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MANAGEMENT / LEADERSHIP

Julien
SOFT SKILLS
BOURET Développez vos compétences
Jérôme
HOARAU
comportementales, un enjeu
Fabrice
pour votre carrière
MAULÉON
Image de couverture : ©Julien Eichinger – stock.adobe.com

© Dunod, 2018
11 rue Paul Bert, 92240 Malakoff
www.dunod.com
ISBN 978-2-10-077698-6
Sommaire

Avant propos 1

Introduction 3

Partie 1

L’urgence des Soft Skills 7

Chapitre 1 ■ Les Soft Skills à l’aube de 2020 9

Chapitre 2 ■ La révolution digitale 19

Chapitre 3 ■ L’avenir du travail et des compétences 35

Chapitre 4 ■ Entrepreneur : un métier d’avenir ? 47


© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

Partie 2

L’IA, accélérateur de Soft Skills 57

Chapitre 5 ■ L’IA, nouvelle grille d’analyse des compétences 59

Chapitre 6 ■ L’humain augmenté et les Soft Skills 69

III
SOFT SKILLS

Partie 3

Les Soft Skills au cœur de l’entreprise 83

Chapitre 7 ■ L’intelligence émotionnelle au cœur de l’entreprise 85

Chapitre 8 ■ L’enjeu de maintenir l’humain


au cœur de l’entreprise 97

Chapitre 9 ■ La valeur ajoutée de l’humain 107

Partie 4

Développer ses Soft Skills au quotidien 125

Chapitre 10 ■ L’intelligence intuitive et la No-w Strategy 127

Chapitre 11 ■ Cultiver les intelligences multiples 141

Chapitre 12 ■ Se réapproprier son temps et son attention 157

Chapitre 13 ■ Pourquoi les Soft Skills sont-elles indispensables 169

Chapitre 14 ■ Le code Soft Skills 177

Partie 5

Reprogrammez votre métier en 4 étapes 197

Chapitre 15 ■ Les Soft Skills et votre avenir professionnel 199

Chapitre 16 ■ Étape 1 Visualiser 211

Chapitre 17 ■ Étape 2 Simplifier 219

Chapitre 18 ■ Étape 3 Programmer 227

Chapitre 19 ■ Étape 4 Implémenter 237

Conclusion 247

IV
Avant propos

Notre premier ouvrage


En 2014, quand notre premier ouvrage sur les Soft Skills a été publié,
nous étions persuadés que ce concept allait prendre de l’importance
dans les années à venir. Nous avions fait deux constats majeurs : d’une
part, un grand nombre d’acteurs de la vie professionnelle – universités,
écoles, direction des ressources humaines, organismes publics et privés,
ou tout simplement toute personne désireuse de mieux piloter sa vie
professionnelle – se questionnaient beaucoup sur l’avenir du travail en
général et des compétences en particulier ; et ce sans pour autant avoir
formalisé la notion de « Soft Skills ». Le constat était d’autant plus curieux
que le terme et les questionnements nourrissaient déjà depuis plusieurs
années, de l’autre coté de l’Atlantique, des débats forts intéressants. Il
y avait urgence à s’emparer dans l’hexagone de ce concept d’actualité.
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En second lieu, il nous sautait aux yeux que les signaux – faibles et forts –
relatifs à la fois à l’évolution de l’économie et à celle du marché du
travail, mettaient en évidence qu’il était urgent de s’interroger quant
aux compétences du futur et en particulier sur le besoin de poser une
question claire : « quelles compétences seront demain nécessaires pour
avoir un métier ou pour le garder ? ». Les études relatives au processus
d’automatisation dans de nombreux secteurs économiques nous
permettaient de dire sans prendre trop de risque que si la machine prenait
une place de plus en plus importante dans l’entreprise, il allait falloir

1
SOFT SKILLS

rapidement se poser la question des conséquences sur l’employabilité


de l’homme et de l’avenir de ses compétences.
Tous ces facteurs nous permettaient en 2014 de plaider en faveur d’un
« réflexe Soft Skills ».
Pourtant, à l’aube de 2020, nous faisons un nouveau constat, qui nous
fait penser que nous rentrons dans une nouvelle ère des Soft Skills.
Tous les rapports récents sur l’avenir des compétences et du travail, sur
l’impact de l’intelligence artificielle, du Big Data, de la réalité virtuelle ou
encore de l’Internet des objets, convergent pour expliquer que les Soft
Skills ne sont plus seulement les compétences douces du cerveau droit,
mais surtout les compétences qui resteront foncièrement humaines,
c’est-à-dire qu’il ne sera pas intéressant d’externaliser à une machine,
mais qu’il faudra au contraire ancrer dans les capacités humaines.

2
Introduction

N
ous sommes entrés dans le début d’une nouvelle révolution
industrielle. Tout le monde le sait. Ou plutôt, il est de plus en
plus difficile de l’ignorer. Et le grand responsable en est encore
une fois les technologies. Ou plutôt leur impact, qui va bouleverser notre
quotidien. Cette révolution (oui révolution et pas évolution) en cours
repose principalement sur quatre ruptures technologiques essentielles :
– la multiplication et l’omniprésence de la data ;
– une « intelligence » démultipliée pour faire parler ces datas ;
– une connexion entre ces datas à travers des objets rendus intelligents ;
– la possibilité d’utiliser ces objets pour déplacer la réalité.
Toutes ces technologies sont d’ores et déjà sur le marché et entre les
mains à la fois de leurs développeurs et de leurs utilisateurs.
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Pour le meilleur ou pour le pire, nous sommes rentrés dans une période
de transformation qui va rebattre les cartes des toutes nos habitudes,
de nos métiers et de nos compétences. Cette révolution aura-t-elle une
conséquence sur l’emploi  ? Bien entendu  ! Aura-t-elle un impact sur
votre métier actuel et vos compétences ? À coup sûr ! Serons-nous tous
remplacés par des robots ? Certainement pas ! Certaines de vos tâches
actuelles vont bien entendu être confiées à votre futur assistant personnel
automatisé. Mais d’autres vont être au contraire poussées, augmentées et
vont valoriser le potentiel humain qui nous distingue encore des automates

3
SOFT SKILLS

et de l’intelligence artificielle. Ce sont les Soft Skills, les compétences que


nous n’allons pas déléguer aux robots ! Embarquez-vous dans un voyage
vers votre futur proche ! Nous vous proposons une mise à niveau claire de
l’impact des nouvelles ruptures technologiques sur votre vie professionnelle
et personnelle. Mais nous vous proposons aussi des exemples, des astuces
et méthodes pour favoriser la maîtrise de cette révolution sur votre vie.
Bonne nouvelle : nous sommes tous reprogrammables !
Ce scénario vous fait peur  ? En le lisant, vous pourriez vous dire que
le futur est écrit d’avance, et que vous n’aurez pas d’autres choix que
de vivre avec ces avancées technologiques qui ne cesseront d’évoluer.
Peut-être même vous dites vous que la technologie va elle-même
prendre le pas sur l’homme au point de le surpasser et de contrôler ses
agissements. Certains spécialistes de l’intelligence artificielle pourraient
adopter ce type de point de vue. Mais en parallèle de ce scénario, qui
pour beaucoup de personnes pourrait paraître anxiogène, nous avons
écrit un autre scénario pour vous, différent. Le voici.
162 minutes, c’est le temps moyen qu’un Français aurait passé chaque
jour sur son smartphone en 2016. Sommes-nous « hyperconnectés » ?
Oui. Le serons-nous encore plus dans les années à venir ? Cela dépend
de nous. Les créateurs d’application ont développé une certaine agilité à
nous rendre « dépendants » de nos outils digitaux.
Les notifications liées à vos applications en sont un exemple. Elles attirent
facilement votre attention si toutefois vous ne les avez pas désactivées.
Et il vous faudra en moyenne une minute, une fois que vous aurez
consulté votre notification, pour vous reconcentrer sur ce que vous
étiez en train de faire. Imaginez que ce « détournement d’attention »
soit effectué une soixantaine de fois au cours d’une journée. Et bien
vous aurez perdu une heure de votre temps à vous replonger dans vos
tâches du moment. Dans certains cas, la consultation des notifications,
comme celle liées à l’actualité par exemple, est volontairement choisie,
tout simplement parce que vous portez un intérêt à cette notification.
Mais, nous sommes navrés de vous le dire, beaucoup de consultations
de votre smartphone ou autres outils digitaux sont inconscientes et

4
Introduction

ancrées de façon réflexe dans vos comportements quotidiens. Avez-


vous réellement choisi consciemment de passer quelques minutes sur
Facebook pour voir ce qui s’y est passé depuis deux heures et si par
hasard vous avez manqué quelque chose  ? Pas forcément. Êtes-vous
véritablement conscient de vérifier que votre SMS a bien été lu, alors
que finalement, peu importe, la personne vous répondra quand elle le
pourra et le voudra ?

Alors il faut peut-être l’admettre, bien que le digital puisse être utile pour
tout un tas de choses, vous allez petit à petit vous en détourner, car vous
vous apercevez que celui-ci vous vole du temps. Vous vous apercevez
aussi qu’au cours d’une journée, vous vivez beaucoup trop avec un écran
devant les yeux, qui vous cache la réalité qui se trouve juste derrière.
Oui, vous connaissez la personne qui se trouve en face de vous dans
votre open space, à qui vous envoyez un e-mail pour lui proposer d’aller
déjeuner, alors que vous pourriez juste vous lever pour lui parler.

Vous pouvez ainsi remarquer que le digital peut à la fois rapprocher les
humains, mais aussi les éloigner. Or vous ne souhaitez pas forcément
que cette deuxième option se produise… Vous allez donc choisir
maintenant de bouder le digital. Ou sans nécessairement le bouder,
d’en être moins dépendant, pour renouer avec vos proches plutôt que
de consulter votre smartphone pendant un repas par exemple, ou
plus simplement pour permettre à vos yeux de regarder autre chose
qu’un écran. Bref, vous décidez maintenant d’être libre du digital, des
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outils et objets intelligents qui foisonnent autours de vous, du moins


un peu plus que vous ne l’êtes aujourd’hui. Vous décidez de moins
consommer ce que la société vous invite à consommer. Mais pour que
ce scénario devienne réel, vous vous apercevez qu’il va vous falloir
changer certaines habitudes et développer de nouvelles compétences,
comme la capacité à prendre du recul, à faire preuve de créativité, à
vraiment écouter l’autre, à vous concentrer de façon plus précise pour
ne pas être perturbé par les sollicitations digitales qui vous entourent,
et bien d’autres compétences, que nous découvrirons ensemble, et
que vous découvrirez par vous-même.

5
SOFT SKILLS

Pour que ce scénario prenne forme, vous serez naturellement amené à


développer vos Soft Skills. Nous y revoilà. Peu importe le futur que vous
choisirez, pour que vous puissiez sélectionner celui qui vous convienne,
ou mieux, pour écrire votre propre histoire professionnelle, vous devrez
acquérir les compétences nécessaires.
Apprendre à surfer le changement, votre changement, celui que vous
souhaitez impulser dans ce nouveau monde, tel sera l’un des enjeux de
votre carrière. Ce monde est rempli de promesses, de prouesses mais
aussi de déceptions potentielles si vous n’avez pas les outils pour être
votre propre scénariste. Bonne nouvelle, nous allons vous transmettre ici
un code pour éviter le scénario dont vous ne voudriez pas, mais plutôt
préparer celui que vous voulez vivre et programmer pour votre avenir.
Pour recevoir des vidéos et éléments de formations complémentaires à
cet ouvrage, rendez-vous sur : http://www.creaprezent.fr/bonus-dunod/

6
Partie 1

L’urgence
des Soft Skills

« Notre influence grandit au moment où un rêve futur


se transforme en une action présente. »
Steve Chandler
D
ans notre premier ouvrage Le Réflexe Soft Skills, les
compétences des leaders de demain (Dunod, 2014),
nous présentions les Soft Skills comme les compétences
qu’il serait bientôt nécessaire d’intégrer dans un monde
en train de changer. Cet avenir est aujourd’hui le présent.
La  nouvelle révolution industrielle, dans laquelle nous venons
d’entrer, s’annonce plus intense et disruptive, en termes de
changements, que tout ce que nous avons connu jusqu’à
maintenant. En effet, cette révolution n’est pas celle d’Internet ;
mais celle de l’Intelligence Artificielle (IA) qui questionne de
manière agressive l’intelligence en général et les compétences
en particulier. Bonne nouvelle pour les Soft Skills : elles ne sont
pas simplement « importantes » ; elles deviennent « urgentes et
importantes ».

Comment les changements liés à la digitalisation du monde et à


« l’ubérisation » des métiers imposent-ils un focus prioritaire sur
les Soft Skills, à la fois au niveau des individus et au niveau des
organisations ?

C’est ce que vous découvrirez dans cette partie.

8
Chapitre 1

Les Soft Skills à l’aube


de 2020

Executive summary

 Nous entrons dans une nouvelle période de


changement qui demande de faire évoluer les premières
caractéristiques des Soft Skills comme elles avaient été
décrites il y a quelques années.
 Dans cette période d’accélération de l’obsolescence des
compétences, il est essentiel d’accepter ces changements
pour transformer cette contrainte en opportunité.
 Le monde VUCA favorise les facteurs d’incertitude.
En période de complexité, il est essentiel de changer
à la fois son mode de pensée managérial et d’adapter
ses compétences à ces nouveaux principes.

9
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Le réflexe Soft Skills


Pourquoi mettre à jour les Soft Skills ?
Les Soft Skills sont une notion qui a aujourd’hui trouvé sa place
dans le monde du management en France. Un certain nombre de
points relatifs à cette notion jusque-là très anglo-saxonne  ont été
clarifiés. Il s’est ensuite posé la question d’une première classifica-
tion de ces compétences souples sur lesquelles il faudrait investir
pour proposer une évolution pérenne et durable des compétences
des collaborateurs.
Pourtant, il n’est pas certain que ce que nous considérions à
l’époque soit toujours aussi vrai aujourd’hui. Ce constat d’un besoin
de mise à jour s’explique par deux raisons.
La première tient à la nature même des compétences, c’est-à-dire
la relation utile que l’homme entretient avec son environnement.
Il suffit de regarder tous les thèmes professionnels qui tournent
autour de cette notion par nature évolutive : évolution profession-
nelle, besoins en formation, conditions de travail, entretien annuel
d’évaluation, mobilité… Les entreprises, comme les collaborateurs,
prennent de plus en plus de temps à se questionner sur la place de
l’homme dans l’entreprise et son évolution, sa « carrière ». Ils sont
même de plus en plus nombreux à rechercher une formule qui ferait
de l’évaluation des compétences un moment non unique et annuel,
mais continu et évolutif.
Ainsi, la notion même de compétence est devenue indissociable
de l’interrogation relative à son obsolescence. Ce phénomène est
aujourd’hui encore peu discuté car relativement tabou. Pourtant,
l’obsolescence des compétences est un phénomène qui s’impose
dans la vie professionnelle de nombreux actifs.

10
Les Soft Skills à l’aube de 2020

L’obsolescence des compétences


chez les informaticiens
En pleine révolution digitale, il peut paraître curieux –  voire provoca-
teur – de choisir de parler des professionnels de l’informatique comme
sujets potentiels de l’obsolescence professionnelle. Un avocat, un huis-
sier, une assistante dentaire pourquoi pas… mais un acteur du digital en
pleine révolution digitale ? Pourtant le risque est aussi bien réel pour ces
professionnels, tout comme il l’est pour la plupart d’entre nous. D’où
vient dès lors le danger ?
En premier lieu, il vient de se sentir non concerné et à l’abri de cette
mutation. Le biais cognitif trouve sa source principale dans le fait qu’il
y a encore quelques années, une telle question se posait en fin de car-
rière professionnelle ou à quelques mois de la retraite. Aujourd’hui, cette
situation peut se poser à tout moment de la vie professionnelle.
En second lieu, il y a bien entendu, derrière ce risque, la notion d’accélé-
ration de l’émergence des nouvelles technologies. Et c’est en particulier
ceci qui est une source d’opportunités en début de carrière pour un
informaticien qui sort fraîchement diplômé de sa formation et qui peut
être une perspective de risques.
Le numérique est en perpétuelle révolution
Dans le secteur digital, l’obsolescence est d’autant plus réelle que l’évo-
lution de certaines approches se fait presque tous les six mois. Un site
web aujourd’hui n’est ni pensé ni conçu comme il pouvait l’être il y a
encore quelques années. Il en va de même pour un bon nombre d’outils
de communication digitaux. Slack n’existait pas il y a encore quelques
mois. C’est un des outils les plus utilisés pour remplacer aujourd’hui les
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réseaux sociaux d’entreprise. Angular est aujourd’hui une plateforme de


développement qu’il serait naïf d’ignorer. Elle n’était pas au cœur des
process il y a peu de temps.
En informatique, il faut être polyglotte
En informatique, tout est question de langage. Or, ces derniers naissent,
évoluent et meurent pour être remplacés par de nouveaux vecteurs de
programmation, à un rythme toujours plus rapide. Cette course contre
la montre ne peut se contrôler qu’en prenant conscience du besoin
d’être multilingue en matière de programmation.

...
11
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

... Être multi-expert sinon rien


Ce besoin n’est pas propre aux acteurs du digitaux. Mais ces derniers
sont peut-être encore plus concernés que d’autres par cette dimension
de l’obsolescence. La règle est connue : plus on développe son expertise
dans un domaine, plus il devient difficile de sortir de son expertise et en
l’espèce de passer à une autre technologie ; par confort bien entendu.
Mais surtout parce que ce domaine subit des exigences de temps et de
technicité qui ne laisse pas de place à la semi-expertise. Il faudra donc
être expert dans de nombreux domaines sans compromis de médiocrité.
Pour finir, voici une solution sous forme d’anecdote. L’école 42 est sou-
vent citée parmi les structures d’enseignement spécialisées les plus disrup-
tives du monde. Elle s’est créée sur le constat d’un besoin de former les
futurs acteurs de l’information et en particulier contre l’obsolescence des
compétences informatiques. Un des principes majeurs de leur philoso-
phie éducative innovante : il faut apprendre à apprendre et avant tout se
tourner vers la solution plutôt que vers la technicité. Conséquence : pas
de diplôme, pas de cours en tant que tel, pas de professeurs. Mais des
défis à relever et l’importance de l’intelligence collective.

,, Témoignage
« Consciente et maîtrisée, cette obsolescence offre des perspectives, à
savoir d’une part, l’enrichissement de son bagage professionnel. Et
d’autre part, elle facilite une pluralité de l’activité tout au long d’une
carrière. Encore faut-il prendre le temps de lever la tête du guidon
pour observer et comprendre les changements. Une caractéristique
fondamentale : la curiosité. »
Cyril Pierre de Geyer (Directeur de l’Exécutive MBA d’Epitech)

La seconde raison tient au monde qui nous entoure. Un philo-


sophe grec l’avait écrit il y a presque 3  000  ans  : on ne se baigne
jamais deux fois dans le même fleuve ! Et bien le monde que l’on
connaît aujourd’hui est un fleuve qui n’est plus tranquille du tout
depuis qu’il est devenu VUCA.

12
Les Soft Skills à l’aube de 2020

L’urgence à développer vos compétences


dans un monde VUCA
Le monde VUCA
Les formules ne manquent pas aujourd’hui pour tenter de qualifier
la transformation actuelle de toutes les industries. Le monde écono-
mique subit une transformation révolutionnaire. Personne ne sait
vraiment à quoi ressemblera demain. Mais ce que tout le monde
s’entend à dire, c’est que le monde de demain sera bien différent de
celui qu’on a connu jusqu’à maintenant. D’où le fait de considérer
la période actuelle sous les nouvelles problématiques VUCA :
• Volatile (Volatility)
• Incertain (Uncertainty)
• Complexe (Complexity)
• Ambigu (Ambiguity)
Ces quatre types de problématique imposent chacune de ques-
tionner le monde comme on le connaît aujourd’hui avec d’autres
réponses pour demain. C’est une manière de considérer l’environ-
nement actuel dans lequel nous vivons.
Doit-on prendre cet acronyme au sérieux  ? Oui, quand on en
connaît les origines. En effet, l’expression doit retenir notre atten-
tion car elle ne tire pas ses sources d’une agence de conseil, mais de
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l’école de l’armée américaine qui forme les leaders militaires. C’est


en cherchant à définir les caractéristiques actuelles de notre monde
que l’armée a développé son approche dite de «  Light Footprint  »
(empreinte légère). Pour le gouvernement américain, l’objectif
d’une telle approche est bien entendu de tenter de trouver la meil-
leure formule pour assurer la sécurité nationale, tout en protégeant
au maximum ses citoyens, militaires ou non des conflits dont l’his-
toire montre toujours qu’ils sont souvent plus complexes dans la
réalité que ce que l’on avait imaginé sur le papier. Ainsi, le nouveau
modèle d’intervention préconisé par l’état-major américain doit

13
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

être «  rapide et ciblé  » afin d’éviter les risques d’enlisement et les


dommages collatéraux.
D’un point de vue militaire, cela signifie que la grille de lecture
des dangers actuels se veut nouvelle : les adversaires sont multiples
et leur visage est peu ou parfois même inconnu, voire virtuel. Les
forces armées doivent donc déployer de nouvelles techniques d’at-
taque pour répondre à une situation agile et rapide.
Ce concept a été récupéré par le monde des affaires. Cela signifie
que les temps longs et les certitudes doivent être oubliés dans les
nouvelles stratégies d’entreprise. Deux exemples peuvent illustrer ce
nouveau principe managérial.
En premier lieu, de nombreuses entreprises ont ainsi décidé de
faire de l’acronyme VUCA leur nouveau modèle d’arbitrage stra-
tégique. L’entreprise BASF, par exemple, considère que seul un
pilotage court et rapide est susceptible de donner des résultats en
période de changement : pour Hans-Ulrich Engel, directeur finan-
cier du groupe BASF  : «  La meilleure expression est que nous vivons
dans un monde VUCA. À présent, nous avons une bonne visibilité jusqu’à
soixante jours, maximum quatre-vingt-dix. Mais c’est tout. »
En second lieu, toutes les stratégies d’innovation ont, de la même
manière, changé de temporalité et de philosophie depuis que les nou-
velles méthodologies du Design Thinking ou le Lean Startup sont uti-
lisées pour faire évoluer les produits et services dans les entreprises.
Ces nouveaux principes directeurs de l’innovation mettent en avant
le prototypage rapide, le Test and Learn, l’itération permanente.
Dans tous les secteurs, les entreprises sont confrontées à des envi-
ronnements de plus en plus instables. L’approche VUCA offre une
manière de penser adaptée aux managers qui souhaitent gérer l’in-
certitude. De la même manière, elle impose de penser les compé-
tences autrement.

14
Les Soft Skills à l’aube de 2020

Les compétences dans un monde VUCA


Balayons tout de suite une objection qui pourrait vous venir à l’esprit :
considérer le monde comme changeant, incertain, complexe, etc., ne
serait-ce pas enfoncer une porte ouverte en matière de management ?
Est-il réellement possible de trouver un acteur économique, mis en
situation de concurrence dans un environnement normal, qui vous
dira que tout va bien et qu’il connaît parfaitement son avenir sans
aucun degré de complexité ou d’incertitude ? En réalité, tout est ques-
tion, encore une fois, de tempo. L’environnement est changeant par
nature. Mais ce qui a évolué, c’est la vitesse du changement. Il n’y a
plus – en tous cas actuellement – de moment stable. Or, ce mouvement
continu de changement a des impacts sur les hommes qui sont au
cœur de ce balancement ; et donc sur les compétences et les postures
qui leur faut prendre pour survivre à ce déséquilibre.
Pour coller le plus possible aux nouvelles règles imposées par le
monde VUCA, les managers vont devoir adopter quatre postures qui
seront autant de compétences pour demain.

Tableau 1.1 – Les compétences en mode VUCA

Le modèle VUCA Compréhension Posture

Volatile Attention aux nombreux Définir une vision claire


changements
Incertain Manque de recul sur le Être à l’écoute
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présent
Complexe Les décisions se prennent Être créatif
sur la base de facteurs
multiples
Ambigu Un manque de clarté sur Être clair
de nombreux faits

Tout d’abord, puisque le monde est devenu volatile, le manager


doit fédérer ses équipes autour d’une vision commune. En l’absence
de repères, il va être nécessaire de favoriser la relation avec les autres.

15
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Ensuite, après avoir suscité la relation, et pour répondre à l’ambi-


guïté et l’incertitude, il sera primordial de favoriser l’écoute : de ses
clients, de ses collaborateurs, d’un maximum de parties prenantes
qui l’entourent. Toutes les approches de Customer Centricity ou
d’Employee Centricity disent la même chose. La confiance et la moti-
vation passent par l’écoute.
Enfin, seule arme contre la complexité : la créativité. Moins on
connaît l’avenir, plus il faut tester de nouveaux modèles, prototyper
de nouvelles idées, les enrichir et les reconstruire encore le plus rapi-
dement possible, en proximité avec les besoins du client.
Quelles compétences faut-il déployer pour s’adapter à ce monde
VUCA  ? C’est tout l’objet de cet ouvrage. Les Soft Skills sont, à
leur manière, une conséquence de ces nouvelles caractéristiques
du monde. Il est donc impératif de réfléchir aux compétences
humaines à développer pour agir dans un contexte d’incertitude et
de complexité. D’autant que plus le monde devient complexe, plus
les organisations seront tentées de se tourner vers la machine pour
trouver des solutions…

,, Témoignage
«  Nous sommes façonnés par la pensée rationnelle de Descartes et
par la représentation mécaniste du monde industriel. Dans la produc-
tion de masse, je presse un bouton et je sais ce qui va arriver. Notre
conception du monde est calculée. Elle se fonde sur l’idée que je dois
savoir, comprendre pour agir. Nous avons en quelque sorte perdu la
valeur de l’expérimentation qui est la posture adéquate pour apprendre
et s’adapter. Quand on suit des formations en management, on ne
trouve pas grand-chose d’utile pour nous aider à faire face à la confu-
sion et à l’incertitude. Il nous faut dès lors (ré)apprendre à aborder un
monde où on ne sait pas et où il n’est pas possible de savoir. »
Philippe VALLAT (Consultant en intelligence collective)

16
Les Soft Skills à l’aube de 2020

L’essentiel

 Nous sommes rentrés dans un nouveau monde bien


différent, à de nombreux égards, de ce que nous avons
connu il y a encore une dizaine d’années. Les changements
qui caractérisent cette période demandent un besoin de
mise à jour des premières réflexions en matière de Soft
Skills.
 La période actuelle se caractérise en particulier par
une accélération de l’obsolescence des compétences.
Cette notion était jusque-là traditionnellement l’apanage
d’interrogations de fin de carrière. Or, la révolution digitale
actuelle se caractérise par une obsolescence aggravée et
une accélération des questionnements à ce sujet.
 Le monde actuel est passé au crible d’un nouveau
modèle d’analyse : le système VUCA. Dans un
environnement Volatile, Incertain, Complexe et Ambigu,
il est devenu plus difficile de manœuvrer, que se soit pour
les États ou pour les organisations. Ce changement d’axe
influe sur la question des compétences et donc des Soft
Skills.
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Chapitre 2

La révolution digitale

Executive summary

 Nous sommes rentrés dans une nouvelle ère que l’on


peut qualifier de révolutionnaire. Cette évolution de
l’humanité n’est pas en soi gênante dès lors qu’on la vit
comme une nouvelle mutation sociale.
 Cette nouvelle étape de l’humanité est aussi une
révolution industrielle, c’est-à-dire une période où les
principaux changements sont générés par des nouvelles
technologies. Celles-ci demandent une nouvelle maîtrise et
posture.
 Cette révolution est aussi d’ordre organisationnelle.
L’entreprise digitale n’est pas une simple adaptation
de modèle d’affaire. Cette une mutation anthropologique
et managériale.

19
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Une période de changements


Une nouvelle évolution de l’humanité
Un des best-sellers de l’année 2017 a été Sapiens, l’ouvrage de l’histo-
rien Yuval Noah Harari. Le livre décrit comment il y a 100 000 ans,
la Terre était habitée par au moins six espèces différentes d’homi-
nidés. Et surtout, pourquoi une seule a survécu, les Homo Sapiens,
notre espèce. La qualité de l’ouvrage est à chercher du côté du sujet
qu’il traite : l’homme et son avenir. Ou plus précisément, comment
Homo Sapiens a réussi à dominer l’évolution de son environnement
et construire les modèles de sa survie d’abord, et de sa croissance
ensuite. Sapiens est un livre érudit, qui tombe à pic à un moment où
nous nous questionnons sur les certitudes que nous pensions savoir
de notre humanité et notre futur.
Que nous apprend ce regard introspectif sur notre ancêtre l’Homo
Sapiens ?
On sait maintenant que la domestication du feu et l’élabora-
tion d’outils ont ouvert les premiers la différence significative entre
l’homme et les autres animaux. Mais le facteur déterminant a été
l’usage du langage pour créer un socle commun d’humanité au sein
de l’espèce. Sapiens a pu survivre en coopérant avec d’innombrables
individus, grâce à son étonnante flexibilité, qui lui permet, en per-
manence, de modifier son système social… Pourquoi ? Parce qu’il est
capable de faire preuve d’évolution rapide à l’aide de son langage. Et
quand en plus ce langage est doublé d’une rupture technologique
et industrielle, alors tous les facteurs sont réunis pour assister à une
rupture majeure dans l’histoire de l’humanité.

Une nouvelle révolution industrielle


L’Homo Sapiens a terrassé tous les concurrents. Mais malgré tout,
pendant des milliers d’années, la trajectoire de l’humanité a été rela-
tivement plate.

20
La révolution digitale

6
Population mondiale en milliards 

0
10 000 av. J.-C. 8 000 6 000 4 000 2 000 ap. J.-C. 1 1 000 2 000

Source : Wikipedia – Human Overpopulation


Figure 2.1 – La population mondiale depuis la Préhistoire

L’auteur américain Ian Morris est un des chercheurs contempo-


rains en histoire les plus remarqués grâce en particulier à ses travaux
sur l’évolution de l’humanité. Dans son ouvrage Pourquoi l’occident
domine le monde… pour l’instant, il a fait des découvertes très intéres-
santes pour notre sujet. Il a d’abord mis en évidence, d’une part, qu’il
était possible de mesurer l’évolution de l’humanité ; et d’autre part que
son travail de quantification pouvait mettre en évidence une courbe
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de « développement social » – la capacité d’un groupe à maîtriser son


environnement intellectuel et physique. Pour notre réflexion, ces
travaux sont forts utiles. En effet, les recherches de Morris mettent
en évidence un élément clé pour mieux comprendre notre période
actuelle  : ce n’est pas tant la maîtrise du feu, la domestication des
animaux ou encore l’émergence des empires ou des grandes religions
qui infléchissent radicalement l’évolution d’une société, mais plutôt
le progrès industriel, à savoir les ruptures technologiques.

21
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Si l’humanité a fait un bon dans les avancées technologiques à la


fin du XVIIIe siècle, c’est tout simplement grâce à la première révolu-
tion industrielle.
Plusieurs facteurs ont pu converger  : des progrès en matière de
mécanique, de chimie et de métallurgie ont créé une véritable rup-
ture dans la courbe du développement social. Avec une innovation
technologique principale, la naissance de la machine à vapeur. Dès
lors, on a pu dépasser les limites musculaires de l’homme, grâce à un
accès quasi illimité à une nouvelle source d’énergie. Les notions de
travail et de production ont changé de dimensions. C’est ce que Erik
Brynjolfsson et Andrew McAfee, auteurs et chercheurs du MIT, ont
qualifié de « premier âge de la machine ». Nous reviendrons plus loin
sur leur thèse actuelle qui converge avec notre vision que nous vivons
une période particulière de transformation.
Lors des révolutions industrielles suivantes, ce sont aussi des
ruptures technologiques qui ont sonné le glas d’usages industriels
antérieurs et favorisé le développement de certaines puissances
industrielles. Voici un résumé simplifié de ce que l’on nomme les
quatre révolutions industrielles :
– La première fut donc celle de la machine à vapeur.
– La deuxième, à la fin du XIXe, fut celle de l’électricité et du pétrole.
Le secteur automobile explose, la sidérurgie se développe en se
basant sur l’acier, et la chimie de synthèse permet de produire des
textiles artificiels, des colorants et des engrais. Toutes les innova-
tions sont alors centralisées dans des « usines » structurées selon
les philosophies de Ford et Taylor.
– Puis, un siècle plus tard, dans la deuxième partie du XXe, la troi-
sième révolution industrielle est celle de l’électronique, des télé-
communications et de l’informatique. La production industrielle
se miniaturise et, surtout, cette nouvelle étape de développement
social va marquer une nouvelle ère. Pour l’industrie, cette révolu-
tion marque le début de l’automatisation.

22
La révolution digitale

– Enfin, pour de nombreux économistes, nous serions rentrés,


depuis peu, dans l’ère de la quatrième révolution industrielle, qui
repose sur l’IA et ses technologies associées.

,, Témoignage
« Nous sommes à l’aube d’une révolution technologique qui va fon-
damentalement changer nos relations aux autres ainsi que notre
façon de vivre et de travailler. Ces changements, dans leur impor-
tance, leur portée et leur complexité, ne ressembleront en rien à ce
que l’humanité a pu connaître jusqu’alors. »
Word Economic Forum

Cette quatrième révolution industrielle –  celle dans laquelle


nous rentrons et qui bouleverse tout ce que nous connaissions de
l’économie, du travail et des compétences  – peut aussi être quali-
fiée de « deuxième âge des machines ». Dans Le deuxième âge de la
machine.  Travail et prospérité à l’heure de la révolution technologique,
Brynjolfsson et McAfee font en effet un constat équivalent : « nous
vivons aujourd’hui le deuxième âge de la machine. L’ordinateur et les
diverses technologies numériques font pour ce que j’appellerai la puis-
sance intellectuelle – la capacité d’utiliser notre cerveau pour comprendre
et façonner notre environnement – ce que la machine à vapeur et ses reje-
tons ont fait pour la force musculaire. »
Un constat doit être fait avant d’aller plus loin dans notre ouvrage.
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Si nous acceptons l’idée que nous venons d’entrer à pieds joints dans
une nouvelle révolution industrielle –  la quatrième ou seulement
dans la deuxième  –, alors au-delà du chiffre, une évidence se fait
jour pour notre sujet. Les ruptures technologiques actuelles, comme
l’intelligence artificielle, le Big Data, etc. – nous y reviendrons plus
tard dans l’ouvrage – vont faire faire un nouveau bond à l’humanité
qui ne sera pas sans conséquence sur notre manière de vivre et de
travailler, et donc sur les compétences. L’objet de cet ouvrage est
bien de tenter d’en expliquer le pourquoi et le comment. Le fruit

23
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

de cette nouvelle évolution est ce que nous appelons les Soft Skills.
Faut-il craindre ce futur ? Pas forcément.

Des changements positifs


Toute révolution n’est pas mauvaise à vivre
Nous sommes rentrés dans une nouvelle phase de la vie en société.
Comme nous venons de le voir, l’histoire de l’humanité a déjà su
s’adapter aux précédentes ruptures industrielles et dès lors, peut-être
que toute cette histoire n’est qu’une question d’adaptation. Ce qui
est certain, c’est que les hommes vont devoir dans un premier temps
minimiser les premiers impacts du changement, pour pouvoir profiter
le plus vite possible des différentes opportunités qui vont s’offrir à eux.

■ Des changements à court terme


Il est coutume de diaboliser la révolution digitale. D’abord car elle
est synonyme de mutations à la fois majeures et durables : change-
ment de l’offre, transformation des usages, glissement des valeurs…
Ce sont bien des changements pour lesquels il y a lieu au minimum
d’être attentif  ; au pire de s’en plaindre. Cette révolution semble,
en effet, donner naissance à un ensemble d’innovations dont les
premières conséquences sociales seraient de faire disparaître un
nombre important de métiers et d’emplois. Dans cette perspective,
il est plus que normal de s’alarmer. Mais faisons quelques constats
plus nuancés.
Tout d’abord, il est certain que l’émergence du modèle d’affaire
des plateformes digitales entraîne des bouleversements sociaux
importants. Dans l’ouvrage Ubérisation, un ennemi qui vous veut
du bien ?, Denis Jacquet et Grégoire Leclercq font le constat que
toutes les conditions de tensions systémiques majeures sont
aujourd´hui réunies pour que, dans un premier temps effective-
ment, cette révolution soit destructrice d’emplois. «  L’économie

24
La révolution digitale

de l’emploi est progressivement remplacée par une économie d’activité


dans laquelle de nouveaux intermédiaires aident notamment les sans-
emploi à trouver un client ». Ce nouveau paradigme industriel est
en effet inquiétant car il a pour conséquence de sonner la fin
de notre système d’équilibre économique actuel : jusqu’ici notre
société reposait sur une croissance qui générait de l’emploi, qui
favorisait alors une élévation sociale, qui offrait alors à tous un
maximum de sécurité,  etc. Si aujourd’hui le service que vous
proposez génère un revenu minimum sans pour autant créer un
emploi derrière  l’activité exercée… alors le système social actuel
ne tient plus.
Deuxième conséquence de la révolution actuelle, cette nouvelle
chaîne de valeur, ces nouveaux acteurs économiques du marché
semblent a priori créer un nombre limité d’emplois. Ce deuxième
constat est important. Si nous assistions simplement à une période
de « destruction créatrice », chère à l’économiste Schumpeter, alors
les éléments de notre paragraphe précédent ne seraient pas si inquié-
tants. Après tout, les précédentes révolutions ont montré que les
premiers emplois détruits pour les innovations contemporaines ont
vite été remplacés par de nouveaux. Ceux qui travaillaient à fabri-
quer des chandelles ont pu – même si ce ne sont pas forcément les
mêmes personnes qui sont en réalité concernées – travailler à fabri-
quer ensuite des ampoules. Or, lorsqu’une entreprise comme Airbnb
s’attaque à un marché détenu précédemment pour un acteur comme
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Hilton, les ressources clés nécessaires dans ce nouveau modèle éco-


nomique ne sont pas les mêmes. Pour lancer la start-up Airbnb, il
vous faut principalement une petite équipe de développeurs web et
des designers pour rendre fluide l’expérience digitale – là où l’empire
Hilton a construit son modèle sur l’acquisition et la gestion d’hôtels
en dur, demandant un maximum de personnel physique.
Ainsi, la troisième conséquence inéluctable –  car elle découle
des deux précédentes  – est d’ordre moins personnelle mais plus
macro-économique  : on assiste à un appauvrissement de la classe
moyenne. Une économie avec moins d’emplois pour faire tourner

25
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

ces nouvelles plateformes peut accentuer les inégalités sociales, voire


créer une véritable fracture digitale : soit vous êtes urbain, diplômé,
geek et dès lors vous êtes dans le camp de ceux qui vont profiter de
cette nouvelle révolution industrielle ; soit vous risquez de rejoindre
le camp de la classe paupérisée pour laquelle il n’y a plus d’activité
locale non urbaine puisqu’elle est mondialisée.

■ Le renouveau du facteur humain


Chacun le sent bien : nous traversons une période de mutation. Des
forces nouvelles sont en train de façonner de nouvelles règles du
jeu et nous éloignent, sinon les uns des autres, tout au moins des
certitudes que nous avions jusqu’à maintenant. Mais ce moment
peut aussi être celui du choix. Puisque les cartes sont rebattues, cela
veut dire qu’il est aussi possible de participer activement et positive-
ment à cette évolution. Ne serait-ce pas ainsi le bon moment de voir
comment replacer l’Homme et le vivre-ensemble au centre du jeu ?
D’essayer de refonder un nouvel ordre ou pacte social ?
Il y a des facteurs qui font penser que tout est aussi question de
regard et de posture.
Ainsi, faut-il vraiment diaboliser ces nouvelles technologies
numériques qui façonnent aujourd’hui notre quotidien ? Entraînent-
elles inexorablement une déshumanisation de la société  ? Après
tout, toute technologie est neutre par nature. C’est ce que nous
en faisons qui lui donne son caractère moral. Et c’est aussi la place
que nous souhaitons donner à l’humain aux côtés de ces machines
qui façonne réellement l’avenir. Ainsi, le chercheur Vineet Nayar
a publié en 2010 l’étude Employees First, Customers Second : Turning
Conventional Management Upside Down (Harvard Business Review
Press), dans laquelle les données recueillies mettent en évidence
que la digitalisation est un formidable tremplin de transformation.
Il y explore des pistes intéressantes qui démontrent que, dans bon
nombre de situations, le facteur humain est bien renforcé dans les
processus décisionnels de l’entreprise.

26
La révolution digitale

De la même manière, peut-être faut-il aussi entourer un peu


plus les ingénieurs et ne plus les laisser seuls créer le monde dans
lequel nous allons vivre. Les nouvelles technologies façonnent
notre nouvelle société. Mais encore faut-il imaginer cette société
avant de la créer et définir ensemble ses valeurs qui nous concer-
neront tous. Les développeurs doivent être encouragés à travail-
ler davantage avec des psychologues, sociologues, experts des
sciences cognitives. Les sciences humaines sont souvent le parent
pauvre des programmes des écoles d’informatique et d’ingé-
nieurs ! Il ne faut pas le reprocher à ceux qui sortent de ces écoles.
Mais plutôt à ceux qui en façonnent les programmes. Nous avons
écrit précédemment que la technologie était neutre. Mais en fait,
elle ne l’est jamais totalement. Les données qui la composent
sont souvent biaisées. Elles reflètent ceux qui les produisent. Il
y a, derrière chaque ligne de code, une personne. D’où la néces-
sité, pour construire une société plus équilibrée, de diversifier
les profils d’origine des nouveaux développeurs, de leur appor-
ter d’autres sources d’inspiration qui vont façonner leurs futures
compétences.

L’entreprise digitale à la recherche de nouvelles


compétences
La révolution digitale ne saurait se résumer uniquement à une pro-
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fonde mutation de l’économie, à une paupérisation d’une partie de


la société ou encore à de nouveaux usages de consommation. Elle
a aussi donné naissance à une nouvelle organisation  : l’entreprise
digitale dans laquelle l’individu est différent, tout comme son posi-
tionnement dans le groupe.
Ainsi, en premier lieu, toute révolution porte en germe une révo-
lution anthropologique. Michel Serres a vulgarisé cette mutation
dans son ouvrage Petite Poucette en parlant de troisième révolution
anthropologique majeure : « ce n’est pas une crise, c’est un change-
ment de monde ».

27
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Or, la petite Poucette de Michel Serres n’est pas une millenial


– cette nouvelle génération qui arrive totalement digital native et
qui s’affranchit déjà des caractéristiques de la révolution informa-
tique (plus de e-mail, connectée sur des réseaux sans mémoire…).
Elle  est née au début des années 1980. Elle a aujourd’hui une
bonne trentaine d’années et est collaboratrice dans une entre-
prise. Ses parents ont travaillé à côté de machines. Ses outils
digitaux font partie de ses conditions de vie privée et profession-
nelle. Elle est chaque jour avec Excel, Word et PowerPoint. Elle
navigue au travail et à la maison – de manière de moins en moins
distincte  – sur Facebook, LinkedIn via son téléphone Apple ou
Google. Sa maison et sa famille sont digitales tout comme son
entreprise et les compétences qu’elle doit mobiliser pour accom-
plir son activité. Il est donc impensable de réfléchir aux compé-
tences du futur – comme nous le faisons dans cet ouvrage – sans
considérer le cadre actuel d’analyse de l’entreprise digitale. Nous
sommes dans un monde connecté, instantané, de partage. Mais
aussi dans un monde du « co » : co-innovation, co-conception, du
co-llaboratif…

,, Témoignage
«  Ces nouveaux schémas directeurs, imposés et favorisés par le
monde digital, requièrent des attitudes nouvelles, des qualités
renforcées dans le domaine des Soft Skills  : capacité d’adapta-
tion, créativité, curiosité, mobilité, apprentissage tout au long de
la vie. »
Fabien Risterucci, Digital Finance Watch
et Management stratégique de l’information

La transformation des entreprises ne peut se faire sans une adap-


tation des compétences de ses acteurs. Tous agiles, tous inspirés par
les start-ups, tous créatifs et engagés  ? Quelles conséquences alors
sur les compétences ?

28
La révolution digitale

En second lieu, il est intéressant de constater que les grandes


entreprises digitales sont en train de donner naissance à de nou-
velles pratiques managériales, que tous les acteurs du marché sont
en train d’adopter.
De nouveaux us et coutumes digitaux structurent les comporte-
ments collectifs. Ces nouvelles règles ne sont pas à négliger. Tout
comme, dans la société civile, la coutume est bien une règle de droit
positif, ces nouveaux usages de l’entreprise digitale dictent les règles
de bonne conduite pour ses collaborateurs. Et encore une fois, la
transformation est fortement liée aux technologies utilisées.
À titre d’exemple, regardez comment les nouveaux outils de com-
munication de type messagerie instantanée sont en train de prendre
une place nouvelle dans notre quotidien professionnel. Au revoir
l’e-mail. Bonjour Slack ou autres systèmes de conversation qui per-
mettent, de manière instantanée, de classer par sujet les échanges
d’information et d’avoir un historique clair de ces derniers. Ainsi
n’importe qui dans l’entreprise peut comprendre la complexité
d’un dossier en quelques heures en reprenant l’historique du fil de
conversation.
Mais là encore, il faut apprendre à utiliser ces nouveaux outils
et comprendre ce que cela change dans le rapport aux autres et à
soi-même. Ces outils sont en effet instantanés et donc intrusifs.
Est-ce un problème ? Très certainement si vous n’avez pas appris à
oublier l’ancien monde pour adopter les codes et comportements
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du nouveau.

29
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Avis d’experte
CAMILLE LARROZE-CHICOT,
co-fondatrice de Les Leonards.

QUELS SONT LES IMPACTS POSITIFS génération de consommateurs


DU DIGITAL DANS LE MONDE devient une génération d’acteurs, il
PROFESSIONNEL ? me semble que tout peut arriver !
« J’utiliserai une analogie simplifiée Cela permet ainsi de mieux
pour répondre à cette question. comprendre les tendances du
J’imagine le digital comme un pays, moment : le développement
avec une culture reposant sur des personnel, l’économie de l’attention,
valeurs partagées, des habitants l’économie des émotions, les
(les internautes), et une économie sciences comportementales, les
(les GAFA). Comme tout pays
neurosciences, etc.
puissant, il influence les autres
Le digital, en replaçant l’humain au
pays, et les autres économies : soit
cœur des préoccupations, le force à
partenaires, soit en guerre. Certains
être plus conscient de lui-même. Je
cherchent même à y migrer,
pensant ainsi à des conditions de crois que cela amène une profonde
vie meilleures (comme par exemple mutation des consciences. C’est
les blockchains, le Bitcoin, le Remot pour moi la tendance de demain la
Work, etc.). plus importante à souligner. »
Dans ce pays, l’utilisateur a une place ET QUELLES SONT LES GRANDES
centrale : quand nous cherchons à TENDANCES DE DEMAIN
comprendre le digital ou à utiliser À ANTICIPER ?
cet outil, cela revient à se concentrer
« Elles sont multiples mais je
sur l’humain pour modéliser son
suis persuadée de l’urgence
comportement en ligne (de l’achat à
de deux d’entres elles à savoir :
la navigation pure).
– La nécessité d’une nouvelle
Toute l’économie replace son
attention sur l’Homme, son culture avec :
comportement, ses émotions. • Une humanisation des
C’est peut-être la première fois que entreprises et des liens avec
l’humain est vu comme acteur et leurs partenaires (employés,
non consommateur. Ce pas de côté prestataires, clients).
est bien plus puissant que nous ne • Une expérience collaborateur au
pouvons l’imaginer. Quand une centre des préoccupations (enjeu

30
...
La révolution digitale

... de fidélisation, d’employabilité, Le pouvoir vient d’une autorité,


de mobilité, etc.). d’un statut établi comme
• Une entreprise apprenante. les grandes multinationales
L’entreprise redevient un et les institutions. Le pouvoir
système dynamique évolutif permet de “faire faire” et
capable de prendre des risques, vient du haut.
contrairement à un système La puissance vient des citoyens,
de préservation des acquis. de plus petites initiatives humaines
Pour pouvoir se transformer en qui font boule de neige grâce
entreprise apprenante, elle doit à un Internet, pouvant ainsi
alors s’ouvrir sur l’extérieur et contrebalancer les pouvoirs établis.
changer, par exemple : Nous pouvons le voir avec les start-
• ses procédures de prises de up qui ont réussi à concurrencer
décisions ; de grandes multinationales
• son écoute du marché, de ses historiques (Airbnb/les hôtels,
clients, et de ses employés ; Uber/les taxis…). La puissance
• ses pratiques de confidentialité ; repose donc sur la capacité à
• les contrats mis en place avec ses “faire” et vient du bas.
partenaires (exemple : freelance). Le digital donne ainsi plus de
possibilités à la puissance pour
– La nécessité d’une veille continue accélérer les processus d’évolution
et efficace sur son marché avec : en faveur de l’humain. »
• Des technologies qui se
multiplient, et elles sont soit mal QUELLE EST LA PLACE DES
SOFT SKILLS DANS CETTE
connues, soit mal ou partiellement
TRANSFORMATION DIGITALE ?
utilisées.
• Un flou économique et social « La transformation digitale que
nous continuons à vivre nous
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grandissant et se fracturant
(de plus en plus de communautés amène à devoir développer
et d’usages se créent). une Soft Skill en particulier :
• Pour rester compétitif, il la rapidité. L’agilité/s’adapter à
faut avoir la connaissance des la vitesse pertinente ? Je ne suis
innovations du secteur et la pas à l’aise avec « Rapidité » car
capacité à tester des projets avec je prône plutôt la SLOW LIFE.
elles. Mais justement, il faut savoir aller
Le digital apporte également vite parfois et aller doucement
un équilibre entre le pouvoir et la souvent. L’agilité, c’est pour moi
puissance. notamment, la capacité à passer

...
31
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

... de l’un à l’autre, c’est parfois NE Aussi, le digital en tant que


PAS AGIR justement. nouveauté, nous permet de :
Le développement de la rapidité – développer notre sens critique
sous-entend de réduire la taille des pour analyser des situations
équipes et concentrer les prises de inédites ;
décision. Cela demande alors de – d’écouter, regarder et analyser
l’autonomie aux équipes et donc plus finement, et nous réapprend
aux individus, impliquant ainsi ainsi à observer. Pour aller plus
directement d’autres Soft Skills loin sur ce point, il peut-être
telles que : la responsabilité, la intéressant de creuser au-delà du
capacité à collaborer, la capacité à Big Data et de chercher ce qu’est
prendre des décisions en situations la Soft Data (les signaux faibles,
complexes ou stressantes au émotions difficiles à mesurer) ;
quotidien, la capacité à prioriser – réaliser des expériences et
dans un environnement du « tout- du « test & learn » (essayer et
urgent », la capacité à prendre des apprendre). Il nous force à accepter
initiatives. l’échec et à en tirer le maximum.
Autre particularité du digital, Très facile pour des Américains,
il cristallise les conflits en créant beaucoup moins pour des Français.
un choc des paradigmes en place C’est cet état d’esprit qui permet de
dans les entreprises (comme par rendre l’entreprise plus apprenante,
exemple la prise de risques versus ou ceux qui l’utilisent…
la préservation des acquis). Il est
donc indispensable de les faire Enfin le digital a une culture qui
communiquer et d’apprendre lui est propre que je résumerais
à écouter les signaux faibles : par : liberté, transparence, co-
la compréhension de l’autre création, partage. Cette culture
et la capacité à communiquer s’adopte plus ou moins facilement
et convaincre n’ont jamais été selon la culture nationale
aussi essentielles. Elles sont premièrement, mais aussi
des prérequis à la capacité à organisationnelle.
collaborer. En effet, en rendant tout
Par exemple, on voit aujourd’hui transparent et immédiat, le digital
des entreprises où les salariés change les rapports entre les
choisissent collectivement leurs personnes pour créer une culture
salaires en fonction du CA du mois du partage et une certaine forme
et se payent eux-mêmes… d’honnêteté et d’humilité.

...
32
La révolution digitale

... En conclusion ressource productive : les humains


Quand nous ne savons pas de quoi qui travaillent pour et avec elles.
demain sera fait en termes de métiers Dans le flou extérieur, il faut regarder
et de projets, nous avons, au moins, la lumière intérieure.
la responsabilité de connaître nos Celle s’applique à l’homme, comme
armes et capacités actuelles. à l’entreprise.
Toutes les entreprises doivent Les propos de cet entretien ont été
s’intéresser de plus près à leur unique recueillis par Jérôme Hoarau.

L’essentiel

 Nous amorçons une nouvelle étape de la mutation


de l’humanité. Que l’on parle de quatrième révolution
industrielle ou de deuxième âge des machines, cette
révolution est bien technologique.
 Cette révolution industrielle conduit bien évidemment
à des bouleversements économiques qu’il faut anticiper
le plus possible pour en réduire les effets négatifs. Mais
l’humain peut trouver une place qui sera alors génératrice
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’opportunités.
 Ces premières opportunités profitent aujourd’hui aux
grandes entreprises digitales. Mais tous les autres acteurs
économiques sont en train d’adopter les mêmes usages.
Ces nouvelles règles du jeu doivent s’accompagner d’un
questionnement relatif aux compétences.

33
Chapitre 3

L’avenir du travail
et des compétences

Executive summary

 L’emploi fixe comme nous le connaissons depuis


des décennies risque très certainement d’être modifié par
l’actuelle révolution digitale. Et un grand nombre d’emplois
sont susceptibles de disparaître sans être remplacés.
 Pour autant, une économie du travailleur indépendant
n’est pas uniquement synonyme de conséquences
négatives. Pour ceux qui sauront entretenir, développer
et valoriser leurs compétences clés, un avenir plus profitable
est possible.
 Il est important de diffuser les Soft Skills dans
les référentiels de métiers, de compétences et dans
les caractéristiques des futurs métiers.

35
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Quel futur pour le CDI ?


Les facteurs du changement
Une fois n’est pas coutume, commençons par les apparentes mau-
vaises nouvelles  : dorénavant, la meilleure manière de prendre à
la fois de bonnes résolutions et de vite oublier les fêtes de Noël,
est de suivre les conclusions annuelles de l’OCDE et du Forum de
Davos lorsqu’ils se penchent sur le futur du travail. Depuis plu-
sieurs années, leur constat est similaire : la quatrième révolution qui
s’ouvre va avoir un impact sur l’emploi. Bien entendu, il va falloir
redessiner nos activités et entreprises avec davantage d’automatisa-
tion. Mais cette automatisation ne serait pas ce qui va infléchir le
plus le monde du travail comme nous le connaissons. Ce sera plus
certainement le remplacement des salariés par des travailleurs indé-
pendants.
Tout le problème vient du fait que l’on a longtemps cru que la
croissance était la conséquence immédiate d’une révolution indus-
trielle. Pour certains, l’effet bénéfique a joué. Mais on a découvert
récemment que ce n’était pas aussi systématique, en particulier à
l’occasion de la troisième révolution de l’électronique et de l’infor-
matique. Si cette période a conduit les principaux acteurs majeurs
de l’industrie à se mondialiser, il n’en demeure pas moins que les
progrès de productivité qu’ils étaient censés apporter à l’ensemble
de l’économie, et donc à l’emploi, ne sont pas apparus. Le prix Nobel
d’économie Robert Solow s’en est même étonné en se demandant
où était passé « l’effet d’ordinateurs ». C’est donc bien avec un bilan
négatif sur l’emploi que s’est terminée la dernière ère industrielle,
avant que n’arrivent les innovations destructrices de valeurs de la
nouvelle révolution. Moins d’emplois et moins de crises systéma-
tiques –  mais donc paradoxalement pas d’effet de «  purge  » d’un
système – ont formé un socle très fragile au moment où de nouvelles
ruptures technologiques sont venues rebattre les cartes de l’écono-
mie et de l’emploi.

36
L’avenir du travail et des compétences

Dès lors se pose la question réelle, dans de nombreux pays, de


l’évolution possible de l’emploi en général et des statuts proposés
en particulier.

,, Témoignage
« La situation atteint une zone de rupture : bientôt l’emploi salarié
classique (contrat à durée indéterminée) constituera-t-il un privilège
réservé à une minorité de la population ? »
Yann Moulier-Boutang, économiste

Vers une économie des freelances ?


Aux États-Unis aujourd’hui, 35 % des emplois sont en régime d’in-
dépendants. Ce chiffre est en évolution depuis ces dernières années.
La raison principale est assez facile à deviner : le recours à un free-
lance permet une économie de coûts salariaux estimés à 30 %.
Que doit-on en penser ?
Tout d’abord, il y a d’un côté les pessimistes. Qu’ils soient hyper
réalistes ou à cheval sur les données statistiques, les partisans de la
thèse de la disparition du CDI pensent que « le travail traditionnel
est en train de mourir », et d’ici 2040, l’économie américaine sera
« à peine reconnaissable ». C’est la position soutenue par exemple
par la journaliste Vivian Giang dont les conclusions se basent sur
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l’étude américaine A vision for the economy of 2040, de l’Institut Roo-


sevelt et de la Fondation Kauffman. Déjà plus de 53 millions d’Amé-
ricains avaient basculé dans le statut de travailleur indépendant en
2015 ; et la tendance était à la hausse.
Et il y a, de l’autre côté, les optimistes. Ceux qui pensent que le
statut d’indépendant est une bonne nouvelle pour ceux qui refusent
le caractère « contraint » du CDI. C’est la vision idéale – idéalisée ? –
du freelance  : celui qui travaille quand il veut, d’où il veut, à son
rythme et au gré du choix de ses missions. Pourquoi travailler dans

37
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

un bureau alors que le monde digital contemporain me permet de


travailler de mon jardin ou même de la terrasse d’un bungalow de
bord de mer connecté en wifi ? Dans cette logique, le travail indé-
pendant est celui d’un choix de vie qui place au premier plan pro-
fessionnel les valeurs de liberté, flexibilité et la quête de sens. C’est
surtout l’idée de pouvoir souvent trouver un équilibre entre vie
personnelle et professionnelle.
Enfin, le « freelancing choisi » semble être aussi l’aspiration de
bon nombre de jeunes professionnels de la nouvelle génération. Il
ne s’agit non pas d’être en dehors de la vie professionnelle comme
leurs parents beatniks ; mais d’être autonomes car connectés avec
les nouvelles technologies.
Quel que soit votre camp, il est sage de considérer que même
en prenant comme base de projection le scénario optimiste, il est
certain que ce changement ne sera pas sans conséquence.
Les conséquences sociales et politiques vont être multiples  :
pression sur le système fiscal, remise en cause du système de
retraite, d’assurance santé, de chômage… Tout jusqu’ici tournait
autour du pivot du CDI. Mais ce qui nous intéresse ici est bien la
conséquence en terme de compétences à viser dans l’avenir pour
tenter de compter parmi ceux qui auront le choix de leur statut.
Dès lors, attachons-nous à tester les conséquences de cet inflé-
chissement de l’emploi fixe en prenant comme base de projection
l’étude citée précédemment : A vision for the economy of 2040. Elle
résume les cinq aspects de l’économie qui peuvent être modifiés
par l’essor des travailleurs freelance. On peut les mettre en pers-
pective dans le tableau suivant :

38
L’avenir du travail et des compétences

Tableau 3.1 – Impact possible sur les compétences de la montée d’une


économie des freelances

Principes de l’économie Conséquences sur la


Explications
des freelances notion de compétence

Juxtaposition de missions Mon activité quotidienne Des compétences en


de courte durée. sera un ensemble de partage entre plusieurs
missions de courte employeurs.
durée dans différentes
entreprises.
Émergence Des plateformes vont Des compétences
de plateformes globales favoriser la mutualisation générant des droits,
de services. des risques pour les prérogatives et devoirs
travailleurs indépendants mutualisés dans des
soucieux d’anticiper ces plateformes.
risques.
Davantage d’agences Des agences de talent et Ma capacité à rendre
de talents. de chasseurs de tête pour lisible ma compétence
sourcer les travailleurs. sur le marche fera mon
employabilité.
La croissance va booster En économisant sur les Bien gérées, mes
les salaires. charges, les entreprises compétences seront
vont pouvoir rémunérer rentables.
à la hausse les meilleurs
talents.
Chacun sera responsable Les travailleurs La mise a jour
de son succès. indépendants de demain permanente des
auront leur réussite en compétences sera le seul
main. gage de succès.
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Ainsi, la nouvelle révolution industrielle va clairement changer


les contours du travail fixe comme on le connaît depuis des décen-
nies. La bonne nouvelle est que, même si personne ne sait à quoi
ressemblera précisément l’avenir, on peut considérer que ceux qui
choisiront le statut d’indépendant et se donneront les moyens
d’avoir une vraie stratégie de pilotage de leurs compétences pour-
ront aller de l’avant.

39
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Quel avenir pour votre métier ?


« Le présent accouche, dit-on, de l’avenir. » Voltaire

Des métiers disparaissent, d’autres apparaissent


Selon une étude du cabinet McKinsey de 2017, 800 millions d’em-
plois disparaîtront dans le monde au profit des innovations tech-
nologiques d’ici 20301. Cela peut paraître énorme et inquiétant, à
moins que vous ne voyez l’autre facette de cette pièce  : 60  % des
métiers de 2030 n’existent pas encore aujourd’hui selon des études
menées par Adecco2.
Des métiers disparaissent certes, mais d’autres apparaissent.
Et pour ceux qui ne disparaîtront pas, il y a de fortes chances
qu’ils évoluent. Nous le voyons aujourd’hui déjà par exemple avec
les agences de communication utilisant de nouveaux outils pour
accompagner leurs clients.

Et les Soft Skills dans tout cela ?


Si demain la « hard skill » que nous pourrions appeler « monter une
vidéo brute » devient totalement délégable à un robot, qu’advien-
dra-t-il des monteurs  ? Deux scénarios sont possibles (de manière
simplifiée) :
– Leur rôle n’est plus nécessaire et ils doivent changer de métier (et
apprendre un nouveau métier émergent).
– Leur métier de monteur évolue, ayant plus un aspect de pilotage
et de co-création.
Dans les deux scénarios, les monteurs devront s’adapter. En tant
qu’humains, ces professionnels de l’audiovisuel ont pu développer

1 Source : https://www.mckinsey.com/global-themes/future-of-organizations-and-work/what-
the-future-of-work-will-mean-for-jobs-skills-and-wages
2 Source : https://www.maddyness.com/2016/11/30/transition-numerique-metiers-emplois/

40
L’avenir du travail et des compétences

leur sens de l’esthétique, leur sens de l’observation, leur concentra-


tion, leur créativité,  etc. Autant de Soft Skills utiles dans d’autres
métiers, existants aujourd’hui ou émergeants demain. Ils pourront
alors réutiliser ces compétences soit dans un nouveau métier, soit
dans un métier « actualisé ».
Et cela est valable pour tous les métiers ! L’une des spécificités de
l’homme est sa capacité à s’adapter à de nouvelles situations et à de
nouveaux défis. Les Soft Skills en sont une belle démonstration dans
le monde de l’entreprise : elles resteront toujours d’actualité là où
certaines Hard Skills peuvent devenir obsolètes.

QU’EN EST-IL DE VOTRE MÉTIER ?


ÉTAT DES LIEUX DE VOTRE PROFESSION
Voici un petit exercice1 afin d’anticiper quel est l’avenir possible pour
votre profession.
Remplissez le tableau suivant en répondant avec un chiffre allant
de 1 à 10 (1 = pas du tout, 10 = tout à fait).

1 = pas du tout,
Est-ce vrai pour vous ?
10 = tout à fait

Aujourd’hui, mes compétences


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techniques me rendent
indispensable dans l’entreprise.
Ma personnalité joue un rôle
prépondérant dans mon
intégration à mon équipe.
J’ai développé des Soft Skills très
appréciées par mes collègues.

...
1 Proposé par Jérôme Hoarau.

41
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

... Est-ce vrai pour vous ?


1 = pas du tout,
10 = tout à fait

Je suis ouvert au changement :


j’aime relever de nouveaux défis.
Je suis curieux : j’apprends
constamment de nouvelles choses.
Je suis conscient des grands
changements en cours dans mon
secteur d’activité.
Une grande partie de mes
tâches ne peut être réalisée par
quelqu’un d’autre.
Une grande partie de mes tâches
ne peut être réalisée par un robot.

• Si vous avez un score supérieur à 70, il semble que votre métier


actuel n’est pas directement menacé. Restez cependant vigilant et
continuez d’apprendre !
• Si vous avez un score compris en 50 et 70, il est recommandé que
vous anticipiez des pistes d’évolution pour votre avenir professionnel.
Sur quoi pouvez-vous capitaliser aujourd’hui pour construire et ne pas
subir un changement professionnel prochain  ? Quelles Soft Skills et
quelles Hard Skills développer à moyen terme pour exercer un nou-
veau métier ou un métier « actualisé » ?
• Si vous avez un score inférieur à 50, il est urgent que vous preniez
votre avenir professionnel en main.
Réfléchissez dès maintenant aux compétences dont vous avez besoin
aujourd’hui et demain pour votre avenir professionnel. Créez-vous un
vrai plan d’entraînement afin de pouvoir vous adapter rapidement à
cette situation changeante.
Bien entendu, il s’agit d’un petit test de réflexion, il n’est pas à prendre
au pied de la lettre.
Il vous aide à vous poser les questions afin d’anticiper les pistes d’amé-
lioration à mettre en place dès aujourd’hui pour vous adapter aux défis
de demain.

« Le futur a été créé pour être changé. » Paulo Coelho

42
L’avenir du travail et des compétences

Nous sommes convaincus de l’importance des Soft Skills dans


votre capacité à vous adapter au changement et à faire évoluer votre
métier. Et nous ne sommes pas les seuls à partager cette vision : de
très nombreux professionnels le pensent aussi.
Afin d’aller plus loin dans notre enquête terrain sur le sujet, nous
sommes partis à la rencontre d’un professionnel de la reconversion
professionnelle.

Avis d’expert
URIEL MEGNASSAN, coach emploi et
fondateur de Carrière Punch, auteur1.

QUE SONT LES SOFT SKILLS POUR Si les candidats ont les mêmes
VOUS ? diplômes et/ou parcours, ce sont
« Les Soft Skills sont des les Soft Skills qui permettent de se
compétences comportementales. démarquer !
Ces dernières complètent les Si vous cherchez un leader
compétences techniques que vous capable de fédérer une équipe
développez avec l’expérience ou la réputée difficile, vous avez intérêt
formation. Plus que cela, elles sont à choisir une personne qui a les
liées à votre personnalité. » Soft Skills suivantes : diplomatie,
gestion efficace de conflit et sens
EN QUOI LES SOFT SKILLS SONT-
du leadership. La compétence
ELLES INDISPENSABLES POUR SA
CARRIÈRE PROFESSIONNELLE ? « encadrer une équipe » peut se
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révéler insuffisante sans les trois Soft


« Les Soft Skills creusent l’écart.
Skills mentionnées plus haut. »
Imaginez le dilemme d’un
employeur : il doit choisir parmi COMMENT LES METTRE EN AVANT
cinquante candidats ayant le AUPRÈS D’UN RECRUTEUR OU DE
SON SUPÉRIEUR HIÉRARCHIQUE ?
même profil. Comprenez bien qu’il
est rare que la différence puisse « C’est la question à 10 000 euros !
se faire juste avec le diplôme. Une Soft Skill s’illustre à travers un

...
1 Décrochez le job de vos rêves en 5 rounds, Eyrolles, 2017.

43
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

... contexte. Ce sont les expériences de questionner le recruteur sur ses


concrètes qui valorisent vos Soft Skills. attentes, notamment en matière
Prenons par exemple la créativité : de Soft Skills. En plus de préparer
vous voulez montrer que vous le terrain, cette démarche permet
avez cette Soft Skill ? Dans ce cas, à votre CV d’être explicitement
racontez une expérience dans sollicité.
laquelle vous avez fait preuve de – À l’envoi de votre candidature :
créativité. Est-ce que vous avez intégrez ensuite les Soft Skills
dû imaginer un nouveau concept demandées dans le CV en faisant
de campagne publicitaire pour un effort de contextualisation.
que votre entreprise se démarque – Pendant l’entretien : choisissez
des concurrents ? Avez-vous dû des anecdotes qui corroborent
« improviser » une solution à la les Soft Skills que vous devez
volée lorsqu’un partenaire clé vous valoriser. »
a fait faux bond ? 
COMMENT DÉVELOPPER SES SOFT
Et comment faire si vous voulez
SKILLS ?
montrer que vous savez faire
preuve d’empathie ? Les retours des « L’expérience fait la différence.
membres de votre équipe, votre Capitaliser sur la mise en pratique
implication dans certains types de des Soft Skills à améliorer est un
projets ou d’associations peuvent investissement judicieux pour
parler en votre faveur. votre carrière. Les Soft Skills sont
Contrairement à la pensée comparables à des muscles que
générale, une Soft Skill peut se vous pouvez développer par
démontrer. Il suffit de raconter l’exercice.
votre histoire en mettant le focus Vous voulez développer « l’esprit
sur une Soft Skill particulière. critique » ? Cela peut se faire par la
Mais attention, cela requiert de critique de films ou en prenant part
l’entraînement avant de passer un aux débats. Votre imagination sera
entretien d’embauche. votre limite. La clé ? Incarner la soft
skill que vous souhaitez développer
À QUEL MOMENT PEUT-ON FAIRE en la pratiquant régulièrement. »
INTERVENIR LES SOFT SKILLS DANS
LE PROCESSUS DE RECRUTEMENT ? QUEL EST LE RÔLE DES SOFT SKILLS
Il y a au moins trois moments DANS L’ÉVOLUTION DES MÉTIERS ?
exploitables : « Les Soft Skills continuent de
– L’échange téléphonique avant gagner du terrain. Les hard skills
l’envoi de la candidature : le but est restent importantes, mais le monde

...
44
L’avenir du travail et des compétences

... de l’entreprise a pris conscience de pilotage et de conseil. Développez


qu’elles ne font pas tout. vos Soft Skills afin de vous différencier
Par exemple, les comptables des autres… ou des machines ! »
effectuent de nombreuses tâches
techniques qui sont de plus en plus Les propos de cet entretien ont été
automatisées. Leur rôle tend vers plus recueillis par Jérôme Hoarau.

L’essentiel

 De nombreuses études tendent à prouver que la


nouvelle révolution digitale va avoir de nombreux impacts
sur le marché de l’emploi tel que nous le connaissons
aujourd’hui. Pourtant toutes les conséquences ne seront
pas forcément négatives.
 L’emploi fixe – le CDI – comme nous le connaissons
aujourd’hui risque d’être fortement chahuté. Mais, là
encore, les changements ne seront pas destructeurs de
valeur pour tout le monde. Pour ceux qui sauront mettre
en avant leurs compétences clés, les bénéfices pourront être
réels.
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 Les métiers sont en mutation : de nombreux


disparaîtront et beaucoup d’autres naîtront. Les Soft Skills
jouent un rôle majeur dans ces mutations et il est possible
de développer ces compétences indispensables pour
pouvoir s’adapter.

45
Chapitre 4

Entrepreneur :
un métier d’avenir ?

Executive summary

 Les pompiers, astronautes, pilotes de course ont des


soucis à se faire. Ils ont en effet été détrônés des métiers
qui font rêver dans le cœur des adolescents. À la question,
« que veux-tu faire plus tard ? », les millenials répondent :
je veux être Elon Musk ou Steve Jobs !
 L’entrepreneur n’est plus seulement une catégorie
socioprofessionnelle ; c’est aujourd’hui un projet de vie,
une quête de valeur et de sens.

47
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

Les entrepreneurs ont la cote depuis quelques années en France !


D’après une étude réalisée par Opinion Way en 2017 et présen-
tée lors du Salon des entrepreneurs1, « l’envie de créer est plus forte
chez les jeunes : 46 % des 18-24 ans en ont l’ambition, dont 42 %
d’ici deux ans. Au total, un Français sur quatre envisage de créer, de
reprendre une entreprise ou de se mettre à son compte (25 %). Cela
représente plus de 13 millions de Français. »
Mais qu’est ce qui se cache réellement derrière ce terme « entre-
preneur » ? Quel est le lien entre entreprendre et les Soft Skills ?

L’art d’être entreprenant


« Entreprendre consiste à changer un ordre existant. » Joseph Schumpeter
Si l’entrepreneur a un ancrage économique et social fort d’un point
de vue historique et étymologique2, cantonner ce terme à la créa-
tion d’une organisation capitalistique serait réducteur. En effet, der-
rière le mot entrepreneur se cache un verbe : entreprendre. Ce verbe
véhicule une idée bien plus grande que la simple création d’une
entreprise : c’est aussi de l’audace, de la vision, de la motivation, de
la persévérance, de l’adaptabilité, etc. En bref, une panoplie innom-
brable de Soft Skills indispensables pour évoluer dans le monde
d’aujourd’hui.
Vous verrez ici donc la double dimension de l’entrepreneur :
– la dimension comportementale dans laquelle des Soft Skills entre-
preneuriales sont accessibles à tous ;
– la dimension sociale et économique dans laquelle l’entrepreneur
a une posture et un statut d’indépendant.

1 « L’entrepreneuriat continue de séduire les Français », Les Échos, 30 janvier 2018.


https://www.lesechosdelafranchise.com/franchise-salon-des-entrepreneurs/l-entrepreneuriat-
continue-de-seduire-les-francais-53467.php
2 Source : https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2008-8-page-77.htm

48
Entrepreneur : un métier d’avenir ?

Les compétences entrepreneuriales


Un entrepreneur est par défaut un « problem solver », une personne
qui a le désir d’apporter une solution à un problème. Or, il n’est pas
indispensable de créer une entreprise pour cela ! C’est un état d’es-
prit que tout le monde peut cultiver chaque jour. Cela implique un
certain optimisme, de la créativité, de la motivation, un esprit cri-
tique, de l’autodiscipline, des compétences oratoires, etc. – autant
de Soft Skills utiles quel que soit son métier.
Voici quelques Soft Skills indispensables pour rester entreprenant.

■ Audace
L’audace est une Soft Skill indispensable au XXIe siècle, quel que soit
son métier ou sa situation professionnelle. C’est cette compétence
qui permet de dépasser des difficultés, d’oser mettre en place des
solutions innovantes, d’anticiper et de rester proactif. L’audace est
à la source des innovations. Sans audace, une personne ne pourra
pas saisir les nouvelles opportunités qui se présentent à elle ; elle ne
pourra pas sortir du statu quo et évoluer ; elle ne pourra pas s’adapter
à un nouvel environnement ou à un nouveau défi.1
Pourquoi l’audace est-elle une Soft Skill ? Car il s’agit d’une com-
pétence que l’on peut développer : plus on ose relever de nouveaux
défis, plus on devient audacieux. C’est également un comportement
que l’on choisit d’adopter. Enfin, l’audace est une aptitude et une
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attitude utile dans un grand nombre de situations : c’est une com-


pétence transversale.

■ Vision
Michel Meunier, ancien président du CJD France (Centre des Jeunes
Dirigeants), donne «  trois conseils  »2 pour les personnes entrepre-
nantes : « Anticipez, anticipez, anticipez ».

1 Source : Le livre blanc de l’audace (https://livreblancaudace.com)


2 Interview menée par Jérôme Hoarau (http://www.pourquoi-entreprendre.fr/interview-
video-michel-meunier-lentrepreneuriat-citoyen-avec-le-cjd/)

49
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

«  Dans ces périodes de crises, de difficultés pour beaucoup de chefs


d’entreprise, il y a un besoin de plus en plus important de compréhension
du  contexte, qu’il soit macro ou micro, français, européen ou mondial. Il
faut muter pour faire évoluer le système. Je pense que l’anticipation, la prise
de recul, la capacité à se mettre en haut de la montagne, parfois même avoir
la tête dans les étoiles permet de mieux avoir les pieds dans la glaise. Cette
prise de recul permet l’innovation qui n’est pas uniquement technologique.
Elle permet aussi d’avoir une vision, une stratégie qui aide à faire la différence
avec les concurrents en adoptant un point de vue différent du contexte. »
S’entraîner à anticiper permet de muscler sa Soft Skill « vision ».
Un des réflexes à adopter pour cela consiste à prévoir des plans B
pour un scénario donné. Si par exemple vous souhaitez lancer un
nouveau site Internet avec l’outil Wordpress, prévoyez également la
possibilité de le faire avec d’autres outils comme Wix afin de vous
préparer à des imprévus (par exemple un manque de temps, une dif-
ficulté non-anticipée, etc.).
Grâce à cette bonne pratique, vous vous sentez davantage prêt
pour l’avenir et par conséquent plus optimiste. Cet exercice d’anti-
cipation peut générer un meilleur état d’esprit face aux imprévus.

■ Motivation
La motivation est l’énergie humaine qui permet de passer à l’action.
Elle peut être vue à travers deux dimensions :
– naturelle : celle ne demandant pas d’effort ;
– forcée : reposant sur la force de volonté.
La motivation naturelle (ou intrinsèque), comme l’explique
Daniel Pink, repose sur trois piliers : le sens, l’autonomie et la maî-
trise. Si une personne comprend pourquoi elle réalise une tâche,
qu’elle sent qu’elle a un pouvoir de décision et que cette action lui
permet de grandir, alors sa motivation naturelle sera activée et ne
lui demandera pas de force de volonté pour le faire.1

1 TED Talk : « The puzzle of motivation » par Daniel Pink :


https://www.ted.com/talks/dan_pink_on_motivation

50
Entrepreneur : un métier d’avenir ?

Cependant, il n’est pas toujours possible de faire ce que l’on aime.


Parfois des choses doivent être faites pour pouvoir avancer, même
si cela est déplaisant ou contraignant : dans ce cas la motivation est
« forcée ». La force de volonté est donc mobilisée dans cette situation.
Notez que la force de volonté, notre capacité à faire les choses que
nous n’avons pas envie de faire, est un « stock limité » : c’est-à-dire
que si vous passez beaucoup de temps à résister à des tentations, ce qui
demande de la force de volonté, vous vous sentirez épuisé à la fin de la
journée et il deviendra plus difficile de vous motiver, à aller courir par
exemple. D’où l’importance de gérer son stock de force de volonté.1

■ Persévérance
La persévérance est la capacité à agir dans la durée malgré les diffi-
cultés. C’est cette autodiscipline, reposant sur la force de volonté,
qui permet de garder le cap et de continuer d’aller en avant quand
nous faisons face à un échec.
Voici quelques exemples de persévérance par l’autodiscipline :
– l’entrepreneur qui continue de prospecter cinq nouvelles per-
sonnes chaque jour malgré les refus ;
– le chercheur d’emploi qui envoie quatre candidatures par jour
malgré les e-mails ignorés ;
– la personne voulant se sentir mieux dans sa peau et qui va courir
même sous la pluie tous les matins avant d’aller travailler ;
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– etc.
Comme vous pouvez le lire, l’autodiscipline forge des habitudes
permettant d’atteindre ses objectifs.
La persévérance repose également en grande partie sur l’opti-
misme, car ce dernier permet de croire en un meilleur futur, sti-
mulant ainsi l’envie d’agir. Par exemple, anticiper une nouvelle
opportunité face à un échec est une attitude audacieuse et optimiste
générant de la persévérance.

1 Source : Formation « Autodiscipline et Bonheur Intérieur Brut » sur La-Semaine.com

51
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

■ Adaptabilité
« L’intelligence, c’est la faculté d’adaptation. » André Gide
Savoir s’adapter à des contraintes, à un nouvel environnement ou
un nouvel objectif, demande une certaine souplesse, une certaine
agilité mentale. Étant donné que le monde est rempli d’incertitudes
et d’imprévus, cette capacité d’adaptation est incontournable dans
notre quotidien. Cette Soft Skill est alimentée par d’autres attributs
comme la créativité et l’esprit critique.
L’esprit critique permet d’analyser une situation et de prendre
du recul. Ce recul est souvent nécessaire pour prendre des décisions
importantes et pertinentes. Questionner une situation, les parties
prenantes, la source d’un problème, sont des réflexes à adopter pour
améliorer son esprit critique.
La créativité quant à elle permet de générer de nouvelles idées
pour faire face à des situations inédites, d’où son rôle important
dans le cadre de l’adaptabilité.
Ces Soft Skills entrepreneuriales permettent aux personnes d’acti-
ver un comportement orienté vers l’action et l’apport de solutions :
c’est ce qui rend les personnes entreprenantes. En développant ces
compétences d’entrepreneur, elles pourront devenir plus proactives
et porteuses d’initiatives. Cet état d’esprit entreprenant apporte de
nombreux avantages :
– il permet de générer des opportunités ;
– il fait sortir de l’inertie ou d’une certaine passivité ;
– il peut briser le cercle vicieux de la procrastination ;
– il peut améliorer la confiance et l’estime de soi (grâce à des résul-
tats concrets).
En d’autres termes, tout le monde a le potentiel d’être entrepre-
nant en activant ses Soft Skills entrepreneuriales, pour son propre
bénéfice et pour le bien des autres.

52
Entrepreneur : un métier d’avenir ?

Le métier d’entrepreneur
« Avoir le courage d’entreprendre quelque chose est l’un des principaux
facteurs du succès. » James A. Worsham
Au-delà de la dimension comportementale de l’entrepreneur, ce
dernier a également un statut dans la société  : celui de l’indépen-
dant ou du créateur d’entreprise.
Les études d’opinion sur les aspirations des Français en matière
d’entrepreneuriat montrent que les personnes qui ont envie de deve-
nir entrepreneur, ou celles qui le sont déjà, sont généralement moti-
vées par cinq éléments :
– Envie de plus d’autonomie.
– Donner plus de sens à leur vie.
– Gagner plus d’argent.
– Être plus épanoui.
– Avoir plus de flexibilité et de liberté.
– Relever un challenge.
Ces motivations sont révélatrices d’un état d’esprit qui ne dépend
pas du statut d’une entreprise.
Se lancer en tant qu’indépendant aujourd’hui en France peut se
faire de plusieurs manières différentes :
– en créant sa propre structure comme la SASU, l’EURL, une micro-
entreprise ;
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– en optant pour le portage salarial, permettant d’être indépendant


tout en conservant les avantages du salariat ;
– en optant pour un emploi proposant les avantages de l’entrepre-
neuriat listés ci-dessus.

53
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

« Si vous pouvez le rêver, vous pouvez le faire. » Walt Disney

Voici l’interview d’un expert en la matière afin d’avoir une


meilleure vision du métier d’entrepreneur et d’indépendant en
France.

Avis d’expert
DANIEL PARDO,
fondateur de Flexi-Entrepreneur et auteur1.

Y A-T-IL UN MÉTIER QUEL EST L’AVENIR DU TRAVAIL


D’ENTREPRENEUR, OU DES MÉTIERS ET LA PLACE DES ENTREPRENEURS
D’ENTREPRENEUR ? DANS TOUT ÇA ?
« Il existe plusieurs typologies « En France, il existe aujourd’hui
d’entrepreneurs, comme il existe 2,8 millions d’entrepreneurs soit
plusieurs typologies de salariés. 10 % de la population active,
En France, un indépendant peut contrairement à 34 % aux États-
opter parmi plusieurs statuts Unis. Néanmoins, la tendance est
différents comme la micro- à la hausse et se rapproche de la
entreprise, la SASU, l’EURL moyenne européenne, tournant
ou encore le portage salarial. autour de 15 % aujourd’hui. En
En d’autres termes, entreprendre quoi cette augmentation impacte-
ne dépend pas du statut. t-elle les entreprises ? Prenons un
D’ailleurs, il est possible d’être exemple : un directeur commercial
entrepreneur tout en étant salarié. cherche un emploi et passera alors
Il s’agit d’un état d’esprit tourné par un processus de recrutement
vers les objectifs, consistant à “classique” auprès des services des
vouloir apporter des solutions par ressources humaines. En revanche,
rapport à des cas concrets, même si cette même personne souhaite
s’il s’agit d’un CDD ou d’un CDI. Les intervenir en mode mission en
entrepreneurs ont ceci en commun tant qu’indépendant, en portage
qu’ils apportent des solutions salarial ou avec une société, elle
concrètes à partir d’objectifs précis. » passera par la direction Achats ou

...
1 Travaillez comme indépendant en mode mission, Allo Mission, 2017.

54
Entrepreneur : un métier d’avenir ?

... par le département qui dispose d’un des compétences liées à cette
budget, plutôt que par le processus nouvelle manière de travailler :
de recrutement classique. le processus de sélection, le
Cela change les processus d’appel processus d’intégration, la gestion
aux experts pour relever des des compétences, la gestion
missions en entreprise. financière, etc.
Quid d’un nouveau métier pour Dans ce cas de figure, il n’y a pas
gérer les experts intervenant en tant que des Soft Skills à développer,
que sous-traitants ? Les entreprises mais aussi des Hard Skills du
doivent-elles dédier une personne domaine juridique et financier
dans la direction Achats ? Et qu’en notamment, car on ne collabore
est-il pour la partie financière ? pas avec les indépendants comme
Et l’intégration de cet expert ? on travaille avec les salariés, même
La dimension juridique ? Etc. s’il s’agit bien entendu de rapports
Le recours à des experts humains.
indépendants implique alors des Au même titre, les Soft Skills sont
changements organisationnels indispensables pour mieux travailler
dans les entreprises, menant ainsi avec les équipes externes. Une
à des besoins en compétences grande empathie est nécessaire
différents. » de la part des entreprises qui ont
QUELLES SONT LES COMPÉTENCES tout intérêt à comprendre les
TRANSVERSALES, LES SOFT SKILLS, indépendants et à rester à leur
NÉCESSAIRES À DÉVELOPPER DANS écoute.
LE CADRE DU TRAVAIL EN MODE Une grande question émerge
MISSION ? aussi : au sein de l’entreprise,
Du point de vue de l’expert, il devra comment transmettre les valeurs et
s’adapter à cette nouvelle manière le sens du collectif aux consultants
indépendants qui interviennent de
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

de travailler. Le travail en mode


mission implique un état d’esprit manière prolongée ? Et que faire
orienté objectifs et résultats, et des pour éviter que ces personnes ne
valeurs entrepreneuriales fortes. De soient pas isolées ? Les Soft Skills
plus, il devra très rapidement être font partie de la réponse.
en mesure d’organiser et gérer son Vous l’aurez compris, le travail
temps et les priorités. en mode mission implique un
Du côté de l’entreprise, la développement de compétences
personne responsable de la multidimensionnelles. »
coordination des experts externes Les propos de cet entretien ont été
devra également développer recueillis par Jérôme Hoarau.

55
1 L’URGENCE DES SOFT SKILLS

L’essentiel

 Tout le monde peut développer un état d’esprit


entreprenant, ainsi que les Soft Skills permettant de rester
proactif et orienté solution.
 Un indépendant peut choisir son statut suivant
ses avantages pour exercer son métier.
 Le travail en mode mission amène à développer des Soft
Skills liées à l’esprit d’entreprendre.
 Les entreprises sont elles aussi amenées à s’adapter
au travail en mode mission dans lequel elles font de plus
en plus souvent appel à des indépendants.

56
Partie 2

L’IA, accélérateur
de Soft Skills

« Ces machines nouvelles tendent non pas à remplacer l’énergie


et le pouvoir de l’humain par ceux de la machine, mais à remplacer
le jugement humain à tous les niveaux, sauf au niveau le plus élevé. »
Norbert Wiener, père de la cybernétique, 1949
D
emain, nous serons beaucoup « plus » que ce que nous
sommes aujourd’hui. Nous serons partout à la fois avec la
réalité virtuelle. Nous aurons accès à de plus en plus de
données. Mais surtout, l’intelligence sera gratuite. Et c’est une
bonne nouvelle pour bien des problèmes de la vie quotidienne : la
gestion des déchets, les problématiques de sécurité, l’anticipation
des maladies… Mais c’est aussi une révolution qui s’annonce
pour tous ceux qui avaient fait de l’intelligence leur proposition
de valeur sur le marché. Qu’est-ce qu’un avocat ? Un homme ou
une femme capable d’analyser une situation, d’en faire ressortir
les données clés et ainsi de le rapprocher de solutions connues.
Demain (et pour certains domaines, c’est déjà aujourd’hui), la
machine pourra très bien s’acquitter de cette tâche sans peine et
plus rapidement. Il est important de comprendre que l’IA – au-
delà des perspectives d’emprise du monde par un « skynet » – est
une rupture technologique qui va bouleverser nos vies et donc
nos compétences. L’IA, plutôt que d’être l’ennemie de l’homme,
a vocation à être la nouvelle grille d’analyse des compétences. De
la même manière, combinée aux autres ruptures technologiques
disponibles sur le marché, nous allons voir comment l’humain
a vocation à être «  augmenté  » pour devenir un être doté de
compétences à la fois artificielles et humaines.

58
Chapitre 5

L’IA, nouvelle
grille d’analyse
des compétences

Executive summary

 L’intelligence artificielle est une science qui n’est plus de


l’ordre de la fiction, mais bien de celui de notre quotidien.
Son évolution actuelle en fait une des ruptures majeures
des prochaines années.
 L’intelligence artificielle va surtout être un concurrent
direct pour les compétences des humains. En effet, la
puissance d’analyse actuelle de ce nouveau mode de
pensée artificielle est en voie d’offrir une alternative aux
tâches les plus précises.

59
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

Une brève mise à jour sur l’IA


Les définitions de l’IA
L’IA est aujourd’hui l’objet de toutes les discussions et de tous les
fantasmes. C’est à la fois exagéré et normal. Pourquoi ? Principale-
ment en raison de la place que va prendre cette rupture technolo-
gique dans nos vies très rapidement. Demain, tout sera analysé au
regard de cette nouvelle grille de lecture. Dès lors, évacuons la ques-
tion de la définition afin de gagner en clarté dans l’analyse.
Premier élément de confusion : il n’y a pas une seule définition
de l’intelligence artificielle, mais plusieurs au sein même de la com-
munauté scientifique. Laissons aux chercheurs les débats séman-
tiques et techniques pour ne garder que les éléments qui vont nous
éclairer sur la portée de l’intelligence artificielle (IA).
L’IA est « la science dont le but est de faire faire par une machine des
tâches que l’homme accomplit en utilisant son intelligence ». Cette défi-
nition est simple mais c’est principalement la portée de tout ce qui
la compose qui est la source de bien des fantasmes.
Le terme précis d’intelligence artificielle, apparu en 1956, est le
plus souvent attribué à  John McCarthy, et parfois aussi à Marvin
Minsky du MIT, qui la définit comme : « la construction de programmes
informatiques qui s’adonnent à des tâches qui sont, pour l’instant, accom-
plies de façon plus satisfaisante par des êtres humains car elles demandent
des processus mentaux de haut niveau tels que : l’apprentissage perceptuel,
l’organisation de la mémoire et le raisonnement critique. »
Et pour faire le tour de la question, voici une dernière défini-
tion utile de Jean-Louis Laurière, un des pionniers français sur la
question : « Étude des activités intellectuelles de l’homme pour lesquelles
aucune méthode n’est a priori connue ». Ce qui revient à dire que, dès
lors qu’on a mis en place une méthode informatisée pour traiter une
donnée, pour certains chercheurs ce n’est déjà plus de l’IA !

60
L’IA, nouvelle grille d’analyse des compétences

L’IA est donc autant un objet de recherche qu’une science de


l’informatique mobilisant des algorithmes pour traiter de la donnée,
comme pourrait le faire le cerveau humain.

Des mots clés pour bien comprendre l’IA


À l’occasion des débats sur l’intelligence artificielle, on utilise des mots
qui sont entrés dans le vocabulaire commun dont les définitions peuvent
être rappelées.
– L’informatique est la science du traitement de l’information, c’est-
à-dire un traitement d’informations avec une méthode simple, précise,
algorithmique.
– Un algorithme est une suite d’opérations ordonnées, bien définies,
exécutables sur un ordinateur, et qui permet d’arriver à la solution en
un temps raisonnable (minutes, heures, ou plus… mais pas des siècles !)

Les différentes approches de l’IA


Que sait faire aujourd’hui l’intelligence artificielle disponible pour
les entreprises ou les centres de recherche ? Aujourd’hui par exemple,
elle sait :
– jouer à des jeux comme les échecs ;
– résumer un texte ou le traduire ;
– reconnaître des lettres manuscrites, par exemple TAON ou THON ;
– faire des mathématiques ;
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– faire un diagnostic (médical, de panne, juridique…).


Ces actions sont ce qu’on appelle aujourd’hui de l’IA « faible ».
L’adjectif ne sert pas à signifier la difficulté de la tâche à effectuer.
Tous ces exemples demandent une puissance de calcul phénomé-
nale –  on peut imaginer sans peine ce qu’il faut analyser comme
informations et recherches médicales pour faire le diagnostic pré-
cis d’un cancer. L’IA est dite faible lorsqu’elle traduit de la part de
la machine une tâche cantonnée à un seul domaine précis. À l’in-
verse, l’IA « forte » existera lorsque la machine exercera des actions

61
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

d’intelligence multiples et transverses, c’est-à-dire proche de l’esprit


humain et global.
Enfin, depuis que les chercheurs s’amusent à faire naître une
IA utile et performante, deux approches sont communément uti-
lisées que l’on retrouvera opposées dans le tableau suivant.

Tableau 5.1 – Les 2 approches* pour construire de l’IA

Approches Idée Limites

Programmation Programmer des Nécessite de repartir


symbolique règles et résoudre un de zéro lorsque l’on
« problème » à travers développe un nouveau
une série d’étapes. modèle ; presque
impossible de généraliser
les règles d’un problème
à un autre.
Machine learning Programmer un modèle Nécessite de nourrir
général, puis c’est l’ordinateur avec un
l’ordinateur qui ajuste les maximum de données
paramètres du modèle à pour qu’il apprenne tout
l’aide des données qu’on seul.
lui fournit.

* Les approches peuvent être retrouvées dans l’article de Tom Morisse.

Et le deep learning dans tous ça ?


Le deep learning a fait progresser l’IA de manière incroyable. Ce que l’on
nomme « l’apprentissage profond » est une technique d’apprentissage
qui permet à un programme de reconnaître des défis complexes. C’est
ce qui permet par exemple à Siri de reconnaître le contenu de votre voix
et à d’autres machines de comprendre le contenu d’une image.
En IA, on utilise ce qu’on appelle «  l’apprentissage supervisé  »  : pour
qu’un programme apprenne à reconnaître un chien, on le «  nourrit  »
de dizaines de milliers d’images de chiens, étiquetées comme telles.

...
Et on entraîne la machine comme un enfant avec des cartes d’animaux.

62
L’IA, nouvelle grille d’analyse des compétences

... L’apprentissage peut être long mais, finalement, la machine reconnaîtra


un chien lorsqu’on lui présentera une nouvelle image.

L’innovation du deep learning


Avant, on entraînait la machine à la main. Maintenant, la machine apprend
à le faire elle-même. On utilise toujours l’apprentissage supervisé mais la
structure même du cerveau de machine a été imaginée sur un modèle
proche du cerveau humain : un système de « réseau de neurones », c’est-à-
dire des couches de milliers d’unités (les neurones) qui effectuent chacune
de petits calculs simples. On avance ensuite « par couche » : les résultats de
la première couche de neurones vont servir d’entrée au calcul des autres et
ainsi de suite… ce qui rend ce type d’apprentissage « profond » !

Illustration
Fin 2017, AlphaGo, l’intelligence artificielle de Google, a été mise à jour
afin de donner naissance à AlphaZero. Les performances de la seconde
sont bien évidemment supérieures à son aînée. Mais l’innovation princi-
pale vient surtout dans sa manière d’apprendre. Au lieu d’apprendre à
partir d’une base de données, elle est créée selon l’objectif qu’elle doit
résoudre. Ainsi, par exemple, en matière de jeu d’échec, la nouvelle IA
n’est pas « éduquée » à partir de la somme des parties jouées par des
humains ; mais elle a été programmée avec les règles du jeu et des algo-
rithmes. La différence est majeure puisque dès lors l’IA a appris « seule »
et en jouant « contre elle-même ». Le résultat est époustouflant : il a fallu
à peine 4 heures pour que AlphaZero devienne un maître aux échecs.
Et  seulement 8  heures d’auto-apprentissage ont été nécessaires pour
battre la dernière version d’AlphaGo au jeu de go.

Les compétences actuelles de l’IA


L’IA est déjà une histoire de compétence
Non, vous ne rêvez pas. Nous allons parler de compétences à propos
de machines. Bien entendu, le terme est abusif car jusqu’à preuve
du contraire, les compétences sont jusqu’à maintenant réservées à
l’être humain pour décrire son interaction avec son environnement.

63
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

Dès lors, le terme « capacité » serait plus adapté à propos de la rela-


tion de la machine avec son environnement.
Pourtant, le meilleur moyen de percevoir la place qu’aura demain
la machine à côté de l’homme sur la question de la répartition des
tâches à faire, n’est-il pas de gommer quelques instants cette diffé-
rence sémantique et d’aligner la vision des deux mondes ?
En effet, l’enjeu va très rapidement se résumer à la question sui-
vante : demain, qu’est-ce que je vais déléguer – dans mon travail par
exemple  – à la machine  ; et qu’est-ce que je vais garder pour moi
– ou mes collaborateurs –, êtres humains ?
Dès lors, plutôt que de dresser une liste – qui serait dépassée dans
la semaine de sa rédaction – des actions actuelles que l’IA peut faire
au service de l’homme, voici une petite histoire symbolisant cette
notion de compétences de l’IA.

Petite histoire de jeu de Go


Il existe des histoires qui servent autant à nous donner de l’informa-
tion qu’à fixer notre attention sur une évolution qui marque notre
mémoire. Une fois qu’on les a lues, on s’en souvient, on les raconte ;
et c’est en les racontant encore et encore à son entourage qu’on finit
par mieux en saisir le sens et l’importance.
Pour comprendre les enjeux du possible de l’IA, il y a une histoire
tout à fait saisissante qui en elle-même résume toutes les autres.
Il s’agit de la dernière victoire retentissante de la machine sur les
joueurs de go.
Il y a encore quelques années, l’histoire qu’on l’on racontait pour
donner du sens à l’arrivée de l’intelligence artificielle dans nos vies
était celle de la défaite retentissante de Gary Kasparov devant l’intel-
ligence de Deep Blue, la machine intelligente d’IBM. Tout le monde
connaît cette histoire. Seulement celle-ci a déjà plus de vingt ans.
Il fallait donc un nouveau point de fixation pour stigmatiser une
nouvelle marche franchie récemment par la machine sur l’homme.
Et celle-ci est énorme.

64
L’IA, nouvelle grille d’analyse des compétences

La victoire de la machine dotée d’une intelligence artificielle sur


l’homme en matière de jeu de go est en réalité l’effondrement de
l’avant-dernier bastion derrière lequel se retranchait la supréma-
tie de l’intelligence humaine. Jusque là on pouvait dire  : «  Oui la
machine est forte puisqu’elle bat l’homme aux échecs. Mais si ce jeu
demande une capacité d’analyse extrême, sa complexité n’est rien
comparée au jeu de go ». Et voilà, que la grande muraille s’effondre.
Après cela il ne restera plus que l’intelligence forte qui dotera la
machine d’une conscience.
Pour savoir si une IA pourra exercer des compétences structurées,
et demain à mes côtés dans mon activité professionnelle, il suffit de
parler quelques instants de la complexité de ce jeu. Dès lors, vous
pourrez la comparer à la difficulté de la tâche que vous aimeriez
demain déléguer à un tiers dans votre métier actuel.
Edward Lasker, maître international historique d’échec –  mais
aussi joueur de go – avait une formule devenue célèbre pour compa-
rer les deux jeux : « les règles baroques des échecs n’ont pu être inventées
que par des humains, mais les règles du go sont si élégantes, si organiques
et d’une logique si rigoureuse que, s’il existe des formes de vie intelligente
ailleurs dans l’univers, elles jouent certainement au go. »
Sans rentrer dans les détails, une simple description du jeu per-
met d’en deviner la complexité : deux joueurs s’affrontent devant
un plateau de bois – goban –, découpé de 19 lignes qui croisent 19
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

autres lignes. À l’intersection de ces lignes, les joueurs doivent dépo-


ser chacun à leur tour une pierre noire ou blanche – selon sa couleur
d’origine comme aux échecs – sur le plateau. Dès qu’une pierre ou
un ensemble de pierres est entourée par les pierres adverses de telle
manière que cet encerclement les étouffe et les prive de liberté, elles
sont considérées comme « capturées » et retirées du plateau. Le paral-
lèle militaire est assez facile à faire : dès que vos troupes se trouvent
encerclées par l’ennemi, leur rémission les rend impropres à rester
dans la bataille. Le vainqueur du jeu est alors celui qui occupe le
territoire de son ennemi rendant l’issue de la victoire certaine. Tout

65
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

cela est assez simple à première vue. Mais si on combine la taille du


plateau – plus grande qu’un plateau d’échec – et les très nombreuses
possibilités qu’ont les joueurs de déposer librement une pierre sur ce
dernier – vous n’êtes pas tenu, comme aux échecs, de partir de votre
camp et de piloter vos pièces en tenant compte de leur trajectoire
arrêtée – les combinaisons sont presque infinies. On estime qu’il y a
près de 2 × 10170 (il s’agit bien du chiffre 2 suivi de 170 zéros) de posi-
tions possibles sur un plateau normal de jeu de go. Si on poursuit
notre comparaison avec le jeu d’échecs, ce dernier est encadré par ce
qu’on appelle « le nombre de Shannon », c’est-à-dire 10120. C’est le
nombre de parties différentes possibles pour ce jeu. Pour le calculer,
on part du principe que, lors du premier coup, les blancs peuvent
choisir entre 20 possibilités. Les noirs peuvent ensuite répondre en
commençant par le même nombre de coups. Cela nous donne une
première combinaison de 20 ×  20 soit 400 coups après le premier
coup de chaque joueur. Pour la suite et les cinq coups suivants, vous
avez compris, il existe 20  possibilités pour chaque joueur. Puis il
faut compter 30  variantes possibles pour chaque joueur pendant
le reste de la partie. En admettant qu’une partie dure en moyenne
40  coups, nous obtenons donc pour le nombre de parties diffé-
rentes : (20 × 20)5 × (30 × 30)35. On obtient donc un chiffre proche
du nombre de Shannon. Mais ce dernier est bien inférieur à celui
estimé pour le jeu de go.
Tâchons de résumer le message en termes simples  : hier, une
partie de mon activité professionnelle demandait de comparer des
indicateurs financiers, d’analyser les derniers arrêts de la cour de
cassation pour rédiger mes conclusions juridiques, de répartir dans
un tableau de pilotage les heures de facturation relatives à un chan-
tier… rien de comparable en termes de complexité avec le jeu de
go. Et donc rien de complexe pour une IA faible bien affectée à
une tâche précise. Dès lors, deux questions doivent vous venir en
tête  : ne seriez-vous pas tenté demain de demander à la machine
de faire ces tâches plutôt qu’à votre collaborateur ? Et par voie de

66
L’IA, nouvelle grille d’analyse des compétences

conséquence : quelles tâches, et donc quelles compétences a mon


collaborateur pour justifier sa place à mes côtés ?

L’essentiel

 L’intelligence artificielle est la rupture majeure de


la nouvelle révolution digitale dans laquelle nous sommes
entrés. Son objet est de pouvoir exercer des tâches comme
pourrait le faire l’homme avec son intelligence.
 Cette technologie pose de plus en plus la question
de la substituabilité de l’homme par la machine quant à
la réalisation de tâches complexes, dès lors qu’elles sont
précises. C’est donc un révélateur du besoin de qualifier et
développer les Soft Skills.
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67
Chapitre 6

L’humain augmenté
et les Soft Skills

Executive summary

 À côté de l’IA, d’autres technologies prennent une place


de plus en plus importante dans notre quotidien. Ceci
se traduit par une fusion inéluctable entre l’homme et la
machine, à terme.
 L’homme augmenté sera en capacité de faire plus de
choses qu’avant avec moins d’efforts ; mais ce sera surtout
celui qui aura décidé de faire de ses compétences humaines
le vrai vecteur de différence d’avec la machine.

69
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

La fusion inéluctable homme-machine


À côté de l’IA, d’autres ruptures technologiques
Un des éléments majeurs qui explique que nous entrons dans une
nouvelle ère des Soft Skills se trouve dans la prise de conscience de la
réalité de l’actuelle et nouvelle révolution industrielle. Et le grand res-
ponsable en est encore une fois la technologie. Nous avons eu l’occa-
sion d’aborder ces deux points dans nos chapitres précédents.
De la même manière, nous avons évoqué comment et combien
l’intelligence artificielle allait devenir la grille d’analyse principale
de l’économie et du travail de demain.
Pourtant, cette révolution –  notez bien le mot révolution et pas
évolution  – est porteuse d’autres ruptures technologiques connexes
qui vont décupler l’accélération déjà en marche. Si tout exercice de
taxinomie est subjectif, nous aimerions attirer votre attention sur trois
objets de rupture qui sont, selon nous, complémentaires et difficile-
ment dissociables de l’IA, en ce qu’ils illustrent un changement de
notre futur quotidien. Il faut donc évoquer maintenant :
• La multiplication et l’omniprésence de la data.
• Une connexion entre ces datas à travers des objets rendus intelli-
gents car connectés.
• La possibilité d’utiliser ces objets pour déplacer la réalité dans des
mondes virtuels ou augmentés.
Ces trois constats renvoient à trois ruptures technologiques.
■ Le Big Data
La définition officielle nous dit que ce sont « des données structu-
rées ou non dont le très grand volume requiert des outils d’analyse
adaptés  ». Concrètement, cela signifie que nous avons de plus en
plus souvent « une grande masse de données » sur un sujet, un pro-
duit ou un service, et que leur quantité est en fait trop importante
pour être traitée de manière traditionnelle. Le Big Data se caracté-
rise, dans un premier temps, par ce que certains appellent les 3 V :

70
L’humain augmenté et les Soft Skills

Volume, Variété, Vélocité, c’est-à-dire la vitesse à laquelle les don-


nées arrivent.

■ L’Internet des objets


Techniquement, il s’agit tout simplement d’un réseau d’objets élec-
troniques qui communiquent les uns avec les autres via Internet.
Avant, seuls les individus étaient connectés les uns aux autres pour
échanger de l’information. Dorénavant, les objets sont aussi en
réseau. Et leur but est de connecter le monde matériel des objets
avec celui du monde digital (et inversement).

■ La réalité virtuelle
D’un point de vue technique, la RV (réalité virtuelle) prend la forme
aujourd’hui de casques équipés de lentilles stéréoscopiques qui per-
mettent à un utilisateur de s’immerger dans un univers d’images
réalistes. Mais dans très peu de temps, cette immersion devrait être
enrichie par des compléments sur les autres sens. En effet, si actuel-
lement cette technologie se focalise essentiellement sur la vision, à
l’avenir, le retour haptique – ces petites vibrations qui vous « confir-
ment » que vous avez bien touché votre écran tactile ou par exemple,
sur Android, que vous avez atteint la fin d’une liste – pourrait offrir de
nouvelles possibilités en proposant des sensations supplémentaires.

Tableau 6.1 – Les 3 technologies complémentaires à l’IA


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Technologie Signification Exemples


Big data Un grand nombre de données Mes recherches sur Google
naissent de toutes nos actions. renseignent sur mes goûts et
besoins.
Internet Il n’y a pas que les humains qui Ma montre connectée fournit
des objets communiquent ; les objets aussi. des données santé à moi-même
et à mon assureur.
Réalité Il est possible d’être dans Mon casque HoloLens me
virtuelle plusieurs endroits à la fois et permet d’opérer à distance un
de se déplacer sans bouger. patient ou d’être présent sans
me déplacer dans une réunion
lointaine.

71
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

Des technologiques déjà transformatrices


Toutes ces technologies sont d’ores et déjà sur le marché entre les
mains à la fois de leurs développeurs et des utilisateurs. Demain,
vous arriverez dans une soirée peuplée d’inconnus en vous per-
mettant malgré tout d’interpeller au buffet une personne en
lui disant  : «  Ha  !?  ! Vous aussi vous avez fait la fac de droit de
Tours ? Et vous aimez le vin espagnol ! »… rien ne vous sera plus
inconnu… Avant de déménager demain, vous visiterez plusieurs
appartements à l’aide de votre casque de RV sans même quitter le
confort de votre canapé. Vous parlerez à votre réfrigérateur le soir
pour lui demander ce qu’il vous propose comme dîner en fonc-
tion de ce qu’il a sur ses étagères. Et s’il manque un ingrédient
particulier, il pourra vous le commander directement au livreur
en ligne.
Imaginez tous les changements que ces nouvelles technologies
vont nous apporter. Elles vont aussi devenir les nouveaux leviers
de la performance des entreprises. Elles vont prendre place natu-
rellement dans nos vies, à la maison ou au travail. Et celles-ci s’en
trouveront à jamais transformées. Tous les acteurs économiques
vont devoir apprendre des nouveaux géants du web. En effet, tous
font reposer leur activité et leur business model sur la multiplica-
tion de la data et le traitement par l’IA. Sans ces données et sans
une solution pour traiter cette quantité d’information, leur acti-
vité ne fonctionnerait pas. Tous ont dans leur laboratoire de nou-
veaux objets connectés et des programmes sur la réalité virtuelle.
C’est à partir de ces technologies que pas-à-pas, brique par brique,
notre futur est en train de se construire.
Avec le Big Data, fini le recours aux statistiques pour estimer de
manière imprécise l’avenir de votre activité. En s’intégrant à tous
nos objets environnants, les capteurs et l’IA vont nous faire entrer
dans un Internet ambiant. Enfin les nouvelles réalités augmentées
ou virtuelles vont nous permettre d’abolir le temps et l’espace.

72
L’humain augmenté et les Soft Skills

Ainsi, prêtons-nous quelques instants à un petit jeu simple  sur


la base du paragraphe ci-dessus : faut-il encore apprendre les statis-
tiques en école de commerce ? Faut-il encore former des chauffeurs
routiers à l’heure où les camions pourront communiquer entre eux
et avec le centre de pilotage  ? Enfin, faut-il encore apprendre une
langue étrangère et prendre l’avion puisque demain la traduction
sera simultanée et ma présence virtualisée via un hologramme ou
autre ? On perçoit maintenant combien ces avancées technologiques
vont poser la question des compétences techniques ou non à l’avenir.

La naissance de l’homme augmenté


Une vie privée améliorée
«  Quand elle est numérisée, toute l’expérience est modifiée  !  » Cette
formule de Shawn DuBravac, l’économiste en chef de la Consumer
Electronics Association, illustre parfaitement comment le digital
redéfinit l’expérience en général. Des data à foison, une nouvelle
intelligence qui va permettre de les combiner pour leur donner du
sens, une connectivité des objets reliés les uns aux autres, une réa-
lité augmentée offrant des fonctions nouvelles à notre environne-
ment, sont des machines qui vont nous permettre d’être encore
plus complets.
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Reliés ensemble, mon thermostat, la webcam de ma TV et ma


montre donneront l’atmosphère d’une pièce, l’humeur de ses occu-
pants permettant au Netflix de demain de proposer le programme
de télévision pertinent en fonction de mon humeur mais aussi de ce
que je viens de manger – ou adapter mon dîner du soir au lieu dans
lequel se passe le film que j’ai décidé de regarder.
« Cette connectivité sans friction, ni couture, va transformer l’écono-
mie et la société », assure le président de Samsung : « elle fera gagner du
temps, facilitera l’existence, la rendant plus confortable, plus saine ». Ce
nouvel environnement digital va modifier la plupart des aspects de

73
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

notre vie. Regardons rapidement de quelle manière afin de toucher


du doigt le changement.

■ Des machines qui entendent


Dans quelques mois, les progrès combinés des technologies vont
tout d’abord nous permettre de nous détacher de nos écrans clas-
siques : TV, tablettes, smartphone. En effet, avec ma voix, j’ai déjà la
possibilité de piloter de plus en plus d’ordinateurs : que ce soit mon
ordinateur fixe ou portable ; mon smartphone qui est aussi un ordi-
nateur ; mais aussi mon système de domotique à la maison.
Actuellement, 20  % des recherches sur Google «  se font par la
voix ». Cette tendance devrait se généraliser d’ici à 2020. Des chat-
bots, c’est-à-dire des assistants virtuels, vont nous faire entrer pro-
gressivement, par la voix, dans « l’ère de l’assistance ». C’est via un
chatbot demain que je vais faire une recherche sur Internet. Oubliez
donc les nombreuses pages de résultats des moteurs de recherche !
Vous poserez vos questions à haute voix, à Google Assistant, Alexa
d’Amazon Echo, Siri d’Apple ou encore Bixby de Samsung. Et il vous
donnera directement une réponse qui sera la meilleure possible,
pertinente à la question. La masse de data ainsi produite va même
permettre à l’IA de rapidement anticiper nos besoins avant même
qu’ils ne surviennent.

■ Des machines qui voient


Avec les images que nous leur fournissons, les machines vont pou-
voir déduire tout un nombre de nouvelles data. L’intelligence arti-
ficielle leur permet de traiter des milliards d’informations de plus
en plus vite, mieux, et plus précisément que l’homme. Imaginez
un peu  : le volume de la connaissance littéraire médicale double
aujourd’hui tous les cinq ans. Quant cet apprentissage sera couplé
aux images fournies par notre environnement, le volume de data
fourni leur permettra d’être encore plus performantes. Pas parfaites,
certes. Mais tout simplement meilleures que l’homme.

74
L’humain augmenté et les Soft Skills

En effet, d’ores et déjà, certaines machines lisent sur les lèvres,


reconnaissent des éléments dans une photo ou une vidéo, trouvent
des photos par similarité.
Par exemple, les applications Magnus ou Smartify travaillent à
devenir les Shazam des œuvres d’art : vous pourrez demain facilement
identifier n’importe quel tableau ou statue d’un seul geste.
De même, ces technologies vont nous aider à mieux indexer les
contenus pour les retrouver et les distribuer avec plus de pertinence.
Ou même à chercher à l’intérieur de différents contenus toutes les
data qui vous intéressent : textes, photos ou vidéos. Elles vont aussi
permettre d’améliorer la lutte contre toutes sortes de délits. Demain,
ce seront les machines qui feront le tri toutes seules pour nous aider
dans notre quotidien.

■ Des machines qui améliorent la réalité


Nous pourrons imaginer de nouvelles représentations du monde. Les
technologies de réalité virtuelle (VR) et de réalité augmentée (AR),
nourries de data et boostées à l’IA, vont nous permettre de façonner
des œuvres et des contenus encore plus singuliers et immersifs.
Les expériences sauront plus facilement s’adapter à chacun,
répondre de manière plus intuitive aux besoins, réagir fortement
aux émotions : si je sais que 80 % de mes clients sont stressés quand
ils attendent dans ma salle d’attente, je vais pouvoir leur proposer
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un environnement plus rassurant. Et l’IA va permettre de transfor-


mer tout environnement en nouvelles réalités digitales ou hybrides.
Notre cerveau est déjà ravi d’être trompé et transporté, dans une expé-
rience à 360°, dans un match de football américain via la technologie
de la réalité virtuelle. Avec la réalité augmentée, n’importe quelle entre-
prise pourra placer intelligemment des informations ou des objets vir-
tuels dans mon environnement. Demain, n’importe quel match de
tennis se jouera sur votre table basse, et n’importe quel rendez-vous
pourra se faire en tête-à-tête, même à distance. Et c’est vous qui pourrez
doser la quantité de réel et de virtuel dont votre client aura besoin.

75
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

Tableau 6.2 – Les machines améliorent ma vie personnelle

Fonctions
Questionnements
proposées Illustrations
pour l’humain
par la machine
La machine Je dispose d’un assistant Quid des assistants et juniors
entend. personnel qui me donne dans les organisations.
accès à tous les services
souhaités.
La machine voit. Je dispose de machines Quid des policiers, des guides
lisant à ma place les bons touristiques, des contrôleurs
articles et identifiant les bons dans les transports.
interlocuteurs.
La machine Je vis des expériences de plus Quid des caissiers,
améliore la en plus émotionnelles sans des placiers, des annonceurs.
réalité. sortir de chez moi.

Une performance professionnelle augmentée


L’objet même d’une révolution industrielle est d’augmenter l’homme.
La chose n’est donc pas nouvelle. La machine à vapeur, l’électricité
et les ordinateurs ont soulagé la vie de ceux qui nous ont précédé de
manière significative. Dès lors, il n’y a pas vraiment lieu d’imaginer
des fantasmes ou scénarios catastrophes. Il faut au contraire bien voir
que c’est notre quotidien et nos activités de travail qui vont être bou-
leversés, voire améliorés.

■ Des machines pour conseiller


Bien entendu notre potentiel de travail va être augmenté via l’IA.
Nous avons gagné en productivité avec nos ordinateurs de bureau.
Nous allons passer un nouveau cap avec nos assistants virtuels.
Mais à très court terme, c’est surtout l’expérience client qui va être
bouleversée. Avec les chatbots, finie la contrainte des heures d’ou-
verture ou de la disponibilité de votre avocat ou médecin préféré.
Aujourd’hui, lorsque vous prenez votre billet de train sur la plate-
forme de la SNCF à 23 H 30 un dimanche soir, vous ne vous posez
pas du tout la question de savoir s’il y aura quelqu’un de l’autre côté
pour vous offrir le service souhaité.

76
L’humain augmenté et les Soft Skills

■ Des machines pour faire du marketing


De son côté, le Big Data permet de cerner le client dès son arrivée
physique dans un magasin  : or, ce qui est assez incroyable, c’est
qu’aujourd’hui lorsqu’un client entre dans une boutique, on n’uti-
lise pas du tout ce que l’on sait déjà de lui. L’identification ne se
fait au mieux qu’au moment du paiement lorsqu’on lui demande sa
carte de fidélité. De la même manière, aucune data n’est collectée
sur ce qu’il fait et recherche en magasin. A-t-il besoin d’informa-
tions ? Serait-il content de goûter ces nouveaux yaourts qu’il tient
entre ses mains depuis 40 secondes d’un air hésitant… Ces informa-
tions sont pourtant capitales et tous les distributeurs devraient faire
du lieu de vente physique des environnements connectés et interac-
tifs de manière à mieux connaître, informer et servir leurs clients.

■ Des machines pour améliorer la relation client


Le Big Data va aussi permettre de proposer un service après vente – le
fameux SAV – amélioré et potentiellement prédictif. En effet, toutes
les données antérieures en matière de SAV vont permettre de mieux
connaître les attentes des clients ainsi que leur besoin de renou-
vellement du produit. Si je sais à l’avance quand mon produit va
être consommé – par exemple des capsules de café – je vais pouvoir
envoyer un message proposant de renouveler ce produit quelques
jours avant la fin du paquet. L’idéal sera bien entendu d’avoir
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contractualisé ce renouvellement dans un système d’abonnement :


toutes les data agglomérées me donneront le jour et l’heure de la
consommation de votre dernière capsule de café et vous recevrez,
conformément à votre abonnement premium, une boîte de capsules
neuves le lendemain pour respecter vos habitudes matinales.

■ Pour les métiers les plus complexes


Enfin, ne pensez pas que ces conversations visent seulement des
questions ou problèmes simplistes. Au contraire. Ces technologies,
cumulées à l’IA, vont nous permettre d’imaginer un service client en

77
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

ligne portant sur des choix ou des dilemmes complexes. Les acteurs


du conseil, par exemple, vont pouvoir scénariser leur expérience pas-
sée des besoins du client pour des questions vraiment stratégiques.
Ainsi, par exemple, depuis mai 2016, la société hongkongaise DKV
(Deep knowledge ventures) a nommé un algorithme pour siéger  à
son conseil d’administration. C’est donc bien une IA, analysant du
Big Data, qui se tiendra aux côtés des autres membres du conseil,
pour arbitrer les décisions stratégiques relatives à des politiques d’in-
vestissements en capital risque ; ces décisions portant sur des ques-
tions très techniques puisqu’elles visent la lutte contre le cancer ou
la médecine régénérative.

Tableau 6.3 – Les machines augmentent ma performance

Fonctions
Questionnements
proposées Illustrations
pour l’humain
par la machine
Plus de conseils Je dispose d’un conseil Quid des consultants et
disponible et personnalisé autres professions libérales.
24 h/24.
Plus d’analyse Je détecte les besoins Quid des marketeurs et
marketing conscients et inconscients specialistes des études.
de mes clients.
Plus de relation J’entre plus facilement en Quid des professionnels
client relation avec mes clients de la vente et SAV.
pour mieux répondre à leurs
besoins.

Le besoin d’un nouveau partage


des compétences
Face aux changements, il est coutume de tenter de résister. Pour-
quoi faudrait-il abandonner à la machine des bastions d’activités
humaines et donc de compétences  ? Pour vous convaincre que la
question est mal posée, deux arguments permettront de considérer
que ces mutations ne sont pas forcément de mauvaises nouvelles.

78
L’humain augmenté et les Soft Skills

Tout d’abord, il suffit de prendre un peu de recul historique pour


constater que très rarement – voire jamais – les stratégies défensives
n’ont été couronnées de succès  : la grande muraille de Chine, la
ligne Maginot, la révolte des luddites… Dès lors, il n’est pas certain
que cette résistance soit la bonne stratégie à mettre en place.
Ensuite, il faut accepter qu’il ne s’agit pas tant de renoncer que
de profiter des bienfaits que ces ruptures technologiques qui vont
permettre d’améliorer, en termes de qualité, la vie personnelle et
au travail. Et il ne faut pas se tromper dans l’objectif. S’il nous faut
évoluer avec ces machines, c’est qu’elles peuvent nous apporter un
meilleur cadre de vie et supprimer les tâches qui sont aujourd’hui
ennuyeuses ou génératrices de peu de valeur. Vous pensez qu’il
s’agit là de naïveté de notre part ? Peut-être. Mais à y bien considé-
rer, les débats n’ont-ils pas toujours été les mêmes à chaque grande
révolution industrielle. Et ceux qui ont récolté le plus de fruits de
ces changements n’ont-ils pas été aussi les plus naïfs ou – pour le
dire autrement – les plus enclins à chercher dans tout changement
une source d’opportunités ?
Le Big Data, l’intelligence artificielle, l’Internet des objets et la
réalité virtuelle, vont être les principales préoccupations des déci-
deurs marketing et commerciaux des prochaines années. Pourquoi ?
Parce que réussir sa révolution digitale est une question de survie
pour beaucoup d’entreprises. Vous en doutez encore ? Gardez alors
en tête quelques data pour vous motiver : par exemple que, faute de
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ne pas penser cette révolution comme un danger, plus de la moi-


tié des 500  entreprises listées dans Standard and Poor’s ont disparu
depuis l’an 2000. Cette réalité funeste illustre une règle intangible de
l’innovation  : lorsqu’une rupture technologique entre sur un mar-
ché, en général 80  % des acteurs meurent faute de percevoir l’ur-
gence d’évoluer.
Au contraire, consciente de ce danger, une entreprise comme Engie
a décidé d’investir un milliard de dollars dans sa transformation digi-
tale. Il y a donc un vrai danger à ne pas considérer ces transformations.

79
2 L’IA, ACCÉLÉRATEUR DE SOFT SKILLS

Comment les clients considéreront-ils les entreprises qui recourront


à ces technologies ? Au-delà du nécessaire changement d’habitudes, de
l’évolution de la technologie et de l’adhésion des clients, l’effort majeur
qu’il va rester à faire sera d’arriver à dépasser nos a priori quant à l’omni-
potence de l’être humain comme vecteur unique de valeur et de service.
Il faut ensuite tâcher de ne pas se tromper de référentiel de com-
paraison. L’homme n’est plus et ne sera plus le référentiel ultime du
travail et du business. Il va donc falloir arrêter de comparer le ressenti
des clients face aux machines à celui qu’ils ont face aux humains.
Ce serait comme considérer l’expérience du transport à cheval ou
en voiture au début du XXe siècle. Tous les deux permettent de trans-
porter un individu d’un point A à un point B. Pourtant l’expérience
utilisateur n’a rien de comparable, tout comme l’efficience du trajet.
Et bien, le Big Data, l’intelligence artificielle, l’Internet des objets et
la réalité virtuelle vont devenir la voiture de demain.
Enfin, il va falloir faire un choix, et décider d’affecter telle tâche à
tel acteur : soit à l’homme, soit à la machine, soit au combo homme-
machine.
À l’exception de certains domaines d’application où le rap-
port humain sera encore prépondérant, les entreprises vont devoir
apprendre, dans un futur très proche, à ne pas opposer la puissance
de la technologie et les qualités humaines. Mais au contraire à tester
les combinaisons les plus intéressantes. Car chaque partie a vocation
à garder son avantage naturel : l’homme reste un formidable animal
social dès lors qu’il s’agit d’entrer en empathie avec ses semblables et de
créer une relation susceptible de favoriser la communication. Mais la
machine dépasse de loin l’homme en matière de rapidité et de qualité
dès lors qu’elle joue sur le champ du calcul et du traitement de don-
nées. Et cette suprématie analytique ne fait que commencer. Dès lors, il
est temps d’arrêter de craindre que les machines remplacent l’homme
au travail et dans le reste de sa vie. Les machines ont toujours été des
outils dont la vocation est d’aider dans la maîtrise de son environne-
ment professionnel. Avec ces technologies, les professionnels compé-
tents vont augmenter de manière massive leur compétitivité.

80
L’humain augmenté et les Soft Skills

L’essentiel

 La période actuelle prend la direction d’une fusion


inéluctable entre l’homme et les machines qui prennent
place dans tous nos quotidiens. Aux côtés de l’IA, le Big
Data, l’Internet des objets et la réalité virtuelle sont aussi
d’autres technologies qui accélèrent notre mutation.
 Cet environnement nouveau provoque une mutation
de l’homme qui l’habite. Nous devenons ou allons devenir
des hommes et femmes augmentés par ces nouvelles
technologies digitales. La principale conséquence sera
de redessiner le périmètre des compétences afin de décider
ce qui sera exclusivement confié à la machine et ce qui sera
l’apanage de l’homme, à savoir les Soft Skills.
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81
Partie 3

Les Soft Skills


au cœur
de l’entreprise

« Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour
où vous êtes né, et le jour où vous découvrez pourquoi. »
Marc Twain
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E
t si la transformation du monde professionnel permettait à
chacun de développer une nouvelle forme d’intelligence,
émotionnelle, et non plus seulement rationnelle ?

Et si la véritable valeur qu’un individu puisse incarner sur le plan


professionnel n’était plus celle que l’on avait identifiée jusqu’à
présent ?

Dans une ère où la machine prend de plus en plus d’importance


au sein des organisations, comment l’Homme peut-il œuvrer
pour maintenir sa pleine place, ou mieux, se créer une nouvelle
place, plus juste et plus fine, lui permettant de libérer ses talents ?

Explorons dans cette partie les réponses qui ouvrent la perspective


d’un monde professionnel paradoxalement plus humain, bien
que baignant dans un univers digital et algorithmique.

84
Chapitre 7

L’intelligence émotionnelle
au cœur de l’entreprise

« Avant, nous pouvions nous disputer sur la question de savoir si une machine
était capable de penser. La réponse est “Non”. Ce qui pense est un circuit au
complet comprenant, par exemple, un ordinateur, un opérateur humain et un
environnement. »
Gregory Bateson

Executive summary

 L’intelligence émotionnelle est une Soft Skill que


chacun peut entraîner et qui peut transformer vos relations
interpersonnelles.
 Il existe un lien intime entre le flux de nos pensées
et le flux de nos émotions. À la manière des sportifs de
haut niveau, vous apprendrez à distinguer deux grandes
catégories de pensées, celles qui auront plutôt tendance à
vous procurer des émotions agréables, et celles, au contraire,
qui seront souvent à l’origine d’émotions désagréables.
 Enfin, vous découvrirez le caractère potentiellement
contagieux de nos émotions, et la façon dont vous pouvez
adapter votre attitude pour anticiper cette possibilité et
mieux gérer vos émotions au sein d’un groupe.

85
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

Intelligence émotionnelle et intelligence


artificielle
Si l’on fait référence aux diverses définitions que l’on peut trouver
de l’intelligence, telles que celles du Larousse : « aptitude d’un être
humain à s’adapter à une situation, à choisir des moyens d’action
en fonction des circonstances  » ou encore «  Personne considérée
dans ses aptitudes intellectuelles, en tant qu’être pensant  », on
s’aperçoit que la notion d’intelligence s’inscrit dans une dimension
humaine, notamment caractérisée par l’activité de penser. En cela,
l’idée même de ce que l’on nomme « l’intelligence artificielle » n’a
pas de véritable sens, puisqu’elle associe la notion d’intelligence
à quelque chose qui n’est pas humain. Notre volonté n’est pas ici
d’ouvrir un débat sur la pertinence du terme «  intelligence artifi-
cielle  », terme communément accepté au sein des communautés
scientifiques et plus largement dans le vocabulaire courant, mais
plutôt de ne pas réduire la notion d’intelligence au simple quotient
intellectuel ou encore au potentiel même insoupçonné que pourrait
avoir un super-algorithme.
Nous pouvons à ce propos mettre en avant l’étymologie du terme
« intelligence » qui vient du latin « intelligentia » correspondant à
la « faculté de percevoir et de comprendre ». La faculté de percevoir
correspond à la capacité de prendre connaissance des éléments qui
nous entourent par le biais de nos sens. Nous voyons donc diffici-
lement comment associer de façon cohérente la notion d’intelli-
gence à un algorithme qui ne possède pas de « sens » et qui ne peut
«  percevoir  ». L’intelligence humaine reste inégalable sur ce plan,
qui lui permet par exemple de faire preuve d’empathie.
Par ailleurs, et sachant que le cerveau humain est capable de plas-
ticité neuronale, l’éventail d’aptitudes, et notamment les Soft Skills,
que celui-ci peut développer, laisse entendre que l’intelligence
humaine n’est certainement pas un concept figé. Nous allons voir
dans ce chapitre qu’elle possède justement un potentiel de dévelop-

86
L’intelligence émotionnelle au cœur de l’entreprise

pement qui n’a rien à envier aux performances promises des futurs
algorithmes.
Pour explorer ce potentiel, osons donc ne pas restreindre le
concept d’intelligence à la simple capacité de logique, de raison-
nement et de calcul, et ouvrons-le à une précieuse aptitude dans la
gestion des relations interpersonnelles, aptitude que l’on nomme
l’intelligence émotionnelle. Popularisée par le célèbre psychologue
américain Daniel Goleman, l’intelligence émotionnelle est une
compétence de plus en plus attendue dans le monde profession-
nel, par les recruteurs notamment. Elle peut être définie en quatre
grands axes :
– la capacité à identifier ses propres émotions ;
– la capacité à les gérer et à les moduler ;
– être en mesure de percevoir les émotions des autres ;
– savoir adapter son comportement en fonction des émotions des
autres.
D’après Meyer et Salovey, «  l’intelligence émotionnelle se définit
comme l’habileté à percevoir et à exprimer les émotions, à les intégrer
pour faciliter la pensée, à comprendre et à raisonner avec les émotions,
ainsi qu’à réguler les émotions chez soi et chez les autres. »1

Sommes-nous maître de notre pensée ?


Mais pour comprendre en pratique ce qu’est l’intelligence émotion-
nelle, nous aimerions vous demander, à l’instant où vous lisez ces
lignes, de ne surtout pas penser à votre boîte mail. Surtout n’y pen-
sez pas. Nous sommes bien entendu en train de vous taquiner, car
vous êtes bien obligé, ne serait-ce qu’un court instant, de penser
à votre boîte mail pour comprendre ce que vous êtes en train de
lire. Dans ce cas précis, nous avons pour ainsi dire influencé votre
pensée par une suggestion. Mais vous pourriez, si vous le souhaitez

1 Meyer et Salovey, 1997.

87
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

bien sûr, penser dès à présent à vos futures vacances et aux activités
que vous prévoyez à cette occasion.
Vous êtes libre de penser à ce que vous voulez en ce moment
même, sauf lorsque vous l’oubliez. En effet, lorsque nous oublions
que nous sommes maîtres de notre pensée, comme c’est le cas au
moins la moitié de notre temps, alors nous sommes beaucoup plus
perméables aux influences et sollicitations extérieures.
Certains scientifiques se sont amusés à essayer de déterminer com-
bien de pensées nous entretenons dans une journée. Entre 70 000 et
700 000 pensées selon certains, un peu moins selon d’autres sources.
Ce n’est pas ici le nombre de pensées qui nous intéresse mais le fait
que nous en entretenons beaucoup au cours d’une journée. Bien
qu’un certain nombre de celles-ci se répètent chaque jour, beau-
coup d’entre elles peuvent être influencées et teintées par l’exté-
rieur. C’est peut-être de ce fait que nous répétons chaque jour des
« schémas de pensée ».

Quels liens entre pensées et intelligence


émotionnelle ?
Pour comprendre le lien entre ces nombreuses pensées et la notion
d’intelligence émotionnelle, nous exposerons un principe fonda-
mental défendu par Daniel Goleman.
Notons que ce principe s’inscrit dans le courant cognitiviste
des différentes théories que l’on peut trouver sur les émotions.
Le courant cognitiviste défend l’idée selon laquelle la plupart de
nos émotions découlent de nos pensées1. Pour Épictète (55-135
apr. J.-C.), considéré comme le grand représentant du courant
cognitiviste, il est possible d’agir sur nos émotions en pensant
différemment.

1 F. Delord, C. André, La Force des émotions, Odile Jacob, 2001.

88
L’intelligence émotionnelle au cœur de l’entreprise

L’idée de Daniel Goleman, qui rejoint celle d’Epictète, est la sui-


vante : « Le flux affectif dans lequel nous baignons est exactement
similaire au flux des pensées qui nous traversent l’esprit. »
Autrement dit, vos pensées teintent vos émotions du moment.
Et il est probable que si en ce moment, votre boîte mail est très char-
gée et que vous ne parvenez pas à traiter tous les e-mails que vous
recevez, le simple fait d’y penser ne vous procurera pas la meilleure
émotion qui soit.
Une pensée pouvant en entraîner une autre, penser à votre boîte
mail vous rappellera peut-être que vous avez oublié de répondre à
certains e-mails, et qu’il vous faudra le faire au plus vite. Cela pour-
rait engendrer aussi d’autres pensées peu agréables comme le fait
que, ces temps-ci, vous ne parvenez pas à prendre le temps néces-
saire pour vider votre boîte mail afin d’y voir plus clair. Ce sont sou-
vent ces réactions en chaîne de pensées qui peuvent être à l’origine
d’émotions qui s’amplifient de plus en plus. Fort heureusement, les
réactions en chaîne de pensées peuvent aussi bien créer des émotions
négatives que des émotions positives. Si dès à présent vous pensez
à vos futures vacances, peut-être vous viendra-t-il à l’esprit des sou-
venirs agréables de vos dernières vacances, ainsi que la perspective
heureuse des nouveaux horizons que vous aurez la joie de découvrir
à votre prochaine destination. Votre pensée du moment oriente et
anime votre émotion du moment. Le mot émotion vient d’ailleurs
du latin « emovere » qui signifie « mettre en mouvement ». Par nos
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pensées, nous mettons en mouvement nos émotions, que nous en


soyons conscients ou pas.

Décrypter ses émotions


Une des clés de l’intelligence émotionnelle, et en l’occurrence de la
gestion de nos émotions, consiste donc, à redevenir maître de nos
pensées. Nous entendons par maîtrise de nos pensées le fait d’être
en mesure de porter un regard conscient sur celles-ci au point de
pouvoir les faire évoluer. Si je vous dis par exemple de ne pas pen-

89
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

ser à la couleur rouge qui pourrait symboliser les urgences en cours,


vous allez y penser ne serait-ce qu’un instant. Vous pourriez iden-
tifier que la pensée « rouge » que vous venez d’entretenir ne vient
pas de vous, mais a été influencée par ce que vous êtes en train de
lire. Vous pouvez, si vous prenez conscience de cela, rester maître
de votre pensée en choisissant par exemple de penser au bleu, qui
pourrait vous faire penser à la mer et donc à vos futures vacances.
La sensation du moment sera alors peut-être plus agréable que celle
découlant de pensées focalisées sur vos urgences. Sauf peut-être si
votre urgence consiste à réserver votre transport pour aller au bord
de la mer. Qu’elles soient propres à nous ou influencées par l’exté-
rieur, lorsque nous ne sommes pas conscients des pensées que nous
cultivons, le bal de celles-ci peut entraîner des émotions que l’on
aura l’impression de subir. Gérer ses pensées et donc les émotions
qu’elles peuvent engendrer nous permet de développer une nou-
velle forme d’intelligence. Cette façon consiste notamment à penser
à quoi nous sommes justement en train de penser. Si nos pensées
procurent des émotions désagréables, il nous faut être capable de les
calmer ou de les orienter vers d’autres perspectives plus agréables. Au
premier abord, et pour beaucoup d’entre nous, cela peut paraître très
fastidieux, voire impossible, surtout lorsque nous baignons dans un
environnement qui nous expose à des pensées quelque peu oppres-
santes. La pression des objectifs, des urgences, des e-mails non trai-
tés, des divers comptes à rendre à votre supérieur, ou encore plus
simplement du rythme professionnel qui est le vôtre, peut générer
de nombreuses pensées créatrices d’émotions peu agréables.
La surexposition à l’information peut clairement avoir tendance
à encombrer notre mental, et cet « encombrement » peut se traduire
immédiatement dans notre corps sous la forme d’émotions. Si, par
exemple, je pense au fait qu’un de mes collègues n’a toujours pas
donné de réponse à ma troisième relance d’e-mail pour la partici-
pation à une réunion importante, je pourrais laisser cette pensée
s’installer dans mon esprit au point que cette dernière m’agace véri-
tablement et me mette en colère.

90
L’intelligence émotionnelle au cœur de l’entreprise

Il est d’ailleurs intéressant de se poser la question de savoir si, dans


ce type de situation, c’est le comportement de mon collègue qui me
met en colère, ou bien la pensée que j’entretiens le concernant. En
prenant un minimum de recul, nous devons bien admettre que ce
n’est pas du tout la même chose. C’est un sujet que connaissent
bien les sportifs de haut niveau. Lorsqu’un joueur de tennis se met
en colère parce que l’arbitre annonce une balle faute alors que le
joueur la pensait bonne, est-ce qu’au fond de lui le grand sportif
se met en colère contre l’arbitre, ou bien se met-il en colère contre
la pensée qu’il est en train d’entretenir à propos de l’arbitre  ? Les
spécialistes de la préparation mentale n’hésiteront pas une seule
seconde pour répondre à cette question. Le plus grand responsable
de la colère d’un joueur, c’est lui-même. Beaucoup d’entraîneurs
délivrent d’ailleurs un message bien connu à leurs joueurs, « ce n’est
pas l’adversaire qui se trouve en face que tu dois battre, c’est l’adver-
saire qu’il y a en toi ». Notre pensée peut se transformer en adver-
saire pour nous-même, et l’intelligence émotionnelle consiste entre
autre à apprendre à connaître ce petit commentateur intérieur, afin
de mieux l’appréhender, et d’être en mesure de le faire taire.
Dans notre quotidien, si toutefois nous ne parvenons pas à
maintenir une certaine forme d’imperméabilité quant à la vague
d’informations à laquelle nous sommes exposés, nous pouvons
nous ouvrir à un flux émotionnel difficilement gérable. L’enjeu
consiste ici à bien choisir la pensée qui est la nôtre en ce moment
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même, plutôt que celle que nous pourrions être tentés d’entrete-
nir. Cela ne veut bien sûr pas dire qu’il faut se couper du monde,
mais juste veiller à l’influence que celui-ci peut avoir sur le « bal
de nos pensées ».

Gérer ses émotions


Apprendre à dompter ses pensées est un véritable enjeu pour qui-
conque souhaite développer son intelligence émotionnelle. Pour
atteindre cet objectif, nous faisons référence ici à la pratique des

91
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

sportifs de haut niveau, et plus précisément à ce que l’on nomme la


préparation mentale1.
Les grands sportifs sont en effet des champions de la gestion
des émotions. Nous parlerons ici plus particulièrement de la peur.
C’est une émotion souvent au cœur de la vie d’un sportif, qui doit
apprendre à gérer et à calmer toute une déclinaison de peurs, telle
que celle de se blesser, d’échouer, ou à l’opposé, la fameuse peur de
gagner. Le parallèle avec le monde de l’entreprise peut être rapide-
ment établi avec la peur de ne pas être à la hauteur d’un événement
important (comme la compétition d’un sportif), ou encore la peur
de ne pas atteindre ses objectifs annuels (en parallèle à la peur, pour
le sportif, de ne pas atteindre ses objectifs de performance), ou bien
encore la peur de décevoir son supérieur hiérarchique (en parallèle
avec le sportif qui peut avoir peur de décevoir son entraîneur).
C’est en ce sens que nous ferons référence aux pratiques des
grands sportifs, qui peuvent clairement inspirer une marche à suivre
pour gérer cette émotion de la peur qui peut être paralysante en
entreprise. Pour atteindre le sommet de leur discipline, les sportifs
de très haut niveau ont pu, à travers de longues années d’expérience
et d’entraînement, expérimenter le fait que la peur n’était pas un
état souhaitable dans l’exercice de leur activité. Cela ne signifie pas
qu’elle ne peut pas être utile avant ou après une compétition, mais
que pendant celle-ci, gommer ses propres peurs représente un véri-
table enjeu. Et ils l’ont aussi constaté pour d’autres émotions qui
peuvent égratigner leur performance, telle que la colère ou encore
la frustration. Ils travaillent donc constamment à limiter ce type
d’émotions qui, par ailleurs, sont très énergivores notamment par le
fait qu’elles ont des répercussions physiologiques immédiates. Dans
le cas de la peur, celle-ci accélère notamment le rythme cardiaque.
Elle n’améliore pas la concentration ni la précision des gestes effec-

1 La vision de la préparation mentale présentée ici est celle pratiquée par Julien Bouret dans
le cadre de ses coaching. Elle est soutenue par l’entraînement aux pratiques méditatives qui
permettent notamment de mieux appréhender le lien intime qui existe entre « pensée » et
« émotion ».

92
L’intelligence émotionnelle au cœur de l’entreprise

tués. À l’inverse de la peur, une sensation de confiance va améliorer


la fluidité des gestes effectués et va garantir une meilleure mobilisa-
tion de sa créativité.
Pour gérer leurs émotions, et notamment la peur qui peut prendre
certaines formes d’anxiété sur le long terme, les sportifs s’intéressent
tout particulièrement, dans le cadre de leur préparation mentale, à
ce que l’on appelle dans le jargon des préparateurs mentaux les pen-
sées parasites et les pensées parades.

■ Les pensées parasites


Une pensée parasite correspond à une pensée qui n’est pas utile à
notre dynamique du moment et qui, a fortiori, n’est pas agréable
à entretenir. Ce sont les pensées du type « Je ne vais pas y arriver » ;
« je ne serai pas à la hauteur » ; « je ne sais pas par où commencer » ;
« je crains de ne pas savoir être convaincant » ; ou encore plus sim-
plement «  j’ai peur  ». Selon le degré d’intensité avec lequel nous
cultivons ce type de pensées dans notre esprit, les pensées parasites
vont être une plus ou moins grande source de peur.

■ Les pensées parades


À l’inverse, une pensée parade est une pensée qui va servir à court-
circuiter la pensée parasite. Cela peut être une pensée du type « Quoi
qu’il arrive, je ferai de mon mieux » ; « j’ai déjà réussi à faire face
à ce genre de rendez-vous  »  ; «  je vais organiser la réalisation de
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mes tâches par ordre de priorité » ; « je ne pense pas au regard que
portent les autres sur moi » ; ou encore « je suis serein et détendu ».
À la manière des sportifs, l’enjeu consiste pour vous à entraîner
le plus souvent possible la création de pensées parades. Ceci a un
double objectif : celui de remplacer les pensées parasites, et idéale-
ment, celui de ne plus avoir de pensées parasites, du moins le mini-
mum possible.
Nous ne vous cachons pas que cet entraînement ne se fera
pas du jour au lendemain. Mais vous pouvez le débuter mainte-

93
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

nant, en prenant quelques minutes par jour pour noter un maxi-


mum de pensées parasites qui vous traversent l’esprit. Faites un
tableau : dans une colonne, notez vos pensées parasites ; dans la
colonne d’à-côté, notez vos pensées parades. Tentez de trouver
systématiquement, pour chaque pensée parasite, une pensée
parade qui pourra servir de contrebalance. Cet exercice que vous
pouvez dans un premier temps effectuer sur papier pourra ensuite
être directement effectué mentalement. Chaque pensée parasite
devra devenir une opportunité d’enclencher une pensée parade.
À force d’adopter cette attitude, vous constaterez petit à petit
une diminution du nombre de pensées parasites, ainsi qu’une
diminution du temps pendant lequel vous les cultiverez. Au final,
vous constaterez avec joie que vous vivez de moins en moins
d’émotions désagréables.
Alors, quelle pensée allez-vous créer à présent ?

Percevoir les émotions des autres


Mis au jour par l’équipe du médecin biologiste Giacomo Rizzolatti,
ce que l’on nomme les neurones miroirs n’ont pas fini de boule-
verser le monde professionnel d’aujourd’hui et de demain. Au-delà
d’expliquer les comportements mimétiques de l’être humain, tel
que le fait d’être fortement invité à bâiller lorsque nous observons
quelqu’un le faire, les découvertes sur les neurones miroirs per-
mettent aussi d’expliquer ce que l’on désigne par la contagion émo-
tionnelle.
Hugo Théoret, professeur de neurophysiologie à l’Université de
Montréal, a beaucoup étudié les neurones miroirs. Avec son équipe,
il a notamment démontré que «  les régions limbiques, qui corres-
pondent aux zones du cerveau où se situe l’activité émotionnelle, sont
activées très fortement à la seule observation passive d’une émotion chez
quelqu’un d’autre. »1

1 https://www.youtube.com/watch?v=iZ1P7NjY4hA&t=333s

94
L’intelligence émotionnelle au cœur de l’entreprise

Lorsque nous sommes au contact d’autres personnes, nos émo-


tions peuvent avoir un caractère contagieux. À l’aide de ces
découvertes neuroscientifiques, on peut qualifier notre cerveau de
«  neurosocial  ». Daniel Goleman explique cette notion par le fait
que nous captons les émotions d’autrui, un peu comme si nous
étions branchés en wifi. Ces neurones miroirs ont pour effet de
nous placer dans les meilleures dispositions pour vivre l’émotion
que nous sommes en train d’observer. Cela ne signifie pas que nous
allons forcément vivre cette émotion, mais que selon notre capacité
à prendre plus ou moins de recul par rapport à ce que nous obser-
vons, notamment en cultivant des pensées parades, nous allons y
être plus ou moins sensibles. En référence au paragraphe précédent,
soyez notamment vigilant au type de pensées que vous cultivez
lorsque vous êtes au contact de personnes qui vivent des émotions
que vous ne souhaitez pas vivre.

Adapter son comportement


L’intelligence émotionnelle consiste notamment à être conscient de
l’émotion que nous allons cultiver (mettre en mouvement) ou pas.
En observant quelqu’un qui se met en colère contre moi, si je par-
viens à prendre le recul nécessaire, en pensant par exemple que la
personne qui se met en colère traverse une période difficile et qu’il
ne sert à rien d’envenimer cette colère, je peux éviter de me mettre
également en colère.
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Pour vous aider à cultiver cette vigilance, nous vous invitons à


développer une plus grande observation (autre Soft Skill au combien
importante), afin de détecter les signaux non verbaux et para-verbaux
qui laissent présager qu’autrui est sur le point de déclencher telle
ou telle émotion. Les signaux para-verbaux correspondent à tous
les signaux liés à la voix, tels que l’intonation, le rythme de parole,
ou encore les hésitations. Les signaux non verbaux font référence
à l’ensemble des signaux corporels et comportementaux que l’on
peut observer chez une personne, tels que les gestes utilisés lors d’une

95
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

communication, la façon de respirer, la manière d’occuper l’espace,


ou encore les caractéristiques du regard. Dans le cas de la colère, cela
peut se traduire, chez la personne que vous observez, par une respi-
ration plus rapide qu’à la normale, ou encore un rougissement au
niveau du visage, et surtout un changement dans l’intonation de la
voix. À vous, à ce moment-là, si vous souhaitez « calmer le jeu », de
vous maintenir dans un état d’esprit de calme et d’optimisme quant
à l’issue de la situation. Rappelez-vous, grâce aux neurones miroirs
de votre interlocuteur, celui-ci pourra, par votre attitude, s’ouvrir à
une perspective émotionnelle différente. Vos signaux para-verbaux et
non verbaux ont un impact très important dans la manière dont votre
ou vos interlocuteurs vont recevoir vos messages. Par ailleurs, c’est le
flux émotionnel qui nous traverse qui fait varier en grande partie ces
signaux. L’inquiétude, par exemple, ne vous fera pas adopter le même
regard que la sensation de sérénité. Aussi, en développant votre intel-
ligence émotionnelle, et la maîtrise de vos pensées notamment, vous
ferez varier l’impact de votre langage non verbal et para-verbal, et vous
affinerez en conséquence la qualité de votre communication.

L’essentiel

 Ce chapitre vous a permis de décrypter les principaux


mécanismes de l’intelligence émotionnelle. Par une
meilleure compréhension de l’impact de nos pensées sur
notre dynamique émotionnelle, ainsi que par une plus
grande maîtrise de celle-ci, il nous est possible de devenir
acteur de notre flux émotionnel.
 Cette responsabilité que chacun(e) est à même
d’endosser peut être déterminante dans nos relations
interpersonnelles. En effet, le mécanisme des neurones
miroirs implique une contagion potentielle de nos
émotions, mais aussi une possibilité d’en impulser de
nouvelles afin de gommer celles qui pourraient être
désagréables, pour nous et pour autrui.

96
Chapitre 8

L’enjeu de maintenir
l’humain au cœur
de l’entreprise

Executive summary

 Voici une partie volontairement provocatrice. Faut-il


encore des humains dans l’entreprise de demain ? Nous
sommes conscients que cette question n’est pas très
sérieuse. Et bien évidemment, il y aura demain encore
des hommes et des femmes dans les entreprises.
 Mais à bien y regarder, l’exercice permet cependant de
projeter des questionnements intéressants : si on mélange
taylorisme et IA, nous pouvons visualiser des entreprises
gagnant en productivité sur bien des plans. Cela ne sera
pas sans conséquence.

97
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

Les essentiels de la réussite


de votre entreprise
« Quand tu veux construire un bateau, ne commence pas par rassembler
du bois, couper des planches et distribuer du travail, mais réveille au sein des
hommes le désir de la mer. »
Antoine de Saint-Exupéry

Quel est le point commun entre IDEO, MUJI, Apple et Virgin Airlines ?
Leur capacité d’innovation. Même si, d’après Tom Kelley et Jonathan
Littman1, ces entreprises n’innovent pas de la même manière, ce sont
les capacités de créativité, d’adaptabilité et d’implémentation de leurs
collaborateurs qui ont permis à ces dernières de rebondir après une
crise ou au contraire de profiter d’une crise globale pour sortir leur
épingle du jeu. Or, qu’est ce qui permet l’innovation ?
Comme nous l’avons vu dans Le Réflexe Soft Skills2, à travers l’in-
terview du professeur Claude Ananou, l’esprit d’entreprendre naît
de trois Soft Skills :
1. La curiosité :
– pour augmenter le champ des possibles ;
– pour avoir un potentiel de nouvelles idées plus grand ;
– pour adopter différents angles de vue sur une situation.
2. La créativité :
– pour créer de nouvelles connexions encore invisibles ;
– pour trouver des solutions encore jamais vues ;
– pour générer de nouvelles possibilités.
3. L’innovation :
– pour la mise en pratique de l’idée issue de la créativité ;
– pour adapter une solution à un besoin réel ;
– pour apporter de la valeur ajoutée à une situation.

1 The 10 faces of innovation, Currency, 2005.


2 Bouret, Hoarau, Mauléon, Dunod, 2014.

98
L’enjeu de maintenir l’humain au cœur de l’entreprise

Ces compétences comportementales et fondamentales pour la


résilience et la réussite d’une entreprise reposent sur l’humain.
Pour aller un peu plus loin, en se concentrant sur l’ouvrage de
Tom Kelley et Jonathan Littman, nous nous rendons compte que les
collaborateurs d’une entreprise peuvent apporter une innovation en
incarnant un « rôle » qui a une orientation particulière :
– anthropologue pour les comportements humains ;
– expérimentateur pour le « test & learn » ;
– pollinisateur pour l’explosion d’idées ;
– « surmonteur » pour dépasser les difficultés ;
– collaborateur pour l’optimisme et l’esprit collectif ;
– directeur pour inspirer et manager ;
– architecte pour dessiner l’expérience qui sera vécue (comme un
designer) ;
– scénographe pour créer l’environnement propice à l’innovation
et à la performance saine ;
– soignant, ou comme on pourrait également l’appeler, Chief
Happiness Officer ;
– conteur, qui transforme une expérience en histoire, tel un « story-
teller ».
Comme un enfant qui ferait «  comme si  », tout le monde a le
potentiel d’incarner chacun de ces rôles afin d’apporter un angle de
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vue différent et plus de créativité dans l’entreprise.


Cette approche par le prisme de l’innovation nous montre bien
que l’humain reste toujours indispensable dans une entreprise
aujourd’hui, et ce malgré toutes les avancées technologiques que
nous vivons. Cependant, alors que les avancées technologiques
permettent de déléguer de plus en plus de tâches aux machines ou
aux algorithmes, quelle sera la place de l’humain demain dans les
entreprises ?

99
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

L’innovation est un réel facteur


de réussite pour l’entreprise !
« Mieux vaut penser le changement que changer le pansement. »
Francis Blanche

Quelle est la part d’humain liée à la réussite


d’une entreprise ?
Les avancées technologiques ont un impact indéniable sur la perfor-
mance des entreprises aujourd’hui. C’est par exemple grâce à Face-
book que de nombreuses start-up ont pu décoller en profitant d’un
coût par lead extraordinairement bas comme le dit l’expert mondial
des réseaux sociaux Gary Vaynerchuk.
Pierre Giorgini, dans son ouvrage La Transition fulgurante1, par-
tage avec nous six «  actants  » contribuant à l’accroissement de la
productivité dans les organisations :
– la puissance de calcul (les ordinateurs) ;
– les objets connectés (smartphones, smart watchs, smart glasses, etc.) ;
– l’intelligence artificielle ;
– la réalité virtuelle ;
– l’impression 3D ;
– les nanosciences (nanotechnologies, biochimies, etc.).
Ces six actants augmentent la vitesse de changement que vivent
les organisations et les individus en leur sein. Le constat : chaque
actant gagne en pouvoir (capacité à déléguer une tâche) et en puis-
sance (la capacité à réaliser celle-ci), l’humain leur déléguant de plus
en plus d’actions, voire même de responsabilités.
Que reste-t-il donc aux humains à faire dans l’entreprise du
futur ?

1 Bayard, 2014.

100
L’enjeu de maintenir l’humain au cœur de l’entreprise

Si l’innovation reste le moteur de résilience et de succès des


entreprises, que les humains en sont à la source et qu’ils ont besoin
des Soft Skills pour apprendre, être créatifs, générer de nouvelles
idées et pouvoir les implémenter, il semble alors juste de se dire que
l’humain aura tout intérêt à développer des Soft Skills en entreprise
telles que :
– L’humilité, afin de garder un esprit ouvert à l’apprentissage et aux
enseignements. C’est cet état d’esprit d’apprenant qui permet de
comprendre les autres et ses échecs. Voici un petit réflexe à adop-
ter pour cultiver cet état d’esprit  : se poser la question le plus
régulièrement possible « Qu’est ce que je peux apprendre grâce à
cette personne ou cette situation ? ».
– La capacité de rebond, ou l’adaptabilité. L’innovation émerge
souvent de la difficulté, que ce soit un échec (comme la création
du post-it qui est né d’une colle qui ne fonctionnait pas), ou d’un
environnement contraignant (comme la NASA qui a du innover à
cause de la contrainte temps pour la mission Apollo 13). Dans les
deux cas de figure, l’adaptabilité joue un rôle clé.
Pierre Giorgini note également que la clef de la résilience des
humains dans les entreprises face à ces six actants est la qualité
des  relations humaines au sein des organisations. C’est-à-dire que
les collaborateurs d’une entreprise auront plus de chances d’ap-
prendre de leurs erreurs, de rebondir après un échec ou se sentiront
globalement mieux dans leur travail s’il existe une bonne atmos-
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phère entre collègues. Il sera plus difficile pour une entreprise de


réussir si les relations entre ses collaborateurs sont dégradées (c’est
ce qui peut également expliquer la montée en puissance des CHO,
les Chief Happiness Officer).
Cette dimension de l’humain et de son bien-être en entreprise ne
sont pas un effet de mode du XXIe siècle, mais bien deux ingrédients
indispensables pour la réussite d’une entreprise.
Afin d’avoir un retour du terrain sur ce sujet, nous sommes partis
à la rencontre de Yannick Alain, entrepreneur.

101
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

Avis d’expert
YANNICK ALAIN,
fondateur de la NeuroBusiness School

QUELS SONT LES INGRÉDIENTS que de licencier cette personne, il


D’UNE ENTREPRISE QUI RÉUSSIT décida de le garder à son poste, à la
AUJOURD’HUI EN 2018 ? grande surprise de son entourage.
« D’après mon expérience “Mais pourquoi tu ne l’as pas licencié
personnelle, je perçois six sur le champ pour cette énorme
ingrédients contribuant à la réussite erreur ?”
d’une entreprise : Voici sa réponse : “il vient de se
– l’humain ; former, je lui ai payé sa formation
– le casting ; 600 000 dollars”. La valeur de
– le bien-être ; l’humain est inestimable et c’est
– la vision ; cette valeur qui permet d’aller loin
– la structure ; dans les aventures entrepreneuriales.
– les partenaires. Le casting
L’humain L’humain est important, et ce qui
Pour moi, il est important que est encore plus important, c’est de
chaque collaborateur sente qu’il savoir mettre les bonnes personnes
progresse et évolue grâce à son à la bonne place. En effet, il arrive
travail dans l’entreprise. Quand régulièrement que certaines
je développe une entreprise, j’ai personnes soient à la mauvaise place,
toujours une intention claire : que c’est-à-dire qu’elles n’aiment pas
les employés évoluent aussi en leurs tâches ou qu’elles ne se sentent
plus du salaire. L’entreprise doit pas dans leur zone d’excellence.
également aider les personnes à La bonne personne à la bonne place
se dépasser pour progresser, et ce permet d’allier performance et
bien-être car elle peut déployer son
notamment grâce à l’inspiration
plein potentiel et avoir des résultats
qu’on peut leur apporter.
tout en répondant à ses envies et ses
Cela me fait penser à une histoire
motivations.
qui m’inspire beaucoup : celle d’un
célèbre milliardaire américain qui Le bien-être
a vu un de ses employés lui faire L’épanouissement des employés
perdre 600 000 dollars. Et plutôt est une priorité avec une question

...
102
L’enjeu de maintenir l’humain au cœur de l’entreprise

... en filigrane : comment l’entreprise Ariane 4, la fusée a explosé. Ce qui


peut-elle rendre plus heureux ses a provoqué l’explosion était une
employés ? Comme le dit Idriss poussière dans le réacteur. Comme
Aberkane “tous les employés quoi, chacun a sa part du colibri
heureux sont productifs, mais pas dans un projet, chaque personne
tous les employés productifs sont peut contribuer à un projet à son
heureux”. On ne peut pas espérer niveau et être fédérée par cette
qu’une personne soit performante vision. Si cette vision est partagée,
si elle est malheureuse. alors l’entreprise aura des
C’est vraiment l’indicateur bonheur employés engagés à tous niveaux
qui marche. C’est important de pour une performance optimale.
s’attacher à l’humain. Les Américains sont assez avancés
La vision là-dessus, même s’ils ont plein de
J’aurais peut-être pu démarrer par défauts.
cet ingrédient, car tout part de Dans tous mes projets, je veux que
là, de la vision. Il est important mon staff soit fier de travailler pour
d’avoir une vraie vision, c’est-à-dire moi, qu’il y ait de la magie dans
fédératrice. Chaque employé doit mes projets. Les collaborateurs qui
se sentir fier de contribuer, peu travaillent bien, le font car ils ont
importe la place qu’il occupe. Ce envie de le faire. La question est
point me fait penser à une autre alors “comment leur donner envie,
histoire qui m’inspire : celle de la comment les inspirer ?”
NASA à l’époque de la conquête La structure
de la Lune. Un journaliste était La structure aide les personnes
en reportage pour réaliser des
à travailler plus efficacement.
interviews d’ingénieurs et de
Quand elles savent ce qui doit
personnes haut placées pour cette
être fait et comment le faire, alors
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mission. Dans la salle d’attente,


tout est plus fluide. Les personnes
il rencontre un balayeur très zélé
ont besoin de cadre, car le talent
et particulièrement enthousiaste.
suffit jusqu’à un certain niveau,
Le journaliste lui demande :
mais après il faut une structure,
“comment se fait-il que vous
des procédures, afin que tout le
soyez si heureux de balayer le
monde puisse travailler ensemble
sol ?”. La personne répondit “moi
sereinement.
aussi j’aide à aller sur la Lune, je
suis balayeur et j’aide à aller sur Les partenaires
la Lune”. Quelques années plus Enfin, la dimension humaine d’une
tard, quand la France a lancé entreprise ne s’arrête pas au niveau

103
...
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

... des collaborateurs, elle rayonne – la gentillesse.


au-delà, notamment avec les
Premièrement, la gestion de l’ego.
autres parties prenantes comme
Cette qualité consiste à développer
les partenaires ou les prestataires,
sa capacité à gérer son ego : il va
les personnes qui ne sont pas
aider à vouloir faire plus, à générer
internalisées à l’entreprise. Il faut
plus d’impact (fierté, ambition,
également très bien les traiter (par
recherche d’impact…). Mais il a
exemple payer 100 % avant la
une limite : comment ne pas se
commande), car plus il y aura du
faire aveugler par lui ?
bien-être chez eux, moins ils vont
L’ego peut facilement prendre
vous quitter.
le dessus et vous dominer,
Souvent, on se bat pour maintenir
transformer la fierté en orgueil et
les personnes dans notre cercle,
l’ambition en hubris. Il doit être
plutôt que de les inspirer à rester.
là pour nous aider à accomplir
Si notre intention est de faire
quelque chose de plus grand que
grandir chaque personne, on
nous. L’ego doit avoir un espace
leur donne envie de rester, ce qui
pour exister, et avoir une notion
fidélise.
de contribution. Nous devons
Cela peut m’arriver de changer
le placer « où il faut », et rester
de prestataire, non pour un défaut
vigilant sur son influence sur notre
de prestation mais uniquement sur
comportement. Par exemple,
un défaut de valeurs. Par exemple,
ne pas tomber dans le piège du
je me suis séparé d’un de mes
« j’ai tout fait tout seul » mais au
prestataires car il n’avait pas une
contraire savoir partager la réussite
valeur importante pour moi :
avec les autres. Comme le dit le
la responsabilité. »
proverbe africain « seul on va plus
QUELLES SONT LES QUALITÉS vite, ensemble on va plus loin ».
INDISPENSABLES POUR UN Notre ego ne doit pas effacer les
ENTREPRENEUR QUI DÉVELOPPE autres de leur contribution, mais
CE TYPE D’ENTREPRISE ?
doit au contraire nous donner
« Quelles qualités développer pour l’audace et la persistance nécessaire
intégrer ces ingrédients dans son pour réussir, au bénéfice de tous.
entreprise ? Je le répète, l’ego a un rôle, il ne
Pour moi, il y en a quatre : doit pas être « supprimé » mais
– la gestion de l’ego ; canalisé. Si son niveau est très
– la gestion de la confiance en soi ; bas, alors l’ambition est basse et la
– la gestion du syndrome machine ne décolle pas. S’il est trop
de l’imposteur ;

104
...
L’enjeu de maintenir l’humain au cœur de l’entreprise

... haut, l’ambition est élevée, mais ça Cela doit provoquer la pensée « j’ai
peut casser si ce n’est pas canalisé. envie d’y être ».
L’idée est donc d’amener tout le Voici comment je gère mon ego :
monde à travailler avec soi. Par – J’en prends conscience et
exemple chez Apple, tout le monde je l’accepte (je fais attention à
est fier d’y travailler. Comme chez la culpabilisation face à l’ego,
Airbus à Toulouse par exemple. Et je compose avec lui sans me faire
cela est accessible à tous, comme dominer).
le démontre la fondatrice d’EasyTri, – Je trouve l’équilibre grâce au
qui a réussi à rendre le tri « cool » ! triangle ego/mission/business.

Ego

Business Mission

• Ego : comment est-ce que je me En effet, si j’en ai trop, je manque


situe par rapport à mon ego entre de lucidité. Si je n’en ai pas assez,
1 et 10 ? je ne passe pas à l’action. Je dois
• Mission : de quelle manière ceci trouver un équilibre pour rester
aide-t-il à contribuer au monde entre pragmatique avec le bon dosage
1 et 10 ? d’audace et le bon dosage de
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• Business : comment puis-je vigilance. Ce dosage change bien


arriver à me rémunérer grâce à ça entendu selon les situations, car la
entre 1 et 10 ? confiance en soi n’est pas absolue,
L’objectif est d’être centré (gagnant elle dépend des environnements et
– gagnant – gagnant/pour moi – pour des contextes.
le monde – et pour mes finances). Il faut donc composer avec ces deux
– Je reste pragmatique tout en forces que sont la sortie de zone de
m’autorisant à rêver. confort et la confiance : si vous êtes
La deuxième qualité à développer en dehors de votre zone de confort,
est la gestion de la confiance en soi. alors vous avez moins confiance,

105
...
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

... et si vous avez confiance alors vous – Voici un des conseils que
êtes dans votre zone de confort. je donne régulièrement pour
La troisième qualité importante à apprendre à gérer son syndrome
cultiver selon moi est la gestion du de l’imposteur : allez dans un
syndrome de l’imposteur. maximum d’endroits dans lequel
En effet, il peut être paralysant et vous vous sentez petits, c’est là que
nous empêcher d’agir à cause de vous grandissez.
questionnements destructifs. En – Enfin, la quatrième qualité à
revanche, il nous pousse à bien développer est la gentillesse. C’est
faire, ce qui est une bonne chose elle qui permet la bienveillance,
lorsque l’on décide de passer quand permettant de générer du bien-
même à l’action. être et de l’empathie dans son
Comme le dit Édouard Baer dans entreprise. »
un de ses discours « l’autorisation Les propos de cet entretien ont été
se prend, elle ne se donne pas. » recueillis par Jérôme Hoarau.

L’essentiel

 La technologie permet à l’humain de déléguer de plus


en plus de tâches automatisables et techniques.
 Cela le pousse alors à être plus innovant et donc à
cultiver ses Soft Skills, telles que la curiosité, la créativité,
l’adaptabilité ou l’humilité.
 L’humain reste l’acteur clé de la réussite de l’entreprise
à partir du moment où la direction a l’intention de prendre
soin de lui.

106
Chapitre 9

La valeur ajoutée
de l’humain

Executive summary

 La question de la place de l’humain dans l’entreprise


revient de plus en plus régulièrement avec les phénomènes
d’évolutions technologiques que nous vivons aujourd’hui.
 Il est urgent d’anticiper l’impact de ces changements
afin de pouvoir mieux se positionner en tant qu’humain
dans son organisation.
 D’où cette question : « quelle est votre valeur ajoutée face
à l’intelligence artificielle ? »

107
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

Quelle est votre valeur ajoutée face


à l’intelligence artificielle ?
« L’intelligence c’est la capacité de s’adapter au changement. »
Stephen Hawking

Vos points de force


Les points de force peuvent se résumer par votre zone d’excellence
et le plaisir que vous éprouvez à agir.
La zone d’excellence est celle dans laquelle votre potentiel peut
pleinement s’exprimer, avec une corrélation entre votre niveau de
maîtrise, votre niveau de motivation et votre niveau de concentra-
tion. Voici quelques exemples de zones d’excellence :
– Un commercial qui est en situation de networking, ayant une
bonne maîtrise de la communication orale, se sentant dans un
environnement stimulant et arrivant à ne pas être distrait dans
cette situation.
– Un karateka en compétition, maîtrisant son « kata », motivé par
la victoire et totalement concentré dans sa performance martiale.
– Un étudiant bon en philosophie, maîtrisant ses cours de l’année,
aimant cette matière et pouvant être absorbé par l’écriture de sa
dissertation.
Dans cette zone d’excellence, vos Soft Skills et vos Hard Skills de
prédilection (celles que vous maîtrisez le mieux) y sont présentes,
vous permettant d’avoir un haut niveau de performance.
Néanmoins, il arrive parfois qu’une zone d’excellence n’ap-
porte pas de plaisir dans l’action. Il peut s’agir dans ce cas de per-
sonnes ayant maîtrisé leur sujet et désirant relever un nouveau
défi, ou bien de multi-potentiels ayant besoin d’avoir plusieurs
activités différentes pour rester stimulés. Dans ce cas, la perfor-
mance sera moindre que si la zone d’excellence corrobore avec la
zone de plaisir.

108
La valeur ajoutée de l’humain

D’où l’importance d’intégrer du plaisir dans l’action ! Dans ce


cas, quand la zone d’excellence correspond à la zone de plaisir, alors
nous pouvons parler de points de force. Se reposer sur ces points per-
met de s’assurer un haut niveau de performance et un haut niveau
de bien-être.
Afin d’aller plus en profondeur sur le sujet, nous sommes partis à
la rencontre de Nicolas Pène.

Avis d’expert
NICOLAS PÈNE, consultant en stratégies pour
formateurs.

LA CONNAISSANCE DE SOI plus simple et efficace), plutôt que


« Voici mon constat : d’un point d’essayer d’avoir 10 de moyenne
de vue général, j’ai remarqué que partout (pallier les faiblesses). »
nous avons tendance à observer et CES ATTRIBUTS SONT-ILS INNÉS OU
admirer quelqu’un qui est meilleur ACQUIS ?
que nous dans un domaine, et par
« Les deux.
conséquent nous avons tendance
Pour moi, nous avons tous des
à porter notre attention sur là où
compétences et des talents :
nous sommes moins bons que la
– Les compétences : c’est ce
moyenne.
qui n’est pas inné, ce qui est
Mon approche est d’inverser ce
développé, que ce soit laborieux ou
mécanisme en se focalisant sur là
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

où nous sommes bons pour devenir pas. Par exemple, Michael Jordan
excellents. était moyen en basket au début,
L’idée est de partir de très haut mais il s’est tellement entraîné qu’il
pour aller vers l’excellence plutôt est devenu très bon à la fin.
que d’essayer d’atteindre la – Les talents : ils sont innés,
moyenne. Si je prends un exemple naturels pour nous et difficiles à
académique, c’est de choisir la identifier car souvent inconscients
stratégie de miser sur un 18/20 (cela nous paraît normal alors
sur une matière stratégique (et que ce n’est pas simple pour les
de capitaliser sur l’excellence, le autres).

...
109
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

... La question à se poser est : qu’est- Notez bien également que le trésor
ce que j’ai aujourd’hui et sur quoi caché n’a pas forcément de lien
puis-je capitaliser ? Dans quels direct avec votre métier. Parfois,
domaines suis-je bien meilleur que cela peut être dans un domaine
la moyenne ? C’est ce que j’appelle différent. Par exemple, j’adore
les points de force. » créer des jeux, mais je travaille
dans le domaine de la formation.
QUE SONT LES POINTS DE FORCE ?
La question est donc : comment
« Les points de forces sont les utiliser ce trésor caché dans mon
trésors cachés. métier (c’est un vrai exercice de
Ce sont les compétences et talents créativité) ?
qui suscitent du plaisir et qui sont L’objectif ici est de faire le lien
agréables pour moi. C’est ce qui entre ces deux sphères qui sont très
me permet d’allier excellence et différentes.
bien-être. Cela me fait penser à Léonard de
Il faut se demander, est-ce Vinci, peintre et artiste, mais aussi
que j’exerce ce talent ou cette mathématicien et anatomiste.
compétence avec plaisir, et est-ce Il a mélangé ses points de force
que cela me donne de l’énergie pour créer quelque chose de
plutôt que m’en prendre ? nouveau. Comme l’intégration de
Par exemple : je suis compétent la géométrie dans les tableaux,
pour faire un site Internet, mais ça cela semble évident aujourd’hui
me prend de l’énergie et de la force mais cela n’était pas le cas avant la
de volonté. Je n’ai pas de plaisir à Renaissance.
le faire. Par conséquent, ce n’est Encore une autre illustration plus
pas un trésor caché, ce n’est pas un récente : aujourd’hui, le logiciel
point de force. Word possède une palette de
Un autre exemple : une personne polices immense. Cela existe
qui est très forte en natation mais depuis les années 1980, alors
déteste l’eau, c’est contraignant, ça que les informaticiens n’étaient
demande de l’effort car ce n’est pas pas intéressés par ça. C’est Steve
plaisant. Jobs, dont son point de force
J’évite autant que possible les était la calligraphie, qui a apporté
compromis, c’est-à-dire que je les polices dans le monde de
m’assure d’être dans ma zone l’informatique. Avant on ne voyait
d’excellence tout en éprouvant du pas ce lien, et maintenant c’est
plaisir, les deux ensemble, et non une évidence. Cet exercice est à la
l’un des deux. source des innovations.

...
110
La valeur ajoutée de l’humain

... Les points de force sont propres peut s’appuyer sur le recul des
à la personne, différents d’une collègues et des clients, car plus il y
personne à une autre. Ils apportent a de points de vue différents, plus
une innovation reposant sur un c’est riche.
trésor caché (talent et plaisir). C’est Il est important de sonder
ce qui permet de nous différencier régulièrement ses points de force
de la masse. car ils évoluent.
COMMENT CAPITALISER 2. Ensuite, c’est traiter ces retours.
SUR LES POINTS DE FORCE 3. Puis prioriser : Qu’est ce qui
EN ENTREPRISE ? me plaît ? Qu’est ce qui me
dérange fortement ? Et quel choix
J’ai identifié 5 étapes pour cela :
effectuer ? Je recommande de
1. L’étape la plus dure, c’est de
vous limiter à 1 ou 3 maximum.
les trouver. La meilleure approche
Idéalement, démarrez par un point
pour cela, selon moi, c’est son
de force, celui qui vous plaît le
entourage. Posez aux personnes
plus, puis capitalisez dessus pour
proches de vous, et dans des
passer à un autre ensuite (un à la
domaines différents, ces deux
fois).
questions :
4. L’étape suivante consiste à faire
– Quels sont mes talents et/ou
du lien. Comment est-ce que je
compétences spéciales ?
peux intégrer ou amplifier ce point
– Qu’est ce que je fais mieux que la
de force dans mon quotidien ?
plupart des gens ? (tous domaines
5. Et finalement, place à la pratique,
confondus).
aux tests et aux jeux. Gardez à
Dans une entreprise, il est possible
l’esprit qu’un point de force est
de chercher ses points de force
une pièce de puzzle et que vous
soi-même. Ce peut aussi être le
cherchez l’endroit où cette pièce va
manager qui aide ses collaborateurs
le mieux s’ancrer.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

à voir leurs talents. Le manager

Les propos de cet entretien ont été recueillis par Jérôme Hoarau

111
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

Comme l’explique Nicolas Pène dans cette interview, les points


de force permettent de faire des choix en fonction de nos talents
et Soft Skills de prédilection pour une efficacité et une productivité
maximales.

Comment trouver sa place


dans l’entreprise ?
Chaque personne est unique et les profils Soft Skills permettent de
s’en rendre compte.

Les profils Soft Skills sont composés de trois types de compétences :


– les Soft Skills de prédilection : celles qui sont les plus développées
et qui demandent le moins d’effort pour les activer en situation ;
– les Soft Skills en potentiel  : celles qui demandent plus d’efforts
à utiliser en situation de difficulté, mais qu’il est tout de même
possible de développer avec de la force de volonté ;
– les Soft Skills à développer  : celles qui demandent encore beau-
coup d’efforts et dont la marge de progression est grande.
Il existe donc une corrélation entre les Soft Skills de prédilection
et les points de force.
Une personne possédant des points de force, placée au bon poste
sur la bonne mission, apportera des résultats optimums. A contrario,
une personne à qui l’on aurait affecté une mission ne correspondant
pas à ses points de force ou ne possédant pas un cadre de travail
propice pour les exprimer, ne sera pas performante.
D’où le rôle vital des managers et dirigeants sur ce point, avec le
devoir :
– d’identifier les singularités et les points de force de leurs
collaborateurs ;
– de comprendre les Soft Skills et Hard Skills nécessaires pour réali-
ser une mission ;
– de s’assurer de positionner la personne à la bonne mission.

112
La valeur ajoutée de l’humain

« Personne n’est indispensable mais tout le monde est nécessaire ! »


Michel Leriche

Le manager a un rôle important dans la coordination des points de


force d’une personne avec sa mission. Cependant, la personne concer-
née a tout intérêt à avoir une bonne connaissance de soi afin de pou-
voir guider le manager dans ses décisions. Créer son profil Soft Skills
peut aider dans ce sens. Mais comment faire lorsque l’on possède un
profil atypique ? Voici le témoignage d’une experte en la matière.

Avis d’experte
ALEXANDRA VASSILACOS, fondatrice
d’AlexforJob

COMMENT SE METTRE EN AVANT – Mieux se mettre en avant auprès


LORSQUE L’ON A UN PROFIL de recruteurs.
ATYPIQUE ? Ces personnes aux profils
« La première condition pour se particuliers que j’accompagne sont :
mettre en valeur pour un poste – les zèbres : des personnes hyper-
en entreprise est de développer la émotionnelles, à haut potentiel.
confiance en soi et d’être convaincu Chaque zèbre a une intelligence
que l’on est indispensable. particulière, un profil différent, et un
Et cette démarche demande de mode de pensée en arborescence.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

croire en soi, d’avoir conscience Ce sont souvent ces personnes qui


qu’on a une valeur unique, de font des burn out en entreprise ;
valoriser son savoir et ses talents. – les crapauds fous : les personnes
Pour les personnes “atypiques”, je qui sont malheureuses en entreprise
les aide à : car elles voient toujours d’autres
– Prendre conscience de qui elles chemins que ceux qu’on leur
sont. montre ou impose. Tel Steve Jobs,
– Entendre comment elles parlent ces personnes sont très créatives
d’elles-mêmes. et disruptives. Cependant il est

...
113
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

... aujourd’hui difficile d’observer QUELS POSTES CES PERSONNES


ces profils avec des tests de OCCUPENT-ELLES EN ENTREPRISE ?
personnalité. Ces professionnels « Généralement, elles occupent
ont une intelligence très riche pour des postes à haute responsabilité et
l’entreprise mais peuvent faire peur devant relever de nombreux défis
car ils ne sont pas des procéduriers. comme :
Ces profils ont émergé avec les – les stratèges d’entreprise ;
mutations comportementales qui – les DRH ;
accompagnent les changements – les responsables de couveuses ;
digitaux. Mais la question est : – les responsables de communication
“comment montrer que ces profils et de marketing. »
ont une vraie valeur et sont un
COMMENT SE COMPORTER
vrai plus pour une entreprise ?”
EN ENTRETIEN ?
En effet, ils arrivent à s’adapter très
rapidement et sont souvent des « L’objectif ici est d’en parler et de
créateurs d’entreprises. mettre en avant de vraies qualités
Ces personnes ont des symptômes (pas toujours professionnelles mais
en commun : burn out, fatigue qu’il faut réussir à transformer
professionnelle, etc., qui ont une en professionnelles). Il ne s’agit
même racine : des systèmes non pas ici d’en faire un catalogue, il
adaptés à leurs profils. faut savoir les démontrer, par du
Alors quelle est la solution ? C’est concret, en entretien. Le mieux
d’identifier cela dès le plus jeune étant d’incarner ses Soft Skills pour
âge et proposer des systèmes que le recruteur puisse les identifier
plus adaptés à leur manière de par le comportement plutôt que
fonctionner. » par un récit. »
Les propos de cet entretien ont été
recueillis par Jérôme Hoarau.

Productivité
La productivité consiste à réaliser un maximum de tâches en un
minimum de temps : pouvoir répondre à cent e-mails en un temps
record, contacter vingt personnes en une journée, réaliser vingt-cinq
tâches de votre liste de tâches… Ici il s’agit bien d’une donnée quan-
titative et non qualitative (peu importe la tâche réalisée, l’important
est sa réalisation).

114
La valeur ajoutée de l’humain

Être productif est important pour avancer rapidement, à condition


que les réalisations soient en accord avec vos objectifs du moment.
Dans notre société très centrée sur la vitesse d’exécution et la masse
(d’informations, de ventes, de tâches…), nous sommes de plus en
plus encouragés à être productifs : produire beaucoup et vite. Ce qui
fait que nos journées sont rythmées par des « To-Do List » (des listes
de tâches à accomplir) qui ne se désengorgent jamais. Or, avez-vous
l’impression qu’effectuer toutes ces tâches vous permet de vraiment
évoluer ? Est-ce qu’être productif vous aide à atteindre vos objectifs
(personnels et professionnels) ? Vous avez sûrement déjà passé des
journées entières à traiter vos trois cents e-mails non lus après votre
retour de congé. Vous avez pu être très productif en en traitant des
dizaines en une journée. Mais parmi ces dizaines de tâches, lesquelles
ont-elles eu un réel impact fort sur vos projets ou vos missions ?
Ce questionnement permet de comprendre que la productivité
ne permet pas toujours l’efficacité, c’est-à-dire notre capacité à
atteindre notre objectif.

Efficacité et efficience
« Il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité
quelque chose qui ne doit pas du tout être fait. »
Peter Drucker
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

L’efficacité
Être efficace consiste à atteindre son objectif, quels que soient
les ressources utilisées ou le temps nécessaire pour cela. Il est donc
indispensable pour être efficace de bien identifier son objectif et les
tâches qui y sont rattachées.
Une des bonnes pratiques que nous vous recommandons est de
démarrer votre journée par la tâche la plus importante. C’est en effet
à ce moment que le cerveau a son stock de force de volonté au plus

115
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

haut et permet alors de réaliser des tâches parfois peu motivantes (et
demandant donc de la force de volonté). Alors que si vous attendez
la fin de journée, et que vous êtes fatigué(e), vous aurez moins de
chances de vous assurer que cette tâche importante soit réalisée.

Il se peut que vous soyez freiné(e) par rapport à votre efficacité.


Peut-être avez-vous tendance à remettre au lendemain certaines
tâches (procrastination) et à culpabiliser ?
Plutôt que de culpabiliser, essayez plutôt d’adopter un état d’es-
prit constructif :
– Pourquoi avez-vous décidé de remettre cette tâche à plus tard ?
Est-elle importante ?
– Qu’est-ce qui vous a empêché de réaliser cette tâche ? Par quoi
avez-vous été freiné ?
– Comment faire pour réaliser cette tâche importante et lever ces freins ?
Ces questions vous permettront de mieux identifier les tâches
importantes, efficaces et de faire le tri. Si vous « procrastinez » des
tâches inefficaces, alors pourquoi culpabiliser ?
De même, vous apprendrez à mieux identifier ce qui vous freine,
à mieux comprendre comment surmonter ces freins et donc à mieux
vous connaître.
Alors, allez-vous adopter l’état d’esprit « efficacité » plutôt que
celui « productivité » ?

116
La valeur ajoutée de l’humain

Les objectifs SMARTE


pour des tâches SMARTE

L’identification d’objectifs clairs et précis par la méthode SMART permet


de mieux comprendre les tâches vous menant vers l’efficacité. Cet acro-
nyme issu des années 19801 a été récemment actualisé du « E » pour
« écologie » afin d’intégrer la dimension de bien-être et d’équilibre des
personnes dans cette quête de la productivité et de l’efficacité.
Voici une petite procédure que vous pouvez utiliser pour cela.
1. Définissez un objectif SMARTE comme par exemple contacter par
téléphone dix personnes cette semaine :
– Spécifique : avec l’exemple précédent vous savez quoi faire, l’objectif
est clair et précis.
– Mesurable : avec l’exemple précédent, il est simple de savoir si l’ob-
jectif est atteint ou pas, il n’y a pas d’ambiguïté ni d’interprétation
possibles.
– Ambitieux : dix personnes à contacter est ambitieux si vous avez déjà
un emploi du temps chargé.
– Réaliste : cet objectif est certes ambitieux mais réalisable en contac-
tant deux personnes chaque jour.
– Temporel : l’objectif a une échéance claire.
– Écologique : cet objectif ne mettra pas en danger votre équilibre de
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

vie ni votre santé.


2. Identifiez les tâches au plus fort impact par rapport à cet objectif :
– Celles qui vous prendront le moins de temps et de ressources ; par
exemple, utiliser un logiciel de prise de rendez-vous dans le cadre de
l’objectif « contacter dix personnes cette semaine ».
– Celles qui vous feront avancer plus rapidement ; par exemple, regrou-
per les tâches de la même nature sur le même créneau.

1 Doran, G. T. (1981), « There’s a S.M.A.R.T. Way to Write Management’s Goals and Objec-
tives », Management Review, Vol. 70, Issue 11, pp. 35-36.

117
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

3. Réalisez une tâche à fort impact à la fois :


Agissez en « mode mono-tâche ».
Inspirez-vous de la méthode Pomodoro en alternant des périodes de
concentration avec des pauses (25 min de concentration, puis 5 minutes
de pause par exemple).
Cette démarche vous permettra de vous assurer d’avancer de manière
spécifique et claire sur vos objectifs SMARTE.

L’efficience
L’efficience est l’optimisation des ressources dans un processus. Éco-
nomiser son temps et ses ressources financières pour avancer sur un
projet est une démarche d’efficience. Si vous arrivez à implémenter
un nouvel outil qui vous fera gagner du temps, alors vous devien-
drez plus efficient. Si vous utilisez une solution qui vous fera éco-
nomiser des dépenses superflues, vous êtes dans l’efficience. Quand
vous regroupez vos rendez-vous sur une seule journée à un même
endroit, vous gagnez du temps et êtes plus efficient.
Être efficient n’implique pas d’être productif : vous pouvez être
efficient sur une seule tâche durant la journée si vous avez par
exemple « économisé » 20 % de votre budget ou de votre temps.
L’efficience n’implique pas non plus d’être efficace : vous pouvez
optimiser vos ressources sur des tâches qui ne sont pas liées à votre
objectif.
Mais comme vous l’aurez compris, être efficient vous aidera dans
votre productivité et votre efficacité !
Et cela est valable aussi bien d’un point de vue individuel que
collectif.

L’efficacité au niveau collectif


Une personne productive, efficace et efficiente apportera une
énorme valeur ajoutée à l’entreprise car :

118
La valeur ajoutée de l’humain

– elle permet d’économiser des ressources ;


– elle arrive à atteindre ses objectifs ;
– elle sait se concentrer et s’organiser pour produire de nombreuses
tâches dans un temps restreint.
Mais comme la performance d’une équipe de football va au-delà de
l’addition des performances individuelles, l’entreprise a besoin d’une
cohérence collective pour avoir un haut niveau d’efficacité globale.
Comment réussir à créer les conditions pour que le collectif
avance dans la même direction et avec efficacité ? Comment créer
les bons processus ?
Il est primordial pour cela de créer un cadre et un système interne
structuré.
Afin d’avoir un retour d’expérience terrain sur le sujet, nous
avons rencontré Pierre Monclos de l’entreprise UNOW.

Avis d’expert
PIERRE MONCLOS, associé et directeur RH
chez UNOW.

LA DÉLÉGATION DES TÂCHES ET DES Le problème n’est pas pris dans


RESPONSABILITÉS EN ENTREPRISE le bon sens dans la majorité des
cas : nous avons peur de déléguer
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

« Chez UNOW, nous avons pu faire


beaucoup d’erreurs en matière de en pensant “par défaut” que mon
management en tant que neo- collaborateur peut faire des erreurs.
managers, ce qui nous a également Chez UNOW nous inversons
permis de beaucoup apprendre. cette vision en creusant ce que
Voici un état des lieux chez UNOW veut dire “faire n’importe quoi”.
en matière de responsabilisation Il faut donner un cadre pour que
des collaborateurs. cela n’arrive pas et pour que le
Tout d’abord, nous considérons collaborateur soit suffisamment
que la délégation est liée à autonome pour ne pas agir contre
l’autonomie. l’intérêt de l’entreprise.

...
119
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

... Chez UNOW nous tendons vers Cette démarche rend les
cela avec 3 piliers : collaborateurs beaucoup plus
1. Les valeurs d’entreprise indépendants et autonomes dans
(incontournables pour prendre des leurs prises de décision. Cela ne
décisions). veut pas dire qu’ils ne vont pas se
2. Les priorités de l’entreprise tromper, mais cela se passe bien
(définies et acceptées). mieux quoiqu’il arrive.
3. La mission de l’entreprise. Si nous ne faisons pas ça, alors
Cela permet de donner confiance nous aurions eu peur de déléguer
par défaut contrairement à la et nous tomberions dans le
peur par défaut dans d’autres micro-management, à savoir le
entreprises. contrôle des tâches au niveau
Les valeurs d’entreprises : micro, enlevant l’autonomie du
Elles sont réelles quand elles sont collaborateur, générant donc une
clivantes et qu’elles nous sortent baisse d’efficacité.
du statu quo. Elles doivent nous Chez UNOW nous avons cinq
faire prendre une vraie position. Les valeurs et chacune d’entre elles aide
vraies valeurs ne se dupliquent pas à la prise de décision :
d’une entreprise à une autre. Par 1. “Team first” : l’intérêt individuel
exemple, chez Facebook, ils avaient ne passe jamais devant l’intérêt
“better done than perfect1”. Cette collectif.
valeur est liée à la qualité, d’où 2. “Move fast and break
l’impact sur les prises de décision. things” : le succès n’arrive que
Chez UNOW c’est “No-one said quand nous allons vite, et nous
it would be easy2”, c’est ce qui pouvons accepter de dégrader
permet de tendre vers l’excellence temporairement des choses dans
et au-delà. Faire moins de choses ce cas. Pour illustrer ce propos,
mais que chaque chose faite nous devons accepter de dégrader
tendent vers l’excellence, ce qui la qualité du service client si nous
aura un impact certain sur les prises devons avancer vite, nous donnant
de décision. Cela veut dire qu’il y ainsi le droit à l’erreur.
a plein de choses à ne pas faire et 3. “Take care” : prendre soin de
qu’il est primordial de se concentrer soi et des autres, impliquant ainsi
sur ce qui est essentiel et plus l’autonomie des personnes, ne
important. pas surcharger de travail et ne pas

1 « Mieux vaut être fait que parfait. »


...
2 « Personne n’a dit que ce serait facile. »

120
La valeur ajoutée de l’humain

... accepter une mission si cela génère contribution individuelle dans le


trop de déséquilibre. collectif, donnant du sens et le
4. “Work smart” : la qualité du pouvoir de “challenger” un objectif
travail importe plus que la quantité. avec des données objectives. Nous
Nous ne valorisons jamais de rester nous inspirons du célèbre modèle
tard au bureau. OKR dans ce cas.
5. “No one said it would be La mission de l’entreprise :
easy” : nous avons un haut Notre mission peut se définir en
niveau d’exigence dans ce que deux phrases :
nous faisons, impliquant ainsi – Rendre la formation
des feedbacks réguliers, une soif professionnelle performante et
d’apprendre et une volonté de accessible au plus grand nombre.
tendre vers l’excellence. – Accompagner les individus
Les priorités de l’entreprise : dans le développement de
Nous définissons et mettons leurs compétences sur le plan
en avant deux ou trois priorités professionnel et ainsi contribuer à
annuelles : tout ce que nous faisons leur épanouissement.
doit servir celles-ci. Si un projet ne Le fait de définir et de partager la
sert pas ces priorités, alors nous ne mission permet de prendre des
pouvons pas le faire. décisions, car tout ce qui est à
Cela doit être : l’encontre de cette mission ne peut
– mesurable (par exemple pas être entrepris.
l’augmentation du chiffre Cela s’est concrètement matérialisé
d’affaires, la qualité du travail, la par la décision d’arrêter au moins
“scalabilité”) ; provisoirement les MOOCs, car cela
– déclinable par objectif par ne contribue pas à notre mission.
équipe (comme un chiffre d’affaires La mission est moins activable
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

attendu par équipe), puis déclinable au quotidien (contrairement


par objectif individuel. Cela donne aux priorités et valeurs), mais
un très bon cadre, aide beaucoup elle impacte les macrodécisions,
à déléguer, à autonomiser et à les grosses décisions impactant
prendre des décisions. les petites. Elle permet aussi
Cela responsabilise chaque d’alimenter et d’arbitrer les débats.
collaborateur et lui permet même Sans mission, nous ne saurions pas
de challenger une décision où nous allons. Avec mission, nous
prise. Nous enclenchons ainsi un savons aussi pourquoi nous venons
“double emporwement” avec une travailler chaque matin.

...
121
3 LES SOFT SKILLS AU CŒUR DE L’ENTREPRISE

... Ces trois piliers permettent de ET LES SOFT SKILLS DANS LE CADRE
créer la confiance par défaut, DE LA DÉLÉGATION ?
créant ainsi un cercle vertueux « Si une personne n’a pas
d’“empowerment” contrairement confiance en elle-même, même
au cercle vicieux qui “enlève du avec la confiance par défaut,
pouvoir” chez les collaborateurs. elle n’aura pas suffisamment
Les collaborateurs se sont trompés, d’audace pour prendre
et c’est bien, car ils ont appris. » des décisions et avancer
COMMENT DÉLÉGUER ? en autonomie.
Il est important également que
« Il faut pour cela une volonté de
les personnes développent leur
le faire, mais déléguer sans cadre
créativité avec le message suivant :
mène à l’échec.
“voilà le cadre, maintenant
La confiance par défaut
avance”. Cela est difficile sans
fonctionne, mais elle est plus
créativité, car cela peut mener au
complexe à déployer avec des
micro-management.
profils juniors sans cadre et sans
Comme tout est partagé et
accompagnement : à vouloir
transparent chez nous, si une
donner de la confiance sans cadre,
personne n’a pas un bon relationnel
nous nous sommes rendus compte
ou une bonne capacité de
que cela ne menait nulle part.
communication, elle ne pourra pas
Soit nous recrutons une personne
récolter les informations des autres
expérimentée qui n’a pas besoin
pour avancer en autonomie. »
de cadre précis, soit nous recrutons
une personne moins expérimentée Les propos de cet entretien ont été
mais en lui donnant un réel recueillis par Jérôme Hoarau.
accompagnement. »

122
La valeur ajoutée de l’humain

L’essentiel

 Les points de force et les Soft Skills de chaque individu


apportent une plus grande valeur ajoutée à l’entreprise.
 Lorsque les personnes sont positionnées sur les bonnes
missions et si le cadre de travail instauré est propice à
la motivation, cela améliore la performance.
 Chaque personne est unique et peut apporter
sa contribution de manière originale à l’entreprise,
avec ses Soft Skills.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

123
Partie 4

Développer
ses Soft Skills
au quotidien

« La répétition fait la réputation. »


Marcel Bleustein-Blanchet
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.
L
e cerveau est l’organe principal hébergeant l’intelligence
humaine. Comme tout organe, ce dernier peut être
entretenu voire même développé, et ce quel que soit votre
âge, comme le montrent les recherches sur la neurogénèse et la
réserve cognitive.

À travers la pratique régulière et prolongée d’exercices Soft


Skills, vous pouvez prendre soin de votre cerveau et de vos
différentes intelligences (intelligence émotionnelle, intelligences
multiples…).

Que ce soit votre attention, votre capacité à vous concentrer


ou à être intuitif, vous découvrirez dans cette partie des outils
utilisés quotidiennement par des sportifs de haut niveau et des
entrepreneurs pour entretenir un haut niveau de performance et
de bien-être.

126
Chapitre 10

L’intelligence intuitive
et la No-w Strategy

« Il faut tout d’un coup voir la chose d’un seul regard, et non pas par progrès
de raisonnement, au moins jusqu’à un certain degré. »
Blaise Pascal

Executive summary

 Un ensemble de découvertes neuroscientifiques


permettent aujourd’hui de démontrer que notre cerveau
peut se diviser en deux grands « territoires », que l’on
nomme le « cerveau gauche » et le « cerveau droit ».
 Nous allons décrypter ici une nouvelle forme
d’intelligence et une Soft Skill, l’intuition, peu répandue
dans notre société, mais tout de même utilisée par
un certain nombre de « talents » comme c’est le cas
pour quelques grands sportifs de haut niveau ou encore
des artistes. Aussi, nous allons faire un rapide résumé
de ce que nous savons aujourd’hui sur ces deux territoires
de notre cerveau.

127
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

À quoi correspondent les deux territoires


du cerveau ?
Bien que nous ne tenions pas à associer ces deux notions à de véri-
tables zones physiques qui correspondraient véritablement à l’hé-
misphère droit et à l’hémisphère gauche de notre cerveau, nous
souhaitons attirer votre attention sur les caractères très spécifiques
bien que complémentaires de ces deux territoires.
Ce que l’on nomme le cerveau gauche correspond notamment
aux capacités d’analyse, de calcul et de logique. Le cerveau gauche
est dit «  séquentiel  », en opposition au cerveau droit qualifié de
« simultané ». Le cerveau gauche aime à effectuer les tâches les unes
après les autres, par séquence, tandis que le cerveau droit est doué
d’une capacité à synthétiser les points de vue en les nuançant, en
prenant du recul. Le cerveau gauche comprend le texte, tandis que
le cerveau droit comprend le contexte, compréhension qui lui est
justement utile pour nuancer les points de vue. Le cerveau droit
serait capable d’intelligence émotionnelle. Mais surtout, il pourrait
permettre d’expliquer certains mécanismes liés à une Soft Skill que
l’on nomme l’intuition.

L’intelligence intuitive, la Soft Skill des grands sportifs


Nous tenons à nous arrêter sur cette dimension particulière qu’est
l’intuition, notion encore obscure pour beaucoup. Nous allons explo-
rer ce que certains spécialistes nomment l’intelligence intuitive.
Pour Roland Jouvent, professeur en psychiatrie et directeur du
centre Émotion du CNRS : « L’intuition aurait à voir avec cette capacité
à imaginer des réponses et des solutions hors “logique prédictible”. »1

1 Auteur du Cerveau magicien, Odile Jacob, 2002. Propos cités dans l’article « Développer son
intelligence intuitive », février 2011.
http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Personnalite/Articles-et-Dossiers/Develop-
per-son-intelligence-intuitive

128
L’intelligence intuitive et la No-w Strategy

Pour prendre l’exemple des sportifs de haut niveau, c’est véritable-


ment ce que certains d’entre eux parviennent à faire en situation de
compétition, à savoir trouver une solution sans que celle-ci découle
d’une logique que l’adversaire peut prédire. Les grands joueurs de
tennis par exemple, sont ceux qui, lorsque leur adversaire les met en
difficulté, et donc lorsque celui-ci les contraint à trouver une solu-
tion pour ne pas perdre le point, parviennent à surprendre ce der-
nier par un coup imprévisible (imprédictible) tel qu’un passing-shot
ou encore une amortie, totalement inattendus. Le coup gagnant
effectué par le joueur de tennis de talent vient alors, non pas d’une
décision rationnelle et réfléchie (il n’a d’ailleurs pas le temps pour
réfléchir), mais bien d’une décision intuitive qui ne peut être atten-
due et prédite par son adversaire. Roger Federer, qui a marqué l’his-
toire du tennis en remportant vingt titres du Grand Chelem, est un
exemple d’utilisation de l’intelligence intuitive. C’est d’ailleurs cette
Soft Skill qui lui a permis de créer des coups totalement inédits et
surprenants.

Comment déployer son intelligence intuitive


de façon opérationnelle et pratique ?
Pour exposer le paradoxe de cette question, nous pourrions citer
Einstein, pour qui l’intuition était fondamentale dans la plupart de
ses découvertes. Celui-ci aurait dit de l’intuition que : « Un bond se
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

produit dans la conscience, et la solution vient à vous, et vous ne savez


ni comment, ni pourquoi  ». Le «  comment  » de notre question est
donc peut-être une notion à exclure pour expliquer le déploiement
de l’intuition. En effet, si nous cherchons à décrypter et analyser le
processus par lequel nous mobilisons notre intuition, nous allons
utiliser la partie analytique de notre cerveau, et donc nous couper
de sa partie « intuitive ». Par ailleurs, et comme nous avions pu le
développer dans notre ouvrage Le Reflexe Soft Skills (Dunod, 2014),
les Soft Skills sont déjà disponibles maintenant et à tout instant, à
condition bien entendu de savoir comment bénéficier de cette « dis-

129
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

ponibilité  ». C’est là tout le paradoxe. Comment bénéficier d’une


aptitude déjà disponible et pour laquelle la notion de « comment »
est certainement à exclure de la question ?
Pour reprendre un exemple donné dans une interview par Isa-
belle Fontaine1, journaliste et auteur2  : lorsque l’on interrogeait
Jean-Sébastien Bach sur sa façon de trouver l’inspiration, celui-ci
répondait qu’il ne s’agissait pas de la trouver, mais d’éviter de la
piétiner dès le matin en sautant du lit. Ce «  piétinement  » étant
notamment dû au bavardage de notre mental qui vient parasiter nos
intuitions. Ce bavardage mental est d’ailleurs l’un des sujets majeurs
sur lequel se penchent les spécialistes de la préparation mentale
dans le sport de haut niveau. Lorsqu’un sportif bavarde intérieu-
rement quand il exerce une action, en se demandant par exemple
s’il est en train d’effectuer le bon geste ou s’il va réussir à atteindre
son objectif, ses actions deviennent moins fluides, moins précises.
La plupart du temps, il perd en concentration et échoue.
En revanche, les sportifs de haut niveau qui parviennent à faire
taire leur « cerveau gauche », et plus précisément ce que l’on pour-
rait nommer leur petit « commentateur intérieur », ont de meilleurs
résultats. Certains parviennent même à atteindre un état particulier
que l’on nomme « le flow ». On pourrait comparer l’état de flow à
un état où la mobilisation optimale de nos Soft Skills est immédiate
et naturelle.

Accéder à l’état de flow


Le flow est un état de confiance, de sérénité et d’efficacité que vivent
régulièrement les grands sportifs, ainsi que les artistes et les musi-
ciens. Cet état se nomme aussi « la zone » dans le jargon des sportifs.
Peut-être avez-vous déjà vécu cette impression d’être pleinement
immergé dans ce que vous faites, de ne pas faire d’effort, et de ne

1 https://www.youtube.com/watch?v=Ww3a1TqBry0
2 Développez votre intuition pour prendre de meilleures décisions, Éditions Leduc S, 2013.

130
L’intelligence intuitive et la No-w Strategy

pas avoir non plus la sensation que le temps s’écoule. Dans cet état,
vous êtes dans une confiance totale, vous faites preuve d’une effica-
cité et d’une précision inédite dans les actions que vous effectuez. La
sensation d’être connecté à son intuition est alors à son comble et
vous êtes dans une pleine mobilisation de vos Soft Skills.
Théorisé sous l’appellation «  flow  » par le célèbre psychologue
Mihály Csikszentmihályi, cet état est aussi qualifié d’«  expérience
optimale ». Dans celle-ci, le stress n’a pas lieu d’être et ne peut d’ail-
leurs pas apparaître puisqu’il est justement aux antipodes de l’état
en lui-même. Il est évident que beaucoup de sportifs cherchent à
connaître des moyens pour y accéder facilement et régulièrement.
Il se trouve que les personnes qui pratiquent régulièrement la
méditation et la visualisation, dont nous reparlerons ultérieure-
ment, ont des chances d’accéder à cet état beaucoup plus facilement
que celles qui n’ont pas installé ces pratiques dans leur quotidien.
Les sportifs, qui vivent régulièrement le flow et qui témoignent sur
cette expérience si particulière qui leur permet d’être dans l’excel-
lence de leur discipline, livrent un précieux secret à ce propos. Dean
Potter est l’un d’entre eux. Ancien alpiniste en solo, il expliquait
que cet état cérébral était accessible en s’entraînant à chasser toute
pensée consciente ou hésitation, «  en cessant de penser à ce qu’il
faisait, mais juste en se contentant de le faire ». Dans l’état de flow,
les circuits neuronaux ne sont pas parasités par votre conscience,
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

et plus précisément par d’éventuelles pensées rationnelles qui vous


traverseraient l’esprit.
Aussi, l’un des enjeux est de garder à l’esprit que l’état de flow
existe et que nous n’en sommes pas séparés. Ce qui nous sépare
a priori de cet état est l’agitation de notre mental. Cette agitation se
traduit sous forme de pensées du type parasites : « Je ne vais pas y
arriver » ; « Je ne sais pas par où commencer » ou encore « Vais-je
être à la hauteur ? ». Celles-ci sont à l’opposé des « pensées parades »,
telles que « je ferai de mon mieux » ou encore « j’ai déjà atteint ce

131
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

type d’objectif  ». Les pensées parades permettent notamment de


« court-circuiter » les pensées parasites (voir chapitre 7).
D’après les travaux de Mr Csikszentmihalyi, un des piliers de
l’état de flow est la capacité à fusionner l’action que vous êtes en
train d’effectuer avec la conscience de cette même action. Une
pleine conscience de l’action nécessite de mettre de côté son ego, la
partie de vous même qui va commenter et s’identifier à l’action. En
s’entraînant à supprimer son ego, et le fait de commenter intérieure-
ment ce que nous sommes en train d’accomplir, nous nous offrons
donc de grandes chances d’accéder à cet état. Pour augmenter encore
ses chances d’accéder au flow, la création régulière et consciente de
votre propre bulle peut elle aussi nettement favoriser cet état. Nous
expliquerons plus loin dans l’ouvrage comment accéder à cette bulle
(voir chapitre  14). En effet, les influences extérieures auront, dans
l’idéal, une influence neutre sur votre état mental.

FICHE PRATIQUE
UN PETIT EXERCICE POUR CONTACTER L’ÉTAT
DE FLOW
Voici un petit exercice1 pour vous aider à vous rapprocher petit à petit
de cet état de flow, au point de le vivre véritablement.
– Choisissez une petite tâche que vous aimeriez réaliser aujourd’hui,
comme par exemple faire du tri dans vos e-mails. Dès le début de cette
tâche, soyez pleinement conscient de toute votre attitude lors de ce
moment. Prenez conscience d’un maximum de détails qui composent
votre expérience du moment.
– Observez les moindres gestes que vous effectuez, ainsi que ce que
vous ressentez pendant que vous accomplissez ladite tâche. Imaginez

1 ...
1 Exercice proposé par Julien Bouret.

132
L’intelligence intuitive et la No-w Strategy

... que vous êtes en train de fusionner avec celle-ci, comme si votre
propre personne devenait transparente et que seule la tâche existait à
ce moment même.
– Tentez de maintenir cette pleine conscience de l’action pendant au
moins deux minutes.
Pour améliorer cet exercice, entraînez-vous, une fois que vous êtes
dans l’action que vous souhaitez réaliser, à lâcher prise sur toute
attente de résultat. Vivez le moment présent. Reproduisez cet exercice
régulièrement. Avec de l’entraînement, vous devriez pouvoir goûter à
ce fameux état de flow.

Ayez conscience que l’état de flow existe et que vous n’en êtes
pas éloigné. Entraînez régulièrement votre pleine conscience lors
des actions que vous accomplissez sans réagir mentalement aux
éventuels freins qui pourraient se mettre en travers de votre route.
Ne réagissez pas, agissez.
Cette capacité à accomplir ses tâches du quotidien en parvenant à
lâcher prise sur les diverses formes de pensées rationnelles qui pour-
raient freiner notre dynamique correspond à ce que l’on nomme
l’intelligence intuitive, décrite précédemment. Partant du principe
que les moments de flow sont rares, le potentiel de progression de
notre intelligence intuitive est énorme.
Jamais l’humanité, dans son histoire, n’a été exposée à autant
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

d’informations. À l’ère du digital, de l’information en continue ou


encore des open space, notre capacité à faire taire notre bavardage
mental est un véritable challenge. Son ampleur laisse place à une large
marge de progression dans notre capacité à être beaucoup plus sou-
vent connecté à notre intuition, au point de pouvoir accéder au flow.
Puisque nos performances personnelles en calcul vont être battues
à plates coutures par l’intelligence artificielle (IA), autant capitali-
ser sur d’autres formes d’intelligences, et notamment cette intelli-
gence intuitive, qui au-delà d’améliorer notre fluidité d’exécution
des tâches au quotidien, peut procurer d’autres précieux bénéfices.

133
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Une intelligence utilisée par les leaders


Dans son ouvrage Ces décideurs qui méditent et qui s’engagent (Dunod,
2014), Sébastien Henry évoque l’intérêt que peuvent trouver les diri-
geants d’entreprise à mobiliser leur intuition. Selon lui, « ne pas avoir
recours à l’intuition en tant que décideurs, c’est s’écarter d’une aide
précieuse, notamment pour la prise de décision ». Si les dirigeants s’inté-
ressent de plus en plus à l’intuition, et que certains la cultivent notam-
ment grâce aux pratiques méditatives, ce n’est pas par hasard et cela
vaut la peine de s’y intéresser de plus près.
Dans ce même ouvrage, l’auteur nous rappelle à ce propos que « plu-
sieurs scientifiques de renom ont d’ailleurs affirmé que leurs découvertes
les plus importantes étaient venues intuitivement, à un moment où
ils n’étaient pas formellement en train de travailler  ». Le cas d’Albert
Einstein en est un bel exemple. Pour celui qui a marqué l’histoire de la
science, « l’intuition est la seule chose réellement valable ».

Cette forme d’intelligence, instantanément disponible et impré-


visible et propre à l’homme, est un avantage considérable pour lui.
Pour entraîner cette Soft Skill au quotidien, voici une attitude
que nous vous proposons de cultiver. Celle-ci, notamment inspirée
du sport de haut niveau, est appelée No-w Strategy1.

La No-w Strategy
Dans son quotidien, le sportif de haut niveau utilise une attitude
bien particulière pour atteindre ses objectifs, qu’on pourrait appeler
« la No-w Strategy ». Peu importe la difficulté de l’objectif à réaliser
ou du résultat à atteindre, la No-w Strategy est un outil puissant pour
atteindre ses objectifs. Et le sportif le sait !

Que signifie « No-w Strategy » ?


Lorsque l’on prononce « No-w Strategy », nous pouvons l’entendre
de deux façons. Ces deux compréhensions possibles, toutes les deux
aussi importantes, sont au cœur de la puissance de l’outil.

1 Méthode créée par Julien Bouret.

134
L’intelligence intuitive et la No-w Strategy

La No-w Strategy consiste, pour atteindre un objectif particulier, à ne


pas avoir de stratégie (No Strategy), si ce n’est de suivre l’intuition qui
est la vôtre maintenant, votre stratégie de l’instant (Now Strategy).
En effet, pour atteindre leur objectif, les grands sportifs prennent
parfois l’habitude de lâcher prise sur toute forme de stratégie
(No Strategy) plus ou moins complexe pour être totalement connecté
à leur intuition. L’intuition du sportif lui procure en temps réel la
meilleure stratégie, une stratégie de l’instant (Now Strategy), à adop-
ter en fonction de la complexité de la situation.

Pourquoi fonctionne-t-elle ?
Avoir une stratégie consiste à coordonner habilement des actions
pour atteindre un but. Le problème de cette coordination est que
beaucoup de questionnements y sont souvent liés. Ceux-ci font par-
fois perdre beaucoup de temps et d’énergie pour un résultat qui ne
correspond pas toujours à ce que l’on attendait.
« Vais-je être dans les temps pour réaliser toutes ces étapes ? » « Est-
ce que cet enchaînement d’étapes va fonctionner  ?  » «  N’ai-je pas
oublié certains éléments essentiels pour atteindre ce but ? ». Ce genre
de questionnements ne nous empêchera pas nécessairement d’at-
teindre notre but, mais peut parasiter notre dynamique du moment.
En effet, en se questionnant de la sorte, nous entreprenons souvent
des actions intermédiaires qui vont nous freiner.
Pour aller droit vers notre objectif, notre dynamique du moment
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

ne doit pas être perturbée par des incertitudes correspondant à la


stratégie que nous avons choisie.
La No-w Strategy consiste à lever ces incertitudes pour agir avec
plus de précision et de rapidité.
Il s’agit d’ancrer fermement dans notre esprit l’idée suivante  :
« Il n’y a pas de meilleure stratégie à suivre que celle qui m’inspire
maintenant. »
Éliminer tous les questionnements nécessaires à l’élaboration d’une
stratégie permet de nous concentrer uniquement sur le but à atteindre.

135
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Le sportif de haut niveau ne perd jamais de vue ce but, et pour cause,


ce dernier est habité par ce but, il l’incarne au plus haut point.
La No-w Strategy, c’est jouer le jeu de ne pas avoir de stratégie,
pour être pleinement connecté à son intuition.

Note
Attention, la No-w Strategy ne signifie pas que dans la pratique nous n’allons
pas coordonner habilement nos actions en vue d’atteindre notre but, mais
nous n’allons pas prêter attention à cette coordination. Celle-ci va se déployer
devant nous naturellement, sans que nous ayons à nous en préoccuper.

À savoir
La « No-w Strategy » peut être utilisée dans tous les domaines professionnels
et personnels. Vous pouvez vous répéter « No-w Strategy » dans votre tête,
régulièrement, plusieurs fois par jour si cela est nécessaire. En référence à
notre ouvrage Le Réflexe Soft Skills, cette notion deviendra un réflexe puissant
pour affiner votre intuition et votre capacité à agir avec précision et efficacité.
S’il vous arrive de perdre pied, que ce soit dans votre vie professionnelle ou
personnelle, revenez dans le Now, et laissez-vous guider par vous-même.

Dans une société où le cerveau gauche domine, notamment dans


l’éducation, où les enseignements délivrés invitent encore trop à utili-
ser exclusivement les fonctions de celui-ci, il devient urgent de réveiller
le cerveau droit, siège de nos Soft Skills et notamment de notre intel-
ligence intuitive. Dans le magazine Philosophie d’avril 20181, Antoine
Bordes, chercheur au CNRS et membre du laboratoire d’intelligence
artificielle de Facebook, témoigne en ce sens que  : «  L’un des grands
enjeux de la recherche actuelle est de dépasser la dualité entre une analyse
purement abstraite, qui permet de comprendre pourquoi on fait telle ou telle
chose, mais qui est lente, logique et analytique, et une analyse plus instinc-
tive, immédiate et émotionnelle, mais plus empirique et difficile à expliquer. »

1 Philosophie Magazine, N° 118, avril 2018.

136
L’intelligence intuitive et la No-w Strategy

LA NO-W STRATEGY EN PRATIQUE


Essayez-là !

Une étude de l’université de Harvard a déterminé qu’au cours d’une


journée, notre esprit vagabondait environ 47 % de notre temps1. Cela
signifie que nous ne sommes pas véritablement présents à ce que nous
faisons environ la moitié de notre temps. Nous avons donc matière à
apprendre à diminuer notre bavardage mental, et à revenir plus régu-
lièrement dans le présent. C’est la première étape de la No-w Strategy.
Voici les différentes étapes que nous vous conseillons pour pratiquer la
No-w Strategy2 :
1. Rendez-vous dans l’instant présent (le Now) car vous y êtes déjà.
Faites le ménage dans votre esprit. Laissez de côté le passé qui n’existe
plus, débarrassez-vous de vos appréhensions liées au futur, car celui-ci
n’a pas encore lieu. Restez en contact avec ce qui se passe maintenant
(le Now). Vous ne pourrez bénéficier de la justesse de votre intuition
que si vous êtes connecté à ce que vous inspire l’instant présent.
• Astuce
Pour vous ancrer dans le présent, assurez-vous d’avoir les deux pieds
bien au sol, et choisissez un élément de votre environnement extérieur
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

ou intérieur que vous pouvez percevoir maintenant. Vous pouvez par


exemple contempler un objet qui se trouve devant vous, ou bien être
simplement attentif au va-et-vient de votre respiration sans chercher à
la modifier ou à interpréter ce que vous êtes en train d’observer. Profitez
pendant quelques instants de ce contact avec le Now et reconnectez-
vous au silence et au calme de votre esprit.

1 http://www.uvm.edu/pdodds/files/papers/others/everything/killingsworth2010a.pdf
2 Julien Bouret précise qu’en elle-même, la No-w Strategy ne nécessite pas de méthode par-
ticulière pour être pratiquée, mais que le fait d’adopter un certain réflexe sur le plan mental
peut aider.

137
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

2. Quel objectif vous inspire maintenant ?


Une fois que vous êtes bien ancré dans cet instant présent, dans le
Now, choisissez un objectif particulier ou un résultat que vous voudriez
atteindre, comme par exemple le fait de préparer votre intervention pour
une réunion que vous allez mener. Tentez de définir cet objectif dans les
moindres détails. Pour notre exemple, définissez par exemple le type de
discours que vous souhaitez tenir. Il peut être clair, impactant, imagé,
avec de l’humour, et teinté d’un storytelling original par exemple.
Il est très important, pour cette deuxième étape, que vous puissiez
concevoir votre objectif comme possible. S’il vous paraît par exemple
impossible de trouver la pédagogie nécessaire pour capter l’attention
de votre auditoire, gardez à l’esprit qu’à ce stade, vous avez le droit
d’imaginer ce que vous souhaitez. L’important est que vous vous sentiez
à l’aise maintenant (Now) avec l’objectif que vous visez en ce moment
même.
• Astuce
Vous devez pouvoir prendre du plaisir à définir cet objectif. Si ce n’est
pas le cas, choisissez un autre objectif, ou définissez différemment celui
que vous avez choisi.
3. Visualisez votre objectif au point de pouvoir vous y projeter.
Cette troisième  étape va vous permettre de «  verrouiller  » la deu-
xième étape, de vous assurer que vous avez correctement défini votre
objectif.
Concrètement, et pour reprendre notre exemple, imaginez-vous phy-
siquement et mentalement en train de délivrer votre discours, avec
aisance, conviction, de manière impactante, avec un auditoire attentif et
intéressé par vos paroles. Imaginez quelles sensations vous éprouveriez
si vous déteniez réellement cette aisance orale. Allez jusqu’à ressentir la
satisfaction que vous procure le fait d’avoir atteint votre objectif.
Mentalement, faites comme si vous y étiez !
• Astuce
Au début de votre utilisation de la No-w Strategy, vous aurez plus de
facilité à effectuer cette étape seul(e), assis confortablement sur une
chaise, en fermant les yeux, dans un endroit calme où vous ne serez pas
dérangé.

138
L’intelligence intuitive et la No-w Strategy

4. C’est tout !
Maintenant laissez-vous guider par votre environnement, par votre
curiosité, par les rencontres, les opportunités. Ne cherchez pas à « cal-
culer » la manière dont votre objectif pourrait se réaliser. Rappelez-vous,
la stratégie pour atteindre votre objectif consiste à ne pas en avoir (No
Strategy), si ce n’est d’être pleinement en phase avec toutes les informa-
tions et idées qui vous parviennent maintenant (Now Strategy).
• Astuce
Lâchez prise par rapport au fait que vous pourriez manquer votre objec-
tif, vous êtes justement en route dès maintenant (Now) vers celui-ci.
Faites-vous confiance !

L’essentiel

 Dans ce chapitre, vous avez pu découvrir une nouvelle


forme d’intelligence, l’intelligence intuitive, accessible
à tout instant et par chaque personne qui s’y entraîne.
Pour pratiquer cet entraînement, il convient d’apprendre
à mettre en sommeil notre « juge intérieur », celui qui est
très fort pour analyser, calculer, anticiper, mais qui est aussi
responsable de peurs et de doutes qui freinent l’atteinte de
nos objectifs.
 Pour aller plus loin dans le déploiement de cette
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

forme d’intelligence dont sont très friands les sportifs de


haut niveau, nous vous proposons de pratiquer la No-w
Strategy, attitude clé pour réveiller le « cerveau droit »,
siège de l’intuition, si précieuse pour prendre le dessus
sur notre « juge intérieur ». Pour cultiver la No-w Strategy,
vous pouvez instaurer dans votre quotidien le rituel
suivant : revenez au présent (dans le Now) grâce à votre
respiration par exemple, choisissez un objectif qui vous
inspire, visualisez-le « comme si vous y étiez », et faites-vous
confiance.

139
Chapitre 11

Cultiver
les intelligences
multiples

Executive summary

 Les avancées en matière d’intelligence artificielle


sont exponentielles, au vu de son ascension dans les
organisations. Qu’en est-il de l’intelligence humaine,
celle à l’origine de l’intelligence artificielle ?
 Dans ce chapitre nous verrons que l’intelligence
humaine continue à se développer, et que vous pouvez
développer la vôtre également !

141
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Différentes intelligences humaines


« Tout le monde est un génie. Mais si on juge un poisson sur sa capacité à
grimper à un arbre, il passera sa vie à croire qu’il est stupide. »
Albert Einstein

Cette citation remet en question à elle seule la vision que nous avions
depuis longtemps de l’intelligence, celle reposant sur le test de QI.
Et s’il existait d’autres intelligences que celle logico-mathématique
sur laquelle est basé le test du Quotient Intellectuel ?
La réponse est oui, si l’on se repose sur les travaux de Daniel
Goleman sur l’intelligence émotionnelle, les travaux d’Howard
Gardner sur les intelligences multiples et ceux de Tony Buzan sur le
Mind Mapping et la mémoire.

Au-delà du QI
Le QI est un indicateur reposant sur un test psychométrique
inventé au début du XXe siècle dans le cadre de diagnostics psy-
chologiques. Cet outil sert de mesure de «  l’âge mental  » d’une
personne, allant théoriquement de 0 à 200 à travers des tests de
résolution de problèmes. Les personnes ayant un score inférieur à
80 sont considérées en difficulté, celles ayant un score supérieur
à 120 considérées comme douées, et celles ayant un score supé-
rieur à 170 sont considérées comme « surdouées » (ou HP, à haut
potentiel)1.
Ce test a pendant longtemps été perçu comme un moyen de
mesurer l’intelligence absolue de l’humain avec plusieurs théories :
– l’intelligence est un acquis non-évolutif ;
– l’intelligence est unidimensionnelle ;
– l’intelligence peut être comparée d’humain à humain.

1 Source : futura-sciences.com.

142
Cultiver les intelligences multiples

« Intellectuel n’est pas toujours synonyme d’intelligent. »


Alexandra David-Néel

Or, les travaux de Tony Buzan sur le Mind Mapping1, la mémoire


et la lecture, montrent que les performances cognitives et intellec-
tuelles ne sont pas immuables mais qu’elles peuvent évoluer.
Par ailleurs, les recherches en neurosciences ont démontré que le
cerveau n’est pas figé et qu’il s’adapte à son environnement et aux
comportements  : c’est la neuroplasticité. Celle-ci repose sur deux
éléments fondamentaux :
– la neurogénèse, processus dans lequel de nouveaux neurones sont
créés ;
– la réserve cognitive, processus dans lequel de nouvelles connexions
neuronales sont créées également.
Ces éléments, et encore bien d’autres, nous montrent que l’intel-
ligence n’est pas absolue, mais qu’elle est évolutive.
Et en plus d’être évolutive, elle est également hétérogène : chaque
personne est intelligente à sa manière. C’est ce que nous montrent
les travaux d’Howard Gardner en matière d’intelligences multiples.

Les travaux d’Howard Gardner


Howard Gardner a identifié neuf types d’intelligences :
1. Linguistique : basée sur les mots et le langage verbal.
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2. Musico-rythmique : basée sur les sons.


3. Logico-mathématique  : basée sur la logique et le calcul (sur
laquelle se repose le QI).
4. Visio-spatiale : basée sur le sens de l’orientation et la percep-
tion des formes et de l’espace.
5. Kinesthésique : basée sur les ressentis corporels.

1 Tony Buzan, Use Your Head, BBC Active, 2010.

143
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

6. Intrapersonnelle  : basée sur le dialogue intérieur et l’intro-


spection.
7. Interpersonnelle : basée sur les relations avec les autres.
8. Naturaliste : basée sur la nature.
9. Existentielle : très proche de l’intrapersonnelle.
Ces intelligences sont interconnectées et ne sont pas absolues,
mais évolutives : nous pouvons les développer par de la pratique et
de l’entraînement.
Atika Lebret est spécialiste dans ce domaine et accompagne les
enfants à développer leurs intelligences multiples.

Avis d’experte
ATIKA LEBRET, coach en apprentissage,
spécialisée en intelligences multiples.

POURQUOI LE CONCEPT les difficultés, comme les Soft Skills,


D’INTELLIGENCES MULTIPLES EST-IL cela permet l’adaptabilité et la
IMPORTANT POUR TOUT LE MONDE, résilience.
JEUNES ET MOINS JEUNES ? – Une meilleure communication,
« De mon expérience avec les car les profils d’intelligences
enfants et les parents, l’approche permettent d’avoir une porte
des intelligences multiples apporte d’entrée, un point d’accès à
les effets bénéfiques suivants : l’autre. Comment mieux parler à
– Un déclic en matière cette personne, l’intéresser et se
d’apprentissage. Par exemple, faire comprendre ? Par exemple,
une petite fille que j’accompagne s’il s’agit d’un profil musical, il
pensait qu’elle était incompétente, faudra changer le ton pour capter
mais grâce à la chanson, elle a son attention. Les intelligences
découvert qu’elle possédait une multiples sont ainsi des clés à
intelligence musicale, ce qui a tester pour ouvrir le verrou.
provoqué un déclic chez elle : elle Elles peuvent aussi être vues
aussi était intelligente. C’est une sous le prisme de l’intelligence
ressource qui permet de dépasser émotionnelle.

144
...
Cultiver les intelligences multiples

... D’ailleurs, l’intelligence depuis ses 2 ans, où il a découvert


émotionnelle fait partie des qu’il était Imagio (visuo-spatial),
intelligences multiples avec il sait que c’est sa force et cela
notamment l’intelligence l’aide à ne pas se décourager
interpersonnelle et l’intelligence lorsqu’il n’arrive pas à dessiner
intrapersonnelle. C’est un autre quelque chose. Il se concentre alors
vocabulaire pour parler de la même quelques instants, observe, puis s’y
chose selon mon point de vue et met avec confiance.
mes expériences.
Voici les outils que j’utilise selon les
Comme pour les Soft Skills, il y a
intelligences concernées :
un lien très fort. Les bénéfices des
– Linguistique : j’utilise l’écriture
intelligences multiples, ce sont le
et les résumés (même à l’oral),
plaisir, la sérénité, l’adaptation,
comme par exemple cultiver le
la motivation… Selon moi, elles
réflexe de résumer un film pour
mènent au développement des Soft
soi ou pour quelqu’un d’autre.
Skills et inversement. »
La lecture est également une
COMMENT LES DÉVELOPPER ? activité importante pour cette
« Je travaille sur les huit intelligences intelligence, car elle permet de
car pour moi l’intelligence développer son vocabulaire et sa
existentielle est redondante avec capacité à communiquer.
l’intelligence intrapersonnelle. – Musico-rythmique : la clé pour
La première étape consiste à moi ici est la variation de tons
identifier ses trois intelligences et la musicalité, et pour cela,
dominantes et à les développer en chanter ou répéter une leçon avec
priorité, puis dans un second temps, un rythme est le meilleur moyen
à développer les autres grâce à des de mémoriser.
– Logico-mathématique : le Mind
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

techniques et des outils appropriés.


Et il n’est jamais trop tôt pour Mapping est un très bon outil
démarrer ! À deux ans déjà, pour cette intelligence car il offre
il est possible d’identifier des de la logique et de la cohérence.
intelligences multiples, comme Paul L’outil de questionnement
par exemple qui adore les Lego : “QQOQCCP” (Qui ? Quoi ? Où ?
très visuel, il adore les couleurs, Quand ? Comment ? Combien ?
les formes… Ses activités les Pourquoi ?) permet aussi de
plus faciles et qu’il réalise le plus muscler cette intelligence. Enfin,
régulièrement sont des indicateurs une des activités développant cette
de ses intelligences dominantes. Et intelligence (Soft Skill très prisée par

...
145
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

... les entreprises) consiste à identifier des enfants, je leur demande de


les structures (les “patterns ”), partager ce qu’ils ont appris à leurs
telles que comprendre la procédure parents, pour la transmission et la
cachée derrière une formation, ou reformulation. Cela permet aussi de
bien comprendre la structure d’un prendre sa timidité par la main et
livre ou d’un film, etc. de relever des défis pour oser aller
– Visuo-spatiale : le Mind Mapping, vers l’autre. Enfin, cette démarche
encore une fois, est un outil puissant tournée vers les autres développe
pour cette intelligence, car il l’empathie et l’adaptation de sa
permet d’organiser l’information communication.
visuellement. – Naturaliste : cette intelligence
– Kinesthésique : les clés de cette a émergé plus tard car elle faisait
intelligence sont le mouvement et partie intégrante de la logico-
l’émotion. C’est pour cela que le mathématique. Cependant,
sport, le théâtre et les arts martiaux la différence entre ces deux
sont des pratiques permettant intelligences réside dans le besoin
de développer cette intelligence. d’espace et de nature. La force
Répéter en marchant ou en de l’intelligence naturaliste est
associant un geste à un mot est un de déceler toutes les nuances,
excellent moyen de mémoriser. ce qui va plus loin que la logico-
– Intrapersonnelle : cette
mathématique. Les personnes
intelligence repose sur
ayant développé cette intelligence
l’introspection, il est important et
aiment catégoriser les choses, trier,
naturel de se poser des questions
organiser. Elles ont également une
telles que “est-ce important pour
grande connexion avec le monde,
moi ?”, “est-ce que ça a du sens ?”.
avec une envie de connaître ce
De même, les moments de silence
qui les entoure. Leurs activités de
et d’intériorité aident les personnes
prédilection sont : travailler dans un
ayant cette intelligence de manière
espace naturel (avec une plante sur
dominante à prioriser les tâches et
son bureau par exemple) ou le Mind
les projets.
Mapping pour trier et catégoriser.
– Interpersonnelle : cette
Le cadre et les outils sont importants
intelligence est tournée vers les
pour ces personnes.
autres. Voici un défi que j’ai relevé
pour la développer : demander à Comme vous l’avez remarqué,
des conférenciers une phrase de je fais le pont avec plusieurs
vie après leur prise de parole en écoles en apportant des éléments
public. Et quand je travaille avec d’ailleurs, originaux et différents

...
146
Cultiver les intelligences multiples

... pour enrichir et apporter et potentiels uniques, et donc


une approche singulière aux de s’adapter à toutes situations,
intelligences multiples, avec une à dépasser les difficultés. Et c’est
dimension très pratique. Il n’est là où l’on rejoint les Soft Skills,
nullement question d’étiqueter puisque l’adaptabilité est l’une des
les personnes, mais d’offrir une plus importantes. »
large gamme d’outils afin de leur Les propos de cet entretien ont été
permettre d’utiliser leurs ressources recueillis par Jérôme Hoarau.

Votre profil d’intelligences multiples


« Il n’y a pas une méthode unique pour étudier les choses. »
Aristote

Comment identifier ses intelligences de prédilection ?


Comme l’explique Atika Lebret, il est possible d’identifier ses
intelligences de prédilection en portant attention aux éléments
suivants :
– les activités qui nous plaisent le plus ;
– celles dans lesquelles nous nous sentons le plus à l’aise, là où nous
avons le plus de facilités ;
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– comment notre entourage nous perçoit.


Ce dernier point est important pour avoir un autre angle de vue
sur soi-même.
Voici deux exercices1 que nous vous proposons pour mieux com-
prendre vos intelligences de prédilection.

1 Exercices proposés par Jérôme Hoarau.

147
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

FICHE PRATIQUE
QUESTIONNER SON ENTOURAGE
1. Identifiez une dizaine de personnes au minimum et appartenant à
des cercles relationnels variés (famille, amis, collègues…) et qui vous
connaissent bien.
2. Posez-leur les deux questions suivantes :
– Dans quelles situations penses-tu que j’excelle ?
– Quels sont mes talents ?
3. Catégorisez les réponses obtenues dans les intelligences multiples
correspondantes. Par exemple, si vous avez reçu comme réponse « Tu
excelles dans la rédaction de rapports structurés », alors placez cette
réponse dans l’intelligence logico-mathématique.
4. Comptabilisez le nombre de réponses obtenues dans chacune des
intelligences multiples.
5. Les trois intelligences ayant obtenu le plus de réponses sont alors
vos intelligences de prédilection selon votre entourage.
Ces informations seront à recouper avec celles que vous allez récolter
suite à votre réflexion personnelle sur vos intelligences multiples.

Linguistique

Musico-rythmique

Logico-mathématique

Visio-spatiale

Kinesthésique

Intra-personnelle

Interpersonnelle

Naturaliste

Existentielle

148
Cultiver les intelligences multiples

FICHE PRATIQUE
ANALYSER SA ZONE D’EXCELLENCE
Pour cet exercice, vous aurez besoin d’une feuille blanche au format
A4 et de neuf feutres de couleurs différentes.
1. Attribuez une couleur particulière pour chaque intelligence.
2. Notez sur votre feuille les activités dans lesquelles vous excellez avec la
couleur correspondante. Par exemple, si vous avez attribué le vert pour
l’intelligence musico-rythmique, alors notez en vert l’activité « guitare ».
3. Remplissez le tableau suivant en notant le nombre d’activités par
intelligence que vous avez comptabilisées.

Linguistique

Musico-rythmique

Logico-mathématique

Visio-spatiale

Kinesthésique

Intra-personnelle

Interpersonnelle

Naturaliste

Existentielle
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Ces deux exercices vous permettent de mieux comprendre quelles


sont vos intelligences de prédilection, et de voir lesquelles vous sou-
haitez développer en priorité par la suite.
Pour les développer, vous pouvez vous inspirer des outils et acti-
vités proposées plus haut par Atika Lebret.

149
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Programmer son cerveau


pour plus d’efficacité
Comme nous l’avons vu plus tôt, l’humain possède plusieurs intelli-
gences qu’il peut développer. D’une certaine manière, les intelligences
artificielles se développent également. Nous pouvons clairement faire
un parallèle entre ces deux types d’intelligences. Leur point com-
mun ? Elles sont toutes les deux basées sur des programmes. C’est ce
que nous explique Michel Wozniak, spécialiste du cerveau.

Avis d’expert
MICHEL WOZNIAK, co-fondateur
de l’Association Pour l’Apprentissage
et le Cerveau (APAC) et de l’Institut
de Formation à l’Art du Changement (IFAC).

QUELLE EST LA DIFFÉRENCE ENTRE Aujourd’hui les psychologues se


UN CERVEAU ET UN ORDINATEUR tournent vers l’IA pour voir ce qui est
D’UN POINT DE VUE DE LA possible à propos du cerveau humain.
PROGRAMMATION ? Avant, le développement de
« Commençons par un point l’intelligence artificielle était basé
historique : les programmeurs se sur le cerveau pour avancer,
sont basés sur le cerveau pour créer maintenant c’est l’inverse,
une intelligence artificielle. l’intelligence artificielle sert de base
Il existe deux axes de réflexion sur pour comprendre le cerveau. »
l’intelligence artificielle : COMMENT FONCTIONNENT
– le point de vue de la psychologie LES PROGRAMMES
(mais limité car basé sur l’humain, DANS LE CERVEAU HUMAIN ?
sur lequel on ne peut pas tout
« Quand une personne est
expérimenter) ;
nerveuse, elle est programmée
– le point de vue informatique,
pour être nerveuse, elle n’est pas
où tout est possible, sans limite avec
née nerveuse. L’environnement
un développement ultra-rapide.
permet de créer ces programmes,

...
150
Cultiver les intelligences multiples

... souvent inconscients, mais avec L’ordinateur quant à lui n’est pas
la PNL (Programmation Neuro- autonome : c’est au codeur de le
Linguistique) le principe est de le programmer.
faire consciemment. Les programmes évoluent, ce
Voici comment fonctionne un codeur qu’est le cerveau prend
“programme” d’un cerveau de l’expérience et va modifier les
humain : programmes les plus évidents. En
– Observation de stimuli extérieurs revanche, plus il est jeune, plus il
(par exemple une insulte) : nous est ouvert et a capacité à apprendre
n’avons pas d’influence sur ce point plus facilement par mimétisme
externe. notamment.
– Intégration : transformation C’est la raison pour laquelle l’adulte
de l’information avec ses propres doit faire un effort de remise en
valeurs, qu’il est possible de modifier. question pour s’extraire de ce qu’il
– Réaction (réaction sait (ou croit savoir) et permettre
conditionnée) : qui peut être l’apprentissage.
modifiée également. La solution doit venir de l’intérieur
L’idée est de se reprogrammer et pas de l’extérieur, alors
pour choisir la réaction face à un que l’adulte cherche souvent
stimulus, c’est le but de la PNL, à l’extérieur (les coachs, les
une pratique qui existe depuis plus psychologues, les amis, etc.).
de quarante ans maintenant. La clé est de “redevenir enfant”
Tous les comportements sont pour apprendre efficacement, d’où
potentiellement éditables grâce l’importance du jeu. »
à la PNL et à l’envie de changer.
COMMENT PROGRAMMER SON
L’une des spécificités du cerveau,
CERVEAU ?
contrairement à un ordinateur, c’est
qu’il se reprogramme constamment « La clé est de transformer “l’enjeu”
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

à travers des stimuli extérieurs en “jeu”. Et faites également


comme la télévision, mais cela se attention aux “il faut”, car ce mot
fait de manière inconsciente. Le génère un contexte de contrainte.
cerveau est autonome sur ce point Si je sens que je dois changer
car il est son propre codeur et doit d’attitude, je “gamifie” en
évoluer avec le temps. transformant la situation en jeu, ce
qui permet :

...
151
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

... – d’arrêter de paniquer ; Ce “programme” contient


– d’enlever “l’enjeu” ; toutes les compétences
– de me mettre en mode “enfant” : comportementales pour
c’est une partie, on va voir si je vais apprendre efficacement de vraies
gagner ou pas. Soft Skills. Tout cela est vraiment
C’est ce qui permet d’avoir de travaillé du côté de Richard
l’audace et de tenter de nouvelles Bandler (PNL) et Tony Buzan
choses. (l’apprentissage). Il ne s’agit
Cela rend accessible des défis que plus de devenir une machine à
l’on pourrait percevoir comme connaissances, car les ordinateurs
inaccessibles. sont devenus meilleurs que nous
Ce mode enfant est un choix là-dessus, mais de devenir une
de comportement, une attitude personne de valeur (savoir-être,
consciente libérant la curiosité, attitudes, comportements).
l’ouverture d’esprit, la remise On ne peut pas dissocier
en question, de mettre un peu l’apprentissage de l’attitude.
le danger de côté (mais pas D’où l’importance des Soft Skills
totalement pour ne pas tomber pour toutes les personnes. La PNL
dans la folie), et d’accepter la offre juste un prisme différent
possibilité de perdre. » de la même chose. »

QUELS SONT LES « PROGRAMMES » Les propos de cet entretien ont été
LES PLUS IMPORTANTS À INSTALLER recueillis par Jérôme Hoarau.
SUR SON CERVEAU ?
« Le mode enfant.

La flexibilité neuronale et la réserve


cognitive
« Les pensées métamorphosent le cerveau lui-même. »
Stanislaw Jerzy Lec

La flexibilité cérébrale que l’on appelle également plasticité céré-


brale repose sur deux piliers :
– la neurogénèse (la création de nouveaux neurones) ;

152
Cultiver les intelligences multiples

– la réserve cognitive (la création de connexions synaptiques).


La plasticité cérébrale permet entre autre le développement de
compétences et d’habitudes par le biais de raccourcis neuronaux.
Comme l’explique la scientifique Dr  Barbara Oakley dans son
MOOC «  How to learn to learn  »1, le cerveau ne pèse que 2 kilo-
grammes et pourtant mobilise plus de 20 % de l’énergie consommée
par le corps. Organe le plus gourmand en énergie, il a donc tendance
à chercher à faire des économies. Comment ? En créant des raccour-
cis neuronaux. Il va créer des automatismes par l’effet de répétition
pour que le cerveau économise de l’énergie pour une tâche précise.
Par exemple, lorsque vous commencez à conduire une voiture, cela
vous demande beaucoup d’énergie. En revanche, après plusieurs
dizaines d’heures de pratique, vous ne vous en rendez même plus
compte ! Le cerveau a créé un raccourci neuronal pour la conduite
de la voiture grâce à la répétition prolongée de cette activité. Il en
va de même pour toutes les activités que vous effectuez de manière
régulière comme jouer un instrument de musique, pratiquer un art
martial ou une danse, parler en public, etc.
Idem pour le développement des Soft Skills  : plus vous allez en
mobiliser une en particulier, plus cela deviendra simple et rapide de
l’activer. Et cela est d’autant plus pertinent lorsque vous diversifiez
les situations et les activités dans lesquelles vous utilisez ces Soft
Skills. C’est ce que nous enseigne Pascale Michelon, scientifique et
coach que nous avons interviewée.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

1 Disponible sur https://www.coursera.org/learn/learning-how-to-learn

153
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Avis d’experte
PASCALE MICHELON, neuroscientifique,
coach et talent catalyst.

« Certaines Soft Skills comme Elle représente donc le « potentiel »


l’empathie ou la gestion des du cerveau. Plus cette réserve
émotions correspondent à des est importante, plus la capacité
capacités cognitives bien définies. d’adaptation et de développement
D’autres, comme la créativité, font du cerveau est grande.
appel à un ensemble de capacités La question est donc : “comment
et sont par là-même plus difficiles à utilisez-vous ce potentiel ?”,
étudier scientifiquement. car ce dernier est malléable et
Si les mécanismes intrinsèques s’adapte aux exigences de son
de fonctionnement des Soft Skills environnement et de son style de
ne sont pas toujours expliqués, vie. Plus vous allez stimuler votre
les neurosciences montrent en cerveau par de la nouveauté, de la
revanche que toute capacité peut répétition et par des défis, plus vous
se développer grâce à la plasticité créerez de nouvelles connexions
cérébrale. L’étude de la réserve neuronales et plus votre potentiel
cognitive nous apporte en effet cérébral augmentera.
des éléments, notamment sur le En bref, il est donc possible de
potentiel du cerveau. La réserve développer ses Soft Skills en les
cognitive peut être modélisée en stimulant régulièrement ! »
termes de nombre de connexions Les propos de cet entretien ont été
neuronales dans le cerveau. recueillis par Jérôme Hoarau.

Il est donc possible de développer son cerveau à plusieurs


niveaux :
– dans sa structure même grâce à la neuroplasticité ;
– dans son mode de fonctionnement grâce à la programmation
neuro-linguistique.
La clé, dans ces deux cas de figures, que ce soit pour développer
ses différentes intelligences ou ses Soft Skills, c’est la répétition dans
la durée avec une dynamique de progression continue.

154
Cultiver les intelligences multiples

L’essentiel

 Il n’y a pas une intelligence humaine, mais des


intelligences humaines. Chaque humain possède neuf
intelligences multiples qu’il peut développer grâce à des
activités régulières et diversifiées.
 Le cerveau se développe par sa capacité à se créer
des programmes, à développer ses compétences et ses
habitudes. Il évolue également physiquement, par le biais
de la plasticité neuronale reposant sur la neurogénèse et
la réserve cognitive.
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155
Chapitre 12

Se réapproprier son
temps et son attention

Executive summary

 L’objectif de ce chapitre est de mieux comprendre les


mécanismes de l’attention et les risques inhérents au digital
qui peuvent la perturber.
 Nous mettrons ici en lumière l’un des ennemis de la
gestion du temps : le multitasking.
 En vous invitant à mieux comprendre les mécanismes
de votre cerveau, vous découvrirez comment mettre en
place de nouvelles façons de travailler, pour mieux gérer
votre temps.

157
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

« Ne pas se disperser, ne pas vouloir tout expérimenter à la fois,


creuser son sillon avec patience et humilité.
L’effort d’attention du début devient état d’attention. »
Patanjali1

Le vol de l’attention
Êtes-vous maître du temps que vous consacrez
au digital ?
2 617 : c’est le nombre moyen d’interactions quotidiennes qu’aurait
eu chaque Français en 2016 avec son smartphone. Cela représente
plus de deux heures par jour avec ce qui est devenu notre mini-
robot personnel2. Mais est-ce que les utilisateurs de smartphone
souhaitent réellement y consacrer tout ce temps  ? Où se situe la
frontière entre le temps que l’on souhaite véritablement allouer à
la consultation d’outils digitaux, et le temps passé à les consulter
malgré nous ?
Au-delà d’être éventuellement connecté à divers outils digitaux,
il y a dans l’utilisation de ces smartphones une multiplication d’ap-
plications et de notifications qui y sont liées. L’utilisateur du digi-
tal s’expose facilement à diverses sources de réception et d’échange
d’informations qui peuvent elles-mêmes se démultiplier. Prenons
l’exemple du célèbre réseau social LinkedIn.  Son utilisation peut
tout aussi bien se faire via un ordinateur connecté à Internet et un
smartphone sur lequel vous avez téléchargé l’application. Si tou-
tefois vous n’avez pas désactivé les notifications LinkedIn dans les
paramètres de votre smartphone, vous vous exposerez à des sollici-
tations régulières qui détournent votre attention de ce que vous êtes
en train de faire, comme traiter un dossier particulier par exemple.

1 Paroles de Patanjali traduites du sanscrit par Françoise Mazet dans Yoga-Sutras, Albin
Michel, 1991.
2 Socialter n° 21, février-mars 2017.

158
Se réapproprier son temps et son attention

Comment le digital capte votre attention


La capacité à capter votre attention, recherchée par les créateurs
d’application ou de plateformes diverses, dépend de votre capacité à
vous détourner consciemment des outils digitaux. Avez-vous vérita-
blement besoin de consulter votre fil d’actualité LinkedIn que vous
venez de consulter il y a tout juste une heure ? Ou bien est-ce sim-
plement pour vous rassurer que vous n’avez rien manqué et que
vous ne risquez pas de manquer de réactivité si toutefois vous êtes
sollicité sur ce réseau social professionnel ?
Cela pourrait paraître anodin, mais comme vous vous en doutez,
ce type de détournement d’attention n’est pas isolé dans notre quo-
tidien. Cela ne poserait pas un réel problème si notre attention était
très agile et capable de se réorienter en un instant sur la tâche que
nous étions en train d’accomplir juste avant d’être sollicité. Mais
ce n’est pas le cas pour la plupart d’entre nous : notre attention est
« fragile » et la moindre perturbation peut la faire flancher.

La métaphore de la poutre
Dans son ouvrage Le Cerveau funambule1, Jean-Philippe Lachaux utilise
une belle métaphore en expliquant que maintenir une attention de façon
stable peut être comparé au fait de marcher sur une poutre. La moindre
sollicitation peut nous faire tomber. Et il nous faudra un certain temps
pour remonter sur la poutre, ou dit autrement, pour remobiliser notre
attention sur ce que nous étions en train d’accomplir. Pour ce directeur
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de recherches en neurosciences cognitives, il nous faut développer une


nouvelle forme d’équilibre pour apprendre à maîtriser notre attention, ce
qu’il appelle l’équilibre attentionnel. Il est en effet intéressant de comparer
les pertes d’attention à des pertes d’équilibre puisqu’à partir du moment
où notre attention est détournée, nous nous ouvrons à la possibilité
d’être beaucoup moins efficace dans ce que nous cherchons à accomplir.
L’équilibre attentionnel consiste donc à rester vigilant et attentif à notre
attention justement, afin de maintenir celle-ci orientée sur ce qui nous
est véritablement important dans l’instant. Cette stabilité propre à la

...
notion d’équilibre correspond au fait que bien qu’il y ait une ou plusieurs

1 Jean-Philippe Lachaux, Le Cerveau funambule, Odile Jacob, 2016.

159
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

... source de perturbations autour de nous, nous parvenons à rester présent


à ce qui est important pour nous, en gardant le focus sur l’intention
du moment, sans « tomber » dans la distraction. Les pratiques méditatives,
et notamment celle du « scan corporel » détaillée plus bas dans ce chapitre
peuvent clairement contribuer à muscler cet équilibre.

L’enjeu de se reconcentrer sur l’intention du moment


Certains spécialistes estiment qu’il nous faudrait en moyenne une
minute pour remobiliser notre attention sur la tâche que nous effec-
tuions lorsque celle-ci a été perturbée. Et une minute est générale-
ment un minimum. Si vous choisissez de répondre à un appel alors
que vous être pleinement immergé dans un dossier, et que cet appel
se caractérise par des échanges prenants avec votre interlocuteur, il
est probable que vous repensiez un certain moment à cette conversa-
tion téléphonique après avoir raccroché. Ce moment pourrait durer
bien plus d’une minute. Votre attention sera portée vers le passé, sur
la conversation que vous venez d’entretenir, ou sur le futur, vers la
perspective que peut ouvrir cet appel, et non sur l’instant présent.
En réalité, ce n’est pas véritablement le fait que notre attention
soit régulièrement sollicitée qui est problématique, mais le fait que
nous n’en soyons pas conscients.
Être conscient de là où nous portons notre attention est le prin-
cipe même de la capacité à se concentrer. Apprendre à rester maître
de là où nous portons notre attention est une clé pour améliorer
nettement sa gestion du temps. L’expression « vol de l’attention »
que nous employons pourrait paraître exagérée, mais elle repose
sur un constat simple, facilement observable, même chez les plus
jeunes. Les écrans ont un pouvoir hypnotique, et il peut être pré-
cieux de ne pas l’oublier.

160
Se réapproprier son temps et son attention

La gestion du temps
Se réapproprier son attention
Une étude de l’université de Harvard1 explique que notre esprit, et
donc notre attention, vagabonderait presque la moitié du temps au
cours d’une journée (46,9  % du temps selon l’étude). Si ce vaga-
bondage peut parfois être très utile pour prendre du recul, faire un
point sur ses priorités du moment, ou encore laisser libre cours à la
génération de nouvelles idées, il peut néanmoins être fort problé-
matique lorsque celui-ci est teinté par des pensées qui ne nous sont
pas utiles. Dans un monde professionnel où tout va plus vite, nous
avons développé une tendance comportementale qui est une grande
cause de vagabondage de pensées qui ne nous sont pas utiles. Cette
tendance se nomme le «  multitasking  », ou la volonté de vouloir
effectuer plusieurs tâches en même temps.

■ Le mythe du multitasking
Nous n’allons pas vous mentir, la tendance au multitasking est l’en-
nemie jurée d’une bonne gestion du temps. Cela pour une raison
simple : sur le plan neuroscientifique, notre cerveau ne sait pas faire
du multitasking à proprement parler, et pire encore, tenter de le
faire est très fatigant pour lui. Plus précisément, nous ne sommes
pas à même d’effectuer simultanément et consciemment deux
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tâches différentes. Nous pouvons avoir l’illusion d’y parvenir, du


fait d’une certaine forme d’agilité de notre attention, qui peut par-
fois jongler rapidement d’une tâche à l’autre. Mais, bien que nous
puissions en avoir l’illusion, il ne nous est par exemple pas possible
de nous concentrer pleinement et sincèrement sur la couleur rouge,
en même temps que nous nous concentrons sur la couleur bleue.
Pourtant, lorsque nous choisissons de traiter un e-mail que nous
avons vu arriver grâce au pop-up de notification, alors que nous

1 http://www.uvm.edu/pdodds/files/papers/others/everything/killingsworth2010a.pdf

161
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

étions pleinement immergés dans la préparation de notre réunion


de demain, nous tentons de faire du multitasking, et notre cerveau
n’aime pas cela. En effet, comme nous l’avons évoqué précédem-
ment, une fois que vous aurez terminé de traiter l’e-mail, il faudra
un certain temps à votre cerveau pour se replonger dans la prépara-
tion de votre réunion. Prenons l’exemple d’un manager qui a pour
habitude de laisser sa boîte mail ouverte tout au long de sa jour-
née, et qui choisit de traiter ses e-mails «  à la volée  », c’est-à-dire
sans s’allouer de plage horaire dédiée à la gestion de ceux-ci. Si ce
manager reçoit dans une journée soixante e-mails qu’il consulte en
laissant de côté ce qu’il était en train d’accomplir, puis revient, une
fois l’e-mail traité (ou consulté), à la tâche qui l’occupait, il perdra
au minimum une heure de sa journée à se reconcentrer. Le temps
perdu sera de deux heures s’il s’agit de cent vingt e-mails. Et nous
ne parlons qu’ici de la gestion des e-mails, et non des autres types
de sollicitations, tels que les appels téléphoniques pris eux aussi « à
la volée » ou encore la notification qui vient d’apparaître sur votre
téléphone.

Précisions sur la baisse d’efficacité


Selon l’Association américaine de psychologie, « les blocages psychiques,
même brefs, causés par les passages d’une tâche à une autre peuvent
entraîner une réduction allant jusqu’à 40 % du temps de travail effectif
d’une personne dans une journée. »

■ Repenser sa façon de travailler


Vous êtes probablement en train de vous dire que tout cela est bien
joli, mais que vous n’avez pas vraiment le choix de garder un œil
sur votre boîte mail tout au long de la journée1. Certes, pour beau-
coup d’entreprises, il est difficile, à l’heure actuelle, de ne pas main-
tenir sa boîte mail ouverte tout au long de sa journée. Il s’agit en

1 Andrew Filev, « Pour en finir avec le “multitasking” », La Tribune, 26 octobre 2015.


https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/pour-en-finir-avec-le-multitasking-516917.html

162
Se réapproprier son temps et son attention

effet d’être réactif à la moindre urgence, surtout celle venant de sa


hiérarchie. Là est tout le problème. Nous avons fait de l’e-mail un
moyen de communiquer dans l’urgence, et ce n’est certainement pas
un bon calcul. Par ailleurs, être disponible tout le temps, c’est fina-
lement ne jamais être véritablement disponible. Si nous revenons à
la notion d’attention, celle que vous porterez à la personne qui vous
interrompra dans votre travail sera décousue, moins concentrée et
moins stable que si vous aviez fait part de votre indisponibilité, pour
ensuite, une fois votre tâche terminée, être d’autant plus disponible
et attentif à la personne qui vous sollicite. Bien gérer son temps,
c’est savoir respecter pour soi-même, et pour les autres, des périodes
de disponibilités et d’indisponibilités.

FICHE PRATIQUE
MULTITASKING : FAITES LE TEST1
Pour que vous puissiez un peu mieux comprendre pourquoi il est diffi-
cile pour notre cerveau de diviser son attention sur plusieurs intentions
en même temps, nous vous proposons d’effectuer un petit test.
Pour  cela nous vous invitons à vous munir d’un chronomètre, d’une
feuille de papier et d’un stylo. Ce petit test se décompose en deux étapes.
• 1re étape : vous allez chronométrer le temps que vous mettez pour
écrire les mots suivants : « Ma boîte mail » ; ainsi que, en dessous, la
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série de chiffres « 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 » ; 11 étant le nombre de


lettres qui composent «  Ma boîte mail  ». Le chronomètre est donc
lancé juste avant d’écrire le premier caractère (le « M ») et est arrêté
juste après avoir écrit le dernier chiffre « 11 ». Êtes-vous prêt ?
Allez-y. Vous devriez mettre en moyenne entre dix et quinze secondes
pour cette première étape. Pour l’instant le test est simple et vous
vous demandez certainement où nous voulons en venir. Vous allez
comprendre avec la deuxième étape.
...
1 Test tiré du MOOC « Gestion du temps à l’ère du digital », réalisé par UNOW, dont Julien
Bouret fut l’un des co-animateurs.

163
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

... • 2e  étape  : cette deuxième étape est pratiquement identique à la


première à un détail près. En effet, vous allez devoir écrire les mêmes
séries de lettres et de chiffres, mais cette fois-ci en alternant une
lettre avec un chiffre à chaque fois. Une fois le chronomètre lancé
vous allez donc écrire « M », puis en dessous « 1 », puis à côté du
« M », « a », puis en dessous du « a » vous écrirez le « 2 », puis vous
remonterez à la ligne du dessus pour écrire le « b » et ainsi de suite
jusqu’au « 11 », et vous arrêterez le chronomètre une fois le 11 écrit.
Cette deuxième étape devrait normalement être plus fastidieuse car
elle nécessite d’alterner deux intentions pratiquement dans le même
temps, à savoir écrire une série de lettres et écrire une série de chiffres.

Pour la plupart des personnes qui effectuent le test précédent, la


deuxième étape prend non seulement plus de temps à réaliser, mais
elle est généralement moins bien effectuée. En expérimentant cette dif-
ficulté qu’a notre cerveau à vouloir réaliser plusieurs tâches en même
temps, vous devriez prendre conscience de la nécessité de lui faciliter le
travail, à savoir d’effectuer vos tâches une par une, plutôt que simulta-
nément. Comprenez donc bien que nos méthodes de travail actuelles
ne sont absolument pas adaptées à une bonne utilisation de notre
attention. Au quotidien, l’attention détournée par un certain nombre
de sollicitations peut créer beaucoup de stress car notre cerveau n’est
plus à même de faire face aux diverses demandes. Celui-ci finit par
perdre ses moyens, comme vous avez peut-être pu l’expérimenter ne
serait-ce qu’un instant lors de la deuxième étape du test précédent.

Rester vigilant aux canaux d’information


L’utilisation des outils digitaux dans le monde professionnel a clai-
rement de nombreux avantages et notamment une circulation plus
rapide et plus fluide de l’information, qui peut être mieux organisée.
Mais le revers de la médaille est justement une exposition plus immé-
diate à l’information qui peut perturber votre attention. C’est en ce
sens que l’un des réflexes à avoir pour se réapproprier son attention,

164
Se réapproprier son temps et son attention

et donc pour mieux gérer son temps, consiste à diminuer ce que l’on
nomme les points de perturbations. Qu’ils soient digitaux, telles
que les notifications de l’arrivée d’un nouvel e-mail, ou physiques,
tels que les divers post-it qui s’éparpillent sur votre bureau, il vous
faut être vigilant à tout ce qui peut déstabiliser votre attention.
Pour ce faire, il y a une astuce simple à respecter, qui consiste
à choisir les canaux d’informations auxquels vous souhaitez être
exposés, en rapport avec les tâches que vous êtes en train d’effectuer.
Nous n’avons jamais été autant exposés à l’information. Chaque
nouvelle information peut venir « encombrer » votre esprit si tou-
tefois celle-ci n’est pas traitée. Gérer son temps, c’est donc avant
tout gérer la quantité et la qualité de l’information à laquelle nous
sommes soumis. Le fait de savoir limiter consciemment cette expo-
sition est une attitude précieuse de gestion du temps.

Entraîner sa gestion du temps


Les bonnes pratiques
Voici quelques recommandations à suivre pour améliorer
nettement votre gestion du temps1.
• Acceptez l’idée que vous ne pouvez pas être disponible tout le temps.
Il vous faudra donc apprendre à ne pas répondre à une sollicitation qui ne
concerne pas l’intention qui est la vôtre au moment où vous êtes sollicité.
Si par exemple votre téléphone sonne au moment où vous êtes pleine-
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ment immergé dans le traitement d’un dossier, et sauf si cela est on ne


peut plus urgent, rappelez-vous que votre messagerie téléphonique est
votre amie. Vous rappellerez plus tard.
• Identifiez et diminuez vos points de perturbations digitaux, tels que votre
boîte mail ouverte au moment où vous n’en avez pas besoin, les notifica-

...
tions d’applications que vous pouvez désactiver ou encore les fenêtres web

1 Julien Bouret, qui apporte ces recommandations, vous invite à ne pas bouleverser vos
méthodes de travail du jour au lendemain, mais de progressivement mettre en place ces
bonnes pratiques sur des périodes courtes pour commencer.

165
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

... ouvertes sur votre navigateur et dont vous n’avez pas besoin non plus en ce
moment même. Il en va de même avec l’identification et la diminution des
points de perturbations physiques, tels que les différents post-it qui traînent
sur votre bureau (que vous pouvez ranger dans un cahier dédié), les feuilles
volantes qui peuvent être classées dans un dossier consultable au moment
voulu, ou encore les diverses cartes de visites qui peuvent être numérisées ou
rangées dans un classeur transparent afin de les retrouver facilement.
• Segmentez vos journées par intentions. Le cerveau aime qu’on lui faci-
lite la tâche et si vous souhaitez atteindre votre but, allez-y objectif par
objectif, plutôt que de vouloir superposer plusieurs intentions dans le
même temps. Si vous souhaitez, par exemple, terminer la préparation du
séminaire que vous avez la charge d’organiser, apprenez à dire non à un
collègue, ou même à votre supérieur, qui vous sollicite pour autre chose.
Si vous dites non avec bienveillance, en expliquant votre intention du
moment et en offrant une alternative, votre « non » aura beaucoup plus
de chance d’être bien reçu. Votre « non » n’est pas forcément définitif et
peut vous permettre d’être d’autant plus efficace, précis et disponible au
moment où vous pourrez véritablement accorder du temps à la requête
sur laquelle on vous a sollicité.
• Autorisez-vous à prendre plus de pauses. Elles permettent de res-
pecter le « vagabondage mental » dont votre cerveau a besoin, mais
aussi de résoudre des problèmes ou de générer des idées que vous
n’auriez pas trouvées en étant physiquement et mentalement en train
de travailler.
• Musclez votre capacité de concentration. À la manière des spor-
tifs de haut niveau, la capacité à muscler sa concentration possède de
nombreux bienfaits, et permet notamment de faciliter l’atteinte de ses
objectifs. Il existe de nombreux exercices pour muscler sa concentration.
En voici un nommé le « scan corporel » dont sont très friands certains
sportifs de haut niveau. Il consiste, si possible dans un endroit calme où
vous ne serez pas dérangé, à prendre quelques minutes pour prendre
conscience des diverses sensations que vous pouvez ressentir dans votre
corps. En commençant par exemple par le bas du corps, entraînez-vous à
« scanner » mentalement et progressivement chaque partie, sans juger ni

...
interpréter ce que vous êtes en train d’observer, mais juste en explorant

166
Se réapproprier son temps et son attention

... les sensations, les tensions, ou encore les changements de température


que vous pouvez observer en vous, en ce moment même. Plongez-vous
pleinement dans l’instant présent. Comme si vous aviez un petit pro-
jecteur intérieur, entraînez-vous à éclairer les zones du corps que vous
n’avez pas l’habitude d’explorer, de la plante de vos pieds jusqu’au haut
de votre crâne. En effectuant cet exercice régulièrement, et si possible au
moins une fois par jour, vous constaterez une amélioration de plusieurs
Soft Skills telle que la capacité de concentration, mais aussi votre gestion
des émotions ou encore votre créativité.

L’art de la pause
Nous tenons, pour terminer ce chapitre, à insister sur la très grande
importance des pauses. Les entreprises françaises sont généralement
très peu éduquées sur ce sujet. Il est encore courant de penser que
pour être efficace, mieux vaut, tant que notre corps nous le permet,
avoir la tête dans le guidon en tentant de maintenir de longues
périodes de concentration. On pense par ailleurs qu’une pause est
forcément du temps de travail perdu. Si toutefois vous souhaitez
faire l’expérience d’un burn out, c’est tout à fait l’état d’esprit qu’il
faut adopter. Mais les neurosciences permettent aujourd’hui de
démentir tous ces a priori. Si vous choisissez de limiter au maximum
le nombre de vos pauses, ainsi que le temps que vous leur consacrez,
alors sachez que votre cerveau trouvera un moyen pour « prendre sa
pause justement ». Il vous le fera ressentir par une baisse de concen-
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tration, une plus grande fatigue, une diminution de votre créativité


et de votre capacité à prendre des décisions rationnelles. En géné-
ral, vous serez également plus stressé. En réalité, limiter les pauses
impliquera forcément sur le long terme une plus grande difficulté à
mobiliser vos Soft Skills. Nous verrons que notre cerveau comporte,
en parallèle de ses capacités d’analyse et de calcul, de précieuses Soft
Skills, telle que la capacité à contextualiser les informations qui vous
parviennent, qui sont difficilement mobilisables si nous n’appre-
nons pas à prendre du recul. Prendre régulièrement des pauses c’est
tout simplement respecter le fonctionnement et les besoins naturels

167
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

de votre cerveau. Vous avez d’ailleurs peut-être déjà pu remarquer


à quel point les pauses peuvent permettre de trouver des solutions
à des problèmes non résolus, ou encore de penser à des tâches que
vous aviez oublié d’accomplir.

L’essentiel

 Notre attention est fragile, et si nous n’y prenons garde,


elle peut être facilement détournée, par les notifications
digitales par exemple. Notre capacité à garder une certaine
maîtrise sur cette aptitude précieuse représente une
véritable Soft Skill qui peut être entraînée.
 Notre capacité d’attention illustre parfaitement
la complémentarité entre Soft Skills et Hard Skills puisque
sans elle, il sera beaucoup plus difficile d’effectuer un geste
technique. Nous apprenons aux enfants à regarder devant
eux lorsqu’ils marchent afin d’éviter la chute. On pourrait
dire que la technique (Hard Skill) de la marche ne peut
correctement s’acquérir sans une mobilisation de notre
capacité d’attention. Si cette complémentarité est rompue,
nous risquons la chute. C’est en ce sens que nous pouvons
parler d’équilibre attentionnel.
 Cet équilibre attentionnel est un véritable secret pour
une bonne gestion du temps. En effet, gérer son temps,
c’est aussi et surtout gérer l’agencement de nos divers
sujets d’attention. Au quotidien, il convient de s’entraîner à
redevenir conscient de là où nous portons notre attention.

168
Chapitre 13

Pourquoi
les Soft Skills sont-elles
indispensables

Executive summary

 L’objectif de ce chapitre est d’apprendre à déployer


sa singularité, sa capacité à devenir inimitable
ou indispensable. Cette intention permettra de tracer
une voie professionnelle qui ne sera pas parasitée
par la transformation en cours et notamment l’émergence
de l’intelligence artificielle.
 Pour déployer sa singularité, il est intéressant d’acquérir
un « bagage Soft Skills » qui vous correspond, au service
de votre épanouissement professionnel et personnel.
 Ceci vous permettra d’évoluer comme un caméléon au sein
du tumulte de la vie active, de vous adapter à vos exigences
tout en restant vous-même. Vous pourrez alors devenir
consciemment l’artiste de votre vie professionnelle.

169
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Le code Soft Skills,


pourquoi est-ce indispensable ?
Je ne suis pas un robot
« Les algorithmes peuvent utiliser des schémas trop subtils pour être
détectés par l’humain et utiliser ces modèles pour générer des informations
précises et aider à prendre des décisions plus pertinentes. »
Harvard Business Review1

Quel travail actuel ou futur pourriez-vous exercer qu’un robot ou


une intelligence artificielle n’aurait pas vocation à exercer ?
Quelle valeur ajoutée professionnelle pourriez-vous apporter  ?
Il n’est pas simple de répondre à cette question.
Partons du principe que la plupart (si ce n’est tous) des emplois qui
consistent, en partie ou totalement, en une répétition de tâches iden-
tiques jour après jour, sont amenés à disparaître. Étant donné que tout
ce qui consiste à répéter une action, comme l’assemblage de pièces
automobiles par exemple, peut déjà être effectué par de nombreux
robots, nous n’avons pas de grande difficulté à imaginer ce scénario.
Pour s’en prémunir, ou du moins d’être en mesure d’y faire face
sereinement, il vous faudra exercer un métier qui se différencie de la
dynamique de répétition. Une façon de faire, qui va d’ailleurs dans le
sens de ce que l’on peut observer en France via l’émergence de nom-
breuses start-up, c’est la capacité à exercer un job où la création (et
non la répétition) en est au cœur. Par ailleurs, l’idéal serait que cette
création ne soit réalisable que par vous-même, afin de vous rendre
indispensable. Être la seule personne à pouvoir exercer ce que vous
faites, cela vous paraît irréaliste ? C’est pourtant ce que l’on pourrait
dire de beaucoup d’artistes, d’ingénieurs, d’entrepreneurs.
Comme nous l’avons vu dans le chapitre 7 sur l’intelligence émo-
tionnelle, nous disposons de neurones miroirs qui nous permettent

1 « Le must du digital », Hors-série, Printemps 2018.

170
Pourquoi les Soft Skills sont-elles indispensables

éventuellement de reproduire en temps réel ce que nous observons.


C’est souvent le cas lorsque nous voyons quelqu’un sourire, mais
cela peut aussi être le cas pour des comportements plus complexes
telle que la manière dont nous mobilisons notre langage. Vous avez
peut-être déjà pu constater que vous ne vous adressez pas de la même
manière à un enfant de six ans qu’à un adulte. Vous vous mettez de
façon mimétique « à sa hauteur », en adoptant un rythme de parole
qui lui correspond. Il nous est plus facile d’adopter une attitude que
nous pouvons observer. C’est en ce sens que pour favoriser votre
capacité à exercer une activité que vous seul(e) êtes à même d’accom-
plir, nous allons nous arrêter un instant sur l’exemple des deux types
de profils qui y parviennent, les artistes et les sportifs de haut niveau.

■ L’exemple des artistes


Pour prendre l’exemple des artistes, il est intéressant de noter qu’il
est souvent dit (et eux-mêmes le disent) que pour donner le meilleur
de leur art, ils doivent répéter énormément. Au premier abord, on
pourrait se dire qu’une bonne partie du métier des artistes consiste
à «  répéter  ». À répéter leur texte par exemple pour des acteurs de
théâtre. Mais répètent-ils vraiment ? Si l’on y regarde de plus près,
les artistes ne répètent pas, ils s’entraînent et s’améliorent dans leur
capacité à exercer leur art. Ils actualisent en permanence les Soft Skills
nécessaires à la meilleure expression. Par rapport à sa « répétition »
de la veille, l’acteur de théâtre relira par exemple son texte avec une
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plus grande concentration, le dira à haute voix avec une plus grande
intensité et un langage non verbal différent. Il se projettera mentale-
ment dans sa prestation avec une plus grande précision et une créati-
vité différente dans sa manière d’occuper l’espace par exemple. Loin
de nous l’idée de vouloir bouleverser la sémantique utilisée dans le
monde des artistes, mais si l’on souhaite être précis, et pour bien
assimiler ce qui va suivre, nous parlerions plutôt de création, ou de
processus d’amélioration concernant les phases où ils n’exercent pas
leur prestation véritablement. C’est notamment grâce à ce proces-
sus d’amélioration continue que beaucoup d’artistes parviennent à
effectuer des prestations qu’eux seuls sont à même d’exercer.
171
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

■ La force du sportif de haut niveau


Il en va de même des sportifs de haut niveau, qui, lorsque qu’ils ne
sont pas en compétition, s’exercent encore et toujours pour amé-
liorer leur technicité, leur condition physique, mais aussi leurs
aptitudes mentales. De loin, nous pourrions dire que le sportif
répète ses gestes à l’entraînement, mais de près nous verrions
en réalité qu’il les perfectionne. C’est en cela qu’il parvient à
réaliser une performance unique, qu’il gagne ou qu’il perde d’ail-
leurs. Cette performance sera toujours plus ou moins différente
de la précédente. Dans le cas du sport de haut niveau, la tech-
nicité, qui correspond aux Hard Skills, est considérée, sauf cas
particuliers, comme « acquise » et n’évolue que très peu. Elle est,
par la définition même du sport de haut niveau, déjà à un haut
niveau. Dans le cas du tennis par exemple, bien que l’on puisse
encore et encore peaufiner son service, les bases techniques liées
à la bonne gestuelle du service sont, pour un tennisman pro-
fessionnel, acquises assez jeune. C’est plutôt à l’aide de ses Soft
Skills, telles que la concentration, la créativité, la persévérance,
ou encore la gestion des émotions, que le tennisman va améliorer
ses performances une fois que celui-ci est parvenu à se hisser au
plus haut niveau. Cette combinaison très travaillée de Soft Skills
et de Hard Skills permet aux champions de réaliser leur sport de
façon unique.

Une nouvelle manière de se rendre utile


Les Soft Skills vous aident à marquer votre différence. Ce sont elles
qui marquent votre unicité, mais aussi orchestrent le travail qui
sera effectué par l’intelligence artificielle. Il s’agit de savoir se rendre
indispensable et utile à la société par un métier que vous et vous
seul êtes en mesure d’exercer, et dont les fonctions évoluent au fil
du temps. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des techniques pour
parvenir à cet objectif.

172
Pourquoi les Soft Skills sont-elles indispensables

Devenir un « caméléon »
Pour déployer ses Soft Skills de façon opérationnelle dans un monde
professionnel gouverné par le changement et l’incertitude, il convient
d’adopter une forme de code, qui permet d’évoluer comme un camé-
léon au sein du tumulte de la vie active et de s’adapter à ses exigences
tout en restant soi-même (ou en devenant soi-même).
Le code Soft Skills que nous avons établi repose notamment sur de nom-
breuses observations d’individus qui semblent évoluer aisément au sein
d’une vie professionnelle en constante redéfinition. Ce code est en lien
avec une notion que l’on retrouve dans divers domaines scientifiques
tels que les mathématiques, la physique ou encore la futurologie1. Cette
notion déterminante, qui correspond à l’objectif que l’on peut viser
grâce à l’utilisation de ce code se nomme « singularité ». Il existe plu-
sieurs définitions de la singularité, un vaste concept qui peut contenir
de multiples facettes. Pour nous, et pour commencer, la singularité cor-
respond à votre capacité à déployer votre potentiel de façon unique,
différenciante, surprenante, inédite. Lorsque vous activez votre singula-
rité, vous êtes en mesure de faire évoluer en temps réel « qui vous êtes »
et «  qui vous pouvez être  ». Lorsqu’un recruteur rencontre plusieurs
candidats avec le même diplôme et, plus précisément, la même techni-
cité, c’est la singularité du candidat qui va lui marquer l’esprit.

Qu’est-ce que l’on entend par singularité ?


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La singularité représente à nos yeux la capacité à créer de la nouveauté,


que ce soit en termes de pensées, d’émotions, de discours, de créa-
tions, de comportements, d’expériences, et a fortiori, de résultats. Elle
consiste notamment à ne pas répéter ce qui existe déjà, car tout ce qui
se répète peut potentiellement être effectué par un robot ou un algo-
rithme. La singularité consiste à créer son propre langage, à coder son
avenir à partir du présent.

1 Selon le Larousse, la futurologie désigne un « ensemble de recherches de prospective qui


ont pour but de prévoir le sens de l'évolution à la fois économique, sociale, scientifique et
technique. » (source : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/futurologie/35709).

173
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

La singularité, un concept incarné


dans divers domaines
De nombreuses personnes parviennent à vivre cette singularité de
façon exemplaire, comme certains artistes, entrepreneurs, chefs
cuisiniers, consultants, écrivains, avocats, enseignants entre autres.
En  fait, dans tous les domaines, il existe des personnes qui par-
viennent à tracer leur voie de façon singulière. Cette singularité, une
fois activée de façon stable et durable, pourrait vous permettre de
créer un rempart solide face aux risques inhérents de l’IA, mais aussi
de pouvoir travailler, si le besoin s’en fait sentir, avec l’IA en bonne
intelligence. Cette singularité vous créera une carte d’identité profes-
sionnelle totalement inédite, autonome, prometteuse et puissante.

Ce que l’on nomme « singularité technologique »


Dans le domaine de l’IA, la notion de singularité revêt une dimen-
sion importante, puisqu’elle correspond au moment, qui n’a pas
encore eu lieu, où la technologie serait capable d’évoluer de façon
autonome sans l’homme.
Cette singularité correspond plus précisément pour les spécia-
listes au moment où la technologie sera plus «  intelligente  » que
l’homme. Pour Ray Kurzweil, le « monsieur IA » directeur de l’ingé-
nierie chez Google, la singularité technologique surviendra en 2045,
lorsque la puissance informatique requise pour simuler en temps
réel les fonctions du cerveau humain sera atteinte1. Est-ce que ce
point de bascule arrivera un jour, et bientôt ? Nous n’en savons rien
et rassurez-vous, les plus grands spécialistes de l’IA ne sont pas tous
d’accord sur la question.
En attendant que cette date arrive peut-être, l’homme peut déployer une
autre forme de singularité, la sienne. Pour déployer votre singularité,

1 Murray Shanahan, The Technological Singularity, The MIT Press Essential Knowledge Series,
2015.

174
Pourquoi les Soft Skills sont-elles indispensables

il vous faudra être pleinement conscient de votre potentiel. Mais com-


ment en être conscient si celui-ci nous est inconnu ? Une partie de la
réponse pourrait se trouver dans notre capacité à accepter l’idée selon
laquelle nous ne savons pas tout de nous. Une remarque que l’on pour-
rait être tenté de faire lorsque nous parlons de Soft Skills, est que les
développer consisterait à essayer d’être quelqu’un d’autre.
Cela n’est pas notre propos, et nous pensons au contraire que déve-
lopper nos Soft Skills consiste justement à être «  un peu mieux
qui nous sommes  ». Beaucoup de personnes pensent par exemple
qu’elles sont de nature stressée, jusqu’au jour où elles parviennent
à mettre en place dans leur quotidien des pratiques méditatives qui
leur prouvent le contraire.

L’essentiel

 Pour déployer sa singularité, et en référence au principe


des neurones miroirs, nous avons tout intérêt à observer des
personnes qui incarnent déjà cette singularité. C’est le cas
par exemple d’artistes ou encore de sportifs de haut niveau.
Cette observation n’a bien sûr pas pour but d’imiter ces
personnes, mais de s’inspirer de la possibilité d’être singulier.
 Cultiver sa singularité au quotidien implique d’adopter
une forme de code Soft Skills. Ce code sera nécessaire pour
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vous permettre de développer une posture créative, unique


et qui ne tombe pas dans le piège de la répétition. La
créativité bien sûr, l’audace, la prise de décision ou encore
l’empathie peuvent être des exemples de Soft Skills qui
vont bâtir ce code et cette posture.
 Le développement de nos Soft Skills ne consiste pas,
contrairement à certaines idées reçues, à devenir quelqu’un
d’autre. Il consiste à devenir un peu mieux qui nous
sommes véritablement, en osant être cette personne en
toutes conditions.

175
Chapitre 14

Le code Soft Skills

Développer un nouveau bagage d’aptitudes

 La transformation du monde du travail fait évoluer


ses codes. Il convient donc, dans ce nouvel environnement,
d’en adopter de nouveaux.
 Ce chapitre va vous faire découvrir et approprier ce que
nous avons appelé le code Soft Skills, qui permet d’activer
un nouveau bagage de compétences.
 Ce code est composé de sept parties qui vous invitent
à développer une singularité précieuse permettant
de vous démarquer intelligemment dans le monde
professionnel, et de booster votre potentiel.

177
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Le code Soft Skills décrypté


Un code à plusieurs tiroirs
Le code Soft Skills que nous allons vous présenter ici est un bagage
vous permettant de déployer sereinement votre singularité dans
un monde professionnel changeant, exigeant, complexe, impré-
visible. Il renforcera considérablement votre potentiel d’adapta-
bilité et transformera de nombreuses situations inconfortables en
solution(s) efficace(s), et ce dans un temps record. Si vous prenez
le temps nécessaire pour vous l’approprier, il vous permettra de
vous démarquer dans le monde du travail tout en évoluant de façon
fluide en son sein. Nous allons ici le décrypter en plusieurs étapes.
Le code Soft Skills se résume en un mot qui en renferme d’autres.
Il est un code à plusieurs tiroirs. En vous rappelant ce code, comme
vous vous rappelez celui de votre carte bleue, vous aurez alors à
votre disposition, à chaque instant, un éventail d’outils précieux et
opérationnels pour atteindre les objectifs cités précédemment.
Le mot qui englobe et représente le code Soft Skills est le mot :
«  INÉDIT  ». Ce mot renferme plusieurs anagrammes en langue
anglaise, et chacun d’entre eux représente une partie du code. Voici
ci-dessous une vue d’ensemble du code Soft Skills et de ces diffé-
rentes parties que nous détaillerons ensuite.

IN EDIT IN DIET DIE TIN

INÉDIT

TIE DIN I END IT NET – ID – I

Le code Soft Skills (par Julien Bouret)

178
Le code Soft Skills

1re partie : la clé centrale du code :


développez une attitude inédite
L’élément central du code est le terme « INÉDIT » qui correspond
au caractère nouveau et non répétitif que chaque individu est en
mesure d’adopter, que ce soit en termes de pensées, d’émotions, de
comportement, de créations et de résultats. En vous entraînant à res-
ter dans une attitude inédite (et non « copiée »), vous activez votre
singularité et vous vous différenciez dans le monde professionnel.
Vous devenez alors l’artiste de votre aventure professionnelle. Cela
peut paraître simple, mais en réalité cela correspond à ce que l’on
pourrait appeler un «  hacking  de notre cerveau  », dans la mesure
où notre cerveau aime imiter, reproduire, copier, et ce depuis notre
plus tendre enfance.
C’est cette envie d’imiter nos parents qui nous a notamment
permis d’apprendre à marcher. Au quotidien, la plupart d’entre
nous adoptons plutôt une attitude de répétition, voire d’imitation,
qu’une attitude inédite. Nous avons nos habitudes et aimons nous
y tenir. Elles nous rassurent et correspondent à ce que l’on nomme
notre zone de confort. Utiliser la première partie centrale du code
Soft Skills correspond à sortir de celle-ci. On pourrait penser que
sortir de sa zone de confort revient à s’en éloigner, à se mettre en
difficulté, et cela implique souvent une peur de l’inconnu. Mais en
réalité, nous allons voir que sortir de sa zone de confort revient à
l’élargir, et donc à augmenter votre degré d’aisance dans de mul-
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tiples contextes.

Précisions sur le terme « inédit »


La notion d’inédit est habituellement plutôt réservée au domaine artis-
tique, littéraire, sportif ou encore audiovisuel. Par définition, quelque chose
d’inédit correspond dans le langage commun à une œuvre qui n’a jamais

...
été éditée, publiée ou projetée1. On peut aussi utiliser le terme par exemple

1 En référence à la définition du Larousse du terme « Inédit ».

179
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

... pour parler d’un auteur qui est inconnu et dont l’apparition nouvelle en
fait un auteur inédit. Nous pensons que vous êtes les artistes et auteurs de
votre vie professionnelle (mais aussi de votre vie personnelle), nous allons
donc utiliser ce terme vous concernant.

Êtes-vous actuellement en mesure de créer de l’inédit  ? Si vous


deviez passer un entretien d’embauche par exemple, quel(s) aspect(s)
inédit(s) pourriez-vous présenter à votre recruteur pour qu’il se sou-
vienne de vous et soit à même de vous différencier par rapport aux
autres postulants ? Qu’est-ce qui fait, dans votre attitude, dans vos
idées, dans vos paroles, dans vos gestes, dans vos envies, que vous
« sortez du lot » ?
Si vous n’avez pas encore la réponse, fixez-vous comme objectif
de toujours avoir à votre disposition une facette inédite à présen-
ter, que ce soit à un recruteur, un manager, un collègue. L’inédit
crée la surprise, et la surprise facilite le fait que l’on se rappel-
lera de vous. Les magiciens savent bien cela, et utilisent ce prin-
cipe comme règle d’or en ne refaisant jamais deux fois de suite
le même tour de magie. C’est par un tour inédit pour le public
qu’il parviendra à surprendre et à marquer les esprits. En deve-
nant quelqu’un d’inédit, vous augmenterez considérablement vos
chances de succès, mais vous marquerez aussi les esprits par votre
singularité.

L’exemple de Björn Borg

Il était inattendu à Wimbledon


Dans son ouvrage Champion dans la tête1, François Ducasse décrypte
la psychologie des champions qui ont marqué l’histoire du sport. Parmi
les secrets qu’il délivre, celui-ci explique que le véritable champion est
celui qui parvient à mettre sa singularité au cœur même de son sport.
« Il faut partir de ses propres qualités pour trouver son propre style. Se
prendre suffisamment au sérieux pour avoir envie de découvrir ce qui
...
1 François Ducasse, Champion dans la tête, Les Éditions de l’Homme, 2006.

180
Le code Soft Skills

... dans sa personnalité est authentique, fort, intéressant et original. »


Il donne notamment l’exemple de Björn Borg qui gagna pour la première
fois Wimbledon à l’âge de 18 ans et à la grande surprise de tous les
pronostiqueurs. Borg n’avait a priori pas le jeu pour gagner Wimbledon,
car il n’avait pas une bonne volée et avait des gestes très amples, qui
n’étaient apparemment pas efficaces car trop lents sur la surface du gazon,
la plus rapide au tennis. Borg a su transformer son « apparente faiblesse »
en force, et utiliser son jeu de défense pour surprendre notamment ses
adversaires par des « passing shot » inattendus. Il gagna cinq fois de suite
Wimbledon grâce à l’adoption d’un jeu inédit et surprenant pour ce type
de surface.

Et vous, comment votre personnalité peut-elle être surprenante ?


C’est à vous de répondre à cette question. Rassurez-vous, le code
Soft Skills vous y aidera.
Pour aller plus loin et de façon pratique, et pour que vous puissiez
expérimenter cette première partie du code que représente l’adop-
tion d’une attitude «  INÉDITe  » au quotidien, nous allons appro-
fondir la Soft Skills de la gestion du stress. Celle-ci représente un
puissant levier et illustre bien par ailleurs l’enjeu d’être inédit.

La gestion du stress
Si vous parvenez à ne plus subir votre propre stress, en étant
capable de le neutraliser à souhait, comme les différentes pratiques
transmises dans cet ouvrage peuvent vous le permettre, il sera beau-
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coup plus facile de déployer un certain nombre d’autres Soft Skills.


Parmi ces Soft Skills, nous pouvons évoquer la communication.
Votre langage non verbal et para verbal dans une bonne commu-
nication est d’une grande importance, car il est facile d’observer de
grandes variations dans ces deux langages entre des états de stress
et des états de sérénité. Votre capacité à adopter un regard posé
dans les yeux de vos interlocuteurs et à avoir une élocution claire,
simple et fluide, sera plus difficile à mobiliser si vous êtes stressé
que si vous êtes totalement serein(e). Et comme vous vous en dou-
tez, une communication fluide est très précieuse pour engager

181
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

d’autres Soft Skills telles que votre capacité à travailler en synergie


avec d’autres, votre gestion du temps, votre capacité à conduire une
réunion, à  transmettre la confiance, ou encore plus simplement,
à convaincre.
Comme nous l’avions approfondi dans notre ouvrage Le Réflexe
Soft Skills, toutes les Soft Skills sont inter-reliées, mais apprendre à
gérer efficacement son stress peut être clairement une priorité inté-
ressante pour acquérir un solide bagage.

Le stress : quelques faits


La plupart des situations de stress émergent par la création de scénarios
mentaux « non-inédits ». Si par exemple vous ressentez du stress en vue
de la semaine suivante parce qu’elle s’annonce chargée, que vous avez
des réunions importantes, et une très grande quantité d’e-mails à gérer,
que se passe-t-il dans votre esprit ? Vous allez estimer, consciemment ou
inconsciemment, la façon dont vous pouvez faire face à cette charge de
travail. Peut-être qu’évaluer les ressources dont vous disposez ou pas, et
en fonction de votre évaluation mentale de la situation, déclenchera ou
non du stress. D’après l’Agence européenne pour la santé et la sécurité
au travail, « un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la
perception qu’une personne a des contraintes que lui impose son envi-
ronnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y
faire face ».
Si vous estimez ne pas pouvoir être à même de faire face aux contraintes
de cette semaine à venir, vous vivrez du stress. Si en revanche, vous
pensez que les ressources dont vous disposez peuvent permettre de faire
face à vos contraintes du moment, il n’y a alors pas de déséquilibre, et le
stress n’a pas de raison d’apparaître.
La reproduction de scénarios « non-inédits » repose ici dans la manière
dont vous évaluez votre capacité à « faire face ». Cette évaluation repo-
sera la plupart du temps sur des expériences passées pour lesquelles
vous avez réussi ou échoué dans votre capacité à faire face. C’est à partir
de ces expériences que votre cerveau a forgé son apprentissage. Tous
les souvenirs d’échecs et de réussite, et notamment les sentiments qui
y sont liés, conditionnent la façon dont vous évaluez votre capacité
...
182
Le code Soft Skills

... à  évoluer sereinement au sein des situations futures. L’une des raisons
pour lesquelles les pratiques méditatives peuvent s’avérer très puissantes
dans notre agilité à gommer le stress et à créer de l’inédit, est qu’elles
permettent de s’entraîner à revenir dans l’instant présent, et dans l’ins-
tant présent uniquement. Cet entraînement invite, entre autres, à ne pas
laisser nos souvenirs remonter à la surface lorsque nous sommes face à
un enjeu, et notamment nos souvenirs désagréables.

Lorsque nous parvenons à rester suffisamment présents à nous-


mêmes et à la situation, il nous est plus facile d’activer un élan de
confiance pour aborder la situation sans être parasité par nos peurs
et nos doutes en lien avec nos expériences passées. C’est en cela
que réside tout l’enjeu d’adopter une attitude inédite. Cette atti-
tude sera dépourvue du moindre schéma préconçu, mais aussi de
l’attente de résultats. Le lâcher-prise sur le résultat escompté permet
d’enlever le poids correspondant à la perspective de l’échec, mais
aussi de se concentrer pleinement sur la performance, plutôt que sur
l’issue de la performance. C’est d’ailleurs l’un des secrets des sportifs
de haut niveau pour gommer toute agitation émotionnelle : ils se
concentrent sur la performance présente qu’ils sont en train de créer
(de façon inédite), plutôt que sur l’issue de cette performance.
Ainsi, au lieu d’appréhender cette semaine difficile à venir, vous
pouvez tout simplement vous concentrer encore davantage sur
chaque moment de cette semaine, en étant le plus ancré possible
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dans l’instant présent. Afin de donner plus de force à votre atti-


tude inédite, vous pouvez par exemple approcher une personne
avec qui vous n’avez pas du tout l’habitude de discuter. Ou encore,
découvrir la musique d’un nouvel artiste. L’idée est de sortir de
votre cadre habituel, pour impulser en vous une nouvelle expé-
rience. Étant donné que beaucoup de situations stressantes en lien
avec votre travail correspondent à des scénarios qui ont tendance
à se répéter ou se ressembler, il est important de savoir impulser
de la nouveauté dans votre façon de vivre vos différentes périodes
professionnelles.

183
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Alors, si demain vous étiez amené à vivre une situation de stress,


quelle pensée inédite allez-vous adopter ?

La 2e partie du code Soft Skills : l’amélioration


continue
La 2e partie du code, qui correspond à une première anagramme du
terme «  INÉDIT  » est l’expression anglaise «  IN-EDIT  » que nous
pourrons notamment traduire ici par «  en cours de création  » (le
sens français purement littéral de « in-edit » étant « en cours d’édi-
tion  »). Cette deuxième partie représente l’attitude dynamique de
progression constante que nous vous invitons à adopter. Il s’agit
notamment pour vous de maintenir constamment un ou plusieurs
projets « en cours ». « Challenger » vos propres projets vous permet-
tra en effet de développer vos Soft Skills sur la durée.
Cette partie du code correspond à l’état d’esprit d’amélioration
continue. Toute votre vie vous êtes en « formation continue ». Si vous
gardez cela à l’esprit, quels que soient les résultats et objectifs que
vous souhaitez obtenir, et quels que soient les échecs et difficultés que
vous rencontrerez, vous êtes en train de vous perfectionner. Si nous
devions résumer cette partie du code, nous pourrions dire que vous
êtes toujours dans une phase d’entraînement pour progresser. Ce type
de regard sur le quotidien vous permettra de transformer les difficultés
en « expériences nécessaires » pour renforcer vos compétences.
Pour prendre ici encore le parallèle des sportifs de haut niveau
et des mécanismes qui leur permettent d’atteindre leurs objectifs,
nous citerons cette phrase de François Ducasse : « Le principe de l’en-
traînement est de provoquer des difficultés qui stimulent les aptitudes »1.
Lorsque vous avez un ou plusieurs projets en cours, vous expéri-
mentez vos Soft Skills, et vous vous familiarisez, à chaque étape du
projet, avec celles que vous possédez le plus, ainsi que celles que
vous possédez le moins.

1 François Ducasse, Champion dans la tête, Les Éditions de l’Homme, 2006.

184
Le code Soft Skills

Imaginons un recruteur qui vous demande, dans un entretien de


recrutement, « comment faites-vous pour cultiver vos Soft Skills ? ».
(Nous pensons à ce propos que dans les années à venir, de plus en
plus de recruteurs pourraient poser ce type de question dans leurs
entretiens.)
Être en mesure de parler d’un projet en cours, un projet In-Edit, et
du type d’aptitudes sur lesquelles ce projet vous challenge, telles que
la créativité, la persévérance, la résilience, la gestion du temps, sera
un moyen très concret pour démontrer au recruteur que vos  Soft
Skills sont en cours de progression.

La 3e partie du code Soft Skills : faire face aux flux


d’informations
La 3e partie du code Soft Skills réside dans les termes anglais « IN
DIET  ». Sans vouloir vous parler de régime, le fait pour vous de
savoir être « dans un état d’esprit de diète », qui est notre traduc-
tion très personnelle de « IN DIET », est lié notamment à la notion
d’« infobésité » et d’hyperconnexion. À l’ère de l’hyperconnexion,
la capacité à prendre du recul et parfois de la distance par rapport
au flux permanent d’informations qui gravitent autour de vous
vous permettra de conserver votre lucidité et votre autonomie à
créer de l’inédit. Mais surtout, savoir être « IN DIET » représentera
une précieuse attitude pour renforcer votre capacité de concen-
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

tration, votre gestion des émotions et votre capacité à prendre


du recul, ces Soft Skills étant nettement fragilisées par le surplus
d’informations auxquelles nous sommes exposés chaque jour. Du
point de vue de Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche en
neurosciences cognitives à l’Inserm, «  ce ne sont pas nos contem-
porains qui souffrent de problèmes de concentration, c’est la masse
d’information qui a brutalement explosé »1.

1 Témoignage recueilli dans le magazine Le Point n° 2230 du 4 juin 2015.

185
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

L’état d’esprit « IN DIET » consistera donc, entre autre, à savoir


vivre dans un flux constant d’informations, sans perdre votre capa-
cité à rester concentré sur ce qui est véritablement important pour
vous. Il vous faudra, pour ce faire, savoir «  couper  » grâce à des
moments de silence rien que pour vous.
Pour évaluer à quel point vous êtes « IN DIET », essayez de ne
pas prendre votre téléphone portable lors de votre prochaine sor-
tie, que ce soit pour aller faire des courses par exemple, ou encore
lors d’une petite balade. Est-ce envisageable pour vous ? La ques-
tion pourrait paraître provocatrice, mais beaucoup d’entre nous
sommes devenus dépendants de nos téléphones (ou autres sup-
ports numériques), à tel point que le fait de l’oublier chez soi (ou
ailleurs) peut même devenir une hantise. Savoir laisser ce dernier
de côté de temps en temps n’est pas forcément si simple que cela,
et pourtant, en vous y essayant de temps à autres, vous pourriez
peut-être y prendre goût.

S’accorder des temps de silence


Pour développer votre côté « IN DIET », nous vous recommandons donc
de pratiquer régulièrement, et si possible une fois par jour, des temps
de silence où vous n’êtes pas dérangé. Idéalement seul dans un endroit
calme, nous vous invitons à couper votre téléphone ou à le mettre en
mode avion, et à vous contenter «  d’écouter  » le calme et le silence
de votre esprit, et surtout à vous laisser respirer. Que signifie « se lais-
ser respirer » ? Cela signifie que votre respiration est intelligente et que
vous la laissez «  s’installer  » dans votre corps sans interférer avec elle.
Vous pouvez alors bénéficier d’une recharge d’énergie précieuse et iné-
dite. Comme l’explique Jeanne Siaud-Facchin, psychologue et psycho-
thérapeute, «  une profonde inspiration, puis une profonde expiration
inhibent 90 % de la production de noradrénaline, une des deux princi-
pales hormones du stress »1.

1 Témoignage recueilli dans le magazine Le Point du 4 juin 2015 n° 2230.

186
Le code Soft Skills

L’idée est d’apprendre à créer votre propre bulle de calme, de


concentration et de sérénité. Et l’un des secrets de la création de sa
bulle réside dans votre respiration. Comme le prônait il y a envi-
ron 2 000 ans Patanjali, que l’on nomme comme le précurseur du
Yoga, la respiration est un baromètre de notre état mental. Lorsque
notre mental est agité ou embrouillé, nous ne respirons pas de façon
fluide et naturelle, mais plutôt de façon saccadée et parfois avec une
certaine tension. En revanche, si nous nous contentons d’être juste
présent à notre respiration, comme si nous étions les simples specta-
teurs du va et vient « intelligent » de cette respiration qui s’installe
de plus en plus profondément dans tout notre corps, un apaisement
naturel de notre mental peut s’opérer.

FICHE PRATIQUE
APPRENDRE À CRÉER SA BULLE1
Pour débuter, nous vous recommandons de vous installer seul(e)
dans un endroit calme où vous ne serez pas dérangé(e). Vous pour-
rez bien sûr ensuite pratiquer où vous voulez.
De la même manière qu’une bulle de savon ne peut pas se former s’il
n’y a pas de l’air à l’intérieur, à vous de laisser votre bulle personnelle
se créer naturellement en la laissant « se remplir » d’air grâce à une
observation impartiale et en silence de votre respiration. Laissez votre
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

bulle se créer sans interférer mentalement avec cette création. Soyez


juste témoin de son «  remplissage d’air  ». Si toutefois les pensées
du quotidien reviennent au galop pendant ce moment de calme,
considérez-les comme de simples poussières ou nuages qui gravitent
autour de vous, laissez-les naviguer dans votre esprit telles qu’elles
sont, sans leur donner suite, et revenez sans effort à l’observation de
votre bulle intérieure qui se remplit petit à petit. Ne cherchez pas
à ne penser à rien, car vos pensées font partie de votre vie. Si vous
...
1 Pratique créée et proposée par Julien Bouret : voir La Méthode Présent présentée dans
Le Réflexe Soft Skills (Dunod) pour aller plus loin.

187
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

... tentez de vous en débarrasser, vous ne ferez que leur donner du


poids, et elles finiront par encombrer votre mental. Acceptez-les et
revenez au pouvoir naturellement apaisant de votre respiration qui
est en train de remplir votre bulle.
Si vous vous sentez suffisamment apaisé, vous pouvez même ima-
giner que cette bulle vous englobe, et qu’au sein de celle-ci, rien ni
personne n’a le pouvoir de vous perturber. Profitez de l’instant.

La 4e partie du code Soft Skills : penser hors du cadre


L’idée de la 4e partie du code Soft Skills réside dans une autre ana-
gramme du terme « INEDIT ». Il s’agit de l’expression anglaise « DIE
TIN » que l’on pourrait traduire par « la mort de la boîte » (le terme
« tin » signifiant « petite boîte » en anglais). Le sens que nous don-
nons à cette expression est le fait de pouvoir « sortir de la boîte »,
d’être «  out of the box  » comme le diraient les Anglo-Saxons. Dit
autrement, cette partie du code concerne votre capacité à sortir des
sentiers battus, mais aussi peut-être, cela dépendra de vous, à être un
travailleur indépendant des « boîtes ». L’enjeu principal ici sera de
veiller à ne pas créer de relation de dépendance par rapport à une ou
plusieurs entreprises. Ce ne sera plus alors vous qui aurez besoin de
l’entreprise, mais bien l’entreprise qui aura besoin de vous.
L’esprit «  Die Tin  » consiste donc à éviter d’enfermer sa pen-
sée dans un cadre, en apprenant à abolir celui-ci pour trouver des
solutions inédites et adaptées aux problèmes complexes. Pour faire
référence à la fameuse phrase d’Albert Einstein «  On ne peut pas
résoudre un problème à partir du même système de pensée qui l’a engen-
dré », l’enjeu sera ici de remettre les compteurs à zéro sur la façon
dont vous pourriez a priori résoudre un problème ou encore générer
des idées.
À la question : « comment adopter la dynamique “Die Tin” ? »,
nous vous présentons la technique du Point Zéro1.

1 Technique créée et proposée par Julien Bouret.

188
Le code Soft Skills

FICHE PRATIQUE
LA TECHNIQUE DU POINT ZÉRO
La technique du Point Zéro permet de stopper le bavardage mental
qui parasite la concentration, mais aussi et surtout de générer une
attitude inédite. Elle consiste à viser régulièrement un point de votre
environnement immédiat en visualisant un petit zéro à la place de
ce point. Si vous travaillez sur un ordinateur avec une webcam inté-
grée, vous pouvez par exemple viser régulièrement la lentille de votre
webcam en pensant à un zéro. Symboliquement, le chiffre zéro vous
invite à repartir de zéro dans le fil de vos pensées. Il signifie que vous
pouvez recréer un nouveau fil de pensées, qui concerne bien entendu
la tâche que vous voulez réaliser, ou une autre chose d’ailleurs. Vous
pouvez trouver un autre point de votre environnement immédiat que
vous pourrez viser en pensant au zéro. Le point zéro peut d’ailleurs
être imaginaire et présent uniquement dans votre esprit. Le principal
est d’avoir le réflexe de remettre le plus souvent possible votre mental
au point zéro, en créant la pensée « zéro ». Une fois encore, il ne s’agit
pas de penser à rien, mais de penser au « zéro ». Ceci rejoint parfai-
tement la notion de bulle évoquée dans le « IN-DIET », puisqu’il peut
avoir la forme d’une bulle. Le fait d’avoir le regard porté sur ce « zéro »
ou sur cette « bulle » imaginaire va orienter votre attention vers une
nouvelle intention vierge de toute pensée parasite.
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La 5e partie du code Soft Skills : garder le calme


L’esprit de la 5e partie du code correspond à une autre anagramme en
langue anglaise de « INEDIT », il s’agit de l’expression « TIE DIN » que
l’on pourrait traduire par « nouer le vacarme ». L’idée de cette partie
du code est de, lorsqu’il y a une agitation ou un conflit entre deux
personnes par exemple, viser en premier lieu à verrouiller toute forme
d’agitation verbale, physique ou même mentale. Pour un manager
par exemple, il s’agira pour résoudre un conflit, de veiller à limiter
tout haussement de voix, en maintenant un ton posé, confiant et

189
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

apaisant. Le vacarme ou « agitation » peut avoir un effet domino sou-


vent incontrôlable, et donner lieu à des colères, rancœurs, tensions
qui ne sont bien sûr pas souhaitées au sein d’une équipe. Un  des
autres enjeux de « TIE DIN » se trouve sur un plan plus personnel et
rejoint d’autres points que nous avons évoqués. Il consiste à mainte-
nir un calme mental en « nouant » tout début d’agitation de la pen-
sée. La plupart du stress vécu en entreprise, qui, nous le rappelons est
un frein à la mobilisation de ses Soft Skills, naît de bavardages de pen-
sées qui peuvent évoluer en spirales incontrôlables. Savoir nouer rapi-
dement ce vacarme mental est une compétence précieuse qui peut
s’acquérir par des réflexes simples. L’un d’entre eux consiste à porter
pendant quelques minutes son attention sans effort sur le simple va
et vient de sa respiration.
Pour aller plus loin, nous allons vous présenter ici une autre pratique
qui permet de « nouer le vacarme » et que l’on peut appliquer aussi
bien sur le plan personnel que sur le plan interpersonnel. Que vous
soyez témoin d’agitations et peut-être même de tensions entre plu-
sieurs personnes, ou témoin de votre propre agitation intérieure, nous
vous invitons à pratiquer ce que nous pourrions appeler un «  arrêt
intérieur »1. Pour citer une nouvelle fois Patanjali, « Le Yoga est l’ar-
rêt de l’activité automatique du mental  ». Lorsque nous observons par
exemple deux personnes en train d’entretenir un échange tendu, un
réflexe naturel pourrait être de prendre parti pour l’une des deux, ne
serait-ce que intérieurement. En référence aux neurones miroirs (dont
nous exposons le principe dans le chapitre  7 dédié à l’intelligence
émotionnelle), notre tendance à reproduire (ou à vouloir reproduire)
ce que l’on observe de façon mimétique, peut nous inviter à nous
positionner comme si nous étions l’une des deux personnes obser-
vées. Sans prendre de recul, notre cerveau aura tendance à vouloir se
faire lui-même un point de vue sur le sujet à l’origine de la tension.
C’est ce que l’on appellerait communément une réaction. Mais dans

1 En référence aux pratiques ancestrales du Yoga, Julien Bouret nomme cela le «  Yoga de
l’arrêt ».

190
Le code Soft Skills

le but de « nouer le vacarme », ou dit autrement, de calmer le jeu, il


peut être intéressant, plutôt que de réagir, de s’arrêter un court instant
pour « prendre de la hauteur ».

FICHE PRATIQUE
LE YOGA DE L’ARRÊT1
Lorsque vous ressentez le besoin de nouer le vacarme, «  arrêtez-vous
mentalement » dans l’instant présent. Ne réagissez pas. Cessez de donner
suite à votre activité mentale, en vous unissant avec le calme naturel de
votre esprit. Ce calme est en réalité déjà présent en vous, il existe déjà en
profondeur. La surface de votre esprit peut être agitée, mais en profondeur
celui-ci est calme. Vous pouvez d’ailleurs goûter ce calme déjà présent un
court instant le matin, juste après la sonnerie de votre réveil, et juste avant
de vous lancer mentalement dans la journée qui arrive. Il correspond à
l’« intersection » qui existe entre vos différentes agitations, qu’elles soient
mentales et/ou physiques. Cela peut paraître difficile à concevoir, mais en
réalité, vous êtes déjà dans un état de calme intérieur, sauf lorsque vous
l’oubliez. Pour contacter immédiatement ce calme, nous vous recomman-
dons de vous concentrer sans effort sur l’espace qui sépare l’inspiration
de l’expiration. Nous allons ici observer plus précisément la respiration,
en orientant particulièrement notre attention sur les « petits espaces » qui
séparent nos divers mouvements respiratoires. Patanjali disait que « ce qui
nous tourmente, c’est tout ce qui nous encombre, ce qui étouffe en nous la
joie qui naît de l’adhésion au moment présent ». Il s’agit d’adhérer à l’instant
présent et à l’accueillir, sans vous arrêter de respirer bien entendu, mais
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

en marquant une forme d’arrêt intérieur lorsque vous avez fini d’inspirer,
ou bien lorsque vous avez terminé d’expirer l’air présent dans vos pou-
mons. Sans réagir mentalement à ce qui survient dans cet instant présent,
comme si vous arrêtiez le temps, vous développerez et activerez plus faci-
lement votre intuition sur l’attitude la mieux adaptée à la situation du
moment. C’est cette attitude, cet arrêt qui pourra être approfondi encore
et encore, qui permet de nouer l’éventuel « bruit » mental qui naît de la
réaction dont nous parlions précédemment.

1 Pratique proposée et nommée par Julien Bouret en référence aux pratiques ancestrales
du Yoga cachemirien.

191
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

En résumé, gardez à l’esprit le plus souvent possible que les


tensions ne sont pas présentes dans votre état naturel. L’espace
qui sépare l’inspiration de l’expiration vous le rappelle. Sans vous
arrêter de respirer, ces temps d’arrêt, pratiqués régulièrement,
vous permettront de retrouver un calme déjà présent. Unissez-
vous mentalement au calme naturel qui peut exister entre deux
pensées, entre deux sensations, entre deux gestes ou actions,
entre deux intentions. C’est cet espace qui peut vous permettre
d’adopter la posture adéquate pour soi, trouver les mots justes et
l’attitude qui vont permettre de calmer votre propre « vacarme »
intérieur.

La 6e partie du code Soft Skills : l’intention


La 6e  partie du code, toujours issue d’une anagramme de «  INÉ-
DIT » correspond à la phrase anglaise « I END IT » qui signifie en
français  : «  Je termine cela  ». Cette partie du code correspond à
aller jusqu’au bout de vos intentions, notamment dans la réparti-
tion de vos tâches quotidiennes. Savoir faire preuve de ténacité et
de confiance en vous pour mener à bien vos projets en respectant
l’agencement des différentes actions prévues, correspond à cette
partie du code.
L’objectif principal de cette partie du code est surtout d’éviter la
tentation du multitasking dont nous avons parlé dans le chapitre
sur l’infobésité et l’hyperconnexion. Avant de vouloir changer de
tâche, assurez-vous, non pas d’avoir obligatoirement terminé votre
tâche du moment, mais d’avoir été fidèle à l’intention qui était la
vôtre dans une plage horaire dédiée.
« I END IT » vous rappelle de ne pas superposer vos intentions,
de véritablement organiser vos journées en segment d’intentions,
et d’aller jusqu’au bout de votre intention pendant le temps que
vous lui avez imparti. Par exemple, si de 10 h 30 à 11 heures, vous
avez prévu de gérer vos e-mails, alors ne répondez pas au télé-
phone si celui-ci sonne. Terminez votre intention du moment.

192
Le code Soft Skills

Votre cerveau vous en remerciera, et vous gagnerez du temps


puisque vous n’aurez pas à imposer un «  jonglage imprévu  » à
votre capacité d’attention. Si par ailleurs, alors que vous êtes plei-
nement immergé dans la préparation d’une réunion, l’un de vos
collègues vient vous solliciter pour une petite aide, expliquez-lui
en toute bienveillance que vous reviendrez vers lui dès que vous
aurez terminé ce que vous êtes en train de faire. Rappelez-vous
que le fait de céder à la tentation du multitasking équivaut à une
perte certaine de temps, mais aussi de productivité et de concen-
tration. Vous terminerez vos journées beaucoup plus fatigué en
ayant fait du multitasking. En effet, votre sommeil risque d’être
plus agité, et au final vous serez moins productifs (car moins
reposé) le lendemain. En résumé, si faire du multitasking peut en
apparence solutionner les problématiques de court terme, cette
attitude sera clairement désavantageuse sur de nombreux plans
sur le long terme.
« I END IT » représente aussi l’idée d’aller jusqu’au bout de ses
envies, de croire en ses rêves et de ne pas les enfouir dans votre
mémoire. Un obstacle se met en travers de votre route lors d’un pro-
jet ? Ne paniquez pas, ils sont toujours riches d’enseignement pour
consolider, nuancer ou ajuster la tournure de votre projet. Vous
aviez un rêve mais vous vous apercevez que celui-ci peut s’avérer
difficile à réaliser ? Ne le mettez pas à la poubelle, gardez-le dans un
coin de votre tête, inscrivez-le sur un carnet, le temps et les oppor-
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

tunités de la vie vous permettront certainement d’y resonger sérieu-


sement lorsque le moment sera venu.
Si vous échouez sur une étape du chemin qui vous mènera à votre
objectif, dites-vous bien que l’échec n’est qu’une expérience qui ne
fera que consolider votre apprentissage.

193
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

Thomas Edison
Dans son ouvrage Les Vertus de l’échec, Charles Pépin nous expose
l’anecdote suivante à propos de Thomas Edison : « Thomas Edison a échoué
tant de fois avant d’inventer l’ampoule électrique qu’un de ses collaborateurs
lui a demandé comment il pouvait supporter autant d’échecs, “des milliers
d’échecs” ». « Je n’ai pas échoué des milliers de fois, j’ai réussi des milliers de
tentatives qui n’ont pas fonctionné », a répondu l’inventeur. Thomas Edison
savait qu’un scientifique n’apprend qu’en se trompant, chaque erreur rectifiée
est un pas de plus vers la vérité. »1
Lorsque l’on cultive ses Soft Skills au quotidien, l’échec devient un
état d’esprit qui peut être remplacé par un autre état d’esprit, celui de
considérer chaque expérience de vie, comme terreau d’amélioration
continue.

La 7e partie du code Soft Skills : l’identité numérique


La 7e et dernière partie du code Soft Skills, toujours issue d’une ana-
gramme de « INEDIT » comporte trois notions : NET, I et ID.
Le terme « NET », signifiant « réseau », correspond tout simple-
ment à Internet.
Le terme « I » qui signifie « Je », correspondra à vous, votre per-
sonne. Le terme ID qui traduit l’expression française « carte d’iden-
tité » correspondra à votre identité. Les trois termes regroupés « NET
– I – ID » représentent « votre identité au sein du réseau Internet ».
Lorsque nous parlons du réseau « Internet », le « NET-I-ID » cor-
respond à la façon dont vous faites évoluer votre identité person-
nelle et professionnelle sur Internet. Il peut être assimilé à ce que
l’on nomme votre e-réputation, ou autrement dit, votre marque
personnelle en ligne. Il correspond à l’ensemble des informations
que l’on peut trouver vous concernant, et qui permettent d’une cer-
taine façon de vous définir. Nous pouvons aussi nommer cela votre
identité numérique. À l’ère des multiples transformations du monde
du travail, avoir une véritable identité numérique est une clé de visi-
bilité professionnelle.

1 Charles Pépin, Les Vertus de l’échec, Allary Éditions, 2016.

194
Le code Soft Skills

LinkedIn
Sans intention particulière de notre part de faire de la publicité pour
le célèbre réseau social professionnel LinkedIn, mais pour prendre un
exemple d’aujourd’hui, ne pas avoir de profil LinkedIn équivaut tout
simplement à diminuer considérablement ses chances d’être employable.
Pourquoi ? Tout d’abord parce que c’est un réseau professionnel où
sont présents de nombreux recruteurs, mais aussi parce qu’au-delà de
l’utilisation du réseau en lui-même, LinkedIn est très bien référencé sur
les moteurs de recherche. Aussi, lorsque l’on cherchera votre nom sur un
moteur de recherche, on tombera facilement sur votre profil LinkedIn, et il
sera donc beaucoup plus facile d’obtenir des informations mises à jour et
structurées vous concernant.

Surfer sur la transformation du monde du travail consiste aussi


à utiliser les outils de cette transformation. Les réseaux sociaux per-
mettent de communiquer et de «  se communiquer  » d’une façon
nouvelle et inédite. Nous en revenons à la notion d’inédit. À vous
de modeler ce « vous numérique » comme vous l’entendez. L’enjeu
sera bien entendu pour vous de veiller sur ces informations, pour
maîtriser votre identité sur Internet, mais surtout, et si vous en com-
prenez les enjeux, à actualiser et enrichir ces informations.

L’essentiel
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

 Chaque partie du code Soft Skills, représentée


par les diverses anagrammes de « INEDIT » présente
une des facettes de votre capacité à déployer votre
singularité dans votre vie professionnelle. À l’aide
des différentes parties du code, tentez de trouver au moins
une attitude, une action, un projet, un réflexe ou un
autre aspect personnel ou professionnel vous concernant
qui s’inscrit dans chacune de ces parties.

195
4 DÉVELOPPER SES SOFT SKILLS AU QUOTIDIEN

 Peut-être aurez-vous compris que le plus important


n’est pas de respecter ce code en particulier. Peut-être
aurez-vous compris que l’application de ce code ne serait
pas une attitude inédite, car d’autres lecteurs de cet
ouvrage pourraient l’appliquer. À vous donc, si vous le
souhaitez, de créer votre propre code Soft Skills, celui qui
vous correspond, celui qui vous permettra de déployer
votre propre singularité, celui peut-être que vous et vous
seul(e) connaîtrez.

196
Partie 5

Reprogrammez
votre métier
en 4 étapes

« Commencez par changer en vous ce que


vous voulez changer autour de vous. »
Gandhi
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

L
a vague du changement dans le monde de l’entreprise et de
l’emploi est bien là. Et généralement, une vague ne vient pas
seule, au plus grand plaisir des surfeurs !

Deux options s’offrent à nous face à ces vagues :


– Attendre et rester passif, ayant ainsi pour conséquence de les
prendre de plein fouet.
–  Être proactif et surfer, avec comme résultat d’avancer en
harmonie avec elles.

Nous n’avons pas le pouvoir d’arrêter ces vagues, en revanche


nous avons le pouvoir de choisir notre attitude et les actions pour
nous y adapter.

C’est en ce sens que les Soft Skills apportent une valeur ajoutée
immense : elles sont les ressources vous permettant de surfer sur
ces changements.

Dans cette partie, vous découvrirez quatre étapes opérationnelles


pour relever les défis de votre métier grâce à vos Soft Skills.

198
Chapitre 15

Les Soft Skills et votre


avenir professionnel

Executive summary

 Chaque personne possède un capital Soft Skills qu’elle a


développé au fil de temps. Souvent inconscientes, ces Soft
Skills permettent de faire la différence.
 Si vous souhaitez aller encore plus loin, il est important
de réfléchir plus consciemment aux compétences que
vous avez pu capitaliser tout au long de votre carrière pour
pouvoir les activer plus rapidement et efficacement.
 Pour passer au niveau supérieur, il vous sera également
utile de mieux connaître vos axes d’amélioration pour
développer les Soft Skills qui vous font encore défaut et qui
pourtant vous permettront d’exceller dans votre métier.

199
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Votre niveau d’expérience et vos Soft


Skills
« Connaissez-vous la différence entre l’éducation et l’expérience ?
L’éducation, c’est quand vous lisez tous les alinéas d’un contrat.
L’expérience, c’est ce qui vous arrive quand vous ne le faites pas. »
Pete Seeger

Une personne qui n’aura pas mis en application ou expérimenté une


connaissance n’aura pas le même niveau de maîtrise qu’une per-
sonne qui a implémenté le savoir acquis. C’est en ce sens que nous
parlons d’expérience  : c’est la maîtrise d’une compétence ou d’un
savoir par la pratique.
Chaque action est source d’apprentissage et de développement de
compétences. Réaliser une présentation en réunion est une expé-
rience de prise de parole en public. Partager sa passion à un ami est
une expérience de communication orale. Trouver une solution à une
situation stressante est une expérience de gestion des émotions et de
résolution de problème. C’est en ce sens que les Soft Skills ont un
lien intrinsèque avec les expériences : chaque action permet de les
mobiliser et de les développer.
Les Soft Skills composent donc votre capital d’expériences et de
compétences comportementales. Vous pouvez les valoriser grâce à
vos expériences passées et actuelles.
Vous pouvez aussi développer naturellement vos Soft Skills par
des défis réguliers. C’est ce que fait l’entrepreneur Thomas Jeanneau
qui partage avec nous son témoignage en la manière.

« Peu de choses sont impossibles à qui est assidu et compétent…


Les grandes œuvres jaillissent non de la force mais de la persévérance. »
Samuel Johnson

200
Les Soft Skills et votre avenir professionnel

Avis d’expert
THOMAS JEANNEAU, fondateur de empathie.io

COMMENT DÉVELOPPER SES SOFT Alors, comment développer mes


SKILLS DANS SON QUOTIDIEN ? Soft Skills par le biais d’expériences
« Je dirais que les Soft Skills sont des concrètes ?
compétences humaines transversales Pour moi, c’est un processus naturel :
et “non-automatisables”, quand je me fixe un objectif, je
contrairement aux Hard Skills, qui réfléchis à comment je peux y arriver.
reposent sur des actions concrètes, Je me rends alors rapidement compte
délégables, dont les besoins que les Hard Skills ne suffisent pas.
changent rapidement à notre Quand je prends du recul sur ma
époque. manière de travailler, je me rends
C’est ainsi que l’intelligence compte que les Soft Skills sont
émotionnelle, relationnelle et à la base de la prise de décision,
l’intuition, par exemple, permettent canalisant ainsi l’action.
aux personnes de s’adapter dans un Elles font partie intégrante de ce
monde où des métiers apparaissent processus, et sont donc indissociables
et d’autres disparaissent. Ces des expériences professionnelles
nouveaux métiers accordent vécues.
par ailleurs plus d’importance à Je me crée des situations dans
l’humain et à sa personnalité, ce qui lesquelles mes Soft Skills peuvent
commence à être de plus en plus s’exprimer naturellement, leur
demandé dans certains entretiens développement devient alors une
d’embauche. conséquence de mes expériences. »
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

Les propos de cet entretien ont été


recueillis par Jérôme Hoarau.

201
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

EXERCICE 1
Vos expériences Soft Skills

Cet exercice1 est composé de trois phases :


A. Capitaliser sur les expériences vécues.
B. Identifier les Soft Skills de prédilection et celles à muscler.
C. Construire un programme d’entraînement.

A. Capitaliser sur les expériences vécues


Pour cette première phase, remplissez un tableau pour faire un état des
lieux des Soft Skills que vous avez pu développer jusqu’à maintenant.
• Listez les différentes activités significatives qui vous ont aidé à forger
votre caractère ou vos différentes compétences comportementales dans
la colonne « expériences ».
• Attribuez ensuite à chacune de ces expériences les Soft Skills qui vous
ont aidé à relever le défi auquel vous avez fait face, dans la colonne
« capitalisées ».
• Listez enfin, pour chacune des situations, les Soft Skills qui vous
auraient aidé mais que vous n’avez pas pu mobiliser à ce moment-là,
dans la colonne « à développer ».
Voici un exemple de tableau rempli (de manière non-exhaustive) :
Expériences Capitalisées À développer
Animation Créativité, motivation, Gestion du stress
d’une conférence adaptabilité
Organisation d’un congrès Organisation, empathie Prise de décision

Maintenant à vous ! Dessinez ce tableau sur une page A4 et remplissez-le !


Expériences Capitalisées À développer

1 Proposé par Jérôme Hoarau.

202
Les Soft Skills et votre avenir professionnel

B. Identifier les Soft Skills de prédilection et celles à muscler.


Grâce à la colonne « Capitalisées », vous avez pu identifier vos forces, vos
Soft Skills de prédilection, celles que vous pouvez activer plus facilement
et rapidement en situation difficile.
Vous pouvez les regrouper et les classer par importance. Une Soft Skill
qui apparaîtra à quatre reprises dans cette colonne aura plus d’impor-
tance qu’une Soft Skill qui n’y apparaîtra que deux fois.
Une fois le classement fait, retenez-en le Top 3.
Procédez maintenant de la même manière pour vos Soft Skills « à déve-
lopper », celles qui vous auraient été utiles et que vous n’avez pas pu
activer à l’époque.
Identifiez votre Top 3. Ce seront votre priorité dans votre programme
d’entraînement !

C. Construire un programme d’entraînement.


Pour chacune des Soft Skills de vos deux Top 3, choisissez une activité
spécifique à réaliser avec régularité et dans la durée, pour la faire évoluer.
Par exemple, afin de développer votre niveau d’organisation, vous pou-
vez vous entraîner tous les trois jours à remettre de l’ordre dans vos
prises de notes pendant 60 jours. Si vous souhaitez mieux gérer votre
stress, vous pouvez pratiquer quotidiennement des exercices de relaxa-
tion pendant 90 jours.
Vous comprenez le principe : il s’agit d’activer régulièrement une Soft
Skill pendant une durée minimum de 30 jours pour la développer.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

Cet exercice reposant sur trois étapes vous a permis de mieux identifier
vos forces, de prendre conscience de vos axes d’amélioration et de les
développer de manière durable, et tout cela à travers des activités et des
expériences précises !

203
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Votre CV et vos Soft Skills


Les Soft Skills font partie des compétences incontournables à mettre
en avant sur son profil professionnel. Mais comment s’y prendre ?
Est-ce dans le CV ? Dans la lettre de motivation ?
Voici le point de vue d’une entrepreneure qui a intégré la gestion
des Soft Skills dans l’ADN de son entreprise.

Avis d’experte
FRÉDÉRIQUE MONTRÉSOR,
fondatrice de l’agence Bleu Ebène.
COMMENT SÉLECTIONNEZ-VOUS UN beaucoup de temps, même s’il
CV GRÂCE AUX SOFT SKILLS ? n’est pas dans le management de
« Je ne demande pas le CV pour un son entreprise. Et cela n’apparaît
recrutement car je trouve que cela pas dans le CV ! Alors que c’est une
n’est pas utile. Je dois savoir si la capacité très importante de son
personne peut s’intégrer à l’équipe. profil.
A-t-elle les mêmes valeurs ? Ou des Et quand ils sont en groupe, les
capacités qui sont en dehors du CV candidats interviennent mais pas
(car pas toujours conscientes) ? forcément sur leurs métiers. Par
Pour moi, ce qui est le plus exemple, un développeur qui
important sont ces compétences fait de la trésorerie (alors que ce
hors CV, les Soft Skills. » n’est pas noté sur le CV). Cela
COMMENT LES IDENTIFIER débloque beaucoup de situations
CHEZ LES PERSONNES ? en faisant émerger des initiatives
« En faisant parler les personnes improbables.
de leurs expériences. Elles peuvent Chez Bleu Ebène, chaque
donner un contexte concret, autour freelance dédie quatre heures de
des moments difficiles notamment. son temps par mois à des actions
Par exemple, un chef marketing valorisant le collectif, à travers
pourrait expliquer qu’il avait une des appels d’offres internes où
idée, qu’il a hésité mais au final chacun peut se positionner sur
son idée a permis de faire gagner une mission pendant un an, quels

...
204
Les Soft Skills et votre avenir professionnel

... que soient son métier et ses Hard (via le langage non verbal).
Skills. Par exemple, savoir qu’est-ce qui
Les Soft Skills nous permettent leur plaît ou pas, pour renforcer
donc de faire ce que l’on veut l’équipe, pour renforcer les liens
vraiment, faire ce que l’on aime entre eux. Ils n’ont jamais eu
(avec l’indicateur plaisir). » l’occasion de travailler comme
ça auparavant. Travailler dans le
COMMENT IDENTIFIEZ-VOUS
plaisir rend plus performant et
LES SOFT SKILLS QU’IL FAUT
POUR UNE MISSION OU UN POSTE ? augmente le niveau de bien-être
collectif. »
« C’est au feeling, je connais
chaque personne individuellement QUEL EST L’AVENIR DES SOFT SKILLS
SELON VOUS ?
pour mieux leur affecter les
missions. Je vois déjà, dès « Selon moi, une nouvelle forme
l’entretien avec le client, l’équipe de management émerge avec une
se former au fur et à mesure dimension “Soft Skills” plus grande.
que je comprends la mission. Ce style de management rendrait
Ce sont les Soft Skills qui sont les managers plus conscients qu’il
prépondérantes, que ce soit n’y a pas besoin de “diriger” une
pour une mission ou même pour équipe, pas besoin de pression, pas

... manager mon équipe. » besoin de chef, et qu’il suffit juste


de donner l’impulsion pour que
COMMENT UTILISEZ-VOUS la personne travaille dans le bon
VOS SOFT SKILLS EN TANT QUE
sens. Grâce aux Soft Skills, ils sont
MANAGEUSE/ENTREPRENEURE ?
plus autonomes et n’ont pas besoin
« Je me fie beaucoup à mon du bâton et de la carotte, car leurs
ressenti. collaborateurs trouvent leur pro-
Avant je me basais sur les CV, activité interne.
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

mais je me suis trompée deux fois. Vous créez l’environnement propice


À partir de la troisième, j’ai décidé pour que chacun soit responsable
de suivre mon instinct. en donnant un cap, une vision
Je fais vraiment attention à mes à toute l’équipe (qui fédère)
ressentis et à ceux de mon équipe avec l’envie de s’améliorer. »
Les propos de cet entretien ont été recueillis
par Jérôme Hoarau.

...
205
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Comme vous pouvez le voir dans ce témoignage, la dimension


des Soft Skills dans une carrière peut être une philosophie venant
directement de la direction ou d’un manager. Dans ce cas, vous
aurez une impulsion naturelle à mettre en avant et à déployer vos
Soft Skills.
Néanmoins, il reste pertinent d’être proactif en la matière et de
réussir à capitaliser sur vos soft skills dès maintenant. Voici un exer-
cice1, assez proche de celui proposé dans le point précédent, pour
capitaliser sur vos soft skills dans le cadre de votre métier.
« La vocation, c’est avoir pour métier sa passion. »
Stendhal

1 Créé par Jérôme Hoarau.

206
Les Soft Skills et votre avenir professionnel

EXERCICE 2
Le décodage de vos Soft Skills
dans votre métier

Les Soft Skills de votre métier sont intrinsèquement liées aux tâches que
vous réalisez. En effet, ces compétences sont contextuelles, elles s’expri-
ment à travers des situations et des actions précises.

Voici la démarche que nous vous proposons pour décoder les Soft Skills
nécessaires à votre métier :
– listez les tâches de votre quotidien professionnel ;
– identifiez la Soft Skill prépondérante pour cette tâche ;
– attribuez un niveau de maîtrise de la Soft Skill sur une échelle de 1 à
10 (1 = faible ; 10 = excellent).
Voici un tableau pour faciliter la représentation visuelle des Soft Skills de
votre métier.

Tâches Soft Skill Niveau

Créer un programme pédagogique savoir structurer 9


Négocier une prestation empathie 7
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Résoudre des problèmes gestion des émotions 8,5


Animer une réunion oralité 9
Créer un modèle économique vision 7,5
Réaliser une vidéo créativité 6,5

207
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Vous pouvez même aller plus loin en représentant à travers un graphique


en toile d’araignée vos Soft Skills !

Voici un exemple ci-dessous :

Réaliser une vidéo 10 Créer un programme pédagogique


9
8
7
6
5
4
3
2
1

Créer un modèle Négocier


économique une prestation

Ce graphique et ce tableau peuvent vous servir pour illustrer de manière


visuelle et contextuelle vos Soft Skills. N’hésitez donc pas à mettre ces
deux éléments en annexe de votre candidature lorsque vous postulez à
une place ou que vous souhaitez appuyer votre profil pour une promo-
tion interne.
Vous pouvez également vous appuyer sur le retour de vos collègues
pour choisir le niveau de maîtrise que vous pensez être le plus juste. Pour
ce faire, envoyez tout simplement votre tableau avec les deux premières
colonnes remplies en demandant à vos collègues de remplir la dernière.
Ce retour externe pourrait être un bon indicateur pour vous, afin de voir
comment vous vous percevez par rapport à comment vous perçoivent
les autres.

208
Les Soft Skills et votre avenir professionnel

L’essentiel

 Vous avez déjà beaucoup de Soft Skills en vous, il suffit


d’observer les expériences que vous avez vécues pour en
prendre conscience !
 Capitalisez sur les expériences passées pour valoriser
votre capital Soft Skills.
 Identifiez les Soft Skills de votre métier pour choisir
lesquelles vous allez développer en priorité pour devenir
plus performant.
 Si vous avez un poste de management, intégrez en
amont une vision Soft Skills de votre équipe afin de
partager de manière la plus pertinente possible les tâches et
les missions.
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209
Chapitre 16

Étape 1
Visualiser

Executive summary

 La visualisation correspond à une première étape


essentielle pour reprogrammer votre métier. Elle est un
préalable à l’action.
 Vous découvrirez dans ce chapitre que la visualisation
peut transformer votre quotidien, et que vous l’avez déjà
certainement pratiquée sans le savoir.
 Grâce à un entraînement simple et accessible, nous vous
exposerons une façon de pratiquer la visualisation pour
projeter la prise en main de votre aventure professionnelle
et optimiser votre gestion du temps.

211
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

La visualisation, préalable à l’action


Une pratique avant l’action
Grand secret des sportifs de haut niveau, mais aussi des pilotes
d’avion de chasse, des chefs cuisinier ou encore des parachutistes,
la visualisation est une discipline puissante pour préparer le futur,
mais aussi pour activer des sensations inédites. Très complémen-
taire à la méditation, qui a généralement pour effet d’apaiser le
mental, la visualisation est une projection mentale consciente du
scénario que l’on souhaite vivre. Elle est un préalable puissant pour
effectuer correctement l’action (ou les actions) que l’on souhaite
accomplir.
Il vous est certainement déjà arrivé de saliver uniquement en
imaginant votre plat préféré. Pour le cerveau, imaginer une situa-
tion c’est déjà être en train de la vivre. Lorsque vous imaginez un
plat délicieux, votre cerveau impulse dans votre corps des influx
nerveux qui impactent en temps réel celui-ci. Imaginez sincèrement
et intensivement que vous avez froid et il y des chances que vous
puissiez ressentir un frisson qui traverse votre corps. Selon l’inten-
sité et la précision avec laquelle vous visualisez un scénario qui vous
concerne, les répercussions sur votre corps s’en feront plus ou moins
ressentir.

Un atout pour les sportifs


Selon des études récentes, et notamment celle de Collet et Guillot en
2010, le simple fait de visualiser un mouvement fait gagner presque
autant de force que le fait de l’effectuer réellement. Beaucoup de sportifs
blessés pratiquent d’ailleurs la visualisation pour continuer à se muscler
et à s’entraîner. Jack Nicklaus, golfeur mondialement connu, attribuait
10 % de sa réussite à sa forme physique, 40 % à sa technique et 50 % à la
visualisation de ses coups (trajectoire de la balle, réception, rebond…).

Afin d’être en mesure de reprogrammer votre métier et de le pro-


jeter dans le futur, pratiquer la visualisation peut être une excellente

212
Étape 1 Visualiser

première étape. Pourquoi  ? Car nous pouvons assimiler cette pra-


tique au fait de réaliser un « brouillon du futur ». En effet, mentale-
ment, il vous est possible d’imaginer le futur que vous voudriez vivre
au point de ressentir les sensations que vous procure le scénario que
vous êtes en train de projeter. Et il se trouve que ce sont ces mêmes
sensations que nous allons utiliser pour valider cette première étape
de la reprogrammation de votre métier.
Si par exemple vous ressentez du stress lorsque vous imaginez
votre futur professionnel d’ici un à deux ans, c’est un bon indica-
teur de la nécessité d’ajuster ou de modifier certains paramètres de
ce plan.

Le stress
Vous avez peut-être déjà remarqué que la plupart des situations de
stress sont dues à une forme de visualisation particulière où vous
estimez, souvent inconsciemment, ne pas pouvoir faire face à telle ou
telle situation. L’enjeu de la visualisation dans le cadre de votre futur
métier consiste donc à utiliser cette pratique consciemment au point
de transformer les sensations peu agréables (telles que le stress), en
sensations beaucoup plus agréables. Il vous faudra pour cela vous entraîner
à envisager systématiquement des scénarios positifs quant à l’issue des
situations auxquelles vous faites face et qui peuvent vous déstabiliser.

Au quotidien et dans le rythme professionnel soutenu que vous


pouvez être amené à vivre, il est compliqué de pratiquer des visua-
lisations conscientes de scénarios idéals que l’on aimerait vivre.
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Il faudra donc, au départ, privilégier le fait de vous isoler dans


un endroit calme où vous ne serez pas dérangé pour pratiquer la
visualisation.

213
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

FICHE PRATIQUE
ENTRAÎNER LA VISUALISATION AU QUOTIDIEN
Voici quelques recommandations1 pour pratiquer la visualisation dans
votre quotidien.
• Pour commencer la pratique, asseyez-vous confortablement, avec
la colonne vertébrale bien droite, au cas où vous seriez tenté de vous
endormir. Pour débuter votre séance de visualisation, il est recom-
mandé d’effectuer une petite méditation. Comme nous l’avions exposé
dans Le Réflexe Soft Skills2, la méditation mérite par ailleurs d’être prati-
quée régulièrement, pour justement entraîner cette capacité à calmer
le mental, que l’on peut assimiler à un petit commentateur intérieur.
• Voici une petite méditation simple que vous pouvez d’ailleurs effec-
tuer à d’autres moments de la journée. Confortablement assis, le dos
bien droit, contentez-vous de porter votre attention sur le simple va et
vient de votre respiration pendant quelques minutes. Vous aurez, au
départ, plus de facilité à effectuer l’exercice les yeux fermés. Conten-
tez-vous d’être le simple spectateur des sensations que vous procure le
fait de respirer, comme si vous étiez en train de découvrir votre respi-
ration pour la première fois. Sans chercher à modifier votre respiration,
laissez-la simplement s’installer, sans juger ni tenter d’interpréter ce
que vous êtes en train de vivre. Prenez par exemple conscience de son
rythme, de son bruit (même si celui-ci est subtil), de sa profondeur.
• Si toutefois des pensées qui ne sont pas en rapport avec votre res-
piration vous viennent, ce n’est pas grave, laissez-les venir et repar-
tir sans leur donner suite, et réorientez sans effort votre attention sur
votre souffle. Si ces pensées persistent, ne résistez pas, et considérez
les comme de simples nuages qui vont et qui viennent, et revenez une
nouvelle fois à la sensation du souffle qui parcourt votre corps. Plus
vous prendrez de temps pour effectuer cette première étape médita-
tive (quelques minutes peuvent suffire), plus il vous sera aisé de pour-

...
suivre avec une visualisation.

1 Julien Bouret vous invite à pratiquer régulièrement ce type d’entraînement pour habituer
le cerveau à « vivre » les situations désirées, et ce afin d’être le mieux préparé pour y être
confronté réellement.
2 J. Bouret, J. Hoarau, F. Mauléon, Le Réflexe Soft Skills, Dunod, 2014.

214
Étape 1 Visualiser

... • Il est en effet plus facile d’imaginer les scénarios mentaux souhaités
avec un esprit calme et apaisé. Après votre phase de méditation et les
quelques minutes d’observation impartiale des sensations que vous
procure votre respiration, les yeux fermés, imaginez-vous dans un état
de sérénité et de bien-être imperturbable. Vous pouvez pour vous
aider vous imaginer dans un lieu très agréable que vous connaissez
bien et pour lequel il vous est facile d’y associer un état de bien-être.
Cela peut être au bord d’une plage ou d’une piscine par exemple,
ou encore dans un parc ensoleillé où la température extérieure y est
parfaite. Tentez d’imaginer que tout votre corps est plongé dans cet
état de détente et de lâcher-prise. Cet état, peut-être ne l’avez-vous
jamais connu, mais vous avez tout de même le droit dès à présent de
l’imaginer, au point peut-être de commencer à ressentir les sensations
de ce « nouveau vous ». C’est ce nouveau vous, totalement serein qui
va vous inspirer pour l’évolution de votre métier.
• Dans cet état de calme et de sérénité, si toutefois vous aviez une
baguette magique pour faire évoluer votre métier comme vous l’en-
tendez, à quoi ressemblerait-il ? Quelles seraient ses caractéristiques,
ses évolutions que ce soit par exemple en termes d’environnement,
de méthode de travail, ou encore de type d’interlocuteurs qui vous
entoureraient pour exercer vos fonctions ?
• Laissez libre cours à votre imagination tout en maintenant cet idéal
d’un nouveau vous qui évolue très sereinement dans ce nouvel envi-
ronnement professionnel. Cultivez l’intention de créer un scénario
idéal pour vous, dès à présent. Si des peurs apparaissent pendant cet
exercice, gardez à l’esprit que vous êtes justement en plein exercice, et
que vos peurs n’ont pas le pouvoir de freiner votre créativité et votre
envie d’entreprendre votre aventure professionnelle.
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• Dès que vous commencerez à ressentir les sensations correspon-


dantes à l’état que vous visualisez et que vous désirez vivre, votre
visualisation sera efficace. Cela signifie que votre cerveau et votre
corps sont prêts à vivre la situation. Bien entendu, cela ne veut pas
dire que cela se passera comme vous l’avez imaginé, mais votre cer-
veau va créer de nouveaux chemins neuronaux qui ouvrent à de
nouvelles possibilités.

215
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Utiliser la visualisation pour optimiser son temps


Les passionnés de cuisine le savent bien, prendre le temps de visua-
liser ce que l’on souhaite faire peut permettre de gagner un temps
non négligeable. Que ce soient les ingrédients nécessaires, les usten-
siles utilisés, l’apparence du plat que l’on souhaite obtenir, l’agence-
ment des différentes étapes de la recette, le timing nécessaire pour
la réaliser, tout ce qui peut être imaginé au préalable, peut amélio-
rer nettement l’exécution du plat, et surtout, nous faire gagner un
temps précieux.
Une application concrète et pratique de la visualisation peut
donc être l’amélioration de sa gestion du temps. Lorsque vous ima-
ginez, souvent inconsciemment, qu’il vous faudra au minimum
deux heures pour traiter un dossier particulier, il y a peu de chance
pour que vous mettiez moins de deux heures pour y arriver. Rappe-
lez-vous, la visualisation conditionne notre dynamique et le déroulé
des actions que nous souhaitons accomplir. Aussi, pour optimiser sa
gestion du temps, il peut être très intéressant, en début de semaine
par exemple, d’imaginer l’agencement et le timing des différentes
étapes qui vont constituer votre emploi du temps. Ce petit réflexe
que vous pouvez instaurer chaque semaine vous permettra par ail-
leurs de penser à des tâches que vous auriez peut-être oubliées si
vous n’aviez pas effectué de visualisation préalable.
Pour tester l’efficacité de la visualisation dans la gestion de votre
temps, essayez la chose suivante lorsque vous aurez à organiser une
réunion. Il est courant en entreprise de respecter certaines habi-
tudes de temps de réunion. Souvent elles sont programmées sur une
heure, ou parfois sur trente minutes. Par rapport au timing initia-
lement prévu pour votre réunion, 30 minutes ou 1 heure, annon-
cez en début de réunion que vous souhaitez conserver l’ordre du
jour prévu, mais en diminuant la réunion de 10 minutes (voire d’un
peu plus pour celles qui s’en suivront). Annoncez que vous veillerez
à être maître du temps pour respecter ce timing plus court et ne
pas vous éparpiller par rapport à l’ordre du jour. Cette intention

216
Étape 1 Visualiser

fixée  –  avec bienveillance bien entendu  – vous devriez pouvoir


constater un souci collectif de devoir être efficace pour respecter le
défi de timing lancé par le maître du temps.
Si toutefois vous n’en n’êtes pas l’organisateur, rien ne vous
empêche de proposer en début de réunion de jouer le rôle de maître
du temps, en proposant cet objectif de réduction du temps initiale-
ment prévu.

L’essentiel

 Pour se préparer au futur, mieux vaut prendre le temps


de le visualiser et de s’immerger dans le scénario mental
désiré, comme si vous y étiez. Certains penseront peut-être
qu’ils n’ont aucune idée de ce à quoi pourrait ressembler
leur métier dans les années à venir. Sachez que si vous
n’êtes pas la personne qui imaginera l’évolution de son
propre métier, d’autres s’en chargeront, mais cela ne sera
peut-être pas à votre goût.
 Vous avez les cartes en main et vous n’êtes absolument
pas obligé de subir votre futur, au contraire. En référence,
une nouvelle fois, aux méthodes de réussite pratiquées par
les sportifs de haut niveau, nous vous invitons à projeter
des objectifs professionnels et à avancer pas-à-pas pour
y arriver. Le premier pas correspond à cette visualisation
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

que nous vous invitons à pratiquer le plus régulièrement


possible.

217
Chapitre 17

Étape 2
Simplifier

« Tout est difficile avant d’être simple. »


Thomas Fuller

Executive summary

 Dans un monde où la complexité grandit au rythme des


avancées technologiques, la capacité à simplifier devient
une compétence de plus en plus précieuse.
 Les bénéfices de la simplification sont multiples,
néanmoins certains reviennent régulièrement tels que :
– gain de temps ;
– communication plus fluide ;
– plus d’efficience ;
– plus d’efficacité.
 Le temps est une ressource rare et précieuse, il est
important de bien le gérer. La capacité à simplifier est la
Soft Skill la plus utile dans cette situation.

219
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Les caractéristiques de la simplicité


La simplicité repose sur plusieurs piliers :
– la clarté (ce qui est simple est aisément compréhensible) ;
– l’essentiel (la simplicité fait abstraction du superflu) ;
– la structure (ce qui est simple est organisé et structuré).
A contrario, un système qui est compliqué demande beaucoup
d’énergie pour le comprendre, possède un surplus d’informations et
n’a pas une structure claire.
Voici quelques exemples de systèmes simples et de systèmes
compliqués :
– Uber : c’est simple car clair, structuré et comporte l’essentiel ;
– la comptabilité : c’est compliqué, car pas toujours clair ;
– un site Internet très chargé et mal agencé : c’est compliqué ;
– un site Internet avec une vidéo et un formulaire d’inscription
avec un « appel à l’action » clair : c’est simple ;
– etc.
Les principes de la simplicité se dupliquent dans de nombreux
domaines. Il s’agit également d’un état d’esprit et d’un entraîne-
ment, car simplifier demande de choisir et donc de renoncer à cer-
taines choses.
Afin d’avoir un retour d’expérience sur le sujet, nous avons ren-
contré une entrepreneure qui applique les principes de simplicité
dans son quotidien.

220
Étape 2 Simplifier

Avis d’experte
CINDY THEYS, fondatrice de Nomadity.
L’art d’aller à l’essentiel
et de supprimer le superflu
QU’EST-CE QUE LA SIMPLIFICATION ? 2 – Le Mind Mapping, qui est un outil
« Simplifier, c’est l’art d’aller à pour aller à l’essentiel de manière
l’essentiel. Dans le mot essentiel, visuelle avec un système de mots clés.
nous avons le mot “sens”, impliquant 3 – Le questionnement de tous les
la notion de vision et de valeurs. jours (est-ce que ça m’est utile, par
Simplifier induit donc un alignement exemple à propos des informations
avec ses valeurs et sa vision. Le plus et de l’infobésité).
L’essentiel est de mettre en pratique
important reste là, contrairement au
ce que vous savez et de ne pas
fait d’être simpliste où l’essentiel peut
accumuler ce que vous ne faites pas.
disparaître.
Pour ma part, je fais une sélection de
C’est d’ailleurs ici que réside la
l’information, avec un vrai nettoyage
différence entre ce qui est facile
par exemple :
(c’est-à-dire confortable), et ce
– les newsletters, si je ne les lis pas
qui est simple (c’est-à-dire ce
depuis un certain temps, je me
qui est essentiel, mais peut être
désabonne ;
inconfortable).
– je filtre les informations : je regarde
Aller à l’essentiel, c’est faire des
peu de vidéos, peu de conférences,
choix et donc renoncer à certaines
mais quand j’en choisis une, c’est plus
choses. Voici un exemple : j’ai dû
par l’intuition (au feeling, avec une
supprimer des formations de mon
correspondance avec mes valeurs). »
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

catalogue, ce qui a été difficile car j’ai


eu l’impression de perdre quelque ET COMMENT FAIRE QUAND ON EST
SALARIÉ ?
chose. J’ai dû me poser la question
de mon alignement avec ma vision et « Il existe des solutions pour se
avec mes valeurs pour effectuer cette simplifier la vie professionnelle quand
difficile décision. » on est salarié également. En voici
deux qui me viennent à l’esprit :
COMMENT FAIRE SIMPLE ? – Choisir ce que je retiens d’une
« J’utilise pour ma part trois éléments formation par rapport à un objectif,
pour mon processus de simplification : que ce dernier soit subi ou choisi.
1 – Le travail de connaissance de soi – Utiliser le Mind Mapping peut-être
(à travers la mission et les valeurs) très utile pour les formations et les

...
pour pouvoir faire des choix. réunions.

221
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

... Cet outil est un vrai entraînement La simplification de mon


à simplifier en abandonnant le catalogue de formations m’a
superflu, en donnant la priorité permis d’aller plus en profondeur.
à l’essentiel. La boussole pour Ce qui est simple n’est pas
l’important dans ce cas est l’objectif superficiel, c’est même le
afin de ne pas être submergé. » contraire de superficiel.
SIMPLIFIER EST DEVENU UN RÉFLEXE Il ne faut pas hésiter à entretenir
POUR MOI. du contact avec la nature, même
dans les entreprises. En s’inspirant
« Simplifier est devenu pour moi un
d’elle, vous remarquerez que
choix constant et conscient. Un vrai
la nature ne résiste pas au
entraînement en la matière pour
changement, elle s’adapte au
moi a été le pèlerinage du chemin
rythme des saisons. C’est plus
de Compostelle avec ma maison sur
simple de s’adapter que de résister
mon dos, à savoir mon sac à dos. Je
et de combattre, ce qui n’est pas
me suis rendu compte que cela m’a
forcément le cas au départ car il
donné beaucoup plus de libertés.
y a une vraie sortie de zone de
Si je me sens moins libre alors je
confort, mais l’investissement en
dois simplifier. Et plus c’est simple,
vaut la peine au long terme. »
plus il y a de la liberté, plus il y a de
la place pour de la créativité et pour Les propos de cet entretien ont été
de nouvelles choses. recueillis par Jérôme Hoarau.

« Cette simple chose, choisir un but et s’y tenir, change tout. »


Scott Reed

Simplifier ses projets est l’étape la plus efficace pour simplifier


sa vie professionnelle, car elle permet de facto de réduire les tâches
superflues et donc la charge mentale sous-jacente. Si cela peut sem-
bler accessible pour les travailleurs indépendants et les chefs d’en-
treprise qui ont la possibilité de choisir les projets sur lesquels ils
travaillent, cela n’est pas forcément le cas pour les collaborateurs
d’une entreprise dont la décision appartient souvent à la direction.
Comment savoir simplifier dans ce cas ?
Voici un exercice1 pour simplifier vos tâches.

1 Proposé par Jérôme Hoarau.

222
Étape 2 Simplifier

EXERCICE 3
Simplifier ses tâches

La simplification de son quotidien professionnel passe souvent par la


simplification de ses tâches quotidiennes. Cela repose sur trois piliers :
• Prioriser
• Organiser
• Éliminer

1. Prioriser
Comme l’explique Cindy Theys dans son interview, la simplification
repose en grande partie sur des choix. Ces choix dépendent essentiel-
lement de nos priorités, d’où l’importance de cette première phase,
« prioriser ».
Avez-vous une « To Do List », une liste de tâches à réaliser ? Oui ? Par-
fait ! Recopiez-la dans le tableau suivant dans la première colonne, puis
remplissez les deux autres colonnes de la manière suivante :
– « Importance » pour choisir sur une échelle de 1 à 10 le niveau d’im-
portance de la tâche (1 =  pas important, les conséquences de ne pas
réaliser la tâche sont minimes ; 10 = très important, les conséquences de
ne pas réaliser la tâche sont lourdes).
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

– « Projet » pour identifier le projet auquel la tâche concernée est rat-


tachée.
– « Priorité » pour classer les tâches par priorité.

Tâche Importance Projet Priorité

223
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Voici un exemple d’un tableau rempli (non-exhaustif) :

Tâche Importance Projet Priorité


Envoyer la newsletter du 9 Fidélisation des clients 1
mois
Répondre à la demande 2 Fidélisation des clients 3
du potentiel prestataire
Publier la nouvelle vidéo 7 Site Internet 2

Dans l’exemple ci-dessus, je prends conscience que la fidélisation des


clients est prioritaire à la mise à jour du site Internet. Par conséquent je
vais pouvoir classer ces tâches par priorité en fonction du projet et de
l’importance de la tâche.
Cette priorisation vous permettra de travailler sur une tâche à la fois, de
la plus importante à la moins importante.

2. Organiser
Ce qui est simple est généralement bien organisé. La phase « prioriser »
vous a permis de classer vos tâches par projet et par priorité. Cette pre-
mière phase contribue grandement à cette organisation.
Pour aller plus loin, afin d’augmenter en efficacité, vous pouvez aussi
regrouper des tâches.
Pourquoi ? Pour éviter la dispersion et augmenter votre efficacité.
Par exemple, imaginons que vous aviez prévu d’un côté de faire une
vidéo pour votre communication, et de créer le prochain e-mail pour
votre newsletter d’un autre côté.
Vous aurez deux tâches bien distinctes de part et d’autre. Or, si vous
choisissez de fusionner ces deux tâches en intégrant cette vidéo dans
votre newsletter, vous gagnerez du temps !
Faites donc le point sur quelles tâches peuvent être regroupées entre
elles pour gagner en efficacité. Ces regroupements peuvent se faire à
plusieurs niveaux :
– par thématique (celles qui traitent d’un même thème mais ne sont pas
liées au même objectif) ;
– par objectif (celles ayant un objectif commun même si le thème diffère) ;
– par catégorie (celles qui sont similaires mais n’ont pas les mêmes
objectifs ou les mêmes thèmes).

224
Étape 2 Simplifier

Voici quelques exemples :


– Réaliser une seule session de tournage pour des vidéos sur produits
différents (regroupement par catégorie).
– Réaliser une journée de travail sur un produit en particulier (regroupe-
ment par objectif).
– Contacter une personne pour lui proposer de discuter de deux sujets
connexes (regroupement par thématique).
Organisez vos journées en regroupant vos tâches vous permettra de
gagner en temps et en efficacité.
Cependant, cela ne vous libérera pas nécessairement des tâches super-
flues. En effet, que faire des tâches en bas de la liste des priorités  ?
Doivent-elles être traitées ? De quelle manière ? C’est là qu’intervient la
dernière étape de cette procédure : éliminer.

3. Éliminer
La simplicité consiste à éliminer le superflu. Cela peut se faire de trois
manières :
– en réalisant la tâche concernée ;
– en prenant la décision de ne pas la faire (en la supprimant) ;
– en la déléguant à une autre personne ou à un programme si elle peut
être automatisée.
Les tâches superflues sont celles qui sont au plus bas de votre liste de
priorités, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas rattachées à un projet impor-
tant et que la conséquence de ne pas les faire est minime.
L’objectif de cette étape est assez simple : il consiste à choisir comment
éliminer ces tâches à faible valeur ajoutée. Pour cela, voici une matrice à
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

utiliser pour vous aider dans vos prises de décisions :

Tâche Supprimable ? Délégable ? À faire moi-même ?

Voici comment remplir cette matrice :


• supprimable  : si réaliser la tâche n’apporte pas de valeur ajoutée et
que ne pas la faire ne changera rien à mon quotidien, alors elle est sup-
primable. Si c’est le cas, écrivez oui dans la case correspondante. Qu’elle

225
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

soit délégable ou rapide à faire n’a pas d’importance si elle est suppri-
mable : elle doit être supprimée.
• Délégable  : si la tâche n’est pas supprimable, une question se pose
« est-elle délégable ? ». C’est-à-dire, est-ce qu’une autre personne ou un
outil automatisé pourraient réaliser cette tâche pour moi. Si la réponse
est « oui », écrivez à qui déléguer la tâche concernée.
• À faire moi-même : si la tâche n’est ni supprimable, ni délégable, alors
vous devrez la réaliser vous-même. L’objectif de cette colonne est d’esti-
mer le temps nécessaire pour réaliser la tâche. Vous pourrez ainsi choisir
dans votre agenda le meilleur moment pour le faire.
Voici un exemple de tableau rempli ci-dessous :

À faire
Tâche Supprimable ? Délégable ?
moi-même ?
Organiser mes contacts non Assistant non
professionnels
Répondre à la demande oui non non
du potentiel prestataire
M’inscrire à un événement non non 2 min
de networking

Cette démarche vous donnera de la clarté sur vos priorités et sur com-
ment éliminer le superflu, contribuant ainsi directement à la simplifica-
tion de votre quotidien professionnel.

L’essentiel

 Simplifier permet de gagner du temps et de l’énergie


pour agir avec plus d’efficacité. Ceci passe par la
suppression du superflu pour ne conserver que l’essentiel.
 Simplifier peut se faire en trois étapes : prioriser,
organiser, éliminer.

226
Chapitre 18

Étape 3
Programmer

« Un programme quotidien bien réalisé :


voilà qui rehausse l’estime de soi. »
Anonyme

Executive summary

 Le cerveau peut être programmé pour atteindre


ses objectifs.
 Grâce à la création d’habitudes, nous pouvons
nous programmer des comportements choisis et non plus
subis.
 Il existe des outils et techniques pour simplifier
le processus de programmation des individus.
 La programmation passe également par la création
d’un plan d’actions.

227
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Lors d’un entretien avec Michel Wozniak (voir chapitre  11), nous
avons pu découvrir que le cerveau se programme constamment de
manière inconsciente. En revanche, il existe des pratiques permet-
tant de reprendre le contrôle de ce processus de programmation afin
de se créer des programmes de manière consciente et intentionnelle.
Néanmoins, la programmation ne repose pas uniquement sur
les comportements et la création d’habitudes  : c’est aussi la pro-
grammation des actions, la capacité à créer une feuille de route pour
atteindre un objectif.
Afin de mieux comprendre l’importance de la programmation
pour sa réussite professionnelle, nous avons rencontré un coach
olympique.

Avis d’expert
ERIC ALARD, coach olympique
et fondateur de Activ’Talent.
QU’EST-CE QU’UN PROGRAMME comportement en vue d’être en
DANS LE MILIEU DU SPORT DE HAUT position de s’exprimer au maximum
NIVEAU ?
de ses capacités au jour J.
« Un programme, c’est “toutes les – Des mises à jour (un programme
phases qui permettent d’atteindre doit être actualisé régulièrement,
l’objectif”. Toutes ces étapes il n’est pas figé).
importantes contiennent :
– Des points de repère
– La définition de l’objectif final
(des indicateurs, des jalons et des
afin que chacun sache exactement
bilans intermédiaires).
où aller.
– Toutes les actions spécifiques à – Un langage commun qui permet
réaliser pour atteindre cet objectif. d’éviter les approximations et
– Des phases de répétition et d’apporter de la clarté dans le
d’amélioration pour ancrer un projet global et la programmation.

...
228
Étape 3 Programmer

...
En sport, l’entraînement est la C’est le même principe pour les
création des conditions réelles trajectoires que l’on veut faire
de la situation anticipée, à savoir prendre à notre bobsleigh. Nous
l’objectif final, la compétition. avons une ligne idéale en tête
Nous essayons de tester toutes les à chaque descente. Elle peut
situations possibles à l’entraînement changer entre deux manches
afin que la compétition ne devienne à l’entraînement, car nous
qu’une répétition de ce qui a sommes en phase de test pour
été fait, et donc quelque chose trouver la ligne la plus rapide.
de connu. De manière simpliste, L’important ici est qu’au départ
nous pourrions dire que l’on se nous n’ayons aucun doute, que
programme comme un robot qui tout soit clair dans notre esprit
doit effectuer un protocole en et que nous appliquions à la
particulier, en se programmant lettre le programme établi. Il y
pour une situation par rapport aura forcément des erreurs, des
à des réactions à des stimuli écarts dans notre réalisation.
extérieurs. Mais, comme tout est clair et que
L’entraînement est l’élément nous sommes prêts, nous aurons
clé de la programmation en alors toute l’énergie disponible
sport olympique, car c’est là pour y faire face et s’y adapter
que l’on peut effectuer les tests, car tous les autres points sont
les corrections, les ajustements anticipés et préparés. Nos capacités
et apprendre. Si je prends un d’adaptation sont disponibles pour
exemple en bobsleigh : nous
corriger cet écart car nous savons
pratiquons un sport d’extérieur.
d’où nous venons et où nous allons.
La météo peut ainsi changer d’un
Le but de l’entraînement et de la
jour à l’autre, passant du soleil au
programmation est d’avoir tout
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brouillard ou à la neige. Il convient


testé avant le jour J pour savoir quoi
donc d’être prêt à faire face à ces
faire et réduire, à cet instant, la part
différentes situations, et de se
de créativité. »
poser la question : quelle visière
utiliser selon les conditions météos POURQUOI CELA EST
pour le jour J ? Grâce à cette INDISPENSABLE POUR UNE ÉQUIPE
OLYMPIQUE ?
question, j’anticipe les scénarios,
je potentialise chaque expérience « Contrairement à l’entreprise,
quand elles se présentent afin dont l’objectif peut fluctuer, la date
d’être prêt le jour J. d’une compétition olympique est

...
229
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

...
connue bien longtemps à l’avance. alors nous allons nous éparpiller et
Nous savons exactement quand nous créerons des échappatoires
nous devrons être prêts. pour ne pas faire les choses
Nous fonctionnons généralement importantes, nous nous perdrons
par cycle de quatre ou huit ans, dans le flou, ce qui mène à la
suivant le degré d’expérience des procrastination.
athlètes. L’équipe fait un état des La programmation permet
lieux des forces en présence, un donc d’être efficace (j’arrive au
peu à l’image d’un SWOT. Puis résultat) et efficient (j’optimise
on élabore un rétro-planning en mes ressources). Elle permet de
partant de l’objectif final et en mettre le focus sur l’important, de
pointant les objectifs intermédiaires. gérer son énergie et son temps.
Enfin, on met en place un planning Elle permet aussi d’entretenir
des actions à mener et qui tient la motivation car elle donne la
compte des éléments précédents. sensation d’avancer vers l’objectif et
Si nous ne faisons pas cela, nous de se rapprocher du but.
vivrons les compétitions les unes C’est la même chose pour une
après les autres sans savoir quoi entreprise. Sans un objectif clair et
faire précisément, sans lien entre un plan d’actions efficace et adopté
elles. Cette manière de procéder par tous, on peut se perdre. »
nous permet de canaliser nos efforts COMMENT PROGRAMMER
et de savoir ce qu’il est possible de UNE ÉQUIPE ?
faire, à quel moment et avec quels « Généralement, je passe par
moyens sans se sentir dépassés par quatre étapes avec mes équipes.
l’ampleur de la tâche. Nous nous 1. Le but : définir l’objectif
regardons dans le miroir en nous commun. Je m’assure que tout le
posant la question de savoir ce qui monde trouve son compte pour
est vraiment réalisable. Il ne s’agit qu’il y ait la motivation individuelle.
pas ici de changer son “rêve” initial, Il faut que chacun puisse
mais de le mettre en concordance s’approprier l’objectif.
avec la réalité. Par exemple, gagner les Jeux
Par exemple : construire un staff, olympiques est une motivation
préparer le mental, organiser la collective. Elle peut suffire, mais
prospection pour les sponsors… chacun va également y ajouter
Si nous n’établissons pas de une motivation personnelle en
priorités parmi toutes ces fonction de ses propres buts,
composantes de la performance, envies et valeurs… Cela pourra

...
230
Étape 3 Programmer

...
être de la notoriété, l’envie de En revanche, en cas de succès, on
gagner de l’argent ou d’apprendre peut oublier de faire un bilan de
de nouvelles compétences, les nos actions qui nous y ont amenés.
nouvelles opportunités que cela D’une part, nous travaillons et nous
apportera… Il pourra y avoir autant nous entraînons pour atteindre
de motivations différentes qu’il y nos objectifs. Quand cela arrive,
a de membres dans votre équipe. cela paraît normal. Notre petite
Et ce n’est pas spécifique au sport, voix intérieure, notre Jiminy
c’est identique en entreprise. Cricket nous murmure : « Tu as
2. Les moyens : comme je l’ai travaillé tellement dur pour y
expliqué précédemment, j’organise arriver, c’est normal que tu sois
un brainstorming pour cette phase. récompensé par un bon résultat ».
Ceci implique toute l’équipe dans le Nous faisons également face à un
flot d’émotions, d’hormones à
processus avec les idées pour arriver
l’intérieur de notre corps qui nous
à l’objectif.
procurent du plaisir et peuvent
En olympisme, c’est le rêve
inhiber nos capacités de réflexion…
d’abord, puis la réalisation et afin
surtout quand le succès se répète.
la critique. Mais la réalisation et la
La conséquence est que,
critique ne doivent pas changer le
contrairement aux situations
rêve, juste le programmer.
d’échecs, nous n’analysons pas de
C’est également durant cette
manière détaillée les processus et
phase de brainstorming que je
actions que nous avons réalisés.
prends conscience des motivations
En faisant cela, le premier risque
individuelles de chacun. est que vous n’arriviez pas à
3. La mise en action. Cette étape dupliquer vos schémas de réussite,
découle naturellement des deux en potentialisant sur ce qui a
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premières étapes. fonctionné. Le deuxième risque


4. La gestion des résultats : la clé est plus pernicieux et peut vous
de cette étape consiste à apprendre amener, à force de succès, à vous
de ses erreurs et surtout de ses éloigner inconsciemment de
réussites. Pour ma part, je mets ce chemin qui vous permet de
l’accent sur la gestion de la réussite. performer. En sport, on oublie un
Quand on est en phase d’échec, peu les étirements en fin de séance.
on réagit naturellement car c’est En entreprise, on oubliera l’e-mail
un sentiment qui ne nous est pas de remerciement ou le cadeau du
agréable. nouvel an. Ces petites actions ne

...
231
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

...
sont pas le cœur de notre réussite, pas oublier de l’intellectualiser pour
mais représentent des petits détails en faire une voie à suivre pour le
qui, au final, feront de grandes reproduire.
différences.
Alors, vivre le succès, oui c’est Les propos de cet entretien ont été
important. Mais il ne faut surtout recueillis par Jérôme Hoarau.

Collectif
Echecs
But
Résulta
ts
Individuel
Succès

Programmer Humains
Planifiée
n Moy
Actio ens
Matériels
Suivie

Temporels

Visualiser la programmation

Ce que nous retenons de cet entretien, c’est que la programma-


tion d’une personne a lieu à deux niveaux :
• au niveau du plan d’actions ;
• au niveau des comportements.
Voici quelques astuces1 pour mieux programmer des actions au
quotidien.

1 Proposées par Jérôme Hoarau.

232
Étape 3 Programmer

FICHE PRATIQUE
PROGRAMMER SES TÂCHES DANS SON AGENDA
Ce réflexe est adopté par un nombre croissant d’entrepreneurs.
Il consiste à prendre des rendez-vous avec soi-même dans son agenda
pour réaliser des tâches.
Voici par exemple à quoi pourrait ressembler une journée avec des
tâches programmées dans son agenda :
09 : 00 - 10 : 30 : Rédiger le rapport de mission.
11 : 00 - 12 : 30 : Traiter mes e-mails.
14 : 00 - 15 : 00 : Appeler les prospects à relancer.
15 : 15 - 16 : 30 : Rédiger la newsletter du mois.
L’intérêt de cette pratique est multiple :
– vous vous engagez avec vous-même à réaliser ces tâches ;
– vous avez plus de visibilité et de contrôle sur votre programme du jour ;
– vous vous donnez une échéance, ce qui augmente votre niveau
d’engagement personnel ;
– vous êtes en « mode mono-tâche », ce qui vous met dans un état de
concentration et d’efficacité maximum.

Se programmer à être mono-tâche avec la méthode Pomodoro


Une autre technique populaire dans le monde de l’efficacité profes-
sionnelle est la méthode Pomodoro. Il s’agit d’un rythme de travail
imposé vous permettant d’alterner des périodes de concentration
sur une tâche précise avec des pauses. Dans l’idéal, vous alternez
des périodes de 25  minutes de concentration avec des périodes de
5 minutes de pause. Cependant vous pouvez moduler ce timing pour
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qu’il soit plus adapté à votre manière de fonctionner.


Voici un exemple de programme Pomodoro :
09 : 00 - 09 : 25 : Traiter mes e-mails.
09 : 25 - 09 : 30 : Pause café.
09 : 30 - 09 : 55 : Filmer ma vidéo.
09 : 55 - 10 : 00 : Pause promenade.

Ce rythme est volontairement intense afin d’augmenter l’intensité de
son niveau d’engagement et de concentration dans ses tâches. Il per-
met également de s’assurer des moments de pauses bénéfiques pour
son attention et pour son cerveau.

233
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

« Croyez en vos rêves et ils se réaliseront peut-être.


Croyez en vous, et ils se réaliseront sûrement. »
Martin Luther King

Voici maintenant une astuce pour programmer de nouveaux


comportements.

FICHE PRATIQUE
CRÉER DES HABITUDES
Les habitudes sont créées grâce à la plasticité cérébrale  : le cerveau
crée des raccourcis neuronaux pour réduire l’énergie nécessaire pour
effectuer une action.
Par exemple, lorsque vous venez de prendre un poste dans une nou-
velle entreprise, vous avez besoin de beaucoup d’énergie intellectuelle
pour réaliser des tâches nouvelles de votre quotidien. Cependant,
après plusieurs dizaines d’heures de pratique, ces tâches deviennent
plus simples à réaliser. Le cerveau a compris que ces tâches doivent
être gérées régulièrement : il doit donc se programmer pour pouvoir
les effectuer de la manière la plus efficiente possible. C’est ainsi qu’il
« programme » (souvent de manière inconsciente) un raccourci neu-
ronal pour que ce soit plus simple et rapide.
Ces habitudes sont donc très importantes pour gagner en efficacité
car elles permettent de gagner beaucoup de temps et d’automatiser
certaines tâches.
En plus de ces habitudes que vous avez créées de manière automatique,
vous pouvez choisir d’en créer de nouvelles de manière consciente et
choisie. Comment ? En programmant la répétition d’une tâche dans le
temps, qui vous soit utile pour votre objectif.
Si par exemple vous avez pour objectif de développer votre chiffre
d’affaires et que l’habitude « contacter trois prospects par jour » vous
aidera en la matière, alors programmez à partir d’aujourd’hui l’action
suivante :
• Action : contacter trois prospects.
• Récurrence : tous les jours du lundi au vendredi entre 9 h et 10 h 30.
• Durée : pendant au minimum 8 semaines.

...
234
Étape 3 Programmer

...
Il existe de nombreuses études dans ce domaine avec la question cen-
trale « combien de temps faut-il pour créer une nouvelle habitude » ?
La réponse que l’on peut constater : cela dépend. Il y trop de para-
mètres en jeu pour dégager une durée universelle nécessaire, cela peut
prendre 7 jours pour certaines habitudes les plus simples, jusqu’à plus
de 261 jours pour d’autres. D’où l’intérêt de le faire le plus longtemps
possible, au moins 8 semaines de suite, pour augmenter ses chances
de bien intégrer une nouvelle habitude.
Choisissez donc les habitudes que vous souhaitez développer pour
augmenter votre efficacité et votre efficience, et programmez-les dans
votre agenda !

L’essentiel

 La programmation se fait au niveau des actions et des


comportements.
 Selon Éric Alard, la programmation vers la réussite passe
par quatre étapes : but, moyens, actions, résultats.
 La gestion des succès est un point critique dans le
processus de programmation.
 La répétition dans la durée est la clé pour développer de
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nouvelles compétences et de nouvelles habitudes.

235
Chapitre 19

Étape 4
Implémenter

Executive summary

 La capacité à passer à l’action repose sur plusieurs Soft


Skills telles que l’audace, la motivation ou la capacité
à s’organiser.
 En développant ces Soft Skills, vous pouvez augmenter
votre facilité à agir.
 Il existe des outils et des réflexes à adopter pour
simplifier l’implémentation tels que le Mind Mapping,
ou les « deadlines ».

237
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

« Celui qui veut réussir trouve un moyen. Celui qui ne veut rien faire
trouve une excuse. »
Proverbe français

Le passage à l’action, ou implémentation, est la pièce maîtresse


de tout métier. Cependant il existe de nombreux freins pouvant
nous empêcher d’agir tels que :
– la procrastination (remettre au lendemain ce qui peut être fait
maintenant) ;
– le manque d’audace (lié à un manque de confiance en soi) ;
– le manque d’organisation (générant de la confusion) ;
– le manque de temps (ou le manque de priorisation) ;
– etc.
Les raisons pour ne pas passer à l’action peuvent être très nom-
breuses. Comment éviter de tomber dans ces pièges afin d’agir
malgré les contraintes mentales ou contextuelles auxquelles nous
pouvons faire face au quotidien ?
Voici quelques recommandations1 pour débloquer ces différents
freins à l’action.

FICHE PRATIQUE
LES 5 MINUTES D’ACTION
CONTRE LA PROCRASTINATION
Voici une procédure à mettre en place si vous avez accumulé beau-
coup de « petites tâches » encore non traitées, et qui mobilisent de
l’espace mental.
1. Parmi votre liste de tâches, listez toutes celles qui peuvent être réa-
lisées en moins de 5 minutes.
2. Classez-les par ordre de priorité.
3. Dédiez une demi-journée pour réaliser le plus de tâches possible

...
dans le temps imparti.

1 Proposées par Jérôme Hoarau.

238
Étape 4 Implémenter

... 4. Si la liste des tâches courtes n’a pas encore été totalement complé-
tée, choisir un nouveau créneau pour les conclure.
Si vous procrastinez sur une tâche plus longue mais importante à réa-
liser, vous pouvez vous engager à y dédier au minimum 5 minutes par
jour, pour vous assurer d’avancer un peu tous les jours sur cette tâche
importante.
« Le pessimisme est affaire d’humeur,
l’optimisme est affaire de volonté. »
Emile-Auguste Alain

FICHE PRATIQUE
LE BOOSTER D’AUDACE
Si vous sentez que vous ne passez pas à l’action par manque de
confiance en vous, voici quelques étapes simples à suivre dans ce cas.
1. Rédigez un petit contrat avec vous-même dans lequel vous écrivez
votre engagement (par exemple, « je m’engage à contacter le DRH de
l’entreprise ABC ce lundi à 10 heures par téléphone »).
2. Signez-le.
3. Faites-le signer à un témoin, une personne en qui vous avez
confiance.
4. Tenez votre engagement en passant à l’action.
Vous pouvez, par souci de simplification, le faire par e-mail ou SMS,
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

l’objectif étant de vous engager à l’écrit et d’avoir le soutien d’une


autre personne dans votre démarche.
Rappelez-vous également de la citation inspirante de Nelson Man-
dela : « Je ne perds jamais, soit je gagne, soit j’apprends ».
« Le monde fraye un chemin à celui qui sait où il va. »
Ralph Waldo Emerson

239
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

FICHE PRATIQUE
LE MIND MAPPING, OUTIL ULTIME
D’ORGANISATION DES IDÉES
Le Mind Mapping, développé par Tony Buzan, est un outil permet-
tant de structurer de manière visuelle l’information à partir d’une idée
centrale. Ces cartes mentales reposent sur plusieurs grands principes :
– Inscrire au centre l’idée principale.
– Illustrer cette idée centrale par une image.
– Utiliser des couleurs.
– Connecter chaque branche de « niveau 1 » à l’idée centrale.
– Donner un aspect organique à chaque branche (éviter les lignes
droites).
– Utiliser un seul mot-clé par branche.
– Ajouter des images dans la carte mentale.
Voici une représentation d’une Mind Map respectant ces principes.

Niveau 3 Niveau 3
Niveau 2
Niveau 3 Niveau 2
Nivea 1
u1 eau
Niveau 3 Niv Niveau Niveau 3
2
Niveau 3 Niveau 3
Idée
Niveau 3 centrale
Niveau 2 Niv Niveau 2
Niveau 3 eau Niveau 3
1
Niveau 3 Niveau 2 Niveau 3
Niveau 2
Niveau 3 Niveau 3

Comment appliquer le Mind Mapping à un projet ou à une liste de


tâches ?
Il suffit pour cela de :
– Inscrire au centre le projet concerné.
– Ajouter les catégories d’actions à réaliser en branches de niveau 1.
– Ajouter les actions à réaliser dans chacune des catégories.
– Choisir les actions que vous allez réaliser en commençant par

...
l’urgent ou l’important.

240
Étape 4 Implémenter

... Voici un exemple de clarification des tâches à réaliser pour un projet


de création de site Internet, grâce au Mind Mapping :
Logo

Couleurs Pages
V isue
ls
ucture
Articles
Police Str
Ré seaux
Images
Site
Str atégie Internet Vidéos
nt Con
t
c eme e nu
Interviews
Partenaires L an
Dossiers
SEO

« C’est dans l’effort que l’on trouve la satisfaction


et non dans la réussite. Un plein effort est une pleine victoire. »
Gandhi

FICHE PRATIQUE
PRIORISER POUR GAGNER DU TEMPS
Le manque de temps est souvent lié à un manque de visibilité sur la ou
les priorités du moment. Comme il n’est pas possible de tout faire en
même temps, nous sommes souvent amenés à choisir de réaliser une
tâche à la fois. C’est ainsi que la priorisation entre en jeu.
Comment identifier la priorité du moment ? Voici un tableau que vous
pouvez remplir en suivant les étapes suivantes :
1. Quel est l’objectif le plus important du moment ? Écrivez-le en haut
du tableau.
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2. Quelles sont les tâches qui sont directement rattachées à cet objec-
tif ? Listez-les par ordre du plus urgent au moins urgent dans la pre-
mière colonne.
3. Fixez-vous une date butoir pour chacune des tâches listées dans la
deuxième colonne en priorisant les tâches les plus urgentes.
4. Passez à l’action !

L’objectif important du moment :

Tâche #1 : Date butoir :


Tâche #2 : Date butoir :

241
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

Il existe un nombre incalculable d’autres outils et astuces pour


augmenter votre capacité à passer à l’action.
Afin d’avoir un retour terrain supplémentaire, nous sommes
partis à la rencontre de Nicolas Lisiak, entrepreneur et expert en
apprentissages.

Avis d’expert
NICOLAS LISIAK, cofondateur de La-Semaine.com
et médaillé de bronze au championnat
du monde de lecture rapide 2017.
QU’AVEZ-VOUS MIS EN PLACE Cette démarche permet
POUR PASSER À L’ACTION PLUS d’apprendre de manière efficace et
FACILEMENT ? durable. Elle permet aussi d’enlever
la peur d’agir en se concentrant sur
« Pour moi, le passage à l’action
ce qui doit être fait : cette crainte
repose sur une attitude proactive
de l’imparfait et du jugement
et un lâcher-prise du jugement.
disparaît pour laisser la place au
Quand nous avons ces deux plaisir d’agir et de réaliser son
éléments en place, il devient plus travail.
simple de passer à l’action, même si Dans cette attitude, il n’y a pas
c’est imparfait. de charge mentale avec des
Il est important de développer pensées parasites telles que : “que
cette conscience que, pour se vont penser les autres”, “et si les
perfectionner, il faut passer à autres trouvent ça nul”, etc. ;
l’action [et mettre en place cette ces croyances limitantes nous
maintenant dans le statu quo et
dynamique du “test & learn” dont
ajoutant de la charge mentale
fait mention Camille Larroze-Chicot
inutile.
dans son interview plus tôt dans cet
J’aime bien représenter cette
ouvrage]. Le processus serait alors attitude par un schéma. Il n’est pas
de : basé sur une étude en particulier
– passer à l’action ; mais plutôt sur la façon dont je
– se remettre en question ; perçois les trois éléments les plus
– corriger. importants me motivant à agir :

...
242
Étape 4 Implémenter

... Savoir-faire
10 %

Vision
50 %
Relations
40 %

– La vision donne l’énergie, Ford l’a bien compris : il s’est bien


l’impulsion pour passer à l’action. entouré et pourtant n’avait pas
– Les relations, c’est l’humain, on forcément de savoir-faire dans
ne peut rien faire tout seul de grand l’automobile. Il a réussi à créer
(“seul on va plus vite, ensemble on une équipe de personnes ayant
va plus loin” comme le dit l’adage un meilleur savoir-faire que lui
africain). en la matière.
– Le savoir-faire a un rôle, bien Le relationnel et la vision, c’est
entendu, mais moindre que les 90 % de la réussite : ainsi 90 %
deux autres piliers selon moi. de Soft Skills contre 10 % de Hard
La vision facilite les choses car Skills. »
elle apporte la clarté et donne
COMMENT ÉVITER
conscience de ses responsabilités.
LA PROCRASTINATION ?
Cette conscience permet d’aller
au-delà des croyances limitantes qui « C’est inévitable et ça peut faire
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

nous empêchent d’agir. du bien parfois de procrastiner,


Les relations sont un vrai levier à condition de ne pas culpabiliser
motivateur, car elles augmentent dans ces cas et de lâcher prise.
notre niveau d’implication dans Et ce surtout quand nous faisons
l’action à travers l’engagement face à des imprévus et à des
auprès des autres. éléments extérieurs qu’on ne peut
Enfin le savoir-faire est important pas contrôler. D’ailleurs cela ne
pour agir, sachant que je peux aussi veut pas dire que si ce n’est pas
déléguer (avec des gens meilleurs fait aujourd’hui, alors cela ne sera
que moi autour de moi). Henry jamais fait. La patience a un rôle clé

...
243
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

... dans cette situation, en s’accordant La clé que j’utilise pour éviter la
plus de temps. procrastination est de me fixer
Se connaître soi-même est des “deadlines” (des délais précis
important pour moi, car ça me dans mon agenda). Cela me donne
permet d’anticiper pour éviter de un vrai objectif concret et un
puiser dans ma force de volonté cadre pour passer à l’action. Une
pour des choses à faible valeur technique mentale que j’utilise,
ajoutée alors que quelqu’un d’autre c’est de m’imaginer que je pars
pourrait faire ça mieux que moi. Je en voyage après cette date et que
préfère donc déléguer ces tâches à je dois terminer cette tâche avant
quelqu’un d’autre. mon “départ”. »
Les propos de cet entretien ont été
recueillis par Jérôme Hoarau.

Comme l’exprime Nicolas Lisiak, le fait de prendre conscience


que nous pouvons corriger une action, se fixer des délais précis et
avoir une vision nous responsabilisant, nous aide à passer à l’action
avec plus de simplicité.
Et comme nous pouvons l’observer, la dimension de l’analyse de
l’action réalisée et la volonté de s’améliorer jouent un rôle clé dans
cette dynamique.
Quel que soit votre métier, vous aurez tout intérêt à comprendre
comment vous avez obtenu le résultat de vos actions, qu’il soit posi-
tif ou négatif, afin de pouvoir capitaliser sur ces expériences, comme
l’a également expliqué Eric Alard dans son interview1.
Pensez donc bien à intégrer dans votre processus d’implémenta-
tion une vraie phase d’amélioration avec :
– la prise de conscience des éléments générant la réussite ;
– les éléments à mettre en place pour éviter une erreur ou un échec ;
– des actions concrètes à organiser pour capitaliser sur l’expérience
vécue.

1 Chapitre 18.

244
Étape 4 Implémenter

L’implémentation est donc l’étape naturelle clôturant ce proces-


sus menant vers un résultat désiré :
– la visualisation vous permet de voir le chemin à parcourir pour
atteindre votre objectif ;
– la simplification améliore votre efficience dans votre manière de
fonctionner et donc d’avancer plus rapidement vers votre but ;
– la programmation vous aide à créer les attitudes et les habitudes
permettant d’être la personne en mesure d’atteindre votre résultat
souhaité ;
– l’implémentation vous permet de passer à l’action et d’améliorer
ce que vous avez entrepris.
Vous verrez ainsi que ce processus en quatre étapes n’est pas un
processus linéaire mais circulaire dans lequel nous repassons par la
phase de visualisation pour intégrer les améliorations identifiées
dans cette phase d’implémentation.

« En cours de création » « Se mettre en diète » « Mort de la boîte »


IN EDIT IN DIET TIN DIE
Bonne pratique : Bonne pratique : Bonne pratique :
-> Avoir toujours -> Apprendre à créer -> Technique
un projet en cours sa bulle du point Zéro.

« Déployer sa singularité. »
INEDIT
Bonne pratique :
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-> Sortir de sa zone


de confort, pour l’élargir.

« Nouer le vacarme » « Je termine cela » « Mon identité au sein d’internet »


TIE DIN I END IT NET-ID-I
Bonne pratique : Bonne pratique : Bonne pratique :
-> Le Yoga de l’arrêt -> Bannir le -> Créer et cultiver
multitasking son « e-réputation »

Le code Soft Skills (par Julien Bouret)

245
5 REPROGRAMMEZ VOTRE MÉTIER EN 4 ÉTAPES

L’essentiel

 Le passage à l’action peut être inhibé par plusieurs freins


que nous pouvons désamorcer.
 S’organiser pour réaliser de manière productive les
tâches de moins de 5 minutes aide à agir.
 Le Mind Mapping est également très utile pour
organiser ses tâches et identifier ce qui est prioritaire.
 Enfin, chercher à s’améliorer constamment permet
de progresser en continu et d’éviter de répéter des erreurs
que l’on aurait faites dans le passé, et de capitaliser sur
les ingrédients qui nous ont permis de réussir.

246
Conclusion

B
eaucoup de personnes partagent le sentiment de ne pas avoir de
pouvoir sur leur futur. Il est souvent subi comme si nous n’avions
rien pu mettre en œuvre pour qu’il en soit autrement. Un nombre
un peu plus restreint de personnes sont par ailleurs très fortes pour
proposer voire imposer leur vision du futur. Certaines d’entre elles
parviennent à influencer d’autres personnes dans la nécessité d’adhérer
à cette vision.
Les échanges de plus en plus massifs de données permettent notamment
de créer des algorithmes prédictifs qui augmentent la pertinence et
la précision de votre futur anticipé. Si, par exemple, vous avez pour
habitude de consulter les dernières sorties au cinéma lorsque la météo
n’est pas bonne, il n’est pas impossible que l’on vous propose petit à
petit, sous forme de publicité par exemple, de consulter les dernières
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sorties cinéma avant même que vous ayez pu prendre connaissance du


temps orageux qui s’annonce demain soir. Aujourd’hui, c’est encore
vous qui choisissez de vous rendre au cinéma, mais vous aurez peut-être
demain accepté l’option d’achat automatisé de vos places de cinéma
pour vous faire gagner du temps d’attente au guichet de votre cinéma
le plus proche. Sans véritablement vous en rendre compte, vous aurez
transféré votre prise de décision d’aller ou non au cinéma par temps
orageux à une intelligence artificielle qui aura fait ce choix pour vous.
L’analyse des données massives (ou Big Data) de vos diverses actions
de consultation de l’Internet et de la façon dont vous interagissez avec,

247
SOFT SKILLS

permet de créer des modèles prédictifs de comportements qui peuvent


orienter les décisions probables que vous pourriez prendre. Mais avez-
vous véritablement envie de les prendre ? Et si finalement, demain soir,
plutôt que d’aller au cinéma, vous aviez soudainement l’envie de lire un
bon livre ? Et si vous aviez envie de prendre une décision autre que celle
qui découle de l’analyse de tous vos comportement passés ? Et si vous
deveniez quelqu’un qui adopte un comportement totalement inédit,
impertinent, imprévisible et pourquoi pas irrationnel ?

Toujours est-il que, par un enchaînement plus ou moins cohérents et


logiques d’arguments, il n’est pas très compliqué de convaincre une
majeure partie de la population d’adhérer à un futur, surtout si ce
futur est justifié par des modèles reposant sur de multiples analyses
de ce qui a pu être observé par le passé, et qui rendent crédibles les
perspectives.

Mais il existe une autre catégorie de personnes pensant que le futur


n’est pas écrit, mais qu’il peut être écrit par chacun. Il peut s’agir d’un
enfant ayant grandi dans les cités, à qui certains professeurs ont dit qu’il
ne pourrait pas effectuer de grandes études, mais chez qui la ténacité,
l’impertinence ou encore la créativité lui permettront d’écouter sa propre
voie intérieure pour se battre et être finalement sélectionné dans une
école prestigieuse. Cela peut-être aussi cette femme, qui, écœurée de ne
pas avoir le même salaire qu’un de ses homologues masculins travaillant
dans la même entreprise, parvient à convaincre un certain nombre
d’acteurs en interne de remettre en question cette politique salariale
auprès du P-DG, et obtient, après quelques semaines de négociation, de
bénéficier d’un salaire égal à celui de la gente masculine. Mais cela peut
aussi être vous qui lisez ces lignes.

Oui, vous disposez en ce moment même de précieuses forces qui


n’attendent que d’être déployées pour programmer votre futur. Parmi
ces forces exposées dans cet ouvrage, rappelez-vous par exemple de votre
intelligence intuitive, qui peut vous permettre d’emprunter un chemin
beaucoup plus court pour résoudre certains problèmes complexes qui

248
Conclusion

auraient demandé bien plus de temps à résoudre si toutefois vous aviez


fonctionné de façon analytique.
Rappelez-vous aussi de la force de votre créativité, qui peut elle aussi vous
permettre d’emprunter un futur jusqu’alors non envisagé en proposant
par exemple à votre entreprise un nouveau projet très enthousiasmant
pour vous et créant une perspective stratégique précieuse pour votre
dirigeant.
Rappelez-vous de votre capacité à vous organiser et à coordonner une
équipe pour accomplir des projets plus ambitieux pour l’avenir.
Rappelez-vous aussi de votre intelligence émotionnelle, pouvant par
exemple résoudre un conflit qui aurait normalement dû s’envenimer,
mais qui, grâce à votre prise de recul et à votre empathie, pourra se
dénouer dans les plus brefs délais.
Rappelez-vous de votre capacité de visualisation pouvant nettement
améliorer la fluidité et l’efficacité de vos futures actions, et, à la manière
d’un sportif de haut niveau, augmenter les chances d’atteindre vos
objectifs.
Rappelez-vous que vous disposez dès maintenant d’un code Soft Skills
vous permettant de manifester l’inédit, en révélant un peu plus qui vous
êtes, et grâce à une singularité précieuse vous permettant de tracer un
chemin qui n’existe pas encore.
Vous pouvez devenir acteur des changements en cours et faire partie
© Dunod - Toute reproduction non autorisée est un délit.

de celles et ceux qui écrivent le futur à leur manière, ou vous pouvez


laisser d’autres s’en charger, c’est à vous de voir. Le futur concerne tout
le monde et se trouve déjà là dans le creux de votre main. Que ce soit
via votre smartphone qui vous prédit avec une plus ou moins grande
justesse la météo qu’il fera demain, ou encore grâce au stylo que vous
pouvez tenir dans cette même main et qui vous permettra d’écrire
votre premier roman. Parce que finalement vous avez toujours eu envie
d’écrire mais n’avez jamais osé franchir le pas. Mais votre élan créatif,
votre prise de recul, votre optimisme, et votre enthousiasme peuvent
vous aider à faire ce petit pas.

249
SOFT SKILLS

Soyez la personne que vous avez envie d’être mais que vous n’osez pas
être. L’audace est une précieuse marche à monter pour créer le futur
qui vous correspond. Cette marche peut être franchie d’une façon
totalement unique, en courant, à pieds joints, à cloche pied, ou en
faisant une pirouette. Développez votre intelligence naturelle.
Créez à présent votre propre style grâce à vos Soft Skills.

250
DES LIVRES DE MANAGEMENT/LEADERSHIP
AUX ÉDITIONS DUNOD

• Aguilar M., L’Art de motiver, 2e éd., 2016


• Albasio B., Cravero G., Creative attitude, 2017
• Aubert B., Meyronin B., De MacGyver à Mad Men, 2017
• Barabel M., Meier O., Manageor, 3e éd., 2015
• Barrand J., Le Manager agile, 3e éd., 2017
• Barth I., Manager la diversité, 2018
• Bartoli A., Blatrix C., Management dans les organisations publiques, 4e éd., 2015
• Bernard F., Manager avec les philosophes, 2016
• Boffa-Comby P., Le Leader Collectif ®, 2017
• Bouret J., Hoarau J., Mauléon F., Soft Skills, 2018
• Boussuat B., David P., Lagache J.-M., Manager avec les couleurs, 3e éd., 2017
• Carpentier A., Le manager presque parfait, 2016
• Collectif, La Méga boîte à outils du manager leader, 2016
• Combalbert L., Guide de survie du manager, 2e éd., 2018
• CSP, Les 5 clés pour réussir ses 1ers pas de manager, 2014
• Delengaigne X., Neveu P., Vincenzoni C., Masucci F., Managez avec le mind
mapping, 2016
• Demetrescoux R., Lean management, 2017
• Desplats M., Pinaud F., Manager la génération Y, 2e éd., 2015
• Drecq V., Pratiques de management de projet, 2e éd., 2017
• Duluc A., Leaders, inspirez confiance, 4e éd., 2017
• Gentina E., Delecluse M.-E., Génération Z, 2018
• Gillet-Goinard F., Molet H., Monteiller G., Happy management, 2016
• Halifa Y., Cadoux P., Le manager négociateur, 2017
• Imbert M., La communication managériale, 2015
• Juët R., La boîte à outils du manager, 3e éd., 2017
• Laure F., Techniques d’animation, 3e éd., 2018
• Laurier C., Manager avec l’analyse transactionnelle, 2017
• Le Moigne R., Supply chain management, 2e éd., 2017
• Le Saget M., Le manager intuitif, 3e éd., 2013
• Liger P., Rohou G., L’empowerment, 2016
• Millier P., 3 ans en 3 heures, 2018
• Mongin P., Garcia L., Delhalle L., Touzet-Planchon E., L’art du management visuel,
2018
• Peillod-Book L., Shankland R., Manager en pleine conscience, 2016
• Picq T., Manager une équipe projet, 4e éd., 2016
• Stern P., Schoettl J.-M., La boîte à outils du management, 2e éd., 2017
• Testa J.-P., Déroulède B., La boîte à outils du management transversal, 2016
• Testa J.-P., Lafargue J., Tilhet-Coartet V., La boîte à outils du leadership, 2e éd., 2017
• Testa J.-P., Hamayon A., Isoré J., La boîte à outils du manager de managers, 2018

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