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164 - DE LA PHENOMENOLOGTE potentiellement, parce que je peux déployer les pouvoirs qui me donnent accés & lui, parce que les chemins qui ménent au monde sont prétracés en ‘moi et que je peux les parcourir quand je le veux. Toucher les choses, je le puis 8 touc moment, ce pouvoir ne fait gu’aa avec moi et ainsi ensemble des choses qui composent le monde mest accessible pat principe pour autant que je porte en moi ce pouvoir d’y accéder et coincide avec kul La réflexion sur le toucher nous conduit ainsi a un enchainement de problémes du plus haut intérét et de le plus grande difficulté, et cela dés que nous cessons de considéser naivement le toucher comme un comportement objectif prenant naturellement place patmi les phénomeé- nes du monde, Saisi dans sa subjectivité et ainsi comme une possibilité intérieure qui habite notte corps originel lui-méme subjectif, le toucher tenvoie @ une constellation de phénoménes fondamentaux qui nous concernentau plus profond de notre étre, aussi bien dans notre rapport 8 ‘nous-méme que dans notte relation au monde ou aux autres, Crest ce tres vaste champ de recherche que notre colloque a pour tiche @lucider. 1x INCARNATION* Incarnation désigne en premier lieu la condition dun étre possédant ‘un corps ou, comme dit plus précisément le mot, une chair. Corps ou chair, est-ce donc une méme chose ? Comme toute question fondamen- tale, cele du corps — ou de la chait — renvoie & un fondement phénomé- nologique 4 partir duquel seulement elle peut étre dlucidée. Par fon- dement phénoménologique il convient dentendre Vapparaitte pur présupposé en tout ce qui nous apparatt. C'est cet apparaitre pur qui doit apparaitre d’abord si quoi que ce soit est susceptible d'appazaitre & son tour, de se montrer & nous. La phénoménologie n’est pas la w science des phénoménes » mais de leur essence, de ce qui permet chaque fois 4 un phénoméne d’étre un phénoméne. Science non pas des phénom ‘mais de leur phénoménalité pure considérée en tant que tele, bref de'cet apparaitre dont nous partons. D'autres mots sont susceptibles d’exprimer ce théme propre a la phénoménologie qui la distingue de toutes les autres sciences : monstration, dévoilement, manifestation pure, révélation pure, ‘ow encore, pris dans son sens absolument originel, vérit intérét observer que ces mots clés de la phénoménologie sont & bien des égards ceux de la religion et ainsi de la théologie, Texte ind. 166 : DE LA PHENOMENOLOGIE existe deux modes fondamentaux de Papparattre — deux modes dif. férents et décisifS scion lesquels se phénoménalise la phénoménalité Papparaitre du\ynonde et celui dela vie a) Dans le monde, toute oe Foe A nous hors de nous, comme / extérieuse Jong, comme autre, comme différente. Ces propriétés de la chose ~ de étant — ne tiennent pas a la chose elle-méme, C’est unique- ‘ment parce quelle se montre dans le monde quelle se présente & nous sous cet aspect. C'est paice que le monde compris dans son apparattre pur consiste dans une extétiorité primordiale, dans le « hors-de-soi » en tant que tel, que tout ce gui se montre en lui se trouve d'ores et déja jeté dehors, s¢ donnant devant nous hors de nous, a titre d’ «objet » ou ice». Cette chose qui ne doit qu’a Papparaitre du monde de nous patatre commie extricate, aver toutes les proprités gui decaulent de cette extériotité, Cest notamment le corps_ct, pat conséquent, notre propre compe, Qulgue chose comma un sore net pombe ne daca oe “monde: tout comp est un «comps extntur. Le monde, conse dle fagon naive commie la somme des choses ou des étants, le mode de leur apparaitze, de cet horizon té pure que Heideg- get appelle aussi une « Ek-stase». De telle fagon que Cest la venue au- dehors de ce Dehors qui pro-duit espace de lumiére en lequel devient visible pour nous tout ce que nous sommes capables de voir, quil s'agisse une vision sensible ou intelligible lumine dans Louverture de cet horizon d’ 2) Dans la vie, la différence entre Papparattre et ce 4 quoi il donne apparaitte, entre la phénoménalté pure et le phénoiméhe, Exe Pas La condition pour que’se produise cette identificationjinsolite de la ‘phé- noménalité et da phénoméne, c'est que la vie soit ehtendue dans son sens propre, non plus comme une «chose», Cest-i-dire, selon Ia hio- Jogie modeme, comme un ensemble de processus maté mais précisément comme phéaoménologique de part en ps phéno- INCARNATION 167 ‘ménalité pure et, bien plus, comme le mode Je plus otiginaite selon lequel_celle-ci_se_phénoménalise, rendant toute autre forme de phénoménalité possible. Seulement, bien quill le fondc, le mode de phé- noménalisation de la vie différe fondamentalement de celui du monde. Afin d'écarter toute équivoque, nous le désignerons sous le titre de s€vélation. ‘Voici comment la révélation propre la vie s’oppose trait pour trait Vapparaitre du monde. Alors que ce demicr dévoile dans le «hors-de soi», en sorte que tout ce quil dévoile est extérieu, le trait décisif de Ja ‘€vélation de la vie est que celle-i, qui ne porte en elle aucun écart et ne diffese jamais de soi, ne révéle jamais qu‘elle-méme, La vie xe rate Lavie Q) est une autorévélation. Dune esta vie qui accomplit Feuvse dela 4) révélation, elle es revile ne font qu'un, ie Cotte situation extraordinaire se rencontze partout od il y a vie, dang sa modalité la plus simple : impression. Considérons une impr dguleur, Parce que, dans Tappréhension ordinaite, une do abord prise pout une «douleur physique, référée a une corps.objectif (mal de téte, de dos, d’estomac, etc), pratiquons sur elle la réduction qui ne retient delle que son caractése impressionnel put, le «cdouloureux comme tel », "élément purement affectif de souffeance ea lequel if consists. Cette souffrance pure «se révéle elle-méme », cc veut dire que Ja s dh savoir ce qu'et la sonfirance autre part, qué ce qui est r€vélé dans cette révélation qui est le fait de la soufftance, cest elle-méme. Quien cette autorévlat jors-de-soin du monde soit absent, on le reconnal écaxt ne sépare la souffrance delle-méme et que, accul sous son propre | est incapable de $01 ur congue recul, une dimension de fuite a la faveur de laquelle il ui ait possible @'échapper & soi et ce que son étre a doppreseant. En bsence de toute mise a distance de la soulfrance, c'est la possibilité de iger sus elle un regard qui est exclue, Personne n’a jamais vu sa souf- france, sit ou sa joie. La douleur, mais cela vaut de toute impres- sion, chat) yeni kn 168 DE LA PHENOMENOLOGIE donc tien de négatif, ien qui doive étre pensé & partie silté duu monde et de fagon purement privative, s'l lui est totale Eng signe le OW primi ee posit pression sprouve dans une pase insutmontbie ainsi telle qu’elle est, dans cette immédiation impression= de sa séalité, Seulement ce n’est Jamals elle-méme et force propre quiune impression particuliére se révéle de Ia sorte. C'est seulement dans ne de maniére & tte ce qu’elle est. C'est la taison pour auto-révélation en laquelle chaque impression s'éprouve passivement clle-iigme alest le propre d'aucune impression pasiculiére i toutes : toutes nos Tmipressions qui ne sont a vral dire :s changeantes Pune seule et méme vie, ‘impressionnelle toujours changerate, c'est notrelchais. Cac notre chair n'est ien Cautee que tla gui sult, se sitet ep Porta soi-mime ef ainsi fount so-mime et jouieant de ci slo des impressions ans cesse_renaisiantes, avest cependant possible, comme chacune des impressions qui la composent, que dans la vie ~ une vie dont Punité en son autorévélation immanente cst identiquement celle de toutes ces impressions, faisant précisément d’elles une seule et méme chair. Cest done selon la radicalité d’un dualisme phéomenologiaue origi naire que corps et chait’s/opposent : le premier, le comps, dépoutva en lui- e du pouvoir de Tendre manifeste,astreint a demander sa manifesta- s-de-soi du monde et se trouvant ainsi phénomGnologique- YT fue GE Corps mondain — les formes intutives de ‘temps, les catégories représentatives sous es is que des modes du procés i lequel il se phénoménalise. La secoiade, ti chair, ans le procés d’autosévélation de la elle uniquement. Dans le monde, tout Tadyient jamais ailleurs ni autrement que dans la vie. Avant d oger plus avant sur les propriétés phénoménologiques que la chait regoit de sa venue dans la vie, il convient Panalyser britvement les rap- INCARNATION 169 ports du corps et de Ia chair du point de vue phénoménologique, cest-i- dire de demander /agulle de cer dese raltis et la plus issentille ence sens qu'elle ‘mibage notre acts 3 Pantre, - ‘Monde, Te corps apparait, d'une pa Gtendu, pousvu de formes et de figures, soffrant connaissance géométrique. Or un corps mondain du tenant son extétiorité du hors mime un comps ala prise une t pas seulement un, -soi du monde, c'est un Comps sensible. Il a unc textute impressionnnelle ~ il est rouge, sombre, sonore, dovloureux, nauiséabond ~ qui ne s‘explique mullement par la seule extériosité Selon Vanalyse essentielle de Gallée, reprise par Descat tes dans la fameuse analyse du morceau de cire de la Staonde Midiaton, le comps étendu n’est en soi ni coloré, ni sonore, ni odorant, ni agréable ou désagréable, ni beau al aid. Sa strate sensibie, axiologiqic, affective lui vient dailleuts que de sa structure ele-statique. Dés lors siimpose cette évidence, ‘Tout corps sensible — senti, va, entend, touch ou mé — présuppose autre comps qu le ent, qu le voit, qui le touche, qui le nieut, autant d'opérations din second corps qui constitue le premier et le rend possible ~ un comps transcendaatal done et constituant, un coups-sujet ou «subjectify sans lequel le pre- mies, coxps-objet-du-monde, ne serait pas. C'est & propos de ce corps transcendantal, principe et non plus objet de notse expérience, que se Pose maintenant [a question: de quel mode d’apparaitee reléve-t-l en dernier liew? Dans la phénoménologie contemporaine, chez Husserl et chez Mes leau-Ponty notamment, la nature duu corps transcendantal se découpe encore sur ’horizon du monde ct lui reste secrétement subotdonnée. Ce corpsine se réduit bjet d'une perception, Iui qui en devient Hr contraire eI t comporél qui s'est substitué "eaeadément dela pensée classique. Aussi longtemps toutefois que le corps transcendantal est interprété comme un corps intentionnel qui, nous jette au monde, comme un faire-voir dont la phénoménalité surgit aves Venue w-dehors du Dehors, alots ren n’est change & la concep- tion traditionnelle de la phénoménalité non plus qu’a celle du Corps qui

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