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DE LA PHENOMENOLOGIE 1./ En ce qui concemne le rapport de lego a Tui-méme qu'l est inexta tique et pathétique, cest-i-dite qu’en lui le vivre est ommniréel, a la fois intact et global et, a cette condition 18 seulement, possible comme un vivre, Inextatique veut dire notamment que lego vivant ne se rapporte jamais 4 lui-méme dans un souvenir ou dans Foubli ~ mais seulement dans cet Oubli absola qui signifie Pimpossibilité principielle de tout sou- veni, FImmémorial. La mémoite a’est pas une catégorie de Pipséité. ego vivant n'a ni passé ni avenie ni présent. 2./ Bn ce qui concerne le rapport de lego a la vie qui est notre ultime ‘question, ce rapport est inscrit dans Vego lui-méme pour autant qu'il ne se rapport & soi, en tant que ce Soi singulier, que dans le rapport 4 soi de la vie absolue. Cest ce « dans » qui est le probleme, qui est la naissance. Ce «dans » est fourni pat le rapport 4 soi de la vie absolue puisque Cest elle ‘qui, se joignant a soi, joint Pego a lui-méme et, du méme coup, le joint & elle puisqu'l ne se joint a soi qu’en tant qu'elle se joint & elle-méme, Ce rappott a soi, comme tapport a la vie, comme rapport de la vie A elle- méme, puisant son essence en celle-ci, est donc & la fois inextatique et pathétique. « Dans » la vie lego ne se rapporte & aucun avant extatique mais c'est pathétiquement et de cette fagon seulement que cet ego se rap- port A ’Avant de la vie, Das lors ce pathos se trouve déterminé. Crest le Pathos de ce qui, s'éprouvant soi-méme, éprouve Pépreuve de soi de la vie absolue, de telle fagon que sa passivité radicale a Pégard de soi est sa pas sivité radicale a Pégard de la vie, la passivité radicale de la vie & Pégard de soi devenue, dans son ipséisation et dans la singulasité de celle-ci, la passi- vité de Vego a légard de lui-méme. Ce mode de passivité este tat le plus constant de toute vie issue d'une naissance, d'une vie telle que la notre, La condition de Lego est le pathos de sa présupposition. La vie de lego transcendantal est la phénoménologie de sa naissance. vir SOUFFRANCE ET VIB* Nous voulons parler de la vie et de la souffrance qui Iui est pro ‘mais nous devons préciser d'abord le moment de Phistoire dod s’élévera notre questionnement, Ce ne sera plus a la maniére des Grecs, dans une bio-logie. Un discours grec, un logos concernant le bios, état un dis- cours qui ptenait en considération les animaux se montrant a Je monde et présentant & ce titre un certain nombre de propriétés se bles — paree que la connaissance que nous ‘avons deux dans le monde est lune connaissance sensible, C'est 2 ce point de vue que se tient encore Heidegger quand il écrit: «La vie est un genre c’étre particulier mais par pape elle set scrsable gue duos le Dascin> (baal Se 9 Cest-A-dire dans l'étre-au-monde, c’est-a-dire dans le monde * ni saveurs, ni sons, mais que ce sont des corps matériels étendus, de formes et de figures, saisissables de fagon rationnelle par la géométrie, Ja signification grecque du mot biologie a dispara, quand bien méme Witulé subsiste, Selon Frangois Jacob: «On n’interroge plus Ia vie 14s DP 1A PHENOMENOLOGHE jourd’hui dans les laboratoires » (La Legigue du ivan’, Gallimard, 1970, P. 320). Hn effet, on y étudie des processus matériels aveugles, homoge: res a ceux qui forment le theme de la physique. Deux remarques s‘imposent ici. La premiére est que les idées de liatement A Europe savante et les déterininent une nouvelle science qui place la connaissance géo- iathématique de P'anivers matériel au principe de Porganisation été modernes pour leur conférer un visage totalement différent le remarque c'est que, au moment méme od il adhere & la galiléenne qui réduit le monde des hommes au monde de la faut appeler re purement et simplement de la sphere de la connaissance les qualités sensibles dire la sensibilite, les passions, les émotions, la volonté, bref la subjectivité selon toutes ses modalités, Descartes les recucille au conteairérelles r’ont aucune place s les choses, c'est vrai, mais elles constituent la substance de note étre. Les choses ne sentent rien et ne se sentent pas elleséiies, Le propre de ‘808 sensations, de nos affections, de nos passions, de nos désirs c'est de nma des cogitaiones. Nom itcnttainer une incompréhen ment chez les grands cartésiens tnaisjusqu’a vel hui od cette incomprehension a suscité les multiples eritiques et qui o’ont pas fini 'égarer la culeure contemporais Joi-méme i la maniére dune impression, Cest la vie, He phénoménologique transcendantale, la seule vie Gui existe, cele qui habite chactine des modaliiés de hotre existence, depuis la plus humble douleue Afin d'apporter d’enerée de jeu une clarification radicale 4 la question sur ou de la souffrance dans sa rel sosons-la sur le La phénoménologie sinterroge non sur les cho- ses inais Sur la fagon dont elles'sé montrent & nous, sur le « Comment » de cur manifestation é de leu révélation, Or il y a deux modes fondamen. i TeSquels s’accomplit la manifestation de tout ce qui se donne & nous : Papparaitre du monde et celui de la vie. Eteange, vrai dire bien mal choisi et qui sion totale du cogi ion ala INCE ET Vie Lappanaitre du monde est un miliew Pextériorité pure, le soln = «dar Aupiasch » — dont la seconde partie de Sein ima! Zaz wn se excuse dans Fouverture conjointe des ek-stases temporclles fatur, du présent et du passé; lesquelles fagonnesit nach de visibilisation quest Fapparaitre du monde. Dans la mesure Vapparaitre du monde est le hors de soi en lequel se montre 4 {€ que nous voyons et pouvons voir, une Différence principe entre ce qui apparait dans le monde et Pappa méme — apparafice simgissant de cette Dilférence et ¥ La révélation propre la vie s’oppose trait pour trait a monde. Alors que ce dernier dévoile dans le « hors de soi » tout ce quil dévoile est extérieur, autre, différent, le premier t de Ia sévélation de la vie, qui ne porte x jamais de a a méme. La vie se rével -révélation. Llauto-tévélation propre a la vie et q elle veut dite deus choses : d'une part, que la vie n'est pas un proces sus aveugle ou inconscient, cest elle qui accomplit Puvre originaire de rEvlation ; Pauitze part, ce qui est xevélé dans cette euvre de rev gui s'accomplit dans la vie, c'est elle en effet. Ainsi Fopposition entre ce qui apparalt et Papparaitre pur, déja présente cans la pensée Portée au premier plan par la phénoménologie contemporaine, dans le eas de la vie, La sévélation propre la vie et ce qu font qu'un. On ne vient jamais ala vie A partie dun pouvoir de sev. autre qu'elle. On n’accéde fi la vie qu‘en elle, patti Pelle, Coss vient en soi Cotte simation décisive qui fait que voir de connaissance différent delle pour se connaltre, transparait chaque modatité de la vie, dans f0n$ & nouvean une oileur|Dans l'appréhension ordiaaire la do Je plus souvent référée 2 une partie du corps objectif, comme son siége en celui-ci. Afin d’écarter ce « faux jugement» comm cartes, pratiquons sur elle une réduction_phénoménologique retient que son caractére douloureux, le «douloureux comme Teélement purement affectif de souffrance qui la constitue. Ceite france pure » se révéle elle-méme, ce qui veut dire que seule la souffrance 146, DE LA PHENOMENOLOGIE nous permet de savoir ce qu’est la souffrance et gue ce qui est révelé dans cette tévélation qui est le fait de la souffrance, c'est précisément la sou. fiance. Qu’en cette modalité de notre vie le « hors de soi » du monde soit absent, on Je seconnait 4 ceci quaueun écart ne sépare la souffrance delle-méme et que, acculée a soi, aceablée sous son propre poids, elle est incapable d'instituer vis-a-vis de soi un recul quelconque, une dimension de faite ala faveur de laquelle il lui serait possible d’échapper A soi et a ce que son étre a doppressant. En absence de tout écart intérieur Ala souf- france, cest la possbilité de diriger sur elle un regard qui est exclue. Per Sonne n'a jamais vu sa douleur ou sa souffrance. La soutffrance est invi- sible, comme la vie. Nous nous heurtons ici a deux difficultés. Nous disons : c'est la souf- france qui révéle la souffrance et Cest pour cette seule raison que nous gui souffrons pouvons savoir en effet ce quest la soufftance, Mais notre existence concréte n'est pas faite seulement de douleur et de souffrance, nous éprouvons aussi des plaisir, des désirs, de grands bonheurs. Bux ‘aussi pourtant nous les épronvons de telle fagon que ce sont eux chaqu fois qui nous instruisent sur cux-mémes et non des mots ou des concepts qui, si inadéquats soientils, n'en supposent pas moins cette donation phénoménologique originaite du sentiment en luieméme sans laque! aucune représentation, aucune théorisation, aucune thérapie de Pexis- tence affective ne serait concevable. En d'autres termes, Pautorévélation de la souffrance qui s'accomplit dans la souftrance ne saurait étre le fait de Is souffrance considérée dans son contenu particulier s'l est vrai que cette autodonation ofiginaite est a Veeavre aussi bien dans Ja joie, Vangoisse ou encore effort. Mais si lautodonation se retrouve en tout sentiment indépeadamment de sa pasticularité, ne se tient-elle pas & nou- veatt hors de Iui, étrangére & son contenu impressionnel spécifique, au carzctére doulourewe de la douleur par exemple ? La seconde difficulté slave de la consideration de cette pluralité des tonalités par lesquelles passe notre existence et qui constituent sa trame, Parce que ces tonalités sont non seulement diverses mais souvent oppo- sées, voite contradictoires, leut succession qui compose notre propre his- toire ne doit-lle pas sembler incohérente pout ne pas dic absurde ? Et si le principe de ces tonalités, leur raison d'étze, ne réside pas dans une SOUFFRANCE ET VIE = 4 17 sens commun, dans les phénoménes du monde od se déroule, notre existence ? « Un malheur est arrivé ». Cela signifie qu'un événement objectif - accident, échec professionnel ou affectif, maladie, produit une soufirance, au point détre identifié & c ment, si dramatique Ine peut toutefois prod souffrance que cher un étre constitué transcendantalement de telle fagon qui est susceptible cPéprouver des sentiments et notamment celuicla ~ chez un étze susceptible de soutftit. Car cette question se pose encore de savoir pourquoi le sentiment qu’ éprouvera revétira la forme de cette tonalité affective plutot qu’une autre. ‘Comment ne pas observer ici que toutes les modalités de notre vie se s€partissent selon le clivage d'une dichotomie décisive entre des mov ‘és vécues comme positives — impressions de plaisir et de bonheur — et des modaltés dites négatives — impressions de douleur ou de sorte que notte existence tout entiere semble pri ‘af qui n'est nullement indéterming, oscillant s: satisfaction, souffrence et joie — les tonalités comme Tenvie ou Tindifférence se présentant comme une sorte de neutralisation de cette oscillation primitive, Comment rendre compte de cette dicho obéissane A une sorte de régle cachée et ne résultant pas des seuls hasards du monde, elle doit pouvoir trouver son ultime con: mémes, dans notte vie. Crest done la phénoménologie de la vie qu'il faut interroger avant. Cest la vie, disions-nous, qui parvient en soi, C'est seulement dans Ja vie qu’on peut parvenir en elle, dans le procés originaire et absolu par Jequel elle parvient elle-méme en soi, s’écrase contre s0i, s'éprouve lle méme dans cette épreuve de soi qui constitue sa propre essence. Or aucune épreuve ne se produit comme épreuve de soi sila vie ne génére en elle ITpséité en laquelle il lui est donné de s’éprouver soi-méme et de j de soi, Pour autant que nous ne parlons pas ici du concept de la Vie mai @une vic réelle, phénoménologiquement effective, alors VIpséi laquelle cette vie réclle vient en soi en séprouvant soi-méme n'est p: ‘non plus le concept de lIpséité, cest un Soi réel, phénoménologique- fon en nous us ment effectif, en leq "éprouvant effectivement soi-méme, la vie se révéle A soi, se fait vi. de Vie done sans un vivant, sans ce Soi vivant fe toute vie porte en elle pour autant qu’elle s%éprouve elle-méme, Mais pas de Soi sans cette Vie en laquelle tout Soi est donné & rs de la icun Soi n’est possible. ic en soi de la Vie génére Vipséité d'un Soi effectif comme la condition immanente de son accomplissement, voila un fait originaire dont importance va se découvsir & nous. Mais la phénoméno- logic demande plas. Elle demande que la phénoménalité de cette épreuve soit reconnue en elle-méme, si elle différe foncigrement de extériorité du monde 08 tout nous est donné & tie d@ «objet» ou ef «en-face». Or la matérialté phénoménologique pure du «séprouver soiméme» propre & toute vie et ainsi a rout Soi vivant en lequel ce «s'éprouver sot-méme» s'accomplit est une Affectivité originaire ou, comme nous fe dirons désormais, unipathos, En tant qu'elle est étran, © au monde et & son «hors de soi yy Em Fant «) fous avons dit de la Vie qu'elle est invisible. On voit ici A quel le n'est pas le concept antithétique de la phénoména ‘nous ouvgant & quelque arsiéve-monde, peuple de séves et de divagi tions, comme peut le penser notre pauvre monde livré au partage de Vobjectivisme et du positivisme, En reconduisant 3 essence lité Ja plus incontestable, vers ce pathos de notre vie qui fait d’elle -méme, en Oren {a réalité phénoménologique de la vie en son «s'€prouver soi-méme», PAffectivité ne demeure nullement indéter. minge. Non iginairement en ceci que tout «s'éprouver soi-méme> porte nécessairement en lui le Soi en lequel il séprouve, en sorte que tou se propose comme une tonalité irréductiblement singuliéte, celle-ci ou cell, ce qui veut dire appartcnant Atel Soi ow tel autre. Mais ily a plus cn effet; c'est dans son contenu affectif particulier que cette tonalité oti ginairement ipstisée regoit une détermination proprement affective qui lent de PAffectivité comme séalité phénoménologique du «s’épron- ver soi-méme » propre a toute vie. Ee voici comment. SOUFFRANCE ET Vi ry En son immédiation pathétique, le «s'éprouver soi-méme est un «se subir soi-méme», un « se supporter soi-méme », un «se soutlrie soi mnéme» —un pur «souffrit» done. Ce « soufttir» marque une passivité insurmontable tout ce qui tient sa révélation du pathos, tout sei toute forme de vie, Toute ve ext une passion, Toute tonalite $6 cette passivité radicale a Pégard de soi, ‘expérience de s a irrémédiablement liveée & soi pour étre ce qu’clle est, chargée a jamais de son propre poids. Cette expérience est celle dune impuissance {0 ‘mentale, limpossibilité de se changer soi-méme, agit sur le Pour autant que, dans la fagon méme dont il ese donné a soi, rey passivité radicale plus forte que toute liberté. jue TAfectiviee sort de lindéterminasion qui ferait elle un simple concept: dans le sout fri primitif en lequel s'accomplit le séprouver soi-méme de la vie, Vaffectivité qui le rend ultimement possible regoit le trait d'une sout fiance orjginele.Celleci on le voit, ne provient pas de quelque événe ment extérieur qui nous frappersit ala dehors, elle ne ze conte intérieure de la vie elle-méme, elle appartient au procés en |a vie vient en soi en ce sens radical et incontournable que ¢ dans og soutirir primitif comme «se souiftie soi-méme» que tout « ’éprouver soi-méme » s'accomplit phénoménologiquement. Le souffrir est une tonalité phénoménologique originaire de la vie. est seulement i partir de ce soufftie primitit que toute souffrance particuligre est poss ‘Toutes les souffrances qui surgissent 4 tout moment dans nbtre exis tence, A la suite d'événements repérables ou de fagon imprévue, voi incompréhensible, tous ces « vécus de soufitance » taités chague 1a psychologie comme des facticités contingentes ne sont, en leur origine cachée, rien de tel, ce sont les multiples déclinaisons de ce soutirie primi lif elles se référent nécessaitement a lui comme a un a priori enfoui Pinvisible de la vie, Quelles ne soient possibles qu'a nt quien Tui, ne sont données a elles-mémes lui, C'est la raison pour laquelle lorsque, a titre dexempl rencontré en toute donleur élément d 150 DB LA Pi OMENOLOGIE de rompre le lien infrangible qui lie toute tonalité affective a elle-méme pour autant quill est constitutif 4 la fois de son affectivité et de son Ipséie. Ce qui se réalise dans la passivité radicale du soutir et par consé- {quent en toute tonalité soutffiante, dans limpossibilité pous la souffrance échapper a soi, cest précisément sa venue en elle-méme, son étre- donné-a-soi, son étre-saisi-par-soi, son étre-tivé a soi dans Padhérence patfaite & soi, dans cette épreuve de soi qui est Fobtention de soi, le sut- sgissement du sentiment en lui-méme dans lagouissance de soi et dans la joie. Tei se découvre 4 nous Ia seconde tonalité PREFTMEnologique fonda- mentale de la vie. $i c'est dans le soutfrie que la vie parvient en s0i, alors est en Ini aussi que, s'éprouvant elle-méme, elle jouit de soi impuissance du sentiment, son impuissance a se débarrasser de soi est identiquement sa puissance, le rassemblement édificateur en lequel la vie est unie a soi et sétreintelle-méme, son isruption en soi-méme, la fulga- sation de la présence originelle dans la Parousic pathétique de la vie. La joie n’est pas une conséquence de la Parousi, elle ne vient pas apres elle, aprés Ia venue de ce qui vient, comme un émerveillement devant létre, ta maniéte du shauadzein platonicien. Pous cette raison le jouir dont il est question ici et dont toute tonalté dite « positive» est une modalisation, a rien a voir avec une prise de position devant ce qui serait déja la, avec une attitude devant quelque chose, avec un enthousiasme guelconque du penseur ou du philosophe. Le jouir co-appartient a la possibilité transcen- dantale du «s'éprouver soi-méme» constitutif du «vivre». A ce titte eat bien une tonalité phénoménologique fondatrice au meme titre que le soufftir dont il résulte et auquel il est identique. Soult et jouit, souf- france et joie en leur possibilité originaire, ensemble ct indistinceement, composent et désignent le mode de phénoménalisation de Ja vie en sa phgnoménalité propre, Peffectivité de sa Parousie, —y, YViunité du souttrir et du jouir dans Padvenir a soi de la vie en son Seprouver soi-méme, on peut Ja comnprendre. Le soufirir est un jouit Parce que dans le souffrir et par lui s’accomplit Mtre-donné-i-soi de la ‘ie, son jouir de soi, parce que Peffectuation phénoménologique de ce souffrir est cette jouissance, De méme le jouir implique en lui ce soulfrit our autant que la jouissance du jouit se réalise dans le Séprouver soi- SOUFFRANCE EY VIE 11 méme du soufirir et en lui seulement. Ainsi se laisse reconnaftre dans Paffectiviteé phénoménologique de tout vivre concevable cette affinicé o plutdt cette contemporanéité originaire du soutfrir et du jouir La contemporanéité du souffeir et du de la vie explique la dichotomie de Vaffectivité, son partage é ceatre les tonalités négatives et positives de notre existence. De méme qu les premiétes, les multipfes nuances qu’elles présentent ~ désagréable, du malaise, du pénible aux formes ext aigué, de la souffrance insupportable et enfin dw désespoir — trou leur possibilite phénoménologique dans le souffrir primiti tient a Pepreuve de la vie, de la méme fagon les secondes, les to dives positives avec, elles aussi, leurs multiples modula de la satisfaction, de lassouvissement, du plaisir, de la ou enfin de la béatitude, s’enracinent dans primiif en lequel la vi s'éprouve dans la plénitude de sa présence, elles ne sont a vrai dire que k diverses maniéres dont cette venue en soi s'accomp! Et pourtant surgit de la dliversité de toutes ces tonalités une diffi qui est précisément dordre phénoménologique. Si couple de tonalités oi s'exprime la dichotomie, pat exemple la d le plaisir, si on les prend telles quielles s'éprouvent, n’apparaisser pas comme des expétiences non seulement différentes mais opposées ? ‘Comment soutenir alors que deux tonalités contraites comme la souf- france et la joie proviennent cependant @ane méme origine, de essence phénoménologique de la vie ? Cette opposition, dira-ton encore, est si décisive que Cest el motive Faction hut laquelle consiste dans un effort pour leur et rechercher le plaisir. Un tel effort s'exerce spontanément sur plan immédiae du désie dont la tension vise justement la tras du malaise lige au besoin en sa satisfaction, la substitution Mais c'est ied que Vobjection se déteut elle-méme. Aussi longte que l'on envisage chaque tonalité affective comme une entité séparée et autonome, on éptouve les plus grandes difficultés 4 comprendre com. ‘ment elle peut se changer celle-méme et a pattt elle-méme, et se muer dans la tonalité opposée, comment une souffrance peut conduire au bon- DB TA PHENONENOLOGIE Seulement ~ et c'est ce qui se trouve mis en évidence dans le plus humble désir aussi bien que dans Paction humaine en général -, ce nest pas une addition de tonaltés diserétes et bloquées chacune en elle méme «qui peut définir une existence rele que la nbtte, est précisément le pas. cssant de ces tonalités les unes dans les autres, Et cest ee passage nous disons que le bonheur est fragile, c'est parce méme la possibilité apriorique et transcendantale de se A partir de Iui-méme done et dane certaine facon par huisméme, dlans la tonalité contraite du malheur. Lorsqu'une transformation de ce genre, et par exemple une dépression advient dans Pexistence de quel- 1'un, il est normal den techercher les « causes ou les « motivations » dans certains traumatismes, de sefforcer d'agir sur ces detniers, Ee pourtaat tion radicale qui s'est produite dans cette existence tai insrite en elle comme une possbilité de principe. Ea quoi consist celle-ci? Comment une souffance peutelle se changer en joie, ou le bonheur en une wistesse indélebile? Ta souffrance peut se transformer en joie parce que cela a partir de «quoi toute forme de souttrance est possible —le soufftir primitif en lequel Ja vie se subit et se supporte soi-méme clans sa passivitéradicale Vand le soi -, Cest cela méme en I stempare de soi et s'éprouve soi- issuance de ce jovir. Ex de méme toute forme de bonheur peut se muer en souffrance parce que le jouir de soi de Ja vie nest jamais séparé du soutirir primitif en lequel cette vie vient en sei, de ce soufrie qui ouvre potentiellement aux diverses formes de sout. france. Cest dans ¢¢ jeu primitif du souffi et dis jouir que prend nas. sance ce qu’on appelle une dépression, cest la au pourra etre surmontés. Ceest cette connexion originaire du sour et du jour q faut approfondir sinous voulons cernes de plus pris les lois énigmatiques de Ia vie phénoménologique qoi dennent dans leurs mains la venue en ‘nous du bonheur aussi bien que celle du malheur. Pou tenter de realiser ce projet, nous allons considézer la dépression sous la forme extreme qu'elle revét dans le désespoir, présupposant quc, au fond d'elle-méme, toute dépression ext désespoir. Afin de légitimer cette présupponition, nous nous séférerons i Vextraosdinaire analyse de Kierkegaard dans son ‘Traité du Désespoin, SOUFFRANCE ET VE 33 Rappclons ici deux acquis de notre démarche, implicite. Le premier, la théorie de Ja génération de comme condition phénoménologique immanente du «s'éprouver 5: méme » de toute vie possible, ne fonde pas seulement cette tri laquelle toute dépression est celle de quelqu’un — anean processus a ‘ayme, impersonnel, matériel, aveugle, inconscient done. Trivialté rel bjectivisme matérialste et par: conséquent « ‘dentité» que célébrent partout Ia phi «crises du sujet» on 7 Vidéologie médiatique, les films et jusqu’aux hebdomadaites fésninins vrai dite le désespoir est bien une crise Aisparition et ainsi ’une absence didentité. Tout au contraire désespoir, dans la dépression, le moi est la plus que jamais. Parce q désespoir a son site dans la vie et la conceme, est toujours u du moi et, bien plus, un désespoir du moi ave suet de lune, dit Kierkegaard avec une force extraordinaire : «On ne désespére pas de n’étre pas devenu César mais de ce moi qui ne Fest pas devemu, Vanalyse se trouve-telle renvoyée du monde doi tout sem! au Soi, ot tout advient. Car cest toujours de ce Soi qu'on est soi-méme, en réalité, quion désespére. Rt c'est précisément ce qui fait entrer le désespoir — ce an fond delle-méme, toute dépression — da tourment qui est le leu. Crest ce tonrment que nous permet de jeux comprendre le second acquis de notte démarche, cette connexion originaire du soutfrir ct du jouir consubstanticlle & toute vie et & tout Soi possible. Cat le Soi n' sien @autre qu'un rapport & soi, mais ua rapport a soi est impossible d Pextériorité, n’est jamais un rapport ext méme, faisant de lui un Soi, cs précisément cette connexion originaire du souffrir et signifie alors pour le Soi désespérer de méme dans la passivité xadicale du «se proprement son essence. Dans bilité de surmonter cette pass Vité, de se soustraire au poids de son étre propre — at «fardean existence» — nait sa souffrance identique a Pépreuve de ce fa cette souffrance et dans la structure de ffrir prend naissance vouloir, celui d’échapper a sa soutfrance, de se défaire de soi. Désespérer, DE LA PHINOMENOLOGIE désespérer de soi, désespérer quant A soi veut dire « vouloir se débatrasser de son moi, ne pas vouloir étre soi-méme' (Thuité di déspoin, trad K- Ferlov et J. Gateau, Gallimard, 1949), Se débatrasser de son to, rompre le lien q méme, cest la, toutefois, ce dont le moi «st incapable. Se séparer de soi signifie pour le Soi se détmuire mais cette Separation davec soi, cette destruction de soi est impossible. C'est pour. quoi est superficiel de dire que le désespéré détruit son moi car, comme ke note Kierkegaard, «c'est ce dont 4 son grand désespoie |.) il est incapable», Vineapacité 08 se trouve le moi de se défaire de soi, c'est la dans le désespoir ce quile donne 4 lni-méme, ce qui fait de lui une expétience. Le

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