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L'État providence en question

Pierre Guillaume
Dans Vingtième Siècle. Revue d'histoire 2001/1 (no 69), pages 43 à 50
Éditions Presses de Sciences Po
ISSN 0294-1759
ISBN 2724628888
DOI 10.3917/ving.069.0043
© Presses de Sciences Po | Téléchargé le 07/06/2023 sur www.cairn.info (IP: 105.67.2.240)

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L’ÉTAT PROVIDENCE EN QUESTION
Pierre Guillaume

Le second 20e siècle se caractérise, à bien  UNE PROTECTION SOCIALE EN EXTENSION


des égards, par l’essor de l’État providence.
Héritier de systèmes parfois conçus avant la Les divers systèmes de protection sociale
première guerre mondiale, destiné à éradi- se répartissent aujourd’hui comme hier
quer les misères subies avant comme après entre ceux qui sont d’inspiration bismarc-
1914, le Welfare State a permis de protéger kienne (le financement repose alors sur les
avec efficacité les populations, en amélio- cotisations) et ceux qui sont d’inspiration
rant leur état sanitaire et en leur évitant de béveridgienne (les ressources sont budgé-
subir les aléas de la vie. L’heure semble tisées). Cela posé, ces deux modèles per-
pourtant à la remise en cause de ces sys- dent de leur originalité par suite de la di-
tèmes. Mise à mort ou évolution néces- versification, nécessaire aux uns et aux
saire ? autres, des sources de financement.
Pour l’assurance santé cependant, le

L a seconde moitié du 20e siècle a été modèle de Beveridge l’a emporté dans les
marquée par une triple extension de pays d’Europe du Sud, principal champ
la protection sociale : extension géo- d’expansion de la protection sociale. Tour
graphique, notamment en Europe ; exten- à tour, l’Espagne en 1974 puis en 1986,
sion à de nouvelles catégories sociales l’Italie en 1979, la Grèce en 1985, le Por-
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pour finalement englober la totalité de la tugal en 1979 se sont dotés d’un service na-
population des pays les plus avancés ; ex- tional de santé inspiré du modèle anglais,
tension enfin à la couverture de nouveaux comme l’avait fait auparavant la Suède.
risques. À tous points de vue, cette protec- Comme au Royaume-Uni, place a dû être
tion est infiniment plus large au début du faite ultérieurement à un secteur privé avec
21e siècle qu’elle ne l’était cinquante ans le risque évident de tolérer une médecine
plus tôt et aucune tentative d’analyse ne à deux vitesses. Pour les retraites, en
doit ignorer ce constat fondamental. Toute- revanche, le modèle bismarckien l’a em-
fois, elle apparaît aujourd’hui comme pré- porté hors de la Grande-Bretagne et des
caire. D’abord menacée par l’évolution des pays scandinaves, mais cette distinction
populations concernées, elle est également perd beaucoup de son sens avec la géné-
contestée dans ses fondements théoriques ralisation des retraites complémentaires et
ou idéologiques, tels que posés au lende- facultatives en sus de la retraite obligatoire.
main de la seconde guerre mondiale. La France donne un bel exemple d’ex-
Enfin, les progrès de la supranationalité en tension de la pr otection sociale à
Europe poussent à une harmonisation qui l’ensemble de la population. Comme le
bouscule – ou bousculera – les pratiques rappelle Pierre Laroque 1, cette extension,
propres à chaque État membre. annoncée par la loi du 22 mai 1946, s’est
Face à ces évolutions, les solutions envi- heurtée à bien des réticences. La Sécurité
sagées aboutissent largement à des conver- sociale, comme les assurances sociales
gences qui font fi de la diversité des réfé-
rences idéologiques des gouvernements 1. Laroque Pierre, Au service de l’homme et du droit, Paris,
Association pour l’étude de l’histoire de la Sécurité sociale,
en place. 1993.

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Vingtième Siècle. Revue d’histoire, 69,
janvier-mars 2001, p. 43-50.
Pierre Guillaume

mises en place en 1930, intéresse initiale- personnes âgées, redéfinie en 1994, prend
ment les salariés. En janvier 1948, la loi en compte un double phénomène : multi-
prévoit son extension aux non-salariés ; en plication des personnes dites du quatrième
1961, l’assurance maladie est étendue aux âge avec l’augmentation de l’espérance de
exploitants agricoles ; en 1966, aux artisans vie, écartèlement accrue des familles qui
et aux commerçants ; en 1975, aux adultes étaient leur refuge « naturel ».
handicapés et elle est définitivement géné-
ralisée en janvier 1978 avec l’instauration  L’ÉVOLUTION DES POPULATIONS
d’une « assurance personnelle ». Restent à CONCERNÉES
l’écart de l’assurance santé ceux qui sont
dans l’impossibilité de payer des cotisa- Par commodité de langage, on peut dis-
tions ; leur sort n’est pris en compte qu’en tinguer des évolutions conjoncturelles et
1999 avec le vote de la loi du 27 juillet sur des évolutions structurelles. Les premières
la couverture maladie universelle qui ne concernent l’emploi avec une montée du
s’inscrit plus dans la logique du système chômage qui s’esquisse à la fin des an-
français d’inspiration bismarckienne 1. Cette nées 1960 et devient un phénomène
généralisation ne s’est pas accompagnée majeur avec le premier choc pétrolier au
d’une unification du système ; se sont per- milieu des années 1970. Du taux d’un
pétués de multiples régimes particuliers, chômage dit « frictionnel » inférieur à 5 %
consécration « d’avantages acquis ». de la population active au début des an-
Les autres pays européens ont eu éga- nées 1960, on passe, vingt ans plus tard, au
lement à procéder à cette généralisation de « chômage à deux chiffres » pour l’en-
la protection sociale aux non-salariés, les semble de l’Union européenne, avec le cas
secteurs de l’agriculture, de l’artisanat et du limite de l’Espagne où il dépasse les 20 %.
petit commerce étant les plus difficiles à En 2000, la France considère comme un
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couvrir parce que les plus réticents à se grand succès de repasser sous la barre des
plier à la contrainte des cotisations d’assu- 10 %. Cette montée du chômage a pour
rance maladie ou de retraite. double conséquence d’accroître les charges
La prise en compte de nouveaux risques et d’amenuiser les ressources lorsqu’elles
a pu découler d’une évolution conjonc- découlent de cotisations salariales tant pa-
turelle qui en soulignait la gravité ou de tronales qu’ouvrières.
celle des structures sociales à long terme. Par évolutions structurelles, on entend le
Ainsi, en France, l’assurance chômage, vieillissement de la population qui touche,
restée ignorée en 1945, est mise en place avec des intensités diverses, tous les pays
en 1957 avec la création des ASSEDIC et de européens. En 1995, la population de plus
l’UNEDIC, suivie de la création, en 1963, de 65 ans représente 17,5 % de la popula-
du Fonds national pour l’emploi, en 1967, tion suédoise, qui est la plus âgée, 11,4 %
de l’Agence nationale pour l’emploi, en de la population irlandaise qui est la plus
1972, du statut du travail temporaire, en jeune de l’Europe des Quinze. On estime
1973, d’une première réglementation du li- qu’en 2040, ces taux atteindront quelque
cenciement plusieurs fois remaniée ulté- 28 % pour l’Allemagne, 25 % pour l’Italie,
rieurement, avec ou sans autorisation préa- 23 % pour la France et l’Espagne 2, l’évolu-
lable. tion étant particulièrement brutale en
L’instauration en Allemagne, par une loi Europe du Sud où la natalité s’est le plus
de décembre 1988, d’une assurance dé- rapidement effondrée. Compte tenu de
pendance, qui finance l’aide à domicile des l’existence de classes jeunes et d’un accès
1. Romain Marie, « La couverture maladie universelle », 2. Jean-Pierre Dumont, Les systèmes de protection sociale
Droit social, janvier 2000, p. 7-20. en Europe, Paris, Economica, 1998.

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L’État providence en question

de plus en plus tardif au marché de l’em- France restés fidèles aux logiques bis-
ploi, on passe ainsi de 2 actifs pour 1 pas- marckiennes 2. Beveridge dit clairement
sif en 1945 à 1 actif pour 1 passif et, peut- s’inspirer des analyses de Keynes qui font
être à 1 actif pour 2 passifs dans un avenir de l’État le régulateur du marché de l’em-
proche, cette situation pouvant être forte- ploi. Les interventions judicieuses de celui-
ment modulée soit par une reprise de la ci doivent permettre d’assurer le plein
natalité constatée depuis quelques années emploi et c’est donc sur ce postulat que se
dans l’Europe du Nord, soit par l’apport de construit la théorie du Welfare State. À
jeunes actifs par l’immigration. Le sens de partir de 1970, la montée puis la persis-
l’évolution n’en est pas moins net. Il im- tance du chômage ruinent ces belles certi-
plique, d’une part, que l’on accorde aux tudes keynésiennes tandis que l’on croit
retraites une part accrue des prestations so- voir les limites du système fordiste consi-
ciales, d’autre part, que l’on remette en déré, a posteriori, comme l’explication des
cause les systèmes dits de répartition au « Trente Glorieuses ». Ajoutons qu’en 1950
bénéfice de formes variées de capitalisa- le baby boom qui concernait de nombreux
tion. pays européens permettait d’ignorer toute
menace de vieillissement de la population.
Dans leur combat contre le nazisme et le
 L’ÉTAT PROVIDENCE CONTESTÉ
fascisme, les démocraties se réclament
Les difficultés de financement, le fameux sans conteste de leur conception libérale
du respect des Droits de l’homme et des li-
« trou » de la Sécurité sociale en France, les
bertés civiques. Devant ce qu’ont été les
inadéquations entre les prestations versées
réalisations sociales des totalitarismes, elles
et les besoins constatés, l’échec relatif de la
doivent faire la preuve d’une efficacité
redistribution espérée alors que l’on voit,
sociale mise à mal par la crise des
en Grande-Bretagne notamment, l’écart
années 1930 3. C’est bien cette volonté
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s’accroître entre les catégories les plus
qu’affichent Churchill et Roosevelt dans la
aisées et les plus défavorisées de la popu- Charte de l’Atlantique 4 qui donne comme
lation, conduisent bien des esprits à douter objectif aux démocraties de « garantir à
de l’efficacité de systèmes tant bismarc- toutes les nations l’amélioration de la
kiens que béveridgiens qui font de l’État le condition ouvrière, le progrès économique
gestionnaire de la protection sociale, au et la sécurité sociale ». Cette idée force,
point que l’on en vienne à parler d’un selon laquelle la démocratie nouvelle se
modèle américain d’inspiration clairement doit d’être sociale, se retrouve dans de
libérale. C’est la question que pose Denis- multiples textes comme le programme du
Clair Lambert dans son dernier ouvrage 1 : CNR du 15 mars 1944 qui promet « un plan
« Les États-Unis, anti-modèle ou contre complet de sécurité sociale, visant à as-
modèle ? », question qui aurait semblé, il y surer à tous les citoyens des moyens
a peu, dénuée de toute signification tant il d’existence, dans tous les cas où ils sont
paraissait évident que les États-Unis ne incapables de se les procurer par le travail,
pouvaient être qu’un contre-modèle. avec gestion appartenant aux représen-
Aux lendemains de la seconde guerre
mondiale, la réflexion sur la protection so- 2 W. H. Beveridge, Report on Social Insurance and Allied
Services, novembre 1942, c’est le fameux « rapport
ciale a été très profondément marquée par Beveridge » et Full Employement in a Free Society, Londres,
les écrits de William H. Beveridge, même George Allen and Unwin Ltd, 1944.
3. Sur les réalisations sociales des États totalitaires, cf.
dans les pays comme l’Allemagne ou la P. Guillaume, « Naissance de l’État providence », Revue éco-
nomique, De l’Europe d’avant guerre à l’Europe d’aujour-
1 Denis-Clair Lambert, Les systèmes de santé. Analyse et d’hui. Regards sur l’Europe de 1939, numéro spécial, 51 (2)
évaluation comparée dans les grands pays industriels, Paris, mars 2000, p. 371-384.
Le Seuil, 2000. 4. Signée le 14 août 1941.

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Pierre Guillaume

tants des intéressés et de l’État » 1. Ces in- HMO (Health Maintenance Organizations),
tentions s’inscrivent dans des textes fon- ce qui implique une réduction sévère de la
damentaux : le préambule de la Constitu- liberté des praticiens et de leurs malades.
tion de la Quatrième République pour la Même en constatant la portée réduite du
France, la Constitution italienne de dé- Medicare et du Médicaid, l’existence de
cembre 1947 (art. 32), ou encore la Loi quelque 33 millions d’Américains dépour-
fondamentale de la RFA de mai 1949. vus de toute couverture sociale, on peut
L’obligation de donner un contenu à ces penser que le modèle américain, dans une
engagements découle de l’impérieuse né- société qui connaît à nouveau le plein em-
cessité de résister aux séductions si pré- ploi, n’est pas aussi néfaste qu’on avait
gnantes à l’époque du modèle soviétique voulu le croire. De ces doutes découle une
loué sans réserves par les partis commu- perte de légitimité de l’État providence,
nistes occidentaux et leurs compagnons de qu’il soit bismarckien ou béveridgien, qui
route. L’effondrement de ce modèle sovié- explique pour une part la virulence des cri-
tique, fortement ébranlé par le rapport tiques dont ont toujours été porteuses les
Krouchtchev dès 1956 puis par les insur- forces politiques conservatrices, mais qui
rections hongroises, allemandes, tchèques sont désormais partagées par des forces
ou polonaises et finalement anéanti en traditionnellement considérées comme
1989, fait tomber cette pression qui pesait progressistes.
sur les démocraties européennes tandis En 1945, la construction des nouvelles
que, parallèlement, le libéralisme améri- formes de protection sociale impliquait,
cain retrouve grâce d’abord aux yeux des pour leurs promoteurs, l’association étroite
quelques intellectuels qui ne sont pas des intéressés que l’on entendait responsa-
fermés aux enseignements de Raymond biliser. Ainsi, comme le dit Pierre Laroque,
Aron puis à ceux des nombreux lecteurs on voulait en France que la Sécurité sociale
du Jean-François Revel de Ni Marx ni Jésus soit la chose des assurés. Cette volonté
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paru en 1970. Avec le modèle de l’éco- était l’héritage de la tradition mutualiste.
nomie sociale de marché chère à Ludwig Elle explique la complexité des structures
Erhard, la RFA a montré que la libre entre- mises en place avec des caisses dirigées
prise se conjuguait avec le respect des par des élus ouvriers et patronaux sur des
droits des partenaires sociaux, ce dont se listes syndicales, mais gérées par un per-
sont laissés progressivement convaincre sonnel salarié ultérieurement sorti de
ceux qui osaient se dire socio-démocrates, l’École supérieure de la Sécurité sociale et
les travaillistes anglais sans grands états bénéficiant de statuts très proches de ceux
d’âme et, beaucoup plus difficilement, les de la fonction publique. De fait, les élus se
socialistes français, en attendant les an- sont progressivement effacés devant les
ciens communistes italiens. Dès lors, et professionnels. Les élections à la Sécurité
sans pour autant nier la légitimité du rôle sociale ont rapidement perdu tout intérêt
économique et social de l’État, on a pu re- pour les assurés, au point d’être différées
mettre plus vigoureusement en cause ses pour de longues périodes, sauf lorsque,
choix et les modalités de son action. Ainsi pour les enseignants ou les postiers, la ges-
en est-on venu aujourd’hui à admettre l’in- tion était confiée à leur mutuelle générale.
térêt d’un modèle américain qui implique L’échec a été le même dans les autres pays,
la primauté de l’assurance privée indivi- avec, sans doute, une nuance pour l’Alle-
duelle ou collective dans le cadre de l’en- magne où les caisses locales sont les héri-
treprise, l’organisation des soins par les tières directes des institutions bismarc-
kiennes, malgré la coupure du nazisme.
1. Cité par Sylvie Guillaume, La démocratie aux États-
Unis et en Europe (1918-1989), Paris, Armand Colin, 1999,
On peut aussi penser qu’en Belgique la ri-
(coll. « Textes et documents »), p. 81. valité des mutuelles catholiques et des mu-

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L’État providence en question

tuelles socialistes, auxquelles a été confiée vant, la création du Revenu minimum d’in-
la gestion des caisses, a maintenu un mili- sertion par la loi du 1er décembre 1988 avait
tantisme tant idéologique qu’ethnique. accordé aux chômeurs une protection qui
Néanmoins, cet indéniable échec de la ne découlait pas de cotisations et qui était
responsabilisation des assurés explique en budgétisée. À l’usage, il s’est vite révélé
partie les abus responsables des difficultés que le « contrat d’insertion » qui l’accompa-
financières de tous les systèmes de protec- gnait relevait de la fiction et qu’il s’agissait
tion sociale. bien d’un « secours » au sens traditionnel
Une autre difficulté découle des progrès du terme 3. À l’exception du Portugal et de
de la supranationalité en Europe, les diffé- la Grèce, tous les pays européens ont
rents régimes nationaux ne parvenant que adopté des mesures identiques avec, par
très difficilement à répondre aux nouveaux exemple, le Minimex en Belgique ou l’In-
problèmes découlant de la mobilité des come Support au Royaume-Uni 4.
hommes. Des progrès importants ont ce- Accusés d’avoir des coûts de gestion
pendant été faits dont témoigne notam- exorbitants, imputés notamment aux exi-
ment une décision de la Cour de justice gences salariales de leurs agents, les gou-
européenne qui, par les arrêts Kohll et vernements se sont efforcés de rationali-
Decker d’avril 2000, a admis que des pa- ser leurs pratiques. En France, la réforme
tients pouvaient obtenir de leur caisse na- Jeanneney de 1967 a séparé la gestion des
tionale le remboursement de frais engagés différents « risques ». En Angleterre, on a
chez des spécialistes étrangers, ce qui est intercalé en 1974 des zones et des districts
consacrer la liberté de circulation des ma- entre ministère et organismes locaux, mais
lades en même temps que la responsabilité en 1982, on a supprimé les districts. En
transfrontalière des caisses. C’est un pas Suède, en 1982, l’essentiel des responsa-
important car un Européen peut ainsi bilités a été confié aux comtés. En Alle-
espérer échapper aux restrictions de son magne, a contrario, l’autonomie des
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propre pays en se faisant soigner à caisses locales a été limitée par des me-
l’étranger 1. Cependant, l’hétérogénéité des sures de péréquation de leurs ressources.
institutions et de leurs règles de fonction- Le récent projet français de régions sani-
nement est telle que toute harmonisation taires s’intègre dans cette recherche com-
paraît impossible malgré les déclarations mune d’équilibre entre pouvoir central et
de principe de Maastrich ou d’Amsterdam pouvoirs locaux qui a marqué depuis long-
qui peuvent la faire espérer. temps l’histoire de l’assistance, comme l’a
fort bien montré l’application de la fa-
meuse « loi des pauvres » anglaise de 1834.
 LES SOLUTIONS PROPOSÉES
La couverture de chaque « risque » a sus-
La dissociation du lien initial entre sala- cité des inflexions des pratiques. Les allo-
riat et protection sociale a conduit, d’une cations familiales, auxquelles une priorité
part, à modifier le mode de financement de avait été initialement donnée en France,
celle-ci, d’autre part, à revenir d’une lo- ont été étendues, dans les années 1970, au
gique assurantielle à des pratiques d’assis- Portugal, à la Grèce et à l’Espagne qui les
tance. Ainsi, en France, on a recours à la ignoraient auparavant, mais leurs taux res-
fiscalité avec, en 1990, l’instauration de la tent très différents. Elles ont, globalement,
Contribution sociale généralisée 2. Aupara- perdu de leur importance relative, notam-
ment en France désormais moins géné-
1. « Comment les juges européens ont brisé le monopole
de la Sécurité sociale », Le Figaro Économie, 15 mai 2000. 3. INSEE, « Le Revenu minimum d’insertion », Données so-
2. D. Libault, « Le financement de la Sécurité sociale près ciales 1999, p. 407.
la Contribution sociale généralisée », Droit social, février 4. J.-P. Dumont, Les systèmes de protection sociale en Eu-
1992, p. 108-113. rope, op. cit., p. 199.

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Pierre Guillaume

reuse que l’Irlande, le Danemark ou le de gouvernement, aux propos de Tony


Royaume-Uni. On a débattu partout pour Blair en disant « qu’il est plus important de
savoir si l’on devait accorder une allocation financer du travail que de devoir payer le
pour tout enfant, quel que soit son rang de chômage » 2. En France, les propositions
naissance ou si l’on devait privilégier ceux du MEDEF de mai 2000 s’inspirent de la
de rang 2 ou 3 et jusqu’à quel âge. On s’est même logique mais suscitent l’indignation
interrogé aussi sur la pertinence de définir des syndicats qui, à l’exception discrète de
un plafond de ressources ou encore de la CFDT, ne supportent pas que l’on
soumettre à l’impôt leur apport. L’évolu- « sanctionne » les chômeurs. En Italie enfin,
tion la plus significative est le passage de se répand la pratique d’emplois multiples
politiques d’allocations à des politiques non déclarés dont l’accumulation assure
d’aides diversifiées à la famille avec, d’une des revenus élevés et constitue une auto-
part, la multiplication des structures d’ac- assurance contre le chômage 3.
cueil des jeunes enfants, d’autre part, l’ex- Tandis que dans l’ensemble des presta-
tension des congés parentaux... Ce sont les tions sociales, la part des allocations fami-
pays scandinaves qui sont allés le plus loin liales décroît, celle des retraites augmente
dans cette voie. Ces solutions sont évidem- partout. Pour faire face à cette évolution, la
ment celles qui conviennent le mieux à des solution la plus rudimentaire est la hausse
sociétés dans lesquelles les femmes sont des cotisations mais elle connaît ses limites
de plus en plus nombreuses à accéder au puisque l’on admet que l’ensemble des
marché du travail et souhaitent pouvoir
prélèvements ne peut, sans danger, dé-
concilier maternité et profession. L’ouver-
passer 45 % du PIB. À l’exemple de l’An-
ture des congés parentaux aux pères im-
gleterre, où la décision a été prise par une
plique aussi la volonté de limiter, au sein
loi du 25 juillet 1985, on a pu aussi prévoir
de la famille, la traditionnelle distinction
des rôles. une réduction du montant des pensions
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ou, au mieux, comme en Allemagne en
La couverture du chômage fait renaître
le vieux débat sur le risque d’incitation à la 1992, une moindre revalorisation en fonc-
paresse. La précaution la plus commune, tion de l’évolution du coût de la vie. Une
exprimée notamment dans la définition du autre pratique est de modifier les bases de
RMI, est que les ressources ainsi offertes calcul, comme l’a fait la France, en passant,
doivent toujours rester inférieures au sa- en 1993, des dix aux vingt-cinq meilleures
laire minimum. Cette volonté de limiter le années de salaire. Enfin, s’est affirmée la
traitement dit social du chômage pour s’en tendance au relèvement de l’âge légal de la
remettre le plus largement possible à la re- retraite, au rebours d’une évolution sé-
lance de l’économie s’exprime avec de culaire. Ainsi est-on passé en Allemagne
plus en plus de force dans les années 1990 en 1989 de 60 à 63 puis 65 ans, tout
et l’on en trouve une expression claire comme en Italie en 1991 ou encore au
dans les propos tenus en 1997 par le tra- Royaume-Uni en 1995 et en Suède en
vailliste Tony Blair qui dénonce « l’État 1999. À peine plus subtile est l’augmenta-
providence passif » et pose le principe que tion du temps de cotisation exigé pour ac-
« lorsqu’il y aura une offre d’emploi adé- céder à une pleine retraite, ce qui fut
quate, on attendra des bénéficiaires de décidé en France en 1993 avec passage
l’aide sociale qu’ils prennent ce travail » 1. progressif de 150 à 160 trimestres de coti-
En novembre 1998, le social-démocrate sation, comme en Belgique en 1997.
Gerhard Schröder, arrivé au pouvoir en Al-
2. Documents. Revue des questions allemandes, no-
lemagne, fait écho, dans son programme vembre-décembre 1998, p. 47.
3. Le Nouvel Observateur, 10 septembre 1998, « Romano,
1. Le Monde, 12 avril 1997. le travailleur du troisième type », p. 72.

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L’État providence en question

Partout, des assurances complémen- étant responsable de la dotation qui lui


taires souscrites auprès de mutuelles ou de était accordée. C’est ce qui se fit en Angle-
compagnies à buts lucratifs, viennent terre aux termes de la loi relative au service
compléter l’apport des assurances obliga- national de santé de 1990. Les hôpitaux
toires. La tendance générale est d’aug- étaient également incités à recourir à des
menter la part des premières et de limiter prestataires de services privés, et ils étaient
celle des secondes. C’est l’Angleterre qui mis en concurrence entre eux. En France
est allée le plus loin dans cette voie. Dès fut adopté ce même système de l’enve-
1975, le gouvernement travailliste met en loppe globale. Ailleurs, les hôpitaux furent
place une retraite complémentaire obliga- dotés en fonction des pathologies traitées.
toire proportionnée au salaire alors que la Ce fut le système adopté en Suède à partir
retraite mise en place par Beveridge était de 1985 et en Allemagne aux termes de la
uniforme. Avec les conservateurs, cette re- réforme Seehofer de 1996. Les résultats at-
traite complémentaire initialement gérée teints furent une diminution très sensible et
par l’État peut l’être par les entreprises qui généralisée des durées d’hospitalisation
créent ainsi des fonds de pension. En 1986, donc des économies sur les coûts dits hô-
Margaret Thatcher crée un nouveau sys- teliers, mais contrebalancés par les coûts
tème de plan individuel d’épargne retraite. d’examens de plus en plus sophistiqués, –
En Allemagne, les retraites d’entreprise ap- l’adjonction du scanner à la radiologie en
portent de longue date un complément à est le symbole – et d’opérations de plus en
l’assurance vieillesse obligatoire et leur plus audacieuses, notamment en matière de
poids ne cesse de croître. L’incidence de greffes. On doit ajouter que les contraintes
ces pratiques est la montée en puissance budgétaires pesant sur les hôpitaux ont,
des fonds de pension qui sont devenus les tout particulièrement en Angleterre, large-
principaux investisseurs sur la place de ment accru les durées d’attente et permis
Londres. Ces assurances complémentaires l’essor des cliniques privées. En matière de
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sont de capitalisation et les pays qui, médecine ambulatoire, les deux exemples
comme la France, restent attachés à la ré- extrêmes sont ceux du National Health Ser-
partition, affirmée comme la traduction de vice anglais et du système libéral français
la solidarité intergénérationnelle, en vien- avec, entre les deux, la médecine de caisse
nent à s’interroger sur sa viabilité à terme. allemande. Les deux systèmes tendent à
Ce sont les dépenses de santé qui repré- converger. En Angleterre, les patients ont
sentent la charge la plus lourde et partout acquis le droit de choisir plus librement
on s’est interrogé sur la possibilité de ré- leur médecin et celui-ci a pu, en dehors de
duire tant la demande que l’offre de soins, ses temps obligatoires de service, exercer
sans pour autant porter atteinte à la santé en clientèle privée. En France, depuis la
publique. On s’est ainsi attaché à réguler première convention imposée par la Sé-
médecine dite ambulatoire et médecine curité sociale en 1960 et péniblement re-
hospitalière, celle-ci étant la plus onéreuse. nouvelée par la suite, les médecins libé-
Dans les années 1960, en France, en ap- raux ont dû se soumettre à des contraintes
plication du Cinquième Plan, il y a eu mul- tarifaires qu’ils avaient auparavant refusées
tiplication des lits d’hôpitaux avec notam- au nom d’une charte de la médecine libé-
ment la construction des CHU découlant rale donnée comme immémoriale mais
des réformes Debré. Partout, le finance- datant en fait de 1927 1. Les efforts actuel-
ment des établissements découlait de leur lement faits pour réduire le coût de la mé-
taux d’occupation ce qui était une incita- decine ambulatoire sont, d’une part, de
tion à l’augmentation des hospitalisations.
1 P. Guillaume, Le rôle social du médecin depuis deux
Après 1980, on est passé au système de siècles, Paris, Comité d’histoire de la Sécurité sociale, 1996,
l’enveloppe globale, chaque établissement p. 181.

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Pierre Guillaume

préciser, voire d’imposer le rôle du mé- 19,7 ans, derrière le Japon, la Suisse, le
decin généraliste, qui peut être, comme au Canada et la Suède 1. Ce ne sont évidem-
Royaume-Uni, seul habilité à donner accès ment là qu’approximations grossières.
tant à l’hôpital qu’au spécialiste, ce qui Si imparfaits et fragiles soient-ils, les sys-
limite le « tourisme » médical, d’autre part, tèmes de protection sociale ont une telle
de substituer aux spécialités pharmaceu- importance dans les sociétés développées
tiques onéreuses des médicaments dits que leur dislocation est inconcevable. Ils
génériques, qui le sont moins. Ces géné- ont un rôle essentiel de redistribution des
riques comptent pour 48 % du volume des revenus. Les professions de santé, comme
médicaments délivrés aux Pays-Bas, pour celles de l’éducation, relèvent de ces acti-
43 % au Royaume-Uni, pour 33 % en Alle- vités de services dont on sait qu’elles sont
magne, mais pour 5 % seulement en les seules aujourd’hui à être créatrices
France. En dehors des pays qui ont fonc- d’emplois. Il est impensable, en dehors
tionnarisé leurs médecins, à l’exemple de même de toute raison humanitaire, d’en
l’Angleterre, comme l’Espagne ou l’Italie, amenuiser considérablement la place.
mais où se développe une médecine libé- Certes, on peut s’étonner que là où se sont
rale parallèle sans couverture sociale, le perpétuées les pratiques bismarckiennes,
moyen le plus courant pour limiter la con- un budget social supérieur au budget gé-
sommation médicale est la mise à la charge néral de la nation échappe au contrôle du
du patient d’une part des coûts hospita- Parlement. C’est cette anomalie qu’ont
liers, médicaux et pharmaceutiques par la voulu faire disparaître les réformes Juppé
pratique des tickets modérateurs dont le de 1996 2. Les rapports entre l’État et les or-
relèvement suscite toujours un émoi consi- ganismes de protection sociale sont donc à
dérable et compréhensible. Notons enfin réviser. L’État n’étant pas nécessairement
que tôt pour l’Angleterre, plus tard pour toujours le meilleur assureur possible,
l’Italie ou la France, on s’est efforcé de li- l’État providence du 20e siècle n’est sans
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miter le recrutement de nouveaux méde- doute pas appelé à se perpétuer comme
cins par des pratiques plus ou moins tel ; on voit mal cependant comment les
avouées de numerus clausus. sociétés démocratiques pourraient re-
Héritiers d’une histoire complexe, les noncer aux progrès dont il a été porteur.
systèmes de protection sociale offrent des
couvertures de risques fort disparates. En 1. J.-P. Dumont, Les systèmes de protection sociale…,
op. cit., p. 153-157.
s’en tenant à l’assurance santé, on peut re- 2. Jean-Jacques Dupeyroux, « Introduction », Droit social,
lever que la participation des ménages va mars 1996, p. 217.
de 53,52 % des coûts aux États-Unis à
7,14 % au Luxembourg, la France, avec 
21,42 %, occupant une position très
moyenne. Si l’on prend comme critère de
l’efficacité l’espérance de vie à 60 ans, le Professeur à l’université Bordeaux III, Pierre
Guillaume vient de publier Les hospices de Bor-
Japon arrive nettement en tête avec deaux au XIXe siècle (Bordeaux, Les Études
20,3 années, l’Irlande en queue, avec hospitalières, 2000) et Mutualistes et médecins.
17,1 ans, tandis que la France occupe une Conflits et convergences (XIXe-XXe siècles) (Paris,
très honorable cinquième position avec Les Éditions de l’Atelier, 2000).

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