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RÉSUMÉ
La maladie cœliaque (MC), ou intolérance au gluten, est une pathologie multifactorielle développée sur un terrain génétique
prédisposant. Aujourd’hui encore sous diagnostiquée, elle toucherait près de 1 % de la population mondiale. La présen-
tation clinique classique d’entéropathie avec malabsorption n’est pas la plus fréquente, elle est souvent asymptomatique,
pauci-symptomatique ou de présentation clinique atypique. Son diagnostic est multidisciplinaire, et l’apport de l’histologie
bien que discuté, est souvent primordial, confirmant le diagnostic suspecté de MC et justifiant ainsi la mise en place d‘un
régime sans gluten (RSG) à vie. L’histologie est utile également lors du suivi de la MC, afin de mettre en évidence une
pathologie associée ou une évolution défavorable vers une MC réfractaire au RSG. Enfin, il faut savoir remettre en ques-
tion le diagnostic de MC si tous les paramètres biologiques ne sont pas réunis et notamment un typage HLA compatible.
En effet, la première cause d’atrophie villositaire est la MC, mais de nombreuses étiologies peuvent être associées à une
atrophie villositaire. Dans cette revue, les points essentiels du diagnostic, de la physiopathologie, de l’histopathologie et
des complications de la MC seront développés.
Enfin, la MC augmente le risque de développer un alors activés, produisent des cytokines proinflamma-
lymphome (risque relatif x6) ou un carcinome digestif toires, comme les interleukines (IL)-15, IL-7, IL-21,
(risque relatif x 2), et ce risque augmente également l’interféron-gamma (IFN␥)… L’IL-15 en particulier,
avec l’âge au diagnostic. entraîne la prolifération et la survie des lymphocytes
Le diagnostic de MC résulte d’une enquête pluridis- intra-épithéliaux (LIE), et permet l’acquisition d’un phé-
ciplinaire. Les paramètres biologiques à prendre en notype NK et cytotoxique [6]. Ainsi activés, les LIE vont
compte dans le diagnostic de maladie cœliaque sont déclencher une atteinte cytotoxique sur l’épithélium
multiples. intestinal qui va augmenter la perméabilité intercellu-
Tout d’abord le terrain génétique : le statut HLA doit laire et également transcellulaire via l’expression au pôle
être étudié. Les patients atteints de MC sont HLA apical du récepteur à la transferrine CD71 chez les
DQ2.5 dans plus de 90 % des cas, environ 10 % des patients cœliaques actifs, favorisant le passage trans-
patients sont HLA DQ2.2 ou DQ8. Des cas plus rares épithélial de la gliadine notamment via des complexes
mais récemment rapportés sont HLA DQ7. Cet exa- immuns couplés aux IgA secrétoires.
men a une excellente valeur prédictive négative.
La sérologie cœliaque est un examen important,
cependant, il faut savoir qu’elle peut être négative chez Indications de l’endoscopie
près de 20 % des patients. Elle comprend la recherche
d’anticorps IgA préférentiellement et en l’absence et de la biopsie digestive
d’hypo-IgA (un dosage pondéral des immunoglogulines dans le diagnostic de maladie
doit être systématiquement associé) : anti-Transgluta-
minase tissulaire (Tgt), anti-endomysium et anti-glia- cœliaque
dine et anti-gliadine déaminée. C’est la positivité de
la sérologie anti-Tgt qui est la plus sensible et la plus Réalisation d’une endoscopie
spécifique. Cependant, cette sérologie varie parallèle- digestive
ment à l’exposition au gluten et n’est jamais positive
Les indications à la réalisation d’une endoscopie diges-
chez les enfants HLA non DQ2 ou non DQ8.
tive dans le contexte de suspicion de MC sont encore
Enfin, le syndrome de malabsorption associé à la mala-
discutées. Schématiquement, chez l’enfant, la tendance
die cœliaque n’est pas spécifique, mais les carences en
est plutôt à la non-indication dans les cas où le taux
Fer, Calcium, Magnésium, Vitamines A, D, E ,K, B9 ou
d’anticorps anti-Tgt est supérieur à dix fois la normale.
encore B12 doivent être recherchées et traitées en
Chez l’adulte, les recommandations sont moins claires et
attendant l’amélioration des symptômes, la négativation
de la sérologie cœliaque et la repousse villositaire sous favorisent la réalisation d’une endoscopie digestive avec
régime sans gluten. biopsies duodénales en cas de suspicion diagnostique.
Cependant, l’endoscopie est réalisée chez moins de
40 % des patients atteints ou diagnostiqués de MC.
Physiopathologie La mise en place d’un RSG à vie, implique de lourdes
conséquences économiques et sociales pour chaque
de la maladie cœliaque patient atteint de MC. Ainsi, sans preuve histologique
et prise en charge diagnostique multidisciplinaire, le dia-
La physiopathologie de la maladie cœliaque est com- gnostic de MC peut être porté par excès ou par défaut.
plexe et multifactorielle. Elle fait intervenir l’immunité Il est donc recommandé, en particulier chez l’adulte, de
innée et adaptative, des mécanismes d’auto-inflamma- porter le diagnostic de MC après confirmation diagnos-
tion et de stress épithélial sur un fond génétique parti- tique histologique avant de débuter un RSG à vie [7-9].
culier. Schématiquement, le gluten est un ensemble de
protéines, de glucides et de lipides. Parmi les protéines Interprétation
on retrouve notamment les gliadines et gluténines.
Ces protéines sont particulièrement riches en proline.
de la biopsie digestive
En effet, il s’agit d’une séquence de 33 acides aminés L’histologie normale du duodénum est largement modi-
particulièrement immunogènes et résistants à l’acidité fiée au cours de la MC.
gastrique et à la protéolyse de la lumière intestinale. En premier lieu, il est important de rappeler que les
Les peptides de la gliadine sont le substrat de la Trans- lésions histologiques associées à la MC sont, d’une part,
glutaminase (Tg) 2 dont le rôle est de déaminer la glu- non spécifiques de cette pathologie, et d’autre part, les
tamine en glutamate. Les anticorps développés anti-Tgt lésions histologiques peuvent être hétérogènes, « pat-
ne bloquent pas l’activité de la Tg, au contraire, ils la chy ». De fait, il convient d’analyser de multiples biopsies
stimulent. Ces résidus déaminés sont présentés aux duodénales (préférables au bulbe), au mieux quatre à
lymphocytes T CD4+ (LT CD4) « gliadine-spécifiques » six biopsies (figure 1). Afin d’évaluer correctement la
via les molécules HLA DQ2 (ou plus rarement DQ8) hauteur villositaire, il convient d’orienter parfaitement
des cellules présentatrices d’antigènes. Ces LT CD4 et au mieux le prélèvement. En effet, un prélèvement
© J. Bruneau et S. Khater.
Aspects endoscopiques et morphologiques au D2 de patients contrôles (A, B zoom) et atteints de maladie cœliaque (C, D zoom). Histologie
correspondante avec biopsie duodénale (D2) normale (E) et immunohistochimie mettant en évidence des lymphocytes intra-épithéliaux peu
abondants, CD3+ CD8+. Biopsie duodénale (D2) d’un patient atteint de maladie cœliaque (F) présentant une atrophie villositaire totale avec
hyperplasie compensatrice des cryptes et hypercellularité du chorion. L’immunohistochimie souligne augmentation majeure des lymphocytes
intra-épithéliaux CD3+ CD8+ prédominant dans le revêtement épithélial de surface.
imparfaitement orienté, comportant des sections trans- de cellules inflammatoires par rapport à la normale,
versales des cryptes peut donner un faux aspect d’atro- avec notamment une augmentation majeure des plas-
phie villositaire. Il convient alors de répéter les niveaux mocytes IgA+ (formes silencieuses ou actives). Dans
de coupes afin de voir apparaître des villosités longues tous les cas, le diagnostic peut parfois être difficile à
et grêles coupées tangentiellement, surtout s’il n’existe faire, il s’agit avant tout d’un diagnostic multidisciplinaire,
pas de manière évidente d’hyperplasie compensatrice surtout chez l’adulte, et il faut savoir l’évoquer.
des cryptes. La hauteur villositaire normale est évaluée Dans la MC, l’AV peut être variable et doit être éva-
à trois à cinq fois la hauteur de la crypte. luée selon la classification de Marsh (1992) (tableau 1).
La lymphocytose intraépithéliale normale est peu abon- Les lymphocytes intra-épithéliaux (LIE) excèdent 30 LIE
dante. La répartition des LIE peut être hétérogène avec, pour 100 cellules épithéliales (CE). Ils sont de phéno-
le plus souvent, une lymphocytose supérieure au pôle type classique CD103+ CD3+ CD8+ TCR␣+ CD4
apical de la villosité. Les lymphocytes intra-épithéliaux négatif. Cependant, de rares cas de MC peuvent pré-
(LIE) ne doivent pas excéder 20 LIE pour 100 cellules senter un phénotype différent : CD103+ CD3+ CD8né-
épithéliales (CE). Ils sont de phénotype CD103+ CD3+ gatif TCR␥␦+. La présence de LIE CD4+ lorsqu’ils sont
CD8+ TCR␣ + (majoritaire) CD4 négatif.
Dans le chorion, la cellularité normale est peu abon-
dante, constituée essentiellement de cellules lymphocy-
taires et plasmocytaires. Ce sont les plasmocytes IgA+ Tableau I. Classification de Marsh.
(prédominants en surface) et les lymphocytes T CD4+
qui sont majoritaires, bien supérieurs aux plasmocytes 0 : muqueuse normale
IgG+ prédominant en profondeur et aux rares plasmo-
I : entérite lymphocytaire isolée
cytes IgM+, dispersés. Les macrophages résidents sont
dispersés sur toute la hauteur de la muqueuse, de rares II : entérite lymphocytaire avec hyperplasie des cryptes
polynucléaires éosinophiles peuvent être visualisés. sans atrophie villositaire
Dans le cadre diagnostique de la MC, les aspects his- IIIA : atrophie villositaire partielle
tologiques peuvent être variés, allant de la simple
lymphocytose intra-épithéliale sans atrophie villositaire IIIB : atrophie villositaire sub-totale
(AV, forme asymptomatique latente), à l’AV plus ou
moins totale, associant la lymphocytose intra-épithéliale, IIIC : atrophie villositaire totale
l’hyperplasie compensatrice des cryptes et l’hypercellu- D’après [14].
larité du chorion, correspondant à une densité accrue
augmentés et visualisés doivent faire rechercher une 5. Certaines pathologies dans des contextes particuliers
pathologie infectieuse associée (Helicobacter pylori...). comme les maladies de greffon contre l’hôte ou le
Classiquement, au diagnostic, on ne retrouve pas de gra- rejet d’organe greffé en cas de greffe intestinale.
nulomes, ni d’ulcérations ou encore d’excès d’apoptose
épithéliale dans les cryptes. Ces lésions, si elles sont 6. Certaines allergies alimentaires sont également incri-
associées, doivent faire discuter d’autres diagnostics. En minées : l’intolérance aux protéines de lait de vache,
effet, la MC est la première cause d’AV et d’augmenta- les gastroentérites à éosinophiles.
tion des LIE, mais les lésions élémentaires histologiques 7. La lymphoprolifération T indolente du tube diges-
ne sont en aucun cas spécifiques de cette pathologie. tif, nouvelle entité définitive incluse dans la classi-
L’amélioration clinique « rapide » (3 à 6 mois) à l’exclu- fication révisée des lymphomes de l’OMS 2016
sion du gluten est un critère diagnostique et de réponse fait également partie des diagnostics différentiels à
thérapeutique majeur, tout comme la repousse villosi- connaître.
taire, la diminution des LIE (qu’on ne constate qu’après 8. D’autres pathologies sont plus rares, voire excep-
12 mois de régime sans gluten) et la négativation de tionnelles, comme les anomalies congénitales de
la sérologie cœliaque (après 12 mois de régime sans l’épithélium : l’atrophie microvillositaire et la dys-
gluten également). plasie épithéliale, ou encore l’atrophie iléale pri-
mitive, la sprue tropicale, la maladie de Whipple,
l’abétalipoprotéinémie.
Persistance Autant d’étiologie que de mécanismes physiopatholo-
de la symptomatologie giques sont donc impliqués dans la modification archi-
tecturale de la muqueuse digestive.
sous régime sans gluten
Pathologies associées
Diagnostics différentiels à la maladie cœliaque
Les résistances primitives au RSG doivent faire véri- Certaines pathologies sont fréquemment associées à
fier que le diagnostic de MC est confirmé (sérologie la MC, il ne faut pas les méconnaître et il faut pen-
cœliaque, statut HLA, histologie). Si ce n’est pas le cas, ser à les dépister. En effet, l’augmentation des LIE
d’autres diagnostics doivent être évoqués (figure 2). peut atteindre l’ensemble du tube digestif et on peut
Les diagnostics différentiels de l’AV avec augmentation visualiser alors des lésions de gastrite lymphocytaire
de LIE sont nombreux. Toutefois, le premier diagnostic (> 25LIE/100CE, N < 10LIE/100CE), chez près de 10 %
à évoquer devant une AV est celui de maladie cœliaque, des patients atteints de MC, d’entérite lymphocytaire,
sous réserve d’une sérologie cœliaque et d’un statut qui bénéficie des mêmes critères diagnostiques qu’au
HLA compatible. duodénum, et de colite lymphocytaire (> 20LIE/100CE,
1. Les étiologies infectieuses sont nombreuses et à N < 5-7LIE/100CE). Enfin, il existe des épaississements
évoquer en priorité : gastrites à Helicobacter pylori, collagènes sous-épithéliaux : sprue / colite collagène. Les
infections à Giardia intestinalis, à cryptosporidies, à colites microscopiques (lymphocytaires ou collagène)
microsporidies, coccidioses, tuberculose, pullulation touchent également environ 10 % des patients atteints
microbienne. Les infections par le virus de l’immuno- de MC.
déficience humaine (VIH) en dehors de toute infec-
tion associée peuvent donner un aspect histologique Maladie cœliaque réfractaire
similaire. au régime sans gluten
2. La maladie de Crohn peut être également asso- et ses complications
ciée à des duodénites lymphocytaires avec atrophie
Lors des contrôles endoscopiques de patients atteints
villositaire.
de MC, il faut s’assurer que le patient suit strictement
3. Il faut penser aux étiologies médicamenteuses plus son régime sans gluten (RSG). Chez l’enfant comme
classiques comme la prise d’inhibiteurs de l’angio- chez l’adulte, les écarts de régime sont fréquents, incri-
tensine de type 2 (particulièrement olmesartan et minés dans la réapparition des symptômes dans près de
valsartan), l’abus de laxatifs (atrophie plutôt iléale) 50 % des cas. Cependant, les résistances primitives ou
est également à incriminer. secondaires au RSG ne sont décrites que chez l’adulte,
4. De nombreuses pathologies dysimmunitaires ou défi- et le plus souvent pour des MC diagnostiquées tardive-
cits immunitaires peuvent également être associées ment à l’âge adulte, ou en cas de mauvaise observance
à une AV : pathologies autoimmunes, certains déficits du RSG [11-13]. La résistance primaire ou secondaire
immunitaires comme les déficits en IgA ou les déficits au régime sans gluten est une complication majeure de
immunitaires communs variables (DICV) [10], et plus la MC. Aujourd’hui, il n’existe pas de données épidé-
rarement des déficits immunitaires de type dysrégu- miologiques précises, les complications de la MC étant
lation immune comme le syndrome d’IPEX. largement sous-diagnostiquée.
Figure 2. Diagnostics différentiels à évoquer devant une atrophie villositaire avec augmen-
tation des lymphocytes intra-épithéliaux, et pathologies associées à la maladie cœliaque.
© J. Bruneau
A : Hypogammaglobulinémie dans le cadre d’un déficit immunitaire commun variable et notamment hypo-IgA, l’atrophie villositaire
est difficile à évaluer sur ce prélèvement imparfaitement orienté, le chorion hypercellulaire comporte plusieurs follicules lymphoïdes
secondaires et l’anti-CD138 souligne la présence d’exceptionnels plasmocytes IgA+. B : Immunofluorescence indirecte, le sérum du
patient est apposé sur une coupe d’intestin grêle normal. Présence d’anticorps anti-entérocytes sous la forme d’un liseré fluorescent
visible à la surface du revêtement épithélial. C : Lésion inflammatoire granulomateuse dans le cadre d’une maladie de Crohn. D : Infection
à Giardia intestinalis. F : Lymphoprolifération indolente T du chorion (CD4+ non montré). G : Gastrite lymphocytaire fundique. Plus de
25 LIE pour 100 cellules épithéliales sont dénombrés dans le revêtement épithélial de surface. H : colite lymphocytaire. Plus de 20 LIE
pour 100 cellules épithéliales sont dénombrés dans le revêtement épithélial de surface. I, J : Colite collagène. Il existe un épaississement
collagène sous épithélial mis en évidence sur les colorations HES (liseré orangé sous épithélial) et la coloration Trichrome (liseré vert
sous épithélial). En regard, l’épithélium de surface est souvent desquamé.
On estime que près de 2 à 10 % des patients sont Histologiquement, les biopsies duodénales présentent
résistants ou réfractaires au RSG. Ces pathologies sont tous les critères diagnostiques de la MC : AV, augmenta-
appelées sprues réfractaires (SR). Il existe deux types tion des LIE et de la cellularité du chorion, hyperplasie
de sprues réfractaires : la SR de type 1 (SR1) et la SR de des cryptes. Seules les études immunophénotypiques
type 2 (SR2). Parmi les autres complications : la jéjunite et moléculaires les différencient et sont donc indis-
ulcéreuse survient dans près de 30 % des cas chez des pensables pour poser le diagnostic de SR1 ou de SR2.
patients présentant une SR1 et dans près de 70 % des Dans la SR1, le phénotypage en immunohistochimie met
cas chez des patients présentant une SR2. Il n’existe en évidence des LIE de petite taille exprimant CD103,
pas de signe histologique de malignité, il s’agit d’un infil- CD3 et CD8. Ils n’expriment pas le CD4. L’étude du
trat inflammatoire abondant au sein duquel on peut clonalité lymphoïde T met en évidence un réarrange-
retrouver la population pathologique de la SR2, avec ment polyclonal des gènes du TCR␥.
réarrangement monoclonal des gènes du TCR␥ ; il s’agit Dans la SR2, le phénotypage en immunohistochimie
d’un diagnostic difficile pour lequel il ne faut pas porter met en évidence des LIE de petite taille exprimant
par excès le diagnostic de lymphome T primitif CD103, CD3 et n’exprimant pas le CD8 pour plus
du tube digestif associé à une entéropathie. de 50 % d’entre eux, ni le CD4. L’étude du
Cette pathologie bénéficie des mêmes clonalité lymphoïdeT met en évidence un
traitements que la SR2, associant sou- réarrangement monoclonal des gènes
vent une exérèse chirurgicale des du TCR␥.
segments ulcérés.
Le lymphome T primitif du tube
digestif associé à une entéropathie
2 à 10 % des patients
Lymphome T primitif
du tube digestif associé
(EATL, anciennement type 1) est à une entéropathie
beaucoup plus rare mais de pro- sont résistants Le lymphome T primitif du tube
nostic dramatique, il représente digestif associé à une entéropa-
moins de 5 % des lymphomes non ou réfractaires thie (EATL) est une complication
hodgkiniens. C’est un lymphome au RSG rare mais de pronostic dramatique,
primitif du tractus gastro-intestinal. il touche principalement les adultes
Enfin, la survenue d’un adénocarcinome âgés de plus de 50 ans, et le risque de
de l’intestin grêle n’est pas rare dans le développer ce lymphome est multiplié
contexte de maladie cœliaque, avec un risque par 6 si le patient présente une MC. Il peut
augmenté dans cette pathologie. révéler une MC dans 20-50 % des cas ou la compli-
Enfin, le variant monomorphe du lymphome T primitif quer dans 30 à 60 % des cas. Il peut se développer sur
du tube digestif associé à une entéropathie, aussi appelé une MC connue, une SR1 ou le plus souvent une SR2 ; et
EATL de type 2 ou lymphome T monomorphe épithé- l’ensemble de ces pathologies peut être de découverte
liotrope (MEITL). La prolifération tumorale est com- synchrone (MC, SR, jéjunite ulcéreuse et EATL). La cli-
posée de plages diffuses de cellules de taille moyenne nique est le plus souvent bruyante, mais non spécifique.
à noyau arrondi, de phénotype le plus souvent CD8+ En effet, la SR2 et en particulier la jéjunite ulcéreuse
CD56+ TCR␥␦>>TCR␣, rarement double positive ou peuvent également se présenter cliniquement par un
double négatives pour le CD4 et le CD8. Il s’agit d’une amaigrissement, de la fièvre, des douleurs abdominales,
entité pouvant s’associer plus rarement à une entéro- et une présentation clinique chirurgicale dans 40 à 70 %
pathie, cependant moins fréquemment que l’EATL. La cas (occlusion, perforation et péritonite). À l’endosco-
morphologie, le phénotype et les anomalies oncogéné- pie, on peut observer des ulcérations, une infiltration
tiques les différencient de l’EATL. ou une induration de la paroi digestive, des nodules,
des sténoses, des perforations. Histologiquement, sur
Sprue réfractaire pièce opératoire, l’EATL est caractérisé le plus souvent
La SR est définie par la persistance ou la réapparition par une infiltration pan-pariétale, diffuse, de cellules de
pendant plus de 6 à 12 mois de la symptomatologie et grande taille, parfois monomorphes, pléomorphes ou
de l’AV sous RSG strictement suivi. À nouveau, seul un anaplasiques. L’analyse de la muqueuse digestive à dis-
diagnostic multidisciplinaire, histopathologique, immuno- tance de l’infiltration tumorale est indispensable pour
phénotypique et moléculaire à la recherche d’un réar- rechercher une atrophie villositaire, un épithéliotro-
rangement monoclonal des gènes du TCR␥, permet de pisme, une cellularité accrue du chorion et une hyper-
poser avec certitude le diagnostic. Une technique parti- plasie compensatrice des cryptes afin d’identifier une
culière par cytométrie de flux peut être réalisée dans le éventuelle MC ou SR associée (figure 3).
but d’optimiser l’immunophénotypage, après isolement L’étude immunophénotypique doit être alors réalisée
des LIE et des lymphocytes du chorion à partir de biop- sur les deux secteurs, afin de phénotyper au mieux la
sies digestives fraiches. Cette technique fastidieuse et prolifération tumorale et la population épithéliotrope à
chronophage n’est aujourd’hui réalisée que dans de rares distance. Ainsi, à distance, la population épithéliotrope
centres hospitalo-universitaires en France. peut être de phénotype MC/SR1 ou SR2. Le phénotype
© J. Bruneau et S. Khater.
des grandes cellules tumorales en immunohistochimie qui peut être positif sur une sous-population de plas-
est quant à lui un peu différent. Le plus souvent, elles mocytes muqueux.
expriment CD3, CD103 et CD30, sans expression de La survie de ces différentes pathologies est très diffé-
CD4 ni CD8,TCR␣ le plus souvent. Elles sont de phé- rente, avec une survie globale à 5 ans pour la SR1, la SR2
notype cytotoxique (TIA1+) activé (Granzyme B+) et et l’EATL respectivement de 80-96 %, 44-58 % et <5 %.
n’expriment pas fréquemment CD5 et CD7. L’index de
prolifération évalué par l’anti-Ki67 est élevé, supérieur
à 80 %. L’anti-CD56 est le plus fréquemment négatif. Le réseau CELAC
Il n’y a pas d’association à l’EBV, ce qui permet d’éli-
miner le diagnostic différentiel de lymphome NK/T Le réseau CELAC, Centre national expert des lym-
extra-ganglionnaire de type nasal. Enfin, un réarrange- phomes associés à la maladie cœliaque, www.reseau-
ment clonal des gènes du TCR␥ doit être recherché sur celac.com, coordonne à travers les différents centres
la prolifération tumorale, mais également à distance, régionaux français les avis diagnostiques et de prise en
orientant vers le diagnostic de SR2 associée. charge thérapeutique de patients atteints de MC au dia-
Sur biopsies digestives parfois exiguës, peu abondantes, gnostic difficile, et de patients atteints de complications
ou encore nécrosées, se pose le problème du diagnostic de la MC : pathologie associée ou évolution défavorable
d’EATL développé sur MC/SR1 ou SR2 connue, et de sous RSG bien suivi (SR1, SR2, EATL). Il permet aussi
diagnostic différentiel avec une jéjunite ulcéreuse. dans les cas complexes de proposer d’autres étiologies,
Dans ces cas de diagnostic difficile, la présence de notamment en cas de non compatibilité du statut HLA,
cellules de grande taille de phénotype T cytotoxique d’une hypogammaglobulinémie associée, d’une infection
CD30+ CD4- CD8- regroupées en amas de topo- associée, d’une auto-immunité, etc.
graphie intra-muqueuse ou rarement de topographie L’ensemble des dossiers est discuté tous les deux mois
intra-épithéliale, doit faire évoquer le diagnostic d’EATL. au sein d’une réunion de concertation pluridisciplinaire à
Attention cependant à ne pas sur-interpréter le CD30, Paris, au sein du service de gastro-entérologie de l’Hôpital
Universitaire Georges Pompidou, après relecture histo- Ainsi, le suivi régulier des patients atteints de maladie
pathologique des dossiers discutés, en présence de cœliaque est primordial et de nouvelles biopsies diges-
pathologistes, gastroentérologues, hématologues. tives doivent être réalisées régulièrement. QQ
En effet, la prise en charge thérapeutique de certaines
complications de la MC comme certaines formes agres- Liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
sives de SR2 ou l’EATL, sont pris en charge par les ser- d’intérêts.
vices d’hématologie adulte, de même que le bilan d’un
éventuel déficit immunitaire associé.