorme, et patatras ! Il est tout petit !
8
Traditionnellement, on note A = Q.

10
En utilisant les inclusions Q[ 2 ] ⊂ Q[a] et Q[ 3 2 ] ⊂ Q[a], montrer que dimQ Q[a] = 6, et
indiquer le polynôme minimal de a sur Q. Quels sont les conjugués de a ?
3
Mêmes questions relatives à i + 2.
6) Montrer que l’ensemble Q[X] est dénombrable ; en déduire que A est dénombrable.
n n−1
7) Soient a1, …, an ∈ A, z un nombre complexe tel que z + a1.z + … + an = 0.
Montrer que z ∈ A. En déduire que A est un corps algébriquement clos.
8) Un nombre complexe z est dit transcendant (sur Q) s’il n’est pas algébrique.
Montrer que z est substituable dans toute fraction F(X) ∈ Q (X), et que le plus petit sous-corps de
C contenant z est { F(z) ; F ∈ Q(X) }, et est isomorphe à Q(X).
_________

Solution

1) Description de Q[z], z algébrique.


a) Montrons que ∀P ∈ Q[X] P(z) = 0 ⇔ µ(X) | P(X) .
Tout d’abord µ(X) | P(X) ⇒ ∃Q ∈ Q[X] P(X) = µ(X).Q(X) ⇒ P(z) = 0.
Réciproquement, si P(z) = 0, soit P(X) = µ(X).Q(X) + R(X) la division euclidienne de P par µ.
Après substitution, il vient R(z) = 0. On en déduit R = 0 en vertu de la minimalité de d = deg µ.
b) Montrons que le polynôme minimal µ(X) de z est irréductible dans Q[X].
Supposons µ réductible. Alors on peut écrire µ(X) = A(X).B(X) où A et B sont non constants et de
degrés < d. Alors, C étant intègre, A(z) = 0 ou B(z) = 0, contredisant la minimalité de d.
c) Réciproquement, soit P un polynôme irréductible de Q[X] tel que P(z) = 0.
Je dis que P est le polynôme minimal de z. En effet si Q annule z, soit P | Q, soit P ∧ Q = 1 et alors il
existe un couple (U, V) tel que 1 = U(X).P(X) + V(X).Q(X). Après substitution, il viendrait 1 = 0.
Donc P divise Q et P est le minimal de z.
d) Montrons que µ(X) n’a que des racines simples dans C.
Si µ avait une racine multiple x, µ(X) et µ’(X) ne seraient pas premiers entre eux. Donc µ(X)
diviserait µ’(X) ; compte tenu des degrés, µ’(X) serait nul ; comme C est de caractéristique nulle,
µ(X) serait constant, ce qui est impossible.
e) Montrons que E = {P(z) ; P ∈ Q[X]} est une Q-algèbre de dimension d, et un sous-corps de C.
Considérons le morphisme d’évaluation φ : P ∈ Q[X] → P(z) ∈ C ; E n’est autre que son image,
d–1
donc c’est une sous Q-algèbre de C. Il découle de ce qui précède qu’une base en est (1, z, …, z ).
En particulier, E est donc un sous-anneau de C. Soit maintenant w un élément non nul de E.
Ecrivons w = P(x) ; µ ne peut diviser P, donc µ ∧ P = 1 et alors par Bezout il existe un couple (U, V)
tel que 1 = A(X).µ(X) + B(X).P(X). Après substitution, il vient 1 = B(x).P(x) = B(x).w.
Donc 1/w = B(x) ∈ E. cqfd.
2) Le corps A des nombres algébriques.
Soient x et y deux nombres algébriques de degrés respectifs m et n.
p q
Montrons que le sous Q-espace vectoriel de C engendré par la famille (x .y )(p,q)∈N² est de
p q p q
dimension finie ≤ m.n. Je dis que ∀(p, q) x .y ∈ Vect { (x .y ) ; 0 ≤ p ≤ m − 1, 0 ≤ q ≤ n − 1 }.
Car si A et B sont deux éléments de Q[X], A(x).B(y) = R(X).S(X), où R est le reste euclidien de A
par µx et S le reste euclidien de B par µy.
p q
Comme toutes les puissances de x + y et de x.y appartiennent à Vect (x .y ), elles sont Q-liées, donc
x + y et xy sont algébriques, de degrés ≤ m.n.

11
Pour finir de montrer que A est un sous-corps de C, il suffit de noter que 1, − x et 1/x si x ≠ 0, sont
algébriques. C’est facile.
Voici une deuxième preuve du fait que x + y et xy sont algébriques.
Elle est plus concrète en ce sens qu’elle fournit un polynôme explicite annulant x + y, resp. xy.
m

∏(X −x ) le polynôme minimal de x, où x = x1, et


m m−1
Notons µx(X) = X + a1.X + … + am = i
i =1

∏(X − y ) le polynôme minimal de y, où y = y1.


n n−1
µy(X) = X + b1.X + … + bn = j
j =1
m n m n
Considérons les polynômes P(X) = ∏∏
i =1 j =1
(X −(xi + y j)) et Q(X) = ∏∏ (X −x .y ) .
i =1 j =1
i j

m n m n m
P(X) = ∏∏
i =1 j =1
(X −(xi + y j)) = ∏∏
i =1 j =1
((X − xi )− y j)) = ∏µ (X −x )
i =1
y i est un polynôme symétrique

dont les coefficients sont symétriques en x1, …, xm, donc appartiennent à Q en vertu du théorème de
Newton sur les fonctions symétriques élémentaires. Ainsi P ∈ Q[X] et x + y est algébrique.
Idem pour Q.

3) Un exemple : a = 2 + 3.
2
a) Montrons que x = 2 + 3 est algébrique. Il est clair que x = 5 + 2 6 .
2 2 4 2
Par conséquent, ( x − 5 ) = 24 et x − 10.x + 1 = 0.
4 2
Ainsi, x annule le polynôme P(X) = X − 10.X + 1. Donc x est algébrique sur le corps Q.
Le polynôme P a pour racines ± 5±2 6 = ± ( 2 ± 3 ).
Par conséquent, il se factorise ainsi dans R[X] :
P(X) = ( X − 2 − 3 ).( X − 2 + 3 ).( X + 2 − 3 ).( X + 2 + 3 ).
b) Une question naturelle se pose : P est-il le polynôme minimal de x sur le corps Q ?
Montrer cela équivaut à montrer que P est irréductible sur Q.
Or cela peut être démontré de plusieurs façons :
1ère méthode : les diviseurs de P dans Q[X] sont à chercher parmi les diviseurs de P dans R[X].
Or, P admet dans R[X] 16 diviseurs unitaires. Tout revient à montrer que seuls deux d’entre eux
sont à coefficients dans Q.
2ème idée : montrons directement qu’on ne peut écrire P = A.B, A ∈ Q[X] unitaire de degré 1 ou 2.
• A n’est pas de degré 1, autrement dit P n’a pas de racine rationnelle p/q, (p, q) ∈ Z×N* , p ∧ q = 1.
4 2 2 4 4 4
On aurait en effet p − 10.p q + q = 0, donc q divise p et p divise q , donc q = 1 et p = ±1.
Or ±1 n’est pas racine de P.
2 2 4
• A n’est pas de degré 2, autrement dit on n’a pas P = (X + aX + b)(X + cX + d) , (a, b, c, d)∈Q .
Identifiant, il viendrait a + c = 0, b + ac + d = −10, ad + bc = 0, bd = 1.
2
Donc c = – a , d = 1/b , puis b + 1/b − a = −10 et a.(1/b – b) = 0.
2 2
a = 0 donne b + 1/b = −10 , b −10.b + 1 = 0. Or X – 10.X + 1 est sans racine rationnelle, car 6
est irrationnel.
2
a ≠ 0 implique b = ±1, puis a = 8 ou 12 ; or ni 2 ni 3 ne sont rationnels.
3ème méthode : Montrons que 2 ∈ Q[x] et 3 ∈ Q[x].
2 2
En effet, ( x −3 ) = 2 et ( x − 2 ) = 3 impliquent 3 = x²+1 et 2 = x²−1 .
2x 2x
2 2
Je dis que 3 ∉ Q[ 2 ]. En effet, 3 = p + q 2 impliquerait 3 = p + 2q + 2pq 2 , c’est-à-dire,
2 2
2 étant irrationnel : 3 = p + 2q et 2pq = 0.

12
2
q = 0 impliquerait 3 = p : or 3 est irrationnel.
2 2
6 est irrationnel.
p = 0 impliquerait 3 = 2q , ou encore 6 = (2q) ; or
Par conséquent, le corps Q[x] contient strictement le corps Q[ 2 ]. C’est un Q[ 2 ]-espace
vectoriel de dimension ≥ 2, donc un Q-espace vectoriel de dimension paire ≥ 4, en vertu de la
formule de multiplicativité des dimensions.
Comme P est de degré 4, il est de dimension ≤ 4 ; finalement dimQ Q[a] = 4, P est bien le minimal
de x et les conjugués de x sont ± 2 ± 3 .
c) Maple dispose d’un algorithme donnant les polynômes minimaux approchés de a de degrés 1, 2,
3 et 4. Mais le « vrai » polynôme minimal de a est de degré 4.
> with(polytools);
[ minpoly , recipoly , shorten , sort_poly , split, splits, translate ]
> a:=sqrt(2)+sqrt(3);
a := 2 + 3
> for n from 1 to 5 do minpoly(a,n);od;
−10949 + 3480 _X
−883 − 56 _X + 107 _X 2
−97 − 7 _X − 10 _X 2 + 7 _X 3
1 − 10 _X 2 + _X 4
1 − 10 _X 2 + _X 4
> evalf(a);evalf(10949/3480);evalf(107*a^2-56*a-883);
3.146264370
3.146264368
.2 10-6
> p:=x^4-10*x^2+1;irreduc(p);solve(p=0,x);
factor(p,sqrt(2));factor(p,sqrt(3));
p := x 4 − 10 x 2 + 1
true
− 2 − 3, 2 + 3, − 3 + 2, 3 − 2
( x2 + 2 x 2 − 1 ) ( x2 − 2 x 2 − 1 )
( x2 + 2 x 3 + 1 ) ( x2 − 2 x 3 + 1 )
> p:=x^4-10*x^2+1;galois(p);
p := x 4 − 10 x 2 + 1
"4T2", { "E(4)", "2[x]2"}, "+", 4, { "(1 2)(3 4)", "(1 4)(2 3)"}
Le corps Q[x] s’obtient à partir de Q par deux extensions quadratiques successives. Son groupe de
Galois a 4 éléments et est isomorphe au groupe de Klein.
4) Un second exemple.
Soit P ∈ Q[X]. Montrer l’équivalence P(exp 2iπ ) = 0 ⇔ 1 + X + X + X + X | P.
2 3 4
5
Notons ω = exp 2iπ et Φ = 1 + X + X + X + X = ( X − ω )( X − ω )( X − ω )( X − ω ).
2 3 4 2 3 4
5
Il est évident que Φ | P ⇒ P(ω) = 0. La réciproque n’est pas facile... En fait, l’équivalence proposée
revient à dire que Φ est le polynôme minimal de ω sur le corps Q. Cela revient à dire que Φ est
irréductible dans Q[X]. Cela est fait dans un problème ultérieur.
5) Un troisième exemple.
a) Montrons que a = 2 + 3 2 est algébrique.
La formule du binôme montre que toutes les puissances de a sont éléments de :

13
VectQ ( 1, 2 , 3 2 , 2 3 2 , 3 4 , 2 3 4 ) .
2 6
Cet espace est de dimension ≤ 6, donc la famille ( 1, a, a , … , a ) est Q-libre, et il est sûr que a
annule un polynôme non nul de degré ≤ 6.
b) Cherchons un tel polynôme !
3 3 2
Partons de a − 2 = 2 . Elevons au cube ! ( a − 2 ) = 2, d’où a − 3 a 2 + 6a − 2 2 = 2.
3

3 2 3 2 2 2
a + 6a − 2 = ( 3a + 2 ) 2 . Elevons au carré ! ( a + 6a − 2 ) = 2 ( 3a + 2 ) .
6 4 3 2
Finalement, a est racine de P = X – 6 X – 4 X + 12 X – 32 X – 4.
c) Montrons les inclusions Q[ 2 ] ⊂ Q[a] et Q[ 3 2 ] ⊂ Q[a].
3 2 a3+6a−2
Reprenons l’identité a − 3 a 2 + 6a − 2 2 = 2. Elle s’écrit : 2 = .
3a² + 2
2 2 −1
Rappelons que 3X + 2 étant premier avec P, (3a + 2) peut s’exprimer comme polynôme de a,
grâce à l’identité de Bezout.
Ainsi, Q[ 2 ] ⊂ Q[a] et, comme 2 = a − 2 , Q[ 3 2 ] ⊂ Q[a].
3

3
Or Q[ 2 ] est une extension quadratique de Q, et Q[ 3 2 ] une extension cubique de Q, car X – 2
est irréductible sur Q. En vertu de la formule de multiplicativité des dimensions, dimQ Q[a] est
multiple de 2 et 3, donc de 6. Comme dimQ Q[a] ≤ deg P = 6, on a dimQ Q[a] = 6.
Bilan : dimQ Q[a] = 6, P est le polynôme minimal de a, et est irréductible sur Q.
d) Une session Maple d’algèbre linéaire…
> with(linalg):A:=matrix(6,6,[0,2,0,0,2,0,1,0,0,0,0,2,1,0,0,2,0,0,0,1,
1,0,0,0,0,0,1,0,0,2,0,0,0,1,1,0]);
0 2 0 0 2 0
 
1 0 0 0 0 2

 
1 0 0 2 0 0
A :=  
0 1 1 0 0 0
 
0 0 1 0 0 2

 
0 0 0 1 1 0
> rank(A);det(A);charpoly(A,x);minpoly(A,x);
6
-4
x − 6 x − 4 x + 12 x 2 − 24 x − 4
6 4 3

x 6 − 6 x 4 − 4 x 3 + 12 x 2 − 24 x − 4
> v:=array([1,0,0,0,0,0]):v1:=multiply(A,v):v2:=multiply(A,v1):
v3:=multiply(A,v2):v4:=multiply(A,v3):v5:=multiply(A,v4):
v6:=multiply(A,v5):B:=transpose(matrix([v,v1,v2,v3,v4,v5]));rank(B);
C:=transpose(matrix([v,v1,v2,v3,v4,v5,v6]));kernel(C);
1 0 2 2 4 40
 
0 1 0 2 8 4

 
0 1 0 6 2 20
B :=  
0 0 2 0 8 10
 
0 0 1 0 12 2

 
0 0 0 3 0 20
6

14
1 0 2 2 4 40 12
 
0 1 0 2 8 4 80
 
 
0 1 0 6 2 20 60
C :=  

0 0 2 0 8 10 24
 
0 0 1 0 12 2 60
 
 
0 0 0 3 0 20 12
{ [ -4, -24, 12, -4, -6, 0, 1 ] }
e) Une session Maple de calculs polynomiaux.
> with(polytools);
[ minpoly , recipoly , shorten , sort_poly , split, splits, translate ]
> a:=sqrt(2)+2^(1/3);
( 1/3 )
a := 2 + 2
> for n from 1 to 7 do minpoly(a,n);od;
−1313 + 491 _X
221 − 449 _X + 137 _X 2
98 − 116 _X + 27 _X 2 + _X 3
−73 − 3 _X − 60 _X 2 + 24 _X 3 + _X 4
−7 − 32 _X + 20 _X 2 − 17 _X 3 − 8 _X 4 + 5 _X 5
−4 − 24 _X + 12 _X 2 − 4 _X 3 − 6 _X 4 + _X 6
−4 − 24 _X + 12 _X 2 − 4 _X 3 − 6 _X 4 + _X 6
> evalf(a);evalf(1313/491);evalf(221-449*a+137*a^2);
2.674134612
2.674134420
.8 10-6
> p:=x^6-6*x^4-4*x^3+12*x^2-24*x-4;irreduc(p);
p := x 6 − 6 x 4 − 4 x 3 + 12 x 2 − 24 x − 4
true
> factor(p,sqrt(2));alias(b=RootOf(x^3-2)):factor(p,b);
( x3 − 3 x2 2 + 6 x − 2 − 2 2 ) ( x3 + 3 x2 2 + 6 x − 2 + 2 2 )
( x 4 + 2 x 3 b − 4 x 2 + 3 x 2 b 2 + 4 x − 4 x b + 4 + 2 b + 2 b2 ) ( x 2 − 2 x b + b 2 − 2 )
> p:=x^6-6*x^4-4*x^3+12*x^2-32*x-4;galois(p);
p := x 6 − 6 x 4 − 4 x 3 + 12 x 2 − 32 x − 4
"6T16", { "S(6)"}, "-", 720, { "(2 6)", "(1 6)", "(4 6)", "(3 6)", "(5 6)"}
Le groupe de Galois de Q[a] a 720 éléments et est isomorphe à S6.
6) Le corps A est dénombrable.
L’ensemble Q[X] est dénombrable en tant que réunion d’une suite d’ensembles dénombrables : les
Qn[X]. Or A = U
Z(P) , où Z(P) désigne l’ensemble des zéros de P dans C. Donc A est
P∈Q[X]−{0}

dénombrable comme réunion dénombrable d’ensembles finis.


7) Le corps A est algébriquement clos.
n n−1
Soient a1, …, an ∈ A, w un nombre complexe tel que w + a1.w + … + an = 0.
Montrons que w ∈ A. Pour tout i notons ki le degré de ai sur Q, et considérons le sous Q-espace
m mn h
vectoriel E de C engendré par les a1 1 … an w , où 0 ≤ m1 ≤ k1 − 1, …, 0 ≤ mn ≤ kn − 1, h étant
quelconque. E est une Q-algèbre de dimension finie. Comme 1, w et toutes ses puissances
appartiennent à E, les puissances de w sont Q-liées et w est algébrique.

15
On en déduit que A est algébriquement clos. C’est une « clôture algébrique » de Q, c’est-à-dire un
surcorps algébriquement clos de Q dont tous les éléments sont algébriques sur Q.
8) Nombres transcendants.
Je dis que z est substituable dans toute fraction F(X) ∈ Q(X), et que le plus petit sous-corps de C
contenant z est { F(z) ; F ∈ Q(X) }, et est isomorphe à Q(X).

Exercice 2

Nous admettons ici le théorème dit de Hermite-Lindemann 9 :


a
« Si a est un nombre complexe algébrique (sur Q) non nul, alors e est transcendant. »
ϕ
1) Démontrer que e et π sont transcendants, ainsi que ln 2, ln 3, ln(2/3), e et ln ϕ, où ϕ est le
nombre d’or 1+ 5 .
2
2) Si a est un nb complexe algébrique non nul, que dire de ch a, sh a, th a, cos a, sin a, tan a ?
3) Démontrer que l’équation cos x = x admet une unique racine réelle a. Indiquer une suite
convergent vers a ; valeurs approchées ? Démontrer que a est un nombre transcendant.
4) Démontrer que l’équation tan x = x admet une unique racine réelle b ∈ ] π , 3π [. Indiquer une
2 2
suite convergent vers b ; valeurs approchées ? Démontrer que b est un nombre transcendant.
5) Démontrer que l’équation x.exp x = 1 a une unique solution réelle c. Valeurs approchées ?
Démontrer que c est transcendant. Idem pour les équations x.exp x = q (q algébrique ≠ 0), sh x = 2x.

Exercice 3

On note E le plan affine euclidien, identifié, après choix d’un repère orthonormé, au corps C des
complexes. On note G le groupe des isométries affines de E.
Une partie non vide A de E est dite dédoublable s’il existe deux parties B et C de A telles que :
i) (B, C) est une partition de A ;
ii) Il existe f et g dans G telles que B = f(A) et C = g(A).
1) Rappeler sans démonstration les différents types de transformations géométriques qui
constituent le groupe G.
2) Montrer qu’un disque fermé D de E n’est pas dédoublable.
3) On se propose de montrer qu’il existe une partie de E qui est dédoublable (paradoxe de
Sierpinski-Mazurkiewicz, 1914).
a) Montrer qu’il existe au moins un nombre complexe transcendant, et de module 1. Soit u un
tel complexe.
b) Soient P l’ensemble des polynômes à coefficients dans N, et A = { P(u) ; P ∈ P }.
On note f et g les transformations du plan complexe définies par f(z) = z + 1 et g(z) = uz.
Montrer que f(A) ∩ g(A) = ∅, puis que A est dédoublable.

Exercice 4

Soit K un corps commutatif. On appelle extension de K un surcorps commutatif L de K muni de


sa structure de K-algèbre. On dit que l’extension L est algébrique tout élément de L est algébrique
sur K, transcendante dans le cas contraire.
1) Exemples. Natures des extensions suivantes :
9
Ce théorème est démontré dans Daniel Duverney, Théorie des nombres, 12.5 (Dunod)

16
a) C comme extension de R. b) C et R comme extensions de Q. c) K(X) comme extension de K.
2) Montrer que si L est un K-espace vectoriel de dimension finie, L est une extension algébrique
de K. La réciproque est-elle vraie ?
3) Montrer que l’ensemble Κ des éléments de L algébriques sur K est un sous-corps de L, et est la
plus grande extension algébrique de K contenue dans L. On l’appelle fermeture algébrique de K
dans L. Montrer que, si L est algébriquement clos, il en est de même de Κ.

4. Théorie de Galois dans C.

On doit prévoir que, traitant des sujets aussi nouveaux, hasardé dans une voie aussi insolite, bien
souvent des difficultés se sont présentées que je n’ai su vaincre. Aussi, dans ces deux mémoires et
surtout dans le second qui est plus récent, trouvera-t-on souvent la formule : « Je ne sais pas ». La
classe des lecteurs dont j’ai parlé au commencement ne manquera pas d’y trouver à rire. C’est que
malheureusement on ne se doute pas que le livre le plus précieux du plus savant serait celui où il
dirait tout ce qu’il ne sait pas, c’est qu’on ne se doute pas qu’un auteur ne nuit jamais tant à ses
lecteurs que quand il dissimule une difficulté. Quand la concurrence, c’est-à-dire l’égoïsme, ne
régnera plus dans les sciences, quand on s’associera pour étudier, au lieu d’envoyer aux Académies
des paquets cachetés, on s’empressera de publier les moindres observations pour peu qu’elles
soient nouvelles, et on ajoutera : « Je ne sais pas le reste. »
Evariste Galois, prison Sainte-Pélagie, décembre 1831

Exercice 1 : mise en bouche

Soit P ∈ Q[X] un polynôme irréductible dans Q[X] de degré n.


1) Démontrer que P n’a que des racines simples dans le corps C. Soit Z l’ensemble de ces racines.
2
2) On suppose dans la suite que l’une des racines de P, notée α, vérifie P(2α – 1) = 0.
2 2
En considérant le polynôme P(2X – 1), démontrer que toute racine γ de P vérifie P(2γ – 1) = 0.
2
3) Que dire de P si α = 2α – 1 ?
4) Trouver P, si P est de degré 2.
5) Trouver P, si P est de degré 3.
Corrigé

1) P étant irréductible, on a l’alternative P | P’ ou P ∧ P’ = 1.


Comme P est non constant et le corps Q de caractéristique nulle, le premier cas est impossible.
Par conséquent, il existe des polynômes A et B dans Q[X] tels que A.P + B.P’ = 1.
On en déduit que P et P’ ne peuvent avoir de racines communes dans C.
P n’a pas de racines doubles dans C.
2
2) Dire que l’une des racines de P vérifie P(2α – 1) = 0, cela signifie que les polynômes P(X) et
2
P(2X – 1) ont une racine commune, dans C.
Ils ne sont donc pas premiers entre eux dans C[X], puisque divisibles tous deux par X − α.
En vertu de l’invariance du pgcd, ils ne sont pas non plus premiers entre eux dans Q[X].
2
Comme P(X) est irréductible dans Q[X], P divise P(2X – 1) dans Q[X].
2
Il existe un polynôme Q(X) tel que P(2X – 1) = P(X).Q(X).
2
On en déduit aussitôt que toute racine γ de P vérifie P(2γ – 1) = 0.
2
3) Si α = 2α – 1, α = 1 ou − ½ , donc P est divisible par X – 1 ou X + ½.
Comme il est irréductible, P = X – 1 ou X + ½.

17
2 2
4) Si P est de degré 2, on a α ≠ 2α – 1, et toute racine γ de P vérifie γ ≠ 2γ – 1.
2
L’application f : x → 2x – 1 de Z dans Z, est sans point fixe.
2 2
Si P est de degré 2, de racines α et β, on a donc α ≠ β , β = 2α – 1 et α = 2β – 1.
2
Soustrayons et factorisons, il vient α + β = − ½ , d’où P = 4X + 2X − 1, qui a pour racines :

α = −1+ 5 = −
ϕ et β = −1− 5 = −
ϕ' .
2 2 2 2
2 2 2
5) Si P est de degré 3, de racines α, β et γ, distinctes, on a β = 2α – 1 , γ = 2β – 1 , α = 2γ – 1.
car les seules permutations sans point fixe de {α, β, γ} sont les permutations circulaires.
3 3 2
Après calculs on trouve P = 8X − 6X + 1 , P = 8X + 4X − 4X – 1 .
A justifier…

Problème 2

A. Première partie.
4
Soit K = { x = a + b 2 + c 3 + d 6 ; ( a, b, c, d ) ∈ Q }.
1) Montrer que, pour les lois usuelles, K est un Q-espace vectoriel de dimension 4, et un anneau
intègre.
2) Démontrer que K est un corps.
3) Quels sont les automorphismes de corps de K ? Montrer qu’ils forment un groupe G isomorphe
au groupe additif (Z/2Z)×(Z/2Z).
2 3
4) Soit θ = 1 + 2 + 3 + 6 . Montrer que ( 1, θ, θ , θ ) est une Q-base de K. Quel est le
polynôme minimal de θ ?
5) Quels sont les sous-groupes de G ? Quels sont les sous-corps de K ? Mettre en bijection ces
deux ensembles.

B. Deuxième partie.
Dans cette partie, on introduit les quatre éléments suivants de K :
A = ( 2 + 2 )( 3 + 3 ) , B = ( 2 − 2 )( 3 + 3 ) , C = ( 2 + 2 )( 3 − 3 ) , D = ( 2 − 2 )( 3 − 3 )
ainsi que les reels α = A ,β= B , γ = C et δ = D.
2 3
1) Démontrer que ( 1, A, A , A ) et ( A, B, C, D ) sont deux Q-bases de K.
Donner les matrices de passage de l’une à l’autre.
Montrer que A, B, C et D admettent le même polynôme minimal sur Q, H(X).
2) Démontrer (ou admettre) que A n’est le carré d’aucun élément de K.
2
3) En déduire que L = { z = x + y.α ; ( x, y ) ∈ K } est un sous-corps de R, et un Q-espace
2 3 4 5 6 7
vectoriel de dimension 8, admettant pour Q-base ( 1, α, α , α , α , α , α , α ) .
4) Calculer αβ, αγ et αδ. En déduire que β, γ et δ appartiennent à L.
Exprimer à l’aide de H le polynôme minimal commun P(X) des nombres ± α , ± β , ± γ et ± δ.
5) Quel est le groupe de Galois de L sur K ? On note e (identité) et e’ ses éléments.
6) Soit σ un Q-automorphisme de L.
a) Démontrer que σ(α) peut prendre 8 valeurs possibles, et que Gal(L : Q) a 8 éléments.
2 3
b) Démontrer que σ(A), σ(A ) et σ(A ) appartiennent à K. En déduire que σ(K) ⊂ K.
c) Si σ(α) = ±α, que vaut σ(A) ? En déduire que σ ∈ Gal(L : K) et conclure.
c) Soit ϕ ( resp. ψ ) l’automorphisme de L tel que ϕ(α) = β ( resp. ψ(α) = γ ), et χ = ϕ o ψ.

18
Que valent ϕ(A) et ψ(A) ? En déduire les restrictions à K de ϕ et ψ.
En considérant les images par ϕ et ψ de αβ, αγ et αδ, calculer les images par ϕ, ψ et χ de
α , β , γ , δ , −α , −β , −γ , −δ.
7) Ecrire la table de Gal(L : Q), et montrer que ce groupe est isomorphe au groupe quaternionien.

Corrigé : une extension biquadratique

A. Première partie.
1) Montrons que K est une sous Q-algèbre de R considéré comme Q-algèbre.
Tout d’abord K est le sous Q-espace vectoriel de R engendré par ( 1, 2 , 3 , 6 ).
De plus, la table de multiplication de cette famille et la Q-bilinéarité du produit montrent que :
∀(x, y) ∈ K×K x × y ∈ K . Comme 1 ∈ K , K est une sous-algèbre de R.
C’est a fortiori un sous-anneau, et il est intègre en tant que sous-anneau d’un anneau intègre.
× 1 2 3 6
1 1 2 3 6
2 2 2 6 2 3
3 3 6 3 3 2
6 6 2 3 3 2 6

Le point délicat est de montrer que B = ( 1, 2 , 3 , 6 ) est une Q-base de E.


C’est une famille génératrice. Montrons qu’elle est libre.
4
Supposons que a + b 2 + c 3 + d 6 = 0 , où (a, b, c, d) ∈ Q .
L’idée fondamentale est d’observer que cela s’écrit : a+b 2+ 3(c+d 2)=0.

Si c + d 2 était non nul, cela s’écrirait : 3 = − a+b 2 .


c+ d 2
Comme Q[ 2 ] = { a + b 2 ; a, b ∈ Q } est un sous-corps de R, 3 s’écrit sous la forme
3 = A + B 2 , où (A, B) ∈ Q×Q.
2 2 2 2
Elevons au carré ! Il vient 3 = A + 2B + 2AB 2 , donc A + 2B = 3 et 2AB = 0.
2
Si B = 0, A = 3, ce qui est impossible : 3 ∉ Q.
2 2
Si B ≠ 0, A = 0 et 2.B = 3, ce qui également impossible : 4B = 6, or 6 ∉ Q.
Finalement c + d 2 = a + b 2 = 0, donc a = b = c = d = 0. cqfd.
Remarque : Cette situation illustre le théorème de multiplicativité des dimensions :
K est un Q[ 2 ]-espace vectoriel, dont une base est (1, 3 ), et Q[ 2 ] est un Q-espace vectoriel
dont une base est (1, 2 ).
2) Pour montrer que K est un sous-corps de R, il reste à montrer que ∀x ∈ K−{0} 1/x ∈ K.
Cela peut se faire par deux moyens très distincts :
1ère méthode : fixons x ∈ K−{0} et considérons l’application m : y ∈ K → x×y ∈ K.
Elle est Q-linéaire, et injective, en vertu de l’intégrité de E. Comme E est de Q-dimension finie, elle
est bijective, donc il existe x’ ∈ K tel que m(x’) = 1 ; c’est dire que 1/x est élément de K.
Cette méthode purement linéaire conduit à chercher 1/x par ses coordonnées en résolvant un système
cramérien de 4 équations à 4 inconnues.
2ème méthode, autrement plus profonde. Ecrivons x = a + b 2 + 3 ( c + d 2 ) .

19
1 a+b 2 − 3(c+d 2)
Alors 1 = 1 = =
x a+b 2 +c 3 +d 6 a+b 2 + 3(c+d 2) (a+b 2)²−3(c+d 2)²
si l’on multiplie par la quantité conjuguée « en 3 ». Le dénominateur étant de la forme p + q 2 ,
multiplions par la quantité conjuguée « en 2 ». Il vient :
1 = a+b 2 − 3(c+d 2) (a−b 2)²−3(c−d 2)² .
x (a+b 2)²−3(c+d 2)² (a−b 2)²−3(c−d 2)²
Cette fois-ci le dénominateur est rationnel, ce qui montre que 1/x est élément de K. cqfd.
A noter que :
1 = (a+b 2 −c 3 −d 6).(a−b 2 +c 3 −d 6).(a−b 2 −c 3 +d 6)
.
x (a+b 2 +c 3 +d 6).(a+b 2 −c 3 −d 6).(a−b 2 +c 3 −d 6).(a−b 2 −c 3 +d 6)
On a multiplié le dénominateur x par ses trois conjugués de Galois.
3) Avec Maple :
> with(linalg):with(polytools):
> theta:=1+sqrt(2)+sqrt(3)+sqrt(6);theta2:=simplify(expand(theta^2));
theta3:=simplify(expand(theta^3));theta4:=simplify(expand(theta^4));
θ := 1 + 2 + 3 + 6
θ2 := 12 + 8 2 + 6 3 + 4 2 3
θ3 := 70 + 42 3 + 30 2 3 + 50 2
θ4 := 476 + 272 3 + 192 2 3 + 336 2
> A:=transpose(matrix(4,4,[1,0,0,0,1,1,1,1,12,8,6,4,70,50,42,30]));
B:=transpose(matrix(5,4,[1,0,0,0,1,1,1,1,12,8,6,4,70,50,42,30,476,336,272,
192]));
1 1 12 70 1 1 12 70 476
   
0 1 8 50 0 1 8 50 336
A :=   B :=  
0 1 6 42 0 1 6 42 272
   
0 1 4 30 0 1 4 30 192
 
> rank(A);rank(B);kernel(B);
4
4
{ [ 4, -8, -16, -4, 1 ] }
> P:=minpoly(theta,4);Q:=factor(P,sqrt(2));factor(Q,sqrt(3));
P := 4 − 8 _X − 16 _X 2 − 4 _X 3 + _X 4
Q := ( _X 2 − 2 _X + 2 _X 2 − 6 + 4 2 ) ( _X 2 − 2 _X − 2 _X 2 − 6 − 4 2 )
( _X − 1 + 3 + 2 − 2 3 ) ( _X − 1 − 3 + 2 + 2 3 )
( _X − 1 − 3 − 2 − 2 3 ) ( _X − 1 + 3 − 2 + 2 3 )

B. Deuxième partie.
Cette deuxième partie est un prolongement assez technique de la précédente.
2 3
1) Démontrons que (1, A, A , A ) et (A, B, C, D) sont deux Q-bases de K.
A = ( 2 + 2 )( 3 + 3 ) = 6 + 3 2 + 2 3 + 6 B = ( 2 − 2 )( 3 + 3 ) = 6 − 3 2 + 2 3 − 6
C = ( 2 + 2 )( 3 − 3 ) = 6 + 3 2 − 2 3 − 6 D = ( 2 − 2 )( 3 − 3 ) = 6 − 3 2 − 2 3 + 6
2 3
A = 72 + 48 2 + 36 3 + 24 6 et A = 1080 + 756 2 + 600 3 + 420 6
2 3
Les matrices de passage de (1, 2 , 3 , 6 ) à (1, A, A , A ) et (A, B, C, D) sont resp.

20
1 6 72 1080 6 6 6 6
0 3 48 756  et 3 −3 3 −3 .
0 2 36 600  2 2 −2 −2
0 1 24 420  1 −1 −1 1 
Elles sont inversibles.
Cherchons le polynôme minimal commun de A, B, C et D sur le corps Q.
4 3 2
H(X) = ( X – A )( X – B )( X – C )( X – D ) = X – 24 X + 144 X – 288 X + 144.
2 3
C’est le polynôme minimal de A (et donc des autres), parce que (1, A, A , A ) est Q-libre.
4 2 3
Mais on peut aissi retrouver H en exprimant A comme combinaison linéaire de 1, A, A et A .
2) Démontrons que A n’est le carré d’aucun élément de K.
Cette question est assez technique, mais essentielle.
2 4
Si A était un carré, A = x , avec x = (1/h)( a + b 2 + c 3 + d 6 ) et ( a, b, c, d , h) ∈ Z × N*.
En identifiant, il viendrait :
2 2 2 2 2 2
(i) 6 h = a + 2 b + 3 c + 6 d (ii) 3 h = 2 ab + 6 cd ,
2 2
(iii) h = ac + 2 bd (iv) h = 2 ad + 2 bc
Nous allons montrer que 3 divise a, b, c, d et h, et conclure par descente infinie de Fermat.
(ii) implique que 3 divise a ou b.
2 2
(i) implique que 3 divise a + 2 b . S’il divise a, il divise b et vice versa, donc 3 divise a et b.
(iv) implique que 3 divise h.
Posons a = 3a’, b = 3b’, c = 3c’, h = 3h’ et reportons dans (ii). Il vient que 3 divise c ou d.
2 2 2 2 2 2 2
Si l’on reporte dans (i), il vient 27 h’ = 3 a’ + 6 b’ + c + 2 d 3 divise c + 2 d
Comme ci-dessus, il divise c et d. CQFD.
2 2
3) Comme α ∉ K mais A = α ∈ K, L = { z = x + y.α ; ( x, y ) ∈ K } est une extension
quadratique de K, donc une K-algèbre de diemnsion 2 et, par multiplicativité des dimensions un Q-
2 3 4 5 6 7
espace vectoriel de dimension 8, admettant pour Q-base ( 1, α, α , α , α , α , α , α ) .

4) αβ = 2 ( 3 + 3 ) = 3 2 + 6 , αγ = ( 2 + 2 ) 6 = 2 3 + 2 6 , αδ = 12 = 2 3 .
αβ, αγ et αδ sont trois éléments de K, donc β, γ et δ appartiennent à L.
2 8 6 4 2
Considérons le polynôme P(X) = H(X ) = X – 24 X + 144 X – 288 X + 144.
2 2 2 2
On a P(X) = ( X – A )( X – B )( X – C )( X – D )
= ( X – α )( X + α )( X – β )( X + β )( X – γ )( X + γ )( X – δ )( X + δ )
C’est un polynôme annulateur de degre 8 de α, donc c’est le polynôme minimal de α, et bien sûr de
chacune de ses autres racines.
Il est irréductible sur le corps Q. L’anneau-quotient Q[X]/(P(X)) est un corps et une Q-algèbre de
dimension 8, isomorphe à L, via le morphisme d’évaluation.
5) Groupe de Galois de L sur K.
Comme Gal(Q[ 2 ] : Q), ce groupe contient deux éléments, l’identité ét la conjugaison
s : x + y.α → x − y.α .
Notons que s(α.β) = αβ = s(α).s(β), donc s(β) = −β, et il en est de même pour les autres.
La permutation associée sur les 8 racines est donc :

s = 
α β γ δ −α −β −γ −δ 
 −α − β −γ −δ α β γ δ 
6) Soit σ un Q-automorphisme de L.

21
a) σ(α) peut prendre 8 valeurs possibles, car P(σ(α)) = σ(P(α)) = 0 implique
σ(α) ∈ { ± α, ± β, ± γ, ± δ }.
k k
Réciproquement, si σ(α) = θ, où θ ∈ { ± α, ± β, ± γ, ± δ }, alors σ(α ) = θ pour 0 ≤ k ≤ 7.
k k
L’endomorphisme du Q-espace vectoriel L défini par σ(α ) = θ pour 0 ≤ k ≤ 7 et un m.
dt que Gal(L : Q) a 8 éléments
2 3
b) Démontrons que σ(A), σ(A ) et σ(A ) appartiennent à K.
σ(α) ∈ { ± α, ± β, ± γ, ± δ } implique σ(A) ∈ { A, B, C, D } et l’on conclut aussitôt. .
2 3
Comme K = VectQ(1, A, A , A ), on a σ(K) ⊂ K, donc σ induit dans K l’un de ses quatre
automorphismes.
2 2
b) Si σ(α) = ±α, σ(A) = σ(α ) = α = A, donc σ induit l’identité sur K, et σ ∈ Gal(L : K).
c) Soit ϕ ( resp. ψ ) l’automorphisme de L tel que ϕ(α) = β ( resp. ψ(α) = γ ).
Alors ϕ(A) = B, donc ϕ induit dans K la conjugaison par rapport à 2
Et ψ(A) = C, donc ψ induit dans K la conjugaison par rapport à 3
ϕ(α.β) = ϕ( 3 2 + 6 ) = − 3 2 − 6 = − αβ = ϕ(α).ϕ(β) implique ϕ(β) = − α
ϕ(α.γ) = ϕ(2 3 + 2 6 ) = 2 3 − 2 6 = ϕ(α).ϕ(γ) implique ϕ(γ) = − α
ϕ(α.δ) = ϕ(2 3 ) = 2 3 = ϕ(α).ϕ(δ) implique ϕ(δ) = γ, car αδ = βγ.

ϕ = 
α β γ δ −α −β −γ −δ 
 β −α −δ γ −β α δ −γ 
ψ(α.β) = ψ( 3 2 + 6 ) = 3 2 − 6 = ψ(α).ψ(β) implique ψ(β) = δ.
ψ(α.γ) = ψ( 2 3 + 2 6 ) = − 2 3 − 2 6 = − αγ = ψ(α).ψ(γ) implique ψ(γ) = − α
ψ(α.δ) = ψ(2 3 ) = − 2 3 = ψ(α).ψ(δ) implique ψ(δ) = −β.

ψ = 
α β γ δ −α −β −γ −δ 
 γ δ −α − β −γ −δ α −β 

χ = ϕ o ψ = 
α β γ δ −α −β −γ −δ 

 δ γ −β α δ −γ β −α 

ψ o ϕ = 
α β γ δ −α −β −γ −δ 
 δ −γ β −α −δ γ −β α  
2 2 2
ϕ = ψ = χ = s ; ϕ, ψ et χ sont d’ordre 4, ainsi que leurs opposés.
7) Dès lors, on peut dresser la table du groupe Gal(L : Q) = { íd , ϕ , ψ , χ , s , −ϕ , −ψ , −χ }
On note − ϕ = s o ϕ , − ψ = s o ψ , − χ = s o χ.
Ces automorphismes sont entièrement données par leur valeur en α, mais pour les composer, il faut
connaître leurs valeurs en les autres racines
On constate qu’il est isomorphe au groupe quaternionien Q = { ± e, ± i, ± j, ± k }.
Ce groupe admet 5 sous-groupes, {e} , {±e}, { ± e, ± i } , { ± e, ± j } , { ± e, ± k}, Q .
Les corps fixés respectifs sont L , K = Q[ 2 , 3 ] , Q[ 2 ] , Q[ 3 ] , Q[ 6 ] , Q.
Maple confirme, car il sait calculer les groupes de Galois des polynômes irréductibles de degrés ≤ 8.
> with(linalg):
a:=(2+sqrt(2))*(3+sqrt(3));expand(a);expand(a^2);expand(a^3);expand(a^4);
A:=transpose(matrix(4,4,[1,0,0,0,6,3,2,1,72,48,36,24,1080,756,600,420]));
multiply(inverse(A),vector([17136,12096,9792,6912]));
H:=X^4-24*X^3+144*X^2-288*X+144;irreduc(H);solve(H=0,X);fsolve(H=0,X);
b:=(2-sqrt(2))*(3+sqrt(3));c:=(2+sqrt(2))*(3-sqrt(3));d:=(2-sqrt(2))*(3-
sqrt(3));map(evalf,[a,b,c,d]);

22
a := ( 2 + 2 ) ( 3 + 3 )
6+2 3 +3 2 + 2 3
72 + 36 3 + 48 2 + 24 2 3
1080 + 600 3 + 756 2 + 420 2 3
17136 + 9792 3 + 12096 2 + 6912 2 3
1 6 72 1080 
 
0 3 48 756

A :=  
0 2 36 600
 
0 1 24 
 420 
[ -144, 288, -144, 24 ]
H := X 4 − 24 X 3 + 144 X 2 − 288 X + 144
true
.7427474405 , 2.771971185 , 4.329049329 , 16.15623205
b := ( 2 − 2 ) ( 3 + 3 )
c := ( 2 + 2 ) ( 3 − 3 )
d := ( 2 − 2 ) ( 3 − 3 )
[ 16.15623204 , 2.771971187 , 4.329049327 , .7427474407 ]
> H:=sort(expand((X-a)*(X-b)*(X-c)*(X-d)));
H := X 4 − 24 X 3 + 144 X 2 − 288 X + 144
> galois(H,X);
"4T2", { "E(4)", "2[x]2" }, "+", 4, { "(1 2)(3 4)", "(1 4)(2 3)" }
> P:=subs(X=X^2,H);
alpha:=sqrt(a);beta:=sqrt(b);ksi:=sqrt(c);delta:=sqrt(d);
evala(subs(X=alpha,P));plot(P,X=-5.2..5.2,-3700..500,thickness=2);
galois(P,X);
P := X 8 − 24 X 6 + 144 X 4 − 288 X 2 + 144
α := ( 2 + 2 ) ( 3 + 3 )
β := ( 2 − 2 ) ( 3 + 3 )
ksi := ( 2 + 2 ) ( 3 − 3 )
δ := ( 2 − 2 ) ( 3 − 3 )
0

"8T5", { "Q_8(8)" }, "+", 8, { "(1 2 3 8)(4 5 6 7)", "(4 2 6 8)(1 7 3 5)" }


__________

23
Problème 3

On se propose d’étudier le plus petit sous-corps K de C contenant le complexe ω = exp 2iπ .


5
0) Montrer que ce corps contient le corps Q.

A. Première partie.
5
1) Soit P(X) = X – 1 ∈ C[X]. Factoriser P dans C[X].
2) Factoriser P(X) dans R[X] sous forme trigonométrique.
4 3 2
3) Soit Φ(X) = X + X + X + X + 1. Résoudre l’équation Φ(z) = 0 en posant w = z + 1/z.
4) En déduire une nouvelle factorisation de P(X) dans R[X], puis les rapports trigonométriques :
cos kπ , sin kπ , tan kπ ( 1 ≤ k ≤ 4 ) . Montrer que tan π . tan 2π . tan 3π . tan 4π = 5.
5 5 5 5 5 5 5
5) Calculer cos 2π et sin 2π .
15 15
k
6) Comment construire à la règle et au compas le pentagone régulier de sommets ω ( 0 ≤ k ≤ 4 ) ?

B. Deuxième partie.
7) Démontrer que le polynôme Φ(X) est irréductible dans Q[X].
8) En déduire que ∀A ∈ Q[X] A(ω) = 0 ⇔ Φ divise A.
2 3
9) On note E = { x = a + b.ω + c.ω + d.ω ; a, b, c, d ∈ Q }.
a) Montrer que E est un sous-espace vectoriel de C considéré comme Q-espace vectoriel.
2 3
b) Montrer que B = ( 1, ω, ω , ω ) est une base de E.
c) Montrer que E est un anneau intègre.
10) Montrer que E est un corps, par deux méthodes :
a) En considérant, pour x ≠ 0, l’application mx : y ∈ E → x.y ∈ E.
b) En utilisant l’irréductibilité de Φ(X) dans Q[X]. Comparer E et K.
11) Exemple.
a) Trouver deux polynômes A et B dans Q[X] tels que A.Φ + B.Φ’ = 1.
3 2 −1
b) Calculer ( 4.ω + 3.ω + 2.ω + 1 ) dans la base B.
12) Représentation matricielle de E.
2 3
a) Soit x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E. Exprimer la matrice M(x) de l’endomorphisme mx de E
dans la base B.
a −d d −c c−b 
b) En déduire que l’ensemble des matrices 
b a−d −c d −b , où a, b, c, d décrivent Q, est une
c b−d a−c −b 
d c−d b−c a−b 
sous-algèbre commutative de M4(Q), et un corps.
13) Groupe de Galois de K.
Soit (G, o) le groupe des automorphismes de corps de K.
2 3 4
a) Soit s un élément de G. Vérifier que s(ω) ∈ { ω , ω , ω , ω }.
b) Montrer que G a quatre éléments.

24
2
c) Soit σ l’élément de G défini par σ(ω) = ω . Montrer que G est cyclique ; quelle est sa table ?
d) Matrices des éléments de G relativement à la base B ?
e) Quels sont les sous-groupes de G ?
14) Trace.
3 2
a) Calculer deux polynômes U et V de Q[X] tels que ( X – 1 ).U + ( X + X + X + 1 ).V = 1.
2 3
b) Pour tout x ∈ K, on pose S(x) = x − σ(x) et T(x) = x + σ(x) + σ (x) + σ (x).
Montrer que Im T = Ker S = Q et Ker T = Im S.
2 3
15) Norme. Pour x ∈ K, on pose N(x) = x.σ(x).σ (x).σ (x).
a) Montrer que N(x) ∈ Q et que ∀x, y ∈ K N(x.y) = N(x).N(y).
b) En déduire un nouveau mode de calcul de 1 lorsque x ∈ K−{0}.
x
16) Sous-corps de K.
2
a) Vérifier que ∀x ∈ K σ (x) = x , conjugué du complexe x.
b) Montrer que K ∩ R = { a + b 5 ; a, b ∈ Q }.
c) Soit L un sous-corps de K, distinct de Q et K. Montrer que dimQ L = 2, puis que
L* = { s ∈ G ; ∀x ∈ L s(x) = x } est un sous-groupe à deux éléments de G. En déduire L.
17) a) Montrer que M(ω) est diagonalisable dans M4(K), puis que M(x) est diagonalisable dans
M4(K) pour tout x ∈ K.
b) En déduire T(x) = tr M(x), puis N(x) = det M(x).
___________

Corrigé : le corps cyclotomique R5(Q)


A Alain Genestier,
qui depuis bien longtemps a dépassé le maître…
On se propose d’étudier le plus petit sous-corps K de C contenant le complexe ω = exp 2iπ .
5
0) Ce corps K contient le corps Q, comme tout sous-corps de C, d’ailleurs.
Car un sous-corps contient 0, 1, 2, 3, … , donc N par récurrence, puis −1, −2, −3, …, car c’est un
sous-groupe, donc il contient Z. Et enfin il contient les p/q, c’est-à-dire Q.

A. Première partie : un peu de trigonométrie.


5
1) Factorisons P = X – 1 dans C[X].

2 3 4
Il vient P(X) = (X − z) = ( X – 1 )( X − ω )( X − ω )( X − ω )( X − ω ) .
z∈U 5

2) Factorisons P dans R[X]. En regroupant les racines conjuguées, il vient :


P(X) = ( X – 1 )( X – 2X.cos 2π + 1 )( X – 2X.cos 4π + 1 )
2 2
5 5
4 3 2
3) Le polynôme cyclotomique Φ = X + X + X + X + 1.
2
L’équation Φ(z) = 0 est réciproque. Si l’on pose w = z + 1 , il vient : z + 1 + z + 1 + 1 = 0,
z z² z
d’où w + w – 1 = 0 , puis w = −1± 5 ; notons au passage que w = 2.cos 2π ou 2.cos 4π .
2
2 5 5
Il reste à résoudre w = z + 1 , i.e. z – w.z + 1 = 0. On a : ∆ = −1m 5 .
2
z 2

25
D’où z = 1 [ −1± 5 ± i 5± 5 ] .
2 2 2
Avec Maple :
> Phi:=X^4+X^3+X^2+X+1;irreduc(Phi);alias(omega=RootOf(Phi));
factor(Phi,omega);solve(Phi=0,X);
Φ := X 4 + X 3 + X 2 + X + 1
true
ω
( X + 1 + ω + ω + ω ) ( X − ω2 ) ( X − ω3 ) ( X − ω )
2 3

1 1 1 1 1 1
− + 5 + I 2 5+ 5,− − 5 + I 2 5− 5,
4 4 4 4 4 4
1 1 1 1 1 1
− − 5 − I 2 5− 5,− + 5 − I 2 5+ 5
4 4 4 4 4 4

4) Nouvelle factorisation de P dans R[X].


P(X) = ( X – 1 )( X + X. −1+ 5 + 1 )( X + 1+ 5 X + 1 )
2 2
2 2
Par conséquent, pour des raisons de cygne (et de signe)

cos 2π = −1+ 5 , sin 2π =


5+ 5 , cos 4π = − 1+ 5 , sin 4π = 1 5− 5 .
1
5 4 5
2 2 5 4 5 2 2
Comme π et 4π sont supplémentaires, ainsi que 2π et 3π , on complète le tableau :
5 5 5 5
k 0 1 2 3 4 5
cos kπ 1+ 5 −1+ 5 1− 5 − 1+ 5
5 1 4 4 4 4 −1
sin kπ 1 5− 5 1 5+ 5 1 5+ 5 1 5− 5
5 0
2 2 2 2 2 2 2 2 0

tan kπ 5−2 5 5+2 5 − 5+2 5 − 5−2 5


5 0 0

On en déduit que : tan π . tan 2π . tan 3π . tan 4π = ( 5 – 2 5 )( 5 + 2 5 ) = 5.


5 5 5 5
Cette formule peut être obtenue autrement :

Φ(1) = 5 = ( 1 − ω )( 1 − ω )( 1 − ω )( 1 − ω ) = 16. sin π . sin 2π . sin 3π . sin 4π


2 3 4
5 5 5 5
Φ(−1) = 1 = ( 1 + ω )( 1 + ω )( 1 + ω )( 1 + ω ) = 16. cos π . cos 2π . cos 3π . cos 4π
2 3 4
5 5 5 5
5) Calculons cos 2π et sin 2π .
15 15
2π = π − π , donc cos 2π = 1+ 5 + 3 5− 5 et sin 2π = 3 1+ 5 − 1 5− 5 .
15 3 5 15 8 4 2 15 8 4 2
6) Hommage à mon papa.

26
B. Deuxième partie.
7) Le polynôme cyclotomique Φ est irréductible dans Q[X].
Maple l’affirme aussitôt… Voici deux méthodes fort distinctes.
1ère idée : Dans R[X], Φ(X) = ( X – 2 cos 2π .X + 1 ).( X – 2 cos 4π .X + 1 )
2 2
5 5
a 4 diviseurs unitaires : 1 , X – 2 cos 2π .X + 1 , X – 2 cos 4π .X + 1 et Φ(X).
2 2
5 5
Or aucun des polynômes X – 2 cos 2π .X + 1 , X – 2 cos 4π .X + 1 n’appartient à Q[X], car
2 2
5 5
cos 2π = 5−1 , cos 4π = − 1+ 5 et 5 n’appartiennent pas à Q.
5 4 5 4
On en déduit que Φ n’a que deux diviseurs unitaires dans Q[X] : il est irréductible.
2ème idée : montrer directement qu’on ne peut écrire Φ = A.B, avec A ∈ Q[X] unitaire de deg 1 ou 2.
• A n’est pas de degré 1, autrement dit Φ n’a pas de racine rationelle p/q, (p, q) ∈ Z×N* , p ∧ q = 1.
4 3 2 2 3 4 4 4
On aurait en effet p + p q + p q + pq + q = 0, donc q divise p et p divise q , donc q = 1, p =
±1 ; or ±1 n’est pas racine de Φ.
• A n’est pas de degré 2, autrement dit on ne peut écrire
2 2 4
Φ = ( X + aX + b )( X + cX + d ) , où (a, b, c, d) ∈ Q .
Identifiant, il viendrait a + c = 1, b + ac + d = 1, ad + bc = 1, bd = 1. Donc c = 1–a , d = 1/b , puis
a/b + b(1−a) = 1 permet de tirer a en fonction de b : b = ±1 ou a = b . Reportant ces valeurs
1+b
dans b + ac + d = 1, on obtient que b annule un polynôme. Or on montre comme précédemment que
ce polynôme n’a pas de racines rationnelles. Le cas b = ±1 est également impossible.
Compléments : i) Il y a une 3ème idée, subtile mais byzantine, que je garde pour moi.
ii) L’irréductibilité de Φ découle aussi du critère d’Eisenstein, ou du théorème de Gauss relatif à
l’irréductibilité sur Q de tous les polynômes cyclotomiques..

27
iii) E est une Q-algèbre de dimension 4, et un corps, obtenu au moyen de deux extensions quadra-
tiques successives, comme le montre la 1ère idée ci-dessus : Q ⊂ Q[ 5 ] ⊂ E, et dimQ E = 4 par
mutiplicativité des dimensions.
8) Une première conséquence : Montrons que ∀A ∈ Q[X] A(ω) = 0 ⇔ Φ divise A.
Le sens ⇐ est facile : si A = B.Φ, A(ω) = B(ω).Φ(ω) = 0.
Le sens ⇒ l’est moins. Φ étant irréductible, si Φ ne divise pas divise A, Φ est premier avec A.
Alors (Bézout) il existe U et V dans Q[X] tels que 1 = A.U + Φ.V.
Substituant ω à X, il vient 1 = 0. Impossible.
Remarque : autre présentation. Φ étant irréductible est le polynôme minimal de ω sur le corps Q,
c’est-à-dire le générateur unitaire de l’idéal annulateur de ω.
2 3
9) Première étude de E = { x = a + b.ω + c.ω + d.ω ; a, b, c, d ∈ Q }.
a) E est un sous-espace vectoriel de C considéré comme Q-espace vectoriel.
2 3
C’est en effet VectQ( 1, ω, ω , ω ).
2 3
b) Montrons que B = ( 1, ω, ω , ω ) est une base de E.
2 3
Supposons a + b.ω + c.ω + d.ω = 0, où a, b, c, d ∈ Q .
2 3
Introduisons le polynôme A(X) = a + b.X + c.X + d.X . De deux choses l’une :
• Soit A est premier à Φ. Alors (Bézout) il existe U et V dans Q[X] tels que 1 = A.U + Φ.V.
Substituant ω à X, il vient 1 = 0. Impossible.
• Soit Φ divise A. Mais alors, pour des raisons de degré, A = 0 et a, b, c, d sont nuls. Cqfd
c) Montrons que E est un anneau intègre.
5
Comme ω = 1, il est clair que le produit de deux éléments de E appartient à E.
Comme E est déjà un sous-groupe et 1 ∈ E, E est un sous-anneau de C.
Et il hérite de l’intégrité de C.
10) E est un corps.
a) 1ère méthode, assez fumiste : Considérons, pour x ≠ 0, l’application mx : y ∈ E → x.y ∈ E.
Cette application est Q-linéaire et injective, en vertu de l’intégrité de E.
Comme E est de dimension finie, elle est bijective, et ∃y ∈ E x.y = 1. C’est dire que x est inversible.
b) 2ème méthode, plus profonde.
2 3 2 3
Soient x = a + b.ω + c.ω + d.ω un élément non nul de E, A(X) = a + b.X + c.X + d.X .
Si Φ divise A, pour des raisons de degré, A = 0 et a, b, c, d sont nuls ; impossible.
Donc A est premier à Φ. Alors (Bézout) il existe U et V dans Q[X] tels que 1 = A.U + Φ.V.
Substituant ω à X, il vient 1 = A(ω).U(ω), donc 1/x = U(ω).
Si R est le reste euclidien de U par Φ, il vient 1/x = R(ω). Cqfd.
Cette méthode de calcul de 1/x est fondée sur l’algorithme d’Euclide étendu.
Il découle de ceci, par double inclusion, que E = K.
11) Exemple.
> Phi:=x^4+x^3+x^2+x+1;DPhi:=diff(Phi,x);
Φ := x 4 + x 3 + x 2 + x + 1
DPhi := 4 x 3 + 3 x 2 + 2 x + 1
> gcdex(Phi,DPhi,x,'A','B');A;B;
4 1 1
1 1− x − x + x2
5 5 5
> alias(omega=RootOf(Phi));evala(1/(4*omega^3+3*omega^2+2*omega+1));

28
ω
1 1
− ω + ω2
5 5
12) Représentation matricielle de E.
2 3
a) Soit x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
a −d d −c c−b 
L’endomorphisme mx de E a pour matrice M(x) = 
b a−d −c d −b dans la base B.
c b−d a−c −b 
d c−d b−c a−b 
b) L’application x ∈ E → mx ∈ L(E) est un morphisme injectif d’algèbres, car
mx+y = mx + my , ma.x = a.mx , mx.y = mx o my , m1 = idE et mx = 0 ⇒ x = 0.
Comme u ∈ L(E) → Mat(u, B) ∈ M4(Q) est un isomorphisme d’algèbres, par composition, on voit
a −d d −c c−b 
que l’ensemble des matrices 
b a−d −c d −b , où a, b, c, d décrivent Q, est une sous-algèbre
c b−d a−c −b 
d c−d b−c a−b 
commutative de M4(Q), et un corps.
13) Groupe de Galois de K.
Soit (G, o) le groupe des automorphismes de corps de K.
a) Soit s un élément de G.
2 3 2 3
Si x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E , s(x) = a + b.s(ω) + c.s(ω) + d.s(ω) ,
2 3 4
car s laisse fixe chaque rationnel. De plus Φ(s(ω)) = s(Φ(ω)) = 0 , donc s(ω) ∈ { ω , ω , ω , ω }.
b) Montrons que G a 4 éléments.
Le raisonnement précédent montre que G a au plus 4 éléments.
Si s(ω) = ω , s = s1 est l’identité e.
2 2 3 2 4
Si s(ω) = ω , s = s2 : x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E → a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
3 2 3 3 4
Si s(ω) = ω , s = s3 : x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E → a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
4 2 3 4 3 2
Si s(ω) = ω , s = s4 : x = a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E → a + b.ω + c.ω + d.ω ∈ E.
Ces applications sont linéaires, bijectives, et telles que sk(1) = 1.
p kp p+q p q
De plus : sk(ω ) = ω , donc sk(ω ) = sk(ω ).sk(ω ) et par bilinéarité sk(x.y) = sk(x).sk(y)
c) Le groupe G est cyclique.
2
Soit σ = s2 l’élément de G défini par σ(ω) = ω .
4 8 3 16
On a : (σ o σ)(ω) = ω , (σ o σ o σ)(ω) = ω = ω et (σ o σ o σ o σ)(ω) = ω = ω.
2 3 2 3
Autrement dit, σ = s4 , σ = s3 , et G = { e , σ , σ , σ } .
d) Matrices des éléments de G relativement à la base B .
1 00 0 1 0 −1 0 1 −1 0 0 1 0 0 −1
I= 
0 10 0 , Σ = 0 0 −1 1 , Σ2 = 0 −1 0 0 , Σ3 = 0 0 1 −1 .
0 01 0 0 1 −1 0 0 −1 0 1 0 0 0 −1
0 00 1 0 0 −1 0 0 −1 1 0 0 1 0 −1
e) Sous-groupes de G.
2
Le groupe G étant cyclique à 4 éléments, admet trois sous-groupes {e}, { e, σ } et G.
14) Trace.
3 2
a) Trouvons deux polynômes U et V de Q[X] tels que ( X – 1 ).U + ( X + X + X + 1 ).V = 1.

29
> gcdex(X-1,X^3+X^2+X+1,X,'U','V');U;V;
1
3 1 1 1
− − X2 − X
4 4 2 4
2
Maple donne U = − 3 − 1 X − 1 X , V = 1 .
4 2 4 4
2 3
b) Pour tout x ∈ K, posons S(x) = x − σ(x) et T(x) = x + σ(x) + σ (x) + σ (x).
Je dis que Im T = Ker S = Q et Ker T = Im S.
0 0 1 0 4 −1 −1 −1
On peut procéder matriciellement : S a pour matrice 
0 1 1 −1 , T a pour matrice 0 0 0 0.
0 −1 2 0 0 0 0 0
0 0 1 1  0 0 0 0 
> with(linalg):
> S:=matrix(4,4,[0,0,1,0,0,1,1,-1,0,-1,2,0,0,0,1,1]);
T:=matrix(4,4,[4,-1,-1,-1,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0]);
> colspan(T);kernel(S);
{ [ 4, 0, 0, 0 ] }
{ [ 1, 0, 0, 0 ] }
> kernel(T);colspan(S);
{ [ 1, 0, 0, 4 ], [ 0, 1, 0, -1 ], [ 0, 0, 1, -1 ] }
{ [ 0, 0, -1, 1 ], [ 0, 1, -1, 0 ], [ 1, 1, 2, 1 ] }
4
Mais la solution la plus profonde passe par T o S = S o T = I − σ = O et − S o U(σ) + T o V(σ) = I.
Des premières égalités on déduit : Im T ⊂ Ker S , Im S ⊂ Ker T.
De la seconde, on déduit : Ker S ⊂ Im T , Ker T ⊂ Im S.
2 3
Enfin, si x = a + b.ω + c.ω + d.ω , T(x) = 4.a – b – c – d.
2 3
15) Norme. Pour x ∈ K, on pose N(x) = x.σ(x).σ (x).σ (x).
a) Montrons que N(x) ∈ Q et que ∀x, y ∈ K N(x.y) = N(x).N(y).
La deuxième relation est évidente. La première découle de ce que σ(N(x)) = N(x).
Or les seuls éléments de K tels que σ(x) = x sont les rationnels, en vertu de 14.b).
b) Nouveau mode de calcul de 1/x lorsque x ∈ K−{0}.
σ(x).σ²(x).σ 3(x)
Si x est un élément non nul de K, on écrira 1 = .
x N(x)
16) Sous-corps de K.
2
a) Je dis que ∀x ∈ K σ (x) = x , conjugué du complexe x.
2 3 2 4 3 2
En effet si x = a + b.ω + c.ω + d.ω , σ (x) = a + b.ω + c.ω + d.ω = x .
b) Montrons que K ∩ R = { a + b 5 ; a, b ∈ Q }.
2 2
K ∩ R = Ker( I − σ ) n’est autre que le « corps fixé » de σ .
Ker( I − Σ ) = { x = a + c.( ω + ω ) ; (a, c) ∈ Q×Q } = { x = a + 2c.cos 4π ; (a, c) ∈ Q×Q }
2 2 3
5
= { a + b 5 ; a, b ∈ Q } = Q[ 5 ], en vertu du calcul de cos 4π mené en 4).
5
c) Soit L un sous-corps de K, distinct de Q et K.
En vertu de la formule de multiplicativité des dimensions 4 = dimQ K = dimQ L × dimL K .
On en déduit dimQ L = dimL K = 2.
L* = { s ∈ G ; ∀x ∈ L s(x) = x } est un sous-groupe de G (groupe « fixateur » de L).

30
L = Q[θ] = { a + b.θ ; (a, b) ∈ Q×Q }, où θ est de degré 2 sur Q.
K = L[ζ] = { c + d.ζ ; (c, d) ∈ L×L }, où ζ ∈ K−L est de degré 2 sur L.
(1 , θ , ζ , θ.ζ) est une Q-base de K.
ζ a un polynôme minimal sur L de degré 2 : (X − ζ).(X − ζ’), et L* = { e, τ }, où τ(ζ) = ζ’.
2
Ainsi, L* est un sous-groupe à deux éléments de G ; ce ne peut être que { e , σ }.
Donc L ⊂ Q[ 5 ] et L = Q[ 5 ] par égalité des dimensions.
Ainsi Q ⊂ Q[ 5 ] ⊂ K sont les seuls sous-corps de K.
17) Enfin les valeurs propres !
0 0 0 −1
a) La matrice M(ω) = 
1 0 0 −1 a pour polynôme caractéristique Φ (c’est d’ailleurs la matrice-
0 1 0 −1
0 0 1 −1
2 3 4
compagnon de Φ). Elle a donc pour valeurs propres ω, ω , ω et ω . Comme Φ est scindé dans K[X]
et que ces nombres sont distincts, M(ω) est diagonalisable dans M4(K) :
−1 2 3 4
∃P ∈ Gl4(K) P .M(ω).P = diag(ω, ω , ω , ω ) .
2 3
Comme M(x) = a.I + b.M(ω) + c.M(ω) + d.M(ω) , M(x) est diagonalisable dans M4(K) et
−1 3 2
P .M(x).P = diag(x, σ(x), σ (x), σ (x)) .
b) On en déduit aussitôt que T(x) = tr M(x) et N(x) = det M(x).
Exercice : théorème de Dedekind.
2 3
Soient x, y, z, t ∈ K. Montrer que si ∀u ∈ K x.u + y.σ(u) + z.σ (u) + t.σ (u) = 0 ,
alors x = y = z = t = 0.
Exercice : théorème de Hilbert.
2 2 3
Soit x ∈ K. Pour u ∈ K on pose f(u) = u + x.σ(u) + x.σ(u).σ (u) + x.σ(u).σ (u).σ (u).
1) Montrer ∃u ∈ K f(u) = y ≠ 0.
y
2) Montrer l’équivalence N(x) = 1 ⇔ ∃y ∈ K−{0} x = .
σ(y)
____________

Remarque finale :équations de la division du cercle


n
Indiquons comment résoudre par radicaux les équations x − 1 = 0 pour n ≤ 10.
Les calculs sont laissés au lecteur.
2
• x − 1 = 0 ⇔ ( x − 1 ).( x + 1 ) = 0
3 2
• x − 1 = 0 ⇔ ( x − 1 ).( x + x + 1 ) = 0
4 2 2
• x − 1 = 0 se ramène à y − 1 = 0 en posant y = x .
5 4 3 2 4 3 2
• x − 1 = 0 ⇔ ( x − 1 ).( x + x + x + x + 1 ) = 0. Or x + x + x + x + 1 = 0 est réciproque.
Voir problème précédent.
6 3 2
• x − 1 = 0 se ramène à y − 1 = 0 en posant y = x .
7 6 5 4 3 2
• x − 1 = 0 ⇔ ( x − 1 ).( x + x + x + x + x + x + 1 ) = 0.
6 5 4 3 2
Or x + x + x + x + x + x + 1 = 0 est réciproque. Elle se ramène à une équation de degré 3, que
l’on formera. Cette équation est résoluble par les formules de Cardan. Il faut ensuite résoudre trois
équations du second degré. Voir problème ultérieur.
8 4 2
• x − 1 = 0 se ramène à y − 1 = 0 en posant y = x .
9 8 7 6 5 4 3 2
• x − 1 = 0 ⇔ (x − 1).( x + x + x + x + x + x + x + x + 1 ) = 0.

31
8
Or x + … + 1 = 0 est réciproque. Elle se ramène à une équation de degré 4, résoluble par
méthodes de Ferrari ou de Lagrange, et quatre équations du second degré.
10 5 2
•x − 1 = 0 se ramène à y − 1 = 0 en posant y = x .
Remarque : Ces résultats remontent à de Moivre. Pour n = 12, 14, 15, 16, 18 et 20, on y arrive
encore. Pour n = 11, les méthodes précédentes achoppent. Voir probème ci-après.
___________

Exercice 4 : critères élémentaires d’irréductibilité


n n−1
Soit P(X) = anX + an−1X + … + a1X + a0 un polynôme à coefficients dans Z.
1) Comment chercher toutes les racines rationnelles de P ?
2) Si P est de degré 2 ou 3 et sans racines rationnelles, P est irréductible dans Q[X].
3) Si P est unitaire, il est irréductible dans Z[X] ss’il est irréductible dans Q[X].
Ce résultat reste vrai plus généralement si pgcd( an , an−1 , … , a1 , a0 ) = 1.
4) Si P est unitaire et s’il existe un nombre premier p tel que l’image de P dans Fp[X] est
irréductible, alors P est irréductible dans Z[X], donc dans Q[X].
Plus généralement si pgcd( an , an−1 , … , a1 , a0 ) = 1, et si l’image de P dans Fp[X] est irréductible
et de même degré que P, alors P est irréductible dans Z[X], donc dans Q[X].
5) Exemples :
4 3 2 5 7
Montrer que X + X + X + X + 1, X − 5X + 12 et X – 7X + 3 sont irréductibles dans Q[X].
Remarques : i) La condition sur le degré est indispensable. L’image de P = (pX + 1)(X + 1) dans
Fp[X] est X + 1 ; elle est irréductible, mais P ne l’est pas.
4
ii) La réciproque de 4) est fausse. Le polynôme X + 1 est réductible modulo p pour tout premier p,
mais il est irréductible dans Z[X].
iii) L’irréductibilité de P dans Fp[X] peut se démontrer au moyen d’un nombre fini de vérifications.
Il existe d’ailleurs un algorithme général de factorisation dans Fp[X], l’algorithme de Berlekamp.
> P:=X^4+X^3+X^2+X+1;
> for n from 1 to 6 do [ithprime(n),Factor(P) mod ithprime(n)]; od;
[ 2, X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 ]
[ 3, X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 ]
[ 5, ( X + 4 ) 4 ]
[ 7, X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 ]
[ 11, ( X + 7 ) ( X + 2 ) ( X + 8 ) ( X + 6 ) ]
[ 13, X 4 + X 3 + X 2 + X + 1 ]
Il suffit d’appliquer le critère vu en 4) pour p = 2, 3, 7 ou 13.
> P:=X^5-5*X+12;
> for n from 1 to 7 do [ithprime(n),Factor(P) mod ithprime(n)];od;
[ 2, X ( X + 1 ) 4 ]
[ 3, ( X 2 + X + 2 ) ( X 2 + 2 X + 2 ) X ]
[ 5, ( X + 2 ) 5 ]
[ 7, X 5 + 2 X + 5 ]
[ 11, X 5 + 6 X + 1 ]
[ 13, X 5 + 8 X + 12 ]
[ 17, ( X 2 + 4 X + 1 ) ( X 2 + 15 X + 11 ) ( X + 15 ) ]

32
Il suffit d’appliquer le critère vu en 4) pour p = 7, 11 ou 13.
> P:=X^7-7*X+3;
for n from 1 to 7 do [ithprime(n),Factor(P) mod ithprime(n)];od;
[ 2, X 7 + X + 1 ]
[ 3, ( X + 1 ) 3 X ( X + 2 ) 3 ]
[ 5, X 7 + 3 X + 3 ]
[ 7, ( X + 3 ) 7 ]
[ 11, X 7 + 4 X + 3 ]
[ 13, ( X 2 + X + 2 ) ( X 4 + X 3 + X 2 + 5 X + 9 ) ( X + 11 ) ]
[ 17, ( X 3 + 3 X 2 + 8 X + 1 ) ( X + 10 ) ( X 3 + 4 X 2 + 12 X + 2 ) ]
Il suffit d’appliquer le critère vu en 4) pour p = 2, 6 ou 11.

Exercice 5 : critère d’irréductibilité d’Eisentein


n n−1
Soit P(X) = anX + an−1X + … + a1X + a0 un polynôme à coefficients dans Z.
On suppose qu’un certain nombre premier p vérifie :
2
i) p divise a0 , a1 , … , an−1 ; ii) p ne divise pas an ; iii) p ne divise pas a0
Démontrer que P est irréductible dans Q[X].
Applications :
5 4 3 2
a) Démontrer que P(X) = X + X + X + X + X + 1 est irréductible dans Q[X].
(Considérer P(Y + 1)).
p−1
b) Plus généralement, si p est premier, démontrer que P(X) = X + … + X + 1 est irréductible
dans Q[X]. (Considérer P(Y + 1)).
5 4 3 2
c) Démontrer que P(X) = X + X − 4X − 3X + 3X + 1 est irréductible dans Q[X].
(Considérer P(Y + 2)).
5
d) Démontrer que P(X) = X − 5X + 12 est irréductible dans Q[X]. (Considérer P(Y + 3)).

Remarque : la propriété établie en b) est un cas particulier simple d’un résultat démontré dans un pb
ultérieur : l’irréductibilité de tous les polynômes cyclotomiques.
__________

Problème 6 : théorie de Galois

Dans tout ce problème, on se place dans le corps C des nombres complexes.


Tous les corps considérés sont des sous-corps de C ; ils contiennent donc le corps Q.
Si K et L sont deux sous-corps de C tels que K ⊂ L, L est une K-algèbre pour les trois lois :
(x, y) ∈ L×L → x + y ∈ L , (x, y) ∈ L×L → x.y ∈ L et (λ, x) ∈ K×L → λ.x ∈ L ;
en particulier L est un K-espace vectoriel.

A. Première partie : nombres algébriques.


1) Montrer que pour tout θ ∈ C, l’ensemble N(θ) = { P ∈ Q[X] ; P(θ) = 0 } est un idéal de Q[X].
On dit que θ est algébrique (sur Q) si cet idéal n’est pas réduit à {0} ; on appelle alors polynôme
n n−1
minimal de θ (sur Q) le générateur unitaire µθ(X) = X + c1.X + … + cn ∈ Q[X] de cet idéal.
On suppose dans cette partie θ algébrique.
2) a) Montrer que µθ(X) est irréductible dans Q[X].
2
b) Montrer que, pour tout Q ∈ Qn−1[X] on a, soit Q = 0, soit ∃(A, B) ∈ Q[X] 1 = A.µθ + B.Q ;

33
c) Montrer que µθ(X) n’a que des racines simples dans C ; on les note : θ = θ1 , θ2 , … , θn.
Ils sont appelés les conjugués de θ. Quel est leur polynôme minimal ?
n
3) On note Q[θ] = { x = a0 + a1.θ + ... + an−1.θn−1 ; (a0, a1, …, an−1) ∈ Q } le sous Q-espace
vectoriel de C engendré par B = (1, θ, ... , θn−1). Démontrer que B est une base de Q[θ].
4) Démontrer que Q[θ] est un corps, par deux méthodes :
a) en considérant les applications mx : y ∈ Q[θ] → x.y ∈ Q[θ] ;
b) directement. Indiquer un procédé pratique de calcul de 1 dans la base B.
x

B. Deuxième partie : groupe de Galois, correspondance de Galois.


Si K et L sont deux sous-corps de C tels que K ⊂ L, on note Gal(L : K) l’ensemble des auto-
morphismes de corps de L vérifiant (∀x ∈ K) σ(x) = x.
1) Montrer que Gal(L : K) est un sous-groupe du groupe linéaire (GlK(L), o).
+
2) Déterminer Gal(L : K) lorsque : a) L = C, K = R ; b) L = R, K = Q [on notera qu’alors ∀x ∈ R
+ 2
∃y ∈ R x = y ; on en déduira que σ est croissant.] ; c) L = Q[ 2 ], K = Q.
3) Soient G l’ensemble des sous-groupes du groupe de Galois Gal(L : K), et F l’ensemble des
corps M tels que K ⊂ M ⊂ L.
+
a) Montrer que pour tout G ∈ G, l’ensemble G = { x ∈ L ; (∀σ ∈ G) σ(x) = x } appartient à F.
b) Montrer que pour tout M ∈ F, l’ensemble M* = Gal(L : M) appartient à G.
+
c) Montrer que les applications G → G et M → M* sont décroissantes pour l’inclusion, et
+ +
vérifient : (∀G ∈ G) G ⊂ G * et (∀M ∈ F) M ⊂ M* .
+ + + +
d) Déduire de c) que G = G * et M* = M* *.

C. Troisième partie : théorème de Galois.


Dans cette partie, θ désigne un nombre algébrique de polynôme minimal µθ(X).
Soient θ = θ1, θ2, …, θn les racines de µθ(X), et N le plus petit corps contenant ces racines (corps
de décomposition de µθ(X)).
1) a) Montrer que Q[θ1, θ2, …, θn] = { Q(θ1, θ2, …, θn) ; Q ∈ Q[X1, X2, …, Xn] } est une Q-
algèbre intègre de dimension finie, et un corps. En déduire que N = Q[θ1, θ2, …, θn].

b) Soit σ ∈ Gal(N : Q). Montrer que σ induit une permutation de { θ1, θ2, …, θn }, et que
Gal(N : Q) est isomorphe à un sous-groupe transitif de Sn.
2) On suppose désormais µθ(X) scindé dans L = Q[θ], autrement dit N = L.
Montrer que le groupe Γ = Gal(L : Q) a n éléments.
+ +
3) Démontrer que Γ = Q . [Indication : Si x ∈ Γ , il existe P ∈ Qn−1[X] tel que x = P(θ) ; étudier
P(X) − x.] En déduire que pour tout x ∈ L, T(x) = ∑
σ(x) et N(x) =
σ ∈Γ

σ(x) appartiennent à Q.
σ∈Γ

Indiquer un nouveau procédé pratique de calcul de 1 dans la base B.


x
4) Soit M ∈ F un corps intermédiaire entre Q et L. Démontrer que le polynôme minimal ϕ de θ
sur L est scindé dans L[X]. En déduire card Gal(L : M) = dimM L .

34
+
5) Démontrer que les applications G → G et M → M* sont des bijections réciproques l’une de
l’autre (théorème de Galois). [ Indication : Si G ∈ G , étudier le polynôme ∏
(X −σ(θ)) . ]
σ ∈G
−1
6) a) Soit M ∈ F . Montrer que (∀σ ∈ Γ) σ(M) ∈ F et σ(M)* = σ o M* o σ .
b) Soit M ∈ F . Montrer l’équivalence des deux propriétés :
(I) Gal(L : M) est un sous-groupe distingué de Γ = Gal(L : Q) ;
(II) (∀σ ∈ Γ) σ(M) = M .
c) On suppose ces conditions remplies. Montrer qu’il existe ζ ∈ M tel que M = Q[ζ] et tel que
le polynôme minimal de ζ sur Q soit scindé dans M[X]. [ Indication : prendre σ1, σ2, …, σd ∈ Γ
représentant les d éléments du groupe quotient Γ/Gal(L : M) ; prouver que la fonction h : M → M
définie par h(x) = ∏ (σ i (x)−σ j (x)) est non nulle ; et choisir ζ ∈ M tel que h(ζ) ≠ 0. ]
1≤i < j ≤ d

d) Montrer qu’alors les groupes Gal(M : Q) et Gal(L : Q)/Gal(L : M) sont isomorphes.


(théorème de Galois).

D. Quatrième partie : application.


4
1) Montrer que E = { x = a + b 2 + c 3 + d 6 ; (a, b, c, d) ∈ Q } est une sous Q-algèbre de
dimension 4 de C, et un corps.
2) Soit θ = 2 + 3 . Montrer que θ est algébrique sur Q. Quel est son polynôme minimal F ?
Quelles sont les autres racines de F ? Montrer que E = Q[θ].
2 3
3) Ecrire les matrices de passage de B = ( 1, 2 , 3 , 6 ) à Bθ = ( 1, θ, θ , θ ) et de Bθ à B.
4) En appliquant le théorème de Galois, établir que le groupe Γ = Gal(E : Q) a 4 éléments.
Décrire avec soin chacun de ces éléments par son action sur θ, sur la base Bθ et sur la base B.
En déduire que Γ est isomorphe au groupe de Klein Z/2Z×Z/2Z. Quels sont les sous-corps de E ?

5) Soit x ∈ E−{0}. Indiquer différents moyens de calculer 1 , x étant exprimé dans Bθ ou dans B.
x
2 3 8
6) Soit x = a + b 2 + c 3 + d 6 = α + β.θ + γ.θ + δ.θ , où (a, b, c, d, α, β, γ, δ) ∈ Q .
Matrices de l’endomorphisme mx : y → x.y relativement à B , puis à Bθ ?
___________

Problème 7 : exemples de groupes de Galois

A. Première partie : un groupe de Galois cyclique.


4 2
On considère le polynôme P(X) = 16.X – 20.X + 5.
1) Montrer que le polynome P est scindé dans R[X]. Exprimer ses racines sous forme de radicaux.
2) Démontrer que P est irréductible dans Q[X].

3) On pose α = 1 10+2 5 . Démontrer que Q[α] est une extension de Q de degré 4.


4
4) On pose β = 1 10−2 5 . En considérant αβ, montrer que β ∈ Q[α].
4
En déduire que Q[α] est le corps de décomposition de P, c’est-a-dire le plus petit sous-corps de C
dans lequel P est scindé.
4) Démontrer que le groupe de Galois G = Gal(K : Q) a 4 éléments, qu’il est isomorphe au groupe
cyclique Z/4Z.

35
5) Mettre en place la correspondance de Galois entre le treillis des sous-groupes de G et le treillis
des sous-corps de K.
B. Deuxième partie : le groupe diédral D4.
On considère un carré ABCD de centre O, dans le plan affine euclidien P.
Soit D le groupe des isométries affines de P qui conservent le carré.
1) Si f est élément de D, montrer que f(O) = O.
2) Démontrer que D a 8 éléments, et est engendré par une rotation r de centre O et une symétrie
axiale s. Table de D ?
3) Quels sont les sous-groupes de D ?
C. Troisième partie : un groupe de Galois diédral.
2
4) On note ϕ la racine positive, ϕ’ la racine négative de X – X – 1.
4 2
Démontrer que le polynôme P(X) = X – X – 1 est irréductible dans Q[X].
Exprimer les racines de P.
6) On note K le corps de décomposition de P, c’est-a-dire le plus petit sous-corps de C contenant
les racines de P. Démontrer que K = Q[ ϕ , i], puis que dimQ K = 8.
7) Démontrer que le groupe de Galois Gal(K : Q) a 8 éléments, qu’il est isomorphe au groupe
diédral D étudié dans la partie A. On s’intéressera aux deux éléments ρ et σ de Gal(K : Q) définis
resp. par : ρ( ϕ ) = i −ϕ' , ρ(i) = − i , σ( ϕ ) = ϕ , σ(i) = − i.
8) Mettre en place la correspondance de Galois entre le treillis des sous-groupes de D et le treillis
des sous-corps de K, dont on dressera l’inventaire.

Corrigé

Dans ce problème, nous allons étudier les groupes de Galois de deux polynômes bicarrés
irréductibles, l’un cyclique d’ordre 4, l’autre diédral d’ordre 8. Dans son livre (p. 111 à 115) ,
4
Escofier traite l’exemple du polynôme X + 2 ; j’en ai choisi un autre pour varier.
On trouvera dans Arnaudiès-Bertin (p. 443) une étude complète des groupes de Galois des
polynômes bicarrés irréductibles.
A. Première partie : un groupe de Galois cyclique.
4 2
On considère le polynôme P(X) = 16.X – 20.X + 5.
1) L’étude des variations de la fonction polynomiale associée montre que P a 4 racines rélles
distinctes. Il est donc scindé dans R[X]. Ses racines sont ± 1 10±2 5 .
4
2) Je dis que P est irréductible dans Q[X].
Le critère d’Eisenstein s’applique, avec p = 5. Mais on peut aussi montrer que P n’admet aucun
diviseur de degré 1 ou 2. : P est sans racine rationnelle, (X − α)(X + α) et (X − α)(X − β) ∉ Q[X].
Il en résulte que P est le polynôme minimal de chacune de ses racines.

3) Si α = 1 10+2 5 , l’application f ∈ Q[X] → f(α) ∈ R est un homomorphisme de Q-algèbres.


4
Son image est Q[α], son noyau est l’idéal (P). Par conséquent, Q[α] est isomorphe à Q[X]/(P) qui
est un corps. Ainsi, Q[α] est une extension de Q de degré 4.

4) On constate que αβ = 5 = 2α2 − 5 . Par conséquent β ∈ Q[α].


4 4

36
3 3
Plus précisément, β = 2α − 5 = 2α − 1 ( 20 α − 16 α ) = 4 α − 3 α .
4α 4
NB : αβ = 5 = − 2β 2 + 5 implique α = −2β + 5 = −2β + 1 ( 20.β − 16.β 3 ) = − 4β 3 + 3β .
4 4 4β 4
Du coup, le polynôme P est scindé dans Q[α], qui est son corps de décomposition
5) Le groupe de Galois G = Gal(K : Q) est cyclique d’ordre 4.
Soit σ ∈ G. σ(α) ∈ { ±α, ±β }, les 4 valeurs étant possibles.
G a exactement 4 éléments. Si σ(α) = α, σ est l’identité.
3 3
Si γ(α) = β, (γ o γ)(α) = γ(β) = 4γ(α) − 3γ(α) = 4β − 3β = − α et (γ o γ o γ)(α) = − γ(α) = − β.
Donc G est bien cyclique.
6) G admet 3 sous-groupes : {e}, < γ o γ > et G, donc K admet 3 sous-corps : Q ⊂ H ⊂ K.
Il est assez évident que H = Q[ 5 ].
2
Les calculs Maple ci-dessous démontrent que H = VectQ(1, α ), ce qui revient au même.
Remarque : Les racines de P sont toutes de module ≤ 1. Cherchons-les sous la forme x = cos θ.
4 2 5 3
16.cos θ – 20.cos θ + 5 = 0 implique 16.cos θ – 20.cos θ + 5.cos θ = 0, donc cos(5θ) = 0.
Les racines de P sont cos π , cos 3π , cos 7π , cos 9π . On en déduit facilement :
10 10 10 10
cos π = 1 10+2 5 , cos 3π = 1 10−2 5 , cos 7π = −1 10−2 5 , cos 9π = −1 10−2 5
10 4 10 4 10 4 10 4
> with(linalg):
> P:=16*X^4-20*X^2+5;
> plot(P,X=-1.2..1.2,thickness=2,color=violet);solve(P=0,X);fsolve(P=0,X);
1 1 1 1
− 10 + 2 5 , 10 + 2 5 , − 10 − 2 5 , 10 − 2 5
4 4 4 4
-.9510565163 , -.5877852523 , .5877852523 , .9510565163

> irreduc(P);galois(P);
true
"4T1", { "C(4)" }, "-", 4, { "(1 2 3 4)" }
> alias(alpha=RootOf(P));factor(P,alpha);
α
16 ( −X − 3 α + 4 α ) ( X − 3 α + 4 α 3 ) ( X + α ) ( −X + α )
3

> evala((4*alpha^3-3*alpha)^2);evala((4*alpha^3-3*alpha)^3);
5 5
−α2 + 3 α3 − α
2
4

37
> C:=transpose(matrix(4,4,[1,0,0,0,0,-3,0,4,5/4,0,-1,0,0,-5/2,0,3]));
kernel(C-1);kernel(C^2-1);
 1 5
 0 0 
 4 
 
 -5 

C :=  0 -3 0 
 2 
 
 0 0 -1 0 

 0 4 0 3 

{ [ 1, 0, 0, 0 ] }
{ [ 0, 0, 1, 0 ], [ 1, 0, 0, 0 ] }

B. Deuxième partie : le groupe diédral D4.

D contient 8 éléments : les 4 rotations Rot(O, kπ ) (0 ≤ k ≤ 3), parmi lesquelles la symétrie de


2
centre O, et les 4 symétries axiales par rapport aux droites (AC), (BD) et leurs bissectrices.
Notant r la rotation de centre O et d’angle π , et s la symétrie par rapport à la droite (AC),
2
2 3 2 3
D = { e , r , r , r , s , r o s , r o s , r o s }.
2 2 3 3
Il contient, e d’ordre 1; 5 éléments d’ordre 2, r , s, s o r, s o r , s o r ; 2 éléments d’ordre 4, r et r .
Il contient 10 sous-groupes : 1 sous-groupe à 1 élément, {e} ; 1 sous-groupe à 8 éléments, D.
2 2 3
5 sous-groupes à 2 éléments < r > , < s > , < s o r > , < s o r > , < s o r >.
2 3
3 sous-groupes à 4 éléments : le groupe cyclique < r > = { e , r , r , r }
2 3
et les deux groupes diédraux < s , r o s > et < r o s , r o s >.
On peut identifier D au sous-groupe de S4 engendré par [1, 2, 3, 4] et [2, 4].

C. Troisième partie : un groupe de Galois diédral.


4 2
Les racines de P(X) = X – X – 1 sont ± ϕ , ± i −ϕ' = ± i .
ϕ
Le corps de décomposition de P est K = Q[ ϕ , i −ϕ' ] = Q[ ϕ , i].
Or il est constant que dimQ Q[ ϕ ] = 4, donc dimQ K = 8.
Une Q-base de K est B = ( 1, ϕ , ϕ, ϕ ϕ , i , i ϕ , iϕ , iϕ ϕ ).
Soit ρ et σ les automorphismes de donnés par
ρ( ϕ ) = i −ϕ' , ρ(i) = − i , σ( ϕ ) = ϕ , σ(i) = − i.
Leurs actions sur les 4 racines sont données par :

38
 ϕ i −ϕ' − ϕ −i −ϕ'  , σ =  ϕ i −ϕ' − ϕ −i −ϕ' 
ρ =   
 i −ϕ' − ϕ −i −ϕ' ϕ   ϕ −i ϕ' − ϕ i −ϕ' 
σ n’est autre que la restriction à K de la conjugaison usuelle.
Les actions de ρ et σ sur la base B sont données par :
1 ϕ ϕ ϕ ϕ i i ϕ iϕ iϕ ϕ 
ρ =  
1 −i ϕ +iϕ ϕ 1−ϕ −2i ϕ +iϕ ϕ −i − ϕ +ϕ ϕ −i+iϕ −2 ϕ +ϕ ϕ 
1 ϕ ϕ ϕ ϕ i i ϕ iϕ iϕ ϕ 
σ =  
1 ϕ ϕ ϕ ϕ −i −i ϕ −iϕ −iϕ ϕ 
En vertu du théorème de Galois, comme D admet 10 sous-groupes, K = Q[ ϕ , i], admet 10 sous-
corps : Q, K, 3 sous-corps de Q-dimension 2 : Q[ ϕ ], Q[ i] , Q[iϕ] .
5 sous-corps de Q-dimension 4 : Q[ ϕ ] , Q[ i ϕ ] , Q[ϕ , i] , Q[α] , Q[ α ], où α = ϕ ( ϕ’ + i).
Si les trois premiers sont assez naturels, les deux derniers ne le sont pas, et sont révélés par les
calculs Maple ci-dessous. En effet, ces calculs montrent que :
K3 = VectQ( 1, i, ϕ ( 2 − ϕ + iϕ ) , ϕ ( 1 − ϕ + i ) ) ,
K5 = VectQ( 1, i, ϕ (−2 + ϕ + iϕ ) , ϕ ( −1 + ϕ + i ) ) est conjugué de K3.
Par ailleurs, si l’on note α = ϕ ( 1 − ϕ + i ) = ϕ ( ϕ’ + i),
2
on montre que α = −1 − 2i et que ϕ ( 2 − ϕ + iϕ ) = ( 1 – i )α. Donc K3 = Q[α].

39
Correspondance de Galois
> with(linalg):
> R:=matrix(8,8,[1,0,1,0,0,0,0,0,0,0,0,0,0,-1,0,-2,0,0,-1,0,0,
0,0,0,0,0,0,0,0,1,0,1,0,0,0,0,-1,0,-1,0,0,-1,0,-2,0,0,0,0,0,0,
0,0,0,0,1,0,0,1,0,1,0,0,0,0]);iszero(evalm(R^4)-1);
1 0 1 0 0 0 0 0
 
0 0 0 0 0 -1 0 -2

 
0 0 -1 0 0 0 0 0
 
0 0 0 0 0 1 0 1

R :=  
0 0 0 0 -1 0 -1 0
 
0 -1 0 -2 0 0 0 0

 
0 0 0 0 0 0 1 0

0 1 0 1 0 0 0 0

true
> S:=diag(1,1,1,1,-1,-1,-1,-1);
> K1:=kernel(R^2-1);K2:=kernel(S-1);K3:=kernel(multiply(R,S)-1);
K4:=kernel(multiply(R^2,S)-1);K5:=kernel(multiply(R^3,S)-1);
K1 := { [ 0, 0, 0, 0, 0, 0, 1, 0 ], [ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ], [ 0, 0, 1, 0, 0, 0, 0, 0 ],
[ 0, 0, 0, 0, 1, 0, 0, 0 ] }
K2 := { [ 0, 0, 0, 1, 0, 0, 0, 0 ], [ 0, 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ], [ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ],
[ 0, 0, 1, 0, 0, 0, 0, 0 ] }
K3 := { [ 0, 2, 0, -1, 0, 0, 0, 1 ], [ 0, 1, 0, -1, 0, 1, 0, 0 ], [ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ],
[ 0, 0, 0, 0, 1, 0, 0, 0 ] }
K4 := { [ 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 1 ], [ 0, 0, 1, 0, 0, 0, 0, 0 ], [ 0, 0, 0, 0, 0, 1, 0, 0 ],
[ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ] }
K5 := { [ 0, -2, 0, 1, 0, 0, 0, 1 ], [ 0, -1, 0, 1, 0, 1, 0, 0 ], [ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ],
[ 0, 0, 0, 0, 1, 0, 0, 0 ] }
> K6:=intbasis(K1,K2);K7:=kernel(R-1);K8:=intbasis(K3,K5);
K6 := { [ 0, 0, 1, 0, 0, 0, 0, 0 ], [ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ] }
K7 := { [ 0, 0, 0, 0, 1, 0, -2, 0 ], [ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ] }
K8 := { [ 0, 0, 0, 0, 1, 0, 0, 0 ], [ 1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ] }

40
> K9:=intbasis(K6,K7);
K9 := { [ -1, 0, 0, 0, 0, 0, 0, 0 ] }
4
Exercice : Soit p un nombre premier. Démontrer que P = X – p est irréductible dans Q[X], que son
corps de décompostion est K = Q[ 4 p , i] et que Gal(K : Q) est le groupe diédral à 8 éléments.
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Exercice 8 : correspondances de Galois

Soient (E, ≤) et (F, ≤) deux ensembles ordonnés. On appelle correspondance de Galois entre E et
F, la donnée de deux applications décroissantes f : E → F et g : F → E , vérifiant :
(∀x ∈ E) x ≤ ( g o f )(x) et (∀y ∈ F) y ≤ ( f o g )(y) .
1) Montrer que (∀x ∈ E) f(x) = ( f o g o f )(x) et (∀y ∈ F) g(y) = ( g o f o g )(y).
2) Soient F’ = f(E) et E’ = g(F).
a) Montrer que f et g induisent des bijections réciproques et décroissantes de E’ sur F’.
b) Montrer que (∀x ∈ E) x ∈ E’ ⇔ x = ( g o f )(x) et (∀y ∈ F) y ∈ F’ ⇔ y = ( f o g)(y) .
3) Application 1 : Soit f une application : X → Y. Montrer que :
−1 −1 −1 −1
∀A ⊂ X f(A) = f ( f ( f(A))) , ∀B ⊂ Y f (B) = f ( f ( f (B))).
4) Application 2 : Soit X un ensemble ordonné. Pour toute partie A de X, on note m(A) l’ensemble
des minorants de A, M(A) l’ensemble des majorants de A.
Montrer que m(A) = m(M(m(A))) et M(A) = M(m(M(A))).

Solution :
1) La relation (∀x ∈ E) x ≤ ( g o f )(x) a deux conséquences :
Si l’on applique f aux deux membres, il vient f(x) ≥ ( f o g o f )(x) ;
Si on l’applique à l’élément x = g(y), il vient g(y) ≤ ( g o f o g )(y).
La relation (∀y ∈ F) y ≤ ( f o g)(y) a deux conséquences :
Si l’on applique g aux deux membres, il vient g(y) ≥ ( g o f o g )(y) ;
Si on l’applique à l’élément y = f(x), il vient f(x) ≤ ( f o g o f )(x).
Ces quatre inégalités impliquent les deux égalités demandées.
2) Soient F’ = f(E) et E’ = g(F).
a) f et g induisent des bijections réciproques et décroissantes de E’ sur F’, et de F’ sur E’.
Il faut montrer que f(E’) ⊂ F’ , g(F’) ⊂ E’ , ∀y’∈ F’ y’ = ( f o g )(y’) et ∀x’∈ E’ x’ = ( g o f )(x’).
Il est évident que f(E’) ⊂ f(E) = F’ ; de même g(F’) ⊂ g(F) = E’.
Soit y’∈ F’ ; écrivons y’ = f(x). Alors y’ = f(x) = ( f o g o f )(x) = ( f o g )(y’). Puis échanger f et g.
b) Montrons que (∀x ∈ E) x ∈ E’ ⇔ x = ( g o f )(x) et (∀y ∈ F) y ∈ F’ ⇔ y = ( f o g )(y) .
x = ( g o f )(x) ⇒ x ∈ g(F) = E’.
Réciproquement, si x ∈ E’, écrivons x = g(y) ; alors x = g(y) = ( g o f o g )(y) = ( g o f )(x).
Reste à échanger f et g.
3) et 4) laissées au lecteur.
Remarque : On rencontre beaucoup d’autres correspondances de Galois en mathématiques.
Par exemple, soient E* le dual de l’espace vectoriel E, V(E), resp. V(E*), l’ensemble des sous-
espaces de E, resp. E*. Les applications L ∈ V(E) → L° ∈ V(E*) et M ∈ V(E*) → °M ∈ V(E)
forment une correspondance de Galois. On en rencontre aussi dans les actions de groupes, mais la
plus célèbre se rencontre en théorie de Galois, entre groupe fixateur et corps fixé.
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41
Problème 9 : extensions quadratiques itérées

Un entier relatif a est appelé quadratfrei si |a| ≥ 2 et si a n’est divisible par aucun carré ≥ 2.
On note a le radical de a si a > 0, le complexe i −a si a < 0.
Des quadratfrei a1, …, an sont dits arithmétiquement indépendants si, pour tout i, il existe un
nombre premier divisant ai et pas les autres. Exemples : (2, 3, 5, 7), (6, 10, 14), etc.
1) Extensions quadratiques de Q.
2
a) Soit a un quadratfrei. Montrer que Q[ a ] ≡ { x + y a ; (x, y) ∈ Q } est un sous-corps de
C et un Q-espace vectoriel de dimension 2.
b) Montrer qu’on obtient ainsi tous les sous-corps de C de dimension 2 sur Q.
2) Soient a1, …, an des quadratfrei arithmétiquement indépendants.
Pour toute partie H de [1, n], on pose aH = ∏a i∈H
i , avec la convention a∅ = 1.

On note Kn la sous Q-algèbre de C engendrée par a1 , …, an .


a) Montrer que Kn = VectQ( aH )H⊂[1,n].
b) Montrer que Kn est un anneau intègre pour les lois usuelles; en déduire que c’est un corps.
n
c) Montrer, par récurrence sur n, que Kn est un corps et un Q-espace vectoriel de dimension 2 ,
de base B = ( aH )H⊂[1,n].
[ Indication : Kn+1 = Kn[ an ] ; montrer qu’on ne peut avoir an +1 ∈ Kn = Kn−1[ an ]. ]
3) Groupes de Galois.
On note Γn le groupe des automorphismes de la Q-algèbre Kn, pour la composition des applications.
n
a) Soit σ ∈ Γn ; que dire de σ( ai ) ? En déduire card Γn ≤ 2 .
n
b) Soit ε = (ε1, …, εn) ∈ {+1, −1} . Montrer ∃!σε ∈ Γn ∀i σε ( ai ) = εi ai .
n n
c) Montrer que Γn est isomorphe à ({+1, −1}, ×) et aussi à (Z/2Z, +) .
4) Corps fixé, norme.
a) Montrer que Q est le corps fixé de Γn, en ce sens que { x ∈ Γn ; (∀σ ∈ Γn) σ(x) = x } = Q.
b) Pour tout x, on pose N(x) = ∏σ(x) . Montrer que N(x) ∈ Q, et N(x.y) = N(x).N(y).
σ ∈Γn

En déduire une méthode de calcul de 1 dans la base B, si x ≠ 0.


x
5) Un élément monogène.
a) Soit θ = ∑ ai . A l’aide de 4.a), montrer que F(x) = ∏(X −σ(x)) appartient à Q[X].
σ ∈Γn
b) Soit P un diviseur irréductible de F dans Q[X] ; montrer que l’ensemble de ses racines est σ–
stable pour tout σ ∈ Γn. En déduire que F(X) est irréductible dans Q[X], puis que Kn = Q[θ].
2 2^n−1
On note Bθ = { 1, θ, θ , …, θ }.
6) Applications :
a) Indiquer une méthode de calcul de 1 dans la base Bθ , si x est non nul.
x
b) Soit n ≥ 2. Dimension et bases de Q[ 1 , 2 , …, n ] ?
Démontrer que 1 + 2 + … + n ∉ Q.

42
___________

Problème 10 : groupes de Galois des polynômes de degré 3

Le but de ce problème est d’étudier les corps de décomposition dans C des polynômes P ∈ Q[X]
de degré 3, leurs groupes de Galois, etc.
Soient p et q deux nombres rationnels, P(X) = X3 + p.X + q ∈ Q[X].

A. Première partie.
1) Discuter selon le signe de ∆ = 4.p3 + 27.q2 le nombre des racines réelles de P.
[ Indication : on peut faire cela avec des outils élémentaires ].
2) Indiquer une méthode permettant de trouver, au moyen d’un nombre fini de vérifications, toutes
les racines rationnelles éventuelles de P.
3) On suppose dans toute la suite du problème que P est sans racines dans Q.
a) Montrer que P est irréductible dans Q[X].
b) En déduire que P et P' sont premiers entre eux, puis que ∆ ≠ 0.
4) Exemples : Montrer que P(X) = X3 − 3.X + 1 et P(X) = X3 − X + 1 vérifient l’hypothèse de 3).
Pour chacun d’eux, calculer des polynômes A et B tels que A.P + B.P' =1.

B. Deuxième partie.
On note ω l’une quelconque des racines de P, et Q[ω] = {x∈C ; ∃(a, b, c)∈Q3 x = a + b.ω + c.ω2}.
5) a) Montrer que Q[ω] est un Q-espace vectoriel et que Bω = (1, ω, ω2) est une Q-base de Q[ω].
b) Montrer que Q[ω] est un anneau intègre. Quelle est la table de multiplication de la base Bω ?
6) Montrer que Q[ω] est un corps, par deux méthodes :
i) en considérant les applications mx : y → x.y ;
ii) en utilisant l’irréductibilité du polynôme P dans Q[X]. En déduire un procédé pratique de
calcul de 1 dans Bω .
x
Exples : si P(X) = X3 − 3.X + 1, calculer (3.ω2 − 3)−1 ; si P(X) = X3 − X + 1, calculer (3ω2 − 1)−1.
7) a) Soit x = a+bω+cω2. Ecrire la matrice Mx de l’endomorphisme mx de Q[ω] dans la base Bω
a −cq −bq 
b) En déduire que l’ensemble des matrices b a −cp −bp −cq  , où a, b, c décrivent Q, est une
c b a −cp 
sous-algèbre de M3(Q) et un corps commutatif.

C. Troisième partie.
On note désormais α1, α2, α3 les trois racines de P, δ = ( α1 − α2 )( α2 − α3 )( α3 − α1 ), et K le
plus petit sous-corps de C contenant α1, α2 et α3 (corps de décomposition de P). On se propose
d’étudier K.
8) Démontrer que les algèbres Q[α1], Q[α2] et Q[α3] sont isomorphes.

9) a) Calculer α1 + α2 + α3 , α1.α2 + α2.α3 + α3.α1 et α1.α2.α3.


b) En déduire que ( α1 − α2 )( α1 − α3 ) et ( α2 − α3 )2 appartiennent à Q[α1].
Vérifier que δ2 = −∆.
c) Quel est le quotient de P(X) par X − α1 ?

43
10) Soit θ ( resp. θ' ) le morphisme d’algèbre de Q[α1] dans Q[α2] ( resp. Q[α3] ) tel que
θ(α1) = α2 ( resp. θ(α1) = α3 ).
a) Montrer que la matrice Mα1 est diagonalisable dans M3(C). Quelles sont ses valeurs
propres ?
b) En déduire que pour tout x ∈ Q[α1], Mx est diagonalisable.
c) Montrer que N : x ∈ Q[α1] → x.θ(x).θ'(x) vérifie N(x.y) = N(x).N(y) et N(x) ∈ Q.
d) En déduire un nouveau procédé pratique de calcul de 1 dans Q[α1].
x
11) a) Montrer que Q[α1, α2, α3] = { Q(α1, α2, α3) ; Q ∈ Q[X, Y, Z] } est une Q-algèbre intègre
de dimension finie. En déduire que K = Q[α1, α2, α3].
b) Montrer que K = VectQ(1, α1, α12, α2 , α1α2, α12α2) = VectQ(1, α1, α12, δ, δ.α1, δ.α12).
c) En déduire que dimQ K = 3 ou 6.
12) On note Γ = Gal(K : Q) le groupe des automorphismes du corps K (groupe de Galois de K ).
a) Soit σ ∈ Γ. Montrer que (∀λ ∈ Q) σ(λ) = λ. En déduire que Γ est un sous-groupe du groupe
linéaire GlQ(K).
b) Soit σ ∈ Γ. Quel est l’effet de σ sur l’ensemble {α1, α2, α3} ?
c) En déduire que Γ est isomorphe à un sous-groupe du groupe symétrique S3.

D. Quatrième partie.
13) Dans cette question, on suppose que −∆ est le carré d’un rationnel ;
a) Montrer que K = Q[α1] = Q[α2] = Q[α3].
b) Montrer que Γ a trois éléments, et est isomorphe au groupe alterné A3 des permutations
paires de S3.
c) Montrer que K a deux sous-corps, Q et K, et que Q = { x ∈ K ; (∀σ ∈ Γ) σ(x) = x }.
d) Montrer que si K = Q[α1] , − ∆ est le carré d’un rationnel.
14) Exemple : soit P(X) = X3 − 3.X + 1.
a) Chercher les trois racines de P sous forme trigonométrique 2.cos ϕ.
b) Montrer que K = Q[α1] = Q[α2] = Q[α3], expliciter α2 et α3 dans la base Bα1.
c) Matrices des σ ∈ Γ dans cette base.
15) Dans cette question, on suppose que −∆ n’est pas le carré d’un rationnel.
a) Montrer que K est une Q-algèbre de dimension 6.
b) Montrer que Γ est isomorphe au groupe symétrique S3.
c) On note G l’ensemble des sous-groupes de Γ, et F l’ensemble des sous-corps de K.
i) Montrer que pour tout G ∈ G, G+ = { x ∈ K ; (∀σ ∈ G) σ(x) = x } appartient à F
ii) Pour chacun des sous-groupes de Γ, déterminer le sous-corps de K correspondant.
16) Exemple : Soit P(X) = X3 − X + 1. Préciser les résultats précédents.
Remarque finale : Il découle de ce problème que, si P ∈ Q[X] est de degré 3, le groupe de Galois de
P est isomorphe à S1, S2, A3 ou S3. Le groupe de Galois des polynômes de degré 4 est discuté
dans Arnaudiès Bertin, Groupes, algèbres et géométrie, t. 1, chap. X, p. 437. Maple sait calculer les
groupes de Galois de tous les polynômes P ∈ Q[X] de degré ≤ 8.
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44
Problème 11 : extensions cyclotomiques

Pour tout n ≥ 1, soit Un le groupe multiplicatif des racines nèmes de l’unité ; on nomme primitives
celles de ces racines qui sont d’ordre n, Πn leur ensemble, et Φn(X) = ∏ (X −ζ)
ζ ∈Π n
( n-ème polynôme cyclotomique ).

A. Première partie : Irréductiblité des polynômes cyclotomiques.


1) a) Montrer que Xn − 1 = ∏Φ (X) , produit étendu aux diviseurs > 0 de n, y compris 1 et n.
dn
d

b) En déduire un mode de calcul récurrent des Φn(X), ainsi que (∀n ≥ 1) Φn(X) ∈ Z[X].
k
c) Déterminer Φn(X) si n = p, puis n = p ( p premier ).
d) Quelle formule déduit-on de a) en considérant les degrés ?
Dans les questions 2) à 6), on se propose d’établir que Φn(X) est irréductible dans Q[X] (théorème
de Gauss).
2) a) Soient p un nombre premier, A et B deux éléments de Z[X]. Montrer que si p divise tous les
coefficients de A.B, il divise tous les coefficients de A ou tous ceux de B.
b) En déduire que si f et g sont deux éléments de Q[X], unitaires et tels que f.g ∈ Z[X], alors f ∈
Z[X] et g ∈ Z[X]. (Considérer les plus petits entiers > 0 a et b tels que a.f ∈ Z[X] et b.g ∈ Z[X].).
3) Soit p un nombre premier.
p p p
a) Montrer ∀A, B ∈ Z[X] ∃C ∈ Z[X] ( A + B ) = A + B + p.C .
p p
b) Montrer ∀B ∈ Z[X] ∃C ∈ Z[X] B(X) = B(X ) + p.C .
4) Soient ζ une racine primitive n-ème de l’unité, f son polynôme minimal sur Q, g tel que
n
X − 1 = f.g. Montrer que f ∈ Z[X], g ∈ Z[X] et f | Φn .
p
5) Soit p un nombre premier ne divisant pas n. On suppose g(ζ ) = 0.
p p
Montrer qu’alors g(X ) = f(X).h(X) , où h ∈ Z(X). En déduire ( g (X)) = f (X). h (X) et que f
et g ne sont pas premiers entre eux dans Z/pZ[X].
n
6) Montrer à partir de X − 1 = f (X). g (X) que f et g devraient cependant être premiers entre
eux. Conclure.
X n−1
7) Décomposer en éléments simples dans Q[X] les fractions et 1n .
X n −1 X −1

B. Deuxième partie : extensions cyclotomiques.


On note Rn le plus petit sous-corps de C contenant Un ;
ω une racine primitive n-ème de l’unité, Fω son polynôme minimal.
1) a) Comparer Φn et Fω , Rn et Q[ω].
b) Que valent dimQ Rn et card Gal(Rn : Q) ?
c) Montrer que le groupe Gal(Rn : Q) est isomorphe au groupe G(n) des éléments inversibles de
k
Z/nZ. [ Indication : Si ω ∈ Πn, considérer l’unique élément σk de Gal(Rn : Q) tel que σk(ω) = ω . ]

2) On suppose n = 5. Résoudre par radicaux l’équation Φ5(z) = 0. Décrire le corps R5. Quels sont
ses sous-corps ? Montrer que le pentagone régulier est constructible à la règle et au compas.

45
3) On suppose n = 17. Montrer que le corps R17 admet 5 sous-corps que l’on peut ranger en une
liste K1 = Q ⊂ K2 ⊂ K3 ⊂ K4 ⊂ K5 = R17. Que vaut dimKi Ki+1 ? En déduire que le polygone
régulier de 17 côtés est constructible à la règle et au compas.
____________

Problème 12 : Constructions à la règle et au compas

On identifie le plan eucliden P au corps C des nombres complexes, et on note O = (0, 0), I = (1, 0).
Un point M de P est dit constructible (à la règle et au compas à partir de B = {O, I}) s’il existe une
suite finie M1, M2, …, Mn = M de points de P telle que, pour tout i ∈ [1, n], Mi est point
d’intersection  soit de deux droites,  soit d’une droite et d’un cercle  soit de deux cercles, ces
droites et ces cercles étant obtenus à l’aide de l’ensemble Ei = B ∪ {M1, M2, …, Mi−1} de la façon
suivante : chaque droite passe par deux points distincts de Ei, chaque cercle est centré en un point de
Ei et a pour rayon la distance entre deux points de Ei.
Il est conseillé d’illustrer les démonstrations par des figures géométriques.
1) Exemples : Montrer que les points à coordonnées rationnelles sont constructibles. Montrer que
le dodécagone régulier (12 côtés) de centre O et ayant I pour sommet est constructible.
2) Le corps des nombres constructibles.
Montrer que l’ensemble Γ des points constructibles est un sous-corps de C vérifiant :
2 2
∀z ∈ Γ u = z ⇒ u ∈ Γ. En déduire que ∀(a, b, c) ∈ Γ*×Γ×Γ a.z + b.z + c = 0 ⇒ z ∈ Γ.
Enoncer des propriétés algébriques de Γ ∩ R = K, et montrer que Γ = K + i.K.
3) Le pentagone régulier.
4 3 2
a) Résoudre z + z + z + z + 1 = 0 en prenant comme inconnue auxiliaire x = z + 1/z.
b) En déduire, sous forme de radicaux, les rapports trigonométriques de
cos kπ et sin kπ ( 0 ≤ k ≤ 10 ).
10 10
c) Montrer que le pentagone régulier de centre O et ayant I pour sommet est constructible, et le
construire.
d) En déduire que le pentédécagone (15 côtés) régulier de centre O, de sommet I, est
constructible.
4) Caractérisation des nombres constructibles.
Soit K un sous-corps de R, D et D’ deux droites sécantes admettant des équations à coefficients
dans K ; montrer que M = D ∩ D’ a ses coordonnées dans K. Si D et C sont une droite et un cercle
sécants, et admettant des équations à coefficients dans K, montrer que leurs points d’intersection ont
leurs coordonnées dans une extension quadratique de K. Même résultat pour deux cercles sécants.
Montrer l’équivalence des propriétés suivantes (Théorème de P. L. Wantzel, 1837) :
a) z est constructible ;
b) Il existe un entier n et une suite croissante K0 = Q ⊂ K1 ⊂ K2 ⊂ …⊂ Kn de sous-corps de C
telle que z ∈ Kn, et Ki+1 soit une extension quadratique de Ki.
n
En déduire qu’un nombre constructible est un nombre algébrique de degré 2 sur Q.
5) Applications :
a) Parmi les polygones réguliers à n côtés, 3 ≤ n ≤ 10, lesquels sont constructibles à la règle et au
compas ?
3
b) 2 est-il constructible à la règle et au compas ?
6) L’heptadécagone régulier.

46
On note F17 = Z/17Z , ω = exp 2iπ , ωk = ω , ζk = ωk + 1
k
pour k ∈ Z.
17 ωk
a) Vérifier que le groupe multiplicatif F17* est cyclique et engendré par 3.
m
Tabuler m ∈ [0, 15] → k = 3 . Quels sont les sous-groupes de F17* ?
b) Etablir la formule ζp.ζq = ζp+q.ζ |p−q| ∀(p, q).
16
c) Que vaut a = ∑ω
k =1
k ? On pose b1 = ∑ω
mpair
k et b2 = ∑ω
mimpair
k . Exprimer b1 et b2 à l’aide des ζk.

Calculer b1 + b2 et b1.b2 . Montrer que b1 > 0 et en déduire les valeurs de b1 et b2.

d) On pose c1 = ∑ω k
m ≡ 0(mod 4)
, c2 = ∑ω k
m ≡ 2(mod 4)
, c3 = ∑ω k
m ≡1(mod 4)
et c4 = ∑ω k
m ≡ 3(mod 4)
.

De même qu’en c), calculer c1 + c2 et c1.c2 , c3 + c4 et c3.c4 . En déduire les ci (1 ≤ i ≤ 4).

e) On pose e1 = ω + ω16 , e2 = ω4 + ω13 . Calculer e1 + e2 , e1.e2 . En déduire :

cos 2π = 1 [−1 + 17 + 34−2 17 + 68+12 17 + 2(−1+ 17) 34−2 17 −16 34+ 2 17 ]


17 16
En déduire qu’on peut construire à la règle et au compas l’heptadécagone régulier de centre O et
de sommet I (Théorème de C. F. Gauss, 1796). On ne demande pas de construction explicite 10.

Remarque : Le 30 mars 1796, Gauss a démontréque le polygone régulier à 17 côtés était


constructible à la règle et au compas. Il avait alors 18 ans, et cette découverte le décida à se
consacrer aux mathématiques (il hésitait jusque là entre les mathématiques et la philologie). Dans
ses Disquisitiones Arithmeticae, il énonça une condition nécessaire et suffisante pour que le
polygone régulier de n côtés soit constructible, et prouva la condition suffisante ; il affirma savoir
établir la nécessité, mais ne la publia jamais (le connaissant, on peut être sûr qu’il l’avait !)
Théorème de Gauss : Pour que le n-gone régulier soit constructible à la règle et au compas, il faut et
il suffit que n = 2s×p1× … ×ps , où les pi sont des nombres premiers distincts de la forme 22^k + 1,
i.e. des nombres premiers de Fermat.
Rappelons que 3, 5, 17, 257 et 65537 sont premiers. Il existe un test de primarité des nombres de
Fermat, dû à Pépin. Mais on ne connaît pas d’autres nombres de Fermat premiers que les précédents.

Problème 13 : duplication du cube par Huyghens (1645)

En 1645, Christian Huyghens a proposé une méthode de duplication du cube, c’est-à-dire de cons-
truction de 3 2 à la règle et au compas, que voici :
Sur le demi-cercle de centre O, de rayon 1 et de diamètre AB, on porte le point C tel que BC = 1.
Soit D le point tel que l’angle AOD vaille 45°. Les segments AC et BD se coupent en E.
1) Quelle est, en degrés et en radians, la valeur de l’angle CBD ? Estimez le cube de BE.
2) On modifie légèrement la position du point D (et donc de E) de façon que l’on ait AD = CE.
Quelle est alors la valeur exacte du cube de BE ?

10
On trouvera une telle construction dans Carrega, Règle et compas (p. 62), dans Pour la science (janvier
1994) consacré aux mathématiciens (p. 39), et des compléments dans les bulletins 446 et 447 de l’APM.

47
Solution : Les exercices posés dans le Monde du mercredi (ici, Affaire de logique, n° 1173, 27
octobre 2021) sont souvent plaisants et plus profonds qu’ils n’en ont l’air...
1) CBD = CBA – DBA = CBA − 1 DOA = π − π = 5π (en radians) ou 37,5 °.
2 3 8 24
BC = cos CBD = cos( 5π ) , d’où BE = 1/ cos( 5π ).
BE 24 24
> x:=cos(5*Pi/24);evalf(x);evalf(1/x^3);

x := cos π 
5
 24 
2.002626857
> c3:=cos(Pi/3);c8:=sqrt((cos(Pi/4)+1)/2);s3:=sin(Pi/3);s8:=sqrt(2)/(4*c8);
> C:=simplify(c3*c8+s3*s8);evalf(C);1/C^3;
1 2+ 2 + 3 2
C :=
4 2+ 2
( 3/2 )
(2 + 2 )
64
(2 + 2 + 3 2 )3
Ces calculs montrent que x = cos( 5π ) et 1/x appartiennent au corps Q[ 2+ 2 , 3 ]. Il serait
3
24
intéressant d’en déterminer le groupe de Galois.
3 3
BE = 1/x ≈ 2. Mais BE est constructibe à la règle et au compas, alors que 3
2 ne l’est pas.
2) Notons DOA = 2θ, et reprenons les calculs précédents.
CBD = CBA – DBA = CBA − 1 DOA = π − θ. AD = 2.sin θ et CE = CE = tan( π − θ).
2 3 CB 3
Il s’agit de vérifier que 2.sin θ = tan( π − θ) implique cos ( π − θ) = ½.
3
3 3
Posons ϕ = π − θ. Alors 2.sin( π − ϕ) = tan ϕ s’écrit
2
3 cos ϕ = ( 1 + cos ϕ ).sin ϕ.
3 3
3
En élevant au carré et en factorisant ( 1 + 2.cos ϕ ).( 2 cos ϕ − 1 ) = 0.
3
Cela implique cos ϕ = ½ , compte tenu de l’encadrement de ϕ.
La solution donnée dans le Monde du 3 novembre utilise moins de trigo, et plus de géométrie.,
Les auteurs notent que les triangles ADE et BCE sont semblables (why ?), d’où AD/AE = BC/BE.
Posant x = BE, il vient x = BE/BC = AB/AD = (AC – CE)/CE, d’où (x + 1).CE = AC.
2 2 3 , mais aussi, CE2 = x2 − 1.
Par Pythagore, AC = 3, d’où CE =
(x+1)²
2 2
Par suite, ( x – 1 )( x + 1 ) = 3, etc.

Une preuve galoisienne du théorème de d’Alembert-Gauss

Cette preuve suppose connues la théorie des groupes, et répose sur les deux résultats suivants :

48
a) Tout polynôme complexe de degré 2 a une racine dans C.
b) Tout polynôme réel de degré impair possède au moins une racine réelle.
Soient P ∈ C[X] un polynôme non constant, et a une racine de P dans un sur-corps L de C.
Soit K = C(a) le plus petit sous-corps de L contenant C et a.
K est un C-espace vectoriel de dimension finie. Soit n = dimC K = [K : C] cette dimension.
k
Ecrivons n sous la forme n = 2 .m, où k ≥ 0 et m est impair.
Soit G = Gal(K : R) le groupe de Galois de K sur R.
k+1
card G = [K : R] = [K : C][C : R] = 2 .m.
k+1
En vertu du théorème de Sylow, G possède un sous-groupe H d’ordre 2 .
+
Son corps fixé H est une extension de R de degré impair, séparable. D’après le théorème de
+
l’élément primitif, H peut être engendré par un élément b, racine d’un polynôme irréductible de
k
R[X] de degré impair, donc de degré 1. Par suite [K : C] = 2 .
k−1
Si k était ≥ 1, Gal(K : C) possèderait un sous-groupe d’ordre 2 ; son corps fixé serait une
extension de C de degré 2, ce qui est absurde. Donc k = 0 et K = C.

Problème 14 : prolongement des automorphismes

1) Trouver le groupe de Galois Gal(C : R).


2) Démontrer que les seuls automorphismes continus de C sont l’identité et la conjugaison.
Dans la suite, nous admettrons le théorème suivant :
« Soient Ω une extension algébriquement close d’un corps K, E une sous-extension de Ω. Tout K-
automorphisme de E se prolonge en un K-automorphisme de Ω ». 11
3) Démontrer que le groupe Aut(C) = Gal(C : Q) contient beaucoup d’autres éléments que ceux de
Gal(C : R), mais que les éléments γ qui n’appartiennent pas à Gal(C : R) sont discontinus en tout
point.
4) Que dire de Aut( Q ) = Gal( Q : Q) ?

Remarque (wikipedia) : Bien que le seul automorphisme de corps de R soit l’identité (résultat
démontré par Darboux en 1880) et que les seuls automorphismes de corps continus de C soient
l’identité et la conjugaison (Julian Coolidge, 1924), l’usage de l’axiome du choix (à deux reprises)
permet de construire des automorphismes de corps de C qui ne sont pas continus (l’existence de tels
automorphismes a été montrée par Richard Rado à partir des résultats généraux d’Ernst Steinitz
datant de 1910, mais la construction suivante a été proposée par Hyman Kestelman en 1947).
Soit E l’ensemble des sous-corps de C ne contenant pas 2 . E est non vide (il contient par
exemple Q) et ordonné partiellement par l’inclusion. On vérifie aisément que c’est un ensemble
inductif. D’après le lemme de Zorn, il possède donc un élément maximal K. La maximalité de K
permet de montrer que l’extension K[ 2 ] → C est algébrique. C étant algébriquement clos, tout
automor-phisme de corps de K[ 2 ] se prolonge en un automorphisme de corps de C (ce résultat
classique utilise lui aussi l’axiome du choix). En considérant l’automorphisme de K[ 2 ] fixant les
éléments de K et changeant 2 en – 2 , on obtient un automorphisme de corps de C autre que
l’identité et la conjugaison : il est donc non continu et même discontinu en tout point. On en déduit
qu’il n’est pas mesurable et que l’image de C est dense : ainsi, l’axiome du choix entraîne
l’existence d’un sous-corps dense de C isomorphe à R.

11
Cf. Bourbaki, Algèbre, A V § 14, n° 4, p. 107. La demonstration utilise la notion de base de transcendance,
et repose sur l’axiome du choix.

49
Ces remarques piochées sur wikipedia m’amènent à poser ce problème que je ne sais pas résoudre.

Existe-t-il un sous-corps K de C tel que C = K[ 2 ] ?

Ce sous-corps jouerait par rapport à 2 le même rôle que R par rapport à i. J’aurais tendance à dire
qu’un tel corps n’existe pas, car, s’il existait, « ça se saurait », mais ce n’est pas un argument.

5. Résolution par radicaux.

En 1824, complétant les recherches de Paolo Ruffini, Niels Henrik Abel démontra l’impossibilité
de résoudre par radicaux l’équation générale du cinquième degré. Il se promit de revenir sur le sujet,
mais il se tourna ensuite vers l’analyse (les séries entières, etc.), et mourut de consomption dès 1829.
Peu après, Evariste Galois caractérisa les équations résolubles par radicaux : leur groupe de Galois
doit posséder une certaine propriété, il doit être « résoluble ».

5.1. Groupes résolubles.


Définition 1 : Un groupe G est dit résoluble si’il existe une suite décroissante
( G = G0 ⊃ G1 ⊃ … ⊃ Gn = {e} )
de sous-groupes de G telle que :
(i) Pour tout i, Gi+1 est un sous-groupe distingué de Gi ; ce qu’on note Gi+1 < Gi ;
(ii) Pour tout i, le groupe quotient Gi / Gi+1 est abélien.

Remarque : on peut supposer les inclusions strictes, quitte à ôter les répétitions. Les groupes Gi ne
sont pas supposés distingués dans G ( H < K < L n’mplique pas H < L ). En réalité, cette distinction
n’a guère d’importance. Je renvoie à Escofier ou Bourbaki pour des définitions équivalentes à l’aide
des groupes dérivés.
Exemples de groupes résolubles.
1) Tout groupe abélien est résoluble. Il suffit de considérer (G = G0, G1 = {e}).
2) Le groupe symétrique S3 (qui est aussi le groupe diédral D3) est résoluble.
Il suffit de considérer (G0 = S3, G1 = A3, G2 = {e})
3) Le groupe diédral D4 (des isométries conservant le carré), qui a 8 éléments, est résoluble.
Il suffit de considérer (G0 = D4, G1 = < r >, G2 = {e}), où r = Rot(O, π/2).
Plus généralement, tous les groupes diédraux Dn (isométries conservant le polygone régulier de n
côtés) sont résolubles. Il suffit de considérer (G0 = D4, G1 = < r >, G2 = {e}), où r = Rot(O, 2π ).
n
4) Le groupe quaternionien Q = { ± e, ± i, ± j, ± k } est également résoluble.
Il suffit de considérer (G0 = D4, G1 = < i >, G2 = {e}), où < i > = { ± e, ± i }.
Le groupe quaternionien est un groupe non commutatif dont tous les sous-groupents sont distingués.
5) Le groupe symétrique S4 est résoluble. Il suffit de considérer la suite :
(G0 = S4, G1 = A4, G2 = V, G3 = {e})
où V est le groupe des bitranspositions { e, (1 2)(3 4), (1 3)(2 4), (1 4)(2 3) }, qui est isomorphe au
groupe de Klein Z/2Z×Z/2Z.
6) Soient K un corps fini à q éléments, et Aff(K) le groupe des bijections affines f : x → ax + b , (a,
b) ∈ K*×K, pour la composition. Ce groupe n’est pas commutatif, et à (q − 1).q éléments. C’est un
groupe résoluble, car le sous-groupe T(K) formé des translations t : x → x + c est distingué dans
Aff(K), comme noyau du morphisme f → a. Considérons la suite :
(G0 = Aff(K), G1 = T(K), G3 = {idK})

50
Aff(K)/T(K) est isomorphe à (K*, ×) et T(K) est isomorphe à (K, +), qui sont tous deux abéliens.

Proposition 1 : Soient G un groupe, H un sous-groupe de G, N un sous-groupe distingué de G.


(a) Si G est résoluble, H est résoluble.
(b) Si G est résoluble, G/N est résoluble ;
(c) Si N et G/N sont résolubles, alors G est résoluble.
Corollaire : Si H et K sont deux groupes résolubles, il en est de même de leur produit H×K.
Définition 2 : Si A et B sont deux groupes, le groupe G est appelé extension de A par B si G
contient un sous-groupe distingué N isomorphe à A, et tel que G/N soit isomorphe à B.
La proposition 1 s’exprime en disant que la classe des groupes résolubles est fermée par sous-
groupes, par groupes quotients et par extensions. Ainsi, le groupe diédral Dn est résoluble comme
extension de Z/nZ par Z/2Z. ; et le groupe Aff(K) est résoluble comme extension de (K, +) par (K*,
×) En revanche, la classe des groupes abéliens est fermée par sous-groupes et par quotients, mais
non par extensions.
Définition 3 : Soit p un nombre premier. On appelle p-groupe un groupe fini dont l’ordre est une
puissance de p.
La classe des p-groupes est fermée par sous-groupes, par groupes quotients et par extensions.
Proposition 2 : Soit G un p-groupe. Si G n’est pas réduit à {e}, son centre n’est pas réduit à {e}.
Preuve : Faisons opérer G sur lui-même par automorphismes intérieurs (i.e. par conjugaison) (x, y)
−1
→ x.y.x , et appliquons à cette action la formule des classes.
Pour tout x, card G = card O(x).card F(x), O(x) = orbite de x, F(x) = groupe fixateur de x.
On a card O(x) = 1 ssi x ∈ Z, centre de G. Si x ∉ Z, card O(x) ≡ 0 ( mod p ).
D’où card G ≡ card Z ≡ 0 ( mod p ), donc card Z ≠ 1.
Proposition 3 : Tout p-groupe est résoluble.
n
Preuve : Soit G un groupe d’ordre p . Raisonnons par récurrence sur n.
Si n = 1, G est isomorphe à Z/pZ ; il est abélien, donc résoluble.
k
Si le résultat est acquis pour tout p-groupe d’ordre p , avec k < n, soient G un p-groupe d’ordre, Z
son centre. Il est distingué dans G, et non trivial en vertu de la prop précédente. G/Z est donc
résoluble par hypothèse de récurrence, G est une extension de Z (qui est abélien) par G/Z donc est
résoluble.
Application : on retrouve le fait que D4 et Q sont résolubles.
Définition 4 : Un groupe G est dit simple si G ≠ {e} et si G n’a pas d’autre sous-groupe distingué
que G et {e}.
Proposition 4 : Soit G un groupe ≠ {e}. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
i) G est cyclique d’ordre premier ;
ii) G est abélien et simple ;
iii) G est résoluble et simple.
Preuve : facile.
Théorème de Galois : Pour tout n ≥ 5, le groupe alterné An est simple, et non résoluble. Le groupe
symétrique Sn n’est pas résoluble.
Preuve : Démontrons le théorème pour n = 5.
Notons d’abord que A5 contient 60 éléments, d’ordres 1, 2, 3 ou 5 :
• l’identité e ;

51
• 15 = C52.C32 /2 bi-transpositions (produits de transpositions à supports disjoints), qui se répartissent
en 5 sous-groupes d’ordre 4, tous isomorphes au groupe de Klein. ; les bi-transpositions sont deux à
deux conjuguées, et elles engendrent A5 ;
• 20 3-cycles, qui se répartissent en 10 sous-groupes d’ordre 3 ; les 3-cycles sont deux à deux
conjugués, et ils engendrent A5 ;
• 24 5-cycles, qui se répartissent en 6 sous-groupes d’ordre 5 ; les 5-cycles sont deux à deux
conjugués, et ils engendrent A5.
Comme 1 + 15 + 20 + 24 = 60, on a tous les éléments. Justifions les autres affrimations.
A5 est formé des produits d’un nombre pair de transpositions, donc est engendré par les produits de
deux transpositions, c’est-à-dire par les 3-cycles et les bi-transpositions.
Mais une bi-transposition est produit de deux 3-cycles : [a, b] o [c, d] = [d, c, a] o [a, b, c], donc les
3-cycles seuls engendrent A5.
[a, c, d, e, b] o [a, e, d, c, b] = [a, b, c], donc les 3-cycles sont produits de deux 5-cycles, et les 5-
cycles engendrent A5.
[a, b, c, d, e] = ( [a, c] o [e, d] ) o ( [a, b] o [c, e] ), donc les 5-cycles sont produits de deux bi-
transpositions, et les bi-transpositions engendrent A5.
Soit alors N un sous-groupe distingué ≠ {e} de A5.
S’il contient une bitransposition, il les contient toutes, donc il est égal à A5.
S’il contient un 3-cycle, il les contient tous, donc il est égal à A5.
S’il contient un 5-cycle, il les contient tous, donc il est égal à A5.
2
Remarque : Comme 60 = 2 ×3×5, notons n2, n3 et n5 le nombre des 2-sous-groupes de Sylow, resp.
des 3-Sylow, resp. des 5-Sylow de A5. On sait que :
n2 | 15 et n2 ≡ 1 ( mod 2 ) ; n3 | 20 et n3 ≡ 1 ( mod 3 ) ; n5 | 12 et n5 ≡ 1 ( mod 5 ).
Arnaudiès & Bertin montrent que n5 = 6, n3 ≡ 10 et n2 ≡ 5. (p. 25 à 28).
Le cas n ≥ 5 est laissé au lecteur.
Les suites référencées A005180, A001034, A001228 dans l’OEIS donnent les suites des ordres des
groupes finis simples, resp. des groupes simples non cycliques, resp. des groupes finis simples
sporadiques. Voici leurs premières valeurs respectives :
1, 1, 2, 5, 7, 11, 13, 17, 19, 23, 31, 37, 41, 43, 47, 53, 60, 61, 67, 71, 73, …
60, 168, 360, 504, 660, 1092, 2448, 2520, 3420, 4080, …
7920, 95040, 175560, 443520, 604800, 10200960, 44352000, …
Dans la 2ème liste, le groupe simple à 60 éléments n’est autre que A5. Le suivant, à 168 éléments,
isomorphe à Gl3(F2) = Sl3(F2) = PSL3(F2), est étudié dans mes problèmes d’algèbre linéaire (pb 2).

5.2. Polynômes résolubles par radicaux.


Définition 5 : Soit K un sous-corps de C. Un corps L tel que K ⊂ L ⊂ C est appelé extension
radicale de K s’il existe une suite croissante (K = K0, K1, …, Kn = L) de sous-corps de C telle
que :
(i) Pour tout 0 < i ≤ n, il existe un élément ai+1 tel que Ki+1 = Ki[ai+1] ;
(ii) Pour tout 0 < i ≤ n, il existe un entier ni+1 tel que (ai+1 )ni+1 ∈ Ki .

Exercice : Montrer que 2+ 3 , 12 3


1+5 −7 + −5 , 3 11.5 7+ 3 +4 1+3 4 , cos πn , cos 2π ,
2 2 15
appartiennent à des extensions radicales de Q.

52
Définition 6 : Soit K un sous-corps de C. Un polynôme P ∈ K[X] est dit résoluble par radicaux si
le corps de décompostion N de P est contenu dans une extension radicale L de K.
Remarque : L peut contenir strictement N.
Théorème : Les polynômes P ∈ K[X] de degrés 1, 2, 3, 4 sont résolubles par radicaux.
Ce théorème a été démontré en substance dans le chapitre sur les équations algébriques.
Théorème d’Abel : Il existe des polynômes P ∈ K[X] de degré 5 non résolubles par radicaux.
Ce théorème va résulter du suivant.
Théorème de Galois : Soient K un sous-corps de C, P un polynôme de K[X] ayant N comme corps
de décomposition, G = Gal(N : K) son groupe de Galois.
Si P est résoluble par radicaux, le groupe de Galois Gal(N : K) est résoluble.
Si K contient une racine primitive n-ème de l’unité ζ, avec n = [N : K] = card G, et si G est
résoluble, P est résoluble par radicaux.
Preuve : cf Escofier, p. 178-180.

5.3. Sous-groupes transitifs de S5,

Définition 7 : Un sous-groupe G de Sn est dit transitif si ∀x, y ∃σ ∈ G y = σ(x).


La suite A337015 de l’OEIS donne, pour les premières valeurs de n, le nombre de sous-groupes
transitifs de Sn. Certains d’entre eux peuvent être isomorphes.
Pour 1 ≤ n ≤ 5, elle vaut resp. 1 , 1 , 2 , 9 , 20.
Proposition 1 : Les sous-groupes transitifs de S3 sont S3 et A3 = < [1, 2, 3] >.
Preuve : les autres sous-groupes, {e} , < [1, 2] > , < [1, 3] > et < [2, 3] >, ne sont pas transitifs.
Proposition 2 : S4 admet 9 sous-groupes transitifs. Ils ont pour ordres 24, 12, 8 et 4.
S4 , A4 , 3 sous-groupes d’ordre 8 isomorphes au groupe diédral D4, correspondant aux carrés
(A, B, C, D) = (1, 2, 3, 4) , (1, 2, 4, 3) et (1, 3, 2, 4).
Le sous-groupe d’ordre 4 V = {e , [1, 2][3, 4], [1, 3][2, 4], [1, 4],[2, 3]} isomorphe au groupe de
Klein.
Trois sous-groupes cycliques d’ordre 4, < [1, 2, 3, 4] > , < [1, 2, 4, 3] > , < [1, 3, 2, 4] >, inclus dans
les trois groupes diédraux précédents.

Identifions {1, 2, 3, 4, 5} au corps F5 = Z/5Z = { 1 , 2 , 3 , 4 , 0 } ( ce qui implique 5 = 0 ).


Exercice 33 : Isomorphisme entre PGL2(F5) et S5 .
On note F5 le corps Z/5Z, F’5 = F5 ∪ {∞} son complété par un « point à l’infini.
On fait agir le groupe linéaire Gl2(F5) par homographies sur F’5 . Cette action est-elle fidèle ?
Démontrer que cette action est transitive. Quel est le fixateur de ∞ ?
Déduire de cette étude un isomorphisme naturel entre le groupe projectif linéaire PGL2(F5) et S5 .
Le groupe Aff(F5) des bijections affines de F5, f : x → ax + b (a ∈ F5*, b ∈ F5), a 20 éléments.
Comme F5* est cyclique, il est engendré par x → x + 1 et x → 2x .
Le sous-groupe correspondant de S5 a 20 éléments et est engendré par [1, 2, 3, 4, 5] et [1, 2, 4, 3].
Notons-le F(20). Il est transitif, puisqu’il contient le sous-groupe engendré par [1, 2, 3, 4, 5].
Comme [1, 2, 3, 4, 5] est paire et [1, 2, 4, 3] impaire, le groupe F(20) ∩ A5 a 10 éléments, et est
2
engendré par [1, 2, 3, 4, 5] et [1, 2, 4, 3] = [1, 4][2, 3]. Il est lui aussi transitif, et il est facile de voir
qu’il est isomorphe au groupe diédral D5 .

53
Proposition 3 : Les sous-groupes suivants de S5 sont transitifs :
S5 , A5 , F(20) , D5 = F(20) ∩ A5 , < [1, 2, 3, 4, 5] >.
On peut démontrer que S5 admet 20 sous-groupes transitifs : S5 , A5 , les groupes isomorphes à
F(20), au groupe diédral D5 = F(20) ∩ A5 , ou au groupe cyclique < [1, 2, 3, 4, 5] >.

5.4. Exemples concrets.


Maple sait reconnaître si un polynôme P est irréductible dans Q[X], et, si deg P ≤ 8, il donne son
5
groupe de Galois. Parmi les 231 polynômes P(X) = X + aX + b tels que −10 ≤ a ≤ 10, 0 ≤ b ≤ 10,
188 sont irréductibles, 9 ont un groupe de Galois isomorphe à F(20), tous les autres ont un groupe de
Galois isomorphe à S5. Nous allons donner un exemple de chaque type.
5
a) Considérons le polynome P = X – 10X + 5.
Il est irréductible sur Q en vertu du critère d’Eisenstein appliqué avec p = 5.
L’étude des variations de la fonction polynomiale associée montre que P admet trois racines réelles
a < b < c, et deux racines complexes conjuguées α et α .
Soit N le corps de décomposition de P dans C et G = Gal(N : Q) son groupe de Galois.
G s’identifie à un sous-groupe de S5, groupe des permutations de { a , b , c, α , α }.
La conjugaison de C induit un élément de G qui échange α et α et fixe les trois autres racines.
G possède donc une transposition.
Comme card G = [N : Q] = [N : Q[ α ]].[Q[ α ] : Q] = 5. [N : Q[ α ]], card G est mutiple de 5.
En vertu du théorème de Cauchy, G possède un élément d’ordre 5. G possède donc un cycle d’ordre
5. Or le seul sous-groupe de S5 contenant un 5-cycle et une transposition est S5 lui-même, qui n’est
pas résoluble.
Avec Maple :
> P:=X^5-10*X+5;
P := X 5 − 10 X + 5
> plot(P,X=-2..2,thickness=2);fsolve(P=0,X);

-1.885960796 , .5032271590 , 1.621725358


> irreduc(P);galois(P);
true
"5T5", { "S(5)" }, "-", 120 , { "(1 5)", "(2 5)", "(3 5)", "(4 5)" }

54
5
b) Consdérons le polynôme P = X + 20 X + 16.
> P:=X^5+20*X+16;
P := X 5 + 20 X + 16
> plot(P,X=-1.7..2,thickness=2);fsolve(P=0,X);
-.7850871908
> irreduc(P);factor(P) mod 2;factor(P) mod 3;factor(P) mod 7;galois(P);
true
X5
X +2X+1
5

X5 + 6 X + 2
"5T4", { "A(5)" }, "+", 60, { "(3 4 5)", "(2 3 5)", "(1 2 5)" }
5
c) Considérons le polynome P = X – 2.
Il est irréductible sur Q en vertu du critère d’Eisenstein appliqué avec p = 2.
2 et 4 racines complexes a ω , a ω , a ω , a ω , où ω = exp 2iπ .
5 2 3 4
P a une racine réelle a =
5
Soit N le corps de décomposition de P dans C et G = Gal(N : Q) son groupe de Galois.
Il est clair que N = Q[a , ω], [N : Q] = [N : Q[a]].[Q[a] : Q] = 4×5 = 20.
G s’identifie à un sous-groupe à 20 éléments de S5.
5
d) Considérons le polynome P = X – 5X + 12.

Problème
5
On se propose d’étudier le polynôme P = X – 5X + 12 ∈ Q[X], de décrire son corps des racines
et son groupe de Galois, de résoudre l’équation P(x) = 0 par radicaux.
Les calculs pourront être conduits avec un logiciel de calcul formel.
A. Première partie.
1) Démontrer que P admet une unique racine réelle z1, qui vérifie – 2 < z1 < – 1.
Obtenir des valeurs approchées de z1 à l’aide de la méthode de Newton.
2) On note z2, z3, z4, z5 les quatre autres racines de P dans C, rangées de telle façon que :
z5 = z2 , z4 = z3 , Re z2 < Re z3 , Im z2 > 0 , Im z3 > 0 .
Calculer des valeurs approchées de ces racines.

B. Deuxième partie.
3) En considérant P(X + 3) ou P mod 5, démontrer que P est irréductible dans Q[X].
4) On note ω l’une quelconque des racines de P, et :
5 2 3 4
Q[ω] = { x ∈ C ; ∃(a, b, c, d, e) ∈ Q x = a + b.ω + c.ω + d.ω + e.ω }.
a) Démontrer que Q[ω] est un Q-espace vectoriel et que :
2 3 4
Bω = ( 1 , ω , ω , ω , ω ) est une Q-base de Q[ω].
b) Montrer que Q[ω] est un anneau intègre. Quelle est la table de multiplication de la base Bω ?
5) Démontrer que Q[ω] est un corps, par deux méthodes :

55
i) en considérant les applications mx : y → x.y ;
ii) en utilisant l’irréductibilité du polynôme P dans Q[X]. En déduire un procédé pratique de
4 −1
calcul de 1 ( x ≠ 0 ) dans Bω . Exemple : Calculer ( ω − 1 ) .
x
2 3 4
6) a) Soit x = a + b.ω + c.ω + d.ω + e.ω ( avec les notations ci-dessus ).
Ecrire la matrice Mx de l’endomorphisme mx de Q[ω] dans la base Bω .
b) En déduire que l’ensemble des matrices :
a −12e −12d −12c −12b 
b a+5e 5d −12e 5c−12d 5b−12c 
c b a+5e 5d −12e 5c−12d  , où a, b, c, d et e décrivent Q ,
d c b a+5e 5d −12e
 e d c b a+5e 
est une sous-algèbre de M5(Q) et un corps commutatif.

C. Troisième partie.
7) Vérifier que :
4 3 2 2 3 4
P = ( X − ω )( X + ω.X + ω .X + ω .X + ω – 5 )
2 −4+ω +ω²+ω 3+ω 4 4+2ω +2ω3 2 4+3ω −ω²−ω −ω
3 4 8−5ω −ω²−ω 3−ω 4
= (X−ω)(X + X– )(X + X– )
4 4 4 4
et que, si ∆ et ∆’ sont les discriminants respectifs des deux trinômes ci-dessus :
3ω 3 (ω +1)2
∆=2+ ω −ω +
2
et ∆’ = ∆.
2 2 4
Calculer det(M∆). En déduire que ∆ n’est pas un carré dans Q[ω].
8) Soit K le plus petit sous-corps de C contenant les cinq racines de P.
Démontrer que K = { Q(z1, z2, z3, z4, z5) ; Q ∈ Q[X1, X2, X3, X4, X5] }
Déduire de 7) que dimQ K = 10, et qu’une Q-base de K est :
2 3 4 2 3 4
B = ( 1 , ω , ω , ω , ω , i −∆ , ω i −∆ , ω i −∆ , ω i −∆ , ω i −∆ ),
où i désigne le nombre complexe habituel.
2 9
On pose θ = i −∆ . Démontrer que ( 1 , θ , θ , … , θ ) est aussi une Q-base de K.
Si l’on choisit ω = z1, exprimer z1, z2, z3, z4 et z5 dans les deux bases précédentes.
Indiquer une ou deux représentations matricielles de K, c’est-à-dire des sous-algèbres de M10(Q)
isomorphes à K.
9) Soit G l’ensemble des automorphismes σ de K, c’est-à-dire des bijections K → K telles que :
σ(1) = 1 et ∀(x, y) ∈ K×K σ(x + y) = σ(x) + σ(y) et σ(x.y) = σ(x).σ(y).
a) Démontrer que G est un groupe pour la composition.
b) Si σ ∈ G, démontrer que σ permute les racines { z1, z2, z3, z4, z5 }.
Reconnaître σ lorsque σ(z1) = z1 et σ échange z2 et z3, z4 et z5.
En déduire que 2 | card G | 120.
c) Si σ ∈ G, démontrer que (σ(ω), σ( i −∆ )) ∈ { z1, z2, z3, z4, z5 } × {± i −∆ } .
En déduire que card G ≤ 10.
d) Démontrer que G est isomorphe au groupe diédral D5.

56
D. Quatrième partie.

= −1+ 5 et ζ + ζ = −1− 5 . On pose :


2iπ/5 −1 2 −2
10) On pose ζ = e , et on rappelle que ζ + ζ
2 2
2 3 4
y1 = z1 + ζ.z2 + ζ .z3 + ζ .z4 + ζ .z5
2 4 3
y2 = z1 + ζ .z2 + ζ .z3 + ζ.z4 + ζ .z5
3 4 2
y3 = z1 + ζ .z2 + ζ.z3 + ζ .z4 + ζ .z5
4 3 2
y4 = z1 + ζ .z2 + ζ .z3 + ζ .z4 + ζ.z5
Démontrer que les yi sont réels, et que y1.y4 = − 5 5 et y2.y3 = 5 5 .
5 5 5 5
Démontrer que y1 + y4 = 6250 − 2500 5 et y2 + y3 = 6250 + 2500 5 .
5 5 2 7
11) En déduire que y1 et y4 sont racines de Y + ( 6250 − 2500 5 ).Y − 5 5 =0
5 5 2 7
et que y2 et y3 sont racines de l’équation Y + ( 6250 + 2500 5 ).Y + 5 5 =0
4 3 2
12) Démontrer que 5.z1 = y1 + y2 + y3 + y4 , 5.z2 = ζ .y1 + ζ .y2 + ζ .y3 + ζ.y4
et donner des formules analogues donnant z3 , z4 et z5 .
En déduire la résolution par radicaux de l’équation P(z) = 0.

Solution

A. Les cinq racines de P.


1. La racine réelle.
> p:=x->x^5-5*x+12;diff(p(x),x);[p(-2),p(-1),p(1)];
plot(p(x),x=-2..2,thickness=2,color=maroon);
p := x → x 5 − 5 x + 12
5 x4 − 5
[ -10, 16, 8 ]

> fsolve(p(x)=0,x);Digits:=20;fsolve(p(x)=0);
-1.842085966
Digits := 20
-1.8420859661902543827

2. Les racines complexes conjuguées.

57
> P:=z^5-5*z+12;fsolve(P=0,z);P:=expand(subs(z=x+I*y,P));
assume(x,real);assume(y,real);Re(P);Im(P);
P := z 5 − 5 z + 12
-1.842085966
P := x + 5 I x y − 10 x y − 10 I x2 y3 + 5 x y4 + I y 5 − 5 x − 5 I y + 12
5 4 3 2

x~5 − 10 x~3 y~2 + 5 x~ y~4 − 5 x~ + 12


5 x~4 y~ − 10 x~2 y~3 + y~5 − 5 y~
> with(plots):
> C1:=implicitplot(x^5-10*x^3*y^2+5*x*y^4-5*x+12=0,x=-2.5..2.5,
y=-2.5..2.5,numpoints=9000,color=blue,thickness=2):
C2:=implicitplot(5*x^4-10*x^2*y^2+y^4-5=0,x=-2.5..2.5,
y=-2.5..2.5,numpoints=9000,color=red,thickness=2):
C3:=plot(0,x=-2.5..2.5,color=red,thickness=2):
display({C1,C2,C3},scaling=constrained);
> fsolve({x^5-10*x^3*y^2+5*x*y^4-5*x+12=0,5*x^4-10*x^2*y^2+y^4-
5=0},{x=-0.6..0,y=1.5..2});
{ x~ = -.3518542408 , y~ = 1.709561043 }
> fsolve({x^5-10*x^3*y^2+5*x*y^4-5*x+12=0,5*x^4-10*x^2*y^2+y^4-
5=0},{x=1..1.5,y=0.5..1});
{ y~ = .7197986815 , x~ = 1.272897224 }
> A:=[-1.842085966,0];B:=[-.3518542408,1.709561043];
C:=[1.272897224,.7197986815];P:=[1.272897224,-.7197986815];
Q:=[-.3518542408,-1.709561043];
A := [ -1.842085966 , 0 ]
B := [ -.3518542408 , 1.709561043 ]
C := [ 1.272897224 , .7197986815 ]
P := [ 1.272897224 , -.7197986815 ]
Q := [ -.3518542408 , -1.709561043 ]
> L:=listplot([A,B,C,P,Q,A],thickness=2,color=black):
display({C1,C2,C3,L},scaling=constrained);

Visualisation de la cassinienne z → | P(z) |.


> with(plots):F:=(x,y)->abs((x+I*y)^5-5*(x+I*y)+12);
> cylinderplot([r,t,F(r*cos(t),r*sin(t))],r=0..2.5,t=0..2*Pi,
numpoints=10000,color=t);

58
> C:=c->implicitplot(F(x,y)=c,x=-2.5..2,y=-2.5..2.5,
numpoints=20000,thickness=2,color=COLOR(RGB, rand()/10^12,
rand()/10^12, rand()/10^12),numpoints=9000);
> display({seq(C(k),k=1..30)},scaling=constrained);

Calcul des racines à l’aide de la méthode de Newton :


> simplify(x-p(x)/diff(p(x),x)):g:=x->4/5*(x^5-3)/(x^4-1);
> a:=-2.;for k from 1 to 6 do u:=evalf(g(a));a:=u:od;
a := -2.
a := -1.8666666666666666666
a := -1.8427822111432409447
a := -1.8420865420419062243
a := -1.8420859661906486566
a := -1.8420859661902543828

59
a := -1.8420859661902543828
> b:=-0.35+I*1.71;for k from 1 to 6 do v:=evalf(g(b));b:=v:od;
b := -.35 + 1.71 I
b := -.35185343809418773838 + 1.7095566366700716707 I
b := -.35185424082918017163 + 1.7095610433950059951 I
b := -.35185424082737199955 + 1.7095610433703288820 I
b := -.35185424082737199956 + 1.7095610433703288820 I
b := -.35185424082737199954 + 1.7095610433703288820 I
b := -.35185424082737199958 + 1.7095610433703288820 I
> c:=1.27+0.72*I;for k from 1 to 6 do w:=evalf(g(c));c:=w:od;
c := 1.27 + .72 I
c := 1.2729041955428051768 + .71979106532456446227 I
c := 1.2728972238312169955 + .71979868139092361502 I
c := 1.2728972239224991910 + .71979868148386138669 I
c := 1.2728972239224991909 + .71979868148386138669 I
c := 1.2728972239224991910 + .71979868148386138670 I
c := 1.2728972239224991909 + .71979868148386138670 I

B. Deuxième partie.
3) Irréductibilité de P.
On peut l’établir de plusieurs façons :
• en considérant P(X + 3) et en appliquant le critère d’Eisenstein, avec p = 3 (voir ci-dessous) ;
5
• en notant que P(X) mod 5 = X + 2 est irréductible dans F5[X] : il n’a ni racine dans F5, ni
diviseur de degré 2 ;
• ou bien directement en montrant que P n’a ni racine rationnelle ni diviseur de degré 2 ; c’est plus
long mais c’est faisable.
Bien entendu, on peut aussi actionner la commander irreduc(P) de Maple…
> P:=X^5-5*X+12;
> sort(expand(subs(X=Y+3,P)));irreduc(P)mod 5;irreduc(P);
Y 5 + 15 Y 4 + 90 Y 3 + 270 Y 2 + 400 Y + 240
true
true
4), 5) et 6) sont tout à fait analogues aux autres problèmes sur le sujet.
> with(linalg):P:=X^5-5*X+12;Omega:=companion(P,X);
Q:=a+b*X+c*X^2+d*X^3+e*X^4;evalm(subs(X=Omega,Q));
P := X 5 − 5 X + 12
0 0 0 0 -12
 
1 0 0 0 5

 
Ω := 0 1 0 0 0
 
0 0 1 0 0

 
0 0 0 1 0

Q := a + b X + c X 2 + d X 3 + e X 4

60
a −12 e −12 d −12 c −12 b 
 
b 5 e + a 5 d − 12 e 5 c − 12 d 5 b − 12 c

 
c b 5e+a 5 d − 12 e 5 c − 12 d 
 
d 5e+a 5 d − 12 e
 c b
 
e 5 e + a 
 d c b

C. Troisième partie.
ω].
7) Factorisation de P dans Q[ω
> P:=X^5-5*X+12;
> alias(omega=RootOf(P));quo(P,X-omega,X);factor(P,omega);
−5 + ω 4 + ω3 X + ω 2 X 2 + ω X 3 + X 4
1
( 4 X 2 − 4 X + X ω + X ω 2 + ω 3 X + ω4 X − 4 − 2 ω − 2 ω 3 )
16
( 4 X 2 + 4 X + 3 X ω − X ω 2 − ω 3 X − ω4 X + 8 − 5 ω − ω 2 − ω3 − ω 4 ) ( X − ω )
> Q:=expand(1/4*(4*X^2-4*X+X*omega+X*omega^2+omega^3*X+omega^4*X-4-
2*omega-2*omega^3));
Delta:=evala(expand(coeff(Q,X)^2-4*subs(X=0,Q)));
[(-coeff(Q,X)+sqrt(Delta))/2,(-coeff(Q,X)-sqrt(Delta))/2];
alias(beta=RootOf(Q));quo(Q,X-beta,X);factor(Q,beta);
1 1 1 1 1 1
Q := X 2 − X + X ω + X ω2 + ω3 X + ω4 X − 1 − ω − ω3
4 4 4 4 2 2
1 3
∆ := 2 + ω − ω2 + ω3
2 2
 1 − 1 ω − 1 ω2 − 1 ω 3 − 1 ω4 + 1 8 + 2 ω − 4 ω2 + 6 ω 3 ,

2 8 8 8 8 4

8 + 2 ω − 4 ω 2 + 6 ω3 
1 1 1 1 1 1
− ω − ω 2 − ω3 − ω 4 −
2 8 8 8 8 4 
ω, β
1 1 1 1
−1 + ω + ω2 + ω3 + ω4 + β + X
4 4 4 4
1
− ( −4 + ω + ω2 + ω3 + ω4 + 4 β + 4 X ) ( −X + β )
4
> R:=expand(1/4*(4*X^2+4*X+3*X*omega-X*omega^2-omega^3*X-
omega^4*X+8-5*omega-omega^2-omega^3-omega^4));
DD:=evala(expand(coeff(R,X)^2-4*subs(X=0,R)));
evala(DD/Delta);
[(-coeff(R,X)+sqrt(DD))/2,(-coeff(R,X)-sqrt(DD))/2];
factor(R,beta);EP:=factor(P,beta);Z:=[solve(EP=0,X)];
3 1 1 1 5 1 1 1
R := X 2 + X + X ω − X ω2 − ω3 X − ω4 X + 2 − ω − ω2 − ω3 − ω4
4 4 4 4 4 4 4 4
1 1
DD := −4 + 3 ω + ω2 + ω4
2 2
1 1 2 1
+ ω + ω
4 4 2

61
 − 1 − 3 ω + 1 ω 2 + 1 ω3 + 1 ω 4 + 1 −16 + 12 ω + 2 ω2 + 2 ω 4 ,

 2 8 8 8 8 4

−16 + 12 ω + 2 ω 2 + 2 ω4 
1 3 1 1 1 1
− − ω + ω2 + ω 3 + ω4 −
2 8 8 8 8 4 
1
− ( 2 β + 2 β ω − 6 − 4 X − ω + ω4 + ω3 + ω2 ) ( −1 + β + β ω + 2 X + ω )
8
1
EP := − ( −4 + 4 β + 4 X + ω + ω4 + ω 3 + ω 2 ) ( β − X )
32
( 2 β + 2 β ω − 6 − 4 X − ω + ω 4 + ω3 + ω 2 ) ( −1 + β + β ω + 2 X + ω ) ( −X + ω )
Z :=  ω, β , 1 − β − ω 2 − ω − ω 4 − ω3, − β − β ω − ω,
1 1 1 1 1 1 1 1
 4 4 4 4 2 2 2 2

β + β ω − + ω 2 − ω + ω 4 + ω3 
1 1 3 1 1 1 1
2 2 2 4 4 4 4 
> H:=2+3/2*X^3-X^2+1/2*X;V:=evalm(subs(X=Omega,H));det(V);
M:=minpoly(V,X);irreduc(M);M1:=subs(X=X^2,M);irreduc(M1);Theta:=com
panion(M1,X);S:=add(a[k]*X^k,k=0..9);evalm(subs(X=Theta,S));
3 1
H := 2 + X 3 − X 2 + X
2 2
 2 0 -18 12 -6 
 
1 15 29 

2 2 -23
2 
 2
 
 
 -1 1 15
-23 
 2
V :=  2 2 

3 15 
 1
 -1 2 
2 2 2 

 
 3 1 
0 -1 2 
 
 2 2 
-16000
M := 16000 − 5500 X + 1500 X 2 − 75 X 3 − 10 X 4 + X 5
true
M1 := 16000 − 5500 X + 1500 X 4 − 75 X 6 − 10 X 8 + X 10
2

true
0 0 0 0 0 0 0 0 0 -16000
 
1 0 0 0 0 0 0 0 0 0

 
0 1 0 0 0 0 0 0 0 5500 
 
0 0 1 0 0 0 0 0 0 0

 
0 0 0 1 0 0 0 0 0 -1500

Θ :=  

0 0 0 0 1 0 0 0 0 0

 
0 0 0 0 0 1 0 0 0 75
 
0 0 0 0 0 0 1 0 0 0

 
0 0 0 0 0 0 0 1 0 10

 
0 0 0 0 0 0 0 0 1 0

5 4 3 2
e) Considérons le polynome P = X + X – 4X – 3X + 3X + 1.

62
Dans le problème ci-dessous, nous allons démontrer que ce polynôme est irréductible dans Q[X], et
que son groupe de Galois est cyclique d’ordre 5. Par suite, il est résoluble par radicaux, ce qui
permet de retrouver un résultat démontré en 1770 par Vandermonde.

Problème : de Vandermonde à Galois


11
En 1770, Vandermonde a démontré que l’équation z – 1 = 0 est résoluble par radicaux.
Les calculs pourront être conduits avec un logiciel de calcul formel.
11
1) Factoriser le polynôme X – 1 dans C[X] et dans R[X].
10 9
2) Démontrer que le polynôme Φ(X) = X + X + … + X + 1 est irréductible dans Q[X].
[ Considérer Φ(Y + 1) est appliquer le critère d’Eisenstein. ]
11
En déduire la factorisation de X – 1 dans Q[X].

3) On note ω une racine primitive 11-ème de l’unité, U11 le groupe des racines 11-èmes de l’unité,
et R11 le plus petit sous-corps de C contenant U11 .
a) Quel est le polynôme minimal de ω ?
9 9
b) Soit Q[ω] = { z = a0 + a1.ω + … + a9.ω ; (a0, a1, …, a9) ∈ Q }.
9
Démontrer que Q[ω] est un sous Q-espace vectoriel de C, que B = (1, ω, … ,ω ) est une Q-base de
Q[ω]; et que Q[ω] est un corps, isomorphe à Q[X]/(Φ). Le comparer à R11.
4) Groupe de Galois de R11..
a) On note G = Gal(R11 : Q) le groupe de Galois de R11. Que vaut card G ?
b) Démontrer que G est isomorphe au groupe G(n) des éléments inversibles de Z/11Z.
k
[ Indication : Considérer l’unique élément σk de G tel que σk(ω) = ω . ]
c) Démontrer que G(11) est un groupe cyclique, isomorphe au groupe additif Z/10Z.
d) En déduire que γ = σ2 est un générateur de G, et donner sa matrice dans la base B . Vérifier
que σ10 n’est autre que la restriction à R11 de la conjugaison complexe usuelle.
5) Sous-corps de R11.
a) Démontrer que Z/10Z admet 4 sous-groupes. En déduire les sous-groupes de G.
b) En déduire que R11 admet 4 sous-corps. Indiquer une base de chacun d’eux.
6) Le sous-corps de dimension 5.
5

∏(X −θ ) .
k k
On pose θ = ω + 1/ω , θk = ω + 1/ω ( 1 ≤ k ≤ 5 ) et P(X) = k
k =1
5 4 3 2
a) Vérifier que P(X) = X + X − 4X − 3X + 3X + 1.
b) Calculer P(−2), P(−3/2), P(−1), P(0), P(1), P(2). En déduire que P est scindé dans R[X].
On note e < d < c < b < a ses racines. Donner des valeurs approchées de ces racines, ainsi qu’une
forme trigonométrique.
c) Démontrer que P est irréductible dans Q[X].
4 5
d) Démontrer que Q[θ] = { x = a0 + a1.θ + ... + a4.θ ; (a0, a1, …, a4) ∈ Q }
est le sous-corps de dimension 5 de R11, qu’il est égal à R11 ∩ R.
e) Quel est le groupe Gal(Q[θ] : Q) ? Montrer qu’il est cyclique, à 5 éléments. Quelles
permutations effectue-t-il sur { a , b , c , d , e } ?
7) Le sous-corps de dimension 2.

63
3 4 5 9
On pose ζ = ω + ω + ω + ω + ω .
2
a) Démontrer que ζ a pour polynôme minimal X + X + 3. En déduire les valeurs de ζ.
b) En déduire que Q[ζ] est le sous-corps de dimension 2 de R11.
c) Quel est son groupe de Galois ?
11
8) Déduire des résultats précédents que l’équation z – 1 = 0 est résoluble par radicaux.

NB : La résolution par radicaux effective de cette équation est menée dans une étude qu’on trouve
sur internet ; cette étude est assez technique.

5.5. Exemples plus abstraits.


Définition : Soit L une extension du corps K. Des éléments x1, …, xn de L sont dits algébri-
quement indépendants sur K si le morphisme d’évaluation f : K[X1, …, Xn] → L tel que f |K soit
l’inclusion de K dans L et pour tout i f(Xi) = xi, est injectif.

Si x1, …, xn sont algébriquement indépendants sur K , ils sont transcendants sur K.


Exemples :
1) Si L = K(X1, …, Xn) , X1, …, Xn sont algébriquement indépendants sur K.
2) Pour tout entier n, il existe n nombres complexes, et même n nombres réels, algébriquement
indépendants sur Q.
Cela se démontre par récurrence sur n à l’aide d’un argument de cardinalité.
La clôture algébrique Q de Q dans C est dénombrable. Il existe donc un complexe x1 transcendant.
Le corps K1 = Q (x1) est dénombrable, ainsi que sa clôture algébrique K1 .
Il existe donc un complexe x1 n’appartenant pas à K1 , et ainsi de suite.
Remarque : On sait que les constantes e et π sont toutes deux transcendantes, mais on ignore si elles
sont algébriquement indépendantes sur Q. On ignore même si e + π est irrationnel ! En 1996,
Nesterenko a prouvé que π, exp(π) et Γ(1/4) sont algébriquement indépendants sur Q.
Définition : Soient x1, …, xn des éléments de L algébriquement indépendants sur K.
n
L’équation P(X) = ∏(X −x ) = 0
i =1
i est appelée équation générale de degré n sur K.

Théorème : Le groupe de Galois Gal(N : K) d’une equaton générale de degré n est isomorphe à Sn.
Pour n ≥ 5, une équation générale de degré n n’est pas résoluble par radicaux.

6. Un peu de théorie de Galois inverse.

Les problèmes les plus simples de la théorie de Galois inverse sont les suivants :
« Tout groupe fini G est-il le groupe de Galois d’une extension galoisienne du corps Q des nombres
rationnels ? »
« Tout sous-groupe transitif de Sn est-il le groupe de Galois d’un polynôme irréductible de degré n
sur le corps Q ? »
Ces problèmes difficiles sont toujours ouverts, en voici quelques exemples simples.
1) Tout groupe d’ordre 2 est le groupe de Galois d’une extension quadratique de Q, par exemple
Q[ 2 ] ou Q[i].
2) Tout groupe d’ordre 3 est un groupe de Galois. C’est le groupe de Galois du (corps de
3
décomposition du) polynôme P(X) = X − 3X + 1.

64
3) Tout groupe d’ordre 4 est isomorphe, soit au groupe de Klein (Z/2Z)×(Z/2Z), soit au groupe
cyclique Z/4Z.
− Le groupe de Galois de l’extension biquadratique Q[ 2 ][ 3 ] = Q[ 2 + 3 ] est isomorphe au
groupe de Klein (Z/2Z)×(Z/2Z).
− Le groupe de Galois de l’extension cyclotomique Q[ω], où ω est une racine primitive 5-ème de
l’unité dans C, est isomorphe au groupe Z/4Z.
4) Si p1 < … < pn < … est la suite des nombres premiers, Q[ p1 , …, pn ] a pour groupe de
Galois (Z/2Z)×…×(Z/2Z). Par conséquent, tout groupe fini invotutif est un groupe de Galois.
3
5) Le groupe de Galois du (corps de décomposition du) polynôme P(X) = X − X + 1 est isomorphe
3
à S3. Il en est de même de P(X) = X − 2 (cf. Escofier, chap. 8.3., p. 107-111).
4
6) Le groupe de Galois du (corps de décomposition du) polynôme P(X) = X + 2 est isomorphe au
groupe diédral D4, qui est non commutatif à 8 éléments. (cf. Escofier, chap. 8.7. p. 111-115).
7) Le groupe de Galois du (corps de décomposition du) polynôme
8 6 4 2
P(X) = X − 24.X + 144.X − 288.X + 144 ,
qui est aussi le groupe de Galois Gal(Q[ (2+ 2)(3+ 3) ] : Q),
est isomorphe au groupe quaternionien Q8, qui est non commutatif à 8 éléments.
5
8) Le groupe de Galois du (corps de décomposition) du polynôme P(X) = X − 10.X + 5, est
isomorphe à S5, qui a 120 éléments (cf. § 5)
7
9) Le groupe de Galois du (corps de décomposition) du polynôme P(X) = X − 7.X + 3 est le
fameux groupe simple à 168 éléments, que l’on peut voir comme le sous-groupe de S7 engendré par
le cycle s = [1, 2, 3, 4, 5, 6, 7] et la bitransposition t = [1, 2][3, 6], si j’en crois Maple :
> P:=X^7-7*X+3;
P := X 7 − 7 X + 3
> galois(P,X);
"7T5", { "L(7)", "L(3,2)" }, "+", 168 , { "(1 2 3 4 5 6 7)", "(1 2)(3 6)" }

Proposition : Pour tout n ≥ 2, le groupe multiplicatif G(n) = (Z/nZ)* des inversibles de l’anneau
Z/nZ est le groupe de Galois de l’extension cyclotomique Rn = Q[ζ] , où ζ est une racine primitive
n-ème de l’unité dans C.
Théorème : Si G est un groupe abélien fini, il existe une extension galoisienne K de Q ayant un
groupe de Galois isomorphe à G.
r
Preuve : G est isomorphe à un produit de groupes cycliques G ≈ ∏(Z /n Z) , les ni étant distincts ou
i =1
i

non. Or le théorème de la progression arithmétique de Dirichlet assure que, si a et b sont premiers


entre eux, le progression arithmétique (an + b) contient une infinité de nombres premiers. En vertu
de ce théorème, il est possible de choisir, pour tout 1 ≤ i ≤ r, un nombre premier pi tel que pi ≡ 1 (
mod ni ), de telle sorte que les pi soient deux à deux distincts.

et ζ = exp 2iπ . En vertu de la prop précédente, le groupe de Galois


r
Posons alors N = ∏p
i =1
i
N
r r
Gal(Q[ζ] : Q) est isomorphe au groupe G(N) ≈ ∏G(pi ) ≈
i =1
∏Z /((p −1)Z) ..
i =1
i

r
Comme pi – 1 = ki ni , G(N) a pour sous-groupe H = ∏(n Z)/((p −1)Z) .
i =1
i i

65
Si l’on note H’ les sous-groupe de Gal(Q[ζ] : Q) correspondant, le corps fixé K de H’ est une
extension galoisienne de Q H’ étant un sous-groupe distingué de G (et pour cause, G est abélien !),
r
cette extension a pour groupe de Galois G(N)/H = ∏(Z /n Z) ≈ G. CQFD.
i =1
i

Exemple : Soit G = (Z/2Z)×(Z/3Z)×(Z/3Z)×(Z/5Z).


Ici n1 = 2 , n2 = n3 = 3 , n4 = 5. On peut prendre p1 = 3 , p2 = 7 , p3 = 13 , p4 = 11, donc N = 3003.
On sait que G(N) ≈ G(3)×G(7)×G(13)×G(11) ≈ (Z/2Z)×(Z/6Z)×(Z/12Z)×(Z/10Z), et on pose
H = (2Z/2Z)×(3Z/6Z)×(3Z/12Z)×(5Z/10Z).

Exercice : Montrer que les groupes commutatifs à 8 éléments sont des groupes de Galois.
Solution : A isomorphisme près nous avons vu qu’il y a trois groupes commutatifs à 8 éléments
(Z/2Z)×(Z/2Z)×(Z/2Z) , (Z/2Z)×(Z/4Z) et Z/8Z.
• (Z/2Z)×(Z/2Z)×(Z/2Z) est isomorphe au groupe de Galois de Q[ 2 , 3 , 5 ] par exemple.
• (Z/2Z)×(Z/4Z) est isomorphe à G(3)×G(5), donc à G(15). Il est donc isomorphe au groupe de
Galois de Q[exp 2iπ ] = Q[exp 2iπ ,exp 2iπ ], lié au pentédécagone régulier, cher à mon papa.
15 5 3
8
Mais (Z/2Z)×(Z/4Z) est aussi isomorphe au groupe de Galois de X + 1.
• Le groupe G(17) = (Z/17Z)* est cyclique et a 16 éléments. Il est isomorphe au groupe de Galois de
Q[exp 2iπ ], lié à l’heptadécagone cher à Gauss. G(17) admet un sous-groupe G cyclique d’ordre 8,
17
isomorphe à Z/8Z, qui est le groupe de Galois de son corps fixé K. Ce corps est Q[cos 2π ], où :
17
cos 2π = 1 [ −1 + 17 + 34−2 17 + 68+12 17 + 2(−1+ 17) 34−2 17 −16 34+ 2 17 ]
17 16
Maple confirme :
> with(numtheory):with(orthopoly):
> P:=cyclotomic(15,x);galois(P);
P := x 8 − x7 + x 5 − x4 + x 3 − x + 1
"8T2", { "4[x]2" }, "+", 8, { "(1 2 3 8)(4 5 6 7)", "(4 8)(1 5)(2 6)(3 7)" }
> Q:=cyclotomic(16,x);galois(Q);
Q := x8 + 1
"8T2", { "4[x]2" }, "+", 8, { "(1 2 3 8)(4 5 6 7)", "(4 8)(1 5)(2 6)(3 7)" }
> R:=cyclotomic(17,x);galois(R);T:=T(8,x);galois(T);
R := x 16 + x15 + x14 + x 13 + x12 + x 11 + x 10 + x9 + x 8 + x7 + x 6 + x5 + x 4 + x3 + x 2 + x + 1
Error, (in galois) cannot handle polynomials of degree higher than 9

T := 128 x8 − 256 x6 + 160 x 4 − 32 x2 + 1


"8T1", { "C(8)" }, "-", 8, { "(1 2 3 4 5 6 7 8)" }

6. Corps finis.

La théorie des corps finis a été initiée par Evariste Galois ; c’est pourquoi on les nomme parfois
corps de Galois 12. Rappelons que l’on connaît déjà une famille infinie de corps finis : les corps Fp =
Z/pZ, p premier. Ce ne sont pas les seuls. On peut démontrer que tout corps fini est commutatif, de
k k
cardinal p , où p est un nombre premier, et que deux corps de cardinal p sont isomorphes.
Longtemps restés sans applications, ces corps ont trouvé des applications récentes en statistique

12
Notamment dans les pays anglo-saxons, où ils sont notés GFq.

66
(plans d’expérience en agronomie) et aux codes correcteurs d’erreur, illustrant ce constat que les
résultats mathématiques vraiment profonds finissent toujours par trouver des applications.

Problème 1 : théorème de Dickson-Wedderburn (1905)

On se propose de montrer que tout corps fini est commutatif. Soit K un corps fini.
1) a) Montrer que, pour tout x ∈ K, C(x) = { y ∈ K ; x.y = y.x } est un sous-corps de K.
b) Montrer que Z = { y ∈ K ; (∀x ∈ K) x.y = y.x } est un sous-corps commutatif de K.
Il s’agit donc de montrer que K = Z. Soit q = card Z.
2) a) En considérant K comme un Z-espace vectoriel, établir que (∃n ≥ 1) card K = qn .
b) Montrer que (∀x ∈ K) (∃νx ∈ N*) νx | n et card C(x) = qνx .
c) Établir que x ∈ Z ⇔ νx = n et x ∉ Z ⇒ C(x) ≠ Z ⇒ νx > 1.
3) a) Montrer que (t, x) ∈ K*×K* → t T x = t.x.t−1 est une action du groupe multiplicatif K* sur
l’ensemble sous-jacent.
q n −1
b) En considérant l’application t → t T x , montrer que l’orbite de x a éléments.
qν x −1
q n −1
c) Déduire de ceci que si n > 1 on a : (F) qn − 1 = q − 1 + ∑i ,
qνi −1
(νi) étant une famille de diviseurs stricts de n ( νi < n ), non nécessairement tous distincts.
On se propose dans la suite de montrer l’impossibilité arithmétique de cette relation.
2ipπ
4) Pour tout entier n > 0, on sait que les racines n-èmes de l’unité, ωp = exp (0 ≤ p ≤ n−1)
n
forment un sous-groupe multiplicatif de C*, cyclique d’ordre n. On nomme primitives celles de ces
racines qui sont d’ordre n dans ce groupe, et Πn leur ensemble.
2ipπ
a) Montrer que les racines primitives n-èmes sont les ωp = exp ( p ∧ n = 1 ).
n
b) On note Φn(X) = ∏(X −ζ) ∈ C[X] le polynôme cyclotomique d’indice n.
ζ ∈Π n

Montrer que Xn − 1 = ∏Φ (X) , le produit étant étendu aux diviseurs > 0 de n, y compris 1 et n.
dn
d

Que donne l’égalité des degrés ?


c) En déduire une méthode de calcul récurrent de Φn. Calculer Φ12, Φ15, Φp, Φp^k (p premier).
d) Montrer que Φn(X) ∈ Z[X] .

5) Montrer que pour tous entiers n ≥ 2 et q ≥ 2, Φn(q) est un entier, supérieur à q − 1, et divisant
q n −1
qn − 1 et . En déduire l’impossiblité arithmétique de la formule (F).
qνi −1

Problème 2 : factorisation dans F2[X]

Soit K le corps Z/2Z. On se propose d’étudier et d’implanter un algorithme, dû à Berlekamp


(1967), de décomposition d’un élément f ∈ K[X] en facteurs irréductibles.
1) a) Ecrire une procédure qui effectue la division euclidienne de deux polynômes de K[X].
b) Ecrire une procédure qui calcule le pgcd de deux polynômes de K[X].

67
105 72
c) Exemple : calculer pgcd (X +1,X + X + 1).

2) Montrer que K[X] est dénombrable. Plus précisément, montrer qu’existe une bijection n → Pn
de N sur K[X] telle que deg Pm < deg Pn ⇒ m < n. En déduire une méthode pour reconnaître
l’irréductibilité d’un polynôme, et pour le factoriser.
2 2 2
3) a) Montrer que ∀f ∈ K[X] f(X) = f(X ) ; étudier l’application f → f de K[X] dans lui-même.
b) Montrer que f est un carré dans K[X] si et seulement si f’ = 0.
4) a) Soit f ∈ K[X] un polynôme non nul. Montrer qu’il est produit de facteurs irréductibles
distincts si et seulement si pgcd(f , f’) = 1. On dit alors que f est séparable, ou sans carré.
2
b) Montrer que tout f ∈ K[X] non constant s’écrit de façon unique f = g .h, où h est sans carré.
2
Montrer que g = pgcd(f , f’).
c) Ecrire une procédure calculant g et h à partir de f.
17 14 13 12 11 10 9 8 7 5 4
d) Exemple : f = X +X +X +X +X +X + X + X + X +X + X + X + 1.
5) Soit f un polynôme de degré d, A(f) l’algèbre quotient K[X]/(f).
2
a) Montrer que τ : h → h est un endomorphisme d’algèbre de A(f).
b) Montrer que B(f) = Ker(τ − Id) est une sous-algèbre de A(f) (sous-algèbre de Berlekamp).
d−1
c) Ecrire une procédure qui affiche la matrice de τ dans la base ( 1 , X , … , X ) de A(f), et
qui calcule dim B(f).
6) a) Calculer dim B(f) lorsque f est irréductible ou puissance d’irréductible.
b) Si f et g sont premiers entre eux, montrer que les algèbres B(f.g) et B(f)×B(g) sont iso-
morphes.
c) En déduire dim B(f) = s, où s est le nombre de facteurs irréductibles distincts de f.
7) Test d’irréductibilité de Berlekamp.
a) Soit f ∈ K[X]. Montrer que f est irréductible si et seulement si f est sans carré et dim B(f) = 1.
b) Ecrire une procédure qui teste l’irréductibilité de f ∈ K[X].
7
c) Exemple : f = X + X + 1.
8) a) Soit f ∈ K[X] non constant sans carré et réductible. Montrer qu’il existe h ∈ B(f) tel que h
≠ 0 et 1 , et qu’alors f = pgcd( f, h).pgcd( f, h − 1). Que dire de ces deux polynômes ?
b) Déduire des résultats précédents un algorithme de décomposition de f en facteurs
irréductibles.
8 2 16
c) Exemples : f = X + X + 1 , f = 1 + X + X + … + X .

Remarque : l’algorithme de Berlekamp s’étend aux corps Fp.

Exercice 3 : Le corps à 4 éléments.

1) S’il existe un corps K à 4 éléments { 0, 1, a, b }, quelles sont ses tables ?


2) Quels sont les trinômes de F2[X] ? lesquels sont irréductibles ?
3) En déduire l’existence et l’unicité d’un corps à 4 éléments.
2
4) On prend (1, a) comme F2-base de K. Matrice de l’endomorphisme σ : x → x .
2
En déduire comment résoudre une équation du second degré α.x + β.x + γ = 0 dans K.

68
5) Montrer que E = { ba ab+b ; (a, b) ∈ Z/2Z×Z/2Z } est un sous-anneau de M2(Z/2Z), et un
 
corps. Liens entre E et K ?

Exercice 4 : Le corps à 8 éléments.

1) Montrer qu’il y a 2 polynômes irréductibles de degré 3 dans F2[X], à savoir :


3 3 2
P=X +X+1 et Q = X + X + 1.
2) On considère l’anneau quotient K = F2[X]/(P), et a = X .
2
a) Montrer que K est un corps commutatif à 8 éléments, et une F2–algèbre de base ( 1, a, a ).
Table de multiplication ?
b) Vérifier que le groupe multiplicatif K* est cyclique. Quelle est la table d’addition de K, si
2 3 4 5 6
l’on note les éléments de K = { 0, 1, a, a , a , a , a , a } ?
2
c) Montrer que σ : x → x est un automorphisme du corps K. Montrer que le groupe des
2
automorphismes de K (qui est aussi Gal(K : F2)) est cyclique et a 3 éléments { id, σ, σ }.
6 5 4 3 2 8
d) Montrer que P est scindé dans K[X], ainsi que Q, Φ = X + X + X + X + X + 1 et X –
X.. En déduire que le corps L = F2[X]/(Q) est isomorphe à K.
2 3 3
3) On considère dans K la quartique de Klein, d’équation x y + y + x = 0. Démontrer qu’elle
admet 24 points.
a c b  3
4) Démontrer que E = { b a+c b+c ; (a, b, c) ∈ (Z/2Z) } est un sous-anneau de M3(Z/2Z), et
c b a+c
un corps. Liens entre E et K ?

La figure ci-dessous visualise les 7 éléments du corps à 8 éléments privé de 0 (plan de Fano). Ces 7
éléments forment un groupe cyclique.

Solution partielle

1) Tables de K.
Les calculs ci-dessous sont conduits élémentairement, sans l’aide du package GF.
> with(linalg):
> P:=X^3+X+1 mod 2;alias(a=RootOf(P));Factor(P) mod 2;Factor(P,a) mod 2;
P := X 3 + X + 1
a
X +X+1
3

69
( X + a2 ) ( X + a ) ( X + a2 + a )
> F:=proc(i) if i=2 then 0 else a^(i-3);fi;end;
S:=proc(i,j) if i=1 and j=1 then `+` elif i=1 then F(j) elif j=1 then F(i)
else evala(F(i)+F(j)) mod 2;fi;end;
> M:=proc(i,j) if i=1 and j=1 then `*` elif i=1 then F(j) elif j=1 then
F(i) else evala(F(i)*F(j)) mod 2;fi;end;
> Somme:=matrix(9,9,(i,j)->S(i,j));Produit:=matrix(9,9,(i,j)->M(i,j));
2 3 4 5 6
+ , 0 , 1 , a , a , a , a , a , a 
 
0 , 0 , 1 , a , a 2 , 1 + a , a + a 2 , a 2 + 1 + a , 1 + a 2
 
 
1 , 1 , 0 , 1 + a , 1 + a 2 , a , a 2 + 1 + a , a + a 2 , a 2
 
 
a , a , 1 + a , 0 , a + a 2 , 1 , a 2 , 1 + a 2 , a 2 + 1 + a
 
 
Somme := a , a , 1 + a , a + a , 0 , a + 1 + a , a , 1 + a , 1
 2 2 2 2 2
 
 3 
a , 1 + a , a , 1 , a 2 + 1 + a , 0 , 1 + a 2 , a 2 , a + a 2
 
 4 
a , a + a 2 , a 2 + 1 + a , a 2 , a , 1 + a 2 , 0 , 1 , 1 + a
 
 5 2 
a , a + 1 + a , a + a 2 , 1 + a 2 , 1 + a , a 2 , 1 , 0 , a
 
 6 
a , 1 + a , a , a + 1 + a , 1 , a + a , 1 + a , a , 0
2 2 2 2

2 3 4 5 6
* , 0 , 1 , a , a , a , a , a , a 
 
0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0 , 0
 
 
1 , 0 , 1 , a , a 2 , 1 + a , a + a 2 , a 2 + 1 + a , 1 + a 2
 
 
a , 0 , a , a 2 , 1 + a , a + a 2 , a 2 + 1 + a , 1 + a 2 , 1
 
 2 
Produit := a , 0 , a , 1 + a , a + a , a + 1 + a , 1 + a , 1 , a
 2 2 2 2
 3 
a , 0 , 1 + a , a + a 2 , a 2 + 1 + a , 1 + a 2 , 1 , a , a 2
 
 4 
a , 0 , a + a 2 , a 2 + 1 + a , 1 + a 2 , 1 , a , a 2 , 1 + a
 
 
a 5 , 0 , a 2 + 1 + a , 1 + a 2 , 1 , a , a 2 , 1 + a , a + a 2
 
 
a 6 , 0 , 1 + a 2 , 1 , a , a 2 , 1 + a , a + a 2 , a 2 + 1 + a
 
2 4 2 4
P a pour racines a, a et a ; comme Q = P(X + 1) = P, Q a pour racines 1 + a, 1 + a et 1 + a , c’est-
3 5 6 2 6
à-dire a , a et a . Φ = P.Q est scindé et a pour racines a, a , … , a .
8
Enfin X – X = X.( X – 1 ).Φ a pour racines tous les éléments de K.
3) Résolvons la question en la précisant.
2 2 4 2
Le polynôme P est scindé dans K[X] ; il a pour racines a , a = σ(a) et a + a = a = σ (a).
3 3
(c’est logique : σ est un automoprhisme de K). Ainsi, pour y = 1, x y + y + x = 0 a trois solutions.
3 3 3
Pour y ≠ 0, cherchons les solutions de x y + y + x = 0 sous la forme x = y t.
10 3 3 3 7 3
L’équation s’écrit y t + y + y t = 0, c’est-à-dire y t + 1 + t = 0, ou encore (petit théorème de
3 3 3 3 3 2 3 4
Fermat) t + 1 + t = 0. Ainsi l’équation x y + y + x = 0 a 3 solutions x = y .a , y .a et y .a .
Enfin, lorsque y = 0, x = 0.
2 3 3
Conclusion : Dans le plan K , qui possède 64 points, la quartique de Klein x y + y + x = 0 possède
exactement 22 points.
Ce que confirme Maple (calculs ci-dessous). Ainsi, l’énoncé est faux ! Nous allons le rendre juste en
passant dans le plan projectif P2(K) et en considérant la quartique de Klein projective d’équation
3 3 3
homogène x y + y z + z x = 0.
3
Le plan projectif P2(K) est le nombre de droites vectorielles de K : il a 73 points.

70
3
La quartique de Klein est un cône dans K . Soit z = 0 et alors x = 0 ou y = 0 : on obtient les points
de corrdonnées projectives (1, 0, 1) et (0, 1, 0). Soit z = 1 et alors on tombe sur les 22 points de la
3 3
quartique affine x y + y + x = 0.

Conclusion : Dans le plan projectif P2(K), qui contient 73 points, la quartique de Klein projective,
3 3 3
d’équation x y + y z + z x = 0 contient 24 points.

> P:=X^3+X+1 mod 2;


P := X 3 + X + 1
> alias(a=RootOf(P));
a
> Factor(P,a) mod 2;L:=Roots(P,a) mod 2;seq(op(1,L[k]),k=1..nops(L));
( X + a2 ) ( X + a2 + a ) ( X + a )
L := [ [ a, 1 ], [ a 2, 1 ], [ a 2 + a, 1 ] ]
a, a 2, a 2 + a
> for k from 0 to 6 do L:=Roots(a^k*X^3+X+a^(3*k),a) mod 2:
seq([op(1,L[p]),a^k],p=1..nops(L));od;
[ a, 1 ], [ a 2, 1 ], [ a 2 + a, 1 ]
[ 1, a ], [ a 2 + a + 1, a ], [ a 2 + a, a ]
[ 1, a 2 ], [ a, a 2 ], [ a + 1, a 2 ]
[ a 2 + 1, a 3 ], [ a 2 + a, a 3 ], [ a + 1, a 3 ]
[ 1, a 4 ], [ a 2 + 1, a 4 ], [ a 2, a 4 ]
[ a 2, a 5 ], [ a 2 + a + 1, a 5 ], [ a + 1, a 5 ]
[ a, a 6 ], [ a 2 + 1, a 6 ], [ a 2 + a + 1, a 6 ]

Problème 5 : Existence et unicité des corps finis.

1) Soit K un corps fini commutatif à q éléments. En considérant la caractéristique de K, montrer


n
que q = p , où p est un nombre premier et n un entier ≥ 1.
n
2) Soit p un nombre premier, q = p , n ≥ 1. Soit K un corps de décomposition du polynôme
q
X − X ∈ Fp[X]. Montrer que K a q éléments.
n
3) Soit L un corps fini commutatif à q = p , n ≥ 1 éléments. Montrer que L est un corps de
q
décomposition du polynôme X − X ∈ Fp[X]. En déduire que L et K sont isomorphes.

Exercice 6 : Corps finis et carrés latins.

On appelle carré latin d’ordre n une matrice A = (aij) dont les éléments sont 1, 2, …, n, et dans
laquelle chaque entier k ∈ [1, n] apparaît une et une seule fois dans chaque ligne et chaque colonne.
1) Quels sont les carrés latins d’ordre 2 ? d’ordre 3 ? Montrer que, pour tout n, il existe au moins
un carré latin d’ordre n.
2) Soit A = (aij) un carré latin d’ordre n. Montrer que (i, j) → aij est une loi interne sur [1, n] pour
laquelle tout élément est simplifiable. Réciproque.
2
3) Deux carrés latins d’ordre n, A = (aij) et B = (bij), sont dits orthogonaux si les n couples (aij,
bij), où 1≤ i, j ≤ n, sont distincts.
r
On suppose que n est ≥ 3, et de la forme n = p , p premier, r ≥ 1. Soit Fn le corps fini à n éléments.

71
On range ses éléments en une suite x0 = 0, x1, …, xn−1, et, pour tout k ∈ [1, n−1], on note Ak la
matrice Ak = ( aij(k) ) ∈ Mn(Fn) , où aij(k) = xk.xi+1 + xj+1 .
Montrer que A1, A2, …, An−1 sont des carrés latins orthogonaux deux à deux.13

Le problème ci-dessous présente la théorie des corps finis de manière synthétique, en introduisant
un sur-corps de Fp, qui joue par rapport à lui le même rôle que le corps A des nombres algébriques
par rapport au corps Q des rationnels.

Exercice 7

1) Soit (xn) la suite définie par x0 = 4 , x1 = x2 = 0 , x3 = 3 , xn+4 = xn+1 + xn (∀n ≥ 0).


Montrer que, pour tout p premier, p divise xp. ( Oral X, 2004 )
p
2) Plus généralement, soit A ∈ Mn(Z) de trace nulle. Montrer que tout premier p divise tr A .

Problème 8 : Corps finis

Pour tout nombre premier p, on note Fp le corps Z/pZ.


On admet dans ce problème l’existence d’un corps commutatif Ωp, vérifiant les trois axiomes :
(ST I) Fp est un sous-corps de Ωp ;
(ST II) Ωp est algébriquement clos, i.e. tout polynôme non constant P ∈ Ωp[X] est scindé ;
(ST III) Tout élément de Ωp est algébrique sur Fp , i.e. (∀x ∈ Ωp) ∃P ∈ Fp[X]−{0} P(x) = 0.

On notera que Ωp est muni d’une structure de Fp–espace vectoriel par restriction à Fp×Ω
Ωp de la
multiplication Ωp×Ω
Ωp → Ωp .

1) a) Construire une bijection naturelle N → Fp[X] fondée sur l’écriture d’un entier n en base p.
b) Montrer que l’ensemble Ωp est infini dénombrable.
2) Automorphisme de Frobenius.
a) Vérifier que (∀x ∈ Ωp) p.x = 0.
p
b) Montrer que σ : x → x est un automorphisme de corps de Ωp.
p
c) Montrer que Fp = { x ∈ Ωp ; x = x } ; en déduire que σ est un automorphisme du Fp–espace
vectoriel Ωp.

3) Sous-corps finis de Ωp.


p^n n
a) Montrer que pour tout n ≥ 1, { x ∈ Ωp ; x = x } est un sous-corps de Ωp, de cardinal p .
On le note Fp n . Quelle est la dimension de Fp n en tant que Fp–espace vectoriel ?
b) Soit K un sous-corps fini de Ωp. Montrer que Fp ⊂ K et que card K est une puissance de p.
Montrer enfin que K est l’un des Fp n .
c) Soient d et n ≥ 1. Montrer Fp d ⊂ Fp n ⇔ d | n. Pour n et m ≥ 1, reconnaître Fp n ∩ Fp m .

4) Polynômes minimaux et degrés.

13
Gaston Tarry a démontré en 1900 qu’il n’existe pas deux carrés latins d’ordre 6 orthogonaux. On a montré en
1959 que 2 et 6 sont les seuls entiers pour lesquels on ne peut trouver deux carrés latins orthogonaux d’ordre n.

72
Pour tout x ∈ Ωp, soit Mx(X) ∈ Fp[X]−{0} le polynôme unitaire de plus bas degré tel que
Mx(x) = 0, et d(x) son degré. Montrer que x ∈ Fp d(x) . En déduire que Ωp = Fp n . U
n ≥1

5) Eléments primitifs.
a) Majorer card U Fp d ; en déduire que l’inclusion U Fp d ⊂ Fp n est stricte.
d n, d < n d n, d < n
2 n−1
b) Soit x ∈ Ωp. Montrer que d(x) = n ⇔ x ∈ Fp n − U Fp d . Etablir qu’alors (1, x, x , …, x )
d n, d < n

est une Fp–base de Fp n .


c) Montrer que pour tout n ≥ 1, il existe au moins un polynôme de degré n irréductible dans
Fp[X].

6) Etude théorique du corps Fp n .


n
a) Montrer que le groupe additif ( Fp n , +) est isomorphe au groupe additif (Fp, +) , et que tout
r
sous-groupe additif de ( Fp n , +) est isomorphe à un groupe additif (Fp, +) , pour 0 ≤ r ≤ n.
r

∏ pα
n
b) Soient q = p , q−1 = i
i
la factorisation de q−1. Montrer que dans le groupe multiplicatif
i =1

Fp n * il y a au moins un élément x1 dont l’ordre est multiple de p1α1 (raisonner par absurde).
En déduire que Fp n * est cyclique.

7) Calculs dans Fp n .
On choisit un polynôme irréductible unitaire P de degré n, et une racine α de P dans Ωp.
n
a) On identifie les p éléments de Fp n aux polynômes de Fp[X] de degré < n, numérotés dans
2 2
l’ordre lexicographique : 0, 1, …, p − 1, α, α + 1, …, α + p − 1, α , α + 1, etc..
Indiquer comment calculer les tables d’addition et de multiplication.
p n −2
b) On numérote les éléments de Fp n dans l’ordre des puissances de α : 0, 1, α, α , … , α
2
.
Indiquer les tables d’addition et de multiplication, ainsi qu’une méthode de passage de cette table
à la précédente.
p
c) Soient a et b deux éléments de Fp n . Montrer que l’équation polynomiale x + a.x + b = 0 est
linéaire. Indiquer comment la résoudre.
8) Groupe de Galois de Fp n .
a) Montrer que σ( Fp n ) = Fp n ; on note σn l’automorphisme du corps Fp n induit par σ.

b) Soit Γn le groupe des automorphismes de corps de Fp n . Montrer que Γn est un sous-groupe du


groupe linéaire de Fp n considéré comme Fp–espace vectoriel, qu’il est cyclique, et engendré par σn.
c) Si γ ∈ Γn , on note < γ > le sous-groupe de Γ qu’il engendre. Montrer que si d | n, { ϕ ∈ Γn ;
d
(∀x ∈ Fp d ) ϕ(x) = x } = < σn > , et en déduire une bijection entre les sous-corps de Fp n et les sous-
groupes de Γn.
N.B. : Les corps finis sont préprogrammés dans Maple : c’est le package GF.

73
Exercice 9 : corps parfaits

On nomme corps parfait tout corps K de caractéristique nulle, ou de caractérstique p > 0 et tel que
p
l’endomorphisme de Frobenius σ : x → x soit bijectif.
1) Exemples :
a) Démontrer que tout corps premier est parfait.
b) Démontrer que tout corps fini est parfait.
c) Démontrer que tout corps algébriquement clos est parfait.
2) Contre-exemple. Soit K un corps de caractéristique p > 0. Démontrer qu’il n’existe pas de
p
fraction rationnelle F(X) ∈ K(X) telle que F(X) = X. En déduire que le corps K(X) n’est pas
parfait.
Mon ancienne élève Lara Thomas, que je salue, et qui est une jeune femme très sérieuse, est
spécialiste de l’accouplement de deux corps parfaits (à l’aide des vecteurs de Witt et de l’application
d’Artin-Schreier, bien entendu !). Pour compléter le tableau, elle apprend à ses élèves à danser ! Que
mes élèves aient dépassé leur maître, non seulement en théorie de Galois, mais en accouplement,
voilà qui me réjouit. Et que les élèves de mes élèves dansent la théorie de Galois, alors là, alors là…
_____________

Bibliographie

Evariste Galois : Œuvres mathématiques (Gabay)


Œuvres mathématiques de Galois (Gauthier-Villars, R. Bourgne & J.-P. Azra)
Nicolas Bourbaki : Algèbre, chap. V (Hermann, Masson)
Renée & Adrien Douady : Algèbres et théorie galoisienne (Cedic Nathan, Cassini)
Ian Stewart : Galois theory (Chapman & Hall)
Jean-Pierre Escofier : Théorie de Galois (Dunod)
Jean-Claude Carrega : Théorie des corps, Règle et compas (Hermann)
Jean-Marie Arnaudiès & José Bertin : Groupes, algèbres et géométrie (Ellipses)
Jean-Marie Arnaudiès & Pierre Delezoïde : Constructions géométriques (APM, bulletins n° 446
et 447)
Alexandre Grothendieck : Récoltes et semailles (Tel, Gallimard, 2022)
La Longue marche à travers la théorie de Galois (internet)
Douglas Hofstadter : Une introduction en mots artistiques aux découvertes d’Evariste Galois,
mathématicien mozartistique (2007) (internet)
RMS octobre 2011 : articles de Amine Marrakchi, Romain Krust, Nicolas Tosel
Problèmes de concours : ENSET 1971, ENS Saint-Cloud 1977, ZNS Lyon 1989.
Pour la science : Les mathématiciens (janvier 1994)
Les génies de la science : Evariste Galois (Norbert Verdier, février 2003)
Encyclopedia universalis : Equations algébriques, Corps,
Tartaglia, Cardan, Ferrari, Lagrange, Galois, Abel, Hilbert, Artin.
Wikipedia : théorie de Galois inverse, etc.
___________

74
Georges Mathieu (1921-2012) : Théorie des groupes

75

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