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Droit des obligations, sources : contrats

Leçon 3 : La conclusion du contrat :


négociations, offre et acceptation, avant-contrats
Jean-Baptiste Seube

Table des matières


Section 1 : Les négociations..................................................................................................................................... p. 2
§1 : La liberté des négociations.......................................................................................................................................................... p. 2
§2 : Le devoir général d'information.................................................................................................................................................... p. 3
§3 : L'utilisation d'informations confidentielles..................................................................................................................................... p. 5
Section 2 : L'offre et l'acceptation............................................................................................................................ p. 7
§1 : Les dispositions générales........................................................................................................................................................... p. 7
A - L'offre.......................................................................................................................................................................................................................... p. 7
1. La notion d'offre.................................................................................................................................................................................................................................................. p. 7

2. Le régime juridique de l'offre.............................................................................................................................................................................................................................. p. 7

a) La rétractation de l'offre.................................................................................................................................................................................................................................... p. 8

b) La caducité de l'offre.........................................................................................................................................................................................................................................p. 9

B - L'acceptation............................................................................................................................................................................................................. p. 10
1. La notion d'acceptation..................................................................................................................................................................................................................................... p. 10

2. Le régime de l'acceptation................................................................................................................................................................................................................................ p. 10

a) La rétractation de l'acceptation....................................................................................................................................................................................................................... p. 11

b) L'effet de l'acceptation.....................................................................................................................................................................................................................................p. 11

§2 : Les dispositions propres au contrat conclu par voie électronique............................................................................................. p. 14


Section 3 : Les avant-contrats.................................................................................................................................p. 15
§1 : Le pacte de préférence.............................................................................................................................................................. p. 15
§2 : La promesse unilatérale............................................................................................................................................................. p. 16

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- Silence en 1804. En 1804, les codificateurs n'avaient consacré aucune disposition à la conclusion du contrat.
On passait en effet d'un battement de cils du non-contractuel au contrat. Il suffisait qu'on soit d'accord sur le
chose et le prix et le contrat était formé. En réalité, la doctrine et la jurisprudence ont montré que la conclusion du
contrat prenait souvent du temps. L'ordonnance du 10 février 2016 tient compte de la densification temporelle
de la conclusion du contrat et consacre des dispositions aux négociations (Section 1), à l'offre et l'acceptation
(Section 2) et à certains avant-contrats (Section 3).

Section 1 : Les négociations


- Les enjeux de la négociation contractuelle. Le terme « négociation » est générique. Il désigne les échanges
qui interviennent entre les parties avant qu'elles ne concluent le contrat. C'est une période importante et
sensible. Dans certains contrats d'affaires, les négociations posent en effet des problèmes épineux : puis-je
faire confiance à mon partenaire ? Dois-je lui révéler certaines informations que je détiens ? Si oui, lesquelles ?
Comment m'assurer qu'il n'utilisera pas certaines informations qu'il aura obtenues en négociant avec moi ?...

- Plan. Le Code civil pose un principe de liberté des négociations (§1), un devoir d'information précontractuelle
(§2) et une responsabilité pour celui qui utiliserait une information confidentielle (§3).

§1 : La liberté des négociations


- Le texte. L'article 1112 dispose :« L'initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles
sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi. En cas de faute commise dans
les négociations, la réparation du préjudice qui en résulte ne peut avoir pour objet de compenser la perte des
avantages attendus du contrat non conclu ».Le texte pose donc le principe de liberté des négociations, évoque
l'éventualité d'une faute et précise le préjudice indemnisable.

- Le principe. Le principe de liberté des négociations est posé par la première phrase. Celui qui négocie n'est
jamais contraint d'aller jusqu'à la conclusion d'un contrat. Cette solution s'explique par la liberté contractuelle
qui comprend la liberté de ne pas conclure le contrat. Il existe donc un lien étroit entre l'article 1112 et 1102
du Code civil.

La jurisprudence est foisonnante en matière de pourparlers et les arrêts sont souvent très dépendants de
considérations factuelles. Par exemple, il existe un contentieux lanscinant sur la question de savoir quand on
passe de la phase des négociations à celle de l'exécution du contrat. C'est la question de la reconnaissance
par le juge de l'existence du contrat. Dans un arrêt, un candidat locataire avait offert à un bailleur de conclure un
contrat. Le bailleur avait accepté en signant une lettre le 4 juin 2009, mais le contrat n'avait pas été formalisé.
Les négociations se prolongèrent cependant, le locataire demandant de nouveaux aménagements. Les parties
ne parviendront pas à un nouvel accord. Le candidat locataire assigne alors son bailleur en inexécution du
contrat du 4 juin 2009.
Exemple
La Cour juge que « attendu qu'ayant constaté que les parties n'avaient pas signé l'acte conformément à
l'accord intervenu entre elles le 4 juin mais avaient repris les négociations sur la base d'un nouveau projet et
que le locataire avait mis en demeure le propriétaire de régulariser un projet de bail distinct de celui résultat
de leur accord, la cour d'appel ... a pu en déduire que les parties avaient renoncé au contrat conclu le 4 juin
ème
2009 » (Cass. 3 civ., 9 février 2017, n° 15-28039, JCP E, 2017, 1320, n° 2, obs. J. Monéger).

- La possibilité d'une faute. Le texte pose que le principe de liberté est tempéré par les exigences de la
bonne foi, auxquelles les négociateurs doivent « impérativement » satisfaire. L'emploi de cet adverbe n'est
pas très heureux car il fait doublon avec le verbe « devoir » et car il aurait été peu concevable d'écrire que
les négociateurs doivent « dans la mesure du possible » satisfaire aux exigences de la bonne foi. Quoiqu'il
en soit, le texte indique que le négociateur commettra une faute s'il n'est pas de bonne foi. Ce manquement
pourra être constaté dans toutes les phases de la négociation :

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• Dans l'entrée en pourparlers, manquerait à la bonne foi le négociateur qui prendrait l'initiative d'une
négociation ou qui accepterait une telle initiative, sans avoir l'intention, dès l'origine, de conclure.
• Lors du déroulement des négociations, commettrait une faute celui qui laisserait croire à son partenaire
qu'il envisage toujours la conclusion du contrat, alors que tel ne serait pas le cas ; pourrait aussi constituer
une faute le fait de ne jamais proposer de solutions pour trouver une issue.
• Lors de la rupture des pourparlers, commettrait une faute celui agirait avec brutalité ou soudaineté. La
situation est ici comparable à celle des fiancés. Comme la rupture des fiançailles, le fait de rompre les
négociations n'est pas une faute en soi, mais les circonstances dans lesquelles intervient la rupture
peuvent révéler une faute.
- Le préjudice indemnisable. L'article 1112 est taisant sur la nature de la responsabilité encourue mais
le Rapport fait au Président de la république indique qu'il s'agit de la responsabilité extracontractuelle, sauf
aménagement conventionnel de cette phase de négociation et de sa rupture. En précisant en revanche que
l'indemnisation ne « peut compenser la perte des avantages attendus du contrat non conclu », le texte consacre
la jurisprudence antérieure.

Exemple
Un arrêt important (Cass. com., 26 novembre 2003, RTD civ. 2004, p. 80, obs. J. Mestre et B. Fages ; RDC
2004, p. 257, obs. D. Mazeaud ; D. 2004, p. 869, note A.-S. Dupré et p. 2922, note E. Lamazerolles) avait en
effet utilement précisé les contours de la révocation abusive de l'offre et le montant de l'indemnisation.
En l'espèce, la société Manoukian avait ouvert des négociations avec les consorts Wajsfisz en vue de leur
racheter des parts sociales. Pendant ces négociations ponctuées de nombreux courriers, de deux projets
d'actes, les consorts engagent des tractations avec un tiers. Ils concluent avec lui une promesse de cession
d'actions et n'en informent la société Manoukian que 14 jours plus tard, pendant lesquels ils lui affirment
que le projet ne peut être finalisé car leur expert comptable est absent. La cour de cassation sanctionne les
consorts Wajsfisz pour avoir fait croire à la société Manoukian qu'ils désiraient contracter alors qu'ils avaient
signé avec un tiers. La Cour de cassation considère aussi que, le contrat n'étant pas conclu, la victime ne
pouvait pas obtenir réparation pour la perte d'une chance de réaliser des gains escomptés. La solution est
parfaitement justifiée puisqu'il n'y a aucun lien de causalité entre la rupture des négociations (toujours possible
par principe) et le fait de ne pas réaliser les gains escomptés.
Cette solution a été réitérée par la troisième chambre civile qui a jugé que « une faute commise dans l'exercice
du droit de rupture unilatérale des pourparlers précontractuels n'est pas la cause du préjudice consistant dans
la perte d'une chance de réaliser les gains que permettait d'espérer la conclusion du contrat » (Cass. civ.
ème
3 , 28 juin 2006, D. 2006, p. 2963, note D. Mazeaud ; RDC 2006, p. 1069, note D. Mazeaud ; D. 2006, p.
2639, note B. Fauvarque-Cosson ; JCP 2006, éd. G, II, 10130, note O. Deshayes et I, 166, n° 6, obs. Ph.
Stoffel-Munck ; adde, S. Menu, Réflexions sur le préjudice précontractuel, Les petites affiches 2006, n° 23, p.
ème
6 ; Cass. civ. 3 , 7 janvier 2009, RDC 2009, p. 481, obs. Y.-M. Laithier ; et p. 1108, obs. J.-B. Seube ; RTD
civ. 2009, p. 113, obs. B. Fages ; Cass. com., 18 septembre 2012, n° 11-19629 ; Cass. com., 18 septembre
2012, JCP 2012, éd. G, I, 1151, n° 6, ob. G. Loiseau ; RDC 2013, p. 98, obs. O. Deshayes ; RTD. civ. 2012,
p. 721, obs. B. Fages).
On mesure par là que la jurisprudence n'indemnise que la réparation de l'intérêt négatif (c'est-à-dire de celui
que la victime aurait pu éviter si les pourparlers n'avaient pas été entrepris) mais pas celle de l'intérêt positif
(c'est à dire de celui que la victime aurait pu tirer du contrat s'il avait été conclu). En revanche, peuvent être
indemnisés : le fait d'avoir raté une autre négociation ; l'éventuelle atteinte à l'image ; les frais exposés pour
une négociation inutile.

§2 : Le devoir général d'information


- Le texte. L'article 1112-1 est totalement nouveau. Il existe dans certains domaines des devoirs spéciaux
d'information. Ainsi, dans le domaine des ventes immobilières, le vendeur doit informer l'acheteur sur la
présence de plomb, d'amiante, d'insectes... Dans le droit de la consommation, le professionnel doit délivrer
de nombreuses informations au consommateur (C. consom., art. L. 111-1). Dans le domaine des contrats
d'affaires, celui qui exige un engagement d'exclusivité doit délivrer à son contractant certaines informations
(C. com., art. L. 330-3)... Le législateur a souhaité généraliser à tous les contrats ce devoir dans un souci de
moralisation de la période pré-contractuelle.

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« Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de
l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance
à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du
contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge
pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner
l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants ».

- Domaine du texte. Le texte sera l'occasion d'un contentieux nourri car il contient de nombreuses zones
d'incertitudes :

L'information est due par « celui qui connaît une information ». La position du contractant importe donc peu.
Ainsi, dans le contrat de vente, l'information pourra être due par le vendeur, mais aussi par l'acheteur qui
détiendrait une information déterminante. Le projet d'ordonnance prévoyait que l'information était due « par
celui qui connaît ou devait connaître ». Cette précision, jugée trop difficile à mettre en œuvre, a disparu de
la version finale.

L'information doit être « déterminante pour le consentement de l'autre ». Ainsi, les informations secondaires
ou accessoires n'ont pas à être révélées. C'est le juge qui fixera la ligne de démarcation entre les informations
déterminantes et les autres. Soucieux d'encadrer son office, les rédacteurs de l'ordonnance ont donné
certaines précisions :
• de manière négative, le devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Chacun doit ainsi se renseigner sur la valeur du bien ou du service objet du contrat. Cette précision
consacre deux décisions importantes dans lesquelles la Cour de cassation n'avait pas admis qu'un
contractant (en l'occurrence l'acheteur) doive informer le vendeur sur la valeur du bien vendu.
Exemple
Dans une première espèce concernant des ventes de tirages photographiques de Baldus (ce que savait
l'acheteur et ignorait le vendeur), la cour avait jugé qu'aucune obligation d'information ne pesait sur
ère
l'acquéreur quant à la valeur des photos (Cass. civ. 1 , 3 mai 2000, D. 2002, somm., p. 928, obs.
O. Tournafond ; RTD civ. 2000, p. 566, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP 2000, éd. G, I, 272, obs.
G. Loiseau et II, 10510, obs. Ch. Jamin ; Rép. Defrénois 2000, p. 1110, obs. Ph. Delebecque et D.
Mazeaud ; CCC 2000, comm. n° 140, obs. L. Leveneur). Dans une seconde affaire concernant la vente
d'un immeuble, la solution avait été réitérée, alors que l'acquéreur était un professionnel de l'immobilier
et le vendeur dans une situation précaire : « L'acquéreur, même professionnel, n'est pas tenu d'une
ème
obligation d'information au profit du vendeur sur la valeur du bien acquis » (Cass. 3 civ., 17 janvier
2007, D. 2007, p. 1051, note D. Mazeaud et p. 1054, note Ph. Stoffel-Munck ; RDC 2007, p. 703, obs.
Y.-M. Laithier ; Contrats conc. Consom. 2007, comm. n° 117, obs. L. Leveneur ; Rép. Defrénois 2007,
p. 443, obs. E. Savaux ; JCP 2007, éd. G, II, 10042, note Ch. Jamin).
Critiquée par les tenants de la loyauté contractuelle (D. Mazeaud, note préc.), la solution est approuvée
par d'autres (Ph. Stoffel-Munck et Y.-M. Laithier). Ce dernier point de vue doit être soutenu. En effet,
on ne saurait déduire de cet arrêt que le contractant, lorsqu'il sera professionnel, ne devra pas informer
son partenaire de certains points. D'une part, on relèvera que la Cour de cassation cantonne la solution
au contrat de vente (« l'acquéreur », « le vendeur »). On doit donc en déduire que d'autres contrats,
notamment ceux qui font naître une confiance mutuelle, ne sont pas concernés. La vente est en effet
un contrat où les intérêts des parties sont antagonistes et où chacun doit veiller à la défense de ses
propres intérêts.
Exemple
La solution a ainsi été désactivée lorsque le dirigeant d'une société achète des parts à un de ses
ère
associés sans lui révéler leur valeur (Cass. civ. 1 , 25 mars 2010, RDC 2010, p. 811, obs. D. Mazeaud ;
JCP 2010, éd. G, 921, note J. Ghestin ; Cass. com., 12 mars 2013, RDC 2013, p. 873, obs. Y.-M.

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Laithier ; Cass. com., 12 avril 2016, n° 14-19200 ; RTD. civ. 2016, p. 612, obs. H. Barbier ; D. 2017,
p. 375, obs. M. Mekki).
En ce cas, ce n'est pas en tant qu'acheteur mais en tant que dirigeant qu'il est tenu d'informer son
contractant. D'autre part, le défaut d'information a ici porté sur la valeur. S'il avait porté sur des qualités
essentielles de la chose, la solution inverse aurait pu être retenue. La solution est à mettre en parallèle
avec l'erreur : alors que l'erreur sur la valeur n'est pas une cause d'annulation, l'erreur sur les qualités
essentielles, l'est (cf. infra).
• de manière positive, « ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et
nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties ». Ces expressions sont très fugaces et
les plaideurs ne manqueront pas de s'y engouffrer :
Exemple
par exemple, le fait de savoir que se construit un HLM à proximité de l'immeuble vendu a-t-il un lien
» direct et nécessaire » avec le contenu du contrat ? Le fait de conclure un contrat commercial alors
que l'on sait que le secteur économique s'effondre a-t-il un lien direct et nécessaire avec le contenu
du contrat ?

L'ignorance du cocontractant doit être légitime et peut tenir aux relations de confiance entre les cocontractants.

• L'adverbe « légitimement » montre que, dans certains cas, l'ignorance du contractant sera illégitime.
Cela vise les hypothèses où il doit lui-même se renseigner, sans attendre que son contractant lui révèle
des informations qu'il était coupable d'ignorer : cela peut viser la valeur du bien ou du service (cf. supra),
des informations qui étaient déjà connues de tous et que le créancier ne pouvait ignorer (par exemple,
le contenu d'un POS ou d'un PLU).
• La référence à la confiance suscite elle aussi des incertitudes. Devra-t-on avoir une approche objective,
en considérant que certains contrats sont nécessairement des contrats où une certaine confiance existe :
mandat, sociétés, contrats d'intérêt commun ? Ou devra-t-on privilégier une approche subjective en
sondant chaque situation particulière, indépendamment de la nature du contrat, pour apprécier la nature
concrète de la relation entre les cocontractants ? La confiance pourra ainsi caractériser le consommateur
ou le profane qui fait « confiance » à son interlocuteur professionnel.
- La mise en œuvre du texte. L'article 1112-1 donne certaines précisions relatives à sa mise en œuvre.

D'abord, les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir. On est donc ici en présence d'un texte d'ordre
public, le principe étant le caractère supplétif de l'ordonnance. Il n'est pas certain que cette impérativité soit
bienvenue. Par exemple, alors que l'acheteur d'une société aura indiqué qu'il renonçait à être plus informé
(soucieux de conclure vite la vente par exemple), il pourra reprocher à son vendeur de ne pas lui avoir révélé
certaines informations.

Ensuite, le texte prévoit que c'est à celui qui prétend qu'une information lui était due de le prouver, à charge pour
le débiteur de l'information de prouver qu'il l'a fournie. C'est là une reprise de la jurisprudence qui considère
que c'est au débiteur de l'obligation d'information de prouver qu'il l'a exécutée.

Enfin, le texte fixe les sanctions du manquement au devoir d'information. Il pourra donner lieu à mise en jeu de
la responsabilité et à l'annulation du contrat, pour peu que l'absence d'information ait eu pour effet de vicier le
consentement du contractant. En effet, dans certains cas, le manquement au devoir d'information n'aura pas
vicié le consentement et ne permettra pas l'annulation du contrat : ainsi, lorsque le contrat n'aura finalement
pas été conclu et que, ayant négocié longuement, un négociateur découvrirait après coup une information qui
lui avait été cachée et qui aurait eu pour conséquence qu'il aurait mis fin aux négociations, il pourra obtenir
des dommages et intérêts ; de même, lorsque le manquement au devoir d'information ne permettra pas de
caractériser un dol, lequel suppose la démonstration d'une intention de tromper, le manquement au devoir
d'information résultant d'une simple négligence pourra alors être indemnisé.

§3 : L'utilisation d'informations
confidentielles
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- Le texte. L'article 1112-2 dispose que :
« celui qui utilise ou divulgue sans autorisation une information confidentielle obtenue à l'occasion des
négociations engage sa responsabilité dans les conditions du droit commun ».

- Sa mise en œuvre. Le texte embrasse large puisque sont visées tant les « utilisations » que les «
divulgations ». En revanche, il ne définit pas les « obligations confidentielles ». Certaines ne le seront
évidemment pas (celles devant nécessairement être fournies à tout futur contractant - des CGV - ou publiées
- informations financières). D'autres le seront plus facilement (savoir-faire, secret de fabrique, plans, stratégie
commerciale...). Les négociateurs ont tout intérêt à préciser les documents confidentiels, la durée de la
confidentialité et la sanction en cas de manquement par des accords de confidentialité.

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Section 2 : L'offre et l'acceptation
- Plan. L'offre et de l'acceptation font l'objet de dispositions générales (§1) et des dispositions propres au
contrat conclu par voie électronique (§2).

§1 : Les dispositions générales


- Nécessité d'une offre et d'une acceptation. L'article 1113 dispose que :
« le contrat est formé par la rencontre d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent
leur volonté de s'engager ».Les articles suivants portent sur l'offre (A) et l'acceptation (B).

A - L'offre
- Plan. Les articles 1114 à 1117 invitent à distinguer la notion d'offre (1) et son régime juridique (2).

1. La notion d'offre
- Les destinataires de l'offre. L'offre n'a pas été définie dans le Code civil. L'article 1114 précise seulement
qu'elle peut être adressée à une personne déterminée (j'offre de te vendre ma maison) ou à des personnes
indéterminées (publicité par voie d'affichage ou de tracts). On parle alors de pollicitation : le simple fait de
présenter un produit en vitrine ou de le faire apparaître sur un catalogue vaut offre de vente.

- Caractères de l'offre. Pour être qualifiée d'offre et non de simple invitation à entrer en pourparlers, l'offre
doit présenter deux caractères :
• Précision : Elle doit comprendre les éléments essentiel du contrat envisagé et être suffisamment précise
pour qu'un simple « oui » suffise à former l'acte envisagé. Cette notion d'éléments essentiels ne sera
pas toujours facile à déterminer. Pour les contrats nommés (vente, bail, entreprise...), il suffit de s'en
référer aux articles que le Code civil leur consacre. Mais pour les contrats innomés, l'identification pourra
être plus délicate. Il faut ici noter que les parties peuvent librement « essentialiser » des éléments qui
seraient normalement accessoires. En revanche, si l'offre ne comporte pas tous les éléments essentiels
du contrat, elle ne vaut que comme simple invitation à entrer en pourparlers.
• Fermeté : L'offre doit encore être ferme c'est-à-dire qu'elle doit exprimer « la volonté de son auteur
d'être lié en cas d'acceptation ». L'article 1114 reprend ici une formule déjà retenue par la Cour de
cassation (Cass. com., 6 mars 1990, JCP 1990, II, 21583, note B. Gross ; Rép. Defrénois, 1991, art.
34987, n° 13, note J.-L. Aubert). Lorsque l'offre sera assortie de réserves, elle ne sera pas considérée
comme « ferme ».

En savoir plus : Distinction entre les « réserves absolues » et les « réserves relatives »
La doctrine distingue entre les « réserves absolues » qui excluent la qualification d'offre et les « réserves
relatives » qui ne l'excluent pas. Les premières permettent à l'offrant de trier et de refuser son offre à certains
acceptants (exemple de la banque qui fait des offres de prêt, « sous réserve d'acceptation du dossier ») ; les
secondes ne le lui permettent pas et constituent une offre ferme, quoique assortie d'un terme (offre de vente
de téléviseurs dans la limite des stocks disponibles) ; (J.L. Aubert, "Notions et rôles de l'offre et de l'acceptation
dans la formation du contrat", LGDJ 1970, n° 41).

2. Le régime juridique de l'offre

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- Interrogation. La question est de savoir jusqu'à quel moment une offre demeure valable : peut-elle être
librement retirée par l'offrant ? tombe-t-elle à la suite de certains évènements ? Il faut distinguer la rétractation
(a) et la caducité (b) de l'offre.

a) La rétractation de l'offre
Le Code civil envisage deux hypothèses de rétractation de l'offre, selon qu'elle ait ou non « touché » son
destinataire.

- Rétractation de l'offre qui n'a pas atteint son destinataire. Si l'offre n'a pas encore atteint son destinataire,
l'article 1115 dispose qu'elle peut librement être rétractée. Cette disposition est utile avec l'accélération des
modes de communication. Voici une offre de vente qui est adressée par courrier à un destinataire ; l'offrant peut
rétracter son offre (par mail, par fax, par téléphone ...) tant que le courrier n'a pas été distribué au destinataire.
Il ne subit aucun préjudice puisqu'il ne se savait pas destinataire d'une offre.

- Rétractation d'une offre reçue par son destinataire. Si l'offre a atteint son destinataire, elle fait naître en
lui la croyance qu'il peut l'accepter. C'est la raison pour laquelle l'article 1116 dispose que l'offre « ne peut être
rétractée avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l'issue d'un délai raisonnable ». En d'autres
termes, même si l'offre n'est pas assortie d'un délai, elle doit être maintenue pendant un « délai raisonnable
», afin de permettre à son destinataire de l'accepter s'il le souhaite. Ce texte impose donc certaines précisions
pratiques.

D'abord, d'un point de vue rédactionnel, la prudence consiste à toujours assortir son offre d'un délai. A défaut,
l'offrant s'expose à devoir la maintenir pendant un délai raisonnable. Or, ce qui semble raisonnable à l'offrant
semblera peut-être déraisonnable au destinataire de l'offre. Au final, c'est le juge qui tranchera.
Exemple
Par exemple, une offre d'achat d'un immeuble avait été faite à un acquéreur potentiel avec la mention «
réponse immédiate souhaitée ». L'acquéreur n'ayant acquiescé que 5 semaines plus tard (il s'agissait d'une
société et la consultation du conseil d'administration était nécessaire), l'offrant considérait l'offre caduque.
La cour a jugé que « le délai raisonnable dans lequel doit être acceptée une offre de vente fait à personne
déterminée et sans délai s'apprécie en fonction de toutes les circonstances de l'espèce, y compris celles qui
ème
tiennent à la situation de l'acquéreur » (Cass. civ. 3 , 25 mai 2005, D. 2005, p. 2837, note S. Amrani-Mekki ;
RDC 2005, p. 1071, obs. F. Collart-Dutilleul ; RTD civ. 2005, p. 772, obs. J. Mestre, B. Fages ; JCP 2005, éd.
G, p. 1747, obs. P. Grosser ; RDC 2006, p. 311, obs. D. Mazeaud).
Ensuite, d'un point de vue contentieux, on doit s'interroger sur la sanction en cas de rétractation anticipée de
l'offre par son auteur. L'article 1116 dispose que, même fautive, la rétractation empêche la formation du contrat :
seuls des dommages et intérêts pourront donc être prononcés. On mesure par là la différence fondamentale
entre une offre et un contrat de promesse : alors que l'offre est le fruit d'une volonté isolée, la promesse
unilatérale de vente est un contrat par lequel un promettant s'engage à vendre un bien à un bénéficiaire si ce
dernier lève l'option ; la rétractation de la promesse n'empêche pas la formation du contrat (cf. infra).

En savoir plus : Agencement de l'article 1116 avec des droits spéciaux et déclaration d'intention
d'aliéner
Il existe de nombreux textes, notamment dans le droit de la consommation, où le professionnel doit maintenir
son offre pendant un certain temps. Ces textes priment sur l'article 1116. En revanche, une difficulté
d'application pourra se poser avec le droit de préemption dont bénéficient certaines communes. Lorsque l'on
vend un immeuble, le vendeur doit notifier à la commune une déclaration d'intention d'aliéner (DIA) que la
jurisprudence analyse comme une offre de vente. Mais cette offre a un régime particulier puisque la Cour de
ème
cassation considère qu'elle est librement révocable tant que la commune ne l'a pas acceptée (Cass. 3 civ.,
17 septembre 2014, n° 13-21824, RDC 2015, p. 53, obs. C. Quézel-Ambrunaz et Johann Le Bourg : « l'offre de
vente résultant de la déclaration d'intention d'aliéner constituait jusqu'à son acceptation par le titulaire du droit
de préemption une simple pollicitation qui pouvait être rétractée unilatéralement »). Toute la question est alors

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de savoir si cette interprétation libérale pourra se maintenir avec le nouvel article 1116 : l'offrant ne devrait-il
pas maintenir son offre pendant un certain délai ?

En savoir plus : Quelles justifications théoriques au maintien de l'offre pendant un délai raisonnable ?
Il existe trois explications concurrentes au maintien de l'offre (voir J. Antipas, "De la bonne foi précontractuelle
comme fondement de l'obligation de maintien de l'offre dans le délai indiqué", RTD. civ. 2013, p. 27). La
première est celle de la théorie de l'avant contrat, qui fut soutenue par Demolombe. Selon cette théorie, l'offre du
pollicitant se décompose en deux termes : le premier porte sur le contenu du contrat à conclure ; le second sur
la durée de l'offre, serait-elle exprimée ou implicite. Le bénéficiaire de l'offre est censé avoir accepté le second
ème
terme de l'offre, fait uniquement en sa faveur. Cette façon de penser est symptomatique du XIX siècle où l'on
imagine pas qu'on puisse être engagé sans que deux volontés l'aient voulu. La deuxième explication est celle
de la responsabilité: la révocation hâtive peut constituer une faute si elle cause un dommage au bénéficiaire de
l'offre. La réparation peut être octroyée de deux façons : soit sous forme de dommages-intérêts, soit en privant
d'effet la révocation fautive et donc, en formant le contrat, alors même que la volonté du pollicitant n'existe plus
(cette voie est clairement rejetée par l'article 1116). La troisième explication est la théorie de l'engagement
unilatéral de volonté qui serait, par lui-même, créateur d'obligation (voir C. civ., art. 1100-1).
Qui peut se prévaloir du délai ?
L'article dispose que l'offre n'est caduque que lorsqu'est écoulé un délai raisonnable sans être suivi d'une
acceptation. Un arrêt avait jugé que le délai raisonnable devait s'apprécier à l'aune de la situation du
destinataire. Mais peut-on, alors que l'acceptation intervient 18 mois après l'offre, dire que le contrat est formé ?
En l'espèce, un employeur avait adressé à un salarié une offre prévoyant les conditions d'indemnisation en cas
de départ volontaire de sa part. Le salarié a accepté cette offre 18 mois après. Mis à la retraite dix ans après,
il estime que l'accord n'a pas été valablement formé car l'offre n'était plus valable lorsqu'elle a été acceptée («
en l'absence de date butoir, le changement des circonstances dans lesquelles l'offre a été émise, par perte de
pouvoirs ou de qualité de l'offrant, représentant d'une personne morale, en raison du changement de structure
d'une société par modification de son mode de gouvernance, impose la réitération de toute offre non acceptée
à la date dudit changement ; qu'à défaut, l'offre devient caduque et ne formera pas le contrat en dépit de son
acceptation »). La Cour ne fait pas droit à cette argumentation :
« mais attendu que la cour d'appel qui a relevé que l'offre du 16 décembre 1996 avait valablement engagé
la société, qui, nonobstant le changement de direction, ne l'avait ni rétractée, ni dénoncée au moment de
l'acceptation le 16 juin 1998, seul l'offrant pouvant se prévaloir d'un délai d'expiration de l'offre ou de l'absence
de pouvoir du mandataire, a légalement justifié sa décision » (Cass. soc., 30 mai 2018, n° 17-10888 ; JCP G
2018, 782, n° 1, obs. G. Loiseau ; RDC 2018, p. 435, obs. G. Loiseau ; RTD. civ. 2018, p. 652, obs. H. Barbier ;
D. 2019, p. 279, obs. M. Mekki).La solution est intéressante car elle montre que seul l'offrant peut se prévaloir
de la caducité de l'offre ; pas le destinataire...

b) La caducité de l'offre
- Le texte. L'article 1117 dispose que l'offre est caduque à l'expiration du délai stipulé ou du délai raisonnable.
Mais son alinéa 2 dispose qu'il en va de même en cas d'incapacité ou de décès de son auteur. Cette solution
opère un bris de jurisprudence puisqu'un arrêt avait retenu que « l'offre qui n'est pas assortie d'un délai est
ère
caduque par le décès de celui dont elle émane avant qu'elle ait été acceptée » (Cass. 1 civ., 25 juin 2014,
n° 13-16529 ; D. 2014, p. 1574, note A. Tadros ; D. 2015, p. 529, obs. S. Amrani-Mekki et M. Mekki ; RDC
2014, p. 601, obs. P.-M. Laithier ; Rép. Defrénois 2014, obs. J.-B. Seube ; CCC 2014, comm. 211, obs. L.
Leveneur ; Dr. et patrimoine janvier 2015, p. 55, obs. Ph. Stoffel-Munck). On en déduisait donc, a contrario,
que si l'offre était assortie d'un délai, elle se maintenait indépendamment du décès de son auteur. Le nouvel
article pose donc que toutes les offres, assorties ou non d'un délai, sont caduques du fait du décès ou de
l'incapacité de son auteur.

- La pratique. L'article 1117 n'étant pas d'ordre public, l'auteur de l'offre aura tout intérêt à préciser s'il entend
que son offre survive à son éventuel décès. Il pourra aussi, pour peu que la situation s'y prête, envisager
l'hypothèse du décès du destinataire pour préciser que ses héritiers pourront alors accepter l'offre (à noter

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que la loi du 20 avril 2018 a modifié l'article 1117 en précisant que l'offre était caduque en cas de décès du
er
destinataire ; cette modification ne joue qu'à compter du 1 octobre 2018).

B - L'acceptation

- Plan. Les articles 1118 à 1122 appelle à distinguer la notion (1) et le régime de l'acceptation (2).

1. La notion d'acceptation
- Une acceptation ferme. L'article 1118 précise que l'acceptation est la manifestation d'être lié dans les termes
de l'offre. L'acceptation doit donc être dépourvue de nuances. C'est l'expression définitive du destinataire de
l'offre de conclure le contrat aux conditions proposées. L'acceptation se résume à un seul mot : « oui ». Dès
lors, toute acceptation assortie de conditions (« oui, mais... ») n'est plus une acceptation mais une contre-
proposition. De fait, les positions sont inversées : le destinataire devient offrant. La contre-proposition vaut
donc refus de l'offre initiale et proposition d'une nouvelle offre (C. civ., art. 1118 al. 3).

- Une acceptation expresse. Peut-on accepter un contrat en restant silencieux ? Le principe est suivi
d'exceptions.

• Le principe est que « le silence ne vaut pas acceptation » (C. civ., art. 1120). Ainsi, contrairement à
l'apophtegme célèbre, qui ne dit mot consent, qui ne mot ne consent pas en droit. La règle avait été
ère
dégagée par la jurisprudence (Cass. 1 civ., 16 avril 1996, Bull. civ. I, n° 181 : « le silence ne vaut pas,
à lui seul, acceptation »). L'explication est que le silence est par nature équivoque : on ne sait pas si celui
qui ne mot consent ou refuse. Dès lors, il ne saurait engager la personne. L'acceptation suppose donc un
oui. Ce oui peut revêtir différentes formes, qu'il résulte d'un écrit (bon de commande), d'un geste (on lève
la main aux enchères, on tope sur le marché), ou même d'un comportement (le comportement le plus
simple étant le commencement d'exécution du contrat : le commerçant expédie les marchandises qu'on
lui a commandées : il accepte l'offre d'achat). En tout état de cause, l'acceptation doit être extériorisée.
• Les exceptions. L'article 1120 précise que le silence peut valoir acceptation si la loi, les usages, les
relations d'affaires ou des circonstances particulières l'imposent. C'est là encore la reprise d'une solution
ère
jurisprudentielle (Cass. 1 civ., 24 mai 2005, JCP 2005, éd. G, I, 194, obs. C. Peres-Dourdou ; CCC
2005, comm. n° 165, obs. L. Leveneur ; RDC 2005, p. 1005, obs. D. Mazeaud ; RTD civ. 2005, p. 588,
obs. J. Mestre et B. Fages : « il n'en est pas de même lorsque les circonstances permettent de donner
ère
à ce silence la signification d'une acceptation » ; Cass. 1 civ., 4 juin 2009, RDC 2009, p. 1330, obs.
Th. Génicon ; D. 2009, p. 2137, obs. F. Labarthe ; RTD. civ. 2009, p. 530, obs. B. Fages ; adde Cass.
ère
1 civ., 28 février 2008, RDC 2008, p. 709, obs. Th. Génicon : « si le silence ne vaut pas à lui seul
acceptation, des circonstances particulières permettent de lui en donner la signification »).
Exemple
Par exemple, la loi prévoit parfois que le silence gardé par un contractant a pour effet de renouveler le
contrat (C. civ., art. 1738, le bail est renouvelé par tacite reconduction lorsque le locataire reste dans
les lieux ; C. Ass., art. L. 112-2, al. 2, le silence gardé par l'assureur pendant 10 jours vaut acceptation
de l'offre de l'assuré de modifier son contrat). Par exemple, certains usages agricoles (la vente de
cognac notamment) prévoient que le contrat se forme par le silence. Il en va de même de certaines
circonstances : il a par exemple été retenu qu'une clinique avait accepté par son silence l'engagement
d'un actionnaire d'apporter une certaine somme en compte courant parce que cela lui permettait de
présenter un plan de redressement crédible au Tribunal (Cass. com., 18 janvier 2011, RDC 2011, p.
789, obs. Y.-M. Laithier ; JCP 2011, éd. G, 566, n° 9, obs. G. Loiseau).

2. Le régime de l'acceptation

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- Plan. Deux textes du code civil envisagent la rétractation de l'offre (a) et son effet (b).

a) La rétractation de l'acceptation
- Si l'acceptation n'a pas encore atteint l'offrant, elle peut être rétractée (C. civ., art. 1118, al. 2). C'est le
pendant de l'article 1115. La justification est la même : tant que l'acceptation n'a pas touché l'offrant, le contrat
n'est pas formé et l'acceptation peut être rétractée tant que la révocation touche l'offrant avant qu'il n'ait reçu
l'acceptation.

- Si l'acceptation a atteint l'offrant, elle ne peut être rétractée que si cette faculté est organisée par la loi
ou par le contrat. L'article 1122 réserve en effet l'hypothèse des délais de rétractation qui permettent à un
contractant ayant accepté de se rétracter. Le droit de la consommation en est friand, notamment dans les
ventes à distance ou hors établissement. On mesure alors que l'acceptation se forme progressivement : quand
bien même aurait-il accepté l'offre, le consommateur conserve la possibilité de retirer son consentement.

Question pratique : peut-on abuser d'une faculté de rétractation ? L'article L. 132-5-1 du Code des assurances
permet au souscripteur de se rétracter d'un contrat d'assurance-vie à compter de la souscription et la
communication de certains documents. Le texte prévoit que cette faculté de rétractation est prorogée tant que
les documents n'ont pas été communiqués à l'assuré.
Exemple
La Cour considérait que l'assuré pouvait toujours exercer sa faculté de rétractation, droit discrétionnaire
ème
insusceptible de dégénérer en abus (Cass. 2 civ., 7 mars 2006, n° 05-10366). La Cour a opéré un
revirement de jurisprudence sur la question : plus de deux ans après la conclusion d'un contrat et estimant
sans doute avoir subi des pertes, des souscripteurs avaient mis en œuvre la rétractation en estimant qu'ils
n'avaient pas reçu les informations légales. La cour retient :
« si la faculté prorogée de renonciation (...) prévue en l'absence de respect, par l'assureur, du formalisme
informatif revêt un caractère discrétionnaire pour le preneur d'assurance, son exercice peut dégénérer en
abus ; et attendu que ne doit pas être maintenue la jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 qui,
n'opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou la mauvaise foi du preneur d'assurance, ne permet pas
de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de
ème
loyauté qui s'impose aux contractants » (Cass. 2 civ., 19 mai 2016, n° 15-12767, D. 2016, p. 1133 ; RTD.
civ. 2016, p. 605, obs. H. Barbier ; JCP N 2017, obs. M. Mekki).
La Cour a refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC qui considérait que cette interprétation
ème
jurisprudentielle portait atteinte à l'intelligbilité et de la loi et à la liberté contractuelle (Cass. 2 civ., 27 avril
ème
2017, n° 17-40027, D. 2017, p. 980) et a réitéré la solution par un arrêt du 7 février 2019 (Cass. 2 civ.,
7 février 2019, n° 17-27223).

b) L'effet de l'acceptation
- Formation du contrat. L'acceptation a pour effet de former le contrat :« le contrat est formé par la rencontre
d'une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager » (C. civ., art.
1113).Le Code civil prévoit cependant deux hypothèses particulières : celle des contrats entre absents et celle
où ont été utilisées des conditions générales.

- Hypothèse des contrats entre absents. Pour que le contrat se forme, il est nécessaire que l'acceptation
rencontre l'offre et qu'elles aient pu coexister ne serait-ce que le trait d'un instant. Cependant, un problème
particulier se pose quand celui qui accepte ne le fait pas en présence de l'offrant. On est alors devant un contrat
formé entre absents, ou encore contrat par correspondance (J. Valéry, Les contrats par correspondance, 1895).

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La jurisprudence a longtemps hésité pour savoir, en pareille hypothèse, où et quand était formé le contrat. De
façon théorique, quatre moments sont envisageables pour dire à quel moment le contrat est formé : le moment
où le destinataire de l'offre accepte, celui où il se dessaisit de son acceptation (il la poste), celui où l'acceptation
est reçue, celui où l'offrant en prend connaissance. Les deux moments extrêmes sont à proscrire pour des
questions de preuve ou de bon sens (quid si l'offrant n'ouvre jamais son courrier). Entre la thèse de l'émission
et celle de la réception, la Cour de cassation n'a jamais clairement tranché : en réalité, c'est le juge qui détient
ère
un pouvoir souverain d'appréciation (Cass. 1 civ., 21 décembre 1960, D. 1961, 417, note Ph. Malaurie). La
Cour statue, en fonction des conséquences, en faveur de l'une ou l'autre des théories. Elle a ainsi décidé,
favorisant la thèse de l'émission, que « faute de stipulation contraire, une convention est destinée à devenir
parfaite non par la réception par le pollicitant de l'acceptation de l'autre partie, mais par l'émission par celle-ci de
son acceptation » (Cass. Com., 7 janvier 1981, RTD civ. 1981, 849, obs. F. Chabas). En revanche, privilégiant
la thèse de la réception dans le contentieux du bail, elle juge « en cas d'exercice de son droit de préemption
par le preneur à bail rural, la formation du contrat de vente est subordonnée à la connaissance de l'acceptation
ème
de l'offre par le pollicitant » (Cass. 3 civ., 16 juin 2011, RLDC octobre 2011, n° 4367, obs. A. Paulin).

L'article 1121 tranche définitivement cette incertitude : « le contrat est conclu dès que l'acceptation parvient à
l'offrant. Il est réputé l'être au lieu où l'acceptation est parvenue ». La thèse de la réception est donc consacrée :
c'est lorsque l'offrant reçoit la réception de l'acceptation que les deux parties savent, l'un et l'autre, que deux
volontés co-existent.

- Hypothèse d'un recours aux conditions générales. Très souvent, les contrats se forment aujourd'hui par
l'échange de conditions générales. L'article 1119 est consacré à cette hypothèse.

Il pose d'abord que les conditions générales doivent être portées à la connaissance de l'autre partie et être
acceptées par elle. Le texte apparaît cependant insuffisant et il faut sans doute distinguer entre le rôle de
l'acceptation et ses modalités.

Quant au rôle de l'acceptation, la question est de savoir si l'acceptation des CGV forme le contrat ou rend
seulement opposables ses clauses à celui qui les accepte.

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Exemple
Cette question a été très clairement tranchée par la Cour de cassation dans un contentieux en droit des
assurances : Une compagnie d'assurances adresse des offres d'assurances à un promoteur immobilier. Il les
accepte et adresse 3 chèques ainsi que les différentes pièces qui lui étaient demandées. Après avoir reçu
les notes de couverture, le promoteur demande de ne pas établir le contrat et de lui restituer les chèques.
L'assurance poursuit l'exécution forcée du contrat. La Cour d'appel a fait droit aux demandes du promoteur
en considérant que les contrats n'avaient pas été valablement formés puisque les conditions générales et
particulières n'avaient pas été transmises ni acceptées par le promoteur. L'arrêt est cassé :
« en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que le promoteur avait accepté les offres émises par l'assureur...,
et alors que la connaissance et l'acceptation des conditions générales et particulières conditionnent leur
opposabilité à l'assuré et non la formation du contrat, la cour d'appel a violé l'article L. 112-2 du Code des
ème
assurances et 1134 du Code civil » (Cass. 3 civ., 20 avril 2017, n° 16-10696, D. 2017, p. 917 ; JCP E 2017,
1393, note S. Le Gac-Pech ; JCP E 2017, 1358, n° 4, obs. J.-B. Seube ; JCP G 2017, 668, note C. Cousin).
La solution est théoriquement fondée ... mais ... en pratique ... on avoue avoir du mal à identifier le contenu
du contrat puisque des éléments essentiels figurent dans les CGV : risque couvert, exclusions de garantie...
De fait, un arrêt postérieur est venu atténuer la solution : une société avait demandé un devis à un auteur
afin qu'il rédige des documents commerciaux ; l'auteur avait envoyé son travail alors qu'aucun accord n'avait
cependant été trouvé sur les conditions de la cession des droits d'auteur. L'auteur, constatant que la société
avait utilisé les documents, l'avait assignée en contrefaçon. La cour d'appel avait considéré que le contrat de
cession existait même si les parties ne s'étaient pas entendues sur ses conditions.
Cassation : « en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que l'auteur avait adressé à la société le fruit de
son travail sans qu'un accord ait pu être trouvé sur les conditions générales destinées à définir la portée de
la cession consentie par celui-ci, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations
ère
et a violé les articles 1101 et 1134 du Code civil » (Cass. 1 civ., 4 octobre 2017, n° 16-10411, RTD. civ.
2018, p. 100, obs. H. Barbier ; RTD. com., 2017, p. 906, obs. F. Pollaud-Dulian).
Quant aux modalités de l'acceptation, le moyen le plus simple consiste sans doute à faire signer les CGV par
le contractant qui les accepte. Mais d'autres modes d'acceptation sont-ils possibles ? Peut-on plaider que le
fait d'avoir exécuté le contrat sans jamais avoir élevé d'opposition quant aux CGV vaut acceptation tacite ?
ère
Cette solution fut jadis admise (Cass. 1 civ., 16 février 1999, Bull. civ. I, n° 51). Elle semble désormais
condamnée. Peut-on admettre la validité des clauses du contrat par lesquelles un contractant reconnaît avoir
eu communication des CGV et les accepter en signant le contrat ?
Exemple
Un arrêt récent a tranché la question. En l'espèce, un assureur tentait d'opposer à un assuré un plafond de
garantie qui figurait dans des conditions particulières ; or, l'assuré prétendait ne les avoir jamais signées. La
Cour d'appel lui avait donné gain de cause en considérant qu'il n'y avait pas lieu d'appliquer la limitation de la
garantie à 1 000 000 euros dont l'assureur se prévalait, faute pour lui de démontrer que cette limitation était
entrée dans le champ contractuel. L'arrêt est cependant cassé :
« Qu'en statuant ainsi, sans répondre au moyen de l'assureur qui faisait valoir que les conditions générales
du contrat, dont l'assuré se prévalait, prévoyaient que la garantie-conducteur était plafonnée à un montant
indiqué dans les conditions particulières ce dont il déduisait que l'assuré avait connaissance de l'existence
ème
d'un plafond de garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé » (Cass. 2 civ., 14 avril 2016, n° 15-16625,
D. 2017, p. 375, obs. M. Mekki).
L'arrêt confirme donc qu'une clause de renvoi à des CGV ou d'autres conditions suffit à les rendre opposable
ère
(Cass. 1 civ., 3 décembre 1991, Bull. civ. I, n° 342). Mieux vaut donc cependant clairement écrire dans le
contrat que sa signature vaut acceptation des CGV qui ont été communiqués au contractant

Il pose e nsuite qu'en cas de discordance des conditions générales invoquées par l'une et l'autre des parties,
les clauses incompatibles sont sans effet. Cette solution avait déjà été retenue par la jurisprudence : voici les
CGV d'un vendeur qui prévoient une clause de réserve de propriété (cf. infra) et les CGA de l'acheteur qui
excluent par avance toute clause de réserve de propriété. Ces deux clauses se neutralisent et l'on revient
à l'application du droit commun c'est-à-dire la règle du transfert immédiat de propriété (cf. infra). Cette règle
heurte cependant des règles propres au droit commercial qui font des conditions générales de vente « le socle

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de la négociation commerciale » (C. com., art. L. 441-6) : on en déduit alors que les CGV ne peuvent pas être
écartées par des CGA et qu'il faut un accord exprès du vendeur pour déroger à ses CGV.

Il pose enfin que, en cas de divergences entre les conditions spéciales et les conditions générales, ce sont
les premières qui l'emportent. La solution avait déjà été relevée par la jurisprudence.
Exemple
ème
Cass. 2 civ., 4 octobre 2018, n° 17-20624, JCP E 2019, 1071, n° 4, obs. R. Loir ; JCP G 2019, 183, n
° 1, obs. D. Houtcieff : « Il résulte de l'article 1134 que les clauses des conditions particulières d'une police
d'assurance prévalent sur celles des conditions générales au cas où les premières sont inconciliables avec
les secondes ».

§2 : Les dispositions propres au contrat


conclu par voie électronique
- Origine des dispositions. La loi du 21 juin 2004 sur la confiance dans l'économie numérique (LCEN) a
inséré dans le Code civil certaines dispositions qui intéressent la conclusion des contrats sur internet (O.
Cachard, "Le contrat électronique dans la loi pour la confiance dans l'économie numérique", Rev. Lamy droit
civil, septembre 2004, p. 5 et s. ; Ph. Stoffel-Munck, "La réforme des contrats du commerce électronique",
Communication-commerce électronique 2004, chron. n° 30 et JCP 2004, éd. E, p. 1341 ; L. Grynbaum, "Après
la loi économie numérique, pour un code européen des obligations ... raisonné", D. 2004, chron., p. 2213 ; J.
Huet, "Le code civil et les contrats électroniques, Bicentenaire du Code civil", Dalloz 2004, p. 2004, p. 540 ;
RDC 2005, n° 2 Débats avec les interventions de M. Vivant, D. Ferrier, J. Huet, P.-Y. Gautier... ; M. Mekki, "Le
formalisme électronique : la neutralité technique n'emporte pas la neutralité axiologique", RDC 2007, p. 681).
Ces dispositions ont été reprises aux articles 1125 à 1127-6 du Code civil.

- Processus progressif de formation du contrat. L'article 1127-2 dispose que :


« le contrat n'est valablement conclu que si le destinataire de l'offre a eu la possibilité de vérifier le détail de
sa commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer
son acceptation. L'auteur de l'offre doit accuser réception sans délai injustifié, par voie électronique, de la
commande qui lui a été adressée. La commande, la confirmation de l'acceptation de l'offre et l'accusé de
réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès
».
Le but de ce texte est de retarder la formation du contrat et d'empêcher qu'un internaute se trouve lié sans
l'avoir voulu ou sans en avoir pris conscience. Si la fin est louable, il faut cependant admettre que la loi ouvre
sur d'insondables mystères. Il y a ainsi un véritable « processus » de formation du contrat qui doit passer par
4 étapes : l'offre faite par le professionnel : elle doit être accompagnée de nombreuses informations visées à
l'article 1127-1 ; la commande établie par le destinataire de l'offre ; la confirmation de cette commande (double
clic) après correction d'éventuelles erreurs ; l'accusé réception de la confirmation de la commande.

- Incertitude sur la date de formation du contrat. Ce schéma n'est guère éclairant quant à la date de
formation du contrat. Si l'on privilégie l'article 1127-2, alinéa 1, on peut penser que le contrat est formé dès la
confirmation de l'acceptation par l'internaute (ce serait alors la théorie de l'émission qui serait consacrée) ; en
revanche, si l'on tient compte de l'alinéa 3, le contrat n'est formé que lorsque l'offrant a accès à la confirmation...
confirmant ainsi la thèse de la réception (E. Grimaux, "La détermination de la date de conclusion du contrat par
voie électronique", Communication, commerce électronique 2004, chron. n° 10 ; L. Grynbaum, "Contrats entre
absents : Les charmes évanescents de la théorie de l'émission de l'acceptation", D. 2003, chron., p. 1707). On
le voit, la loi n'est d'aucun secours et, pire, elle complique l'analyse avec la question de la détermination du
moment auquel les parties peuvent avoir accès aux informations qui leur sont destinées.

En savoir plus : Le processus de conclusion du contrat


Intervention de F. Collard-Dutilleul lors de la Journée d'études sur "La réforme du droit des obligations"
organisée par l'IRDP de Nantes.

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Section 3 : Les avant-contrats
- Diversité des avant-contrats et vision parcellaire de l'ordonnance. Il est des hypothèses où les
négociations sont encadrées par des accords de négociation. On parle pour les décrire d'avant-contrats
puisqu'ils préparent le contrat définitif. Ces avant-contrats sont très nombreux et recouvrent des hypothèses
disparates : accord de principe par lequel les parties ne se mettent d'accord que sur un principe et s'engagent
à négocier de bonne foi pour y parvenir ; pacte de préférence par lequel une partie s'engage à contracter
avec une autre, par préférence à toute autre personne, au cas où elle se déciderait à contracter ; promesse
par laquelle une partie (promesse unilatérale) ou les deux parties (promesse synallagmatique) s'engage(nt) à
contracter. Le Code civil n'évoque que deux avant-contrats et l'on peut regretter qu'une vision plus large n'ait
pas été adoptée par les rédacteurs de l'ordonnance.

§1 : Le pacte de préférence
- Définition.
Le pacte de préférence est « le contrat par lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son
bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas où elle se déciderait de contracter ».
Les pactes de préférence sont souvent insérés dans des baux (au cas où le bailleur se décide à vendre, il
s'engage à proposer l'immeuble au locataire) ou dans les statuts de société (au cas où un associé décide de
vendre ses parts, il les proposera par priorité à ses associés).

- Sanction de la violation du pacte. Que se passe-t-il lorsque le débiteur de préférence méconnaît son
engagement et contracte avec un tiers ?

Il faut d'abord caractériser le manquement, ce qui n'est pas toujours évident, comme le montre un arrêt.
Exemple
En l'espèce, un pacte de préférence avait été conclu pour une certaine durée. Le promettant avait, avant la
date d'expiration du pacte, conclu une promesse unilatérale avec un tiers dont le délai d'option était cependant
postérieur à la date d'expiration du pacte. La Cour d'appel avait considéré que le pacte de préférence n'était
pas violé puisque la lettre du pacte ne permettait pas de conclure que l'obligation de donner préférence devait
grever l'avant-contrat : la vente ne pouvant prendre effet qu'au moment de la levée de l'option, laquelle était
intervenue alors que le pacte était expiré, le pacte n'avait donc pas été méconnu. Cet arrêt est cassé :
« en statuant ainsi, alors que le pacte de préférence implique l'obligation, pour le promettant, de donner
préférence au bénéficiaire lorsqu'il décide de vendre le bien, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil
ème
» (Cass. 3 civ., 6 décembre 2018, n° 17-23321 ; D. 2019, p. 294, obs. S. Tisseyre ; D. 2019, p. 279, obs.
M. Mekki ; JCP G 2019, 183, n° 3, obs. G. Loiseau ; RDC 2019, p. 20, obs. Y.-M. Laithier; JCP E 2019, 1109,
note D. Mainguy ; RTD. civ. 2019, p. 317, obs. H. Barbier).
Une fois le manquement caractérisé, la jurisprudence retenait que le créancier de préférence ne pouvait
substituer le tiers que s'il démontrait que ce tiers avait connaissance du pacte et de son intention de s'en
prévaloir. Cette solution était généralement critiquée par la doctrine qui considérait qu'il serait bien difficile
au créancier de préférence de démontrer que le tiers connaissait (1) l'existence du pacte et (2) l'intention du
bénéficiaire de s'en prévaloir.

Cette solution a pourtant était consacrée par l'ordonnance : le principe est que le bénéficiaire du pacte de
préférence ne peut obtenir que des dommages et intérêts ; ce n'est que s'il démontre que le tiers avait
connaissance de l'existence du pacte et de son intention de s'en prévaloir qu'il pourra solliciter la substitution
dans les droits du tiers et/ou l'annulation du contrat conclu avec le tiers (C. civ., art. 1123 al. 2).

- Possibilité d'une action interrogatoire. Afin de faire cesser une situation d'incertitude, l'article 1123 al.
3 et 4 a créé une action interrogatoire. Le tiers qui envisage de conclure un contrat et qui présume qu'une

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personne pourrait bénéficier d'un droit de préférence peut l'interroger à ce sujet sur l'existence du pacte et sur
son intention de s'en prévaloir.

Cette action interrogatoire doit être faite par écrit, doit laisser au destinataire un délai raisonnable pour répondre
et doit lui préciser que, à défaut de réponse, il ne lui sera plus possible de solliciter la substitution dans le
contrat ou sa nullité. Seuls des dommages et intérêts seront donc envisageables. Cette disposition sera sans
doute fréquemment utilisée par les notaires pour purger les droits de préemption et de préférence auxquels
ils sont souvent confrontés.

§2 : La promesse unilatérale
- Définition de la promesse unilatérale.
La promesse unilatérale est un contrat par lequel une personne, le promettant, promet à une autre qui accepte
cette promesse, le bénéficiaire, de contracter au cas où elle lève l'option qui lui est consentie avant un certain
délai.
Exemple
Par exemple, A promet à B de lui vendre son immeuble au cas où B accepte de l'acheter (lève l'option) avant
er
le 1 juillet 2020. On mesure donc que A a définitivement consenti à la vente et que B reste libre de lever,
ou non, l'option.
L'article 1124 du Code civil conduit à faire certaines précisions :
• On parle souvent de promesse unilatérale de vente, mais le texte a vocation à s'appliquer à tout contrat
(promesse de bail, promesse de prêt...).
• La promesse confère un « droit d'opter » à son bénéficiaire. Encore faut-il que cette liberté d'option
soit réelle. Très souvent, le bénéficiaire verse au promettant une somme appelée « indemnité
d'immobilisation » en contrepartie de l'immobilisation de l'immeuble pendant le délai de l'option : si l'option
est levée, cette indemnité s'impute sur le prix ; si elle ne l'est pas, elle reste acquise au promettant.
Si l'indemnité est trop élevée, la liberté du bénéficiaire s'amenuise (il est contraint de lever l'option
pour ne pas perdre son indemnité) et la promesse unilatérale pourra être requalifiée en promesse
synallagmatique (cf. supra sur la distinction entre contrat unilatéral et synallagmatique).
• L'article ne dit rien sur le délai de l'option. Le plus souvent, le délai sera conventionnellement fixé. En
l'absence de délai stipulé, la promesse reste valable mais il faut, pour se libérer, que le promettant mette
en demeure le bénéficiaire de lever l'option dans unn délai raisonnable.
- Hypothèse de la révocation de la promesse par le promettant. Que décider si le promettant retire sa
promesse pendant le délai de l'option ? Avant la réforme, la jurisprudence avait décidé que « la levée de l'option
par le bénéficiaire de la promesse postérieurement à la rétractation du promettant excluant toute rencontre des
volontés réciproques de vendre et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée » (Cass.
ème
3 civ., 11 mai 2011, n° 10-12875). L'exécution de la promesse était impossible et le promettant ne s'exposait
qu'au paiement de dommages et intérêts. Cette solution était très critquée car elle niait l'engagement pris par le
promettant. Pour faire échec à cette jurisprudence, les parties à la promesse unilatérale pouvaient cependant
ème
inclure une clause prévoyant l'exécution forcée de la cession en cas de rétractation du promettant (Cass. 3
civ., 27 mars 2008, n° 07-11.721).

L'alinéa 2 du texte opère un bris de jurisprudence et restaure l'efficacité des promesses unilatérales. La
rétractation du promettant est désormais privée d'effet : même si cette rétractation intervient avant la levée
de l'option, le bénéficiaire pourra requérir l'exécution forcée de la cession si cette levée est intervenue dans
le délai prévu par les parties (Voir considérant que ce texte méconnaît le droit de propriété du promettant,
M.-F. Magnan, "De l'inconstitutionnalité de l'exécution forcée des promesses unilatérales de vente", D. 2015,
p. 826 – La Cour de cassation a cependant refusé de transmettre au Conseil constitutionnel une QPC selon
ème
laquelle l'article 1124 al. 2 serait contraire à la Constitution : Cass. 3 civ., 17 octobre 2019, n° 19-40028 ;
JCP G 2019, 1308, n° 2, obs. D. Houtcieff). Rien n'empêche les parties de prévoir une clause par laquelle elles
renoncent au bénéfice de ce texte et décident que l'éventuelle révocation de la promesse ne sera sanctionnée
que par des dommages et intérêts.

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On mesure donc la distinction très nette entre la sanction de la rétractation du promettant et celle d'une
révocation prématurée d'une simple offre de contracter, qui ne peut donner lieu qu'au versement de dommages-
intérêts au profit du destinataire de l'offre.

En savoir plus : La jurisprudence passée sur la révocation de la promesse


Dans des arrêts très controversés, la Cour de cassation a décidé que, « dans une promesse unilatérale de
vente, tant que le bénéficiaire n'a pas levé l'option, l'obligation du promettant ne constitue qu'une obligation
de faire » de sorte qu'on ne puisse procéder à la réalisation forcée de la vente mais uniquement octroyer
ème
au bénéficiaire des dommages-intérêts (Cass. 3 civ., 15 décembre 1993, D. 1994, 507, note F. Bénac-
Schmidt ; JCP 1995, éd. G, II, 22366, note D. Mazeaud). D'une part, voir dans la situation du promettant une
obligation de faire est discutable (cf. note D. Mazeaud et cours de droit des contrats spéciaux) ; d'autre part,
si tant est qu'il s'agisse d'une obligation de faire, on peine à trouver le caractère personnel rendant l'exécution
en nature impossible. Alors que la Cour de cassation a admis la possibilité d'une exécution en nature du pacte
de préférence et que tout le monde s'attendait à un revirement sur le cas de la promesse unilatérale, la Cour
de cassation maintient pourtant son analyse. Un arrêt ambiguë a cependant jugé que « le promettant avait
définitivement consenti à la vente et que l'option pouvait être valablement levée par le bénéficiaire » (Cass.
ème
3 civ., 8 septembre 2010, JCP 2010, éd. G, 1051, note G. Pillet ; RTD. civ. 2010, p. 778 ; obs. B. Fages ;
RDC 2010, p. 1179, obs. Th. revet et D. Mazeaud ; RDC. 2011, p. 65, obs. Th. Génicon ; RDC 2011, p. 153,
obs. Ph. Brun; JCP 2011, éd. G, 63, obs. J. Ghestin ; D. 2011, p. 472, note S. Amrani-Mekki et B. Fauvarque
Cosson ; Rép. Defrénois 2010, p. L. Aynès et 2011, p. 807 obs. J.-B. Seube). Cette décision reste délicate
à interpréter : on peut penser que si le promettant a définitivement consenti, il ne peut plus se rétracter ;
mais on peut aussi penser que la jurisprudence de 1993 reste d'actualité car, en l'espèce, le promettant ne
s'était pas rétracté. Cette dernière interprétation est confirmée par un arrêt du 12 mai 2011 qui maintient la
ème
décision de 1993 (Cass. 3 civ., 11 mai 2011, RDC 2011, p. 133, obs. Y.-M. Laithier et p. 1259, obs. Ph.
Brun ; RLDC, juillet-août 2011, n° 4293, obs. A. Paulin ; D. 2011, p. 1457 note D. Mazeaud, p. 1460, note
D. Mainguy ; RTD. civ. 2011, p. 532, obs. B. Fages ; Rép. Defrenois 2011, p. 1398, obs. J.-B. Seube ; p.
1023, note L. Aynès « faut-il abandonner la Promesse unilatérale de vente ? » ; Y. Paclot et E. Moreau,
L'inefficacité de la rétractation de la promesse unilatérale de vente, JCP G 2011, 736 ; H. Kenfack, La relativité
du caractère définitif du consentement du promettant dans la promesse unilatérale de vente, RLDC novembre
2011, p. 7 ; dans le même sens Cass. com., 13 septembre 2011, RLDC novembre 2011, n° 4401, obs. A.
Paulin). Cependant, par un arrêt du 6 septembre 2011, la cour a étonnement jugé dans un arrêt inédit que la
« dénonciation » du promettant pendant la durée de l'option n'empêchait pas le bénéficiaire de lever l'option
ème
(Cass. 3 civ., 6 septembre 2011, D. 2011, p. 2839, note C. Grimaldi ; G. Pillet, "Dénoncer son engagement
n'est pas rétracter son consentement ?", RLDC février 2012, n° 4538), puis, le 13 septembre, elle est revenue
à la solution selon laquelle « la levée de l'option par le bénéficiaire d'une promesse unilatérale de vente qui
intervient postérieurement à la rétractation du promettant exclut toute rencontre des volontés réciproques de
ème
vendre et d'acquéreur, partant, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée » (Cass. 3 civ., 13
septembre 2011, RLDC novembre 2011, n° 4401, obs. A. Paulin ; RTD. civ. 2011, p. 758, obs. B. Fages ; Bull.
Joly société 2012, n° 1, p. 10, note F. Danos).

Par un arrêt ultérieur, la troisième chambre civile a montré, contre les conclusions de son avocat général, son
attachement à l'ancienne jurisprudence : « La levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale
postérieurement à la rétractation du promettant excluant tout rencontre des volontés réciproques de vendre
ème
et d'acquérir, la réalisation forcée de la vente ne peut être ordonnée » (Cass. 3 civ., 6 décembre 2018, n°
17-21170, D. 2019, 298, avis Ph. Brun ; D. 2019, 301, note M. Mekki ; RDC 2019, p. 22, obs. Y.-M. Laithier ;
JCP G 2019, 418, note N. Molfessis ; JCP E 2019, 1109, note D. Mainguy).

- Hypothèse d'un contrat conclu par le promettant en violation de la promesse. L'alinéa 3 dispose que «
le contrat conclu en violation de la promesse unilatérale avec un tiers qui en connaissait l'existence est nul ».
Certains auteurs estiment toutefois que l'automatisme de la nullité est inopportun puisque, selon eux, la nullité
ne devrait être encourue que lorsque le bénéficiaire de la promesse a effectivement levé l'option qui lui avait
été concédée ou entendait réellement le faire. Lui permettre de solliciter l'annulation alors qu'il n'a pas levé

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l'option ou ne souhaitait pas le faire lui confère un véritable moyen de pression sur le tiers et le promettant.
Ces auteurs craignent alors que le bénéficiaire n'exerce un véritable « chantage » à la nullité, hypothèse qui
pourra notamment se manifester dans les promesses portant sur des droits sociaux.

En savoir plus : Le rôle du notaire


Dans une vente immobilière, le nouveau texte place le notaire sollicité pour instrumenter le contrat conclu
en méconnaissance d'une promesse unilatérale dans une situation délicate. Tenu à l'efficacité des actes
qu'il rédige, il devrait, s'il a lui-même connaissance de l'existence de la promesse antérieure, normalement
refuser d'instrumenter l'acte qu'il sait annulable. La solution diffère alors des promesses synallagmatiques
(non modifiées par l'ordonnance) puisque l'éventuelle connaissance par le tiers (et le notaire) d'une promesse
ème o e
synallagmatique non publiée est indifférente (Cass. 3 civ., 12 janv. 2011, n 10-10.667 ; Cass. 3 civ., 19
o
juin 2012, n 11-17.105) et qu'il a même été jugé que le notaire commettait une faute en refusant d'instrumenter
ère o
(Cass. 1 civ., 11 sept. 2013, n 12-23.357). Le résultat est difficile à justifier : alors qu'il devra instrumenter les
ventes en dépit de sa connaissance de promesses synallagmatiques antérieures non publiées, le notaire devra
refuser d'instrumenter les ventes en raison des promesses unilatérales antérieures non publiées desquelles il
a connaissance. Cela n'est guère cohérent. A tout le moins peut-on penser que le nouvel article 1198, alinéa
2 et le rôle nouveau qu'il confère à la bonne foi permettra-t-il de nuancer les solutions évoquées.

En savoir plus : Pacte de préférence et promesse unilatérale


Intervention de L. Nurit lors de la Journée d'études sur "La réforme du droit des obligations" organisée par
l'IRDP de Nantes.

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