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La Jeune sociologie urbaine francophone

Retour sur la tradition et exploration de nouveaux champs

Jean-Yves Authier, Alain Bourdin et Marie-Pierre Lefeuvre (dir.)

DOI : 10.4000/books.pul.4676
Éditeur : Presses universitaires de Lyon
Année d'édition : 2014
Date de mise en ligne : 5 novembre 2019
ISBN électronique : 9782729711320

http://books.openedition.org

Édition imprimée
ISBN : 9782729708795
Nombre de pages : 244
 

Référence électronique
AUTHIER, Jean-Yves (dir.) ; BOURDIN, Alain (dir.) ; et LEFEUVRE, Marie-Pierre (dir.). La Jeune sociologie
urbaine francophone : Retour sur la tradition et exploration de nouveaux champs. Nouvelle édition [en
ligne]. Lyon : Presses universitaires de Lyon, 2014 (généré le 12 novembre 2019). Disponible sur
Internet : <http://books.openedition.org/pul/4676>. ISBN : 9782729711320. DOI : 10.4000/books.pul.
4676.

© Presses universitaires de Lyon, 2014


Conditions d’utilisation :
http://www.openedition.org/6540
LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE

LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE

LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE

LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE


ISBN : 978-2-7297-0879-5
69365 Lyon cedex 07
86, rue Pasteur
© Presses universitaires de Lyon, 2014

Presses universitaires de Lyon


Conception graphique (couverture & intérieur) :

Digital image courtesy of the Getty’ s Open Content Program.


23,7 × 37,5 cm (détail), The J. Paul Getty Museum, Los Angeles. Sociologie urbaine
la rue de la Ferronnerie, vers 1865, impression à l’albumine, Collection dirigée par Jean-Yves Authier
Charles Marville, Les Deux-Portes. Vue prise de la rue des Innocents vers
Illustration de couverture : La présente collection est la première qui soit dédiée à la sociologie
urbaine, l’un des champs de recherche les plus importants au sein de
la sociologie aujourd’hui, alors que les questions urbaines (la ségré-
gation, la périurbanisation, la « gentrification » des quartiers anciens,
la rénovation des grands ensembles, la gouvernance des villes, etc.)
sont au cœur de nombreux débats tant scientifiques que politiques. À
l’image de ce champ large et ouvert, la collection propose un espace
de dialogue avec d’autres domaines de la sociologie (à l’exemple de la
sociologie de la stratification sociale) comme avec d’autres disciplines
(l’histoire, la géographie ou l’anthropologie notamment).

(l’histoire, la géographie ou l’anthropologie notamment).


sociologie de la stratification sociale) comme avec d’autres disciplines
de dialogue avec d’autres domaines de la sociologie (à l’exemple de la
l’image de ce champ large et ouvert, la collection propose un espace
sont au cœur de nombreux débats tant scientifiques que politiques. À
la rénovation des grands ensembles, la gouvernance des villes, etc.)
gation, la périurbanisation, la « gentrification » des quartiers anciens,
la sociologie aujourd’hui, alors que les questions urbaines (la ségré-
urbaine, l’un des champs de recherche les plus importants au sein de
La présente collection est la première qui soit dédiée à la sociologie Illustration de couverture :
Charles Marville, Les Deux-Portes. Vue prise de la rue des Innocents vers
Collection dirigée par Jean-Yves Authier la rue de la Ferronnerie, vers 1865, impression à l’albumine,
Sociologie urbaine 23,7 × 37,5 cm (détail), The J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
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Conception graphique (couverture & intérieur) :


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86, rue Pasteur
69365 Lyon cedex 07
ISBN : 978-2-7297-0879-5

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Digital image courtesy of the Getty’ s Open Content Program.


23,7 × 37,5 cm (détail), The J. Paul Getty Museum, Los Angeles. Sociologie urbaine
la rue de la Ferronnerie, vers 1865, impression à l’albumine, Collection dirigée par Jean-Yves Authier
Charles Marville, Les Deux-Portes. Vue prise de la rue des Innocents vers
Illustration de couverture : La présente collection est la première qui soit dédiée à la sociologie
urbaine, l’un des champs de recherche les plus importants au sein de
la sociologie aujourd’hui, alors que les questions urbaines (la ségré-
gation, la périurbanisation, la « gentrification » des quartiers anciens,
la rénovation des grands ensembles, la gouvernance des villes, etc.)
sont au cœur de nombreux débats tant scientifiques que politiques. À
l’image de ce champ large et ouvert, la collection propose un espace
de dialogue avec d’autres domaines de la sociologie (à l’exemple de la
sociologie de la stratification sociale) comme avec d’autres disciplines
(l’histoire, la géographie ou l’anthropologie notamment).

(l’histoire, la géographie ou l’anthropologie notamment).


sociologie de la stratification sociale) comme avec d’autres disciplines
de dialogue avec d’autres domaines de la sociologie (à l’exemple de la
l’image de ce champ large et ouvert, la collection propose un espace
sont au cœur de nombreux débats tant scientifiques que politiques. À
la rénovation des grands ensembles, la gouvernance des villes, etc.)
gation, la périurbanisation, la « gentrification » des quartiers anciens,
la sociologie aujourd’hui, alors que les questions urbaines (la ségré-
urbaine, l’un des champs de recherche les plus importants au sein de
La présente collection est la première qui soit dédiée à la sociologie Illustration de couverture :
Charles Marville, Les Deux-Portes. Vue prise de la rue des Innocents vers
Collection dirigée par Jean-Yves Authier la rue de la Ferronnerie, vers 1865, impression à l’albumine,
Sociologie urbaine 23,7 × 37,5 cm (détail), The J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
Digital image courtesy of the Getty’ s Open Content Program.

Conception graphique (couverture & intérieur) :


Presses universitaires de Lyon

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69365 Lyon cedex 07
ISBN : 978-2-7297-0879-5
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LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE

RETOUR SUR LA TRADITION


ET EXPLORATION DE NOUVEAUX CHAMPS

sous la direction de
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre

Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre


sous la direction de

ET EXPLORATION DE NOUVEAUX CHAMPS


RETOUR SUR LA TRADITION

LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE

Presses universitaires de Lyon

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RETOUR SUR LA TRADITION


ET EXPLORATION DE NOUVEAUX CHAMPS

sous la direction de
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre

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sous la direction de

ET EXPLORATION DE NOUVEAUX CHAMPS


RETOUR SUR LA TRADITION

LA JEUNE SOCIOLOGIE URBAINE FRANCOPHONE

Presses universitaires de Lyon


(mai 2014).
15 novembre 2012 dans la revue en ligne Sociologies : http://sociologies.revues.org/4164
de la sociologie urbaine dans des pays francophones et non anglophones », publié le
entretient avec d’autres disciplines.Voir le dossier que nous avons coordonné : « Actualité
respectifs, ainsi que le cadre institutionnel où elle se développe et les rapports qu’elle
à présenter les objets et les questions qui animent la sociologie urbaine dans leurs pays
logie francophone mais travaillant dans des pays qui ne le sont en rien, étaient invités
1. Parallèlement, plusieurs sociologues urbains confirmés, francophones ou liés à la socio-

INTRODUCTION mais procède d’une sélection seconde. Lors du colloque, dix recherches
ne se contente pas d’en produire une transcription sous forme d’actes,
aux questionnements et aux attentes formulées dans ce texte d’appel. Il
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin Le présent ouvrage rassemble des travaux qui répondent étroitement
& Marie-Pierre Lefeuvre urbaine du social et la renouvellent ?
démarches qui font sens par rapport à l’interrogation sur la spécificité
cherches officiellement répertoriées dans cette spécialité, quelles sont les
Ce livre est issu d’un colloque organisé à Lyon en 2010 par le comité ils au renouvellement de cette sociologie spécialisée  ? Au-delà des re-
de recherche « Sociologie urbaine : villes, sociétés et action publique » En quoi les travaux produits par les jeunes chercheurs participent-
de l’Association internationale des sociologues de langue française. Ce marquent-ils la manière dont on fait de la sociologie urbaine aujourd’hui ?
comité cherche à poursuivre, si possible en la renouvelant, une interro- la sociologie ? Comment les débats actuels au sein des sciences sociales
gation déjà ancienne sur la spécificité urbaine du social. Pour cela, il la ville se situent-ils dans les évolutions théoriques contemporaines de
s’efforce de jouer un rôle dans l’animation de débats internationaux sur et des méthodes de la sociologie urbaine ? Comment les sociologues de
la question et de constituer un lieu d’échanges stimulant pour les cher- baine : qu’en est-il aujourd’hui des thématiques, des objets, des terrains
cheurs, les doctorants et postdoctorants francophones qui s’y intéressent. d’apporter un éclairage sur les évolutions actuelles de la sociologie ur-
Le colloque répondait à cette double préoccupation et s’interrogeait sur contributions permettant, à partir d’opérations concrètes de recherche,
« l’actualité de la sociologie urbaine francophone ». à communications1, volontairement très ouvert, visait à recueillir des
Pariant sur un renouvellement de la sous-discipline par les travaux de jeunes chercheurs (qui n’en relevaient pas nécessairement), un appel
de jeunes chercheurs (qui n’en relevaient pas nécessairement), un appel Pariant sur un renouvellement de la sous-discipline par les travaux
à communications1, volontairement très ouvert, visait à recueillir des « l’actualité de la sociologie urbaine francophone ».
contributions permettant, à partir d’opérations concrètes de recherche, Le colloque répondait à cette double préoccupation et s’interrogeait sur
d’apporter un éclairage sur les évolutions actuelles de la sociologie ur- cheurs, les doctorants et postdoctorants francophones qui s’y intéressent.
baine : qu’en est-il aujourd’hui des thématiques, des objets, des terrains la question et de constituer un lieu d’échanges stimulant pour les cher-
et des méthodes de la sociologie urbaine ? Comment les sociologues de s’efforce de jouer un rôle dans l’animation de débats internationaux sur
la ville se situent-ils dans les évolutions théoriques contemporaines de gation déjà ancienne sur la spécificité urbaine du social. Pour cela, il
la sociologie ? Comment les débats actuels au sein des sciences sociales comité cherche à poursuivre, si possible en la renouvelant, une interro-
marquent-ils la manière dont on fait de la sociologie urbaine aujourd’hui ? de l’Association internationale des sociologues de langue française. Ce
En quoi les travaux produits par les jeunes chercheurs participent- de recherche « Sociologie urbaine : villes, sociétés et action publique »
ils au renouvellement de cette sociologie spécialisée  ? Au-delà des re- Ce livre est issu d’un colloque organisé à Lyon en 2010 par le comité
cherches officiellement répertoriées dans cette spécialité, quelles sont les
démarches qui font sens par rapport à l’interrogation sur la spécificité
urbaine du social et la renouvellent ? & Marie-Pierre Lefeuvre
Le présent ouvrage rassemble des travaux qui répondent étroitement Jean-Yves Authier, Alain Bourdin
aux questionnements et aux attentes formulées dans ce texte d’appel. Il
ne se contente pas d’en produire une transcription sous forme d’actes,
mais procède d’une sélection seconde. Lors du colloque, dix recherches INTRODUCTION
1. Parallèlement, plusieurs sociologues urbains confirmés, francophones ou liés à la socio-
logie francophone mais travaillant dans des pays qui ne le sont en rien, étaient invités
à présenter les objets et les questions qui animent la sociologie urbaine dans leurs pays
respectifs, ainsi que le cadre institutionnel où elle se développe et les rapports qu’elle
entretient avec d’autres disciplines.Voir le dossier que nous avons coordonné : « Actualité
de la sociologie urbaine dans des pays francophones et non anglophones », publié le
15 novembre 2012 dans la revue en ligne Sociologies : http://sociologies.revues.org/4164
(mai 2014).

(mai 2014).
15 novembre 2012 dans la revue en ligne Sociologies : http://sociologies.revues.org/4164
de la sociologie urbaine dans des pays francophones et non anglophones », publié le
entretient avec d’autres disciplines.Voir le dossier que nous avons coordonné : « Actualité
respectifs, ainsi que le cadre institutionnel où elle se développe et les rapports qu’elle
à présenter les objets et les questions qui animent la sociologie urbaine dans leurs pays
logie francophone mais travaillant dans des pays qui ne le sont en rien, étaient invités
1. Parallèlement, plusieurs sociologues urbains confirmés, francophones ou liés à la socio-

INTRODUCTION mais procède d’une sélection seconde. Lors du colloque, dix recherches
ne se contente pas d’en produire une transcription sous forme d’actes,
aux questionnements et aux attentes formulées dans ce texte d’appel. Il
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin Le présent ouvrage rassemble des travaux qui répondent étroitement
& Marie-Pierre Lefeuvre urbaine du social et la renouvellent ?
démarches qui font sens par rapport à l’interrogation sur la spécificité
cherches officiellement répertoriées dans cette spécialité, quelles sont les
Ce livre est issu d’un colloque organisé à Lyon en 2010 par le comité ils au renouvellement de cette sociologie spécialisée  ? Au-delà des re-
de recherche « Sociologie urbaine : villes, sociétés et action publique » En quoi les travaux produits par les jeunes chercheurs participent-
de l’Association internationale des sociologues de langue française. Ce marquent-ils la manière dont on fait de la sociologie urbaine aujourd’hui ?
comité cherche à poursuivre, si possible en la renouvelant, une interro- la sociologie ? Comment les débats actuels au sein des sciences sociales
gation déjà ancienne sur la spécificité urbaine du social. Pour cela, il la ville se situent-ils dans les évolutions théoriques contemporaines de
s’efforce de jouer un rôle dans l’animation de débats internationaux sur et des méthodes de la sociologie urbaine ? Comment les sociologues de
la question et de constituer un lieu d’échanges stimulant pour les cher- baine : qu’en est-il aujourd’hui des thématiques, des objets, des terrains
cheurs, les doctorants et postdoctorants francophones qui s’y intéressent. d’apporter un éclairage sur les évolutions actuelles de la sociologie ur-
Le colloque répondait à cette double préoccupation et s’interrogeait sur contributions permettant, à partir d’opérations concrètes de recherche,
« l’actualité de la sociologie urbaine francophone ». à communications1, volontairement très ouvert, visait à recueillir des
Pariant sur un renouvellement de la sous-discipline par les travaux de jeunes chercheurs (qui n’en relevaient pas nécessairement), un appel
de jeunes chercheurs (qui n’en relevaient pas nécessairement), un appel Pariant sur un renouvellement de la sous-discipline par les travaux
à communications1, volontairement très ouvert, visait à recueillir des « l’actualité de la sociologie urbaine francophone ».
contributions permettant, à partir d’opérations concrètes de recherche, Le colloque répondait à cette double préoccupation et s’interrogeait sur
d’apporter un éclairage sur les évolutions actuelles de la sociologie ur- cheurs, les doctorants et postdoctorants francophones qui s’y intéressent.
baine : qu’en est-il aujourd’hui des thématiques, des objets, des terrains la question et de constituer un lieu d’échanges stimulant pour les cher-
et des méthodes de la sociologie urbaine ? Comment les sociologues de s’efforce de jouer un rôle dans l’animation de débats internationaux sur
la ville se situent-ils dans les évolutions théoriques contemporaines de gation déjà ancienne sur la spécificité urbaine du social. Pour cela, il
la sociologie ? Comment les débats actuels au sein des sciences sociales comité cherche à poursuivre, si possible en la renouvelant, une interro-
marquent-ils la manière dont on fait de la sociologie urbaine aujourd’hui ? de l’Association internationale des sociologues de langue française. Ce
En quoi les travaux produits par les jeunes chercheurs participent- de recherche « Sociologie urbaine : villes, sociétés et action publique »
ils au renouvellement de cette sociologie spécialisée  ? Au-delà des re- Ce livre est issu d’un colloque organisé à Lyon en 2010 par le comité
cherches officiellement répertoriées dans cette spécialité, quelles sont les
démarches qui font sens par rapport à l’interrogation sur la spécificité
urbaine du social et la renouvellent ? & Marie-Pierre Lefeuvre
Le présent ouvrage rassemble des travaux qui répondent étroitement Jean-Yves Authier, Alain Bourdin
aux questionnements et aux attentes formulées dans ce texte d’appel. Il
ne se contente pas d’en produire une transcription sous forme d’actes,
mais procède d’une sélection seconde. Lors du colloque, dix recherches INTRODUCTION
1. Parallèlement, plusieurs sociologues urbains confirmés, francophones ou liés à la socio-
logie francophone mais travaillant dans des pays qui ne le sont en rien, étaient invités
à présenter les objets et les questions qui animent la sociologie urbaine dans leurs pays
respectifs, ainsi que le cadre institutionnel où elle se développe et les rapports qu’elle
entretient avec d’autres disciplines.Voir le dossier que nous avons coordonné : « Actualité
de la sociologie urbaine dans des pays francophones et non anglophones », publié le
15 novembre 2012 dans la revue en ligne Sociologies : http://sociologies.revues.org/4164
(mai 2014).
privilégié pour de nombreux ménages des fractions supérieures des classes
urbain est devenu, au cours des années 1980 et 1990, un lieu d’accueil 6 Introduction
en milieu urbain (et périurbain).Violaine Girard étudie comment le péri-
comportements participent aux processus d’agrégation et de ségrégation
pratiques urbaines de différentes populations, et sur la manière dont ces avaient donné lieu à des communications et trente autres avaient fait
groupe des recherches centrées sur les comportements résidentiels et les l’objet de présentations synthétiques organisées en quatre thèmes (« Les
La deuxième partie, « Agrégation, ségrégation, gentrification », re- régulations urbaines », « La gentrification urbaine », « Manières d’habiter
et lorsqu’on est une jeune femme. et mobilités », « Thèmes émergents »). Au travers de ces deux modes de
de la mobilité, en particulier dans le contexte anonyme de l’espace public présentation, il s’agissait de rendre justice à la multiplicité, à la qualité et
proche, Anne Jarrigeon analyse les interactions qui forment l’expérience à la diversité des propositions reçues tout en palliant l’impossibilité ma-
mobilité chez les jeunes des banlieues françaises. Suivant une ligne assez térielle de donner la parole à tous. À l’issue du colloque, une nouvelle
lyse lui permet de mettre en évidence la diversité des expériences de sélection a été menée pour construire un ouvrage cohérent et qui ap-
de le faire) et comme épreuve (dont il faut triompher). Ce cadre d’ana- porte une réponse aboutie à l’interrogation à l’origine de cette journée :
mais la possession des outils divers, notamment sociaux, qui permettent en quoi la jeune sociologie contribue-t-elle au renouvellement de la
sources, comme dispositions (non seulement la propension à se déplacer, sociologie urbaine ? Nous avons privilégié le critère de l’originalité sans
dit comme le résultat de la possibilité d’accéder à des lieux ou des res- négliger celui de la diversité ; nous avons été attentifs à la manière dont
Nicolas Oppenchaim définit la mobilité comme accessibilité, autrement les jeunes chercheurs construisent leur démarche et proposent des ap-
« bled »), les métropoles du pays et leur ville de résidence en France. proches nouvelles de questions qui le sont moins, en se situant, souvent,
immigrés revenus dans leur pays d’origine, entre la ville familiale (le à la frontière de plusieurs champs. Douze contributions au total, centrées
vail. La seconde analyse le rapport complexe que développent de jeunes sur différents types d’espaces (urbains, périurbains…), ont ainsi été rete-
d’usage, puis d’acclimatation et d’ancrage, vis-à-vis de leur lieu de tra- nues. Elles ont été classées dans des sous-ensembles, composés chacun de
de leur histoire, voire de leurs projets de vie, développent des stratégies quatre textes, qui forment les trois parties de l’ouvrage.
les travailleurs saisonniers, en fonction de leur situation professionnelle, La première, « Mobilités, ancrages, expériences citadines », réunit
duit de l’ancrage et sous quelle forme. Le premier observe comment des travaux qui envisagent le monde urbain en mouvement, à travers
Bidet s’intéressent particulièrement à la manière dont la mobilité pro- une diversité d’expériences de la mobilité. Aurélien Gentil et Jennifer
une diversité d’expériences de la mobilité. Aurélien Gentil et Jennifer Bidet s’intéressent particulièrement à la manière dont la mobilité pro-
des travaux qui envisagent le monde urbain en mouvement, à travers duit de l’ancrage et sous quelle forme. Le premier observe comment
La première, « Mobilités, ancrages, expériences citadines », réunit les travailleurs saisonniers, en fonction de leur situation professionnelle,
quatre textes, qui forment les trois parties de l’ouvrage. de leur histoire, voire de leurs projets de vie, développent des stratégies
nues. Elles ont été classées dans des sous-ensembles, composés chacun de d’usage, puis d’acclimatation et d’ancrage, vis-à-vis de leur lieu de tra-
sur différents types d’espaces (urbains, périurbains…), ont ainsi été rete- vail. La seconde analyse le rapport complexe que développent de jeunes
à la frontière de plusieurs champs. Douze contributions au total, centrées immigrés revenus dans leur pays d’origine, entre la ville familiale (le
proches nouvelles de questions qui le sont moins, en se situant, souvent, « bled »), les métropoles du pays et leur ville de résidence en France.
les jeunes chercheurs construisent leur démarche et proposent des ap- Nicolas Oppenchaim définit la mobilité comme accessibilité, autrement
négliger celui de la diversité ; nous avons été attentifs à la manière dont dit comme le résultat de la possibilité d’accéder à des lieux ou des res-
sociologie urbaine ? Nous avons privilégié le critère de l’originalité sans sources, comme dispositions (non seulement la propension à se déplacer,
en quoi la jeune sociologie contribue-t-elle au renouvellement de la mais la possession des outils divers, notamment sociaux, qui permettent
porte une réponse aboutie à l’interrogation à l’origine de cette journée : de le faire) et comme épreuve (dont il faut triompher). Ce cadre d’ana-
sélection a été menée pour construire un ouvrage cohérent et qui ap- lyse lui permet de mettre en évidence la diversité des expériences de
térielle de donner la parole à tous. À l’issue du colloque, une nouvelle mobilité chez les jeunes des banlieues françaises. Suivant une ligne assez
à la diversité des propositions reçues tout en palliant l’impossibilité ma- proche, Anne Jarrigeon analyse les interactions qui forment l’expérience
présentation, il s’agissait de rendre justice à la multiplicité, à la qualité et de la mobilité, en particulier dans le contexte anonyme de l’espace public
et mobilités », « Thèmes émergents »). Au travers de ces deux modes de et lorsqu’on est une jeune femme.
régulations urbaines », « La gentrification urbaine », « Manières d’habiter La deuxième partie, « Agrégation, ségrégation, gentrification », re-
l’objet de présentations synthétiques organisées en quatre thèmes (« Les groupe des recherches centrées sur les comportements résidentiels et les
avaient donné lieu à des communications et trente autres avaient fait pratiques urbaines de différentes populations, et sur la manière dont ces
comportements participent aux processus d’agrégation et de ségrégation
en milieu urbain (et périurbain).Violaine Girard étudie comment le péri-
Introduction 6 urbain est devenu, au cours des années 1980 et 1990, un lieu d’accueil
privilégié pour de nombreux ménages des fractions supérieures des classes

privilégié pour de nombreux ménages des fractions supérieures des classes


urbain est devenu, au cours des années 1980 et 1990, un lieu d’accueil 6 Introduction
en milieu urbain (et périurbain).Violaine Girard étudie comment le péri-
comportements participent aux processus d’agrégation et de ségrégation
pratiques urbaines de différentes populations, et sur la manière dont ces avaient donné lieu à des communications et trente autres avaient fait
groupe des recherches centrées sur les comportements résidentiels et les l’objet de présentations synthétiques organisées en quatre thèmes (« Les
La deuxième partie, « Agrégation, ségrégation, gentrification », re- régulations urbaines », « La gentrification urbaine », « Manières d’habiter
et lorsqu’on est une jeune femme. et mobilités », « Thèmes émergents »). Au travers de ces deux modes de
de la mobilité, en particulier dans le contexte anonyme de l’espace public présentation, il s’agissait de rendre justice à la multiplicité, à la qualité et
proche, Anne Jarrigeon analyse les interactions qui forment l’expérience à la diversité des propositions reçues tout en palliant l’impossibilité ma-
mobilité chez les jeunes des banlieues françaises. Suivant une ligne assez térielle de donner la parole à tous. À l’issue du colloque, une nouvelle
lyse lui permet de mettre en évidence la diversité des expériences de sélection a été menée pour construire un ouvrage cohérent et qui ap-
de le faire) et comme épreuve (dont il faut triompher). Ce cadre d’ana- porte une réponse aboutie à l’interrogation à l’origine de cette journée :
mais la possession des outils divers, notamment sociaux, qui permettent en quoi la jeune sociologie contribue-t-elle au renouvellement de la
sources, comme dispositions (non seulement la propension à se déplacer, sociologie urbaine ? Nous avons privilégié le critère de l’originalité sans
dit comme le résultat de la possibilité d’accéder à des lieux ou des res- négliger celui de la diversité ; nous avons été attentifs à la manière dont
Nicolas Oppenchaim définit la mobilité comme accessibilité, autrement les jeunes chercheurs construisent leur démarche et proposent des ap-
« bled »), les métropoles du pays et leur ville de résidence en France. proches nouvelles de questions qui le sont moins, en se situant, souvent,
immigrés revenus dans leur pays d’origine, entre la ville familiale (le à la frontière de plusieurs champs. Douze contributions au total, centrées
vail. La seconde analyse le rapport complexe que développent de jeunes sur différents types d’espaces (urbains, périurbains…), ont ainsi été rete-
d’usage, puis d’acclimatation et d’ancrage, vis-à-vis de leur lieu de tra- nues. Elles ont été classées dans des sous-ensembles, composés chacun de
de leur histoire, voire de leurs projets de vie, développent des stratégies quatre textes, qui forment les trois parties de l’ouvrage.
les travailleurs saisonniers, en fonction de leur situation professionnelle, La première, « Mobilités, ancrages, expériences citadines », réunit
duit de l’ancrage et sous quelle forme. Le premier observe comment des travaux qui envisagent le monde urbain en mouvement, à travers
Bidet s’intéressent particulièrement à la manière dont la mobilité pro- une diversité d’expériences de la mobilité. Aurélien Gentil et Jennifer
une diversité d’expériences de la mobilité. Aurélien Gentil et Jennifer Bidet s’intéressent particulièrement à la manière dont la mobilité pro-
des travaux qui envisagent le monde urbain en mouvement, à travers duit de l’ancrage et sous quelle forme. Le premier observe comment
La première, « Mobilités, ancrages, expériences citadines », réunit les travailleurs saisonniers, en fonction de leur situation professionnelle,
quatre textes, qui forment les trois parties de l’ouvrage. de leur histoire, voire de leurs projets de vie, développent des stratégies
nues. Elles ont été classées dans des sous-ensembles, composés chacun de d’usage, puis d’acclimatation et d’ancrage, vis-à-vis de leur lieu de tra-
sur différents types d’espaces (urbains, périurbains…), ont ainsi été rete- vail. La seconde analyse le rapport complexe que développent de jeunes
à la frontière de plusieurs champs. Douze contributions au total, centrées immigrés revenus dans leur pays d’origine, entre la ville familiale (le
proches nouvelles de questions qui le sont moins, en se situant, souvent, « bled »), les métropoles du pays et leur ville de résidence en France.
les jeunes chercheurs construisent leur démarche et proposent des ap- Nicolas Oppenchaim définit la mobilité comme accessibilité, autrement
négliger celui de la diversité ; nous avons été attentifs à la manière dont dit comme le résultat de la possibilité d’accéder à des lieux ou des res-
sociologie urbaine ? Nous avons privilégié le critère de l’originalité sans sources, comme dispositions (non seulement la propension à se déplacer,
en quoi la jeune sociologie contribue-t-elle au renouvellement de la mais la possession des outils divers, notamment sociaux, qui permettent
porte une réponse aboutie à l’interrogation à l’origine de cette journée : de le faire) et comme épreuve (dont il faut triompher). Ce cadre d’ana-
sélection a été menée pour construire un ouvrage cohérent et qui ap- lyse lui permet de mettre en évidence la diversité des expériences de
térielle de donner la parole à tous. À l’issue du colloque, une nouvelle mobilité chez les jeunes des banlieues françaises. Suivant une ligne assez
à la diversité des propositions reçues tout en palliant l’impossibilité ma- proche, Anne Jarrigeon analyse les interactions qui forment l’expérience
présentation, il s’agissait de rendre justice à la multiplicité, à la qualité et de la mobilité, en particulier dans le contexte anonyme de l’espace public
et mobilités », « Thèmes émergents »). Au travers de ces deux modes de et lorsqu’on est une jeune femme.
régulations urbaines », « La gentrification urbaine », « Manières d’habiter La deuxième partie, « Agrégation, ségrégation, gentrification », re-
l’objet de présentations synthétiques organisées en quatre thèmes (« Les groupe des recherches centrées sur les comportements résidentiels et les
avaient donné lieu à des communications et trente autres avaient fait pratiques urbaines de différentes populations, et sur la manière dont ces
comportements participent aux processus d’agrégation et de ségrégation
en milieu urbain (et périurbain).Violaine Girard étudie comment le péri-
Introduction 6 urbain est devenu, au cours des années 1980 et 1990, un lieu d’accueil
privilégié pour de nombreux ménages des fractions supérieures des classes
mais aussi d’autres types de proximités : dans la manière de mobiliser ou
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 7 deuxième partie, est aussi présente dans deux textes de la troisième  –,
–  la question de la ségrégation, par exemple, au cœur d’articles de la
entêtes : cette division ne doit pas dissimuler des proximités thématiques
moyennes ayant accédé à la propriété. Clément Rivière repense la ques- d’arbitraire. Certains textes auraient pu en effet être classés sous plusieurs
tion de la ségrégation en s’intéressant aux stratégies d’encadrement des veler le traitement. En même temps, ce découpage comporte une part
pratiques urbaines enfantines dans des contextes de mixité sociorésiden- thématiques qui ne sont pas nouvelles mais dont ils contribuent à renou-
tielle, à Paris et à Milan. Les deux autres auteurs, Anaïs Collet et Colin lecture de la façon dont les jeunes chercheurs traitent aujourd’hui de
Giraud, traitent du processus de gentrification, qui associe des logiques ensemble de la sociologie urbaine. Elles permettent ainsi une première
d’agrégation et de ségrégation. Anaïs Collet s’intéresse à une catégorie de Chacune de ces trois parties correspond peu ou prou à un grand sous-
gentrifieurs, les « convertisseurs », qui ont élu domicile dans le quartier socialement.
du Bas-Montreuil, dans des bâtiments en mauvais état qu’ils ont convertis (formelles cette fois) qui entretiennent des limites physiques et classent
en lofts. Colin Giraud observe une tout autre catégorie de gentrifieurs : les « frontières » définissant cet habitat résultent de pratiques de gestion
les populations homosexuelles masculines qui ont contribué à la « gaytri- à elle des copropriétés fermées à Buenos Aires et démontre à quel point
fication » des quartiers du Marais à Paris et du Village à Montréal. tion de cet habitat et rejoint ici Eleonora Elguezabal, qui analyse quant
La troisième partie, « Production de l’espace et action collective », en évidence le rôle des gestionnaires (syndics informels) dans la produc-
réunit des travaux qui s’intéressent aux acteurs et aux modes de régula- fait », forme d’habitat à la fois proche et différente de la favela. Elle met
tion qui président à la production de certains espaces urbains. Chez Burcu Martins s’intéresse quant à elle à ce qu’elle appelle la « copropriété de
Özdirlik, la production s’identifie à un projet de construction immo- modalités de gestion plus ou moins transformatrices. Maira Machado-
bilière ; pour les trois autres, la création ou la transformation de l’espace production de ces espaces dépend moins de décisions politiques que de
matériel importe moins que sa gestion publique (Marie Muselle) ou pri- tances avec le point de vue de la science politique, pour montrer que la
vée (Maira Machado-Martins et Eleonora Elguezabal). Burcu Özdirlik périurbains sur des terrains belges et français, prend également ses dis-
propose une approche de la production de projets à Istanbul qui s’inspire également celle de Marie Muselle qui, à propos de la gestion des espaces
principalement de la théorie de la régulation sociale. Le projet est ainsi de l’industrie immobilière et les ordres professionnels. Cette approche est
analysé comme le produit de trois dispositifs de régulation, s’appliquant aux trois catégories d’acteurs concernés : les acteurs publics, les acteurs
aux trois catégories d’acteurs concernés : les acteurs publics, les acteurs analysé comme le produit de trois dispositifs de régulation, s’appliquant
de l’industrie immobilière et les ordres professionnels. Cette approche est principalement de la théorie de la régulation sociale. Le projet est ainsi
également celle de Marie Muselle qui, à propos de la gestion des espaces propose une approche de la production de projets à Istanbul qui s’inspire
périurbains sur des terrains belges et français, prend également ses dis- vée (Maira Machado-Martins et Eleonora Elguezabal). Burcu Özdirlik
tances avec le point de vue de la science politique, pour montrer que la matériel importe moins que sa gestion publique (Marie Muselle) ou pri-
production de ces espaces dépend moins de décisions politiques que de bilière ; pour les trois autres, la création ou la transformation de l’espace
modalités de gestion plus ou moins transformatrices. Maira Machado- Özdirlik, la production s’identifie à un projet de construction immo-
Martins s’intéresse quant à elle à ce qu’elle appelle la « copropriété de tion qui président à la production de certains espaces urbains. Chez Burcu
fait », forme d’habitat à la fois proche et différente de la favela. Elle met réunit des travaux qui s’intéressent aux acteurs et aux modes de régula-
en évidence le rôle des gestionnaires (syndics informels) dans la produc- La troisième partie, « Production de l’espace et action collective »,
tion de cet habitat et rejoint ici Eleonora Elguezabal, qui analyse quant fication » des quartiers du Marais à Paris et du Village à Montréal.
à elle des copropriétés fermées à Buenos Aires et démontre à quel point les populations homosexuelles masculines qui ont contribué à la « gaytri-
les « frontières » définissant cet habitat résultent de pratiques de gestion en lofts. Colin Giraud observe une tout autre catégorie de gentrifieurs :
(formelles cette fois) qui entretiennent des limites physiques et classent du Bas-Montreuil, dans des bâtiments en mauvais état qu’ils ont convertis
socialement. gentrifieurs, les « convertisseurs », qui ont élu domicile dans le quartier
Chacune de ces trois parties correspond peu ou prou à un grand sous- d’agrégation et de ségrégation. Anaïs Collet s’intéresse à une catégorie de
ensemble de la sociologie urbaine. Elles permettent ainsi une première Giraud, traitent du processus de gentrification, qui associe des logiques
lecture de la façon dont les jeunes chercheurs traitent aujourd’hui de tielle, à Paris et à Milan. Les deux autres auteurs, Anaïs Collet et Colin
thématiques qui ne sont pas nouvelles mais dont ils contribuent à renou- pratiques urbaines enfantines dans des contextes de mixité sociorésiden-
veler le traitement. En même temps, ce découpage comporte une part tion de la ségrégation en s’intéressant aux stratégies d’encadrement des
d’arbitraire. Certains textes auraient pu en effet être classés sous plusieurs moyennes ayant accédé à la propriété. Clément Rivière repense la ques-
entêtes : cette division ne doit pas dissimuler des proximités thématiques
–  la question de la ségrégation, par exemple, au cœur d’articles de la
deuxième partie, est aussi présente dans deux textes de la troisième  –, 7 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
mais aussi d’autres types de proximités : dans la manière de mobiliser ou

mais aussi d’autres types de proximités : dans la manière de mobiliser ou


Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 7 deuxième partie, est aussi présente dans deux textes de la troisième  –,
–  la question de la ségrégation, par exemple, au cœur d’articles de la
entêtes : cette division ne doit pas dissimuler des proximités thématiques
moyennes ayant accédé à la propriété. Clément Rivière repense la ques- d’arbitraire. Certains textes auraient pu en effet être classés sous plusieurs
tion de la ségrégation en s’intéressant aux stratégies d’encadrement des veler le traitement. En même temps, ce découpage comporte une part
pratiques urbaines enfantines dans des contextes de mixité sociorésiden- thématiques qui ne sont pas nouvelles mais dont ils contribuent à renou-
tielle, à Paris et à Milan. Les deux autres auteurs, Anaïs Collet et Colin lecture de la façon dont les jeunes chercheurs traitent aujourd’hui de
Giraud, traitent du processus de gentrification, qui associe des logiques ensemble de la sociologie urbaine. Elles permettent ainsi une première
d’agrégation et de ségrégation. Anaïs Collet s’intéresse à une catégorie de Chacune de ces trois parties correspond peu ou prou à un grand sous-
gentrifieurs, les « convertisseurs », qui ont élu domicile dans le quartier socialement.
du Bas-Montreuil, dans des bâtiments en mauvais état qu’ils ont convertis (formelles cette fois) qui entretiennent des limites physiques et classent
en lofts. Colin Giraud observe une tout autre catégorie de gentrifieurs : les « frontières » définissant cet habitat résultent de pratiques de gestion
les populations homosexuelles masculines qui ont contribué à la « gaytri- à elle des copropriétés fermées à Buenos Aires et démontre à quel point
fication » des quartiers du Marais à Paris et du Village à Montréal. tion de cet habitat et rejoint ici Eleonora Elguezabal, qui analyse quant
La troisième partie, « Production de l’espace et action collective », en évidence le rôle des gestionnaires (syndics informels) dans la produc-
réunit des travaux qui s’intéressent aux acteurs et aux modes de régula- fait », forme d’habitat à la fois proche et différente de la favela. Elle met
tion qui président à la production de certains espaces urbains. Chez Burcu Martins s’intéresse quant à elle à ce qu’elle appelle la « copropriété de
Özdirlik, la production s’identifie à un projet de construction immo- modalités de gestion plus ou moins transformatrices. Maira Machado-
bilière ; pour les trois autres, la création ou la transformation de l’espace production de ces espaces dépend moins de décisions politiques que de
matériel importe moins que sa gestion publique (Marie Muselle) ou pri- tances avec le point de vue de la science politique, pour montrer que la
vée (Maira Machado-Martins et Eleonora Elguezabal). Burcu Özdirlik périurbains sur des terrains belges et français, prend également ses dis-
propose une approche de la production de projets à Istanbul qui s’inspire également celle de Marie Muselle qui, à propos de la gestion des espaces
principalement de la théorie de la régulation sociale. Le projet est ainsi de l’industrie immobilière et les ordres professionnels. Cette approche est
analysé comme le produit de trois dispositifs de régulation, s’appliquant aux trois catégories d’acteurs concernés : les acteurs publics, les acteurs
aux trois catégories d’acteurs concernés : les acteurs publics, les acteurs analysé comme le produit de trois dispositifs de régulation, s’appliquant
de l’industrie immobilière et les ordres professionnels. Cette approche est principalement de la théorie de la régulation sociale. Le projet est ainsi
également celle de Marie Muselle qui, à propos de la gestion des espaces propose une approche de la production de projets à Istanbul qui s’inspire
périurbains sur des terrains belges et français, prend également ses dis- vée (Maira Machado-Martins et Eleonora Elguezabal). Burcu Özdirlik
tances avec le point de vue de la science politique, pour montrer que la matériel importe moins que sa gestion publique (Marie Muselle) ou pri-
production de ces espaces dépend moins de décisions politiques que de bilière ; pour les trois autres, la création ou la transformation de l’espace
modalités de gestion plus ou moins transformatrices. Maira Machado- Özdirlik, la production s’identifie à un projet de construction immo-
Martins s’intéresse quant à elle à ce qu’elle appelle la « copropriété de tion qui président à la production de certains espaces urbains. Chez Burcu
fait », forme d’habitat à la fois proche et différente de la favela. Elle met réunit des travaux qui s’intéressent aux acteurs et aux modes de régula-
en évidence le rôle des gestionnaires (syndics informels) dans la produc- La troisième partie, « Production de l’espace et action collective »,
tion de cet habitat et rejoint ici Eleonora Elguezabal, qui analyse quant fication » des quartiers du Marais à Paris et du Village à Montréal.
à elle des copropriétés fermées à Buenos Aires et démontre à quel point les populations homosexuelles masculines qui ont contribué à la « gaytri-
les « frontières » définissant cet habitat résultent de pratiques de gestion en lofts. Colin Giraud observe une tout autre catégorie de gentrifieurs :
(formelles cette fois) qui entretiennent des limites physiques et classent du Bas-Montreuil, dans des bâtiments en mauvais état qu’ils ont convertis
socialement. gentrifieurs, les « convertisseurs », qui ont élu domicile dans le quartier
Chacune de ces trois parties correspond peu ou prou à un grand sous- d’agrégation et de ségrégation. Anaïs Collet s’intéresse à une catégorie de
ensemble de la sociologie urbaine. Elles permettent ainsi une première Giraud, traitent du processus de gentrification, qui associe des logiques
lecture de la façon dont les jeunes chercheurs traitent aujourd’hui de tielle, à Paris et à Milan. Les deux autres auteurs, Anaïs Collet et Colin
thématiques qui ne sont pas nouvelles mais dont ils contribuent à renou- pratiques urbaines enfantines dans des contextes de mixité sociorésiden-
veler le traitement. En même temps, ce découpage comporte une part tion de la ségrégation en s’intéressant aux stratégies d’encadrement des
d’arbitraire. Certains textes auraient pu en effet être classés sous plusieurs moyennes ayant accédé à la propriété. Clément Rivière repense la ques-
entêtes : cette division ne doit pas dissimuler des proximités thématiques
–  la question de la ségrégation, par exemple, au cœur d’articles de la
deuxième partie, est aussi présente dans deux textes de la troisième  –, 7 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
mais aussi d’autres types de proximités : dans la manière de mobiliser ou
8 Introduction

de « construire » son terrain, dans la manière de traiter sociologiquement


l’espace… Ce sera l’objet de la postface : proposer, dans une lecture trans-
versale des douze contributions, une vision des manières de faire de la
sociologie urbaine caractéristiques des jeunes chercheurs d’aujourd’hui,
et montrer en quoi leurs travaux contribuent au renouvellement de ce
champ de recherche.
Cet ouvrage offre ainsi à la fois un éclairage sur la recherche en socio-
logie urbaine « en train de se faire » et un point de vue sur l’évolution
d’une discipline, sur les tendances qui se dessinent. C’est du moins le pari
sur lequel a reposé sa construction.

sur lequel a reposé sa construction.


d’une discipline, sur les tendances qui se dessinent. C’est du moins le pari
logie urbaine « en train de se faire » et un point de vue sur l’évolution
Cet ouvrage offre ainsi à la fois un éclairage sur la recherche en socio-
champ de recherche.
et montrer en quoi leurs travaux contribuent au renouvellement de ce
sociologie urbaine caractéristiques des jeunes chercheurs d’aujourd’hui,
versale des douze contributions, une vision des manières de faire de la
l’espace… Ce sera l’objet de la postface : proposer, dans une lecture trans-
de « construire » son terrain, dans la manière de traiter sociologiquement

Introduction 8

8 Introduction

de « construire » son terrain, dans la manière de traiter sociologiquement


l’espace… Ce sera l’objet de la postface : proposer, dans une lecture trans-
versale des douze contributions, une vision des manières de faire de la
sociologie urbaine caractéristiques des jeunes chercheurs d’aujourd’hui,
et montrer en quoi leurs travaux contribuent au renouvellement de ce
champ de recherche.
Cet ouvrage offre ainsi à la fois un éclairage sur la recherche en socio-
logie urbaine « en train de se faire » et un point de vue sur l’évolution
d’une discipline, sur les tendances qui se dessinent. C’est du moins le pari
sur lequel a reposé sa construction.

sur lequel a reposé sa construction.


d’une discipline, sur les tendances qui se dessinent. C’est du moins le pari
logie urbaine « en train de se faire » et un point de vue sur l’évolution
Cet ouvrage offre ainsi à la fois un éclairage sur la recherche en socio-
champ de recherche.
et montrer en quoi leurs travaux contribuent au renouvellement de ce
sociologie urbaine caractéristiques des jeunes chercheurs d’aujourd’hui,
versale des douze contributions, une vision des manières de faire de la
l’espace… Ce sera l’objet de la postface : proposer, dans une lecture trans-
de « construire » son terrain, dans la manière de traiter sociologiquement

Introduction 8
MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES

MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES

MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES

MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES


plois saisonniers d’hiver occupés par des hommes (Le Pors, 1999).
emplois saisonniers d’été étaient occupés à 51,5 % par des femmes, contre 56 % des em-
et, sur l’année, 44 % des emplois caractéristiques du tourisme (permanents ou non). Les
1. Ainsi en 1996, les moins de 25 ans occupaient deux tiers des emplois saisonniers d’été

lieux touristiques pour y résider et y travailler.


Nombreux sont donc ceux qui se déplacent temporairement dans des
sonnier pour se passer d’un logement sur place (Faure & Brunet, 2003).
TRAJECTOIRES ET PROCESSUS DE SOCIALISATION tourisme vivent à une trop grande distance de leur lieu de travail sai-
DES SALARIÉS MOBILES DU TOURISME : TROIS MANIÈRES résidentielle. Ainsi, avant d’entamer leur saison, 70 % des saisonniers du
D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER nine l’été1 ; et surtout, qu’elle est caractérisée par sa mobilité spatiale et
durant la période estivale, et qu’elle est plus masculine l’hiver, plus fémi-
travailleurs saisonniers du tourisme est souvent jeune, particulièrement
Aurélien Gentil nent avec leur situation. On retiendra toutefois que la population des
mensions multiples qui régissent le rapport que les individus entretien-
En 2005, l’INSEE estimait à 420 000 le nombre d’emplois saisonniers Mais ces catégories sont trop restrictives et ne restituent pas les di-
en France directement ou indirectement liés à l’activité touristique (les trois (20 %) et les « jeunes en insertion » (60 %) (Le Pors, 1999).
quarts dans l’hôtellerie-restauration). D’après le règlement no 1408 / 71 saisonniers du tourisme » (20 %), les « pluriactifs / multisalariés locaux »
de la Communauté européenne et la circulaire ministérielle « Questions- pal critère de différenciation leur rapport à l’emploi : les « professionnels
réponses » (29 août 1992), l’emploi est « saisonnier » lorsqu’il est limité tégories d’individus au sein de cette population si l’on prend pour princi-
dans le temps, qu’il correspond à un accroissement d’activité cyclique, du tourisme (Collectif, 2008). On peut distinguer, par exemple, trois ca-
que cet accroissement est fonction du rythme des saisons ou des modes construites pour mieux cerner la situation et les besoins des saisonniers
de vie collectifs, c’est-à-dire indépendant de la volonté des employeurs, socioprofessionnelle, table de mobilité…). Différentes typologies ont été
et que les tâches confiées au salarié sont liées à cet accroissement d’acti- statistiques ou sociologiques (branche d’activité, profession et catégorie
vité. Majoritairement peu qualifiés, 60 % des saisonniers de l’hôtellerie- indéterminés, met à mal les outils usuels de classification, qu’ils soient
restauration sont ouvriers ou employés (Cousin & Réau, 2009). Au-delà de ces estimations, cette catégorie de travailleurs hétérogène, aux contours
de ces estimations, cette catégorie de travailleurs hétérogène, aux contours restauration sont ouvriers ou employés (Cousin & Réau, 2009). Au-delà
indéterminés, met à mal les outils usuels de classification, qu’ils soient vité. Majoritairement peu qualifiés, 60 % des saisonniers de l’hôtellerie-
statistiques ou sociologiques (branche d’activité, profession et catégorie et que les tâches confiées au salarié sont liées à cet accroissement d’acti-
socioprofessionnelle, table de mobilité…). Différentes typologies ont été de vie collectifs, c’est-à-dire indépendant de la volonté des employeurs,
construites pour mieux cerner la situation et les besoins des saisonniers que cet accroissement est fonction du rythme des saisons ou des modes
du tourisme (Collectif, 2008). On peut distinguer, par exemple, trois ca- dans le temps, qu’il correspond à un accroissement d’activité cyclique,
tégories d’individus au sein de cette population si l’on prend pour princi- réponses » (29 août 1992), l’emploi est « saisonnier » lorsqu’il est limité
pal critère de différenciation leur rapport à l’emploi : les « professionnels de la Communauté européenne et la circulaire ministérielle « Questions-
saisonniers du tourisme » (20 %), les « pluriactifs / multisalariés locaux » quarts dans l’hôtellerie-restauration). D’après le règlement no 1408 / 71
(20 %) et les « jeunes en insertion » (60 %) (Le Pors, 1999). en France directement ou indirectement liés à l’activité touristique (les trois
Mais ces catégories sont trop restrictives et ne restituent pas les di- En 2005, l’INSEE estimait à 420 000 le nombre d’emplois saisonniers
mensions multiples qui régissent le rapport que les individus entretien-
nent avec leur situation. On retiendra toutefois que la population des Aurélien Gentil
travailleurs saisonniers du tourisme est souvent jeune, particulièrement
durant la période estivale, et qu’elle est plus masculine l’hiver, plus fémi-
nine l’été1 ; et surtout, qu’elle est caractérisée par sa mobilité spatiale et D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER
résidentielle. Ainsi, avant d’entamer leur saison, 70 % des saisonniers du DES SALARIÉS MOBILES DU TOURISME : TROIS MANIÈRES
tourisme vivent à une trop grande distance de leur lieu de travail sai- TRAJECTOIRES ET PROCESSUS DE SOCIALISATION
sonnier pour se passer d’un logement sur place (Faure & Brunet, 2003).
Nombreux sont donc ceux qui se déplacent temporairement dans des
lieux touristiques pour y résider et y travailler.

1. Ainsi en 1996, les moins de 25 ans occupaient deux tiers des emplois saisonniers d’été
et, sur l’année, 44 % des emplois caractéristiques du tourisme (permanents ou non). Les
emplois saisonniers d’été étaient occupés à 51,5 % par des femmes, contre 56 % des em-
plois saisonniers d’hiver occupés par des hommes (Le Pors, 1999).

plois saisonniers d’hiver occupés par des hommes (Le Pors, 1999).


emplois saisonniers d’été étaient occupés à 51,5 % par des femmes, contre 56 % des em-
et, sur l’année, 44 % des emplois caractéristiques du tourisme (permanents ou non). Les
1. Ainsi en 1996, les moins de 25 ans occupaient deux tiers des emplois saisonniers d’été

lieux touristiques pour y résider et y travailler.


Nombreux sont donc ceux qui se déplacent temporairement dans des
sonnier pour se passer d’un logement sur place (Faure & Brunet, 2003).
TRAJECTOIRES ET PROCESSUS DE SOCIALISATION tourisme vivent à une trop grande distance de leur lieu de travail sai-
DES SALARIÉS MOBILES DU TOURISME : TROIS MANIÈRES résidentielle. Ainsi, avant d’entamer leur saison, 70 % des saisonniers du
D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER nine l’été1 ; et surtout, qu’elle est caractérisée par sa mobilité spatiale et
durant la période estivale, et qu’elle est plus masculine l’hiver, plus fémi-
travailleurs saisonniers du tourisme est souvent jeune, particulièrement
Aurélien Gentil nent avec leur situation. On retiendra toutefois que la population des
mensions multiples qui régissent le rapport que les individus entretien-
En 2005, l’INSEE estimait à 420 000 le nombre d’emplois saisonniers Mais ces catégories sont trop restrictives et ne restituent pas les di-
en France directement ou indirectement liés à l’activité touristique (les trois (20 %) et les « jeunes en insertion » (60 %) (Le Pors, 1999).
quarts dans l’hôtellerie-restauration). D’après le règlement no 1408 / 71 saisonniers du tourisme » (20 %), les « pluriactifs / multisalariés locaux »
de la Communauté européenne et la circulaire ministérielle « Questions- pal critère de différenciation leur rapport à l’emploi : les « professionnels
réponses » (29 août 1992), l’emploi est « saisonnier » lorsqu’il est limité tégories d’individus au sein de cette population si l’on prend pour princi-
dans le temps, qu’il correspond à un accroissement d’activité cyclique, du tourisme (Collectif, 2008). On peut distinguer, par exemple, trois ca-
que cet accroissement est fonction du rythme des saisons ou des modes construites pour mieux cerner la situation et les besoins des saisonniers
de vie collectifs, c’est-à-dire indépendant de la volonté des employeurs, socioprofessionnelle, table de mobilité…). Différentes typologies ont été
et que les tâches confiées au salarié sont liées à cet accroissement d’acti- statistiques ou sociologiques (branche d’activité, profession et catégorie
vité. Majoritairement peu qualifiés, 60 % des saisonniers de l’hôtellerie- indéterminés, met à mal les outils usuels de classification, qu’ils soient
restauration sont ouvriers ou employés (Cousin & Réau, 2009). Au-delà de ces estimations, cette catégorie de travailleurs hétérogène, aux contours
de ces estimations, cette catégorie de travailleurs hétérogène, aux contours restauration sont ouvriers ou employés (Cousin & Réau, 2009). Au-delà
indéterminés, met à mal les outils usuels de classification, qu’ils soient vité. Majoritairement peu qualifiés, 60 % des saisonniers de l’hôtellerie-
statistiques ou sociologiques (branche d’activité, profession et catégorie et que les tâches confiées au salarié sont liées à cet accroissement d’acti-
socioprofessionnelle, table de mobilité…). Différentes typologies ont été de vie collectifs, c’est-à-dire indépendant de la volonté des employeurs,
construites pour mieux cerner la situation et les besoins des saisonniers que cet accroissement est fonction du rythme des saisons ou des modes
du tourisme (Collectif, 2008). On peut distinguer, par exemple, trois ca- dans le temps, qu’il correspond à un accroissement d’activité cyclique,
tégories d’individus au sein de cette population si l’on prend pour princi- réponses » (29 août 1992), l’emploi est « saisonnier » lorsqu’il est limité
pal critère de différenciation leur rapport à l’emploi : les « professionnels de la Communauté européenne et la circulaire ministérielle « Questions-
saisonniers du tourisme » (20 %), les « pluriactifs / multisalariés locaux » quarts dans l’hôtellerie-restauration). D’après le règlement no 1408 / 71
(20 %) et les « jeunes en insertion » (60 %) (Le Pors, 1999). en France directement ou indirectement liés à l’activité touristique (les trois
Mais ces catégories sont trop restrictives et ne restituent pas les di- En 2005, l’INSEE estimait à 420 000 le nombre d’emplois saisonniers
mensions multiples qui régissent le rapport que les individus entretien-
nent avec leur situation. On retiendra toutefois que la population des Aurélien Gentil
travailleurs saisonniers du tourisme est souvent jeune, particulièrement
durant la période estivale, et qu’elle est plus masculine l’hiver, plus fémi-
nine l’été1 ; et surtout, qu’elle est caractérisée par sa mobilité spatiale et D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER
résidentielle. Ainsi, avant d’entamer leur saison, 70 % des saisonniers du DES SALARIÉS MOBILES DU TOURISME : TROIS MANIÈRES
tourisme vivent à une trop grande distance de leur lieu de travail sai- TRAJECTOIRES ET PROCESSUS DE SOCIALISATION
sonnier pour se passer d’un logement sur place (Faure & Brunet, 2003).
Nombreux sont donc ceux qui se déplacent temporairement dans des
lieux touristiques pour y résider et y travailler.

1. Ainsi en 1996, les moins de 25 ans occupaient deux tiers des emplois saisonniers d’été
et, sur l’année, 44 % des emplois caractéristiques du tourisme (permanents ou non). Les
emplois saisonniers d’été étaient occupés à 51,5 % par des femmes, contre 56 % des em-
plois saisonniers d’hiver occupés par des hommes (Le Pors, 1999).
2. Par exemple Réau (2006) ou, sur un registre plus « militant », Dethyre (2007).

12 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles


par questionnaires, croisement des statistiques publiques). Généralement
la plupart se cantonnent à une approche plus « quantitative » (enquêtes
phiques pour accéder au « vécu » des saisonniers et à leur trajectoire2, POUR UNE SOCIOLOGIE DES FORMES D’ANCRAGE SAISONNIÈRES
fessionnelle. Si certaines recherches mobilisent des méthodes ethnogra-
du tourisme et à dresser l’état des lieux de leur situation sociale et pro- On s’intéressera spécifiquement ici aux salariés saisonniers mobiles
à déterminer le profil sociodémographique des travailleurs saisonniers du tourisme, entendus comme ceux qui vivent principalement de leurs
Les études menées jusqu’à présent se sont principalement appliquées activités saisonnières et qui, au gré des saisons, sont amenés à se dépla-
miner les rouages. cer et se loger dans des lieux touristiques différents. Le schéma le plus
temps saisonnier comme une instance de socialisation dont il faut exa- représentatif consiste à suivre le rythme des saisons climatiques : l’hiver
penser qui oriente la trajectoire des individus : elle invite à penser l’espace- dans les zones de montagne et l’été dans les zones côtières. On a là une
loisirs) dans le processus de formation des manières d’être, de faire et de population « précarisée » si l’on considère l’instabilité et la discontinuité
sions qui régissent la vie saisonnière (logement, travail, famille, sociabilité, de son rapport à l’emploi, à l’espace et au temps (Cingolani, 2005). Les
doit permettre de saisir le rôle de l’articulation des multiples dimen- travailleurs saisonniers mobiles semblent « incarner » l’impératif de flexi-
que rencontrent les individus au fil de leur existence. Plus encore, elle bilité, d’adaptabilité et de disponibilité promu par le « nouvel esprit du
qu’elles déterminent doit aussi interroger la part de choix et de contraintes capitalisme » qui tend à ériger en norme la mobilité spatiale et profes-
touristique, l’étude des mobilités saisonnières et des formes d’ancrage sionnelle (Boltanski & Chiapello, 1999).
précarisant imposé par les temporalités et les règles du marché du travail Mais la mobilité saisonnière peut revêtir un sens et des formes mul-
où ils doivent s’inscrire pour travailler. Ainsi, au-delà d’un rapport social tiples selon les individus (Douarche, 2003). L’hétérogénéité de cette po-
trajectoire, avec la mobilité inhérente à leur activité et avec les contextes pulation et des contextes où elle s’inscrit offre une possibilité intéressante
du tourisme, saisonniers, mobiles) composent différemment, selon leur pour mettre à l’épreuve les catégories de pensée de la sociologie urbaine
que des individus partageant une « communauté de position » (salariés et pour interroger les processus qui déterminent des rapports différenciés
au croisement de déterminants structurels et de logiques individuelles, et à l’espace-temps saisonnier. Il s’agit ici de saisir le rôle d’un espace parti-
des individus. C’est l’occasion de vérifier que la mobilité se situe bien culier, à la fois lieu de travail et de résidence temporaire, dans la trajectoire
culier, à la fois lieu de travail et de résidence temporaire, dans la trajectoire des individus. C’est l’occasion de vérifier que la mobilité se situe bien
à l’espace-temps saisonnier. Il s’agit ici de saisir le rôle d’un espace parti- au croisement de déterminants structurels et de logiques individuelles, et
et pour interroger les processus qui déterminent des rapports différenciés que des individus partageant une « communauté de position » (salariés
pour mettre à l’épreuve les catégories de pensée de la sociologie urbaine du tourisme, saisonniers, mobiles) composent différemment, selon leur
pulation et des contextes où elle s’inscrit offre une possibilité intéressante trajectoire, avec la mobilité inhérente à leur activité et avec les contextes
tiples selon les individus (Douarche, 2003). L’hétérogénéité de cette po- où ils doivent s’inscrire pour travailler. Ainsi, au-delà d’un rapport social
Mais la mobilité saisonnière peut revêtir un sens et des formes mul- précarisant imposé par les temporalités et les règles du marché du travail
sionnelle (Boltanski & Chiapello, 1999). touristique, l’étude des mobilités saisonnières et des formes d’ancrage
capitalisme » qui tend à ériger en norme la mobilité spatiale et profes- qu’elles déterminent doit aussi interroger la part de choix et de contraintes
bilité, d’adaptabilité et de disponibilité promu par le « nouvel esprit du que rencontrent les individus au fil de leur existence. Plus encore, elle
travailleurs saisonniers mobiles semblent « incarner » l’impératif de flexi- doit permettre de saisir le rôle de l’articulation des multiples dimen-
de son rapport à l’emploi, à l’espace et au temps (Cingolani, 2005). Les sions qui régissent la vie saisonnière (logement, travail, famille, sociabilité,
population « précarisée » si l’on considère l’instabilité et la discontinuité loisirs) dans le processus de formation des manières d’être, de faire et de
dans les zones de montagne et l’été dans les zones côtières. On a là une penser qui oriente la trajectoire des individus : elle invite à penser l’espace-
représentatif consiste à suivre le rythme des saisons climatiques : l’hiver temps saisonnier comme une instance de socialisation dont il faut exa-
cer et se loger dans des lieux touristiques différents. Le schéma le plus miner les rouages.
activités saisonnières et qui, au gré des saisons, sont amenés à se dépla- Les études menées jusqu’à présent se sont principalement appliquées
du tourisme, entendus comme ceux qui vivent principalement de leurs à déterminer le profil sociodémographique des travailleurs saisonniers
On s’intéressera spécifiquement ici aux salariés saisonniers mobiles du tourisme et à dresser l’état des lieux de leur situation sociale et pro-
fessionnelle. Si certaines recherches mobilisent des méthodes ethnogra-
POUR UNE SOCIOLOGIE DES FORMES D’ANCRAGE SAISONNIÈRES phiques pour accéder au « vécu » des saisonniers et à leur trajectoire2,
la plupart se cantonnent à une approche plus « quantitative » (enquêtes
par questionnaires, croisement des statistiques publiques). Généralement
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 12

2. Par exemple Réau (2006) ou, sur un registre plus « militant », Dethyre (2007).

2. Par exemple Réau (2006) ou, sur un registre plus « militant », Dethyre (2007).

12 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles


par questionnaires, croisement des statistiques publiques). Généralement
la plupart se cantonnent à une approche plus « quantitative » (enquêtes
phiques pour accéder au « vécu » des saisonniers et à leur trajectoire2, POUR UNE SOCIOLOGIE DES FORMES D’ANCRAGE SAISONNIÈRES
fessionnelle. Si certaines recherches mobilisent des méthodes ethnogra-
du tourisme et à dresser l’état des lieux de leur situation sociale et pro- On s’intéressera spécifiquement ici aux salariés saisonniers mobiles
à déterminer le profil sociodémographique des travailleurs saisonniers du tourisme, entendus comme ceux qui vivent principalement de leurs
Les études menées jusqu’à présent se sont principalement appliquées activités saisonnières et qui, au gré des saisons, sont amenés à se dépla-
miner les rouages. cer et se loger dans des lieux touristiques différents. Le schéma le plus
temps saisonnier comme une instance de socialisation dont il faut exa- représentatif consiste à suivre le rythme des saisons climatiques : l’hiver
penser qui oriente la trajectoire des individus : elle invite à penser l’espace- dans les zones de montagne et l’été dans les zones côtières. On a là une
loisirs) dans le processus de formation des manières d’être, de faire et de population « précarisée » si l’on considère l’instabilité et la discontinuité
sions qui régissent la vie saisonnière (logement, travail, famille, sociabilité, de son rapport à l’emploi, à l’espace et au temps (Cingolani, 2005). Les
doit permettre de saisir le rôle de l’articulation des multiples dimen- travailleurs saisonniers mobiles semblent « incarner » l’impératif de flexi-
que rencontrent les individus au fil de leur existence. Plus encore, elle bilité, d’adaptabilité et de disponibilité promu par le « nouvel esprit du
qu’elles déterminent doit aussi interroger la part de choix et de contraintes capitalisme » qui tend à ériger en norme la mobilité spatiale et profes-
touristique, l’étude des mobilités saisonnières et des formes d’ancrage sionnelle (Boltanski & Chiapello, 1999).
précarisant imposé par les temporalités et les règles du marché du travail Mais la mobilité saisonnière peut revêtir un sens et des formes mul-
où ils doivent s’inscrire pour travailler. Ainsi, au-delà d’un rapport social tiples selon les individus (Douarche, 2003). L’hétérogénéité de cette po-
trajectoire, avec la mobilité inhérente à leur activité et avec les contextes pulation et des contextes où elle s’inscrit offre une possibilité intéressante
du tourisme, saisonniers, mobiles) composent différemment, selon leur pour mettre à l’épreuve les catégories de pensée de la sociologie urbaine
que des individus partageant une « communauté de position » (salariés et pour interroger les processus qui déterminent des rapports différenciés
au croisement de déterminants structurels et de logiques individuelles, et à l’espace-temps saisonnier. Il s’agit ici de saisir le rôle d’un espace parti-
des individus. C’est l’occasion de vérifier que la mobilité se situe bien culier, à la fois lieu de travail et de résidence temporaire, dans la trajectoire
culier, à la fois lieu de travail et de résidence temporaire, dans la trajectoire des individus. C’est l’occasion de vérifier que la mobilité se situe bien
à l’espace-temps saisonnier. Il s’agit ici de saisir le rôle d’un espace parti- au croisement de déterminants structurels et de logiques individuelles, et
et pour interroger les processus qui déterminent des rapports différenciés que des individus partageant une « communauté de position » (salariés
pour mettre à l’épreuve les catégories de pensée de la sociologie urbaine du tourisme, saisonniers, mobiles) composent différemment, selon leur
pulation et des contextes où elle s’inscrit offre une possibilité intéressante trajectoire, avec la mobilité inhérente à leur activité et avec les contextes
tiples selon les individus (Douarche, 2003). L’hétérogénéité de cette po- où ils doivent s’inscrire pour travailler. Ainsi, au-delà d’un rapport social
Mais la mobilité saisonnière peut revêtir un sens et des formes mul- précarisant imposé par les temporalités et les règles du marché du travail
sionnelle (Boltanski & Chiapello, 1999). touristique, l’étude des mobilités saisonnières et des formes d’ancrage
capitalisme » qui tend à ériger en norme la mobilité spatiale et profes- qu’elles déterminent doit aussi interroger la part de choix et de contraintes
bilité, d’adaptabilité et de disponibilité promu par le « nouvel esprit du que rencontrent les individus au fil de leur existence. Plus encore, elle
travailleurs saisonniers mobiles semblent « incarner » l’impératif de flexi- doit permettre de saisir le rôle de l’articulation des multiples dimen-
de son rapport à l’emploi, à l’espace et au temps (Cingolani, 2005). Les sions qui régissent la vie saisonnière (logement, travail, famille, sociabilité,
population « précarisée » si l’on considère l’instabilité et la discontinuité loisirs) dans le processus de formation des manières d’être, de faire et de
dans les zones de montagne et l’été dans les zones côtières. On a là une penser qui oriente la trajectoire des individus : elle invite à penser l’espace-
représentatif consiste à suivre le rythme des saisons climatiques : l’hiver temps saisonnier comme une instance de socialisation dont il faut exa-
cer et se loger dans des lieux touristiques différents. Le schéma le plus miner les rouages.
activités saisonnières et qui, au gré des saisons, sont amenés à se dépla- Les études menées jusqu’à présent se sont principalement appliquées
du tourisme, entendus comme ceux qui vivent principalement de leurs à déterminer le profil sociodémographique des travailleurs saisonniers
On s’intéressera spécifiquement ici aux salariés saisonniers mobiles du tourisme et à dresser l’état des lieux de leur situation sociale et pro-
fessionnelle. Si certaines recherches mobilisent des méthodes ethnogra-
POUR UNE SOCIOLOGIE DES FORMES D’ANCRAGE SAISONNIÈRES phiques pour accéder au « vécu » des saisonniers et à leur trajectoire2,
la plupart se cantonnent à une approche plus « quantitative » (enquêtes
par questionnaires, croisement des statistiques publiques). Généralement
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 12

2. Par exemple Réau (2006) ou, sur un registre plus « militant », Dethyre (2007).
3. Voir par exemple Collectif (2003).

Aurélien Gentil 13
terminées de relations, des plus éphémères aux plus instituées, des plus
diverses interactions qui établissent entre les individus des formes dé-
inscrites dans le vaste champ de la « recherche-action », elles sont à diffé-
rentes échelles l’initiative d’acteurs nombreux, aux objectifs divers et par- penser (Remy, 1999) : il produit
fois contradictoires. Alors que certains dénoncent des conditions de vie toire, etc.), comme le producteur de manières singulières de faire et de
« indignes3 », d’autres (notamment le syndicat des hôteliers-restaurateurs) sentations sociales, et, à travers ses spécificités (sa morphologie, son his-
s’inquiètent de la difficulté à trouver des travailleurs saisonniers qualifiés doit être pensé à la fois comme le support des pratiques et des repré-
et « fidèles ». Avant tout descriptives, ces études se justifient le plus sou- construisent leurs « repères » dans un espace-temps discontinu. L’espace
vent par leur volonté d’améliorer la situation des travailleurs saisonniers les formes d’ancrage, de sociabilité et de représentations par lesquelles ils
et / ou l’« offre touristique ». Chacune des dimensions définissant leur posent avec les contraintes propres à leur situation, et nous montrerons
existence est appréhendée séparément et définie en fonction des problè- pour travailler. Nous verrons comment, pendant leurs saisons, ils com-
mes « sociaux » ou « économiques » qu’elle pose. Les conditions de vie, vidus entretiennent avec leur activité et avec les lieux où ils s’établissent
d’emploi, de travail, de logement et de santé sont pensées comme des sonnières dans la formation du rapport objectif et subjectif que les indi-
« états » qu’il faut décrire, mesurer et améliorer. Leur situation est appré- saisonnier. Il est bien question, ici, d’interroger le rôle des mobilités sai-
hendée en termes de position et de condition. mittents » mobiles du tourisme peuvent entretenir avec l’espace-temps
À rebours de cette approche, il faut penser leur situation comme un des relations pratiques et symboliques (Authier, 1993) que les « inter-
rapport contextualisé, articulant plusieurs dimensions, déterminé par une ci-dessous), nous voudrions montrer l’intérêt d’une étude contextualisée
trajectoire et pris dans un processus. Afin de restituer la complexité de petite station littorale de Belle-Plage (voir le terrain et la méthodologie
ce processus de formation du rapport à l’espace-temps saisonnier, nous À partir du matériau produit durant une recherche menée dans la
étudierons des façons socialement différenciées d’être travailleur saison-
nier dans un même espace et des façons spatialement différenciées d’être POUR UNE ÉTUDE CONTEXTUALISÉE DES MANIÈRES D’HABITER
travailleur saisonnier. Autrement dit, nous interrogerons la variabilité des
formes de liens et de rapports aux lieux que les salariés mobiles du tou- risme peuvent déployer au fil de leurs déplacements.
risme peuvent déployer au fil de leurs déplacements. formes de liens et de rapports aux lieux que les salariés mobiles du tou-
travailleur saisonnier. Autrement dit, nous interrogerons la variabilité des
POUR UNE ÉTUDE CONTEXTUALISÉE DES MANIÈRES D’HABITER nier dans un même espace et des façons spatialement différenciées d’être
étudierons des façons socialement différenciées d’être travailleur saison-
À partir du matériau produit durant une recherche menée dans la ce processus de formation du rapport à l’espace-temps saisonnier, nous
petite station littorale de Belle-Plage (voir le terrain et la méthodologie trajectoire et pris dans un processus. Afin de restituer la complexité de
ci-dessous), nous voudrions montrer l’intérêt d’une étude contextualisée rapport contextualisé, articulant plusieurs dimensions, déterminé par une
des relations pratiques et symboliques (Authier, 1993) que les « inter- À rebours de cette approche, il faut penser leur situation comme un
mittents » mobiles du tourisme peuvent entretenir avec l’espace-temps hendée en termes de position et de condition.
saisonnier. Il est bien question, ici, d’interroger le rôle des mobilités sai- « états » qu’il faut décrire, mesurer et améliorer. Leur situation est appré-
sonnières dans la formation du rapport objectif et subjectif que les indi- d’emploi, de travail, de logement et de santé sont pensées comme des
vidus entretiennent avec leur activité et avec les lieux où ils s’établissent mes « sociaux » ou « économiques » qu’elle pose. Les conditions de vie,
pour travailler. Nous verrons comment, pendant leurs saisons, ils com- existence est appréhendée séparément et définie en fonction des problè-
posent avec les contraintes propres à leur situation, et nous montrerons et / ou l’« offre touristique ». Chacune des dimensions définissant leur
les formes d’ancrage, de sociabilité et de représentations par lesquelles ils vent par leur volonté d’améliorer la situation des travailleurs saisonniers
construisent leurs « repères » dans un espace-temps discontinu. L’espace et « fidèles ». Avant tout descriptives, ces études se justifient le plus sou-
doit être pensé à la fois comme le support des pratiques et des repré- s’inquiètent de la difficulté à trouver des travailleurs saisonniers qualifiés
sentations sociales, et, à travers ses spécificités (sa morphologie, son his- « indignes3 », d’autres (notamment le syndicat des hôteliers-restaurateurs)
toire, etc.), comme le producteur de manières singulières de faire et de fois contradictoires. Alors que certains dénoncent des conditions de vie
penser (Remy, 1999) : il produit rentes échelles l’initiative d’acteurs nombreux, aux objectifs divers et par-
inscrites dans le vaste champ de la « recherche-action », elles sont à diffé-
diverses interactions qui établissent entre les individus des formes dé-
terminées de relations, des plus éphémères aux plus instituées, des plus
13 Aurélien Gentil

3. Voir par exemple Collectif (2003).

3. Voir par exemple Collectif (2003).

Aurélien Gentil 13
terminées de relations, des plus éphémères aux plus instituées, des plus
diverses interactions qui établissent entre les individus des formes dé-
inscrites dans le vaste champ de la « recherche-action », elles sont à diffé-
rentes échelles l’initiative d’acteurs nombreux, aux objectifs divers et par- penser (Remy, 1999) : il produit
fois contradictoires. Alors que certains dénoncent des conditions de vie toire, etc.), comme le producteur de manières singulières de faire et de
« indignes3 », d’autres (notamment le syndicat des hôteliers-restaurateurs) sentations sociales, et, à travers ses spécificités (sa morphologie, son his-
s’inquiètent de la difficulté à trouver des travailleurs saisonniers qualifiés doit être pensé à la fois comme le support des pratiques et des repré-
et « fidèles ». Avant tout descriptives, ces études se justifient le plus sou- construisent leurs « repères » dans un espace-temps discontinu. L’espace
vent par leur volonté d’améliorer la situation des travailleurs saisonniers les formes d’ancrage, de sociabilité et de représentations par lesquelles ils
et / ou l’« offre touristique ». Chacune des dimensions définissant leur posent avec les contraintes propres à leur situation, et nous montrerons
existence est appréhendée séparément et définie en fonction des problè- pour travailler. Nous verrons comment, pendant leurs saisons, ils com-
mes « sociaux » ou « économiques » qu’elle pose. Les conditions de vie, vidus entretiennent avec leur activité et avec les lieux où ils s’établissent
d’emploi, de travail, de logement et de santé sont pensées comme des sonnières dans la formation du rapport objectif et subjectif que les indi-
« états » qu’il faut décrire, mesurer et améliorer. Leur situation est appré- saisonnier. Il est bien question, ici, d’interroger le rôle des mobilités sai-
hendée en termes de position et de condition. mittents » mobiles du tourisme peuvent entretenir avec l’espace-temps
À rebours de cette approche, il faut penser leur situation comme un des relations pratiques et symboliques (Authier, 1993) que les « inter-
rapport contextualisé, articulant plusieurs dimensions, déterminé par une ci-dessous), nous voudrions montrer l’intérêt d’une étude contextualisée
trajectoire et pris dans un processus. Afin de restituer la complexité de petite station littorale de Belle-Plage (voir le terrain et la méthodologie
ce processus de formation du rapport à l’espace-temps saisonnier, nous À partir du matériau produit durant une recherche menée dans la
étudierons des façons socialement différenciées d’être travailleur saison-
nier dans un même espace et des façons spatialement différenciées d’être POUR UNE ÉTUDE CONTEXTUALISÉE DES MANIÈRES D’HABITER
travailleur saisonnier. Autrement dit, nous interrogerons la variabilité des
formes de liens et de rapports aux lieux que les salariés mobiles du tou- risme peuvent déployer au fil de leurs déplacements.
risme peuvent déployer au fil de leurs déplacements. formes de liens et de rapports aux lieux que les salariés mobiles du tou-
travailleur saisonnier. Autrement dit, nous interrogerons la variabilité des
POUR UNE ÉTUDE CONTEXTUALISÉE DES MANIÈRES D’HABITER nier dans un même espace et des façons spatialement différenciées d’être
étudierons des façons socialement différenciées d’être travailleur saison-
À partir du matériau produit durant une recherche menée dans la ce processus de formation du rapport à l’espace-temps saisonnier, nous
petite station littorale de Belle-Plage (voir le terrain et la méthodologie trajectoire et pris dans un processus. Afin de restituer la complexité de
ci-dessous), nous voudrions montrer l’intérêt d’une étude contextualisée rapport contextualisé, articulant plusieurs dimensions, déterminé par une
des relations pratiques et symboliques (Authier, 1993) que les « inter- À rebours de cette approche, il faut penser leur situation comme un
mittents » mobiles du tourisme peuvent entretenir avec l’espace-temps hendée en termes de position et de condition.
saisonnier. Il est bien question, ici, d’interroger le rôle des mobilités sai- « états » qu’il faut décrire, mesurer et améliorer. Leur situation est appré-
sonnières dans la formation du rapport objectif et subjectif que les indi- d’emploi, de travail, de logement et de santé sont pensées comme des
vidus entretiennent avec leur activité et avec les lieux où ils s’établissent mes « sociaux » ou « économiques » qu’elle pose. Les conditions de vie,
pour travailler. Nous verrons comment, pendant leurs saisons, ils com- existence est appréhendée séparément et définie en fonction des problè-
posent avec les contraintes propres à leur situation, et nous montrerons et / ou l’« offre touristique ». Chacune des dimensions définissant leur
les formes d’ancrage, de sociabilité et de représentations par lesquelles ils vent par leur volonté d’améliorer la situation des travailleurs saisonniers
construisent leurs « repères » dans un espace-temps discontinu. L’espace et « fidèles ». Avant tout descriptives, ces études se justifient le plus sou-
doit être pensé à la fois comme le support des pratiques et des repré- s’inquiètent de la difficulté à trouver des travailleurs saisonniers qualifiés
sentations sociales, et, à travers ses spécificités (sa morphologie, son his- « indignes3 », d’autres (notamment le syndicat des hôteliers-restaurateurs)
toire, etc.), comme le producteur de manières singulières de faire et de fois contradictoires. Alors que certains dénoncent des conditions de vie
penser (Remy, 1999) : il produit rentes échelles l’initiative d’acteurs nombreux, aux objectifs divers et par-
inscrites dans le vaste champ de la « recherche-action », elles sont à diffé-
diverses interactions qui établissent entre les individus des formes dé-
terminées de relations, des plus éphémères aux plus instituées, des plus
13 Aurélien Gentil

3. Voir par exemple Collectif (2003).


catégorie nous semble surreprésentée dans notre échantillon : d’après les observations
nie (ils ont déjà travaillé pendant une saison d’hiver au moins entre 1999 et 2005), cette
tés entre dans la catégorie des travailleurs mobiles du tourisme telle que nous l’avons défi- 14 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
d’été (37 %). 79 % ont déjà connu une saison estivale ; si près d’un quart (23 %) des enquê-
connu une période de chômage ou d’inactivité durant les six mois précédant la saison
aussi dans l’hébergement (15 %), la vente (15 %) ou l’animation (8 %). Plus d’un tiers a fugitives aux plus durables, [des] actions réciproques [qui] sont porteuses
études à la rentrée (40 %). Durant la saison, ils travaillent dans la restauration (62 %), mais d’influences mutuelles entre les êtres sociaux. (Grafmeyer & Authier,
ont pour la plupart obtenu leur baccalauréat (70 %) et sont nombreux à continuer leurs 2008, p. 86)
(38 %), mais aussi ouvrier (19 %), profession intermédiaire (13 %) ou employé (8,5 %). Ils
plus souvent issus d’une famille dont le père est cadre ou commerçant / chef d’entreprise Nous verrons ensuite qu’il est possible, en étudiant les manières d'ha-
célibataires (87 %) et sans enfant (89 %). Majoritairement des hommes (54 %), ils sont le biter l’espace-temps saisonnier, de repérer différentes phases ponctuant la
carrière d’installation du saisonnier mobile. Il s’agira d’examiner le proces-
activité durant l’été. Assez jeunes en moyenne (60 % ont moins de 27 ans), ils sont souvent
ont permis de dresser un portrait assez fidèle de la population des salariés saisonniers en
5. Les 97 réponses au questionnaire (soit 57 % de retour parmi les saisonniers du bourg) sus séquentiel par lequel, à partir de sa première expérience saisonnière,
changements dans les perspectives, les motivations et les désirs de l’individu » (p. 48). l’individu franchit différentes étapes, jusqu’à rationaliser et justifier plei-
une autre, c’est-à-dire aussi bien les faits objectifs relevant de la structure sociale que les nement son mode de vie saisonnier ainsi que les relations qui l’attachent
« Cette notion [la carrière] désigne les facteurs dont dépend la mobilité d’une position à à certains lieux4 : un processus qui amène les saisonniers, au fil de leurs
4. On retrouve là une définition proche de celle développée par Becker (1963, 1985) :
expériences, à se « stabiliser » dans le temps et dans l’espace.
l’espace-temps saisonnier…)5. Dans un second temps, durant l’été 2007, Terrain et méthodologie d’enquête
type de sociabilité et les représentations (du logement, de l’emploi, de
les parcours (professionnels, résidentiels et scolaires), la fréquence et le Nous nous appuyons sur les résultats d’un travail de terrain mené
merces dont nous avons tenté de cerner les profils sociodémographiques, entre  2006 et  2010 dans la station balnéaire de Belle-Plage, située sur
170 salariés en contrat saisonnier et 30 gérants ou propriétaires de com- la côte Atlantique, dans le département des Landes. C’est un lieu tou-
Durant l’été 2006, nous avons pu dénombrer à Belle-Plage environ ristique caractérisé par son « ambiance familiale », sa capacité d’accueil
prendre un travail ethnographique et « monographique ». relativement restreinte (environ 5 000 lits) et sa morphologie (superficie
travailleur saisonnier (Chauvin & Jounin, 2010) nous ont permis d’entre- restreinte, activité commerciale principalement concentrée dans une rue
l’opportunité que nous avons eue d’y résider plusieurs mois en tant que commerçante). La petite taille de ce terrain (environ 200 individus) et
commerçante). La petite taille de ce terrain (environ 200 individus) et l’opportunité que nous avons eue d’y résider plusieurs mois en tant que
restreinte, activité commerciale principalement concentrée dans une rue travailleur saisonnier (Chauvin & Jounin, 2010) nous ont permis d’entre-
relativement restreinte (environ 5 000 lits) et sa morphologie (superficie prendre un travail ethnographique et « monographique ».
ristique caractérisé par son « ambiance familiale », sa capacité d’accueil Durant l’été 2006, nous avons pu dénombrer à Belle-Plage environ
la côte Atlantique, dans le département des Landes. C’est un lieu tou- 170 salariés en contrat saisonnier et 30 gérants ou propriétaires de com-
entre  2006 et  2010 dans la station balnéaire de Belle-Plage, située sur merces dont nous avons tenté de cerner les profils sociodémographiques,
Nous nous appuyons sur les résultats d’un travail de terrain mené les parcours (professionnels, résidentiels et scolaires), la fréquence et le
type de sociabilité et les représentations (du logement, de l’emploi, de
Terrain et méthodologie d’enquête l’espace-temps saisonnier…)5. Dans un second temps, durant l’été 2007,

4. On retrouve là une définition proche de celle développée par Becker (1963, 1985) :
expériences, à se « stabiliser » dans le temps et dans l’espace.
à certains lieux4 : un processus qui amène les saisonniers, au fil de leurs « Cette notion [la carrière] désigne les facteurs dont dépend la mobilité d’une position à
nement son mode de vie saisonnier ainsi que les relations qui l’attachent une autre, c’est-à-dire aussi bien les faits objectifs relevant de la structure sociale que les
l’individu franchit différentes étapes, jusqu’à rationaliser et justifier plei- changements dans les perspectives, les motivations et les désirs de l’individu » (p. 48).
sus séquentiel par lequel, à partir de sa première expérience saisonnière, 5. Les 97 réponses au questionnaire (soit 57 % de retour parmi les saisonniers du bourg)
carrière d’installation du saisonnier mobile. Il s’agira d’examiner le proces- ont permis de dresser un portrait assez fidèle de la population des salariés saisonniers en
activité durant l’été. Assez jeunes en moyenne (60 % ont moins de 27 ans), ils sont souvent
biter l’espace-temps saisonnier, de repérer différentes phases ponctuant la célibataires (87 %) et sans enfant (89 %). Majoritairement des hommes (54 %), ils sont le
Nous verrons ensuite qu’il est possible, en étudiant les manières d'ha- plus souvent issus d’une famille dont le père est cadre ou commerçant / chef d’entreprise
(38 %), mais aussi ouvrier (19 %), profession intermédiaire (13 %) ou employé (8,5 %). Ils
2008, p. 86) ont pour la plupart obtenu leur baccalauréat (70 %) et sont nombreux à continuer leurs
d’influences mutuelles entre les êtres sociaux. (Grafmeyer & Authier, études à la rentrée (40 %). Durant la saison, ils travaillent dans la restauration (62 %), mais
fugitives aux plus durables, [des] actions réciproques [qui] sont porteuses aussi dans l’hébergement (15 %), la vente (15 %) ou l’animation (8 %). Plus d’un tiers a
connu une période de chômage ou d’inactivité durant les six mois précédant la saison
d’été (37 %). 79 % ont déjà connu une saison estivale ; si près d’un quart (23 %) des enquê-
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 14 tés entre dans la catégorie des travailleurs mobiles du tourisme telle que nous l’avons défi-
nie (ils ont déjà travaillé pendant une saison d’hiver au moins entre 1999 et 2005), cette
catégorie nous semble surreprésentée dans notre échantillon : d’après les observations

catégorie nous semble surreprésentée dans notre échantillon : d’après les observations
nie (ils ont déjà travaillé pendant une saison d’hiver au moins entre 1999 et 2005), cette
tés entre dans la catégorie des travailleurs mobiles du tourisme telle que nous l’avons défi- 14 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
d’été (37 %). 79 % ont déjà connu une saison estivale ; si près d’un quart (23 %) des enquê-
connu une période de chômage ou d’inactivité durant les six mois précédant la saison
aussi dans l’hébergement (15 %), la vente (15 %) ou l’animation (8 %). Plus d’un tiers a fugitives aux plus durables, [des] actions réciproques [qui] sont porteuses
études à la rentrée (40 %). Durant la saison, ils travaillent dans la restauration (62 %), mais d’influences mutuelles entre les êtres sociaux. (Grafmeyer & Authier,
ont pour la plupart obtenu leur baccalauréat (70 %) et sont nombreux à continuer leurs 2008, p. 86)
(38 %), mais aussi ouvrier (19 %), profession intermédiaire (13 %) ou employé (8,5 %). Ils
plus souvent issus d’une famille dont le père est cadre ou commerçant / chef d’entreprise Nous verrons ensuite qu’il est possible, en étudiant les manières d'ha-
célibataires (87 %) et sans enfant (89 %). Majoritairement des hommes (54 %), ils sont le biter l’espace-temps saisonnier, de repérer différentes phases ponctuant la
carrière d’installation du saisonnier mobile. Il s’agira d’examiner le proces-
activité durant l’été. Assez jeunes en moyenne (60 % ont moins de 27 ans), ils sont souvent
ont permis de dresser un portrait assez fidèle de la population des salariés saisonniers en
5. Les 97 réponses au questionnaire (soit 57 % de retour parmi les saisonniers du bourg) sus séquentiel par lequel, à partir de sa première expérience saisonnière,
changements dans les perspectives, les motivations et les désirs de l’individu » (p. 48). l’individu franchit différentes étapes, jusqu’à rationaliser et justifier plei-
une autre, c’est-à-dire aussi bien les faits objectifs relevant de la structure sociale que les nement son mode de vie saisonnier ainsi que les relations qui l’attachent
« Cette notion [la carrière] désigne les facteurs dont dépend la mobilité d’une position à à certains lieux4 : un processus qui amène les saisonniers, au fil de leurs
4. On retrouve là une définition proche de celle développée par Becker (1963, 1985) :
expériences, à se « stabiliser » dans le temps et dans l’espace.
l’espace-temps saisonnier…)5. Dans un second temps, durant l’été 2007, Terrain et méthodologie d’enquête
type de sociabilité et les représentations (du logement, de l’emploi, de
les parcours (professionnels, résidentiels et scolaires), la fréquence et le Nous nous appuyons sur les résultats d’un travail de terrain mené
merces dont nous avons tenté de cerner les profils sociodémographiques, entre  2006 et  2010 dans la station balnéaire de Belle-Plage, située sur
170 salariés en contrat saisonnier et 30 gérants ou propriétaires de com- la côte Atlantique, dans le département des Landes. C’est un lieu tou-
Durant l’été 2006, nous avons pu dénombrer à Belle-Plage environ ristique caractérisé par son « ambiance familiale », sa capacité d’accueil
prendre un travail ethnographique et « monographique ». relativement restreinte (environ 5 000 lits) et sa morphologie (superficie
travailleur saisonnier (Chauvin & Jounin, 2010) nous ont permis d’entre- restreinte, activité commerciale principalement concentrée dans une rue
l’opportunité que nous avons eue d’y résider plusieurs mois en tant que commerçante). La petite taille de ce terrain (environ 200 individus) et
commerçante). La petite taille de ce terrain (environ 200 individus) et l’opportunité que nous avons eue d’y résider plusieurs mois en tant que
restreinte, activité commerciale principalement concentrée dans une rue travailleur saisonnier (Chauvin & Jounin, 2010) nous ont permis d’entre-
relativement restreinte (environ 5 000 lits) et sa morphologie (superficie prendre un travail ethnographique et « monographique ».
ristique caractérisé par son « ambiance familiale », sa capacité d’accueil Durant l’été 2006, nous avons pu dénombrer à Belle-Plage environ
la côte Atlantique, dans le département des Landes. C’est un lieu tou- 170 salariés en contrat saisonnier et 30 gérants ou propriétaires de com-
entre  2006 et  2010 dans la station balnéaire de Belle-Plage, située sur merces dont nous avons tenté de cerner les profils sociodémographiques,
Nous nous appuyons sur les résultats d’un travail de terrain mené les parcours (professionnels, résidentiels et scolaires), la fréquence et le
type de sociabilité et les représentations (du logement, de l’emploi, de
Terrain et méthodologie d’enquête l’espace-temps saisonnier…)5. Dans un second temps, durant l’été 2007,

4. On retrouve là une définition proche de celle développée par Becker (1963, 1985) :
expériences, à se « stabiliser » dans le temps et dans l’espace.
à certains lieux4 : un processus qui amène les saisonniers, au fil de leurs « Cette notion [la carrière] désigne les facteurs dont dépend la mobilité d’une position à
nement son mode de vie saisonnier ainsi que les relations qui l’attachent une autre, c’est-à-dire aussi bien les faits objectifs relevant de la structure sociale que les
l’individu franchit différentes étapes, jusqu’à rationaliser et justifier plei- changements dans les perspectives, les motivations et les désirs de l’individu » (p. 48).
sus séquentiel par lequel, à partir de sa première expérience saisonnière, 5. Les 97 réponses au questionnaire (soit 57 % de retour parmi les saisonniers du bourg)
carrière d’installation du saisonnier mobile. Il s’agira d’examiner le proces- ont permis de dresser un portrait assez fidèle de la population des salariés saisonniers en
activité durant l’été. Assez jeunes en moyenne (60 % ont moins de 27 ans), ils sont souvent
biter l’espace-temps saisonnier, de repérer différentes phases ponctuant la célibataires (87 %) et sans enfant (89 %). Majoritairement des hommes (54 %), ils sont le
Nous verrons ensuite qu’il est possible, en étudiant les manières d'ha- plus souvent issus d’une famille dont le père est cadre ou commerçant / chef d’entreprise
(38 %), mais aussi ouvrier (19 %), profession intermédiaire (13 %) ou employé (8,5 %). Ils
2008, p. 86) ont pour la plupart obtenu leur baccalauréat (70 %) et sont nombreux à continuer leurs
d’influences mutuelles entre les êtres sociaux. (Grafmeyer & Authier, études à la rentrée (40 %). Durant la saison, ils travaillent dans la restauration (62 %), mais
fugitives aux plus durables, [des] actions réciproques [qui] sont porteuses aussi dans l’hébergement (15 %), la vente (15 %) ou l’animation (8 %). Plus d’un tiers a
connu une période de chômage ou d’inactivité durant les six mois précédant la saison
d’été (37 %). 79 % ont déjà connu une saison estivale ; si près d’un quart (23 %) des enquê-
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 14 tés entre dans la catégorie des travailleurs mobiles du tourisme telle que nous l’avons défi-
nie (ils ont déjà travaillé pendant une saison d’hiver au moins entre 1999 et 2005), cette
catégorie nous semble surreprésentée dans notre échantillon : d’après les observations
département aquitain (2).
ou ses environs, nombreux sont ceux originaires d’une autre région (19) ou d’un autre
Aurélien Gentil 15 des mobiles interrogés (5) sont issus d’une famille possédant un logement dans le bourg
bulant (8), d’habitué (13) et de local (5) sont inégalement représentées. Si quelques-uns
durant l’été à Belle-Plage. Ainsi, parmi les 26 personnes interrogées, les catégories d’am-
nous avons pu approfondir et affiner notre réflexion à partir d’observa-
tatif de la structure de la population des saisonniers mobiles habituellement en activité
7. Il est important de préciser que le corpus d’entretiens recueillis en 2007 est représen-
tions directes et d’une série d’entretiens semi-directifs avec 26  salariés d’appartenance, représentation et qualification du lieu, projection dans la vie du lieu).
saisonniers mobiles travaillant à Belle-Plage. Ces entretiens portaient sur compte du rapport subjectif qu’ils entretiennent avec l’espace et la population (sentiment
leur trajectoire, leurs pratiques et leurs représentations (du travail sai- et formes de sociabilités à l’échelle du logement et du lieu) et des indicateurs qui rendent
sonnier, de la précarité, des lieux dans lesquels ils ont pu s’inscrire…). statut et temps d’occupation du logement, composition du groupe habitant ce logement
Entre 2008 et 2010, notre présence sur le terrain nous a enfin offert l’op- (« mode d’entrée » dans le lieu, position géographique, type et configuration du logement,
portunité de mener un suivi longitudinal des trajectoires de nombreux
d’emploi occupé, qualifications), les formes d’ancrage qui caractérisent leur situation
indicateurs qui objectivent le profil sociodémographique des mobiles (âge, sexe, type
saisonniers mobiles interrogés en 2007 encore présents à Belle-Plage et saisonnière hivernale. Cette typologie convoque différents critères de classification : les
d’observer l’évolution de la morphologie sociale du lieu. données issues de questionnaires, d’entretiens et d’observations sur des terrains d’activité
directifs de l’été 2007 (n  = 26). Cependant, cette construction s’est inspirée de diverses
TROIS MANIÈRES D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER 6. Notre typologie a été principalement construite d’après l’analyse des entretiens semi-
pas dans la catégorie de mobile et n’étant plus étudiants.
Au-delà du poids des déterminants sociaux classiques (âge, sexe, qua-
résume ainsi : 20 % de mobiles, 40 % d’étudiants et 40 % de salariés saisonniers n’entrant
saisonniers dénombrés. Schématiquement, la répartition des saisonniers de Belle-Plage se
lification, origine sociale) pesant sur la différenciation des pratiques et réalisées in situ, les mobiles étaient alors une trentaine, soit moins d’un cinquième des
des représentations individuelles, l’étude des modes d’appropriation dif-
férenciés d’un même espace par les saisonniers mobiles révèle l’influence cation et d’expérience. D’une part, les jeunes ambulants (moins de 25 ans)
d’autres facteurs. Ainsi la trajectoire d’entrée et l’ancienneté dans un lieu d’ac- Cette catégorie doit être subdivisée en deux groupes d’âge, de qualifi-
tivité saisonnière pèsent fortement sur la relation pratique et symbolique
à ce lieu. Les ambulants
On peut repérer, à partir de différents indicateurs6, trois manières
d’habiter l’espace-temps saisonnier, correspondant à trois catégories : les ambulants, les habitués et les locaux7.
ambulants, les habitués et les locaux7. d’habiter l’espace-temps saisonnier, correspondant à trois catégories : les
On peut repérer, à partir de différents indicateurs6, trois manières
Les ambulants à ce lieu.
tivité saisonnière pèsent fortement sur la relation pratique et symbolique
Cette catégorie doit être subdivisée en deux groupes d’âge, de qualifi- d’autres facteurs. Ainsi la trajectoire d’entrée et l’ancienneté dans un lieu d’ac-
cation et d’expérience. D’une part, les jeunes ambulants (moins de 25 ans) férenciés d’un même espace par les saisonniers mobiles révèle l’influence
des représentations individuelles, l’étude des modes d’appropriation dif-
réalisées in situ, les mobiles étaient alors une trentaine, soit moins d’un cinquième des lification, origine sociale) pesant sur la différenciation des pratiques et
saisonniers dénombrés. Schématiquement, la répartition des saisonniers de Belle-Plage se Au-delà du poids des déterminants sociaux classiques (âge, sexe, qua-
résume ainsi : 20 % de mobiles, 40 % d’étudiants et 40 % de salariés saisonniers n’entrant
pas dans la catégorie de mobile et n’étant plus étudiants.
6. Notre typologie a été principalement construite d’après l’analyse des entretiens semi-
TROIS MANIÈRES D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER
directifs de l’été 2007 (n  = 26). Cependant, cette construction s’est inspirée de diverses
données issues de questionnaires, d’entretiens et d’observations sur des terrains d’activité d’observer l’évolution de la morphologie sociale du lieu.
saisonnière hivernale. Cette typologie convoque différents critères de classification : les saisonniers mobiles interrogés en 2007 encore présents à Belle-Plage et
indicateurs qui objectivent le profil sociodémographique des mobiles (âge, sexe, type portunité de mener un suivi longitudinal des trajectoires de nombreux
d’emploi occupé, qualifications), les formes d’ancrage qui caractérisent leur situation
(« mode d’entrée » dans le lieu, position géographique, type et configuration du logement,
Entre 2008 et 2010, notre présence sur le terrain nous a enfin offert l’op-
statut et temps d’occupation du logement, composition du groupe habitant ce logement sonnier, de la précarité, des lieux dans lesquels ils ont pu s’inscrire…).
et formes de sociabilités à l’échelle du logement et du lieu) et des indicateurs qui rendent leur trajectoire, leurs pratiques et leurs représentations (du travail sai-
compte du rapport subjectif qu’ils entretiennent avec l’espace et la population (sentiment saisonniers mobiles travaillant à Belle-Plage. Ces entretiens portaient sur
d’appartenance, représentation et qualification du lieu, projection dans la vie du lieu). tions directes et d’une série d’entretiens semi-directifs avec 26  salariés
7. Il est important de préciser que le corpus d’entretiens recueillis en 2007 est représen- nous avons pu approfondir et affiner notre réflexion à partir d’observa-
tatif de la structure de la population des saisonniers mobiles habituellement en activité
durant l’été à Belle-Plage. Ainsi, parmi les 26 personnes interrogées, les catégories d’am-
bulant (8), d’habitué (13) et de local (5) sont inégalement représentées. Si quelques-uns
des mobiles interrogés (5) sont issus d’une famille possédant un logement dans le bourg 15 Aurélien Gentil
ou ses environs, nombreux sont ceux originaires d’une autre région (19) ou d’un autre
département aquitain (2).

département aquitain (2).
ou ses environs, nombreux sont ceux originaires d’une autre région (19) ou d’un autre
Aurélien Gentil 15 des mobiles interrogés (5) sont issus d’une famille possédant un logement dans le bourg
bulant (8), d’habitué (13) et de local (5) sont inégalement représentées. Si quelques-uns
durant l’été à Belle-Plage. Ainsi, parmi les 26 personnes interrogées, les catégories d’am-
nous avons pu approfondir et affiner notre réflexion à partir d’observa-
tatif de la structure de la population des saisonniers mobiles habituellement en activité
7. Il est important de préciser que le corpus d’entretiens recueillis en 2007 est représen-
tions directes et d’une série d’entretiens semi-directifs avec 26  salariés d’appartenance, représentation et qualification du lieu, projection dans la vie du lieu).
saisonniers mobiles travaillant à Belle-Plage. Ces entretiens portaient sur compte du rapport subjectif qu’ils entretiennent avec l’espace et la population (sentiment
leur trajectoire, leurs pratiques et leurs représentations (du travail sai- et formes de sociabilités à l’échelle du logement et du lieu) et des indicateurs qui rendent
sonnier, de la précarité, des lieux dans lesquels ils ont pu s’inscrire…). statut et temps d’occupation du logement, composition du groupe habitant ce logement
Entre 2008 et 2010, notre présence sur le terrain nous a enfin offert l’op- (« mode d’entrée » dans le lieu, position géographique, type et configuration du logement,
portunité de mener un suivi longitudinal des trajectoires de nombreux
d’emploi occupé, qualifications), les formes d’ancrage qui caractérisent leur situation
indicateurs qui objectivent le profil sociodémographique des mobiles (âge, sexe, type
saisonniers mobiles interrogés en 2007 encore présents à Belle-Plage et saisonnière hivernale. Cette typologie convoque différents critères de classification : les
d’observer l’évolution de la morphologie sociale du lieu. données issues de questionnaires, d’entretiens et d’observations sur des terrains d’activité
directifs de l’été 2007 (n  = 26). Cependant, cette construction s’est inspirée de diverses
TROIS MANIÈRES D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER 6. Notre typologie a été principalement construite d’après l’analyse des entretiens semi-
pas dans la catégorie de mobile et n’étant plus étudiants.
Au-delà du poids des déterminants sociaux classiques (âge, sexe, qua-
résume ainsi : 20 % de mobiles, 40 % d’étudiants et 40 % de salariés saisonniers n’entrant
saisonniers dénombrés. Schématiquement, la répartition des saisonniers de Belle-Plage se
lification, origine sociale) pesant sur la différenciation des pratiques et réalisées in situ, les mobiles étaient alors une trentaine, soit moins d’un cinquième des
des représentations individuelles, l’étude des modes d’appropriation dif-
férenciés d’un même espace par les saisonniers mobiles révèle l’influence cation et d’expérience. D’une part, les jeunes ambulants (moins de 25 ans)
d’autres facteurs. Ainsi la trajectoire d’entrée et l’ancienneté dans un lieu d’ac- Cette catégorie doit être subdivisée en deux groupes d’âge, de qualifi-
tivité saisonnière pèsent fortement sur la relation pratique et symbolique
à ce lieu. Les ambulants
On peut repérer, à partir de différents indicateurs6, trois manières
d’habiter l’espace-temps saisonnier, correspondant à trois catégories : les ambulants, les habitués et les locaux7.
ambulants, les habitués et les locaux7. d’habiter l’espace-temps saisonnier, correspondant à trois catégories : les
On peut repérer, à partir de différents indicateurs6, trois manières
Les ambulants à ce lieu.
tivité saisonnière pèsent fortement sur la relation pratique et symbolique
Cette catégorie doit être subdivisée en deux groupes d’âge, de qualifi- d’autres facteurs. Ainsi la trajectoire d’entrée et l’ancienneté dans un lieu d’ac-
cation et d’expérience. D’une part, les jeunes ambulants (moins de 25 ans) férenciés d’un même espace par les saisonniers mobiles révèle l’influence
des représentations individuelles, l’étude des modes d’appropriation dif-
réalisées in situ, les mobiles étaient alors une trentaine, soit moins d’un cinquième des lification, origine sociale) pesant sur la différenciation des pratiques et
saisonniers dénombrés. Schématiquement, la répartition des saisonniers de Belle-Plage se Au-delà du poids des déterminants sociaux classiques (âge, sexe, qua-
résume ainsi : 20 % de mobiles, 40 % d’étudiants et 40 % de salariés saisonniers n’entrant
pas dans la catégorie de mobile et n’étant plus étudiants.
6. Notre typologie a été principalement construite d’après l’analyse des entretiens semi-
TROIS MANIÈRES D’HABITER L’ESPACE-TEMPS SAISONNIER
directifs de l’été 2007 (n  = 26). Cependant, cette construction s’est inspirée de diverses
données issues de questionnaires, d’entretiens et d’observations sur des terrains d’activité d’observer l’évolution de la morphologie sociale du lieu.
saisonnière hivernale. Cette typologie convoque différents critères de classification : les saisonniers mobiles interrogés en 2007 encore présents à Belle-Plage et
indicateurs qui objectivent le profil sociodémographique des mobiles (âge, sexe, type portunité de mener un suivi longitudinal des trajectoires de nombreux
d’emploi occupé, qualifications), les formes d’ancrage qui caractérisent leur situation
(« mode d’entrée » dans le lieu, position géographique, type et configuration du logement,
Entre 2008 et 2010, notre présence sur le terrain nous a enfin offert l’op-
statut et temps d’occupation du logement, composition du groupe habitant ce logement sonnier, de la précarité, des lieux dans lesquels ils ont pu s’inscrire…).
et formes de sociabilités à l’échelle du logement et du lieu) et des indicateurs qui rendent leur trajectoire, leurs pratiques et leurs représentations (du travail sai-
compte du rapport subjectif qu’ils entretiennent avec l’espace et la population (sentiment saisonniers mobiles travaillant à Belle-Plage. Ces entretiens portaient sur
d’appartenance, représentation et qualification du lieu, projection dans la vie du lieu). tions directes et d’une série d’entretiens semi-directifs avec 26  salariés
7. Il est important de préciser que le corpus d’entretiens recueillis en 2007 est représen- nous avons pu approfondir et affiner notre réflexion à partir d’observa-
tatif de la structure de la population des saisonniers mobiles habituellement en activité
durant l’été à Belle-Plage. Ainsi, parmi les 26 personnes interrogées, les catégories d’am-
bulant (8), d’habitué (13) et de local (5) sont inégalement représentées. Si quelques-uns
des mobiles interrogés (5) sont issus d’une famille possédant un logement dans le bourg 15 Aurélien Gentil
ou ses environs, nombreux sont ceux originaires d’une autre région (19) ou d’un autre
département aquitain (2).
16 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
(P., 22 ans, serveuse, 2e saison à Belle-Plage)
La Salsa [haut lieu de sociabilité pour les saisonniers du bourg] ou ailleurs.
employeur l’année précédente], après j’avais pas forcément envie d’aller à
finissais le boulot, je buvais un coup comme ça, devant Chez Keith [son
moins ambiance saisonnière, beaucoup moins ambiance saisonnière. Je sont les moins expérimentés professionnellement. Ils occupent généra-
rencontres des gens du camping, plus esprit vacances en fait […], et puis lement les emplois les moins qualifiés (plonge, ménage…), pour ceux
vu plus l’extérieur, plus en touriste en fait […], plus esprit camping, tu qui n’ont pas de formation en lien avec le tourisme ou qui ont peu
et voilà, plus l’âme de Belle-Plage, en fait, cette année. L’an dernier j’ai d’expérience dans ce secteur, et des emplois plus qualifiés, pour ceux
les gens qui font Belle-Plage, tous ceux qui sont là depuis des années formés dans la restauration, le sport ou l’animation (cuisinier, moniteur
J’ai vraiment découvert Belle-Plage cette année, parce que j’ai rencontré sportif…). D’autre part, les ambulants expérimentés (plus de 25  ans) ont
accompli un parcours professionnel plus long en tant que salariés saison-
première saison habitait un camping situé à 5 km du bourg : niers. Ils ont une formation en lien avec leur activité ou se sont formés
logée durant notre rencontre dans le centre de Belle-Plage, qui pour sa « sur le tas » au fil de leurs expériences. Ils occupent généralement, parmi
peut-être d’apprendre à les connaître.Voici ce que raconte une enquêtée, les ambulants, les emplois les plus qualifiés et qui offrent les meilleurs
du lieu. Ainsi resteront-ils d’abord « à l’écart » des plus anciens avant avantages (salaire, logement, etc.). Si les jeunes ambulants formés dans les
de distance par rapport aux saisonniers plus anciens qui « font » la vie métiers du tourisme mettent surtout en avant l’acquisition d’une expé-
ment géographique engendre chez ces « nouveaux » arrivés un sentiment rience professionnelle pour expliquer leur arrivée dans le lieu, les jeu-
station, plusieurs d’entre eux se logent à distance du centre. Cet éloigne- nes non qualifiés invoquent plutôt leur « curiosité » vis-à-vis du travail
au moment de leur arrivée. Si certains ambulants vivent au cœur de la saisonnier et leur besoin de gagner de l’argent. Les ambulants expéri-
logement fourni par leur employeur ou dans les logements disponibles mentés justifient leur présence d’abord par le plaisir de faire les saisons,
le biais de leur recherche d’emploi, ils sont amenés à résider dans le puis par la possibilité d’accéder à un emploi et par le fait de gagner de
d’un choix, du moins d’une anticipation. Entrés dans la vie du lieu par l’argent.
La position géographique de leur logement est rarement le résultat Le rapport que les ambulants entretiennent à leur lieu de résidence
sociabilités locales qu’ils vont déployer. temporaire est largement déterminé par le fait d’être arrivés pour la plu-
dans la vie du lieu pèse à différents niveaux sur les formes et la nature des part « au hasard » de leur recherche d’emploi. Cette trajectoire d’entrée
part « au hasard » de leur recherche d’emploi. Cette trajectoire d’entrée dans la vie du lieu pèse à différents niveaux sur les formes et la nature des
temporaire est largement déterminé par le fait d’être arrivés pour la plu- sociabilités locales qu’ils vont déployer.
Le rapport que les ambulants entretiennent à leur lieu de résidence La position géographique de leur logement est rarement le résultat
l’argent. d’un choix, du moins d’une anticipation. Entrés dans la vie du lieu par
puis par la possibilité d’accéder à un emploi et par le fait de gagner de le biais de leur recherche d’emploi, ils sont amenés à résider dans le
mentés justifient leur présence d’abord par le plaisir de faire les saisons, logement fourni par leur employeur ou dans les logements disponibles
saisonnier et leur besoin de gagner de l’argent. Les ambulants expéri- au moment de leur arrivée. Si certains ambulants vivent au cœur de la
nes non qualifiés invoquent plutôt leur « curiosité » vis-à-vis du travail station, plusieurs d’entre eux se logent à distance du centre. Cet éloigne-
rience professionnelle pour expliquer leur arrivée dans le lieu, les jeu- ment géographique engendre chez ces « nouveaux » arrivés un sentiment
métiers du tourisme mettent surtout en avant l’acquisition d’une expé- de distance par rapport aux saisonniers plus anciens qui « font » la vie
avantages (salaire, logement, etc.). Si les jeunes ambulants formés dans les du lieu. Ainsi resteront-ils d’abord « à l’écart » des plus anciens avant
les ambulants, les emplois les plus qualifiés et qui offrent les meilleurs peut-être d’apprendre à les connaître.Voici ce que raconte une enquêtée,
« sur le tas » au fil de leurs expériences. Ils occupent généralement, parmi logée durant notre rencontre dans le centre de Belle-Plage, qui pour sa
niers. Ils ont une formation en lien avec leur activité ou se sont formés première saison habitait un camping situé à 5 km du bourg :
accompli un parcours professionnel plus long en tant que salariés saison-
sportif…). D’autre part, les ambulants expérimentés (plus de 25  ans) ont J’ai vraiment découvert Belle-Plage cette année, parce que j’ai rencontré
formés dans la restauration, le sport ou l’animation (cuisinier, moniteur les gens qui font Belle-Plage, tous ceux qui sont là depuis des années
d’expérience dans ce secteur, et des emplois plus qualifiés, pour ceux et voilà, plus l’âme de Belle-Plage, en fait, cette année. L’an dernier j’ai
qui n’ont pas de formation en lien avec le tourisme ou qui ont peu vu plus l’extérieur, plus en touriste en fait […], plus esprit camping, tu
lement les emplois les moins qualifiés (plonge, ménage…), pour ceux rencontres des gens du camping, plus esprit vacances en fait […], et puis
sont les moins expérimentés professionnellement. Ils occupent généra- moins ambiance saisonnière, beaucoup moins ambiance saisonnière. Je
finissais le boulot, je buvais un coup comme ça, devant Chez Keith [son
employeur l’année précédente], après j’avais pas forcément envie d’aller à
La Salsa [haut lieu de sociabilité pour les saisonniers du bourg] ou ailleurs.
(P., 22 ans, serveuse, 2e saison à Belle-Plage)
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 16

16 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles


(P., 22 ans, serveuse, 2e saison à Belle-Plage)
La Salsa [haut lieu de sociabilité pour les saisonniers du bourg] ou ailleurs.
employeur l’année précédente], après j’avais pas forcément envie d’aller à
finissais le boulot, je buvais un coup comme ça, devant Chez Keith [son
moins ambiance saisonnière, beaucoup moins ambiance saisonnière. Je sont les moins expérimentés professionnellement. Ils occupent généra-
rencontres des gens du camping, plus esprit vacances en fait […], et puis lement les emplois les moins qualifiés (plonge, ménage…), pour ceux
vu plus l’extérieur, plus en touriste en fait […], plus esprit camping, tu qui n’ont pas de formation en lien avec le tourisme ou qui ont peu
et voilà, plus l’âme de Belle-Plage, en fait, cette année. L’an dernier j’ai d’expérience dans ce secteur, et des emplois plus qualifiés, pour ceux
les gens qui font Belle-Plage, tous ceux qui sont là depuis des années formés dans la restauration, le sport ou l’animation (cuisinier, moniteur
J’ai vraiment découvert Belle-Plage cette année, parce que j’ai rencontré sportif…). D’autre part, les ambulants expérimentés (plus de 25  ans) ont
accompli un parcours professionnel plus long en tant que salariés saison-
première saison habitait un camping situé à 5 km du bourg : niers. Ils ont une formation en lien avec leur activité ou se sont formés
logée durant notre rencontre dans le centre de Belle-Plage, qui pour sa « sur le tas » au fil de leurs expériences. Ils occupent généralement, parmi
peut-être d’apprendre à les connaître.Voici ce que raconte une enquêtée, les ambulants, les emplois les plus qualifiés et qui offrent les meilleurs
du lieu. Ainsi resteront-ils d’abord « à l’écart » des plus anciens avant avantages (salaire, logement, etc.). Si les jeunes ambulants formés dans les
de distance par rapport aux saisonniers plus anciens qui « font » la vie métiers du tourisme mettent surtout en avant l’acquisition d’une expé-
ment géographique engendre chez ces « nouveaux » arrivés un sentiment rience professionnelle pour expliquer leur arrivée dans le lieu, les jeu-
station, plusieurs d’entre eux se logent à distance du centre. Cet éloigne- nes non qualifiés invoquent plutôt leur « curiosité » vis-à-vis du travail
au moment de leur arrivée. Si certains ambulants vivent au cœur de la saisonnier et leur besoin de gagner de l’argent. Les ambulants expéri-
logement fourni par leur employeur ou dans les logements disponibles mentés justifient leur présence d’abord par le plaisir de faire les saisons,
le biais de leur recherche d’emploi, ils sont amenés à résider dans le puis par la possibilité d’accéder à un emploi et par le fait de gagner de
d’un choix, du moins d’une anticipation. Entrés dans la vie du lieu par l’argent.
La position géographique de leur logement est rarement le résultat Le rapport que les ambulants entretiennent à leur lieu de résidence
sociabilités locales qu’ils vont déployer. temporaire est largement déterminé par le fait d’être arrivés pour la plu-
dans la vie du lieu pèse à différents niveaux sur les formes et la nature des part « au hasard » de leur recherche d’emploi. Cette trajectoire d’entrée
part « au hasard » de leur recherche d’emploi. Cette trajectoire d’entrée dans la vie du lieu pèse à différents niveaux sur les formes et la nature des
temporaire est largement déterminé par le fait d’être arrivés pour la plu- sociabilités locales qu’ils vont déployer.
Le rapport que les ambulants entretiennent à leur lieu de résidence La position géographique de leur logement est rarement le résultat
l’argent. d’un choix, du moins d’une anticipation. Entrés dans la vie du lieu par
puis par la possibilité d’accéder à un emploi et par le fait de gagner de le biais de leur recherche d’emploi, ils sont amenés à résider dans le
mentés justifient leur présence d’abord par le plaisir de faire les saisons, logement fourni par leur employeur ou dans les logements disponibles
saisonnier et leur besoin de gagner de l’argent. Les ambulants expéri- au moment de leur arrivée. Si certains ambulants vivent au cœur de la
nes non qualifiés invoquent plutôt leur « curiosité » vis-à-vis du travail station, plusieurs d’entre eux se logent à distance du centre. Cet éloigne-
rience professionnelle pour expliquer leur arrivée dans le lieu, les jeu- ment géographique engendre chez ces « nouveaux » arrivés un sentiment
métiers du tourisme mettent surtout en avant l’acquisition d’une expé- de distance par rapport aux saisonniers plus anciens qui « font » la vie
avantages (salaire, logement, etc.). Si les jeunes ambulants formés dans les du lieu. Ainsi resteront-ils d’abord « à l’écart » des plus anciens avant
les ambulants, les emplois les plus qualifiés et qui offrent les meilleurs peut-être d’apprendre à les connaître.Voici ce que raconte une enquêtée,
« sur le tas » au fil de leurs expériences. Ils occupent généralement, parmi logée durant notre rencontre dans le centre de Belle-Plage, qui pour sa
niers. Ils ont une formation en lien avec leur activité ou se sont formés première saison habitait un camping situé à 5 km du bourg :
accompli un parcours professionnel plus long en tant que salariés saison-
sportif…). D’autre part, les ambulants expérimentés (plus de 25  ans) ont J’ai vraiment découvert Belle-Plage cette année, parce que j’ai rencontré
formés dans la restauration, le sport ou l’animation (cuisinier, moniteur les gens qui font Belle-Plage, tous ceux qui sont là depuis des années
d’expérience dans ce secteur, et des emplois plus qualifiés, pour ceux et voilà, plus l’âme de Belle-Plage, en fait, cette année. L’an dernier j’ai
qui n’ont pas de formation en lien avec le tourisme ou qui ont peu vu plus l’extérieur, plus en touriste en fait […], plus esprit camping, tu
lement les emplois les moins qualifiés (plonge, ménage…), pour ceux rencontres des gens du camping, plus esprit vacances en fait […], et puis
sont les moins expérimentés professionnellement. Ils occupent généra- moins ambiance saisonnière, beaucoup moins ambiance saisonnière. Je
finissais le boulot, je buvais un coup comme ça, devant Chez Keith [son
employeur l’année précédente], après j’avais pas forcément envie d’aller à
La Salsa [haut lieu de sociabilité pour les saisonniers du bourg] ou ailleurs.
(P., 22 ans, serveuse, 2e saison à Belle-Plage)
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 16
au lieu dans lequel ils mènent leur activité. C’est avant tout un lieu de
Aurélien Gentil 17 tués et locaux) avoir construit un rapport « enchanté » et « mythifiant »
l’océan, les vagues, la plage), ils semblent moins que les autres (habi-
tion et de qualification du lieu. S’ils apprécient le cadre naturel (la forêt,
Plus que les autres, les ambulants habitent des tentes, des caravanes Les ambulants mobilisent peu les catégories indigènes de percep-
ou des camions. Ils sont présents généralement durant des périodes plus généralement durant l’intersaison.
courtes que les autres saisonniers mobiles (entre deux et quatre mois). amicaux qu’ils ont tissés dans leur lieu « d’origine », où ils « se posent »
Les ambulants ont fréquemment un espace d’habitation restreint qui, sont pour la plupart encore étroitement attachés aux liens familiaux et
par sa taille, sa configuration et les fonctionnalités qu’il offre, ne permet fréquemment visite durant l’intersaison. Quant aux jeunes ambulants, ils
pas de recevoir ni d’héberger des amis ou des membres de leur famille. de leurs « proches » dans d’autres espaces de saison, auxquels ils rendent
Logeant parfois seuls, ils peuvent aussi partager leur logement ou leur expérience de la mobilité saisonnière. Ils ont ainsi rencontré la plupart
zone d’habitation (camping) avec des collègues de travail ou d’autres am- entretenus par les ambulants expérimentés est souvent déterminé par leur
bulants. Leur réseau de sociabilité, à l’échelle du lieu, est principalement labile. Le dessin du réseau de liens « forts » (Granovetter, 1973) tissés et
composé par ces cohabitants. Ces relations s’entretiennent surtout dans le ciabilité des ambulants s’inscrit dans une pluralité d’espaces et paraît plus
cadre du travail et des sorties festives. Se détournant de leur logement, ils Au-delà de l’échelle de leur lieu d’activité saisonnière, le réseau de so-
préfèrent généralement passer du temps dans les bars et les restaurants. rôle principalement fonctionnel, servant surtout de lieu de repos.
Leur fréquentation des commerces dépend étroitement du réseau de du bourg (rue principale, commerces). Leur logement semble tenir un
relations qu’ils ont tissé. Ainsi, ils fréquentent les mêmes lieux que leurs 1981) centrées sur leurs collègues de travail et les espaces de sociabilité
collègues de travail ou que les ambulants avec lesquels ils ont sympathisé. Belle-Plage participe au déploiement de sociabilités « externes » (Forsé,
Les jeunes, qui assimilent plus que les expérimentés la saison à une pé- Ainsi, la trajectoire d’entrée des ambulants dans la vie saisonnière de
riode où la « fête » rythme la vie, multiplient les sorties nocturnes. Un 4e saison à Belle-Plage)
enquêté, formé dans la restauration, venu pour la première fois à Belle- mine, d’aller en boîte et puis voilà quoi, faire la teuf. (F., 23 ans, cuisinier,
Plage « au hasard » de ses recherches d’emploi, nous explique : plus en plus, mais au début t’as envie de faire que ça, d’aller te mettre une
temps, comme ici tu sais, c’était ça. Bon, après, avec l’âge, on se calme de
Ben [la vie d’un saisonnier], c’est travailler et puis sortir, picoler, faire la fête à « donf », et puis aller draguer les nanas, tout ce qui traînait, tout le
fête à « donf », et puis aller draguer les nanas, tout ce qui traînait, tout le Ben [la vie d’un saisonnier], c’est travailler et puis sortir, picoler, faire la
temps, comme ici tu sais, c’était ça. Bon, après, avec l’âge, on se calme de
plus en plus, mais au début t’as envie de faire que ça, d’aller te mettre une Plage « au hasard » de ses recherches d’emploi, nous explique :
mine, d’aller en boîte et puis voilà quoi, faire la teuf. (F., 23 ans, cuisinier, enquêté, formé dans la restauration, venu pour la première fois à Belle-
4e saison à Belle-Plage) riode où la « fête » rythme la vie, multiplient les sorties nocturnes. Un
Ainsi, la trajectoire d’entrée des ambulants dans la vie saisonnière de Les jeunes, qui assimilent plus que les expérimentés la saison à une pé-
Belle-Plage participe au déploiement de sociabilités « externes » (Forsé, collègues de travail ou que les ambulants avec lesquels ils ont sympathisé.
1981) centrées sur leurs collègues de travail et les espaces de sociabilité relations qu’ils ont tissé. Ainsi, ils fréquentent les mêmes lieux que leurs
du bourg (rue principale, commerces). Leur logement semble tenir un Leur fréquentation des commerces dépend étroitement du réseau de
rôle principalement fonctionnel, servant surtout de lieu de repos. préfèrent généralement passer du temps dans les bars et les restaurants.
Au-delà de l’échelle de leur lieu d’activité saisonnière, le réseau de so- cadre du travail et des sorties festives. Se détournant de leur logement, ils
ciabilité des ambulants s’inscrit dans une pluralité d’espaces et paraît plus composé par ces cohabitants. Ces relations s’entretiennent surtout dans le
labile. Le dessin du réseau de liens « forts » (Granovetter, 1973) tissés et bulants. Leur réseau de sociabilité, à l’échelle du lieu, est principalement
entretenus par les ambulants expérimentés est souvent déterminé par leur zone d’habitation (camping) avec des collègues de travail ou d’autres am-
expérience de la mobilité saisonnière. Ils ont ainsi rencontré la plupart Logeant parfois seuls, ils peuvent aussi partager leur logement ou leur
de leurs « proches » dans d’autres espaces de saison, auxquels ils rendent pas de recevoir ni d’héberger des amis ou des membres de leur famille.
fréquemment visite durant l’intersaison. Quant aux jeunes ambulants, ils par sa taille, sa configuration et les fonctionnalités qu’il offre, ne permet
sont pour la plupart encore étroitement attachés aux liens familiaux et Les ambulants ont fréquemment un espace d’habitation restreint qui,
amicaux qu’ils ont tissés dans leur lieu « d’origine », où ils « se posent » courtes que les autres saisonniers mobiles (entre deux et quatre mois).
généralement durant l’intersaison. ou des camions. Ils sont présents généralement durant des périodes plus
Les ambulants mobilisent peu les catégories indigènes de percep- Plus que les autres, les ambulants habitent des tentes, des caravanes
tion et de qualification du lieu. S’ils apprécient le cadre naturel (la forêt,
l’océan, les vagues, la plage), ils semblent moins que les autres (habi-
tués et locaux) avoir construit un rapport « enchanté » et « mythifiant » 17 Aurélien Gentil
au lieu dans lequel ils mènent leur activité. C’est avant tout un lieu de

au lieu dans lequel ils mènent leur activité. C’est avant tout un lieu de
Aurélien Gentil 17 tués et locaux) avoir construit un rapport « enchanté » et « mythifiant »
l’océan, les vagues, la plage), ils semblent moins que les autres (habi-
tion et de qualification du lieu. S’ils apprécient le cadre naturel (la forêt,
Plus que les autres, les ambulants habitent des tentes, des caravanes Les ambulants mobilisent peu les catégories indigènes de percep-
ou des camions. Ils sont présents généralement durant des périodes plus généralement durant l’intersaison.
courtes que les autres saisonniers mobiles (entre deux et quatre mois). amicaux qu’ils ont tissés dans leur lieu « d’origine », où ils « se posent »
Les ambulants ont fréquemment un espace d’habitation restreint qui, sont pour la plupart encore étroitement attachés aux liens familiaux et
par sa taille, sa configuration et les fonctionnalités qu’il offre, ne permet fréquemment visite durant l’intersaison. Quant aux jeunes ambulants, ils
pas de recevoir ni d’héberger des amis ou des membres de leur famille. de leurs « proches » dans d’autres espaces de saison, auxquels ils rendent
Logeant parfois seuls, ils peuvent aussi partager leur logement ou leur expérience de la mobilité saisonnière. Ils ont ainsi rencontré la plupart
zone d’habitation (camping) avec des collègues de travail ou d’autres am- entretenus par les ambulants expérimentés est souvent déterminé par leur
bulants. Leur réseau de sociabilité, à l’échelle du lieu, est principalement labile. Le dessin du réseau de liens « forts » (Granovetter, 1973) tissés et
composé par ces cohabitants. Ces relations s’entretiennent surtout dans le ciabilité des ambulants s’inscrit dans une pluralité d’espaces et paraît plus
cadre du travail et des sorties festives. Se détournant de leur logement, ils Au-delà de l’échelle de leur lieu d’activité saisonnière, le réseau de so-
préfèrent généralement passer du temps dans les bars et les restaurants. rôle principalement fonctionnel, servant surtout de lieu de repos.
Leur fréquentation des commerces dépend étroitement du réseau de du bourg (rue principale, commerces). Leur logement semble tenir un
relations qu’ils ont tissé. Ainsi, ils fréquentent les mêmes lieux que leurs 1981) centrées sur leurs collègues de travail et les espaces de sociabilité
collègues de travail ou que les ambulants avec lesquels ils ont sympathisé. Belle-Plage participe au déploiement de sociabilités « externes » (Forsé,
Les jeunes, qui assimilent plus que les expérimentés la saison à une pé- Ainsi, la trajectoire d’entrée des ambulants dans la vie saisonnière de
riode où la « fête » rythme la vie, multiplient les sorties nocturnes. Un 4e saison à Belle-Plage)
enquêté, formé dans la restauration, venu pour la première fois à Belle- mine, d’aller en boîte et puis voilà quoi, faire la teuf. (F., 23 ans, cuisinier,
Plage « au hasard » de ses recherches d’emploi, nous explique : plus en plus, mais au début t’as envie de faire que ça, d’aller te mettre une
temps, comme ici tu sais, c’était ça. Bon, après, avec l’âge, on se calme de
Ben [la vie d’un saisonnier], c’est travailler et puis sortir, picoler, faire la fête à « donf », et puis aller draguer les nanas, tout ce qui traînait, tout le
fête à « donf », et puis aller draguer les nanas, tout ce qui traînait, tout le Ben [la vie d’un saisonnier], c’est travailler et puis sortir, picoler, faire la
temps, comme ici tu sais, c’était ça. Bon, après, avec l’âge, on se calme de
plus en plus, mais au début t’as envie de faire que ça, d’aller te mettre une Plage « au hasard » de ses recherches d’emploi, nous explique :
mine, d’aller en boîte et puis voilà quoi, faire la teuf. (F., 23 ans, cuisinier, enquêté, formé dans la restauration, venu pour la première fois à Belle-
4e saison à Belle-Plage) riode où la « fête » rythme la vie, multiplient les sorties nocturnes. Un
Ainsi, la trajectoire d’entrée des ambulants dans la vie saisonnière de Les jeunes, qui assimilent plus que les expérimentés la saison à une pé-
Belle-Plage participe au déploiement de sociabilités « externes » (Forsé, collègues de travail ou que les ambulants avec lesquels ils ont sympathisé.
1981) centrées sur leurs collègues de travail et les espaces de sociabilité relations qu’ils ont tissé. Ainsi, ils fréquentent les mêmes lieux que leurs
du bourg (rue principale, commerces). Leur logement semble tenir un Leur fréquentation des commerces dépend étroitement du réseau de
rôle principalement fonctionnel, servant surtout de lieu de repos. préfèrent généralement passer du temps dans les bars et les restaurants.
Au-delà de l’échelle de leur lieu d’activité saisonnière, le réseau de so- cadre du travail et des sorties festives. Se détournant de leur logement, ils
ciabilité des ambulants s’inscrit dans une pluralité d’espaces et paraît plus composé par ces cohabitants. Ces relations s’entretiennent surtout dans le
labile. Le dessin du réseau de liens « forts » (Granovetter, 1973) tissés et bulants. Leur réseau de sociabilité, à l’échelle du lieu, est principalement
entretenus par les ambulants expérimentés est souvent déterminé par leur zone d’habitation (camping) avec des collègues de travail ou d’autres am-
expérience de la mobilité saisonnière. Ils ont ainsi rencontré la plupart Logeant parfois seuls, ils peuvent aussi partager leur logement ou leur
de leurs « proches » dans d’autres espaces de saison, auxquels ils rendent pas de recevoir ni d’héberger des amis ou des membres de leur famille.
fréquemment visite durant l’intersaison. Quant aux jeunes ambulants, ils par sa taille, sa configuration et les fonctionnalités qu’il offre, ne permet
sont pour la plupart encore étroitement attachés aux liens familiaux et Les ambulants ont fréquemment un espace d’habitation restreint qui,
amicaux qu’ils ont tissés dans leur lieu « d’origine », où ils « se posent » courtes que les autres saisonniers mobiles (entre deux et quatre mois).
généralement durant l’intersaison. ou des camions. Ils sont présents généralement durant des périodes plus
Les ambulants mobilisent peu les catégories indigènes de percep- Plus que les autres, les ambulants habitent des tentes, des caravanes
tion et de qualification du lieu. S’ils apprécient le cadre naturel (la forêt,
l’océan, les vagues, la plage), ils semblent moins que les autres (habi-
tués et locaux) avoir construit un rapport « enchanté » et « mythifiant » 17 Aurélien Gentil
au lieu dans lequel ils mènent leur activité. C’est avant tout un lieu de
à distance des zones les plus animées. Une même position géographique
frénésie du lieu et de la vie saisonnière, souvent les plus anciens, se logent 18 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
au centre de la station alors que ceux qui veulent pouvoir couper avec la
souhaitent profiter au maximum de l’animation prendront un logement
ticule avec le rapport qu’ils entretiennent avec la vie du lieu. Ceux qui travail, certes agréable, mais qu’ils ne considèrent pas comme « unique »
convient. Dans tous les cas, le choix de la position de leur logement s’ar- ni irremplaçable. Ils se disent « de passage » et n’envisagent pas, au dé-
lieux, ils ont pu préparer leur venue et réserver le logement qui leur part, revenir pour les saisons suivantes.
d’un « choix », du moins d’une démarche anticipatrice. Habitués des
La position géographique de leur logement est cette fois le résultat Les habitués

dix ans. (F., 23 ans, cuisinier, 4e saison à Belle-Plage) Plus âgés en moyenne (plus de 25 ans) que les autres salariés mobiles,
connaît, ben ça fait des années qu’ils reviennent quoi, peut-être des fois ils n’étaient pas pour la plupart qualifiés pour l’emploi qu’ils occupent
part, bouger, tandis qu’à Belle-Plage les gens ils restent, les gens qu’on désormais. Souvent formés « sur le tas », ils sont plus anciens que les am-
cément revenir exactement là où ils étaient, ils vont peut-être aller autre bulants dans la vie saisonnière de Belle-Plage (au moins quatre saisons
voilà ils vont trouver des amis, d’autres saisonniers, mais ils vont pas for-
estivales). Ils sont généralement entrés dans la vie du lieu par cooptation
ou par recommandation, par le biais d’un ami ou d’une connaissance.
que les gens qui vont faire une saison à Cap-Breton ou à Hossegor bon
Plus que l’argent que leur apporte leur emploi, ils mettent en avant leur
de particulier aussi, ouais il y a quelque chose de différent, ouais je pense
qu’être saisonnier et à Belle-Plage en même temps c’est quelque chose
tout, parce que t’es bien, parce que t’as la mer, t’as tes potes. C’est vrai degré d’« attachement » au lieu et à sa population pour expliquer et légi-
faire ? Et puis finalement, tu reviens à Belle-Plage quoi, parce que t’as timer leur présence. Ils apprécient la forte interconnaissance qui régit
voilà, est-ce que je reviens l’année prochaine ? Qu’est-ce que je vais aller les formes de sociabilité locales et la possibilité de tisser et d’entretenir
endroit, le plus dur, c’est de partir, tu te poses des questions, tu te dis : oh certaines relations d’amitiés. Ils semblent avoir intégré en partie les ca-
trainte, c’est de partir de là où tu es quoi. Par exemple, tu es six mois à un tégories indigènes de perception et de qualification d’un lieu devenu
tous les six mois, forcément, il bouge, donc il y a ce bon côté. La con- « familier ».Voici comment un enquêté qui pensait changer de lieu d’ac-
Moi j’aime bien l’immigration, j’aime bien bouger, donc un saisonnier, tivité estivale après sa première saison à Belle-Plage explique le fait d’être
finalement revenu :
finalement revenu :
tivité estivale après sa première saison à Belle-Plage explique le fait d’être Moi j’aime bien l’immigration, j’aime bien bouger, donc un saisonnier,
« familier ».Voici comment un enquêté qui pensait changer de lieu d’ac- tous les six mois, forcément, il bouge, donc il y a ce bon côté. La con-
tégories indigènes de perception et de qualification d’un lieu devenu trainte, c’est de partir de là où tu es quoi. Par exemple, tu es six mois à un
certaines relations d’amitiés. Ils semblent avoir intégré en partie les ca- endroit, le plus dur, c’est de partir, tu te poses des questions, tu te dis : oh
les formes de sociabilité locales et la possibilité de tisser et d’entretenir voilà, est-ce que je reviens l’année prochaine ? Qu’est-ce que je vais aller
timer leur présence. Ils apprécient la forte interconnaissance qui régit faire ? Et puis finalement, tu reviens à Belle-Plage quoi, parce que t’as
degré d’« attachement » au lieu et à sa population pour expliquer et légi- tout, parce que t’es bien, parce que t’as la mer, t’as tes potes. C’est vrai
Plus que l’argent que leur apporte leur emploi, ils mettent en avant leur qu’être saisonnier et à Belle-Plage en même temps c’est quelque chose
ou par recommandation, par le biais d’un ami ou d’une connaissance. de particulier aussi, ouais il y a quelque chose de différent, ouais je pense
que les gens qui vont faire une saison à Cap-Breton ou à Hossegor bon
voilà ils vont trouver des amis, d’autres saisonniers, mais ils vont pas for-
estivales). Ils sont généralement entrés dans la vie du lieu par cooptation
bulants dans la vie saisonnière de Belle-Plage (au moins quatre saisons cément revenir exactement là où ils étaient, ils vont peut-être aller autre
désormais. Souvent formés « sur le tas », ils sont plus anciens que les am- part, bouger, tandis qu’à Belle-Plage les gens ils restent, les gens qu’on
ils n’étaient pas pour la plupart qualifiés pour l’emploi qu’ils occupent connaît, ben ça fait des années qu’ils reviennent quoi, peut-être des fois
Plus âgés en moyenne (plus de 25 ans) que les autres salariés mobiles, dix ans. (F., 23 ans, cuisinier, 4e saison à Belle-Plage)

Les habitués La position géographique de leur logement est cette fois le résultat
d’un « choix », du moins d’une démarche anticipatrice. Habitués des
part, revenir pour les saisons suivantes. lieux, ils ont pu préparer leur venue et réserver le logement qui leur
ni irremplaçable. Ils se disent « de passage » et n’envisagent pas, au dé- convient. Dans tous les cas, le choix de la position de leur logement s’ar-
travail, certes agréable, mais qu’ils ne considèrent pas comme « unique » ticule avec le rapport qu’ils entretiennent avec la vie du lieu. Ceux qui
souhaitent profiter au maximum de l’animation prendront un logement
au centre de la station alors que ceux qui veulent pouvoir couper avec la
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 18 frénésie du lieu et de la vie saisonnière, souvent les plus anciens, se logent
à distance des zones les plus animées. Une même position géographique

à distance des zones les plus animées. Une même position géographique
frénésie du lieu et de la vie saisonnière, souvent les plus anciens, se logent 18 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
au centre de la station alors que ceux qui veulent pouvoir couper avec la
souhaitent profiter au maximum de l’animation prendront un logement
ticule avec le rapport qu’ils entretiennent avec la vie du lieu. Ceux qui travail, certes agréable, mais qu’ils ne considèrent pas comme « unique »
convient. Dans tous les cas, le choix de la position de leur logement s’ar- ni irremplaçable. Ils se disent « de passage » et n’envisagent pas, au dé-
lieux, ils ont pu préparer leur venue et réserver le logement qui leur part, revenir pour les saisons suivantes.
d’un « choix », du moins d’une démarche anticipatrice. Habitués des
La position géographique de leur logement est cette fois le résultat Les habitués

dix ans. (F., 23 ans, cuisinier, 4e saison à Belle-Plage) Plus âgés en moyenne (plus de 25 ans) que les autres salariés mobiles,
connaît, ben ça fait des années qu’ils reviennent quoi, peut-être des fois ils n’étaient pas pour la plupart qualifiés pour l’emploi qu’ils occupent
part, bouger, tandis qu’à Belle-Plage les gens ils restent, les gens qu’on désormais. Souvent formés « sur le tas », ils sont plus anciens que les am-
cément revenir exactement là où ils étaient, ils vont peut-être aller autre bulants dans la vie saisonnière de Belle-Plage (au moins quatre saisons
voilà ils vont trouver des amis, d’autres saisonniers, mais ils vont pas for-
estivales). Ils sont généralement entrés dans la vie du lieu par cooptation
ou par recommandation, par le biais d’un ami ou d’une connaissance.
que les gens qui vont faire une saison à Cap-Breton ou à Hossegor bon
Plus que l’argent que leur apporte leur emploi, ils mettent en avant leur
de particulier aussi, ouais il y a quelque chose de différent, ouais je pense
qu’être saisonnier et à Belle-Plage en même temps c’est quelque chose
tout, parce que t’es bien, parce que t’as la mer, t’as tes potes. C’est vrai degré d’« attachement » au lieu et à sa population pour expliquer et légi-
faire ? Et puis finalement, tu reviens à Belle-Plage quoi, parce que t’as timer leur présence. Ils apprécient la forte interconnaissance qui régit
voilà, est-ce que je reviens l’année prochaine ? Qu’est-ce que je vais aller les formes de sociabilité locales et la possibilité de tisser et d’entretenir
endroit, le plus dur, c’est de partir, tu te poses des questions, tu te dis : oh certaines relations d’amitiés. Ils semblent avoir intégré en partie les ca-
trainte, c’est de partir de là où tu es quoi. Par exemple, tu es six mois à un tégories indigènes de perception et de qualification d’un lieu devenu
tous les six mois, forcément, il bouge, donc il y a ce bon côté. La con- « familier ».Voici comment un enquêté qui pensait changer de lieu d’ac-
Moi j’aime bien l’immigration, j’aime bien bouger, donc un saisonnier, tivité estivale après sa première saison à Belle-Plage explique le fait d’être
finalement revenu :
finalement revenu :
tivité estivale après sa première saison à Belle-Plage explique le fait d’être Moi j’aime bien l’immigration, j’aime bien bouger, donc un saisonnier,
« familier ».Voici comment un enquêté qui pensait changer de lieu d’ac- tous les six mois, forcément, il bouge, donc il y a ce bon côté. La con-
tégories indigènes de perception et de qualification d’un lieu devenu trainte, c’est de partir de là où tu es quoi. Par exemple, tu es six mois à un
certaines relations d’amitiés. Ils semblent avoir intégré en partie les ca- endroit, le plus dur, c’est de partir, tu te poses des questions, tu te dis : oh
les formes de sociabilité locales et la possibilité de tisser et d’entretenir voilà, est-ce que je reviens l’année prochaine ? Qu’est-ce que je vais aller
timer leur présence. Ils apprécient la forte interconnaissance qui régit faire ? Et puis finalement, tu reviens à Belle-Plage quoi, parce que t’as
degré d’« attachement » au lieu et à sa population pour expliquer et légi- tout, parce que t’es bien, parce que t’as la mer, t’as tes potes. C’est vrai
Plus que l’argent que leur apporte leur emploi, ils mettent en avant leur qu’être saisonnier et à Belle-Plage en même temps c’est quelque chose
ou par recommandation, par le biais d’un ami ou d’une connaissance. de particulier aussi, ouais il y a quelque chose de différent, ouais je pense
que les gens qui vont faire une saison à Cap-Breton ou à Hossegor bon
voilà ils vont trouver des amis, d’autres saisonniers, mais ils vont pas for-
estivales). Ils sont généralement entrés dans la vie du lieu par cooptation
bulants dans la vie saisonnière de Belle-Plage (au moins quatre saisons cément revenir exactement là où ils étaient, ils vont peut-être aller autre
désormais. Souvent formés « sur le tas », ils sont plus anciens que les am- part, bouger, tandis qu’à Belle-Plage les gens ils restent, les gens qu’on
ils n’étaient pas pour la plupart qualifiés pour l’emploi qu’ils occupent connaît, ben ça fait des années qu’ils reviennent quoi, peut-être des fois
Plus âgés en moyenne (plus de 25 ans) que les autres salariés mobiles, dix ans. (F., 23 ans, cuisinier, 4e saison à Belle-Plage)

Les habitués La position géographique de leur logement est cette fois le résultat
d’un « choix », du moins d’une démarche anticipatrice. Habitués des
part, revenir pour les saisons suivantes. lieux, ils ont pu préparer leur venue et réserver le logement qui leur
ni irremplaçable. Ils se disent « de passage » et n’envisagent pas, au dé- convient. Dans tous les cas, le choix de la position de leur logement s’ar-
travail, certes agréable, mais qu’ils ne considèrent pas comme « unique » ticule avec le rapport qu’ils entretiennent avec la vie du lieu. Ceux qui
souhaitent profiter au maximum de l’animation prendront un logement
au centre de la station alors que ceux qui veulent pouvoir couper avec la
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 18 frénésie du lieu et de la vie saisonnière, souvent les plus anciens, se logent
à distance des zones les plus animées. Une même position géographique
ambulants. Avec le temps, ils ont pu nouer des relations d’amitié avec
Aurélien Gentil 19 Leur réseau local de relations est plus élargi et diversifié que celui des
Plage ou ses environs.
2007) louèrent « à l’année » un logement situé dans le bourg de Belle-
d’habitation n’a pas la même signification et n’engendre pas les mêmes 2009-2010 : une dizaine de saisonniers (certains avaient été interrogés en
pratiques selon le type de saisonnier. taller à l’année dans la station ou dans ses environs. Ce fut le cas l’hiver
Les habitués vivent généralement dans des logements « en dur », le (entre quatre et six mois). Certains manifestent même l’envie de s’ins-
plus souvent de petits appartements, voire des maisons. Ils louent leur lent pour un temps dépassant largement la période d’activité touristique
logement à titre personnel, mais sont parfois logés par leur employeur ou d’ancrage au lieu. Dans la majorité des cas observés, ces habitués s’instal-
un ami saisonnier local habitant un logement familial. un espace de retrait et de préservation de leur vie privée, principal point
Plus les saisonniers sont anciens dans la vie du lieu, plus leur période est interne, leur logement étant conçu comme un espace confortable,
de résidence est longue. Qu’ils vivent seuls ou à plusieurs, les habitués parfois héberger des amis ou des membres de leur famille. Leur sociabilité
pensent avoir « choisi » la situation de leur logement. Ils disent avoir fait manière plus ritualisée, préparer un repas pour leurs amis saisonniers et
le choix de vivre seul et d’éviter ainsi les désagréments d’une « mau- tement liées au rôle qu’il a pour les individus. Ils peuvent recevoir de
vaise » colocation, ou au contraire de vivre en colocation avec d’autres Les sociabilités à l’intérieur et autour du logement sont ainsi direc-
saisonniers devenus des amis, ou encore de vivre avec un concubin ou
une concubine. Ils s’approprient généralement un logement comme dans un chez-moi quoi. (C., 22 ans, cuisinière, 4e saison à Belle-Plage)
un « chez-soi » ou un « chez-nous », pour ceux qui vivent en couple. des trucs partout au mur et que j’avais besoin aussi de me sentir vraiment
Décoré, personnalisé, aménagé, le logement devient leur principal point t’as le temps de t’installer la semaine, ça va quoi, c’est pour ça que j’avais
d’ancrage au lieu. Comme dans la plupart des cas ils ne possèdent pas t’installes quoi, surtout qu’au départ on bossait que les week-ends, donc
de logement « permanent », le logement saisonnier constitue pour eux armoire et puis un poste et voilà quoi […]. C’est clair qu’à un moment tu
un point d’appui, de stabilisation qui paraît essentiel. Une enquêtée qui une petite table et tout, mais l’année d’avant j’avais pas grand-chose, une
a connu Belle-Plage pendant son adolescence, devenue chef cuisinière où je me suis vachement installée, j’avais ramené mon petit canapé, la télé,
dans l’un des restaurants les plus fréquentés du bourg, nous explique La première année j’avais ramené pas grand-chose, c’est l’année dernière
comment elle s’est « installée » et a aménagé son logement :
comment elle s’est « installée » et a aménagé son logement :
La première année j’avais ramené pas grand-chose, c’est l’année dernière dans l’un des restaurants les plus fréquentés du bourg, nous explique
où je me suis vachement installée, j’avais ramené mon petit canapé, la télé, a connu Belle-Plage pendant son adolescence, devenue chef cuisinière
une petite table et tout, mais l’année d’avant j’avais pas grand-chose, une un point d’appui, de stabilisation qui paraît essentiel. Une enquêtée qui
armoire et puis un poste et voilà quoi […]. C’est clair qu’à un moment tu de logement « permanent », le logement saisonnier constitue pour eux
t’installes quoi, surtout qu’au départ on bossait que les week-ends, donc d’ancrage au lieu. Comme dans la plupart des cas ils ne possèdent pas
t’as le temps de t’installer la semaine, ça va quoi, c’est pour ça que j’avais Décoré, personnalisé, aménagé, le logement devient leur principal point
des trucs partout au mur et que j’avais besoin aussi de me sentir vraiment un « chez-soi » ou un « chez-nous », pour ceux qui vivent en couple.
dans un chez-moi quoi. (C., 22 ans, cuisinière, 4e saison à Belle-Plage) une concubine. Ils s’approprient généralement un logement comme
saisonniers devenus des amis, ou encore de vivre avec un concubin ou
Les sociabilités à l’intérieur et autour du logement sont ainsi direc- vaise » colocation, ou au contraire de vivre en colocation avec d’autres
tement liées au rôle qu’il a pour les individus. Ils peuvent recevoir de le choix de vivre seul et d’éviter ainsi les désagréments d’une « mau-
manière plus ritualisée, préparer un repas pour leurs amis saisonniers et pensent avoir « choisi » la situation de leur logement. Ils disent avoir fait
parfois héberger des amis ou des membres de leur famille. Leur sociabilité de résidence est longue. Qu’ils vivent seuls ou à plusieurs, les habitués
est interne, leur logement étant conçu comme un espace confortable, Plus les saisonniers sont anciens dans la vie du lieu, plus leur période
un espace de retrait et de préservation de leur vie privée, principal point un ami saisonnier local habitant un logement familial.
d’ancrage au lieu. Dans la majorité des cas observés, ces habitués s’instal- logement à titre personnel, mais sont parfois logés par leur employeur ou
lent pour un temps dépassant largement la période d’activité touristique plus souvent de petits appartements, voire des maisons. Ils louent leur
(entre quatre et six mois). Certains manifestent même l’envie de s’ins- Les habitués vivent généralement dans des logements « en dur », le
taller à l’année dans la station ou dans ses environs. Ce fut le cas l’hiver pratiques selon le type de saisonnier.
2009-2010 : une dizaine de saisonniers (certains avaient été interrogés en d’habitation n’a pas la même signification et n’engendre pas les mêmes
2007) louèrent « à l’année » un logement situé dans le bourg de Belle-
Plage ou ses environs.
Leur réseau local de relations est plus élargi et diversifié que celui des 19 Aurélien Gentil
ambulants. Avec le temps, ils ont pu nouer des relations d’amitié avec

ambulants. Avec le temps, ils ont pu nouer des relations d’amitié avec
Aurélien Gentil 19 Leur réseau local de relations est plus élargi et diversifié que celui des
Plage ou ses environs.
2007) louèrent « à l’année » un logement situé dans le bourg de Belle-
d’habitation n’a pas la même signification et n’engendre pas les mêmes 2009-2010 : une dizaine de saisonniers (certains avaient été interrogés en
pratiques selon le type de saisonnier. taller à l’année dans la station ou dans ses environs. Ce fut le cas l’hiver
Les habitués vivent généralement dans des logements « en dur », le (entre quatre et six mois). Certains manifestent même l’envie de s’ins-
plus souvent de petits appartements, voire des maisons. Ils louent leur lent pour un temps dépassant largement la période d’activité touristique
logement à titre personnel, mais sont parfois logés par leur employeur ou d’ancrage au lieu. Dans la majorité des cas observés, ces habitués s’instal-
un ami saisonnier local habitant un logement familial. un espace de retrait et de préservation de leur vie privée, principal point
Plus les saisonniers sont anciens dans la vie du lieu, plus leur période est interne, leur logement étant conçu comme un espace confortable,
de résidence est longue. Qu’ils vivent seuls ou à plusieurs, les habitués parfois héberger des amis ou des membres de leur famille. Leur sociabilité
pensent avoir « choisi » la situation de leur logement. Ils disent avoir fait manière plus ritualisée, préparer un repas pour leurs amis saisonniers et
le choix de vivre seul et d’éviter ainsi les désagréments d’une « mau- tement liées au rôle qu’il a pour les individus. Ils peuvent recevoir de
vaise » colocation, ou au contraire de vivre en colocation avec d’autres Les sociabilités à l’intérieur et autour du logement sont ainsi direc-
saisonniers devenus des amis, ou encore de vivre avec un concubin ou
une concubine. Ils s’approprient généralement un logement comme dans un chez-moi quoi. (C., 22 ans, cuisinière, 4e saison à Belle-Plage)
un « chez-soi » ou un « chez-nous », pour ceux qui vivent en couple. des trucs partout au mur et que j’avais besoin aussi de me sentir vraiment
Décoré, personnalisé, aménagé, le logement devient leur principal point t’as le temps de t’installer la semaine, ça va quoi, c’est pour ça que j’avais
d’ancrage au lieu. Comme dans la plupart des cas ils ne possèdent pas t’installes quoi, surtout qu’au départ on bossait que les week-ends, donc
de logement « permanent », le logement saisonnier constitue pour eux armoire et puis un poste et voilà quoi […]. C’est clair qu’à un moment tu
un point d’appui, de stabilisation qui paraît essentiel. Une enquêtée qui une petite table et tout, mais l’année d’avant j’avais pas grand-chose, une
a connu Belle-Plage pendant son adolescence, devenue chef cuisinière où je me suis vachement installée, j’avais ramené mon petit canapé, la télé,
dans l’un des restaurants les plus fréquentés du bourg, nous explique La première année j’avais ramené pas grand-chose, c’est l’année dernière
comment elle s’est « installée » et a aménagé son logement :
comment elle s’est « installée » et a aménagé son logement :
La première année j’avais ramené pas grand-chose, c’est l’année dernière dans l’un des restaurants les plus fréquentés du bourg, nous explique
où je me suis vachement installée, j’avais ramené mon petit canapé, la télé, a connu Belle-Plage pendant son adolescence, devenue chef cuisinière
une petite table et tout, mais l’année d’avant j’avais pas grand-chose, une un point d’appui, de stabilisation qui paraît essentiel. Une enquêtée qui
armoire et puis un poste et voilà quoi […]. C’est clair qu’à un moment tu de logement « permanent », le logement saisonnier constitue pour eux
t’installes quoi, surtout qu’au départ on bossait que les week-ends, donc d’ancrage au lieu. Comme dans la plupart des cas ils ne possèdent pas
t’as le temps de t’installer la semaine, ça va quoi, c’est pour ça que j’avais Décoré, personnalisé, aménagé, le logement devient leur principal point
des trucs partout au mur et que j’avais besoin aussi de me sentir vraiment un « chez-soi » ou un « chez-nous », pour ceux qui vivent en couple.
dans un chez-moi quoi. (C., 22 ans, cuisinière, 4e saison à Belle-Plage) une concubine. Ils s’approprient généralement un logement comme
saisonniers devenus des amis, ou encore de vivre avec un concubin ou
Les sociabilités à l’intérieur et autour du logement sont ainsi direc- vaise » colocation, ou au contraire de vivre en colocation avec d’autres
tement liées au rôle qu’il a pour les individus. Ils peuvent recevoir de le choix de vivre seul et d’éviter ainsi les désagréments d’une « mau-
manière plus ritualisée, préparer un repas pour leurs amis saisonniers et pensent avoir « choisi » la situation de leur logement. Ils disent avoir fait
parfois héberger des amis ou des membres de leur famille. Leur sociabilité de résidence est longue. Qu’ils vivent seuls ou à plusieurs, les habitués
est interne, leur logement étant conçu comme un espace confortable, Plus les saisonniers sont anciens dans la vie du lieu, plus leur période
un espace de retrait et de préservation de leur vie privée, principal point un ami saisonnier local habitant un logement familial.
d’ancrage au lieu. Dans la majorité des cas observés, ces habitués s’instal- logement à titre personnel, mais sont parfois logés par leur employeur ou
lent pour un temps dépassant largement la période d’activité touristique plus souvent de petits appartements, voire des maisons. Ils louent leur
(entre quatre et six mois). Certains manifestent même l’envie de s’ins- Les habitués vivent généralement dans des logements « en dur », le
taller à l’année dans la station ou dans ses environs. Ce fut le cas l’hiver pratiques selon le type de saisonnier.
2009-2010 : une dizaine de saisonniers (certains avaient été interrogés en d’habitation n’a pas la même signification et n’engendre pas les mêmes
2007) louèrent « à l’année » un logement situé dans le bourg de Belle-
Plage ou ses environs.
Leur réseau local de relations est plus élargi et diversifié que celui des 19 Aurélien Gentil
ambulants. Avec le temps, ils ont pu nouer des relations d’amitié avec
Belle-Plage)
20 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
un peu compris l’idée des gens d’ici. (M., 38 ans, cuisinier, 10e saison à
ici et ça sera pas du tout la même. Donc quelque part, avec le temps, j’ai
voilà, c’est génial. Regarde dans dix ans, il y aura peut-être plein de béton
privilégié et particulier et il a quand même besoin de protection. Ben
c’est quand même un endroit hyper protégé […]. C’est un petit endroit d’autres habitués, avec certains commerçants, avec des vacanciers reve-
Mais je comprends mieux, ça se comprend un petit peu […]. Ben voilà, nant chaque année ou avec de simples habitants du bourg.
pas tomber dans la même connerie, dans les mêmes excès qu’à l’époque. Avec l’ancienneté, la temporalité des pratiques de sociabilité des habi-
je viens ici, je me suis un peu approprié ce lieu, tout en essayant de ne tués en dehors de leur logement se modifie. Avec l’expérience, ils tendent
maintenant je le comprends un peu mieux, ça fait plus de dix ans que à sélectionner leurs sorties nocturnes et à moins fréquenter la rue et ses
les problèmes de ceux  qui s’appropriaient cet endroit […], alors que commerces dans leurs moments les plus « festifs », spécialement durant
Au début j’étais dépassé par les problèmes de localisme de merde, par la pleine saison (juillet-août). Mais par leurs loisirs et leur sociabilité, ils
participent à l’animation d’autres « facettes » de la vie locale. Les matins
putées, a vu évoluer son regard à propos du lieu : d’été, on les verra par exemple regroupés à la terrasse d’un café ou sur le
Plage, depuis Paris où il était barman dans les boîtes de nuit les plus ré- sommet des dunes, savourant les premiers rayons du soleil et discutant de
du lieu.Voici comment un enquêté arrivé en vacances en 1995 à Belle- leurs aventures (sportives, sentimentales ou festives) de la veille ou à venir.
perception locale d’une potentielle transformation de la morphologie Par leur présence et leur visibilité dans certains commerces et certains
et son côté « préservé ». Avec le temps, ils ont finalement intériorisé la espaces (la dune, la plage, la rue…), ils contribuent à donner le ton de la
turel particulièrement agréable. Un espace « élu » pour son « ambiance » vie matinale de Belle-Plage.
espace à l’abri d’un tourisme trop envahissant, et qui offre un cadre na- Leur réseau de liens forts semble au fil du temps se réduire au cercle
différence qu’il s’agit de protéger. Ils décrivent Belle-Plage comme un d’amis qu’ils ont pu se faire durant les saisons à Belle-Plage. Si certains en-
la « différence » entre Belle-Plage et d’autres lieux de saison côtiers, une tretiennent quelques relations pendant les intersaisons avec les membres
sement « indigènes » pour décrire le lieu et ses spécificités. Ils revendiquent de leur famille et leurs amis de longue date (amis d’enfance, camarades de
Plus que les ambulants, les habitués mobilisent des catégories de clas- classe, copains de quartier), il s’avère qu’avec le temps et les saisons passées
relations semble être ancré. dans un même lieu, la fréquence et l’intensité de ces relations diminuent.
pendant l’hiver, c’est à Belle-Plage que le « noyau dur » de leur réseau de Si certains ont noué des liens forts dans d’autres lieux de saison investis
Si certains ont noué des liens forts dans d’autres lieux de saison investis pendant l’hiver, c’est à Belle-Plage que le « noyau dur » de leur réseau de
dans un même lieu, la fréquence et l’intensité de ces relations diminuent. relations semble être ancré.
classe, copains de quartier), il s’avère qu’avec le temps et les saisons passées Plus que les ambulants, les habitués mobilisent des catégories de clas-
de leur famille et leurs amis de longue date (amis d’enfance, camarades de sement « indigènes » pour décrire le lieu et ses spécificités. Ils revendiquent
tretiennent quelques relations pendant les intersaisons avec les membres la « différence » entre Belle-Plage et d’autres lieux de saison côtiers, une
d’amis qu’ils ont pu se faire durant les saisons à Belle-Plage. Si certains en- différence qu’il s’agit de protéger. Ils décrivent Belle-Plage comme un
Leur réseau de liens forts semble au fil du temps se réduire au cercle espace à l’abri d’un tourisme trop envahissant, et qui offre un cadre na-
vie matinale de Belle-Plage. turel particulièrement agréable. Un espace « élu » pour son « ambiance »
espaces (la dune, la plage, la rue…), ils contribuent à donner le ton de la et son côté « préservé ». Avec le temps, ils ont finalement intériorisé la
Par leur présence et leur visibilité dans certains commerces et certains perception locale d’une potentielle transformation de la morphologie
leurs aventures (sportives, sentimentales ou festives) de la veille ou à venir. du lieu.Voici comment un enquêté arrivé en vacances en 1995 à Belle-
sommet des dunes, savourant les premiers rayons du soleil et discutant de Plage, depuis Paris où il était barman dans les boîtes de nuit les plus ré-
d’été, on les verra par exemple regroupés à la terrasse d’un café ou sur le putées, a vu évoluer son regard à propos du lieu :
participent à l’animation d’autres « facettes » de la vie locale. Les matins
la pleine saison (juillet-août). Mais par leurs loisirs et leur sociabilité, ils Au début j’étais dépassé par les problèmes de localisme de merde, par
commerces dans leurs moments les plus « festifs », spécialement durant les problèmes de ceux  qui s’appropriaient cet endroit […], alors que
à sélectionner leurs sorties nocturnes et à moins fréquenter la rue et ses maintenant je le comprends un peu mieux, ça fait plus de dix ans que
tués en dehors de leur logement se modifie. Avec l’expérience, ils tendent je viens ici, je me suis un peu approprié ce lieu, tout en essayant de ne
Avec l’ancienneté, la temporalité des pratiques de sociabilité des habi- pas tomber dans la même connerie, dans les mêmes excès qu’à l’époque.
nant chaque année ou avec de simples habitants du bourg. Mais je comprends mieux, ça se comprend un petit peu […]. Ben voilà,
d’autres habitués, avec certains commerçants, avec des vacanciers reve- c’est quand même un endroit hyper protégé […]. C’est un petit endroit
privilégié et particulier et il a quand même besoin de protection. Ben
voilà, c’est génial. Regarde dans dix ans, il y aura peut-être plein de béton
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 20 ici et ça sera pas du tout la même. Donc quelque part, avec le temps, j’ai
un peu compris l’idée des gens d’ici. (M., 38 ans, cuisinier, 10e saison à
Belle-Plage)

Belle-Plage)
20 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
un peu compris l’idée des gens d’ici. (M., 38 ans, cuisinier, 10e saison à
ici et ça sera pas du tout la même. Donc quelque part, avec le temps, j’ai
voilà, c’est génial. Regarde dans dix ans, il y aura peut-être plein de béton
privilégié et particulier et il a quand même besoin de protection. Ben
c’est quand même un endroit hyper protégé […]. C’est un petit endroit d’autres habitués, avec certains commerçants, avec des vacanciers reve-
Mais je comprends mieux, ça se comprend un petit peu […]. Ben voilà, nant chaque année ou avec de simples habitants du bourg.
pas tomber dans la même connerie, dans les mêmes excès qu’à l’époque. Avec l’ancienneté, la temporalité des pratiques de sociabilité des habi-
je viens ici, je me suis un peu approprié ce lieu, tout en essayant de ne tués en dehors de leur logement se modifie. Avec l’expérience, ils tendent
maintenant je le comprends un peu mieux, ça fait plus de dix ans que à sélectionner leurs sorties nocturnes et à moins fréquenter la rue et ses
les problèmes de ceux  qui s’appropriaient cet endroit […], alors que commerces dans leurs moments les plus « festifs », spécialement durant
Au début j’étais dépassé par les problèmes de localisme de merde, par la pleine saison (juillet-août). Mais par leurs loisirs et leur sociabilité, ils
participent à l’animation d’autres « facettes » de la vie locale. Les matins
putées, a vu évoluer son regard à propos du lieu : d’été, on les verra par exemple regroupés à la terrasse d’un café ou sur le
Plage, depuis Paris où il était barman dans les boîtes de nuit les plus ré- sommet des dunes, savourant les premiers rayons du soleil et discutant de
du lieu.Voici comment un enquêté arrivé en vacances en 1995 à Belle- leurs aventures (sportives, sentimentales ou festives) de la veille ou à venir.
perception locale d’une potentielle transformation de la morphologie Par leur présence et leur visibilité dans certains commerces et certains
et son côté « préservé ». Avec le temps, ils ont finalement intériorisé la espaces (la dune, la plage, la rue…), ils contribuent à donner le ton de la
turel particulièrement agréable. Un espace « élu » pour son « ambiance » vie matinale de Belle-Plage.
espace à l’abri d’un tourisme trop envahissant, et qui offre un cadre na- Leur réseau de liens forts semble au fil du temps se réduire au cercle
différence qu’il s’agit de protéger. Ils décrivent Belle-Plage comme un d’amis qu’ils ont pu se faire durant les saisons à Belle-Plage. Si certains en-
la « différence » entre Belle-Plage et d’autres lieux de saison côtiers, une tretiennent quelques relations pendant les intersaisons avec les membres
sement « indigènes » pour décrire le lieu et ses spécificités. Ils revendiquent de leur famille et leurs amis de longue date (amis d’enfance, camarades de
Plus que les ambulants, les habitués mobilisent des catégories de clas- classe, copains de quartier), il s’avère qu’avec le temps et les saisons passées
relations semble être ancré. dans un même lieu, la fréquence et l’intensité de ces relations diminuent.
pendant l’hiver, c’est à Belle-Plage que le « noyau dur » de leur réseau de Si certains ont noué des liens forts dans d’autres lieux de saison investis
Si certains ont noué des liens forts dans d’autres lieux de saison investis pendant l’hiver, c’est à Belle-Plage que le « noyau dur » de leur réseau de
dans un même lieu, la fréquence et l’intensité de ces relations diminuent. relations semble être ancré.
classe, copains de quartier), il s’avère qu’avec le temps et les saisons passées Plus que les ambulants, les habitués mobilisent des catégories de clas-
de leur famille et leurs amis de longue date (amis d’enfance, camarades de sement « indigènes » pour décrire le lieu et ses spécificités. Ils revendiquent
tretiennent quelques relations pendant les intersaisons avec les membres la « différence » entre Belle-Plage et d’autres lieux de saison côtiers, une
d’amis qu’ils ont pu se faire durant les saisons à Belle-Plage. Si certains en- différence qu’il s’agit de protéger. Ils décrivent Belle-Plage comme un
Leur réseau de liens forts semble au fil du temps se réduire au cercle espace à l’abri d’un tourisme trop envahissant, et qui offre un cadre na-
vie matinale de Belle-Plage. turel particulièrement agréable. Un espace « élu » pour son « ambiance »
espaces (la dune, la plage, la rue…), ils contribuent à donner le ton de la et son côté « préservé ». Avec le temps, ils ont finalement intériorisé la
Par leur présence et leur visibilité dans certains commerces et certains perception locale d’une potentielle transformation de la morphologie
leurs aventures (sportives, sentimentales ou festives) de la veille ou à venir. du lieu.Voici comment un enquêté arrivé en vacances en 1995 à Belle-
sommet des dunes, savourant les premiers rayons du soleil et discutant de Plage, depuis Paris où il était barman dans les boîtes de nuit les plus ré-
d’été, on les verra par exemple regroupés à la terrasse d’un café ou sur le putées, a vu évoluer son regard à propos du lieu :
participent à l’animation d’autres « facettes » de la vie locale. Les matins
la pleine saison (juillet-août). Mais par leurs loisirs et leur sociabilité, ils Au début j’étais dépassé par les problèmes de localisme de merde, par
commerces dans leurs moments les plus « festifs », spécialement durant les problèmes de ceux  qui s’appropriaient cet endroit […], alors que
à sélectionner leurs sorties nocturnes et à moins fréquenter la rue et ses maintenant je le comprends un peu mieux, ça fait plus de dix ans que
tués en dehors de leur logement se modifie. Avec l’expérience, ils tendent je viens ici, je me suis un peu approprié ce lieu, tout en essayant de ne
Avec l’ancienneté, la temporalité des pratiques de sociabilité des habi- pas tomber dans la même connerie, dans les mêmes excès qu’à l’époque.
nant chaque année ou avec de simples habitants du bourg. Mais je comprends mieux, ça se comprend un petit peu […]. Ben voilà,
d’autres habitués, avec certains commerçants, avec des vacanciers reve- c’est quand même un endroit hyper protégé […]. C’est un petit endroit
privilégié et particulier et il a quand même besoin de protection. Ben
voilà, c’est génial. Regarde dans dix ans, il y aura peut-être plein de béton
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 20 ici et ça sera pas du tout la même. Donc quelque part, avec le temps, j’ai
un peu compris l’idée des gens d’ici. (M., 38 ans, cuisinier, 10e saison à
Belle-Plage)
Aurélien Gentil 21
peu con, un peu casanier mais c’est ça, un peu un ras-le-bol de bouger
faut que tu redéplaces tout, et ça, et ça j’en peux plus. C’est peut-être un
redéplaces tes affaires, tu les reposes à un endroit, cinq-six mois après il
des parents, c’est chiant tout le temps, après tu repars à la montagne, tu
Enfin, les habitués portent un regard ambivalent sur leur situation mois où, ben, tu sais pas trop où aller, soit tu vas chez des amis, ou chez
de saisonnier. D’un côté, ils revendiquent une situation d’emploi et un moi par exemple, ben là on passe quatre-cinq mois ici, après j’ai deux
mode de vie extraordinaires. Ils s’estiment à l’écart des préoccupations Ce que j’aime pas dans les saisons, c’est le côté instable que tu peux avoir,
et des temporalités routinières des gens « normaux ». Ils souhaitent avant
tout « profiter » pleinement des lieux dans lesquels ils sont amenés à s’ins- deux indiquent à leur manière les limites de la mobilité saisonnière :
crire.Voici comment un ancien électricien dans l’armée, ayant découvert cal rencontré en saison d’hiver, et Y., que nous avons déjà entendu. Tous
Belle-Plage en 2002, décrit la situation des saisonniers : Écoutons à ce propos un enquêté arrivé à Belle-Plage par le biais d’un lo-
cumul d’une activité saisonnière l’été et d’autres types d’emplois l’hiver.
C’est un peu bizarre, c’est comme si on voulait même pas être inscrit traduire à terme par l’ouverture d’un commerce saisonnier, ou par le
quelque part, on fait ça mais on veut même pas faire partie de quelque « installation » n’exclut de prendre part aux saisons hivernales, elle peut se
chose, nous on est juste là pour prendre plaisir et basta. En fait je pense qu’ils transportent d’une saison à l’autre (vêtements, meubles…). Si cette
que les saisonniers c’est beaucoup de plaisir pour beaucoup de boulot et liser à l’année dans un logement où ils pourront s’établir avec les affaires
pour peu de chose […]. C’est surtout pour l’aspect où tu travailles pour vité saisonnière est tenable à long terme à condition de pouvoir se stabi-
être heureux de vivre, pas pour travailler pour faire quelque chose, pour situation devient plus nuancé avec l’expérience. Ils conçoivent que l’acti-
acheter une maison, prendre un crédit, pour faire ci pour faire ça. Ici c’est pendant leurs premières années d’activité, le regard qu’ils portent sur leur
juste pour être tranquille, être heureux […]. Moi je pense, je sais pas ce D’un autre côté, s’ils manifestent un rapport « enchanté » à la saison
que t’en penses, appartenir à quelque chose sans vraiment faire partie de
tout ce tas de moutons que tout le monde suit, [qui] font ce qu’on leur
dit, voient pas vraiment plus loin que leur bout du nez. On a besoin de place ! (Y., 26 ans, cuisinier, 5e saison à Belle-Plage)
partir un peu à droite, à gauche, on a besoin de se sentir bien où on est, Cham [Chamonix], là ça serait le paradis ! T’imagines, t’as tout ça sur
on a besoin de travailler à côté de quelque chose qui nous plaît, autre rie à rester là pour un an, deux ans […]. J’aimerais avoir Belle-Plage sous
chose que le travail quoi. Parce que le travail en saison c’est pas ce qui nous plaît le plus […], c’est pas vraiment le boulot qui t’apporte l’eupho-
nous plaît le plus […], c’est pas vraiment le boulot qui t’apporte l’eupho- chose que le travail quoi. Parce que le travail en saison c’est pas ce qui
rie à rester là pour un an, deux ans […]. J’aimerais avoir Belle-Plage sous on a besoin de travailler à côté de quelque chose qui nous plaît, autre
Cham [Chamonix], là ça serait le paradis ! T’imagines, t’as tout ça sur partir un peu à droite, à gauche, on a besoin de se sentir bien où on est,
place ! (Y., 26 ans, cuisinier, 5e saison à Belle-Plage) dit, voient pas vraiment plus loin que leur bout du nez. On a besoin de
tout ce tas de moutons que tout le monde suit, [qui] font ce qu’on leur
que t’en penses, appartenir à quelque chose sans vraiment faire partie de
D’un autre côté, s’ils manifestent un rapport « enchanté » à la saison juste pour être tranquille, être heureux […]. Moi je pense, je sais pas ce
pendant leurs premières années d’activité, le regard qu’ils portent sur leur acheter une maison, prendre un crédit, pour faire ci pour faire ça. Ici c’est
situation devient plus nuancé avec l’expérience. Ils conçoivent que l’acti- être heureux de vivre, pas pour travailler pour faire quelque chose, pour
vité saisonnière est tenable à long terme à condition de pouvoir se stabi- pour peu de chose […]. C’est surtout pour l’aspect où tu travailles pour
liser à l’année dans un logement où ils pourront s’établir avec les affaires que les saisonniers c’est beaucoup de plaisir pour beaucoup de boulot et
qu’ils transportent d’une saison à l’autre (vêtements, meubles…). Si cette chose, nous on est juste là pour prendre plaisir et basta. En fait je pense
« installation » n’exclut de prendre part aux saisons hivernales, elle peut se quelque part, on fait ça mais on veut même pas faire partie de quelque
traduire à terme par l’ouverture d’un commerce saisonnier, ou par le C’est un peu bizarre, c’est comme si on voulait même pas être inscrit
cumul d’une activité saisonnière l’été et d’autres types d’emplois l’hiver.
Écoutons à ce propos un enquêté arrivé à Belle-Plage par le biais d’un lo- Belle-Plage en 2002, décrit la situation des saisonniers :
cal rencontré en saison d’hiver, et Y., que nous avons déjà entendu. Tous crire.Voici comment un ancien électricien dans l’armée, ayant découvert
deux indiquent à leur manière les limites de la mobilité saisonnière : tout « profiter » pleinement des lieux dans lesquels ils sont amenés à s’ins-
et des temporalités routinières des gens « normaux ». Ils souhaitent avant
Ce que j’aime pas dans les saisons, c’est le côté instable que tu peux avoir, mode de vie extraordinaires. Ils s’estiment à l’écart des préoccupations
moi par exemple, ben là on passe quatre-cinq mois ici, après j’ai deux de saisonnier. D’un côté, ils revendiquent une situation d’emploi et un
mois où, ben, tu sais pas trop où aller, soit tu vas chez des amis, ou chez Enfin, les habitués portent un regard ambivalent sur leur situation
des parents, c’est chiant tout le temps, après tu repars à la montagne, tu
redéplaces tes affaires, tu les reposes à un endroit, cinq-six mois après il
faut que tu redéplaces tout, et ça, et ça j’en peux plus. C’est peut-être un 21 Aurélien Gentil
peu con, un peu casanier mais c’est ça, un peu un ras-le-bol de bouger

Aurélien Gentil 21
peu con, un peu casanier mais c’est ça, un peu un ras-le-bol de bouger
faut que tu redéplaces tout, et ça, et ça j’en peux plus. C’est peut-être un
redéplaces tes affaires, tu les reposes à un endroit, cinq-six mois après il
des parents, c’est chiant tout le temps, après tu repars à la montagne, tu
Enfin, les habitués portent un regard ambivalent sur leur situation mois où, ben, tu sais pas trop où aller, soit tu vas chez des amis, ou chez
de saisonnier. D’un côté, ils revendiquent une situation d’emploi et un moi par exemple, ben là on passe quatre-cinq mois ici, après j’ai deux
mode de vie extraordinaires. Ils s’estiment à l’écart des préoccupations Ce que j’aime pas dans les saisons, c’est le côté instable que tu peux avoir,
et des temporalités routinières des gens « normaux ». Ils souhaitent avant
tout « profiter » pleinement des lieux dans lesquels ils sont amenés à s’ins- deux indiquent à leur manière les limites de la mobilité saisonnière :
crire.Voici comment un ancien électricien dans l’armée, ayant découvert cal rencontré en saison d’hiver, et Y., que nous avons déjà entendu. Tous
Belle-Plage en 2002, décrit la situation des saisonniers : Écoutons à ce propos un enquêté arrivé à Belle-Plage par le biais d’un lo-
cumul d’une activité saisonnière l’été et d’autres types d’emplois l’hiver.
C’est un peu bizarre, c’est comme si on voulait même pas être inscrit traduire à terme par l’ouverture d’un commerce saisonnier, ou par le
quelque part, on fait ça mais on veut même pas faire partie de quelque « installation » n’exclut de prendre part aux saisons hivernales, elle peut se
chose, nous on est juste là pour prendre plaisir et basta. En fait je pense qu’ils transportent d’une saison à l’autre (vêtements, meubles…). Si cette
que les saisonniers c’est beaucoup de plaisir pour beaucoup de boulot et liser à l’année dans un logement où ils pourront s’établir avec les affaires
pour peu de chose […]. C’est surtout pour l’aspect où tu travailles pour vité saisonnière est tenable à long terme à condition de pouvoir se stabi-
être heureux de vivre, pas pour travailler pour faire quelque chose, pour situation devient plus nuancé avec l’expérience. Ils conçoivent que l’acti-
acheter une maison, prendre un crédit, pour faire ci pour faire ça. Ici c’est pendant leurs premières années d’activité, le regard qu’ils portent sur leur
juste pour être tranquille, être heureux […]. Moi je pense, je sais pas ce D’un autre côté, s’ils manifestent un rapport « enchanté » à la saison
que t’en penses, appartenir à quelque chose sans vraiment faire partie de
tout ce tas de moutons que tout le monde suit, [qui] font ce qu’on leur
dit, voient pas vraiment plus loin que leur bout du nez. On a besoin de place ! (Y., 26 ans, cuisinier, 5e saison à Belle-Plage)
partir un peu à droite, à gauche, on a besoin de se sentir bien où on est, Cham [Chamonix], là ça serait le paradis ! T’imagines, t’as tout ça sur
on a besoin de travailler à côté de quelque chose qui nous plaît, autre rie à rester là pour un an, deux ans […]. J’aimerais avoir Belle-Plage sous
chose que le travail quoi. Parce que le travail en saison c’est pas ce qui nous plaît le plus […], c’est pas vraiment le boulot qui t’apporte l’eupho-
nous plaît le plus […], c’est pas vraiment le boulot qui t’apporte l’eupho- chose que le travail quoi. Parce que le travail en saison c’est pas ce qui
rie à rester là pour un an, deux ans […]. J’aimerais avoir Belle-Plage sous on a besoin de travailler à côté de quelque chose qui nous plaît, autre
Cham [Chamonix], là ça serait le paradis ! T’imagines, t’as tout ça sur partir un peu à droite, à gauche, on a besoin de se sentir bien où on est,
place ! (Y., 26 ans, cuisinier, 5e saison à Belle-Plage) dit, voient pas vraiment plus loin que leur bout du nez. On a besoin de
tout ce tas de moutons que tout le monde suit, [qui] font ce qu’on leur
que t’en penses, appartenir à quelque chose sans vraiment faire partie de
D’un autre côté, s’ils manifestent un rapport « enchanté » à la saison juste pour être tranquille, être heureux […]. Moi je pense, je sais pas ce
pendant leurs premières années d’activité, le regard qu’ils portent sur leur acheter une maison, prendre un crédit, pour faire ci pour faire ça. Ici c’est
situation devient plus nuancé avec l’expérience. Ils conçoivent que l’acti- être heureux de vivre, pas pour travailler pour faire quelque chose, pour
vité saisonnière est tenable à long terme à condition de pouvoir se stabi- pour peu de chose […]. C’est surtout pour l’aspect où tu travailles pour
liser à l’année dans un logement où ils pourront s’établir avec les affaires que les saisonniers c’est beaucoup de plaisir pour beaucoup de boulot et
qu’ils transportent d’une saison à l’autre (vêtements, meubles…). Si cette chose, nous on est juste là pour prendre plaisir et basta. En fait je pense
« installation » n’exclut de prendre part aux saisons hivernales, elle peut se quelque part, on fait ça mais on veut même pas faire partie de quelque
traduire à terme par l’ouverture d’un commerce saisonnier, ou par le C’est un peu bizarre, c’est comme si on voulait même pas être inscrit
cumul d’une activité saisonnière l’été et d’autres types d’emplois l’hiver.
Écoutons à ce propos un enquêté arrivé à Belle-Plage par le biais d’un lo- Belle-Plage en 2002, décrit la situation des saisonniers :
cal rencontré en saison d’hiver, et Y., que nous avons déjà entendu. Tous crire.Voici comment un ancien électricien dans l’armée, ayant découvert
deux indiquent à leur manière les limites de la mobilité saisonnière : tout « profiter » pleinement des lieux dans lesquels ils sont amenés à s’ins-
et des temporalités routinières des gens « normaux ». Ils souhaitent avant
Ce que j’aime pas dans les saisons, c’est le côté instable que tu peux avoir, mode de vie extraordinaires. Ils s’estiment à l’écart des préoccupations
moi par exemple, ben là on passe quatre-cinq mois ici, après j’ai deux de saisonnier. D’un côté, ils revendiquent une situation d’emploi et un
mois où, ben, tu sais pas trop où aller, soit tu vas chez des amis, ou chez Enfin, les habitués portent un regard ambivalent sur leur situation
des parents, c’est chiant tout le temps, après tu repars à la montagne, tu
redéplaces tes affaires, tu les reposes à un endroit, cinq-six mois après il
faut que tu redéplaces tout, et ça, et ça j’en peux plus. C’est peut-être un 21 Aurélien Gentil
peu con, un peu casanier mais c’est ça, un peu un ras-le-bol de bouger
Certains sont des enfants de commerçant(s) et reproduisent la position de
leur réseau familial ou amical pour trouver un emploi à Belle-Plage. 22 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
sont étroitement liées à leur ancrage local. Ils ont tous pu s’appuyer sur
que leur situation d’emploi et leur projection dans le travail saisonnier
rente à la condition de saisonnier mobile. On peut noter en premier lieu tout le temps. Parce que j’ai 32 ans aussi tu vois, j’ai plus 20 ans. À 22-
nomiques, pratiques et symboliques) qui compensent la précarité inhé- 25 ans, t’es content de faire ça, après, arrivé à un âge t’as plus envie de la
Les locaux disposent plus que les autres de ressources localisées (éco- même chose tu vois. (S., 32 ans, vendeur / homme de ménage, 4e saison
à Belle-Plage)
Plage)
d’endroit. Moi je bosse chez moi. (B., 22 ans, cuisinier, 5e saison à Belle- Même là je commence à fatiguer, c’est pour ça qu’on cherche un appar-
dans un endroit, l’hiver dans un autre, qui fait l’intersaison, qui change tement à l’année, que je puisse me poser un peu tu vois […]. Ouais à
nier. Je suis pas celui qui fait les saisons, qui bouge, qui va bosser l’été l’année là, ouais parce que là c’est bon là, je suis un peu épuisé là de
moi… et après, l’hiver, vu que je fais plus de saison, je ne suis pas saison- tout ça. Ben tu sais à force de faire, de vivre comme ça pendant 9 ans, je
sonnier ! Mais je suis chez moi aussi donc… pour moi c’est bosser chez commence à, je sens que j’ai besoin de me poser, pas me poser dans une
Moi je suis demi-saisonnier, je fais que la saison d’été… si je suis sai- situation professionnelle, mais me poser, souffler un peu, limite trouver
un travail là, rester une année ici […], me poser un petit peu, au moins un
saison estivale. Il explique ainsi sa situation : ou deux ans que je puisse souffler, que j’aie un petit coin à moi, parce que
travaille désormais comme saisonnier du tourisme seulement pendant la justement je commence à être fatigué un peu quand même. (Y., 26 ans,
a fait l’expérience des saisons d’hiver après sa formation de cuisinier. Il cuisinier, 5e saison à Belle-Plage)
cale pour légitimer leur situation. Un enquêté ayant grandi à Belle-Plage
turel » d’y travailler durant l’été. Ils mettent ainsi en avant leur origine lo- Les locaux
changer. Socialisés dans ce lieu d’activité saisonnière, il leur semble « na-
sibilité de « profiter un maximum » d’un lieu dont ils ne veulent pas Minoritaires parmi les saisonniers mobiles de Belle-Plage, ils font par-
Au-delà d’une rémunération, leur emploi saisonnier leur offre la pos- tie des « figures locales ». Issus d’une famille originaire du département ou
de référence, un espace « fondateur » (Gotman, 1999). de la région, âgés pour la plupart de moins de 25 ans, ils habitent le vil-
historique nourrissant la vie du lieu. Belle-Plage est pour eux un espace lage depuis leur enfance et s’inscrivent en profondeur dans l’« épaisseur »
lage depuis leur enfance et s’inscrivent en profondeur dans l’« épaisseur » historique nourrissant la vie du lieu. Belle-Plage est pour eux un espace
de la région, âgés pour la plupart de moins de 25 ans, ils habitent le vil- de référence, un espace « fondateur » (Gotman, 1999).
tie des « figures locales ». Issus d’une famille originaire du département ou Au-delà d’une rémunération, leur emploi saisonnier leur offre la pos-
Minoritaires parmi les saisonniers mobiles de Belle-Plage, ils font par- sibilité de « profiter un maximum » d’un lieu dont ils ne veulent pas
changer. Socialisés dans ce lieu d’activité saisonnière, il leur semble « na-
Les locaux turel » d’y travailler durant l’été. Ils mettent ainsi en avant leur origine lo-
cale pour légitimer leur situation. Un enquêté ayant grandi à Belle-Plage
cuisinier, 5e saison à Belle-Plage) a fait l’expérience des saisons d’hiver après sa formation de cuisinier. Il
justement je commence à être fatigué un peu quand même. (Y., 26 ans, travaille désormais comme saisonnier du tourisme seulement pendant la
ou deux ans que je puisse souffler, que j’aie un petit coin à moi, parce que saison estivale. Il explique ainsi sa situation :
un travail là, rester une année ici […], me poser un petit peu, au moins un
situation professionnelle, mais me poser, souffler un peu, limite trouver Moi je suis demi-saisonnier, je fais que la saison d’été… si je suis sai-
commence à, je sens que j’ai besoin de me poser, pas me poser dans une sonnier ! Mais je suis chez moi aussi donc… pour moi c’est bosser chez
tout ça. Ben tu sais à force de faire, de vivre comme ça pendant 9 ans, je moi… et après, l’hiver, vu que je fais plus de saison, je ne suis pas saison-
l’année là, ouais parce que là c’est bon là, je suis un peu épuisé là de nier. Je suis pas celui qui fait les saisons, qui bouge, qui va bosser l’été
tement à l’année, que je puisse me poser un peu tu vois […]. Ouais à dans un endroit, l’hiver dans un autre, qui fait l’intersaison, qui change
Même là je commence à fatiguer, c’est pour ça qu’on cherche un appar- d’endroit. Moi je bosse chez moi. (B., 22 ans, cuisinier, 5e saison à Belle-
Plage)
à Belle-Plage)
même chose tu vois. (S., 32 ans, vendeur / homme de ménage, 4e saison Les locaux disposent plus que les autres de ressources localisées (éco-
25 ans, t’es content de faire ça, après, arrivé à un âge t’as plus envie de la nomiques, pratiques et symboliques) qui compensent la précarité inhé-
tout le temps. Parce que j’ai 32 ans aussi tu vois, j’ai plus 20 ans. À 22- rente à la condition de saisonnier mobile. On peut noter en premier lieu
que leur situation d’emploi et leur projection dans le travail saisonnier
sont étroitement liées à leur ancrage local. Ils ont tous pu s’appuyer sur
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 22 leur réseau familial ou amical pour trouver un emploi à Belle-Plage.
Certains sont des enfants de commerçant(s) et reproduisent la position de

Certains sont des enfants de commerçant(s) et reproduisent la position de


leur réseau familial ou amical pour trouver un emploi à Belle-Plage. 22 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
sont étroitement liées à leur ancrage local. Ils ont tous pu s’appuyer sur
que leur situation d’emploi et leur projection dans le travail saisonnier
rente à la condition de saisonnier mobile. On peut noter en premier lieu tout le temps. Parce que j’ai 32 ans aussi tu vois, j’ai plus 20 ans. À 22-
nomiques, pratiques et symboliques) qui compensent la précarité inhé- 25 ans, t’es content de faire ça, après, arrivé à un âge t’as plus envie de la
Les locaux disposent plus que les autres de ressources localisées (éco- même chose tu vois. (S., 32 ans, vendeur / homme de ménage, 4e saison
à Belle-Plage)
Plage)
d’endroit. Moi je bosse chez moi. (B., 22 ans, cuisinier, 5e saison à Belle- Même là je commence à fatiguer, c’est pour ça qu’on cherche un appar-
dans un endroit, l’hiver dans un autre, qui fait l’intersaison, qui change tement à l’année, que je puisse me poser un peu tu vois […]. Ouais à
nier. Je suis pas celui qui fait les saisons, qui bouge, qui va bosser l’été l’année là, ouais parce que là c’est bon là, je suis un peu épuisé là de
moi… et après, l’hiver, vu que je fais plus de saison, je ne suis pas saison- tout ça. Ben tu sais à force de faire, de vivre comme ça pendant 9 ans, je
sonnier ! Mais je suis chez moi aussi donc… pour moi c’est bosser chez commence à, je sens que j’ai besoin de me poser, pas me poser dans une
Moi je suis demi-saisonnier, je fais que la saison d’été… si je suis sai- situation professionnelle, mais me poser, souffler un peu, limite trouver
un travail là, rester une année ici […], me poser un petit peu, au moins un
saison estivale. Il explique ainsi sa situation : ou deux ans que je puisse souffler, que j’aie un petit coin à moi, parce que
travaille désormais comme saisonnier du tourisme seulement pendant la justement je commence à être fatigué un peu quand même. (Y., 26 ans,
a fait l’expérience des saisons d’hiver après sa formation de cuisinier. Il cuisinier, 5e saison à Belle-Plage)
cale pour légitimer leur situation. Un enquêté ayant grandi à Belle-Plage
turel » d’y travailler durant l’été. Ils mettent ainsi en avant leur origine lo- Les locaux
changer. Socialisés dans ce lieu d’activité saisonnière, il leur semble « na-
sibilité de « profiter un maximum » d’un lieu dont ils ne veulent pas Minoritaires parmi les saisonniers mobiles de Belle-Plage, ils font par-
Au-delà d’une rémunération, leur emploi saisonnier leur offre la pos- tie des « figures locales ». Issus d’une famille originaire du département ou
de référence, un espace « fondateur » (Gotman, 1999). de la région, âgés pour la plupart de moins de 25 ans, ils habitent le vil-
historique nourrissant la vie du lieu. Belle-Plage est pour eux un espace lage depuis leur enfance et s’inscrivent en profondeur dans l’« épaisseur »
lage depuis leur enfance et s’inscrivent en profondeur dans l’« épaisseur » historique nourrissant la vie du lieu. Belle-Plage est pour eux un espace
de la région, âgés pour la plupart de moins de 25 ans, ils habitent le vil- de référence, un espace « fondateur » (Gotman, 1999).
tie des « figures locales ». Issus d’une famille originaire du département ou Au-delà d’une rémunération, leur emploi saisonnier leur offre la pos-
Minoritaires parmi les saisonniers mobiles de Belle-Plage, ils font par- sibilité de « profiter un maximum » d’un lieu dont ils ne veulent pas
changer. Socialisés dans ce lieu d’activité saisonnière, il leur semble « na-
Les locaux turel » d’y travailler durant l’été. Ils mettent ainsi en avant leur origine lo-
cale pour légitimer leur situation. Un enquêté ayant grandi à Belle-Plage
cuisinier, 5e saison à Belle-Plage) a fait l’expérience des saisons d’hiver après sa formation de cuisinier. Il
justement je commence à être fatigué un peu quand même. (Y., 26 ans, travaille désormais comme saisonnier du tourisme seulement pendant la
ou deux ans que je puisse souffler, que j’aie un petit coin à moi, parce que saison estivale. Il explique ainsi sa situation :
un travail là, rester une année ici […], me poser un petit peu, au moins un
situation professionnelle, mais me poser, souffler un peu, limite trouver Moi je suis demi-saisonnier, je fais que la saison d’été… si je suis sai-
commence à, je sens que j’ai besoin de me poser, pas me poser dans une sonnier ! Mais je suis chez moi aussi donc… pour moi c’est bosser chez
tout ça. Ben tu sais à force de faire, de vivre comme ça pendant 9 ans, je moi… et après, l’hiver, vu que je fais plus de saison, je ne suis pas saison-
l’année là, ouais parce que là c’est bon là, je suis un peu épuisé là de nier. Je suis pas celui qui fait les saisons, qui bouge, qui va bosser l’été
tement à l’année, que je puisse me poser un peu tu vois […]. Ouais à dans un endroit, l’hiver dans un autre, qui fait l’intersaison, qui change
Même là je commence à fatiguer, c’est pour ça qu’on cherche un appar- d’endroit. Moi je bosse chez moi. (B., 22 ans, cuisinier, 5e saison à Belle-
Plage)
à Belle-Plage)
même chose tu vois. (S., 32 ans, vendeur / homme de ménage, 4e saison Les locaux disposent plus que les autres de ressources localisées (éco-
25 ans, t’es content de faire ça, après, arrivé à un âge t’as plus envie de la nomiques, pratiques et symboliques) qui compensent la précarité inhé-
tout le temps. Parce que j’ai 32 ans aussi tu vois, j’ai plus 20 ans. À 22- rente à la condition de saisonnier mobile. On peut noter en premier lieu
que leur situation d’emploi et leur projection dans le travail saisonnier
sont étroitement liées à leur ancrage local. Ils ont tous pu s’appuyer sur
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 22 leur réseau familial ou amical pour trouver un emploi à Belle-Plage.
Certains sont des enfants de commerçant(s) et reproduisent la position de
de sociabilité dépend largement du degré de présence et de tolérance
Aurélien Gentil 23 Bien sûr, le rôle du logement familial dans le déploiement de ces formes
unissent. La position symbolique des hôtes locaux s’en trouve valorisée.
nombreux saisonniers de se rencontrer et de renforcer les liens qui les
leurs parents en s’investissant dans le commerce familial. L’un d’entre eux nent fréquemment dans cet espace accueillant offrent la possibilité à de
pense ainsi la situation saisonnière à travers l’exemple de ses parents qui les jeux (parties de cartes, jeux vidéo) ou les discussions qui se tien-
tiennent plusieurs magasins de vêtements pendant la saison estivale  à mentent la vie du lieu et de la population saisonnière. Les fêtes, les repas,
Belle-Plage : Ce logement peut aussi être un relais important des sociabilités qui ali-
d’autres saisonniers.
Ben [la saison] c’est cool, mais il faut réussir à devenir patron, parce que difficulté d’en trouver un par leur accueil, temporaire ou « permanent »,
rester employé, c’est pas ça.Tu peux pas faire ça toute ta vie. Après, avoir un locaux peuvent ainsi pallier le manque de logements disponibles et la
business à toi et faire les saisons, ça, ça peut être sympa, parce que bon, ça qui n’ont pas encore trouvé d’emploi ou de logement. Solidaires, certains
te laisse pas mal de vacances dans l’année, ça te laisse pas mal de temps de de « relais » pour des amis venus mener une saison à Belle-Plage, mais
repos. Après, il faut trouver le bon business au bon endroit et puis réussir Plage en mal de logement. Le logement familial peut jouer parfois le rôle
à bien le faire tourner. Mais bon voilà, vu que c’est un truc que mes plus régulièrement des amis vacanciers ou d’autres saisonniers de Belle-
parents font depuis que je suis petit, moi j’ai toujours eu l’habitude de
les voir faire ça, donc ça me branche bien. (P., 24 ans, vendeur, 9e saison
par sa taille et sa configuration, de recevoir et de loger plus facilement et
à Belle-Plage) offre des conditions d’habitat moins contraignantes. Il permet à certains,
confortable que ceux où s’installent temporairement les autres saisonniers
D’autres saisonniers locaux sont salariés par des amis ou des membres putés d’un loyer. Ensuite, ce logement généralement plus spacieux et
de leur famille élargie. Ils restent « fidèles » à leur emploi qu’ils reprennent revenus qu’ils peuvent espérer pendant la saison estivale ne sont pas am-
chaque année. Qualifiés ou non, ils estiment que cet emploi leur offre l’op- offre plusieurs avantages. C’est d’abord pour eux un atout financier. Les
portunité de mobiliser, d’assimiler et de parfaire certains savoir-faire pro- Certains habitent le logement familial. Cette situation de logement
fessionnels, mais surtout qu’il leur permet de travailler avec leurs proches estivale.
dans un cadre qu’ils apprécient. Satisfaits, dans l’ensemble, de leur situa- côtoient fréquemment en dehors du cadre de leur travail et de la période
tion d’emploi et de leurs conditions de travail, ils entretiennent des liens forts avec leurs employeurs et leurs collègues habitués des lieux, qu’ils
forts avec leurs employeurs et leurs collègues habitués des lieux, qu’ils tion d’emploi et de leurs conditions de travail, ils entretiennent des liens
côtoient fréquemment en dehors du cadre de leur travail et de la période dans un cadre qu’ils apprécient. Satisfaits, dans l’ensemble, de leur situa-
estivale. fessionnels, mais surtout qu’il leur permet de travailler avec leurs proches
Certains habitent le logement familial. Cette situation de logement portunité de mobiliser, d’assimiler et de parfaire certains savoir-faire pro-
offre plusieurs avantages. C’est d’abord pour eux un atout financier. Les chaque année. Qualifiés ou non, ils estiment que cet emploi leur offre l’op-
revenus qu’ils peuvent espérer pendant la saison estivale ne sont pas am- de leur famille élargie. Ils restent « fidèles » à leur emploi qu’ils reprennent
putés d’un loyer. Ensuite, ce logement généralement plus spacieux et D’autres saisonniers locaux sont salariés par des amis ou des membres
confortable que ceux où s’installent temporairement les autres saisonniers
offre des conditions d’habitat moins contraignantes. Il permet à certains, à Belle-Plage)
par sa taille et sa configuration, de recevoir et de loger plus facilement et
les voir faire ça, donc ça me branche bien. (P., 24 ans, vendeur, 9e saison
plus régulièrement des amis vacanciers ou d’autres saisonniers de Belle-
parents font depuis que je suis petit, moi j’ai toujours eu l’habitude de
à bien le faire tourner. Mais bon voilà, vu que c’est un truc que mes
Plage en mal de logement. Le logement familial peut jouer parfois le rôle repos. Après, il faut trouver le bon business au bon endroit et puis réussir
de « relais » pour des amis venus mener une saison à Belle-Plage, mais te laisse pas mal de vacances dans l’année, ça te laisse pas mal de temps de
qui n’ont pas encore trouvé d’emploi ou de logement. Solidaires, certains business à toi et faire les saisons, ça, ça peut être sympa, parce que bon, ça
locaux peuvent ainsi pallier le manque de logements disponibles et la rester employé, c’est pas ça.Tu peux pas faire ça toute ta vie. Après, avoir un
difficulté d’en trouver un par leur accueil, temporaire ou « permanent », Ben [la saison] c’est cool, mais il faut réussir à devenir patron, parce que
d’autres saisonniers.
Ce logement peut aussi être un relais important des sociabilités qui ali- Belle-Plage :
mentent la vie du lieu et de la population saisonnière. Les fêtes, les repas, tiennent plusieurs magasins de vêtements pendant la saison estivale  à
les jeux (parties de cartes, jeux vidéo) ou les discussions qui se tien- pense ainsi la situation saisonnière à travers l’exemple de ses parents qui
nent fréquemment dans cet espace accueillant offrent la possibilité à de leurs parents en s’investissant dans le commerce familial. L’un d’entre eux
nombreux saisonniers de se rencontrer et de renforcer les liens qui les
unissent. La position symbolique des hôtes locaux s’en trouve valorisée.
Bien sûr, le rôle du logement familial dans le déploiement de ces formes 23 Aurélien Gentil
de sociabilité dépend largement du degré de présence et de tolérance

de sociabilité dépend largement du degré de présence et de tolérance


Aurélien Gentil 23 Bien sûr, le rôle du logement familial dans le déploiement de ces formes
unissent. La position symbolique des hôtes locaux s’en trouve valorisée.
nombreux saisonniers de se rencontrer et de renforcer les liens qui les
leurs parents en s’investissant dans le commerce familial. L’un d’entre eux nent fréquemment dans cet espace accueillant offrent la possibilité à de
pense ainsi la situation saisonnière à travers l’exemple de ses parents qui les jeux (parties de cartes, jeux vidéo) ou les discussions qui se tien-
tiennent plusieurs magasins de vêtements pendant la saison estivale  à mentent la vie du lieu et de la population saisonnière. Les fêtes, les repas,
Belle-Plage : Ce logement peut aussi être un relais important des sociabilités qui ali-
d’autres saisonniers.
Ben [la saison] c’est cool, mais il faut réussir à devenir patron, parce que difficulté d’en trouver un par leur accueil, temporaire ou « permanent »,
rester employé, c’est pas ça.Tu peux pas faire ça toute ta vie. Après, avoir un locaux peuvent ainsi pallier le manque de logements disponibles et la
business à toi et faire les saisons, ça, ça peut être sympa, parce que bon, ça qui n’ont pas encore trouvé d’emploi ou de logement. Solidaires, certains
te laisse pas mal de vacances dans l’année, ça te laisse pas mal de temps de de « relais » pour des amis venus mener une saison à Belle-Plage, mais
repos. Après, il faut trouver le bon business au bon endroit et puis réussir Plage en mal de logement. Le logement familial peut jouer parfois le rôle
à bien le faire tourner. Mais bon voilà, vu que c’est un truc que mes plus régulièrement des amis vacanciers ou d’autres saisonniers de Belle-
parents font depuis que je suis petit, moi j’ai toujours eu l’habitude de
les voir faire ça, donc ça me branche bien. (P., 24 ans, vendeur, 9e saison
par sa taille et sa configuration, de recevoir et de loger plus facilement et
à Belle-Plage) offre des conditions d’habitat moins contraignantes. Il permet à certains,
confortable que ceux où s’installent temporairement les autres saisonniers
D’autres saisonniers locaux sont salariés par des amis ou des membres putés d’un loyer. Ensuite, ce logement généralement plus spacieux et
de leur famille élargie. Ils restent « fidèles » à leur emploi qu’ils reprennent revenus qu’ils peuvent espérer pendant la saison estivale ne sont pas am-
chaque année. Qualifiés ou non, ils estiment que cet emploi leur offre l’op- offre plusieurs avantages. C’est d’abord pour eux un atout financier. Les
portunité de mobiliser, d’assimiler et de parfaire certains savoir-faire pro- Certains habitent le logement familial. Cette situation de logement
fessionnels, mais surtout qu’il leur permet de travailler avec leurs proches estivale.
dans un cadre qu’ils apprécient. Satisfaits, dans l’ensemble, de leur situa- côtoient fréquemment en dehors du cadre de leur travail et de la période
tion d’emploi et de leurs conditions de travail, ils entretiennent des liens forts avec leurs employeurs et leurs collègues habitués des lieux, qu’ils
forts avec leurs employeurs et leurs collègues habitués des lieux, qu’ils tion d’emploi et de leurs conditions de travail, ils entretiennent des liens
côtoient fréquemment en dehors du cadre de leur travail et de la période dans un cadre qu’ils apprécient. Satisfaits, dans l’ensemble, de leur situa-
estivale. fessionnels, mais surtout qu’il leur permet de travailler avec leurs proches
Certains habitent le logement familial. Cette situation de logement portunité de mobiliser, d’assimiler et de parfaire certains savoir-faire pro-
offre plusieurs avantages. C’est d’abord pour eux un atout financier. Les chaque année. Qualifiés ou non, ils estiment que cet emploi leur offre l’op-
revenus qu’ils peuvent espérer pendant la saison estivale ne sont pas am- de leur famille élargie. Ils restent « fidèles » à leur emploi qu’ils reprennent
putés d’un loyer. Ensuite, ce logement généralement plus spacieux et D’autres saisonniers locaux sont salariés par des amis ou des membres
confortable que ceux où s’installent temporairement les autres saisonniers
offre des conditions d’habitat moins contraignantes. Il permet à certains, à Belle-Plage)
par sa taille et sa configuration, de recevoir et de loger plus facilement et
les voir faire ça, donc ça me branche bien. (P., 24 ans, vendeur, 9e saison
plus régulièrement des amis vacanciers ou d’autres saisonniers de Belle-
parents font depuis que je suis petit, moi j’ai toujours eu l’habitude de
à bien le faire tourner. Mais bon voilà, vu que c’est un truc que mes
Plage en mal de logement. Le logement familial peut jouer parfois le rôle repos. Après, il faut trouver le bon business au bon endroit et puis réussir
de « relais » pour des amis venus mener une saison à Belle-Plage, mais te laisse pas mal de vacances dans l’année, ça te laisse pas mal de temps de
qui n’ont pas encore trouvé d’emploi ou de logement. Solidaires, certains business à toi et faire les saisons, ça, ça peut être sympa, parce que bon, ça
locaux peuvent ainsi pallier le manque de logements disponibles et la rester employé, c’est pas ça.Tu peux pas faire ça toute ta vie. Après, avoir un
difficulté d’en trouver un par leur accueil, temporaire ou « permanent », Ben [la saison] c’est cool, mais il faut réussir à devenir patron, parce que
d’autres saisonniers.
Ce logement peut aussi être un relais important des sociabilités qui ali- Belle-Plage :
mentent la vie du lieu et de la population saisonnière. Les fêtes, les repas, tiennent plusieurs magasins de vêtements pendant la saison estivale  à
les jeux (parties de cartes, jeux vidéo) ou les discussions qui se tien- pense ainsi la situation saisonnière à travers l’exemple de ses parents qui
nent fréquemment dans cet espace accueillant offrent la possibilité à de leurs parents en s’investissant dans le commerce familial. L’un d’entre eux
nombreux saisonniers de se rencontrer et de renforcer les liens qui les
unissent. La position symbolique des hôtes locaux s’en trouve valorisée.
Bien sûr, le rôle du logement familial dans le déploiement de ces formes 23 Aurélien Gentil
de sociabilité dépend largement du degré de présence et de tolérance
priver Belle-Plage d’une morphologie sociale qui en fait la singularité.
développement trop important de l’activité touristique qui risquerait de 24 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
la saison estivale) qu’il s’agit de préserver. Ainsi rejettent-ils l’idée d’un
« protégé », « unique », « magique » (notamment en dehors du « pic » de
Les locaux considèrent leur lieu d’origine comme un espace-temps des autres membres de la famille, notamment des parents généralement
canevas. propriétaires des lieux. Le logement familial est un espace privé dont
saisonniers habitués et locaux) dont les réseaux de sociabilité forment le l’accès reste sélectif.
vendiqué d’un « entre-soi » (commerçants et habitants les plus anciens, Il offre ainsi aux locaux plus d’intimité (une valeur rare en saison), la
pour s’orienter » (ibid., p. 85), Belle-Plage est pour eux le territoire re- possibilité de « couper » plus nettement avec la frénésie de la vie saison-
dimensions humaines, où l’individu a une place reconnue et des repères nière et de mieux se reposer. Cette « base arrière » permet finalement
et, plus généralement, du monde urbain. Conçu comme « un monde à aux locaux de trouver plus facilement que d’autres un équilibre (lui aussi
présentation des autres lieux touristiques saisonniers de la côte Atlantique fragile en saison) entre fatigue, stress et récupération.
Plage est devenu pour les locaux un « mythe référent », socle de leur re- D’autres locaux décident toutefois de quitter le logement familial
Dans une forme de « culture de la frontière » (Raphaël, 1996), Belle- pendant la saison estivale pour occuper un logement qu’ils partagent avec
par la formation et l’entretien d’un réseau de liens plus souple et ouvert. leurs proches. Souvent plus jeunes, il s’agit pour eux d’expérimenter une
tués dont le processus d’intégration dans la vie du village a été alimenté nouvelle forme de décohabitation. Dans ce cas, ils « préparent » leur sai-
plus exclusif que celui des autres saisonniers, notamment celui des habi- son et prévoient assez tôt leur « installation ». Ils peuvent ainsi aménager
saisonniers et les vacanciers les plus familiers du lieu. Ce réseau semble et personnaliser leur logement et se « bricoler » plus facilement un es-
et fréquents avec les commerçants les plus anciennement établis, avec les pace d’intimité. Ce « chez-soi » tient là encore une place importante dans
gnance de leur ancrage à Belle-Plage. Ils entretiennent des liens intenses leurs sociabilités. Il permet de recevoir amis et voisins, d’héberger leur(s)
De façon générale, le réseau de sociabilité des locaux traduit la pré- rencontre(s) amoureuse(s) estivale(s), d’organiser des fêtes et des repas.
bitués, la sociabilité de certains locaux est interne. La plupart des saisonniers mobiles locaux que nous avons rencon-
saisonniers, originaires du lieu ou habitués. Plus encore que celle des ha- trés à Belle-Plage en 2007 ont depuis quitté définitivement le logement
couple et / ou en colocation, les locaux se sont tous installés avec d’autres familial pour une habitation située dans le village ou ses environs qu’ils
louent à l’année même lorsqu’ils continuent à partir en saison d’hiver. En ont pu trouver par le biais de leurs connaissances, une habitation qu’ils
ont pu trouver par le biais de leurs connaissances, une habitation qu’ils louent à l’année même lorsqu’ils continuent à partir en saison d’hiver. En
familial pour une habitation située dans le village ou ses environs qu’ils couple et / ou en colocation, les locaux se sont tous installés avec d’autres
trés à Belle-Plage en 2007 ont depuis quitté définitivement le logement saisonniers, originaires du lieu ou habitués. Plus encore que celle des ha-
La plupart des saisonniers mobiles locaux que nous avons rencon- bitués, la sociabilité de certains locaux est interne.
rencontre(s) amoureuse(s) estivale(s), d’organiser des fêtes et des repas. De façon générale, le réseau de sociabilité des locaux traduit la pré-
leurs sociabilités. Il permet de recevoir amis et voisins, d’héberger leur(s) gnance de leur ancrage à Belle-Plage. Ils entretiennent des liens intenses
pace d’intimité. Ce « chez-soi » tient là encore une place importante dans et fréquents avec les commerçants les plus anciennement établis, avec les
et personnaliser leur logement et se « bricoler » plus facilement un es- saisonniers et les vacanciers les plus familiers du lieu. Ce réseau semble
son et prévoient assez tôt leur « installation ». Ils peuvent ainsi aménager plus exclusif que celui des autres saisonniers, notamment celui des habi-
nouvelle forme de décohabitation. Dans ce cas, ils « préparent » leur sai- tués dont le processus d’intégration dans la vie du village a été alimenté
leurs proches. Souvent plus jeunes, il s’agit pour eux d’expérimenter une par la formation et l’entretien d’un réseau de liens plus souple et ouvert.
pendant la saison estivale pour occuper un logement qu’ils partagent avec Dans une forme de « culture de la frontière » (Raphaël, 1996), Belle-
D’autres locaux décident toutefois de quitter le logement familial Plage est devenu pour les locaux un « mythe référent », socle de leur re-
fragile en saison) entre fatigue, stress et récupération. présentation des autres lieux touristiques saisonniers de la côte Atlantique
aux locaux de trouver plus facilement que d’autres un équilibre (lui aussi et, plus généralement, du monde urbain. Conçu comme « un monde à
nière et de mieux se reposer. Cette « base arrière » permet finalement dimensions humaines, où l’individu a une place reconnue et des repères
possibilité de « couper » plus nettement avec la frénésie de la vie saison- pour s’orienter » (ibid., p. 85), Belle-Plage est pour eux le territoire re-
Il offre ainsi aux locaux plus d’intimité (une valeur rare en saison), la vendiqué d’un « entre-soi » (commerçants et habitants les plus anciens,
l’accès reste sélectif. saisonniers habitués et locaux) dont les réseaux de sociabilité forment le
propriétaires des lieux. Le logement familial est un espace privé dont canevas.
des autres membres de la famille, notamment des parents généralement Les locaux considèrent leur lieu d’origine comme un espace-temps
« protégé », « unique », « magique » (notamment en dehors du « pic » de
la saison estivale) qu’il s’agit de préserver. Ainsi rejettent-ils l’idée d’un
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 24 développement trop important de l’activité touristique qui risquerait de
priver Belle-Plage d’une morphologie sociale qui en fait la singularité.

priver Belle-Plage d’une morphologie sociale qui en fait la singularité.


développement trop important de l’activité touristique qui risquerait de 24 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
la saison estivale) qu’il s’agit de préserver. Ainsi rejettent-ils l’idée d’un
« protégé », « unique », « magique » (notamment en dehors du « pic » de
Les locaux considèrent leur lieu d’origine comme un espace-temps des autres membres de la famille, notamment des parents généralement
canevas. propriétaires des lieux. Le logement familial est un espace privé dont
saisonniers habitués et locaux) dont les réseaux de sociabilité forment le l’accès reste sélectif.
vendiqué d’un « entre-soi » (commerçants et habitants les plus anciens, Il offre ainsi aux locaux plus d’intimité (une valeur rare en saison), la
pour s’orienter » (ibid., p. 85), Belle-Plage est pour eux le territoire re- possibilité de « couper » plus nettement avec la frénésie de la vie saison-
dimensions humaines, où l’individu a une place reconnue et des repères nière et de mieux se reposer. Cette « base arrière » permet finalement
et, plus généralement, du monde urbain. Conçu comme « un monde à aux locaux de trouver plus facilement que d’autres un équilibre (lui aussi
présentation des autres lieux touristiques saisonniers de la côte Atlantique fragile en saison) entre fatigue, stress et récupération.
Plage est devenu pour les locaux un « mythe référent », socle de leur re- D’autres locaux décident toutefois de quitter le logement familial
Dans une forme de « culture de la frontière » (Raphaël, 1996), Belle- pendant la saison estivale pour occuper un logement qu’ils partagent avec
par la formation et l’entretien d’un réseau de liens plus souple et ouvert. leurs proches. Souvent plus jeunes, il s’agit pour eux d’expérimenter une
tués dont le processus d’intégration dans la vie du village a été alimenté nouvelle forme de décohabitation. Dans ce cas, ils « préparent » leur sai-
plus exclusif que celui des autres saisonniers, notamment celui des habi- son et prévoient assez tôt leur « installation ». Ils peuvent ainsi aménager
saisonniers et les vacanciers les plus familiers du lieu. Ce réseau semble et personnaliser leur logement et se « bricoler » plus facilement un es-
et fréquents avec les commerçants les plus anciennement établis, avec les pace d’intimité. Ce « chez-soi » tient là encore une place importante dans
gnance de leur ancrage à Belle-Plage. Ils entretiennent des liens intenses leurs sociabilités. Il permet de recevoir amis et voisins, d’héberger leur(s)
De façon générale, le réseau de sociabilité des locaux traduit la pré- rencontre(s) amoureuse(s) estivale(s), d’organiser des fêtes et des repas.
bitués, la sociabilité de certains locaux est interne. La plupart des saisonniers mobiles locaux que nous avons rencon-
saisonniers, originaires du lieu ou habitués. Plus encore que celle des ha- trés à Belle-Plage en 2007 ont depuis quitté définitivement le logement
couple et / ou en colocation, les locaux se sont tous installés avec d’autres familial pour une habitation située dans le village ou ses environs qu’ils
louent à l’année même lorsqu’ils continuent à partir en saison d’hiver. En ont pu trouver par le biais de leurs connaissances, une habitation qu’ils
ont pu trouver par le biais de leurs connaissances, une habitation qu’ils louent à l’année même lorsqu’ils continuent à partir en saison d’hiver. En
familial pour une habitation située dans le village ou ses environs qu’ils couple et / ou en colocation, les locaux se sont tous installés avec d’autres
trés à Belle-Plage en 2007 ont depuis quitté définitivement le logement saisonniers, originaires du lieu ou habitués. Plus encore que celle des ha-
La plupart des saisonniers mobiles locaux que nous avons rencon- bitués, la sociabilité de certains locaux est interne.
rencontre(s) amoureuse(s) estivale(s), d’organiser des fêtes et des repas. De façon générale, le réseau de sociabilité des locaux traduit la pré-
leurs sociabilités. Il permet de recevoir amis et voisins, d’héberger leur(s) gnance de leur ancrage à Belle-Plage. Ils entretiennent des liens intenses
pace d’intimité. Ce « chez-soi » tient là encore une place importante dans et fréquents avec les commerçants les plus anciennement établis, avec les
et personnaliser leur logement et se « bricoler » plus facilement un es- saisonniers et les vacanciers les plus familiers du lieu. Ce réseau semble
son et prévoient assez tôt leur « installation ». Ils peuvent ainsi aménager plus exclusif que celui des autres saisonniers, notamment celui des habi-
nouvelle forme de décohabitation. Dans ce cas, ils « préparent » leur sai- tués dont le processus d’intégration dans la vie du village a été alimenté
leurs proches. Souvent plus jeunes, il s’agit pour eux d’expérimenter une par la formation et l’entretien d’un réseau de liens plus souple et ouvert.
pendant la saison estivale pour occuper un logement qu’ils partagent avec Dans une forme de « culture de la frontière » (Raphaël, 1996), Belle-
D’autres locaux décident toutefois de quitter le logement familial Plage est devenu pour les locaux un « mythe référent », socle de leur re-
fragile en saison) entre fatigue, stress et récupération. présentation des autres lieux touristiques saisonniers de la côte Atlantique
aux locaux de trouver plus facilement que d’autres un équilibre (lui aussi et, plus généralement, du monde urbain. Conçu comme « un monde à
nière et de mieux se reposer. Cette « base arrière » permet finalement dimensions humaines, où l’individu a une place reconnue et des repères
possibilité de « couper » plus nettement avec la frénésie de la vie saison- pour s’orienter » (ibid., p. 85), Belle-Plage est pour eux le territoire re-
Il offre ainsi aux locaux plus d’intimité (une valeur rare en saison), la vendiqué d’un « entre-soi » (commerçants et habitants les plus anciens,
l’accès reste sélectif. saisonniers habitués et locaux) dont les réseaux de sociabilité forment le
propriétaires des lieux. Le logement familial est un espace privé dont canevas.
des autres membres de la famille, notamment des parents généralement Les locaux considèrent leur lieu d’origine comme un espace-temps
« protégé », « unique », « magique » (notamment en dehors du « pic » de
la saison estivale) qu’il s’agit de préserver. Ainsi rejettent-ils l’idée d’un
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 24 développement trop important de l’activité touristique qui risquerait de
priver Belle-Plage d’une morphologie sociale qui en fait la singularité.
ancré localement et composé principalement de pairs saisonniers.
Aurélien Gentil 25 et les locaux à la formation et à l’entretien d’un réseau de sociabilité
tachent, le temps et l’expérience des saisons s’articulent pour les habitués
leur situation par la multiplication des liens et des lieux auxquels ils s’at-
Le rapport qu’ils entretiennent avec les espaces où ils pratiquent, pour entretiennent des sociabilités de mobilité et compensent la précarité de
la plupart, des sports aquatiques (surf, bodysurf, natation), est significatif : l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. Si les ambulants
ils tiennent à la faible fréquentation de leurs « spots » et comptent bien la tion. Chaque manière d’habiter renvoie aux différentes ressources que
défendre contre l’« invasion » des « étrangers ». Ils semblent avoir profon- chaque étape de leur trajectoire, l’instabilité et la précarité de leur situa-
dément intégré les représentations qu’ont pu véhiculer les générations pré- forme et leur localisation des façons différenciées de « compenser », à
cédentes, pionnières dans le développement touristique de Belle-Plage. et les locaux des systèmes différenciés de relations qui traduisent par leur
Non sans rappeler les logiques de classement statutaire des « established » On peut alors supposer qu’il existe pour les ambulants, les habitués
dont Norbert Elias et John L. Scotson ont cherché à montrer la genèse les ambulants expérimentés.
(1985), les locaux ont intériorisé les clivages entre anciens et nouveaux manent pour les jeunes ambulants ou dans d’autres lieux de saison pour
qui structurent localement les relations entre commerçants, entre habi- néralement avec le lieu d’ancrage familial et le lieu d’un logement per-
tants ou entre travailleurs saisonniers. Ainsi, ils fréquenteront moins que d’autres espaces. Dans l’espace-temps de l’intersaison, qui se confond gé-
d’autres saisonniers certains commerces stigmatisés à l’échelle locale par lieu d’activité estivale, le réseau de liens forts des ambulants s’inscrit dans
les plus anciens, parce qu’ils incarnent un développement porté par des les liens forts tissés par les habitués et les locaux sont ancrés dans leur
« étrangers » au lieu et à son histoire. d’habiter Belle-Plage : la localité se construit dans la mobilité. Alors que
l’intersaison et la saison hivernale sont étroitement liées aux manières
MULTILOCALISATION ET TERRITORIALISATION DES LIENS multilocalisation des liens. La nature et la forme des relations pendant
territorialisation de leurs liens. Pour les ambulants, il s’agit plutôt d’une
Si la formation du réseau de sociabilité des ambulants est caractérisée tiés tend à être de plus en plus ancré localement. On assiste là à une re-
par un mouvement centrifuge, avec des sociabilités tournées vers l’ex- proximité) : avec le temps et l’expérience des saisons, leur réseau d’ami-
térieur de leur logement, pendant la saison d’été, et un réseau dispersé des habitués est travaillée par un mouvement centripète (sociabilités de
dans les différents espaces où ils se déplacent en hiver et pendant les intersaisons (sociabilités de mobilité), la formation du réseau de relations
intersaisons (sociabilités de mobilité), la formation du réseau de relations dans les différents espaces où ils se déplacent en hiver et pendant les
des habitués est travaillée par un mouvement centripète (sociabilités de térieur de leur logement, pendant la saison d’été, et un réseau dispersé
proximité) : avec le temps et l’expérience des saisons, leur réseau d’ami- par un mouvement centrifuge, avec des sociabilités tournées vers l’ex-
tiés tend à être de plus en plus ancré localement. On assiste là à une re- Si la formation du réseau de sociabilité des ambulants est caractérisée
territorialisation de leurs liens. Pour les ambulants, il s’agit plutôt d’une
multilocalisation des liens. La nature et la forme des relations pendant MULTILOCALISATION ET TERRITORIALISATION DES LIENS
l’intersaison et la saison hivernale sont étroitement liées aux manières
d’habiter Belle-Plage : la localité se construit dans la mobilité. Alors que « étrangers » au lieu et à son histoire.
les liens forts tissés par les habitués et les locaux sont ancrés dans leur les plus anciens, parce qu’ils incarnent un développement porté par des
lieu d’activité estivale, le réseau de liens forts des ambulants s’inscrit dans d’autres saisonniers certains commerces stigmatisés à l’échelle locale par
d’autres espaces. Dans l’espace-temps de l’intersaison, qui se confond gé- tants ou entre travailleurs saisonniers. Ainsi, ils fréquenteront moins que
néralement avec le lieu d’ancrage familial et le lieu d’un logement per- qui structurent localement les relations entre commerçants, entre habi-
manent pour les jeunes ambulants ou dans d’autres lieux de saison pour (1985), les locaux ont intériorisé les clivages entre anciens et nouveaux
les ambulants expérimentés. dont Norbert Elias et John L. Scotson ont cherché à montrer la genèse
On peut alors supposer qu’il existe pour les ambulants, les habitués Non sans rappeler les logiques de classement statutaire des « established »
et les locaux des systèmes différenciés de relations qui traduisent par leur cédentes, pionnières dans le développement touristique de Belle-Plage.
forme et leur localisation des façons différenciées de « compenser », à dément intégré les représentations qu’ont pu véhiculer les générations pré-
chaque étape de leur trajectoire, l’instabilité et la précarité de leur situa- défendre contre l’« invasion » des « étrangers ». Ils semblent avoir profon-
tion. Chaque manière d’habiter renvoie aux différentes ressources que ils tiennent à la faible fréquentation de leurs « spots » et comptent bien la
l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. Si les ambulants la plupart, des sports aquatiques (surf, bodysurf, natation), est significatif :
entretiennent des sociabilités de mobilité et compensent la précarité de Le rapport qu’ils entretiennent avec les espaces où ils pratiquent, pour
leur situation par la multiplication des liens et des lieux auxquels ils s’at-
tachent, le temps et l’expérience des saisons s’articulent pour les habitués
et les locaux à la formation et à l’entretien d’un réseau de sociabilité 25 Aurélien Gentil
ancré localement et composé principalement de pairs saisonniers.

ancré localement et composé principalement de pairs saisonniers.


Aurélien Gentil 25 et les locaux à la formation et à l’entretien d’un réseau de sociabilité
tachent, le temps et l’expérience des saisons s’articulent pour les habitués
leur situation par la multiplication des liens et des lieux auxquels ils s’at-
Le rapport qu’ils entretiennent avec les espaces où ils pratiquent, pour entretiennent des sociabilités de mobilité et compensent la précarité de
la plupart, des sports aquatiques (surf, bodysurf, natation), est significatif : l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. Si les ambulants
ils tiennent à la faible fréquentation de leurs « spots » et comptent bien la tion. Chaque manière d’habiter renvoie aux différentes ressources que
défendre contre l’« invasion » des « étrangers ». Ils semblent avoir profon- chaque étape de leur trajectoire, l’instabilité et la précarité de leur situa-
dément intégré les représentations qu’ont pu véhiculer les générations pré- forme et leur localisation des façons différenciées de « compenser », à
cédentes, pionnières dans le développement touristique de Belle-Plage. et les locaux des systèmes différenciés de relations qui traduisent par leur
Non sans rappeler les logiques de classement statutaire des « established » On peut alors supposer qu’il existe pour les ambulants, les habitués
dont Norbert Elias et John L. Scotson ont cherché à montrer la genèse les ambulants expérimentés.
(1985), les locaux ont intériorisé les clivages entre anciens et nouveaux manent pour les jeunes ambulants ou dans d’autres lieux de saison pour
qui structurent localement les relations entre commerçants, entre habi- néralement avec le lieu d’ancrage familial et le lieu d’un logement per-
tants ou entre travailleurs saisonniers. Ainsi, ils fréquenteront moins que d’autres espaces. Dans l’espace-temps de l’intersaison, qui se confond gé-
d’autres saisonniers certains commerces stigmatisés à l’échelle locale par lieu d’activité estivale, le réseau de liens forts des ambulants s’inscrit dans
les plus anciens, parce qu’ils incarnent un développement porté par des les liens forts tissés par les habitués et les locaux sont ancrés dans leur
« étrangers » au lieu et à son histoire. d’habiter Belle-Plage : la localité se construit dans la mobilité. Alors que
l’intersaison et la saison hivernale sont étroitement liées aux manières
MULTILOCALISATION ET TERRITORIALISATION DES LIENS multilocalisation des liens. La nature et la forme des relations pendant
territorialisation de leurs liens. Pour les ambulants, il s’agit plutôt d’une
Si la formation du réseau de sociabilité des ambulants est caractérisée tiés tend à être de plus en plus ancré localement. On assiste là à une re-
par un mouvement centrifuge, avec des sociabilités tournées vers l’ex- proximité) : avec le temps et l’expérience des saisons, leur réseau d’ami-
térieur de leur logement, pendant la saison d’été, et un réseau dispersé des habitués est travaillée par un mouvement centripète (sociabilités de
dans les différents espaces où ils se déplacent en hiver et pendant les intersaisons (sociabilités de mobilité), la formation du réseau de relations
intersaisons (sociabilités de mobilité), la formation du réseau de relations dans les différents espaces où ils se déplacent en hiver et pendant les
des habitués est travaillée par un mouvement centripète (sociabilités de térieur de leur logement, pendant la saison d’été, et un réseau dispersé
proximité) : avec le temps et l’expérience des saisons, leur réseau d’ami- par un mouvement centrifuge, avec des sociabilités tournées vers l’ex-
tiés tend à être de plus en plus ancré localement. On assiste là à une re- Si la formation du réseau de sociabilité des ambulants est caractérisée
territorialisation de leurs liens. Pour les ambulants, il s’agit plutôt d’une
multilocalisation des liens. La nature et la forme des relations pendant MULTILOCALISATION ET TERRITORIALISATION DES LIENS
l’intersaison et la saison hivernale sont étroitement liées aux manières
d’habiter Belle-Plage : la localité se construit dans la mobilité. Alors que « étrangers » au lieu et à son histoire.
les liens forts tissés par les habitués et les locaux sont ancrés dans leur les plus anciens, parce qu’ils incarnent un développement porté par des
lieu d’activité estivale, le réseau de liens forts des ambulants s’inscrit dans d’autres saisonniers certains commerces stigmatisés à l’échelle locale par
d’autres espaces. Dans l’espace-temps de l’intersaison, qui se confond gé- tants ou entre travailleurs saisonniers. Ainsi, ils fréquenteront moins que
néralement avec le lieu d’ancrage familial et le lieu d’un logement per- qui structurent localement les relations entre commerçants, entre habi-
manent pour les jeunes ambulants ou dans d’autres lieux de saison pour (1985), les locaux ont intériorisé les clivages entre anciens et nouveaux
les ambulants expérimentés. dont Norbert Elias et John L. Scotson ont cherché à montrer la genèse
On peut alors supposer qu’il existe pour les ambulants, les habitués Non sans rappeler les logiques de classement statutaire des « established »
et les locaux des systèmes différenciés de relations qui traduisent par leur cédentes, pionnières dans le développement touristique de Belle-Plage.
forme et leur localisation des façons différenciées de « compenser », à dément intégré les représentations qu’ont pu véhiculer les générations pré-
chaque étape de leur trajectoire, l’instabilité et la précarité de leur situa- défendre contre l’« invasion » des « étrangers ». Ils semblent avoir profon-
tion. Chaque manière d’habiter renvoie aux différentes ressources que ils tiennent à la faible fréquentation de leurs « spots » et comptent bien la
l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. Si les ambulants la plupart, des sports aquatiques (surf, bodysurf, natation), est significatif :
entretiennent des sociabilités de mobilité et compensent la précarité de Le rapport qu’ils entretiennent avec les espaces où ils pratiquent, pour
leur situation par la multiplication des liens et des lieux auxquels ils s’at-
tachent, le temps et l’expérience des saisons s’articulent pour les habitués
et les locaux à la formation et à l’entretien d’un réseau de sociabilité 25 Aurélien Gentil
ancré localement et composé principalement de pairs saisonniers.
durant l’été.
mes d’ancrage et de mobilité produisent les liens que tissent les travailleurs saisonniers
manières d’habiter différenciées, tel qu’il était en train de se jouer, de voir quelles for- 26 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
espace-temps. Ce fut l’occasion de saisir « à la loupe » le processus de formation de
manière dont ils pouvaient s’approprier collectivement et individuellement ce nouvel
À ce propos, on peut noter que les relations amicales et amoureuses
pour la plupart étrangers au lieu, il était intéressant d’appréhender empiriquement la
commun et, pour certains, des emplois dans les mêmes commerces. Comme ils étaient
Argentière (Haute-Savoie) et l’autre à Chamrousse (Isère), qui avaient pris un logement nouées au fil des saisons estivales entre les saisonniers (ambulants, ha-
partager et observer l’installation et la vie de deux groupes de saisonniers, l’un à bitués, et locaux) prennent souvent des formes « délocalisées » pendant
vernale, des salariés mobiles ayant fait connaissance à Belle-Plage. Ainsi avons-nous pu l’intersaison et la saison d’hiver. Nous avons pu observer comment ces
8. Nous avons suivi à deux reprises, dans leurs déplacements vers un lieu de saison hi- relations peuvent se cristalliser par le partage d’une destination hivernale
commune8. C’est peut-être là l’une des clés de compréhension des logi-
riode de plus en plus longue. Ce processus d’investissement pratique et ques de déplacement des saisonniers mobiles.
par un tiers, un lieu où il revient, d’une année à l’autre, pour une pé-
un lieu particulier, plus souvent celui dans lequel il a pu être introduit MANIÈRES D’HABITER ET SÉQUENCES DE LA CARRIÈRE D’INSTALLATION DU
rience temporaire. Puis, au fil de ses expériences, il tend à s’approprier SAISONNIER MOBILE
Il se pense de passage et conçoit l’activité saisonnière comme une expé-
lieux et aux populations qu’il rencontre temporairement est assez labile. Nous pouvons à présent resituer les manières d’habiter isolées dans
l’intersaison et les différents lieux de saison où il habite. Sa relation aux l’analyse du processus séquentiel qui caractérise la carrière d’installation
distribuent entre un point d’ancrage familial où il peut se replier pendant des salariés saisonniers mobiles du tourisme. Le rapport pratique et sym-
un lieu en particulier ; il développe alors des liens multilocalisés qui se bolique à un lieu doit en effet être saisi non comme une relation figée,
Il est d’abord davantage attiré plus par une « manière de vivre » que par mais comme une relation évolutive qui concrétise et alimente en retour
d’emploi ou par le biais de sa famille, d’un ami ou d’une connaissance. le processus de formation et de transformation du rapport que l’individu
différents lieux de saison auxquels il accède au hasard de ses recherches entretient avec sa situation, sa mobilité et les lieux dans lesquels son acti-
saisonniers mobiles. Ambulant, le travailleur saisonnier se familiarise avec vité le guide. Il est alors concevable que les trois manières d’habiter que
On peut formuler idéalement ces étapes de la carrière d’installation des nous avons identifiées renvoient aux différentes séquences d’une carrière
particulier. menant à l’« installation » dans une activité saisonnière rattachée à un lieu
menant à l’« installation » dans une activité saisonnière rattachée à un lieu particulier.
nous avons identifiées renvoient aux différentes séquences d’une carrière On peut formuler idéalement ces étapes de la carrière d’installation des
vité le guide. Il est alors concevable que les trois manières d’habiter que saisonniers mobiles. Ambulant, le travailleur saisonnier se familiarise avec
entretient avec sa situation, sa mobilité et les lieux dans lesquels son acti- différents lieux de saison auxquels il accède au hasard de ses recherches
le processus de formation et de transformation du rapport que l’individu d’emploi ou par le biais de sa famille, d’un ami ou d’une connaissance.
mais comme une relation évolutive qui concrétise et alimente en retour Il est d’abord davantage attiré plus par une « manière de vivre » que par
bolique à un lieu doit en effet être saisi non comme une relation figée, un lieu en particulier ; il développe alors des liens multilocalisés qui se
des salariés saisonniers mobiles du tourisme. Le rapport pratique et sym- distribuent entre un point d’ancrage familial où il peut se replier pendant
l’analyse du processus séquentiel qui caractérise la carrière d’installation l’intersaison et les différents lieux de saison où il habite. Sa relation aux
Nous pouvons à présent resituer les manières d’habiter isolées dans lieux et aux populations qu’il rencontre temporairement est assez labile.
Il se pense de passage et conçoit l’activité saisonnière comme une expé-
SAISONNIER MOBILE rience temporaire. Puis, au fil de ses expériences, il tend à s’approprier
MANIÈRES D’HABITER ET SÉQUENCES DE LA CARRIÈRE D’INSTALLATION DU un lieu particulier, plus souvent celui dans lequel il a pu être introduit
par un tiers, un lieu où il revient, d’une année à l’autre, pour une pé-
ques de déplacement des saisonniers mobiles. riode de plus en plus longue. Ce processus d’investissement pratique et
commune8. C’est peut-être là l’une des clés de compréhension des logi-
relations peuvent se cristalliser par le partage d’une destination hivernale 8. Nous avons suivi à deux reprises, dans leurs déplacements vers un lieu de saison hi-
l’intersaison et la saison d’hiver. Nous avons pu observer comment ces vernale, des salariés mobiles ayant fait connaissance à Belle-Plage. Ainsi avons-nous pu
bitués, et locaux) prennent souvent des formes « délocalisées » pendant partager et observer l’installation et la vie de deux groupes de saisonniers, l’un à
nouées au fil des saisons estivales entre les saisonniers (ambulants, ha- Argentière (Haute-Savoie) et l’autre à Chamrousse (Isère), qui avaient pris un logement
À ce propos, on peut noter que les relations amicales et amoureuses commun et, pour certains, des emplois dans les mêmes commerces. Comme ils étaient
pour la plupart étrangers au lieu, il était intéressant d’appréhender empiriquement la
manière dont ils pouvaient s’approprier collectivement et individuellement ce nouvel
espace-temps. Ce fut l’occasion de saisir « à la loupe » le processus de formation de
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 26 manières d’habiter différenciées, tel qu’il était en train de se jouer, de voir quelles for-
mes d’ancrage et de mobilité produisent les liens que tissent les travailleurs saisonniers
durant l’été.

durant l’été.
mes d’ancrage et de mobilité produisent les liens que tissent les travailleurs saisonniers
manières d’habiter différenciées, tel qu’il était en train de se jouer, de voir quelles for- 26 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
espace-temps. Ce fut l’occasion de saisir « à la loupe » le processus de formation de
manière dont ils pouvaient s’approprier collectivement et individuellement ce nouvel
À ce propos, on peut noter que les relations amicales et amoureuses
pour la plupart étrangers au lieu, il était intéressant d’appréhender empiriquement la
commun et, pour certains, des emplois dans les mêmes commerces. Comme ils étaient
Argentière (Haute-Savoie) et l’autre à Chamrousse (Isère), qui avaient pris un logement nouées au fil des saisons estivales entre les saisonniers (ambulants, ha-
partager et observer l’installation et la vie de deux groupes de saisonniers, l’un à bitués, et locaux) prennent souvent des formes « délocalisées » pendant
vernale, des salariés mobiles ayant fait connaissance à Belle-Plage. Ainsi avons-nous pu l’intersaison et la saison d’hiver. Nous avons pu observer comment ces
8. Nous avons suivi à deux reprises, dans leurs déplacements vers un lieu de saison hi- relations peuvent se cristalliser par le partage d’une destination hivernale
commune8. C’est peut-être là l’une des clés de compréhension des logi-
riode de plus en plus longue. Ce processus d’investissement pratique et ques de déplacement des saisonniers mobiles.
par un tiers, un lieu où il revient, d’une année à l’autre, pour une pé-
un lieu particulier, plus souvent celui dans lequel il a pu être introduit MANIÈRES D’HABITER ET SÉQUENCES DE LA CARRIÈRE D’INSTALLATION DU
rience temporaire. Puis, au fil de ses expériences, il tend à s’approprier SAISONNIER MOBILE
Il se pense de passage et conçoit l’activité saisonnière comme une expé-
lieux et aux populations qu’il rencontre temporairement est assez labile. Nous pouvons à présent resituer les manières d’habiter isolées dans
l’intersaison et les différents lieux de saison où il habite. Sa relation aux l’analyse du processus séquentiel qui caractérise la carrière d’installation
distribuent entre un point d’ancrage familial où il peut se replier pendant des salariés saisonniers mobiles du tourisme. Le rapport pratique et sym-
un lieu en particulier ; il développe alors des liens multilocalisés qui se bolique à un lieu doit en effet être saisi non comme une relation figée,
Il est d’abord davantage attiré plus par une « manière de vivre » que par mais comme une relation évolutive qui concrétise et alimente en retour
d’emploi ou par le biais de sa famille, d’un ami ou d’une connaissance. le processus de formation et de transformation du rapport que l’individu
différents lieux de saison auxquels il accède au hasard de ses recherches entretient avec sa situation, sa mobilité et les lieux dans lesquels son acti-
saisonniers mobiles. Ambulant, le travailleur saisonnier se familiarise avec vité le guide. Il est alors concevable que les trois manières d’habiter que
On peut formuler idéalement ces étapes de la carrière d’installation des nous avons identifiées renvoient aux différentes séquences d’une carrière
particulier. menant à l’« installation » dans une activité saisonnière rattachée à un lieu
menant à l’« installation » dans une activité saisonnière rattachée à un lieu particulier.
nous avons identifiées renvoient aux différentes séquences d’une carrière On peut formuler idéalement ces étapes de la carrière d’installation des
vité le guide. Il est alors concevable que les trois manières d’habiter que saisonniers mobiles. Ambulant, le travailleur saisonnier se familiarise avec
entretient avec sa situation, sa mobilité et les lieux dans lesquels son acti- différents lieux de saison auxquels il accède au hasard de ses recherches
le processus de formation et de transformation du rapport que l’individu d’emploi ou par le biais de sa famille, d’un ami ou d’une connaissance.
mais comme une relation évolutive qui concrétise et alimente en retour Il est d’abord davantage attiré plus par une « manière de vivre » que par
bolique à un lieu doit en effet être saisi non comme une relation figée, un lieu en particulier ; il développe alors des liens multilocalisés qui se
des salariés saisonniers mobiles du tourisme. Le rapport pratique et sym- distribuent entre un point d’ancrage familial où il peut se replier pendant
l’analyse du processus séquentiel qui caractérise la carrière d’installation l’intersaison et les différents lieux de saison où il habite. Sa relation aux
Nous pouvons à présent resituer les manières d’habiter isolées dans lieux et aux populations qu’il rencontre temporairement est assez labile.
Il se pense de passage et conçoit l’activité saisonnière comme une expé-
SAISONNIER MOBILE rience temporaire. Puis, au fil de ses expériences, il tend à s’approprier
MANIÈRES D’HABITER ET SÉQUENCES DE LA CARRIÈRE D’INSTALLATION DU un lieu particulier, plus souvent celui dans lequel il a pu être introduit
par un tiers, un lieu où il revient, d’une année à l’autre, pour une pé-
ques de déplacement des saisonniers mobiles. riode de plus en plus longue. Ce processus d’investissement pratique et
commune8. C’est peut-être là l’une des clés de compréhension des logi-
relations peuvent se cristalliser par le partage d’une destination hivernale 8. Nous avons suivi à deux reprises, dans leurs déplacements vers un lieu de saison hi-
l’intersaison et la saison d’hiver. Nous avons pu observer comment ces vernale, des salariés mobiles ayant fait connaissance à Belle-Plage. Ainsi avons-nous pu
bitués, et locaux) prennent souvent des formes « délocalisées » pendant partager et observer l’installation et la vie de deux groupes de saisonniers, l’un à
nouées au fil des saisons estivales entre les saisonniers (ambulants, ha- Argentière (Haute-Savoie) et l’autre à Chamrousse (Isère), qui avaient pris un logement
À ce propos, on peut noter que les relations amicales et amoureuses commun et, pour certains, des emplois dans les mêmes commerces. Comme ils étaient
pour la plupart étrangers au lieu, il était intéressant d’appréhender empiriquement la
manière dont ils pouvaient s’approprier collectivement et individuellement ce nouvel
espace-temps. Ce fut l’occasion de saisir « à la loupe » le processus de formation de
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 26 manières d’habiter différenciées, tel qu’il était en train de se jouer, de voir quelles for-
mes d’ancrage et de mobilité produisent les liens que tissent les travailleurs saisonniers
durant l’été.
restauration…).
Aurélien Gentil 27 ver, par d’autres types d’activités salariées inscrites localement (bâtiment,
voire par l’ouverture d’un commerce estival, qu’il complète, pendant l’hi-
pour l’hiver (dans un lieu qui souvent ne change pas) ou par la reprise,
symbolique compense bien souvent le délitement des liens affectifs, ami- d’activités saisonnières salariées qui ne le dispensent pas de se déplacer
caux, familiaux et professionnels qui l’attachent à ses autres lieux d’an- ristique. Cet ancrage dans la vie locale se traduit alors par la combinaison
crage et ses anciennes appartenances. De la relative faiblesse de ces liens dans la population locale qui anime le lieu en dehors de la période tou-
multilocalisés dépendent le degré et la forme d’appropriation d’un lieu avec les années, décider de se procurer un logement à l’année et s’intégrer
d’activité saisonnière particulier. Passant du rapport au lieu d’un ambulant à celui d’un habitué, il peut,
À mesure qu’il s’attache à la population locale, il partage avec les nent à élire un lieu comme le lieu où il lui paraît légitime de s’installer.
saisonniers habitués des lieux et avec les commerçants des relations de ensemble de pratiques, de rationalisations et de justifications qui l’amè-
sociabilité plus fréquentes et plus intenses, même en dehors de la période tallation permanente. Ainsi l’individu élabore-t-il au fur et à mesure un
d’activité touristique. La construction d’une relation de couple enracinée eux semble pouvoir être privilégié et représenter un lieu potentiel d’ins-
localement participe bien souvent à renforcer son lien affectif au lieu. rythmes et les lieux de déplacement. Parmi les lieux investis, l’un d’entre
Parmi les saisonniers devenus des habitués, nombreux sont ceux pour élus. Ainsi s’établit une certaine régularité, une certaine stabilité dans les
qui la formation d’un couple a déterminé lourdement leur processus de réseau de relations de plus en plus localisé dans le ou les lieux saisonniers
« stabilisation » à Belle-Plage. certaine « fatigue » vis-à-vis de la mobilité se traduit par la création d’un
Satisfait par la place et le rôle que lui offre son emploi, il revient gé- sionnels dans un cadre agréable. La deuxième étape se dessine lorsqu’une
néralement travailler fidèlement chez le même employeur. Les liens avec possibilité de gagner de l’argent et d’assimiler certains savoir-faire profes-
ce dernier et avec ses collègues, en se solidifiant, tendent également à semble principalement séduit par un mode de vie festif et nomade, par la
renforcer son degré d’attachement au lieu. Son réseau local de relations Dans la première séquence, il se familiarise avec l’univers saisonnier et
se diversifie et lui permet d’accéder à un logement plus confortable, de « durable ».
recevoir et d’héberger plus facilement amis et famille. Ainsi la fréquence gressivement à concevoir l’activité saisonnière, dans ce lieu-là, comme
et l’intensité des relations de sociabilité autour du logement (voisinage, et entretient, il développe le sentiment d’être « chez lui » et tend pro-
réceptions et hébergements) traduit une forme de reterritorialisation de ses liens amicaux et affectifs. Au fil du temps et des liens forts qu’il noue
ses liens amicaux et affectifs. Au fil du temps et des liens forts qu’il noue réceptions et hébergements) traduit une forme de reterritorialisation de
et entretient, il développe le sentiment d’être « chez lui » et tend pro- et l’intensité des relations de sociabilité autour du logement (voisinage,
gressivement à concevoir l’activité saisonnière, dans ce lieu-là, comme recevoir et d’héberger plus facilement amis et famille. Ainsi la fréquence
« durable ». se diversifie et lui permet d’accéder à un logement plus confortable, de
Dans la première séquence, il se familiarise avec l’univers saisonnier et renforcer son degré d’attachement au lieu. Son réseau local de relations
semble principalement séduit par un mode de vie festif et nomade, par la ce dernier et avec ses collègues, en se solidifiant, tendent également à
possibilité de gagner de l’argent et d’assimiler certains savoir-faire profes- néralement travailler fidèlement chez le même employeur. Les liens avec
sionnels dans un cadre agréable. La deuxième étape se dessine lorsqu’une Satisfait par la place et le rôle que lui offre son emploi, il revient gé-
certaine « fatigue » vis-à-vis de la mobilité se traduit par la création d’un « stabilisation » à Belle-Plage.
réseau de relations de plus en plus localisé dans le ou les lieux saisonniers qui la formation d’un couple a déterminé lourdement leur processus de
élus. Ainsi s’établit une certaine régularité, une certaine stabilité dans les Parmi les saisonniers devenus des habitués, nombreux sont ceux pour
rythmes et les lieux de déplacement. Parmi les lieux investis, l’un d’entre localement participe bien souvent à renforcer son lien affectif au lieu.
eux semble pouvoir être privilégié et représenter un lieu potentiel d’ins- d’activité touristique. La construction d’une relation de couple enracinée
tallation permanente. Ainsi l’individu élabore-t-il au fur et à mesure un sociabilité plus fréquentes et plus intenses, même en dehors de la période
ensemble de pratiques, de rationalisations et de justifications qui l’amè- saisonniers habitués des lieux et avec les commerçants des relations de
nent à élire un lieu comme le lieu où il lui paraît légitime de s’installer. À mesure qu’il s’attache à la population locale, il partage avec les
Passant du rapport au lieu d’un ambulant à celui d’un habitué, il peut, d’activité saisonnière particulier.
avec les années, décider de se procurer un logement à l’année et s’intégrer multilocalisés dépendent le degré et la forme d’appropriation d’un lieu
dans la population locale qui anime le lieu en dehors de la période tou- crage et ses anciennes appartenances. De la relative faiblesse de ces liens
ristique. Cet ancrage dans la vie locale se traduit alors par la combinaison caux, familiaux et professionnels qui l’attachent à ses autres lieux d’an-
d’activités saisonnières salariées qui ne le dispensent pas de se déplacer symbolique compense bien souvent le délitement des liens affectifs, ami-
pour l’hiver (dans un lieu qui souvent ne change pas) ou par la reprise,
voire par l’ouverture d’un commerce estival, qu’il complète, pendant l’hi-
ver, par d’autres types d’activités salariées inscrites localement (bâtiment, 27 Aurélien Gentil
restauration…).

restauration…).
Aurélien Gentil 27 ver, par d’autres types d’activités salariées inscrites localement (bâtiment,
voire par l’ouverture d’un commerce estival, qu’il complète, pendant l’hi-
pour l’hiver (dans un lieu qui souvent ne change pas) ou par la reprise,
symbolique compense bien souvent le délitement des liens affectifs, ami- d’activités saisonnières salariées qui ne le dispensent pas de se déplacer
caux, familiaux et professionnels qui l’attachent à ses autres lieux d’an- ristique. Cet ancrage dans la vie locale se traduit alors par la combinaison
crage et ses anciennes appartenances. De la relative faiblesse de ces liens dans la population locale qui anime le lieu en dehors de la période tou-
multilocalisés dépendent le degré et la forme d’appropriation d’un lieu avec les années, décider de se procurer un logement à l’année et s’intégrer
d’activité saisonnière particulier. Passant du rapport au lieu d’un ambulant à celui d’un habitué, il peut,
À mesure qu’il s’attache à la population locale, il partage avec les nent à élire un lieu comme le lieu où il lui paraît légitime de s’installer.
saisonniers habitués des lieux et avec les commerçants des relations de ensemble de pratiques, de rationalisations et de justifications qui l’amè-
sociabilité plus fréquentes et plus intenses, même en dehors de la période tallation permanente. Ainsi l’individu élabore-t-il au fur et à mesure un
d’activité touristique. La construction d’une relation de couple enracinée eux semble pouvoir être privilégié et représenter un lieu potentiel d’ins-
localement participe bien souvent à renforcer son lien affectif au lieu. rythmes et les lieux de déplacement. Parmi les lieux investis, l’un d’entre
Parmi les saisonniers devenus des habitués, nombreux sont ceux pour élus. Ainsi s’établit une certaine régularité, une certaine stabilité dans les
qui la formation d’un couple a déterminé lourdement leur processus de réseau de relations de plus en plus localisé dans le ou les lieux saisonniers
« stabilisation » à Belle-Plage. certaine « fatigue » vis-à-vis de la mobilité se traduit par la création d’un
Satisfait par la place et le rôle que lui offre son emploi, il revient gé- sionnels dans un cadre agréable. La deuxième étape se dessine lorsqu’une
néralement travailler fidèlement chez le même employeur. Les liens avec possibilité de gagner de l’argent et d’assimiler certains savoir-faire profes-
ce dernier et avec ses collègues, en se solidifiant, tendent également à semble principalement séduit par un mode de vie festif et nomade, par la
renforcer son degré d’attachement au lieu. Son réseau local de relations Dans la première séquence, il se familiarise avec l’univers saisonnier et
se diversifie et lui permet d’accéder à un logement plus confortable, de « durable ».
recevoir et d’héberger plus facilement amis et famille. Ainsi la fréquence gressivement à concevoir l’activité saisonnière, dans ce lieu-là, comme
et l’intensité des relations de sociabilité autour du logement (voisinage, et entretient, il développe le sentiment d’être « chez lui » et tend pro-
réceptions et hébergements) traduit une forme de reterritorialisation de ses liens amicaux et affectifs. Au fil du temps et des liens forts qu’il noue
ses liens amicaux et affectifs. Au fil du temps et des liens forts qu’il noue réceptions et hébergements) traduit une forme de reterritorialisation de
et entretient, il développe le sentiment d’être « chez lui » et tend pro- et l’intensité des relations de sociabilité autour du logement (voisinage,
gressivement à concevoir l’activité saisonnière, dans ce lieu-là, comme recevoir et d’héberger plus facilement amis et famille. Ainsi la fréquence
« durable ». se diversifie et lui permet d’accéder à un logement plus confortable, de
Dans la première séquence, il se familiarise avec l’univers saisonnier et renforcer son degré d’attachement au lieu. Son réseau local de relations
semble principalement séduit par un mode de vie festif et nomade, par la ce dernier et avec ses collègues, en se solidifiant, tendent également à
possibilité de gagner de l’argent et d’assimiler certains savoir-faire profes- néralement travailler fidèlement chez le même employeur. Les liens avec
sionnels dans un cadre agréable. La deuxième étape se dessine lorsqu’une Satisfait par la place et le rôle que lui offre son emploi, il revient gé-
certaine « fatigue » vis-à-vis de la mobilité se traduit par la création d’un « stabilisation » à Belle-Plage.
réseau de relations de plus en plus localisé dans le ou les lieux saisonniers qui la formation d’un couple a déterminé lourdement leur processus de
élus. Ainsi s’établit une certaine régularité, une certaine stabilité dans les Parmi les saisonniers devenus des habitués, nombreux sont ceux pour
rythmes et les lieux de déplacement. Parmi les lieux investis, l’un d’entre localement participe bien souvent à renforcer son lien affectif au lieu.
eux semble pouvoir être privilégié et représenter un lieu potentiel d’ins- d’activité touristique. La construction d’une relation de couple enracinée
tallation permanente. Ainsi l’individu élabore-t-il au fur et à mesure un sociabilité plus fréquentes et plus intenses, même en dehors de la période
ensemble de pratiques, de rationalisations et de justifications qui l’amè- saisonniers habitués des lieux et avec les commerçants des relations de
nent à élire un lieu comme le lieu où il lui paraît légitime de s’installer. À mesure qu’il s’attache à la population locale, il partage avec les
Passant du rapport au lieu d’un ambulant à celui d’un habitué, il peut, d’activité saisonnière particulier.
avec les années, décider de se procurer un logement à l’année et s’intégrer multilocalisés dépendent le degré et la forme d’appropriation d’un lieu
dans la population locale qui anime le lieu en dehors de la période tou- crage et ses anciennes appartenances. De la relative faiblesse de ces liens
ristique. Cet ancrage dans la vie locale se traduit alors par la combinaison caux, familiaux et professionnels qui l’attachent à ses autres lieux d’an-
d’activités saisonnières salariées qui ne le dispensent pas de se déplacer symbolique compense bien souvent le délitement des liens affectifs, ami-
pour l’hiver (dans un lieu qui souvent ne change pas) ou par la reprise,
voire par l’ouverture d’un commerce estival, qu’il complète, pendant l’hi-
ver, par d’autres types d’activités salariées inscrites localement (bâtiment, 27 Aurélien Gentil
restauration…).
sions de leur existence (leur rapport au travail et à l’habitat, au lieu, leurs
mobilité, la manière dont s’articulent pour eux les différentes dimen- 28 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
des intermittents du lieu, à saisir, à travers le sens qu’ils donnent à leur
rement par de telles populations. Ils incitent à prendre en compte le vécu
de porter un nouveau regard sur la sociologie des lieux habités temporai- Toutefois une forme de réversibilité n’est pas à exclure. Si le processus
ressources sociales désirées » (Bourdin, 2005, p. 9), ces résultats permettent d’installation dans la vie saisonnière d’un lieu tend à guider les ambulants
semble des techniques et des comportements qui permettent l’accès à des vers la situation des habitués, si l’instabilité de la condition saisonnière et
Dans le cadre d’une réflexion envisageant la mobilité « comme l’en- l’affaiblissement de liens multilocalisés trouvent une compensation dans
lution de leur rapport au monde social et déterminent leur trajectoire. l’ancrage et l’attachement identitaire à un lieu particulier, certaines rup-
transposition de manières de faire, d’être et de penser qui alimentent l’évo- tures dans les biographies individuelles (problèmes professionnels, fami-
gement, loisirs, sociabilités), il participe à la formation, à la réforme, à la liaux, affectifs ou de santé) peuvent provoquer un renversement de cette
plusieurs dimensions de l’existence des mobiles du tourisme (travail, lo- tendance et rappeler l’imbrication complexe de la relation que nous en-
une instance de socialisation spécifique : en convoquant et en imbriquant tretenons avec un espace donné et de nos expériences biographiques.
que du lieu et ses transformations. L’espace-temps saisonnier est aussi
qui, par leur articulation et leur superposition, alimentent la dynami-
différentes trajectoires, de différentes manières d’être, d’agir ou de penser
*
un espace donné, de différentes populations, de différents processus, de En partant d’un travail focalisé sur un espace défini et sa population,
produit social car il est le résultat de la rencontre et de l’imbrication, dans nous avons pu cerner la place différenciée et évolutive des formes de
duit social et comme une instance de socialisation spécifique. Il est un mobilité et d’ancrage dans le processus de socialisation d’une population
l’espace-temps saisonnier doit-il être considéré à la fois comme un pro- plus ou moins contrainte de se déplacer pour travailler. L’expérience de la
pu investir au fil de leur trajectoire professionnelle et résidentielle. Ainsi mobilité saisonnière façonne des manières d’être, de faire et de penser qui
partie des saisonniers mobiles dans l’un des lieux touristiques qu’ils ont cristallisent et nourrissent la trajectoire des individus saison après saison.
une des clés qui expliquent le processus d’installation permanente d’une Au-delà des déterminants sociaux classiques (origine sociale, niveau
ques) que l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. C’est là de qualification, âge, sexe), ce sont bien la trajectoire d’entrée dans le lieu
aux ressources spatialisées (matérielles, identitaires, pratiques et symboli- et l’ancienneté dans le lieu et la vie saisonnière qui déterminent l’accès
et l’ancienneté dans le lieu et la vie saisonnière qui déterminent l’accès aux ressources spatialisées (matérielles, identitaires, pratiques et symboli-
de qualification, âge, sexe), ce sont bien la trajectoire d’entrée dans le lieu ques) que l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. C’est là
Au-delà des déterminants sociaux classiques (origine sociale, niveau une des clés qui expliquent le processus d’installation permanente d’une
cristallisent et nourrissent la trajectoire des individus saison après saison. partie des saisonniers mobiles dans l’un des lieux touristiques qu’ils ont
mobilité saisonnière façonne des manières d’être, de faire et de penser qui pu investir au fil de leur trajectoire professionnelle et résidentielle. Ainsi
plus ou moins contrainte de se déplacer pour travailler. L’expérience de la l’espace-temps saisonnier doit-il être considéré à la fois comme un pro-
mobilité et d’ancrage dans le processus de socialisation d’une population duit social et comme une instance de socialisation spécifique. Il est un
nous avons pu cerner la place différenciée et évolutive des formes de produit social car il est le résultat de la rencontre et de l’imbrication, dans
En partant d’un travail focalisé sur un espace défini et sa population, un espace donné, de différentes populations, de différents processus, de
différentes trajectoires, de différentes manières d’être, d’agir ou de penser
qui, par leur articulation et leur superposition, alimentent la dynami-
*
que du lieu et ses transformations. L’espace-temps saisonnier est aussi
tretenons avec un espace donné et de nos expériences biographiques. une instance de socialisation spécifique : en convoquant et en imbriquant
tendance et rappeler l’imbrication complexe de la relation que nous en- plusieurs dimensions de l’existence des mobiles du tourisme (travail, lo-
liaux, affectifs ou de santé) peuvent provoquer un renversement de cette gement, loisirs, sociabilités), il participe à la formation, à la réforme, à la
tures dans les biographies individuelles (problèmes professionnels, fami- transposition de manières de faire, d’être et de penser qui alimentent l’évo-
l’ancrage et l’attachement identitaire à un lieu particulier, certaines rup- lution de leur rapport au monde social et déterminent leur trajectoire.
l’affaiblissement de liens multilocalisés trouvent une compensation dans Dans le cadre d’une réflexion envisageant la mobilité « comme l’en-
vers la situation des habitués, si l’instabilité de la condition saisonnière et semble des techniques et des comportements qui permettent l’accès à des
d’installation dans la vie saisonnière d’un lieu tend à guider les ambulants ressources sociales désirées » (Bourdin, 2005, p. 9), ces résultats permettent
Toutefois une forme de réversibilité n’est pas à exclure. Si le processus de porter un nouveau regard sur la sociologie des lieux habités temporai-
rement par de telles populations. Ils incitent à prendre en compte le vécu
des intermittents du lieu, à saisir, à travers le sens qu’ils donnent à leur
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 28 mobilité, la manière dont s’articulent pour eux les différentes dimen-
sions de leur existence (leur rapport au travail et à l’habitat, au lieu, leurs

sions de leur existence (leur rapport au travail et à l’habitat, au lieu, leurs


mobilité, la manière dont s’articulent pour eux les différentes dimen- 28 Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles
des intermittents du lieu, à saisir, à travers le sens qu’ils donnent à leur
rement par de telles populations. Ils incitent à prendre en compte le vécu
de porter un nouveau regard sur la sociologie des lieux habités temporai- Toutefois une forme de réversibilité n’est pas à exclure. Si le processus
ressources sociales désirées » (Bourdin, 2005, p. 9), ces résultats permettent d’installation dans la vie saisonnière d’un lieu tend à guider les ambulants
semble des techniques et des comportements qui permettent l’accès à des vers la situation des habitués, si l’instabilité de la condition saisonnière et
Dans le cadre d’une réflexion envisageant la mobilité « comme l’en- l’affaiblissement de liens multilocalisés trouvent une compensation dans
lution de leur rapport au monde social et déterminent leur trajectoire. l’ancrage et l’attachement identitaire à un lieu particulier, certaines rup-
transposition de manières de faire, d’être et de penser qui alimentent l’évo- tures dans les biographies individuelles (problèmes professionnels, fami-
gement, loisirs, sociabilités), il participe à la formation, à la réforme, à la liaux, affectifs ou de santé) peuvent provoquer un renversement de cette
plusieurs dimensions de l’existence des mobiles du tourisme (travail, lo- tendance et rappeler l’imbrication complexe de la relation que nous en-
une instance de socialisation spécifique : en convoquant et en imbriquant tretenons avec un espace donné et de nos expériences biographiques.
que du lieu et ses transformations. L’espace-temps saisonnier est aussi
qui, par leur articulation et leur superposition, alimentent la dynami-
différentes trajectoires, de différentes manières d’être, d’agir ou de penser
*
un espace donné, de différentes populations, de différents processus, de En partant d’un travail focalisé sur un espace défini et sa population,
produit social car il est le résultat de la rencontre et de l’imbrication, dans nous avons pu cerner la place différenciée et évolutive des formes de
duit social et comme une instance de socialisation spécifique. Il est un mobilité et d’ancrage dans le processus de socialisation d’une population
l’espace-temps saisonnier doit-il être considéré à la fois comme un pro- plus ou moins contrainte de se déplacer pour travailler. L’expérience de la
pu investir au fil de leur trajectoire professionnelle et résidentielle. Ainsi mobilité saisonnière façonne des manières d’être, de faire et de penser qui
partie des saisonniers mobiles dans l’un des lieux touristiques qu’ils ont cristallisent et nourrissent la trajectoire des individus saison après saison.
une des clés qui expliquent le processus d’installation permanente d’une Au-delà des déterminants sociaux classiques (origine sociale, niveau
ques) que l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. C’est là de qualification, âge, sexe), ce sont bien la trajectoire d’entrée dans le lieu
aux ressources spatialisées (matérielles, identitaires, pratiques et symboli- et l’ancienneté dans le lieu et la vie saisonnière qui déterminent l’accès
et l’ancienneté dans le lieu et la vie saisonnière qui déterminent l’accès aux ressources spatialisées (matérielles, identitaires, pratiques et symboli-
de qualification, âge, sexe), ce sont bien la trajectoire d’entrée dans le lieu ques) que l’espace-temps saisonnier peut offrir face à la précarité. C’est là
Au-delà des déterminants sociaux classiques (origine sociale, niveau une des clés qui expliquent le processus d’installation permanente d’une
cristallisent et nourrissent la trajectoire des individus saison après saison. partie des saisonniers mobiles dans l’un des lieux touristiques qu’ils ont
mobilité saisonnière façonne des manières d’être, de faire et de penser qui pu investir au fil de leur trajectoire professionnelle et résidentielle. Ainsi
plus ou moins contrainte de se déplacer pour travailler. L’expérience de la l’espace-temps saisonnier doit-il être considéré à la fois comme un pro-
mobilité et d’ancrage dans le processus de socialisation d’une population duit social et comme une instance de socialisation spécifique. Il est un
nous avons pu cerner la place différenciée et évolutive des formes de produit social car il est le résultat de la rencontre et de l’imbrication, dans
En partant d’un travail focalisé sur un espace défini et sa population, un espace donné, de différentes populations, de différents processus, de
différentes trajectoires, de différentes manières d’être, d’agir ou de penser
qui, par leur articulation et leur superposition, alimentent la dynami-
*
que du lieu et ses transformations. L’espace-temps saisonnier est aussi
tretenons avec un espace donné et de nos expériences biographiques. une instance de socialisation spécifique : en convoquant et en imbriquant
tendance et rappeler l’imbrication complexe de la relation que nous en- plusieurs dimensions de l’existence des mobiles du tourisme (travail, lo-
liaux, affectifs ou de santé) peuvent provoquer un renversement de cette gement, loisirs, sociabilités), il participe à la formation, à la réforme, à la
tures dans les biographies individuelles (problèmes professionnels, fami- transposition de manières de faire, d’être et de penser qui alimentent l’évo-
l’ancrage et l’attachement identitaire à un lieu particulier, certaines rup- lution de leur rapport au monde social et déterminent leur trajectoire.
l’affaiblissement de liens multilocalisés trouvent une compensation dans Dans le cadre d’une réflexion envisageant la mobilité « comme l’en-
vers la situation des habitués, si l’instabilité de la condition saisonnière et semble des techniques et des comportements qui permettent l’accès à des
d’installation dans la vie saisonnière d’un lieu tend à guider les ambulants ressources sociales désirées » (Bourdin, 2005, p. 9), ces résultats permettent
Toutefois une forme de réversibilité n’est pas à exclure. Si le processus de porter un nouveau regard sur la sociologie des lieux habités temporai-
rement par de telles populations. Ils incitent à prendre en compte le vécu
des intermittents du lieu, à saisir, à travers le sens qu’ils donnent à leur
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles 28 mobilité, la manière dont s’articulent pour eux les différentes dimen-
sions de leur existence (leur rapport au travail et à l’habitat, au lieu, leurs
fil du temps, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
Aurélien Gentil 29 Authier Jean-Yves (1993), La Vie des lieux : un quartier du Vieux Lyon au

Bibliographie
pratiques de sociabilité) et les ressources pratiques et symboliques qu’ils
peuvent mobiliser ici et ailleurs. Comme Jean Remy a pu le montrer, pour C’est une question qu’il faut se poser.
penser l’imbrication de plus en plus complexe entre le proche et le loin- qu’ils ne l’ont choisie ? Ne s’agit-il pas là d’une « nécessité faite vertu » ?
tain, le nomadisme et la sédentarité, il est essentiel de comprendre la ils pas du même coup dans une « vie de saisonnier » qui les a choisis plus
mobilité comme une « quête de sens » portée par les individus qui occu- que sorte les désagréments d’une vie mobile et précaire, ne s’enferment-
pent des positions moyennes dans la société contemporaine (Remy, 1996, en se stabilisant géographiquement, les saisonniers compensent en quel-
p. 137). Ainsi, les formes d’ancrage saisonnières que nous avons analysées l’attachement territorial soit une réponse ambivalente à la précarité. Si,
redéfinissent, chacune à sa manière, le sens que prennent l’ici et l’ailleurs examine la carrière d’installation des saisonniers mobiles, il semble que
dans la construction des trajectoires individuelles de nos contemporains. place tient l’ancrage territorial dans une société inégalitaire ? Quand on
Produits du processus dialectique qui articule logiques d’individuation et penser les inégalités face à ce nouveau mode de spatialisation ? Quelle
logiques structurelles, ces manières d’habiter sont en quelque sorte des pratiques et symboliques qui le relient à d’autres lieux. Mais comment
cas idéaltypiques à partir desquels il est possible de penser les nouveaux la manière de l’investir ne doivent être appréhendés qu’à travers les liens
modes de spatialisation : des espaces dans lesquels ce réseau se distribue. Le « sens » d’un lieu et
lationnel dont il devient le centre et de mettre en lumière la substitution
L’ancrage peut être pour certaines personnes le point de référence à partir dont l’individu se construit et se définit désormais à travers un réseau re-
duquel des explorations extérieures se font. Pour d’autres, au contraire, le la construction des individus et des groupes. Il permet d’illustrer la façon
fait d’être de plusieurs lieux, de se sentir devenir soi-même en changeant la place grandissante de la substitution des espaces les uns aux autres dans
d’espace peut constituer l’élément fondateur qui leur permet de s’investir saisonniers mobiles du tourisme (ambulants, habitués et locaux) confirme
en un lieu, même provisoirement. (Remy, 1996, p. 135) un rapport à l’espace pensé seulement en termes de sédentarité, le cas des
Quelle que soit sa manière d’habiter un lieu, l’individu, saisonnier ou duire des repères dans un espace à géométrie variable. En rupture avec
non, est toujours pris dans « un double objectif, où il s’agit d’articuler sédentarité et nomadisme » (ibid.). Il est donc toujours question de pro-
sédentarité et nomadisme » (ibid.). Il est donc toujours question de pro- non, est toujours pris dans « un double objectif, où il s’agit d’articuler
duire des repères dans un espace à géométrie variable. En rupture avec Quelle que soit sa manière d’habiter un lieu, l’individu, saisonnier ou
un rapport à l’espace pensé seulement en termes de sédentarité, le cas des
saisonniers mobiles du tourisme (ambulants, habitués et locaux) confirme
en un lieu, même provisoirement. (Remy, 1996, p. 135)
d’espace peut constituer l’élément fondateur qui leur permet de s’investir
la place grandissante de la substitution des espaces les uns aux autres dans fait d’être de plusieurs lieux, de se sentir devenir soi-même en changeant
la construction des individus et des groupes. Il permet d’illustrer la façon duquel des explorations extérieures se font. Pour d’autres, au contraire, le
dont l’individu se construit et se définit désormais à travers un réseau re- L’ancrage peut être pour certaines personnes le point de référence à partir
lationnel dont il devient le centre et de mettre en lumière la substitution
des espaces dans lesquels ce réseau se distribue. Le « sens » d’un lieu et modes de spatialisation :
la manière de l’investir ne doivent être appréhendés qu’à travers les liens cas idéaltypiques à partir desquels il est possible de penser les nouveaux
pratiques et symboliques qui le relient à d’autres lieux. Mais comment logiques structurelles, ces manières d’habiter sont en quelque sorte des
penser les inégalités face à ce nouveau mode de spatialisation ? Quelle Produits du processus dialectique qui articule logiques d’individuation et
place tient l’ancrage territorial dans une société inégalitaire ? Quand on dans la construction des trajectoires individuelles de nos contemporains.
examine la carrière d’installation des saisonniers mobiles, il semble que redéfinissent, chacune à sa manière, le sens que prennent l’ici et l’ailleurs
l’attachement territorial soit une réponse ambivalente à la précarité. Si, p. 137). Ainsi, les formes d’ancrage saisonnières que nous avons analysées
en se stabilisant géographiquement, les saisonniers compensent en quel- pent des positions moyennes dans la société contemporaine (Remy, 1996,
que sorte les désagréments d’une vie mobile et précaire, ne s’enferment- mobilité comme une « quête de sens » portée par les individus qui occu-
ils pas du même coup dans une « vie de saisonnier » qui les a choisis plus tain, le nomadisme et la sédentarité, il est essentiel de comprendre la
qu’ils ne l’ont choisie ? Ne s’agit-il pas là d’une « nécessité faite vertu » ? penser l’imbrication de plus en plus complexe entre le proche et le loin-
C’est une question qu’il faut se poser. peuvent mobiliser ici et ailleurs. Comme Jean Remy a pu le montrer, pour
pratiques de sociabilité) et les ressources pratiques et symboliques qu’ils
Bibliographie

Authier Jean-Yves (1993), La Vie des lieux : un quartier du Vieux Lyon au 29 Aurélien Gentil
fil du temps, Lyon, Presses universitaires de Lyon.

fil du temps, Lyon, Presses universitaires de Lyon.


Aurélien Gentil 29 Authier Jean-Yves (1993), La Vie des lieux : un quartier du Vieux Lyon au

Bibliographie
pratiques de sociabilité) et les ressources pratiques et symboliques qu’ils
peuvent mobiliser ici et ailleurs. Comme Jean Remy a pu le montrer, pour C’est une question qu’il faut se poser.
penser l’imbrication de plus en plus complexe entre le proche et le loin- qu’ils ne l’ont choisie ? Ne s’agit-il pas là d’une « nécessité faite vertu » ?
tain, le nomadisme et la sédentarité, il est essentiel de comprendre la ils pas du même coup dans une « vie de saisonnier » qui les a choisis plus
mobilité comme une « quête de sens » portée par les individus qui occu- que sorte les désagréments d’une vie mobile et précaire, ne s’enferment-
pent des positions moyennes dans la société contemporaine (Remy, 1996, en se stabilisant géographiquement, les saisonniers compensent en quel-
p. 137). Ainsi, les formes d’ancrage saisonnières que nous avons analysées l’attachement territorial soit une réponse ambivalente à la précarité. Si,
redéfinissent, chacune à sa manière, le sens que prennent l’ici et l’ailleurs examine la carrière d’installation des saisonniers mobiles, il semble que
dans la construction des trajectoires individuelles de nos contemporains. place tient l’ancrage territorial dans une société inégalitaire ? Quand on
Produits du processus dialectique qui articule logiques d’individuation et penser les inégalités face à ce nouveau mode de spatialisation ? Quelle
logiques structurelles, ces manières d’habiter sont en quelque sorte des pratiques et symboliques qui le relient à d’autres lieux. Mais comment
cas idéaltypiques à partir desquels il est possible de penser les nouveaux la manière de l’investir ne doivent être appréhendés qu’à travers les liens
modes de spatialisation : des espaces dans lesquels ce réseau se distribue. Le « sens » d’un lieu et
lationnel dont il devient le centre et de mettre en lumière la substitution
L’ancrage peut être pour certaines personnes le point de référence à partir dont l’individu se construit et se définit désormais à travers un réseau re-
duquel des explorations extérieures se font. Pour d’autres, au contraire, le la construction des individus et des groupes. Il permet d’illustrer la façon
fait d’être de plusieurs lieux, de se sentir devenir soi-même en changeant la place grandissante de la substitution des espaces les uns aux autres dans
d’espace peut constituer l’élément fondateur qui leur permet de s’investir saisonniers mobiles du tourisme (ambulants, habitués et locaux) confirme
en un lieu, même provisoirement. (Remy, 1996, p. 135) un rapport à l’espace pensé seulement en termes de sédentarité, le cas des
Quelle que soit sa manière d’habiter un lieu, l’individu, saisonnier ou duire des repères dans un espace à géométrie variable. En rupture avec
non, est toujours pris dans « un double objectif, où il s’agit d’articuler sédentarité et nomadisme » (ibid.). Il est donc toujours question de pro-
sédentarité et nomadisme » (ibid.). Il est donc toujours question de pro- non, est toujours pris dans « un double objectif, où il s’agit d’articuler
duire des repères dans un espace à géométrie variable. En rupture avec Quelle que soit sa manière d’habiter un lieu, l’individu, saisonnier ou
un rapport à l’espace pensé seulement en termes de sédentarité, le cas des
saisonniers mobiles du tourisme (ambulants, habitués et locaux) confirme
en un lieu, même provisoirement. (Remy, 1996, p. 135)
d’espace peut constituer l’élément fondateur qui leur permet de s’investir
la place grandissante de la substitution des espaces les uns aux autres dans fait d’être de plusieurs lieux, de se sentir devenir soi-même en changeant
la construction des individus et des groupes. Il permet d’illustrer la façon duquel des explorations extérieures se font. Pour d’autres, au contraire, le
dont l’individu se construit et se définit désormais à travers un réseau re- L’ancrage peut être pour certaines personnes le point de référence à partir
lationnel dont il devient le centre et de mettre en lumière la substitution
des espaces dans lesquels ce réseau se distribue. Le « sens » d’un lieu et modes de spatialisation :
la manière de l’investir ne doivent être appréhendés qu’à travers les liens cas idéaltypiques à partir desquels il est possible de penser les nouveaux
pratiques et symboliques qui le relient à d’autres lieux. Mais comment logiques structurelles, ces manières d’habiter sont en quelque sorte des
penser les inégalités face à ce nouveau mode de spatialisation ? Quelle Produits du processus dialectique qui articule logiques d’individuation et
place tient l’ancrage territorial dans une société inégalitaire ? Quand on dans la construction des trajectoires individuelles de nos contemporains.
examine la carrière d’installation des saisonniers mobiles, il semble que redéfinissent, chacune à sa manière, le sens que prennent l’ici et l’ailleurs
l’attachement territorial soit une réponse ambivalente à la précarité. Si, p. 137). Ainsi, les formes d’ancrage saisonnières que nous avons analysées
en se stabilisant géographiquement, les saisonniers compensent en quel- pent des positions moyennes dans la société contemporaine (Remy, 1996,
que sorte les désagréments d’une vie mobile et précaire, ne s’enferment- mobilité comme une « quête de sens » portée par les individus qui occu-
ils pas du même coup dans une « vie de saisonnier » qui les a choisis plus tain, le nomadisme et la sédentarité, il est essentiel de comprendre la
qu’ils ne l’ont choisie ? Ne s’agit-il pas là d’une « nécessité faite vertu » ? penser l’imbrication de plus en plus complexe entre le proche et le loin-
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Douarche Marion (2003), « Travailleurs saisonniers : le météore, l’aspi- tion du travail dans le tourisme social, Paris, La Dispute.
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veau mode de spatialisation  ?, Monique Hirschhorn & Jean-Michel

veau mode de spatialisation  ?, Monique Hirschhorn & Jean-Michel


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dans L’Enquête sociologique, Serge Paugam (dir.), Paris, Presses univer- Catherine Bonvalet, Anne Gotman & Yves Grafmeyer  (dir.), Paris,
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Aurélien Gentil 31

Berthelot (dir.), Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises »,


p. 79-92.
Réau Bertrand (2006), « Les devoirs de vacances  : la vie quotidienne
d’un Gentil Organisateur du Club Méditerranée », Regards socio-
logiques, no 32, p. 73-81.
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de la ville », dans Mobilités et ancrages : vers un nouveau mode de spatia-
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Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149.
— (1999), « Le statut de l’espace dans l’analyse sociologique », Espaces
et sociétés, no 96, p. 165-202.

et sociétés, no 96, p. 165-202.


— (1999), « Le statut de l’espace dans l’analyse sociologique », Espaces
Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149.
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Réau Bertrand (2006), « Les devoirs de vacances  : la vie quotidienne
p. 79-92.
Berthelot (dir.), Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises »,

31 Aurélien Gentil

Aurélien Gentil 31

Berthelot (dir.), Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises »,


p. 79-92.
Réau Bertrand (2006), « Les devoirs de vacances  : la vie quotidienne
d’un Gentil Organisateur du Club Méditerranée », Regards socio-
logiques, no 32, p. 73-81.
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Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149.
— (1999), « Le statut de l’espace dans l’analyse sociologique », Espaces
et sociétés, no 96, p. 165-202.

et sociétés, no 96, p. 165-202.


— (1999), « Le statut de l’espace dans l’analyse sociologique », Espaces
Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149.
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p. 79-92.
Berthelot (dir.), Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises »,

31 Aurélien Gentil
mière, celui des siens. (Bonnin & Villanova, 1999, p. 5)
de maintenir et développer les liens avec le lieu d’origine, d’identité pre-
développer un second espace de vie face à l’existence laborieuse, voire
L’augmentation du temps de loisir, de vacances et de retraite a permis de
secondaire » :
nent en compte le rôle joué dans la vie des individus par la « résidence
« systèmes résidentiels » ou sur la notion de « multirésidence », qui pren-
VACANCES AU BLED ET RAPPORTS AUX ORIGINES : principal, des sociologues de l’habitat ont proposé de travailler sur des
L’ESPACE COMME SUPPORT CONCRET DES IDENTITÉS et au développement d’autres espaces de référence que le seul logement
aux espaces des vacances. Face à l’augmentation des mobilités de loisir
ment que nous trouvons des outils conceptuels pour penser le rapport
Jennifer Bidet 2011). Mais c’est dans le champ de la sociologie de l’habitat et du loge-
Réau, 2007) ou à des types de tourisme (tel le tourisme sexuel, Roux,
2000), à des acteurs économiques (à l’image du Club Méditerranée,
Les vacances et le tourisme sont depuis longtemps un objet central tégories de touristes (comme les vacanciers de classes populaires, Périer,
de la discipline des sciences humaines qui s’intéresse le plus explicite- depuis, d’autres études se sont intéressées plus en profondeur à des ca-
ment aux relations entre les hommes et les espaces : la géographie. S’il y et ont dressé les premières typologies de touristes (Viard, 1984, 2007) ;
est souvent question de l’impact de l’activité touristique sur les espaces rappeler l’histoire de la diffusion de ces pratiques dans la société française
concernés (dans leur dimension physique ou humaine), certains cher- paraît comme un champ émergent : des travaux fondateurs ont déjà pu
cheurs interrogent aussi la manière dont les touristes eux-mêmes sont En sociologie, l’étude des vacances et des pratiques touristiques ap-
modifiés :
MIT, 2002, p. 102)
Les touristes ne se [trouvent] pas dans les lieux touristiques uniquement rapport au lieu qui est impliqué, de quelque ordre que ce soit. (Équipe
pour consommer, consumer les lieux, mais pour, à travers les lieux, se pratiques touristiques participent de l’habiter, car il y a nécessairement un
construire, se reconstruire, évoluer, se transformer [...]. Les touristes aussi habitent les lieux, pas seulement les résidents. On peut avancer que les
habitent les lieux, pas seulement les résidents. On peut avancer que les construire, se reconstruire, évoluer, se transformer [...]. Les touristes aussi
pratiques touristiques participent de l’habiter, car il y a nécessairement un pour consommer, consumer les lieux, mais pour, à travers les lieux, se
rapport au lieu qui est impliqué, de quelque ordre que ce soit. (Équipe Les touristes ne se [trouvent] pas dans les lieux touristiques uniquement
MIT, 2002, p. 102)
modifiés :
En sociologie, l’étude des vacances et des pratiques touristiques ap- cheurs interrogent aussi la manière dont les touristes eux-mêmes sont
paraît comme un champ émergent : des travaux fondateurs ont déjà pu concernés (dans leur dimension physique ou humaine), certains cher-
rappeler l’histoire de la diffusion de ces pratiques dans la société française est souvent question de l’impact de l’activité touristique sur les espaces
et ont dressé les premières typologies de touristes (Viard, 1984, 2007) ; ment aux relations entre les hommes et les espaces : la géographie. S’il y
depuis, d’autres études se sont intéressées plus en profondeur à des ca- de la discipline des sciences humaines qui s’intéresse le plus explicite-
tégories de touristes (comme les vacanciers de classes populaires, Périer, Les vacances et le tourisme sont depuis longtemps un objet central
2000), à des acteurs économiques (à l’image du Club Méditerranée,
Réau, 2007) ou à des types de tourisme (tel le tourisme sexuel, Roux,
2011). Mais c’est dans le champ de la sociologie de l’habitat et du loge- Jennifer Bidet
ment que nous trouvons des outils conceptuels pour penser le rapport
aux espaces des vacances. Face à l’augmentation des mobilités de loisir
et au développement d’autres espaces de référence que le seul logement L’ESPACE COMME SUPPORT CONCRET DES IDENTITÉS
principal, des sociologues de l’habitat ont proposé de travailler sur des VACANCES AU BLED ET RAPPORTS AUX ORIGINES :
« systèmes résidentiels » ou sur la notion de « multirésidence », qui pren-
nent en compte le rôle joué dans la vie des individus par la « résidence
secondaire » :
L’augmentation du temps de loisir, de vacances et de retraite a permis de
développer un second espace de vie face à l’existence laborieuse, voire
de maintenir et développer les liens avec le lieu d’origine, d’identité pre-
mière, celui des siens. (Bonnin & Villanova, 1999, p. 5)

mière, celui des siens. (Bonnin & Villanova, 1999, p. 5)


de maintenir et développer les liens avec le lieu d’origine, d’identité pre-
développer un second espace de vie face à l’existence laborieuse, voire
L’augmentation du temps de loisir, de vacances et de retraite a permis de
secondaire » :
nent en compte le rôle joué dans la vie des individus par la « résidence
« systèmes résidentiels » ou sur la notion de « multirésidence », qui pren-
VACANCES AU BLED ET RAPPORTS AUX ORIGINES : principal, des sociologues de l’habitat ont proposé de travailler sur des
L’ESPACE COMME SUPPORT CONCRET DES IDENTITÉS et au développement d’autres espaces de référence que le seul logement
aux espaces des vacances. Face à l’augmentation des mobilités de loisir
ment que nous trouvons des outils conceptuels pour penser le rapport
Jennifer Bidet 2011). Mais c’est dans le champ de la sociologie de l’habitat et du loge-
Réau, 2007) ou à des types de tourisme (tel le tourisme sexuel, Roux,
2000), à des acteurs économiques (à l’image du Club Méditerranée,
Les vacances et le tourisme sont depuis longtemps un objet central tégories de touristes (comme les vacanciers de classes populaires, Périer,
de la discipline des sciences humaines qui s’intéresse le plus explicite- depuis, d’autres études se sont intéressées plus en profondeur à des ca-
ment aux relations entre les hommes et les espaces : la géographie. S’il y et ont dressé les premières typologies de touristes (Viard, 1984, 2007) ;
est souvent question de l’impact de l’activité touristique sur les espaces rappeler l’histoire de la diffusion de ces pratiques dans la société française
concernés (dans leur dimension physique ou humaine), certains cher- paraît comme un champ émergent : des travaux fondateurs ont déjà pu
cheurs interrogent aussi la manière dont les touristes eux-mêmes sont En sociologie, l’étude des vacances et des pratiques touristiques ap-
modifiés :
MIT, 2002, p. 102)
Les touristes ne se [trouvent] pas dans les lieux touristiques uniquement rapport au lieu qui est impliqué, de quelque ordre que ce soit. (Équipe
pour consommer, consumer les lieux, mais pour, à travers les lieux, se pratiques touristiques participent de l’habiter, car il y a nécessairement un
construire, se reconstruire, évoluer, se transformer [...]. Les touristes aussi habitent les lieux, pas seulement les résidents. On peut avancer que les
habitent les lieux, pas seulement les résidents. On peut avancer que les construire, se reconstruire, évoluer, se transformer [...]. Les touristes aussi
pratiques touristiques participent de l’habiter, car il y a nécessairement un pour consommer, consumer les lieux, mais pour, à travers les lieux, se
rapport au lieu qui est impliqué, de quelque ordre que ce soit. (Équipe Les touristes ne se [trouvent] pas dans les lieux touristiques uniquement
MIT, 2002, p. 102)
modifiés :
En sociologie, l’étude des vacances et des pratiques touristiques ap- cheurs interrogent aussi la manière dont les touristes eux-mêmes sont
paraît comme un champ émergent : des travaux fondateurs ont déjà pu concernés (dans leur dimension physique ou humaine), certains cher-
rappeler l’histoire de la diffusion de ces pratiques dans la société française est souvent question de l’impact de l’activité touristique sur les espaces
et ont dressé les premières typologies de touristes (Viard, 1984, 2007) ; ment aux relations entre les hommes et les espaces : la géographie. S’il y
depuis, d’autres études se sont intéressées plus en profondeur à des ca- de la discipline des sciences humaines qui s’intéresse le plus explicite-
tégories de touristes (comme les vacanciers de classes populaires, Périer, Les vacances et le tourisme sont depuis longtemps un objet central
2000), à des acteurs économiques (à l’image du Club Méditerranée,
Réau, 2007) ou à des types de tourisme (tel le tourisme sexuel, Roux,
2011). Mais c’est dans le champ de la sociologie de l’habitat et du loge- Jennifer Bidet
ment que nous trouvons des outils conceptuels pour penser le rapport
aux espaces des vacances. Face à l’augmentation des mobilités de loisir
et au développement d’autres espaces de référence que le seul logement L’ESPACE COMME SUPPORT CONCRET DES IDENTITÉS
principal, des sociologues de l’habitat ont proposé de travailler sur des VACANCES AU BLED ET RAPPORTS AUX ORIGINES :
« systèmes résidentiels » ou sur la notion de « multirésidence », qui pren-
nent en compte le rôle joué dans la vie des individus par la « résidence
secondaire » :
L’augmentation du temps de loisir, de vacances et de retraite a permis de
développer un second espace de vie face à l’existence laborieuse, voire
de maintenir et développer les liens avec le lieu d’origine, d’identité pre-
mière, celui des siens. (Bonnin & Villanova, 1999, p. 5)
et 2011).
partie à des récits de vie, sont complétés par des séjours d’observation (étés 2009, 2010
lieu de vacances en Algérie (n  = 19). Ces entretiens approfondis, qui s’apparentent en 34 Vacances au bled et rapports aux origines
ciers interrogés sur leur lieu de résidence en France (n  = 44) ou directement sur leur
tis pendant l’été  2008 (n  =  200) et surtout une enquête qualitative auprès de vacan-
Plus largement, c’est l’ensemble des lieux de vacances – même s’ils
dée sur un matériau combinant une enquête quantitative auprès de voyageurs par-
d’immigrés algériens installés en France à l’époque des trente glorieuses. Elle est fon-
1. Cette thèse porte sur les séjours de vacances en Algérie chez les descendants directs n’impliquent pas la propriété immobilière – qui vient enrichir la com-
préhension des rapports résidentiels des individus :

Outre le regroupement de la parenté dans les traditionnelles maisons de


vacances et de leur diversité sera alors l’occasion de montrer ce qu’elles famille, pendant les week-ends ou les vacances, on assiste à des phéno-
entre primarité et secondarité. L’analyse de ces manières d’habiter en mènes de transplantations familiales aussi bien dans les stations balnéaires
lier des vacances dans le pays d’origine modifie et enrichit l’articulation que dans les villages les plus reculés. (Bonvalet, 1991, p. 76)
étudiant les effets d’âge, de génération et de genre, que ce cas particu-
l’immigration et sociologie des rapports à l’espace. Nous verrons ici, en Dans l’un et l’autre cas, la référence centrale mobilisée est le couple
les rapports entretenus avec le pays d’origine, croisant ainsi sociologie de notionnel « primarité / secondarité » tel qu’il a été travaillé par Jean Remy.
dants d’immigrés algériens1, nous mobilisons ces concepts pour analyser En reprenant à Pierre Sansot la distinction entre espaces de primarité et
Dans le cadre de notre thèse sur les vacances en Algérie de descen- de secondarité (Sansot et al., 1978), il a cherché à théoriser la rupture
cances et à poser la question des identités sociales. introduite dans la vie quotidienne par les vacances et à montrer en quoi
une sociologie de l’habitat amène à s’intéresser à une sociologie des va- l’expérience touristique ou l’espace secondaire peuvent permettre à l’in-
quelqu’un d’autre, d’habiter un autre rôle. On aperçoit déjà comment dividu de s’affranchir des contraintes qui marquent les espaces de la vie
boliques de la vie sociale du quotidien. Elles lui offrent la possibilité d’être quotidienne :
s’affranchir momentanément des contraintes matérielles mais aussi sym-
Les vacances sont ainsi un espace-temps permettant à l’individu de Les espaces de primarité sont ceux où se réalisent les activités structurant
la vie quotidienne, tandis que ceux de la secondarité permettent d’être
distance au rôle, condition de réflexivité. (Remy, 1996, p. 142) ailleurs. Ces derniers espaces sont importants parce qu’ils concrétisent la
ailleurs. Ces derniers espaces sont importants parce qu’ils concrétisent la distance au rôle, condition de réflexivité. (Remy, 1996, p. 142)
la vie quotidienne, tandis que ceux de la secondarité permettent d’être
Les espaces de primarité sont ceux où se réalisent les activités structurant Les vacances sont ainsi un espace-temps permettant à l’individu de
s’affranchir momentanément des contraintes matérielles mais aussi sym-
quotidienne : boliques de la vie sociale du quotidien. Elles lui offrent la possibilité d’être
dividu de s’affranchir des contraintes qui marquent les espaces de la vie quelqu’un d’autre, d’habiter un autre rôle. On aperçoit déjà comment
l’expérience touristique ou l’espace secondaire peuvent permettre à l’in- une sociologie de l’habitat amène à s’intéresser à une sociologie des va-
introduite dans la vie quotidienne par les vacances et à montrer en quoi cances et à poser la question des identités sociales.
de secondarité (Sansot et al., 1978), il a cherché à théoriser la rupture Dans le cadre de notre thèse sur les vacances en Algérie de descen-
En reprenant à Pierre Sansot la distinction entre espaces de primarité et dants d’immigrés algériens1, nous mobilisons ces concepts pour analyser
notionnel « primarité / secondarité » tel qu’il a été travaillé par Jean Remy. les rapports entretenus avec le pays d’origine, croisant ainsi sociologie de
Dans l’un et l’autre cas, la référence centrale mobilisée est le couple l’immigration et sociologie des rapports à l’espace. Nous verrons ici, en
étudiant les effets d’âge, de génération et de genre, que ce cas particu-
que dans les villages les plus reculés. (Bonvalet, 1991, p. 76) lier des vacances dans le pays d’origine modifie et enrichit l’articulation
mènes de transplantations familiales aussi bien dans les stations balnéaires entre primarité et secondarité. L’analyse de ces manières d’habiter en
famille, pendant les week-ends ou les vacances, on assiste à des phéno- vacances et de leur diversité sera alors l’occasion de montrer ce qu’elles
Outre le regroupement de la parenté dans les traditionnelles maisons de

préhension des rapports résidentiels des individus :


n’impliquent pas la propriété immobilière – qui vient enrichir la com- 1. Cette thèse porte sur les séjours de vacances en Algérie chez les descendants directs
Plus largement, c’est l’ensemble des lieux de vacances – même s’ils d’immigrés algériens installés en France à l’époque des trente glorieuses. Elle est fon-
dée sur un matériau combinant une enquête quantitative auprès de voyageurs par-
tis pendant l’été  2008 (n  =  200) et surtout une enquête qualitative auprès de vacan-
ciers interrogés sur leur lieu de résidence en France (n  = 44) ou directement sur leur
Vacances au bled et rapports aux origines 34 lieu de vacances en Algérie (n  = 19). Ces entretiens approfondis, qui s’apparentent en
partie à des récits de vie, sont complétés par des séjours d’observation (étés 2009, 2010
et 2011).

et 2011).
partie à des récits de vie, sont complétés par des séjours d’observation (étés 2009, 2010
lieu de vacances en Algérie (n  = 19). Ces entretiens approfondis, qui s’apparentent en 34 Vacances au bled et rapports aux origines
ciers interrogés sur leur lieu de résidence en France (n  = 44) ou directement sur leur
tis pendant l’été  2008 (n  =  200) et surtout une enquête qualitative auprès de vacan-
Plus largement, c’est l’ensemble des lieux de vacances – même s’ils
dée sur un matériau combinant une enquête quantitative auprès de voyageurs par-
d’immigrés algériens installés en France à l’époque des trente glorieuses. Elle est fon-
1. Cette thèse porte sur les séjours de vacances en Algérie chez les descendants directs n’impliquent pas la propriété immobilière – qui vient enrichir la com-
préhension des rapports résidentiels des individus :

Outre le regroupement de la parenté dans les traditionnelles maisons de


vacances et de leur diversité sera alors l’occasion de montrer ce qu’elles famille, pendant les week-ends ou les vacances, on assiste à des phéno-
entre primarité et secondarité. L’analyse de ces manières d’habiter en mènes de transplantations familiales aussi bien dans les stations balnéaires
lier des vacances dans le pays d’origine modifie et enrichit l’articulation que dans les villages les plus reculés. (Bonvalet, 1991, p. 76)
étudiant les effets d’âge, de génération et de genre, que ce cas particu-
l’immigration et sociologie des rapports à l’espace. Nous verrons ici, en Dans l’un et l’autre cas, la référence centrale mobilisée est le couple
les rapports entretenus avec le pays d’origine, croisant ainsi sociologie de notionnel « primarité / secondarité » tel qu’il a été travaillé par Jean Remy.
dants d’immigrés algériens1, nous mobilisons ces concepts pour analyser En reprenant à Pierre Sansot la distinction entre espaces de primarité et
Dans le cadre de notre thèse sur les vacances en Algérie de descen- de secondarité (Sansot et al., 1978), il a cherché à théoriser la rupture
cances et à poser la question des identités sociales. introduite dans la vie quotidienne par les vacances et à montrer en quoi
une sociologie de l’habitat amène à s’intéresser à une sociologie des va- l’expérience touristique ou l’espace secondaire peuvent permettre à l’in-
quelqu’un d’autre, d’habiter un autre rôle. On aperçoit déjà comment dividu de s’affranchir des contraintes qui marquent les espaces de la vie
boliques de la vie sociale du quotidien. Elles lui offrent la possibilité d’être quotidienne :
s’affranchir momentanément des contraintes matérielles mais aussi sym-
Les vacances sont ainsi un espace-temps permettant à l’individu de Les espaces de primarité sont ceux où se réalisent les activités structurant
la vie quotidienne, tandis que ceux de la secondarité permettent d’être
distance au rôle, condition de réflexivité. (Remy, 1996, p. 142) ailleurs. Ces derniers espaces sont importants parce qu’ils concrétisent la
ailleurs. Ces derniers espaces sont importants parce qu’ils concrétisent la distance au rôle, condition de réflexivité. (Remy, 1996, p. 142)
la vie quotidienne, tandis que ceux de la secondarité permettent d’être
Les espaces de primarité sont ceux où se réalisent les activités structurant Les vacances sont ainsi un espace-temps permettant à l’individu de
s’affranchir momentanément des contraintes matérielles mais aussi sym-
quotidienne : boliques de la vie sociale du quotidien. Elles lui offrent la possibilité d’être
dividu de s’affranchir des contraintes qui marquent les espaces de la vie quelqu’un d’autre, d’habiter un autre rôle. On aperçoit déjà comment
l’expérience touristique ou l’espace secondaire peuvent permettre à l’in- une sociologie de l’habitat amène à s’intéresser à une sociologie des va-
introduite dans la vie quotidienne par les vacances et à montrer en quoi cances et à poser la question des identités sociales.
de secondarité (Sansot et al., 1978), il a cherché à théoriser la rupture Dans le cadre de notre thèse sur les vacances en Algérie de descen-
En reprenant à Pierre Sansot la distinction entre espaces de primarité et dants d’immigrés algériens1, nous mobilisons ces concepts pour analyser
notionnel « primarité / secondarité » tel qu’il a été travaillé par Jean Remy. les rapports entretenus avec le pays d’origine, croisant ainsi sociologie de
Dans l’un et l’autre cas, la référence centrale mobilisée est le couple l’immigration et sociologie des rapports à l’espace. Nous verrons ici, en
étudiant les effets d’âge, de génération et de genre, que ce cas particu-
que dans les villages les plus reculés. (Bonvalet, 1991, p. 76) lier des vacances dans le pays d’origine modifie et enrichit l’articulation
mènes de transplantations familiales aussi bien dans les stations balnéaires entre primarité et secondarité. L’analyse de ces manières d’habiter en
famille, pendant les week-ends ou les vacances, on assiste à des phéno- vacances et de leur diversité sera alors l’occasion de montrer ce qu’elles
Outre le regroupement de la parenté dans les traditionnelles maisons de

préhension des rapports résidentiels des individus :


n’impliquent pas la propriété immobilière – qui vient enrichir la com- 1. Cette thèse porte sur les séjours de vacances en Algérie chez les descendants directs
Plus largement, c’est l’ensemble des lieux de vacances – même s’ils d’immigrés algériens installés en France à l’époque des trente glorieuses. Elle est fon-
dée sur un matériau combinant une enquête quantitative auprès de voyageurs par-
tis pendant l’été  2008 (n  =  200) et surtout une enquête qualitative auprès de vacan-
ciers interrogés sur leur lieu de résidence en France (n  = 44) ou directement sur leur
Vacances au bled et rapports aux origines 34 lieu de vacances en Algérie (n  = 19). Ces entretiens approfondis, qui s’apparentent en
partie à des récits de vie, sont complétés par des séjours d’observation (étés 2009, 2010
et 2011).
secondaires de migrants portugais, marocains ou algériens (Bonnin & Villanova, 1999).
particulier plusieurs contributions de l’ouvrage D’une maison l’autre sur les résidences
Jennifer Bidet 35 4. Sur ce point, des travaux ont très directement nourri et confirmé notre analyse, en
pour être utilisé.
ou pas ? », montre que le terme origine n’a pas toujours à être accolé à l’adjectif algérienne
révèlent des rapports au pays d’origine, ici le « bled2 », et, plus largement, rencontrées. La question qui m’a été fréquemment posée : « Mais toi, t’as des origines
« aux origines3 ».
cision lexicale mais renvoient aux expressions ou catégories utilisées par les personnes
3. Dans l’ensemble du texte, les guillemets n’ont pas pour vocation de pallier une impré-
présents dans notre enquête.
UN JEU COMPLEXE ENTRE PRIMARITÉ ET SECONDARITÉ centre-ville de la ville habitée, dans des usages plus rares mais attestés. Tous ces sens sont
ensemble aussi bien qu’au petit village d’où les parents sont originaires, mais aussi au
Quand on pense au retour des migrants, l’image d’Épinal qui s’impose du mot est celui de « pays », il peut renvoyer, dans le langage courant, au pays dans son
d’abord est celle de l’émigré venant montrer, dans son village d’origine, le pays d’origine des personnes issues de l’immigration maghrébine. Si le premier sens
la réussite de son entreprise migratoire. Une certaine inversion des hié-
2. Nous employons délibérément le mot arabe bled pour l’imaginaire qu’il véhicule sur

rarchies socio-économiques se joue en effet à l’occasion de ces séjours.


Mais au-delà de cette traduction un peu simpliste de la grille « primarité / 
secondarité », le cas particulier des vacances au pays d’origine complexi- un autre statut social.
fie les rapports entre les deux notions, dès lors que les variations indivi- vacances, des Minguettes à Dallas, c’est en effet endosser temporairement
duelles dans le temps, entre les générations et selon le sexe sont prises en fromage », par contraste avec sa maison de Sétif. Passer, pour le temps des
compte4. l’impression, dans son appartement, de se retrouver dans une « boîte de
mentales. À son retour en France, elle m’expliqua à quel point elle avait
L’inversion des hiérarchies socio-économiques des styles architecturaux. Certaines maisons y sont en effet assez monu-
pendant toute la visite à remarquer la beauté des maisons et la recherche
Samia a 45 ans ; elle habite un logement social dans une commune tre, elle eut à cœur de me guider dans « son quartier », Dallas, et m’invita
de la banlieue populaire lyonnaise, plus précisément le quartier des deux étages avec toit en terrasse et cour intérieure. Lors de notre rencon-
Minguettes, avec ses trois enfants. Diplômée d’un BEP, elle est employée d’ancienneté. En Algérie, elle est propriétaire à Sétif d’une maison de
de saisie informatique et se plaint des cadences élevées qu’exige son tra- vail, en contrepartie d’un salaire qui n’augmente pas malgré vingt ans
vail, en contrepartie d’un salaire qui n’augmente pas malgré vingt ans de saisie informatique et se plaint des cadences élevées qu’exige son tra-
d’ancienneté. En Algérie, elle est propriétaire à Sétif d’une maison de Minguettes, avec ses trois enfants. Diplômée d’un BEP, elle est employée
deux étages avec toit en terrasse et cour intérieure. Lors de notre rencon- de la banlieue populaire lyonnaise, plus précisément le quartier des
tre, elle eut à cœur de me guider dans « son quartier », Dallas, et m’invita Samia a 45 ans ; elle habite un logement social dans une commune
pendant toute la visite à remarquer la beauté des maisons et la recherche
des styles architecturaux. Certaines maisons y sont en effet assez monu- L’inversion des hiérarchies socio-économiques
mentales. À son retour en France, elle m’expliqua à quel point elle avait
l’impression, dans son appartement, de se retrouver dans une « boîte de compte4.
fromage », par contraste avec sa maison de Sétif. Passer, pour le temps des duelles dans le temps, entre les générations et selon le sexe sont prises en
vacances, des Minguettes à Dallas, c’est en effet endosser temporairement fie les rapports entre les deux notions, dès lors que les variations indivi-
un autre statut social. secondarité », le cas particulier des vacances au pays d’origine complexi-
Mais au-delà de cette traduction un peu simpliste de la grille « primarité / 
rarchies socio-économiques se joue en effet à l’occasion de ces séjours.
la réussite de son entreprise migratoire. Une certaine inversion des hié-
2. Nous employons délibérément le mot arabe bled pour l’imaginaire qu’il véhicule sur
le pays d’origine des personnes issues de l’immigration maghrébine. Si le premier sens
d’abord est celle de l’émigré venant montrer, dans son village d’origine,
du mot est celui de « pays », il peut renvoyer, dans le langage courant, au pays dans son Quand on pense au retour des migrants, l’image d’Épinal qui s’impose
ensemble aussi bien qu’au petit village d’où les parents sont originaires, mais aussi au
centre-ville de la ville habitée, dans des usages plus rares mais attestés. Tous ces sens sont UN JEU COMPLEXE ENTRE PRIMARITÉ ET SECONDARITÉ
présents dans notre enquête.
3. Dans l’ensemble du texte, les guillemets n’ont pas pour vocation de pallier une impré- « aux origines3 ».
cision lexicale mais renvoient aux expressions ou catégories utilisées par les personnes
rencontrées. La question qui m’a été fréquemment posée : « Mais toi, t’as des origines
révèlent des rapports au pays d’origine, ici le « bled2 », et, plus largement,
ou pas ? », montre que le terme origine n’a pas toujours à être accolé à l’adjectif algérienne
pour être utilisé.
4. Sur ce point, des travaux ont très directement nourri et confirmé notre analyse, en 35 Jennifer Bidet
particulier plusieurs contributions de l’ouvrage D’une maison l’autre sur les résidences
secondaires de migrants portugais, marocains ou algériens (Bonnin & Villanova, 1999).

secondaires de migrants portugais, marocains ou algériens (Bonnin & Villanova, 1999).


particulier plusieurs contributions de l’ouvrage D’une maison l’autre sur les résidences
Jennifer Bidet 35 4. Sur ce point, des travaux ont très directement nourri et confirmé notre analyse, en
pour être utilisé.
ou pas ? », montre que le terme origine n’a pas toujours à être accolé à l’adjectif algérienne
révèlent des rapports au pays d’origine, ici le « bled2 », et, plus largement, rencontrées. La question qui m’a été fréquemment posée : « Mais toi, t’as des origines
« aux origines3 ».
cision lexicale mais renvoient aux expressions ou catégories utilisées par les personnes
3. Dans l’ensemble du texte, les guillemets n’ont pas pour vocation de pallier une impré-
présents dans notre enquête.
UN JEU COMPLEXE ENTRE PRIMARITÉ ET SECONDARITÉ centre-ville de la ville habitée, dans des usages plus rares mais attestés. Tous ces sens sont
ensemble aussi bien qu’au petit village d’où les parents sont originaires, mais aussi au
Quand on pense au retour des migrants, l’image d’Épinal qui s’impose du mot est celui de « pays », il peut renvoyer, dans le langage courant, au pays dans son
d’abord est celle de l’émigré venant montrer, dans son village d’origine, le pays d’origine des personnes issues de l’immigration maghrébine. Si le premier sens
la réussite de son entreprise migratoire. Une certaine inversion des hié-
2. Nous employons délibérément le mot arabe bled pour l’imaginaire qu’il véhicule sur

rarchies socio-économiques se joue en effet à l’occasion de ces séjours.


Mais au-delà de cette traduction un peu simpliste de la grille « primarité / 
secondarité », le cas particulier des vacances au pays d’origine complexi- un autre statut social.
fie les rapports entre les deux notions, dès lors que les variations indivi- vacances, des Minguettes à Dallas, c’est en effet endosser temporairement
duelles dans le temps, entre les générations et selon le sexe sont prises en fromage », par contraste avec sa maison de Sétif. Passer, pour le temps des
compte4. l’impression, dans son appartement, de se retrouver dans une « boîte de
mentales. À son retour en France, elle m’expliqua à quel point elle avait
L’inversion des hiérarchies socio-économiques des styles architecturaux. Certaines maisons y sont en effet assez monu-
pendant toute la visite à remarquer la beauté des maisons et la recherche
Samia a 45 ans ; elle habite un logement social dans une commune tre, elle eut à cœur de me guider dans « son quartier », Dallas, et m’invita
de la banlieue populaire lyonnaise, plus précisément le quartier des deux étages avec toit en terrasse et cour intérieure. Lors de notre rencon-
Minguettes, avec ses trois enfants. Diplômée d’un BEP, elle est employée d’ancienneté. En Algérie, elle est propriétaire à Sétif d’une maison de
de saisie informatique et se plaint des cadences élevées qu’exige son tra- vail, en contrepartie d’un salaire qui n’augmente pas malgré vingt ans
vail, en contrepartie d’un salaire qui n’augmente pas malgré vingt ans de saisie informatique et se plaint des cadences élevées qu’exige son tra-
d’ancienneté. En Algérie, elle est propriétaire à Sétif d’une maison de Minguettes, avec ses trois enfants. Diplômée d’un BEP, elle est employée
deux étages avec toit en terrasse et cour intérieure. Lors de notre rencon- de la banlieue populaire lyonnaise, plus précisément le quartier des
tre, elle eut à cœur de me guider dans « son quartier », Dallas, et m’invita Samia a 45 ans ; elle habite un logement social dans une commune
pendant toute la visite à remarquer la beauté des maisons et la recherche
des styles architecturaux. Certaines maisons y sont en effet assez monu- L’inversion des hiérarchies socio-économiques
mentales. À son retour en France, elle m’expliqua à quel point elle avait
l’impression, dans son appartement, de se retrouver dans une « boîte de compte4.
fromage », par contraste avec sa maison de Sétif. Passer, pour le temps des duelles dans le temps, entre les générations et selon le sexe sont prises en
vacances, des Minguettes à Dallas, c’est en effet endosser temporairement fie les rapports entre les deux notions, dès lors que les variations indivi-
un autre statut social. secondarité », le cas particulier des vacances au pays d’origine complexi-
Mais au-delà de cette traduction un peu simpliste de la grille « primarité / 
rarchies socio-économiques se joue en effet à l’occasion de ces séjours.
la réussite de son entreprise migratoire. Une certaine inversion des hié-
2. Nous employons délibérément le mot arabe bled pour l’imaginaire qu’il véhicule sur
le pays d’origine des personnes issues de l’immigration maghrébine. Si le premier sens
d’abord est celle de l’émigré venant montrer, dans son village d’origine,
du mot est celui de « pays », il peut renvoyer, dans le langage courant, au pays dans son Quand on pense au retour des migrants, l’image d’Épinal qui s’impose
ensemble aussi bien qu’au petit village d’où les parents sont originaires, mais aussi au
centre-ville de la ville habitée, dans des usages plus rares mais attestés. Tous ces sens sont UN JEU COMPLEXE ENTRE PRIMARITÉ ET SECONDARITÉ
présents dans notre enquête.
3. Dans l’ensemble du texte, les guillemets n’ont pas pour vocation de pallier une impré- « aux origines3 ».
cision lexicale mais renvoient aux expressions ou catégories utilisées par les personnes
rencontrées. La question qui m’a été fréquemment posée : « Mais toi, t’as des origines
révèlent des rapports au pays d’origine, ici le « bled2 », et, plus largement,
ou pas ? », montre que le terme origine n’a pas toujours à être accolé à l’adjectif algérienne
pour être utilisé.
4. Sur ce point, des travaux ont très directement nourri et confirmé notre analyse, en 35 Jennifer Bidet
particulier plusieurs contributions de l’ouvrage D’une maison l’autre sur les résidences
secondaires de migrants portugais, marocains ou algériens (Bonnin & Villanova, 1999).
demeure-t-il pour autant un espace de primarité, c’est-à-dire à la fois
Espace premier dans la biographie des migrants, le pays d’origine 36 Vacances au bled et rapports aux origines

L’évolution du statut de la maison du bled


Pour Farès, 16 ans, habitant une autre cité de la banlieue lyonnaise
primarité et secondarité ? et étudiant dans un lycée professionnel, les qualités de l’Algérie comme
vacanciers amène-t-elle à repenser et à complexifier l’articulation entre lieu de vacances sont incontestables, mais elles se résument essentielle-
des contrôles, des contraintes, des normes : en quoi la spécificité de ces ment aux avantages accordés par le différentiel de niveau de vie avec la
Jean Remy définit précisément la secondarité comme un relâchement France :
sont davantage soumis aux contraintes normatives de la société visitée.
tes au sein de ces espaces (surtout des relations familiales), nos vacanciers C’est l’ambiance, le climat, je sais pas, ça change d’ici [la France], c’est
et revêt donc un sens particulier. Insérés dans des relations sociales for- vraiment pas la même chose ! Il fait chaud, c’est pas cher ! Tout est acces-
le pays d’origine est premier, du moins au sens chronologique du terme, sible ! Il y a beaucoup ça qui joue. Et après, du moment que t’as l’argent,
espaces. Plus qu’un simple espace de vacances, pour les primo-migrants, tu passes de bonnes vacances ! [...] Cet été, des fois on se donnait rendez-
vous à 1 heure, 2 heures de l’après-midi, on en avait marre, on prenait un
taxi, on allait à Bejaia [sur la côte] ! Voilà, c’est des choses qu’on pourrait
cité de la population de notre étude joue sur l’articulation des différents
pas se permettre en France. Appeler un taxi, « j’vais à Marseille ». C’est la
celui de son pays de résidence –, il faut aussi penser comment la spécifi-
touriste voyageant dans un pays où le niveau de vie est moins élevé que vie de rêve un peu là-bas !
inversion des hiérarchies socio-économiques – qui peut concerner tout
les hiérarchies socio-économiques et symboliques. Mais au-delà de cette Plus encore que l’inversion des hiérarchies économiques, c’est celle
quelqu’un d’autre et de modifier la place généralement occupée dans des hiérarchies sociales qui fait de l’Algérie une destination appréciée par
Dans ces deux cas, l’espace-temps des vacances permet d’être Farès :

Ça change de la France, hein ?! C’est pas comme en France ! Moi et mes copains, on va aller en ville, on
il pourrait rentrer ! Moi, pour vous dire, j’vais en claquettes aux soirées ! va être mal vus par les policiers, par les gens et tout, alors que là-bas, on
ici : ils demandent pas les pièces d’identité. Là-bas, un enfant de 10 ans, peut y aller, on sera pareils que les autres. [...] Les soirées, c’est pas comme
peut y aller, on sera pareils que les autres. [...] Les soirées, c’est pas comme ici : ils demandent pas les pièces d’identité. Là-bas, un enfant de 10 ans,
va être mal vus par les policiers, par les gens et tout, alors que là-bas, on il pourrait rentrer ! Moi, pour vous dire, j’vais en claquettes aux soirées !
C’est pas comme en France ! Moi et mes copains, on va aller en ville, on Ça change de la France, hein ?!

Farès : Dans ces deux cas, l’espace-temps des vacances permet d’être
des hiérarchies sociales qui fait de l’Algérie une destination appréciée par quelqu’un d’autre et de modifier la place généralement occupée dans
Plus encore que l’inversion des hiérarchies économiques, c’est celle les hiérarchies socio-économiques et symboliques. Mais au-delà de cette
inversion des hiérarchies socio-économiques – qui peut concerner tout
vie de rêve un peu là-bas ! touriste voyageant dans un pays où le niveau de vie est moins élevé que
pas se permettre en France. Appeler un taxi, « j’vais à Marseille ». C’est la
celui de son pays de résidence –, il faut aussi penser comment la spécifi-
cité de la population de notre étude joue sur l’articulation des différents
taxi, on allait à Bejaia [sur la côte] ! Voilà, c’est des choses qu’on pourrait
espaces. Plus qu’un simple espace de vacances, pour les primo-migrants,
vous à 1 heure, 2 heures de l’après-midi, on en avait marre, on prenait un
tu passes de bonnes vacances ! [...] Cet été, des fois on se donnait rendez-
sible ! Il y a beaucoup ça qui joue. Et après, du moment que t’as l’argent, le pays d’origine est premier, du moins au sens chronologique du terme,
vraiment pas la même chose ! Il fait chaud, c’est pas cher ! Tout est acces- et revêt donc un sens particulier. Insérés dans des relations sociales for-
C’est l’ambiance, le climat, je sais pas, ça change d’ici [la France], c’est tes au sein de ces espaces (surtout des relations familiales), nos vacanciers
sont davantage soumis aux contraintes normatives de la société visitée.
France : Jean Remy définit précisément la secondarité comme un relâchement
ment aux avantages accordés par le différentiel de niveau de vie avec la des contrôles, des contraintes, des normes : en quoi la spécificité de ces
lieu de vacances sont incontestables, mais elles se résument essentielle- vacanciers amène-t-elle à repenser et à complexifier l’articulation entre
et étudiant dans un lycée professionnel, les qualités de l’Algérie comme primarité et secondarité ?
Pour Farès, 16 ans, habitant une autre cité de la banlieue lyonnaise
L’évolution du statut de la maison du bled
Vacances au bled et rapports aux origines 36 Espace premier dans la biographie des migrants, le pays d’origine
demeure-t-il pour autant un espace de primarité, c’est-à-dire à la fois

demeure-t-il pour autant un espace de primarité, c’est-à-dire à la fois


Espace premier dans la biographie des migrants, le pays d’origine 36 Vacances au bled et rapports aux origines

L’évolution du statut de la maison du bled


Pour Farès, 16 ans, habitant une autre cité de la banlieue lyonnaise
primarité et secondarité ? et étudiant dans un lycée professionnel, les qualités de l’Algérie comme
vacanciers amène-t-elle à repenser et à complexifier l’articulation entre lieu de vacances sont incontestables, mais elles se résument essentielle-
des contrôles, des contraintes, des normes : en quoi la spécificité de ces ment aux avantages accordés par le différentiel de niveau de vie avec la
Jean Remy définit précisément la secondarité comme un relâchement France :
sont davantage soumis aux contraintes normatives de la société visitée.
tes au sein de ces espaces (surtout des relations familiales), nos vacanciers C’est l’ambiance, le climat, je sais pas, ça change d’ici [la France], c’est
et revêt donc un sens particulier. Insérés dans des relations sociales for- vraiment pas la même chose ! Il fait chaud, c’est pas cher ! Tout est acces-
le pays d’origine est premier, du moins au sens chronologique du terme, sible ! Il y a beaucoup ça qui joue. Et après, du moment que t’as l’argent,
espaces. Plus qu’un simple espace de vacances, pour les primo-migrants, tu passes de bonnes vacances ! [...] Cet été, des fois on se donnait rendez-
vous à 1 heure, 2 heures de l’après-midi, on en avait marre, on prenait un
taxi, on allait à Bejaia [sur la côte] ! Voilà, c’est des choses qu’on pourrait
cité de la population de notre étude joue sur l’articulation des différents
pas se permettre en France. Appeler un taxi, « j’vais à Marseille ». C’est la
celui de son pays de résidence –, il faut aussi penser comment la spécifi-
touriste voyageant dans un pays où le niveau de vie est moins élevé que vie de rêve un peu là-bas !
inversion des hiérarchies socio-économiques – qui peut concerner tout
les hiérarchies socio-économiques et symboliques. Mais au-delà de cette Plus encore que l’inversion des hiérarchies économiques, c’est celle
quelqu’un d’autre et de modifier la place généralement occupée dans des hiérarchies sociales qui fait de l’Algérie une destination appréciée par
Dans ces deux cas, l’espace-temps des vacances permet d’être Farès :

Ça change de la France, hein ?! C’est pas comme en France ! Moi et mes copains, on va aller en ville, on
il pourrait rentrer ! Moi, pour vous dire, j’vais en claquettes aux soirées ! va être mal vus par les policiers, par les gens et tout, alors que là-bas, on
ici : ils demandent pas les pièces d’identité. Là-bas, un enfant de 10 ans, peut y aller, on sera pareils que les autres. [...] Les soirées, c’est pas comme
peut y aller, on sera pareils que les autres. [...] Les soirées, c’est pas comme ici : ils demandent pas les pièces d’identité. Là-bas, un enfant de 10 ans,
va être mal vus par les policiers, par les gens et tout, alors que là-bas, on il pourrait rentrer ! Moi, pour vous dire, j’vais en claquettes aux soirées !
C’est pas comme en France ! Moi et mes copains, on va aller en ville, on Ça change de la France, hein ?!

Farès : Dans ces deux cas, l’espace-temps des vacances permet d’être
des hiérarchies sociales qui fait de l’Algérie une destination appréciée par quelqu’un d’autre et de modifier la place généralement occupée dans
Plus encore que l’inversion des hiérarchies économiques, c’est celle les hiérarchies socio-économiques et symboliques. Mais au-delà de cette
inversion des hiérarchies socio-économiques – qui peut concerner tout
vie de rêve un peu là-bas ! touriste voyageant dans un pays où le niveau de vie est moins élevé que
pas se permettre en France. Appeler un taxi, « j’vais à Marseille ». C’est la
celui de son pays de résidence –, il faut aussi penser comment la spécifi-
cité de la population de notre étude joue sur l’articulation des différents
taxi, on allait à Bejaia [sur la côte] ! Voilà, c’est des choses qu’on pourrait
espaces. Plus qu’un simple espace de vacances, pour les primo-migrants,
vous à 1 heure, 2 heures de l’après-midi, on en avait marre, on prenait un
tu passes de bonnes vacances ! [...] Cet été, des fois on se donnait rendez-
sible ! Il y a beaucoup ça qui joue. Et après, du moment que t’as l’argent, le pays d’origine est premier, du moins au sens chronologique du terme,
vraiment pas la même chose ! Il fait chaud, c’est pas cher ! Tout est acces- et revêt donc un sens particulier. Insérés dans des relations sociales for-
C’est l’ambiance, le climat, je sais pas, ça change d’ici [la France], c’est tes au sein de ces espaces (surtout des relations familiales), nos vacanciers
sont davantage soumis aux contraintes normatives de la société visitée.
France : Jean Remy définit précisément la secondarité comme un relâchement
ment aux avantages accordés par le différentiel de niveau de vie avec la des contrôles, des contraintes, des normes : en quoi la spécificité de ces
lieu de vacances sont incontestables, mais elles se résument essentielle- vacanciers amène-t-elle à repenser et à complexifier l’articulation entre
et étudiant dans un lycée professionnel, les qualités de l’Algérie comme primarité et secondarité ?
Pour Farès, 16 ans, habitant une autre cité de la banlieue lyonnaise
L’évolution du statut de la maison du bled
Vacances au bled et rapports aux origines 36 Espace premier dans la biographie des migrants, le pays d’origine
demeure-t-il pour autant un espace de primarité, c’est-à-dire à la fois
on comprend d’autant mieux que ce pays d’origine puisse avoir un sens
Jennifer Bidet 37 faiblir pour les primo-migrants au fil de leur sédentarisation en France,
Si l’on comprend que le rôle structurant du pays d’origine peut s’af-

un espace fortement investi en terme de présence physique et fortement truc immense qui sert à rien, on aurait pas dû faire comme ça. »
structurant dans la définition des rôles sociaux de l’individu ? elle sert à rien cette grande maison [...]. Mon père il dit toujours : « Ce
De manière générale, l’évolution du calendrier des retours, dans l’his- regrette parce j’aurais dû faire comme eux quoi », parce que maintenant
toire de l’immigration algérienne, montre que le statut du pays d’ori- en bas, comme les voisins ont fait [...]. Et mon père il dit souvent : « Je
gine, pour les primo-migrants, change progressivement. D’abord défini lez, mon père il a pas été intelligent du tout. Il aurait dû faire des garages
en fonction des rythmes de l’agriculture dans le pays d’émigration, ce seraient à la retraite, et c’est pas du tout ce qui se passe [...]. Si vous vou-
calendrier a fini par être soumis au rythme de la production industrielle Et mes parents, ils ont toujours dit qu’ils allaient y habiter une fois qu’ils
(et des congés payés) dans le pays d’immigration :
regrets de son père quant à la conception de leur maison en Algérie :
Les séjours [en France] sont allés en s’allongeant jusqu’à devenir quasi l’idée du retour. Ainsi, Nadia (37 ans, BEP, sans activité, mariée), relate les
permanents, entrecoupés seulement de brèves périodes, celles des congés construction de grandes et somptueuses maisons) encore guidés par
annuels. Corrélativement, les retours au pays, assujettis désormais au ca- juger négativement certains partis pris (notamment architecturaux  : la
lendrier de l’activité industrielle, se font de plus en plus régulièrement Les enfants nés en France ont conscience de ce revirement et peuvent
et fréquemment au moment des vacances et pour la durée des vacances.
(Sayad, 1977, p. 74-75) force des choses !
retour au pays. Maintenant c’est la maison secondaire de vacances, par la
Cette transformation du pays d’origine en espace secondaire peut Moi ici c’est ma maison secondaire, qui était censée être la maison de
aussi avoir lieu à l’échelle de la vie d’un migrant : alors qu’à son départ
d’Algérie, l’émigré voit son installation en France comme nécessaire- gement de statut de cette résidence :
ment provisoire, petit à petit le retour définitif dans le pays d’origine lui m’avoue, alors que j’interroge sa fille dans leur maison de Sétif, le chan-
semble de moins en moins envisageable. Ainsi, le père de Djamila (37 ans, titulaire d’un BTS action commerciale, assistante commerciale, mariée)
titulaire d’un BTS action commerciale, assistante commerciale, mariée) semble de moins en moins envisageable. Ainsi, le père de Djamila (37 ans,
m’avoue, alors que j’interroge sa fille dans leur maison de Sétif, le chan- ment provisoire, petit à petit le retour définitif dans le pays d’origine lui
gement de statut de cette résidence : d’Algérie, l’émigré voit son installation en France comme nécessaire-
aussi avoir lieu à l’échelle de la vie d’un migrant : alors qu’à son départ
Moi ici c’est ma maison secondaire, qui était censée être la maison de Cette transformation du pays d’origine en espace secondaire peut
retour au pays. Maintenant c’est la maison secondaire de vacances, par la
force des choses ! (Sayad, 1977, p. 74-75)
et fréquemment au moment des vacances et pour la durée des vacances.
Les enfants nés en France ont conscience de ce revirement et peuvent lendrier de l’activité industrielle, se font de plus en plus régulièrement
juger négativement certains partis pris (notamment architecturaux  : la annuels. Corrélativement, les retours au pays, assujettis désormais au ca-
construction de grandes et somptueuses maisons) encore guidés par permanents, entrecoupés seulement de brèves périodes, celles des congés
l’idée du retour. Ainsi, Nadia (37 ans, BEP, sans activité, mariée), relate les Les séjours [en France] sont allés en s’allongeant jusqu’à devenir quasi
regrets de son père quant à la conception de leur maison en Algérie :
(et des congés payés) dans le pays d’immigration :
Et mes parents, ils ont toujours dit qu’ils allaient y habiter une fois qu’ils calendrier a fini par être soumis au rythme de la production industrielle
seraient à la retraite, et c’est pas du tout ce qui se passe [...]. Si vous vou- en fonction des rythmes de l’agriculture dans le pays d’émigration, ce
lez, mon père il a pas été intelligent du tout. Il aurait dû faire des garages gine, pour les primo-migrants, change progressivement. D’abord défini
en bas, comme les voisins ont fait [...]. Et mon père il dit souvent : « Je toire de l’immigration algérienne, montre que le statut du pays d’ori-
regrette parce j’aurais dû faire comme eux quoi », parce que maintenant De manière générale, l’évolution du calendrier des retours, dans l’his-
elle sert à rien cette grande maison [...]. Mon père il dit toujours : « Ce structurant dans la définition des rôles sociaux de l’individu ?
truc immense qui sert à rien, on aurait pas dû faire comme ça. » un espace fortement investi en terme de présence physique et fortement

Si l’on comprend que le rôle structurant du pays d’origine peut s’af-


faiblir pour les primo-migrants au fil de leur sédentarisation en France, 37 Jennifer Bidet
on comprend d’autant mieux que ce pays d’origine puisse avoir un sens

on comprend d’autant mieux que ce pays d’origine puisse avoir un sens


Jennifer Bidet 37 faiblir pour les primo-migrants au fil de leur sédentarisation en France,
Si l’on comprend que le rôle structurant du pays d’origine peut s’af-

un espace fortement investi en terme de présence physique et fortement truc immense qui sert à rien, on aurait pas dû faire comme ça. »
structurant dans la définition des rôles sociaux de l’individu ? elle sert à rien cette grande maison [...]. Mon père il dit toujours : « Ce
De manière générale, l’évolution du calendrier des retours, dans l’his- regrette parce j’aurais dû faire comme eux quoi », parce que maintenant
toire de l’immigration algérienne, montre que le statut du pays d’ori- en bas, comme les voisins ont fait [...]. Et mon père il dit souvent : « Je
gine, pour les primo-migrants, change progressivement. D’abord défini lez, mon père il a pas été intelligent du tout. Il aurait dû faire des garages
en fonction des rythmes de l’agriculture dans le pays d’émigration, ce seraient à la retraite, et c’est pas du tout ce qui se passe [...]. Si vous vou-
calendrier a fini par être soumis au rythme de la production industrielle Et mes parents, ils ont toujours dit qu’ils allaient y habiter une fois qu’ils
(et des congés payés) dans le pays d’immigration :
regrets de son père quant à la conception de leur maison en Algérie :
Les séjours [en France] sont allés en s’allongeant jusqu’à devenir quasi l’idée du retour. Ainsi, Nadia (37 ans, BEP, sans activité, mariée), relate les
permanents, entrecoupés seulement de brèves périodes, celles des congés construction de grandes et somptueuses maisons) encore guidés par
annuels. Corrélativement, les retours au pays, assujettis désormais au ca- juger négativement certains partis pris (notamment architecturaux  : la
lendrier de l’activité industrielle, se font de plus en plus régulièrement Les enfants nés en France ont conscience de ce revirement et peuvent
et fréquemment au moment des vacances et pour la durée des vacances.
(Sayad, 1977, p. 74-75) force des choses !
retour au pays. Maintenant c’est la maison secondaire de vacances, par la
Cette transformation du pays d’origine en espace secondaire peut Moi ici c’est ma maison secondaire, qui était censée être la maison de
aussi avoir lieu à l’échelle de la vie d’un migrant : alors qu’à son départ
d’Algérie, l’émigré voit son installation en France comme nécessaire- gement de statut de cette résidence :
ment provisoire, petit à petit le retour définitif dans le pays d’origine lui m’avoue, alors que j’interroge sa fille dans leur maison de Sétif, le chan-
semble de moins en moins envisageable. Ainsi, le père de Djamila (37 ans, titulaire d’un BTS action commerciale, assistante commerciale, mariée)
titulaire d’un BTS action commerciale, assistante commerciale, mariée) semble de moins en moins envisageable. Ainsi, le père de Djamila (37 ans,
m’avoue, alors que j’interroge sa fille dans leur maison de Sétif, le chan- ment provisoire, petit à petit le retour définitif dans le pays d’origine lui
gement de statut de cette résidence : d’Algérie, l’émigré voit son installation en France comme nécessaire-
aussi avoir lieu à l’échelle de la vie d’un migrant : alors qu’à son départ
Moi ici c’est ma maison secondaire, qui était censée être la maison de Cette transformation du pays d’origine en espace secondaire peut
retour au pays. Maintenant c’est la maison secondaire de vacances, par la
force des choses ! (Sayad, 1977, p. 74-75)
et fréquemment au moment des vacances et pour la durée des vacances.
Les enfants nés en France ont conscience de ce revirement et peuvent lendrier de l’activité industrielle, se font de plus en plus régulièrement
juger négativement certains partis pris (notamment architecturaux  : la annuels. Corrélativement, les retours au pays, assujettis désormais au ca-
construction de grandes et somptueuses maisons) encore guidés par permanents, entrecoupés seulement de brèves périodes, celles des congés
l’idée du retour. Ainsi, Nadia (37 ans, BEP, sans activité, mariée), relate les Les séjours [en France] sont allés en s’allongeant jusqu’à devenir quasi
regrets de son père quant à la conception de leur maison en Algérie :
(et des congés payés) dans le pays d’immigration :
Et mes parents, ils ont toujours dit qu’ils allaient y habiter une fois qu’ils calendrier a fini par être soumis au rythme de la production industrielle
seraient à la retraite, et c’est pas du tout ce qui se passe [...]. Si vous vou- en fonction des rythmes de l’agriculture dans le pays d’émigration, ce
lez, mon père il a pas été intelligent du tout. Il aurait dû faire des garages gine, pour les primo-migrants, change progressivement. D’abord défini
en bas, comme les voisins ont fait [...]. Et mon père il dit souvent : « Je toire de l’immigration algérienne, montre que le statut du pays d’ori-
regrette parce j’aurais dû faire comme eux quoi », parce que maintenant De manière générale, l’évolution du calendrier des retours, dans l’his-
elle sert à rien cette grande maison [...]. Mon père il dit toujours : « Ce structurant dans la définition des rôles sociaux de l’individu ?
truc immense qui sert à rien, on aurait pas dû faire comme ça. » un espace fortement investi en terme de présence physique et fortement

Si l’on comprend que le rôle structurant du pays d’origine peut s’af-


faiblir pour les primo-migrants au fil de leur sédentarisation en France, 37 Jennifer Bidet
on comprend d’autant mieux que ce pays d’origine puisse avoir un sens
qu’elle n’a pas pu partir en Tunisie, en 2009, parce que son petit frère
tit ami en France. Ainsi, Dounia (27 ans, infirmière, célibataire) raconte 38 Vacances au bled et rapports aux origines
certaines jeunes filles, loin du contrôle d’un père, d’un frère ou d’un pe-
séjours, le bled est parfois présenté comme un espace de liberté pour
Enfin, pour complexifier encore la lecture qu’on peut faire de ces encore différent pour les enfants de migrants nés ou ayant grandi en France.
La maison en Algérie est pour eux un lieu de vacances d’où ils rayonnent
comme ça. pour allier visites familiales et tourisme balnéaire, et leurs investissements
filles et garçons, ici aussi [en France]. Parce que mes parents ont été élevés immobiliers restent en priorité basés en France.
vés : c’étaient les mêmes règles. Il y avait toujours une différence entre
Très petites, les filles étaient à la maison ! [...] Nos parents nous ont éle- Lieu de liberté ou de contrainte ? Le genre comme élément perturbateur
et garçons ! C’est vrai ! C’est radical ! Il y avait pas d’activités communes !
Des contraintes spécifiques peuvent aussi concerner certaines catégo-
Surtout en Algérie, dès que t’arrives, tu vois bien la différence entre filles
ries de notre population plus que d’autres : ainsi en va-t-il des normes qui
(43 ans, bac + 3, fonctionnaire catégorie A, marié) à propos de ses sœurs : s’appliquent différemment aux hommes et aux femmes, notamment dans
normes parentales d’éducation en France, ainsi que le souligne Abdel la division sexuée de l’espace. Ce qui est vrai pour les primo-migrantes
pas nécessairement vécue comme un choc, car elle prolonge parfois les est encore plus frappant pour les jeunes filles nées en France et habituées
Pourtant, cette différenciation sexuée des niveaux de contrainte n’est à d’autres normes. Djamila (37 ans, BTS, assistante commerciale, mariée)
elles ont souvent une connaissance plus limitée du pays. raconte le choc ressenti quand, au détour de ses 12 ans, elle a vu disparaî-
villes. Chez les femmes, une telle maîtrise est beaucoup moins courante, tre des espaces publics du quartier ses copines algériennes de vacances :
algérien leur a permis d’aller à la plage entre amis ou de visiter d’autres
content comment l’élargissement progressif de leur maîtrise du territoire Une année ça nous a fait un choc : on est rentrées, on est allées en va-
tiques des garçons et celles des filles : nombreux sont les hommes qui ra- cances, et on s’est tournées un petit peu et toutes les copines qu’on avait,
passage de l’adolescence à l’âge adulte marque une frontière entre les pra- on les voyait plus dehors. Et on nous expliquait que maintenant on était
Dans les récits de vacances des uns et des autres, il est très net que le grandes et qu’on pouvait pas forcément... on rentrait toutes un petit peu
dans le même moule.
dans le même moule.
grandes et qu’on pouvait pas forcément... on rentrait toutes un petit peu Dans les récits de vacances des uns et des autres, il est très net que le
on les voyait plus dehors. Et on nous expliquait que maintenant on était passage de l’adolescence à l’âge adulte marque une frontière entre les pra-
cances, et on s’est tournées un petit peu et toutes les copines qu’on avait, tiques des garçons et celles des filles : nombreux sont les hommes qui ra-
Une année ça nous a fait un choc : on est rentrées, on est allées en va- content comment l’élargissement progressif de leur maîtrise du territoire
algérien leur a permis d’aller à la plage entre amis ou de visiter d’autres
tre des espaces publics du quartier ses copines algériennes de vacances : villes. Chez les femmes, une telle maîtrise est beaucoup moins courante,
raconte le choc ressenti quand, au détour de ses 12 ans, elle a vu disparaî- elles ont souvent une connaissance plus limitée du pays.
à d’autres normes. Djamila (37 ans, BTS, assistante commerciale, mariée) Pourtant, cette différenciation sexuée des niveaux de contrainte n’est
est encore plus frappant pour les jeunes filles nées en France et habituées pas nécessairement vécue comme un choc, car elle prolonge parfois les
la division sexuée de l’espace. Ce qui est vrai pour les primo-migrantes normes parentales d’éducation en France, ainsi que le souligne Abdel
s’appliquent différemment aux hommes et aux femmes, notamment dans (43 ans, bac + 3, fonctionnaire catégorie A, marié) à propos de ses sœurs :
ries de notre population plus que d’autres : ainsi en va-t-il des normes qui
Surtout en Algérie, dès que t’arrives, tu vois bien la différence entre filles
Des contraintes spécifiques peuvent aussi concerner certaines catégo-
et garçons ! C’est vrai ! C’est radical ! Il y avait pas d’activités communes !
Lieu de liberté ou de contrainte ? Le genre comme élément perturbateur Très petites, les filles étaient à la maison ! [...] Nos parents nous ont éle-
vés : c’étaient les mêmes règles. Il y avait toujours une différence entre
immobiliers restent en priorité basés en France. filles et garçons, ici aussi [en France]. Parce que mes parents ont été élevés
pour allier visites familiales et tourisme balnéaire, et leurs investissements comme ça.
La maison en Algérie est pour eux un lieu de vacances d’où ils rayonnent
encore différent pour les enfants de migrants nés ou ayant grandi en France. Enfin, pour complexifier encore la lecture qu’on peut faire de ces
séjours, le bled est parfois présenté comme un espace de liberté pour
certaines jeunes filles, loin du contrôle d’un père, d’un frère ou d’un pe-
Vacances au bled et rapports aux origines 38 tit ami en France. Ainsi, Dounia (27 ans, infirmière, célibataire) raconte
qu’elle n’a pas pu partir en Tunisie, en 2009, parce que son petit frère

qu’elle n’a pas pu partir en Tunisie, en 2009, parce que son petit frère
tit ami en France. Ainsi, Dounia (27 ans, infirmière, célibataire) raconte 38 Vacances au bled et rapports aux origines
certaines jeunes filles, loin du contrôle d’un père, d’un frère ou d’un pe-
séjours, le bled est parfois présenté comme un espace de liberté pour
Enfin, pour complexifier encore la lecture qu’on peut faire de ces encore différent pour les enfants de migrants nés ou ayant grandi en France.
La maison en Algérie est pour eux un lieu de vacances d’où ils rayonnent
comme ça. pour allier visites familiales et tourisme balnéaire, et leurs investissements
filles et garçons, ici aussi [en France]. Parce que mes parents ont été élevés immobiliers restent en priorité basés en France.
vés : c’étaient les mêmes règles. Il y avait toujours une différence entre
Très petites, les filles étaient à la maison ! [...] Nos parents nous ont éle- Lieu de liberté ou de contrainte ? Le genre comme élément perturbateur
et garçons ! C’est vrai ! C’est radical ! Il y avait pas d’activités communes !
Des contraintes spécifiques peuvent aussi concerner certaines catégo-
Surtout en Algérie, dès que t’arrives, tu vois bien la différence entre filles
ries de notre population plus que d’autres : ainsi en va-t-il des normes qui
(43 ans, bac + 3, fonctionnaire catégorie A, marié) à propos de ses sœurs : s’appliquent différemment aux hommes et aux femmes, notamment dans
normes parentales d’éducation en France, ainsi que le souligne Abdel la division sexuée de l’espace. Ce qui est vrai pour les primo-migrantes
pas nécessairement vécue comme un choc, car elle prolonge parfois les est encore plus frappant pour les jeunes filles nées en France et habituées
Pourtant, cette différenciation sexuée des niveaux de contrainte n’est à d’autres normes. Djamila (37 ans, BTS, assistante commerciale, mariée)
elles ont souvent une connaissance plus limitée du pays. raconte le choc ressenti quand, au détour de ses 12 ans, elle a vu disparaî-
villes. Chez les femmes, une telle maîtrise est beaucoup moins courante, tre des espaces publics du quartier ses copines algériennes de vacances :
algérien leur a permis d’aller à la plage entre amis ou de visiter d’autres
content comment l’élargissement progressif de leur maîtrise du territoire Une année ça nous a fait un choc : on est rentrées, on est allées en va-
tiques des garçons et celles des filles : nombreux sont les hommes qui ra- cances, et on s’est tournées un petit peu et toutes les copines qu’on avait,
passage de l’adolescence à l’âge adulte marque une frontière entre les pra- on les voyait plus dehors. Et on nous expliquait que maintenant on était
Dans les récits de vacances des uns et des autres, il est très net que le grandes et qu’on pouvait pas forcément... on rentrait toutes un petit peu
dans le même moule.
dans le même moule.
grandes et qu’on pouvait pas forcément... on rentrait toutes un petit peu Dans les récits de vacances des uns et des autres, il est très net que le
on les voyait plus dehors. Et on nous expliquait que maintenant on était passage de l’adolescence à l’âge adulte marque une frontière entre les pra-
cances, et on s’est tournées un petit peu et toutes les copines qu’on avait, tiques des garçons et celles des filles : nombreux sont les hommes qui ra-
Une année ça nous a fait un choc : on est rentrées, on est allées en va- content comment l’élargissement progressif de leur maîtrise du territoire
algérien leur a permis d’aller à la plage entre amis ou de visiter d’autres
tre des espaces publics du quartier ses copines algériennes de vacances : villes. Chez les femmes, une telle maîtrise est beaucoup moins courante,
raconte le choc ressenti quand, au détour de ses 12 ans, elle a vu disparaî- elles ont souvent une connaissance plus limitée du pays.
à d’autres normes. Djamila (37 ans, BTS, assistante commerciale, mariée) Pourtant, cette différenciation sexuée des niveaux de contrainte n’est
est encore plus frappant pour les jeunes filles nées en France et habituées pas nécessairement vécue comme un choc, car elle prolonge parfois les
la division sexuée de l’espace. Ce qui est vrai pour les primo-migrantes normes parentales d’éducation en France, ainsi que le souligne Abdel
s’appliquent différemment aux hommes et aux femmes, notamment dans (43 ans, bac + 3, fonctionnaire catégorie A, marié) à propos de ses sœurs :
ries de notre population plus que d’autres : ainsi en va-t-il des normes qui
Surtout en Algérie, dès que t’arrives, tu vois bien la différence entre filles
Des contraintes spécifiques peuvent aussi concerner certaines catégo-
et garçons ! C’est vrai ! C’est radical ! Il y avait pas d’activités communes !
Lieu de liberté ou de contrainte ? Le genre comme élément perturbateur Très petites, les filles étaient à la maison ! [...] Nos parents nous ont éle-
vés : c’étaient les mêmes règles. Il y avait toujours une différence entre
immobiliers restent en priorité basés en France. filles et garçons, ici aussi [en France]. Parce que mes parents ont été élevés
pour allier visites familiales et tourisme balnéaire, et leurs investissements comme ça.
La maison en Algérie est pour eux un lieu de vacances d’où ils rayonnent
encore différent pour les enfants de migrants nés ou ayant grandi en France. Enfin, pour complexifier encore la lecture qu’on peut faire de ces
séjours, le bled est parfois présenté comme un espace de liberté pour
certaines jeunes filles, loin du contrôle d’un père, d’un frère ou d’un pe-
Vacances au bled et rapports aux origines 38 tit ami en France. Ainsi, Dounia (27 ans, infirmière, célibataire) raconte
qu’elle n’a pas pu partir en Tunisie, en 2009, parce que son petit frère
nes » des parents.
Jennifer Bidet 39 vacances au bled comme des indices de différents rapports aux « origi-
nous permet d’examiner à présent les différentes manières de passer ses
combinent ruptures et continuités entre lieu de résidence et de vacances,
craignait qu’elle y rencontre des hommes en passant ses soirées dans des Cette complexité des articulations entre primarité et secondarité, qui
boîtes de nuit. Sous le coup de cet interdit, Dounia s’est finalement re-
pliée sur un séjour en Algérie où elle était censée rester avec sa mère, dans d’après les personnes qui l’utilisent. (Remy, 1999, p. 320)
la petite ville de l’intérieur qu’est Sétif où, en effet, elle ne risquait pas de même espace peut voir sa signification évoluer dans le temps ou changer
trouver de boîtes de nuit. d’identifier un lieu indépendamment de ses modes d’appropriation. Un
La primarité et la secondarité ne sont pas une caractéristique permettant
À Sétif, il y a ce truc sévère où la fille reste à la maison, où tu sors pas
comme tu veux, tu fumes pas dans la rue – Alger tu fumes dans la rue,
ces notions :
Oran tu fumes dans la rue, Annaba pareil mais Sétif, tu verras jamais une sues de migrations, mettait en garde contre une utilisation trop figée de
fille en train de fumer, tu verras jamais une fille habillée en minijupe, ou Remy lui-même, en s’appuyant d’ailleurs sur l’exemple des familles is-
en short [...]. On est nés là, on a grandi ici, ma mère elle ne disait rien de combinaisons et de significations de ces deux types d’espace. Jean
quand je fumais. Puis tu arrives là-bas on te critique parce qu’on a trouvé vacances), les appliquer à notre population invite à réfléchir aux variétés
une cigarette dans ta voiture ! rité et de secondarité en les associant à des lieux précis (de résidence, de
Alors qu’on a tendance à figer trop rapidement les notions de prima-
Contrairement au cas d’Abdel, Dounia souffre des différences de règles
entre « ici » et « là-bas ». Mais on constate aussi qu’il serait réducteur profonde, elle va rester, elle va pas faire n’importe quoi. »
de voir dans l’Algérie comme entité nationale un univers uniformément quoi. Mais lui, il se disait : « Si elle va avec ma mère, dans notre campagne
contraint : les normes ne sont pas les mêmes selon le lieu – petite ville ambiance boîtes de nuit, alcool et tout le tralala, c’était la même chose
(surtout celle de ses parents) ou grande ville côtière. Avec l’aval de sa mère, au courant ! [...] Même en Algérie, j’y suis allée avec mes copines, donc
Dounia fausse rapidement compagnie à son « bled » (ici au sens de vil-
Du coup, tu vois, j’ai mené ma vie en fait ! Et mon frère, il a jamais été
lage) et part rejoindre des amies à Alger pour des vacances plus festives :
lage) et part rejoindre des amies à Alger pour des vacances plus festives :
Du coup, tu vois, j’ai mené ma vie en fait ! Et mon frère, il a jamais été
Dounia fausse rapidement compagnie à son « bled » (ici au sens de vil-
au courant ! [...] Même en Algérie, j’y suis allée avec mes copines, donc (surtout celle de ses parents) ou grande ville côtière. Avec l’aval de sa mère,
ambiance boîtes de nuit, alcool et tout le tralala, c’était la même chose contraint : les normes ne sont pas les mêmes selon le lieu – petite ville
quoi. Mais lui, il se disait : « Si elle va avec ma mère, dans notre campagne de voir dans l’Algérie comme entité nationale un univers uniformément
profonde, elle va rester, elle va pas faire n’importe quoi. » entre « ici » et « là-bas ». Mais on constate aussi qu’il serait réducteur
Contrairement au cas d’Abdel, Dounia souffre des différences de règles
Alors qu’on a tendance à figer trop rapidement les notions de prima-
rité et de secondarité en les associant à des lieux précis (de résidence, de une cigarette dans ta voiture !
vacances), les appliquer à notre population invite à réfléchir aux variétés quand je fumais. Puis tu arrives là-bas on te critique parce qu’on a trouvé
de combinaisons et de significations de ces deux types d’espace. Jean en short [...]. On est nés là, on a grandi ici, ma mère elle ne disait rien
Remy lui-même, en s’appuyant d’ailleurs sur l’exemple des familles is- fille en train de fumer, tu verras jamais une fille habillée en minijupe, ou
sues de migrations, mettait en garde contre une utilisation trop figée de Oran tu fumes dans la rue, Annaba pareil mais Sétif, tu verras jamais une
ces notions : comme tu veux, tu fumes pas dans la rue – Alger tu fumes dans la rue,
À Sétif, il y a ce truc sévère où la fille reste à la maison, où tu sors pas
La primarité et la secondarité ne sont pas une caractéristique permettant
d’identifier un lieu indépendamment de ses modes d’appropriation. Un trouver de boîtes de nuit.
même espace peut voir sa signification évoluer dans le temps ou changer la petite ville de l’intérieur qu’est Sétif où, en effet, elle ne risquait pas de
d’après les personnes qui l’utilisent. (Remy, 1999, p. 320) pliée sur un séjour en Algérie où elle était censée rester avec sa mère, dans
boîtes de nuit. Sous le coup de cet interdit, Dounia s’est finalement re-
Cette complexité des articulations entre primarité et secondarité, qui craignait qu’elle y rencontre des hommes en passant ses soirées dans des
combinent ruptures et continuités entre lieu de résidence et de vacances,
nous permet d’examiner à présent les différentes manières de passer ses
vacances au bled comme des indices de différents rapports aux « origi- 39 Jennifer Bidet
nes » des parents.

nes » des parents.


Jennifer Bidet 39 vacances au bled comme des indices de différents rapports aux « origi-
nous permet d’examiner à présent les différentes manières de passer ses
combinent ruptures et continuités entre lieu de résidence et de vacances,
craignait qu’elle y rencontre des hommes en passant ses soirées dans des Cette complexité des articulations entre primarité et secondarité, qui
boîtes de nuit. Sous le coup de cet interdit, Dounia s’est finalement re-
pliée sur un séjour en Algérie où elle était censée rester avec sa mère, dans d’après les personnes qui l’utilisent. (Remy, 1999, p. 320)
la petite ville de l’intérieur qu’est Sétif où, en effet, elle ne risquait pas de même espace peut voir sa signification évoluer dans le temps ou changer
trouver de boîtes de nuit. d’identifier un lieu indépendamment de ses modes d’appropriation. Un
La primarité et la secondarité ne sont pas une caractéristique permettant
À Sétif, il y a ce truc sévère où la fille reste à la maison, où tu sors pas
comme tu veux, tu fumes pas dans la rue – Alger tu fumes dans la rue,
ces notions :
Oran tu fumes dans la rue, Annaba pareil mais Sétif, tu verras jamais une sues de migrations, mettait en garde contre une utilisation trop figée de
fille en train de fumer, tu verras jamais une fille habillée en minijupe, ou Remy lui-même, en s’appuyant d’ailleurs sur l’exemple des familles is-
en short [...]. On est nés là, on a grandi ici, ma mère elle ne disait rien de combinaisons et de significations de ces deux types d’espace. Jean
quand je fumais. Puis tu arrives là-bas on te critique parce qu’on a trouvé vacances), les appliquer à notre population invite à réfléchir aux variétés
une cigarette dans ta voiture ! rité et de secondarité en les associant à des lieux précis (de résidence, de
Alors qu’on a tendance à figer trop rapidement les notions de prima-
Contrairement au cas d’Abdel, Dounia souffre des différences de règles
entre « ici » et « là-bas ». Mais on constate aussi qu’il serait réducteur profonde, elle va rester, elle va pas faire n’importe quoi. »
de voir dans l’Algérie comme entité nationale un univers uniformément quoi. Mais lui, il se disait : « Si elle va avec ma mère, dans notre campagne
contraint : les normes ne sont pas les mêmes selon le lieu – petite ville ambiance boîtes de nuit, alcool et tout le tralala, c’était la même chose
(surtout celle de ses parents) ou grande ville côtière. Avec l’aval de sa mère, au courant ! [...] Même en Algérie, j’y suis allée avec mes copines, donc
Dounia fausse rapidement compagnie à son « bled » (ici au sens de vil-
Du coup, tu vois, j’ai mené ma vie en fait ! Et mon frère, il a jamais été
lage) et part rejoindre des amies à Alger pour des vacances plus festives :
lage) et part rejoindre des amies à Alger pour des vacances plus festives :
Du coup, tu vois, j’ai mené ma vie en fait ! Et mon frère, il a jamais été
Dounia fausse rapidement compagnie à son « bled » (ici au sens de vil-
au courant ! [...] Même en Algérie, j’y suis allée avec mes copines, donc (surtout celle de ses parents) ou grande ville côtière. Avec l’aval de sa mère,
ambiance boîtes de nuit, alcool et tout le tralala, c’était la même chose contraint : les normes ne sont pas les mêmes selon le lieu – petite ville
quoi. Mais lui, il se disait : « Si elle va avec ma mère, dans notre campagne de voir dans l’Algérie comme entité nationale un univers uniformément
profonde, elle va rester, elle va pas faire n’importe quoi. » entre « ici » et « là-bas ». Mais on constate aussi qu’il serait réducteur
Contrairement au cas d’Abdel, Dounia souffre des différences de règles
Alors qu’on a tendance à figer trop rapidement les notions de prima-
rité et de secondarité en les associant à des lieux précis (de résidence, de une cigarette dans ta voiture !
vacances), les appliquer à notre population invite à réfléchir aux variétés quand je fumais. Puis tu arrives là-bas on te critique parce qu’on a trouvé
de combinaisons et de significations de ces deux types d’espace. Jean en short [...]. On est nés là, on a grandi ici, ma mère elle ne disait rien
Remy lui-même, en s’appuyant d’ailleurs sur l’exemple des familles is- fille en train de fumer, tu verras jamais une fille habillée en minijupe, ou
sues de migrations, mettait en garde contre une utilisation trop figée de Oran tu fumes dans la rue, Annaba pareil mais Sétif, tu verras jamais une
ces notions : comme tu veux, tu fumes pas dans la rue – Alger tu fumes dans la rue,
À Sétif, il y a ce truc sévère où la fille reste à la maison, où tu sors pas
La primarité et la secondarité ne sont pas une caractéristique permettant
d’identifier un lieu indépendamment de ses modes d’appropriation. Un trouver de boîtes de nuit.
même espace peut voir sa signification évoluer dans le temps ou changer la petite ville de l’intérieur qu’est Sétif où, en effet, elle ne risquait pas de
d’après les personnes qui l’utilisent. (Remy, 1999, p. 320) pliée sur un séjour en Algérie où elle était censée rester avec sa mère, dans
boîtes de nuit. Sous le coup de cet interdit, Dounia s’est finalement re-
Cette complexité des articulations entre primarité et secondarité, qui craignait qu’elle y rencontre des hommes en passant ses soirées dans des
combinent ruptures et continuités entre lieu de résidence et de vacances,
nous permet d’examiner à présent les différentes manières de passer ses
vacances au bled comme des indices de différents rapports aux « origi- 39 Jennifer Bidet
nes » des parents.
sent cette appellation quand elle vient des Algériens.
Algériens. Même si, parallèlement, comme la plupart des personnes interrogées, ils refu-
ils parlent – c’est-à-dire de jeunes Français, par opposition aux « blédards » que sont les 40 Vacances au bled et rapports aux origines
9. C’est ainsi que se nomment ces jeunes quand ils veulent me faire comprendre de qui
ouvriers ».
laires mensuels relativement élevés, liés à leur qualification et à leur réputation de « bons
DES MANIÈRES D’HABITER EN VACANCES RÉVÉLATRICES
DES RAPPORTS AUX ORIGINES
leur épingle du jeu, en compensant la précarité réglementaire de leur statut par des sa-
8. Nicolas Jounin (2008) souligne bien comment certains intérimaires parviennent à tirer
tout autant qu’à travers les pratiques (emploi du temps, sociabilités) que l’on y déploie.
ment spatiales (forme concrète de l’habitat, mode d’occupation de l’espace du logement) Une fois établi que le pays d’origine des parents n’est plus qu’un lieu de
7. Les manières d’habiter un lieu peuvent être étudiées dans leurs dimensions propre- vacances, tout n’est pas vraiment dit sur la nature de ces séjours – parti-
maghrébine du narguilé). culièrement quand ils ont lieu en Algérie5. Au-delà de leur représentation
de visa ou de couscous, le tout agrémenté du soda local et d’une « chicha » (appellation homogénéisante, telle qu’elle peut être véhiculée, par exemple, par la
chanson populaire du groupe 1136, il s’agit d’identifier et d’analyser les
cabas chargés sur la voiture aux discussions sur la plage, avec les cousins du bled, à propos
6. « Tonton du bled » raconte les séjours en Kabylie d’un jeune d’origine algérienne, des
vécue comme un lieu de vacances. manières de passer ses vacances au bled et, derrière elles, les différents
d’hébergement), pour constituer une véritable destination touristique et être pleinement rapports entretenus avec le pays d’origine, à travers les indices matériels
subjectives (en termes d’image) qu’objectives (par exemple en termes d’infrastructures qui ont trait aux manières d’habiter un lieu7. On verra notamment que
5. Contrairement au Maroc ou à la Tunisie, l’Algérie présente trop de réelles carences, tant loin de ne dépendre que d’une origine nationale commune, le rapport au
bled se décline différemment selon des caractéristiques sociales classiques
de la fête par excellence, pour d’autres le lieu de la débauche (boîtes (âge, catégorie sociale, sexe, situation conjugale) qui ne perdent en rien
par les cabarets et les chanteurs de raï – représente pour certains le lieu leur efficacité explicative.
comme traditionnelle, Oran – ville côtière dont la réputation a été faite
Par rapport à Sétif, petite ville de l’intérieur des terres souvent présentée Le bled comme entre-soi amical : les vacances en Algérie de jeunes de cités
maine. « Oran, c’est le deuxième Paris, c’est un peu la France », me dit-il.
où se retrouvent les « immigrés9 » ; il revient d’Oran où il a passé une se- Mehdi a 25 ans. Titulaire d’un bac professionnel et d’un BTS en trai-
Sétif, la ville natale de ses deux parents, que je le rencontre, dans un café tement des matériaux, il travaille aujourd’hui en intérim –  forme de
ses congés et de toucher des salaires relativement importants8. C’est à contrat de travail qui pour l’instant lui permet à la fois d’être souple sur
contrat de travail qui pour l’instant lui permet à la fois d’être souple sur ses congés et de toucher des salaires relativement importants8. C’est à
tement des matériaux, il travaille aujourd’hui en intérim –  forme de Sétif, la ville natale de ses deux parents, que je le rencontre, dans un café
Mehdi a 25 ans. Titulaire d’un bac professionnel et d’un BTS en trai- où se retrouvent les « immigrés9 » ; il revient d’Oran où il a passé une se-
maine. « Oran, c’est le deuxième Paris, c’est un peu la France », me dit-il.
Le bled comme entre-soi amical : les vacances en Algérie de jeunes de cités Par rapport à Sétif, petite ville de l’intérieur des terres souvent présentée
comme traditionnelle, Oran – ville côtière dont la réputation a été faite
leur efficacité explicative. par les cabarets et les chanteurs de raï – représente pour certains le lieu
(âge, catégorie sociale, sexe, situation conjugale) qui ne perdent en rien de la fête par excellence, pour d’autres le lieu de la débauche (boîtes
bled se décline différemment selon des caractéristiques sociales classiques
loin de ne dépendre que d’une origine nationale commune, le rapport au 5. Contrairement au Maroc ou à la Tunisie, l’Algérie présente trop de réelles carences, tant
qui ont trait aux manières d’habiter un lieu7. On verra notamment que subjectives (en termes d’image) qu’objectives (par exemple en termes d’infrastructures
rapports entretenus avec le pays d’origine, à travers les indices matériels d’hébergement), pour constituer une véritable destination touristique et être pleinement
manières de passer ses vacances au bled et, derrière elles, les différents vécue comme un lieu de vacances.
chanson populaire du groupe 1136, il s’agit d’identifier et d’analyser les 6. « Tonton du bled » raconte les séjours en Kabylie d’un jeune d’origine algérienne, des
cabas chargés sur la voiture aux discussions sur la plage, avec les cousins du bled, à propos
homogénéisante, telle qu’elle peut être véhiculée, par exemple, par la de visa ou de couscous, le tout agrémenté du soda local et d’une « chicha » (appellation
culièrement quand ils ont lieu en Algérie5. Au-delà de leur représentation maghrébine du narguilé).
vacances, tout n’est pas vraiment dit sur la nature de ces séjours – parti- 7. Les manières d’habiter un lieu peuvent être étudiées dans leurs dimensions propre-
Une fois établi que le pays d’origine des parents n’est plus qu’un lieu de ment spatiales (forme concrète de l’habitat, mode d’occupation de l’espace du logement)
tout autant qu’à travers les pratiques (emploi du temps, sociabilités) que l’on y déploie.
DES RAPPORTS AUX ORIGINES 8. Nicolas Jounin (2008) souligne bien comment certains intérimaires parviennent à tirer
leur épingle du jeu, en compensant la précarité réglementaire de leur statut par des sa-
laires mensuels relativement élevés, liés à leur qualification et à leur réputation de « bons
DES MANIÈRES D’HABITER EN VACANCES RÉVÉLATRICES
ouvriers ».
9. C’est ainsi que se nomment ces jeunes quand ils veulent me faire comprendre de qui
Vacances au bled et rapports aux origines 40 ils parlent – c’est-à-dire de jeunes Français, par opposition aux « blédards » que sont les
Algériens. Même si, parallèlement, comme la plupart des personnes interrogées, ils refu-
sent cette appellation quand elle vient des Algériens.

sent cette appellation quand elle vient des Algériens.


Algériens. Même si, parallèlement, comme la plupart des personnes interrogées, ils refu-
ils parlent – c’est-à-dire de jeunes Français, par opposition aux « blédards » que sont les 40 Vacances au bled et rapports aux origines
9. C’est ainsi que se nomment ces jeunes quand ils veulent me faire comprendre de qui
ouvriers ».
laires mensuels relativement élevés, liés à leur qualification et à leur réputation de « bons
DES MANIÈRES D’HABITER EN VACANCES RÉVÉLATRICES
DES RAPPORTS AUX ORIGINES
leur épingle du jeu, en compensant la précarité réglementaire de leur statut par des sa-
8. Nicolas Jounin (2008) souligne bien comment certains intérimaires parviennent à tirer
tout autant qu’à travers les pratiques (emploi du temps, sociabilités) que l’on y déploie.
ment spatiales (forme concrète de l’habitat, mode d’occupation de l’espace du logement) Une fois établi que le pays d’origine des parents n’est plus qu’un lieu de
7. Les manières d’habiter un lieu peuvent être étudiées dans leurs dimensions propre- vacances, tout n’est pas vraiment dit sur la nature de ces séjours – parti-
maghrébine du narguilé). culièrement quand ils ont lieu en Algérie5. Au-delà de leur représentation
de visa ou de couscous, le tout agrémenté du soda local et d’une « chicha » (appellation homogénéisante, telle qu’elle peut être véhiculée, par exemple, par la
chanson populaire du groupe 1136, il s’agit d’identifier et d’analyser les
cabas chargés sur la voiture aux discussions sur la plage, avec les cousins du bled, à propos
6. « Tonton du bled » raconte les séjours en Kabylie d’un jeune d’origine algérienne, des
vécue comme un lieu de vacances. manières de passer ses vacances au bled et, derrière elles, les différents
d’hébergement), pour constituer une véritable destination touristique et être pleinement rapports entretenus avec le pays d’origine, à travers les indices matériels
subjectives (en termes d’image) qu’objectives (par exemple en termes d’infrastructures qui ont trait aux manières d’habiter un lieu7. On verra notamment que
5. Contrairement au Maroc ou à la Tunisie, l’Algérie présente trop de réelles carences, tant loin de ne dépendre que d’une origine nationale commune, le rapport au
bled se décline différemment selon des caractéristiques sociales classiques
de la fête par excellence, pour d’autres le lieu de la débauche (boîtes (âge, catégorie sociale, sexe, situation conjugale) qui ne perdent en rien
par les cabarets et les chanteurs de raï – représente pour certains le lieu leur efficacité explicative.
comme traditionnelle, Oran – ville côtière dont la réputation a été faite
Par rapport à Sétif, petite ville de l’intérieur des terres souvent présentée Le bled comme entre-soi amical : les vacances en Algérie de jeunes de cités
maine. « Oran, c’est le deuxième Paris, c’est un peu la France », me dit-il.
où se retrouvent les « immigrés9 » ; il revient d’Oran où il a passé une se- Mehdi a 25 ans. Titulaire d’un bac professionnel et d’un BTS en trai-
Sétif, la ville natale de ses deux parents, que je le rencontre, dans un café tement des matériaux, il travaille aujourd’hui en intérim –  forme de
ses congés et de toucher des salaires relativement importants8. C’est à contrat de travail qui pour l’instant lui permet à la fois d’être souple sur
contrat de travail qui pour l’instant lui permet à la fois d’être souple sur ses congés et de toucher des salaires relativement importants8. C’est à
tement des matériaux, il travaille aujourd’hui en intérim –  forme de Sétif, la ville natale de ses deux parents, que je le rencontre, dans un café
Mehdi a 25 ans. Titulaire d’un bac professionnel et d’un BTS en trai- où se retrouvent les « immigrés9 » ; il revient d’Oran où il a passé une se-
maine. « Oran, c’est le deuxième Paris, c’est un peu la France », me dit-il.
Le bled comme entre-soi amical : les vacances en Algérie de jeunes de cités Par rapport à Sétif, petite ville de l’intérieur des terres souvent présentée
comme traditionnelle, Oran – ville côtière dont la réputation a été faite
leur efficacité explicative. par les cabarets et les chanteurs de raï – représente pour certains le lieu
(âge, catégorie sociale, sexe, situation conjugale) qui ne perdent en rien de la fête par excellence, pour d’autres le lieu de la débauche (boîtes
bled se décline différemment selon des caractéristiques sociales classiques
loin de ne dépendre que d’une origine nationale commune, le rapport au 5. Contrairement au Maroc ou à la Tunisie, l’Algérie présente trop de réelles carences, tant
qui ont trait aux manières d’habiter un lieu7. On verra notamment que subjectives (en termes d’image) qu’objectives (par exemple en termes d’infrastructures
rapports entretenus avec le pays d’origine, à travers les indices matériels d’hébergement), pour constituer une véritable destination touristique et être pleinement
manières de passer ses vacances au bled et, derrière elles, les différents vécue comme un lieu de vacances.
chanson populaire du groupe 1136, il s’agit d’identifier et d’analyser les 6. « Tonton du bled » raconte les séjours en Kabylie d’un jeune d’origine algérienne, des
cabas chargés sur la voiture aux discussions sur la plage, avec les cousins du bled, à propos
homogénéisante, telle qu’elle peut être véhiculée, par exemple, par la de visa ou de couscous, le tout agrémenté du soda local et d’une « chicha » (appellation
culièrement quand ils ont lieu en Algérie5. Au-delà de leur représentation maghrébine du narguilé).
vacances, tout n’est pas vraiment dit sur la nature de ces séjours – parti- 7. Les manières d’habiter un lieu peuvent être étudiées dans leurs dimensions propre-
Une fois établi que le pays d’origine des parents n’est plus qu’un lieu de ment spatiales (forme concrète de l’habitat, mode d’occupation de l’espace du logement)
tout autant qu’à travers les pratiques (emploi du temps, sociabilités) que l’on y déploie.
DES RAPPORTS AUX ORIGINES 8. Nicolas Jounin (2008) souligne bien comment certains intérimaires parviennent à tirer
leur épingle du jeu, en compensant la précarité réglementaire de leur statut par des sa-
laires mensuels relativement élevés, liés à leur qualification et à leur réputation de « bons
DES MANIÈRES D’HABITER EN VACANCES RÉVÉLATRICES
ouvriers ».
9. C’est ainsi que se nomment ces jeunes quand ils veulent me faire comprendre de qui
Vacances au bled et rapports aux origines 40 ils parlent – c’est-à-dire de jeunes Français, par opposition aux « blédards » que sont les
Algériens. Même si, parallèlement, comme la plupart des personnes interrogées, ils refu-
sent cette appellation quand elle vient des Algériens.
venir à 10 ou 15 €.
12. Environ 55 €. Un repas pour deux dans une pizzéria ou un restaurant grill peut re-
Jennifer Bidet 41 11. Par métonymie, café où l’on peut fumer le narguilé.
France » sont présentés comme meilleurs que ceux d’Algérie.
dont le goût ou la qualité ne seraient pas les mêmes  : le Nutella ou les nuggets « de
de nuit, alcool, prostitution, excès de vitesse...). Là-bas, Mehdi a loué produits qui peuvent ne pas être typiquement français (on les trouve en Algérie), mais
une grande maison en bord de mer avec des amis ; d’autres se sont offert 10. Dans certains discours, « la France » est mobilisée pour caractériser toutes sortes de
quelques nuits au Sheraton, à raison d’environ 200 € la nuit. Les journées
se passent sur les plages privées où se retrouvent essentiellement « immi- passent l’essentiel de leurs trois ou quatre semaines de vacances à Sétif ;
grés » (« tu trouves toute l’Île-de-France là-bas, même des Blacks ! Y a excursion depuis la ville d’origine des parents. Certains (les plus jeunes)
des mecs de Trappes ils sont venus à trente ! T’as tout un quartier ! ») et Tout le séjour ne se déroule pas à Oran, et souvent ce n’est qu’une
jeunes Algériens favorisés (car il faut avoir les moyens de payer son entrée tout faire là-bas, même se faire prendre en photo avec un tigre ! »
et ses consommations), entre les haut-parleurs tournés vers la plage et les nombreux loisirs, même les plus surprenants : « C’est pas cher et on peut
jet-skis rôdant autour des baigneurs. Contrairement à la plupart des pla- vante principalement le faible coût de la vie qui permet d’accéder à de
ges publiques, les maillots deux-pièces sont de rigueur pour les femmes. touristique de la côte turque. Il est aussi allé en Thaïlande, pays dont il
Le soir, on commence souvent la soirée par un restaurant où l’on juge des amis, notamment pour faire la fête à Kusadasi, une ville balnéaire et
la qualité des mets supérieure à celle d’autres villes algériennes et l’on avant de passer trois semaines en Algérie, Mehdi est parti en Turquie avec
apprécie le rapprochement avec les standards « de France10 », même s’il reproduire le même genre de pratiques de tourisme balnéaire et festif :
s’agit essentiellement de fast-foods et de pizzérias ; ensuite un narguilé qui Quand ils prennent des vacances ailleurs qu’en Algérie, ils semblent
rappelle également les soirées lyonnaises dans les « chichas11 » à la mode ;
enfin, une virée en boîte de nuit, au son des D. J. qui lancent tout au long entrée en plage 8 €, donc c’est parti trop vite !
de leur set des « spécial dédicaces à la Courneuve ». Ces virées oranaises salade du chef, escalope, pâtes au saumon puis des chichas ! [...] Après,
ont un coût : Ramzy (19 ans, bac professionnel interrompu, célibataire) mon pote on faisait 8 000 dinars à deux12 ! Il a les additions en photo :
revient de quatre jours à Oran en ayant épuisé son budget prévu pour le matin on déjeunait dehors, et là-bas c’est plus les prix de France. Avec
mois, il y a dépensé 1 000 €. même ! En plus on mangeait tout le temps dehors, midi et soir, plus le
L’hôtel il a dû nous prendre 200  € chacun, un quatre étoiles quand
L’hôtel il a dû nous prendre 200  € chacun, un quatre étoiles quand
même ! En plus on mangeait tout le temps dehors, midi et soir, plus le mois, il y a dépensé 1 000 €.
matin on déjeunait dehors, et là-bas c’est plus les prix de France. Avec revient de quatre jours à Oran en ayant épuisé son budget prévu pour le
mon pote on faisait 8 000 dinars à deux12 ! Il a les additions en photo : ont un coût : Ramzy (19 ans, bac professionnel interrompu, célibataire)
salade du chef, escalope, pâtes au saumon puis des chichas ! [...] Après, de leur set des « spécial dédicaces à la Courneuve ». Ces virées oranaises
entrée en plage 8 €, donc c’est parti trop vite ! enfin, une virée en boîte de nuit, au son des D. J. qui lancent tout au long
rappelle également les soirées lyonnaises dans les « chichas11 » à la mode ;
Quand ils prennent des vacances ailleurs qu’en Algérie, ils semblent s’agit essentiellement de fast-foods et de pizzérias ; ensuite un narguilé qui
reproduire le même genre de pratiques de tourisme balnéaire et festif : apprécie le rapprochement avec les standards « de France10 », même s’il
avant de passer trois semaines en Algérie, Mehdi est parti en Turquie avec la qualité des mets supérieure à celle d’autres villes algériennes et l’on
des amis, notamment pour faire la fête à Kusadasi, une ville balnéaire et Le soir, on commence souvent la soirée par un restaurant où l’on juge
touristique de la côte turque. Il est aussi allé en Thaïlande, pays dont il ges publiques, les maillots deux-pièces sont de rigueur pour les femmes.
vante principalement le faible coût de la vie qui permet d’accéder à de jet-skis rôdant autour des baigneurs. Contrairement à la plupart des pla-
nombreux loisirs, même les plus surprenants : « C’est pas cher et on peut et ses consommations), entre les haut-parleurs tournés vers la plage et les
tout faire là-bas, même se faire prendre en photo avec un tigre ! » jeunes Algériens favorisés (car il faut avoir les moyens de payer son entrée
Tout le séjour ne se déroule pas à Oran, et souvent ce n’est qu’une des mecs de Trappes ils sont venus à trente ! T’as tout un quartier ! ») et
excursion depuis la ville d’origine des parents. Certains (les plus jeunes) grés » (« tu trouves toute l’Île-de-France là-bas, même des Blacks ! Y a
passent l’essentiel de leurs trois ou quatre semaines de vacances à Sétif ; se passent sur les plages privées où se retrouvent essentiellement « immi-
quelques nuits au Sheraton, à raison d’environ 200 € la nuit. Les journées
10. Dans certains discours, « la France » est mobilisée pour caractériser toutes sortes de
une grande maison en bord de mer avec des amis ; d’autres se sont offert
produits qui peuvent ne pas être typiquement français (on les trouve en Algérie), mais de nuit, alcool, prostitution, excès de vitesse...). Là-bas, Mehdi a loué
dont le goût ou la qualité ne seraient pas les mêmes  : le Nutella ou les nuggets « de
France » sont présentés comme meilleurs que ceux d’Algérie.
11. Par métonymie, café où l’on peut fumer le narguilé. 41 Jennifer Bidet
12. Environ 55 €. Un repas pour deux dans une pizzéria ou un restaurant grill peut re-
venir à 10 ou 15 €.

venir à 10 ou 15 €.
12. Environ 55 €. Un repas pour deux dans une pizzéria ou un restaurant grill peut re-
Jennifer Bidet 41 11. Par métonymie, café où l’on peut fumer le narguilé.
France » sont présentés comme meilleurs que ceux d’Algérie.
dont le goût ou la qualité ne seraient pas les mêmes  : le Nutella ou les nuggets « de
de nuit, alcool, prostitution, excès de vitesse...). Là-bas, Mehdi a loué produits qui peuvent ne pas être typiquement français (on les trouve en Algérie), mais
une grande maison en bord de mer avec des amis ; d’autres se sont offert 10. Dans certains discours, « la France » est mobilisée pour caractériser toutes sortes de
quelques nuits au Sheraton, à raison d’environ 200 € la nuit. Les journées
se passent sur les plages privées où se retrouvent essentiellement « immi- passent l’essentiel de leurs trois ou quatre semaines de vacances à Sétif ;
grés » (« tu trouves toute l’Île-de-France là-bas, même des Blacks ! Y a excursion depuis la ville d’origine des parents. Certains (les plus jeunes)
des mecs de Trappes ils sont venus à trente ! T’as tout un quartier ! ») et Tout le séjour ne se déroule pas à Oran, et souvent ce n’est qu’une
jeunes Algériens favorisés (car il faut avoir les moyens de payer son entrée tout faire là-bas, même se faire prendre en photo avec un tigre ! »
et ses consommations), entre les haut-parleurs tournés vers la plage et les nombreux loisirs, même les plus surprenants : « C’est pas cher et on peut
jet-skis rôdant autour des baigneurs. Contrairement à la plupart des pla- vante principalement le faible coût de la vie qui permet d’accéder à de
ges publiques, les maillots deux-pièces sont de rigueur pour les femmes. touristique de la côte turque. Il est aussi allé en Thaïlande, pays dont il
Le soir, on commence souvent la soirée par un restaurant où l’on juge des amis, notamment pour faire la fête à Kusadasi, une ville balnéaire et
la qualité des mets supérieure à celle d’autres villes algériennes et l’on avant de passer trois semaines en Algérie, Mehdi est parti en Turquie avec
apprécie le rapprochement avec les standards « de France10 », même s’il reproduire le même genre de pratiques de tourisme balnéaire et festif :
s’agit essentiellement de fast-foods et de pizzérias ; ensuite un narguilé qui Quand ils prennent des vacances ailleurs qu’en Algérie, ils semblent
rappelle également les soirées lyonnaises dans les « chichas11 » à la mode ;
enfin, une virée en boîte de nuit, au son des D. J. qui lancent tout au long entrée en plage 8 €, donc c’est parti trop vite !
de leur set des « spécial dédicaces à la Courneuve ». Ces virées oranaises salade du chef, escalope, pâtes au saumon puis des chichas ! [...] Après,
ont un coût : Ramzy (19 ans, bac professionnel interrompu, célibataire) mon pote on faisait 8 000 dinars à deux12 ! Il a les additions en photo :
revient de quatre jours à Oran en ayant épuisé son budget prévu pour le matin on déjeunait dehors, et là-bas c’est plus les prix de France. Avec
mois, il y a dépensé 1 000 €. même ! En plus on mangeait tout le temps dehors, midi et soir, plus le
L’hôtel il a dû nous prendre 200  € chacun, un quatre étoiles quand
L’hôtel il a dû nous prendre 200  € chacun, un quatre étoiles quand
même ! En plus on mangeait tout le temps dehors, midi et soir, plus le mois, il y a dépensé 1 000 €.
matin on déjeunait dehors, et là-bas c’est plus les prix de France. Avec revient de quatre jours à Oran en ayant épuisé son budget prévu pour le
mon pote on faisait 8 000 dinars à deux12 ! Il a les additions en photo : ont un coût : Ramzy (19 ans, bac professionnel interrompu, célibataire)
salade du chef, escalope, pâtes au saumon puis des chichas ! [...] Après, de leur set des « spécial dédicaces à la Courneuve ». Ces virées oranaises
entrée en plage 8 €, donc c’est parti trop vite ! enfin, une virée en boîte de nuit, au son des D. J. qui lancent tout au long
rappelle également les soirées lyonnaises dans les « chichas11 » à la mode ;
Quand ils prennent des vacances ailleurs qu’en Algérie, ils semblent s’agit essentiellement de fast-foods et de pizzérias ; ensuite un narguilé qui
reproduire le même genre de pratiques de tourisme balnéaire et festif : apprécie le rapprochement avec les standards « de France10 », même s’il
avant de passer trois semaines en Algérie, Mehdi est parti en Turquie avec la qualité des mets supérieure à celle d’autres villes algériennes et l’on
des amis, notamment pour faire la fête à Kusadasi, une ville balnéaire et Le soir, on commence souvent la soirée par un restaurant où l’on juge
touristique de la côte turque. Il est aussi allé en Thaïlande, pays dont il ges publiques, les maillots deux-pièces sont de rigueur pour les femmes.
vante principalement le faible coût de la vie qui permet d’accéder à de jet-skis rôdant autour des baigneurs. Contrairement à la plupart des pla-
nombreux loisirs, même les plus surprenants : « C’est pas cher et on peut et ses consommations), entre les haut-parleurs tournés vers la plage et les
tout faire là-bas, même se faire prendre en photo avec un tigre ! » jeunes Algériens favorisés (car il faut avoir les moyens de payer son entrée
Tout le séjour ne se déroule pas à Oran, et souvent ce n’est qu’une des mecs de Trappes ils sont venus à trente ! T’as tout un quartier ! ») et
excursion depuis la ville d’origine des parents. Certains (les plus jeunes) grés » (« tu trouves toute l’Île-de-France là-bas, même des Blacks ! Y a
passent l’essentiel de leurs trois ou quatre semaines de vacances à Sétif ; se passent sur les plages privées où se retrouvent essentiellement « immi-
quelques nuits au Sheraton, à raison d’environ 200 € la nuit. Les journées
10. Dans certains discours, « la France » est mobilisée pour caractériser toutes sortes de
une grande maison en bord de mer avec des amis ; d’autres se sont offert
produits qui peuvent ne pas être typiquement français (on les trouve en Algérie), mais de nuit, alcool, prostitution, excès de vitesse...). Là-bas, Mehdi a loué
dont le goût ou la qualité ne seraient pas les mêmes  : le Nutella ou les nuggets « de
France » sont présentés comme meilleurs que ceux d’Algérie.
11. Par métonymie, café où l’on peut fumer le narguilé. 41 Jennifer Bidet
12. Environ 55 €. Un repas pour deux dans une pizzéria ou un restaurant grill peut re-
venir à 10 ou 15 €.
avant d’émigrer vers la France à l’âge adulte.
désigner des personnes résidant en France mais qui sont nées et ont grandi en Algérie,
est littéralement l’habitant du bled, l’Algérien résidant en Algérie. Le terme peut aussi 42 Vacances au bled et rapports aux origines
gérienne), le mot renvoie à deux groupes qu’il est important de distinguer. Ici, le blédard
« immigré » que c’est un « blédard », c’est valoriser sa bonne intégration dans la société al-
d’autres, comme Mehdi, ne font que de brefs passages dans la maison fa-
manque de culture ou de savoir-vivre, jugé un peu rustre), parfois positives (dire d’un
dehors de ses connotations souvent négatives (un blédard est alors stigmatisé pour son
13. Comme le mot bled, celui de blédard peut renvoyer à des significations distinctes. En miliale. Mais même à Sétif, on prolonge une certaine manière d’habiter
qui reproduit les habitudes de la vie quotidienne : certains préfèrent ex-
fin des années 2000, l’Algérie a retrouvé une certaine stabilité politique, plicitement manger des pizzas ou des nuggets ramenés de France plutôt
un effet de génération qui les distingue de leurs aînés au même âge : à la que des plats traditionnels ; on fréquente certains cafés ou restaurants clés
ties au café ne seraient plus envisageables. Enfin, on peut aussi identifier où l’on sait qu’on retrouvera des jeunes « immigrés » (dont l’âge varie
avec ses copains, parce qu’elle devait se marier dans l’année et que les sor- généralement entre 12 et 25 ans) ; on se couche tard après avoir fumé
en 2010 que c’était la dernière fois qu’elle passait ses vacances à « délirer » des chichas entre amis et regardé des films chez soi (ou joué à des jeux
tré à Sétif ont autour de 25 ans. Une jeune fille annonçait par exemple vidéos), on se lève tard, plutôt que de suivre le rythme des « blédards13 »
pratiques. Ce n’est pas un hasard si les plus âgés dans le groupe rencon- qui se lèvent tôt pour éviter les grandes chaleurs de l’été. À Sétif comme
ce groupe : au fil des années, le changement de statut conjugal modifie les à Oran, le bermuda s’arrêtant en bas de la cuisse est de mise même si, en
plôme et du lieu de résidence, l’âge est un facteur clé pour comprendre pays musulman, les hommes doivent normalement cacher leurs genoux.
adroitement des chemins sinueux de l’intérim. En plus du niveau de di- De leur côté, si elles disent faire des efforts pour ne pas se faire siffler dans
même si certains ont poursuivi des études jusqu’au BTS et sont sortis la rue, les filles portent des tenues relativement moulantes.
res professionnelles ou technologiques), voire précocement interrompu, Au final, pour les représentants de ce groupe, les vacances en Algérie
Généralement leur parcours scolaire est relativement modeste (filiè- sont surtout l’occasion de reconstituer un entre-soi où peuvent s’intégrer
cités françaises, où vivent d’ailleurs une grande part d’entre eux. quelques amis algériens, mais qui est dominé par les manières d’être et
des signes d’identification qui rappellent ceux des jeunes habitants des de parler auxquels ils sont habitués en France. Cette mise à distance du
quartier sétifien : ils précisent qu’ils sont des 750, de Tandja ou de Dallas, bled (sa nourriture, ses rythmes, parfois même ses habitants) ne signifie
identifiant Facebook. Ils peuvent même aller jusqu’à revendiquer « leur » pas qu’ils rejettent ou méprisent les origines de leurs parents. Beaucoup
tifiens) : ils sont nombreux à accoler cet adjectif à leur prénom dans leur d’entre eux sont satisfaits de revenir chaque année et fiers d’être staifi (sé-
d’entre eux sont satisfaits de revenir chaque année et fiers d’être staifi (sé- tifiens) : ils sont nombreux à accoler cet adjectif à leur prénom dans leur
pas qu’ils rejettent ou méprisent les origines de leurs parents. Beaucoup identifiant Facebook. Ils peuvent même aller jusqu’à revendiquer « leur »
bled (sa nourriture, ses rythmes, parfois même ses habitants) ne signifie quartier sétifien : ils précisent qu’ils sont des 750, de Tandja ou de Dallas,
de parler auxquels ils sont habitués en France. Cette mise à distance du des signes d’identification qui rappellent ceux des jeunes habitants des
quelques amis algériens, mais qui est dominé par les manières d’être et cités françaises, où vivent d’ailleurs une grande part d’entre eux.
sont surtout l’occasion de reconstituer un entre-soi où peuvent s’intégrer Généralement leur parcours scolaire est relativement modeste (filiè-
Au final, pour les représentants de ce groupe, les vacances en Algérie res professionnelles ou technologiques), voire précocement interrompu,
la rue, les filles portent des tenues relativement moulantes. même si certains ont poursuivi des études jusqu’au BTS et sont sortis
De leur côté, si elles disent faire des efforts pour ne pas se faire siffler dans adroitement des chemins sinueux de l’intérim. En plus du niveau de di-
pays musulman, les hommes doivent normalement cacher leurs genoux. plôme et du lieu de résidence, l’âge est un facteur clé pour comprendre
à Oran, le bermuda s’arrêtant en bas de la cuisse est de mise même si, en ce groupe : au fil des années, le changement de statut conjugal modifie les
qui se lèvent tôt pour éviter les grandes chaleurs de l’été. À Sétif comme pratiques. Ce n’est pas un hasard si les plus âgés dans le groupe rencon-
vidéos), on se lève tard, plutôt que de suivre le rythme des « blédards13 » tré à Sétif ont autour de 25 ans. Une jeune fille annonçait par exemple
des chichas entre amis et regardé des films chez soi (ou joué à des jeux en 2010 que c’était la dernière fois qu’elle passait ses vacances à « délirer »
généralement entre 12 et 25 ans) ; on se couche tard après avoir fumé avec ses copains, parce qu’elle devait se marier dans l’année et que les sor-
où l’on sait qu’on retrouvera des jeunes « immigrés » (dont l’âge varie ties au café ne seraient plus envisageables. Enfin, on peut aussi identifier
que des plats traditionnels ; on fréquente certains cafés ou restaurants clés un effet de génération qui les distingue de leurs aînés au même âge : à la
plicitement manger des pizzas ou des nuggets ramenés de France plutôt fin des années 2000, l’Algérie a retrouvé une certaine stabilité politique,
qui reproduit les habitudes de la vie quotidienne : certains préfèrent ex-
miliale. Mais même à Sétif, on prolonge une certaine manière d’habiter 13. Comme le mot bled, celui de blédard peut renvoyer à des significations distinctes. En
d’autres, comme Mehdi, ne font que de brefs passages dans la maison fa- dehors de ses connotations souvent négatives (un blédard est alors stigmatisé pour son
manque de culture ou de savoir-vivre, jugé un peu rustre), parfois positives (dire d’un
« immigré » que c’est un « blédard », c’est valoriser sa bonne intégration dans la société al-
gérienne), le mot renvoie à deux groupes qu’il est important de distinguer. Ici, le blédard
Vacances au bled et rapports aux origines 42 est littéralement l’habitant du bled, l’Algérien résidant en Algérie. Le terme peut aussi
désigner des personnes résidant en France mais qui sont nées et ont grandi en Algérie,
avant d’émigrer vers la France à l’âge adulte.

avant d’émigrer vers la France à l’âge adulte.


désigner des personnes résidant en France mais qui sont nées et ont grandi en Algérie,
est littéralement l’habitant du bled, l’Algérien résidant en Algérie. Le terme peut aussi 42 Vacances au bled et rapports aux origines
gérienne), le mot renvoie à deux groupes qu’il est important de distinguer. Ici, le blédard
« immigré » que c’est un « blédard », c’est valoriser sa bonne intégration dans la société al-
d’autres, comme Mehdi, ne font que de brefs passages dans la maison fa-
manque de culture ou de savoir-vivre, jugé un peu rustre), parfois positives (dire d’un
dehors de ses connotations souvent négatives (un blédard est alors stigmatisé pour son
13. Comme le mot bled, celui de blédard peut renvoyer à des significations distinctes. En miliale. Mais même à Sétif, on prolonge une certaine manière d’habiter
qui reproduit les habitudes de la vie quotidienne : certains préfèrent ex-
fin des années 2000, l’Algérie a retrouvé une certaine stabilité politique, plicitement manger des pizzas ou des nuggets ramenés de France plutôt
un effet de génération qui les distingue de leurs aînés au même âge : à la que des plats traditionnels ; on fréquente certains cafés ou restaurants clés
ties au café ne seraient plus envisageables. Enfin, on peut aussi identifier où l’on sait qu’on retrouvera des jeunes « immigrés » (dont l’âge varie
avec ses copains, parce qu’elle devait se marier dans l’année et que les sor- généralement entre 12 et 25 ans) ; on se couche tard après avoir fumé
en 2010 que c’était la dernière fois qu’elle passait ses vacances à « délirer » des chichas entre amis et regardé des films chez soi (ou joué à des jeux
tré à Sétif ont autour de 25 ans. Une jeune fille annonçait par exemple vidéos), on se lève tard, plutôt que de suivre le rythme des « blédards13 »
pratiques. Ce n’est pas un hasard si les plus âgés dans le groupe rencon- qui se lèvent tôt pour éviter les grandes chaleurs de l’été. À Sétif comme
ce groupe : au fil des années, le changement de statut conjugal modifie les à Oran, le bermuda s’arrêtant en bas de la cuisse est de mise même si, en
plôme et du lieu de résidence, l’âge est un facteur clé pour comprendre pays musulman, les hommes doivent normalement cacher leurs genoux.
adroitement des chemins sinueux de l’intérim. En plus du niveau de di- De leur côté, si elles disent faire des efforts pour ne pas se faire siffler dans
même si certains ont poursuivi des études jusqu’au BTS et sont sortis la rue, les filles portent des tenues relativement moulantes.
res professionnelles ou technologiques), voire précocement interrompu, Au final, pour les représentants de ce groupe, les vacances en Algérie
Généralement leur parcours scolaire est relativement modeste (filiè- sont surtout l’occasion de reconstituer un entre-soi où peuvent s’intégrer
cités françaises, où vivent d’ailleurs une grande part d’entre eux. quelques amis algériens, mais qui est dominé par les manières d’être et
des signes d’identification qui rappellent ceux des jeunes habitants des de parler auxquels ils sont habitués en France. Cette mise à distance du
quartier sétifien : ils précisent qu’ils sont des 750, de Tandja ou de Dallas, bled (sa nourriture, ses rythmes, parfois même ses habitants) ne signifie
identifiant Facebook. Ils peuvent même aller jusqu’à revendiquer « leur » pas qu’ils rejettent ou méprisent les origines de leurs parents. Beaucoup
tifiens) : ils sont nombreux à accoler cet adjectif à leur prénom dans leur d’entre eux sont satisfaits de revenir chaque année et fiers d’être staifi (sé-
d’entre eux sont satisfaits de revenir chaque année et fiers d’être staifi (sé- tifiens) : ils sont nombreux à accoler cet adjectif à leur prénom dans leur
pas qu’ils rejettent ou méprisent les origines de leurs parents. Beaucoup identifiant Facebook. Ils peuvent même aller jusqu’à revendiquer « leur »
bled (sa nourriture, ses rythmes, parfois même ses habitants) ne signifie quartier sétifien : ils précisent qu’ils sont des 750, de Tandja ou de Dallas,
de parler auxquels ils sont habitués en France. Cette mise à distance du des signes d’identification qui rappellent ceux des jeunes habitants des
quelques amis algériens, mais qui est dominé par les manières d’être et cités françaises, où vivent d’ailleurs une grande part d’entre eux.
sont surtout l’occasion de reconstituer un entre-soi où peuvent s’intégrer Généralement leur parcours scolaire est relativement modeste (filiè-
Au final, pour les représentants de ce groupe, les vacances en Algérie res professionnelles ou technologiques), voire précocement interrompu,
la rue, les filles portent des tenues relativement moulantes. même si certains ont poursuivi des études jusqu’au BTS et sont sortis
De leur côté, si elles disent faire des efforts pour ne pas se faire siffler dans adroitement des chemins sinueux de l’intérim. En plus du niveau de di-
pays musulman, les hommes doivent normalement cacher leurs genoux. plôme et du lieu de résidence, l’âge est un facteur clé pour comprendre
à Oran, le bermuda s’arrêtant en bas de la cuisse est de mise même si, en ce groupe : au fil des années, le changement de statut conjugal modifie les
qui se lèvent tôt pour éviter les grandes chaleurs de l’été. À Sétif comme pratiques. Ce n’est pas un hasard si les plus âgés dans le groupe rencon-
vidéos), on se lève tard, plutôt que de suivre le rythme des « blédards13 » tré à Sétif ont autour de 25 ans. Une jeune fille annonçait par exemple
des chichas entre amis et regardé des films chez soi (ou joué à des jeux en 2010 que c’était la dernière fois qu’elle passait ses vacances à « délirer »
généralement entre 12 et 25 ans) ; on se couche tard après avoir fumé avec ses copains, parce qu’elle devait se marier dans l’année et que les sor-
où l’on sait qu’on retrouvera des jeunes « immigrés » (dont l’âge varie ties au café ne seraient plus envisageables. Enfin, on peut aussi identifier
que des plats traditionnels ; on fréquente certains cafés ou restaurants clés un effet de génération qui les distingue de leurs aînés au même âge : à la
plicitement manger des pizzas ou des nuggets ramenés de France plutôt fin des années 2000, l’Algérie a retrouvé une certaine stabilité politique,
qui reproduit les habitudes de la vie quotidienne : certains préfèrent ex-
miliale. Mais même à Sétif, on prolonge une certaine manière d’habiter 13. Comme le mot bled, celui de blédard peut renvoyer à des significations distinctes. En
d’autres, comme Mehdi, ne font que de brefs passages dans la maison fa- dehors de ses connotations souvent négatives (un blédard est alors stigmatisé pour son
manque de culture ou de savoir-vivre, jugé un peu rustre), parfois positives (dire d’un
« immigré » que c’est un « blédard », c’est valoriser sa bonne intégration dans la société al-
gérienne), le mot renvoie à deux groupes qu’il est important de distinguer. Ici, le blédard
Vacances au bled et rapports aux origines 42 est littéralement l’habitant du bled, l’Algérien résidant en Algérie. Le terme peut aussi
désigner des personnes résidant en France mais qui sont nées et ont grandi en Algérie,
avant d’émigrer vers la France à l’âge adulte.
coration. La petite Dora de 5 ans a même un petit bureau rose, assorti au
Jennifer Bidet 43 chacune des filles a sa chambre, avec son mobilier et ses éléments de dé-
attribuées et sont, quoi qu’il en soit, assez modestement meublées, ici
les maisons algériennes, les chambres ne sont pas toujours strictement
et surtout, le pays est entré pleinement dans la société de consommation. gée pour que la famille y prenne ses repas. Autre différence : alors que dans
Pour des jeunes avides de loisirs et de consommation, les séjours y sont sine permet d’accéder à une grande terrasse donnant sur la rue et aména-
aujourd’hui plus attractifs qu’ils ne l’étaient, bien sûr, dans les années 1990, préservent toujours avec soin l’intimité de l’espace domestique –, la cui-
pendant la guerre civile, mais aussi dans les années 1980, où l’économie en quelque sorte introvertis –  souvent organisés autour d’un patio, ils
était encore largement administrée et les biens de consommation impor- Élément étonnant quand on s’est accoutumé aux intérieurs algériens
tés, presque totalement absents. appartement plus grand, pour l’instant sans succès.
sa famille nombreuse ; voilà quatre ans qu’elle demande au bailleur un
Le bled comme une deuxième maison situé au rez-de-chaussée, et depuis longtemps trop petit pour accueillir
avec son appartement de la périphérie lyonnaise, un peu sombre car
Myriam a 37 ans. Titulaire d’un BEP, elle n’a jamais travaillé et s’oc- d’autre part le grand salon et la cuisine. Myriam souligne le contraste
cupe de ses quatre filles. Elle habite un logement social dans une com- coucher et la salle de bains (équipée d’une grande baignoire à jets d’eau),
mune de la banlieue populaire lyonnaise. Son mari Kader est né en des murs du hall d’entrée qui distribue d’une part quatre chambres à
Algérie, dans la même région que les parents de Myriam, et s’est installé beaucoup de maisons algériennes, le carrelage monte jusqu’à mi-hauteur
en France après leur mariage. Je les ai rencontrés pendant l’été 2011 dans finition contraste avec la cage d’escalier en béton brut. Comme dans
leur toute nouvelle « maison » : formellement, il s’agit d’un appartement tout de suite une impression d’espace (environ 180 m2) et son degré de
situé au quatrième étage de ce qui ressemble plus à un immeuble qu’à France à un prêt bancaire et donc à la propriété. L’appartement donne
une villa – cage d’escalier collective distribuant des appartements de part « deuxième maison » ; en revanche, c’est un handicap pour accéder en
et d’autre du palier. En fait, tout l’immeuble appartient à Myriam et Kader : un salaire plus élevé que s’il était « embauché » et donc de financer cette
la location des six appartements (dont cinq encore en construction) de- trois mois. Ce statut est un choix qui lui permet également de gagner
vrait les aider à payer cet appartement qu’ils se sont réservé au dernier intérimaire, ses congés sont assez souples pour qu’il se permette de partir
étage. Kader est venu un mois avant sa petite famille pour finir les travaux et les accueillir dans les meilleures conditions : comme il est chauffeur
et les accueillir dans les meilleures conditions : comme il est chauffeur étage. Kader est venu un mois avant sa petite famille pour finir les travaux
intérimaire, ses congés sont assez souples pour qu’il se permette de partir vrait les aider à payer cet appartement qu’ils se sont réservé au dernier
trois mois. Ce statut est un choix qui lui permet également de gagner la location des six appartements (dont cinq encore en construction) de-
un salaire plus élevé que s’il était « embauché » et donc de financer cette et d’autre du palier. En fait, tout l’immeuble appartient à Myriam et Kader :
« deuxième maison » ; en revanche, c’est un handicap pour accéder en une villa – cage d’escalier collective distribuant des appartements de part
France à un prêt bancaire et donc à la propriété. L’appartement donne situé au quatrième étage de ce qui ressemble plus à un immeuble qu’à
tout de suite une impression d’espace (environ 180 m2) et son degré de leur toute nouvelle « maison » : formellement, il s’agit d’un appartement
finition contraste avec la cage d’escalier en béton brut. Comme dans en France après leur mariage. Je les ai rencontrés pendant l’été 2011 dans
beaucoup de maisons algériennes, le carrelage monte jusqu’à mi-hauteur Algérie, dans la même région que les parents de Myriam, et s’est installé
des murs du hall d’entrée qui distribue d’une part quatre chambres à mune de la banlieue populaire lyonnaise. Son mari Kader est né en
coucher et la salle de bains (équipée d’une grande baignoire à jets d’eau), cupe de ses quatre filles. Elle habite un logement social dans une com-
d’autre part le grand salon et la cuisine. Myriam souligne le contraste Myriam a 37 ans. Titulaire d’un BEP, elle n’a jamais travaillé et s’oc-
avec son appartement de la périphérie lyonnaise, un peu sombre car
situé au rez-de-chaussée, et depuis longtemps trop petit pour accueillir Le bled comme une deuxième maison
sa famille nombreuse ; voilà quatre ans qu’elle demande au bailleur un
appartement plus grand, pour l’instant sans succès. tés, presque totalement absents.
Élément étonnant quand on s’est accoutumé aux intérieurs algériens était encore largement administrée et les biens de consommation impor-
en quelque sorte introvertis –  souvent organisés autour d’un patio, ils pendant la guerre civile, mais aussi dans les années 1980, où l’économie
préservent toujours avec soin l’intimité de l’espace domestique –, la cui- aujourd’hui plus attractifs qu’ils ne l’étaient, bien sûr, dans les années 1990,
sine permet d’accéder à une grande terrasse donnant sur la rue et aména- Pour des jeunes avides de loisirs et de consommation, les séjours y sont
gée pour que la famille y prenne ses repas. Autre différence : alors que dans et surtout, le pays est entré pleinement dans la société de consommation.
les maisons algériennes, les chambres ne sont pas toujours strictement
attribuées et sont, quoi qu’il en soit, assez modestement meublées, ici
chacune des filles a sa chambre, avec son mobilier et ses éléments de dé- 43 Jennifer Bidet
coration. La petite Dora de 5 ans a même un petit bureau rose, assorti au

coration. La petite Dora de 5 ans a même un petit bureau rose, assorti au


Jennifer Bidet 43 chacune des filles a sa chambre, avec son mobilier et ses éléments de dé-
attribuées et sont, quoi qu’il en soit, assez modestement meublées, ici
les maisons algériennes, les chambres ne sont pas toujours strictement
et surtout, le pays est entré pleinement dans la société de consommation. gée pour que la famille y prenne ses repas. Autre différence : alors que dans
Pour des jeunes avides de loisirs et de consommation, les séjours y sont sine permet d’accéder à une grande terrasse donnant sur la rue et aména-
aujourd’hui plus attractifs qu’ils ne l’étaient, bien sûr, dans les années 1990, préservent toujours avec soin l’intimité de l’espace domestique –, la cui-
pendant la guerre civile, mais aussi dans les années 1980, où l’économie en quelque sorte introvertis –  souvent organisés autour d’un patio, ils
était encore largement administrée et les biens de consommation impor- Élément étonnant quand on s’est accoutumé aux intérieurs algériens
tés, presque totalement absents. appartement plus grand, pour l’instant sans succès.
sa famille nombreuse ; voilà quatre ans qu’elle demande au bailleur un
Le bled comme une deuxième maison situé au rez-de-chaussée, et depuis longtemps trop petit pour accueillir
avec son appartement de la périphérie lyonnaise, un peu sombre car
Myriam a 37 ans. Titulaire d’un BEP, elle n’a jamais travaillé et s’oc- d’autre part le grand salon et la cuisine. Myriam souligne le contraste
cupe de ses quatre filles. Elle habite un logement social dans une com- coucher et la salle de bains (équipée d’une grande baignoire à jets d’eau),
mune de la banlieue populaire lyonnaise. Son mari Kader est né en des murs du hall d’entrée qui distribue d’une part quatre chambres à
Algérie, dans la même région que les parents de Myriam, et s’est installé beaucoup de maisons algériennes, le carrelage monte jusqu’à mi-hauteur
en France après leur mariage. Je les ai rencontrés pendant l’été 2011 dans finition contraste avec la cage d’escalier en béton brut. Comme dans
leur toute nouvelle « maison » : formellement, il s’agit d’un appartement tout de suite une impression d’espace (environ 180 m2) et son degré de
situé au quatrième étage de ce qui ressemble plus à un immeuble qu’à France à un prêt bancaire et donc à la propriété. L’appartement donne
une villa – cage d’escalier collective distribuant des appartements de part « deuxième maison » ; en revanche, c’est un handicap pour accéder en
et d’autre du palier. En fait, tout l’immeuble appartient à Myriam et Kader : un salaire plus élevé que s’il était « embauché » et donc de financer cette
la location des six appartements (dont cinq encore en construction) de- trois mois. Ce statut est un choix qui lui permet également de gagner
vrait les aider à payer cet appartement qu’ils se sont réservé au dernier intérimaire, ses congés sont assez souples pour qu’il se permette de partir
étage. Kader est venu un mois avant sa petite famille pour finir les travaux et les accueillir dans les meilleures conditions : comme il est chauffeur
et les accueillir dans les meilleures conditions : comme il est chauffeur étage. Kader est venu un mois avant sa petite famille pour finir les travaux
intérimaire, ses congés sont assez souples pour qu’il se permette de partir vrait les aider à payer cet appartement qu’ils se sont réservé au dernier
trois mois. Ce statut est un choix qui lui permet également de gagner la location des six appartements (dont cinq encore en construction) de-
un salaire plus élevé que s’il était « embauché » et donc de financer cette et d’autre du palier. En fait, tout l’immeuble appartient à Myriam et Kader :
« deuxième maison » ; en revanche, c’est un handicap pour accéder en une villa – cage d’escalier collective distribuant des appartements de part
France à un prêt bancaire et donc à la propriété. L’appartement donne situé au quatrième étage de ce qui ressemble plus à un immeuble qu’à
tout de suite une impression d’espace (environ 180 m2) et son degré de leur toute nouvelle « maison » : formellement, il s’agit d’un appartement
finition contraste avec la cage d’escalier en béton brut. Comme dans en France après leur mariage. Je les ai rencontrés pendant l’été 2011 dans
beaucoup de maisons algériennes, le carrelage monte jusqu’à mi-hauteur Algérie, dans la même région que les parents de Myriam, et s’est installé
des murs du hall d’entrée qui distribue d’une part quatre chambres à mune de la banlieue populaire lyonnaise. Son mari Kader est né en
coucher et la salle de bains (équipée d’une grande baignoire à jets d’eau), cupe de ses quatre filles. Elle habite un logement social dans une com-
d’autre part le grand salon et la cuisine. Myriam souligne le contraste Myriam a 37 ans. Titulaire d’un BEP, elle n’a jamais travaillé et s’oc-
avec son appartement de la périphérie lyonnaise, un peu sombre car
situé au rez-de-chaussée, et depuis longtemps trop petit pour accueillir Le bled comme une deuxième maison
sa famille nombreuse ; voilà quatre ans qu’elle demande au bailleur un
appartement plus grand, pour l’instant sans succès. tés, presque totalement absents.
Élément étonnant quand on s’est accoutumé aux intérieurs algériens était encore largement administrée et les biens de consommation impor-
en quelque sorte introvertis –  souvent organisés autour d’un patio, ils pendant la guerre civile, mais aussi dans les années 1980, où l’économie
préservent toujours avec soin l’intimité de l’espace domestique –, la cui- aujourd’hui plus attractifs qu’ils ne l’étaient, bien sûr, dans les années 1990,
sine permet d’accéder à une grande terrasse donnant sur la rue et aména- Pour des jeunes avides de loisirs et de consommation, les séjours y sont
gée pour que la famille y prenne ses repas. Autre différence : alors que dans et surtout, le pays est entré pleinement dans la société de consommation.
les maisons algériennes, les chambres ne sont pas toujours strictement
attribuées et sont, quoi qu’il en soit, assez modestement meublées, ici
chacune des filles a sa chambre, avec son mobilier et ses éléments de dé- 43 Jennifer Bidet
coration. La petite Dora de 5 ans a même un petit bureau rose, assorti au
(essentiellement parents et beaux-parents) dans la ville et, exceptionnel-
maison (surtout pris en charge par son mari), quelques visites familiales 44 Vacances au bled et rapports aux origines
Les deux mois se déroulent ainsi, entre la finition des travaux dans la
dose de France. »
pour regarder le « 19 / 20 » de France 3 : « J’aime bien avoir ma petite tapis « Barbie », « pour qu’elle puisse aussi faire ses coloriages ». Myriam
Myriam apprécie aussi, le soir, de brancher son écran plat sur le satellite se souvient que dans sa jeunesse, pendant ses vacances algériennes avec
« Bon, si c’est pour tout faire comme en France, autant rester là-bas ! » ses parents, le couchage était sommaire, dans un grand salon transformé
les », pas davantage ; d’une part, ces produits coûtent cher, et d’autre part : en dortoir pour la nuit, où se mêlaient différentes générations (mais pas
trouve des produits « français » ; elles achètent une seule fois « leurs céréa- différents sexes) sur des nattes assez fines, les freshiat ; ici et maintenant,
Algérie, elles font avec leur père leur tour rituel au supermarché où l’on chacun dort dans sa chambre et dans son lit.
ce mois de jeûne pendant les grandes chaleurs. Quand elles arrivent en Myriam vient passer les deux mois de vacances scolaires de ses filles en
çais », surtout pour ne pas « dégoûter » ses filles qui vivent difficilement Algérie : comme elle ne travaille pas, elle a toute la souplesse nécessaire
2011), Myriam alternera les plats « traditionnels » et les plats plus « fran- pour venir profiter de sa deuxième maison. Pour elle, un mois, c’est la
ce que bon leur semble. Pendant le mois de ramadhan (au mois d’août en durée idéale quand on se loge dans la famille ; quand on a sa maison, il est
leur permet de suivre leur propre rythme dans la journée et de cuisiner bon de pouvoir en profiter plus longtemps. Si elle apprécie les séjours en
sa belle-famille. Leur intérieur est un sas entre la France et l’Algérie : il Algérie, c’est notamment parce qu’ils lui permettent de mettre à distance
ment d’inviter de temps en temps quelques membres de sa famille ou de les contraintes du quotidien. Ici, il n’y a pas de factures, et ce n’est pas
approche, elle prévoit de prendre ses repas plutôt à domicile, éventuelle- elle qui se charge des courses mais son mari : la répartition sexuée des
grande maison de vacances non loin de là. Comme le mois de ramadhan rôles et des espaces (ce sont les hommes qui vont au souk) se transforme,
loger chez les autres, y compris chez ses parents qui ont eux-mêmes une selon elle, en avantage. Dans sa maison et même au-dehors, elle s’habille
Myriam apprécie d’avoir son chez-soi en Algérie car elle n’aime pas de manière décontractée et discrète : elle troque son jean contre une robe
les vacances ! » « arabe » – une robe ample sur laquelle on enfile facilement une djellaba
de la vie quotidienne : « On sort comme ça, on se prend pas la tête, c’est pour sortir. Le discours est toujours double : cette tenue permet de passer
grandes chaleurs de l’été, qui entérine la rupture avec le contrôle de soi inaperçue dans la ville et de ne pas alimenter la réputation des « immi-
aux normes du pays ; c’est également une tenue adaptée selon elle aux grées » qui ne s’habilleraient pas de manière respectueuse par rapport
grées » qui ne s’habilleraient pas de manière respectueuse par rapport aux normes du pays ; c’est également une tenue adaptée selon elle aux
inaperçue dans la ville et de ne pas alimenter la réputation des « immi- grandes chaleurs de l’été, qui entérine la rupture avec le contrôle de soi
pour sortir. Le discours est toujours double : cette tenue permet de passer de la vie quotidienne : « On sort comme ça, on se prend pas la tête, c’est
« arabe » – une robe ample sur laquelle on enfile facilement une djellaba les vacances ! »
de manière décontractée et discrète : elle troque son jean contre une robe Myriam apprécie d’avoir son chez-soi en Algérie car elle n’aime pas
selon elle, en avantage. Dans sa maison et même au-dehors, elle s’habille loger chez les autres, y compris chez ses parents qui ont eux-mêmes une
rôles et des espaces (ce sont les hommes qui vont au souk) se transforme, grande maison de vacances non loin de là. Comme le mois de ramadhan
elle qui se charge des courses mais son mari : la répartition sexuée des approche, elle prévoit de prendre ses repas plutôt à domicile, éventuelle-
les contraintes du quotidien. Ici, il n’y a pas de factures, et ce n’est pas ment d’inviter de temps en temps quelques membres de sa famille ou de
Algérie, c’est notamment parce qu’ils lui permettent de mettre à distance sa belle-famille. Leur intérieur est un sas entre la France et l’Algérie : il
bon de pouvoir en profiter plus longtemps. Si elle apprécie les séjours en leur permet de suivre leur propre rythme dans la journée et de cuisiner
durée idéale quand on se loge dans la famille ; quand on a sa maison, il est ce que bon leur semble. Pendant le mois de ramadhan (au mois d’août en
pour venir profiter de sa deuxième maison. Pour elle, un mois, c’est la 2011), Myriam alternera les plats « traditionnels » et les plats plus « fran-
Algérie : comme elle ne travaille pas, elle a toute la souplesse nécessaire çais », surtout pour ne pas « dégoûter » ses filles qui vivent difficilement
Myriam vient passer les deux mois de vacances scolaires de ses filles en ce mois de jeûne pendant les grandes chaleurs. Quand elles arrivent en
chacun dort dans sa chambre et dans son lit. Algérie, elles font avec leur père leur tour rituel au supermarché où l’on
différents sexes) sur des nattes assez fines, les freshiat ; ici et maintenant, trouve des produits « français » ; elles achètent une seule fois « leurs céréa-
en dortoir pour la nuit, où se mêlaient différentes générations (mais pas les », pas davantage ; d’une part, ces produits coûtent cher, et d’autre part :
ses parents, le couchage était sommaire, dans un grand salon transformé « Bon, si c’est pour tout faire comme en France, autant rester là-bas ! »
se souvient que dans sa jeunesse, pendant ses vacances algériennes avec Myriam apprécie aussi, le soir, de brancher son écran plat sur le satellite
tapis « Barbie », « pour qu’elle puisse aussi faire ses coloriages ». Myriam pour regarder le « 19 / 20 » de France 3 : « J’aime bien avoir ma petite
dose de France. »
Les deux mois se déroulent ainsi, entre la finition des travaux dans la
Vacances au bled et rapports aux origines 44 maison (surtout pris en charge par son mari), quelques visites familiales
(essentiellement parents et beaux-parents) dans la ville et, exceptionnel-

(essentiellement parents et beaux-parents) dans la ville et, exceptionnel-


maison (surtout pris en charge par son mari), quelques visites familiales 44 Vacances au bled et rapports aux origines
Les deux mois se déroulent ainsi, entre la finition des travaux dans la
dose de France. »
pour regarder le « 19 / 20 » de France 3 : « J’aime bien avoir ma petite tapis « Barbie », « pour qu’elle puisse aussi faire ses coloriages ». Myriam
Myriam apprécie aussi, le soir, de brancher son écran plat sur le satellite se souvient que dans sa jeunesse, pendant ses vacances algériennes avec
« Bon, si c’est pour tout faire comme en France, autant rester là-bas ! » ses parents, le couchage était sommaire, dans un grand salon transformé
les », pas davantage ; d’une part, ces produits coûtent cher, et d’autre part : en dortoir pour la nuit, où se mêlaient différentes générations (mais pas
trouve des produits « français » ; elles achètent une seule fois « leurs céréa- différents sexes) sur des nattes assez fines, les freshiat ; ici et maintenant,
Algérie, elles font avec leur père leur tour rituel au supermarché où l’on chacun dort dans sa chambre et dans son lit.
ce mois de jeûne pendant les grandes chaleurs. Quand elles arrivent en Myriam vient passer les deux mois de vacances scolaires de ses filles en
çais », surtout pour ne pas « dégoûter » ses filles qui vivent difficilement Algérie : comme elle ne travaille pas, elle a toute la souplesse nécessaire
2011), Myriam alternera les plats « traditionnels » et les plats plus « fran- pour venir profiter de sa deuxième maison. Pour elle, un mois, c’est la
ce que bon leur semble. Pendant le mois de ramadhan (au mois d’août en durée idéale quand on se loge dans la famille ; quand on a sa maison, il est
leur permet de suivre leur propre rythme dans la journée et de cuisiner bon de pouvoir en profiter plus longtemps. Si elle apprécie les séjours en
sa belle-famille. Leur intérieur est un sas entre la France et l’Algérie : il Algérie, c’est notamment parce qu’ils lui permettent de mettre à distance
ment d’inviter de temps en temps quelques membres de sa famille ou de les contraintes du quotidien. Ici, il n’y a pas de factures, et ce n’est pas
approche, elle prévoit de prendre ses repas plutôt à domicile, éventuelle- elle qui se charge des courses mais son mari : la répartition sexuée des
grande maison de vacances non loin de là. Comme le mois de ramadhan rôles et des espaces (ce sont les hommes qui vont au souk) se transforme,
loger chez les autres, y compris chez ses parents qui ont eux-mêmes une selon elle, en avantage. Dans sa maison et même au-dehors, elle s’habille
Myriam apprécie d’avoir son chez-soi en Algérie car elle n’aime pas de manière décontractée et discrète : elle troque son jean contre une robe
les vacances ! » « arabe » – une robe ample sur laquelle on enfile facilement une djellaba
de la vie quotidienne : « On sort comme ça, on se prend pas la tête, c’est pour sortir. Le discours est toujours double : cette tenue permet de passer
grandes chaleurs de l’été, qui entérine la rupture avec le contrôle de soi inaperçue dans la ville et de ne pas alimenter la réputation des « immi-
aux normes du pays ; c’est également une tenue adaptée selon elle aux grées » qui ne s’habilleraient pas de manière respectueuse par rapport
grées » qui ne s’habilleraient pas de manière respectueuse par rapport aux normes du pays ; c’est également une tenue adaptée selon elle aux
inaperçue dans la ville et de ne pas alimenter la réputation des « immi- grandes chaleurs de l’été, qui entérine la rupture avec le contrôle de soi
pour sortir. Le discours est toujours double : cette tenue permet de passer de la vie quotidienne : « On sort comme ça, on se prend pas la tête, c’est
« arabe » – une robe ample sur laquelle on enfile facilement une djellaba les vacances ! »
de manière décontractée et discrète : elle troque son jean contre une robe Myriam apprécie d’avoir son chez-soi en Algérie car elle n’aime pas
selon elle, en avantage. Dans sa maison et même au-dehors, elle s’habille loger chez les autres, y compris chez ses parents qui ont eux-mêmes une
rôles et des espaces (ce sont les hommes qui vont au souk) se transforme, grande maison de vacances non loin de là. Comme le mois de ramadhan
elle qui se charge des courses mais son mari : la répartition sexuée des approche, elle prévoit de prendre ses repas plutôt à domicile, éventuelle-
les contraintes du quotidien. Ici, il n’y a pas de factures, et ce n’est pas ment d’inviter de temps en temps quelques membres de sa famille ou de
Algérie, c’est notamment parce qu’ils lui permettent de mettre à distance sa belle-famille. Leur intérieur est un sas entre la France et l’Algérie : il
bon de pouvoir en profiter plus longtemps. Si elle apprécie les séjours en leur permet de suivre leur propre rythme dans la journée et de cuisiner
durée idéale quand on se loge dans la famille ; quand on a sa maison, il est ce que bon leur semble. Pendant le mois de ramadhan (au mois d’août en
pour venir profiter de sa deuxième maison. Pour elle, un mois, c’est la 2011), Myriam alternera les plats « traditionnels » et les plats plus « fran-
Algérie : comme elle ne travaille pas, elle a toute la souplesse nécessaire çais », surtout pour ne pas « dégoûter » ses filles qui vivent difficilement
Myriam vient passer les deux mois de vacances scolaires de ses filles en ce mois de jeûne pendant les grandes chaleurs. Quand elles arrivent en
chacun dort dans sa chambre et dans son lit. Algérie, elles font avec leur père leur tour rituel au supermarché où l’on
différents sexes) sur des nattes assez fines, les freshiat ; ici et maintenant, trouve des produits « français » ; elles achètent une seule fois « leurs céréa-
en dortoir pour la nuit, où se mêlaient différentes générations (mais pas les », pas davantage ; d’une part, ces produits coûtent cher, et d’autre part :
ses parents, le couchage était sommaire, dans un grand salon transformé « Bon, si c’est pour tout faire comme en France, autant rester là-bas ! »
se souvient que dans sa jeunesse, pendant ses vacances algériennes avec Myriam apprécie aussi, le soir, de brancher son écran plat sur le satellite
tapis « Barbie », « pour qu’elle puisse aussi faire ses coloriages ». Myriam pour regarder le « 19 / 20 » de France 3 : « J’aime bien avoir ma petite
dose de France. »
Les deux mois se déroulent ainsi, entre la finition des travaux dans la
Vacances au bled et rapports aux origines 44 maison (surtout pris en charge par son mari), quelques visites familiales
(essentiellement parents et beaux-parents) dans la ville et, exceptionnel-
(dix ans), c’est son troisième séjour, et le premier avec son mari, qui n’y
Jennifer Bidet 45 nue à s’y rendre, mais de manière épisodique : depuis qu’elle est mariée
qui d’ailleurs ne parle ni ne comprend l’arabe. Aujourd’hui, elle conti-
est habituée à venir régulièrement en Algérie, contrairement à son mari
lement, dans le petit village d’où sont issus les parents de Myriam, un ou ginaires de deux départements voisins en Algérie. Depuis son enfance, elle
deux jours à la plage et le reste du temps dans sa deuxième maison. Pour de la région lyonnaise. Elle et son mari sont nés en France de parents ori-
l’avenir, Myriam n’a pas vraiment d’autres projets de vacances qu’en aujourd’hui en tant qu’assistante commerciale dans une grande entreprise
Algérie ; peut-être, dans trois ans, un grand voyage, seule avec son mari, puisqu’elle est titulaire d’un BTS action commerciale. Elle travaille
pour fêter leur anniversaire de mariage –  et quand Kader suggère la banlieue est lyonnaise. Elle a suivi des études plus longues que Myriam,
destination de Tamanrasset, une ville du Sud de l’Algérie, elle s’y oppose Djamila aussi a 37 ans et habite une autre commune populaire de la
fermement : « Ah non, cette fois, pas en Algérie ! »
Ce type de vacances en Algérie est avant tout déterminé par la si- Le bled comme lieu de mémoire
tuation conjugale de Myriam : parmi les personnes rencontrées, les rares
individus qui ont fait construire leur propre résidence secondaire, séparée les normes locales.
de celle des parents, sont mariés avec des émigrés, qui sont nés et ont permet de ménager un sas entre les habitudes incorporées en France et
grandi en Algérie, où ils conservent bien souvent une grande partie de lièrement, et pour des durées d’un mois ou plus. La résidence secondaire
leur famille proche (parents, fratrie), ce qui constitue une attache très n’est que depuis qu’ils y ont construit leur maison qu’elle y revient régu-
forte avec le pays d’origine. En fonction de la catégorie sociale, du ni- parce qu’elle ne supportait pas la cohabitation avec sa belle-famille ; ce
veau de diplôme ou du motif de la migration (trouver du travail, pour- années, elle a refusé de l’accompagner pendant ses vacances en Algérie
suivre des études supérieures ou fuir des menaces politiques), le retour (35 ans, CAP, sans activité) est mariée avec un émigré ; pendant plusieurs
du conjoint primo-migrant prendra des formes différentes : certains se supporter ces séjours prolongés en Algérie. Tout comme Myriam, Souad
contentent de rapides séjours pour rendre visite à leurs parents, souvent né en France, la résidence secondaire est un élément indispensable pour
indépendamment de leur conjoint(e) et de leurs enfants ; d’autres, sou- mettant d’y réaliser des projets auparavant impossibles. Pour le conjoint
vent de condition sociale plus populaire, comme Kader (qui a le niveau mener une existence parallèle à leur vie en France, le salaire français per-
d’un baccalauréat en Algérie et a décidé de s’installer en France pour des raisons surtout économiques), souhaitent y passer tout leur temps libre et
raisons surtout économiques), souhaitent y passer tout leur temps libre et d’un baccalauréat en Algérie et a décidé de s’installer en France pour des
mener une existence parallèle à leur vie en France, le salaire français per- vent de condition sociale plus populaire, comme Kader (qui a le niveau
mettant d’y réaliser des projets auparavant impossibles. Pour le conjoint indépendamment de leur conjoint(e) et de leurs enfants ; d’autres, sou-
né en France, la résidence secondaire est un élément indispensable pour contentent de rapides séjours pour rendre visite à leurs parents, souvent
supporter ces séjours prolongés en Algérie. Tout comme Myriam, Souad du conjoint primo-migrant prendra des formes différentes : certains se
(35 ans, CAP, sans activité) est mariée avec un émigré ; pendant plusieurs suivre des études supérieures ou fuir des menaces politiques), le retour
années, elle a refusé de l’accompagner pendant ses vacances en Algérie veau de diplôme ou du motif de la migration (trouver du travail, pour-
parce qu’elle ne supportait pas la cohabitation avec sa belle-famille ; ce forte avec le pays d’origine. En fonction de la catégorie sociale, du ni-
n’est que depuis qu’ils y ont construit leur maison qu’elle y revient régu- leur famille proche (parents, fratrie), ce qui constitue une attache très
lièrement, et pour des durées d’un mois ou plus. La résidence secondaire grandi en Algérie, où ils conservent bien souvent une grande partie de
permet de ménager un sas entre les habitudes incorporées en France et de celle des parents, sont mariés avec des émigrés, qui sont nés et ont
les normes locales. individus qui ont fait construire leur propre résidence secondaire, séparée
tuation conjugale de Myriam : parmi les personnes rencontrées, les rares
Le bled comme lieu de mémoire Ce type de vacances en Algérie est avant tout déterminé par la si-
fermement : « Ah non, cette fois, pas en Algérie ! »
Djamila aussi a 37 ans et habite une autre commune populaire de la destination de Tamanrasset, une ville du Sud de l’Algérie, elle s’y oppose
banlieue est lyonnaise. Elle a suivi des études plus longues que Myriam, pour fêter leur anniversaire de mariage –  et quand Kader suggère la
puisqu’elle est titulaire d’un BTS action commerciale. Elle travaille Algérie ; peut-être, dans trois ans, un grand voyage, seule avec son mari,
aujourd’hui en tant qu’assistante commerciale dans une grande entreprise l’avenir, Myriam n’a pas vraiment d’autres projets de vacances qu’en
de la région lyonnaise. Elle et son mari sont nés en France de parents ori- deux jours à la plage et le reste du temps dans sa deuxième maison. Pour
ginaires de deux départements voisins en Algérie. Depuis son enfance, elle lement, dans le petit village d’où sont issus les parents de Myriam, un ou
est habituée à venir régulièrement en Algérie, contrairement à son mari
qui d’ailleurs ne parle ni ne comprend l’arabe. Aujourd’hui, elle conti-
nue à s’y rendre, mais de manière épisodique : depuis qu’elle est mariée 45 Jennifer Bidet
(dix ans), c’est son troisième séjour, et le premier avec son mari, qui n’y

(dix ans), c’est son troisième séjour, et le premier avec son mari, qui n’y
Jennifer Bidet 45 nue à s’y rendre, mais de manière épisodique : depuis qu’elle est mariée
qui d’ailleurs ne parle ni ne comprend l’arabe. Aujourd’hui, elle conti-
est habituée à venir régulièrement en Algérie, contrairement à son mari
lement, dans le petit village d’où sont issus les parents de Myriam, un ou ginaires de deux départements voisins en Algérie. Depuis son enfance, elle
deux jours à la plage et le reste du temps dans sa deuxième maison. Pour de la région lyonnaise. Elle et son mari sont nés en France de parents ori-
l’avenir, Myriam n’a pas vraiment d’autres projets de vacances qu’en aujourd’hui en tant qu’assistante commerciale dans une grande entreprise
Algérie ; peut-être, dans trois ans, un grand voyage, seule avec son mari, puisqu’elle est titulaire d’un BTS action commerciale. Elle travaille
pour fêter leur anniversaire de mariage –  et quand Kader suggère la banlieue est lyonnaise. Elle a suivi des études plus longues que Myriam,
destination de Tamanrasset, une ville du Sud de l’Algérie, elle s’y oppose Djamila aussi a 37 ans et habite une autre commune populaire de la
fermement : « Ah non, cette fois, pas en Algérie ! »
Ce type de vacances en Algérie est avant tout déterminé par la si- Le bled comme lieu de mémoire
tuation conjugale de Myriam : parmi les personnes rencontrées, les rares
individus qui ont fait construire leur propre résidence secondaire, séparée les normes locales.
de celle des parents, sont mariés avec des émigrés, qui sont nés et ont permet de ménager un sas entre les habitudes incorporées en France et
grandi en Algérie, où ils conservent bien souvent une grande partie de lièrement, et pour des durées d’un mois ou plus. La résidence secondaire
leur famille proche (parents, fratrie), ce qui constitue une attache très n’est que depuis qu’ils y ont construit leur maison qu’elle y revient régu-
forte avec le pays d’origine. En fonction de la catégorie sociale, du ni- parce qu’elle ne supportait pas la cohabitation avec sa belle-famille ; ce
veau de diplôme ou du motif de la migration (trouver du travail, pour- années, elle a refusé de l’accompagner pendant ses vacances en Algérie
suivre des études supérieures ou fuir des menaces politiques), le retour (35 ans, CAP, sans activité) est mariée avec un émigré ; pendant plusieurs
du conjoint primo-migrant prendra des formes différentes : certains se supporter ces séjours prolongés en Algérie. Tout comme Myriam, Souad
contentent de rapides séjours pour rendre visite à leurs parents, souvent né en France, la résidence secondaire est un élément indispensable pour
indépendamment de leur conjoint(e) et de leurs enfants ; d’autres, sou- mettant d’y réaliser des projets auparavant impossibles. Pour le conjoint
vent de condition sociale plus populaire, comme Kader (qui a le niveau mener une existence parallèle à leur vie en France, le salaire français per-
d’un baccalauréat en Algérie et a décidé de s’installer en France pour des raisons surtout économiques), souhaitent y passer tout leur temps libre et
raisons surtout économiques), souhaitent y passer tout leur temps libre et d’un baccalauréat en Algérie et a décidé de s’installer en France pour des
mener une existence parallèle à leur vie en France, le salaire français per- vent de condition sociale plus populaire, comme Kader (qui a le niveau
mettant d’y réaliser des projets auparavant impossibles. Pour le conjoint indépendamment de leur conjoint(e) et de leurs enfants ; d’autres, sou-
né en France, la résidence secondaire est un élément indispensable pour contentent de rapides séjours pour rendre visite à leurs parents, souvent
supporter ces séjours prolongés en Algérie. Tout comme Myriam, Souad du conjoint primo-migrant prendra des formes différentes : certains se
(35 ans, CAP, sans activité) est mariée avec un émigré ; pendant plusieurs suivre des études supérieures ou fuir des menaces politiques), le retour
années, elle a refusé de l’accompagner pendant ses vacances en Algérie veau de diplôme ou du motif de la migration (trouver du travail, pour-
parce qu’elle ne supportait pas la cohabitation avec sa belle-famille ; ce forte avec le pays d’origine. En fonction de la catégorie sociale, du ni-
n’est que depuis qu’ils y ont construit leur maison qu’elle y revient régu- leur famille proche (parents, fratrie), ce qui constitue une attache très
lièrement, et pour des durées d’un mois ou plus. La résidence secondaire grandi en Algérie, où ils conservent bien souvent une grande partie de
permet de ménager un sas entre les habitudes incorporées en France et de celle des parents, sont mariés avec des émigrés, qui sont nés et ont
les normes locales. individus qui ont fait construire leur propre résidence secondaire, séparée
tuation conjugale de Myriam : parmi les personnes rencontrées, les rares
Le bled comme lieu de mémoire Ce type de vacances en Algérie est avant tout déterminé par la si-
fermement : « Ah non, cette fois, pas en Algérie ! »
Djamila aussi a 37 ans et habite une autre commune populaire de la destination de Tamanrasset, une ville du Sud de l’Algérie, elle s’y oppose
banlieue est lyonnaise. Elle a suivi des études plus longues que Myriam, pour fêter leur anniversaire de mariage –  et quand Kader suggère la
puisqu’elle est titulaire d’un BTS action commerciale. Elle travaille Algérie ; peut-être, dans trois ans, un grand voyage, seule avec son mari,
aujourd’hui en tant qu’assistante commerciale dans une grande entreprise l’avenir, Myriam n’a pas vraiment d’autres projets de vacances qu’en
de la région lyonnaise. Elle et son mari sont nés en France de parents ori- deux jours à la plage et le reste du temps dans sa deuxième maison. Pour
ginaires de deux départements voisins en Algérie. Depuis son enfance, elle lement, dans le petit village d’où sont issus les parents de Myriam, un ou
est habituée à venir régulièrement en Algérie, contrairement à son mari
qui d’ailleurs ne parle ni ne comprend l’arabe. Aujourd’hui, elle conti-
nue à s’y rendre, mais de manière épisodique : depuis qu’elle est mariée 45 Jennifer Bidet
(dix ans), c’est son troisième séjour, et le premier avec son mari, qui n’y
« grand colon » à qui appartenaient les terres autour de son village.
dit l’intérêt qu’elle a eu à écouter son grand-oncle raconter l’histoire du 46 Vacances au bled et rapports aux origines
guerre d’Algérie, qui sont pour elle trop nationalistes et partiaux, elle me
Même si elle se méfie un peu des discours de sa famille algérienne sur la
s’intéresser de plus près à l’histoire de l’Algérie et à son histoire familiale. a pas mis les pieds depuis vingt-trois ans. Cette fois, elle est venue pour
Djamila avoue que c’est depuis qu’elle a des enfants qu’elle s’est mise à trois semaines, accompagnée également de ses enfants. Pour elle, pas
d’ambiguïté : ce séjour, ce n’est assurément pas du tourisme ; c’est surtout
retrouver la famille et faire connaître leurs « racines » à ses enfants :
avec tout le monde. Ici, c’est comme si j’étais chez mes parents en France.
poser un peu mais malgré tout, c’est bien quand on est dans la famille,
que je dis à ma mère : c’est bien, il y a l’appart, ça nous permet de nous
tre nous, donc c’est pour ça que c’est pas très intéressant de rester ici. Ce La notion de « vacances en Algérie », pour moi, c’est la notion de famille
Ici [dans la maison des parents], quand on est là on cuisine, on mange en- et non pas de tourisme, de visite, de découvrir [...]. Je suis venue parce
que j’ai mes enfants et je me suis dit : à un moment donné, moi, je trouve
critique justement ce nouveau rythme : ça indispensable, il faut qu’ils connaissent l’Algérie, d’une manière ou
pression est de son père), notamment pour les repas et les nuits, mais elle d’une autre, même si c’est pas les vacances qu’ils ont l’habitude d’avoir ! Je
passe donc un peu plus de temps dans cette « maison de vacances » (l’ex- les ai briefés [...]. Quand j’ai dit à mes enfants qu’on y allait, j’ai dit : « Il
ses sœurs, elle aussi accompagnée de son mari et de ses enfants. Djamila y a pas de mer, y a pas de piscine. » Ils ont l’habitude d’aller en camping,
on est partis en Tunisie en hôtel, toutes les années ils ont la mer. Donc
cette année je leur ai dit : « Il y a pas ça, on va plutôt voir la famille, donc
plus aménagée et qu’ils s’y retrouvent tous en même temps qu’une de
on va pas forcément dormir dans un lit. » Ma fille qui me disait : « Mais
Cette année, la nouveauté, c’est que la maison de ses parents est un peu
en toile, mais n’adopte pas la robe « arabe », surtout pas pour sortir. c’est vrai maman ?! »
quer, c’est avec ses moyens : elle porte des tuniques larges et des pantalons
couvert. Si elle fait attention à sa tenue vestimentaire pour ne pas cho- Ne pas dormir dans un lit, c’est justement ce qui plaît à Djamila : re-
tif, Djamila se plaît à manger avec la main, un bout de galette pour tout trouver l’univers spartiate de son enfance, dans la famille de la campagne
breuses femmes utilisent des fourchettes pour manger dans le plat collec- (qu’elle trouve plus chaleureuse que celle de la ville), partager de grands
l’intérêt de ses rares séjours au bled. Dans sa famille, alors que de nom- plats collectifs, et le soir venu, jeter les freshiat au sol et se coucher tous
famille dans un arabe qu’elle assume « approximatif » – voilà pour elle ensemble, échanger encore quelques anecdotes avec les femmes de la
ensemble, échanger encore quelques anecdotes avec les femmes de la famille dans un arabe qu’elle assume « approximatif » – voilà pour elle
plats collectifs, et le soir venu, jeter les freshiat au sol et se coucher tous l’intérêt de ses rares séjours au bled. Dans sa famille, alors que de nom-
(qu’elle trouve plus chaleureuse que celle de la ville), partager de grands breuses femmes utilisent des fourchettes pour manger dans le plat collec-
trouver l’univers spartiate de son enfance, dans la famille de la campagne tif, Djamila se plaît à manger avec la main, un bout de galette pour tout
Ne pas dormir dans un lit, c’est justement ce qui plaît à Djamila : re- couvert. Si elle fait attention à sa tenue vestimentaire pour ne pas cho-
quer, c’est avec ses moyens : elle porte des tuniques larges et des pantalons
c’est vrai maman ?! » en toile, mais n’adopte pas la robe « arabe », surtout pas pour sortir.
on va pas forcément dormir dans un lit. » Ma fille qui me disait : « Mais
Cette année, la nouveauté, c’est que la maison de ses parents est un peu
plus aménagée et qu’ils s’y retrouvent tous en même temps qu’une de
cette année je leur ai dit : « Il y a pas ça, on va plutôt voir la famille, donc
ses sœurs, elle aussi accompagnée de son mari et de ses enfants. Djamila
on est partis en Tunisie en hôtel, toutes les années ils ont la mer. Donc
y a pas de mer, y a pas de piscine. » Ils ont l’habitude d’aller en camping,
les ai briefés [...]. Quand j’ai dit à mes enfants qu’on y allait, j’ai dit : « Il passe donc un peu plus de temps dans cette « maison de vacances » (l’ex-
d’une autre, même si c’est pas les vacances qu’ils ont l’habitude d’avoir ! Je pression est de son père), notamment pour les repas et les nuits, mais elle
ça indispensable, il faut qu’ils connaissent l’Algérie, d’une manière ou critique justement ce nouveau rythme :
que j’ai mes enfants et je me suis dit : à un moment donné, moi, je trouve
et non pas de tourisme, de visite, de découvrir [...]. Je suis venue parce Ici [dans la maison des parents], quand on est là on cuisine, on mange en-
La notion de « vacances en Algérie », pour moi, c’est la notion de famille tre nous, donc c’est pour ça que c’est pas très intéressant de rester ici. Ce
que je dis à ma mère : c’est bien, il y a l’appart, ça nous permet de nous
retrouver la famille et faire connaître leurs « racines » à ses enfants : poser un peu mais malgré tout, c’est bien quand on est dans la famille,
d’ambiguïté : ce séjour, ce n’est assurément pas du tourisme ; c’est surtout avec tout le monde. Ici, c’est comme si j’étais chez mes parents en France.
trois semaines, accompagnée également de ses enfants. Pour elle, pas Djamila avoue que c’est depuis qu’elle a des enfants qu’elle s’est mise à
a pas mis les pieds depuis vingt-trois ans. Cette fois, elle est venue pour s’intéresser de plus près à l’histoire de l’Algérie et à son histoire familiale.
Même si elle se méfie un peu des discours de sa famille algérienne sur la
guerre d’Algérie, qui sont pour elle trop nationalistes et partiaux, elle me
Vacances au bled et rapports aux origines 46 dit l’intérêt qu’elle a eu à écouter son grand-oncle raconter l’histoire du
« grand colon » à qui appartenaient les terres autour de son village.

« grand colon » à qui appartenaient les terres autour de son village.


dit l’intérêt qu’elle a eu à écouter son grand-oncle raconter l’histoire du 46 Vacances au bled et rapports aux origines
guerre d’Algérie, qui sont pour elle trop nationalistes et partiaux, elle me
Même si elle se méfie un peu des discours de sa famille algérienne sur la
s’intéresser de plus près à l’histoire de l’Algérie et à son histoire familiale. a pas mis les pieds depuis vingt-trois ans. Cette fois, elle est venue pour
Djamila avoue que c’est depuis qu’elle a des enfants qu’elle s’est mise à trois semaines, accompagnée également de ses enfants. Pour elle, pas
d’ambiguïté : ce séjour, ce n’est assurément pas du tourisme ; c’est surtout
retrouver la famille et faire connaître leurs « racines » à ses enfants :
avec tout le monde. Ici, c’est comme si j’étais chez mes parents en France.
poser un peu mais malgré tout, c’est bien quand on est dans la famille,
que je dis à ma mère : c’est bien, il y a l’appart, ça nous permet de nous
tre nous, donc c’est pour ça que c’est pas très intéressant de rester ici. Ce La notion de « vacances en Algérie », pour moi, c’est la notion de famille
Ici [dans la maison des parents], quand on est là on cuisine, on mange en- et non pas de tourisme, de visite, de découvrir [...]. Je suis venue parce
que j’ai mes enfants et je me suis dit : à un moment donné, moi, je trouve
critique justement ce nouveau rythme : ça indispensable, il faut qu’ils connaissent l’Algérie, d’une manière ou
pression est de son père), notamment pour les repas et les nuits, mais elle d’une autre, même si c’est pas les vacances qu’ils ont l’habitude d’avoir ! Je
passe donc un peu plus de temps dans cette « maison de vacances » (l’ex- les ai briefés [...]. Quand j’ai dit à mes enfants qu’on y allait, j’ai dit : « Il
ses sœurs, elle aussi accompagnée de son mari et de ses enfants. Djamila y a pas de mer, y a pas de piscine. » Ils ont l’habitude d’aller en camping,
on est partis en Tunisie en hôtel, toutes les années ils ont la mer. Donc
cette année je leur ai dit : « Il y a pas ça, on va plutôt voir la famille, donc
plus aménagée et qu’ils s’y retrouvent tous en même temps qu’une de
on va pas forcément dormir dans un lit. » Ma fille qui me disait : « Mais
Cette année, la nouveauté, c’est que la maison de ses parents est un peu
en toile, mais n’adopte pas la robe « arabe », surtout pas pour sortir. c’est vrai maman ?! »
quer, c’est avec ses moyens : elle porte des tuniques larges et des pantalons
couvert. Si elle fait attention à sa tenue vestimentaire pour ne pas cho- Ne pas dormir dans un lit, c’est justement ce qui plaît à Djamila : re-
tif, Djamila se plaît à manger avec la main, un bout de galette pour tout trouver l’univers spartiate de son enfance, dans la famille de la campagne
breuses femmes utilisent des fourchettes pour manger dans le plat collec- (qu’elle trouve plus chaleureuse que celle de la ville), partager de grands
l’intérêt de ses rares séjours au bled. Dans sa famille, alors que de nom- plats collectifs, et le soir venu, jeter les freshiat au sol et se coucher tous
famille dans un arabe qu’elle assume « approximatif » – voilà pour elle ensemble, échanger encore quelques anecdotes avec les femmes de la
ensemble, échanger encore quelques anecdotes avec les femmes de la famille dans un arabe qu’elle assume « approximatif » – voilà pour elle
plats collectifs, et le soir venu, jeter les freshiat au sol et se coucher tous l’intérêt de ses rares séjours au bled. Dans sa famille, alors que de nom-
(qu’elle trouve plus chaleureuse que celle de la ville), partager de grands breuses femmes utilisent des fourchettes pour manger dans le plat collec-
trouver l’univers spartiate de son enfance, dans la famille de la campagne tif, Djamila se plaît à manger avec la main, un bout de galette pour tout
Ne pas dormir dans un lit, c’est justement ce qui plaît à Djamila : re- couvert. Si elle fait attention à sa tenue vestimentaire pour ne pas cho-
quer, c’est avec ses moyens : elle porte des tuniques larges et des pantalons
c’est vrai maman ?! » en toile, mais n’adopte pas la robe « arabe », surtout pas pour sortir.
on va pas forcément dormir dans un lit. » Ma fille qui me disait : « Mais
Cette année, la nouveauté, c’est que la maison de ses parents est un peu
plus aménagée et qu’ils s’y retrouvent tous en même temps qu’une de
cette année je leur ai dit : « Il y a pas ça, on va plutôt voir la famille, donc
ses sœurs, elle aussi accompagnée de son mari et de ses enfants. Djamila
on est partis en Tunisie en hôtel, toutes les années ils ont la mer. Donc
y a pas de mer, y a pas de piscine. » Ils ont l’habitude d’aller en camping,
les ai briefés [...]. Quand j’ai dit à mes enfants qu’on y allait, j’ai dit : « Il passe donc un peu plus de temps dans cette « maison de vacances » (l’ex-
d’une autre, même si c’est pas les vacances qu’ils ont l’habitude d’avoir ! Je pression est de son père), notamment pour les repas et les nuits, mais elle
ça indispensable, il faut qu’ils connaissent l’Algérie, d’une manière ou critique justement ce nouveau rythme :
que j’ai mes enfants et je me suis dit : à un moment donné, moi, je trouve
et non pas de tourisme, de visite, de découvrir [...]. Je suis venue parce Ici [dans la maison des parents], quand on est là on cuisine, on mange en-
La notion de « vacances en Algérie », pour moi, c’est la notion de famille tre nous, donc c’est pour ça que c’est pas très intéressant de rester ici. Ce
que je dis à ma mère : c’est bien, il y a l’appart, ça nous permet de nous
retrouver la famille et faire connaître leurs « racines » à ses enfants : poser un peu mais malgré tout, c’est bien quand on est dans la famille,
d’ambiguïté : ce séjour, ce n’est assurément pas du tourisme ; c’est surtout avec tout le monde. Ici, c’est comme si j’étais chez mes parents en France.
trois semaines, accompagnée également de ses enfants. Pour elle, pas Djamila avoue que c’est depuis qu’elle a des enfants qu’elle s’est mise à
a pas mis les pieds depuis vingt-trois ans. Cette fois, elle est venue pour s’intéresser de plus près à l’histoire de l’Algérie et à son histoire familiale.
Même si elle se méfie un peu des discours de sa famille algérienne sur la
guerre d’Algérie, qui sont pour elle trop nationalistes et partiaux, elle me
Vacances au bled et rapports aux origines 46 dit l’intérêt qu’elle a eu à écouter son grand-oncle raconter l’histoire du
« grand colon » à qui appartenaient les terres autour de son village.
14. Une présentation synthétique est proposée en annexe.

Jennifer Bidet 47
et de la variation des rôles sociaux. Mais ces notions restent stimulantes
rizontale, sans hiérarchisation, de la pluralité des espaces d’identification
Les postures les plus réflexives qui investissent l’histoire familiale ou ployer. À cette lecture binaire, on pourrait préférer une lecture plus ho-
nationale sont souvent le fait d’individus à la trajectoire scolaire et sociale entre les rôles ou les facettes identitaires qui sont susceptibles de s’y dé-
plutôt ascendante, certains ayant pu acquérir par exemple des dispositions secondarité est d’introduire une hiérarchisation entre les lieux et, par là,
les incitant davantage à la pratique d’une forme de tourisme culturel. Si la l’âge, le sexe, la catégorie sociale. L’inconvénient du couple primarité / 
rupture avec les parents et donc avec les origines ne s’est pas faite de ma- variables, offre la possibilité d’appropriations différenciées selon l’époque,
nière symbolique par l’ascension sociale, c’est une rupture plus matérielle ciale, le bled, qui renvoie lui-même à des espaces aux caractéristiques fort
qu’il s’agit de combler : ceux qui ne sont pas partis depuis longtemps en grande liberté économique mais parfois d’une plus grande contrainte so-
Algérie n’y ont pas les habitudes des routiniers de la destination ; ils peu- (primo-migrants ou descendants directs d’immigrés) : lieu d’une plus
vent avoir alors tendance à surinvestir les relations familiales et l’histoire tions avec le pays d’origine, que ce soit au premier ou au deuxième degré
de leur famille, laquelle permet d’expliquer les liens familiaux parfois complexes se jouent dans les rapports des populations issues de migra-
complexes auxquels ils sont concrètement confrontés. Le mariage, l’ar- Les notions de primarité et de secondarité nous ont montré quels jeux
rivée des enfants ou le fait de prendre de l’âge sont souvent présentés 
comme des éléments déclencheurs de cette prise de conscience.
*
Dans ces trois portraits14, auxquels on pourrait ajouter chaque fois
d’autres cas, malgré une histoire commune (des parents venus d’Algérie,  l’histoire migratoire du conjoint.
et même, plus précisément, de la région de Sétif, dans les années 1950- vie, la trajectoire scolaire et sociale, la situation conjugale – notamment
1970 ; une condition sociale relativement homogène durant leur enfance, différentes caractéristiques sociales  : l’âge et la place dans le cycle de
avec des pères généralement ouvriers et des mères souvent cantonnées au manières de vivre ses origines algériennes se comprennent en articulant
foyer), les vacances passées en Algérie ne prennent pas les mêmes formes rupture et le contraste. Les différences de pratiques qui révèlent différentes
matérielles, s’inscrivent différemment en continuité et en rupture avec la mode de vie quotidien, d’autres au contraire optent plus nettement pour la
vie en France et ne révèlent pas les mêmes manières de concevoir les « ori- gines algériennes ». Si certains cherchent à reconstituer une partie de leur
gines algériennes ». Si certains cherchent à reconstituer une partie de leur vie en France et ne révèlent pas les mêmes manières de concevoir les « ori-
mode de vie quotidien, d’autres au contraire optent plus nettement pour la matérielles, s’inscrivent différemment en continuité et en rupture avec la
rupture et le contraste. Les différences de pratiques qui révèlent différentes foyer), les vacances passées en Algérie ne prennent pas les mêmes formes
manières de vivre ses origines algériennes se comprennent en articulant avec des pères généralement ouvriers et des mères souvent cantonnées au
différentes caractéristiques sociales  : l’âge et la place dans le cycle de 1970 ; une condition sociale relativement homogène durant leur enfance,
vie, la trajectoire scolaire et sociale, la situation conjugale – notamment et même, plus précisément, de la région de Sétif, dans les années 1950-
l’histoire migratoire du conjoint. d’autres cas, malgré une histoire commune (des parents venus d’Algérie, 
Dans ces trois portraits14, auxquels on pourrait ajouter chaque fois
* comme des éléments déclencheurs de cette prise de conscience.
rivée des enfants ou le fait de prendre de l’âge sont souvent présentés 
Les notions de primarité et de secondarité nous ont montré quels jeux complexes auxquels ils sont concrètement confrontés. Le mariage, l’ar-
complexes se jouent dans les rapports des populations issues de migra- de leur famille, laquelle permet d’expliquer les liens familiaux parfois
tions avec le pays d’origine, que ce soit au premier ou au deuxième degré vent avoir alors tendance à surinvestir les relations familiales et l’histoire
(primo-migrants ou descendants directs d’immigrés) : lieu d’une plus Algérie n’y ont pas les habitudes des routiniers de la destination ; ils peu-
grande liberté économique mais parfois d’une plus grande contrainte so- qu’il s’agit de combler : ceux qui ne sont pas partis depuis longtemps en
ciale, le bled, qui renvoie lui-même à des espaces aux caractéristiques fort nière symbolique par l’ascension sociale, c’est une rupture plus matérielle
variables, offre la possibilité d’appropriations différenciées selon l’époque, rupture avec les parents et donc avec les origines ne s’est pas faite de ma-
l’âge, le sexe, la catégorie sociale. L’inconvénient du couple primarité /  les incitant davantage à la pratique d’une forme de tourisme culturel. Si la
secondarité est d’introduire une hiérarchisation entre les lieux et, par là, plutôt ascendante, certains ayant pu acquérir par exemple des dispositions
entre les rôles ou les facettes identitaires qui sont susceptibles de s’y dé- nationale sont souvent le fait d’individus à la trajectoire scolaire et sociale
ployer. À cette lecture binaire, on pourrait préférer une lecture plus ho- Les postures les plus réflexives qui investissent l’histoire familiale ou
rizontale, sans hiérarchisation, de la pluralité des espaces d’identification
et de la variation des rôles sociaux. Mais ces notions restent stimulantes
47 Jennifer Bidet

14. Une présentation synthétique est proposée en annexe.

14. Une présentation synthétique est proposée en annexe.

Jennifer Bidet 47
et de la variation des rôles sociaux. Mais ces notions restent stimulantes
rizontale, sans hiérarchisation, de la pluralité des espaces d’identification
Les postures les plus réflexives qui investissent l’histoire familiale ou ployer. À cette lecture binaire, on pourrait préférer une lecture plus ho-
nationale sont souvent le fait d’individus à la trajectoire scolaire et sociale entre les rôles ou les facettes identitaires qui sont susceptibles de s’y dé-
plutôt ascendante, certains ayant pu acquérir par exemple des dispositions secondarité est d’introduire une hiérarchisation entre les lieux et, par là,
les incitant davantage à la pratique d’une forme de tourisme culturel. Si la l’âge, le sexe, la catégorie sociale. L’inconvénient du couple primarité / 
rupture avec les parents et donc avec les origines ne s’est pas faite de ma- variables, offre la possibilité d’appropriations différenciées selon l’époque,
nière symbolique par l’ascension sociale, c’est une rupture plus matérielle ciale, le bled, qui renvoie lui-même à des espaces aux caractéristiques fort
qu’il s’agit de combler : ceux qui ne sont pas partis depuis longtemps en grande liberté économique mais parfois d’une plus grande contrainte so-
Algérie n’y ont pas les habitudes des routiniers de la destination ; ils peu- (primo-migrants ou descendants directs d’immigrés) : lieu d’une plus
vent avoir alors tendance à surinvestir les relations familiales et l’histoire tions avec le pays d’origine, que ce soit au premier ou au deuxième degré
de leur famille, laquelle permet d’expliquer les liens familiaux parfois complexes se jouent dans les rapports des populations issues de migra-
complexes auxquels ils sont concrètement confrontés. Le mariage, l’ar- Les notions de primarité et de secondarité nous ont montré quels jeux
rivée des enfants ou le fait de prendre de l’âge sont souvent présentés 
comme des éléments déclencheurs de cette prise de conscience.
*
Dans ces trois portraits14, auxquels on pourrait ajouter chaque fois
d’autres cas, malgré une histoire commune (des parents venus d’Algérie,  l’histoire migratoire du conjoint.
et même, plus précisément, de la région de Sétif, dans les années 1950- vie, la trajectoire scolaire et sociale, la situation conjugale – notamment
1970 ; une condition sociale relativement homogène durant leur enfance, différentes caractéristiques sociales  : l’âge et la place dans le cycle de
avec des pères généralement ouvriers et des mères souvent cantonnées au manières de vivre ses origines algériennes se comprennent en articulant
foyer), les vacances passées en Algérie ne prennent pas les mêmes formes rupture et le contraste. Les différences de pratiques qui révèlent différentes
matérielles, s’inscrivent différemment en continuité et en rupture avec la mode de vie quotidien, d’autres au contraire optent plus nettement pour la
vie en France et ne révèlent pas les mêmes manières de concevoir les « ori- gines algériennes ». Si certains cherchent à reconstituer une partie de leur
gines algériennes ». Si certains cherchent à reconstituer une partie de leur vie en France et ne révèlent pas les mêmes manières de concevoir les « ori-
mode de vie quotidien, d’autres au contraire optent plus nettement pour la matérielles, s’inscrivent différemment en continuité et en rupture avec la
rupture et le contraste. Les différences de pratiques qui révèlent différentes foyer), les vacances passées en Algérie ne prennent pas les mêmes formes
manières de vivre ses origines algériennes se comprennent en articulant avec des pères généralement ouvriers et des mères souvent cantonnées au
différentes caractéristiques sociales  : l’âge et la place dans le cycle de 1970 ; une condition sociale relativement homogène durant leur enfance,
vie, la trajectoire scolaire et sociale, la situation conjugale – notamment et même, plus précisément, de la région de Sétif, dans les années 1950-
l’histoire migratoire du conjoint. d’autres cas, malgré une histoire commune (des parents venus d’Algérie, 
Dans ces trois portraits14, auxquels on pourrait ajouter chaque fois
* comme des éléments déclencheurs de cette prise de conscience.
rivée des enfants ou le fait de prendre de l’âge sont souvent présentés 
Les notions de primarité et de secondarité nous ont montré quels jeux complexes auxquels ils sont concrètement confrontés. Le mariage, l’ar-
complexes se jouent dans les rapports des populations issues de migra- de leur famille, laquelle permet d’expliquer les liens familiaux parfois
tions avec le pays d’origine, que ce soit au premier ou au deuxième degré vent avoir alors tendance à surinvestir les relations familiales et l’histoire
(primo-migrants ou descendants directs d’immigrés) : lieu d’une plus Algérie n’y ont pas les habitudes des routiniers de la destination ; ils peu-
grande liberté économique mais parfois d’une plus grande contrainte so- qu’il s’agit de combler : ceux qui ne sont pas partis depuis longtemps en
ciale, le bled, qui renvoie lui-même à des espaces aux caractéristiques fort nière symbolique par l’ascension sociale, c’est une rupture plus matérielle
variables, offre la possibilité d’appropriations différenciées selon l’époque, rupture avec les parents et donc avec les origines ne s’est pas faite de ma-
l’âge, le sexe, la catégorie sociale. L’inconvénient du couple primarité /  les incitant davantage à la pratique d’une forme de tourisme culturel. Si la
secondarité est d’introduire une hiérarchisation entre les lieux et, par là, plutôt ascendante, certains ayant pu acquérir par exemple des dispositions
entre les rôles ou les facettes identitaires qui sont susceptibles de s’y dé- nationale sont souvent le fait d’individus à la trajectoire scolaire et sociale
ployer. À cette lecture binaire, on pourrait préférer une lecture plus ho- Les postures les plus réflexives qui investissent l’histoire familiale ou
rizontale, sans hiérarchisation, de la pluralité des espaces d’identification
et de la variation des rôles sociaux. Mais ces notions restent stimulantes
47 Jennifer Bidet

14. Une présentation synthétique est proposée en annexe.


secondaires de la vie sociale, Paris, Champ urbain.
(1978), L’Espace et son double : de la résidence secondaire aux autres formes 48 Vacances au bled et rapports aux origines
Sansot Pierre, Strohl Hélène, Torgue Henry & Verdillon Claude
sexuel en Thaïlande, Paris, La Découverte.
Roux Sébastien (2011), No money, no honey : économies intimes du tourisme en ce qu’elles nous invitent à considérer tout autant les ruptures que les
p. 315-346. continuités dans les manières concrètes d’être et de faire entre ces deux
Philippe Bonnin & Roselyne de  Villanova  (dir.), Grâne, Créaphis, espaces distincts que sont celui de la résidence principale et celui des
de l’habitat », dans D’une maison l’autre : parcours et mobilité résidentielle, vacances.
—  (1999), « Dédoublement des espaces sociaux et problématiques L’étude des pratiques matérielles à l’occasion de séjours de vacances
Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149. en Algérie permet de contourner les difficultés propres à toute étude sur
tialisation  ?, Monique Hirschhorn & Jean-Michel Berthelot  (dir.), le sentiment d’appartenance. Proposer un questionnement inspiré de la
de la ville », dans Mobilités et ancrages  : vers un nouveau mode de spa- sociologie des rapports à l’espace permet ainsi d’éviter un raisonnement
Remy Jean (1996), « Mobilités et ancrages  : vers une autre définition abstrait et potentiellement tendancieux sur la question de l’identité et des
recherche en sciences sociales, no 170, p. 66-88. origines : il s’agit de comprendre comment concrètement on se comporte et
et la genèse des clubs de vacances en France (1930-1950) », Actes de la on se perçoit pendant ses vacances en Algérie par rapport à son quotidien en
Réau Bertrand (2007), «  S’inventer un autre monde : le Club Méditerranée France. S’intéresser à la multiplicité des espaces d’appartenance des indivi-
Rennes, Presses universitaires de Rennes. dus et à la variation des manières d’être et de faire qui leur sont associées,
Périer Pierre (2000), Vacances populaires  : images, pratiques et mémoire, et, pour ce faire, manier des outils conçus pour tout type de population,
leurs du bâtiment, Paris, La Découverte. c’est en fin de compte éviter une approche uniquement intégrationniste
Jounin Nicolas (2008), Chantier interdit au public. Enquête parmi les travail- et potentiellement essentialisante des phénomènes liés aux migrations.
communs, Paris, Belin.
Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires) (2002), Tourismes, 1. Lieux Bibliographie
Presses du CNRS, p. 57-77.
logique cachée », dans Jeux de famille, Martine Segalen  (dir.), Paris, Bonnin Philippe & Villanova Roselyne de (dir.) (1999), D’une maison
Bonvalet Catherine (1991), « La famille et le marché du logement : une l’autre : parcours et mobilité résidentielle, Grâne, Créaphis.
l’autre : parcours et mobilité résidentielle, Grâne, Créaphis. Bonvalet Catherine (1991), « La famille et le marché du logement : une
Bonnin Philippe & Villanova Roselyne de (dir.) (1999), D’une maison logique cachée », dans Jeux de famille, Martine Segalen  (dir.), Paris,
Presses du CNRS, p. 57-77.
Bibliographie Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires) (2002), Tourismes, 1. Lieux
communs, Paris, Belin.
et potentiellement essentialisante des phénomènes liés aux migrations. Jounin Nicolas (2008), Chantier interdit au public. Enquête parmi les travail-
c’est en fin de compte éviter une approche uniquement intégrationniste leurs du bâtiment, Paris, La Découverte.
et, pour ce faire, manier des outils conçus pour tout type de population, Périer Pierre (2000), Vacances populaires  : images, pratiques et mémoire,
dus et à la variation des manières d’être et de faire qui leur sont associées, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
France. S’intéresser à la multiplicité des espaces d’appartenance des indivi- Réau Bertrand (2007), «  S’inventer un autre monde : le Club Méditerranée
on se perçoit pendant ses vacances en Algérie par rapport à son quotidien en et la genèse des clubs de vacances en France (1930-1950) », Actes de la
origines : il s’agit de comprendre comment concrètement on se comporte et recherche en sciences sociales, no 170, p. 66-88.
abstrait et potentiellement tendancieux sur la question de l’identité et des Remy Jean (1996), « Mobilités et ancrages  : vers une autre définition
sociologie des rapports à l’espace permet ainsi d’éviter un raisonnement de la ville », dans Mobilités et ancrages  : vers un nouveau mode de spa-
le sentiment d’appartenance. Proposer un questionnement inspiré de la tialisation  ?, Monique Hirschhorn & Jean-Michel Berthelot  (dir.),
en Algérie permet de contourner les difficultés propres à toute étude sur Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149.
L’étude des pratiques matérielles à l’occasion de séjours de vacances —  (1999), « Dédoublement des espaces sociaux et problématiques
vacances. de l’habitat », dans D’une maison l’autre : parcours et mobilité résidentielle,
espaces distincts que sont celui de la résidence principale et celui des Philippe Bonnin & Roselyne de  Villanova  (dir.), Grâne, Créaphis,
continuités dans les manières concrètes d’être et de faire entre ces deux p. 315-346.
en ce qu’elles nous invitent à considérer tout autant les ruptures que les Roux Sébastien (2011), No money, no honey : économies intimes du tourisme
sexuel en Thaïlande, Paris, La Découverte.
Sansot Pierre, Strohl Hélène, Torgue Henry & Verdillon Claude
Vacances au bled et rapports aux origines 48 (1978), L’Espace et son double : de la résidence secondaire aux autres formes
secondaires de la vie sociale, Paris, Champ urbain.

secondaires de la vie sociale, Paris, Champ urbain.


(1978), L’Espace et son double : de la résidence secondaire aux autres formes 48 Vacances au bled et rapports aux origines
Sansot Pierre, Strohl Hélène, Torgue Henry & Verdillon Claude
sexuel en Thaïlande, Paris, La Découverte.
Roux Sébastien (2011), No money, no honey : économies intimes du tourisme en ce qu’elles nous invitent à considérer tout autant les ruptures que les
p. 315-346. continuités dans les manières concrètes d’être et de faire entre ces deux
Philippe Bonnin & Roselyne de  Villanova  (dir.), Grâne, Créaphis, espaces distincts que sont celui de la résidence principale et celui des
de l’habitat », dans D’une maison l’autre : parcours et mobilité résidentielle, vacances.
—  (1999), « Dédoublement des espaces sociaux et problématiques L’étude des pratiques matérielles à l’occasion de séjours de vacances
Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149. en Algérie permet de contourner les difficultés propres à toute étude sur
tialisation  ?, Monique Hirschhorn & Jean-Michel Berthelot  (dir.), le sentiment d’appartenance. Proposer un questionnement inspiré de la
de la ville », dans Mobilités et ancrages  : vers un nouveau mode de spa- sociologie des rapports à l’espace permet ainsi d’éviter un raisonnement
Remy Jean (1996), « Mobilités et ancrages  : vers une autre définition abstrait et potentiellement tendancieux sur la question de l’identité et des
recherche en sciences sociales, no 170, p. 66-88. origines : il s’agit de comprendre comment concrètement on se comporte et
et la genèse des clubs de vacances en France (1930-1950) », Actes de la on se perçoit pendant ses vacances en Algérie par rapport à son quotidien en
Réau Bertrand (2007), «  S’inventer un autre monde : le Club Méditerranée France. S’intéresser à la multiplicité des espaces d’appartenance des indivi-
Rennes, Presses universitaires de Rennes. dus et à la variation des manières d’être et de faire qui leur sont associées,
Périer Pierre (2000), Vacances populaires  : images, pratiques et mémoire, et, pour ce faire, manier des outils conçus pour tout type de population,
leurs du bâtiment, Paris, La Découverte. c’est en fin de compte éviter une approche uniquement intégrationniste
Jounin Nicolas (2008), Chantier interdit au public. Enquête parmi les travail- et potentiellement essentialisante des phénomènes liés aux migrations.
communs, Paris, Belin.
Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires) (2002), Tourismes, 1. Lieux Bibliographie
Presses du CNRS, p. 57-77.
logique cachée », dans Jeux de famille, Martine Segalen  (dir.), Paris, Bonnin Philippe & Villanova Roselyne de (dir.) (1999), D’une maison
Bonvalet Catherine (1991), « La famille et le marché du logement : une l’autre : parcours et mobilité résidentielle, Grâne, Créaphis.
l’autre : parcours et mobilité résidentielle, Grâne, Créaphis. Bonvalet Catherine (1991), « La famille et le marché du logement : une
Bonnin Philippe & Villanova Roselyne de (dir.) (1999), D’une maison logique cachée », dans Jeux de famille, Martine Segalen  (dir.), Paris,
Presses du CNRS, p. 57-77.
Bibliographie Équipe MIT (Mobilités, itinéraires, territoires) (2002), Tourismes, 1. Lieux
communs, Paris, Belin.
et potentiellement essentialisante des phénomènes liés aux migrations. Jounin Nicolas (2008), Chantier interdit au public. Enquête parmi les travail-
c’est en fin de compte éviter une approche uniquement intégrationniste leurs du bâtiment, Paris, La Découverte.
et, pour ce faire, manier des outils conçus pour tout type de population, Périer Pierre (2000), Vacances populaires  : images, pratiques et mémoire,
dus et à la variation des manières d’être et de faire qui leur sont associées, Rennes, Presses universitaires de Rennes.
France. S’intéresser à la multiplicité des espaces d’appartenance des indivi- Réau Bertrand (2007), «  S’inventer un autre monde : le Club Méditerranée
on se perçoit pendant ses vacances en Algérie par rapport à son quotidien en et la genèse des clubs de vacances en France (1930-1950) », Actes de la
origines : il s’agit de comprendre comment concrètement on se comporte et recherche en sciences sociales, no 170, p. 66-88.
abstrait et potentiellement tendancieux sur la question de l’identité et des Remy Jean (1996), « Mobilités et ancrages  : vers une autre définition
sociologie des rapports à l’espace permet ainsi d’éviter un raisonnement de la ville », dans Mobilités et ancrages  : vers un nouveau mode de spa-
le sentiment d’appartenance. Proposer un questionnement inspiré de la tialisation  ?, Monique Hirschhorn & Jean-Michel Berthelot  (dir.),
en Algérie permet de contourner les difficultés propres à toute étude sur Paris / Montréal, L’Harmattan, « Villes et entreprises », p. 135-149.
L’étude des pratiques matérielles à l’occasion de séjours de vacances —  (1999), « Dédoublement des espaces sociaux et problématiques
vacances. de l’habitat », dans D’une maison l’autre : parcours et mobilité résidentielle,
espaces distincts que sont celui de la résidence principale et celui des Philippe Bonnin & Roselyne de  Villanova  (dir.), Grâne, Créaphis,
continuités dans les manières concrètes d’être et de faire entre ces deux p. 315-346.
en ce qu’elles nous invitent à considérer tout autant les ruptures que les Roux Sébastien (2011), No money, no honey : économies intimes du tourisme
sexuel en Thaïlande, Paris, La Découverte.
Sansot Pierre, Strohl Hélène, Torgue Henry & Verdillon Claude
Vacances au bled et rapports aux origines 48 (1978), L’Espace et son double : de la résidence secondaire aux autres formes
secondaires de la vie sociale, Paris, Champ urbain.
Jennifer Bidet 49

française pour pas cher »


Sayad Abdelmalek (1977), « Les trois “âges” de l’émigration algérienne mariage
méditerranéenne « bien s’amuser vacances
en France », Actes de la recherche en sciences sociales, no 15, p. 59-79.
son anniversaire de
Tunisie ou sur la côte Thaïlande : Autres
Viard Jean (1984, 2007), Penser les vacances, La Tour-d’Aigues, Éditions de
Projet lointain pour
Vacances familiales en Turquie,
l’Aube. garde-robe de France
dedans
mais prise dans sa du genou
Annexe : manières d’habiter le pays d’origine pendant les vacances « respectueuse »,
bien dehors que
Short au-dessus
Habillement
Robe arabe, aussi
Tenue
Mehdi Myriam Djamila
37 ans, mariée avec
collectifs
37 ans, mariée avec
cuisinés par elle
25 ans, célibataire, un descendant d’im-
« traditionnelle » dans des grands plats
Profil un immigré,
et plats « français »
BTS, intérimaire migré, BTS, assistante
non manger avec la main, Nourriture
BEP, sans activité
entre plats algériens
commerciale
À l’extérieur et sa famille algérienne,
À domicile,
Partager les repas de
Résidence Résidence principale
secondaire aménagée de la famille
beaux-frères)
Hôtel de luxe
« à la française » algérienne, sans
rencontres) beaux-parents et
Hébergement ou location à la
avec chambres espace individuel,
ou nouvelles (surtout parents,
plage
algérienne
individuelles et couchage collectif
(amis de France famille élargie Sociabilité
Famille élargie
personnalisées sommaire
« immigrés » moindre mesure,
Surtout et, dans une
Plus soumis aux Famille conjugale
Libre Libre rythmes de la famille
Emploi « obligatoire »)
(grasse matinée, (grasse matinée algérienne (lever
du temps plus tôt, sieste pour ses filles) coucher tardif)
coucher tardif) pour ses filles) plus tôt, sieste algérienne (lever (grasse matinée (grasse matinée,
du temps
« obligatoire ») rythmes de la famille Libre Libre
Emploi
Famille conjugale Plus soumis aux
Surtout et, dans une
« immigrés » moindre mesure,
personnalisées sommaire
Famille élargie
Sociabilité (amis de France famille élargie
individuelles et couchage collectif
algérienne
plage
ou nouvelles (surtout parents,
avec chambres espace individuel,
ou location à la Hébergement
rencontres) beaux-parents et
« à la française » algérienne, sans
Hôtel de luxe
beaux-frères)
secondaire aménagée de la famille
Résidence Résidence principale
Partager les repas de
À domicile,
À l’extérieur et sa famille algérienne,
commerciale
entre plats algériens
BEP, sans activité
Nourriture non manger avec la main,
migré, BTS, assistante BTS, intérimaire
et plats « français »
un immigré, Profil
« traditionnelle » dans des grands plats
un descendant d’im- 25 ans, célibataire,
cuisinés par elle
37 ans, mariée avec
collectifs
37 ans, mariée avec
Myriam Djamila Mehdi
Tenue
Robe arabe, aussi
Short au-dessus « respectueuse »,
Habillement bien dehors que Annexe : manières d’habiter le pays d’origine pendant les vacances
du genou mais prise dans sa
dedans
garde-robe de France l’Aube.
Turquie, Vacances familiales en Viard Jean (1984, 2007), Penser les vacances, La Tour-d’Aigues, Éditions de
Projet lointain pour
Autres Thaïlande : Tunisie ou sur la côte
son anniversaire de
en France », Actes de la recherche en sciences sociales, no 15, p. 59-79.
vacances « bien s’amuser méditerranéenne
mariage Sayad Abdelmalek (1977), « Les trois “âges” de l’émigration algérienne
pour pas cher » française

49 Jennifer Bidet

Jennifer Bidet 49

française pour pas cher »


Sayad Abdelmalek (1977), « Les trois “âges” de l’émigration algérienne mariage
méditerranéenne « bien s’amuser vacances
en France », Actes de la recherche en sciences sociales, no 15, p. 59-79.
son anniversaire de
Tunisie ou sur la côte Thaïlande : Autres
Viard Jean (1984, 2007), Penser les vacances, La Tour-d’Aigues, Éditions de
Projet lointain pour
Vacances familiales en Turquie,
l’Aube. garde-robe de France
dedans
mais prise dans sa du genou
Annexe : manières d’habiter le pays d’origine pendant les vacances « respectueuse »,
bien dehors que
Short au-dessus
Habillement
Robe arabe, aussi
Tenue
Mehdi Myriam Djamila
37 ans, mariée avec
collectifs
37 ans, mariée avec
cuisinés par elle
25 ans, célibataire, un descendant d’im-
« traditionnelle » dans des grands plats
Profil un immigré,
et plats « français »
BTS, intérimaire migré, BTS, assistante
non manger avec la main, Nourriture
BEP, sans activité
entre plats algériens
commerciale
À l’extérieur et sa famille algérienne,
À domicile,
Partager les repas de
Résidence Résidence principale
secondaire aménagée de la famille
beaux-frères)
Hôtel de luxe
« à la française » algérienne, sans
rencontres) beaux-parents et
Hébergement ou location à la
avec chambres espace individuel,
ou nouvelles (surtout parents,
plage
algérienne
individuelles et couchage collectif
(amis de France famille élargie Sociabilité
Famille élargie
personnalisées sommaire
« immigrés » moindre mesure,
Surtout et, dans une
Plus soumis aux Famille conjugale
Libre Libre rythmes de la famille
Emploi « obligatoire »)
(grasse matinée, (grasse matinée algérienne (lever
du temps plus tôt, sieste pour ses filles) coucher tardif)
coucher tardif) pour ses filles) plus tôt, sieste algérienne (lever (grasse matinée (grasse matinée,
du temps
« obligatoire ») rythmes de la famille Libre Libre
Emploi
Famille conjugale Plus soumis aux
Surtout et, dans une
« immigrés » moindre mesure,
personnalisées sommaire
Famille élargie
Sociabilité (amis de France famille élargie
individuelles et couchage collectif
algérienne
plage
ou nouvelles (surtout parents,
avec chambres espace individuel,
ou location à la Hébergement
rencontres) beaux-parents et
« à la française » algérienne, sans
Hôtel de luxe
beaux-frères)
secondaire aménagée de la famille
Résidence Résidence principale
Partager les repas de
À domicile,
À l’extérieur et sa famille algérienne,
commerciale
entre plats algériens
BEP, sans activité
Nourriture non manger avec la main,
migré, BTS, assistante BTS, intérimaire
et plats « français »
un immigré, Profil
« traditionnelle » dans des grands plats
un descendant d’im- 25 ans, célibataire,
cuisinés par elle
37 ans, mariée avec
collectifs
37 ans, mariée avec
Myriam Djamila Mehdi
Tenue
Robe arabe, aussi
Short au-dessus « respectueuse »,
Habillement bien dehors que Annexe : manières d’habiter le pays d’origine pendant les vacances
du genou mais prise dans sa
dedans
garde-robe de France l’Aube.
Turquie, Vacances familiales en Viard Jean (1984, 2007), Penser les vacances, La Tour-d’Aigues, Éditions de
Projet lointain pour
Autres Thaïlande : Tunisie ou sur la côte
son anniversaire de
en France », Actes de la recherche en sciences sociales, no 15, p. 59-79.
vacances « bien s’amuser méditerranéenne
mariage Sayad Abdelmalek (1977), « Les trois “âges” de l’émigration algérienne
pour pas cher » française

49 Jennifer Bidet
queraient leur future insertion sociale. Ces approches de la ségrégation
leur quartier conduirait à des habitudes d’action spécifiques qui compli-
catégories porteuses d’autres normes sociales que celles en vigueur dans
adolescents mais aussi sur leur socialisation : l’absence de contacts avec des
tiers aurait une influence néfaste non seulement sur la réussite scolaire des
ce qui les caractérise individuellement. Le contexte urbain de ces quar-
résider dans ces quartiers serait pénalisant pour leurs habitants, au-delà de
ACCESSIBILITÉ, DISPOSITIONS ET ÉPREUVE : politique affiché d’y introduire davantage de mixité semble indiquer que
LA MOBILITÉ DES ADOLESCENTS DE ZUS FRANCILIENNES Nous avons choisi de focaliser notre étude sur les ZUS car l’objectif
les adolescents d’habiter leur quartier.
tiques de mobilité participent de ce fait aux différentes manières qu’ont
Nicolas Oppenchaim sont pas moins socialisantes (Joseph & Grafmeyer, 1979, 2004). Les pra-
actions d’une autre nature que dans ces deux sphères, mais qui n’en
quartier de résidence ou dans leur famille et donnent ainsi lieu à des inter-
Ce texte ne partage pas l’ambition de faire des mobilités l’objet cen- l’épreuve les habitudes d’action que les adolescents ont acquises dans leur
tral de la sociologie urbaine (Bassand, Kaufmann & Joye, 2001, 2007), blic urbain (Breviglieri & Cicchelli, 2007). Elles mettent notamment à
voire de la sociologie (Urry, 2005). En effet, les mobilités quotidiennes ne l’adolescence, du passage progressif du monde familier au domaine pu-
constituent pas un objet inexploré par la sociologie, que l’on pense aux par leur environnement social et résidentiel, mais sont aussi le support, à
travaux de Paul-Henry Chombart de Lauwe sur l’agglomération pari- dans la socialisation des adolescents : elles sont fortement déterminées
sienne de l’après-guerre (Paquot, 2000) ou à ceux de l’École de Chicago 2011 a). Les mobilités quotidiennes jouent en effet un rôle fondamental
(Joseph & Grafmeyer, 1979, 1984). Notre objectif, plus modeste, est de Ces deux questions ont guidé notre travail de thèse (Oppenchaim,
présenter des outils théoriques permettant d’expliquer et de comprendre différentes manières d’habiter un quartier ségrégué ?
les pratiques de mobilité quotidienne des adolescents afin de répondre traduisent-elles par des pratiques de mobilité différenciées et, au final, par
aux deux questions suivantes : les adolescents de zones urbaines sensibles adolescents de ZUS et la diversité géographique de ces quartiers se
(ZUS) ont-ils une mobilité spécifique par rapport aux adolescents fran- ciliens d’autres milieux sociaux et / ou résidentiels ? l’hétérogénéité des
ciliens d’autres milieux sociaux et / ou résidentiels ? l’hétérogénéité des (ZUS) ont-ils une mobilité spécifique par rapport aux adolescents fran-
adolescents de ZUS et la diversité géographique de ces quartiers se aux deux questions suivantes : les adolescents de zones urbaines sensibles
traduisent-elles par des pratiques de mobilité différenciées et, au final, par les pratiques de mobilité quotidienne des adolescents afin de répondre
différentes manières d’habiter un quartier ségrégué ? présenter des outils théoriques permettant d’expliquer et de comprendre
Ces deux questions ont guidé notre travail de thèse (Oppenchaim, (Joseph & Grafmeyer, 1979, 1984). Notre objectif, plus modeste, est de
2011 a). Les mobilités quotidiennes jouent en effet un rôle fondamental sienne de l’après-guerre (Paquot, 2000) ou à ceux de l’École de Chicago
dans la socialisation des adolescents : elles sont fortement déterminées travaux de Paul-Henry Chombart de Lauwe sur l’agglomération pari-
par leur environnement social et résidentiel, mais sont aussi le support, à constituent pas un objet inexploré par la sociologie, que l’on pense aux
l’adolescence, du passage progressif du monde familier au domaine pu- voire de la sociologie (Urry, 2005). En effet, les mobilités quotidiennes ne
blic urbain (Breviglieri & Cicchelli, 2007). Elles mettent notamment à tral de la sociologie urbaine (Bassand, Kaufmann & Joye, 2001, 2007),
l’épreuve les habitudes d’action que les adolescents ont acquises dans leur Ce texte ne partage pas l’ambition de faire des mobilités l’objet cen-
quartier de résidence ou dans leur famille et donnent ainsi lieu à des inter-
actions d’une autre nature que dans ces deux sphères, mais qui n’en
sont pas moins socialisantes (Joseph & Grafmeyer, 1979, 2004). Les pra- Nicolas Oppenchaim
tiques de mobilité participent de ce fait aux différentes manières qu’ont
les adolescents d’habiter leur quartier.
Nous avons choisi de focaliser notre étude sur les ZUS car l’objectif LA MOBILITÉ DES ADOLESCENTS DE ZUS FRANCILIENNES
politique affiché d’y introduire davantage de mixité semble indiquer que ACCESSIBILITÉ, DISPOSITIONS ET ÉPREUVE :
résider dans ces quartiers serait pénalisant pour leurs habitants, au-delà de
ce qui les caractérise individuellement. Le contexte urbain de ces quar-
tiers aurait une influence néfaste non seulement sur la réussite scolaire des
adolescents mais aussi sur leur socialisation : l’absence de contacts avec des
catégories porteuses d’autres normes sociales que celles en vigueur dans
leur quartier conduirait à des habitudes d’action spécifiques qui compli-
queraient leur future insertion sociale. Ces approches de la ségrégation

queraient leur future insertion sociale. Ces approches de la ségrégation


leur quartier conduirait à des habitudes d’action spécifiques qui compli-
catégories porteuses d’autres normes sociales que celles en vigueur dans
adolescents mais aussi sur leur socialisation : l’absence de contacts avec des
tiers aurait une influence néfaste non seulement sur la réussite scolaire des
ce qui les caractérise individuellement. Le contexte urbain de ces quar-
résider dans ces quartiers serait pénalisant pour leurs habitants, au-delà de
ACCESSIBILITÉ, DISPOSITIONS ET ÉPREUVE : politique affiché d’y introduire davantage de mixité semble indiquer que
LA MOBILITÉ DES ADOLESCENTS DE ZUS FRANCILIENNES Nous avons choisi de focaliser notre étude sur les ZUS car l’objectif
les adolescents d’habiter leur quartier.
tiques de mobilité participent de ce fait aux différentes manières qu’ont
Nicolas Oppenchaim sont pas moins socialisantes (Joseph & Grafmeyer, 1979, 2004). Les pra-
actions d’une autre nature que dans ces deux sphères, mais qui n’en
quartier de résidence ou dans leur famille et donnent ainsi lieu à des inter-
Ce texte ne partage pas l’ambition de faire des mobilités l’objet cen- l’épreuve les habitudes d’action que les adolescents ont acquises dans leur
tral de la sociologie urbaine (Bassand, Kaufmann & Joye, 2001, 2007), blic urbain (Breviglieri & Cicchelli, 2007). Elles mettent notamment à
voire de la sociologie (Urry, 2005). En effet, les mobilités quotidiennes ne l’adolescence, du passage progressif du monde familier au domaine pu-
constituent pas un objet inexploré par la sociologie, que l’on pense aux par leur environnement social et résidentiel, mais sont aussi le support, à
travaux de Paul-Henry Chombart de Lauwe sur l’agglomération pari- dans la socialisation des adolescents : elles sont fortement déterminées
sienne de l’après-guerre (Paquot, 2000) ou à ceux de l’École de Chicago 2011 a). Les mobilités quotidiennes jouent en effet un rôle fondamental
(Joseph & Grafmeyer, 1979, 1984). Notre objectif, plus modeste, est de Ces deux questions ont guidé notre travail de thèse (Oppenchaim,
présenter des outils théoriques permettant d’expliquer et de comprendre différentes manières d’habiter un quartier ségrégué ?
les pratiques de mobilité quotidienne des adolescents afin de répondre traduisent-elles par des pratiques de mobilité différenciées et, au final, par
aux deux questions suivantes : les adolescents de zones urbaines sensibles adolescents de ZUS et la diversité géographique de ces quartiers se
(ZUS) ont-ils une mobilité spécifique par rapport aux adolescents fran- ciliens d’autres milieux sociaux et / ou résidentiels ? l’hétérogénéité des
ciliens d’autres milieux sociaux et / ou résidentiels ? l’hétérogénéité des (ZUS) ont-ils une mobilité spécifique par rapport aux adolescents fran-
adolescents de ZUS et la diversité géographique de ces quartiers se aux deux questions suivantes : les adolescents de zones urbaines sensibles
traduisent-elles par des pratiques de mobilité différenciées et, au final, par les pratiques de mobilité quotidienne des adolescents afin de répondre
différentes manières d’habiter un quartier ségrégué ? présenter des outils théoriques permettant d’expliquer et de comprendre
Ces deux questions ont guidé notre travail de thèse (Oppenchaim, (Joseph & Grafmeyer, 1979, 1984). Notre objectif, plus modeste, est de
2011 a). Les mobilités quotidiennes jouent en effet un rôle fondamental sienne de l’après-guerre (Paquot, 2000) ou à ceux de l’École de Chicago
dans la socialisation des adolescents : elles sont fortement déterminées travaux de Paul-Henry Chombart de Lauwe sur l’agglomération pari-
par leur environnement social et résidentiel, mais sont aussi le support, à constituent pas un objet inexploré par la sociologie, que l’on pense aux
l’adolescence, du passage progressif du monde familier au domaine pu- voire de la sociologie (Urry, 2005). En effet, les mobilités quotidiennes ne
blic urbain (Breviglieri & Cicchelli, 2007). Elles mettent notamment à tral de la sociologie urbaine (Bassand, Kaufmann & Joye, 2001, 2007),
l’épreuve les habitudes d’action que les adolescents ont acquises dans leur Ce texte ne partage pas l’ambition de faire des mobilités l’objet cen-
quartier de résidence ou dans leur famille et donnent ainsi lieu à des inter-
actions d’une autre nature que dans ces deux sphères, mais qui n’en
sont pas moins socialisantes (Joseph & Grafmeyer, 1979, 2004). Les pra- Nicolas Oppenchaim
tiques de mobilité participent de ce fait aux différentes manières qu’ont
les adolescents d’habiter leur quartier.
Nous avons choisi de focaliser notre étude sur les ZUS car l’objectif LA MOBILITÉ DES ADOLESCENTS DE ZUS FRANCILIENNES
politique affiché d’y introduire davantage de mixité semble indiquer que ACCESSIBILITÉ, DISPOSITIONS ET ÉPREUVE :
résider dans ces quartiers serait pénalisant pour leurs habitants, au-delà de
ce qui les caractérise individuellement. Le contexte urbain de ces quar-
tiers aurait une influence néfaste non seulement sur la réussite scolaire des
adolescents mais aussi sur leur socialisation : l’absence de contacts avec des
catégories porteuses d’autres normes sociales que celles en vigueur dans
leur quartier conduirait à des habitudes d’action spécifiques qui compli-
queraient leur future insertion sociale. Ces approches de la ségrégation
des ressources des acteurs, notamment économiques, et de leur accès aux
pèsent sur lui et de ses capacités d’organisation. Ces capacités dépendent 52 Accessibilité, dispositions et épreuve
programme d’activité réalisé par l’individu en fonction des contraintes qui
Dans la lignée de ces travaux, on considère que la mobilité dérive du
ainsi possibles certains choix d’activité et d’autres non. négligent les effets socialisants des pratiques de mobilité des adolescents
peut ou non réaliser. Les caractéristiques du réseau de transport rendent (Oppenchaim, 2009).
ces contraintes et du projet de l’individu prédétermine les activités qu’il Afin d’analyser le lien dynamique entre socialisation et mobilité à
porelles et de coordination avec les autres individus. La conjonction de l’adolescence, nous proposons d’appréhender les pratiques de mobilité se-
réalisation de ce programme est soumise à des contraintes spatiales, tem- lon différentes théories sociologiques de l’action : l’action rationnelle en
où un programme d’activités doit être réalisé (Hägerstrand, 1970). La finalité, l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif. Ces théories
lysent les pratiques individuelles de mobilité dans le cadre d’une journée permettent de dégager trois outils de description et / ou d’explication des
s’inspire principalement des travaux de la géographie du temps, qui ana- pratiques de mobilité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve. Chacun
résidences et des équipements urbains (Massot & Orfeuil, 2005). Elle de ces outils insiste sur une dimension spécifique de ces pratiques qui sont
d’organisation des acteurs, le système de transport et la localisation des déterminées par des contraintes socio-économiques et territoriales, in-
cès à une activité. Elle est déterminée conjointement par les capacités fluencées par les dispositions acquises dans la socialisation et qui donnent
une action rationnelle en finalité (Weber, 1921, 1995) qui permet l’ac- lieu à des situations de coprésence (Oppenchaim, 2011 b).
Dans cette approche, la mobilité des acteurs est appréhendée comme Nous tenterons de montrer que la combinaison de ces trois outils
permet de différencier les adolescents de ZUS des autres jeunes franci-
La mobilité comme accessibilité liens et de ne pas sacrifier la diversité interne de leurs pratiques. Cette
hypothèse d’une complémentarité de ces outils sera testée au niveau
TROIS OUTILS POUR DÉCRIRE ET OBSERVER LES PRATIQUES DE MOBILITÉ théorique et empirique : nous exposerons tout d’abord les fondements
théoriques de ces trois outils, en indiquant pour chacun d’eux les liens
marquées que pour les garçons. entre mobilité et socialisation sur lesquels ils mettent l’accent, mais aussi
férences avec les adolescentes franciliennes d’autres quartiers sont plus ceux qu’ils lais-sent dans l’ombre. Puis nous examinerons les méthodes de
nous illustrerons notre propos avec le cas des filles de ZUS, car les dif- recherche qui permettent d’opérationnaliser ces outils théoriques. Enfin,
recherche qui permettent d’opérationnaliser ces outils théoriques. Enfin, nous illustrerons notre propos avec le cas des filles de ZUS, car les dif-
ceux qu’ils lais-sent dans l’ombre. Puis nous examinerons les méthodes de férences avec les adolescentes franciliennes d’autres quartiers sont plus
entre mobilité et socialisation sur lesquels ils mettent l’accent, mais aussi marquées que pour les garçons.
théoriques de ces trois outils, en indiquant pour chacun d’eux les liens
théorique et empirique : nous exposerons tout d’abord les fondements TROIS OUTILS POUR DÉCRIRE ET OBSERVER LES PRATIQUES DE MOBILITÉ
hypothèse d’une complémentarité de ces outils sera testée au niveau
liens et de ne pas sacrifier la diversité interne de leurs pratiques. Cette La mobilité comme accessibilité
permet de différencier les adolescents de ZUS des autres jeunes franci-
Nous tenterons de montrer que la combinaison de ces trois outils Dans cette approche, la mobilité des acteurs est appréhendée comme
lieu à des situations de coprésence (Oppenchaim, 2011 b). une action rationnelle en finalité (Weber, 1921, 1995) qui permet l’ac-
fluencées par les dispositions acquises dans la socialisation et qui donnent cès à une activité. Elle est déterminée conjointement par les capacités
déterminées par des contraintes socio-économiques et territoriales, in- d’organisation des acteurs, le système de transport et la localisation des
de ces outils insiste sur une dimension spécifique de ces pratiques qui sont résidences et des équipements urbains (Massot & Orfeuil, 2005). Elle
pratiques de mobilité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve. Chacun s’inspire principalement des travaux de la géographie du temps, qui ana-
permettent de dégager trois outils de description et / ou d’explication des lysent les pratiques individuelles de mobilité dans le cadre d’une journée
finalité, l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif. Ces théories où un programme d’activités doit être réalisé (Hägerstrand, 1970). La
lon différentes théories sociologiques de l’action : l’action rationnelle en réalisation de ce programme est soumise à des contraintes spatiales, tem-
l’adolescence, nous proposons d’appréhender les pratiques de mobilité se- porelles et de coordination avec les autres individus. La conjonction de
Afin d’analyser le lien dynamique entre socialisation et mobilité à ces contraintes et du projet de l’individu prédétermine les activités qu’il
(Oppenchaim, 2009). peut ou non réaliser. Les caractéristiques du réseau de transport rendent
négligent les effets socialisants des pratiques de mobilité des adolescents ainsi possibles certains choix d’activité et d’autres non.
Dans la lignée de ces travaux, on considère que la mobilité dérive du
programme d’activité réalisé par l’individu en fonction des contraintes qui
Accessibilité, dispositions et épreuve 52 pèsent sur lui et de ses capacités d’organisation. Ces capacités dépendent
des ressources des acteurs, notamment économiques, et de leur accès aux

des ressources des acteurs, notamment économiques, et de leur accès aux


pèsent sur lui et de ses capacités d’organisation. Ces capacités dépendent 52 Accessibilité, dispositions et épreuve
programme d’activité réalisé par l’individu en fonction des contraintes qui
Dans la lignée de ces travaux, on considère que la mobilité dérive du
ainsi possibles certains choix d’activité et d’autres non. négligent les effets socialisants des pratiques de mobilité des adolescents
peut ou non réaliser. Les caractéristiques du réseau de transport rendent (Oppenchaim, 2009).
ces contraintes et du projet de l’individu prédétermine les activités qu’il Afin d’analyser le lien dynamique entre socialisation et mobilité à
porelles et de coordination avec les autres individus. La conjonction de l’adolescence, nous proposons d’appréhender les pratiques de mobilité se-
réalisation de ce programme est soumise à des contraintes spatiales, tem- lon différentes théories sociologiques de l’action : l’action rationnelle en
où un programme d’activités doit être réalisé (Hägerstrand, 1970). La finalité, l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif. Ces théories
lysent les pratiques individuelles de mobilité dans le cadre d’une journée permettent de dégager trois outils de description et / ou d’explication des
s’inspire principalement des travaux de la géographie du temps, qui ana- pratiques de mobilité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve. Chacun
résidences et des équipements urbains (Massot & Orfeuil, 2005). Elle de ces outils insiste sur une dimension spécifique de ces pratiques qui sont
d’organisation des acteurs, le système de transport et la localisation des déterminées par des contraintes socio-économiques et territoriales, in-
cès à une activité. Elle est déterminée conjointement par les capacités fluencées par les dispositions acquises dans la socialisation et qui donnent
une action rationnelle en finalité (Weber, 1921, 1995) qui permet l’ac- lieu à des situations de coprésence (Oppenchaim, 2011 b).
Dans cette approche, la mobilité des acteurs est appréhendée comme Nous tenterons de montrer que la combinaison de ces trois outils
permet de différencier les adolescents de ZUS des autres jeunes franci-
La mobilité comme accessibilité liens et de ne pas sacrifier la diversité interne de leurs pratiques. Cette
hypothèse d’une complémentarité de ces outils sera testée au niveau
TROIS OUTILS POUR DÉCRIRE ET OBSERVER LES PRATIQUES DE MOBILITÉ théorique et empirique : nous exposerons tout d’abord les fondements
théoriques de ces trois outils, en indiquant pour chacun d’eux les liens
marquées que pour les garçons. entre mobilité et socialisation sur lesquels ils mettent l’accent, mais aussi
férences avec les adolescentes franciliennes d’autres quartiers sont plus ceux qu’ils lais-sent dans l’ombre. Puis nous examinerons les méthodes de
nous illustrerons notre propos avec le cas des filles de ZUS, car les dif- recherche qui permettent d’opérationnaliser ces outils théoriques. Enfin,
recherche qui permettent d’opérationnaliser ces outils théoriques. Enfin, nous illustrerons notre propos avec le cas des filles de ZUS, car les dif-
ceux qu’ils lais-sent dans l’ombre. Puis nous examinerons les méthodes de férences avec les adolescentes franciliennes d’autres quartiers sont plus
entre mobilité et socialisation sur lesquels ils mettent l’accent, mais aussi marquées que pour les garçons.
théoriques de ces trois outils, en indiquant pour chacun d’eux les liens
théorique et empirique : nous exposerons tout d’abord les fondements TROIS OUTILS POUR DÉCRIRE ET OBSERVER LES PRATIQUES DE MOBILITÉ
hypothèse d’une complémentarité de ces outils sera testée au niveau
liens et de ne pas sacrifier la diversité interne de leurs pratiques. Cette La mobilité comme accessibilité
permet de différencier les adolescents de ZUS des autres jeunes franci-
Nous tenterons de montrer que la combinaison de ces trois outils Dans cette approche, la mobilité des acteurs est appréhendée comme
lieu à des situations de coprésence (Oppenchaim, 2011 b). une action rationnelle en finalité (Weber, 1921, 1995) qui permet l’ac-
fluencées par les dispositions acquises dans la socialisation et qui donnent cès à une activité. Elle est déterminée conjointement par les capacités
déterminées par des contraintes socio-économiques et territoriales, in- d’organisation des acteurs, le système de transport et la localisation des
de ces outils insiste sur une dimension spécifique de ces pratiques qui sont résidences et des équipements urbains (Massot & Orfeuil, 2005). Elle
pratiques de mobilité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve. Chacun s’inspire principalement des travaux de la géographie du temps, qui ana-
permettent de dégager trois outils de description et / ou d’explication des lysent les pratiques individuelles de mobilité dans le cadre d’une journée
finalité, l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif. Ces théories où un programme d’activités doit être réalisé (Hägerstrand, 1970). La
lon différentes théories sociologiques de l’action : l’action rationnelle en réalisation de ce programme est soumise à des contraintes spatiales, tem-
l’adolescence, nous proposons d’appréhender les pratiques de mobilité se- porelles et de coordination avec les autres individus. La conjonction de
Afin d’analyser le lien dynamique entre socialisation et mobilité à ces contraintes et du projet de l’individu prédétermine les activités qu’il
(Oppenchaim, 2009). peut ou non réaliser. Les caractéristiques du réseau de transport rendent
négligent les effets socialisants des pratiques de mobilité des adolescents ainsi possibles certains choix d’activité et d’autres non.
Dans la lignée de ces travaux, on considère que la mobilité dérive du
programme d’activité réalisé par l’individu en fonction des contraintes qui
Accessibilité, dispositions et épreuve 52 pèsent sur lui et de ses capacités d’organisation. Ces capacités dépendent
des ressources des acteurs, notamment économiques, et de leur accès aux
et les désirs latents des individus qui n’ont pas pu se déplacer n’y sont pas comptabilisés.
1. Les enquêtes transports ne tiennent compte que des demandes exprimées : les besoins
Nicolas Oppenchaim 53

adjuvant de la mobilité (quand il prête sa voiture) ; dans tous les cas, il n’est
modes de transport (desserte du quartier, possession d’une automobile, n’est qu’un désagrément (quand les trains sont pleins, par exemple) ou un
du permis de conduire). Mais elles sont aussi liées au fonctionnement et placement, notamment aux interactions avec les autres citadins. Autrui
à la structure de la cellule familiale, aux capacités de programmation mobilité comme épreuve, elle ne s’intéresse guère au déroulement du dé-
des activités, à la disponibilité temporelle liée aux horaires de travail et Cette approche présente deux limites : contrairement à celle de la
à leur flexibilité (Cass, Shove & Urry, 2005). Cette approche permet l’éloignement des aménités urbaines, du revenu du ménage...
de mettre en évidence les déterminants structurels, sociaux et spatiaux la disponibilité des parents ou de frères et sœurs pour les accompagner, de
qui jouent sur les potentiels de mobilité. Cette notion de potentiel est carte d’abonnement, de la présence d’une automobile dans le ménage, de
centrale car elle différencie les déplacements effectués de la capacité des serte de ce quartier par les transports en commun, de la possession d’une
individus à se déplacer. Elle sera reprise et systématisée avec la notion dehors de leur quartier : elles varient notamment en fonction de la des-
de motilité (Kaufmann, 2001, 2007). Si les enquêtes transports consti- autres n’ont pas accès aux mêmes ressources pour réaliser des activités en
tuent l’instrument de recherche privilégié des auteurs qui mobilisent cet que les adolescents ont des potentiels de mobilité inégaux. Les uns et les
outil de l’accessibilité, ils s’appuient aussi sur d’autres matériaux (recense- Dans le cadre de notre recherche, l’étude de l’accessibilité montre
ments, matrices de temps d’accès, accès aux cartes de transport...) pour l’étalement urbain.
étudier ces potentiels1. quotidienne et mobilité résidentielle. Elle a ainsi fortement contribué à
Le passage d’un raisonnement individualisé à une approche élargie de l’automobile, a transformé les arbitrages des ménages entre mobilité
aux groupes sociaux permet de montrer, contrairement aux thèses d’une tation des potentiels de mobilité quotidienne, qui est liée à la diffusion
explosion généralisée des mobilités, qu’elles sont des pratiques sociales du temps et du budget consacrés à la mobilité. Dans ce cadre, l’augmen-
influencées par une inégale distribution de la capacité à être mobile. même, les travaux de Zahavi (1974) montrent une certaine constance
Apparaissent alors de nouvelles inégalités entre groupes sociaux, car ces ment déterminée par les durées et les coûts d’accès pour s’y rendre. De
différences de potentiel de mobilité ont des effets sur l’accès des in- la localisation des entreprises et des services est par exemple très forte-
dividus à certaines ressources. En outre, une telle approche permet de penser les effets de ces potentiels de mobilité sur la production urbaine :
penser les effets de ces potentiels de mobilité sur la production urbaine : dividus à certaines ressources. En outre, une telle approche permet de
la localisation des entreprises et des services est par exemple très forte- différences de potentiel de mobilité ont des effets sur l’accès des in-
ment déterminée par les durées et les coûts d’accès pour s’y rendre. De Apparaissent alors de nouvelles inégalités entre groupes sociaux, car ces
même, les travaux de Zahavi (1974) montrent une certaine constance influencées par une inégale distribution de la capacité à être mobile.
du temps et du budget consacrés à la mobilité. Dans ce cadre, l’augmen- explosion généralisée des mobilités, qu’elles sont des pratiques sociales
tation des potentiels de mobilité quotidienne, qui est liée à la diffusion aux groupes sociaux permet de montrer, contrairement aux thèses d’une
de l’automobile, a transformé les arbitrages des ménages entre mobilité Le passage d’un raisonnement individualisé à une approche élargie
quotidienne et mobilité résidentielle. Elle a ainsi fortement contribué à étudier ces potentiels1.
l’étalement urbain. ments, matrices de temps d’accès, accès aux cartes de transport...) pour
Dans le cadre de notre recherche, l’étude de l’accessibilité montre outil de l’accessibilité, ils s’appuient aussi sur d’autres matériaux (recense-
que les adolescents ont des potentiels de mobilité inégaux. Les uns et les tuent l’instrument de recherche privilégié des auteurs qui mobilisent cet
autres n’ont pas accès aux mêmes ressources pour réaliser des activités en de motilité (Kaufmann, 2001, 2007). Si les enquêtes transports consti-
dehors de leur quartier : elles varient notamment en fonction de la des- individus à se déplacer. Elle sera reprise et systématisée avec la notion
serte de ce quartier par les transports en commun, de la possession d’une centrale car elle différencie les déplacements effectués de la capacité des
carte d’abonnement, de la présence d’une automobile dans le ménage, de qui jouent sur les potentiels de mobilité. Cette notion de potentiel est
la disponibilité des parents ou de frères et sœurs pour les accompagner, de de mettre en évidence les déterminants structurels, sociaux et spatiaux
l’éloignement des aménités urbaines, du revenu du ménage... à leur flexibilité (Cass, Shove & Urry, 2005). Cette approche permet
Cette approche présente deux limites : contrairement à celle de la des activités, à la disponibilité temporelle liée aux horaires de travail et
mobilité comme épreuve, elle ne s’intéresse guère au déroulement du dé- à la structure de la cellule familiale, aux capacités de programmation
placement, notamment aux interactions avec les autres citadins. Autrui du permis de conduire). Mais elles sont aussi liées au fonctionnement et
n’est qu’un désagrément (quand les trains sont pleins, par exemple) ou un modes de transport (desserte du quartier, possession d’une automobile,
adjuvant de la mobilité (quand il prête sa voiture) ; dans tous les cas, il n’est
53 Nicolas Oppenchaim
1. Les enquêtes transports ne tiennent compte que des demandes exprimées : les besoins
et les désirs latents des individus qui n’ont pas pu se déplacer n’y sont pas comptabilisés.

et les désirs latents des individus qui n’ont pas pu se déplacer n’y sont pas comptabilisés.
1. Les enquêtes transports ne tiennent compte que des demandes exprimées : les besoins
Nicolas Oppenchaim 53

adjuvant de la mobilité (quand il prête sa voiture) ; dans tous les cas, il n’est
modes de transport (desserte du quartier, possession d’une automobile, n’est qu’un désagrément (quand les trains sont pleins, par exemple) ou un
du permis de conduire). Mais elles sont aussi liées au fonctionnement et placement, notamment aux interactions avec les autres citadins. Autrui
à la structure de la cellule familiale, aux capacités de programmation mobilité comme épreuve, elle ne s’intéresse guère au déroulement du dé-
des activités, à la disponibilité temporelle liée aux horaires de travail et Cette approche présente deux limites : contrairement à celle de la
à leur flexibilité (Cass, Shove & Urry, 2005). Cette approche permet l’éloignement des aménités urbaines, du revenu du ménage...
de mettre en évidence les déterminants structurels, sociaux et spatiaux la disponibilité des parents ou de frères et sœurs pour les accompagner, de
qui jouent sur les potentiels de mobilité. Cette notion de potentiel est carte d’abonnement, de la présence d’une automobile dans le ménage, de
centrale car elle différencie les déplacements effectués de la capacité des serte de ce quartier par les transports en commun, de la possession d’une
individus à se déplacer. Elle sera reprise et systématisée avec la notion dehors de leur quartier : elles varient notamment en fonction de la des-
de motilité (Kaufmann, 2001, 2007). Si les enquêtes transports consti- autres n’ont pas accès aux mêmes ressources pour réaliser des activités en
tuent l’instrument de recherche privilégié des auteurs qui mobilisent cet que les adolescents ont des potentiels de mobilité inégaux. Les uns et les
outil de l’accessibilité, ils s’appuient aussi sur d’autres matériaux (recense- Dans le cadre de notre recherche, l’étude de l’accessibilité montre
ments, matrices de temps d’accès, accès aux cartes de transport...) pour l’étalement urbain.
étudier ces potentiels1. quotidienne et mobilité résidentielle. Elle a ainsi fortement contribué à
Le passage d’un raisonnement individualisé à une approche élargie de l’automobile, a transformé les arbitrages des ménages entre mobilité
aux groupes sociaux permet de montrer, contrairement aux thèses d’une tation des potentiels de mobilité quotidienne, qui est liée à la diffusion
explosion généralisée des mobilités, qu’elles sont des pratiques sociales du temps et du budget consacrés à la mobilité. Dans ce cadre, l’augmen-
influencées par une inégale distribution de la capacité à être mobile. même, les travaux de Zahavi (1974) montrent une certaine constance
Apparaissent alors de nouvelles inégalités entre groupes sociaux, car ces ment déterminée par les durées et les coûts d’accès pour s’y rendre. De
différences de potentiel de mobilité ont des effets sur l’accès des in- la localisation des entreprises et des services est par exemple très forte-
dividus à certaines ressources. En outre, une telle approche permet de penser les effets de ces potentiels de mobilité sur la production urbaine :
penser les effets de ces potentiels de mobilité sur la production urbaine : dividus à certaines ressources. En outre, une telle approche permet de
la localisation des entreprises et des services est par exemple très forte- différences de potentiel de mobilité ont des effets sur l’accès des in-
ment déterminée par les durées et les coûts d’accès pour s’y rendre. De Apparaissent alors de nouvelles inégalités entre groupes sociaux, car ces
même, les travaux de Zahavi (1974) montrent une certaine constance influencées par une inégale distribution de la capacité à être mobile.
du temps et du budget consacrés à la mobilité. Dans ce cadre, l’augmen- explosion généralisée des mobilités, qu’elles sont des pratiques sociales
tation des potentiels de mobilité quotidienne, qui est liée à la diffusion aux groupes sociaux permet de montrer, contrairement aux thèses d’une
de l’automobile, a transformé les arbitrages des ménages entre mobilité Le passage d’un raisonnement individualisé à une approche élargie
quotidienne et mobilité résidentielle. Elle a ainsi fortement contribué à étudier ces potentiels1.
l’étalement urbain. ments, matrices de temps d’accès, accès aux cartes de transport...) pour
Dans le cadre de notre recherche, l’étude de l’accessibilité montre outil de l’accessibilité, ils s’appuient aussi sur d’autres matériaux (recense-
que les adolescents ont des potentiels de mobilité inégaux. Les uns et les tuent l’instrument de recherche privilégié des auteurs qui mobilisent cet
autres n’ont pas accès aux mêmes ressources pour réaliser des activités en de motilité (Kaufmann, 2001, 2007). Si les enquêtes transports consti-
dehors de leur quartier : elles varient notamment en fonction de la des- individus à se déplacer. Elle sera reprise et systématisée avec la notion
serte de ce quartier par les transports en commun, de la possession d’une centrale car elle différencie les déplacements effectués de la capacité des
carte d’abonnement, de la présence d’une automobile dans le ménage, de qui jouent sur les potentiels de mobilité. Cette notion de potentiel est
la disponibilité des parents ou de frères et sœurs pour les accompagner, de de mettre en évidence les déterminants structurels, sociaux et spatiaux
l’éloignement des aménités urbaines, du revenu du ménage... à leur flexibilité (Cass, Shove & Urry, 2005). Cette approche permet
Cette approche présente deux limites : contrairement à celle de la des activités, à la disponibilité temporelle liée aux horaires de travail et
mobilité comme épreuve, elle ne s’intéresse guère au déroulement du dé- à la structure de la cellule familiale, aux capacités de programmation
placement, notamment aux interactions avec les autres citadins. Autrui du permis de conduire). Mais elles sont aussi liées au fonctionnement et
n’est qu’un désagrément (quand les trains sont pleins, par exemple) ou un modes de transport (desserte du quartier, possession d’une automobile,
adjuvant de la mobilité (quand il prête sa voiture) ; dans tous les cas, il n’est
53 Nicolas Oppenchaim
1. Les enquêtes transports ne tiennent compte que des demandes exprimées : les besoins
et les désirs latents des individus qui n’ont pas pu se déplacer n’y sont pas comptabilisés.
ble des champs, à l’image de la domination masculine ?
capital de mobilité est-elle le support d’une forme de domination transversale à l’ensem-
rable d’un champ à un autre, à l’image du capital économique ? L’inégale possession du 54 Accessibilité, dispositions et épreuve
ils ne le lient jamais à celui de champ. Le capital de mobilité est-il très fortement transfé-
3. Un point aveugle subsiste néanmoins dans cette utilisation du concept de capital, car
Joye (2004) en y ajoutant un adjectif : “Motility: Mobility as a Social Capital”.
pensé que par rapport à la stratégie de déplacement. Ce qui est central ici,
ce n’est pas le déplacement en lui-même, mais ce à quoi il donne accès.
2. Lapsus étonnant, Urry modifie d’ailleurs le titre de l’article de Kaufman, Bergman &

D’autre part, cette approche ne peut expliquer pourquoi, à accessibilité


et à percevoir le monde. Le plus souvent, les agents n’ont pas conscience égale, un individu trouve un déplacement plus éprouvant qu’un autre,
tériorisation des structures objectives sous la forme de dispositions à agir est moins enclin à se déplacer ou préfère prendre tel mode de transport
compétences liées à l’apprentissage d’une capacité, mais surtout de l’in- même s’il est moins rapide.
Bourdieu l’a formulée avec le concept d’habitus. Celui-ci se compose des
vre la critique de toute conception intellectualiste de l’action, telle que Les dispositions à la mobilité
Elle suppose de considérer la mobilité comme une pratique et de sui-
renvoie aux habitudes, normes et valeurs intériorisées par les individus. Ici, la mobilité n’est plus considérée comme le moyen de réaliser une
pital. En effet, l’appropriation, qui est une des dimensions de la motilité, activité mais comme l’exercice d’une pratique en soi. Cet outil puise
que la conception utilitariste de l’action qui se détache du concept de ca- sa source dans les travaux de Bourdieu sur l’action, notamment Le Sens
capital (Kaufmann, Bergman & Joye, 2004). Cette notion est plus large pratique (1980 b), et permet de poser l’hypothèse que selon leur sociali-
du moins le cas dans l’article qui la définit, au moyen du seul concept de sation, les individus ont différentes dispositions à agir et penser dans les
Il est alors regrettable d’analyser la notion de motilité, comme c’est diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne.
cette capacité à être mobile sous d’autres formes de capitaux3. Dans leurs travaux sur la mobilité, d’autres auteurs s’inspirent de
sociale. L’emploi de ce concept permet d’insister sur la transférabilité de l’œuvre de Bourdieu en proposant le concept de capital de mobilité
duire un lien explicite entre la mobilité quotidienne et la stratification (Kaufmann, Bergman & Joye, 2004 ; Urry, 2007). Néanmoins, ils pen-
plutôt que de potentiel de mobilité offre cependant l’avantage d’intro- sent avant tout la mobilité en termes d’accessibilité, car ils la perçoivent
critique des travaux de Putnam sur ce thème (2000). Parler de capital comme le moyen d’accéder à un certain nombre de ressources. Ils se ré-
Ainsi le concept de capital en réseau d’Urry2 est-il principalement une fèrent d’ailleurs à un seul article de Bourdieu sur le capital social (1980 a).
fèrent d’ailleurs à un seul article de Bourdieu sur le capital social (1980 a). Ainsi le concept de capital en réseau d’Urry2 est-il principalement une
comme le moyen d’accéder à un certain nombre de ressources. Ils se ré- critique des travaux de Putnam sur ce thème (2000). Parler de capital
sent avant tout la mobilité en termes d’accessibilité, car ils la perçoivent plutôt que de potentiel de mobilité offre cependant l’avantage d’intro-
(Kaufmann, Bergman & Joye, 2004 ; Urry, 2007). Néanmoins, ils pen- duire un lien explicite entre la mobilité quotidienne et la stratification
l’œuvre de Bourdieu en proposant le concept de capital de mobilité sociale. L’emploi de ce concept permet d’insister sur la transférabilité de
Dans leurs travaux sur la mobilité, d’autres auteurs s’inspirent de cette capacité à être mobile sous d’autres formes de capitaux3.
diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne. Il est alors regrettable d’analyser la notion de motilité, comme c’est
sation, les individus ont différentes dispositions à agir et penser dans les du moins le cas dans l’article qui la définit, au moyen du seul concept de
pratique (1980 b), et permet de poser l’hypothèse que selon leur sociali- capital (Kaufmann, Bergman & Joye, 2004). Cette notion est plus large
sa source dans les travaux de Bourdieu sur l’action, notamment Le Sens que la conception utilitariste de l’action qui se détache du concept de ca-
activité mais comme l’exercice d’une pratique en soi. Cet outil puise pital. En effet, l’appropriation, qui est une des dimensions de la motilité,
Ici, la mobilité n’est plus considérée comme le moyen de réaliser une renvoie aux habitudes, normes et valeurs intériorisées par les individus.
Elle suppose de considérer la mobilité comme une pratique et de sui-
Les dispositions à la mobilité vre la critique de toute conception intellectualiste de l’action, telle que
Bourdieu l’a formulée avec le concept d’habitus. Celui-ci se compose des
même s’il est moins rapide. compétences liées à l’apprentissage d’une capacité, mais surtout de l’in-
est moins enclin à se déplacer ou préfère prendre tel mode de transport tériorisation des structures objectives sous la forme de dispositions à agir
égale, un individu trouve un déplacement plus éprouvant qu’un autre, et à percevoir le monde. Le plus souvent, les agents n’ont pas conscience
D’autre part, cette approche ne peut expliquer pourquoi, à accessibilité
ce n’est pas le déplacement en lui-même, mais ce à quoi il donne accès.
2. Lapsus étonnant, Urry modifie d’ailleurs le titre de l’article de Kaufman, Bergman &
Joye (2004) en y ajoutant un adjectif : “Motility: Mobility as a Social Capital”.
pensé que par rapport à la stratégie de déplacement. Ce qui est central ici,
3. Un point aveugle subsiste néanmoins dans cette utilisation du concept de capital, car
ils ne le lient jamais à celui de champ. Le capital de mobilité est-il très fortement transfé-
Accessibilité, dispositions et épreuve 54 rable d’un champ à un autre, à l’image du capital économique ? L’inégale possession du
capital de mobilité est-elle le support d’une forme de domination transversale à l’ensem-
ble des champs, à l’image de la domination masculine ?

ble des champs, à l’image de la domination masculine ?


capital de mobilité est-elle le support d’une forme de domination transversale à l’ensem-
rable d’un champ à un autre, à l’image du capital économique ? L’inégale possession du 54 Accessibilité, dispositions et épreuve
ils ne le lient jamais à celui de champ. Le capital de mobilité est-il très fortement transfé-
3. Un point aveugle subsiste néanmoins dans cette utilisation du concept de capital, car
Joye (2004) en y ajoutant un adjectif : “Motility: Mobility as a Social Capital”.
pensé que par rapport à la stratégie de déplacement. Ce qui est central ici,
ce n’est pas le déplacement en lui-même, mais ce à quoi il donne accès.
2. Lapsus étonnant, Urry modifie d’ailleurs le titre de l’article de Kaufman, Bergman &

D’autre part, cette approche ne peut expliquer pourquoi, à accessibilité


et à percevoir le monde. Le plus souvent, les agents n’ont pas conscience égale, un individu trouve un déplacement plus éprouvant qu’un autre,
tériorisation des structures objectives sous la forme de dispositions à agir est moins enclin à se déplacer ou préfère prendre tel mode de transport
compétences liées à l’apprentissage d’une capacité, mais surtout de l’in- même s’il est moins rapide.
Bourdieu l’a formulée avec le concept d’habitus. Celui-ci se compose des
vre la critique de toute conception intellectualiste de l’action, telle que Les dispositions à la mobilité
Elle suppose de considérer la mobilité comme une pratique et de sui-
renvoie aux habitudes, normes et valeurs intériorisées par les individus. Ici, la mobilité n’est plus considérée comme le moyen de réaliser une
pital. En effet, l’appropriation, qui est une des dimensions de la motilité, activité mais comme l’exercice d’une pratique en soi. Cet outil puise
que la conception utilitariste de l’action qui se détache du concept de ca- sa source dans les travaux de Bourdieu sur l’action, notamment Le Sens
capital (Kaufmann, Bergman & Joye, 2004). Cette notion est plus large pratique (1980 b), et permet de poser l’hypothèse que selon leur sociali-
du moins le cas dans l’article qui la définit, au moyen du seul concept de sation, les individus ont différentes dispositions à agir et penser dans les
Il est alors regrettable d’analyser la notion de motilité, comme c’est diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne.
cette capacité à être mobile sous d’autres formes de capitaux3. Dans leurs travaux sur la mobilité, d’autres auteurs s’inspirent de
sociale. L’emploi de ce concept permet d’insister sur la transférabilité de l’œuvre de Bourdieu en proposant le concept de capital de mobilité
duire un lien explicite entre la mobilité quotidienne et la stratification (Kaufmann, Bergman & Joye, 2004 ; Urry, 2007). Néanmoins, ils pen-
plutôt que de potentiel de mobilité offre cependant l’avantage d’intro- sent avant tout la mobilité en termes d’accessibilité, car ils la perçoivent
critique des travaux de Putnam sur ce thème (2000). Parler de capital comme le moyen d’accéder à un certain nombre de ressources. Ils se ré-
Ainsi le concept de capital en réseau d’Urry2 est-il principalement une fèrent d’ailleurs à un seul article de Bourdieu sur le capital social (1980 a).
fèrent d’ailleurs à un seul article de Bourdieu sur le capital social (1980 a). Ainsi le concept de capital en réseau d’Urry2 est-il principalement une
comme le moyen d’accéder à un certain nombre de ressources. Ils se ré- critique des travaux de Putnam sur ce thème (2000). Parler de capital
sent avant tout la mobilité en termes d’accessibilité, car ils la perçoivent plutôt que de potentiel de mobilité offre cependant l’avantage d’intro-
(Kaufmann, Bergman & Joye, 2004 ; Urry, 2007). Néanmoins, ils pen- duire un lien explicite entre la mobilité quotidienne et la stratification
l’œuvre de Bourdieu en proposant le concept de capital de mobilité sociale. L’emploi de ce concept permet d’insister sur la transférabilité de
Dans leurs travaux sur la mobilité, d’autres auteurs s’inspirent de cette capacité à être mobile sous d’autres formes de capitaux3.
diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne. Il est alors regrettable d’analyser la notion de motilité, comme c’est
sation, les individus ont différentes dispositions à agir et penser dans les du moins le cas dans l’article qui la définit, au moyen du seul concept de
pratique (1980 b), et permet de poser l’hypothèse que selon leur sociali- capital (Kaufmann, Bergman & Joye, 2004). Cette notion est plus large
sa source dans les travaux de Bourdieu sur l’action, notamment Le Sens que la conception utilitariste de l’action qui se détache du concept de ca-
activité mais comme l’exercice d’une pratique en soi. Cet outil puise pital. En effet, l’appropriation, qui est une des dimensions de la motilité,
Ici, la mobilité n’est plus considérée comme le moyen de réaliser une renvoie aux habitudes, normes et valeurs intériorisées par les individus.
Elle suppose de considérer la mobilité comme une pratique et de sui-
Les dispositions à la mobilité vre la critique de toute conception intellectualiste de l’action, telle que
Bourdieu l’a formulée avec le concept d’habitus. Celui-ci se compose des
même s’il est moins rapide. compétences liées à l’apprentissage d’une capacité, mais surtout de l’in-
est moins enclin à se déplacer ou préfère prendre tel mode de transport tériorisation des structures objectives sous la forme de dispositions à agir
égale, un individu trouve un déplacement plus éprouvant qu’un autre, et à percevoir le monde. Le plus souvent, les agents n’ont pas conscience
D’autre part, cette approche ne peut expliquer pourquoi, à accessibilité
ce n’est pas le déplacement en lui-même, mais ce à quoi il donne accès.
2. Lapsus étonnant, Urry modifie d’ailleurs le titre de l’article de Kaufman, Bergman &
Joye (2004) en y ajoutant un adjectif : “Motility: Mobility as a Social Capital”.
pensé que par rapport à la stratégie de déplacement. Ce qui est central ici,
3. Un point aveugle subsiste néanmoins dans cette utilisation du concept de capital, car
ils ne le lient jamais à celui de champ. Le capital de mobilité est-il très fortement transfé-
Accessibilité, dispositions et épreuve 54 rable d’un champ à un autre, à l’image du capital économique ? L’inégale possession du
capital de mobilité est-elle le support d’une forme de domination transversale à l’ensem-
ble des champs, à l’image de la domination masculine ?
prolongement critique de l’œuvre de Bourdieu par Lahire (2004).
spécifique une diversité d’expériences sociales. Ces deux points sont approfondis dans le
Nicolas Oppenchaim 55 être conduit à innover. D’autre part, chaque habitus est singulier et combine de manière
ment de la société. Il peut ne pas être adapté dans certaines situations, où l’individu peut
permettant l’adéquation mécanique des comportements individuels et du fonctionne-
de cette intériorisation liée à leur socialisation : l’habitus est pensé sous
4. Deux points méritent d’être précisés. D’une part, l’habitus n’est pas une structure fixe

l’hégémonie des dispositions sur les compétences4.


Selon nous, l’application de cette théorie de l’action aux pratiques de plus de clarté, nous exposerons la conception de l’action propre à ces deux
mobilité est féconde. Les individus ont des dispositions différentes dans la sociologie pragmatique inspirée de la pragmatique linguistique. Pour
les diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne  : l’utili- vaux de l’École de Chicago et de Goffman (Joseph, 2007), d’autre part,
sation des modes de transport, le rapport à l’anonymat urbain et à la courant philosophique du pragmatisme et sa descendance dans les tra-
coprésence avec des inconnus, la perception des territoires urbains... Ces théorie de l’action qui s’inscrit dans une double filiation : d’une part, le
dispositions sont principalement héritées des structures objectives dans centré sur la dimension routinière des déplacements. Il repose sur une
lesquelles les individus ont été socialisés. Les dispositions des adolescents s’y produisent et à leurs conséquences sur les individus ; il est donc moins
s’acquièrent ainsi principalement dans la sphère familiale, par le fonction- ment au déroulement du déplacement, aux situations de coprésence qui
nement de cette dernière (Kaufmann & Widmer, 2005), par la trajectoire Cet outil se distingue des précédents en s’intéressant plus spécifique-
résidentielle des parents et leurs expériences de mobilité (Goyon, 2009),
par leur rapport à l’investissement enfantin des espaces publics (Valentine La mobilité comme épreuve
& McKendrick, 1997). Elles se structurent également dans le quartier de
résidence, que ce soit en raison de l’influence des pairs, d’un contexte ur- tion de dispositions, et non dans sa spécificité situationnelle.
bain plus ou moins favorable à l’autonomie des enfants dans la mobilité décrire le cours de l’action, qui n’est pensée que sous l’angle de l’activa-
(Depeau, 2008) ou de l’utilisation d’un mode de transport donné (Bachiri mêmes. Le concept d’habitus est purement explicatif, il ne permet pas de
& Desprès, 2008). pas sur l’influence que peuvent avoir, sur l’expérience, les pratiques elles-
Cet outil théorique permet alors de différencier les adolescents par ration inconsciente : l’importance de la socialisation antérieure prend le
d’autres critères que celui des ressources dont ils disposent pour se dépla- cependant les processus d’apprentissage réflexif au profit de l’incorpo-
cer : il prend aussi en compte les processus de socialisation à la mobilité exercés par la famille et le(s) contexte(s) urbain(s) de résidence. Il évacue
exercés par la famille et le(s) contexte(s) urbain(s) de résidence. Il évacue cer : il prend aussi en compte les processus de socialisation à la mobilité
cependant les processus d’apprentissage réflexif au profit de l’incorpo- d’autres critères que celui des ressources dont ils disposent pour se dépla-
ration inconsciente : l’importance de la socialisation antérieure prend le Cet outil théorique permet alors de différencier les adolescents par
pas sur l’influence que peuvent avoir, sur l’expérience, les pratiques elles- & Desprès, 2008).
mêmes. Le concept d’habitus est purement explicatif, il ne permet pas de (Depeau, 2008) ou de l’utilisation d’un mode de transport donné (Bachiri
décrire le cours de l’action, qui n’est pensée que sous l’angle de l’activa- bain plus ou moins favorable à l’autonomie des enfants dans la mobilité
tion de dispositions, et non dans sa spécificité situationnelle. résidence, que ce soit en raison de l’influence des pairs, d’un contexte ur-
& McKendrick, 1997). Elles se structurent également dans le quartier de
La mobilité comme épreuve par leur rapport à l’investissement enfantin des espaces publics (Valentine
résidentielle des parents et leurs expériences de mobilité (Goyon, 2009),
Cet outil se distingue des précédents en s’intéressant plus spécifique- nement de cette dernière (Kaufmann & Widmer, 2005), par la trajectoire
ment au déroulement du déplacement, aux situations de coprésence qui s’acquièrent ainsi principalement dans la sphère familiale, par le fonction-
s’y produisent et à leurs conséquences sur les individus ; il est donc moins lesquelles les individus ont été socialisés. Les dispositions des adolescents
centré sur la dimension routinière des déplacements. Il repose sur une dispositions sont principalement héritées des structures objectives dans
théorie de l’action qui s’inscrit dans une double filiation : d’une part, le coprésence avec des inconnus, la perception des territoires urbains... Ces
courant philosophique du pragmatisme et sa descendance dans les tra- sation des modes de transport, le rapport à l’anonymat urbain et à la
vaux de l’École de Chicago et de Goffman (Joseph, 2007), d’autre part, les diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne  : l’utili-
la sociologie pragmatique inspirée de la pragmatique linguistique. Pour mobilité est féconde. Les individus ont des dispositions différentes dans
plus de clarté, nous exposerons la conception de l’action propre à ces deux Selon nous, l’application de cette théorie de l’action aux pratiques de
l’hégémonie des dispositions sur les compétences4.
de cette intériorisation liée à leur socialisation : l’habitus est pensé sous
4. Deux points méritent d’être précisés. D’une part, l’habitus n’est pas une structure fixe
permettant l’adéquation mécanique des comportements individuels et du fonctionne-
ment de la société. Il peut ne pas être adapté dans certaines situations, où l’individu peut
être conduit à innover. D’autre part, chaque habitus est singulier et combine de manière 55 Nicolas Oppenchaim
spécifique une diversité d’expériences sociales. Ces deux points sont approfondis dans le
prolongement critique de l’œuvre de Bourdieu par Lahire (2004).

prolongement critique de l’œuvre de Bourdieu par Lahire (2004).


spécifique une diversité d’expériences sociales. Ces deux points sont approfondis dans le
Nicolas Oppenchaim 55 être conduit à innover. D’autre part, chaque habitus est singulier et combine de manière
ment de la société. Il peut ne pas être adapté dans certaines situations, où l’individu peut
permettant l’adéquation mécanique des comportements individuels et du fonctionne-
de cette intériorisation liée à leur socialisation : l’habitus est pensé sous
4. Deux points méritent d’être précisés. D’une part, l’habitus n’est pas une structure fixe

l’hégémonie des dispositions sur les compétences4.


Selon nous, l’application de cette théorie de l’action aux pratiques de plus de clarté, nous exposerons la conception de l’action propre à ces deux
mobilité est féconde. Les individus ont des dispositions différentes dans la sociologie pragmatique inspirée de la pragmatique linguistique. Pour
les diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne  : l’utili- vaux de l’École de Chicago et de Goffman (Joseph, 2007), d’autre part,
sation des modes de transport, le rapport à l’anonymat urbain et à la courant philosophique du pragmatisme et sa descendance dans les tra-
coprésence avec des inconnus, la perception des territoires urbains... Ces théorie de l’action qui s’inscrit dans une double filiation : d’une part, le
dispositions sont principalement héritées des structures objectives dans centré sur la dimension routinière des déplacements. Il repose sur une
lesquelles les individus ont été socialisés. Les dispositions des adolescents s’y produisent et à leurs conséquences sur les individus ; il est donc moins
s’acquièrent ainsi principalement dans la sphère familiale, par le fonction- ment au déroulement du déplacement, aux situations de coprésence qui
nement de cette dernière (Kaufmann & Widmer, 2005), par la trajectoire Cet outil se distingue des précédents en s’intéressant plus spécifique-
résidentielle des parents et leurs expériences de mobilité (Goyon, 2009),
par leur rapport à l’investissement enfantin des espaces publics (Valentine La mobilité comme épreuve
& McKendrick, 1997). Elles se structurent également dans le quartier de
résidence, que ce soit en raison de l’influence des pairs, d’un contexte ur- tion de dispositions, et non dans sa spécificité situationnelle.
bain plus ou moins favorable à l’autonomie des enfants dans la mobilité décrire le cours de l’action, qui n’est pensée que sous l’angle de l’activa-
(Depeau, 2008) ou de l’utilisation d’un mode de transport donné (Bachiri mêmes. Le concept d’habitus est purement explicatif, il ne permet pas de
& Desprès, 2008). pas sur l’influence que peuvent avoir, sur l’expérience, les pratiques elles-
Cet outil théorique permet alors de différencier les adolescents par ration inconsciente : l’importance de la socialisation antérieure prend le
d’autres critères que celui des ressources dont ils disposent pour se dépla- cependant les processus d’apprentissage réflexif au profit de l’incorpo-
cer : il prend aussi en compte les processus de socialisation à la mobilité exercés par la famille et le(s) contexte(s) urbain(s) de résidence. Il évacue
exercés par la famille et le(s) contexte(s) urbain(s) de résidence. Il évacue cer : il prend aussi en compte les processus de socialisation à la mobilité
cependant les processus d’apprentissage réflexif au profit de l’incorpo- d’autres critères que celui des ressources dont ils disposent pour se dépla-
ration inconsciente : l’importance de la socialisation antérieure prend le Cet outil théorique permet alors de différencier les adolescents par
pas sur l’influence que peuvent avoir, sur l’expérience, les pratiques elles- & Desprès, 2008).
mêmes. Le concept d’habitus est purement explicatif, il ne permet pas de (Depeau, 2008) ou de l’utilisation d’un mode de transport donné (Bachiri
décrire le cours de l’action, qui n’est pensée que sous l’angle de l’activa- bain plus ou moins favorable à l’autonomie des enfants dans la mobilité
tion de dispositions, et non dans sa spécificité situationnelle. résidence, que ce soit en raison de l’influence des pairs, d’un contexte ur-
& McKendrick, 1997). Elles se structurent également dans le quartier de
La mobilité comme épreuve par leur rapport à l’investissement enfantin des espaces publics (Valentine
résidentielle des parents et leurs expériences de mobilité (Goyon, 2009),
Cet outil se distingue des précédents en s’intéressant plus spécifique- nement de cette dernière (Kaufmann & Widmer, 2005), par la trajectoire
ment au déroulement du déplacement, aux situations de coprésence qui s’acquièrent ainsi principalement dans la sphère familiale, par le fonction-
s’y produisent et à leurs conséquences sur les individus ; il est donc moins lesquelles les individus ont été socialisés. Les dispositions des adolescents
centré sur la dimension routinière des déplacements. Il repose sur une dispositions sont principalement héritées des structures objectives dans
théorie de l’action qui s’inscrit dans une double filiation : d’une part, le coprésence avec des inconnus, la perception des territoires urbains... Ces
courant philosophique du pragmatisme et sa descendance dans les tra- sation des modes de transport, le rapport à l’anonymat urbain et à la
vaux de l’École de Chicago et de Goffman (Joseph, 2007), d’autre part, les diverses dimensions des pratiques de mobilité quotidienne  : l’utili-
la sociologie pragmatique inspirée de la pragmatique linguistique. Pour mobilité est féconde. Les individus ont des dispositions différentes dans
plus de clarté, nous exposerons la conception de l’action propre à ces deux Selon nous, l’application de cette théorie de l’action aux pratiques de
l’hégémonie des dispositions sur les compétences4.
de cette intériorisation liée à leur socialisation : l’habitus est pensé sous
4. Deux points méritent d’être précisés. D’une part, l’habitus n’est pas une structure fixe
permettant l’adéquation mécanique des comportements individuels et du fonctionne-
ment de la société. Il peut ne pas être adapté dans certaines situations, où l’individu peut
être conduit à innover. D’autre part, chaque habitus est singulier et combine de manière 55 Nicolas Oppenchaim
spécifique une diversité d’expériences sociales. Ces deux points sont approfondis dans le
prolongement critique de l’œuvre de Bourdieu par Lahire (2004).
Par exemple, si la règle de l’« inattention civile » (Goffman, 1959, 1973,
rement les mêmes règles ou ne se situent pas dans la même grammaire. 56 Accessibilité, dispositions et épreuve
tuations mettant en présence des citadins qui ne partagent pas nécessai-
ou non surmonter. En effet, se succèdent dans les déplacements des si-
déplacements quotidiens, sont susceptibles d’affronter et qu’ils peuvent filiations, en nous appuyant sur la lecture de Dewey par Joseph (ibid.),
alors être perçue comme une série d’épreuves que les acteurs, dans leurs puis sur les travaux de Lemieux (2009).
lution nécessite un accord entre les différents acteurs. La mobilité peut Pour la tradition du pragmatisme, les acteurs ne cessent de passer de
problématiques qui questionnent les habitudes d’action et dont la réso- situations habituelles, qui reposent sur des croyances stables, à des situa-
(notamment Boltanski & Chiapello, 1999, p. 73-80), désigne ces situations tions de trouble, qui questionnent les habitudes anciennement fixées. Ce
Le terme d’épreuve, déjà utilisé par d’autres sociologues pragmatiques trouble survient quand le cours normal de l’action est interrompu par
suivies, voire à les redéfinir. une discontinuité de l’environnement qui nécessite une enquête pour
vidus à changer de grammaire ou à interroger la pertinence des règles établir de nouvelles croyances. La forme la plus élémentaire de ce trouble
l’énoncé explicite de la règle qui n’a pas été suivie. Elle conduit les indi- est l’embarras dans l’interaction, la sensation que quelque chose ne va pas
notification est plus ou moins explicite, de la moue désapprobatrice à car nous n’avons pas adopté le comportement qui convient à la situa-
notifient mutuellement qu’une faute grammaticale a été commise. Cette tion. Cependant, les acteurs possèdent des compétences pour s’adapter
comportement. Afin de rétablir le cours normal de l’action, les acteurs se et résoudre ces situations au déroulement imprévisible en s’appuyant sur
une interaction, les personnes ne se réfèrent pas aux mêmes règles de les indices offerts par l’environnement : de nouvelles habitudes d’action
situations qui demandent le plus de réflexivité adviennent lorsque, dans peuvent alors émerger.
se référant explicitement à une règle ou en fonction d’habitudes. Les Les sociologues pragmatiques reprennent cette conception de l’action
geurs). L’action est plus ou moins réflexive selon que l’acteur agit en en y ajoutant le concept de grammaire : un ensemble de règles à suivre pour
tiers peut partager (je l’éteins car je ne veux pas déranger les autres voya- être perçu par les autres membres d’une communauté comme agissant
ses distances vis-à-vis de la situation en s’appuyant sur des règles qu’un correctement dans une situation donnée. Ces différentes règles forment
voisin me menace)  ; la grammaire publique, qui suppose de prendre trois grammaires, universelles, mais spécifiées différemment dans chaque
adapter son comportement à différentes contraintes (je l’éteins car mon communauté : la grammaire naturelle, faite d’engagements immédiats et
plus envie d’écouter de la musique) ; la grammaire réaliste, qui consiste à spontanés (par exemple, j’éteins mon baladeur dans le métro car je n’ai
spontanés (par exemple, j’éteins mon baladeur dans le métro car je n’ai plus envie d’écouter de la musique) ; la grammaire réaliste, qui consiste à
communauté : la grammaire naturelle, faite d’engagements immédiats et adapter son comportement à différentes contraintes (je l’éteins car mon
trois grammaires, universelles, mais spécifiées différemment dans chaque voisin me menace)  ; la grammaire publique, qui suppose de prendre
correctement dans une situation donnée. Ces différentes règles forment ses distances vis-à-vis de la situation en s’appuyant sur des règles qu’un
être perçu par les autres membres d’une communauté comme agissant tiers peut partager (je l’éteins car je ne veux pas déranger les autres voya-
en y ajoutant le concept de grammaire : un ensemble de règles à suivre pour geurs). L’action est plus ou moins réflexive selon que l’acteur agit en
Les sociologues pragmatiques reprennent cette conception de l’action se référant explicitement à une règle ou en fonction d’habitudes. Les
peuvent alors émerger. situations qui demandent le plus de réflexivité adviennent lorsque, dans
les indices offerts par l’environnement : de nouvelles habitudes d’action une interaction, les personnes ne se réfèrent pas aux mêmes règles de
et résoudre ces situations au déroulement imprévisible en s’appuyant sur comportement. Afin de rétablir le cours normal de l’action, les acteurs se
tion. Cependant, les acteurs possèdent des compétences pour s’adapter notifient mutuellement qu’une faute grammaticale a été commise. Cette
car nous n’avons pas adopté le comportement qui convient à la situa- notification est plus ou moins explicite, de la moue désapprobatrice à
est l’embarras dans l’interaction, la sensation que quelque chose ne va pas l’énoncé explicite de la règle qui n’a pas été suivie. Elle conduit les indi-
établir de nouvelles croyances. La forme la plus élémentaire de ce trouble vidus à changer de grammaire ou à interroger la pertinence des règles
une discontinuité de l’environnement qui nécessite une enquête pour suivies, voire à les redéfinir.
trouble survient quand le cours normal de l’action est interrompu par Le terme d’épreuve, déjà utilisé par d’autres sociologues pragmatiques
tions de trouble, qui questionnent les habitudes anciennement fixées. Ce (notamment Boltanski & Chiapello, 1999, p. 73-80), désigne ces situations
situations habituelles, qui reposent sur des croyances stables, à des situa- problématiques qui questionnent les habitudes d’action et dont la réso-
Pour la tradition du pragmatisme, les acteurs ne cessent de passer de lution nécessite un accord entre les différents acteurs. La mobilité peut
puis sur les travaux de Lemieux (2009). alors être perçue comme une série d’épreuves que les acteurs, dans leurs
filiations, en nous appuyant sur la lecture de Dewey par Joseph (ibid.), déplacements quotidiens, sont susceptibles d’affronter et qu’ils peuvent
ou non surmonter. En effet, se succèdent dans les déplacements des si-
tuations mettant en présence des citadins qui ne partagent pas nécessai-
Accessibilité, dispositions et épreuve 56 rement les mêmes règles ou ne se situent pas dans la même grammaire.
Par exemple, si la règle de l’« inattention civile » (Goffman, 1959, 1973,

Par exemple, si la règle de l’« inattention civile » (Goffman, 1959, 1973,


rement les mêmes règles ou ne se situent pas dans la même grammaire. 56 Accessibilité, dispositions et épreuve
tuations mettant en présence des citadins qui ne partagent pas nécessai-
ou non surmonter. En effet, se succèdent dans les déplacements des si-
déplacements quotidiens, sont susceptibles d’affronter et qu’ils peuvent filiations, en nous appuyant sur la lecture de Dewey par Joseph (ibid.),
alors être perçue comme une série d’épreuves que les acteurs, dans leurs puis sur les travaux de Lemieux (2009).
lution nécessite un accord entre les différents acteurs. La mobilité peut Pour la tradition du pragmatisme, les acteurs ne cessent de passer de
problématiques qui questionnent les habitudes d’action et dont la réso- situations habituelles, qui reposent sur des croyances stables, à des situa-
(notamment Boltanski & Chiapello, 1999, p. 73-80), désigne ces situations tions de trouble, qui questionnent les habitudes anciennement fixées. Ce
Le terme d’épreuve, déjà utilisé par d’autres sociologues pragmatiques trouble survient quand le cours normal de l’action est interrompu par
suivies, voire à les redéfinir. une discontinuité de l’environnement qui nécessite une enquête pour
vidus à changer de grammaire ou à interroger la pertinence des règles établir de nouvelles croyances. La forme la plus élémentaire de ce trouble
l’énoncé explicite de la règle qui n’a pas été suivie. Elle conduit les indi- est l’embarras dans l’interaction, la sensation que quelque chose ne va pas
notification est plus ou moins explicite, de la moue désapprobatrice à car nous n’avons pas adopté le comportement qui convient à la situa-
notifient mutuellement qu’une faute grammaticale a été commise. Cette tion. Cependant, les acteurs possèdent des compétences pour s’adapter
comportement. Afin de rétablir le cours normal de l’action, les acteurs se et résoudre ces situations au déroulement imprévisible en s’appuyant sur
une interaction, les personnes ne se réfèrent pas aux mêmes règles de les indices offerts par l’environnement : de nouvelles habitudes d’action
situations qui demandent le plus de réflexivité adviennent lorsque, dans peuvent alors émerger.
se référant explicitement à une règle ou en fonction d’habitudes. Les Les sociologues pragmatiques reprennent cette conception de l’action
geurs). L’action est plus ou moins réflexive selon que l’acteur agit en en y ajoutant le concept de grammaire : un ensemble de règles à suivre pour
tiers peut partager (je l’éteins car je ne veux pas déranger les autres voya- être perçu par les autres membres d’une communauté comme agissant
ses distances vis-à-vis de la situation en s’appuyant sur des règles qu’un correctement dans une situation donnée. Ces différentes règles forment
voisin me menace)  ; la grammaire publique, qui suppose de prendre trois grammaires, universelles, mais spécifiées différemment dans chaque
adapter son comportement à différentes contraintes (je l’éteins car mon communauté : la grammaire naturelle, faite d’engagements immédiats et
plus envie d’écouter de la musique) ; la grammaire réaliste, qui consiste à spontanés (par exemple, j’éteins mon baladeur dans le métro car je n’ai
spontanés (par exemple, j’éteins mon baladeur dans le métro car je n’ai plus envie d’écouter de la musique) ; la grammaire réaliste, qui consiste à
communauté : la grammaire naturelle, faite d’engagements immédiats et adapter son comportement à différentes contraintes (je l’éteins car mon
trois grammaires, universelles, mais spécifiées différemment dans chaque voisin me menace)  ; la grammaire publique, qui suppose de prendre
correctement dans une situation donnée. Ces différentes règles forment ses distances vis-à-vis de la situation en s’appuyant sur des règles qu’un
être perçu par les autres membres d’une communauté comme agissant tiers peut partager (je l’éteins car je ne veux pas déranger les autres voya-
en y ajoutant le concept de grammaire : un ensemble de règles à suivre pour geurs). L’action est plus ou moins réflexive selon que l’acteur agit en
Les sociologues pragmatiques reprennent cette conception de l’action se référant explicitement à une règle ou en fonction d’habitudes. Les
peuvent alors émerger. situations qui demandent le plus de réflexivité adviennent lorsque, dans
les indices offerts par l’environnement : de nouvelles habitudes d’action une interaction, les personnes ne se réfèrent pas aux mêmes règles de
et résoudre ces situations au déroulement imprévisible en s’appuyant sur comportement. Afin de rétablir le cours normal de l’action, les acteurs se
tion. Cependant, les acteurs possèdent des compétences pour s’adapter notifient mutuellement qu’une faute grammaticale a été commise. Cette
car nous n’avons pas adopté le comportement qui convient à la situa- notification est plus ou moins explicite, de la moue désapprobatrice à
est l’embarras dans l’interaction, la sensation que quelque chose ne va pas l’énoncé explicite de la règle qui n’a pas été suivie. Elle conduit les indi-
établir de nouvelles croyances. La forme la plus élémentaire de ce trouble vidus à changer de grammaire ou à interroger la pertinence des règles
une discontinuité de l’environnement qui nécessite une enquête pour suivies, voire à les redéfinir.
trouble survient quand le cours normal de l’action est interrompu par Le terme d’épreuve, déjà utilisé par d’autres sociologues pragmatiques
tions de trouble, qui questionnent les habitudes anciennement fixées. Ce (notamment Boltanski & Chiapello, 1999, p. 73-80), désigne ces situations
situations habituelles, qui reposent sur des croyances stables, à des situa- problématiques qui questionnent les habitudes d’action et dont la réso-
Pour la tradition du pragmatisme, les acteurs ne cessent de passer de lution nécessite un accord entre les différents acteurs. La mobilité peut
puis sur les travaux de Lemieux (2009). alors être perçue comme une série d’épreuves que les acteurs, dans leurs
filiations, en nous appuyant sur la lecture de Dewey par Joseph (ibid.), déplacements quotidiens, sont susceptibles d’affronter et qu’ils peuvent
ou non surmonter. En effet, se succèdent dans les déplacements des si-
tuations mettant en présence des citadins qui ne partagent pas nécessai-
Accessibilité, dispositions et épreuve 56 rement les mêmes règles ou ne se situent pas dans la même grammaire.
Par exemple, si la règle de l’« inattention civile » (Goffman, 1959, 1973,
consommation du ménage, de la profession des parents et de leur niveau
Nicolas Oppenchaim 57 aussi selon leur catégorie sociale, élaborée à partir du revenu par unité de
cents interrogés (11-18 ans) selon qu’ils résident ou non en ZUS, mais
cilienne de 2002. Dans son exploitation, nous avons distingué les adoles-
p. 253) (grammaire publique) domine généralement dans les transports en trois matériaux. Le premier est l’enquête globale de transport (EGT) fran-
commun, elle peut, dans certaines situations, être en tension avec d’autres Afin d’opérationnaliser ces outils théoriques, nous nous appuyons sur
règles de conduite comme celle de l’exploration et du jeu (grammaire
naturelle). La notion d’épreuve met alors l’accent sur l’incertitude propre MÉTHODE ET CORPUS DE DONNÉES
à chaque situation, sans négliger les rapports de force qui s’y expriment. Il
existe ainsi un continuum entre les épreuves où les acteurs s’appuient sur repliant sur le monde familier.
la grammaire publique lorsque leur action est mise en cause (épreuves de mener certains adolescents au refus de se confronter aux épreuves en se
grandeur chez Boltanski & Chiapello, p. 402-413), et celles où ils mobili- peuvent conduire à un accord partagé. La répétition d’échecs peut alors
sent d’autres grammaires (épreuves de force). Le premier type d’épreuves les autres citadins donne lieu à des épreuves de force qui, par nature, ne
est par nature égalitaire : il s’appuie sur la capacité reconnue des acteurs à lescent peut également échouer, notamment lorsque le désaccord avec
mobiliser des principes de justice partageables par d’autres. Au contraire, là même, faire évoluer les habitudes d’action des adolescents. Mais l’ado-
dans le second type, un acteur peut chercher à imposer une règle sans toute épreuve, lorsqu’elle est surmontée, peut créer un précédent et, par
mobiliser ces principes de justice. Il peut ainsi dénier aux autres acteurs mension d’apprentissage que ne pouvaient traiter les deux autres outils :
de l’interaction la capacité de faire appel à la grammaire publique, voire, Cependant, l’incertitude sur l’issue de l’épreuve permet d’inclure la di-
dans les cas extrêmes, imposer son point de vue par la violence. L’épreuve épreuves en se déplaçant et n’auront pas la même facilité à les surmonter.
de force se distingue de la relativisation lorsque l’acteur passe outre le les parents. Aussi les uns et les autres ne seront pas confrontés aux mêmes
trouble qu’il ressent. Cependant, si des rapports de force structurent cha- périmentent dans leur trajectoire résidentielle et / ou lors de trajets avec
que épreuve, l’issue de cette dernière est toujours incertaine : il ne peut en fonction de la diversité des contextes urbains que les adolescents ex-
être établi à l’avance qu’un accord permettra ou non le retour à un cours portement. Ces règles ont été plus ou moins questionnées et modifiées
normal de l’interaction. ils ont grandi, les adolescents ne partagent pas les mêmes règles de com-
Cet outil permet alors de penser les liens dynamiques entre socialisa- tion et mobilité. Selon l’environnement familial et résidentiel dans lequel
tion et mobilité. Selon l’environnement familial et résidentiel dans lequel Cet outil permet alors de penser les liens dynamiques entre socialisa-
ils ont grandi, les adolescents ne partagent pas les mêmes règles de com- normal de l’interaction.
portement. Ces règles ont été plus ou moins questionnées et modifiées être établi à l’avance qu’un accord permettra ou non le retour à un cours
en fonction de la diversité des contextes urbains que les adolescents ex- que épreuve, l’issue de cette dernière est toujours incertaine : il ne peut
périmentent dans leur trajectoire résidentielle et / ou lors de trajets avec trouble qu’il ressent. Cependant, si des rapports de force structurent cha-
les parents. Aussi les uns et les autres ne seront pas confrontés aux mêmes de force se distingue de la relativisation lorsque l’acteur passe outre le
épreuves en se déplaçant et n’auront pas la même facilité à les surmonter. dans les cas extrêmes, imposer son point de vue par la violence. L’épreuve
Cependant, l’incertitude sur l’issue de l’épreuve permet d’inclure la di- de l’interaction la capacité de faire appel à la grammaire publique, voire,
mension d’apprentissage que ne pouvaient traiter les deux autres outils : mobiliser ces principes de justice. Il peut ainsi dénier aux autres acteurs
toute épreuve, lorsqu’elle est surmontée, peut créer un précédent et, par dans le second type, un acteur peut chercher à imposer une règle sans
là même, faire évoluer les habitudes d’action des adolescents. Mais l’ado- mobiliser des principes de justice partageables par d’autres. Au contraire,
lescent peut également échouer, notamment lorsque le désaccord avec est par nature égalitaire : il s’appuie sur la capacité reconnue des acteurs à
les autres citadins donne lieu à des épreuves de force qui, par nature, ne sent d’autres grammaires (épreuves de force). Le premier type d’épreuves
peuvent conduire à un accord partagé. La répétition d’échecs peut alors grandeur chez Boltanski & Chiapello, p. 402-413), et celles où ils mobili-
mener certains adolescents au refus de se confronter aux épreuves en se la grammaire publique lorsque leur action est mise en cause (épreuves de
repliant sur le monde familier. existe ainsi un continuum entre les épreuves où les acteurs s’appuient sur
à chaque situation, sans négliger les rapports de force qui s’y expriment. Il
MÉTHODE ET CORPUS DE DONNÉES naturelle). La notion d’épreuve met alors l’accent sur l’incertitude propre
règles de conduite comme celle de l’exploration et du jeu (grammaire
Afin d’opérationnaliser ces outils théoriques, nous nous appuyons sur commun, elle peut, dans certaines situations, être en tension avec d’autres
trois matériaux. Le premier est l’enquête globale de transport (EGT) fran- p. 253) (grammaire publique) domine généralement dans les transports en
cilienne de 2002. Dans son exploitation, nous avons distingué les adoles-
cents interrogés (11-18 ans) selon qu’ils résident ou non en ZUS, mais
aussi selon leur catégorie sociale, élaborée à partir du revenu par unité de 57 Nicolas Oppenchaim
consommation du ménage, de la profession des parents et de leur niveau

consommation du ménage, de la profession des parents et de leur niveau


Nicolas Oppenchaim 57 aussi selon leur catégorie sociale, élaborée à partir du revenu par unité de
cents interrogés (11-18 ans) selon qu’ils résident ou non en ZUS, mais
cilienne de 2002. Dans son exploitation, nous avons distingué les adoles-
p. 253) (grammaire publique) domine généralement dans les transports en trois matériaux. Le premier est l’enquête globale de transport (EGT) fran-
commun, elle peut, dans certaines situations, être en tension avec d’autres Afin d’opérationnaliser ces outils théoriques, nous nous appuyons sur
règles de conduite comme celle de l’exploration et du jeu (grammaire
naturelle). La notion d’épreuve met alors l’accent sur l’incertitude propre MÉTHODE ET CORPUS DE DONNÉES
à chaque situation, sans négliger les rapports de force qui s’y expriment. Il
existe ainsi un continuum entre les épreuves où les acteurs s’appuient sur repliant sur le monde familier.
la grammaire publique lorsque leur action est mise en cause (épreuves de mener certains adolescents au refus de se confronter aux épreuves en se
grandeur chez Boltanski & Chiapello, p. 402-413), et celles où ils mobili- peuvent conduire à un accord partagé. La répétition d’échecs peut alors
sent d’autres grammaires (épreuves de force). Le premier type d’épreuves les autres citadins donne lieu à des épreuves de force qui, par nature, ne
est par nature égalitaire : il s’appuie sur la capacité reconnue des acteurs à lescent peut également échouer, notamment lorsque le désaccord avec
mobiliser des principes de justice partageables par d’autres. Au contraire, là même, faire évoluer les habitudes d’action des adolescents. Mais l’ado-
dans le second type, un acteur peut chercher à imposer une règle sans toute épreuve, lorsqu’elle est surmontée, peut créer un précédent et, par
mobiliser ces principes de justice. Il peut ainsi dénier aux autres acteurs mension d’apprentissage que ne pouvaient traiter les deux autres outils :
de l’interaction la capacité de faire appel à la grammaire publique, voire, Cependant, l’incertitude sur l’issue de l’épreuve permet d’inclure la di-
dans les cas extrêmes, imposer son point de vue par la violence. L’épreuve épreuves en se déplaçant et n’auront pas la même facilité à les surmonter.
de force se distingue de la relativisation lorsque l’acteur passe outre le les parents. Aussi les uns et les autres ne seront pas confrontés aux mêmes
trouble qu’il ressent. Cependant, si des rapports de force structurent cha- périmentent dans leur trajectoire résidentielle et / ou lors de trajets avec
que épreuve, l’issue de cette dernière est toujours incertaine : il ne peut en fonction de la diversité des contextes urbains que les adolescents ex-
être établi à l’avance qu’un accord permettra ou non le retour à un cours portement. Ces règles ont été plus ou moins questionnées et modifiées
normal de l’interaction. ils ont grandi, les adolescents ne partagent pas les mêmes règles de com-
Cet outil permet alors de penser les liens dynamiques entre socialisa- tion et mobilité. Selon l’environnement familial et résidentiel dans lequel
tion et mobilité. Selon l’environnement familial et résidentiel dans lequel Cet outil permet alors de penser les liens dynamiques entre socialisa-
ils ont grandi, les adolescents ne partagent pas les mêmes règles de com- normal de l’interaction.
portement. Ces règles ont été plus ou moins questionnées et modifiées être établi à l’avance qu’un accord permettra ou non le retour à un cours
en fonction de la diversité des contextes urbains que les adolescents ex- que épreuve, l’issue de cette dernière est toujours incertaine : il ne peut
périmentent dans leur trajectoire résidentielle et / ou lors de trajets avec trouble qu’il ressent. Cependant, si des rapports de force structurent cha-
les parents. Aussi les uns et les autres ne seront pas confrontés aux mêmes de force se distingue de la relativisation lorsque l’acteur passe outre le
épreuves en se déplaçant et n’auront pas la même facilité à les surmonter. dans les cas extrêmes, imposer son point de vue par la violence. L’épreuve
Cependant, l’incertitude sur l’issue de l’épreuve permet d’inclure la di- de l’interaction la capacité de faire appel à la grammaire publique, voire,
mension d’apprentissage que ne pouvaient traiter les deux autres outils : mobiliser ces principes de justice. Il peut ainsi dénier aux autres acteurs
toute épreuve, lorsqu’elle est surmontée, peut créer un précédent et, par dans le second type, un acteur peut chercher à imposer une règle sans
là même, faire évoluer les habitudes d’action des adolescents. Mais l’ado- mobiliser des principes de justice partageables par d’autres. Au contraire,
lescent peut également échouer, notamment lorsque le désaccord avec est par nature égalitaire : il s’appuie sur la capacité reconnue des acteurs à
les autres citadins donne lieu à des épreuves de force qui, par nature, ne sent d’autres grammaires (épreuves de force). Le premier type d’épreuves
peuvent conduire à un accord partagé. La répétition d’échecs peut alors grandeur chez Boltanski & Chiapello, p. 402-413), et celles où ils mobili-
mener certains adolescents au refus de se confronter aux épreuves en se la grammaire publique lorsque leur action est mise en cause (épreuves de
repliant sur le monde familier. existe ainsi un continuum entre les épreuves où les acteurs s’appuient sur
à chaque situation, sans négliger les rapports de force qui s’y expriment. Il
MÉTHODE ET CORPUS DE DONNÉES naturelle). La notion d’épreuve met alors l’accent sur l’incertitude propre
règles de conduite comme celle de l’exploration et du jeu (grammaire
Afin d’opérationnaliser ces outils théoriques, nous nous appuyons sur commun, elle peut, dans certaines situations, être en tension avec d’autres
trois matériaux. Le premier est l’enquête globale de transport (EGT) fran- p. 253) (grammaire publique) domine généralement dans les transports en
cilienne de 2002. Dans son exploitation, nous avons distingué les adoles-
cents interrogés (11-18 ans) selon qu’ils résident ou non en ZUS, mais
aussi selon leur catégorie sociale, élaborée à partir du revenu par unité de 57 Nicolas Oppenchaim
consommation du ménage, de la profession des parents et de leur niveau
permet de montrer une influence des dispositions héritées de la sphère
transports en commun par les parents pour des motifs extraprofessionnels 58 Accessibilité, dispositions et épreuve
de l’EGT, de variables comme la résidence en ZUS ou l’utilisation des
de l’outil des dispositions. Cependant, l’introduction, dans l’exploitation
nos entretiens fournissent le matériau principal à l’opérationnalisation d’études (Oppenchaim, 2011 a). Cette double distinction permet d’inter-
l’enquête EGT pour opérationnaliser l’outil de l’accessibilité, alors que roger l’effet des variables sociales et territoriales sur les potentiels de mo-
palement des tris croisés et des modèles de régressions logistiques tirés de bilité des adolescents. Nous complétons ce matériau par des indicateurs
ces matériaux, mais aucun ne s’y réduit. Ainsi, nous mobilisons princi- d’accessibilité aux transports en commun (temps mis à pied ou en bus
Chacun de nos trois outils s’appuie plus spécifiquement sur l’un de pour se rendre à l’infrastructure lourde la plus proche) et au centre de
issus d’autres catégories sociales et / ou d’autres quartiers. l’agglomération, calculés à partir du réseau de voirie et de transports en
parer les pratiques de mobilité de ces adolescents avec celles de jeunes commun franciliens. Cependant, l’enquête EGT souffre d’une certaine
de ZUS faiblement présents dans l’espace public de résidence, et de com- faiblesse de l’échantillon : 2 309 adolescents sont interrogés sur leurs dépla-
écriture de textes). Ce matériau nous a permis d’accéder aux adolescents cements un jour de semaine, 810 sur leurs déplacements durant le week-
des filles) et des ateliers thématiques sur la mobilité (photographies et end. Elle ne permet pas de distinguer les profils à l’intérieur des ZUS,
Ces projets articulent 92 entretiens semi-directifs d’une heure (41 avec si ce n’est par le genre et l’éloignement du centre de l’agglomération.
fessionnelle en petite couronne et quatre de troisième, dont deux à Paris). Elle n’offre également qu’une description sommaire, mais nécessaire, des
de seconde générale en petite et grande couronne, une de seconde pro- pratiques de mobilité : fréquence, portée et longueur des déplacements,
dont le secteur de recrutement est en partie situé en ZUS (deux classes usage des différents modes de transport, autonomie...
Nous avons donc mené des projets avec sept établissements scolaires Le second matériau est une enquête ethnographique menée pendant
tiers ne pouvaient nullement servir d’outil de comparaison. un an auprès de jeunes garçons (13-18  ans) fréquentant la maison de
quement, les adolescents d’autres milieux sociaux et / ou d’autres quar- quartier d’une ZUS de grande couronne (Oppenchaim, 2011 a). Notre
enquêtés étant très majoritairement issus de ménages fragiles économi- présence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains,
des jeunes très mobiles et de ceux qui restent chez eux. Les adolescents notre accompagnement lors de sorties et la réalisation de vingt entretiens
qu’aux adolescents présents dans l’espace public de résidence, à l’exclusion ethnographiques nous ont permis de mieux comprendre le lien entre
contexte urbain de leur quartier. Cependant, cette enquête n’avait accès certaines spécificités des pratiques de mobilité de ces adolescents et le
certaines spécificités des pratiques de mobilité de ces adolescents et le contexte urbain de leur quartier. Cependant, cette enquête n’avait accès
ethnographiques nous ont permis de mieux comprendre le lien entre qu’aux adolescents présents dans l’espace public de résidence, à l’exclusion
notre accompagnement lors de sorties et la réalisation de vingt entretiens des jeunes très mobiles et de ceux qui restent chez eux. Les adolescents
présence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains, enquêtés étant très majoritairement issus de ménages fragiles économi-
quartier d’une ZUS de grande couronne (Oppenchaim, 2011 a). Notre quement, les adolescents d’autres milieux sociaux et / ou d’autres quar-
un an auprès de jeunes garçons (13-18  ans) fréquentant la maison de tiers ne pouvaient nullement servir d’outil de comparaison.
Le second matériau est une enquête ethnographique menée pendant Nous avons donc mené des projets avec sept établissements scolaires
usage des différents modes de transport, autonomie... dont le secteur de recrutement est en partie situé en ZUS (deux classes
pratiques de mobilité : fréquence, portée et longueur des déplacements, de seconde générale en petite et grande couronne, une de seconde pro-
Elle n’offre également qu’une description sommaire, mais nécessaire, des fessionnelle en petite couronne et quatre de troisième, dont deux à Paris).
si ce n’est par le genre et l’éloignement du centre de l’agglomération. Ces projets articulent 92 entretiens semi-directifs d’une heure (41 avec
end. Elle ne permet pas de distinguer les profils à l’intérieur des ZUS, des filles) et des ateliers thématiques sur la mobilité (photographies et
cements un jour de semaine, 810 sur leurs déplacements durant le week- écriture de textes). Ce matériau nous a permis d’accéder aux adolescents
faiblesse de l’échantillon : 2 309 adolescents sont interrogés sur leurs dépla- de ZUS faiblement présents dans l’espace public de résidence, et de com-
commun franciliens. Cependant, l’enquête EGT souffre d’une certaine parer les pratiques de mobilité de ces adolescents avec celles de jeunes
l’agglomération, calculés à partir du réseau de voirie et de transports en issus d’autres catégories sociales et / ou d’autres quartiers.
pour se rendre à l’infrastructure lourde la plus proche) et au centre de Chacun de nos trois outils s’appuie plus spécifiquement sur l’un de
d’accessibilité aux transports en commun (temps mis à pied ou en bus ces matériaux, mais aucun ne s’y réduit. Ainsi, nous mobilisons princi-
bilité des adolescents. Nous complétons ce matériau par des indicateurs palement des tris croisés et des modèles de régressions logistiques tirés de
roger l’effet des variables sociales et territoriales sur les potentiels de mo- l’enquête EGT pour opérationnaliser l’outil de l’accessibilité, alors que
d’études (Oppenchaim, 2011 a). Cette double distinction permet d’inter- nos entretiens fournissent le matériau principal à l’opérationnalisation
de l’outil des dispositions. Cependant, l’introduction, dans l’exploitation
de l’EGT, de variables comme la résidence en ZUS ou l’utilisation des
Accessibilité, dispositions et épreuve 58 transports en commun par les parents pour des motifs extraprofessionnels
permet de montrer une influence des dispositions héritées de la sphère

permet de montrer une influence des dispositions héritées de la sphère


transports en commun par les parents pour des motifs extraprofessionnels 58 Accessibilité, dispositions et épreuve
de l’EGT, de variables comme la résidence en ZUS ou l’utilisation des
de l’outil des dispositions. Cependant, l’introduction, dans l’exploitation
nos entretiens fournissent le matériau principal à l’opérationnalisation d’études (Oppenchaim, 2011 a). Cette double distinction permet d’inter-
l’enquête EGT pour opérationnaliser l’outil de l’accessibilité, alors que roger l’effet des variables sociales et territoriales sur les potentiels de mo-
palement des tris croisés et des modèles de régressions logistiques tirés de bilité des adolescents. Nous complétons ce matériau par des indicateurs
ces matériaux, mais aucun ne s’y réduit. Ainsi, nous mobilisons princi- d’accessibilité aux transports en commun (temps mis à pied ou en bus
Chacun de nos trois outils s’appuie plus spécifiquement sur l’un de pour se rendre à l’infrastructure lourde la plus proche) et au centre de
issus d’autres catégories sociales et / ou d’autres quartiers. l’agglomération, calculés à partir du réseau de voirie et de transports en
parer les pratiques de mobilité de ces adolescents avec celles de jeunes commun franciliens. Cependant, l’enquête EGT souffre d’une certaine
de ZUS faiblement présents dans l’espace public de résidence, et de com- faiblesse de l’échantillon : 2 309 adolescents sont interrogés sur leurs dépla-
écriture de textes). Ce matériau nous a permis d’accéder aux adolescents cements un jour de semaine, 810 sur leurs déplacements durant le week-
des filles) et des ateliers thématiques sur la mobilité (photographies et end. Elle ne permet pas de distinguer les profils à l’intérieur des ZUS,
Ces projets articulent 92 entretiens semi-directifs d’une heure (41 avec si ce n’est par le genre et l’éloignement du centre de l’agglomération.
fessionnelle en petite couronne et quatre de troisième, dont deux à Paris). Elle n’offre également qu’une description sommaire, mais nécessaire, des
de seconde générale en petite et grande couronne, une de seconde pro- pratiques de mobilité : fréquence, portée et longueur des déplacements,
dont le secteur de recrutement est en partie situé en ZUS (deux classes usage des différents modes de transport, autonomie...
Nous avons donc mené des projets avec sept établissements scolaires Le second matériau est une enquête ethnographique menée pendant
tiers ne pouvaient nullement servir d’outil de comparaison. un an auprès de jeunes garçons (13-18  ans) fréquentant la maison de
quement, les adolescents d’autres milieux sociaux et / ou d’autres quar- quartier d’une ZUS de grande couronne (Oppenchaim, 2011 a). Notre
enquêtés étant très majoritairement issus de ménages fragiles économi- présence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains,
des jeunes très mobiles et de ceux qui restent chez eux. Les adolescents notre accompagnement lors de sorties et la réalisation de vingt entretiens
qu’aux adolescents présents dans l’espace public de résidence, à l’exclusion ethnographiques nous ont permis de mieux comprendre le lien entre
contexte urbain de leur quartier. Cependant, cette enquête n’avait accès certaines spécificités des pratiques de mobilité de ces adolescents et le
certaines spécificités des pratiques de mobilité de ces adolescents et le contexte urbain de leur quartier. Cependant, cette enquête n’avait accès
ethnographiques nous ont permis de mieux comprendre le lien entre qu’aux adolescents présents dans l’espace public de résidence, à l’exclusion
notre accompagnement lors de sorties et la réalisation de vingt entretiens des jeunes très mobiles et de ceux qui restent chez eux. Les adolescents
présence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains, enquêtés étant très majoritairement issus de ménages fragiles économi-
quartier d’une ZUS de grande couronne (Oppenchaim, 2011 a). Notre quement, les adolescents d’autres milieux sociaux et / ou d’autres quar-
un an auprès de jeunes garçons (13-18  ans) fréquentant la maison de tiers ne pouvaient nullement servir d’outil de comparaison.
Le second matériau est une enquête ethnographique menée pendant Nous avons donc mené des projets avec sept établissements scolaires
usage des différents modes de transport, autonomie... dont le secteur de recrutement est en partie situé en ZUS (deux classes
pratiques de mobilité : fréquence, portée et longueur des déplacements, de seconde générale en petite et grande couronne, une de seconde pro-
Elle n’offre également qu’une description sommaire, mais nécessaire, des fessionnelle en petite couronne et quatre de troisième, dont deux à Paris).
si ce n’est par le genre et l’éloignement du centre de l’agglomération. Ces projets articulent 92 entretiens semi-directifs d’une heure (41 avec
end. Elle ne permet pas de distinguer les profils à l’intérieur des ZUS, des filles) et des ateliers thématiques sur la mobilité (photographies et
cements un jour de semaine, 810 sur leurs déplacements durant le week- écriture de textes). Ce matériau nous a permis d’accéder aux adolescents
faiblesse de l’échantillon : 2 309 adolescents sont interrogés sur leurs dépla- de ZUS faiblement présents dans l’espace public de résidence, et de com-
commun franciliens. Cependant, l’enquête EGT souffre d’une certaine parer les pratiques de mobilité de ces adolescents avec celles de jeunes
l’agglomération, calculés à partir du réseau de voirie et de transports en issus d’autres catégories sociales et / ou d’autres quartiers.
pour se rendre à l’infrastructure lourde la plus proche) et au centre de Chacun de nos trois outils s’appuie plus spécifiquement sur l’un de
d’accessibilité aux transports en commun (temps mis à pied ou en bus ces matériaux, mais aucun ne s’y réduit. Ainsi, nous mobilisons princi-
bilité des adolescents. Nous complétons ce matériau par des indicateurs palement des tris croisés et des modèles de régressions logistiques tirés de
roger l’effet des variables sociales et territoriales sur les potentiels de mo- l’enquête EGT pour opérationnaliser l’outil de l’accessibilité, alors que
d’études (Oppenchaim, 2011 a). Cette double distinction permet d’inter- nos entretiens fournissent le matériau principal à l’opérationnalisation
de l’outil des dispositions. Cependant, l’introduction, dans l’exploitation
de l’EGT, de variables comme la résidence en ZUS ou l’utilisation des
Accessibilité, dispositions et épreuve 58 transports en commun par les parents pour des motifs extraprofessionnels
permet de montrer une influence des dispositions héritées de la sphère
à des membres plus âgés de la famille, voire de la communauté d’origine.
Nicolas Oppenchaim 59 cente est faible. Les parents délèguent parfois la surveillance de la mobilité
cements, en particulier lorsque la confiance entre les parents et l’adoles-
Le poids de ces rumeurs peut alors conduire à une restriction des dépla-
familiale et du cadre urbain de résidence sur les pratiques. Enfin, l’ethno- sinage sur les mobilités de ces adolescentes et sur le laxisme des parents.
graphie est le matériau le plus adapté à l’étude des épreuves qui survien- « vertu » de leurs filles, car il accélère la circulation des rumeurs de voi-
nent dans la mobilité. Elle permet d’être attentif à la spécificité et à la Lang & Kebabza, 2003). Cet effet amplifie les craintes des parents sur la
dynamique de chaque situation. Néanmoins, nous nous appuyons aussi baine de ces quartiers et à l’interconnaissance entre ses habitants (Welzer-
sur l’interprétation réflexive de ces épreuves que font les adolescents, a spécificité s’explique par un « effet village » lié à la configuration ur-
posteriori, pendant les entretiens. adolescentes de ZUS sont plus accompagnées après quatorze ans. Cette
des filles et une augmentation de leurs déplacements autonomes, les
LES PRATIQUES DE MOBILITÉ DES FILLES DE ZUS gression vers l’âge adulte entraîne une diminution de l’accompagnement
disponibilité des parents. Alors que, dans tous les autres quartiers, la pro-
Appliquer l’outil de l’accessibilité aux adolescents suppose d’interro- sur le potentiel de mobilité des adolescentes qui s’ajoute à la moindre
ger les activités qu’ils peuvent réaliser en fonction des ressources dont ils L’enquête EGT révèle cependant un effet du cadre urbain des ZUS
disposent pour se déplacer, notamment leur accès aux différents modes plutôt sur les visites à des amis ou les promenades (Oppenchaim, 2009).
de transport. Contrairement aux idées reçues, les adolescents de ZUS ne activités de loisir ou à visiter des membres de leur famille, et se concentre
souffrent pas d’un moindre accès, en transports en commun, aux cen- adolescentes, leur programme d’activités consiste très peu à pratiquer des
tralités urbaines franciliennes. Ils sont en effet surreprésentés en petite pour les filles de ZUS, notamment en soirée ; contrairement aux autres
couronne alors que la majorité des adolescents franciliens résident en sorties en dehors du domicile sont donc beaucoup moins nombreuses
grande couronne. En réalité, les principales contraintes qui pèsent sur par un usage autonome plus précoce des transports en commun. Les
leur mobilité sont la faible disponibilité en temps de leurs parents et par leurs parents avant quinze ans, ce qui n’est qu’en partie compensé
l’insuffisance du nombre de voitures dans le ménage. Celle-ci pèse plus nombreuses que les autres adolescentes franciliennes à être véhiculées
spécifiquement sur les filles de ZUS en raison du contrôle différencié n’est pas le cas en ZUS. Les filles de ces quartiers sont beaucoup moins
des mobilités selon le sexe : en effet, si les filles de moins de quinze ans des autres quartiers sont plus souvent accompagnées que les garçons, ce
des autres quartiers sont plus souvent accompagnées que les garçons, ce des mobilités selon le sexe : en effet, si les filles de moins de quinze ans
n’est pas le cas en ZUS. Les filles de ces quartiers sont beaucoup moins spécifiquement sur les filles de ZUS en raison du contrôle différencié
nombreuses que les autres adolescentes franciliennes à être véhiculées l’insuffisance du nombre de voitures dans le ménage. Celle-ci pèse plus
par leurs parents avant quinze ans, ce qui n’est qu’en partie compensé leur mobilité sont la faible disponibilité en temps de leurs parents et
par un usage autonome plus précoce des transports en commun. Les grande couronne. En réalité, les principales contraintes qui pèsent sur
sorties en dehors du domicile sont donc beaucoup moins nombreuses couronne alors que la majorité des adolescents franciliens résident en
pour les filles de ZUS, notamment en soirée ; contrairement aux autres tralités urbaines franciliennes. Ils sont en effet surreprésentés en petite
adolescentes, leur programme d’activités consiste très peu à pratiquer des souffrent pas d’un moindre accès, en transports en commun, aux cen-
activités de loisir ou à visiter des membres de leur famille, et se concentre de transport. Contrairement aux idées reçues, les adolescents de ZUS ne
plutôt sur les visites à des amis ou les promenades (Oppenchaim, 2009). disposent pour se déplacer, notamment leur accès aux différents modes
L’enquête EGT révèle cependant un effet du cadre urbain des ZUS ger les activités qu’ils peuvent réaliser en fonction des ressources dont ils
sur le potentiel de mobilité des adolescentes qui s’ajoute à la moindre Appliquer l’outil de l’accessibilité aux adolescents suppose d’interro-
disponibilité des parents. Alors que, dans tous les autres quartiers, la pro-
gression vers l’âge adulte entraîne une diminution de l’accompagnement LES PRATIQUES DE MOBILITÉ DES FILLES DE ZUS
des filles et une augmentation de leurs déplacements autonomes, les
adolescentes de ZUS sont plus accompagnées après quatorze ans. Cette posteriori, pendant les entretiens.
spécificité s’explique par un « effet village » lié à la configuration ur- sur l’interprétation réflexive de ces épreuves que font les adolescents, a
baine de ces quartiers et à l’interconnaissance entre ses habitants (Welzer- dynamique de chaque situation. Néanmoins, nous nous appuyons aussi
Lang & Kebabza, 2003). Cet effet amplifie les craintes des parents sur la nent dans la mobilité. Elle permet d’être attentif à la spécificité et à la
« vertu » de leurs filles, car il accélère la circulation des rumeurs de voi- graphie est le matériau le plus adapté à l’étude des épreuves qui survien-
sinage sur les mobilités de ces adolescentes et sur le laxisme des parents. familiale et du cadre urbain de résidence sur les pratiques. Enfin, l’ethno-
Le poids de ces rumeurs peut alors conduire à une restriction des dépla-
cements, en particulier lorsque la confiance entre les parents et l’adoles-
cente est faible. Les parents délèguent parfois la surveillance de la mobilité 59 Nicolas Oppenchaim
à des membres plus âgés de la famille, voire de la communauté d’origine.

à des membres plus âgés de la famille, voire de la communauté d’origine.


Nicolas Oppenchaim 59 cente est faible. Les parents délèguent parfois la surveillance de la mobilité
cements, en particulier lorsque la confiance entre les parents et l’adoles-
Le poids de ces rumeurs peut alors conduire à une restriction des dépla-
familiale et du cadre urbain de résidence sur les pratiques. Enfin, l’ethno- sinage sur les mobilités de ces adolescentes et sur le laxisme des parents.
graphie est le matériau le plus adapté à l’étude des épreuves qui survien- « vertu » de leurs filles, car il accélère la circulation des rumeurs de voi-
nent dans la mobilité. Elle permet d’être attentif à la spécificité et à la Lang & Kebabza, 2003). Cet effet amplifie les craintes des parents sur la
dynamique de chaque situation. Néanmoins, nous nous appuyons aussi baine de ces quartiers et à l’interconnaissance entre ses habitants (Welzer-
sur l’interprétation réflexive de ces épreuves que font les adolescents, a spécificité s’explique par un « effet village » lié à la configuration ur-
posteriori, pendant les entretiens. adolescentes de ZUS sont plus accompagnées après quatorze ans. Cette
des filles et une augmentation de leurs déplacements autonomes, les
LES PRATIQUES DE MOBILITÉ DES FILLES DE ZUS gression vers l’âge adulte entraîne une diminution de l’accompagnement
disponibilité des parents. Alors que, dans tous les autres quartiers, la pro-
Appliquer l’outil de l’accessibilité aux adolescents suppose d’interro- sur le potentiel de mobilité des adolescentes qui s’ajoute à la moindre
ger les activités qu’ils peuvent réaliser en fonction des ressources dont ils L’enquête EGT révèle cependant un effet du cadre urbain des ZUS
disposent pour se déplacer, notamment leur accès aux différents modes plutôt sur les visites à des amis ou les promenades (Oppenchaim, 2009).
de transport. Contrairement aux idées reçues, les adolescents de ZUS ne activités de loisir ou à visiter des membres de leur famille, et se concentre
souffrent pas d’un moindre accès, en transports en commun, aux cen- adolescentes, leur programme d’activités consiste très peu à pratiquer des
tralités urbaines franciliennes. Ils sont en effet surreprésentés en petite pour les filles de ZUS, notamment en soirée ; contrairement aux autres
couronne alors que la majorité des adolescents franciliens résident en sorties en dehors du domicile sont donc beaucoup moins nombreuses
grande couronne. En réalité, les principales contraintes qui pèsent sur par un usage autonome plus précoce des transports en commun. Les
leur mobilité sont la faible disponibilité en temps de leurs parents et par leurs parents avant quinze ans, ce qui n’est qu’en partie compensé
l’insuffisance du nombre de voitures dans le ménage. Celle-ci pèse plus nombreuses que les autres adolescentes franciliennes à être véhiculées
spécifiquement sur les filles de ZUS en raison du contrôle différencié n’est pas le cas en ZUS. Les filles de ces quartiers sont beaucoup moins
des mobilités selon le sexe : en effet, si les filles de moins de quinze ans des autres quartiers sont plus souvent accompagnées que les garçons, ce
des autres quartiers sont plus souvent accompagnées que les garçons, ce des mobilités selon le sexe : en effet, si les filles de moins de quinze ans
n’est pas le cas en ZUS. Les filles de ces quartiers sont beaucoup moins spécifiquement sur les filles de ZUS en raison du contrôle différencié
nombreuses que les autres adolescentes franciliennes à être véhiculées l’insuffisance du nombre de voitures dans le ménage. Celle-ci pèse plus
par leurs parents avant quinze ans, ce qui n’est qu’en partie compensé leur mobilité sont la faible disponibilité en temps de leurs parents et
par un usage autonome plus précoce des transports en commun. Les grande couronne. En réalité, les principales contraintes qui pèsent sur
sorties en dehors du domicile sont donc beaucoup moins nombreuses couronne alors que la majorité des adolescents franciliens résident en
pour les filles de ZUS, notamment en soirée ; contrairement aux autres tralités urbaines franciliennes. Ils sont en effet surreprésentés en petite
adolescentes, leur programme d’activités consiste très peu à pratiquer des souffrent pas d’un moindre accès, en transports en commun, aux cen-
activités de loisir ou à visiter des membres de leur famille, et se concentre de transport. Contrairement aux idées reçues, les adolescents de ZUS ne
plutôt sur les visites à des amis ou les promenades (Oppenchaim, 2009). disposent pour se déplacer, notamment leur accès aux différents modes
L’enquête EGT révèle cependant un effet du cadre urbain des ZUS ger les activités qu’ils peuvent réaliser en fonction des ressources dont ils
sur le potentiel de mobilité des adolescentes qui s’ajoute à la moindre Appliquer l’outil de l’accessibilité aux adolescents suppose d’interro-
disponibilité des parents. Alors que, dans tous les autres quartiers, la pro-
gression vers l’âge adulte entraîne une diminution de l’accompagnement LES PRATIQUES DE MOBILITÉ DES FILLES DE ZUS
des filles et une augmentation de leurs déplacements autonomes, les
adolescentes de ZUS sont plus accompagnées après quatorze ans. Cette posteriori, pendant les entretiens.
spécificité s’explique par un « effet village » lié à la configuration ur- sur l’interprétation réflexive de ces épreuves que font les adolescents, a
baine de ces quartiers et à l’interconnaissance entre ses habitants (Welzer- dynamique de chaque situation. Néanmoins, nous nous appuyons aussi
Lang & Kebabza, 2003). Cet effet amplifie les craintes des parents sur la nent dans la mobilité. Elle permet d’être attentif à la spécificité et à la
« vertu » de leurs filles, car il accélère la circulation des rumeurs de voi- graphie est le matériau le plus adapté à l’étude des épreuves qui survien-
sinage sur les mobilités de ces adolescentes et sur le laxisme des parents. familiale et du cadre urbain de résidence sur les pratiques. Enfin, l’ethno-
Le poids de ces rumeurs peut alors conduire à une restriction des dépla-
cements, en particulier lorsque la confiance entre les parents et l’adoles-
cente est faible. Les parents délèguent parfois la surveillance de la mobilité 59 Nicolas Oppenchaim
à des membres plus âgés de la famille, voire de la communauté d’origine.
la carte Imagine R qui permet un usage illimité des transports pendant
dre à Paris ; elles ont aussi eu accès, avant les autres jeunes du quartier, à 60 Accessibilité, dispositions et épreuve
tôt à prendre avec leurs parents les transports en commun pour se ren-
nationale, et ont vécu en ville. Ces adolescentes ont été habituées très
rience d’une mobilité de longue distance, à l’échelle nationale ou trans- Insister sur le potentiel restreint de mobilité des filles de ZUS ne doit
découverte du monde extérieur. Souvent leurs parents ont fait l’expé- cependant pas masquer ce qui peut les distinguer les unes des autres,
un environnement familial qui valorise la mobilité des adolescents et la notamment les dispositions vis-à-vis de la mobilité qu’elles ont acquises
les dispositions de leurs parents. Les flâneuses exclusives évoluent dans dans la sphère familiale. Afin de montrer l’influence de ces dispositions,
des classes populaires), mais aussi par leur apprentissage de la mobilité et nous utilisons une typologie élaborée à partir de nos matériaux quali-
ciale (les premières sont plus fréquemment issues des couches supérieures tatifs, qui dévoile parmi les filles de ZUS ou vivant à proximité six ma-
quartiers plus éloignés du centre de l’agglomération), leur origine so- nières typiques d’habiter (Oppenchaim, 2011 a). Les lignes qui suivent
bien desservies par les transports en commun, les secondes dans des en présentent trois  ; les autres sont celles des filles de bonne famille (six
des adolescentes (les premières vivent plus fréquemment dans des ZUS adolescentes très attachées à leur quartier, dans lequel elles ont un fort
jeunes qui y habitent. Ils se distinguent par la localisation résidentielle ancrage familial ; elles se déplacent majoritairement à proximité de leur
agressions, du poids du contrôle social et de l’inimitié avec les autres commune et plus rarement à Paris, où elles ont l’impression de ne pas
concernent des filles qui détestent leur quartier en raison de la peur des être à leur place), des flâneuses (neuf adolescentes dont la présence dans
partir de huit et neuf entretiens avec des adolescentes. Ces deux types leur quartier est intermittente et qui se déplacent fréquemment à Paris
cifiques : les flâneuses exclusives et les encadrées, élaborés respectivement à pour profiter de l’anonymat et de la diversité des foules urbaines) et
Pour illustrer ce point, nous nous concentrerons sur deux types spé- des passionnées (quatre adolescentes dont la présence dans leur quartier
également ces différents types. est également épisodique, mais dont les pratiques de mobilité sont or-
à-vis de la mobilité et leur incorporation par les adolescents structurent ganisées exclusivement autour de l’exercice d’une passion – sport, musi-
tures familiales et l’origine ethnique. Mais les dispositions des parents vis- que...). Ces types articulent de manière cohérente le rapport au quartier
centre de l’agglomération, la trajectoire résidentielle et scolaire, les struc- de résidence, les projections de mobilité résidentielle et cinq dimensions
influencés par les ressources économiques du ménage, l’éloignement du des pratiques de mobilité : les lieux fréquentés, le rapport aux foules ur-
et les modalités de cohabitation avec les autres citadins. Ils sont fortement baines et aux différents modes de transport, l’apprentissage de la mobilité
baines et aux différents modes de transport, l’apprentissage de la mobilité et les modalités de cohabitation avec les autres citadins. Ils sont fortement
des pratiques de mobilité : les lieux fréquentés, le rapport aux foules ur- influencés par les ressources économiques du ménage, l’éloignement du
de résidence, les projections de mobilité résidentielle et cinq dimensions centre de l’agglomération, la trajectoire résidentielle et scolaire, les struc-
que...). Ces types articulent de manière cohérente le rapport au quartier tures familiales et l’origine ethnique. Mais les dispositions des parents vis-
ganisées exclusivement autour de l’exercice d’une passion – sport, musi- à-vis de la mobilité et leur incorporation par les adolescents structurent
est également épisodique, mais dont les pratiques de mobilité sont or- également ces différents types.
des passionnées (quatre adolescentes dont la présence dans leur quartier Pour illustrer ce point, nous nous concentrerons sur deux types spé-
pour profiter de l’anonymat et de la diversité des foules urbaines) et cifiques : les flâneuses exclusives et les encadrées, élaborés respectivement à
leur quartier est intermittente et qui se déplacent fréquemment à Paris partir de huit et neuf entretiens avec des adolescentes. Ces deux types
être à leur place), des flâneuses (neuf adolescentes dont la présence dans concernent des filles qui détestent leur quartier en raison de la peur des
commune et plus rarement à Paris, où elles ont l’impression de ne pas agressions, du poids du contrôle social et de l’inimitié avec les autres
ancrage familial ; elles se déplacent majoritairement à proximité de leur jeunes qui y habitent. Ils se distinguent par la localisation résidentielle
adolescentes très attachées à leur quartier, dans lequel elles ont un fort des adolescentes (les premières vivent plus fréquemment dans des ZUS
en présentent trois  ; les autres sont celles des filles de bonne famille (six bien desservies par les transports en commun, les secondes dans des
nières typiques d’habiter (Oppenchaim, 2011 a). Les lignes qui suivent quartiers plus éloignés du centre de l’agglomération), leur origine so-
tatifs, qui dévoile parmi les filles de ZUS ou vivant à proximité six ma- ciale (les premières sont plus fréquemment issues des couches supérieures
nous utilisons une typologie élaborée à partir de nos matériaux quali- des classes populaires), mais aussi par leur apprentissage de la mobilité et
dans la sphère familiale. Afin de montrer l’influence de ces dispositions, les dispositions de leurs parents. Les flâneuses exclusives évoluent dans
notamment les dispositions vis-à-vis de la mobilité qu’elles ont acquises un environnement familial qui valorise la mobilité des adolescents et la
cependant pas masquer ce qui peut les distinguer les unes des autres, découverte du monde extérieur. Souvent leurs parents ont fait l’expé-
Insister sur le potentiel restreint de mobilité des filles de ZUS ne doit rience d’une mobilité de longue distance, à l’échelle nationale ou trans-
nationale, et ont vécu en ville. Ces adolescentes ont été habituées très
tôt à prendre avec leurs parents les transports en commun pour se ren-
Accessibilité, dispositions et épreuve 60 dre à Paris ; elles ont aussi eu accès, avant les autres jeunes du quartier, à
la carte Imagine R qui permet un usage illimité des transports pendant

la carte Imagine R qui permet un usage illimité des transports pendant


dre à Paris ; elles ont aussi eu accès, avant les autres jeunes du quartier, à 60 Accessibilité, dispositions et épreuve
tôt à prendre avec leurs parents les transports en commun pour se ren-
nationale, et ont vécu en ville. Ces adolescentes ont été habituées très
rience d’une mobilité de longue distance, à l’échelle nationale ou trans- Insister sur le potentiel restreint de mobilité des filles de ZUS ne doit
découverte du monde extérieur. Souvent leurs parents ont fait l’expé- cependant pas masquer ce qui peut les distinguer les unes des autres,
un environnement familial qui valorise la mobilité des adolescents et la notamment les dispositions vis-à-vis de la mobilité qu’elles ont acquises
les dispositions de leurs parents. Les flâneuses exclusives évoluent dans dans la sphère familiale. Afin de montrer l’influence de ces dispositions,
des classes populaires), mais aussi par leur apprentissage de la mobilité et nous utilisons une typologie élaborée à partir de nos matériaux quali-
ciale (les premières sont plus fréquemment issues des couches supérieures tatifs, qui dévoile parmi les filles de ZUS ou vivant à proximité six ma-
quartiers plus éloignés du centre de l’agglomération), leur origine so- nières typiques d’habiter (Oppenchaim, 2011 a). Les lignes qui suivent
bien desservies par les transports en commun, les secondes dans des en présentent trois  ; les autres sont celles des filles de bonne famille (six
des adolescentes (les premières vivent plus fréquemment dans des ZUS adolescentes très attachées à leur quartier, dans lequel elles ont un fort
jeunes qui y habitent. Ils se distinguent par la localisation résidentielle ancrage familial ; elles se déplacent majoritairement à proximité de leur
agressions, du poids du contrôle social et de l’inimitié avec les autres commune et plus rarement à Paris, où elles ont l’impression de ne pas
concernent des filles qui détestent leur quartier en raison de la peur des être à leur place), des flâneuses (neuf adolescentes dont la présence dans
partir de huit et neuf entretiens avec des adolescentes. Ces deux types leur quartier est intermittente et qui se déplacent fréquemment à Paris
cifiques : les flâneuses exclusives et les encadrées, élaborés respectivement à pour profiter de l’anonymat et de la diversité des foules urbaines) et
Pour illustrer ce point, nous nous concentrerons sur deux types spé- des passionnées (quatre adolescentes dont la présence dans leur quartier
également ces différents types. est également épisodique, mais dont les pratiques de mobilité sont or-
à-vis de la mobilité et leur incorporation par les adolescents structurent ganisées exclusivement autour de l’exercice d’une passion – sport, musi-
tures familiales et l’origine ethnique. Mais les dispositions des parents vis- que...). Ces types articulent de manière cohérente le rapport au quartier
centre de l’agglomération, la trajectoire résidentielle et scolaire, les struc- de résidence, les projections de mobilité résidentielle et cinq dimensions
influencés par les ressources économiques du ménage, l’éloignement du des pratiques de mobilité : les lieux fréquentés, le rapport aux foules ur-
et les modalités de cohabitation avec les autres citadins. Ils sont fortement baines et aux différents modes de transport, l’apprentissage de la mobilité
baines et aux différents modes de transport, l’apprentissage de la mobilité et les modalités de cohabitation avec les autres citadins. Ils sont fortement
des pratiques de mobilité : les lieux fréquentés, le rapport aux foules ur- influencés par les ressources économiques du ménage, l’éloignement du
de résidence, les projections de mobilité résidentielle et cinq dimensions centre de l’agglomération, la trajectoire résidentielle et scolaire, les struc-
que...). Ces types articulent de manière cohérente le rapport au quartier tures familiales et l’origine ethnique. Mais les dispositions des parents vis-
ganisées exclusivement autour de l’exercice d’une passion – sport, musi- à-vis de la mobilité et leur incorporation par les adolescents structurent
est également épisodique, mais dont les pratiques de mobilité sont or- également ces différents types.
des passionnées (quatre adolescentes dont la présence dans leur quartier Pour illustrer ce point, nous nous concentrerons sur deux types spé-
pour profiter de l’anonymat et de la diversité des foules urbaines) et cifiques : les flâneuses exclusives et les encadrées, élaborés respectivement à
leur quartier est intermittente et qui se déplacent fréquemment à Paris partir de huit et neuf entretiens avec des adolescentes. Ces deux types
être à leur place), des flâneuses (neuf adolescentes dont la présence dans concernent des filles qui détestent leur quartier en raison de la peur des
commune et plus rarement à Paris, où elles ont l’impression de ne pas agressions, du poids du contrôle social et de l’inimitié avec les autres
ancrage familial ; elles se déplacent majoritairement à proximité de leur jeunes qui y habitent. Ils se distinguent par la localisation résidentielle
adolescentes très attachées à leur quartier, dans lequel elles ont un fort des adolescentes (les premières vivent plus fréquemment dans des ZUS
en présentent trois  ; les autres sont celles des filles de bonne famille (six bien desservies par les transports en commun, les secondes dans des
nières typiques d’habiter (Oppenchaim, 2011 a). Les lignes qui suivent quartiers plus éloignés du centre de l’agglomération), leur origine so-
tatifs, qui dévoile parmi les filles de ZUS ou vivant à proximité six ma- ciale (les premières sont plus fréquemment issues des couches supérieures
nous utilisons une typologie élaborée à partir de nos matériaux quali- des classes populaires), mais aussi par leur apprentissage de la mobilité et
dans la sphère familiale. Afin de montrer l’influence de ces dispositions, les dispositions de leurs parents. Les flâneuses exclusives évoluent dans
notamment les dispositions vis-à-vis de la mobilité qu’elles ont acquises un environnement familial qui valorise la mobilité des adolescents et la
cependant pas masquer ce qui peut les distinguer les unes des autres, découverte du monde extérieur. Souvent leurs parents ont fait l’expé-
Insister sur le potentiel restreint de mobilité des filles de ZUS ne doit rience d’une mobilité de longue distance, à l’échelle nationale ou trans-
nationale, et ont vécu en ville. Ces adolescentes ont été habituées très
tôt à prendre avec leurs parents les transports en commun pour se ren-
Accessibilité, dispositions et épreuve 60 dre à Paris ; elles ont aussi eu accès, avant les autres jeunes du quartier, à
la carte Imagine R qui permet un usage illimité des transports pendant
ment les situations de coprésence auxquelles donne lieu la mobilité.
Nicolas Oppenchaim 61 intériorisées par l’adolescent. Il souligne aussi la nécessité d’analyser fine-
tissage dans la pratique, qui peut remettre en cause les habitudes d’action
se passer dans leur quartier. Cet exemple montre l’importance de l’appren-
le week-end et les vacances scolaires. Au contraire, les encadrées ont une être la cible, sans que cela prête à conséquence, contrairement à ce qui peut
mobilité très contrôlée par leur famille en raison des craintes d’agres- urbaines qui leur offre la possibilité de rire des autres citadins, voire d’en
sions, notamment dans les transports en commun. Elles sont issues de de leur amie. Certaines sont alors séduites par la brièveté des interactions
familles socio-économiquement fragiles, souvent monoparentales, dont en confiance durant ces déplacements, elles sont sécurisées par la présence
l’origine ethnique est minoritaire dans le quartier. Ces adolescentes ont avec les trajets en transports en commun : si les encadrées se sentent peu
rarement la carte Imagine R et sont le plus souvent accompagnées par déplacements avec une amie de leur quartier, elle-même plus familiarisée
les parents en voiture ou par un aîné dans les transports en commun. Ces foules urbaines. Néanmoins, ces dispositions peuvent être infléchies lors de
différentes dispositions sont incorporées par les adolescentes lors de leur dre les déplacements en transports en commun et la fréquentation des
apprentissage de la mobilité et expliquent les différences entre ces deux Les encadrées ont donc incorporé des dispositions qui leur font crain-
catégories d’adolescentes dans trois dimensions de leurs mobilités : plaisanteries), en particulier dans leurs rares déplacements vers Paris.
1. Les modes de transport utilisés : alors que les flâneuses exclusives maî- mise en suspens de l’indifférence mutuelle (sourires, regards appuyés,
trisent parfaitement les transports en commun, aiment y passer du temps « pervers ». Elles ont ainsi des difficultés à interpréter les moments de
et les empruntent parfois au hasard, les encadrées partagent en grande interactions avec des inconnus, notamment par peur de rencontrer des
partie les craintes de leurs parents. Peu habituées à utiliser le métro ou les rassemblements urbains, les encadrées craignent le plus souvent les
le RER, elles appréhendent vivement leurs rares déplacements avec ces flâneuses exclusives apprécient la sociabilité éphémère qui règne dans
modes de transport. Le bus est pour elles beaucoup moins anxiogène, en 3.  Les situations de coprésence avec les autres citadins  : alors que les
raison de la présence du conducteur. Elles sont plus à l’aise dans ce mode par la promiscuité physique avec des inconnus.
de transport non souterrain qu’elles ont l’impression de pouvoir quitter d’agression, mais aussi parce qu’elles ont peur de s’y perdre et sont gênées
plus facilement à tout moment. véritable phobie des foules urbaines, non seulement en raison des craintes
2. Le rapport à l’anonymat : habituées très jeunes à fréquenter la capitale, tolérés dans leur quartier. Au contraire, les encadrées développent une
les flâneuses exclusives recherchent en priorité, dans leurs déplacements, l’accès à un anonymat qui leur permet d’adopter des comportements non
l’accès à un anonymat qui leur permet d’adopter des comportements non les flâneuses exclusives recherchent en priorité, dans leurs déplacements,
tolérés dans leur quartier. Au contraire, les encadrées développent une 2. Le rapport à l’anonymat : habituées très jeunes à fréquenter la capitale,
véritable phobie des foules urbaines, non seulement en raison des craintes plus facilement à tout moment.
d’agression, mais aussi parce qu’elles ont peur de s’y perdre et sont gênées de transport non souterrain qu’elles ont l’impression de pouvoir quitter
par la promiscuité physique avec des inconnus. raison de la présence du conducteur. Elles sont plus à l’aise dans ce mode
3.  Les situations de coprésence avec les autres citadins  : alors que les modes de transport. Le bus est pour elles beaucoup moins anxiogène, en
flâneuses exclusives apprécient la sociabilité éphémère qui règne dans le RER, elles appréhendent vivement leurs rares déplacements avec ces
les rassemblements urbains, les encadrées craignent le plus souvent les partie les craintes de leurs parents. Peu habituées à utiliser le métro ou
interactions avec des inconnus, notamment par peur de rencontrer des et les empruntent parfois au hasard, les encadrées partagent en grande
« pervers ». Elles ont ainsi des difficultés à interpréter les moments de trisent parfaitement les transports en commun, aiment y passer du temps
mise en suspens de l’indifférence mutuelle (sourires, regards appuyés, 1. Les modes de transport utilisés : alors que les flâneuses exclusives maî-
plaisanteries), en particulier dans leurs rares déplacements vers Paris. catégories d’adolescentes dans trois dimensions de leurs mobilités :
Les encadrées ont donc incorporé des dispositions qui leur font crain- apprentissage de la mobilité et expliquent les différences entre ces deux
dre les déplacements en transports en commun et la fréquentation des différentes dispositions sont incorporées par les adolescentes lors de leur
foules urbaines. Néanmoins, ces dispositions peuvent être infléchies lors de les parents en voiture ou par un aîné dans les transports en commun. Ces
déplacements avec une amie de leur quartier, elle-même plus familiarisée rarement la carte Imagine R et sont le plus souvent accompagnées par
avec les trajets en transports en commun : si les encadrées se sentent peu l’origine ethnique est minoritaire dans le quartier. Ces adolescentes ont
en confiance durant ces déplacements, elles sont sécurisées par la présence familles socio-économiquement fragiles, souvent monoparentales, dont
de leur amie. Certaines sont alors séduites par la brièveté des interactions sions, notamment dans les transports en commun. Elles sont issues de
urbaines qui leur offre la possibilité de rire des autres citadins, voire d’en mobilité très contrôlée par leur famille en raison des craintes d’agres-
être la cible, sans que cela prête à conséquence, contrairement à ce qui peut le week-end et les vacances scolaires. Au contraire, les encadrées ont une
se passer dans leur quartier. Cet exemple montre l’importance de l’appren-
tissage dans la pratique, qui peut remettre en cause les habitudes d’action
intériorisées par l’adolescent. Il souligne aussi la nécessité d’analyser fine- 61 Nicolas Oppenchaim
ment les situations de coprésence auxquelles donne lieu la mobilité.

ment les situations de coprésence auxquelles donne lieu la mobilité.


Nicolas Oppenchaim 61 intériorisées par l’adolescent. Il souligne aussi la nécessité d’analyser fine-
tissage dans la pratique, qui peut remettre en cause les habitudes d’action
se passer dans leur quartier. Cet exemple montre l’importance de l’appren-
le week-end et les vacances scolaires. Au contraire, les encadrées ont une être la cible, sans que cela prête à conséquence, contrairement à ce qui peut
mobilité très contrôlée par leur famille en raison des craintes d’agres- urbaines qui leur offre la possibilité de rire des autres citadins, voire d’en
sions, notamment dans les transports en commun. Elles sont issues de de leur amie. Certaines sont alors séduites par la brièveté des interactions
familles socio-économiquement fragiles, souvent monoparentales, dont en confiance durant ces déplacements, elles sont sécurisées par la présence
l’origine ethnique est minoritaire dans le quartier. Ces adolescentes ont avec les trajets en transports en commun : si les encadrées se sentent peu
rarement la carte Imagine R et sont le plus souvent accompagnées par déplacements avec une amie de leur quartier, elle-même plus familiarisée
les parents en voiture ou par un aîné dans les transports en commun. Ces foules urbaines. Néanmoins, ces dispositions peuvent être infléchies lors de
différentes dispositions sont incorporées par les adolescentes lors de leur dre les déplacements en transports en commun et la fréquentation des
apprentissage de la mobilité et expliquent les différences entre ces deux Les encadrées ont donc incorporé des dispositions qui leur font crain-
catégories d’adolescentes dans trois dimensions de leurs mobilités : plaisanteries), en particulier dans leurs rares déplacements vers Paris.
1. Les modes de transport utilisés : alors que les flâneuses exclusives maî- mise en suspens de l’indifférence mutuelle (sourires, regards appuyés,
trisent parfaitement les transports en commun, aiment y passer du temps « pervers ». Elles ont ainsi des difficultés à interpréter les moments de
et les empruntent parfois au hasard, les encadrées partagent en grande interactions avec des inconnus, notamment par peur de rencontrer des
partie les craintes de leurs parents. Peu habituées à utiliser le métro ou les rassemblements urbains, les encadrées craignent le plus souvent les
le RER, elles appréhendent vivement leurs rares déplacements avec ces flâneuses exclusives apprécient la sociabilité éphémère qui règne dans
modes de transport. Le bus est pour elles beaucoup moins anxiogène, en 3.  Les situations de coprésence avec les autres citadins  : alors que les
raison de la présence du conducteur. Elles sont plus à l’aise dans ce mode par la promiscuité physique avec des inconnus.
de transport non souterrain qu’elles ont l’impression de pouvoir quitter d’agression, mais aussi parce qu’elles ont peur de s’y perdre et sont gênées
plus facilement à tout moment. véritable phobie des foules urbaines, non seulement en raison des craintes
2. Le rapport à l’anonymat : habituées très jeunes à fréquenter la capitale, tolérés dans leur quartier. Au contraire, les encadrées développent une
les flâneuses exclusives recherchent en priorité, dans leurs déplacements, l’accès à un anonymat qui leur permet d’adopter des comportements non
l’accès à un anonymat qui leur permet d’adopter des comportements non les flâneuses exclusives recherchent en priorité, dans leurs déplacements,
tolérés dans leur quartier. Au contraire, les encadrées développent une 2. Le rapport à l’anonymat : habituées très jeunes à fréquenter la capitale,
véritable phobie des foules urbaines, non seulement en raison des craintes plus facilement à tout moment.
d’agression, mais aussi parce qu’elles ont peur de s’y perdre et sont gênées de transport non souterrain qu’elles ont l’impression de pouvoir quitter
par la promiscuité physique avec des inconnus. raison de la présence du conducteur. Elles sont plus à l’aise dans ce mode
3.  Les situations de coprésence avec les autres citadins  : alors que les modes de transport. Le bus est pour elles beaucoup moins anxiogène, en
flâneuses exclusives apprécient la sociabilité éphémère qui règne dans le RER, elles appréhendent vivement leurs rares déplacements avec ces
les rassemblements urbains, les encadrées craignent le plus souvent les partie les craintes de leurs parents. Peu habituées à utiliser le métro ou
interactions avec des inconnus, notamment par peur de rencontrer des et les empruntent parfois au hasard, les encadrées partagent en grande
« pervers ». Elles ont ainsi des difficultés à interpréter les moments de trisent parfaitement les transports en commun, aiment y passer du temps
mise en suspens de l’indifférence mutuelle (sourires, regards appuyés, 1. Les modes de transport utilisés : alors que les flâneuses exclusives maî-
plaisanteries), en particulier dans leurs rares déplacements vers Paris. catégories d’adolescentes dans trois dimensions de leurs mobilités :
Les encadrées ont donc incorporé des dispositions qui leur font crain- apprentissage de la mobilité et expliquent les différences entre ces deux
dre les déplacements en transports en commun et la fréquentation des différentes dispositions sont incorporées par les adolescentes lors de leur
foules urbaines. Néanmoins, ces dispositions peuvent être infléchies lors de les parents en voiture ou par un aîné dans les transports en commun. Ces
déplacements avec une amie de leur quartier, elle-même plus familiarisée rarement la carte Imagine R et sont le plus souvent accompagnées par
avec les trajets en transports en commun : si les encadrées se sentent peu l’origine ethnique est minoritaire dans le quartier. Ces adolescentes ont
en confiance durant ces déplacements, elles sont sécurisées par la présence familles socio-économiquement fragiles, souvent monoparentales, dont
de leur amie. Certaines sont alors séduites par la brièveté des interactions sions, notamment dans les transports en commun. Elles sont issues de
urbaines qui leur offre la possibilité de rire des autres citadins, voire d’en mobilité très contrôlée par leur famille en raison des craintes d’agres-
être la cible, sans que cela prête à conséquence, contrairement à ce qui peut le week-end et les vacances scolaires. Au contraire, les encadrées ont une
se passer dans leur quartier. Cet exemple montre l’importance de l’appren-
tissage dans la pratique, qui peut remettre en cause les habitudes d’action
intériorisées par l’adolescent. Il souligne aussi la nécessité d’analyser fine- 61 Nicolas Oppenchaim
ment les situations de coprésence auxquelles donne lieu la mobilité.
ont été provoquées ou qu’elles ne sont pas à l’origine de la rupture des
situations plus conflictuelles. C’est le cas lorsqu’elles jugent qu’elles 62 Accessibilité, dispositions et épreuve
Les interactions avec les autres citadins débouchent parfois sur des
la séduction.
vent les normes d’interaction et privilégient alors, dans leurs mobilités, L’outil de la mobilité comme épreuve nous apporte sur ce point des
une logique du jeu. Avec l’âge, elles transgressent d’ailleurs moins sou- éléments d’analyse plus pertinents que celui des dispositions à la mobilité.
règles de comportement des adolescents, lesquelles suivent bien souvent Afin d’en montrer l’intérêt, nous pouvons nous appuyer sur la manière
adultes dans le domaine public, dont elles testent la perméabilité aux d’habiter une ZUS des guerrières (cinq adolescentes). Elles sont majori-
par leur comportement exubérant, à se faire une place aux côtés des tairement originaires d’Afrique subsaharienne ou des Antilles, issues de
habituellement utilisées dans les espaces publics. Elles cherchent ainsi, familles monoparentales et de classes populaires. Elles vivent plus fré-
sif, qui a pour objectif de mettre à l’épreuve les normes d’interaction quemment que les autres adolescentes dans des ZUS desservies par le
de ces conflits tient dans leur comportement volontairement transgres- métro. Tout en n’hésitant pas à jouer de leurs charmes, les guerrières
à leur tenir tête. Elles ont aussi conscience que, le plus souvent, la source s’approprient certains codes de comportement des garçons de leur quar-
par ces citadins et tirent au contraire une certaine fierté de cette capacité tier. Elles affichent notamment leur détermination à ne pas se laisser
à un repli sur le quartier. En effet, elles ne souffrent pas d’être stigmatisées faire, en cas de provocation, en haussant le ton et en montrant qu’elles
actions conflictuelles avec d’autres citadins ne conduisent cependant pas n’ont pas peur de se battre. Cependant, la reprise de ces codes de com-
Contrairement à certains garçons de ZUS, leurs nombreuses inter- portement a le plus souvent lieu à l’extérieur du quartier, car il est plus
elles-mêmes comme des « folles ». difficile de les adopter dans cet espace dominé par des garçons plus âgés.
lescentes revendiquent pleinement cette transgression en se désignant Les guerrières se déplacent fréquemment en dehors de leur quartier
vient, selon elles, aux images habituellement associées aux filles. Ces ado- avec quelques amies ; elles cherchent à séduire des garçons et à s’amuser,
la coopération interactionnelle est d’autant plus transgressif qu’il contre- aux dépens d’autres citadins, en transgressant certaines règles habituelles
et qu’elles appellent les « cassos » (cas sociaux). Ce refus de sauvegarder d’interaction comme l’inattention civile ou l’emploi de rites réparateurs.
lescents avec des styles vestimentaires très minoritaires dans leur quartier Ainsi, lorsqu’elles croisent des citadins qu’elles jugent marginaux ou
ouvertement de citadins qu’elles jugent ridicules, notamment des ado- dont les comportements leur paraissent bizarres, elles ne cherchent pas
comportements. Mais elles aiment avant tout se moquer plus ou moins à sauvegarder la coopération interactionnelle avec eux en ignorant leurs
à sauvegarder la coopération interactionnelle avec eux en ignorant leurs comportements. Mais elles aiment avant tout se moquer plus ou moins
dont les comportements leur paraissent bizarres, elles ne cherchent pas ouvertement de citadins qu’elles jugent ridicules, notamment des ado-
Ainsi, lorsqu’elles croisent des citadins qu’elles jugent marginaux ou lescents avec des styles vestimentaires très minoritaires dans leur quartier
d’interaction comme l’inattention civile ou l’emploi de rites réparateurs. et qu’elles appellent les « cassos » (cas sociaux). Ce refus de sauvegarder
aux dépens d’autres citadins, en transgressant certaines règles habituelles la coopération interactionnelle est d’autant plus transgressif qu’il contre-
avec quelques amies ; elles cherchent à séduire des garçons et à s’amuser, vient, selon elles, aux images habituellement associées aux filles. Ces ado-
Les guerrières se déplacent fréquemment en dehors de leur quartier lescentes revendiquent pleinement cette transgression en se désignant
difficile de les adopter dans cet espace dominé par des garçons plus âgés. elles-mêmes comme des « folles ».
portement a le plus souvent lieu à l’extérieur du quartier, car il est plus Contrairement à certains garçons de ZUS, leurs nombreuses inter-
n’ont pas peur de se battre. Cependant, la reprise de ces codes de com- actions conflictuelles avec d’autres citadins ne conduisent cependant pas
faire, en cas de provocation, en haussant le ton et en montrant qu’elles à un repli sur le quartier. En effet, elles ne souffrent pas d’être stigmatisées
tier. Elles affichent notamment leur détermination à ne pas se laisser par ces citadins et tirent au contraire une certaine fierté de cette capacité
s’approprient certains codes de comportement des garçons de leur quar- à leur tenir tête. Elles ont aussi conscience que, le plus souvent, la source
métro. Tout en n’hésitant pas à jouer de leurs charmes, les guerrières de ces conflits tient dans leur comportement volontairement transgres-
quemment que les autres adolescentes dans des ZUS desservies par le sif, qui a pour objectif de mettre à l’épreuve les normes d’interaction
familles monoparentales et de classes populaires. Elles vivent plus fré- habituellement utilisées dans les espaces publics. Elles cherchent ainsi,
tairement originaires d’Afrique subsaharienne ou des Antilles, issues de par leur comportement exubérant, à se faire une place aux côtés des
d’habiter une ZUS des guerrières (cinq adolescentes). Elles sont majori- adultes dans le domaine public, dont elles testent la perméabilité aux
Afin d’en montrer l’intérêt, nous pouvons nous appuyer sur la manière règles de comportement des adolescents, lesquelles suivent bien souvent
éléments d’analyse plus pertinents que celui des dispositions à la mobilité. une logique du jeu. Avec l’âge, elles transgressent d’ailleurs moins sou-
L’outil de la mobilité comme épreuve nous apporte sur ce point des vent les normes d’interaction et privilégient alors, dans leurs mobilités,
la séduction.
Les interactions avec les autres citadins débouchent parfois sur des
Accessibilité, dispositions et épreuve 62 situations plus conflictuelles. C’est le cas lorsqu’elles jugent qu’elles
ont été provoquées ou qu’elles ne sont pas à l’origine de la rupture des

ont été provoquées ou qu’elles ne sont pas à l’origine de la rupture des


situations plus conflictuelles. C’est le cas lorsqu’elles jugent qu’elles 62 Accessibilité, dispositions et épreuve
Les interactions avec les autres citadins débouchent parfois sur des
la séduction.
vent les normes d’interaction et privilégient alors, dans leurs mobilités, L’outil de la mobilité comme épreuve nous apporte sur ce point des
une logique du jeu. Avec l’âge, elles transgressent d’ailleurs moins sou- éléments d’analyse plus pertinents que celui des dispositions à la mobilité.
règles de comportement des adolescents, lesquelles suivent bien souvent Afin d’en montrer l’intérêt, nous pouvons nous appuyer sur la manière
adultes dans le domaine public, dont elles testent la perméabilité aux d’habiter une ZUS des guerrières (cinq adolescentes). Elles sont majori-
par leur comportement exubérant, à se faire une place aux côtés des tairement originaires d’Afrique subsaharienne ou des Antilles, issues de
habituellement utilisées dans les espaces publics. Elles cherchent ainsi, familles monoparentales et de classes populaires. Elles vivent plus fré-
sif, qui a pour objectif de mettre à l’épreuve les normes d’interaction quemment que les autres adolescentes dans des ZUS desservies par le
de ces conflits tient dans leur comportement volontairement transgres- métro. Tout en n’hésitant pas à jouer de leurs charmes, les guerrières
à leur tenir tête. Elles ont aussi conscience que, le plus souvent, la source s’approprient certains codes de comportement des garçons de leur quar-
par ces citadins et tirent au contraire une certaine fierté de cette capacité tier. Elles affichent notamment leur détermination à ne pas se laisser
à un repli sur le quartier. En effet, elles ne souffrent pas d’être stigmatisées faire, en cas de provocation, en haussant le ton et en montrant qu’elles
actions conflictuelles avec d’autres citadins ne conduisent cependant pas n’ont pas peur de se battre. Cependant, la reprise de ces codes de com-
Contrairement à certains garçons de ZUS, leurs nombreuses inter- portement a le plus souvent lieu à l’extérieur du quartier, car il est plus
elles-mêmes comme des « folles ». difficile de les adopter dans cet espace dominé par des garçons plus âgés.
lescentes revendiquent pleinement cette transgression en se désignant Les guerrières se déplacent fréquemment en dehors de leur quartier
vient, selon elles, aux images habituellement associées aux filles. Ces ado- avec quelques amies ; elles cherchent à séduire des garçons et à s’amuser,
la coopération interactionnelle est d’autant plus transgressif qu’il contre- aux dépens d’autres citadins, en transgressant certaines règles habituelles
et qu’elles appellent les « cassos » (cas sociaux). Ce refus de sauvegarder d’interaction comme l’inattention civile ou l’emploi de rites réparateurs.
lescents avec des styles vestimentaires très minoritaires dans leur quartier Ainsi, lorsqu’elles croisent des citadins qu’elles jugent marginaux ou
ouvertement de citadins qu’elles jugent ridicules, notamment des ado- dont les comportements leur paraissent bizarres, elles ne cherchent pas
comportements. Mais elles aiment avant tout se moquer plus ou moins à sauvegarder la coopération interactionnelle avec eux en ignorant leurs
à sauvegarder la coopération interactionnelle avec eux en ignorant leurs comportements. Mais elles aiment avant tout se moquer plus ou moins
dont les comportements leur paraissent bizarres, elles ne cherchent pas ouvertement de citadins qu’elles jugent ridicules, notamment des ado-
Ainsi, lorsqu’elles croisent des citadins qu’elles jugent marginaux ou lescents avec des styles vestimentaires très minoritaires dans leur quartier
d’interaction comme l’inattention civile ou l’emploi de rites réparateurs. et qu’elles appellent les « cassos » (cas sociaux). Ce refus de sauvegarder
aux dépens d’autres citadins, en transgressant certaines règles habituelles la coopération interactionnelle est d’autant plus transgressif qu’il contre-
avec quelques amies ; elles cherchent à séduire des garçons et à s’amuser, vient, selon elles, aux images habituellement associées aux filles. Ces ado-
Les guerrières se déplacent fréquemment en dehors de leur quartier lescentes revendiquent pleinement cette transgression en se désignant
difficile de les adopter dans cet espace dominé par des garçons plus âgés. elles-mêmes comme des « folles ».
portement a le plus souvent lieu à l’extérieur du quartier, car il est plus Contrairement à certains garçons de ZUS, leurs nombreuses inter-
n’ont pas peur de se battre. Cependant, la reprise de ces codes de com- actions conflictuelles avec d’autres citadins ne conduisent cependant pas
faire, en cas de provocation, en haussant le ton et en montrant qu’elles à un repli sur le quartier. En effet, elles ne souffrent pas d’être stigmatisées
tier. Elles affichent notamment leur détermination à ne pas se laisser par ces citadins et tirent au contraire une certaine fierté de cette capacité
s’approprient certains codes de comportement des garçons de leur quar- à leur tenir tête. Elles ont aussi conscience que, le plus souvent, la source
métro. Tout en n’hésitant pas à jouer de leurs charmes, les guerrières de ces conflits tient dans leur comportement volontairement transgres-
quemment que les autres adolescentes dans des ZUS desservies par le sif, qui a pour objectif de mettre à l’épreuve les normes d’interaction
familles monoparentales et de classes populaires. Elles vivent plus fré- habituellement utilisées dans les espaces publics. Elles cherchent ainsi,
tairement originaires d’Afrique subsaharienne ou des Antilles, issues de par leur comportement exubérant, à se faire une place aux côtés des
d’habiter une ZUS des guerrières (cinq adolescentes). Elles sont majori- adultes dans le domaine public, dont elles testent la perméabilité aux
Afin d’en montrer l’intérêt, nous pouvons nous appuyer sur la manière règles de comportement des adolescents, lesquelles suivent bien souvent
éléments d’analyse plus pertinents que celui des dispositions à la mobilité. une logique du jeu. Avec l’âge, elles transgressent d’ailleurs moins sou-
L’outil de la mobilité comme épreuve nous apporte sur ce point des vent les normes d’interaction et privilégient alors, dans leurs mobilités,
la séduction.
Les interactions avec les autres citadins débouchent parfois sur des
Accessibilité, dispositions et épreuve 62 situations plus conflictuelles. C’est le cas lorsqu’elles jugent qu’elles
ont été provoquées ou qu’elles ne sont pas à l’origine de la rupture des
permettent-ils d’investiguer le lien entre mobilité et socialisation pour
Nicolas Oppenchaim 63 Si ces trois outils sont adaptés au cas des adolescents de ZUS,
des situations de coprésence avec d’autres citadins, et peuvent évoluer.
alors mises à l’épreuve dans le cours même de la mobilité, notamment lors
normes habituelles d’interaction. Elles n’hésitent pas à réagir vertement rents ou de membres plus âgés de leur famille. Ces habitudes d’action sont
lorsqu’elles se sentent fixées avec attention, en particulier par des cita- vis-à-vis de l’anonymat urbain qu’elles ont acquises auprès de leurs pa-
dins âgés dont elles ne supportent pas le regard jugé libidineux. Mais desserte de leur quartier en transports en commun et par les dispositions
les interactions deviennent surtout conflictuelles lorsque différents in- âge. Les adolescentes de ZUS se distinguent néanmoins entre elles par la
dices de l’atmosphère situationnelle, comme le ton ou les expressions quentes en dehors du domicile que celles des autres Franciliennes de leur
employées, conduisent les guerrières à comprendre qu’on leur dénie la rumeurs sur les sorties des filles, se traduit par des activités moins fré-
capacité d’accéder à la grammaire publique. Cela se produit souvent dans matique que le contexte urbain de résidence favorise la circulation de
les transports en commun, car l’espace fermé ne permet pas aux autres de voitures individuelles. Cette faible disponibilité, d’autant plus problé-
usagers de fermer les yeux sur les transgressions des normes habituelles des ressources des parents en temps et en argent et par celle du nombre
de comportement. Les guerrières y testent la réaction des usagers et les adolescentes franciliennes ; il est notamment caractérisé par l’insuffisance
limites de l’appropriation de l’espace des transports : elles adoptent par grandissent. Leur potentiel de mobilité est différent de celui des autres
exemple des comportements bruyants, taguent les sièges ou, le plus sou- fortement déterminées par l’environnement social et résidentiel où elles
vent, écoutent de la musique à fort volume. Lorsque certains usagers leur socialisation des adolescents. Les mobilités des filles de ZUS sont ainsi
reprochent cette transgression en se référant à la grammaire publique, de manière complémentaire le lien dynamique entre cette pratique et la
elles modifient le plus souvent leur comportement. D’autres usagers leur une dimension spécifique de la mobilité. Ils permettent d’appréhender
notifient parfois cette faute en se référant à d’autres grammaires : réaliste Chacun des outils théoriques que nous avons employés insiste sur
(avertissement sur le risque d’attirer l’attention des agents de la RATP)
et surtout naturelle (je n’aime pas votre présence). De tels reproches relè-
*
vent pour les guerrières du registre de l’infantilisation, de la stigmatisa-
tion, voire de l’agression lorsque les usagers réagissent trop brutalement place dans cet espace, aux côtés de ceux des adultes.
à leur comportement. Elles s’amusent donc à amplifier leurs provoca- tions pour montrer que les comportements adolescents ont aussi leur
tions pour montrer que les comportements adolescents ont aussi leur à leur comportement. Elles s’amusent donc à amplifier leurs provoca-
place dans cet espace, aux côtés de ceux des adultes. tion, voire de l’agression lorsque les usagers réagissent trop brutalement
vent pour les guerrières du registre de l’infantilisation, de la stigmatisa-
* et surtout naturelle (je n’aime pas votre présence). De tels reproches relè-
(avertissement sur le risque d’attirer l’attention des agents de la RATP)
Chacun des outils théoriques que nous avons employés insiste sur notifient parfois cette faute en se référant à d’autres grammaires : réaliste
une dimension spécifique de la mobilité. Ils permettent d’appréhender elles modifient le plus souvent leur comportement. D’autres usagers leur
de manière complémentaire le lien dynamique entre cette pratique et la reprochent cette transgression en se référant à la grammaire publique,
socialisation des adolescents. Les mobilités des filles de ZUS sont ainsi vent, écoutent de la musique à fort volume. Lorsque certains usagers leur
fortement déterminées par l’environnement social et résidentiel où elles exemple des comportements bruyants, taguent les sièges ou, le plus sou-
grandissent. Leur potentiel de mobilité est différent de celui des autres limites de l’appropriation de l’espace des transports : elles adoptent par
adolescentes franciliennes ; il est notamment caractérisé par l’insuffisance de comportement. Les guerrières y testent la réaction des usagers et les
des ressources des parents en temps et en argent et par celle du nombre usagers de fermer les yeux sur les transgressions des normes habituelles
de voitures individuelles. Cette faible disponibilité, d’autant plus problé- les transports en commun, car l’espace fermé ne permet pas aux autres
matique que le contexte urbain de résidence favorise la circulation de capacité d’accéder à la grammaire publique. Cela se produit souvent dans
rumeurs sur les sorties des filles, se traduit par des activités moins fré- employées, conduisent les guerrières à comprendre qu’on leur dénie la
quentes en dehors du domicile que celles des autres Franciliennes de leur dices de l’atmosphère situationnelle, comme le ton ou les expressions
âge. Les adolescentes de ZUS se distinguent néanmoins entre elles par la les interactions deviennent surtout conflictuelles lorsque différents in-
desserte de leur quartier en transports en commun et par les dispositions dins âgés dont elles ne supportent pas le regard jugé libidineux. Mais
vis-à-vis de l’anonymat urbain qu’elles ont acquises auprès de leurs pa- lorsqu’elles se sentent fixées avec attention, en particulier par des cita-
rents ou de membres plus âgés de leur famille. Ces habitudes d’action sont normes habituelles d’interaction. Elles n’hésitent pas à réagir vertement
alors mises à l’épreuve dans le cours même de la mobilité, notamment lors
des situations de coprésence avec d’autres citadins, et peuvent évoluer.
Si ces trois outils sont adaptés au cas des adolescents de ZUS, 63 Nicolas Oppenchaim
permettent-ils d’investiguer le lien entre mobilité et socialisation pour

permettent-ils d’investiguer le lien entre mobilité et socialisation pour


Nicolas Oppenchaim 63 Si ces trois outils sont adaptés au cas des adolescents de ZUS,
des situations de coprésence avec d’autres citadins, et peuvent évoluer.
alors mises à l’épreuve dans le cours même de la mobilité, notamment lors
normes habituelles d’interaction. Elles n’hésitent pas à réagir vertement rents ou de membres plus âgés de leur famille. Ces habitudes d’action sont
lorsqu’elles se sentent fixées avec attention, en particulier par des cita- vis-à-vis de l’anonymat urbain qu’elles ont acquises auprès de leurs pa-
dins âgés dont elles ne supportent pas le regard jugé libidineux. Mais desserte de leur quartier en transports en commun et par les dispositions
les interactions deviennent surtout conflictuelles lorsque différents in- âge. Les adolescentes de ZUS se distinguent néanmoins entre elles par la
dices de l’atmosphère situationnelle, comme le ton ou les expressions quentes en dehors du domicile que celles des autres Franciliennes de leur
employées, conduisent les guerrières à comprendre qu’on leur dénie la rumeurs sur les sorties des filles, se traduit par des activités moins fré-
capacité d’accéder à la grammaire publique. Cela se produit souvent dans matique que le contexte urbain de résidence favorise la circulation de
les transports en commun, car l’espace fermé ne permet pas aux autres de voitures individuelles. Cette faible disponibilité, d’autant plus problé-
usagers de fermer les yeux sur les transgressions des normes habituelles des ressources des parents en temps et en argent et par celle du nombre
de comportement. Les guerrières y testent la réaction des usagers et les adolescentes franciliennes ; il est notamment caractérisé par l’insuffisance
limites de l’appropriation de l’espace des transports : elles adoptent par grandissent. Leur potentiel de mobilité est différent de celui des autres
exemple des comportements bruyants, taguent les sièges ou, le plus sou- fortement déterminées par l’environnement social et résidentiel où elles
vent, écoutent de la musique à fort volume. Lorsque certains usagers leur socialisation des adolescents. Les mobilités des filles de ZUS sont ainsi
reprochent cette transgression en se référant à la grammaire publique, de manière complémentaire le lien dynamique entre cette pratique et la
elles modifient le plus souvent leur comportement. D’autres usagers leur une dimension spécifique de la mobilité. Ils permettent d’appréhender
notifient parfois cette faute en se référant à d’autres grammaires : réaliste Chacun des outils théoriques que nous avons employés insiste sur
(avertissement sur le risque d’attirer l’attention des agents de la RATP)
et surtout naturelle (je n’aime pas votre présence). De tels reproches relè-
*
vent pour les guerrières du registre de l’infantilisation, de la stigmatisa-
tion, voire de l’agression lorsque les usagers réagissent trop brutalement place dans cet espace, aux côtés de ceux des adultes.
à leur comportement. Elles s’amusent donc à amplifier leurs provoca- tions pour montrer que les comportements adolescents ont aussi leur
tions pour montrer que les comportements adolescents ont aussi leur à leur comportement. Elles s’amusent donc à amplifier leurs provoca-
place dans cet espace, aux côtés de ceux des adultes. tion, voire de l’agression lorsque les usagers réagissent trop brutalement
vent pour les guerrières du registre de l’infantilisation, de la stigmatisa-
* et surtout naturelle (je n’aime pas votre présence). De tels reproches relè-
(avertissement sur le risque d’attirer l’attention des agents de la RATP)
Chacun des outils théoriques que nous avons employés insiste sur notifient parfois cette faute en se référant à d’autres grammaires : réaliste
une dimension spécifique de la mobilité. Ils permettent d’appréhender elles modifient le plus souvent leur comportement. D’autres usagers leur
de manière complémentaire le lien dynamique entre cette pratique et la reprochent cette transgression en se référant à la grammaire publique,
socialisation des adolescents. Les mobilités des filles de ZUS sont ainsi vent, écoutent de la musique à fort volume. Lorsque certains usagers leur
fortement déterminées par l’environnement social et résidentiel où elles exemple des comportements bruyants, taguent les sièges ou, le plus sou-
grandissent. Leur potentiel de mobilité est différent de celui des autres limites de l’appropriation de l’espace des transports : elles adoptent par
adolescentes franciliennes ; il est notamment caractérisé par l’insuffisance de comportement. Les guerrières y testent la réaction des usagers et les
des ressources des parents en temps et en argent et par celle du nombre usagers de fermer les yeux sur les transgressions des normes habituelles
de voitures individuelles. Cette faible disponibilité, d’autant plus problé- les transports en commun, car l’espace fermé ne permet pas aux autres
matique que le contexte urbain de résidence favorise la circulation de capacité d’accéder à la grammaire publique. Cela se produit souvent dans
rumeurs sur les sorties des filles, se traduit par des activités moins fré- employées, conduisent les guerrières à comprendre qu’on leur dénie la
quentes en dehors du domicile que celles des autres Franciliennes de leur dices de l’atmosphère situationnelle, comme le ton ou les expressions
âge. Les adolescentes de ZUS se distinguent néanmoins entre elles par la les interactions deviennent surtout conflictuelles lorsque différents in-
desserte de leur quartier en transports en commun et par les dispositions dins âgés dont elles ne supportent pas le regard jugé libidineux. Mais
vis-à-vis de l’anonymat urbain qu’elles ont acquises auprès de leurs pa- lorsqu’elles se sentent fixées avec attention, en particulier par des cita-
rents ou de membres plus âgés de leur famille. Ces habitudes d’action sont normes habituelles d’interaction. Elles n’hésitent pas à réagir vertement
alors mises à l’épreuve dans le cours même de la mobilité, notamment lors
des situations de coprésence avec d’autres citadins, et peuvent évoluer.
Si ces trois outils sont adaptés au cas des adolescents de ZUS, 63 Nicolas Oppenchaim
permettent-ils d’investiguer le lien entre mobilité et socialisation pour
techniques et universitaires romandes, p. 87-102.
Vincent Kaufmann & Dominique Joye (dir.), Lausanne, Presses poly- 64 Accessibilité, dispositions et épreuve
visiter l’urbain ? », dans Enjeux de la sociologie urbaine, Michel Bassand,
Kaufmann Vincent (2001, 2007), « La motilité : une notion clé pour re-
naissance de l’écologie urbaine, Paris, Aubier. des adolescents d’autres origines résidentielles et sociales ? Tester la com-
Joseph Isaac & Grafmeyer Yves (trad.) (1979, 1984), L’École de Chicago : plémentarité de ces outils auprès d’adolescents de catégories populaires
Joseph Isaac (2007), L’Athlète moral et l’Enquêteur modeste, Paris, Economica. résidant dans le périurbain, ou auprès d’adolescents de catégories supé-
Papers in Regional Science Association, vol. 24, p. 7-21. rieures vivant à proximité du centre de l’agglomération, permettrait de
Hägerstrand Torsten (1970),“What about People in Regional Science?”, mieux distinguer l’effet des propriétés sociales et des caractéristiques du
ok.pdf (mai 2014). lieu de résidence sur les mobilités adolescentes. Parmi ces trois outils,
en ligne : ftp.clermont.cemagref.fr/metafort/media/asrdlfComGoyon nous ne doutons pas de l’intérêt de celui d’épreuve : la mobilité met en
ciation de science régionale de langue française, Clermont-Ferrand, question les habitudes d’action acquises dans la famille ou le quartier de
quotidienne, modèles parentaux et socialisation », colloque de l’Asso- résidence, et ce trait est sans doute constitutif de l’expérience adolescente.
Goyon Marie (2009), « Jeunesses périurbaines en Dombes  : mobilité
relations en public, Alain Kihm (trad.), Paris, Éditions de Minuit. Bibliographie
Goffman Erving (1959, 1973), La Mise en scène de la vie quotidienne, 2. Les
banlieue parisienne », Enfances, familles, générations, no 10, p. 1-22. Bachiri Nabila & Després Carole (dir.) (2008), « Mobilité quotidienne
des enfants en milieu urbain. Comparaison entre Paris intra-muros et dans la communauté métropolitaine de Québec d’adolescents résidant
Depeau Sandrine (2008), « Radioscopie des territoires de la mobilité en territoires rurbains », Enfances, familles, générations, no 8, p. 23-38.
Mobility and Access”, The Sociological Review, no 53, p. 539-555. Bassand Michel, Kaufmann Vincent & Joye Dominique  (dir.) (2001,
Cass Noel, Shove Elizabeth & Urry John (2005), “Social Exclusion, 2007), Enjeux de la sociologie urbaine, Lausanne, Presses polytechniques
ranéennes : l’espace public à petits pas, Paris, L’Harmattan. et universitaires romandes.
Breviglieri Marc & Cicchelli Vincent (dir.) (2007), Adolescences méditer- Boltanski Luc & Chiapello Ève (1999), Le Nouvel Esprit du capitalisme,
— (1980 b), Le Sens pratique, Paris, Éditions de Minuit. Paris, Gallimard.
sociales, no 31, p. 2-3. Bourdieu Pierre (1980 a), « Le capital social », Actes de la recherche en sciences
Bourdieu Pierre (1980 a), « Le capital social », Actes de la recherche en sciences sociales, no 31, p. 2-3.
Paris, Gallimard. — (1980 b), Le Sens pratique, Paris, Éditions de Minuit.
Boltanski Luc & Chiapello Ève (1999), Le Nouvel Esprit du capitalisme, Breviglieri Marc & Cicchelli Vincent (dir.) (2007), Adolescences méditer-
et universitaires romandes. ranéennes : l’espace public à petits pas, Paris, L’Harmattan.
2007), Enjeux de la sociologie urbaine, Lausanne, Presses polytechniques Cass Noel, Shove Elizabeth & Urry John (2005), “Social Exclusion,
Bassand Michel, Kaufmann Vincent & Joye Dominique  (dir.) (2001, Mobility and Access”, The Sociological Review, no 53, p. 539-555.
en territoires rurbains », Enfances, familles, générations, no 8, p. 23-38. Depeau Sandrine (2008), « Radioscopie des territoires de la mobilité
dans la communauté métropolitaine de Québec d’adolescents résidant des enfants en milieu urbain. Comparaison entre Paris intra-muros et
Bachiri Nabila & Després Carole (dir.) (2008), « Mobilité quotidienne banlieue parisienne », Enfances, familles, générations, no 10, p. 1-22.
Goffman Erving (1959, 1973), La Mise en scène de la vie quotidienne, 2. Les
Bibliographie relations en public, Alain Kihm (trad.), Paris, Éditions de Minuit.
Goyon Marie (2009), « Jeunesses périurbaines en Dombes  : mobilité
résidence, et ce trait est sans doute constitutif de l’expérience adolescente. quotidienne, modèles parentaux et socialisation », colloque de l’Asso-
question les habitudes d’action acquises dans la famille ou le quartier de ciation de science régionale de langue française, Clermont-Ferrand,
nous ne doutons pas de l’intérêt de celui d’épreuve : la mobilité met en en ligne : ftp.clermont.cemagref.fr/metafort/media/asrdlfComGoyon
lieu de résidence sur les mobilités adolescentes. Parmi ces trois outils, ok.pdf (mai 2014).
mieux distinguer l’effet des propriétés sociales et des caractéristiques du Hägerstrand Torsten (1970),“What about People in Regional Science?”,
rieures vivant à proximité du centre de l’agglomération, permettrait de Papers in Regional Science Association, vol. 24, p. 7-21.
résidant dans le périurbain, ou auprès d’adolescents de catégories supé- Joseph Isaac (2007), L’Athlète moral et l’Enquêteur modeste, Paris, Economica.
plémentarité de ces outils auprès d’adolescents de catégories populaires Joseph Isaac & Grafmeyer Yves (trad.) (1979, 1984), L’École de Chicago :
des adolescents d’autres origines résidentielles et sociales ? Tester la com- naissance de l’écologie urbaine, Paris, Aubier.
Kaufmann Vincent (2001, 2007), « La motilité : une notion clé pour re-
visiter l’urbain ? », dans Enjeux de la sociologie urbaine, Michel Bassand,
Accessibilité, dispositions et épreuve 64 Vincent Kaufmann & Dominique Joye (dir.), Lausanne, Presses poly-
techniques et universitaires romandes, p. 87-102.

techniques et universitaires romandes, p. 87-102.


Vincent Kaufmann & Dominique Joye (dir.), Lausanne, Presses poly- 64 Accessibilité, dispositions et épreuve
visiter l’urbain ? », dans Enjeux de la sociologie urbaine, Michel Bassand,
Kaufmann Vincent (2001, 2007), « La motilité : une notion clé pour re-
naissance de l’écologie urbaine, Paris, Aubier. des adolescents d’autres origines résidentielles et sociales ? Tester la com-
Joseph Isaac & Grafmeyer Yves (trad.) (1979, 1984), L’École de Chicago : plémentarité de ces outils auprès d’adolescents de catégories populaires
Joseph Isaac (2007), L’Athlète moral et l’Enquêteur modeste, Paris, Economica. résidant dans le périurbain, ou auprès d’adolescents de catégories supé-
Papers in Regional Science Association, vol. 24, p. 7-21. rieures vivant à proximité du centre de l’agglomération, permettrait de
Hägerstrand Torsten (1970),“What about People in Regional Science?”, mieux distinguer l’effet des propriétés sociales et des caractéristiques du
ok.pdf (mai 2014). lieu de résidence sur les mobilités adolescentes. Parmi ces trois outils,
en ligne : ftp.clermont.cemagref.fr/metafort/media/asrdlfComGoyon nous ne doutons pas de l’intérêt de celui d’épreuve : la mobilité met en
ciation de science régionale de langue française, Clermont-Ferrand, question les habitudes d’action acquises dans la famille ou le quartier de
quotidienne, modèles parentaux et socialisation », colloque de l’Asso- résidence, et ce trait est sans doute constitutif de l’expérience adolescente.
Goyon Marie (2009), « Jeunesses périurbaines en Dombes  : mobilité
relations en public, Alain Kihm (trad.), Paris, Éditions de Minuit. Bibliographie
Goffman Erving (1959, 1973), La Mise en scène de la vie quotidienne, 2. Les
banlieue parisienne », Enfances, familles, générations, no 10, p. 1-22. Bachiri Nabila & Després Carole (dir.) (2008), « Mobilité quotidienne
des enfants en milieu urbain. Comparaison entre Paris intra-muros et dans la communauté métropolitaine de Québec d’adolescents résidant
Depeau Sandrine (2008), « Radioscopie des territoires de la mobilité en territoires rurbains », Enfances, familles, générations, no 8, p. 23-38.
Mobility and Access”, The Sociological Review, no 53, p. 539-555. Bassand Michel, Kaufmann Vincent & Joye Dominique  (dir.) (2001,
Cass Noel, Shove Elizabeth & Urry John (2005), “Social Exclusion, 2007), Enjeux de la sociologie urbaine, Lausanne, Presses polytechniques
ranéennes : l’espace public à petits pas, Paris, L’Harmattan. et universitaires romandes.
Breviglieri Marc & Cicchelli Vincent (dir.) (2007), Adolescences méditer- Boltanski Luc & Chiapello Ève (1999), Le Nouvel Esprit du capitalisme,
— (1980 b), Le Sens pratique, Paris, Éditions de Minuit. Paris, Gallimard.
sociales, no 31, p. 2-3. Bourdieu Pierre (1980 a), « Le capital social », Actes de la recherche en sciences
Bourdieu Pierre (1980 a), « Le capital social », Actes de la recherche en sciences sociales, no 31, p. 2-3.
Paris, Gallimard. — (1980 b), Le Sens pratique, Paris, Éditions de Minuit.
Boltanski Luc & Chiapello Ève (1999), Le Nouvel Esprit du capitalisme, Breviglieri Marc & Cicchelli Vincent (dir.) (2007), Adolescences méditer-
et universitaires romandes. ranéennes : l’espace public à petits pas, Paris, L’Harmattan.
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nous ne doutons pas de l’intérêt de celui d’épreuve : la mobilité met en en ligne : ftp.clermont.cemagref.fr/metafort/media/asrdlfComGoyon
lieu de résidence sur les mobilités adolescentes. Parmi ces trois outils, ok.pdf (mai 2014).
mieux distinguer l’effet des propriétés sociales et des caractéristiques du Hägerstrand Torsten (1970),“What about People in Regional Science?”,
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Nicolas Oppenchaim 65
rapport pour l’US Department of Transportation, Washington.
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au sein des familles. État de la question et hypothèses de recherche », des quartiers : une approche des injonctions de genre, rapport du groupement
Espaces et sociétés, no 120-121, p. 199-217. Welzer-Lang Daniel & Kebabza Horia (dir.) (2003), Jeunes filles et garçons
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« Textes à l’appui ». Weber Max (1921, 1995), Économie et Société, Julien Freund, Pierre
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Oppenchaim Nicolas (2009), « Mobilités quotidiennes et ségrégation : le — (2007), “Social Inequalities in Network Capital”, Revue suisse de
cas des adolescents de zones urbaines sensibles franciliennes », Espaces, logie ?, Noël Burch (trad.), Paris, Armand Colin.
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— (2011 a), Mobilité, ségrégation et socialisation : une analyse à partir des American Community, New York, Simon & Schuster.
manières d’habiter des adolescents de zones urbaines sensibles, thèse de doc- Putnam Robert D. (2000), Bowling Alone  : the Collapse and Revival of
torat en sociologie, Université Paris-Est. urbaines en France », p. 15-26.
— (2011 b), « La mobilité comme accessibilité, dispositions et épreuve : no  103, « Paul-Henry Chombart de  Lauwe et l’histoire des études
trois paradigmes expliquant le caractère éprouvant des déplacements à Paquot Thierry (2000), « Un sociologue à Paris », Espaces et sociétés,
Paris », Articulo, Journal of urban research, no 7, en ligne : www.articulo. revues.org/1767 (mai 2014).
revues.org/1767 (mai 2014). Paris », Articulo, Journal of urban research, no 7, en ligne : www.articulo.
Paquot Thierry (2000), « Un sociologue à Paris », Espaces et sociétés, trois paradigmes expliquant le caractère éprouvant des déplacements à
no  103, « Paul-Henry Chombart de  Lauwe et l’histoire des études — (2011 b), « La mobilité comme accessibilité, dispositions et épreuve :
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logie ?, Noël Burch (trad.), Paris, Armand Colin. cas des adolescents de zones urbaines sensibles franciliennes », Espaces,
— (2007), “Social Inequalities in Network Capital”, Revue suisse de Oppenchaim Nicolas (2009), « Mobilités quotidiennes et ségrégation : le
sociologie, vol. 33, no 1, p. 9-26. ternationaux de sociologie, no 118, p. 81-100.
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Play: Exploring Parental Concerns About Children’s Safety and the Massot Marie-Hélène & Orfeuil Jean-Pierre (2005), « La mobilité au
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d’intérêt public « Justice et délégation interministérielle à la Ville », Kaufmann Vincent & Widmer Éric (2005), « L’acquisition de la motilité
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filles-et-garcons-des-quartiers-une-approche-des-injonctions-de- “Motility: Mobility as Capital”, International Journal of Urban and
genre (mai 2014). Kaufmann Vincent, Bergman Manfred  M. & Joye Dominique (2004),
Zahavi Yacov (1974),“Travel Time Budgets and Mobility in Urban Areas”,
rapport pour l’US Department of Transportation, Washington.
65 Nicolas Oppenchaim

Nicolas Oppenchaim 65
rapport pour l’US Department of Transportation, Washington.
Zahavi Yacov (1974),“Travel Time Budgets and Mobility in Urban Areas”,
Kaufmann Vincent, Bergman Manfred  M. & Joye Dominique (2004), genre (mai 2014).
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Regional Research, vol. 28, p. 745-756. en ligne  : http://i.ville.gouv.fr/index.php/reference/2650/jeunes-
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au sein des familles. État de la question et hypothèses de recherche », des quartiers : une approche des injonctions de genre, rapport du groupement
Espaces et sociétés, no 120-121, p. 199-217. Welzer-Lang Daniel & Kebabza Horia (dir.) (2003), Jeunes filles et garçons
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— (2011 a), Mobilité, ségrégation et socialisation : une analyse à partir des American Community, New York, Simon & Schuster.
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trois paradigmes expliquant le caractère éprouvant des déplacements à Paquot Thierry (2000), « Un sociologue à Paris », Espaces et sociétés,
Paris », Articulo, Journal of urban research, no 7, en ligne : www.articulo. revues.org/1767 (mai 2014).
revues.org/1767 (mai 2014). Paris », Articulo, Journal of urban research, no 7, en ligne : www.articulo.
Paquot Thierry (2000), « Un sociologue à Paris », Espaces et sociétés, trois paradigmes expliquant le caractère éprouvant des déplacements à
no  103, « Paul-Henry Chombart de  Lauwe et l’histoire des études — (2011 b), « La mobilité comme accessibilité, dispositions et épreuve :
urbaines en France », p. 15-26. torat en sociologie, Université Paris-Est.
Putnam Robert D. (2000), Bowling Alone  : the Collapse and Revival of manières d’habiter des adolescents de zones urbaines sensibles, thèse de doc-
American Community, New York, Simon & Schuster. — (2011 a), Mobilité, ségrégation et socialisation : une analyse à partir des
Urry John (2005), Sociologie des mobilités : une nouvelle frontière de la socio- populations, sociétés, no 2, p. 215-226.
logie ?, Noël Burch (trad.), Paris, Armand Colin. cas des adolescents de zones urbaines sensibles franciliennes », Espaces,
— (2007), “Social Inequalities in Network Capital”, Revue suisse de Oppenchaim Nicolas (2009), « Mobilités quotidiennes et ségrégation : le
sociologie, vol. 33, no 1, p. 9-26. ternationaux de sociologie, no 118, p. 81-100.
Valentine Gill & McKendrick John (1997), “Children’s Outdoor quotidien, entre choix individuel et production sociale », Cahiers in-
Play: Exploring Parental Concerns About Children’s Safety and the Massot Marie-Hélène & Orfeuil Jean-Pierre (2005), « La mobilité au
Changing Nature of Childhood”, Geoforum, vol. 28, no 2, p. 219-235. Lemieux Cyril (2009), Le Devoir et la Grâce, Paris, Economica.
Weber Max (1921, 1995), Économie et Société, Julien Freund, Pierre « Textes à l’appui ».
Kamnitzer, Pierre Bertrand et al. (trad.), Paris, Plon. Lahire Bernard (2004), La Culture des individus, Paris, La Découverte,
Welzer-Lang Daniel & Kebabza Horia (dir.) (2003), Jeunes filles et garçons Espaces et sociétés, no 120-121, p. 199-217.
des quartiers : une approche des injonctions de genre, rapport du groupement au sein des familles. État de la question et hypothèses de recherche »,
d’intérêt public « Justice et délégation interministérielle à la Ville », Kaufmann Vincent & Widmer Éric (2005), « L’acquisition de la motilité
en ligne  : http://i.ville.gouv.fr/index.php/reference/2650/jeunes- Regional Research, vol. 28, p. 745-756.
filles-et-garcons-des-quartiers-une-approche-des-injonctions-de- “Motility: Mobility as Capital”, International Journal of Urban and
genre (mai 2014). Kaufmann Vincent, Bergman Manfred  M. & Joye Dominique (2004),
Zahavi Yacov (1974),“Travel Time Budgets and Mobility in Urban Areas”,
rapport pour l’US Department of Transportation, Washington.
65 Nicolas Oppenchaim
inaperçu dans la foule ? Comment se construisent en situation urbaine
affectant autant la ville que les corps, permettant ou interdisant de passer
actions en public ? Comment aborder l’esthétisation de la vie quotidienne
au corps et à ses nombreuses médiations dans la structuration des inter-
lieux de la ville. Quels rôles jouent les apparences et les stéréotypes liés
être-vu selon son sexe, son âge, sa couleur de peau ou encore selon les
jeu. On n’est effectivement pas pris dans les mêmes logiques du voir / 
POUR UNE ANTHROPOLOGIE POÉTIQUE dynamique du regard. Le corps y opère selon une multitude de mises en
DES EXPÉRIENCES URBAINES L’anonymat a les apparences d’un « corps à corps » structuré par une
qui produisent l’expérience anonyme des sujets citadins.
entrecroisement de perspectives, de pratiques, de dispositifs et de signes
Anne Jarrigeon d’une poétique au sens étymologique d’une fabrication, c’est-à-dire d’un
d’une rhétorique silencieuse (Augoyard, 1979 ; de Certeau, 1980). Il s’agit
François Augoyard et Michel de Certeau, repérant les « figures de style »
Objets classiques pour la sociologie et l’anthropologie contemporai- citadins et à l’expressivité des lieux (Sansot, 1971), ou encore de Jean-
nes, la ville et plus généralement l’urbain suscitent l’intérêt de chercheurs de Pierre Sansot, qui accordait une importance cruciale aux rêveries des
de disciplines plus récentes comme les sciences de la communication. tique. Non pas au sens des poètes et des rhéteurs ni tout à fait au sens
Elles contribuent à en renouveler l’analyse en permettant de saisir des parisiens, nombre de phénomènes urbains relèvent d’une véritable poé-
dimensions qui ont été peu prises en compte jusque-là, comme la pré- la communication et consacrée aux interactions dans les espaces publics
gnance des médias ou les usages des technologies de la communication, de l’anonymat urbain (2007 a), initiée en sciences de l’information et de
pour lesquelles elles fournissent des méthodes d’investigation spécifiques. ma thèse de doctorat, Corps à corps urbains, vers une anthropologie poétique
Par-delà l’introduction de thèmes porteurs dans le monde des études des expériences citadines. À l’instar de l’anonymat, auquel est consacrée
urbaines, ces approches reposent sur des constructions intellectuelles al- médiations matérielles, symboliques, sensorielles, en un mot esthétiques
ternatives dans lesquelles les objets urbains catalysent les réflexions épis- travail cherche à décadrer les questionnements en faisant la part belle aux
témologiques. Élaboré en dehors de la sociologie mais en dialogue avec elle, en particulier avec la tradition microsociologique américaine, mon
elle, en particulier avec la tradition microsociologique américaine, mon témologiques. Élaboré en dehors de la sociologie mais en dialogue avec
travail cherche à décadrer les questionnements en faisant la part belle aux ternatives dans lesquelles les objets urbains catalysent les réflexions épis-
médiations matérielles, symboliques, sensorielles, en un mot esthétiques urbaines, ces approches reposent sur des constructions intellectuelles al-
des expériences citadines. À l’instar de l’anonymat, auquel est consacrée Par-delà l’introduction de thèmes porteurs dans le monde des études
ma thèse de doctorat, Corps à corps urbains, vers une anthropologie poétique pour lesquelles elles fournissent des méthodes d’investigation spécifiques.
de l’anonymat urbain (2007 a), initiée en sciences de l’information et de gnance des médias ou les usages des technologies de la communication,
la communication et consacrée aux interactions dans les espaces publics dimensions qui ont été peu prises en compte jusque-là, comme la pré-
parisiens, nombre de phénomènes urbains relèvent d’une véritable poé- Elles contribuent à en renouveler l’analyse en permettant de saisir des
tique. Non pas au sens des poètes et des rhéteurs ni tout à fait au sens de disciplines plus récentes comme les sciences de la communication.
de Pierre Sansot, qui accordait une importance cruciale aux rêveries des nes, la ville et plus généralement l’urbain suscitent l’intérêt de chercheurs
citadins et à l’expressivité des lieux (Sansot, 1971), ou encore de Jean- Objets classiques pour la sociologie et l’anthropologie contemporai-
François Augoyard et Michel de Certeau, repérant les « figures de style »
d’une rhétorique silencieuse (Augoyard, 1979 ; de Certeau, 1980). Il s’agit
d’une poétique au sens étymologique d’une fabrication, c’est-à-dire d’un Anne Jarrigeon
entrecroisement de perspectives, de pratiques, de dispositifs et de signes
qui produisent l’expérience anonyme des sujets citadins.
L’anonymat a les apparences d’un « corps à corps » structuré par une DES EXPÉRIENCES URBAINES
dynamique du regard. Le corps y opère selon une multitude de mises en POUR UNE ANTHROPOLOGIE POÉTIQUE
jeu. On n’est effectivement pas pris dans les mêmes logiques du voir / 
être-vu selon son sexe, son âge, sa couleur de peau ou encore selon les
lieux de la ville. Quels rôles jouent les apparences et les stéréotypes liés
au corps et à ses nombreuses médiations dans la structuration des inter-
actions en public ? Comment aborder l’esthétisation de la vie quotidienne
affectant autant la ville que les corps, permettant ou interdisant de passer
inaperçu dans la foule ? Comment se construisent en situation urbaine

inaperçu dans la foule ? Comment se construisent en situation urbaine


affectant autant la ville que les corps, permettant ou interdisant de passer
actions en public ? Comment aborder l’esthétisation de la vie quotidienne
au corps et à ses nombreuses médiations dans la structuration des inter-
lieux de la ville. Quels rôles jouent les apparences et les stéréotypes liés
être-vu selon son sexe, son âge, sa couleur de peau ou encore selon les
jeu. On n’est effectivement pas pris dans les mêmes logiques du voir / 
POUR UNE ANTHROPOLOGIE POÉTIQUE dynamique du regard. Le corps y opère selon une multitude de mises en
DES EXPÉRIENCES URBAINES L’anonymat a les apparences d’un « corps à corps » structuré par une
qui produisent l’expérience anonyme des sujets citadins.
entrecroisement de perspectives, de pratiques, de dispositifs et de signes
Anne Jarrigeon d’une poétique au sens étymologique d’une fabrication, c’est-à-dire d’un
d’une rhétorique silencieuse (Augoyard, 1979 ; de Certeau, 1980). Il s’agit
François Augoyard et Michel de Certeau, repérant les « figures de style »
Objets classiques pour la sociologie et l’anthropologie contemporai- citadins et à l’expressivité des lieux (Sansot, 1971), ou encore de Jean-
nes, la ville et plus généralement l’urbain suscitent l’intérêt de chercheurs de Pierre Sansot, qui accordait une importance cruciale aux rêveries des
de disciplines plus récentes comme les sciences de la communication. tique. Non pas au sens des poètes et des rhéteurs ni tout à fait au sens
Elles contribuent à en renouveler l’analyse en permettant de saisir des parisiens, nombre de phénomènes urbains relèvent d’une véritable poé-
dimensions qui ont été peu prises en compte jusque-là, comme la pré- la communication et consacrée aux interactions dans les espaces publics
gnance des médias ou les usages des technologies de la communication, de l’anonymat urbain (2007 a), initiée en sciences de l’information et de
pour lesquelles elles fournissent des méthodes d’investigation spécifiques. ma thèse de doctorat, Corps à corps urbains, vers une anthropologie poétique
Par-delà l’introduction de thèmes porteurs dans le monde des études des expériences citadines. À l’instar de l’anonymat, auquel est consacrée
urbaines, ces approches reposent sur des constructions intellectuelles al- médiations matérielles, symboliques, sensorielles, en un mot esthétiques
ternatives dans lesquelles les objets urbains catalysent les réflexions épis- travail cherche à décadrer les questionnements en faisant la part belle aux
témologiques. Élaboré en dehors de la sociologie mais en dialogue avec elle, en particulier avec la tradition microsociologique américaine, mon
elle, en particulier avec la tradition microsociologique américaine, mon témologiques. Élaboré en dehors de la sociologie mais en dialogue avec
travail cherche à décadrer les questionnements en faisant la part belle aux ternatives dans lesquelles les objets urbains catalysent les réflexions épis-
médiations matérielles, symboliques, sensorielles, en un mot esthétiques urbaines, ces approches reposent sur des constructions intellectuelles al-
des expériences citadines. À l’instar de l’anonymat, auquel est consacrée Par-delà l’introduction de thèmes porteurs dans le monde des études
ma thèse de doctorat, Corps à corps urbains, vers une anthropologie poétique pour lesquelles elles fournissent des méthodes d’investigation spécifiques.
de l’anonymat urbain (2007 a), initiée en sciences de l’information et de gnance des médias ou les usages des technologies de la communication,
la communication et consacrée aux interactions dans les espaces publics dimensions qui ont été peu prises en compte jusque-là, comme la pré-
parisiens, nombre de phénomènes urbains relèvent d’une véritable poé- Elles contribuent à en renouveler l’analyse en permettant de saisir des
tique. Non pas au sens des poètes et des rhéteurs ni tout à fait au sens de disciplines plus récentes comme les sciences de la communication.
de Pierre Sansot, qui accordait une importance cruciale aux rêveries des nes, la ville et plus généralement l’urbain suscitent l’intérêt de chercheurs
citadins et à l’expressivité des lieux (Sansot, 1971), ou encore de Jean- Objets classiques pour la sociologie et l’anthropologie contemporai-
François Augoyard et Michel de Certeau, repérant les « figures de style »
d’une rhétorique silencieuse (Augoyard, 1979 ; de Certeau, 1980). Il s’agit
d’une poétique au sens étymologique d’une fabrication, c’est-à-dire d’un Anne Jarrigeon
entrecroisement de perspectives, de pratiques, de dispositifs et de signes
qui produisent l’expérience anonyme des sujets citadins.
L’anonymat a les apparences d’un « corps à corps » structuré par une DES EXPÉRIENCES URBAINES
dynamique du regard. Le corps y opère selon une multitude de mises en POUR UNE ANTHROPOLOGIE POÉTIQUE
jeu. On n’est effectivement pas pris dans les mêmes logiques du voir / 
être-vu selon son sexe, son âge, sa couleur de peau ou encore selon les
lieux de la ville. Quels rôles jouent les apparences et les stéréotypes liés
au corps et à ses nombreuses médiations dans la structuration des inter-
actions en public ? Comment aborder l’esthétisation de la vie quotidienne
affectant autant la ville que les corps, permettant ou interdisant de passer
inaperçu dans la foule ? Comment se construisent en situation urbaine
Cities, avec Arnaud Brihay, Aurélie Pétrel et Lu Yanmin, musée Xuhui, Shanghai (2010).
de lieux, exposition à la galerie La Librairie, ENS-LSH, Lyon (2009), ou encore Picturing
photographies : Gerland, vues rapprochées, exposition en plein air, Lyon (2008), Gerland, état 68 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
mes films La Ville au téléphone (2004) ou La Villette-vies (2007), ou de mes expositions de
1. Ils peuvent donner lieu à des formes spécifiques de restitution comme dans le cas de
la coprésence et la visibilité réciproque des individus censées caractériser
une certaine créativité, notamment méthodologique, pour penser cet objet les espaces publics urbains (Joseph, 1998) ?
L’exploration du sort et des ressorts de l’anonymat urbain a supposé J’ai choisi pour mes enquêtes d’aborder la ville par ses « espaces
hérités et rompent avec eux. publics », et de ne retenir que des lieux véritablement ouverts à tous.
de fait à l’élaboration de postures qui à la fois s’appuient sur les savoirs L’indifférence théoriquement polie et mutuelle, cette forme de réserve à
ractérisé par son interdisciplinarité (Jeanneret & Ollivier, 2004) conduit l’égard des autres autrement qualifiée d’« inattention civile » par Goffman
saisir des pratiques et des imaginaires contemporains dans ce champ ca- (1959, 1973, p. 253), est en effet indissociable d’une théorisation de l’es-
cation, il n’y a pas de tradition épistémologique constituée. Tenter de se pace commun dans les sociétés démocratiques. De Georg Simmel à Isaac
par une redéfinition des objets scientifiques. En sciences de la communi- Joseph en passant par Richard Sennett, nombreux sont ceux qui ont mis
rence que sont la sociologie, l’histoire ou encore la géographie doit passer en avant, pour penser l’urbanité, ces espaces dans lesquels l’étranger se-
L’approche des phénomènes urbains en dehors des disciplines de réfé- rait accueilli sans stigmatisation. Ces conceptions laissent assez peu de
place aux singularités portées par les corps et appellent une description
L’URBAIN, LE CORPS, LE REGARD : DES ANALYSEURS EN JEU des événements ordinaires de la vie urbaine, description reposant sur une
économie des regards qui en réalité produit de la différence.
sociologie. J’ai construit et expérimenté dans ma thèse une approche visant
la perspective d’un dialogue théorique empiriquement nourri avec la à analyser ensemble la production concrète d’espaces urbains spéci-
riences urbaines. Je présenterai peu de résultats et préférerai adopter fiques, l’imaginaire dans lesquels ils sont pris et les sociabilités ordinaires
pertinents au cœur d’une véritable anthropologie poétique des expé- qu’ils rendent possibles. J’articule pour cela plusieurs démarches  : la
devenir-image contemporain contribue à la construction d’analyseurs sémiotique (du corps, de l’architecture mais aussi des images qui com-
quoi l’attention portée à la circulation sociale des savoirs, au corps et au posent nos environnements urbains), l’ethnologie critique et l’anthro-
moi de véritables outils d’investigation1. Je propose de montrer ici en pologie visuelle. Le film et la photographie constituent en effet pour
pologie visuelle. Le film et la photographie constituent en effet pour moi de véritables outils d’investigation1. Je propose de montrer ici en
posent nos environnements urbains), l’ethnologie critique et l’anthro- quoi l’attention portée à la circulation sociale des savoirs, au corps et au
sémiotique (du corps, de l’architecture mais aussi des images qui com- devenir-image contemporain contribue à la construction d’analyseurs
qu’ils rendent possibles. J’articule pour cela plusieurs démarches  : la pertinents au cœur d’une véritable anthropologie poétique des expé-
fiques, l’imaginaire dans lesquels ils sont pris et les sociabilités ordinaires riences urbaines. Je présenterai peu de résultats et préférerai adopter
à analyser ensemble la production concrète d’espaces urbains spéci- la perspective d’un dialogue théorique empiriquement nourri avec la
J’ai construit et expérimenté dans ma thèse une approche visant sociologie.
économie des regards qui en réalité produit de la différence.
des événements ordinaires de la vie urbaine, description reposant sur une L’URBAIN, LE CORPS, LE REGARD : DES ANALYSEURS EN JEU
place aux singularités portées par les corps et appellent une description
rait accueilli sans stigmatisation. Ces conceptions laissent assez peu de L’approche des phénomènes urbains en dehors des disciplines de réfé-
en avant, pour penser l’urbanité, ces espaces dans lesquels l’étranger se- rence que sont la sociologie, l’histoire ou encore la géographie doit passer
Joseph en passant par Richard Sennett, nombreux sont ceux qui ont mis par une redéfinition des objets scientifiques. En sciences de la communi-
pace commun dans les sociétés démocratiques. De Georg Simmel à Isaac cation, il n’y a pas de tradition épistémologique constituée. Tenter de se
(1959, 1973, p. 253), est en effet indissociable d’une théorisation de l’es- saisir des pratiques et des imaginaires contemporains dans ce champ ca-
l’égard des autres autrement qualifiée d’« inattention civile » par Goffman ractérisé par son interdisciplinarité (Jeanneret & Ollivier, 2004) conduit
L’indifférence théoriquement polie et mutuelle, cette forme de réserve à de fait à l’élaboration de postures qui à la fois s’appuient sur les savoirs
publics », et de ne retenir que des lieux véritablement ouverts à tous. hérités et rompent avec eux.
J’ai choisi pour mes enquêtes d’aborder la ville par ses « espaces L’exploration du sort et des ressorts de l’anonymat urbain a supposé
les espaces publics urbains (Joseph, 1998) ? une certaine créativité, notamment méthodologique, pour penser cet objet
la coprésence et la visibilité réciproque des individus censées caractériser
1. Ils peuvent donner lieu à des formes spécifiques de restitution comme dans le cas de
mes films La Ville au téléphone (2004) ou La Villette-vies (2007), ou de mes expositions de
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 68 photographies : Gerland, vues rapprochées, exposition en plein air, Lyon (2008), Gerland, état
de lieux, exposition à la galerie La Librairie, ENS-LSH, Lyon (2009), ou encore Picturing
Cities, avec Arnaud Brihay, Aurélie Pétrel et Lu Yanmin, musée Xuhui, Shanghai (2010).

Cities, avec Arnaud Brihay, Aurélie Pétrel et Lu Yanmin, musée Xuhui, Shanghai (2010).
de lieux, exposition à la galerie La Librairie, ENS-LSH, Lyon (2009), ou encore Picturing
photographies : Gerland, vues rapprochées, exposition en plein air, Lyon (2008), Gerland, état 68 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
mes films La Ville au téléphone (2004) ou La Villette-vies (2007), ou de mes expositions de
1. Ils peuvent donner lieu à des formes spécifiques de restitution comme dans le cas de
la coprésence et la visibilité réciproque des individus censées caractériser
une certaine créativité, notamment méthodologique, pour penser cet objet les espaces publics urbains (Joseph, 1998) ?
L’exploration du sort et des ressorts de l’anonymat urbain a supposé J’ai choisi pour mes enquêtes d’aborder la ville par ses « espaces
hérités et rompent avec eux. publics », et de ne retenir que des lieux véritablement ouverts à tous.
de fait à l’élaboration de postures qui à la fois s’appuient sur les savoirs L’indifférence théoriquement polie et mutuelle, cette forme de réserve à
ractérisé par son interdisciplinarité (Jeanneret & Ollivier, 2004) conduit l’égard des autres autrement qualifiée d’« inattention civile » par Goffman
saisir des pratiques et des imaginaires contemporains dans ce champ ca- (1959, 1973, p. 253), est en effet indissociable d’une théorisation de l’es-
cation, il n’y a pas de tradition épistémologique constituée. Tenter de se pace commun dans les sociétés démocratiques. De Georg Simmel à Isaac
par une redéfinition des objets scientifiques. En sciences de la communi- Joseph en passant par Richard Sennett, nombreux sont ceux qui ont mis
rence que sont la sociologie, l’histoire ou encore la géographie doit passer en avant, pour penser l’urbanité, ces espaces dans lesquels l’étranger se-
L’approche des phénomènes urbains en dehors des disciplines de réfé- rait accueilli sans stigmatisation. Ces conceptions laissent assez peu de
place aux singularités portées par les corps et appellent une description
L’URBAIN, LE CORPS, LE REGARD : DES ANALYSEURS EN JEU des événements ordinaires de la vie urbaine, description reposant sur une
économie des regards qui en réalité produit de la différence.
sociologie. J’ai construit et expérimenté dans ma thèse une approche visant
la perspective d’un dialogue théorique empiriquement nourri avec la à analyser ensemble la production concrète d’espaces urbains spéci-
riences urbaines. Je présenterai peu de résultats et préférerai adopter fiques, l’imaginaire dans lesquels ils sont pris et les sociabilités ordinaires
pertinents au cœur d’une véritable anthropologie poétique des expé- qu’ils rendent possibles. J’articule pour cela plusieurs démarches  : la
devenir-image contemporain contribue à la construction d’analyseurs sémiotique (du corps, de l’architecture mais aussi des images qui com-
quoi l’attention portée à la circulation sociale des savoirs, au corps et au posent nos environnements urbains), l’ethnologie critique et l’anthro-
moi de véritables outils d’investigation1. Je propose de montrer ici en pologie visuelle. Le film et la photographie constituent en effet pour
pologie visuelle. Le film et la photographie constituent en effet pour moi de véritables outils d’investigation1. Je propose de montrer ici en
posent nos environnements urbains), l’ethnologie critique et l’anthro- quoi l’attention portée à la circulation sociale des savoirs, au corps et au
sémiotique (du corps, de l’architecture mais aussi des images qui com- devenir-image contemporain contribue à la construction d’analyseurs
qu’ils rendent possibles. J’articule pour cela plusieurs démarches  : la pertinents au cœur d’une véritable anthropologie poétique des expé-
fiques, l’imaginaire dans lesquels ils sont pris et les sociabilités ordinaires riences urbaines. Je présenterai peu de résultats et préférerai adopter
à analyser ensemble la production concrète d’espaces urbains spéci- la perspective d’un dialogue théorique empiriquement nourri avec la
J’ai construit et expérimenté dans ma thèse une approche visant sociologie.
économie des regards qui en réalité produit de la différence.
des événements ordinaires de la vie urbaine, description reposant sur une L’URBAIN, LE CORPS, LE REGARD : DES ANALYSEURS EN JEU
place aux singularités portées par les corps et appellent une description
rait accueilli sans stigmatisation. Ces conceptions laissent assez peu de L’approche des phénomènes urbains en dehors des disciplines de réfé-
en avant, pour penser l’urbanité, ces espaces dans lesquels l’étranger se- rence que sont la sociologie, l’histoire ou encore la géographie doit passer
Joseph en passant par Richard Sennett, nombreux sont ceux qui ont mis par une redéfinition des objets scientifiques. En sciences de la communi-
pace commun dans les sociétés démocratiques. De Georg Simmel à Isaac cation, il n’y a pas de tradition épistémologique constituée. Tenter de se
(1959, 1973, p. 253), est en effet indissociable d’une théorisation de l’es- saisir des pratiques et des imaginaires contemporains dans ce champ ca-
l’égard des autres autrement qualifiée d’« inattention civile » par Goffman ractérisé par son interdisciplinarité (Jeanneret & Ollivier, 2004) conduit
L’indifférence théoriquement polie et mutuelle, cette forme de réserve à de fait à l’élaboration de postures qui à la fois s’appuient sur les savoirs
publics », et de ne retenir que des lieux véritablement ouverts à tous. hérités et rompent avec eux.
J’ai choisi pour mes enquêtes d’aborder la ville par ses « espaces L’exploration du sort et des ressorts de l’anonymat urbain a supposé
les espaces publics urbains (Joseph, 1998) ? une certaine créativité, notamment méthodologique, pour penser cet objet
la coprésence et la visibilité réciproque des individus censées caractériser
1. Ils peuvent donner lieu à des formes spécifiques de restitution comme dans le cas de
mes films La Ville au téléphone (2004) ou La Villette-vies (2007), ou de mes expositions de
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 68 photographies : Gerland, vues rapprochées, exposition en plein air, Lyon (2008), Gerland, état
de lieux, exposition à la galerie La Librairie, ENS-LSH, Lyon (2009), ou encore Picturing
Cities, avec Arnaud Brihay, Aurélie Pétrel et Lu Yanmin, musée Xuhui, Shanghai (2010).
pratiques de déchiffrement auquel il donne lieu. L’image constitue un
Anne Jarrigeon 69 de contextualisation et de politisation de l’expressivité du corps et des
les moments et les lieux de ma recherche. La ville compose un cadre actif
de ces éléments se transformant tour à tour en analyseur des autres selon
d’autant plus flou qu’il semblait tomber sous le coup d’une évidence. corps et le regard. Cette triade constitue le cœur de mon travail, chacun
L’anonymat est si facilement associé à la grande ville et aux espaces publics ticulièrement investis par les sciences sociales au xxe siècle : l’urbain, le
urbains depuis le xixe  siècle qu’il n’est, curieusement, presque jamais Tenter de penser l’anonymat m’a poussée à confronter des objets par-
interrogé. Il semble en réalité avoir aussi peu intéressé les penseurs de la petits liens » (Laplantine, 2003).
ville qu’il a fasciné les artistes. La sociabilité a longtemps été pensée en l’invitant à « observer les détails » (Piette, 1996) et à repérer de « tout
référence à une convivialité de type villageoise ou communautaire. Es- rience urbaine. Il le pousse du côté du discret, de l’éphémère, du fugitif,
sayant de se distinguer d’une « anthropologie des enclaves » (Joseph, 1983, attention particulière aux dimensions sensibles et subjectives de l’expé-
1996, p. 13), Ulf Hannerz critiquait déjà dans les années 1970 le regard corps, l’anonymat des grandes villes conduit le chercheur à prêter une
porté par l’anthropologue en ville participant à la production symbolique & Brezger, 1993, p. 89). Plongeant l’individu dans un véritable corps à
de « villages urbains » (Gans, 1962). les « procédures d’accomplissement d’une étrangeté mutuelle » (Quéré
Observer la sociabilité des flux et des rassemblements publics permet mes ajustements identitaires nécessaires à ce que Louis Quéré nomme
de comprendre qu’il n’est pas si simple, en réalité, de passer inaperçu leur trivialité et de déconstruire la manière dont se produisent les infi-
ni de susciter l’indifférence polie et mutuelle que théorisait Goffman. pour moi de prendre au sérieux ces situations urbaines quotidiennes dans
Le passage d’identités d’interconnaissance à d’autres formes identitaires, tion des visages dans des dispositifs architecturaux singuliers. Il s’agissait
prises dans le ronronnement d’une inattention supposée généralisée, la foule, sur l’échange ou l’absence de regards, sur une même orienta-
mérite qu’on s’y arrête, peut-être même qu’on aborde par là certains ments de l’urbain où la sociabilité repose sur l’évitement des corps dans
des phénomènes urbains contemporains, suivant ainsi la voie ouverte L’objet de ma thèse a bien été d’analyser ce qui se joue dans les mo-
par Colette Pétonnet dans les années 1980. Dans « L’anonymat ou la contemporaine.
pellicule protectrice » (1987), elle invitait en effet les chercheurs à dé- fiante, constitue le lieu commun de bon nombre de travaux sur l’urbanité
crire cette forme particulière de réserve à l’égard d’autrui qui rend souvent négatif –  sans être analysé, l’anonymat, comme catégorie uni-
possible la vie individuelle au milieu de la multitude. Ce faisant, elle amorçait un déplacement du regard jusque-là très globalisant et le plus
amorçait un déplacement du regard jusque-là très globalisant et le plus possible la vie individuelle au milieu de la multitude. Ce faisant, elle
souvent négatif –  sans être analysé, l’anonymat, comme catégorie uni- crire cette forme particulière de réserve à l’égard d’autrui qui rend
fiante, constitue le lieu commun de bon nombre de travaux sur l’urbanité pellicule protectrice » (1987), elle invitait en effet les chercheurs à dé-
contemporaine. par Colette Pétonnet dans les années 1980. Dans « L’anonymat ou la
L’objet de ma thèse a bien été d’analyser ce qui se joue dans les mo- des phénomènes urbains contemporains, suivant ainsi la voie ouverte
ments de l’urbain où la sociabilité repose sur l’évitement des corps dans mérite qu’on s’y arrête, peut-être même qu’on aborde par là certains
la foule, sur l’échange ou l’absence de regards, sur une même orienta- prises dans le ronronnement d’une inattention supposée généralisée,
tion des visages dans des dispositifs architecturaux singuliers. Il s’agissait Le passage d’identités d’interconnaissance à d’autres formes identitaires,
pour moi de prendre au sérieux ces situations urbaines quotidiennes dans ni de susciter l’indifférence polie et mutuelle que théorisait Goffman.
leur trivialité et de déconstruire la manière dont se produisent les infi- de comprendre qu’il n’est pas si simple, en réalité, de passer inaperçu
mes ajustements identitaires nécessaires à ce que Louis Quéré nomme Observer la sociabilité des flux et des rassemblements publics permet
les « procédures d’accomplissement d’une étrangeté mutuelle » (Quéré de « villages urbains » (Gans, 1962).
& Brezger, 1993, p. 89). Plongeant l’individu dans un véritable corps à porté par l’anthropologue en ville participant à la production symbolique
corps, l’anonymat des grandes villes conduit le chercheur à prêter une 1996, p. 13), Ulf Hannerz critiquait déjà dans les années 1970 le regard
attention particulière aux dimensions sensibles et subjectives de l’expé- sayant de se distinguer d’une « anthropologie des enclaves » (Joseph, 1983,
rience urbaine. Il le pousse du côté du discret, de l’éphémère, du fugitif, référence à une convivialité de type villageoise ou communautaire. Es-
l’invitant à « observer les détails » (Piette, 1996) et à repérer de « tout ville qu’il a fasciné les artistes. La sociabilité a longtemps été pensée en
petits liens » (Laplantine, 2003). interrogé. Il semble en réalité avoir aussi peu intéressé les penseurs de la
Tenter de penser l’anonymat m’a poussée à confronter des objets par- urbains depuis le xixe  siècle qu’il n’est, curieusement, presque jamais
ticulièrement investis par les sciences sociales au xxe siècle : l’urbain, le L’anonymat est si facilement associé à la grande ville et aux espaces publics
corps et le regard. Cette triade constitue le cœur de mon travail, chacun d’autant plus flou qu’il semblait tomber sous le coup d’une évidence.
de ces éléments se transformant tour à tour en analyseur des autres selon
les moments et les lieux de ma recherche. La ville compose un cadre actif
de contextualisation et de politisation de l’expressivité du corps et des 69 Anne Jarrigeon
pratiques de déchiffrement auquel il donne lieu. L’image constitue un

pratiques de déchiffrement auquel il donne lieu. L’image constitue un


Anne Jarrigeon 69 de contextualisation et de politisation de l’expressivité du corps et des
les moments et les lieux de ma recherche. La ville compose un cadre actif
de ces éléments se transformant tour à tour en analyseur des autres selon
d’autant plus flou qu’il semblait tomber sous le coup d’une évidence. corps et le regard. Cette triade constitue le cœur de mon travail, chacun
L’anonymat est si facilement associé à la grande ville et aux espaces publics ticulièrement investis par les sciences sociales au xxe siècle : l’urbain, le
urbains depuis le xixe  siècle qu’il n’est, curieusement, presque jamais Tenter de penser l’anonymat m’a poussée à confronter des objets par-
interrogé. Il semble en réalité avoir aussi peu intéressé les penseurs de la petits liens » (Laplantine, 2003).
ville qu’il a fasciné les artistes. La sociabilité a longtemps été pensée en l’invitant à « observer les détails » (Piette, 1996) et à repérer de « tout
référence à une convivialité de type villageoise ou communautaire. Es- rience urbaine. Il le pousse du côté du discret, de l’éphémère, du fugitif,
sayant de se distinguer d’une « anthropologie des enclaves » (Joseph, 1983, attention particulière aux dimensions sensibles et subjectives de l’expé-
1996, p. 13), Ulf Hannerz critiquait déjà dans les années 1970 le regard corps, l’anonymat des grandes villes conduit le chercheur à prêter une
porté par l’anthropologue en ville participant à la production symbolique & Brezger, 1993, p. 89). Plongeant l’individu dans un véritable corps à
de « villages urbains » (Gans, 1962). les « procédures d’accomplissement d’une étrangeté mutuelle » (Quéré
Observer la sociabilité des flux et des rassemblements publics permet mes ajustements identitaires nécessaires à ce que Louis Quéré nomme
de comprendre qu’il n’est pas si simple, en réalité, de passer inaperçu leur trivialité et de déconstruire la manière dont se produisent les infi-
ni de susciter l’indifférence polie et mutuelle que théorisait Goffman. pour moi de prendre au sérieux ces situations urbaines quotidiennes dans
Le passage d’identités d’interconnaissance à d’autres formes identitaires, tion des visages dans des dispositifs architecturaux singuliers. Il s’agissait
prises dans le ronronnement d’une inattention supposée généralisée, la foule, sur l’échange ou l’absence de regards, sur une même orienta-
mérite qu’on s’y arrête, peut-être même qu’on aborde par là certains ments de l’urbain où la sociabilité repose sur l’évitement des corps dans
des phénomènes urbains contemporains, suivant ainsi la voie ouverte L’objet de ma thèse a bien été d’analyser ce qui se joue dans les mo-
par Colette Pétonnet dans les années 1980. Dans « L’anonymat ou la contemporaine.
pellicule protectrice » (1987), elle invitait en effet les chercheurs à dé- fiante, constitue le lieu commun de bon nombre de travaux sur l’urbanité
crire cette forme particulière de réserve à l’égard d’autrui qui rend souvent négatif –  sans être analysé, l’anonymat, comme catégorie uni-
possible la vie individuelle au milieu de la multitude. Ce faisant, elle amorçait un déplacement du regard jusque-là très globalisant et le plus
amorçait un déplacement du regard jusque-là très globalisant et le plus possible la vie individuelle au milieu de la multitude. Ce faisant, elle
souvent négatif –  sans être analysé, l’anonymat, comme catégorie uni- crire cette forme particulière de réserve à l’égard d’autrui qui rend
fiante, constitue le lieu commun de bon nombre de travaux sur l’urbanité pellicule protectrice » (1987), elle invitait en effet les chercheurs à dé-
contemporaine. par Colette Pétonnet dans les années 1980. Dans « L’anonymat ou la
L’objet de ma thèse a bien été d’analyser ce qui se joue dans les mo- des phénomènes urbains contemporains, suivant ainsi la voie ouverte
ments de l’urbain où la sociabilité repose sur l’évitement des corps dans mérite qu’on s’y arrête, peut-être même qu’on aborde par là certains
la foule, sur l’échange ou l’absence de regards, sur une même orienta- prises dans le ronronnement d’une inattention supposée généralisée,
tion des visages dans des dispositifs architecturaux singuliers. Il s’agissait Le passage d’identités d’interconnaissance à d’autres formes identitaires,
pour moi de prendre au sérieux ces situations urbaines quotidiennes dans ni de susciter l’indifférence polie et mutuelle que théorisait Goffman.
leur trivialité et de déconstruire la manière dont se produisent les infi- de comprendre qu’il n’est pas si simple, en réalité, de passer inaperçu
mes ajustements identitaires nécessaires à ce que Louis Quéré nomme Observer la sociabilité des flux et des rassemblements publics permet
les « procédures d’accomplissement d’une étrangeté mutuelle » (Quéré de « villages urbains » (Gans, 1962).
& Brezger, 1993, p. 89). Plongeant l’individu dans un véritable corps à porté par l’anthropologue en ville participant à la production symbolique
corps, l’anonymat des grandes villes conduit le chercheur à prêter une 1996, p. 13), Ulf Hannerz critiquait déjà dans les années 1970 le regard
attention particulière aux dimensions sensibles et subjectives de l’expé- sayant de se distinguer d’une « anthropologie des enclaves » (Joseph, 1983,
rience urbaine. Il le pousse du côté du discret, de l’éphémère, du fugitif, référence à une convivialité de type villageoise ou communautaire. Es-
l’invitant à « observer les détails » (Piette, 1996) et à repérer de « tout ville qu’il a fasciné les artistes. La sociabilité a longtemps été pensée en
petits liens » (Laplantine, 2003). interrogé. Il semble en réalité avoir aussi peu intéressé les penseurs de la
Tenter de penser l’anonymat m’a poussée à confronter des objets par- urbains depuis le xixe  siècle qu’il n’est, curieusement, presque jamais
ticulièrement investis par les sciences sociales au xxe siècle : l’urbain, le L’anonymat est si facilement associé à la grande ville et aux espaces publics
corps et le regard. Cette triade constitue le cœur de mon travail, chacun d’autant plus flou qu’il semblait tomber sous le coup d’une évidence.
de ces éléments se transformant tour à tour en analyseur des autres selon
les moments et les lieux de ma recherche. La ville compose un cadre actif
de contextualisation et de politisation de l’expressivité du corps et des 69 Anne Jarrigeon
pratiques de déchiffrement auquel il donne lieu. L’image constitue un
charges de projets architecturaux (en particulier liés à mes monographies parisiennes).
textes scientifiques, de discours politiques, d’articles de presse, d’extraits de cahiers des
3. Les propos qui suivent s’appuient sur l’analyse discursive d’un corpus hétérogène de 70 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
(Jarrigeon, 2007 b, 2012 c).
ont donné lieu à des publications sous forme comparée (Jarrigeon, 2012 a) ou séparément
blics parisiens : les Halles, la piazza Beaubourg et le parc de la Villette. Ces monographies
accès privilégié à la discipline des regards qui affecte tout particulière-
ment les interactions corporelles anonymes. Le corps ancre l’analyse
2. Mon travail s’est appuyé sur la réalisation de plusieurs monographies d’espaces pu-

des pratiques sociales en ville dans une approche radicalement maté-


public est en fait de plus en plus souvent utilisée par les urbanistes et les rielle, par le double recours à l’anthropologie et à la sémiotique. Elles
publics qui en pratique peuvent être fermés au public. La notion d’espace permettent de poursuivre les analyses là où la sociologie généralement
du « domaine public » : espaces minéraux, espaces verts, mais aussi édifices s’arrête. Sur le plan méthodologique, l’ethnographie rend possible une
blic ne saurait être assimilé à l’ensemble de ce qui relève juridiquement sémiotique située, qui se distingue des plongées exclusives dans l’imma-
espaces verts et les voiries font l’objet de textes spécifiques. L’espace pu- nence de corpus construits de manière systématique, selon cette tradi-
ne figure pas en tant que tel dans les réglementations sur la ville ; seuls les tion disciplinaire (Fontanille, 2006). La prise en compte des images
l’urbanisme ne résout pas, même partiellement. D’ailleurs, l’espace public comme autant de médiations du social permet à rebours de développer
cache en réalité d’étonnants problèmes de définition que le Code de une ethnographie originale, donnant accès à des régimes d’expressivité
parition (Tomas, 2002)3. Si l’appellation suscite des airs entendus, elle du corps qui échappent à la seule situation observable, mais qui en orga-
d’espace public, introduit dans le champ urbain pour dénoncer une dis- nisent le fonctionnement.
On peut d’emblée remarquer le caractère paradoxal du concept
LES ESPACES PUBLICS... URBAINS, DÉTOUR MYTHOLOGIQUE
Les vertus politiques d’une qualification philosophique
S’aventurer sur le terrain apparemment bien balisé de l’espace public
humaines. urbain implique de lever le voile – théorique – d’une évidence, celle de
d’espace public à partir d’un retour sur son introduction en sciences la désignation de certains espaces comme « publics » dans un contexte
tion2. Je propose d’analyser le statut et la portée discursive du concept de « franchisation » des villes (Mangin, 2004), d’extension des formes
contrôle dans les espaces juridiquement régis par une liberté de circula- de « résidentialisation » et de généralisation de nouvelles procédures de
de « résidentialisation » et de généralisation de nouvelles procédures de contrôle dans les espaces juridiquement régis par une liberté de circula-
de « franchisation » des villes (Mangin, 2004), d’extension des formes tion2. Je propose d’analyser le statut et la portée discursive du concept
la désignation de certains espaces comme « publics » dans un contexte d’espace public à partir d’un retour sur son introduction en sciences
urbain implique de lever le voile – théorique – d’une évidence, celle de humaines.
S’aventurer sur le terrain apparemment bien balisé de l’espace public
Les vertus politiques d’une qualification philosophique
LES ESPACES PUBLICS... URBAINS, DÉTOUR MYTHOLOGIQUE
On peut d’emblée remarquer le caractère paradoxal du concept
nisent le fonctionnement. d’espace public, introduit dans le champ urbain pour dénoncer une dis-
du corps qui échappent à la seule situation observable, mais qui en orga- parition (Tomas, 2002)3. Si l’appellation suscite des airs entendus, elle
une ethnographie originale, donnant accès à des régimes d’expressivité cache en réalité d’étonnants problèmes de définition que le Code de
comme autant de médiations du social permet à rebours de développer l’urbanisme ne résout pas, même partiellement. D’ailleurs, l’espace public
tion disciplinaire (Fontanille, 2006). La prise en compte des images ne figure pas en tant que tel dans les réglementations sur la ville ; seuls les
nence de corpus construits de manière systématique, selon cette tradi- espaces verts et les voiries font l’objet de textes spécifiques. L’espace pu-
sémiotique située, qui se distingue des plongées exclusives dans l’imma- blic ne saurait être assimilé à l’ensemble de ce qui relève juridiquement
s’arrête. Sur le plan méthodologique, l’ethnographie rend possible une du « domaine public » : espaces minéraux, espaces verts, mais aussi édifices
permettent de poursuivre les analyses là où la sociologie généralement publics qui en pratique peuvent être fermés au public. La notion d’espace
rielle, par le double recours à l’anthropologie et à la sémiotique. Elles public est en fait de plus en plus souvent utilisée par les urbanistes et les
des pratiques sociales en ville dans une approche radicalement maté-
ment les interactions corporelles anonymes. Le corps ancre l’analyse
2. Mon travail s’est appuyé sur la réalisation de plusieurs monographies d’espaces pu-
blics parisiens : les Halles, la piazza Beaubourg et le parc de la Villette. Ces monographies
accès privilégié à la discipline des regards qui affecte tout particulière-
ont donné lieu à des publications sous forme comparée (Jarrigeon, 2012 a) ou séparément
(Jarrigeon, 2007 b, 2012 c).
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 70 3. Les propos qui suivent s’appuient sur l’analyse discursive d’un corpus hétérogène de
textes scientifiques, de discours politiques, d’articles de presse, d’extraits de cahiers des
charges de projets architecturaux (en particulier liés à mes monographies parisiennes).

charges de projets architecturaux (en particulier liés à mes monographies parisiennes).


textes scientifiques, de discours politiques, d’articles de presse, d’extraits de cahiers des
3. Les propos qui suivent s’appuient sur l’analyse discursive d’un corpus hétérogène de 70 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
(Jarrigeon, 2007 b, 2012 c).
ont donné lieu à des publications sous forme comparée (Jarrigeon, 2012 a) ou séparément
blics parisiens : les Halles, la piazza Beaubourg et le parc de la Villette. Ces monographies
accès privilégié à la discipline des regards qui affecte tout particulière-
ment les interactions corporelles anonymes. Le corps ancre l’analyse
2. Mon travail s’est appuyé sur la réalisation de plusieurs monographies d’espaces pu-

des pratiques sociales en ville dans une approche radicalement maté-


public est en fait de plus en plus souvent utilisée par les urbanistes et les rielle, par le double recours à l’anthropologie et à la sémiotique. Elles
publics qui en pratique peuvent être fermés au public. La notion d’espace permettent de poursuivre les analyses là où la sociologie généralement
du « domaine public » : espaces minéraux, espaces verts, mais aussi édifices s’arrête. Sur le plan méthodologique, l’ethnographie rend possible une
blic ne saurait être assimilé à l’ensemble de ce qui relève juridiquement sémiotique située, qui se distingue des plongées exclusives dans l’imma-
espaces verts et les voiries font l’objet de textes spécifiques. L’espace pu- nence de corpus construits de manière systématique, selon cette tradi-
ne figure pas en tant que tel dans les réglementations sur la ville ; seuls les tion disciplinaire (Fontanille, 2006). La prise en compte des images
l’urbanisme ne résout pas, même partiellement. D’ailleurs, l’espace public comme autant de médiations du social permet à rebours de développer
cache en réalité d’étonnants problèmes de définition que le Code de une ethnographie originale, donnant accès à des régimes d’expressivité
parition (Tomas, 2002)3. Si l’appellation suscite des airs entendus, elle du corps qui échappent à la seule situation observable, mais qui en orga-
d’espace public, introduit dans le champ urbain pour dénoncer une dis- nisent le fonctionnement.
On peut d’emblée remarquer le caractère paradoxal du concept
LES ESPACES PUBLICS... URBAINS, DÉTOUR MYTHOLOGIQUE
Les vertus politiques d’une qualification philosophique
S’aventurer sur le terrain apparemment bien balisé de l’espace public
humaines. urbain implique de lever le voile – théorique – d’une évidence, celle de
d’espace public à partir d’un retour sur son introduction en sciences la désignation de certains espaces comme « publics » dans un contexte
tion2. Je propose d’analyser le statut et la portée discursive du concept de « franchisation » des villes (Mangin, 2004), d’extension des formes
contrôle dans les espaces juridiquement régis par une liberté de circula- de « résidentialisation » et de généralisation de nouvelles procédures de
de « résidentialisation » et de généralisation de nouvelles procédures de contrôle dans les espaces juridiquement régis par une liberté de circula-
de « franchisation » des villes (Mangin, 2004), d’extension des formes tion2. Je propose d’analyser le statut et la portée discursive du concept
la désignation de certains espaces comme « publics » dans un contexte d’espace public à partir d’un retour sur son introduction en sciences
urbain implique de lever le voile – théorique – d’une évidence, celle de humaines.
S’aventurer sur le terrain apparemment bien balisé de l’espace public
Les vertus politiques d’une qualification philosophique
LES ESPACES PUBLICS... URBAINS, DÉTOUR MYTHOLOGIQUE
On peut d’emblée remarquer le caractère paradoxal du concept
nisent le fonctionnement. d’espace public, introduit dans le champ urbain pour dénoncer une dis-
du corps qui échappent à la seule situation observable, mais qui en orga- parition (Tomas, 2002)3. Si l’appellation suscite des airs entendus, elle
une ethnographie originale, donnant accès à des régimes d’expressivité cache en réalité d’étonnants problèmes de définition que le Code de
comme autant de médiations du social permet à rebours de développer l’urbanisme ne résout pas, même partiellement. D’ailleurs, l’espace public
tion disciplinaire (Fontanille, 2006). La prise en compte des images ne figure pas en tant que tel dans les réglementations sur la ville ; seuls les
nence de corpus construits de manière systématique, selon cette tradi- espaces verts et les voiries font l’objet de textes spécifiques. L’espace pu-
sémiotique située, qui se distingue des plongées exclusives dans l’imma- blic ne saurait être assimilé à l’ensemble de ce qui relève juridiquement
s’arrête. Sur le plan méthodologique, l’ethnographie rend possible une du « domaine public » : espaces minéraux, espaces verts, mais aussi édifices
permettent de poursuivre les analyses là où la sociologie généralement publics qui en pratique peuvent être fermés au public. La notion d’espace
rielle, par le double recours à l’anthropologie et à la sémiotique. Elles public est en fait de plus en plus souvent utilisée par les urbanistes et les
des pratiques sociales en ville dans une approche radicalement maté-
ment les interactions corporelles anonymes. Le corps ancre l’analyse
2. Mon travail s’est appuyé sur la réalisation de plusieurs monographies d’espaces pu-
blics parisiens : les Halles, la piazza Beaubourg et le parc de la Villette. Ces monographies
accès privilégié à la discipline des regards qui affecte tout particulière-
ont donné lieu à des publications sous forme comparée (Jarrigeon, 2012 a) ou séparément
(Jarrigeon, 2007 b, 2012 c).
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 70 3. Les propos qui suivent s’appuient sur l’analyse discursive d’un corpus hétérogène de
textes scientifiques, de discours politiques, d’articles de presse, d’extraits de cahiers des
charges de projets architecturaux (en particulier liés à mes monographies parisiennes).
des lieux publics et l’évolution des systèmes de surveillance contemporains.
ritent d’être prises en compte certaines formes architecturales, mais aussi l’ingénierie
Anne Jarrigeon 71 exemple à la production de nouvelles architectures défensives. De ce point de vue, mé-
teurs qui, dans les projets, associent l’espace à la sécurité publique, ce qui participe par
5. Ce volet discursif a un pendant plus ambivalent chez les politiques et les concep-
architectes d’une part, les politiques d’autre part, mais aussi les sociologues français.
et les penseurs de la vie urbaine, pour désigner des lieux bâtis de droit
4. Habermas emploie le terme allemand Öffentlichkeit, traduit par « espace public » en

privé comme les gares, les cafés ou les centres commerciaux.


La polysémie de l’« espace public » contribue à en étendre la portée : tique qui rencontre celle de l’anonymat urbain.
il désigne aussi bien des lieux (agora, salon, café, place publique, parle- lié au concept d’espace public, se dessinent les contours d’une probléma-
ment, etc.) que le principe constitutif découlant d’une action politique. usage qui convoque explicitement l’héritage philosophique et politique
Il renvoie à des notions empiriques comme la « cité grecque » ou la « so- pour lequel l’œuvre d’Isaac Joseph constitue une référence incontestée,
ciété bourgeoise » et constitue en même temps une norme qui dépasse multiples évocations ? Entre un usage courant et un usage plus savant,
les particularités historiques. C’est d’ailleurs dans le contexte de la philo- et de quelle manière le poids philosophique du concept pèse-t-il sur ses
sophie politique allemande qu’il est introduit par Habermas, s’appuyant vile goffmanienne à partir d’une telle perspective ? Dans quelle mesure
à la fois sur les travaux de Kant et d’Hannah Arendt (Habermas, 1962, porter un regard normatif ? Comment ne pas interroger l’inattention ci-
1993)4. Qualifier un lieu d’« espace public » produit des transferts de sens plus attachées, a priori, à décrire et analyser des pratiques effectives qu’à
positifs. L’expression est en effet porteuse d’une conception normative Qu’en est-il toutefois de la sociologie ou de l’anthropologie urbaine,
valorisante de la sociabilité et de la communication. Décrire des espaces mocratique valorisé de l’équivalence formelle des sujets5.
comme « publics » revient à hiérarchiser les lieux en fonction des logi- revient à promettre un espace de sociabilité pensée selon le modèle dé-
ques sociales qu’ils abritent, l’ouverture et la circulation des personnes comme « forum », « agora » ou même « piazza »). Créer un espace public
s’opposant au repli identitaire ou communautaire associé, depuis Hannah chitecturaux et urbains (et le succès d’appellations fortement connotées
Arendt, au monde privé (Arendt, 1958, 1993 ; Sennett, 1979), puis, par lors les usages instrumentaux du concept pour défendre des projets ar-
extension, au territoire (Lamizet, 2002). présenté comme l’espace politique par excellence. On comprend dès
Ce mouvement de politisation positive est déjà repérable dans le glis- médias, mais aussi philosophie. L’espace urbain est d’ailleurs couramment
sement discursif courant d’« urbanité » à « civilité », voire à « citoyen- neté » –  et ce quelles que soient les sphères  : architecture, urbanisme,
neté » –  et ce quelles que soient les sphères  : architecture, urbanisme, sement discursif courant d’« urbanité » à « civilité », voire à « citoyen-
médias, mais aussi philosophie. L’espace urbain est d’ailleurs couramment Ce mouvement de politisation positive est déjà repérable dans le glis-
présenté comme l’espace politique par excellence. On comprend dès extension, au territoire (Lamizet, 2002).
lors les usages instrumentaux du concept pour défendre des projets ar- Arendt, au monde privé (Arendt, 1958, 1993 ; Sennett, 1979), puis, par
chitecturaux et urbains (et le succès d’appellations fortement connotées s’opposant au repli identitaire ou communautaire associé, depuis Hannah
comme « forum », « agora » ou même « piazza »). Créer un espace public ques sociales qu’ils abritent, l’ouverture et la circulation des personnes
revient à promettre un espace de sociabilité pensée selon le modèle dé- comme « publics » revient à hiérarchiser les lieux en fonction des logi-
mocratique valorisé de l’équivalence formelle des sujets5. valorisante de la sociabilité et de la communication. Décrire des espaces
Qu’en est-il toutefois de la sociologie ou de l’anthropologie urbaine, positifs. L’expression est en effet porteuse d’une conception normative
plus attachées, a priori, à décrire et analyser des pratiques effectives qu’à 1993)4. Qualifier un lieu d’« espace public » produit des transferts de sens
porter un regard normatif ? Comment ne pas interroger l’inattention ci- à la fois sur les travaux de Kant et d’Hannah Arendt (Habermas, 1962,
vile goffmanienne à partir d’une telle perspective ? Dans quelle mesure sophie politique allemande qu’il est introduit par Habermas, s’appuyant
et de quelle manière le poids philosophique du concept pèse-t-il sur ses les particularités historiques. C’est d’ailleurs dans le contexte de la philo-
multiples évocations ? Entre un usage courant et un usage plus savant, ciété bourgeoise » et constitue en même temps une norme qui dépasse
pour lequel l’œuvre d’Isaac Joseph constitue une référence incontestée, Il renvoie à des notions empiriques comme la « cité grecque » ou la « so-
usage qui convoque explicitement l’héritage philosophique et politique ment, etc.) que le principe constitutif découlant d’une action politique.
lié au concept d’espace public, se dessinent les contours d’une probléma- il désigne aussi bien des lieux (agora, salon, café, place publique, parle-
tique qui rencontre celle de l’anonymat urbain. La polysémie de l’« espace public » contribue à en étendre la portée :
privé comme les gares, les cafés ou les centres commerciaux.
et les penseurs de la vie urbaine, pour désigner des lieux bâtis de droit
4. Habermas emploie le terme allemand Öffentlichkeit, traduit par « espace public » en
français.
architectes d’une part, les politiques d’autre part, mais aussi les sociologues
5. Ce volet discursif a un pendant plus ambivalent chez les politiques et les concep-
teurs qui, dans les projets, associent l’espace à la sécurité publique, ce qui participe par
exemple à la production de nouvelles architectures défensives. De ce point de vue, mé- 71 Anne Jarrigeon
ritent d’être prises en compte certaines formes architecturales, mais aussi l’ingénierie
des lieux publics et l’évolution des systèmes de surveillance contemporains.

des lieux publics et l’évolution des systèmes de surveillance contemporains.


ritent d’être prises en compte certaines formes architecturales, mais aussi l’ingénierie
Anne Jarrigeon 71 exemple à la production de nouvelles architectures défensives. De ce point de vue, mé-
teurs qui, dans les projets, associent l’espace à la sécurité publique, ce qui participe par
5. Ce volet discursif a un pendant plus ambivalent chez les politiques et les concep-
architectes d’une part, les politiques d’autre part, mais aussi les sociologues français.
et les penseurs de la vie urbaine, pour désigner des lieux bâtis de droit
4. Habermas emploie le terme allemand Öffentlichkeit, traduit par « espace public » en

privé comme les gares, les cafés ou les centres commerciaux.


La polysémie de l’« espace public » contribue à en étendre la portée : tique qui rencontre celle de l’anonymat urbain.
il désigne aussi bien des lieux (agora, salon, café, place publique, parle- lié au concept d’espace public, se dessinent les contours d’une probléma-
ment, etc.) que le principe constitutif découlant d’une action politique. usage qui convoque explicitement l’héritage philosophique et politique
Il renvoie à des notions empiriques comme la « cité grecque » ou la « so- pour lequel l’œuvre d’Isaac Joseph constitue une référence incontestée,
ciété bourgeoise » et constitue en même temps une norme qui dépasse multiples évocations ? Entre un usage courant et un usage plus savant,
les particularités historiques. C’est d’ailleurs dans le contexte de la philo- et de quelle manière le poids philosophique du concept pèse-t-il sur ses
sophie politique allemande qu’il est introduit par Habermas, s’appuyant vile goffmanienne à partir d’une telle perspective ? Dans quelle mesure
à la fois sur les travaux de Kant et d’Hannah Arendt (Habermas, 1962, porter un regard normatif ? Comment ne pas interroger l’inattention ci-
1993)4. Qualifier un lieu d’« espace public » produit des transferts de sens plus attachées, a priori, à décrire et analyser des pratiques effectives qu’à
positifs. L’expression est en effet porteuse d’une conception normative Qu’en est-il toutefois de la sociologie ou de l’anthropologie urbaine,
valorisante de la sociabilité et de la communication. Décrire des espaces mocratique valorisé de l’équivalence formelle des sujets5.
comme « publics » revient à hiérarchiser les lieux en fonction des logi- revient à promettre un espace de sociabilité pensée selon le modèle dé-
ques sociales qu’ils abritent, l’ouverture et la circulation des personnes comme « forum », « agora » ou même « piazza »). Créer un espace public
s’opposant au repli identitaire ou communautaire associé, depuis Hannah chitecturaux et urbains (et le succès d’appellations fortement connotées
Arendt, au monde privé (Arendt, 1958, 1993 ; Sennett, 1979), puis, par lors les usages instrumentaux du concept pour défendre des projets ar-
extension, au territoire (Lamizet, 2002). présenté comme l’espace politique par excellence. On comprend dès
Ce mouvement de politisation positive est déjà repérable dans le glis- médias, mais aussi philosophie. L’espace urbain est d’ailleurs couramment
sement discursif courant d’« urbanité » à « civilité », voire à « citoyen- neté » –  et ce quelles que soient les sphères  : architecture, urbanisme,
neté » –  et ce quelles que soient les sphères  : architecture, urbanisme, sement discursif courant d’« urbanité » à « civilité », voire à « citoyen-
médias, mais aussi philosophie. L’espace urbain est d’ailleurs couramment Ce mouvement de politisation positive est déjà repérable dans le glis-
présenté comme l’espace politique par excellence. On comprend dès extension, au territoire (Lamizet, 2002).
lors les usages instrumentaux du concept pour défendre des projets ar- Arendt, au monde privé (Arendt, 1958, 1993 ; Sennett, 1979), puis, par
chitecturaux et urbains (et le succès d’appellations fortement connotées s’opposant au repli identitaire ou communautaire associé, depuis Hannah
comme « forum », « agora » ou même « piazza »). Créer un espace public ques sociales qu’ils abritent, l’ouverture et la circulation des personnes
revient à promettre un espace de sociabilité pensée selon le modèle dé- comme « publics » revient à hiérarchiser les lieux en fonction des logi-
mocratique valorisé de l’équivalence formelle des sujets5. valorisante de la sociabilité et de la communication. Décrire des espaces
Qu’en est-il toutefois de la sociologie ou de l’anthropologie urbaine, positifs. L’expression est en effet porteuse d’une conception normative
plus attachées, a priori, à décrire et analyser des pratiques effectives qu’à 1993)4. Qualifier un lieu d’« espace public » produit des transferts de sens
porter un regard normatif ? Comment ne pas interroger l’inattention ci- à la fois sur les travaux de Kant et d’Hannah Arendt (Habermas, 1962,
vile goffmanienne à partir d’une telle perspective ? Dans quelle mesure sophie politique allemande qu’il est introduit par Habermas, s’appuyant
et de quelle manière le poids philosophique du concept pèse-t-il sur ses les particularités historiques. C’est d’ailleurs dans le contexte de la philo-
multiples évocations ? Entre un usage courant et un usage plus savant, ciété bourgeoise » et constitue en même temps une norme qui dépasse
pour lequel l’œuvre d’Isaac Joseph constitue une référence incontestée, Il renvoie à des notions empiriques comme la « cité grecque » ou la « so-
usage qui convoque explicitement l’héritage philosophique et politique ment, etc.) que le principe constitutif découlant d’une action politique.
lié au concept d’espace public, se dessinent les contours d’une probléma- il désigne aussi bien des lieux (agora, salon, café, place publique, parle-
tique qui rencontre celle de l’anonymat urbain. La polysémie de l’« espace public » contribue à en étendre la portée :
privé comme les gares, les cafés ou les centres commerciaux.
et les penseurs de la vie urbaine, pour désigner des lieux bâtis de droit
4. Habermas emploie le terme allemand Öffentlichkeit, traduit par « espace public » en
français.
architectes d’une part, les politiques d’autre part, mais aussi les sociologues
5. Ce volet discursif a un pendant plus ambivalent chez les politiques et les concep-
teurs qui, dans les projets, associent l’espace à la sécurité publique, ce qui participe par
exemple à la production de nouvelles architectures défensives. De ce point de vue, mé- 71 Anne Jarrigeon
ritent d’être prises en compte certaines formes architecturales, mais aussi l’ingénierie
des lieux publics et l’évolution des systèmes de surveillance contemporains.
certaine manière ce besoin d’attention, aurait de fait imposé une égale
En supprimant les attentions inégalitaires, la démocratie, ignorant d’une 72 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines

politique démocratique :
comprendre la normativité implicite de ces conceptions à partir de l’idéal « Concept d’importation » pour les sciences humaines, selon les ter-
d’inattention civile. À la suite de Claudine Haroche, on peut chercher à mes de Philippe Chanial (1992, p. 64), l’espace public est classiquement
p. 41). Il s’inscrit ainsi dans la lignée de Goffman dont il reprend l’idée entendu selon deux conceptions : un espace de visibilité et de coprésence,
s’accorder le droit d’être négligé et le donner  à tous » (Joseph, 1984, ou un espace simplement commun. Les travaux portant sur les « espaces
espace public, écrit-il, est un espace où l’intrus est accepté  [...]. C’est publics urbains », selon l’expression utilisée par les chercheurs de l’École
qu’il soit fait mention de son statut, c’est-à-dire dans l’indifférence. « Un de Chicago, sont, dans une telle optique, distincts de ceux qui portent sur
non à un droit d’entrée, un espace où l’étranger peut être accueilli sans l’espace public médiatique auquel s’est consacré Jürgen Habermas. Isaac
Isaac Joseph, un espace public est un espace soumis à un « droit de visite », Joseph lui-même participe à l’institution de cette coupure, en distinguant
(1908, 1984) incarne d’une certaine manière cette altérité abstraite. Pour nettement une acception kantienne, dans laquelle l’espace public est un es-
p.  10). La célèbre figure de l’« étranger » empruntée à Georg Simmel pace de débat et de controverse, acception formalisée dans une « éthique
Giorgio Agamben dans son traité sur la « singularité quelconque » (1990, procédurale de l’“agir communicationnel” » (Joseph, 1998, p. 12), d’une
« quelconque », un « quidlibet », c’est-à-dire « n’importe lequel », précise conception plus sociologique, inspirée de la microsociologie américaine
tre du « tout un chacun », qui se transforme subrepticement en un autre et dans laquelle l’espace public est un « milieu de visibilité et d’observa-
L’« utopie pratique » d’Isaac Joseph ouvre sur l’horizon de la rencon- bilité réciproque » (p. 211).
« Le passage de la conversation à la rue n’est ni sans conséquence ni
L’étranger sociologique ou la différence sans qualités sans difficulté conceptuelle », souligne Isaac Joseph (p. 13), dont le travail
propose en quelque sorte d’échapper à une « dégradation empirique des
tique » (p. 14) dans lequel les identités sont problématiques. concepts en sociologie » (Chanial, 1992, p. 64). Isaac Joseph produit une
est au contraire un « dispositif de dramatisation de l’intersubjectivité pra- définition de l’espace public restrictive mais opératoire pour les analyses
par une collectivité de voisinage » (Joseph, 1998, p. 15). L’espace public microsociologiques  : elle met en évidence que l’espace public urbain
longement de l’espace privé du logement, ni même l’espace appropriable n’est pas seulement un espace libre, ouvert, « simple dégagement ou pro-
n’est pas seulement un espace libre, ouvert, « simple dégagement ou pro- longement de l’espace privé du logement, ni même l’espace appropriable
microsociologiques  : elle met en évidence que l’espace public urbain par une collectivité de voisinage » (Joseph, 1998, p. 15). L’espace public
définition de l’espace public restrictive mais opératoire pour les analyses est au contraire un « dispositif de dramatisation de l’intersubjectivité pra-
concepts en sociologie » (Chanial, 1992, p. 64). Isaac Joseph produit une tique » (p. 14) dans lequel les identités sont problématiques.
propose en quelque sorte d’échapper à une « dégradation empirique des
sans difficulté conceptuelle », souligne Isaac Joseph (p. 13), dont le travail L’étranger sociologique ou la différence sans qualités
« Le passage de la conversation à la rue n’est ni sans conséquence ni
bilité réciproque » (p. 211). L’« utopie pratique » d’Isaac Joseph ouvre sur l’horizon de la rencon-
et dans laquelle l’espace public est un « milieu de visibilité et d’observa- tre du « tout un chacun », qui se transforme subrepticement en un autre
conception plus sociologique, inspirée de la microsociologie américaine « quelconque », un « quidlibet », c’est-à-dire « n’importe lequel », précise
procédurale de l’“agir communicationnel” » (Joseph, 1998, p. 12), d’une Giorgio Agamben dans son traité sur la « singularité quelconque » (1990,
pace de débat et de controverse, acception formalisée dans une « éthique p.  10). La célèbre figure de l’« étranger » empruntée à Georg Simmel
nettement une acception kantienne, dans laquelle l’espace public est un es- (1908, 1984) incarne d’une certaine manière cette altérité abstraite. Pour
Joseph lui-même participe à l’institution de cette coupure, en distinguant Isaac Joseph, un espace public est un espace soumis à un « droit de visite »,
l’espace public médiatique auquel s’est consacré Jürgen Habermas. Isaac non à un droit d’entrée, un espace où l’étranger peut être accueilli sans
de Chicago, sont, dans une telle optique, distincts de ceux qui portent sur qu’il soit fait mention de son statut, c’est-à-dire dans l’indifférence. « Un
publics urbains », selon l’expression utilisée par les chercheurs de l’École espace public, écrit-il, est un espace où l’intrus est accepté  [...]. C’est
ou un espace simplement commun. Les travaux portant sur les « espaces s’accorder le droit d’être négligé et le donner  à tous » (Joseph, 1984,
entendu selon deux conceptions : un espace de visibilité et de coprésence, p. 41). Il s’inscrit ainsi dans la lignée de Goffman dont il reprend l’idée
mes de Philippe Chanial (1992, p. 64), l’espace public est classiquement d’inattention civile. À la suite de Claudine Haroche, on peut chercher à
« Concept d’importation » pour les sciences humaines, selon les ter- comprendre la normativité implicite de ces conceptions à partir de l’idéal
politique démocratique :
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 72 En supprimant les attentions inégalitaires, la démocratie, ignorant d’une
certaine manière ce besoin d’attention, aurait de fait imposé une égale

certaine manière ce besoin d’attention, aurait de fait imposé une égale


En supprimant les attentions inégalitaires, la démocratie, ignorant d’une 72 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines

politique démocratique :
comprendre la normativité implicite de ces conceptions à partir de l’idéal « Concept d’importation » pour les sciences humaines, selon les ter-
d’inattention civile. À la suite de Claudine Haroche, on peut chercher à mes de Philippe Chanial (1992, p. 64), l’espace public est classiquement
p. 41). Il s’inscrit ainsi dans la lignée de Goffman dont il reprend l’idée entendu selon deux conceptions : un espace de visibilité et de coprésence,
s’accorder le droit d’être négligé et le donner  à tous » (Joseph, 1984, ou un espace simplement commun. Les travaux portant sur les « espaces
espace public, écrit-il, est un espace où l’intrus est accepté  [...]. C’est publics urbains », selon l’expression utilisée par les chercheurs de l’École
qu’il soit fait mention de son statut, c’est-à-dire dans l’indifférence. « Un de Chicago, sont, dans une telle optique, distincts de ceux qui portent sur
non à un droit d’entrée, un espace où l’étranger peut être accueilli sans l’espace public médiatique auquel s’est consacré Jürgen Habermas. Isaac
Isaac Joseph, un espace public est un espace soumis à un « droit de visite », Joseph lui-même participe à l’institution de cette coupure, en distinguant
(1908, 1984) incarne d’une certaine manière cette altérité abstraite. Pour nettement une acception kantienne, dans laquelle l’espace public est un es-
p.  10). La célèbre figure de l’« étranger » empruntée à Georg Simmel pace de débat et de controverse, acception formalisée dans une « éthique
Giorgio Agamben dans son traité sur la « singularité quelconque » (1990, procédurale de l’“agir communicationnel” » (Joseph, 1998, p. 12), d’une
« quelconque », un « quidlibet », c’est-à-dire « n’importe lequel », précise conception plus sociologique, inspirée de la microsociologie américaine
tre du « tout un chacun », qui se transforme subrepticement en un autre et dans laquelle l’espace public est un « milieu de visibilité et d’observa-
L’« utopie pratique » d’Isaac Joseph ouvre sur l’horizon de la rencon- bilité réciproque » (p. 211).
« Le passage de la conversation à la rue n’est ni sans conséquence ni
L’étranger sociologique ou la différence sans qualités sans difficulté conceptuelle », souligne Isaac Joseph (p. 13), dont le travail
propose en quelque sorte d’échapper à une « dégradation empirique des
tique » (p. 14) dans lequel les identités sont problématiques. concepts en sociologie » (Chanial, 1992, p. 64). Isaac Joseph produit une
est au contraire un « dispositif de dramatisation de l’intersubjectivité pra- définition de l’espace public restrictive mais opératoire pour les analyses
par une collectivité de voisinage » (Joseph, 1998, p. 15). L’espace public microsociologiques  : elle met en évidence que l’espace public urbain
longement de l’espace privé du logement, ni même l’espace appropriable n’est pas seulement un espace libre, ouvert, « simple dégagement ou pro-
n’est pas seulement un espace libre, ouvert, « simple dégagement ou pro- longement de l’espace privé du logement, ni même l’espace appropriable
microsociologiques  : elle met en évidence que l’espace public urbain par une collectivité de voisinage » (Joseph, 1998, p. 15). L’espace public
définition de l’espace public restrictive mais opératoire pour les analyses est au contraire un « dispositif de dramatisation de l’intersubjectivité pra-
concepts en sociologie » (Chanial, 1992, p. 64). Isaac Joseph produit une tique » (p. 14) dans lequel les identités sont problématiques.
propose en quelque sorte d’échapper à une « dégradation empirique des
sans difficulté conceptuelle », souligne Isaac Joseph (p. 13), dont le travail L’étranger sociologique ou la différence sans qualités
« Le passage de la conversation à la rue n’est ni sans conséquence ni
bilité réciproque » (p. 211). L’« utopie pratique » d’Isaac Joseph ouvre sur l’horizon de la rencon-
et dans laquelle l’espace public est un « milieu de visibilité et d’observa- tre du « tout un chacun », qui se transforme subrepticement en un autre
conception plus sociologique, inspirée de la microsociologie américaine « quelconque », un « quidlibet », c’est-à-dire « n’importe lequel », précise
procédurale de l’“agir communicationnel” » (Joseph, 1998, p. 12), d’une Giorgio Agamben dans son traité sur la « singularité quelconque » (1990,
pace de débat et de controverse, acception formalisée dans une « éthique p.  10). La célèbre figure de l’« étranger » empruntée à Georg Simmel
nettement une acception kantienne, dans laquelle l’espace public est un es- (1908, 1984) incarne d’une certaine manière cette altérité abstraite. Pour
Joseph lui-même participe à l’institution de cette coupure, en distinguant Isaac Joseph, un espace public est un espace soumis à un « droit de visite »,
l’espace public médiatique auquel s’est consacré Jürgen Habermas. Isaac non à un droit d’entrée, un espace où l’étranger peut être accueilli sans
de Chicago, sont, dans une telle optique, distincts de ceux qui portent sur qu’il soit fait mention de son statut, c’est-à-dire dans l’indifférence. « Un
publics urbains », selon l’expression utilisée par les chercheurs de l’École espace public, écrit-il, est un espace où l’intrus est accepté  [...]. C’est
ou un espace simplement commun. Les travaux portant sur les « espaces s’accorder le droit d’être négligé et le donner  à tous » (Joseph, 1984,
entendu selon deux conceptions : un espace de visibilité et de coprésence, p. 41). Il s’inscrit ainsi dans la lignée de Goffman dont il reprend l’idée
mes de Philippe Chanial (1992, p. 64), l’espace public est classiquement d’inattention civile. À la suite de Claudine Haroche, on peut chercher à
« Concept d’importation » pour les sciences humaines, selon les ter- comprendre la normativité implicite de ces conceptions à partir de l’idéal
politique démocratique :
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 72 En supprimant les attentions inégalitaires, la démocratie, ignorant d’une
certaine manière ce besoin d’attention, aurait de fait imposé une égale
d’autre part – ce qui conduisait à faire bouger le cadre interactionniste.
Anne Jarrigeon 73 celle des apparences singulières d’une part, et celle de l’espace urbain
perspective prenant la forme d’une double tendance à la neutralisation :
en public ». J’ai cherché à échapper à l’un des effets paradoxaux de leur
inattention. On touche ici à une des apories des sociétés démocratiques : de l’efficacité des outils forgés par Goffman pour analyser les « relations
le fait d’être « également regardé » entraînerait celui d’être regardé « dans à Paris, j’étais plutôt guidée par le travail d’Isaac Joseph et convaincue
l’inattention et l’indifférence ». (Haroche, 2004, p. 149) Ensemble » (2002, p. 35). Lorsque j’ai abordé les interactions anonymes
Roland Barthes nomme « la force fantasmatique en général du Vivre-
La focalisation sur l’inattention et l’indifférence fait disparaître ce qui public urbain permet de nourrir une réflexion travaillée par ce que
relève au contraire de la remarque, de la distinction, de la stigmatisation à S’intéresser aux opérations symboliques de production de l’espace
laquelle Goffman consacre pourtant une partie importante de son œuvre.
La figure idéaltypique de l’étranger, récurrente en sociologie urbaine DES INTERACTIONS À LA MIMESIS : UNE POÉTIQUE DU CORPS SITUÉ
(même si tous les chercheurs ne la situent pas dans la seule tradition sim-
melienne), est une altérité sans qualités, désincarnée en quelque sorte, tout simplement... des passantes (Jarrigeon, 2009).
ni homme ni femme, ni jeune ni vieux, ni blanc ni noir... La variabilité adviendrait de ces espaces publics si les « passants considérables » étaient
des apparences corporelles règne pourtant en maître dans les interactions femmes en me demandant, à partir des travaux d’Isaac Joseph, ce qu’il
anonymes et soumet constamment la sociabilité au principe de l’« intri- travaillé sur l’épreuve que constitue l’espace public urbain pour les jeunes
gue » identitaire (Abel, 2001, p. 265). origines géographiques, sociales et ethniques supposées. J’ai également
En France, l’idéal démocratique pèse de façon symptomatique sur la en ville, en particulier sur ceux qui sont triplement stigmatisés par leurs
définition et l’approche des espaces publics urbains, qui sont pris entre en focalisant une partie de mon travail sur la perception des « jeunes »
des conceptions utopiques et des approches plus concrètes les réduisant à l’espace public. J’ai travaillé sur les formes de stigmatisations liées à l’âge
des espaces d’interaction en public sans spécificité. Il semble dès lors im- 2010). L’ethnicité n’est pas la seule entrée problématique sur le terrain de
portant de faire appel à la microsociologie américaine, qui aborde d’em- typiques ». J’y consacre une part de mes analyses empiriques (2004 ;
blée des questions encore trop souvent taboues en France comme les « couleur de la peau » et des traits lus encore aujourd’hui comme « phéno-
questions d’ethnicité (Wieviorka et al., 1996 ; Raulin, 2000), auxquelles je me suis aussi intéressée en n’éludant pas les modalités d’évocation de la
je me suis aussi intéressée en n’éludant pas les modalités d’évocation de la questions d’ethnicité (Wieviorka et al., 1996 ; Raulin, 2000), auxquelles
« couleur de la peau » et des traits lus encore aujourd’hui comme « phéno- blée des questions encore trop souvent taboues en France comme les
typiques ». J’y consacre une part de mes analyses empiriques (2004 ; portant de faire appel à la microsociologie américaine, qui aborde d’em-
2010). L’ethnicité n’est pas la seule entrée problématique sur le terrain de des espaces d’interaction en public sans spécificité. Il semble dès lors im-
l’espace public. J’ai travaillé sur les formes de stigmatisations liées à l’âge des conceptions utopiques et des approches plus concrètes les réduisant à
en focalisant une partie de mon travail sur la perception des « jeunes » définition et l’approche des espaces publics urbains, qui sont pris entre
en ville, en particulier sur ceux qui sont triplement stigmatisés par leurs En France, l’idéal démocratique pèse de façon symptomatique sur la
origines géographiques, sociales et ethniques supposées. J’ai également gue » identitaire (Abel, 2001, p. 265).
travaillé sur l’épreuve que constitue l’espace public urbain pour les jeunes anonymes et soumet constamment la sociabilité au principe de l’« intri-
femmes en me demandant, à partir des travaux d’Isaac Joseph, ce qu’il des apparences corporelles règne pourtant en maître dans les interactions
adviendrait de ces espaces publics si les « passants considérables » étaient ni homme ni femme, ni jeune ni vieux, ni blanc ni noir... La variabilité
tout simplement... des passantes (Jarrigeon, 2009). melienne), est une altérité sans qualités, désincarnée en quelque sorte,
(même si tous les chercheurs ne la situent pas dans la seule tradition sim-
DES INTERACTIONS À LA MIMESIS : UNE POÉTIQUE DU CORPS SITUÉ La figure idéaltypique de l’étranger, récurrente en sociologie urbaine
laquelle Goffman consacre pourtant une partie importante de son œuvre.
S’intéresser aux opérations symboliques de production de l’espace relève au contraire de la remarque, de la distinction, de la stigmatisation à
public urbain permet de nourrir une réflexion travaillée par ce que La focalisation sur l’inattention et l’indifférence fait disparaître ce qui
Roland Barthes nomme « la force fantasmatique en général du Vivre-
Ensemble » (2002, p. 35). Lorsque j’ai abordé les interactions anonymes l’inattention et l’indifférence ». (Haroche, 2004, p. 149)
à Paris, j’étais plutôt guidée par le travail d’Isaac Joseph et convaincue le fait d’être « également regardé » entraînerait celui d’être regardé « dans
de l’efficacité des outils forgés par Goffman pour analyser les « relations inattention. On touche ici à une des apories des sociétés démocratiques :
en public ». J’ai cherché à échapper à l’un des effets paradoxaux de leur
perspective prenant la forme d’une double tendance à la neutralisation :
celle des apparences singulières d’une part, et celle de l’espace urbain 73 Anne Jarrigeon
d’autre part – ce qui conduisait à faire bouger le cadre interactionniste.

d’autre part – ce qui conduisait à faire bouger le cadre interactionniste.


Anne Jarrigeon 73 celle des apparences singulières d’une part, et celle de l’espace urbain
perspective prenant la forme d’une double tendance à la neutralisation :
en public ». J’ai cherché à échapper à l’un des effets paradoxaux de leur
inattention. On touche ici à une des apories des sociétés démocratiques : de l’efficacité des outils forgés par Goffman pour analyser les « relations
le fait d’être « également regardé » entraînerait celui d’être regardé « dans à Paris, j’étais plutôt guidée par le travail d’Isaac Joseph et convaincue
l’inattention et l’indifférence ». (Haroche, 2004, p. 149) Ensemble » (2002, p. 35). Lorsque j’ai abordé les interactions anonymes
Roland Barthes nomme « la force fantasmatique en général du Vivre-
La focalisation sur l’inattention et l’indifférence fait disparaître ce qui public urbain permet de nourrir une réflexion travaillée par ce que
relève au contraire de la remarque, de la distinction, de la stigmatisation à S’intéresser aux opérations symboliques de production de l’espace
laquelle Goffman consacre pourtant une partie importante de son œuvre.
La figure idéaltypique de l’étranger, récurrente en sociologie urbaine DES INTERACTIONS À LA MIMESIS : UNE POÉTIQUE DU CORPS SITUÉ
(même si tous les chercheurs ne la situent pas dans la seule tradition sim-
melienne), est une altérité sans qualités, désincarnée en quelque sorte, tout simplement... des passantes (Jarrigeon, 2009).
ni homme ni femme, ni jeune ni vieux, ni blanc ni noir... La variabilité adviendrait de ces espaces publics si les « passants considérables » étaient
des apparences corporelles règne pourtant en maître dans les interactions femmes en me demandant, à partir des travaux d’Isaac Joseph, ce qu’il
anonymes et soumet constamment la sociabilité au principe de l’« intri- travaillé sur l’épreuve que constitue l’espace public urbain pour les jeunes
gue » identitaire (Abel, 2001, p. 265). origines géographiques, sociales et ethniques supposées. J’ai également
En France, l’idéal démocratique pèse de façon symptomatique sur la en ville, en particulier sur ceux qui sont triplement stigmatisés par leurs
définition et l’approche des espaces publics urbains, qui sont pris entre en focalisant une partie de mon travail sur la perception des « jeunes »
des conceptions utopiques et des approches plus concrètes les réduisant à l’espace public. J’ai travaillé sur les formes de stigmatisations liées à l’âge
des espaces d’interaction en public sans spécificité. Il semble dès lors im- 2010). L’ethnicité n’est pas la seule entrée problématique sur le terrain de
portant de faire appel à la microsociologie américaine, qui aborde d’em- typiques ». J’y consacre une part de mes analyses empiriques (2004 ;
blée des questions encore trop souvent taboues en France comme les « couleur de la peau » et des traits lus encore aujourd’hui comme « phéno-
questions d’ethnicité (Wieviorka et al., 1996 ; Raulin, 2000), auxquelles je me suis aussi intéressée en n’éludant pas les modalités d’évocation de la
je me suis aussi intéressée en n’éludant pas les modalités d’évocation de la questions d’ethnicité (Wieviorka et al., 1996 ; Raulin, 2000), auxquelles
« couleur de la peau » et des traits lus encore aujourd’hui comme « phéno- blée des questions encore trop souvent taboues en France comme les
typiques ». J’y consacre une part de mes analyses empiriques (2004 ; portant de faire appel à la microsociologie américaine, qui aborde d’em-
2010). L’ethnicité n’est pas la seule entrée problématique sur le terrain de des espaces d’interaction en public sans spécificité. Il semble dès lors im-
l’espace public. J’ai travaillé sur les formes de stigmatisations liées à l’âge des conceptions utopiques et des approches plus concrètes les réduisant à
en focalisant une partie de mon travail sur la perception des « jeunes » définition et l’approche des espaces publics urbains, qui sont pris entre
en ville, en particulier sur ceux qui sont triplement stigmatisés par leurs En France, l’idéal démocratique pèse de façon symptomatique sur la
origines géographiques, sociales et ethniques supposées. J’ai également gue » identitaire (Abel, 2001, p. 265).
travaillé sur l’épreuve que constitue l’espace public urbain pour les jeunes anonymes et soumet constamment la sociabilité au principe de l’« intri-
femmes en me demandant, à partir des travaux d’Isaac Joseph, ce qu’il des apparences corporelles règne pourtant en maître dans les interactions
adviendrait de ces espaces publics si les « passants considérables » étaient ni homme ni femme, ni jeune ni vieux, ni blanc ni noir... La variabilité
tout simplement... des passantes (Jarrigeon, 2009). melienne), est une altérité sans qualités, désincarnée en quelque sorte,
(même si tous les chercheurs ne la situent pas dans la seule tradition sim-
DES INTERACTIONS À LA MIMESIS : UNE POÉTIQUE DU CORPS SITUÉ La figure idéaltypique de l’étranger, récurrente en sociologie urbaine
laquelle Goffman consacre pourtant une partie importante de son œuvre.
S’intéresser aux opérations symboliques de production de l’espace relève au contraire de la remarque, de la distinction, de la stigmatisation à
public urbain permet de nourrir une réflexion travaillée par ce que La focalisation sur l’inattention et l’indifférence fait disparaître ce qui
Roland Barthes nomme « la force fantasmatique en général du Vivre-
Ensemble » (2002, p. 35). Lorsque j’ai abordé les interactions anonymes l’inattention et l’indifférence ». (Haroche, 2004, p. 149)
à Paris, j’étais plutôt guidée par le travail d’Isaac Joseph et convaincue le fait d’être « également regardé » entraînerait celui d’être regardé « dans
de l’efficacité des outils forgés par Goffman pour analyser les « relations inattention. On touche ici à une des apories des sociétés démocratiques :
en public ». J’ai cherché à échapper à l’un des effets paradoxaux de leur
perspective prenant la forme d’une double tendance à la neutralisation :
celle des apparences singulières d’une part, et celle de l’espace urbain 73 Anne Jarrigeon
d’autre part – ce qui conduisait à faire bouger le cadre interactionniste.
de Grenoble créé en 1979 par Jean-François Augoyard.
7. Centre de recherche sur l’environnement sonore, laboratoire de l’école d’architecture
un rôle important dans l’ordre impressionnant qui règne à Beaubourg malgré la foule. 74 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
ce au cœur de l’autodiscipline analysée par Foucault. Cette matérialité urbaine joue
particulier celle des coursives et des escaliers roulants renforcent cet effet de surveillan-
d’observés caractérise les interactions dans cet espace. La transparence du bâtiment et en
se passe au sol est rendu accessible aux regards ; l’échange des postures d’observateur et
L’espace, ni métaphore, ni décor
tation du célèbre panoptique de Bentham par Foucault (1975)  : l’ensemble de ce qui
6. Les caractéristiques architecturales de la piazza Beaubourg répondent à l’interpré- Ce n’est en effet pas le moindre des paradoxes des travaux sur l’espace
public inspirés par Hannah Arendt – elle-même attentive aux formes de la
vue (filmiques et photographiques) constituent des outils d’investigation distance, à ce qui relève de la matérialité des dispositifs ou, pour le dire
de la ville (Chelkoff & Thibaud, 1992, p. 7). Les instruments de prise de dans des termes plus contemporains, aux médiations humaines – que l’es-
« mises en vue  architecturales » qui structurent l’expérience corporelle pace y soit souvent réduit à un simple statut métaphorique. L’espace pu-
sée comme « coprésence » sont notamment orchestrées par les multiples blic politique est caractérisé par un régime de réversibilité généralisée des
interactions visuelles et la poétique de la « présence » d’une sociabilité pen- positions et des perspectives plurielles qui s’y trouvent en présence. Isaac
Augoyard, Rachel Thomas, Jean-Paul Thibaud et Grégoire Chelkoff. Les Joseph en fait un « ordre des interactions et des rencontres » présupposant
recherches conduites au sein du CRESSON7 autour de Jean-François une « réciprocité » (1998, p. 30). Se trouve en jeu, théoriquement du moins,
proche sensible, délibérément phénoménologique, m’a rapprochée des la possibilité d’une approche énonciative de l’espace où les différentes
images multiples qui composent le cadre perceptif des citadins. Cette ap- places concrètes des acteurs demandent à être décrites puis analysées.
mon travail, l’attention portée à la matérialité urbaine comprend aussi les J’ai tenté cette approche énonciative par le recours à l’observation si-
que peu de spécialistes de l’urbain s’y intéressaient directement. Dans tuée, à la description matérielle – souvent instrumentée par la photogra-
sur les relations sociales qui s’y déploient, j’ai été étonnée de découvrir phie – et la mise en œuvre d’une sémiotique architecturale. Je me suis
En cherchant à analyser les effets des constructions et des ambiances notamment intéressée à des lieux associés à de forts gestes architecturaux,
lieux de la capitale (Jarrigeon, 2012 a et c). comme la piazza Beaubourg ou le parc de la Villette, ou très décriés,
des foules configurée par la matérialité urbaine se donne à lire dans les comme le forum des Halles. De l’urbanité spectacularisée par le dispositif
terraines et aveugles des limbes du forum des Halles, toute une esthétique disciplinaire de la piazza Beaubourg6 à la superposition des entre-soi,
les pelouses du parc de la Villette, en passant par les déambulations sou- que ponctuent des moments de fusion dans des collectifs éphémères, sur
que ponctuent des moments de fusion dans des collectifs éphémères, sur les pelouses du parc de la Villette, en passant par les déambulations sou-
disciplinaire de la piazza Beaubourg6 à la superposition des entre-soi, terraines et aveugles des limbes du forum des Halles, toute une esthétique
comme le forum des Halles. De l’urbanité spectacularisée par le dispositif des foules configurée par la matérialité urbaine se donne à lire dans les
comme la piazza Beaubourg ou le parc de la Villette, ou très décriés, lieux de la capitale (Jarrigeon, 2012 a et c).
notamment intéressée à des lieux associés à de forts gestes architecturaux, En cherchant à analyser les effets des constructions et des ambiances
phie – et la mise en œuvre d’une sémiotique architecturale. Je me suis sur les relations sociales qui s’y déploient, j’ai été étonnée de découvrir
tuée, à la description matérielle – souvent instrumentée par la photogra- que peu de spécialistes de l’urbain s’y intéressaient directement. Dans
J’ai tenté cette approche énonciative par le recours à l’observation si- mon travail, l’attention portée à la matérialité urbaine comprend aussi les
places concrètes des acteurs demandent à être décrites puis analysées. images multiples qui composent le cadre perceptif des citadins. Cette ap-
la possibilité d’une approche énonciative de l’espace où les différentes proche sensible, délibérément phénoménologique, m’a rapprochée des
une « réciprocité » (1998, p. 30). Se trouve en jeu, théoriquement du moins, recherches conduites au sein du CRESSON7 autour de Jean-François
Joseph en fait un « ordre des interactions et des rencontres » présupposant Augoyard, Rachel Thomas, Jean-Paul Thibaud et Grégoire Chelkoff. Les
positions et des perspectives plurielles qui s’y trouvent en présence. Isaac interactions visuelles et la poétique de la « présence » d’une sociabilité pen-
blic politique est caractérisé par un régime de réversibilité généralisée des sée comme « coprésence » sont notamment orchestrées par les multiples
pace y soit souvent réduit à un simple statut métaphorique. L’espace pu- « mises en vue  architecturales » qui structurent l’expérience corporelle
dans des termes plus contemporains, aux médiations humaines – que l’es- de la ville (Chelkoff & Thibaud, 1992, p. 7). Les instruments de prise de
distance, à ce qui relève de la matérialité des dispositifs ou, pour le dire vue (filmiques et photographiques) constituent des outils d’investigation
public inspirés par Hannah Arendt – elle-même attentive aux formes de la
Ce n’est en effet pas le moindre des paradoxes des travaux sur l’espace 6. Les caractéristiques architecturales de la piazza Beaubourg répondent à l’interpré-
tation du célèbre panoptique de Bentham par Foucault (1975)  : l’ensemble de ce qui
se passe au sol est rendu accessible aux regards ; l’échange des postures d’observateur et
d’observés caractérise les interactions dans cet espace. La transparence du bâtiment et en
L’espace, ni métaphore, ni décor
particulier celle des coursives et des escaliers roulants renforcent cet effet de surveillan-
ce au cœur de l’autodiscipline analysée par Foucault. Cette matérialité urbaine joue
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 74 un rôle important dans l’ordre impressionnant qui règne à Beaubourg malgré la foule.
7. Centre de recherche sur l’environnement sonore, laboratoire de l’école d’architecture
de Grenoble créé en 1979 par Jean-François Augoyard.

de Grenoble créé en 1979 par Jean-François Augoyard.


7. Centre de recherche sur l’environnement sonore, laboratoire de l’école d’architecture
un rôle important dans l’ordre impressionnant qui règne à Beaubourg malgré la foule. 74 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
ce au cœur de l’autodiscipline analysée par Foucault. Cette matérialité urbaine joue
particulier celle des coursives et des escaliers roulants renforcent cet effet de surveillan-
d’observés caractérise les interactions dans cet espace. La transparence du bâtiment et en
se passe au sol est rendu accessible aux regards ; l’échange des postures d’observateur et
L’espace, ni métaphore, ni décor
tation du célèbre panoptique de Bentham par Foucault (1975)  : l’ensemble de ce qui
6. Les caractéristiques architecturales de la piazza Beaubourg répondent à l’interpré- Ce n’est en effet pas le moindre des paradoxes des travaux sur l’espace
public inspirés par Hannah Arendt – elle-même attentive aux formes de la
vue (filmiques et photographiques) constituent des outils d’investigation distance, à ce qui relève de la matérialité des dispositifs ou, pour le dire
de la ville (Chelkoff & Thibaud, 1992, p. 7). Les instruments de prise de dans des termes plus contemporains, aux médiations humaines – que l’es-
« mises en vue  architecturales » qui structurent l’expérience corporelle pace y soit souvent réduit à un simple statut métaphorique. L’espace pu-
sée comme « coprésence » sont notamment orchestrées par les multiples blic politique est caractérisé par un régime de réversibilité généralisée des
interactions visuelles et la poétique de la « présence » d’une sociabilité pen- positions et des perspectives plurielles qui s’y trouvent en présence. Isaac
Augoyard, Rachel Thomas, Jean-Paul Thibaud et Grégoire Chelkoff. Les Joseph en fait un « ordre des interactions et des rencontres » présupposant
recherches conduites au sein du CRESSON7 autour de Jean-François une « réciprocité » (1998, p. 30). Se trouve en jeu, théoriquement du moins,
proche sensible, délibérément phénoménologique, m’a rapprochée des la possibilité d’une approche énonciative de l’espace où les différentes
images multiples qui composent le cadre perceptif des citadins. Cette ap- places concrètes des acteurs demandent à être décrites puis analysées.
mon travail, l’attention portée à la matérialité urbaine comprend aussi les J’ai tenté cette approche énonciative par le recours à l’observation si-
que peu de spécialistes de l’urbain s’y intéressaient directement. Dans tuée, à la description matérielle – souvent instrumentée par la photogra-
sur les relations sociales qui s’y déploient, j’ai été étonnée de découvrir phie – et la mise en œuvre d’une sémiotique architecturale. Je me suis
En cherchant à analyser les effets des constructions et des ambiances notamment intéressée à des lieux associés à de forts gestes architecturaux,
lieux de la capitale (Jarrigeon, 2012 a et c). comme la piazza Beaubourg ou le parc de la Villette, ou très décriés,
des foules configurée par la matérialité urbaine se donne à lire dans les comme le forum des Halles. De l’urbanité spectacularisée par le dispositif
terraines et aveugles des limbes du forum des Halles, toute une esthétique disciplinaire de la piazza Beaubourg6 à la superposition des entre-soi,
les pelouses du parc de la Villette, en passant par les déambulations sou- que ponctuent des moments de fusion dans des collectifs éphémères, sur
que ponctuent des moments de fusion dans des collectifs éphémères, sur les pelouses du parc de la Villette, en passant par les déambulations sou-
disciplinaire de la piazza Beaubourg6 à la superposition des entre-soi, terraines et aveugles des limbes du forum des Halles, toute une esthétique
comme le forum des Halles. De l’urbanité spectacularisée par le dispositif des foules configurée par la matérialité urbaine se donne à lire dans les
comme la piazza Beaubourg ou le parc de la Villette, ou très décriés, lieux de la capitale (Jarrigeon, 2012 a et c).
notamment intéressée à des lieux associés à de forts gestes architecturaux, En cherchant à analyser les effets des constructions et des ambiances
phie – et la mise en œuvre d’une sémiotique architecturale. Je me suis sur les relations sociales qui s’y déploient, j’ai été étonnée de découvrir
tuée, à la description matérielle – souvent instrumentée par la photogra- que peu de spécialistes de l’urbain s’y intéressaient directement. Dans
J’ai tenté cette approche énonciative par le recours à l’observation si- mon travail, l’attention portée à la matérialité urbaine comprend aussi les
places concrètes des acteurs demandent à être décrites puis analysées. images multiples qui composent le cadre perceptif des citadins. Cette ap-
la possibilité d’une approche énonciative de l’espace où les différentes proche sensible, délibérément phénoménologique, m’a rapprochée des
une « réciprocité » (1998, p. 30). Se trouve en jeu, théoriquement du moins, recherches conduites au sein du CRESSON7 autour de Jean-François
Joseph en fait un « ordre des interactions et des rencontres » présupposant Augoyard, Rachel Thomas, Jean-Paul Thibaud et Grégoire Chelkoff. Les
positions et des perspectives plurielles qui s’y trouvent en présence. Isaac interactions visuelles et la poétique de la « présence » d’une sociabilité pen-
blic politique est caractérisé par un régime de réversibilité généralisée des sée comme « coprésence » sont notamment orchestrées par les multiples
pace y soit souvent réduit à un simple statut métaphorique. L’espace pu- « mises en vue  architecturales » qui structurent l’expérience corporelle
dans des termes plus contemporains, aux médiations humaines – que l’es- de la ville (Chelkoff & Thibaud, 1992, p. 7). Les instruments de prise de
distance, à ce qui relève de la matérialité des dispositifs ou, pour le dire vue (filmiques et photographiques) constituent des outils d’investigation
public inspirés par Hannah Arendt – elle-même attentive aux formes de la
Ce n’est en effet pas le moindre des paradoxes des travaux sur l’espace 6. Les caractéristiques architecturales de la piazza Beaubourg répondent à l’interpré-
tation du célèbre panoptique de Bentham par Foucault (1975)  : l’ensemble de ce qui
se passe au sol est rendu accessible aux regards ; l’échange des postures d’observateur et
d’observés caractérise les interactions dans cet espace. La transparence du bâtiment et en
L’espace, ni métaphore, ni décor
particulier celle des coursives et des escaliers roulants renforcent cet effet de surveillan-
ce au cœur de l’autodiscipline analysée par Foucault. Cette matérialité urbaine joue
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 74 un rôle important dans l’ordre impressionnant qui règne à Beaubourg malgré la foule.
7. Centre de recherche sur l’environnement sonore, laboratoire de l’école d’architecture
de Grenoble créé en 1979 par Jean-François Augoyard.
ou leur façon de porter certains attributs du corps, livrent à l’observateur
Anne Jarrigeon 75 « frontières ». Leurs discours comme leurs manières d’être, leur gestuelle
la désignation particulièrement subtils, sous la forme d’une rhétorique des
type dans la perception des jeunes citadins a fait apparaître des savoirs de
particulièrement intéressants, parce qu’ils confrontent concrètement le (Charadeau & Mainguenau, 2002). Mon travail sur le régime du stéréo-
chercheur-photographe aux configurations matérielles. tion de la posture subjective du locuteur par rapport à ce qu’il évoque
Mettre en doute l’évidence de la coprésence dans les espaces publics ur- ciologie, mais d’une analyse de discours, qui se focalise sur la construc-
bains peut conduire à refuser d’en faire le modèle des interactions urbaines. analyse thématique de contenu, comme c’est généralement le cas en so-
C’est par exemple la posture de Ulf Hannerz (1983). La mienne a plutôt (Jarrigeon, 2010). Les matériaux ainsi produits ne font pas l’objet d’une
été de prendre au sérieux ce mythe de la sociologie urbaine et d’en expé- mates » (Goffman, 1963, 1975), mais aussi à leurs multiples renversements
rimenter la portée pratique, parce qu’il nourrit un autre mythe, auquel accès aux « attentes normatives », aux perceptions fluctuantes des « stig-
est consacrée ma thèse : celui de la neutralisation des apparences anony- par entretiens pour saisir la subtilité de ce registre interprétatif qui donne
mes. La critique de la neutralisation des espaces physiques rejoint celle plus souvent produits en dehors des interactions. J’ai réalisé des enquêtes
d’une conception de l’homogénéisation des usages de l’espace et des ex- naire y est à l’œuvre et relève d’une analyse discursive de récits urbains, le
périences individuelles dans un anonymat collectif indifférencié. Il con- d’un certain réductionnisme éthologique. Toute une sémiotique ordi-
vient d’en arriver enfin aux corps urbains et d’indiquer comment mon relles et des jeux interprétatifs qui invitent à ne pas céder aux tentations
travail se situe par rapport à l’interactionnisme goffmanien qui l’a forte- Le travail des apparences passe toutefois par des rhétoriques corpo-
ment inspiré. non verbale » synthétisés par Cosnier (2001).
outils de la proxémique proposés par Hall et ceux de la « communication
Le corps au-delà de l’interaction possible de reconstituer la partition invisible. J’ai mobilisé tour à tour les
lisés à des rythmes spécifiques, en lien avec l’espace urbain, et dont il est
Le titre même de ma thèse indique son inspiration interactionniste ; il chorégraphies urbaines : des agencements et mouvements corporels, réa-
renvoie plus généralement au courant de recherche américain connu en mettre en évidence des ballets interactionnels et de repérer de véritables
sciences de la communication sous le nom d’École de Palo Alto (Winkin, théorique de la kinésique de Birdwhistell, qui m’a par ailleurs permis de
1981, 2000). Une part de mon travail sur le corps, sans doute la plus éloi- gnée des problématiques proprement urbaines, consiste en une discussion
gnée des problématiques proprement urbaines, consiste en une discussion 1981, 2000). Une part de mon travail sur le corps, sans doute la plus éloi-
théorique de la kinésique de Birdwhistell, qui m’a par ailleurs permis de sciences de la communication sous le nom d’École de Palo Alto (Winkin,
mettre en évidence des ballets interactionnels et de repérer de véritables renvoie plus généralement au courant de recherche américain connu en
chorégraphies urbaines : des agencements et mouvements corporels, réa- Le titre même de ma thèse indique son inspiration interactionniste ; il
lisés à des rythmes spécifiques, en lien avec l’espace urbain, et dont il est
possible de reconstituer la partition invisible. J’ai mobilisé tour à tour les Le corps au-delà de l’interaction
outils de la proxémique proposés par Hall et ceux de la « communication
non verbale » synthétisés par Cosnier (2001). ment inspiré.
Le travail des apparences passe toutefois par des rhétoriques corpo- travail se situe par rapport à l’interactionnisme goffmanien qui l’a forte-
relles et des jeux interprétatifs qui invitent à ne pas céder aux tentations vient d’en arriver enfin aux corps urbains et d’indiquer comment mon
d’un certain réductionnisme éthologique. Toute une sémiotique ordi- périences individuelles dans un anonymat collectif indifférencié. Il con-
naire y est à l’œuvre et relève d’une analyse discursive de récits urbains, le d’une conception de l’homogénéisation des usages de l’espace et des ex-
plus souvent produits en dehors des interactions. J’ai réalisé des enquêtes mes. La critique de la neutralisation des espaces physiques rejoint celle
par entretiens pour saisir la subtilité de ce registre interprétatif qui donne est consacrée ma thèse : celui de la neutralisation des apparences anony-
accès aux « attentes normatives », aux perceptions fluctuantes des « stig- rimenter la portée pratique, parce qu’il nourrit un autre mythe, auquel
mates » (Goffman, 1963, 1975), mais aussi à leurs multiples renversements été de prendre au sérieux ce mythe de la sociologie urbaine et d’en expé-
(Jarrigeon, 2010). Les matériaux ainsi produits ne font pas l’objet d’une C’est par exemple la posture de Ulf Hannerz (1983). La mienne a plutôt
analyse thématique de contenu, comme c’est généralement le cas en so- bains peut conduire à refuser d’en faire le modèle des interactions urbaines.
ciologie, mais d’une analyse de discours, qui se focalise sur la construc- Mettre en doute l’évidence de la coprésence dans les espaces publics ur-
tion de la posture subjective du locuteur par rapport à ce qu’il évoque chercheur-photographe aux configurations matérielles.
(Charadeau & Mainguenau, 2002). Mon travail sur le régime du stéréo- particulièrement intéressants, parce qu’ils confrontent concrètement le
type dans la perception des jeunes citadins a fait apparaître des savoirs de
la désignation particulièrement subtils, sous la forme d’une rhétorique des
« frontières ». Leurs discours comme leurs manières d’être, leur gestuelle 75 Anne Jarrigeon
ou leur façon de porter certains attributs du corps, livrent à l’observateur

ou leur façon de porter certains attributs du corps, livrent à l’observateur


Anne Jarrigeon 75 « frontières ». Leurs discours comme leurs manières d’être, leur gestuelle
la désignation particulièrement subtils, sous la forme d’une rhétorique des
type dans la perception des jeunes citadins a fait apparaître des savoirs de
particulièrement intéressants, parce qu’ils confrontent concrètement le (Charadeau & Mainguenau, 2002). Mon travail sur le régime du stéréo-
chercheur-photographe aux configurations matérielles. tion de la posture subjective du locuteur par rapport à ce qu’il évoque
Mettre en doute l’évidence de la coprésence dans les espaces publics ur- ciologie, mais d’une analyse de discours, qui se focalise sur la construc-
bains peut conduire à refuser d’en faire le modèle des interactions urbaines. analyse thématique de contenu, comme c’est généralement le cas en so-
C’est par exemple la posture de Ulf Hannerz (1983). La mienne a plutôt (Jarrigeon, 2010). Les matériaux ainsi produits ne font pas l’objet d’une
été de prendre au sérieux ce mythe de la sociologie urbaine et d’en expé- mates » (Goffman, 1963, 1975), mais aussi à leurs multiples renversements
rimenter la portée pratique, parce qu’il nourrit un autre mythe, auquel accès aux « attentes normatives », aux perceptions fluctuantes des « stig-
est consacrée ma thèse : celui de la neutralisation des apparences anony- par entretiens pour saisir la subtilité de ce registre interprétatif qui donne
mes. La critique de la neutralisation des espaces physiques rejoint celle plus souvent produits en dehors des interactions. J’ai réalisé des enquêtes
d’une conception de l’homogénéisation des usages de l’espace et des ex- naire y est à l’œuvre et relève d’une analyse discursive de récits urbains, le
périences individuelles dans un anonymat collectif indifférencié. Il con- d’un certain réductionnisme éthologique. Toute une sémiotique ordi-
vient d’en arriver enfin aux corps urbains et d’indiquer comment mon relles et des jeux interprétatifs qui invitent à ne pas céder aux tentations
travail se situe par rapport à l’interactionnisme goffmanien qui l’a forte- Le travail des apparences passe toutefois par des rhétoriques corpo-
ment inspiré. non verbale » synthétisés par Cosnier (2001).
outils de la proxémique proposés par Hall et ceux de la « communication
Le corps au-delà de l’interaction possible de reconstituer la partition invisible. J’ai mobilisé tour à tour les
lisés à des rythmes spécifiques, en lien avec l’espace urbain, et dont il est
Le titre même de ma thèse indique son inspiration interactionniste ; il chorégraphies urbaines : des agencements et mouvements corporels, réa-
renvoie plus généralement au courant de recherche américain connu en mettre en évidence des ballets interactionnels et de repérer de véritables
sciences de la communication sous le nom d’École de Palo Alto (Winkin, théorique de la kinésique de Birdwhistell, qui m’a par ailleurs permis de
1981, 2000). Une part de mon travail sur le corps, sans doute la plus éloi- gnée des problématiques proprement urbaines, consiste en une discussion
gnée des problématiques proprement urbaines, consiste en une discussion 1981, 2000). Une part de mon travail sur le corps, sans doute la plus éloi-
théorique de la kinésique de Birdwhistell, qui m’a par ailleurs permis de sciences de la communication sous le nom d’École de Palo Alto (Winkin,
mettre en évidence des ballets interactionnels et de repérer de véritables renvoie plus généralement au courant de recherche américain connu en
chorégraphies urbaines : des agencements et mouvements corporels, réa- Le titre même de ma thèse indique son inspiration interactionniste ; il
lisés à des rythmes spécifiques, en lien avec l’espace urbain, et dont il est
possible de reconstituer la partition invisible. J’ai mobilisé tour à tour les Le corps au-delà de l’interaction
outils de la proxémique proposés par Hall et ceux de la « communication
non verbale » synthétisés par Cosnier (2001). ment inspiré.
Le travail des apparences passe toutefois par des rhétoriques corpo- travail se situe par rapport à l’interactionnisme goffmanien qui l’a forte-
relles et des jeux interprétatifs qui invitent à ne pas céder aux tentations vient d’en arriver enfin aux corps urbains et d’indiquer comment mon
d’un certain réductionnisme éthologique. Toute une sémiotique ordi- périences individuelles dans un anonymat collectif indifférencié. Il con-
naire y est à l’œuvre et relève d’une analyse discursive de récits urbains, le d’une conception de l’homogénéisation des usages de l’espace et des ex-
plus souvent produits en dehors des interactions. J’ai réalisé des enquêtes mes. La critique de la neutralisation des espaces physiques rejoint celle
par entretiens pour saisir la subtilité de ce registre interprétatif qui donne est consacrée ma thèse : celui de la neutralisation des apparences anony-
accès aux « attentes normatives », aux perceptions fluctuantes des « stig- rimenter la portée pratique, parce qu’il nourrit un autre mythe, auquel
mates » (Goffman, 1963, 1975), mais aussi à leurs multiples renversements été de prendre au sérieux ce mythe de la sociologie urbaine et d’en expé-
(Jarrigeon, 2010). Les matériaux ainsi produits ne font pas l’objet d’une C’est par exemple la posture de Ulf Hannerz (1983). La mienne a plutôt
analyse thématique de contenu, comme c’est généralement le cas en so- bains peut conduire à refuser d’en faire le modèle des interactions urbaines.
ciologie, mais d’une analyse de discours, qui se focalise sur la construc- Mettre en doute l’évidence de la coprésence dans les espaces publics ur-
tion de la posture subjective du locuteur par rapport à ce qu’il évoque chercheur-photographe aux configurations matérielles.
(Charadeau & Mainguenau, 2002). Mon travail sur le régime du stéréo- particulièrement intéressants, parce qu’ils confrontent concrètement le
type dans la perception des jeunes citadins a fait apparaître des savoirs de
la désignation particulièrement subtils, sous la forme d’une rhétorique des
« frontières ». Leurs discours comme leurs manières d’être, leur gestuelle 75 Anne Jarrigeon
ou leur façon de porter certains attributs du corps, livrent à l’observateur
cette forme et m’intéresse à ce titre.
8. J’emploie délibérément le terme et les acceptions qu’il comporte, car il circule sous
76 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
sont des mouvements « se référant à d’autres », s’ils peuvent être considérés
sion esthétique. Des actes peuvent être définis comme mimétiques s’ils
culièrement fort d’une approche du social qui n’en nierait pas la dimen- attentif de multiples indices de leur posture quant à ce qu’ils montrent
désincarnée et font de l’analyse des processus mimétiques un enjeu parti- d’eux. Lorsqu’on analyse, en parallèle de ces discours et des observa-
Ils associent le recours à la mimesis avec la critique d’une sociologie tions ethnographiques, un corpus de textes médiatiques et scientifiques
(Gebauer & Wulf, 1998, 2004, p. 35) et d’images ayant trait à ces « jeunes8 », le plus frappant est que ces com-
conduisent physiquement [...]. C’est là que le mimétique se développe. pétences de distanciation leur sont généralement déniées par les adultes, y
qui dépend d’un second : celui qui montre comment les personnes se compris par certains sociologues ou anthropologues. Les « jeunes », quels
Les stratégies et les calculs ne sont qu’un aspect des rituels sociaux, aspect que soient les univers de référence qu’ils convoquent en se présentant sur
les scènes urbaines, sont le plus souvent réduits à n’être que ce qu’ils sont
tégiques. Comme le soulignent Gunter Gebauer et Christoph Wulf : censés représenter, sans que les jeux et les écarts qui caractérisent pourtant
soumettent pas obligatoirement les comportements à des conduites stra- le régime des apparences soient pris en compte. Ils ont beau emprun-
raître des modalités configurantes et des modèles de référence qui ne ter d’autres traits, mélanger discrètement et parfois involontairement les
analytiques peuvent servir l’étude des pratiques sociales, en faisant appa- genres, jouer avec des cartes stylistiques dissonantes, ils font l’objet d’une
forme de réduction que je qualifierai de scénique. D’autres métaphores réduction identitaire commune qui révèle une forme particulière de dé-
le pousse plus qu’il ne se meut. La métaphore théâtrale présente une considération : celle de leur compétence de sujet (Jarrigeon, 2010).
qui échappe à l’individu, ce qui le prend plus qu’il ne se saisit, ce qui L’anonymat urbain se présente en fait comme un ensemble de per-
actions, leur caractère instrumental, négocié, elle ne doit pas effacer ce formances individuelles qui actualisent un ordre des visibilités qui les
social. S’il ne faut pas nier ni minimiser la part conscientisée des inter- dépassent et dans lesquelles intervient la lisibilité des corps selon des
dans le temps et dans l’espace ; elle est toujours un certain type d’ordre modalités qui ne permettent de toute façon pas d’y arrêter les analyses.
ne se limite jamais à une simple séquence d’actions-réactions limitée Le corps à corps ne saurait être réduit à sa seule dimension interaction-
relations entre corps anonymes. Pour Goffman lui-même, l’interaction nelle. D’innombrables « doubles » entrent dans ce ballet communication-
qui permette effectivement d’analyser la manière dont se produisent les nel et méritent d’être pris en compte dans une approche intermédiatique
nel et méritent d’être pris en compte dans une approche intermédiatique qui permette effectivement d’analyser la manière dont se produisent les
nelle. D’innombrables « doubles » entrent dans ce ballet communication- relations entre corps anonymes. Pour Goffman lui-même, l’interaction
Le corps à corps ne saurait être réduit à sa seule dimension interaction- ne se limite jamais à une simple séquence d’actions-réactions limitée
modalités qui ne permettent de toute façon pas d’y arrêter les analyses. dans le temps et dans l’espace ; elle est toujours un certain type d’ordre
dépassent et dans lesquelles intervient la lisibilité des corps selon des social. S’il ne faut pas nier ni minimiser la part conscientisée des inter-
formances individuelles qui actualisent un ordre des visibilités qui les actions, leur caractère instrumental, négocié, elle ne doit pas effacer ce
L’anonymat urbain se présente en fait comme un ensemble de per- qui échappe à l’individu, ce qui le prend plus qu’il ne se saisit, ce qui
considération : celle de leur compétence de sujet (Jarrigeon, 2010). le pousse plus qu’il ne se meut. La métaphore théâtrale présente une
réduction identitaire commune qui révèle une forme particulière de dé- forme de réduction que je qualifierai de scénique. D’autres métaphores
genres, jouer avec des cartes stylistiques dissonantes, ils font l’objet d’une analytiques peuvent servir l’étude des pratiques sociales, en faisant appa-
ter d’autres traits, mélanger discrètement et parfois involontairement les raître des modalités configurantes et des modèles de référence qui ne
le régime des apparences soient pris en compte. Ils ont beau emprun- soumettent pas obligatoirement les comportements à des conduites stra-
censés représenter, sans que les jeux et les écarts qui caractérisent pourtant tégiques. Comme le soulignent Gunter Gebauer et Christoph Wulf :
les scènes urbaines, sont le plus souvent réduits à n’être que ce qu’ils sont
que soient les univers de référence qu’ils convoquent en se présentant sur Les stratégies et les calculs ne sont qu’un aspect des rituels sociaux, aspect
compris par certains sociologues ou anthropologues. Les « jeunes », quels qui dépend d’un second : celui qui montre comment les personnes se
pétences de distanciation leur sont généralement déniées par les adultes, y conduisent physiquement [...]. C’est là que le mimétique se développe.
et d’images ayant trait à ces « jeunes8 », le plus frappant est que ces com- (Gebauer & Wulf, 1998, 2004, p. 35)
tions ethnographiques, un corpus de textes médiatiques et scientifiques Ils associent le recours à la mimesis avec la critique d’une sociologie
d’eux. Lorsqu’on analyse, en parallèle de ces discours et des observa- désincarnée et font de l’analyse des processus mimétiques un enjeu parti-
attentif de multiples indices de leur posture quant à ce qu’ils montrent culièrement fort d’une approche du social qui n’en nierait pas la dimen-
sion esthétique. Des actes peuvent être définis comme mimétiques s’ils
sont des mouvements « se référant à d’autres », s’ils peuvent être considérés
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 76
8. J’emploie délibérément le terme et les acceptions qu’il comporte, car il circule sous
cette forme et m’intéresse à ce titre.

cette forme et m’intéresse à ce titre.


8. J’emploie délibérément le terme et les acceptions qu’il comporte, car il circule sous
76 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
sont des mouvements « se référant à d’autres », s’ils peuvent être considérés
sion esthétique. Des actes peuvent être définis comme mimétiques s’ils
culièrement fort d’une approche du social qui n’en nierait pas la dimen- attentif de multiples indices de leur posture quant à ce qu’ils montrent
désincarnée et font de l’analyse des processus mimétiques un enjeu parti- d’eux. Lorsqu’on analyse, en parallèle de ces discours et des observa-
Ils associent le recours à la mimesis avec la critique d’une sociologie tions ethnographiques, un corpus de textes médiatiques et scientifiques
(Gebauer & Wulf, 1998, 2004, p. 35) et d’images ayant trait à ces « jeunes8 », le plus frappant est que ces com-
conduisent physiquement [...]. C’est là que le mimétique se développe. pétences de distanciation leur sont généralement déniées par les adultes, y
qui dépend d’un second : celui qui montre comment les personnes se compris par certains sociologues ou anthropologues. Les « jeunes », quels
Les stratégies et les calculs ne sont qu’un aspect des rituels sociaux, aspect que soient les univers de référence qu’ils convoquent en se présentant sur
les scènes urbaines, sont le plus souvent réduits à n’être que ce qu’ils sont
tégiques. Comme le soulignent Gunter Gebauer et Christoph Wulf : censés représenter, sans que les jeux et les écarts qui caractérisent pourtant
soumettent pas obligatoirement les comportements à des conduites stra- le régime des apparences soient pris en compte. Ils ont beau emprun-
raître des modalités configurantes et des modèles de référence qui ne ter d’autres traits, mélanger discrètement et parfois involontairement les
analytiques peuvent servir l’étude des pratiques sociales, en faisant appa- genres, jouer avec des cartes stylistiques dissonantes, ils font l’objet d’une
forme de réduction que je qualifierai de scénique. D’autres métaphores réduction identitaire commune qui révèle une forme particulière de dé-
le pousse plus qu’il ne se meut. La métaphore théâtrale présente une considération : celle de leur compétence de sujet (Jarrigeon, 2010).
qui échappe à l’individu, ce qui le prend plus qu’il ne se saisit, ce qui L’anonymat urbain se présente en fait comme un ensemble de per-
actions, leur caractère instrumental, négocié, elle ne doit pas effacer ce formances individuelles qui actualisent un ordre des visibilités qui les
social. S’il ne faut pas nier ni minimiser la part conscientisée des inter- dépassent et dans lesquelles intervient la lisibilité des corps selon des
dans le temps et dans l’espace ; elle est toujours un certain type d’ordre modalités qui ne permettent de toute façon pas d’y arrêter les analyses.
ne se limite jamais à une simple séquence d’actions-réactions limitée Le corps à corps ne saurait être réduit à sa seule dimension interaction-
relations entre corps anonymes. Pour Goffman lui-même, l’interaction nelle. D’innombrables « doubles » entrent dans ce ballet communication-
qui permette effectivement d’analyser la manière dont se produisent les nel et méritent d’être pris en compte dans une approche intermédiatique
nel et méritent d’être pris en compte dans une approche intermédiatique qui permette effectivement d’analyser la manière dont se produisent les
nelle. D’innombrables « doubles » entrent dans ce ballet communication- relations entre corps anonymes. Pour Goffman lui-même, l’interaction
Le corps à corps ne saurait être réduit à sa seule dimension interaction- ne se limite jamais à une simple séquence d’actions-réactions limitée
modalités qui ne permettent de toute façon pas d’y arrêter les analyses. dans le temps et dans l’espace ; elle est toujours un certain type d’ordre
dépassent et dans lesquelles intervient la lisibilité des corps selon des social. S’il ne faut pas nier ni minimiser la part conscientisée des inter-
formances individuelles qui actualisent un ordre des visibilités qui les actions, leur caractère instrumental, négocié, elle ne doit pas effacer ce
L’anonymat urbain se présente en fait comme un ensemble de per- qui échappe à l’individu, ce qui le prend plus qu’il ne se saisit, ce qui
considération : celle de leur compétence de sujet (Jarrigeon, 2010). le pousse plus qu’il ne se meut. La métaphore théâtrale présente une
réduction identitaire commune qui révèle une forme particulière de dé- forme de réduction que je qualifierai de scénique. D’autres métaphores
genres, jouer avec des cartes stylistiques dissonantes, ils font l’objet d’une analytiques peuvent servir l’étude des pratiques sociales, en faisant appa-
ter d’autres traits, mélanger discrètement et parfois involontairement les raître des modalités configurantes et des modèles de référence qui ne
le régime des apparences soient pris en compte. Ils ont beau emprun- soumettent pas obligatoirement les comportements à des conduites stra-
censés représenter, sans que les jeux et les écarts qui caractérisent pourtant tégiques. Comme le soulignent Gunter Gebauer et Christoph Wulf :
les scènes urbaines, sont le plus souvent réduits à n’être que ce qu’ils sont
que soient les univers de référence qu’ils convoquent en se présentant sur Les stratégies et les calculs ne sont qu’un aspect des rituels sociaux, aspect
compris par certains sociologues ou anthropologues. Les « jeunes », quels qui dépend d’un second : celui qui montre comment les personnes se
pétences de distanciation leur sont généralement déniées par les adultes, y conduisent physiquement [...]. C’est là que le mimétique se développe.
et d’images ayant trait à ces « jeunes8 », le plus frappant est que ces com- (Gebauer & Wulf, 1998, 2004, p. 35)
tions ethnographiques, un corpus de textes médiatiques et scientifiques Ils associent le recours à la mimesis avec la critique d’une sociologie
d’eux. Lorsqu’on analyse, en parallèle de ces discours et des observa- désincarnée et font de l’analyse des processus mimétiques un enjeu parti-
attentif de multiples indices de leur posture quant à ce qu’ils montrent culièrement fort d’une approche du social qui n’en nierait pas la dimen-
sion esthétique. Des actes peuvent être définis comme mimétiques s’ils
sont des mouvements « se référant à d’autres », s’ils peuvent être considérés
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 76
8. J’emploie délibérément le terme et les acceptions qu’il comporte, car il circule sous
cette forme et m’intéresse à ce titre.
provoque une rupture dans la tradition d’approche du corps. Penser le
Anne Jarrigeon 77 interroger les modèles, éventuellement figuratifs, de l’action sociale, ce qui
pas à la seule mise en œuvre de stratégies. La notion de mimesis invite à
abstraite, vers une prise en compte des individualités qui ne les réduise
comme des sortes de scènes physiques possédant un aspect représentatif la focale, depuis une conception trop extérieure, déterministe, ou trop
et démonstratif. Cela suppose de penser un certain équilibre entre l’auto- L’enjeu d’une approche en termes de mimesis est bien de déplacer
nomie singulière et l’insertion dans le groupe. La foule anonyme invite relle du rap et au marketing qui l’accompagne.
tout particulièrement à étudier la circulation de références communes appropriations banalisées et moins savantes, liées à la massification cultu-
dans le télescopage ordinaire des modes de présentation de soi – gestes, souvent des artistes associés « au mouvement » dès l’origine) jusqu’aux
vêtements, attitudes, objets... De ce point de vue, elle constitue un mode vestimentaires et gestuelles, depuis le cercle des experts esthètes (le plus
d’accès particulier pour l’analyse de ce qu’Yves Jeanneret nomme la « tri- tiples vibrations. J’ai travaillé sur la circulation des attributs, des références
vialité » (2008). urbaines et associé à mon terrain des Halles : le style hip-hop et ses mul-
Il est possible de tisser toutes sortes de liens, des plus évidents au plus optique, j’ai étudié entre autres un mythe emblématique des cultures
évanescents, entre les corps observables in situ et les multiples figurations titution de ce qui passe d’un espace de pratiques à un autre. Dans cette
auxquelles ils ont donné et donnent encore lieu. Cette activité de tissage, description exhaustive, nécessairement vouée à l’échec, mais la recons-
pour être celle du chercheur qui instrumente parfois son regard – c’est plutôt des mondes de l’art. Les inclure dans l’analyse ne suppose pas une
mon cas, par le film et la photographie –, n’en est pas moins celle qui ré- personnelles, parfois plus savantes et souvent plus réflexives, qui relèvent
git une partie des rapports au quotidien. De la « ressemblance » évoquée en particulier), trouvent une place à côté d’autres formes plus rares, plus
par tous à la mimesis reconstruite par l’analyse se joue le « parcours de la celles de la culture « commune » (médiatiques en général et publicitaires
reconnaissance » (Ricœur, 2004) au cœur du régime de l’anonymat. des relations de corps à corps aujourd’hui. Les médiations redondantes,
Dans ma thèse, j’ai essayé de clarifier ce qui relève de la mise en dont la prise en compte permet de comprendre l’épaisseur historique
œuvre de codes comportementaux, gestuels, vestimentaires, et de leur contemporain. Les formes actuelles travaillent avec les formes anciennes
mode d’appréhension sur ces scènes urbaines spécifiques que sont les De multiples figurations entrent dans la constitution de notre imaginaire
espaces publics parisiens, tout en ne négligeant pas ce qui se joue dans l’histoire occidentale de la perception et de la représentation des corps.
d’autres dimensions de la perception comme la résurgence de certaines formes, souvent des « poses », qui inscrivent le corps à corps vivant dans
formes, souvent des « poses », qui inscrivent le corps à corps vivant dans d’autres dimensions de la perception comme la résurgence de certaines
l’histoire occidentale de la perception et de la représentation des corps. espaces publics parisiens, tout en ne négligeant pas ce qui se joue dans
De multiples figurations entrent dans la constitution de notre imaginaire mode d’appréhension sur ces scènes urbaines spécifiques que sont les
contemporain. Les formes actuelles travaillent avec les formes anciennes œuvre de codes comportementaux, gestuels, vestimentaires, et de leur
dont la prise en compte permet de comprendre l’épaisseur historique Dans ma thèse, j’ai essayé de clarifier ce qui relève de la mise en
des relations de corps à corps aujourd’hui. Les médiations redondantes, reconnaissance » (Ricœur, 2004) au cœur du régime de l’anonymat.
celles de la culture « commune » (médiatiques en général et publicitaires par tous à la mimesis reconstruite par l’analyse se joue le « parcours de la
en particulier), trouvent une place à côté d’autres formes plus rares, plus git une partie des rapports au quotidien. De la « ressemblance » évoquée
personnelles, parfois plus savantes et souvent plus réflexives, qui relèvent mon cas, par le film et la photographie –, n’en est pas moins celle qui ré-
plutôt des mondes de l’art. Les inclure dans l’analyse ne suppose pas une pour être celle du chercheur qui instrumente parfois son regard – c’est
description exhaustive, nécessairement vouée à l’échec, mais la recons- auxquelles ils ont donné et donnent encore lieu. Cette activité de tissage,
titution de ce qui passe d’un espace de pratiques à un autre. Dans cette évanescents, entre les corps observables in situ et les multiples figurations
optique, j’ai étudié entre autres un mythe emblématique des cultures Il est possible de tisser toutes sortes de liens, des plus évidents au plus
urbaines et associé à mon terrain des Halles : le style hip-hop et ses mul- vialité » (2008).
tiples vibrations. J’ai travaillé sur la circulation des attributs, des références d’accès particulier pour l’analyse de ce qu’Yves Jeanneret nomme la « tri-
vestimentaires et gestuelles, depuis le cercle des experts esthètes (le plus vêtements, attitudes, objets... De ce point de vue, elle constitue un mode
souvent des artistes associés « au mouvement » dès l’origine) jusqu’aux dans le télescopage ordinaire des modes de présentation de soi – gestes,
appropriations banalisées et moins savantes, liées à la massification cultu- tout particulièrement à étudier la circulation de références communes
relle du rap et au marketing qui l’accompagne. nomie singulière et l’insertion dans le groupe. La foule anonyme invite
L’enjeu d’une approche en termes de mimesis est bien de déplacer et démonstratif. Cela suppose de penser un certain équilibre entre l’auto-
la focale, depuis une conception trop extérieure, déterministe, ou trop comme des sortes de scènes physiques possédant un aspect représentatif
abstraite, vers une prise en compte des individualités qui ne les réduise
pas à la seule mise en œuvre de stratégies. La notion de mimesis invite à
interroger les modèles, éventuellement figuratifs, de l’action sociale, ce qui 77 Anne Jarrigeon
provoque une rupture dans la tradition d’approche du corps. Penser le

provoque une rupture dans la tradition d’approche du corps. Penser le


Anne Jarrigeon 77 interroger les modèles, éventuellement figuratifs, de l’action sociale, ce qui
pas à la seule mise en œuvre de stratégies. La notion de mimesis invite à
abstraite, vers une prise en compte des individualités qui ne les réduise
comme des sortes de scènes physiques possédant un aspect représentatif la focale, depuis une conception trop extérieure, déterministe, ou trop
et démonstratif. Cela suppose de penser un certain équilibre entre l’auto- L’enjeu d’une approche en termes de mimesis est bien de déplacer
nomie singulière et l’insertion dans le groupe. La foule anonyme invite relle du rap et au marketing qui l’accompagne.
tout particulièrement à étudier la circulation de références communes appropriations banalisées et moins savantes, liées à la massification cultu-
dans le télescopage ordinaire des modes de présentation de soi – gestes, souvent des artistes associés « au mouvement » dès l’origine) jusqu’aux
vêtements, attitudes, objets... De ce point de vue, elle constitue un mode vestimentaires et gestuelles, depuis le cercle des experts esthètes (le plus
d’accès particulier pour l’analyse de ce qu’Yves Jeanneret nomme la « tri- tiples vibrations. J’ai travaillé sur la circulation des attributs, des références
vialité » (2008). urbaines et associé à mon terrain des Halles : le style hip-hop et ses mul-
Il est possible de tisser toutes sortes de liens, des plus évidents au plus optique, j’ai étudié entre autres un mythe emblématique des cultures
évanescents, entre les corps observables in situ et les multiples figurations titution de ce qui passe d’un espace de pratiques à un autre. Dans cette
auxquelles ils ont donné et donnent encore lieu. Cette activité de tissage, description exhaustive, nécessairement vouée à l’échec, mais la recons-
pour être celle du chercheur qui instrumente parfois son regard – c’est plutôt des mondes de l’art. Les inclure dans l’analyse ne suppose pas une
mon cas, par le film et la photographie –, n’en est pas moins celle qui ré- personnelles, parfois plus savantes et souvent plus réflexives, qui relèvent
git une partie des rapports au quotidien. De la « ressemblance » évoquée en particulier), trouvent une place à côté d’autres formes plus rares, plus
par tous à la mimesis reconstruite par l’analyse se joue le « parcours de la celles de la culture « commune » (médiatiques en général et publicitaires
reconnaissance » (Ricœur, 2004) au cœur du régime de l’anonymat. des relations de corps à corps aujourd’hui. Les médiations redondantes,
Dans ma thèse, j’ai essayé de clarifier ce qui relève de la mise en dont la prise en compte permet de comprendre l’épaisseur historique
œuvre de codes comportementaux, gestuels, vestimentaires, et de leur contemporain. Les formes actuelles travaillent avec les formes anciennes
mode d’appréhension sur ces scènes urbaines spécifiques que sont les De multiples figurations entrent dans la constitution de notre imaginaire
espaces publics parisiens, tout en ne négligeant pas ce qui se joue dans l’histoire occidentale de la perception et de la représentation des corps.
d’autres dimensions de la perception comme la résurgence de certaines formes, souvent des « poses », qui inscrivent le corps à corps vivant dans
formes, souvent des « poses », qui inscrivent le corps à corps vivant dans d’autres dimensions de la perception comme la résurgence de certaines
l’histoire occidentale de la perception et de la représentation des corps. espaces publics parisiens, tout en ne négligeant pas ce qui se joue dans
De multiples figurations entrent dans la constitution de notre imaginaire mode d’appréhension sur ces scènes urbaines spécifiques que sont les
contemporain. Les formes actuelles travaillent avec les formes anciennes œuvre de codes comportementaux, gestuels, vestimentaires, et de leur
dont la prise en compte permet de comprendre l’épaisseur historique Dans ma thèse, j’ai essayé de clarifier ce qui relève de la mise en
des relations de corps à corps aujourd’hui. Les médiations redondantes, reconnaissance » (Ricœur, 2004) au cœur du régime de l’anonymat.
celles de la culture « commune » (médiatiques en général et publicitaires par tous à la mimesis reconstruite par l’analyse se joue le « parcours de la
en particulier), trouvent une place à côté d’autres formes plus rares, plus git une partie des rapports au quotidien. De la « ressemblance » évoquée
personnelles, parfois plus savantes et souvent plus réflexives, qui relèvent mon cas, par le film et la photographie –, n’en est pas moins celle qui ré-
plutôt des mondes de l’art. Les inclure dans l’analyse ne suppose pas une pour être celle du chercheur qui instrumente parfois son regard – c’est
description exhaustive, nécessairement vouée à l’échec, mais la recons- auxquelles ils ont donné et donnent encore lieu. Cette activité de tissage,
titution de ce qui passe d’un espace de pratiques à un autre. Dans cette évanescents, entre les corps observables in situ et les multiples figurations
optique, j’ai étudié entre autres un mythe emblématique des cultures Il est possible de tisser toutes sortes de liens, des plus évidents au plus
urbaines et associé à mon terrain des Halles : le style hip-hop et ses mul- vialité » (2008).
tiples vibrations. J’ai travaillé sur la circulation des attributs, des références d’accès particulier pour l’analyse de ce qu’Yves Jeanneret nomme la « tri-
vestimentaires et gestuelles, depuis le cercle des experts esthètes (le plus vêtements, attitudes, objets... De ce point de vue, elle constitue un mode
souvent des artistes associés « au mouvement » dès l’origine) jusqu’aux dans le télescopage ordinaire des modes de présentation de soi – gestes,
appropriations banalisées et moins savantes, liées à la massification cultu- tout particulièrement à étudier la circulation de références communes
relle du rap et au marketing qui l’accompagne. nomie singulière et l’insertion dans le groupe. La foule anonyme invite
L’enjeu d’une approche en termes de mimesis est bien de déplacer et démonstratif. Cela suppose de penser un certain équilibre entre l’auto-
la focale, depuis une conception trop extérieure, déterministe, ou trop comme des sortes de scènes physiques possédant un aspect représentatif
abstraite, vers une prise en compte des individualités qui ne les réduise
pas à la seule mise en œuvre de stratégies. La notion de mimesis invite à
interroger les modèles, éventuellement figuratifs, de l’action sociale, ce qui 77 Anne Jarrigeon
provoque une rupture dans la tradition d’approche du corps. Penser le
de l’autre comme alter ego. Mon travail propose une approche située, à
en œuvre d’une réflexivité radicale, au fondement d’une considération 78 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
dre en compte l’expérience d’autres sujets sociaux –, mais aussi la mise
un certain décentrement – nécessaire à l’empathie qui permet de pren-
des corps anonymes. Cela suppose de la part du chercheur non seulement corps dans les sociabilités ordinaires implique précisément d’analyser les
de la pluralité des pratiques interprétatives qui organisent la perception articulations subtiles, faites de reprises, d’imitations, d’inspirations, entre
duit à l’adoption d’une approche multifocale, attachée à rendre compte les corps vivants et les multiples figurations qui permettent de le saisir.
L’économie des regards à l’œuvre dans les situations d’anonymat con- Les rapports entre le vivant et le figuré sont loin d’être réductibles à une
coupure radicale, ce que l’expérience de l’urbain rappelle constamment.
PHOTOGRAPHIQUES La ville produit en effet de curieux mélanges de corps, elle organise la
LE CHERCHEUR ET SES DOUBLES : RÉFLEXIVITÉ ET EXPÉRIMENTATIONS coprésence des citadins et d’une multitude de représentations du corps
à toutes les échelles : sur les murs, les abribus, les kiosques à journaux, au
paraître. milieu des fontaines, le long des couloirs du métro, soutenant les étages
phénoménologique, de l’apparence comme modalité symbolique et du des bâtiments anciens, dans les vitrines de magasins, etc. J’ai réalisé plu-
les relations anonymes, ce qui relève de l’apparition comme événement sieurs séries photographiques saisissant ces ensembles corporels et jouant
sur le lisible » (Didi-Huberman, 1990, p. 25) permet de distinguer, dans avec les ressemblances vestimentaires ou gestuelles jusqu’à semer une
pressions et surimpressions visuelles. Le refus d’une « fermeture du visible forme de confusion perceptive entre les corps vivants et les corps figurés
regard et ce qui lui échappe, entre le visible et l’invisible, entre les im- (2005).
dément le corps à corps urbain  : les écarts entre ce qui est soumis au Il s’est finalement agi pour moi de comprendre les conditions dans
bien plus les « entrelacs » (Merleau-Ponty, 1964) qui travaillent profon- lesquelles s’instaure la lisibilité des corps dans la ville. L’intelligibilité des
soumis que de façon superficielle à des processus de décodage. Ce sont apparences et les codes qui la construisent se situent en effet dans le
se joue profondément l’expérience de l’urbain. Le voir / être-vu n’est champ de la pratique interprétative quotidienne et s’articulent avec les
lisible », selon l’expression de Georges Didi-Huberman (1990, p. 10), que expériences visuelles plus généralement proposées par la ville. La sur-
monde au-delà des visibilités. Car c’est bien en dehors de la « tyrannie du face des lisibilités, qui sert de support à toute une sémiotique spontanée,
visible qui offre une perspective phénoménologique sur le rapport au fournit un socle reconnaissable, rassurant même, à une autre approche du
fournit un socle reconnaissable, rassurant même, à une autre approche du visible qui offre une perspective phénoménologique sur le rapport au
face des lisibilités, qui sert de support à toute une sémiotique spontanée, monde au-delà des visibilités. Car c’est bien en dehors de la « tyrannie du
expériences visuelles plus généralement proposées par la ville. La sur- lisible », selon l’expression de Georges Didi-Huberman (1990, p. 10), que
champ de la pratique interprétative quotidienne et s’articulent avec les se joue profondément l’expérience de l’urbain. Le voir / être-vu n’est
apparences et les codes qui la construisent se situent en effet dans le soumis que de façon superficielle à des processus de décodage. Ce sont
lesquelles s’instaure la lisibilité des corps dans la ville. L’intelligibilité des bien plus les « entrelacs » (Merleau-Ponty, 1964) qui travaillent profon-
Il s’est finalement agi pour moi de comprendre les conditions dans dément le corps à corps urbain  : les écarts entre ce qui est soumis au
(2005). regard et ce qui lui échappe, entre le visible et l’invisible, entre les im-
forme de confusion perceptive entre les corps vivants et les corps figurés pressions et surimpressions visuelles. Le refus d’une « fermeture du visible
avec les ressemblances vestimentaires ou gestuelles jusqu’à semer une sur le lisible » (Didi-Huberman, 1990, p. 25) permet de distinguer, dans
sieurs séries photographiques saisissant ces ensembles corporels et jouant les relations anonymes, ce qui relève de l’apparition comme événement
des bâtiments anciens, dans les vitrines de magasins, etc. J’ai réalisé plu- phénoménologique, de l’apparence comme modalité symbolique et du
milieu des fontaines, le long des couloirs du métro, soutenant les étages paraître.
à toutes les échelles : sur les murs, les abribus, les kiosques à journaux, au
coprésence des citadins et d’une multitude de représentations du corps LE CHERCHEUR ET SES DOUBLES : RÉFLEXIVITÉ ET EXPÉRIMENTATIONS
La ville produit en effet de curieux mélanges de corps, elle organise la PHOTOGRAPHIQUES
coupure radicale, ce que l’expérience de l’urbain rappelle constamment.
Les rapports entre le vivant et le figuré sont loin d’être réductibles à une L’économie des regards à l’œuvre dans les situations d’anonymat con-
les corps vivants et les multiples figurations qui permettent de le saisir. duit à l’adoption d’une approche multifocale, attachée à rendre compte
articulations subtiles, faites de reprises, d’imitations, d’inspirations, entre de la pluralité des pratiques interprétatives qui organisent la perception
corps dans les sociabilités ordinaires implique précisément d’analyser les des corps anonymes. Cela suppose de la part du chercheur non seulement
un certain décentrement – nécessaire à l’empathie qui permet de pren-
dre en compte l’expérience d’autres sujets sociaux –, mais aussi la mise
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 78 en œuvre d’une réflexivité radicale, au fondement d’une considération
de l’autre comme alter ego. Mon travail propose une approche située, à

de l’autre comme alter ego. Mon travail propose une approche située, à
en œuvre d’une réflexivité radicale, au fondement d’une considération 78 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
dre en compte l’expérience d’autres sujets sociaux –, mais aussi la mise
un certain décentrement – nécessaire à l’empathie qui permet de pren-
des corps anonymes. Cela suppose de la part du chercheur non seulement corps dans les sociabilités ordinaires implique précisément d’analyser les
de la pluralité des pratiques interprétatives qui organisent la perception articulations subtiles, faites de reprises, d’imitations, d’inspirations, entre
duit à l’adoption d’une approche multifocale, attachée à rendre compte les corps vivants et les multiples figurations qui permettent de le saisir.
L’économie des regards à l’œuvre dans les situations d’anonymat con- Les rapports entre le vivant et le figuré sont loin d’être réductibles à une
coupure radicale, ce que l’expérience de l’urbain rappelle constamment.
PHOTOGRAPHIQUES La ville produit en effet de curieux mélanges de corps, elle organise la
LE CHERCHEUR ET SES DOUBLES : RÉFLEXIVITÉ ET EXPÉRIMENTATIONS coprésence des citadins et d’une multitude de représentations du corps
à toutes les échelles : sur les murs, les abribus, les kiosques à journaux, au
paraître. milieu des fontaines, le long des couloirs du métro, soutenant les étages
phénoménologique, de l’apparence comme modalité symbolique et du des bâtiments anciens, dans les vitrines de magasins, etc. J’ai réalisé plu-
les relations anonymes, ce qui relève de l’apparition comme événement sieurs séries photographiques saisissant ces ensembles corporels et jouant
sur le lisible » (Didi-Huberman, 1990, p. 25) permet de distinguer, dans avec les ressemblances vestimentaires ou gestuelles jusqu’à semer une
pressions et surimpressions visuelles. Le refus d’une « fermeture du visible forme de confusion perceptive entre les corps vivants et les corps figurés
regard et ce qui lui échappe, entre le visible et l’invisible, entre les im- (2005).
dément le corps à corps urbain  : les écarts entre ce qui est soumis au Il s’est finalement agi pour moi de comprendre les conditions dans
bien plus les « entrelacs » (Merleau-Ponty, 1964) qui travaillent profon- lesquelles s’instaure la lisibilité des corps dans la ville. L’intelligibilité des
soumis que de façon superficielle à des processus de décodage. Ce sont apparences et les codes qui la construisent se situent en effet dans le
se joue profondément l’expérience de l’urbain. Le voir / être-vu n’est champ de la pratique interprétative quotidienne et s’articulent avec les
lisible », selon l’expression de Georges Didi-Huberman (1990, p. 10), que expériences visuelles plus généralement proposées par la ville. La sur-
monde au-delà des visibilités. Car c’est bien en dehors de la « tyrannie du face des lisibilités, qui sert de support à toute une sémiotique spontanée,
visible qui offre une perspective phénoménologique sur le rapport au fournit un socle reconnaissable, rassurant même, à une autre approche du
fournit un socle reconnaissable, rassurant même, à une autre approche du visible qui offre une perspective phénoménologique sur le rapport au
face des lisibilités, qui sert de support à toute une sémiotique spontanée, monde au-delà des visibilités. Car c’est bien en dehors de la « tyrannie du
expériences visuelles plus généralement proposées par la ville. La sur- lisible », selon l’expression de Georges Didi-Huberman (1990, p. 10), que
champ de la pratique interprétative quotidienne et s’articulent avec les se joue profondément l’expérience de l’urbain. Le voir / être-vu n’est
apparences et les codes qui la construisent se situent en effet dans le soumis que de façon superficielle à des processus de décodage. Ce sont
lesquelles s’instaure la lisibilité des corps dans la ville. L’intelligibilité des bien plus les « entrelacs » (Merleau-Ponty, 1964) qui travaillent profon-
Il s’est finalement agi pour moi de comprendre les conditions dans dément le corps à corps urbain  : les écarts entre ce qui est soumis au
(2005). regard et ce qui lui échappe, entre le visible et l’invisible, entre les im-
forme de confusion perceptive entre les corps vivants et les corps figurés pressions et surimpressions visuelles. Le refus d’une « fermeture du visible
avec les ressemblances vestimentaires ou gestuelles jusqu’à semer une sur le lisible » (Didi-Huberman, 1990, p. 25) permet de distinguer, dans
sieurs séries photographiques saisissant ces ensembles corporels et jouant les relations anonymes, ce qui relève de l’apparition comme événement
des bâtiments anciens, dans les vitrines de magasins, etc. J’ai réalisé plu- phénoménologique, de l’apparence comme modalité symbolique et du
milieu des fontaines, le long des couloirs du métro, soutenant les étages paraître.
à toutes les échelles : sur les murs, les abribus, les kiosques à journaux, au
coprésence des citadins et d’une multitude de représentations du corps LE CHERCHEUR ET SES DOUBLES : RÉFLEXIVITÉ ET EXPÉRIMENTATIONS
La ville produit en effet de curieux mélanges de corps, elle organise la PHOTOGRAPHIQUES
coupure radicale, ce que l’expérience de l’urbain rappelle constamment.
Les rapports entre le vivant et le figuré sont loin d’être réductibles à une L’économie des regards à l’œuvre dans les situations d’anonymat con-
les corps vivants et les multiples figurations qui permettent de le saisir. duit à l’adoption d’une approche multifocale, attachée à rendre compte
articulations subtiles, faites de reprises, d’imitations, d’inspirations, entre de la pluralité des pratiques interprétatives qui organisent la perception
corps dans les sociabilités ordinaires implique précisément d’analyser les des corps anonymes. Cela suppose de la part du chercheur non seulement
un certain décentrement – nécessaire à l’empathie qui permet de pren-
dre en compte l’expérience d’autres sujets sociaux –, mais aussi la mise
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 78 en œuvre d’une réflexivité radicale, au fondement d’une considération
de l’autre comme alter ego. Mon travail propose une approche située, à
être celle de mon objet, n’en est pas moins constitutive de ma propre
Anne Jarrigeon 79 interprétations triviales dessine l’espace d’une intersémioticité qui, pour
de son énonciation. La circulation des signes auxquels s’accrochent les
peut faire l’économie de sa propre poéticité, c’est-à-dire de la matérialité
partir de ma propre posture et de ce qu’elle me permettait d’expérimen- poétique dans laquelle ma pratique photographique trouve sa place ne
ter de l’anonymat comme expérience collective et individuelle. Nourrie par un intérêt pour la plasticité du monde, l’anthropologie
L’analyse des modalités concrètes de production de l’anonymat par fragilité de la présence dans l’espace public.
certains individus multipliant les « stigmates » et celle des effets de ma même servait l’analyse en catalysant la réflexion sur la légitimité et la
propre présence de jeune femme dans les interactions anonymes, m’ont des interactions visuelles qui m’intéressaient. L’acte photographique lui-
permis de mettre au jour certaines spécificités des performativités en jeu. Dans mon travail sur l’anonymat, faire des images me situait au cœur
Par exemple, les conceptions neutralisantes des interactions dans les espa- d’un usage plus attendu de la photographie documentaire scientifique.
ces publics urbains ne résistent pas à une analyse des rapports sociaux de situations urbaines sur le mode de l’enregistrement mécanique, à rebours
sexe qui s’y déroulent. La ville présente en effet des scènes d’exposition exploitation réflexive. Il ne s’agit jamais pour moi de documenter les
dans lesquelles les femmes, surtout si elles sont jeunes, ont beaucoup à Ma pratique du film et de la photographie se situe très souvent dans cette
faire pour se produire comme des présences légitimes (Jarrigeon, 2009). plus conjoncturelle, provoquée par mon statut apparent de photographe.
Elles expérimentent quotidiennement l’impossible « réversibilité » des rain : celle, proprement corporelle, liée à ma condition féminine et celle,
perspectives et des « observabilités » qui sont pourtant érigées en principe composite, tirée entre deux formes d’implications subjectives sur le ter-
de fonctionnement des espaces publics. Elles font l’objet d’une hyper- Cet usage expérimental de la photographie a nourri une réflexivité
exposition aux regards, masculins comme féminins, et sont soumises à visibilités qui instituent le corps comme objet visuel.
une discipline du corps particulièrement contraignante ainsi qu’à un voir / être-vu et en me soustrayant ainsi momentanément au régime des
contrôle de leurs propres manières de regarder. Cette approche genrée me produisant moi-même comme un œil au cœur de la dynamique du
de la production de soi dans des espaces traditionnellement pensés à avec un appareil photo et une caméra. J’ai pu redéfinir les situations en
partir de leur accessibilité de principe a été d’autant plus intéressante à soumises les jeunes femmes, lorsque j’ai commencé à parcourir la ville
conduire qu’elle s’avérait relativement peu explorée, alors même que les d’échapper un peu à cette assignation à être regardée à laquelle sont
murs des villes rappellent quotidiennement la construction des regards par une figuration obsessionnelle des corps féminins. Il m’a été permis
par une figuration obsessionnelle des corps féminins. Il m’a été permis murs des villes rappellent quotidiennement la construction des regards
d’échapper un peu à cette assignation à être regardée à laquelle sont conduire qu’elle s’avérait relativement peu explorée, alors même que les
soumises les jeunes femmes, lorsque j’ai commencé à parcourir la ville partir de leur accessibilité de principe a été d’autant plus intéressante à
avec un appareil photo et une caméra. J’ai pu redéfinir les situations en de la production de soi dans des espaces traditionnellement pensés à
me produisant moi-même comme un œil au cœur de la dynamique du contrôle de leurs propres manières de regarder. Cette approche genrée
voir / être-vu et en me soustrayant ainsi momentanément au régime des une discipline du corps particulièrement contraignante ainsi qu’à un
visibilités qui instituent le corps comme objet visuel. exposition aux regards, masculins comme féminins, et sont soumises à
Cet usage expérimental de la photographie a nourri une réflexivité de fonctionnement des espaces publics. Elles font l’objet d’une hyper-
composite, tirée entre deux formes d’implications subjectives sur le ter- perspectives et des « observabilités » qui sont pourtant érigées en principe
rain : celle, proprement corporelle, liée à ma condition féminine et celle, Elles expérimentent quotidiennement l’impossible « réversibilité » des
plus conjoncturelle, provoquée par mon statut apparent de photographe. faire pour se produire comme des présences légitimes (Jarrigeon, 2009).
Ma pratique du film et de la photographie se situe très souvent dans cette dans lesquelles les femmes, surtout si elles sont jeunes, ont beaucoup à
exploitation réflexive. Il ne s’agit jamais pour moi de documenter les sexe qui s’y déroulent. La ville présente en effet des scènes d’exposition
situations urbaines sur le mode de l’enregistrement mécanique, à rebours ces publics urbains ne résistent pas à une analyse des rapports sociaux de
d’un usage plus attendu de la photographie documentaire scientifique. Par exemple, les conceptions neutralisantes des interactions dans les espa-
Dans mon travail sur l’anonymat, faire des images me situait au cœur permis de mettre au jour certaines spécificités des performativités en jeu.
des interactions visuelles qui m’intéressaient. L’acte photographique lui- propre présence de jeune femme dans les interactions anonymes, m’ont
même servait l’analyse en catalysant la réflexion sur la légitimité et la certains individus multipliant les « stigmates » et celle des effets de ma
fragilité de la présence dans l’espace public. L’analyse des modalités concrètes de production de l’anonymat par
Nourrie par un intérêt pour la plasticité du monde, l’anthropologie ter de l’anonymat comme expérience collective et individuelle.
poétique dans laquelle ma pratique photographique trouve sa place ne partir de ma propre posture et de ce qu’elle me permettait d’expérimen-
peut faire l’économie de sa propre poéticité, c’est-à-dire de la matérialité
de son énonciation. La circulation des signes auxquels s’accrochent les
interprétations triviales dessine l’espace d’une intersémioticité qui, pour 79 Anne Jarrigeon
être celle de mon objet, n’en est pas moins constitutive de ma propre

être celle de mon objet, n’en est pas moins constitutive de ma propre
Anne Jarrigeon 79 interprétations triviales dessine l’espace d’une intersémioticité qui, pour
de son énonciation. La circulation des signes auxquels s’accrochent les
peut faire l’économie de sa propre poéticité, c’est-à-dire de la matérialité
partir de ma propre posture et de ce qu’elle me permettait d’expérimen- poétique dans laquelle ma pratique photographique trouve sa place ne
ter de l’anonymat comme expérience collective et individuelle. Nourrie par un intérêt pour la plasticité du monde, l’anthropologie
L’analyse des modalités concrètes de production de l’anonymat par fragilité de la présence dans l’espace public.
certains individus multipliant les « stigmates » et celle des effets de ma même servait l’analyse en catalysant la réflexion sur la légitimité et la
propre présence de jeune femme dans les interactions anonymes, m’ont des interactions visuelles qui m’intéressaient. L’acte photographique lui-
permis de mettre au jour certaines spécificités des performativités en jeu. Dans mon travail sur l’anonymat, faire des images me situait au cœur
Par exemple, les conceptions neutralisantes des interactions dans les espa- d’un usage plus attendu de la photographie documentaire scientifique.
ces publics urbains ne résistent pas à une analyse des rapports sociaux de situations urbaines sur le mode de l’enregistrement mécanique, à rebours
sexe qui s’y déroulent. La ville présente en effet des scènes d’exposition exploitation réflexive. Il ne s’agit jamais pour moi de documenter les
dans lesquelles les femmes, surtout si elles sont jeunes, ont beaucoup à Ma pratique du film et de la photographie se situe très souvent dans cette
faire pour se produire comme des présences légitimes (Jarrigeon, 2009). plus conjoncturelle, provoquée par mon statut apparent de photographe.
Elles expérimentent quotidiennement l’impossible « réversibilité » des rain : celle, proprement corporelle, liée à ma condition féminine et celle,
perspectives et des « observabilités » qui sont pourtant érigées en principe composite, tirée entre deux formes d’implications subjectives sur le ter-
de fonctionnement des espaces publics. Elles font l’objet d’une hyper- Cet usage expérimental de la photographie a nourri une réflexivité
exposition aux regards, masculins comme féminins, et sont soumises à visibilités qui instituent le corps comme objet visuel.
une discipline du corps particulièrement contraignante ainsi qu’à un voir / être-vu et en me soustrayant ainsi momentanément au régime des
contrôle de leurs propres manières de regarder. Cette approche genrée me produisant moi-même comme un œil au cœur de la dynamique du
de la production de soi dans des espaces traditionnellement pensés à avec un appareil photo et une caméra. J’ai pu redéfinir les situations en
partir de leur accessibilité de principe a été d’autant plus intéressante à soumises les jeunes femmes, lorsque j’ai commencé à parcourir la ville
conduire qu’elle s’avérait relativement peu explorée, alors même que les d’échapper un peu à cette assignation à être regardée à laquelle sont
murs des villes rappellent quotidiennement la construction des regards par une figuration obsessionnelle des corps féminins. Il m’a été permis
par une figuration obsessionnelle des corps féminins. Il m’a été permis murs des villes rappellent quotidiennement la construction des regards
d’échapper un peu à cette assignation à être regardée à laquelle sont conduire qu’elle s’avérait relativement peu explorée, alors même que les
soumises les jeunes femmes, lorsque j’ai commencé à parcourir la ville partir de leur accessibilité de principe a été d’autant plus intéressante à
avec un appareil photo et une caméra. J’ai pu redéfinir les situations en de la production de soi dans des espaces traditionnellement pensés à
me produisant moi-même comme un œil au cœur de la dynamique du contrôle de leurs propres manières de regarder. Cette approche genrée
voir / être-vu et en me soustrayant ainsi momentanément au régime des une discipline du corps particulièrement contraignante ainsi qu’à un
visibilités qui instituent le corps comme objet visuel. exposition aux regards, masculins comme féminins, et sont soumises à
Cet usage expérimental de la photographie a nourri une réflexivité de fonctionnement des espaces publics. Elles font l’objet d’une hyper-
composite, tirée entre deux formes d’implications subjectives sur le ter- perspectives et des « observabilités » qui sont pourtant érigées en principe
rain : celle, proprement corporelle, liée à ma condition féminine et celle, Elles expérimentent quotidiennement l’impossible « réversibilité » des
plus conjoncturelle, provoquée par mon statut apparent de photographe. faire pour se produire comme des présences légitimes (Jarrigeon, 2009).
Ma pratique du film et de la photographie se situe très souvent dans cette dans lesquelles les femmes, surtout si elles sont jeunes, ont beaucoup à
exploitation réflexive. Il ne s’agit jamais pour moi de documenter les sexe qui s’y déroulent. La ville présente en effet des scènes d’exposition
situations urbaines sur le mode de l’enregistrement mécanique, à rebours ces publics urbains ne résistent pas à une analyse des rapports sociaux de
d’un usage plus attendu de la photographie documentaire scientifique. Par exemple, les conceptions neutralisantes des interactions dans les espa-
Dans mon travail sur l’anonymat, faire des images me situait au cœur permis de mettre au jour certaines spécificités des performativités en jeu.
des interactions visuelles qui m’intéressaient. L’acte photographique lui- propre présence de jeune femme dans les interactions anonymes, m’ont
même servait l’analyse en catalysant la réflexion sur la légitimité et la certains individus multipliant les « stigmates » et celle des effets de ma
fragilité de la présence dans l’espace public. L’analyse des modalités concrètes de production de l’anonymat par
Nourrie par un intérêt pour la plasticité du monde, l’anthropologie ter de l’anonymat comme expérience collective et individuelle.
poétique dans laquelle ma pratique photographique trouve sa place ne partir de ma propre posture et de ce qu’elle me permettait d’expérimen-
peut faire l’économie de sa propre poéticité, c’est-à-dire de la matérialité
de son énonciation. La circulation des signes auxquels s’accrochent les
interprétations triviales dessine l’espace d’une intersémioticité qui, pour 79 Anne Jarrigeon
être celle de mon objet, n’en est pas moins constitutive de ma propre
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58, « Espaces publics en ville », p. 7-16. intertextualité scientifique et littéraire, et l’image qui s’inscrit dans un
sensibles : le regard sur la ville », Annales de la recherche urbaine, no 57- système plus ou moins contrôlé de références formelles.
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Quaderni, no 18, p. 63-73. pressivité du corps le plus souvent soumis à des procédures de décodage
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France, 1976-1977, Paris, Seuil. proche intermédiatique sensible et volontiers expérimentale. Les compo-
de quelques espaces quotidiens. Notes de cours et de séminaires au Collège de santes de l’anthropologie poétique ainsi dessinée sont hétérogènes. L’urbain,
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Abel Olivier (2001), « Petite éthique de l’anonymat et de la renommée », dans Figures de l’anonymat : médias et société, Frédéric Lambert (dir.),
Paris, L’Harmattan, p. 263-280.
Bibliographie Agamben Giorgio (1990), La Communauté qui vient : théorie de la singularité
quelconque, Marilène Raiola (trad.), Paris, Seuil.
tous deux travaillés par la question du sensible et du rapport à l’autre. Augoyard Jean-François (1979), Pas à pas : essai sur le cheminement quotidien
Par bien des aspects, les considérations esthétiques confinent au politique, en milieu urbain, Paris, Seuil.
culation sociale des savoirs et des catégories perceptives qui l’instituent. Arendt Hannah (1958, 1993), La Condition de l’homme moderne, Georges
fois à la matérialité des dispositifs et des espaces, aux imaginaires, à la cir- Fradier (trad.), Paris, Press Pocket.
le corps et le regard s’y rencontrent de façon dynamique. Je m’attache à la Barthes Roland (2002), Comment vivre ensemble : simulations romanesques
santes de l’anthropologie poétique ainsi dessinée sont hétérogènes. L’urbain, de quelques espaces quotidiens. Notes de cours et de séminaires au Collège de
proche intermédiatique sensible et volontiers expérimentale. Les compo- France, 1976-1977, Paris, Seuil.
systématique, mon travail sur l’anonymat m’a conduit à élaborer une ap- Chanial Philippe (1992), « L’espace public entre idéologie et métaphore »,
pressivité du corps le plus souvent soumis à des procédures de décodage Quaderni, no 18, p. 63-73.
les conceptions des espaces publics urbains et sur les approches de l’ex- Certeau Michel de (1980), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris,
dans des cadres matériels actifs. Parti d’un double regard critique porté sur Union générale d’éditions.
à rendre compte du tissage des regards et des modes d’exposition du corps Charaudeau Patrick & Mainguenau Dominique (dir.) (2002), Diction-
ble polyphonie des apparences implique bel et bien une démarche attachée naire d’analyse du discours, Paris, Seuil.
L’entrecroisement des savoirs à l’œuvre dans ce qui relève d’une vérita- Chelkoff Grégoire & Thibaud Jean-Paul (1992), « L’espace public, modes
système plus ou moins contrôlé de références formelles. sensibles : le regard sur la ville », Annales de la recherche urbaine, no 57-
intertextualité scientifique et littéraire, et l’image qui s’inscrit dans un 58, « Espaces publics en ville », p. 7-16.
écriture, entre le texte (pris dans un sens classique) qui met en jeu une Cosnier Jacques (2001), « L’éthologie des espaces publics », dans L’Espace
urbain en méthodes, Michèle Grosjean & Jean-Paul Thibaud  (dir.),
Marseille, Éditions Parenthèses, p. 13-28.
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 80 Didi-Huberman Georges (1990), Devant l’image : question posée aux fins
d’une histoire de l’art, Paris, Éditions de Minuit.

d’une histoire de l’art, Paris, Éditions de Minuit.


Didi-Huberman Georges (1990), Devant l’image : question posée aux fins 80 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
Marseille, Éditions Parenthèses, p. 13-28.
urbain en méthodes, Michèle Grosjean & Jean-Paul Thibaud  (dir.),
Cosnier Jacques (2001), « L’éthologie des espaces publics », dans L’Espace écriture, entre le texte (pris dans un sens classique) qui met en jeu une
58, « Espaces publics en ville », p. 7-16. intertextualité scientifique et littéraire, et l’image qui s’inscrit dans un
sensibles : le regard sur la ville », Annales de la recherche urbaine, no 57- système plus ou moins contrôlé de références formelles.
Chelkoff Grégoire & Thibaud Jean-Paul (1992), « L’espace public, modes L’entrecroisement des savoirs à l’œuvre dans ce qui relève d’une vérita-
naire d’analyse du discours, Paris, Seuil. ble polyphonie des apparences implique bel et bien une démarche attachée
Charaudeau Patrick & Mainguenau Dominique (dir.) (2002), Diction- à rendre compte du tissage des regards et des modes d’exposition du corps
Union générale d’éditions. dans des cadres matériels actifs. Parti d’un double regard critique porté sur
Certeau Michel de (1980), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris, les conceptions des espaces publics urbains et sur les approches de l’ex-
Quaderni, no 18, p. 63-73. pressivité du corps le plus souvent soumis à des procédures de décodage
Chanial Philippe (1992), « L’espace public entre idéologie et métaphore », systématique, mon travail sur l’anonymat m’a conduit à élaborer une ap-
France, 1976-1977, Paris, Seuil. proche intermédiatique sensible et volontiers expérimentale. Les compo-
de quelques espaces quotidiens. Notes de cours et de séminaires au Collège de santes de l’anthropologie poétique ainsi dessinée sont hétérogènes. L’urbain,
Barthes Roland (2002), Comment vivre ensemble : simulations romanesques le corps et le regard s’y rencontrent de façon dynamique. Je m’attache à la
Fradier (trad.), Paris, Press Pocket. fois à la matérialité des dispositifs et des espaces, aux imaginaires, à la cir-
Arendt Hannah (1958, 1993), La Condition de l’homme moderne, Georges culation sociale des savoirs et des catégories perceptives qui l’instituent.
en milieu urbain, Paris, Seuil. Par bien des aspects, les considérations esthétiques confinent au politique,
Augoyard Jean-François (1979), Pas à pas : essai sur le cheminement quotidien tous deux travaillés par la question du sensible et du rapport à l’autre.
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Agamben Giorgio (1990), La Communauté qui vient : théorie de la singularité Bibliographie
Paris, L’Harmattan, p. 263-280.
dans Figures de l’anonymat : médias et société, Frédéric Lambert (dir.), Abel Olivier (2001), « Petite éthique de l’anonymat et de la renommée »,
Abel Olivier (2001), « Petite éthique de l’anonymat et de la renommée », dans Figures de l’anonymat : médias et société, Frédéric Lambert (dir.),
Paris, L’Harmattan, p. 263-280.
Bibliographie Agamben Giorgio (1990), La Communauté qui vient : théorie de la singularité
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tous deux travaillés par la question du sensible et du rapport à l’autre. Augoyard Jean-François (1979), Pas à pas : essai sur le cheminement quotidien
Par bien des aspects, les considérations esthétiques confinent au politique, en milieu urbain, Paris, Seuil.
culation sociale des savoirs et des catégories perceptives qui l’instituent. Arendt Hannah (1958, 1993), La Condition de l’homme moderne, Georges
fois à la matérialité des dispositifs et des espaces, aux imaginaires, à la cir- Fradier (trad.), Paris, Press Pocket.
le corps et le regard s’y rencontrent de façon dynamique. Je m’attache à la Barthes Roland (2002), Comment vivre ensemble : simulations romanesques
santes de l’anthropologie poétique ainsi dessinée sont hétérogènes. L’urbain, de quelques espaces quotidiens. Notes de cours et de séminaires au Collège de
proche intermédiatique sensible et volontiers expérimentale. Les compo- France, 1976-1977, Paris, Seuil.
systématique, mon travail sur l’anonymat m’a conduit à élaborer une ap- Chanial Philippe (1992), « L’espace public entre idéologie et métaphore »,
pressivité du corps le plus souvent soumis à des procédures de décodage Quaderni, no 18, p. 63-73.
les conceptions des espaces publics urbains et sur les approches de l’ex- Certeau Michel de (1980), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris,
dans des cadres matériels actifs. Parti d’un double regard critique porté sur Union générale d’éditions.
à rendre compte du tissage des regards et des modes d’exposition du corps Charaudeau Patrick & Mainguenau Dominique (dir.) (2002), Diction-
ble polyphonie des apparences implique bel et bien une démarche attachée naire d’analyse du discours, Paris, Seuil.
L’entrecroisement des savoirs à l’œuvre dans ce qui relève d’une vérita- Chelkoff Grégoire & Thibaud Jean-Paul (1992), « L’espace public, modes
système plus ou moins contrôlé de références formelles. sensibles : le regard sur la ville », Annales de la recherche urbaine, no 57-
intertextualité scientifique et littéraire, et l’image qui s’inscrit dans un 58, « Espaces publics en ville », p. 7-16.
écriture, entre le texte (pris dans un sens classique) qui met en jeu une Cosnier Jacques (2001), « L’éthologie des espaces publics », dans L’Espace
urbain en méthodes, Michèle Grosjean & Jean-Paul Thibaud  (dir.),
Marseille, Éditions Parenthèses, p. 13-28.
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 80 Didi-Huberman Georges (1990), Devant l’image : question posée aux fins
d’une histoire de l’art, Paris, Éditions de Minuit.
& José-Frédéric Deroubaix (dir.), Paris, L’Œil d’or, p. 105-117.
Anne Jarrigeon 81 zons urbains : savoirs, imaginaires, usages et conflits, Frédéric de Coninck
architecturale à l’appropriation sociale », dans Transformation des hori-
— (2012 a), « Beaubourg, les Halles, la Villette. De la programmation
Fontanille Jacques (2006) (dir.), Pratiques sémiotiques : immanence et perti- contemporaines, p. 85-98.
nence, efficience et optimisation, Limoges, Presses universitaires de Limoges. ambiances urbaines, Rachel Thomas (dir.), Paris, Éditions des Archives
Foucault Michel (1975), Surveiller et punir, Paris, Gallimard. rences », dans Marcher en ville : faire corps, prendre corps, donner corps aux
Gans Herbert J. (1962), The Urban Village, New York, Free Press. — (2010), « Des corps piétonniers. L’anonymat ou le jeu des appa-
Goffman Erving (1953, 1974), Les Rites d’interaction, Alain Kihm (trad.), l’épreuve du genre », Urbanisme, no 365, « Fabriquer la ville », p. 85-88.
Paris, Éditions de Minuit. — (2009), « Les passantes considérables. Les espaces publics urbains à
— (1959, 1973), La Mise en scène de la vie quotidienne, 2. Les relations en Éditions du Centre Pompidou, p. 444-445.
public, Alain Kihm (trad.), Paris, Éditions de Minuit. Centre Pompidou, trente ans d’histoire, Bernadette Dufrêne (dir.), Paris,
—  (1963, 1975), Stigmates  : les usages sociaux des handicaps, Alain —  (2007 b), « La piazza Beaubourg ou l’urbanité orchestrée », dans
Kihm (trad.), Paris, Éditions de Minuit. communication, soutenue au CELSA, Université Paris IV Sorbonne.
Gebauer Gunter & Wulf Christoph (1998, 2004), Jeux, rituels, gestes  : nymat parisien, thèse de doctorat de sciences de l’information et de la
les fondements mimétiques de l’action sociale, Cécile Roger (trad.), Paris, — (2007 a), Corps à corps urbains.Vers une anthropologie poétique de l’ano-
Anthropos. information, no 21, « Espace, corps, circulation », p. 189-199.
Habermas Jürgen (1962, 1993), Espace public : archéologie de la publicité comme —  (2005), « Vers une poétique de l’anonymat urbain », Médiation et
dimension constitutive de la société bourgeoise, Marc de  Launay  (trad.), de la SFSIC, p. 205-211.
Paris, Payot. des sciences de l’information et de la communication, Paris, Éditions
Hall Edward T. (1966, 1971), La Dimension cachée, Amélie Petita (trad.), cultures, acteurs, organisations, machines, actes du XIVe congrès national
Paris, Seuil. les espaces publics parisiens », dans Questionner l’internationalisation  :
Hannerz Ulf (1980, 1996), Explorer la ville : éléments d’anthropologie urbaine, Jarrigeon Anne (2004), « Partage d’identités ? Anonymat et ethnicité dans
Isaac Joseph (trad.), Paris, Éditions de Minuit. « Le sens des regards », p. 147-169.
Haroche Claudine (2004), « Façons de voir, manières de regarder dans les sociétés démocratiques contemporaines », Communications, no 75,
les sociétés démocratiques contemporaines », Communications, no 75, Haroche Claudine (2004), « Façons de voir, manières de regarder dans
« Le sens des regards », p. 147-169. Isaac Joseph (trad.), Paris, Éditions de Minuit.
Jarrigeon Anne (2004), « Partage d’identités ? Anonymat et ethnicité dans Hannerz Ulf (1980, 1996), Explorer la ville : éléments d’anthropologie urbaine,
les espaces publics parisiens », dans Questionner l’internationalisation  : Paris, Seuil.
cultures, acteurs, organisations, machines, actes du XIVe congrès national Hall Edward T. (1966, 1971), La Dimension cachée, Amélie Petita (trad.),
des sciences de l’information et de la communication, Paris, Éditions Paris, Payot.
de la SFSIC, p. 205-211. dimension constitutive de la société bourgeoise, Marc de  Launay  (trad.),
—  (2005), « Vers une poétique de l’anonymat urbain », Médiation et Habermas Jürgen (1962, 1993), Espace public : archéologie de la publicité comme
information, no 21, « Espace, corps, circulation », p. 189-199. Anthropos.
— (2007 a), Corps à corps urbains.Vers une anthropologie poétique de l’ano- les fondements mimétiques de l’action sociale, Cécile Roger (trad.), Paris,
nymat parisien, thèse de doctorat de sciences de l’information et de la Gebauer Gunter & Wulf Christoph (1998, 2004), Jeux, rituels, gestes  :
communication, soutenue au CELSA, Université Paris IV Sorbonne. Kihm (trad.), Paris, Éditions de Minuit.
—  (2007 b), « La piazza Beaubourg ou l’urbanité orchestrée », dans —  (1963, 1975), Stigmates  : les usages sociaux des handicaps, Alain
Centre Pompidou, trente ans d’histoire, Bernadette Dufrêne (dir.), Paris, public, Alain Kihm (trad.), Paris, Éditions de Minuit.
Éditions du Centre Pompidou, p. 444-445. — (1959, 1973), La Mise en scène de la vie quotidienne, 2. Les relations en
— (2009), « Les passantes considérables. Les espaces publics urbains à Paris, Éditions de Minuit.
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— (2010), « Des corps piétonniers. L’anonymat ou le jeu des appa- Gans Herbert J. (1962), The Urban Village, New York, Free Press.
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zons urbains : savoirs, imaginaires, usages et conflits, Frédéric de Coninck 81 Anne Jarrigeon
& José-Frédéric Deroubaix (dir.), Paris, L’Œil d’or, p. 105-117.

& José-Frédéric Deroubaix (dir.), Paris, L’Œil d’or, p. 105-117.


Anne Jarrigeon 81 zons urbains : savoirs, imaginaires, usages et conflits, Frédéric de Coninck
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« Le sens des regards », p. 147-169. Isaac Joseph (trad.), Paris, Éditions de Minuit.
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les espaces publics parisiens », dans Questionner l’internationalisation  : Paris, Seuil.
cultures, acteurs, organisations, machines, actes du XIVe congrès national Hall Edward T. (1966, 1971), La Dimension cachée, Amélie Petita (trad.),
des sciences de l’information et de la communication, Paris, Éditions Paris, Payot.
de la SFSIC, p. 205-211. dimension constitutive de la société bourgeoise, Marc de  Launay  (trad.),
—  (2005), « Vers une poétique de l’anonymat urbain », Médiation et Habermas Jürgen (1962, 1993), Espace public : archéologie de la publicité comme
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— (2007 a), Corps à corps urbains.Vers une anthropologie poétique de l’ano- les fondements mimétiques de l’action sociale, Cécile Roger (trad.), Paris,
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des hommes », p. 553-573. & Rebecca Folkman (trad.), Paris, Seuil.
Ethnologie française, vol. 42, no 3, « Le Paris des ethnologues : des lieux, Simmel Georg (1908, 1984), « Digression sur l’étranger », dans L’École
— (2012 c), « Les Halles, Paris sous-sol. Flux et regards sous contrôle », de Chicago  : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph & Yves Graf-
p. 195-210. meyer (trad.), Paris, Aubier, p. 53-61.
vie, Annabelle Brochet & Nathalie Ortar  (dir.), Paris, L’Harmattan, Tomas François (2002), « Des “centres civiques” aux “espaces publics” »,
blics », dans La Fabrique des modes d’habiter : homme, lieux et milieux de dans Espaces publics, architecture et modernité de part et d’autre de l’Atlantique,
—  (2012 b), « Des corps aux lieux urbains. Habiter les espaces pu- François Tomas  (dir.), Saint-Étienne, Publications de l’université de
Saint-Étienne, p. 11-20.
Wieviorka Michel, Dubet François, Gaspard Françoise et al. (1996), Une
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 82 société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat, Paris, La Découverte.
Winkin Yves (éd.) (1981, 2000), La Nouvelle Communication, Paris, Seuil.

Winkin Yves (éd.) (1981, 2000), La Nouvelle Communication, Paris, Seuil.


société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat, Paris, La Découverte. 82 Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines
Wieviorka Michel, Dubet François, Gaspard Françoise et al. (1996), Une
Saint-Étienne, p. 11-20.
François Tomas  (dir.), Saint-Étienne, Publications de l’université de —  (2012 b), « Des corps aux lieux urbains. Habiter les espaces pu-
dans Espaces publics, architecture et modernité de part et d’autre de l’Atlantique, blics », dans La Fabrique des modes d’habiter : homme, lieux et milieux de
Tomas François (2002), « Des “centres civiques” aux “espaces publics” », vie, Annabelle Brochet & Nathalie Ortar  (dir.), Paris, L’Harmattan,
meyer (trad.), Paris, Aubier, p. 53-61. p. 195-210.
de Chicago  : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph & Yves Graf- — (2012 c), « Les Halles, Paris sous-sol. Flux et regards sous contrôle »,
Simmel Georg (1908, 1984), « Digression sur l’étranger », dans L’École Ethnologie française, vol. 42, no 3, « Le Paris des ethnologues : des lieux,
& Rebecca Folkman (trad.), Paris, Seuil. des hommes », p. 553-573.
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Ricœur Paul (2004), Parcours de la reconnaissance, Paris, Stock. Jeanneret Yves & Ollivier Bruno (2004), « Une discipline et l’université
métropolitaine, Paris, L’Harmattan. française », Hermès, no 38, « Savoirs et pouvoir », p. 13-18.
Raulin Anne (2000), L’ethnique est quotidien : diaspora, marchés et culture Joseph Isaac (1983, 1996), « Les répertoires du citadin », introduction à
urbaine, no 57-58, « Espaces publics en ville », p. 88-98. l’œuvre d’Ulf Hannerz, Explorer la ville : éléments d’anthropologie urbaine
sants. Le mode de coexistence du public urbain », Annales de la recherche (1980), Isaac Joseph (trad.), Paris, Éditions de Minuit.
Quéré Louis & Brezger Dietrich (1993), « L’étrangeté mutuelle des pas- — (1984), Le Passant considérable : essai sur la dispersion de l’espace public,
Métailié. Paris, Librairie des Méridiens.
Piette Albert (1996), Ethnographie de l’action : l’observation des détails, Paris, — (1998), La Ville sans qualités, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.
La Ville inquiète, Paris, Gallimard, p. 247-261. Lamizet Bernard (2002), Le Sens de la ville, Paris, L’Harmattan.
Pétonnet Colette (1987), « L’anonymat ou la pellicule protectrice », dans Laplantine François (2003), De Tout Petits Liens, Paris, Mille et une Nuits.
« Bibliothèque des idées ». Mangin David (2004), La Ville franchisée : formes et structures de la ville con-
Merleau-Ponty Maurice (1964), Le Visible et l’Invisible, Paris, Gallimard, temporaine, Paris, Éditions de la Villette.
temporaine, Paris, Éditions de la Villette. Merleau-Ponty Maurice (1964), Le Visible et l’Invisible, Paris, Gallimard,
Mangin David (2004), La Ville franchisée : formes et structures de la ville con- « Bibliothèque des idées ».
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Lamizet Bernard (2002), Le Sens de la ville, Paris, L’Harmattan. La Ville inquiète, Paris, Gallimard, p. 247-261.
— (1998), La Ville sans qualités, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube. Piette Albert (1996), Ethnographie de l’action : l’observation des détails, Paris,
Paris, Librairie des Méridiens. Métailié.
— (1984), Le Passant considérable : essai sur la dispersion de l’espace public, Quéré Louis & Brezger Dietrich (1993), « L’étrangeté mutuelle des pas-
(1980), Isaac Joseph (trad.), Paris, Éditions de Minuit. sants. Le mode de coexistence du public urbain », Annales de la recherche
l’œuvre d’Ulf Hannerz, Explorer la ville : éléments d’anthropologie urbaine urbaine, no 57-58, « Espaces publics en ville », p. 88-98.
Joseph Isaac (1983, 1996), « Les répertoires du citadin », introduction à Raulin Anne (2000), L’ethnique est quotidien : diaspora, marchés et culture
française », Hermès, no 38, « Savoirs et pouvoir », p. 13-18. métropolitaine, Paris, L’Harmattan.
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Paris, éditions Hermès science publication-Lavoisier. Sansot Pierre (1971), Poétique de la ville, Paris, Klincksieck.
Jeanneret Yves (2008), Penser la trivialité, 1. La vie triviale des êtres culturels, Sennett Richard (1977, 1979), Les Tyrannies de l’intimité, Antoine Berman
des hommes », p. 553-573. & Rebecca Folkman (trad.), Paris, Seuil.
Ethnologie française, vol. 42, no 3, « Le Paris des ethnologues : des lieux, Simmel Georg (1908, 1984), « Digression sur l’étranger », dans L’École
— (2012 c), « Les Halles, Paris sous-sol. Flux et regards sous contrôle », de Chicago  : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph & Yves Graf-
p. 195-210. meyer (trad.), Paris, Aubier, p. 53-61.
vie, Annabelle Brochet & Nathalie Ortar  (dir.), Paris, L’Harmattan, Tomas François (2002), « Des “centres civiques” aux “espaces publics” »,
blics », dans La Fabrique des modes d’habiter : homme, lieux et milieux de dans Espaces publics, architecture et modernité de part et d’autre de l’Atlantique,
—  (2012 b), « Des corps aux lieux urbains. Habiter les espaces pu- François Tomas  (dir.), Saint-Étienne, Publications de l’université de
Saint-Étienne, p. 11-20.
Wieviorka Michel, Dubet François, Gaspard Françoise et al. (1996), Une
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines 82 société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat, Paris, La Découverte.
Winkin Yves (éd.) (1981, 2000), La Nouvelle Communication, Paris, Seuil.
AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION

AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION

AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION

AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION


met plus aujourd’hui de saisir la diversité interne des classes populaires.
Cette notion apparaît en effet moins restrictive que celle de « classe ouvrière », qui ne per-
autour de deux éléments, la position sociale dominée et la distance à la culture dominante.
2. Nous reprenons ici la notion de classes populaires qu’Olivier Schwartz (1998) définit
ménages rencontrés.
1. Les noms de lieux et de personnes ont été changés afin de préserver l’anonymat des

phique approfondie, centrée sur l’analyse des trajectoires résidentielles des


DES CLASSES POPULAIRES EN RECOMPOSITION d’autoriser la combinaison de sources variées. Une enquête ethnogra-
DANS LE PÉRIURBAIN : ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ PAVILLONNAIRE nages, nous avons privilégié une approche monographique, seule capable
ET RESTRUCTURATIONS DE L’EMPLOI INDUSTRIEL (1982-1999) Afin de cerner les évolutions des caractéristiques sociales de ces mé-
priété individuelle, d’autre part.
des classes populaires et qui sont liées au mouvement d’accès à la pro-
Violaine Girard d’une part, et les recompositions qui s’observent parmi les fractions stables
mations des lieux et des formes d’emploi dans les périphéries urbaines,
Territoire de la périphérie rurale d’une grande agglomération régio- permet en effet de saisir dans leur contexte les liens entre les transfor-
nale, la Riboire1 ne correspond pas aux représentations dominantes des es- nages des fractions supérieures des classes populaires2. L’analyse localisée
paces résidentiels périurbains, souvent perçus comme dédiés à l’entre-soi années 1980 et 1990, un lieu d’accueil privilégié pour de nombreux mé-
de classes moyennes soucieuses de leur cadre de vie. Elle est au contraire au sein d’un territoire devenu, comme beaucoup d’autres au cours des
un territoire à la fois industriel et ouvrier : depuis les années 1970, elle est catégorie « du » périurbain, en mettant au jour les évolutions à l’œuvre
le siège d’un redéploiement industriel massif où dominent les ménages tification sociale, notre démarche vise à complexifier l’approche de la
d’accédants à la propriété issus des classes populaires. Or ce type d’espace Au croisement de la sociologie urbaine et de la sociologie de la stra-
pavillonnaire éloigné des grands centres urbains et caractérisé par le urbains.
maintien au premier plan des ouvriers et employés, est resté jusqu’ici classes populaires, plus souvent abordées à travers le prisme de contextes
relativement peu étudié par les sociologues. Comme le soulignent Julian souvent oubliés lorsqu’il s’agit d’évoquer les transformations actuelles des
Mischi et Nicolas Renahy, ces espaces, qui constituent pourtant l’une des composantes des « mondes ouvriers » (2008, p. 10) contemporains, sont
composantes des « mondes ouvriers » (2008, p. 10) contemporains, sont Mischi et Nicolas Renahy, ces espaces, qui constituent pourtant l’une des
souvent oubliés lorsqu’il s’agit d’évoquer les transformations actuelles des relativement peu étudié par les sociologues. Comme le soulignent Julian
classes populaires, plus souvent abordées à travers le prisme de contextes maintien au premier plan des ouvriers et employés, est resté jusqu’ici
urbains. pavillonnaire éloigné des grands centres urbains et caractérisé par le
Au croisement de la sociologie urbaine et de la sociologie de la stra- d’accédants à la propriété issus des classes populaires. Or ce type d’espace
tification sociale, notre démarche vise à complexifier l’approche de la le siège d’un redéploiement industriel massif où dominent les ménages
catégorie « du » périurbain, en mettant au jour les évolutions à l’œuvre un territoire à la fois industriel et ouvrier : depuis les années 1970, elle est
au sein d’un territoire devenu, comme beaucoup d’autres au cours des de classes moyennes soucieuses de leur cadre de vie. Elle est au contraire
années 1980 et 1990, un lieu d’accueil privilégié pour de nombreux mé- paces résidentiels périurbains, souvent perçus comme dédiés à l’entre-soi
nages des fractions supérieures des classes populaires2. L’analyse localisée nale, la Riboire1 ne correspond pas aux représentations dominantes des es-
permet en effet de saisir dans leur contexte les liens entre les transfor- Territoire de la périphérie rurale d’une grande agglomération régio-
mations des lieux et des formes d’emploi dans les périphéries urbaines,
d’une part, et les recompositions qui s’observent parmi les fractions stables Violaine Girard
des classes populaires et qui sont liées au mouvement d’accès à la pro-
priété individuelle, d’autre part.
Afin de cerner les évolutions des caractéristiques sociales de ces mé- ET RESTRUCTURATIONS DE L’EMPLOI INDUSTRIEL (1982-1999)
nages, nous avons privilégié une approche monographique, seule capable DANS LE PÉRIURBAIN : ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ PAVILLONNAIRE
d’autoriser la combinaison de sources variées. Une enquête ethnogra- DES CLASSES POPULAIRES EN RECOMPOSITION
phique approfondie, centrée sur l’analyse des trajectoires résidentielles des

1. Les noms de lieux et de personnes ont été changés afin de préserver l’anonymat des
ménages rencontrés.
2. Nous reprenons ici la notion de classes populaires qu’Olivier Schwartz (1998) définit
autour de deux éléments, la position sociale dominée et la distance à la culture dominante.
Cette notion apparaît en effet moins restrictive que celle de « classe ouvrière », qui ne per-
met plus aujourd’hui de saisir la diversité interne des classes populaires.

met plus aujourd’hui de saisir la diversité interne des classes populaires.


Cette notion apparaît en effet moins restrictive que celle de « classe ouvrière », qui ne per-
autour de deux éléments, la position sociale dominée et la distance à la culture dominante.
2. Nous reprenons ici la notion de classes populaires qu’Olivier Schwartz (1998) définit
ménages rencontrés.
1. Les noms de lieux et de personnes ont été changés afin de préserver l’anonymat des

phique approfondie, centrée sur l’analyse des trajectoires résidentielles des


DES CLASSES POPULAIRES EN RECOMPOSITION d’autoriser la combinaison de sources variées. Une enquête ethnogra-
DANS LE PÉRIURBAIN : ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ PAVILLONNAIRE nages, nous avons privilégié une approche monographique, seule capable
ET RESTRUCTURATIONS DE L’EMPLOI INDUSTRIEL (1982-1999) Afin de cerner les évolutions des caractéristiques sociales de ces mé-
priété individuelle, d’autre part.
des classes populaires et qui sont liées au mouvement d’accès à la pro-
Violaine Girard d’une part, et les recompositions qui s’observent parmi les fractions stables
mations des lieux et des formes d’emploi dans les périphéries urbaines,
Territoire de la périphérie rurale d’une grande agglomération régio- permet en effet de saisir dans leur contexte les liens entre les transfor-
nale, la Riboire1 ne correspond pas aux représentations dominantes des es- nages des fractions supérieures des classes populaires2. L’analyse localisée
paces résidentiels périurbains, souvent perçus comme dédiés à l’entre-soi années 1980 et 1990, un lieu d’accueil privilégié pour de nombreux mé-
de classes moyennes soucieuses de leur cadre de vie. Elle est au contraire au sein d’un territoire devenu, comme beaucoup d’autres au cours des
un territoire à la fois industriel et ouvrier : depuis les années 1970, elle est catégorie « du » périurbain, en mettant au jour les évolutions à l’œuvre
le siège d’un redéploiement industriel massif où dominent les ménages tification sociale, notre démarche vise à complexifier l’approche de la
d’accédants à la propriété issus des classes populaires. Or ce type d’espace Au croisement de la sociologie urbaine et de la sociologie de la stra-
pavillonnaire éloigné des grands centres urbains et caractérisé par le urbains.
maintien au premier plan des ouvriers et employés, est resté jusqu’ici classes populaires, plus souvent abordées à travers le prisme de contextes
relativement peu étudié par les sociologues. Comme le soulignent Julian souvent oubliés lorsqu’il s’agit d’évoquer les transformations actuelles des
Mischi et Nicolas Renahy, ces espaces, qui constituent pourtant l’une des composantes des « mondes ouvriers » (2008, p. 10) contemporains, sont
composantes des « mondes ouvriers » (2008, p. 10) contemporains, sont Mischi et Nicolas Renahy, ces espaces, qui constituent pourtant l’une des
souvent oubliés lorsqu’il s’agit d’évoquer les transformations actuelles des relativement peu étudié par les sociologues. Comme le soulignent Julian
classes populaires, plus souvent abordées à travers le prisme de contextes maintien au premier plan des ouvriers et employés, est resté jusqu’ici
urbains. pavillonnaire éloigné des grands centres urbains et caractérisé par le
Au croisement de la sociologie urbaine et de la sociologie de la stra- d’accédants à la propriété issus des classes populaires. Or ce type d’espace
tification sociale, notre démarche vise à complexifier l’approche de la le siège d’un redéploiement industriel massif où dominent les ménages
catégorie « du » périurbain, en mettant au jour les évolutions à l’œuvre un territoire à la fois industriel et ouvrier : depuis les années 1970, elle est
au sein d’un territoire devenu, comme beaucoup d’autres au cours des de classes moyennes soucieuses de leur cadre de vie. Elle est au contraire
années 1980 et 1990, un lieu d’accueil privilégié pour de nombreux mé- paces résidentiels périurbains, souvent perçus comme dédiés à l’entre-soi
nages des fractions supérieures des classes populaires2. L’analyse localisée nale, la Riboire1 ne correspond pas aux représentations dominantes des es-
permet en effet de saisir dans leur contexte les liens entre les transfor- Territoire de la périphérie rurale d’une grande agglomération régio-
mations des lieux et des formes d’emploi dans les périphéries urbaines,
d’une part, et les recompositions qui s’observent parmi les fractions stables Violaine Girard
des classes populaires et qui sont liées au mouvement d’accès à la pro-
priété individuelle, d’autre part.
Afin de cerner les évolutions des caractéristiques sociales de ces mé- ET RESTRUCTURATIONS DE L’EMPLOI INDUSTRIEL (1982-1999)
nages, nous avons privilégié une approche monographique, seule capable DANS LE PÉRIURBAIN : ACCÈS À LA PROPRIÉTÉ PAVILLONNAIRE
d’autoriser la combinaison de sources variées. Une enquête ethnogra- DES CLASSES POPULAIRES EN RECOMPOSITION
phique approfondie, centrée sur l’analyse des trajectoires résidentielles des

1. Les noms de lieux et de personnes ont été changés afin de préserver l’anonymat des
ménages rencontrés.
2. Nous reprenons ici la notion de classes populaires qu’Olivier Schwartz (1998) définit
autour de deux éléments, la position sociale dominée et la distance à la culture dominante.
Cette notion apparaît en effet moins restrictive que celle de « classe ouvrière », qui ne per-
met plus aujourd’hui de saisir la diversité interne des classes populaires.
(2004), ou encore le modèle de la « ville à trois vitesses » du sociologue
paratisme » des classes moyennes, défendue par l’économiste Éric Maurin 86 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
moyennes dont les contours restent parfois peu définis : la thèse du « sé-
au mode de vie pavillonnaire chez de nombreux ménages des classes
sidentielles a alors été décrite comme le signe d’aspirations généralisées pavillonnaires des classes populaires, a ainsi été menée dans une commune
veau suscité l’intérêt des sciences sociales. L’expansion de ces zones ré- rurale de la Riboire (le territoire de la Riboire est composé de 3 can-
qu’au début des années 2000 que les territoires périurbains ont de nou- tons et rassemble 33 communes). La recherche a ensuite été guidée par
portant sur les pavillonnaires des « nouvelles classes moyennes », ce n’est le souci d’inscrire ces trajectoires dans leurs « contextes de pertinence »
Après le travail pionnier de Catherine Bidou-Zachariasen (1984) (Chamboredon, 2004, p. 310), en croisant les matériaux recueillis avec une
exploitation secondaire des recensements de l’INSEE ainsi qu’avec des
DES ESPACES FORTEMENT DIFFÉRENCIÉS données portant sur le bassin d’emploi local. Travailler à une échelle ter-
AU-DELÀ DE LA CATÉGORIE «  DU  » PÉRIURBAIN : ritoriale relativement restreinte, celle du canton, a alors permis d’aller
au-delà des catégories socioprofessionnelles, agrégées en six postes, pour
& Préteceille, 2011, p. 203). appréhender finement les dynamiques affectant les différentes fractions
eux ne résident plus « dans des quartiers typiquement ouvriers » (Oberti du salariat industriel résidant dans ce territoire.
travaillent dans des pôles d’emploi périurbains et où une majorité d’entre Nous présentons d’abord les évolutions affectant les espaces péri-
populaires, à l’heure où un nombre croissant d’ouvriers et d’employées ur-bains au cours des années 1980 et 1990, évolutions beaucoup plus
possibilité d’éclairer certaines recompositions en cours parmi les classes contrastées que ne le donnerait à penser une vision homogénéisante des
trajectoires résidentielles, apparaît alors comme une approche offrant la zones pavillonnaires. Nous décrivons ensuite les liens, relevés à partir
bain, croisant questionnements sur la stratification sociale et analyse des du cas de la Riboire, entre relocalisation des emplois et urbanisation
des quartiers d’habitat social. L’analyse localisée d’un territoire périur- pavillonnaire à la périphérie des grandes agglomérations, avant d’aborder
carisées des classes populaires qui constituent une part de la population les processus qui concourent à faire de ce territoire un espace d’acces-
vriers des anciens grands bastions industriels ou encore des fractions pré- sion quasi réservé aux ménages appartenant au salariat intermédiaire ou
moyennes, se distinguent également des figures mieux connues des ou- d’exécution du secteur de l’industrie.
s’ils ne peuvent être assimilés aux fractions plus diplômées des classes Il s’agit de montrer que ces pavillonnaires des classes populaires,
Il s’agit de montrer que ces pavillonnaires des classes populaires, s’ils ne peuvent être assimilés aux fractions plus diplômées des classes
d’exécution du secteur de l’industrie. moyennes, se distinguent également des figures mieux connues des ou-
sion quasi réservé aux ménages appartenant au salariat intermédiaire ou vriers des anciens grands bastions industriels ou encore des fractions pré-
les processus qui concourent à faire de ce territoire un espace d’acces- carisées des classes populaires qui constituent une part de la population
pavillonnaire à la périphérie des grandes agglomérations, avant d’aborder des quartiers d’habitat social. L’analyse localisée d’un territoire périur-
du cas de la Riboire, entre relocalisation des emplois et urbanisation bain, croisant questionnements sur la stratification sociale et analyse des
zones pavillonnaires. Nous décrivons ensuite les liens, relevés à partir trajectoires résidentielles, apparaît alors comme une approche offrant la
contrastées que ne le donnerait à penser une vision homogénéisante des possibilité d’éclairer certaines recompositions en cours parmi les classes
ur-bains au cours des années 1980 et 1990, évolutions beaucoup plus populaires, à l’heure où un nombre croissant d’ouvriers et d’employées
Nous présentons d’abord les évolutions affectant les espaces péri- travaillent dans des pôles d’emploi périurbains et où une majorité d’entre
du salariat industriel résidant dans ce territoire. eux ne résident plus « dans des quartiers typiquement ouvriers » (Oberti
appréhender finement les dynamiques affectant les différentes fractions & Préteceille, 2011, p. 203).
au-delà des catégories socioprofessionnelles, agrégées en six postes, pour
ritoriale relativement restreinte, celle du canton, a alors permis d’aller AU-DELÀ DE LA CATÉGORIE «  DU  » PÉRIURBAIN :
données portant sur le bassin d’emploi local. Travailler à une échelle ter- DES ESPACES FORTEMENT DIFFÉRENCIÉS
exploitation secondaire des recensements de l’INSEE ainsi qu’avec des
(Chamboredon, 2004, p. 310), en croisant les matériaux recueillis avec une Après le travail pionnier de Catherine Bidou-Zachariasen (1984)
le souci d’inscrire ces trajectoires dans leurs « contextes de pertinence » portant sur les pavillonnaires des « nouvelles classes moyennes », ce n’est
tons et rassemble 33 communes). La recherche a ensuite été guidée par qu’au début des années 2000 que les territoires périurbains ont de nou-
rurale de la Riboire (le territoire de la Riboire est composé de 3 can- veau suscité l’intérêt des sciences sociales. L’expansion de ces zones ré-
pavillonnaires des classes populaires, a ainsi été menée dans une commune sidentielles a alors été décrite comme le signe d’aspirations généralisées
au mode de vie pavillonnaire chez de nombreux ménages des classes
moyennes dont les contours restent parfois peu définis : la thèse du « sé-
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 86 paratisme » des classes moyennes, défendue par l’économiste Éric Maurin
(2004), ou encore le modèle de la « ville à trois vitesses » du sociologue

(2004), ou encore le modèle de la « ville à trois vitesses » du sociologue


paratisme » des classes moyennes, défendue par l’économiste Éric Maurin 86 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
moyennes dont les contours restent parfois peu définis : la thèse du « sé-
au mode de vie pavillonnaire chez de nombreux ménages des classes
sidentielles a alors été décrite comme le signe d’aspirations généralisées pavillonnaires des classes populaires, a ainsi été menée dans une commune
veau suscité l’intérêt des sciences sociales. L’expansion de ces zones ré- rurale de la Riboire (le territoire de la Riboire est composé de 3 can-
qu’au début des années 2000 que les territoires périurbains ont de nou- tons et rassemble 33 communes). La recherche a ensuite été guidée par
portant sur les pavillonnaires des « nouvelles classes moyennes », ce n’est le souci d’inscrire ces trajectoires dans leurs « contextes de pertinence »
Après le travail pionnier de Catherine Bidou-Zachariasen (1984) (Chamboredon, 2004, p. 310), en croisant les matériaux recueillis avec une
exploitation secondaire des recensements de l’INSEE ainsi qu’avec des
DES ESPACES FORTEMENT DIFFÉRENCIÉS données portant sur le bassin d’emploi local. Travailler à une échelle ter-
AU-DELÀ DE LA CATÉGORIE «  DU  » PÉRIURBAIN : ritoriale relativement restreinte, celle du canton, a alors permis d’aller
au-delà des catégories socioprofessionnelles, agrégées en six postes, pour
& Préteceille, 2011, p. 203). appréhender finement les dynamiques affectant les différentes fractions
eux ne résident plus « dans des quartiers typiquement ouvriers » (Oberti du salariat industriel résidant dans ce territoire.
travaillent dans des pôles d’emploi périurbains et où une majorité d’entre Nous présentons d’abord les évolutions affectant les espaces péri-
populaires, à l’heure où un nombre croissant d’ouvriers et d’employées ur-bains au cours des années 1980 et 1990, évolutions beaucoup plus
possibilité d’éclairer certaines recompositions en cours parmi les classes contrastées que ne le donnerait à penser une vision homogénéisante des
trajectoires résidentielles, apparaît alors comme une approche offrant la zones pavillonnaires. Nous décrivons ensuite les liens, relevés à partir
bain, croisant questionnements sur la stratification sociale et analyse des du cas de la Riboire, entre relocalisation des emplois et urbanisation
des quartiers d’habitat social. L’analyse localisée d’un territoire périur- pavillonnaire à la périphérie des grandes agglomérations, avant d’aborder
carisées des classes populaires qui constituent une part de la population les processus qui concourent à faire de ce territoire un espace d’acces-
vriers des anciens grands bastions industriels ou encore des fractions pré- sion quasi réservé aux ménages appartenant au salariat intermédiaire ou
moyennes, se distinguent également des figures mieux connues des ou- d’exécution du secteur de l’industrie.
s’ils ne peuvent être assimilés aux fractions plus diplômées des classes Il s’agit de montrer que ces pavillonnaires des classes populaires,
Il s’agit de montrer que ces pavillonnaires des classes populaires, s’ils ne peuvent être assimilés aux fractions plus diplômées des classes
d’exécution du secteur de l’industrie. moyennes, se distinguent également des figures mieux connues des ou-
sion quasi réservé aux ménages appartenant au salariat intermédiaire ou vriers des anciens grands bastions industriels ou encore des fractions pré-
les processus qui concourent à faire de ce territoire un espace d’acces- carisées des classes populaires qui constituent une part de la population
pavillonnaire à la périphérie des grandes agglomérations, avant d’aborder des quartiers d’habitat social. L’analyse localisée d’un territoire périur-
du cas de la Riboire, entre relocalisation des emplois et urbanisation bain, croisant questionnements sur la stratification sociale et analyse des
zones pavillonnaires. Nous décrivons ensuite les liens, relevés à partir trajectoires résidentielles, apparaît alors comme une approche offrant la
contrastées que ne le donnerait à penser une vision homogénéisante des possibilité d’éclairer certaines recompositions en cours parmi les classes
ur-bains au cours des années 1980 et 1990, évolutions beaucoup plus populaires, à l’heure où un nombre croissant d’ouvriers et d’employées
Nous présentons d’abord les évolutions affectant les espaces péri- travaillent dans des pôles d’emploi périurbains et où une majorité d’entre
du salariat industriel résidant dans ce territoire. eux ne résident plus « dans des quartiers typiquement ouvriers » (Oberti
appréhender finement les dynamiques affectant les différentes fractions & Préteceille, 2011, p. 203).
au-delà des catégories socioprofessionnelles, agrégées en six postes, pour
ritoriale relativement restreinte, celle du canton, a alors permis d’aller AU-DELÀ DE LA CATÉGORIE «  DU  » PÉRIURBAIN :
données portant sur le bassin d’emploi local. Travailler à une échelle ter- DES ESPACES FORTEMENT DIFFÉRENCIÉS
exploitation secondaire des recensements de l’INSEE ainsi qu’avec des
(Chamboredon, 2004, p. 310), en croisant les matériaux recueillis avec une Après le travail pionnier de Catherine Bidou-Zachariasen (1984)
le souci d’inscrire ces trajectoires dans leurs « contextes de pertinence » portant sur les pavillonnaires des « nouvelles classes moyennes », ce n’est
tons et rassemble 33 communes). La recherche a ensuite été guidée par qu’au début des années 2000 que les territoires périurbains ont de nou-
rurale de la Riboire (le territoire de la Riboire est composé de 3 can- veau suscité l’intérêt des sciences sociales. L’expansion de ces zones ré-
pavillonnaires des classes populaires, a ainsi été menée dans une commune sidentielles a alors été décrite comme le signe d’aspirations généralisées
au mode de vie pavillonnaire chez de nombreux ménages des classes
moyennes dont les contours restent parfois peu définis : la thèse du « sé-
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 86 paratisme » des classes moyennes, défendue par l’économiste Éric Maurin
(2004), ou encore le modèle de la « ville à trois vitesses » du sociologue
ment un espace périurbain étroitement associé au mode de vie des classes moyennes.
Dans la lignée de ce modèle, la géographe Marie-Christine Jaillet (2004) décrit égale-
Violaine Girard 87 moyennes, la relégation des classes populaires dans les cités d’habitat social dégradées.
ville par les ménages des classes supérieures, la périurbanisation menée par les classes
peint les processus affectant chacun de ces types d’espaces : la gentrification des centres-
Jacques Donzelot (2004)3 font ainsi des « choix » résidentiels des ména-
3. Construit autour d’une tripartition des espaces résidentiels urbains, ce modèle dé-

ges l’un des principaux facteurs d’une ségrégation socio-spatiale gran-


dissante. Non dénuées de visées dénonciatrices, ces lectures recèlent par lité « d’analyser le périurbain comme catégorie unifiée » (Rivière, 2008,
ailleurs de nombreuses limites : peu attentives aux multiples déterminants processus diversifiés, leur hétérogénéité interne entraînant l’impossibi-
des trajectoires résidentielles, elles offrent une vision par trop globalisante Les espaces périurbains apparaissent bien plutôt comme le siège de
des espaces périurbains. Les travaux sur la ségrégation socio-spatiale per- quent l’entrée dans un statut résidentiel valorisant.
mettent toutefois de dépasser une telle vision. Marco Oberti et Edmond cues bien différemment d’une relégation, notamment parce qu’elles mar-
Préteceille (2011, p. 203) soulignent, données statistiques à l’appui, que ce concernés, les trajectoires d’installation dans le périurbain : elles sont vé-
sont bien les espaces « mélangés » qui dominent autour de la métropole rieures. Ils occultent ensuite le sens que prennent, aux yeux des ménages
parisienne et que, de ce fait, la majorité de la population ne réside pas ries d’actifs, avec l’augmentation des professions intermédiaires et supé-
dans des espaces fortement ségrégués. classes populaires, ainsi que par la diversification progressive des catégo-
Plusieurs enquêtes ethnographiques se sont également attachées à territoires, par la prédominance des fractions supérieures et stables des
complexifier l’approche de la figure des classes moyennes périurbaines, se traduisent, dans la Riboire et sans aucun doute dans beaucoup d’autres
en montrant que ces catégories recouvrent une grande diversité de pro- la complexité des évolutions territoriales liées à la périurbanisation, qui
fils et de trajectoires sociales : La France des « petits-moyens » (Cartier et al., ces discours semblent là encore fort réducteurs. Ils ratent tout d’abord
2008) met au jour les déterminants des courtes mobilités ascendantes p. 20). Fondés sur des données géographiques agrégées à grande échelle,
chez les pavillonnaires issus des classes populaires dans la banlieue fran- classes populaires vers les périphéries lointaines (Guilly & Noyé, 2004,
cilienne ; le travail de Josette Debroux (2011) s’intéresse aux liens entre distants des centres urbains comme le résultat de la « relégation » des
statuts professionnels et trajectoires résidentielles des ménages des classes surreprésentation des ouvriers au sein des espaces périurbains les plus
moyennes, en soulignant qu’ils occupent des positions très diverses mais Il faut enfin noter la montée récente de discours qui interprètent la
que celles-ci ont en commun d’être situées aux limites supérieures ou inférieures de ces classes.
inférieures de ces classes. que celles-ci ont en commun d’être situées aux limites supérieures ou
Il faut enfin noter la montée récente de discours qui interprètent la moyennes, en soulignant qu’ils occupent des positions très diverses mais
surreprésentation des ouvriers au sein des espaces périurbains les plus statuts professionnels et trajectoires résidentielles des ménages des classes
distants des centres urbains comme le résultat de la « relégation » des cilienne ; le travail de Josette Debroux (2011) s’intéresse aux liens entre
classes populaires vers les périphéries lointaines (Guilly & Noyé, 2004, chez les pavillonnaires issus des classes populaires dans la banlieue fran-
p. 20). Fondés sur des données géographiques agrégées à grande échelle, 2008) met au jour les déterminants des courtes mobilités ascendantes
ces discours semblent là encore fort réducteurs. Ils ratent tout d’abord fils et de trajectoires sociales : La France des « petits-moyens » (Cartier et al.,
la complexité des évolutions territoriales liées à la périurbanisation, qui en montrant que ces catégories recouvrent une grande diversité de pro-
se traduisent, dans la Riboire et sans aucun doute dans beaucoup d’autres complexifier l’approche de la figure des classes moyennes périurbaines,
territoires, par la prédominance des fractions supérieures et stables des Plusieurs enquêtes ethnographiques se sont également attachées à
classes populaires, ainsi que par la diversification progressive des catégo- dans des espaces fortement ségrégués.
ries d’actifs, avec l’augmentation des professions intermédiaires et supé- parisienne et que, de ce fait, la majorité de la population ne réside pas
rieures. Ils occultent ensuite le sens que prennent, aux yeux des ménages sont bien les espaces « mélangés » qui dominent autour de la métropole
concernés, les trajectoires d’installation dans le périurbain : elles sont vé- Préteceille (2011, p. 203) soulignent, données statistiques à l’appui, que ce
cues bien différemment d’une relégation, notamment parce qu’elles mar- mettent toutefois de dépasser une telle vision. Marco Oberti et Edmond
quent l’entrée dans un statut résidentiel valorisant. des espaces périurbains. Les travaux sur la ségrégation socio-spatiale per-
Les espaces périurbains apparaissent bien plutôt comme le siège de des trajectoires résidentielles, elles offrent une vision par trop globalisante
processus diversifiés, leur hétérogénéité interne entraînant l’impossibi- ailleurs de nombreuses limites : peu attentives aux multiples déterminants
lité « d’analyser le périurbain comme catégorie unifiée » (Rivière, 2008, dissante. Non dénuées de visées dénonciatrices, ces lectures recèlent par
ges l’un des principaux facteurs d’une ségrégation socio-spatiale gran-
Jacques Donzelot (2004)3 font ainsi des « choix » résidentiels des ména-
3. Construit autour d’une tripartition des espaces résidentiels urbains, ce modèle dé-
peint les processus affectant chacun de ces types d’espaces : la gentrification des centres-
ville par les ménages des classes supérieures, la périurbanisation menée par les classes
moyennes, la relégation des classes populaires dans les cités d’habitat social dégradées. 87 Violaine Girard
Dans la lignée de ce modèle, la géographe Marie-Christine Jaillet (2004) décrit égale-
ment un espace périurbain étroitement associé au mode de vie des classes moyennes.

ment un espace périurbain étroitement associé au mode de vie des classes moyennes.
Dans la lignée de ce modèle, la géographe Marie-Christine Jaillet (2004) décrit égale-
Violaine Girard 87 moyennes, la relégation des classes populaires dans les cités d’habitat social dégradées.
ville par les ménages des classes supérieures, la périurbanisation menée par les classes
peint les processus affectant chacun de ces types d’espaces : la gentrification des centres-
Jacques Donzelot (2004)3 font ainsi des « choix » résidentiels des ména-
3. Construit autour d’une tripartition des espaces résidentiels urbains, ce modèle dé-

ges l’un des principaux facteurs d’une ségrégation socio-spatiale gran-


dissante. Non dénuées de visées dénonciatrices, ces lectures recèlent par lité « d’analyser le périurbain comme catégorie unifiée » (Rivière, 2008,
ailleurs de nombreuses limites : peu attentives aux multiples déterminants processus diversifiés, leur hétérogénéité interne entraînant l’impossibi-
des trajectoires résidentielles, elles offrent une vision par trop globalisante Les espaces périurbains apparaissent bien plutôt comme le siège de
des espaces périurbains. Les travaux sur la ségrégation socio-spatiale per- quent l’entrée dans un statut résidentiel valorisant.
mettent toutefois de dépasser une telle vision. Marco Oberti et Edmond cues bien différemment d’une relégation, notamment parce qu’elles mar-
Préteceille (2011, p. 203) soulignent, données statistiques à l’appui, que ce concernés, les trajectoires d’installation dans le périurbain : elles sont vé-
sont bien les espaces « mélangés » qui dominent autour de la métropole rieures. Ils occultent ensuite le sens que prennent, aux yeux des ménages
parisienne et que, de ce fait, la majorité de la population ne réside pas ries d’actifs, avec l’augmentation des professions intermédiaires et supé-
dans des espaces fortement ségrégués. classes populaires, ainsi que par la diversification progressive des catégo-
Plusieurs enquêtes ethnographiques se sont également attachées à territoires, par la prédominance des fractions supérieures et stables des
complexifier l’approche de la figure des classes moyennes périurbaines, se traduisent, dans la Riboire et sans aucun doute dans beaucoup d’autres
en montrant que ces catégories recouvrent une grande diversité de pro- la complexité des évolutions territoriales liées à la périurbanisation, qui
fils et de trajectoires sociales : La France des « petits-moyens » (Cartier et al., ces discours semblent là encore fort réducteurs. Ils ratent tout d’abord
2008) met au jour les déterminants des courtes mobilités ascendantes p. 20). Fondés sur des données géographiques agrégées à grande échelle,
chez les pavillonnaires issus des classes populaires dans la banlieue fran- classes populaires vers les périphéries lointaines (Guilly & Noyé, 2004,
cilienne ; le travail de Josette Debroux (2011) s’intéresse aux liens entre distants des centres urbains comme le résultat de la « relégation » des
statuts professionnels et trajectoires résidentielles des ménages des classes surreprésentation des ouvriers au sein des espaces périurbains les plus
moyennes, en soulignant qu’ils occupent des positions très diverses mais Il faut enfin noter la montée récente de discours qui interprètent la
que celles-ci ont en commun d’être situées aux limites supérieures ou inférieures de ces classes.
inférieures de ces classes. que celles-ci ont en commun d’être situées aux limites supérieures ou
Il faut enfin noter la montée récente de discours qui interprètent la moyennes, en soulignant qu’ils occupent des positions très diverses mais
surreprésentation des ouvriers au sein des espaces périurbains les plus statuts professionnels et trajectoires résidentielles des ménages des classes
distants des centres urbains comme le résultat de la « relégation » des cilienne ; le travail de Josette Debroux (2011) s’intéresse aux liens entre
classes populaires vers les périphéries lointaines (Guilly & Noyé, 2004, chez les pavillonnaires issus des classes populaires dans la banlieue fran-
p. 20). Fondés sur des données géographiques agrégées à grande échelle, 2008) met au jour les déterminants des courtes mobilités ascendantes
ces discours semblent là encore fort réducteurs. Ils ratent tout d’abord fils et de trajectoires sociales : La France des « petits-moyens » (Cartier et al.,
la complexité des évolutions territoriales liées à la périurbanisation, qui en montrant que ces catégories recouvrent une grande diversité de pro-
se traduisent, dans la Riboire et sans aucun doute dans beaucoup d’autres complexifier l’approche de la figure des classes moyennes périurbaines,
territoires, par la prédominance des fractions supérieures et stables des Plusieurs enquêtes ethnographiques se sont également attachées à
classes populaires, ainsi que par la diversification progressive des catégo- dans des espaces fortement ségrégués.
ries d’actifs, avec l’augmentation des professions intermédiaires et supé- parisienne et que, de ce fait, la majorité de la population ne réside pas
rieures. Ils occultent ensuite le sens que prennent, aux yeux des ménages sont bien les espaces « mélangés » qui dominent autour de la métropole
concernés, les trajectoires d’installation dans le périurbain : elles sont vé- Préteceille (2011, p. 203) soulignent, données statistiques à l’appui, que ce
cues bien différemment d’une relégation, notamment parce qu’elles mar- mettent toutefois de dépasser une telle vision. Marco Oberti et Edmond
quent l’entrée dans un statut résidentiel valorisant. des espaces périurbains. Les travaux sur la ségrégation socio-spatiale per-
Les espaces périurbains apparaissent bien plutôt comme le siège de des trajectoires résidentielles, elles offrent une vision par trop globalisante
processus diversifiés, leur hétérogénéité interne entraînant l’impossibi- ailleurs de nombreuses limites : peu attentives aux multiples déterminants
lité « d’analyser le périurbain comme catégorie unifiée » (Rivière, 2008, dissante. Non dénuées de visées dénonciatrices, ces lectures recèlent par
ges l’un des principaux facteurs d’une ségrégation socio-spatiale gran-
Jacques Donzelot (2004)3 font ainsi des « choix » résidentiels des ména-
3. Construit autour d’une tripartition des espaces résidentiels urbains, ce modèle dé-
peint les processus affectant chacun de ces types d’espaces : la gentrification des centres-
ville par les ménages des classes supérieures, la périurbanisation menée par les classes
moyennes, la relégation des classes populaires dans les cités d’habitat social dégradées. 87 Violaine Girard
Dans la lignée de ce modèle, la géographe Marie-Christine Jaillet (2004) décrit égale-
ment un espace périurbain étroitement associé au mode de vie des classes moyennes.
(Cavailhès & Selod, 2003).
que dans le reste du périurbain ou que dans les centres-ville, mais aussi qu’en banlieue
le revenu moyen par habitant est plus faible dans les couronnes périurbaines éloignées 88 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
5. Un autre type de données, les revenus fiscaux des ménages, montre également que
auprès de nombreux actifs résidant en dehors des pôles urbains.
de mettre en évidence l’attraction exercée par les agglomérations en matière d’emploi
p. 32 ; voir aussi 2011)4. Pour autant, si l’on en croit les données issues
des recensements de l’INSEE, deux grands types d’évolutions, demeurées
ment, même si elle permet de mesurer l’extension des zones d’urbanisation diffuse et
alternantes domicile-travail, rassemble ainsi des espaces fortement différenciés sociale-
délimitation des espaces périurbains, construite sur la base du seul critère des migrations jusqu’ici peu étudiées, ont affecté les espaces périurbains au cours des an-
plusieurs aires urbaines) ; l’espace à dominante rurale regroupe les autres communes. La nées 1980 et 1990.
n’appartiennent pas à l’aire urbaine mais dont 40 % des actifs au moins travaillent dans D’abord, dans ces deux décennies, beaucoup de ces territoires ont
moins travaillent dans l’aire urbaine ainsi formée) et les communes multipolarisées (qui
constitué des lieux d’installation privilégiés pour de nombreux ménages
des classes populaires, entre des centres urbains attractifs pour les catégo-
emplois), la couronne périurbaine (composées de communes dont 40 % des actifs au
nante urbaine rassemble, autour d’un pôle urbain (unité urbaine offrant au moins 5 000
partir du recensement de 1990, qui définit plusieurs types d’espaces : l’espace à domi- ries supérieures et des espaces ruraux relativement préservés de la pres-
nes et en aires d’emploi de l’espace rural (ZAUER), proposé par l’INSEE et l’INRA à sion immobilière mais éloignés des équipements et des emplois urbains.
4. La catégorie du périurbain renvoie, sur le plan statistique, au zonage en aires urbai- Les dispositifs d’encouragement à l’accession à la propriété (Groux &
Lévy, 1993) ont ainsi concouru à une hausse de la part des classes po-
un mouvement de relocalisation des activités productives, en lien avec les pulaires parmi la population périurbaine (Gobillon & Le Blanc, 2005).
En second lieu, les espaces périurbains sont également marqués par Ainsi, en 1999 :
sont caractérisés par de plus fortes proportions d’ouvriers non qualifiés5.
seuls ouvriers qualifiés (Cavailhès & Selod, 2003), quand les espaces ruraux Plus on s’éloigne des « pôles urbains », plus la part des classes populaires
urbains les plus éloignés apparaissent marqués par la surreprésentation des augmente : la part des CSP [catégories socioprofessionnelles] ouvriers et
des années 1980 dans le périurbain (Schmitt et al., 1998), les espaces péri- employés parmi les actifs est de 55 % dans l’espace urbain, de 58 % dans
qualifiés et les professions intermédiaires s’installent massivement au cours le périurbain, et de 61 % dans l’espace à dominante rurale. (Mischi &
uniformes au sein des espaces périurbains. Si, par exemple, les ouvriers Renahy, 2008, p. 14)
même manière les différentes fractions des classes populaires et ne sont pas
résidentielle qui accompagnent la périurbanisation n’affectent pas de la Deux précisions s’imposent cependant : les processus de ségrégation
Deux précisions s’imposent cependant : les processus de ségrégation résidentielle qui accompagnent la périurbanisation n’affectent pas de la
même manière les différentes fractions des classes populaires et ne sont pas
Renahy, 2008, p. 14) uniformes au sein des espaces périurbains. Si, par exemple, les ouvriers
le périurbain, et de 61 % dans l’espace à dominante rurale. (Mischi & qualifiés et les professions intermédiaires s’installent massivement au cours
employés parmi les actifs est de 55 % dans l’espace urbain, de 58 % dans des années 1980 dans le périurbain (Schmitt et al., 1998), les espaces péri-
augmente : la part des CSP [catégories socioprofessionnelles] ouvriers et urbains les plus éloignés apparaissent marqués par la surreprésentation des
Plus on s’éloigne des « pôles urbains », plus la part des classes populaires seuls ouvriers qualifiés (Cavailhès & Selod, 2003), quand les espaces ruraux
sont caractérisés par de plus fortes proportions d’ouvriers non qualifiés5.
Ainsi, en 1999 : En second lieu, les espaces périurbains sont également marqués par
pulaires parmi la population périurbaine (Gobillon & Le Blanc, 2005). un mouvement de relocalisation des activités productives, en lien avec les
Lévy, 1993) ont ainsi concouru à une hausse de la part des classes po-
Les dispositifs d’encouragement à l’accession à la propriété (Groux & 4. La catégorie du périurbain renvoie, sur le plan statistique, au zonage en aires urbai-
sion immobilière mais éloignés des équipements et des emplois urbains. nes et en aires d’emploi de l’espace rural (ZAUER), proposé par l’INSEE et l’INRA à
ries supérieures et des espaces ruraux relativement préservés de la pres- partir du recensement de 1990, qui définit plusieurs types d’espaces : l’espace à domi-
des classes populaires, entre des centres urbains attractifs pour les catégo- nante urbaine rassemble, autour d’un pôle urbain (unité urbaine offrant au moins 5 000
emplois), la couronne périurbaine (composées de communes dont 40 % des actifs au
moins travaillent dans l’aire urbaine ainsi formée) et les communes multipolarisées (qui
constitué des lieux d’installation privilégiés pour de nombreux ménages
D’abord, dans ces deux décennies, beaucoup de ces territoires ont n’appartiennent pas à l’aire urbaine mais dont 40 % des actifs au moins travaillent dans
nées 1980 et 1990. plusieurs aires urbaines) ; l’espace à dominante rurale regroupe les autres communes. La
jusqu’ici peu étudiées, ont affecté les espaces périurbains au cours des an- délimitation des espaces périurbains, construite sur la base du seul critère des migrations
des recensements de l’INSEE, deux grands types d’évolutions, demeurées alternantes domicile-travail, rassemble ainsi des espaces fortement différenciés sociale-
ment, même si elle permet de mesurer l’extension des zones d’urbanisation diffuse et
de mettre en évidence l’attraction exercée par les agglomérations en matière d’emploi
p. 32 ; voir aussi 2011)4. Pour autant, si l’on en croit les données issues
auprès de nombreux actifs résidant en dehors des pôles urbains.
5. Un autre type de données, les revenus fiscaux des ménages, montre également que
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 88 le revenu moyen par habitant est plus faible dans les couronnes périurbaines éloignées
que dans le reste du périurbain ou que dans les centres-ville, mais aussi qu’en banlieue
(Cavailhès & Selod, 2003).

(Cavailhès & Selod, 2003).


que dans le reste du périurbain ou que dans les centres-ville, mais aussi qu’en banlieue
le revenu moyen par habitant est plus faible dans les couronnes périurbaines éloignées 88 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
5. Un autre type de données, les revenus fiscaux des ménages, montre également que
auprès de nombreux actifs résidant en dehors des pôles urbains.
de mettre en évidence l’attraction exercée par les agglomérations en matière d’emploi
p. 32 ; voir aussi 2011)4. Pour autant, si l’on en croit les données issues
des recensements de l’INSEE, deux grands types d’évolutions, demeurées
ment, même si elle permet de mesurer l’extension des zones d’urbanisation diffuse et
alternantes domicile-travail, rassemble ainsi des espaces fortement différenciés sociale-
délimitation des espaces périurbains, construite sur la base du seul critère des migrations jusqu’ici peu étudiées, ont affecté les espaces périurbains au cours des an-
plusieurs aires urbaines) ; l’espace à dominante rurale regroupe les autres communes. La nées 1980 et 1990.
n’appartiennent pas à l’aire urbaine mais dont 40 % des actifs au moins travaillent dans D’abord, dans ces deux décennies, beaucoup de ces territoires ont
moins travaillent dans l’aire urbaine ainsi formée) et les communes multipolarisées (qui
constitué des lieux d’installation privilégiés pour de nombreux ménages
des classes populaires, entre des centres urbains attractifs pour les catégo-
emplois), la couronne périurbaine (composées de communes dont 40 % des actifs au
nante urbaine rassemble, autour d’un pôle urbain (unité urbaine offrant au moins 5 000
partir du recensement de 1990, qui définit plusieurs types d’espaces : l’espace à domi- ries supérieures et des espaces ruraux relativement préservés de la pres-
nes et en aires d’emploi de l’espace rural (ZAUER), proposé par l’INSEE et l’INRA à sion immobilière mais éloignés des équipements et des emplois urbains.
4. La catégorie du périurbain renvoie, sur le plan statistique, au zonage en aires urbai- Les dispositifs d’encouragement à l’accession à la propriété (Groux &
Lévy, 1993) ont ainsi concouru à une hausse de la part des classes po-
un mouvement de relocalisation des activités productives, en lien avec les pulaires parmi la population périurbaine (Gobillon & Le Blanc, 2005).
En second lieu, les espaces périurbains sont également marqués par Ainsi, en 1999 :
sont caractérisés par de plus fortes proportions d’ouvriers non qualifiés5.
seuls ouvriers qualifiés (Cavailhès & Selod, 2003), quand les espaces ruraux Plus on s’éloigne des « pôles urbains », plus la part des classes populaires
urbains les plus éloignés apparaissent marqués par la surreprésentation des augmente : la part des CSP [catégories socioprofessionnelles] ouvriers et
des années 1980 dans le périurbain (Schmitt et al., 1998), les espaces péri- employés parmi les actifs est de 55 % dans l’espace urbain, de 58 % dans
qualifiés et les professions intermédiaires s’installent massivement au cours le périurbain, et de 61 % dans l’espace à dominante rurale. (Mischi &
uniformes au sein des espaces périurbains. Si, par exemple, les ouvriers Renahy, 2008, p. 14)
même manière les différentes fractions des classes populaires et ne sont pas
résidentielle qui accompagnent la périurbanisation n’affectent pas de la Deux précisions s’imposent cependant : les processus de ségrégation
Deux précisions s’imposent cependant : les processus de ségrégation résidentielle qui accompagnent la périurbanisation n’affectent pas de la
même manière les différentes fractions des classes populaires et ne sont pas
Renahy, 2008, p. 14) uniformes au sein des espaces périurbains. Si, par exemple, les ouvriers
le périurbain, et de 61 % dans l’espace à dominante rurale. (Mischi & qualifiés et les professions intermédiaires s’installent massivement au cours
employés parmi les actifs est de 55 % dans l’espace urbain, de 58 % dans des années 1980 dans le périurbain (Schmitt et al., 1998), les espaces péri-
augmente : la part des CSP [catégories socioprofessionnelles] ouvriers et urbains les plus éloignés apparaissent marqués par la surreprésentation des
Plus on s’éloigne des « pôles urbains », plus la part des classes populaires seuls ouvriers qualifiés (Cavailhès & Selod, 2003), quand les espaces ruraux
sont caractérisés par de plus fortes proportions d’ouvriers non qualifiés5.
Ainsi, en 1999 : En second lieu, les espaces périurbains sont également marqués par
pulaires parmi la population périurbaine (Gobillon & Le Blanc, 2005). un mouvement de relocalisation des activités productives, en lien avec les
Lévy, 1993) ont ainsi concouru à une hausse de la part des classes po-
Les dispositifs d’encouragement à l’accession à la propriété (Groux & 4. La catégorie du périurbain renvoie, sur le plan statistique, au zonage en aires urbai-
sion immobilière mais éloignés des équipements et des emplois urbains. nes et en aires d’emploi de l’espace rural (ZAUER), proposé par l’INSEE et l’INRA à
ries supérieures et des espaces ruraux relativement préservés de la pres- partir du recensement de 1990, qui définit plusieurs types d’espaces : l’espace à domi-
des classes populaires, entre des centres urbains attractifs pour les catégo- nante urbaine rassemble, autour d’un pôle urbain (unité urbaine offrant au moins 5 000
emplois), la couronne périurbaine (composées de communes dont 40 % des actifs au
moins travaillent dans l’aire urbaine ainsi formée) et les communes multipolarisées (qui
constitué des lieux d’installation privilégiés pour de nombreux ménages
D’abord, dans ces deux décennies, beaucoup de ces territoires ont n’appartiennent pas à l’aire urbaine mais dont 40 % des actifs au moins travaillent dans
nées 1980 et 1990. plusieurs aires urbaines) ; l’espace à dominante rurale regroupe les autres communes. La
jusqu’ici peu étudiées, ont affecté les espaces périurbains au cours des an- délimitation des espaces périurbains, construite sur la base du seul critère des migrations
des recensements de l’INSEE, deux grands types d’évolutions, demeurées alternantes domicile-travail, rassemble ainsi des espaces fortement différenciés sociale-
ment, même si elle permet de mesurer l’extension des zones d’urbanisation diffuse et
de mettre en évidence l’attraction exercée par les agglomérations en matière d’emploi
p. 32 ; voir aussi 2011)4. Pour autant, si l’on en croit les données issues
auprès de nombreux actifs résidant en dehors des pôles urbains.
5. Un autre type de données, les revenus fiscaux des ménages, montre également que
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 88 le revenu moyen par habitant est plus faible dans les couronnes périurbaines éloignées
que dans le reste du périurbain ou que dans les centres-ville, mais aussi qu’en banlieue
(Cavailhès & Selod, 2003).
ou celui de Genèses consacré aux « recompositions du salariat » en 2001.
sciences sociales consacrés aux « nouvelles formes de domination dans le travail » en 1996
Violaine Girard 89 l’objet de nombreux travaux. Voir en particulier les numéros d’Actes de la recherche en
1970, au sein notamment des sites implantés sur les nouvelles zones d’activité, ont fait
8. Soulignons cependant que les évolutions de l’organisation du travail depuis les années
restructurations économiques en cours depuis une trentaine d’années : dans le périurbain, et 25 % dans les espaces ruraux.
le recul de la population industrielle – près d’un million des effectifs du
7. En 1999, les emplois industriels sont localisés pour 63 % dans les pôles urbains, 12 %

secteur secondaire en France entre 1975 et 1982 (Noiriel, 2002, p. 238) –


les espaces urbains, comme aux 5 à 10 % relevés dans les espaces ruraux (Huiban, 2003).
non agricoles de 17,88 % entre 1990 et 1999, un taux bien supérieur aux 3 % relevés dans
s’accompagne dans les décennies suivantes du transfert et de la création les espaces ruraux), les espaces périurbains enregistrent une augmentation des emplois
de nombreux emplois dans les espaces périurbains. De façon générale, sont localisés dans les zones urbaines en 1999, pour 13 % dans le périurbain et 16 % dans
la croissance des emplois, toutes catégories confondues, a lieu majori- 6. Malgré le maintien d’une forte concentration urbaine des emplois (71 % des emplois
tairement dans le périurbain au cours des années 19906. La dynamique
des emplois industriels est elle aussi très favorable au périurbain, où ils la désindustrialisation des anciens « bastions » ouvriers (Schwartz, 1990,
connaissent une hausse de 5 % entre 1990 et 1999, alors qu’ils chutent de zones d’activité demeurent peu connus8, à l’inverse des conséquences de
16 % dans les pôles urbains7 (Gaigné et al., 2005). lieux d’emploi. Or les effets du développement récent de nombreuses
Ces deux grandes dynamiques – maintien d’une forte proportion de lation de ménages d’ouvriers et d’employés à proximité de ces nouveaux
catégories populaires et renouveau des emplois – enregistrées en moyenne baines a contribué à favoriser, au cours des années 1980 et 1990, l’instal-
au sein la catégorie statistique « du » périurbain, doivent toutefois être montre que l’implantation d’activités productives dans les périphéries ur-
appréhendées à une échelle plus fine, car elles ont toutes les chances de avec les dynamiques de relocalisation des emplois, le cas de la Riboire
ne pas se déployer de façon homogène dans l’ensemble des espaces péri- de périurbanisation, qu’on aborde plus souvent à une échelle macro,
urbains. Elles sont plus accentuées dans certains des territoires qui forment territoires périurbains éloignés. Si l’on articule rarement les mécanismes
les couronnes périurbaines, et demandent donc à être appréhendées à sorte, les deux grands types d’évolutions qui ont affecté bon nombre de
une échelle rapprochée. les ménages les classes populaires. Ce territoire incarne ainsi, en quelque
juguées au mouvement d’accès à la propriété principalement porté par
L’ESSOR D’UN PARC INDUSTRIEL : Dans la Riboire, des implantations industrielles massives se sont con-
PÉRIURBANISATION ET SEGMENTATION DE L’EMPLOI
PÉRIURBANISATION ET SEGMENTATION DE L’EMPLOI
Dans la Riboire, des implantations industrielles massives se sont con- L’ESSOR D’UN PARC INDUSTRIEL :
juguées au mouvement d’accès à la propriété principalement porté par
les ménages les classes populaires. Ce territoire incarne ainsi, en quelque une échelle rapprochée.
sorte, les deux grands types d’évolutions qui ont affecté bon nombre de les couronnes périurbaines, et demandent donc à être appréhendées à
territoires périurbains éloignés. Si l’on articule rarement les mécanismes urbains. Elles sont plus accentuées dans certains des territoires qui forment
de périurbanisation, qu’on aborde plus souvent à une échelle macro, ne pas se déployer de façon homogène dans l’ensemble des espaces péri-
avec les dynamiques de relocalisation des emplois, le cas de la Riboire appréhendées à une échelle plus fine, car elles ont toutes les chances de
montre que l’implantation d’activités productives dans les périphéries ur- au sein la catégorie statistique « du » périurbain, doivent toutefois être
baines a contribué à favoriser, au cours des années 1980 et 1990, l’instal- catégories populaires et renouveau des emplois – enregistrées en moyenne
lation de ménages d’ouvriers et d’employés à proximité de ces nouveaux Ces deux grandes dynamiques – maintien d’une forte proportion de
lieux d’emploi. Or les effets du développement récent de nombreuses 16 % dans les pôles urbains7 (Gaigné et al., 2005).
zones d’activité demeurent peu connus8, à l’inverse des conséquences de connaissent une hausse de 5 % entre 1990 et 1999, alors qu’ils chutent de
la désindustrialisation des anciens « bastions » ouvriers (Schwartz, 1990, des emplois industriels est elle aussi très favorable au périurbain, où ils
tairement dans le périurbain au cours des années 19906. La dynamique
6. Malgré le maintien d’une forte concentration urbaine des emplois (71 % des emplois la croissance des emplois, toutes catégories confondues, a lieu majori-
sont localisés dans les zones urbaines en 1999, pour 13 % dans le périurbain et 16 % dans de nombreux emplois dans les espaces périurbains. De façon générale,
les espaces ruraux), les espaces périurbains enregistrent une augmentation des emplois s’accompagne dans les décennies suivantes du transfert et de la création
non agricoles de 17,88 % entre 1990 et 1999, un taux bien supérieur aux 3 % relevés dans secteur secondaire en France entre 1975 et 1982 (Noiriel, 2002, p. 238) –
les espaces urbains, comme aux 5 à 10 % relevés dans les espaces ruraux (Huiban, 2003).
le recul de la population industrielle – près d’un million des effectifs du
7. En 1999, les emplois industriels sont localisés pour 63 % dans les pôles urbains, 12 %
dans le périurbain, et 25 % dans les espaces ruraux.
restructurations économiques en cours depuis une trentaine d’années :
8. Soulignons cependant que les évolutions de l’organisation du travail depuis les années
1970, au sein notamment des sites implantés sur les nouvelles zones d’activité, ont fait
l’objet de nombreux travaux. Voir en particulier les numéros d’Actes de la recherche en 89 Violaine Girard
sciences sociales consacrés aux « nouvelles formes de domination dans le travail » en 1996
ou celui de Genèses consacré aux « recompositions du salariat » en 2001.

ou celui de Genèses consacré aux « recompositions du salariat » en 2001.


sciences sociales consacrés aux « nouvelles formes de domination dans le travail » en 1996
Violaine Girard 89 l’objet de nombreux travaux. Voir en particulier les numéros d’Actes de la recherche en
1970, au sein notamment des sites implantés sur les nouvelles zones d’activité, ont fait
8. Soulignons cependant que les évolutions de l’organisation du travail depuis les années
restructurations économiques en cours depuis une trentaine d’années : dans le périurbain, et 25 % dans les espaces ruraux.
le recul de la population industrielle – près d’un million des effectifs du
7. En 1999, les emplois industriels sont localisés pour 63 % dans les pôles urbains, 12 %

secteur secondaire en France entre 1975 et 1982 (Noiriel, 2002, p. 238) –


les espaces urbains, comme aux 5 à 10 % relevés dans les espaces ruraux (Huiban, 2003).
non agricoles de 17,88 % entre 1990 et 1999, un taux bien supérieur aux 3 % relevés dans
s’accompagne dans les décennies suivantes du transfert et de la création les espaces ruraux), les espaces périurbains enregistrent une augmentation des emplois
de nombreux emplois dans les espaces périurbains. De façon générale, sont localisés dans les zones urbaines en 1999, pour 13 % dans le périurbain et 16 % dans
la croissance des emplois, toutes catégories confondues, a lieu majori- 6. Malgré le maintien d’une forte concentration urbaine des emplois (71 % des emplois
tairement dans le périurbain au cours des années 19906. La dynamique
des emplois industriels est elle aussi très favorable au périurbain, où ils la désindustrialisation des anciens « bastions » ouvriers (Schwartz, 1990,
connaissent une hausse de 5 % entre 1990 et 1999, alors qu’ils chutent de zones d’activité demeurent peu connus8, à l’inverse des conséquences de
16 % dans les pôles urbains7 (Gaigné et al., 2005). lieux d’emploi. Or les effets du développement récent de nombreuses
Ces deux grandes dynamiques – maintien d’une forte proportion de lation de ménages d’ouvriers et d’employés à proximité de ces nouveaux
catégories populaires et renouveau des emplois – enregistrées en moyenne baines a contribué à favoriser, au cours des années 1980 et 1990, l’instal-
au sein la catégorie statistique « du » périurbain, doivent toutefois être montre que l’implantation d’activités productives dans les périphéries ur-
appréhendées à une échelle plus fine, car elles ont toutes les chances de avec les dynamiques de relocalisation des emplois, le cas de la Riboire
ne pas se déployer de façon homogène dans l’ensemble des espaces péri- de périurbanisation, qu’on aborde plus souvent à une échelle macro,
urbains. Elles sont plus accentuées dans certains des territoires qui forment territoires périurbains éloignés. Si l’on articule rarement les mécanismes
les couronnes périurbaines, et demandent donc à être appréhendées à sorte, les deux grands types d’évolutions qui ont affecté bon nombre de
une échelle rapprochée. les ménages les classes populaires. Ce territoire incarne ainsi, en quelque
juguées au mouvement d’accès à la propriété principalement porté par
L’ESSOR D’UN PARC INDUSTRIEL : Dans la Riboire, des implantations industrielles massives se sont con-
PÉRIURBANISATION ET SEGMENTATION DE L’EMPLOI
PÉRIURBANISATION ET SEGMENTATION DE L’EMPLOI
Dans la Riboire, des implantations industrielles massives se sont con- L’ESSOR D’UN PARC INDUSTRIEL :
juguées au mouvement d’accès à la propriété principalement porté par
les ménages les classes populaires. Ce territoire incarne ainsi, en quelque une échelle rapprochée.
sorte, les deux grands types d’évolutions qui ont affecté bon nombre de les couronnes périurbaines, et demandent donc à être appréhendées à
territoires périurbains éloignés. Si l’on articule rarement les mécanismes urbains. Elles sont plus accentuées dans certains des territoires qui forment
de périurbanisation, qu’on aborde plus souvent à une échelle macro, ne pas se déployer de façon homogène dans l’ensemble des espaces péri-
avec les dynamiques de relocalisation des emplois, le cas de la Riboire appréhendées à une échelle plus fine, car elles ont toutes les chances de
montre que l’implantation d’activités productives dans les périphéries ur- au sein la catégorie statistique « du » périurbain, doivent toutefois être
baines a contribué à favoriser, au cours des années 1980 et 1990, l’instal- catégories populaires et renouveau des emplois – enregistrées en moyenne
lation de ménages d’ouvriers et d’employés à proximité de ces nouveaux Ces deux grandes dynamiques – maintien d’une forte proportion de
lieux d’emploi. Or les effets du développement récent de nombreuses 16 % dans les pôles urbains7 (Gaigné et al., 2005).
zones d’activité demeurent peu connus8, à l’inverse des conséquences de connaissent une hausse de 5 % entre 1990 et 1999, alors qu’ils chutent de
la désindustrialisation des anciens « bastions » ouvriers (Schwartz, 1990, des emplois industriels est elle aussi très favorable au périurbain, où ils
tairement dans le périurbain au cours des années 19906. La dynamique
6. Malgré le maintien d’une forte concentration urbaine des emplois (71 % des emplois la croissance des emplois, toutes catégories confondues, a lieu majori-
sont localisés dans les zones urbaines en 1999, pour 13 % dans le périurbain et 16 % dans de nombreux emplois dans les espaces périurbains. De façon générale,
les espaces ruraux), les espaces périurbains enregistrent une augmentation des emplois s’accompagne dans les décennies suivantes du transfert et de la création
non agricoles de 17,88 % entre 1990 et 1999, un taux bien supérieur aux 3 % relevés dans secteur secondaire en France entre 1975 et 1982 (Noiriel, 2002, p. 238) –
les espaces urbains, comme aux 5 à 10 % relevés dans les espaces ruraux (Huiban, 2003).
le recul de la population industrielle – près d’un million des effectifs du
7. En 1999, les emplois industriels sont localisés pour 63 % dans les pôles urbains, 12 %
dans le périurbain, et 25 % dans les espaces ruraux.
restructurations économiques en cours depuis une trentaine d’années :
8. Soulignons cependant que les évolutions de l’organisation du travail depuis les années
1970, au sein notamment des sites implantés sur les nouvelles zones d’activité, ont fait
l’objet de nombreux travaux. Voir en particulier les numéros d’Actes de la recherche en 89 Violaine Girard
sciences sociales consacrés aux « nouvelles formes de domination dans le travail » en 1996
ou celui de Genèses consacré aux « recompositions du salariat » en 2001.
riés est passée de 54,4 % à 39,7 % » (Renahy, 2002, p. 3).
9. « Entre 1975 et 1996, la part des établissements du secteur industriel de plus de 200 sala-
90 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain

lieux de travail que des statuts d’emploi.


(tableau 1), elle se caractérise aussi par une forte segmentation tant des 2002  ; Beaud & Pialoux, 1999). Il s’agit donc ici de préciser, à partir
prédominance des postes d’ouvriers et de techniciens et contremaîtres de statistiques localisées, les modalités d’« articulation » avec le terri-
le parc industriel, la structure des emplois reste marquée par une nette toire (Fournier, 1994) de l’industrialisation de la Riboire à partir des
sous-traitantes9. Si, dans le canton de Varieu où sont situés la centrale et années 1980.
renforcement du contrôle exercé par les grands groupes sur les PME
structurelle à la diminution du nombre de gros établissements, alliée au Une structure d’emploi marquée par les réorganisations industrielles
moins de 200 salariés sur 91 établissements en 2007) reflètent la tendance
EDF à la centrale. Les caractéristiques de ce parc (80 établissements de Marquée au cours des années 1950 et 1960 par le développement de
res au début des années 2000, contre un effectif d’environ 1 300 agents plusieurs grands établissements industriels, la Riboire est un territoire
permanents, auxquels s’ajoutent entre 1 000 et 2 000 emplois temporai- rural dominé par les activités industrielles. Plus tardive que dans les prin-
en matière d’emploi local, puisqu’il rassemble près de 3 000  emplois cipaux centres industriels français, cette industrialisation se traduit par la
industrielle, etc. Il prend progressivement le pas sur la centrale nucléaire formation d’une main-d’œuvre ouvrière à fort ancrage local, composée de
diversifiés  : chimie, industrie pharmaceutique, logistique, maintenance nombreux ouvriers-paysans, bien plus qu’elle ne permet la reproduction
de grands groupes et de nombreuses PME dans des secteurs d’activité familiale des positions ouvrières comme au sein d’une industrie domi-
parmi lesquels on compte aujourd’hui une dizaine d’unités de production nante. Les processus de constitution de ces groupes ouvriers sont très
Le parc accueille, à partir des années 1980, de nombreux sites industriels, rapidement ébranlés, dès le début des années 1970, en raison de la désin-
les services de l’État puis financé et géré par les collectivités territoriales. dustrialisation qui frappe les établissements anciens mais aussi de l’instal-
1960, la Riboire devient un parc industriel dont le projet est porté par lation de nouveaux sites de production. Ces transformations massives de
Après la construction d’une centrale nucléaire au milieu des années  l’emploi local participent du mouvement plus général de restructuration
autour de pôles diversifiés » (Noiriel, 2002, p. 261). industrielle, qui se traduit par la formation de nouvelles concentrations in-
a lieu « l’éclatement des formes d’organisation du monde du travail actuel dustrielles bien souvent localisées dans le périurbain et au sein desquelles
dustrielles bien souvent localisées dans le périurbain et au sein desquelles a lieu « l’éclatement des formes d’organisation du monde du travail actuel
industrielle, qui se traduit par la formation de nouvelles concentrations in- autour de pôles diversifiés » (Noiriel, 2002, p. 261).
l’emploi local participent du mouvement plus général de restructuration Après la construction d’une centrale nucléaire au milieu des années 
lation de nouveaux sites de production. Ces transformations massives de 1960, la Riboire devient un parc industriel dont le projet est porté par
dustrialisation qui frappe les établissements anciens mais aussi de l’instal- les services de l’État puis financé et géré par les collectivités territoriales.
rapidement ébranlés, dès le début des années 1970, en raison de la désin- Le parc accueille, à partir des années 1980, de nombreux sites industriels,
nante. Les processus de constitution de ces groupes ouvriers sont très parmi lesquels on compte aujourd’hui une dizaine d’unités de production
familiale des positions ouvrières comme au sein d’une industrie domi- de grands groupes et de nombreuses PME dans des secteurs d’activité
nombreux ouvriers-paysans, bien plus qu’elle ne permet la reproduction diversifiés  : chimie, industrie pharmaceutique, logistique, maintenance
formation d’une main-d’œuvre ouvrière à fort ancrage local, composée de industrielle, etc. Il prend progressivement le pas sur la centrale nucléaire
cipaux centres industriels français, cette industrialisation se traduit par la en matière d’emploi local, puisqu’il rassemble près de 3 000  emplois
rural dominé par les activités industrielles. Plus tardive que dans les prin- permanents, auxquels s’ajoutent entre 1 000 et 2 000 emplois temporai-
plusieurs grands établissements industriels, la Riboire est un territoire res au début des années 2000, contre un effectif d’environ 1 300 agents
Marquée au cours des années 1950 et 1960 par le développement de EDF à la centrale. Les caractéristiques de ce parc (80 établissements de
moins de 200 salariés sur 91 établissements en 2007) reflètent la tendance
Une structure d’emploi marquée par les réorganisations industrielles structurelle à la diminution du nombre de gros établissements, alliée au
renforcement du contrôle exercé par les grands groupes sur les PME
années 1980. sous-traitantes9. Si, dans le canton de Varieu où sont situés la centrale et
toire (Fournier, 1994) de l’industrialisation de la Riboire à partir des le parc industriel, la structure des emplois reste marquée par une nette
de statistiques localisées, les modalités d’« articulation » avec le terri- prédominance des postes d’ouvriers et de techniciens et contremaîtres
2002  ; Beaud & Pialoux, 1999). Il s’agit donc ici de préciser, à partir (tableau 1), elle se caractérise aussi par une forte segmentation tant des
lieux de travail que des statuts d’emploi.
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 90
9. « Entre 1975 et 1996, la part des établissements du secteur industriel de plus de 200 sala-
riés est passée de 54,4 % à 39,7 % » (Renahy, 2002, p. 3).

riés est passée de 54,4 % à 39,7 % » (Renahy, 2002, p. 3).


9. « Entre 1975 et 1996, la part des établissements du secteur industriel de plus de 200 sala-
90 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain

lieux de travail que des statuts d’emploi.


(tableau 1), elle se caractérise aussi par une forte segmentation tant des 2002  ; Beaud & Pialoux, 1999). Il s’agit donc ici de préciser, à partir
prédominance des postes d’ouvriers et de techniciens et contremaîtres de statistiques localisées, les modalités d’« articulation » avec le terri-
le parc industriel, la structure des emplois reste marquée par une nette toire (Fournier, 1994) de l’industrialisation de la Riboire à partir des
sous-traitantes9. Si, dans le canton de Varieu où sont situés la centrale et années 1980.
renforcement du contrôle exercé par les grands groupes sur les PME
structurelle à la diminution du nombre de gros établissements, alliée au Une structure d’emploi marquée par les réorganisations industrielles
moins de 200 salariés sur 91 établissements en 2007) reflètent la tendance
EDF à la centrale. Les caractéristiques de ce parc (80 établissements de Marquée au cours des années 1950 et 1960 par le développement de
res au début des années 2000, contre un effectif d’environ 1 300 agents plusieurs grands établissements industriels, la Riboire est un territoire
permanents, auxquels s’ajoutent entre 1 000 et 2 000 emplois temporai- rural dominé par les activités industrielles. Plus tardive que dans les prin-
en matière d’emploi local, puisqu’il rassemble près de 3 000  emplois cipaux centres industriels français, cette industrialisation se traduit par la
industrielle, etc. Il prend progressivement le pas sur la centrale nucléaire formation d’une main-d’œuvre ouvrière à fort ancrage local, composée de
diversifiés  : chimie, industrie pharmaceutique, logistique, maintenance nombreux ouvriers-paysans, bien plus qu’elle ne permet la reproduction
de grands groupes et de nombreuses PME dans des secteurs d’activité familiale des positions ouvrières comme au sein d’une industrie domi-
parmi lesquels on compte aujourd’hui une dizaine d’unités de production nante. Les processus de constitution de ces groupes ouvriers sont très
Le parc accueille, à partir des années 1980, de nombreux sites industriels, rapidement ébranlés, dès le début des années 1970, en raison de la désin-
les services de l’État puis financé et géré par les collectivités territoriales. dustrialisation qui frappe les établissements anciens mais aussi de l’instal-
1960, la Riboire devient un parc industriel dont le projet est porté par lation de nouveaux sites de production. Ces transformations massives de
Après la construction d’une centrale nucléaire au milieu des années  l’emploi local participent du mouvement plus général de restructuration
autour de pôles diversifiés » (Noiriel, 2002, p. 261). industrielle, qui se traduit par la formation de nouvelles concentrations in-
a lieu « l’éclatement des formes d’organisation du monde du travail actuel dustrielles bien souvent localisées dans le périurbain et au sein desquelles
dustrielles bien souvent localisées dans le périurbain et au sein desquelles a lieu « l’éclatement des formes d’organisation du monde du travail actuel
industrielle, qui se traduit par la formation de nouvelles concentrations in- autour de pôles diversifiés » (Noiriel, 2002, p. 261).
l’emploi local participent du mouvement plus général de restructuration Après la construction d’une centrale nucléaire au milieu des années 
lation de nouveaux sites de production. Ces transformations massives de 1960, la Riboire devient un parc industriel dont le projet est porté par
dustrialisation qui frappe les établissements anciens mais aussi de l’instal- les services de l’État puis financé et géré par les collectivités territoriales.
rapidement ébranlés, dès le début des années 1970, en raison de la désin- Le parc accueille, à partir des années 1980, de nombreux sites industriels,
nante. Les processus de constitution de ces groupes ouvriers sont très parmi lesquels on compte aujourd’hui une dizaine d’unités de production
familiale des positions ouvrières comme au sein d’une industrie domi- de grands groupes et de nombreuses PME dans des secteurs d’activité
nombreux ouvriers-paysans, bien plus qu’elle ne permet la reproduction diversifiés  : chimie, industrie pharmaceutique, logistique, maintenance
formation d’une main-d’œuvre ouvrière à fort ancrage local, composée de industrielle, etc. Il prend progressivement le pas sur la centrale nucléaire
cipaux centres industriels français, cette industrialisation se traduit par la en matière d’emploi local, puisqu’il rassemble près de 3 000  emplois
rural dominé par les activités industrielles. Plus tardive que dans les prin- permanents, auxquels s’ajoutent entre 1 000 et 2 000 emplois temporai-
plusieurs grands établissements industriels, la Riboire est un territoire res au début des années 2000, contre un effectif d’environ 1 300 agents
Marquée au cours des années 1950 et 1960 par le développement de EDF à la centrale. Les caractéristiques de ce parc (80 établissements de
moins de 200 salariés sur 91 établissements en 2007) reflètent la tendance
Une structure d’emploi marquée par les réorganisations industrielles structurelle à la diminution du nombre de gros établissements, alliée au
renforcement du contrôle exercé par les grands groupes sur les PME
années 1980. sous-traitantes9. Si, dans le canton de Varieu où sont situés la centrale et
toire (Fournier, 1994) de l’industrialisation de la Riboire à partir des le parc industriel, la structure des emplois reste marquée par une nette
de statistiques localisées, les modalités d’« articulation » avec le terri- prédominance des postes d’ouvriers et de techniciens et contremaîtres
2002  ; Beaud & Pialoux, 1999). Il s’agit donc ici de préciser, à partir (tableau 1), elle se caractérise aussi par une forte segmentation tant des
lieux de travail que des statuts d’emploi.
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 90
9. « Entre 1975 et 1996, la part des établissements du secteur industriel de plus de 200 sala-
riés est passée de 54,4 % à 39,7 % » (Renahy, 2002, p. 3).
nible, résidant dans un rayon de 15 km, pour alimenter les besoins de
Violaine Girard 91 présence, au sein de ce territoire, d’une « population jeune et dispo-
Les documents diffusés par le SMR mettent ainsi l’accent sur la

PCS Canton de Varieu (n = 8 789) effectué par le SMR, 2000).


Agriculteurs 1,5 % Tableau 2. Lieux de résidence des salariés en CDI du parc industriel (recensement
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 4,8 % 6,4 % 5,2 % Autres
Cadres, professions intellectuelles supérieures 10,2 % 14,6 % 8,5 % Agglomération et banlieue voisine
Professions intermédiaires, 27,2 % 18,7 % 26,2 % Communes rurales hors Riboire
dont techniciens 6,7 %
et contremaîtres 11,6 %
60,3 % 60,1 % Total des communes de la Riboire
Employés 16,1 %
25,1 % 21,7 % Autres cantons de la Riboire
Ouvriers 40,2 %
35,2 % 38,4 % Canton de Varieu
dont ouvriers qualifiés 21,1 % (n = 1 850) (n = 1 238)
Décembre 1999 Août 1992
Tableau 1. Emplois au lieu de travail par PCS (professions et catégories socio-
professionnelles) en 1999 (INSEE, recensement de 1999, sondage au quart). résidence des salariés (tableau 2).
les plus proches, comme en témoigne la forte dispersion des lieux de
Une main-d’œuvre « rurale » au sein d’une aire de recrutement étendue parc s’étend en effet de l’agglomération voisine jusqu’aux espaces ruraux
trois cantons de la Riboire. L’aire de recrutement des établissements du
Plusieurs facteurs expliquent l’attrait exercé par le parc auprès des en- connaît, à partir des années 1980, l’espace périurbain que constituent les
treprises ayant choisi de s’y implanter : un coût du foncier peu élevé, de bassin d’emploi en expansion, du fait du dynamisme démographique que
faibles taux de fiscalité locale pour des terrains aménagés par le syndicat tion régionale. Ce développement s’appuie aussi sur la présence d’un
mixte gestionnaire de la Riboire (SMR) et une localisation à proximité de plusieurs nœuds autoroutiers, en périphérie d’une grande aggloméra-
de plusieurs nœuds autoroutiers, en périphérie d’une grande aggloméra- mixte gestionnaire de la Riboire (SMR) et une localisation à proximité
tion régionale. Ce développement s’appuie aussi sur la présence d’un faibles taux de fiscalité locale pour des terrains aménagés par le syndicat
bassin d’emploi en expansion, du fait du dynamisme démographique que treprises ayant choisi de s’y implanter : un coût du foncier peu élevé, de
connaît, à partir des années 1980, l’espace périurbain que constituent les Plusieurs facteurs expliquent l’attrait exercé par le parc auprès des en-
trois cantons de la Riboire. L’aire de recrutement des établissements du
parc s’étend en effet de l’agglomération voisine jusqu’aux espaces ruraux Une main-d’œuvre « rurale » au sein d’une aire de recrutement étendue
les plus proches, comme en témoigne la forte dispersion des lieux de
résidence des salariés (tableau 2). professionnelles) en 1999 (INSEE, recensement de 1999, sondage au quart).
Tableau 1. Emplois au lieu de travail par PCS (professions et catégories socio-
Août 1992 Décembre 1999
(n = 1 238) (n = 1 850) dont ouvriers qualifiés 21,1 %
Canton de Varieu 38,4 % 35,2 %
Ouvriers 40,2 %
Autres cantons de la Riboire 21,7 % 25,1 %
Employés 16,1 %
Total des communes de la Riboire 60,1 % 60,3 %
et contremaîtres 11,6 %
dont techniciens 6,7 %
Communes rurales hors Riboire 26,2 % 18,7 % Professions intermédiaires, 27,2 %
Agglomération et banlieue voisine 8,5 % 14,6 % Cadres, professions intellectuelles supérieures 10,2 %
Autres 5,2 % 6,4 % Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 4,8 %
Tableau 2. Lieux de résidence des salariés en CDI du parc industriel (recensement Agriculteurs 1,5 %
effectué par le SMR, 2000). PCS Canton de Varieu (n = 8 789)

Les documents diffusés par le SMR mettent ainsi l’accent sur la


présence, au sein de ce territoire, d’une « population jeune et dispo- 91 Violaine Girard
nible, résidant dans un rayon de 15 km, pour alimenter les besoins de

nible, résidant dans un rayon de 15 km, pour alimenter les besoins de


Violaine Girard 91 présence, au sein de ce territoire, d’une « population jeune et dispo-
Les documents diffusés par le SMR mettent ainsi l’accent sur la

PCS Canton de Varieu (n = 8 789) effectué par le SMR, 2000).


Agriculteurs 1,5 % Tableau 2. Lieux de résidence des salariés en CDI du parc industriel (recensement
Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 4,8 % 6,4 % 5,2 % Autres
Cadres, professions intellectuelles supérieures 10,2 % 14,6 % 8,5 % Agglomération et banlieue voisine
Professions intermédiaires, 27,2 % 18,7 % 26,2 % Communes rurales hors Riboire
dont techniciens 6,7 %
et contremaîtres 11,6 %
60,3 % 60,1 % Total des communes de la Riboire
Employés 16,1 %
25,1 % 21,7 % Autres cantons de la Riboire
Ouvriers 40,2 %
35,2 % 38,4 % Canton de Varieu
dont ouvriers qualifiés 21,1 % (n = 1 850) (n = 1 238)
Décembre 1999 Août 1992
Tableau 1. Emplois au lieu de travail par PCS (professions et catégories socio-
professionnelles) en 1999 (INSEE, recensement de 1999, sondage au quart). résidence des salariés (tableau 2).
les plus proches, comme en témoigne la forte dispersion des lieux de
Une main-d’œuvre « rurale » au sein d’une aire de recrutement étendue parc s’étend en effet de l’agglomération voisine jusqu’aux espaces ruraux
trois cantons de la Riboire. L’aire de recrutement des établissements du
Plusieurs facteurs expliquent l’attrait exercé par le parc auprès des en- connaît, à partir des années 1980, l’espace périurbain que constituent les
treprises ayant choisi de s’y implanter : un coût du foncier peu élevé, de bassin d’emploi en expansion, du fait du dynamisme démographique que
faibles taux de fiscalité locale pour des terrains aménagés par le syndicat tion régionale. Ce développement s’appuie aussi sur la présence d’un
mixte gestionnaire de la Riboire (SMR) et une localisation à proximité de plusieurs nœuds autoroutiers, en périphérie d’une grande aggloméra-
de plusieurs nœuds autoroutiers, en périphérie d’une grande aggloméra- mixte gestionnaire de la Riboire (SMR) et une localisation à proximité
tion régionale. Ce développement s’appuie aussi sur la présence d’un faibles taux de fiscalité locale pour des terrains aménagés par le syndicat
bassin d’emploi en expansion, du fait du dynamisme démographique que treprises ayant choisi de s’y implanter : un coût du foncier peu élevé, de
connaît, à partir des années 1980, l’espace périurbain que constituent les Plusieurs facteurs expliquent l’attrait exercé par le parc auprès des en-
trois cantons de la Riboire. L’aire de recrutement des établissements du
parc s’étend en effet de l’agglomération voisine jusqu’aux espaces ruraux Une main-d’œuvre « rurale » au sein d’une aire de recrutement étendue
les plus proches, comme en témoigne la forte dispersion des lieux de
résidence des salariés (tableau 2). professionnelles) en 1999 (INSEE, recensement de 1999, sondage au quart).
Tableau 1. Emplois au lieu de travail par PCS (professions et catégories socio-
Août 1992 Décembre 1999
(n = 1 238) (n = 1 850) dont ouvriers qualifiés 21,1 %
Canton de Varieu 38,4 % 35,2 %
Ouvriers 40,2 %
Autres cantons de la Riboire 21,7 % 25,1 %
Employés 16,1 %
Total des communes de la Riboire 60,1 % 60,3 %
et contremaîtres 11,6 %
dont techniciens 6,7 %
Communes rurales hors Riboire 26,2 % 18,7 % Professions intermédiaires, 27,2 %
Agglomération et banlieue voisine 8,5 % 14,6 % Cadres, professions intellectuelles supérieures 10,2 %
Autres 5,2 % 6,4 % Artisans, commerçants, chefs d’entreprise 4,8 %
Tableau 2. Lieux de résidence des salariés en CDI du parc industriel (recensement Agriculteurs 1,5 %
effectué par le SMR, 2000). PCS Canton de Varieu (n = 8 789)

Les documents diffusés par le SMR mettent ainsi l’accent sur la


présence, au sein de ce territoire, d’une « population jeune et dispo- 91 Violaine Girard
nible, résidant dans un rayon de 15 km, pour alimenter les besoins de
10. Parc industriel de la Riboire, dossier de presse, 2004.
mune de résidence. 92 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
immobilier familial, des signes de respectabilité sociale au sein de sa com-
le biais de son ancrage local et de la valorisation d’un petit patrimoine
lement la possibilité de se maintenir dans l’emploi et de construire, par main-d’œuvre », notamment pour les emplois du bas de l’échelle, quand
qu’elle entraîne pour Jean Loiseau une précarité statutaire, lui offre éga- l’agglomération voisine permet « les embauches de cadres ». Ils vantent
transmise par ses parents. La structure d’emploi du parc, en même temps également les qualités d’une «  population rurale qui se fidélise volontiers [...]
dans la rénovation d’une maison « ancienne », « en pierres », qui lui a été en adhérant à la philosophie et à l’esprit d’entreprise10 ». On sait que le
son père, sont en partie compensées par des investissements importants recours à une main-d’œuvre dite « rurale » s’accompagne bien souvent de
stable, qui signent un déclassement par rapport au statut professionnel de l’imposition managériale de nouveaux modes d’organisation du travail,
divorce qui l’a déstabilisé. Mais ses difficultés d’insertion dans un emploi associés à des niveaux de rémunération souvent plus faibles qu’en zone
Loiseau, 16 février 2004). Sa trajectoire sociale est aussi marquée par un urbaine (Renahy, 2002). Soulignons enfin que ces nouveaux sites ont bé-
général des salaires au sein des entreprises du parc (entretien avec Jean néficié de l’impact des fermetures et des réductions d’effectifs des éta-
toujours trouvé du travail en se débrouillant, il déplore le faible niveau blissements plus anciens de la Riboire. On peut ainsi évoquer le cas d’un
plateforme logistique de distribution de véhicules. S’il signale qu’il a ancien ouvrier de la métallurgie, salarié d’une usine située dans une petite
usines chimiques. Au moment de l’entretien, il est intérimaire dans une ville voisine, qui, licencié en 2001 lors de la fermeture du site, a ensuite
les entreprises présentes sur le parc de la Riboire, notamment dans les retrouvé un emploi dans l’une des entreprises de logistique du parc. Cette
nance électrique, puis a effectué de nombreuses missions d’intérim pour industrialisation « nouvelle » a également fourni de nombreux débouchés
chef de chantier dans les travaux publics : Jean a travaillé dans la mainte- professionnels aux enfants d’ouvriers-paysans nés dans les années 1960, et
stable que celle qu’a connue son père, Albert, qui a mené une carrière de a ainsi fortement contribué au maintien sur place de ménages ouvriers.
sa situation professionnelle apparaît moins valorisante et surtout moins La trajectoire professionnelle de Jean Loiseau, né en 1960, en fournit un
(entretien avec Albert et Marie-Louise Loiseau, 10 avril 2003). Depuis, exemple : à son entrée dans la vie active, Jean travaille à la construction de
crainte des risques, notamment l’exposition aux rayonnements radioactifs la centrale nucléaire, chez Alsthom qui « le loue » à EDF pour des travaux
la proposition du directeur du site d’une embauche comme agent, par de câblage électrique. Au grand regret de ses parents, originaires d’une
EDF à la fin du chantier de la centrale, en 1979. Il aurait en effet refusé commune rurale de la Riboire, Jean n’a pas pu accéder au statut d’agent
commune rurale de la Riboire, Jean n’a pas pu accéder au statut d’agent EDF à la fin du chantier de la centrale, en 1979. Il aurait en effet refusé
de câblage électrique. Au grand regret de ses parents, originaires d’une la proposition du directeur du site d’une embauche comme agent, par
la centrale nucléaire, chez Alsthom qui « le loue » à EDF pour des travaux crainte des risques, notamment l’exposition aux rayonnements radioactifs
exemple : à son entrée dans la vie active, Jean travaille à la construction de (entretien avec Albert et Marie-Louise Loiseau, 10 avril 2003). Depuis,
La trajectoire professionnelle de Jean Loiseau, né en 1960, en fournit un sa situation professionnelle apparaît moins valorisante et surtout moins
a ainsi fortement contribué au maintien sur place de ménages ouvriers. stable que celle qu’a connue son père, Albert, qui a mené une carrière de
professionnels aux enfants d’ouvriers-paysans nés dans les années 1960, et chef de chantier dans les travaux publics : Jean a travaillé dans la mainte-
industrialisation « nouvelle » a également fourni de nombreux débouchés nance électrique, puis a effectué de nombreuses missions d’intérim pour
retrouvé un emploi dans l’une des entreprises de logistique du parc. Cette les entreprises présentes sur le parc de la Riboire, notamment dans les
ville voisine, qui, licencié en 2001 lors de la fermeture du site, a ensuite usines chimiques. Au moment de l’entretien, il est intérimaire dans une
ancien ouvrier de la métallurgie, salarié d’une usine située dans une petite plateforme logistique de distribution de véhicules. S’il signale qu’il a
blissements plus anciens de la Riboire. On peut ainsi évoquer le cas d’un toujours trouvé du travail en se débrouillant, il déplore le faible niveau
néficié de l’impact des fermetures et des réductions d’effectifs des éta- général des salaires au sein des entreprises du parc (entretien avec Jean
urbaine (Renahy, 2002). Soulignons enfin que ces nouveaux sites ont bé- Loiseau, 16 février 2004). Sa trajectoire sociale est aussi marquée par un
associés à des niveaux de rémunération souvent plus faibles qu’en zone divorce qui l’a déstabilisé. Mais ses difficultés d’insertion dans un emploi
l’imposition managériale de nouveaux modes d’organisation du travail, stable, qui signent un déclassement par rapport au statut professionnel de
recours à une main-d’œuvre dite « rurale » s’accompagne bien souvent de son père, sont en partie compensées par des investissements importants
en adhérant à la philosophie et à l’esprit d’entreprise10 ». On sait que le dans la rénovation d’une maison « ancienne », « en pierres », qui lui a été
également les qualités d’une «  population rurale qui se fidélise volontiers [...] transmise par ses parents. La structure d’emploi du parc, en même temps
l’agglomération voisine permet « les embauches de cadres ». Ils vantent qu’elle entraîne pour Jean Loiseau une précarité statutaire, lui offre éga-
main-d’œuvre », notamment pour les emplois du bas de l’échelle, quand lement la possibilité de se maintenir dans l’emploi et de construire, par
le biais de son ancrage local et de la valorisation d’un petit patrimoine
immobilier familial, des signes de respectabilité sociale au sein de sa com-
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 92 mune de résidence.
10. Parc industriel de la Riboire, dossier de presse, 2004.

10. Parc industriel de la Riboire, dossier de presse, 2004.


mune de résidence. 92 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
immobilier familial, des signes de respectabilité sociale au sein de sa com-
le biais de son ancrage local et de la valorisation d’un petit patrimoine
lement la possibilité de se maintenir dans l’emploi et de construire, par main-d’œuvre », notamment pour les emplois du bas de l’échelle, quand
qu’elle entraîne pour Jean Loiseau une précarité statutaire, lui offre éga- l’agglomération voisine permet « les embauches de cadres ». Ils vantent
transmise par ses parents. La structure d’emploi du parc, en même temps également les qualités d’une «  population rurale qui se fidélise volontiers [...]
dans la rénovation d’une maison « ancienne », « en pierres », qui lui a été en adhérant à la philosophie et à l’esprit d’entreprise10 ». On sait que le
son père, sont en partie compensées par des investissements importants recours à une main-d’œuvre dite « rurale » s’accompagne bien souvent de
stable, qui signent un déclassement par rapport au statut professionnel de l’imposition managériale de nouveaux modes d’organisation du travail,
divorce qui l’a déstabilisé. Mais ses difficultés d’insertion dans un emploi associés à des niveaux de rémunération souvent plus faibles qu’en zone
Loiseau, 16 février 2004). Sa trajectoire sociale est aussi marquée par un urbaine (Renahy, 2002). Soulignons enfin que ces nouveaux sites ont bé-
général des salaires au sein des entreprises du parc (entretien avec Jean néficié de l’impact des fermetures et des réductions d’effectifs des éta-
toujours trouvé du travail en se débrouillant, il déplore le faible niveau blissements plus anciens de la Riboire. On peut ainsi évoquer le cas d’un
plateforme logistique de distribution de véhicules. S’il signale qu’il a ancien ouvrier de la métallurgie, salarié d’une usine située dans une petite
usines chimiques. Au moment de l’entretien, il est intérimaire dans une ville voisine, qui, licencié en 2001 lors de la fermeture du site, a ensuite
les entreprises présentes sur le parc de la Riboire, notamment dans les retrouvé un emploi dans l’une des entreprises de logistique du parc. Cette
nance électrique, puis a effectué de nombreuses missions d’intérim pour industrialisation « nouvelle » a également fourni de nombreux débouchés
chef de chantier dans les travaux publics : Jean a travaillé dans la mainte- professionnels aux enfants d’ouvriers-paysans nés dans les années 1960, et
stable que celle qu’a connue son père, Albert, qui a mené une carrière de a ainsi fortement contribué au maintien sur place de ménages ouvriers.
sa situation professionnelle apparaît moins valorisante et surtout moins La trajectoire professionnelle de Jean Loiseau, né en 1960, en fournit un
(entretien avec Albert et Marie-Louise Loiseau, 10 avril 2003). Depuis, exemple : à son entrée dans la vie active, Jean travaille à la construction de
crainte des risques, notamment l’exposition aux rayonnements radioactifs la centrale nucléaire, chez Alsthom qui « le loue » à EDF pour des travaux
la proposition du directeur du site d’une embauche comme agent, par de câblage électrique. Au grand regret de ses parents, originaires d’une
EDF à la fin du chantier de la centrale, en 1979. Il aurait en effet refusé commune rurale de la Riboire, Jean n’a pas pu accéder au statut d’agent
commune rurale de la Riboire, Jean n’a pas pu accéder au statut d’agent EDF à la fin du chantier de la centrale, en 1979. Il aurait en effet refusé
de câblage électrique. Au grand regret de ses parents, originaires d’une la proposition du directeur du site d’une embauche comme agent, par
la centrale nucléaire, chez Alsthom qui « le loue » à EDF pour des travaux crainte des risques, notamment l’exposition aux rayonnements radioactifs
exemple : à son entrée dans la vie active, Jean travaille à la construction de (entretien avec Albert et Marie-Louise Loiseau, 10 avril 2003). Depuis,
La trajectoire professionnelle de Jean Loiseau, né en 1960, en fournit un sa situation professionnelle apparaît moins valorisante et surtout moins
a ainsi fortement contribué au maintien sur place de ménages ouvriers. stable que celle qu’a connue son père, Albert, qui a mené une carrière de
professionnels aux enfants d’ouvriers-paysans nés dans les années 1960, et chef de chantier dans les travaux publics : Jean a travaillé dans la mainte-
industrialisation « nouvelle » a également fourni de nombreux débouchés nance électrique, puis a effectué de nombreuses missions d’intérim pour
retrouvé un emploi dans l’une des entreprises de logistique du parc. Cette les entreprises présentes sur le parc de la Riboire, notamment dans les
ville voisine, qui, licencié en 2001 lors de la fermeture du site, a ensuite usines chimiques. Au moment de l’entretien, il est intérimaire dans une
ancien ouvrier de la métallurgie, salarié d’une usine située dans une petite plateforme logistique de distribution de véhicules. S’il signale qu’il a
blissements plus anciens de la Riboire. On peut ainsi évoquer le cas d’un toujours trouvé du travail en se débrouillant, il déplore le faible niveau
néficié de l’impact des fermetures et des réductions d’effectifs des éta- général des salaires au sein des entreprises du parc (entretien avec Jean
urbaine (Renahy, 2002). Soulignons enfin que ces nouveaux sites ont bé- Loiseau, 16 février 2004). Sa trajectoire sociale est aussi marquée par un
associés à des niveaux de rémunération souvent plus faibles qu’en zone divorce qui l’a déstabilisé. Mais ses difficultés d’insertion dans un emploi
l’imposition managériale de nouveaux modes d’organisation du travail, stable, qui signent un déclassement par rapport au statut professionnel de
recours à une main-d’œuvre dite « rurale » s’accompagne bien souvent de son père, sont en partie compensées par des investissements importants
en adhérant à la philosophie et à l’esprit d’entreprise10 ». On sait que le dans la rénovation d’une maison « ancienne », « en pierres », qui lui a été
également les qualités d’une «  population rurale qui se fidélise volontiers [...] transmise par ses parents. La structure d’emploi du parc, en même temps
l’agglomération voisine permet « les embauches de cadres ». Ils vantent qu’elle entraîne pour Jean Loiseau une précarité statutaire, lui offre éga-
main-d’œuvre », notamment pour les emplois du bas de l’échelle, quand lement la possibilité de se maintenir dans l’emploi et de construire, par
le biais de son ancrage local et de la valorisation d’un petit patrimoine
immobilier familial, des signes de respectabilité sociale au sein de sa com-
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 92 mune de résidence.
10. Parc industriel de la Riboire, dossier de presse, 2004.
(1,75 %), et repose principalement sur le solde migratoire (1,14 %). En
Violaine Girard 93 à 1,85 %, soit un peu plus que dans l’ensemble du périurbain français
Varieu, entre 1982 et 1990, le taux de croissance annuel moyen s’élève
nées 1960 porte la marque d’une urbanisation diffuse. Dans le canton de
La Riboire constitue ainsi un type de territoire ouvrier demeuré Le dynamisme démographique de la Riboire depuis la fin des an-
jusqu’ici peu étudié, à l’instar des « concentrations inaperçues » de la
classe ouvrière décrites par Michel Verret (1979, p. 89) à la fin des an- L’expansion pavillonnaire portée par les ménages ouvriers
nées 1960, autour de sites industriels implantés dans les espaces ruraux.
Le caractère ouvrier de ce territoire est en effet peu visible, tant les carac- à la hausse des qualifications dans l’industrie.
téristiques de ce « nouveau » pôle industriel sont différentes de celles des tées, liée à l’allongement de la durée des études (Schwartz, 1998) comme
espaces mono-industriels structurés autour d’un site qui rend possibles relative ouverture des possibles sociaux pour les fractions les mieux do-
des processus d’affiliation à un groupe socioprofessionnel stable : à l’écla- double mouvement : la précarisation des fractions les moins stables et la
tement des différents sites industriels s’ajoutent, dans la Riboire comme internes aux classes populaires, travaillées depuis les années 1970 par un
dans de nombreuses zones d’activités périurbaines, la différenciation des globaux, ceux qui conduisent à l’approfondissement des différenciations
statuts d’emplois et la dispersion des lieux de résidence des salariés de les évolutions relevées dans la Riboire renvoient à des processus plus
l’industrie. De nombreux ouvriers du parc de la Riboire habitent en tions au profit des fractions supérieures des classes populaires. Là encore,
effet à distance de leur lieu de travail, alors que ceux qui accèdent à la des années 1960 et 1970, il procède toutefois d’importantes recomposi-
propriété dans le canton de Varieu continuent parfois de travailler dans continuité avec le caractère ouvrier très marqué de ce territoire au cours
l’agglomération voisine. demeurent surreprésentés. Mais si ce mouvement semble s’inscrire en
dants pour une très large part issus des classes populaires, où les ouvriers
UN TERRITOIRE PAVILLONNAIRE OUVRIER ? la Riboire un espace qui accueille principalement des ménages d’accé-
voisine. Le renouveau de l’emploi industriel concourt alors à faire de
L’accession ouvrière à la propriété connaît en France une accélération ritoire, en les rendant plus facilement accessibles depuis l’agglomération
notable au cours des années 1980, à la fin desquelles le statut de proprié- la Riboire « ouvre » à la périurbanisation les communes rurales de ce ter-
taire concerne quasiment un ouvrier sur deux (Groux & Lévy, 1993). Or, c’est en 1982 que la mise en service de l’autoroute desservant le parc de
c’est en 1982 que la mise en service de l’autoroute desservant le parc de taire concerne quasiment un ouvrier sur deux (Groux & Lévy, 1993). Or,
la Riboire « ouvre » à la périurbanisation les communes rurales de ce ter- notable au cours des années 1980, à la fin desquelles le statut de proprié-
ritoire, en les rendant plus facilement accessibles depuis l’agglomération L’accession ouvrière à la propriété connaît en France une accélération
voisine. Le renouveau de l’emploi industriel concourt alors à faire de
la Riboire un espace qui accueille principalement des ménages d’accé- UN TERRITOIRE PAVILLONNAIRE OUVRIER ?
dants pour une très large part issus des classes populaires, où les ouvriers
demeurent surreprésentés. Mais si ce mouvement semble s’inscrire en l’agglomération voisine.
continuité avec le caractère ouvrier très marqué de ce territoire au cours propriété dans le canton de Varieu continuent parfois de travailler dans
des années 1960 et 1970, il procède toutefois d’importantes recomposi- effet à distance de leur lieu de travail, alors que ceux qui accèdent à la
tions au profit des fractions supérieures des classes populaires. Là encore, l’industrie. De nombreux ouvriers du parc de la Riboire habitent en
les évolutions relevées dans la Riboire renvoient à des processus plus statuts d’emplois et la dispersion des lieux de résidence des salariés de
globaux, ceux qui conduisent à l’approfondissement des différenciations dans de nombreuses zones d’activités périurbaines, la différenciation des
internes aux classes populaires, travaillées depuis les années 1970 par un tement des différents sites industriels s’ajoutent, dans la Riboire comme
double mouvement : la précarisation des fractions les moins stables et la des processus d’affiliation à un groupe socioprofessionnel stable : à l’écla-
relative ouverture des possibles sociaux pour les fractions les mieux do- espaces mono-industriels structurés autour d’un site qui rend possibles
tées, liée à l’allongement de la durée des études (Schwartz, 1998) comme téristiques de ce « nouveau » pôle industriel sont différentes de celles des
à la hausse des qualifications dans l’industrie. Le caractère ouvrier de ce territoire est en effet peu visible, tant les carac-
nées 1960, autour de sites industriels implantés dans les espaces ruraux.
L’expansion pavillonnaire portée par les ménages ouvriers classe ouvrière décrites par Michel Verret (1979, p. 89) à la fin des an-
jusqu’ici peu étudié, à l’instar des « concentrations inaperçues » de la
Le dynamisme démographique de la Riboire depuis la fin des an- La Riboire constitue ainsi un type de territoire ouvrier demeuré
nées 1960 porte la marque d’une urbanisation diffuse. Dans le canton de
Varieu, entre 1982 et 1990, le taux de croissance annuel moyen s’élève
à 1,85 %, soit un peu plus que dans l’ensemble du périurbain français 93 Violaine Girard
(1,75 %), et repose principalement sur le solde migratoire (1,14 %). En

(1,75 %), et repose principalement sur le solde migratoire (1,14 %). En


Violaine Girard 93 à 1,85 %, soit un peu plus que dans l’ensemble du périurbain français
Varieu, entre 1982 et 1990, le taux de croissance annuel moyen s’élève
nées 1960 porte la marque d’une urbanisation diffuse. Dans le canton de
La Riboire constitue ainsi un type de territoire ouvrier demeuré Le dynamisme démographique de la Riboire depuis la fin des an-
jusqu’ici peu étudié, à l’instar des « concentrations inaperçues » de la
classe ouvrière décrites par Michel Verret (1979, p. 89) à la fin des an- L’expansion pavillonnaire portée par les ménages ouvriers
nées 1960, autour de sites industriels implantés dans les espaces ruraux.
Le caractère ouvrier de ce territoire est en effet peu visible, tant les carac- à la hausse des qualifications dans l’industrie.
téristiques de ce « nouveau » pôle industriel sont différentes de celles des tées, liée à l’allongement de la durée des études (Schwartz, 1998) comme
espaces mono-industriels structurés autour d’un site qui rend possibles relative ouverture des possibles sociaux pour les fractions les mieux do-
des processus d’affiliation à un groupe socioprofessionnel stable : à l’écla- double mouvement : la précarisation des fractions les moins stables et la
tement des différents sites industriels s’ajoutent, dans la Riboire comme internes aux classes populaires, travaillées depuis les années 1970 par un
dans de nombreuses zones d’activités périurbaines, la différenciation des globaux, ceux qui conduisent à l’approfondissement des différenciations
statuts d’emplois et la dispersion des lieux de résidence des salariés de les évolutions relevées dans la Riboire renvoient à des processus plus
l’industrie. De nombreux ouvriers du parc de la Riboire habitent en tions au profit des fractions supérieures des classes populaires. Là encore,
effet à distance de leur lieu de travail, alors que ceux qui accèdent à la des années 1960 et 1970, il procède toutefois d’importantes recomposi-
propriété dans le canton de Varieu continuent parfois de travailler dans continuité avec le caractère ouvrier très marqué de ce territoire au cours
l’agglomération voisine. demeurent surreprésentés. Mais si ce mouvement semble s’inscrire en
dants pour une très large part issus des classes populaires, où les ouvriers
UN TERRITOIRE PAVILLONNAIRE OUVRIER ? la Riboire un espace qui accueille principalement des ménages d’accé-
voisine. Le renouveau de l’emploi industriel concourt alors à faire de
L’accession ouvrière à la propriété connaît en France une accélération ritoire, en les rendant plus facilement accessibles depuis l’agglomération
notable au cours des années 1980, à la fin desquelles le statut de proprié- la Riboire « ouvre » à la périurbanisation les communes rurales de ce ter-
taire concerne quasiment un ouvrier sur deux (Groux & Lévy, 1993). Or, c’est en 1982 que la mise en service de l’autoroute desservant le parc de
c’est en 1982 que la mise en service de l’autoroute desservant le parc de taire concerne quasiment un ouvrier sur deux (Groux & Lévy, 1993). Or,
la Riboire « ouvre » à la périurbanisation les communes rurales de ce ter- notable au cours des années 1980, à la fin desquelles le statut de proprié-
ritoire, en les rendant plus facilement accessibles depuis l’agglomération L’accession ouvrière à la propriété connaît en France une accélération
voisine. Le renouveau de l’emploi industriel concourt alors à faire de
la Riboire un espace qui accueille principalement des ménages d’accé- UN TERRITOIRE PAVILLONNAIRE OUVRIER ?
dants pour une très large part issus des classes populaires, où les ouvriers
demeurent surreprésentés. Mais si ce mouvement semble s’inscrire en l’agglomération voisine.
continuité avec le caractère ouvrier très marqué de ce territoire au cours propriété dans le canton de Varieu continuent parfois de travailler dans
des années 1960 et 1970, il procède toutefois d’importantes recomposi- effet à distance de leur lieu de travail, alors que ceux qui accèdent à la
tions au profit des fractions supérieures des classes populaires. Là encore, l’industrie. De nombreux ouvriers du parc de la Riboire habitent en
les évolutions relevées dans la Riboire renvoient à des processus plus statuts d’emplois et la dispersion des lieux de résidence des salariés de
globaux, ceux qui conduisent à l’approfondissement des différenciations dans de nombreuses zones d’activités périurbaines, la différenciation des
internes aux classes populaires, travaillées depuis les années 1970 par un tement des différents sites industriels s’ajoutent, dans la Riboire comme
double mouvement : la précarisation des fractions les moins stables et la des processus d’affiliation à un groupe socioprofessionnel stable : à l’écla-
relative ouverture des possibles sociaux pour les fractions les mieux do- espaces mono-industriels structurés autour d’un site qui rend possibles
tées, liée à l’allongement de la durée des études (Schwartz, 1998) comme téristiques de ce « nouveau » pôle industriel sont différentes de celles des
à la hausse des qualifications dans l’industrie. Le caractère ouvrier de ce territoire est en effet peu visible, tant les carac-
nées 1960, autour de sites industriels implantés dans les espaces ruraux.
L’expansion pavillonnaire portée par les ménages ouvriers classe ouvrière décrites par Michel Verret (1979, p. 89) à la fin des an-
jusqu’ici peu étudié, à l’instar des « concentrations inaperçues » de la
Le dynamisme démographique de la Riboire depuis la fin des an- La Riboire constitue ainsi un type de territoire ouvrier demeuré
nées 1960 porte la marque d’une urbanisation diffuse. Dans le canton de
Varieu, entre 1982 et 1990, le taux de croissance annuel moyen s’élève
à 1,85 %, soit un peu plus que dans l’ensemble du périurbain français 93 Violaine Girard
(1,75 %), et repose principalement sur le solde migratoire (1,14 %). En
janvier 2006.
reste de l’aire urbaine). « Portrait de la vallée périurbaine de la Riboire », INSEE région,
prenant actifs et non-actifs) de 6 600  personnes (dont 6 100  personnes originaires du 94 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
est celui des professions intermédiaires (+ 1 100), pour un gain migratoire total (com-
12. Dans l’ensemble de la vallée, entre 1990 et 1999, le gain migratoire le plus important
sement de la population, Centre Maurice Halbwachs.
1990, près de 40 % de la population des trois cantons de la Riboire se com-
pose de nouveaux résidents installés au cours de la décennie précédente.
11. INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999, base de données communales du recen-

Cette urbanisation repose principalement sur des migrations de courte


d’ouvriers et d’employés, même si la périurbanisation s’accompagne aussi distance, la grande majorité des nouveaux résidents étant issue de l’agglo-
rurales de l’aire urbaine régionale, un espace quasi réservé aux ménages mération régionale voisine. Si la période 1990-1999 est marquée par un
en 1999 (Mischi & Renahy, 2008, p. 14). Il constitue ainsi, aux franges léger infléchissement du taux de croissance démographique, la Riboire
les ouvriers forment le groupe le plus nombreux avec 34,7 % des actifs constitue bien, au cours des décennies 1980 et 1990, un espace d’expan-
la catégorie du périurbain, mais plutôt de celle des espaces ruraux, où sion résidentielle de cette agglomération. Le canton porte ainsi la marque
(près de 39 % des actifs en 1999), ce qui tend à le rapprocher non pas de d’une urbanisation récente et d’initiative individuelle, dont témoigne la
Le canton de Varieu se caractérise ainsi par une part élevée d’ouvriers part élevée de propriétaires occupants de maisons individuelles (62 %)11.
bien avant les professions intermédiaires (20 %) et les employés (17 %). Pour les services régionaux de l’INSEE, la Riboire s’inscrit au sein
solde des actifs (+ 464 ouvriers pour un solde global de + 780 actifs), d’un vaste espace identifié comme un continuum périurbain s’étendant
ouvriers représentent en effet, au cours de la décennie 1980, 59 % du sur six cantons à l’est de l’aire urbaine régionale : « croissance démogra-
tallation de ménages d’ouvriers et d’employées au sein de ce canton. Les phique », « prédominance de l’habitat individuel » et forte part des pro-
catégories d’actifs, on mesure mieux l’importance du mouvement d’ins- fessions intermédiaires constituent autant de caractéristiques dominantes
augmenté (25 %). Si l’on raisonne en termes de soldes migratoires par de cette « vallée périurbaine », selon le portrait statistique qui lui est con-
les ouvriers sont moins nombreux (29 %), mais la part des employés a sacré. Le choix de ce découpage territorial conduit pourtant l’INSEE à
des nouveaux actifs installés depuis 1982. Lors de la décennie suivante, minorer certaines spécificités internes de ce territoire : la surreprésen-
En 1990, ces deux catégories représentent respectivement 39 % et 20 % tation des ménages ouvriers et l’attractivité liée, sur le plan de l’emploi,
les ouvriers et employés qui sont majoritaires parmi les nouveaux venus. aux nombreuses activités industrielles. De fait, si la catégorie des pro-
dans la vallée périurbaine12, dans le canton de Varieu ce sont au contraire fessions intermédiaires prédomine parmi les migrants venus s’installer
fessions intermédiaires prédomine parmi les migrants venus s’installer dans la vallée périurbaine12, dans le canton de Varieu ce sont au contraire
aux nombreuses activités industrielles. De fait, si la catégorie des pro- les ouvriers et employés qui sont majoritaires parmi les nouveaux venus.
tation des ménages ouvriers et l’attractivité liée, sur le plan de l’emploi, En 1990, ces deux catégories représentent respectivement 39 % et 20 %
minorer certaines spécificités internes de ce territoire : la surreprésen- des nouveaux actifs installés depuis 1982. Lors de la décennie suivante,
sacré. Le choix de ce découpage territorial conduit pourtant l’INSEE à les ouvriers sont moins nombreux (29 %), mais la part des employés a
de cette « vallée périurbaine », selon le portrait statistique qui lui est con- augmenté (25 %). Si l’on raisonne en termes de soldes migratoires par
fessions intermédiaires constituent autant de caractéristiques dominantes catégories d’actifs, on mesure mieux l’importance du mouvement d’ins-
phique », « prédominance de l’habitat individuel » et forte part des pro- tallation de ménages d’ouvriers et d’employées au sein de ce canton. Les
sur six cantons à l’est de l’aire urbaine régionale : « croissance démogra- ouvriers représentent en effet, au cours de la décennie 1980, 59 % du
d’un vaste espace identifié comme un continuum périurbain s’étendant solde des actifs (+ 464 ouvriers pour un solde global de + 780 actifs),
Pour les services régionaux de l’INSEE, la Riboire s’inscrit au sein bien avant les professions intermédiaires (20 %) et les employés (17 %).
part élevée de propriétaires occupants de maisons individuelles (62 %)11. Le canton de Varieu se caractérise ainsi par une part élevée d’ouvriers
d’une urbanisation récente et d’initiative individuelle, dont témoigne la (près de 39 % des actifs en 1999), ce qui tend à le rapprocher non pas de
sion résidentielle de cette agglomération. Le canton porte ainsi la marque la catégorie du périurbain, mais plutôt de celle des espaces ruraux, où
constitue bien, au cours des décennies 1980 et 1990, un espace d’expan- les ouvriers forment le groupe le plus nombreux avec 34,7 % des actifs
léger infléchissement du taux de croissance démographique, la Riboire en 1999 (Mischi & Renahy, 2008, p. 14). Il constitue ainsi, aux franges
mération régionale voisine. Si la période 1990-1999 est marquée par un rurales de l’aire urbaine régionale, un espace quasi réservé aux ménages
distance, la grande majorité des nouveaux résidents étant issue de l’agglo- d’ouvriers et d’employés, même si la périurbanisation s’accompagne aussi
Cette urbanisation repose principalement sur des migrations de courte
pose de nouveaux résidents installés au cours de la décennie précédente.
11. INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999, base de données communales du recen-
sement de la population, Centre Maurice Halbwachs.
1990, près de 40 % de la population des trois cantons de la Riboire se com-
12. Dans l’ensemble de la vallée, entre 1990 et 1999, le gain migratoire le plus important
est celui des professions intermédiaires (+ 1 100), pour un gain migratoire total (com-
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 94 prenant actifs et non-actifs) de 6 600  personnes (dont 6 100  personnes originaires du
reste de l’aire urbaine). « Portrait de la vallée périurbaine de la Riboire », INSEE région,
janvier 2006.

janvier 2006.
reste de l’aire urbaine). « Portrait de la vallée périurbaine de la Riboire », INSEE région,
prenant actifs et non-actifs) de 6 600  personnes (dont 6 100  personnes originaires du 94 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
est celui des professions intermédiaires (+ 1 100), pour un gain migratoire total (com-
12. Dans l’ensemble de la vallée, entre 1990 et 1999, le gain migratoire le plus important
sement de la population, Centre Maurice Halbwachs.
1990, près de 40 % de la population des trois cantons de la Riboire se com-
pose de nouveaux résidents installés au cours de la décennie précédente.
11. INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999, base de données communales du recen-

Cette urbanisation repose principalement sur des migrations de courte


d’ouvriers et d’employés, même si la périurbanisation s’accompagne aussi distance, la grande majorité des nouveaux résidents étant issue de l’agglo-
rurales de l’aire urbaine régionale, un espace quasi réservé aux ménages mération régionale voisine. Si la période 1990-1999 est marquée par un
en 1999 (Mischi & Renahy, 2008, p. 14). Il constitue ainsi, aux franges léger infléchissement du taux de croissance démographique, la Riboire
les ouvriers forment le groupe le plus nombreux avec 34,7 % des actifs constitue bien, au cours des décennies 1980 et 1990, un espace d’expan-
la catégorie du périurbain, mais plutôt de celle des espaces ruraux, où sion résidentielle de cette agglomération. Le canton porte ainsi la marque
(près de 39 % des actifs en 1999), ce qui tend à le rapprocher non pas de d’une urbanisation récente et d’initiative individuelle, dont témoigne la
Le canton de Varieu se caractérise ainsi par une part élevée d’ouvriers part élevée de propriétaires occupants de maisons individuelles (62 %)11.
bien avant les professions intermédiaires (20 %) et les employés (17 %). Pour les services régionaux de l’INSEE, la Riboire s’inscrit au sein
solde des actifs (+ 464 ouvriers pour un solde global de + 780 actifs), d’un vaste espace identifié comme un continuum périurbain s’étendant
ouvriers représentent en effet, au cours de la décennie 1980, 59 % du sur six cantons à l’est de l’aire urbaine régionale : « croissance démogra-
tallation de ménages d’ouvriers et d’employées au sein de ce canton. Les phique », « prédominance de l’habitat individuel » et forte part des pro-
catégories d’actifs, on mesure mieux l’importance du mouvement d’ins- fessions intermédiaires constituent autant de caractéristiques dominantes
augmenté (25 %). Si l’on raisonne en termes de soldes migratoires par de cette « vallée périurbaine », selon le portrait statistique qui lui est con-
les ouvriers sont moins nombreux (29 %), mais la part des employés a sacré. Le choix de ce découpage territorial conduit pourtant l’INSEE à
des nouveaux actifs installés depuis 1982. Lors de la décennie suivante, minorer certaines spécificités internes de ce territoire : la surreprésen-
En 1990, ces deux catégories représentent respectivement 39 % et 20 % tation des ménages ouvriers et l’attractivité liée, sur le plan de l’emploi,
les ouvriers et employés qui sont majoritaires parmi les nouveaux venus. aux nombreuses activités industrielles. De fait, si la catégorie des pro-
dans la vallée périurbaine12, dans le canton de Varieu ce sont au contraire fessions intermédiaires prédomine parmi les migrants venus s’installer
fessions intermédiaires prédomine parmi les migrants venus s’installer dans la vallée périurbaine12, dans le canton de Varieu ce sont au contraire
aux nombreuses activités industrielles. De fait, si la catégorie des pro- les ouvriers et employés qui sont majoritaires parmi les nouveaux venus.
tation des ménages ouvriers et l’attractivité liée, sur le plan de l’emploi, En 1990, ces deux catégories représentent respectivement 39 % et 20 %
minorer certaines spécificités internes de ce territoire : la surreprésen- des nouveaux actifs installés depuis 1982. Lors de la décennie suivante,
sacré. Le choix de ce découpage territorial conduit pourtant l’INSEE à les ouvriers sont moins nombreux (29 %), mais la part des employés a
de cette « vallée périurbaine », selon le portrait statistique qui lui est con- augmenté (25 %). Si l’on raisonne en termes de soldes migratoires par
fessions intermédiaires constituent autant de caractéristiques dominantes catégories d’actifs, on mesure mieux l’importance du mouvement d’ins-
phique », « prédominance de l’habitat individuel » et forte part des pro- tallation de ménages d’ouvriers et d’employées au sein de ce canton. Les
sur six cantons à l’est de l’aire urbaine régionale : « croissance démogra- ouvriers représentent en effet, au cours de la décennie 1980, 59 % du
d’un vaste espace identifié comme un continuum périurbain s’étendant solde des actifs (+ 464 ouvriers pour un solde global de + 780 actifs),
Pour les services régionaux de l’INSEE, la Riboire s’inscrit au sein bien avant les professions intermédiaires (20 %) et les employés (17 %).
part élevée de propriétaires occupants de maisons individuelles (62 %)11. Le canton de Varieu se caractérise ainsi par une part élevée d’ouvriers
d’une urbanisation récente et d’initiative individuelle, dont témoigne la (près de 39 % des actifs en 1999), ce qui tend à le rapprocher non pas de
sion résidentielle de cette agglomération. Le canton porte ainsi la marque la catégorie du périurbain, mais plutôt de celle des espaces ruraux, où
constitue bien, au cours des décennies 1980 et 1990, un espace d’expan- les ouvriers forment le groupe le plus nombreux avec 34,7 % des actifs
léger infléchissement du taux de croissance démographique, la Riboire en 1999 (Mischi & Renahy, 2008, p. 14). Il constitue ainsi, aux franges
mération régionale voisine. Si la période 1990-1999 est marquée par un rurales de l’aire urbaine régionale, un espace quasi réservé aux ménages
distance, la grande majorité des nouveaux résidents étant issue de l’agglo- d’ouvriers et d’employés, même si la périurbanisation s’accompagne aussi
Cette urbanisation repose principalement sur des migrations de courte
pose de nouveaux résidents installés au cours de la décennie précédente.
11. INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999, base de données communales du recen-
sement de la population, Centre Maurice Halbwachs.
1990, près de 40 % de la population des trois cantons de la Riboire se com-
12. Dans l’ensemble de la vallée, entre 1990 et 1999, le gain migratoire le plus important
est celui des professions intermédiaires (+ 1 100), pour un gain migratoire total (com-
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 94 prenant actifs et non-actifs) de 6 600  personnes (dont 6 100  personnes originaires du
reste de l’aire urbaine). « Portrait de la vallée périurbaine de la Riboire », INSEE région,
janvier 2006.
contraints par des déplacements domicile-travail, coûteux en temps et en argent.
comme des « captifs du périurbain », installés à distance des lieux d’emploi et fortement
Violaine Girard 95 ration toulousaine, au sein duquel le géographe décrit de nombreux ménages d’accédants
13. La Riboire se distingue ainsi du terrain étudié par Lionel Rougé (2005) dans l’agglomé-

de l’arrivée de cadres et professions intermédiaires. Le développement du (INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999).
parc industriel joue un rôle majeur dans ces processus. En s’installant dans
en emploi, dans le canton de Varieu et en moyenne nationale, de 1982 à 1999
Graphique 1. Évolution de la composition par PCS de la population active
la Riboire, les ménages des classes populaires sont en effet en mesure
d’accéder aux emplois de ce nouveau pôle industriel13. Pour certains des
supérieures
intermédiaires intellectuelles commerçants

ménages que nous avons rencontrés, la possibilité d’embauches sur le


ouvriers employés professions professions artisans, agriculteurs
cadres,

parc joue un rôle non négligeable dans la stabilisation des trajectoires


0%

résidentielles, même s’il s’agit souvent d’emplois temporaires ou à temps


5%

partiel, principalement pour les femmes. France 1999


10 %

15 %
France 1990

Au-delà de la catégorie des ouvriers, un salariat industriel en recomposition France 1982 20 %

25 %

L’installation de nombreux ménages ouvriers s’accompagne toutefois Varieu 1999 30 %

d’importantes recompositions affectant les classes populaires de ce terri- Varieu 1990 35 %

toire. Trois évolutions principales se jouent, au cours des années 1980 et Varieu 1982
40 %

1990, parmi la population des actifs ayant un emploi : la part de la caté- 45 %


gorie des ouvriers y diminue, parallèlement à l’augmentation de celle des 50 %
employés et de celle des professions intermédiaires. Ces évolutions sont
conformes aux grandes dynamiques qui affectent les classes populaires tence d’un marché de l’emploi fortement clivé selon le sexe (tableau 3).
en France depuis les années  1980  : le poids relatif de la catégorie des croiser les PCS avec le sexe des actifs, afin de prendre en compte l’exis-
ouvriers connaît une forte baisse, que compense la hausse des employés Une première façon de compléter les apports de ces données consiste à
(graphique 1). Pourtant, ces données agrégées masquent d’autres recom- positions plus fines qui ont cours parmi les actifs des classes populaires.
positions plus fines qui ont cours parmi les actifs des classes populaires. (graphique 1). Pourtant, ces données agrégées masquent d’autres recom-
Une première façon de compléter les apports de ces données consiste à ouvriers connaît une forte baisse, que compense la hausse des employés
croiser les PCS avec le sexe des actifs, afin de prendre en compte l’exis- en France depuis les années  1980  : le poids relatif de la catégorie des
tence d’un marché de l’emploi fortement clivé selon le sexe (tableau 3). conformes aux grandes dynamiques qui affectent les classes populaires
employés et de celle des professions intermédiaires. Ces évolutions sont
50 %
gorie des ouvriers y diminue, parallèlement à l’augmentation de celle des
45 % 1990, parmi la population des actifs ayant un emploi : la part de la caté-
40 % toire. Trois évolutions principales se jouent, au cours des années 1980 et
Varieu 1982
35 % Varieu 1990 d’importantes recompositions affectant les classes populaires de ce terri-
30 % Varieu 1999 L’installation de nombreux ménages ouvriers s’accompagne toutefois
25 %

20 % France 1982 Au-delà de la catégorie des ouvriers, un salariat industriel en recomposition


France 1990
15 %
France 1999 partiel, principalement pour les femmes.
10 %
résidentielles, même s’il s’agit souvent d’emplois temporaires ou à temps
5%
parc joue un rôle non négligeable dans la stabilisation des trajectoires
0%
cadres,
ménages que nous avons rencontrés, la possibilité d’embauches sur le
agriculteurs artisans, professions professions employés ouvriers
commerçants intellectuelles intermédiaires d’accéder aux emplois de ce nouveau pôle industriel13. Pour certains des
supérieures
la Riboire, les ménages des classes populaires sont en effet en mesure
Graphique 1. Évolution de la composition par PCS de la population active parc industriel joue un rôle majeur dans ces processus. En s’installant dans
en emploi, dans le canton de Varieu et en moyenne nationale, de 1982 à 1999
(INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999).
de l’arrivée de cadres et professions intermédiaires. Le développement du

13. La Riboire se distingue ainsi du terrain étudié par Lionel Rougé (2005) dans l’agglomé-
ration toulousaine, au sein duquel le géographe décrit de nombreux ménages d’accédants 95 Violaine Girard
comme des « captifs du périurbain », installés à distance des lieux d’emploi et fortement
contraints par des déplacements domicile-travail, coûteux en temps et en argent.

contraints par des déplacements domicile-travail, coûteux en temps et en argent.


comme des « captifs du périurbain », installés à distance des lieux d’emploi et fortement
Violaine Girard 95 ration toulousaine, au sein duquel le géographe décrit de nombreux ménages d’accédants
13. La Riboire se distingue ainsi du terrain étudié par Lionel Rougé (2005) dans l’agglomé-

de l’arrivée de cadres et professions intermédiaires. Le développement du (INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999).
parc industriel joue un rôle majeur dans ces processus. En s’installant dans
en emploi, dans le canton de Varieu et en moyenne nationale, de 1982 à 1999
Graphique 1. Évolution de la composition par PCS de la population active
la Riboire, les ménages des classes populaires sont en effet en mesure
d’accéder aux emplois de ce nouveau pôle industriel13. Pour certains des
supérieures
intermédiaires intellectuelles commerçants

ménages que nous avons rencontrés, la possibilité d’embauches sur le


ouvriers employés professions professions artisans, agriculteurs
cadres,

parc joue un rôle non négligeable dans la stabilisation des trajectoires


0%

résidentielles, même s’il s’agit souvent d’emplois temporaires ou à temps


5%

partiel, principalement pour les femmes. France 1999


10 %

15 %
France 1990

Au-delà de la catégorie des ouvriers, un salariat industriel en recomposition France 1982 20 %

25 %

L’installation de nombreux ménages ouvriers s’accompagne toutefois Varieu 1999 30 %

d’importantes recompositions affectant les classes populaires de ce terri- Varieu 1990 35 %

toire. Trois évolutions principales se jouent, au cours des années 1980 et Varieu 1982
40 %

1990, parmi la population des actifs ayant un emploi : la part de la caté- 45 %


gorie des ouvriers y diminue, parallèlement à l’augmentation de celle des 50 %
employés et de celle des professions intermédiaires. Ces évolutions sont
conformes aux grandes dynamiques qui affectent les classes populaires tence d’un marché de l’emploi fortement clivé selon le sexe (tableau 3).
en France depuis les années  1980  : le poids relatif de la catégorie des croiser les PCS avec le sexe des actifs, afin de prendre en compte l’exis-
ouvriers connaît une forte baisse, que compense la hausse des employés Une première façon de compléter les apports de ces données consiste à
(graphique 1). Pourtant, ces données agrégées masquent d’autres recom- positions plus fines qui ont cours parmi les actifs des classes populaires.
positions plus fines qui ont cours parmi les actifs des classes populaires. (graphique 1). Pourtant, ces données agrégées masquent d’autres recom-
Une première façon de compléter les apports de ces données consiste à ouvriers connaît une forte baisse, que compense la hausse des employés
croiser les PCS avec le sexe des actifs, afin de prendre en compte l’exis- en France depuis les années  1980  : le poids relatif de la catégorie des
tence d’un marché de l’emploi fortement clivé selon le sexe (tableau 3). conformes aux grandes dynamiques qui affectent les classes populaires
employés et de celle des professions intermédiaires. Ces évolutions sont
50 %
gorie des ouvriers y diminue, parallèlement à l’augmentation de celle des
45 % 1990, parmi la population des actifs ayant un emploi : la part de la caté-
40 % toire. Trois évolutions principales se jouent, au cours des années 1980 et
Varieu 1982
35 % Varieu 1990 d’importantes recompositions affectant les classes populaires de ce terri-
30 % Varieu 1999 L’installation de nombreux ménages ouvriers s’accompagne toutefois
25 %

20 % France 1982 Au-delà de la catégorie des ouvriers, un salariat industriel en recomposition


France 1990
15 %
France 1999 partiel, principalement pour les femmes.
10 %
résidentielles, même s’il s’agit souvent d’emplois temporaires ou à temps
5%
parc joue un rôle non négligeable dans la stabilisation des trajectoires
0%
cadres,
ménages que nous avons rencontrés, la possibilité d’embauches sur le
agriculteurs artisans, professions professions employés ouvriers
commerçants intellectuelles intermédiaires d’accéder aux emplois de ce nouveau pôle industriel13. Pour certains des
supérieures
la Riboire, les ménages des classes populaires sont en effet en mesure
Graphique 1. Évolution de la composition par PCS de la population active parc industriel joue un rôle majeur dans ces processus. En s’installant dans
en emploi, dans le canton de Varieu et en moyenne nationale, de 1982 à 1999
(INSEE, recensements de 1982, 1990 et 1999).
de l’arrivée de cadres et professions intermédiaires. Le développement du

13. La Riboire se distingue ainsi du terrain étudié par Lionel Rougé (2005) dans l’agglomé-
ration toulousaine, au sein duquel le géographe décrit de nombreux ménages d’accédants 95 Violaine Girard
comme des « captifs du périurbain », installés à distance des lieux d’emploi et fortement
contraints par des déplacements domicile-travail, coûteux en temps et en argent.
1999 (Centre Maurice Halbwachs).
à deux chiffres. Voir le « Dictionnaire des variables » du fichier détail du recensement de
18 modalités pour les actifs, qui sont construites à partir des 31 postes d’actifs des PCS 96 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
au sein de laquelle des regroupements préalables sont opérés. Cette variable contient ainsi
partir de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres (42 postes),
avons travaillé à partir de la variable CS24 des recensements de l’INSEE, construite à
Hommes Femmes
permis d’effectuer des tris croisés entre PCS et sexe pour les actifs ayant un emploi. Nous PCS
détail » des recensements de 1982, 1990 et 1999 (Centre Maurice Halbwachs). Elles ont (n = 4 444) (n = 2 868)
14. Les données qui suivent sont tirées d’un traitement de données extraites des « fichiers Agriculteurs 2 % 1 %
Artisans, commerçants,
niveau élevé du taux d’ouvriers masque donc une recomposition interne 7 % 3 %
dû à la baisse des effectifs des ouvriers non qualifiés. Le maintien à un chefs d’entreprise
Cadres, professions intellectuelles
global du poids des ouvriers parmi les hommes actifs est principalement 10 % 5 %
espaces périurbains et ruraux. Dans le cas de la Riboire, l’affaiblissement supérieures
vriers qualifiés et ouvriers non qualifiés en matière de localisation dans les Professions intermédiaires 25 % 21 %
On a déjà souligné que des disparités significatives existent entre ou- Employés 8 % 49 %
Ouvriers 48 % 21 %
l’œuvre au sein et aux frontières du salariat d’exécution masculin14.
d’aiguiser le regard sociologique, en appréhendant les différenciations à
cis des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres permet en effet Tableau 3. Actifs ayant un emploi par PCS et par sexe en 1999, canton de Varieu
tégories génériques des PCS en six postes. Le recours à l’outil plus pré- (INSEE, recensement de 1999).
de ces périurbains des classes populaires, consiste à aller au-delà des ca- À la lumière de ces données, l’augmentation de la part des employés
pour cerner plus spécifiquement les caractéristiques socioprofessionnelles parmi les actifs s’explique très largement par le développement d’un sala-
La seconde manière de poursuivre l’analyse à partir de ces constats, riat féminin peu qualifié, de façon similaire aux évolutions nationales. La
catégories populaires au sein de ce canton. catégorie des employés, composée à 80 % de femmes dans le canton de
met ainsi de faire apparaître, de façon plus nette, la prédominance des Varieu, comme en moyenne nationale, rassemble ainsi une part croissante
catégorie des actives du territoire. Cette première distinction de sexe per- des actives du canton (de 36 % en 1982 à 49 % en 1999), en lien avec la
1999, alors qu’entre 1968 et  1975 les ouvrières formaient la première hausse du taux d’activité des femmes, passé de 25 % à 34 % entre 1982 et 
hausse du taux d’activité des femmes, passé de 25 % à 34 % entre 1982 et  1999, alors qu’entre 1968 et  1975 les ouvrières formaient la première
des actives du canton (de 36 % en 1982 à 49 % en 1999), en lien avec la catégorie des actives du territoire. Cette première distinction de sexe per-
Varieu, comme en moyenne nationale, rassemble ainsi une part croissante met ainsi de faire apparaître, de façon plus nette, la prédominance des
catégorie des employés, composée à 80 % de femmes dans le canton de catégories populaires au sein de ce canton.
riat féminin peu qualifié, de façon similaire aux évolutions nationales. La La seconde manière de poursuivre l’analyse à partir de ces constats,
parmi les actifs s’explique très largement par le développement d’un sala- pour cerner plus spécifiquement les caractéristiques socioprofessionnelles
À la lumière de ces données, l’augmentation de la part des employés de ces périurbains des classes populaires, consiste à aller au-delà des ca-
(INSEE, recensement de 1999). tégories génériques des PCS en six postes. Le recours à l’outil plus pré-
Tableau 3. Actifs ayant un emploi par PCS et par sexe en 1999, canton de Varieu cis des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres permet en effet
d’aiguiser le regard sociologique, en appréhendant les différenciations à
l’œuvre au sein et aux frontières du salariat d’exécution masculin14.
21 % 48 % Ouvriers
49 % 8 % Employés On a déjà souligné que des disparités significatives existent entre ou-
21 % 25 % Professions intermédiaires vriers qualifiés et ouvriers non qualifiés en matière de localisation dans les
supérieures espaces périurbains et ruraux. Dans le cas de la Riboire, l’affaiblissement
5 % 10 %
Cadres, professions intellectuelles global du poids des ouvriers parmi les hommes actifs est principalement
chefs d’entreprise dû à la baisse des effectifs des ouvriers non qualifiés. Le maintien à un
3 % 7 %
Artisans, commerçants, niveau élevé du taux d’ouvriers masque donc une recomposition interne
1 % 2 % Agriculteurs 14. Les données qui suivent sont tirées d’un traitement de données extraites des « fichiers
(n = 2 868) (n = 4 444) détail » des recensements de 1982, 1990 et 1999 (Centre Maurice Halbwachs). Elles ont
Femmes Hommes
PCS permis d’effectuer des tris croisés entre PCS et sexe pour les actifs ayant un emploi. Nous
avons travaillé à partir de la variable CS24 des recensements de l’INSEE, construite à
partir de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres (42 postes),
au sein de laquelle des regroupements préalables sont opérés. Cette variable contient ainsi
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 96 18 modalités pour les actifs, qui sont construites à partir des 31 postes d’actifs des PCS
à deux chiffres. Voir le « Dictionnaire des variables » du fichier détail du recensement de
1999 (Centre Maurice Halbwachs).

1999 (Centre Maurice Halbwachs).


à deux chiffres. Voir le « Dictionnaire des variables » du fichier détail du recensement de
18 modalités pour les actifs, qui sont construites à partir des 31 postes d’actifs des PCS 96 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
au sein de laquelle des regroupements préalables sont opérés. Cette variable contient ainsi
partir de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres (42 postes),
avons travaillé à partir de la variable CS24 des recensements de l’INSEE, construite à
Hommes Femmes
permis d’effectuer des tris croisés entre PCS et sexe pour les actifs ayant un emploi. Nous PCS
détail » des recensements de 1982, 1990 et 1999 (Centre Maurice Halbwachs). Elles ont (n = 4 444) (n = 2 868)
14. Les données qui suivent sont tirées d’un traitement de données extraites des « fichiers Agriculteurs 2 % 1 %
Artisans, commerçants,
niveau élevé du taux d’ouvriers masque donc une recomposition interne 7 % 3 %
dû à la baisse des effectifs des ouvriers non qualifiés. Le maintien à un chefs d’entreprise
Cadres, professions intellectuelles
global du poids des ouvriers parmi les hommes actifs est principalement 10 % 5 %
espaces périurbains et ruraux. Dans le cas de la Riboire, l’affaiblissement supérieures
vriers qualifiés et ouvriers non qualifiés en matière de localisation dans les Professions intermédiaires 25 % 21 %
On a déjà souligné que des disparités significatives existent entre ou- Employés 8 % 49 %
Ouvriers 48 % 21 %
l’œuvre au sein et aux frontières du salariat d’exécution masculin14.
d’aiguiser le regard sociologique, en appréhendant les différenciations à
cis des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres permet en effet Tableau 3. Actifs ayant un emploi par PCS et par sexe en 1999, canton de Varieu
tégories génériques des PCS en six postes. Le recours à l’outil plus pré- (INSEE, recensement de 1999).
de ces périurbains des classes populaires, consiste à aller au-delà des ca- À la lumière de ces données, l’augmentation de la part des employés
pour cerner plus spécifiquement les caractéristiques socioprofessionnelles parmi les actifs s’explique très largement par le développement d’un sala-
La seconde manière de poursuivre l’analyse à partir de ces constats, riat féminin peu qualifié, de façon similaire aux évolutions nationales. La
catégories populaires au sein de ce canton. catégorie des employés, composée à 80 % de femmes dans le canton de
met ainsi de faire apparaître, de façon plus nette, la prédominance des Varieu, comme en moyenne nationale, rassemble ainsi une part croissante
catégorie des actives du territoire. Cette première distinction de sexe per- des actives du canton (de 36 % en 1982 à 49 % en 1999), en lien avec la
1999, alors qu’entre 1968 et  1975 les ouvrières formaient la première hausse du taux d’activité des femmes, passé de 25 % à 34 % entre 1982 et 
hausse du taux d’activité des femmes, passé de 25 % à 34 % entre 1982 et  1999, alors qu’entre 1968 et  1975 les ouvrières formaient la première
des actives du canton (de 36 % en 1982 à 49 % en 1999), en lien avec la catégorie des actives du territoire. Cette première distinction de sexe per-
Varieu, comme en moyenne nationale, rassemble ainsi une part croissante met ainsi de faire apparaître, de façon plus nette, la prédominance des
catégorie des employés, composée à 80 % de femmes dans le canton de catégories populaires au sein de ce canton.
riat féminin peu qualifié, de façon similaire aux évolutions nationales. La La seconde manière de poursuivre l’analyse à partir de ces constats,
parmi les actifs s’explique très largement par le développement d’un sala- pour cerner plus spécifiquement les caractéristiques socioprofessionnelles
À la lumière de ces données, l’augmentation de la part des employés de ces périurbains des classes populaires, consiste à aller au-delà des ca-
(INSEE, recensement de 1999). tégories génériques des PCS en six postes. Le recours à l’outil plus pré-
Tableau 3. Actifs ayant un emploi par PCS et par sexe en 1999, canton de Varieu cis des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres permet en effet
d’aiguiser le regard sociologique, en appréhendant les différenciations à
l’œuvre au sein et aux frontières du salariat d’exécution masculin14.
21 % 48 % Ouvriers
49 % 8 % Employés On a déjà souligné que des disparités significatives existent entre ou-
21 % 25 % Professions intermédiaires vriers qualifiés et ouvriers non qualifiés en matière de localisation dans les
supérieures espaces périurbains et ruraux. Dans le cas de la Riboire, l’affaiblissement
5 % 10 %
Cadres, professions intellectuelles global du poids des ouvriers parmi les hommes actifs est principalement
chefs d’entreprise dû à la baisse des effectifs des ouvriers non qualifiés. Le maintien à un
3 % 7 %
Artisans, commerçants, niveau élevé du taux d’ouvriers masque donc une recomposition interne
1 % 2 % Agriculteurs 14. Les données qui suivent sont tirées d’un traitement de données extraites des « fichiers
(n = 2 868) (n = 4 444) détail » des recensements de 1982, 1990 et 1999 (Centre Maurice Halbwachs). Elles ont
Femmes Hommes
PCS permis d’effectuer des tris croisés entre PCS et sexe pour les actifs ayant un emploi. Nous
avons travaillé à partir de la variable CS24 des recensements de l’INSEE, construite à
partir de la nomenclature des catégories socioprofessionnelles à deux chiffres (42 postes),
au sein de laquelle des regroupements préalables sont opérés. Cette variable contient ainsi
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 96 18 modalités pour les actifs, qui sont construites à partir des 31 postes d’actifs des PCS
à deux chiffres. Voir le « Dictionnaire des variables » du fichier détail du recensement de
1999 (Centre Maurice Halbwachs).
des techniciens parmi les hommes actifs ayant un emploi, canton de Varieu.
Violaine Girard 97
Graphique 2. Part cumulée des ouvriers (qualifiés ou non), des contremaîtres et

1999 (n = 4 444) 1990 (n = 4 208) 1982 (n = 4 090)


0%
du groupe en faveur de la catégorie des ouvriers qualifiés, qui deviennent
majoritaires à partir de 1982 parmi les ouvriers du canton (graphique 2).
10 %

C’est ensuite la catégorie des professions intermédiaires, qui rassemble 20 %


25 % des hommes actifs du canton en 1999, dont il s’agit d’analyser plus ouvriers non qualifiés
précisément la dynamique. Là encore, la prise en compte de clivages dans
30 %

la catégorie même amène à préciser les évolutions qui ont cours dans la
ouvriers qualifiés
40 %
Riboire. On sait que cette catégorie dissimule un clivage important entre contremaîtres

le pôle des salariés du public et celui des salariés du privé (Desrosières


50 %
techniciens

& Thévenot, 1988), le premier étant plus féminisé et constitué de frac- 60 %


tions souvent plus diplômées que le second. Mais c’est une autre sous-
distinction qui est pertinente dans le canton de Varieu : celle qui sépare,
70 %

au sein du pôle des professions intermédiaires du privé, les salariés du 80 %


secteur industriel des salariés occupant dans les entreprises des fonctions
administratives, commerciales ou de gestion. Les techniciens, contremaî- contremaîtres (graphique 2).
tres et agents de maîtrise représentent en effet près des trois quarts des d’ouvriers non qualifiés, 30 % d’ouvriers qualifiés, 18 % de techniciens et
effectifs masculins des professions intermédiaires. La progression de cette élevée parmi les hommes actifs ayant un emploi : on compte ainsi 18 %
catégorie enregistrée dans la Riboire se nourrit donc principalement de les ouvriers qualifiés qui forment le groupe dont la part demeure la plus
celle des salariés du secteur industriel. Les techniciens constituent par allant des salariés d’exécution aux salariés intermédiaires, en passant par
ailleurs un groupe socioprofessionnel socialement proche de celui des qui appartiennent en 1999 à un continuum de positions professionnelles
ouvriers, l’accès aux postes de techniciens constituant une voie de pro- Au final, dans ce canton, ce sont plus des deux tiers des hommes actifs
motion ouvrière importante, même si le recrutement des techniciens se fait désormais à des niveaux de qualification élevés (Bosc, 2008).
fait désormais à des niveaux de qualification élevés (Bosc, 2008). motion ouvrière importante, même si le recrutement des techniciens se
Au final, dans ce canton, ce sont plus des deux tiers des hommes actifs ouvriers, l’accès aux postes de techniciens constituant une voie de pro-
qui appartiennent en 1999 à un continuum de positions professionnelles ailleurs un groupe socioprofessionnel socialement proche de celui des
allant des salariés d’exécution aux salariés intermédiaires, en passant par celle des salariés du secteur industriel. Les techniciens constituent par
les ouvriers qualifiés qui forment le groupe dont la part demeure la plus catégorie enregistrée dans la Riboire se nourrit donc principalement de
élevée parmi les hommes actifs ayant un emploi : on compte ainsi 18 % effectifs masculins des professions intermédiaires. La progression de cette
d’ouvriers non qualifiés, 30 % d’ouvriers qualifiés, 18 % de techniciens et tres et agents de maîtrise représentent en effet près des trois quarts des
contremaîtres (graphique 2). administratives, commerciales ou de gestion. Les techniciens, contremaî-
secteur industriel des salariés occupant dans les entreprises des fonctions
80 % au sein du pôle des professions intermédiaires du privé, les salariés du
distinction qui est pertinente dans le canton de Varieu : celle qui sépare,
70 %
tions souvent plus diplômées que le second. Mais c’est une autre sous-
60 % & Thévenot, 1988), le premier étant plus féminisé et constitué de frac-
techniciens le pôle des salariés du public et celui des salariés du privé (Desrosières
50 %
contremaîtres
Riboire. On sait que cette catégorie dissimule un clivage important entre
40 % la catégorie même amène à préciser les évolutions qui ont cours dans la
ouvriers qualifiés
précisément la dynamique. Là encore, la prise en compte de clivages dans
30 % ouvriers non qualifiés 25 % des hommes actifs du canton en 1999, dont il s’agit d’analyser plus
20 % C’est ensuite la catégorie des professions intermédiaires, qui rassemble
majoritaires à partir de 1982 parmi les ouvriers du canton (graphique 2).
10 %
du groupe en faveur de la catégorie des ouvriers qualifiés, qui deviennent
0%
1982 (n = 4 090) 1990 (n = 4 208) 1999 (n = 4 444)
97 Violaine Girard
Graphique 2. Part cumulée des ouvriers (qualifiés ou non), des contremaîtres et
des techniciens parmi les hommes actifs ayant un emploi, canton de Varieu.

des techniciens parmi les hommes actifs ayant un emploi, canton de Varieu.
Violaine Girard 97
Graphique 2. Part cumulée des ouvriers (qualifiés ou non), des contremaîtres et

1999 (n = 4 444) 1990 (n = 4 208) 1982 (n = 4 090)


0%
du groupe en faveur de la catégorie des ouvriers qualifiés, qui deviennent
majoritaires à partir de 1982 parmi les ouvriers du canton (graphique 2).
10 %

C’est ensuite la catégorie des professions intermédiaires, qui rassemble 20 %


25 % des hommes actifs du canton en 1999, dont il s’agit d’analyser plus ouvriers non qualifiés
précisément la dynamique. Là encore, la prise en compte de clivages dans
30 %

la catégorie même amène à préciser les évolutions qui ont cours dans la
ouvriers qualifiés
40 %
Riboire. On sait que cette catégorie dissimule un clivage important entre contremaîtres

le pôle des salariés du public et celui des salariés du privé (Desrosières


50 %
techniciens

& Thévenot, 1988), le premier étant plus féminisé et constitué de frac- 60 %


tions souvent plus diplômées que le second. Mais c’est une autre sous-
distinction qui est pertinente dans le canton de Varieu : celle qui sépare,
70 %

au sein du pôle des professions intermédiaires du privé, les salariés du 80 %


secteur industriel des salariés occupant dans les entreprises des fonctions
administratives, commerciales ou de gestion. Les techniciens, contremaî- contremaîtres (graphique 2).
tres et agents de maîtrise représentent en effet près des trois quarts des d’ouvriers non qualifiés, 30 % d’ouvriers qualifiés, 18 % de techniciens et
effectifs masculins des professions intermédiaires. La progression de cette élevée parmi les hommes actifs ayant un emploi : on compte ainsi 18 %
catégorie enregistrée dans la Riboire se nourrit donc principalement de les ouvriers qualifiés qui forment le groupe dont la part demeure la plus
celle des salariés du secteur industriel. Les techniciens constituent par allant des salariés d’exécution aux salariés intermédiaires, en passant par
ailleurs un groupe socioprofessionnel socialement proche de celui des qui appartiennent en 1999 à un continuum de positions professionnelles
ouvriers, l’accès aux postes de techniciens constituant une voie de pro- Au final, dans ce canton, ce sont plus des deux tiers des hommes actifs
motion ouvrière importante, même si le recrutement des techniciens se fait désormais à des niveaux de qualification élevés (Bosc, 2008).
fait désormais à des niveaux de qualification élevés (Bosc, 2008). motion ouvrière importante, même si le recrutement des techniciens se
Au final, dans ce canton, ce sont plus des deux tiers des hommes actifs ouvriers, l’accès aux postes de techniciens constituant une voie de pro-
qui appartiennent en 1999 à un continuum de positions professionnelles ailleurs un groupe socioprofessionnel socialement proche de celui des
allant des salariés d’exécution aux salariés intermédiaires, en passant par celle des salariés du secteur industriel. Les techniciens constituent par
les ouvriers qualifiés qui forment le groupe dont la part demeure la plus catégorie enregistrée dans la Riboire se nourrit donc principalement de
élevée parmi les hommes actifs ayant un emploi : on compte ainsi 18 % effectifs masculins des professions intermédiaires. La progression de cette
d’ouvriers non qualifiés, 30 % d’ouvriers qualifiés, 18 % de techniciens et tres et agents de maîtrise représentent en effet près des trois quarts des
contremaîtres (graphique 2). administratives, commerciales ou de gestion. Les techniciens, contremaî-
secteur industriel des salariés occupant dans les entreprises des fonctions
80 % au sein du pôle des professions intermédiaires du privé, les salariés du
distinction qui est pertinente dans le canton de Varieu : celle qui sépare,
70 %
tions souvent plus diplômées que le second. Mais c’est une autre sous-
60 % & Thévenot, 1988), le premier étant plus féminisé et constitué de frac-
techniciens le pôle des salariés du public et celui des salariés du privé (Desrosières
50 %
contremaîtres
Riboire. On sait que cette catégorie dissimule un clivage important entre
40 % la catégorie même amène à préciser les évolutions qui ont cours dans la
ouvriers qualifiés
précisément la dynamique. Là encore, la prise en compte de clivages dans
30 % ouvriers non qualifiés 25 % des hommes actifs du canton en 1999, dont il s’agit d’analyser plus
20 % C’est ensuite la catégorie des professions intermédiaires, qui rassemble
majoritaires à partir de 1982 parmi les ouvriers du canton (graphique 2).
10 %
du groupe en faveur de la catégorie des ouvriers qualifiés, qui deviennent
0%
1982 (n = 4 090) 1990 (n = 4 208) 1999 (n = 4 444)
97 Violaine Girard
Graphique 2. Part cumulée des ouvriers (qualifiés ou non), des contremaîtres et
des techniciens parmi les hommes actifs ayant un emploi, canton de Varieu.
par de nombreuses reconversions rendues possibles par les qualifications
Après une entrée précoce dans la vie active, sa carrière est en effet marquée 98 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
lifié relativement assurée quoique soumise aux risques de déstabilisation.
jectoire d’accession partie d’une position professionnelle d’ouvrier qua-
Le parcours de Michel Claves, né en 1952, fournit un exemple de tra- Autour de la prédominance des emplois du secteur industriel, c’est
permet d’échapper aux périodes d’inactivité. donc celle des salariés d’exécution et des intermédiaires de l’industrie
changent souvent d’emploi, même si la proximité du parc industriel leur qui permet de décrire au mieux les caractéristiques de la population de
pour effectuer l’ensemble de leur carrière dans une même entreprise et ce territoire, quoique du côté des femmes et notamment des employées,
déstabilisation des statuts professionnels. Ces derniers ont des difficultés les types et les secteurs d’emploi demeurent très diversifiés – services à
carrière, d’autres connaissent au contraire des trajectoires marquées par la la personne, commerce, secrétariat et comptabilité, etc. Si le développe-
vriers accèdent par exemple à des postes d’intermédiaires à la fin de leur ment des espaces périurbains est couramment associé à un mouvement
renciations internes aux groupes ouvriers contemporains : si certains ou- d’installation des « classes moyennes », souvent objectivé à partir de la
largement issus du monde ouvrier, reflètent alors les processus de diffé- catégorie agrégée des professions intermédiaires, ces données amènent
sociale. Les conditions d’accession à la propriété, chez ces ménages très à noter tout l’intérêt d’un travail sur les PCS détaillées, qui permet de
de la mobilité sociale contribuent à restreindre les espoirs d’ascension tirer profit des apports de l’analyse localisée de la stratification sociale. Les
lisation des positions professionnelles et le ralentissement des mécanismes salariés résidant et s’installant dans la Riboire au cours des années 1980
où les possibilités d’accession s’assouplissent mais où, à l’inverse, la fragi- et 1990 paraissent alors bien différents des ménages des « nouvelles classes
eux deviennent propriétaires au cours des années 1970 et 1980, période moyennes » étudiés par Catherine Bidou-Zachariasen dans le périurbain
tiers d’habitat social où ils résidaient précédemment. Une partie d’entre au début des années 1980, qui occupent des professions du secteur pu-
promotion résidentielle en « faisant construire » ou en sortant des quar- blic dans les domaines alors en expansion de l’éducation, de la santé ou
rencontrés ont pour point commun d’avoir accompli des parcours de de l’animation socioculturelle. À l’inverse, les résidents de la Riboire se
Dans la commune où nous avons principalement enquêté, les ménages distinguent tout autant de l’image des groupes ouvriers frappés par la
montée du chômage dans les territoires en proie à la désindustrialisation,
Promotion résidentielle et trajectoires professionnelles contrastées comme en témoigne la faiblesse relative du taux de chômage du canton
de Varieu (8,9 % en 1999).
de Varieu (8,9 % en 1999).
comme en témoigne la faiblesse relative du taux de chômage du canton Promotion résidentielle et trajectoires professionnelles contrastées
montée du chômage dans les territoires en proie à la désindustrialisation,
distinguent tout autant de l’image des groupes ouvriers frappés par la Dans la commune où nous avons principalement enquêté, les ménages
de l’animation socioculturelle. À l’inverse, les résidents de la Riboire se rencontrés ont pour point commun d’avoir accompli des parcours de
blic dans les domaines alors en expansion de l’éducation, de la santé ou promotion résidentielle en « faisant construire » ou en sortant des quar-
au début des années 1980, qui occupent des professions du secteur pu- tiers d’habitat social où ils résidaient précédemment. Une partie d’entre
moyennes » étudiés par Catherine Bidou-Zachariasen dans le périurbain eux deviennent propriétaires au cours des années 1970 et 1980, période
et 1990 paraissent alors bien différents des ménages des « nouvelles classes où les possibilités d’accession s’assouplissent mais où, à l’inverse, la fragi-
salariés résidant et s’installant dans la Riboire au cours des années 1980 lisation des positions professionnelles et le ralentissement des mécanismes
tirer profit des apports de l’analyse localisée de la stratification sociale. Les de la mobilité sociale contribuent à restreindre les espoirs d’ascension
à noter tout l’intérêt d’un travail sur les PCS détaillées, qui permet de sociale. Les conditions d’accession à la propriété, chez ces ménages très
catégorie agrégée des professions intermédiaires, ces données amènent largement issus du monde ouvrier, reflètent alors les processus de diffé-
d’installation des « classes moyennes », souvent objectivé à partir de la renciations internes aux groupes ouvriers contemporains : si certains ou-
ment des espaces périurbains est couramment associé à un mouvement vriers accèdent par exemple à des postes d’intermédiaires à la fin de leur
la personne, commerce, secrétariat et comptabilité, etc. Si le développe- carrière, d’autres connaissent au contraire des trajectoires marquées par la
les types et les secteurs d’emploi demeurent très diversifiés – services à déstabilisation des statuts professionnels. Ces derniers ont des difficultés
ce territoire, quoique du côté des femmes et notamment des employées, pour effectuer l’ensemble de leur carrière dans une même entreprise et
qui permet de décrire au mieux les caractéristiques de la population de changent souvent d’emploi, même si la proximité du parc industriel leur
donc celle des salariés d’exécution et des intermédiaires de l’industrie permet d’échapper aux périodes d’inactivité.
Autour de la prédominance des emplois du secteur industriel, c’est Le parcours de Michel Claves, né en 1952, fournit un exemple de tra-
jectoire d’accession partie d’une position professionnelle d’ouvrier qua-
lifié relativement assurée quoique soumise aux risques de déstabilisation.
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 98 Après une entrée précoce dans la vie active, sa carrière est en effet marquée
par de nombreuses reconversions rendues possibles par les qualifications

par de nombreuses reconversions rendues possibles par les qualifications


Après une entrée précoce dans la vie active, sa carrière est en effet marquée 98 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
lifié relativement assurée quoique soumise aux risques de déstabilisation.
jectoire d’accession partie d’une position professionnelle d’ouvrier qua-
Le parcours de Michel Claves, né en 1952, fournit un exemple de tra- Autour de la prédominance des emplois du secteur industriel, c’est
permet d’échapper aux périodes d’inactivité. donc celle des salariés d’exécution et des intermédiaires de l’industrie
changent souvent d’emploi, même si la proximité du parc industriel leur qui permet de décrire au mieux les caractéristiques de la population de
pour effectuer l’ensemble de leur carrière dans une même entreprise et ce territoire, quoique du côté des femmes et notamment des employées,
déstabilisation des statuts professionnels. Ces derniers ont des difficultés les types et les secteurs d’emploi demeurent très diversifiés – services à
carrière, d’autres connaissent au contraire des trajectoires marquées par la la personne, commerce, secrétariat et comptabilité, etc. Si le développe-
vriers accèdent par exemple à des postes d’intermédiaires à la fin de leur ment des espaces périurbains est couramment associé à un mouvement
renciations internes aux groupes ouvriers contemporains : si certains ou- d’installation des « classes moyennes », souvent objectivé à partir de la
largement issus du monde ouvrier, reflètent alors les processus de diffé- catégorie agrégée des professions intermédiaires, ces données amènent
sociale. Les conditions d’accession à la propriété, chez ces ménages très à noter tout l’intérêt d’un travail sur les PCS détaillées, qui permet de
de la mobilité sociale contribuent à restreindre les espoirs d’ascension tirer profit des apports de l’analyse localisée de la stratification sociale. Les
lisation des positions professionnelles et le ralentissement des mécanismes salariés résidant et s’installant dans la Riboire au cours des années 1980
où les possibilités d’accession s’assouplissent mais où, à l’inverse, la fragi- et 1990 paraissent alors bien différents des ménages des « nouvelles classes
eux deviennent propriétaires au cours des années 1970 et 1980, période moyennes » étudiés par Catherine Bidou-Zachariasen dans le périurbain
tiers d’habitat social où ils résidaient précédemment. Une partie d’entre au début des années 1980, qui occupent des professions du secteur pu-
promotion résidentielle en « faisant construire » ou en sortant des quar- blic dans les domaines alors en expansion de l’éducation, de la santé ou
rencontrés ont pour point commun d’avoir accompli des parcours de de l’animation socioculturelle. À l’inverse, les résidents de la Riboire se
Dans la commune où nous avons principalement enquêté, les ménages distinguent tout autant de l’image des groupes ouvriers frappés par la
montée du chômage dans les territoires en proie à la désindustrialisation,
Promotion résidentielle et trajectoires professionnelles contrastées comme en témoigne la faiblesse relative du taux de chômage du canton
de Varieu (8,9 % en 1999).
de Varieu (8,9 % en 1999).
comme en témoigne la faiblesse relative du taux de chômage du canton Promotion résidentielle et trajectoires professionnelles contrastées
montée du chômage dans les territoires en proie à la désindustrialisation,
distinguent tout autant de l’image des groupes ouvriers frappés par la Dans la commune où nous avons principalement enquêté, les ménages
de l’animation socioculturelle. À l’inverse, les résidents de la Riboire se rencontrés ont pour point commun d’avoir accompli des parcours de
blic dans les domaines alors en expansion de l’éducation, de la santé ou promotion résidentielle en « faisant construire » ou en sortant des quar-
au début des années 1980, qui occupent des professions du secteur pu- tiers d’habitat social où ils résidaient précédemment. Une partie d’entre
moyennes » étudiés par Catherine Bidou-Zachariasen dans le périurbain eux deviennent propriétaires au cours des années 1970 et 1980, période
et 1990 paraissent alors bien différents des ménages des « nouvelles classes où les possibilités d’accession s’assouplissent mais où, à l’inverse, la fragi-
salariés résidant et s’installant dans la Riboire au cours des années 1980 lisation des positions professionnelles et le ralentissement des mécanismes
tirer profit des apports de l’analyse localisée de la stratification sociale. Les de la mobilité sociale contribuent à restreindre les espoirs d’ascension
à noter tout l’intérêt d’un travail sur les PCS détaillées, qui permet de sociale. Les conditions d’accession à la propriété, chez ces ménages très
catégorie agrégée des professions intermédiaires, ces données amènent largement issus du monde ouvrier, reflètent alors les processus de diffé-
d’installation des « classes moyennes », souvent objectivé à partir de la renciations internes aux groupes ouvriers contemporains : si certains ou-
ment des espaces périurbains est couramment associé à un mouvement vriers accèdent par exemple à des postes d’intermédiaires à la fin de leur
la personne, commerce, secrétariat et comptabilité, etc. Si le développe- carrière, d’autres connaissent au contraire des trajectoires marquées par la
les types et les secteurs d’emploi demeurent très diversifiés – services à déstabilisation des statuts professionnels. Ces derniers ont des difficultés
ce territoire, quoique du côté des femmes et notamment des employées, pour effectuer l’ensemble de leur carrière dans une même entreprise et
qui permet de décrire au mieux les caractéristiques de la population de changent souvent d’emploi, même si la proximité du parc industriel leur
donc celle des salariés d’exécution et des intermédiaires de l’industrie permet d’échapper aux périodes d’inactivité.
Autour de la prédominance des emplois du secteur industriel, c’est Le parcours de Michel Claves, né en 1952, fournit un exemple de tra-
jectoire d’accession partie d’une position professionnelle d’ouvrier qua-
lifié relativement assurée quoique soumise aux risques de déstabilisation.
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 98 Après une entrée précoce dans la vie active, sa carrière est en effet marquée
par de nombreuses reconversions rendues possibles par les qualifications
même temps que nous, tout le monde était bien sympa, et puis quand on
Violaine Girard 99 Les premières connaissances, ça a été les voisins qui ont emménagé en

du pavillon :
acquises « sur le tas » et qui lui permettent de se tenir à l’abri du chômage. mobilisation importante dans les travaux d’aménagement et de finition
Il accède toutefois, à la cinquantaine, à un poste de responsable qualité et entreprise depuis le début de sa vie active. Elle suppose également une
sécurité dans une entreprise de maintenance d’ascenseurs : lité professionnelle de l’épouse de Michel, qui travaille dans la même
riaux, dans des efforts financiers autorisés en grande partie par la stabi-
Bon, j’ai le certificat d’études, et puis à 14 ans et demi, eh bien j’ai com- des deux membres du couple, qui disposent tous deux de revenus sala-
mencé à bosser, en apprentissage de serrurier, ce qu’on appelle mainte- La réalisation de ce projet d’accession renvoie à l’implication conjointe
nant les métalliers, et puis petit à petit, en changeant de boulot, je me
suis formé sur le tas, en pneumatique, en hydraulique, en électroméca- hasard, le terrain me plaisait, mais je ne connaissais pas du tout. (Ibid.)
nique. [...] J’ai tout fait comme métiers ! [Rire.] Non, j’ai travaillé dans après, il nous a convoqués, voilà. Et on a choisi la commune par un pur
différentes branches, bâtiment, métallurgie, automatisme... J’ai pas mal tissements, on veut un petit coin tranquille, campagne et tout. Deux jours
vadrouillé dans différents boulots. À une époque, je travaillais dans une pas du centre-ville, on ne veut pas de la ZUP, on ne veut pas des grands lo-
société où on vendait du matériel de revêtement en peinture. Et cette budgétaire qu’on a, il faut trouver un terrain. Alors on lui a dit, on ne veut
boîte a commencé à baisser de l’aile, j’ai décidé de changer, et là je suis qui nous convenait, et on a dit au constructeur, eh bien, dans l’enveloppe
parti en carrosserie industrielle poids lourds, l’installation des grues, des ça se passe, on a trouvé une maison qui nous convenait, dans un budget
bennes qui sont sur les plateaux des camions. Et puis de là, après, je suis Alors on est partis se renseigner, visiter des maisons témoins, enfin comme
reparti dans l’ascenseur. Et maintenant je ne travaille plus sur les ascen- Et puis un jour on a dit, tiens, si on faisait construire, ce serait pas mal.
seurs mêmes, je ne fais plus de dépannages, tout ça. Maintenant, je suis
calé au bureau ! (Entretien avec Michel Claves, 20 janvier 2004) dont les prix sont accessibles aux ressources financières du ménage :
alors trois terrains, tous situés dans des communes rurales de la Riboire et
Originaire d’une ville populaire de la banlieue voisine, Michel s’y Le promoteur immobilier vers lequel il se tourne, en 1988, lui propose
installe avec son épouse, secrétaire de direction depuis l’âge de 20 ans. Le mier déménagement incite Michel à se lancer à 35 ans dans l’accession.
couple choisit cependant rapidement de déménager pour louer une mai- son dans la première couronne périurbaine de l’agglomération. Ce pre-
son dans la première couronne périurbaine de l’agglomération. Ce pre- couple choisit cependant rapidement de déménager pour louer une mai-
mier déménagement incite Michel à se lancer à 35 ans dans l’accession. installe avec son épouse, secrétaire de direction depuis l’âge de 20 ans. Le
Le promoteur immobilier vers lequel il se tourne, en 1988, lui propose Originaire d’une ville populaire de la banlieue voisine, Michel s’y
alors trois terrains, tous situés dans des communes rurales de la Riboire et
dont les prix sont accessibles aux ressources financières du ménage : calé au bureau ! (Entretien avec Michel Claves, 20 janvier 2004)
seurs mêmes, je ne fais plus de dépannages, tout ça. Maintenant, je suis
Et puis un jour on a dit, tiens, si on faisait construire, ce serait pas mal. reparti dans l’ascenseur. Et maintenant je ne travaille plus sur les ascen-
Alors on est partis se renseigner, visiter des maisons témoins, enfin comme bennes qui sont sur les plateaux des camions. Et puis de là, après, je suis
ça se passe, on a trouvé une maison qui nous convenait, dans un budget parti en carrosserie industrielle poids lourds, l’installation des grues, des
qui nous convenait, et on a dit au constructeur, eh bien, dans l’enveloppe boîte a commencé à baisser de l’aile, j’ai décidé de changer, et là je suis
budgétaire qu’on a, il faut trouver un terrain. Alors on lui a dit, on ne veut société où on vendait du matériel de revêtement en peinture. Et cette
pas du centre-ville, on ne veut pas de la ZUP, on ne veut pas des grands lo- vadrouillé dans différents boulots. À une époque, je travaillais dans une
tissements, on veut un petit coin tranquille, campagne et tout. Deux jours différentes branches, bâtiment, métallurgie, automatisme... J’ai pas mal
après, il nous a convoqués, voilà. Et on a choisi la commune par un pur nique. [...] J’ai tout fait comme métiers ! [Rire.] Non, j’ai travaillé dans
hasard, le terrain me plaisait, mais je ne connaissais pas du tout. (Ibid.) suis formé sur le tas, en pneumatique, en hydraulique, en électroméca-
nant les métalliers, et puis petit à petit, en changeant de boulot, je me
La réalisation de ce projet d’accession renvoie à l’implication conjointe mencé à bosser, en apprentissage de serrurier, ce qu’on appelle mainte-
des deux membres du couple, qui disposent tous deux de revenus sala- Bon, j’ai le certificat d’études, et puis à 14 ans et demi, eh bien j’ai com-
riaux, dans des efforts financiers autorisés en grande partie par la stabi-
lité professionnelle de l’épouse de Michel, qui travaille dans la même sécurité dans une entreprise de maintenance d’ascenseurs :
entreprise depuis le début de sa vie active. Elle suppose également une Il accède toutefois, à la cinquantaine, à un poste de responsable qualité et
mobilisation importante dans les travaux d’aménagement et de finition acquises « sur le tas » et qui lui permettent de se tenir à l’abri du chômage.
du pavillon :

Les premières connaissances, ça a été les voisins qui ont emménagé en 99 Violaine Girard
même temps que nous, tout le monde était bien sympa, et puis quand on

même temps que nous, tout le monde était bien sympa, et puis quand on
Violaine Girard 99 Les premières connaissances, ça a été les voisins qui ont emménagé en

du pavillon :
acquises « sur le tas » et qui lui permettent de se tenir à l’abri du chômage. mobilisation importante dans les travaux d’aménagement et de finition
Il accède toutefois, à la cinquantaine, à un poste de responsable qualité et entreprise depuis le début de sa vie active. Elle suppose également une
sécurité dans une entreprise de maintenance d’ascenseurs : lité professionnelle de l’épouse de Michel, qui travaille dans la même
riaux, dans des efforts financiers autorisés en grande partie par la stabi-
Bon, j’ai le certificat d’études, et puis à 14 ans et demi, eh bien j’ai com- des deux membres du couple, qui disposent tous deux de revenus sala-
mencé à bosser, en apprentissage de serrurier, ce qu’on appelle mainte- La réalisation de ce projet d’accession renvoie à l’implication conjointe
nant les métalliers, et puis petit à petit, en changeant de boulot, je me
suis formé sur le tas, en pneumatique, en hydraulique, en électroméca- hasard, le terrain me plaisait, mais je ne connaissais pas du tout. (Ibid.)
nique. [...] J’ai tout fait comme métiers ! [Rire.] Non, j’ai travaillé dans après, il nous a convoqués, voilà. Et on a choisi la commune par un pur
différentes branches, bâtiment, métallurgie, automatisme... J’ai pas mal tissements, on veut un petit coin tranquille, campagne et tout. Deux jours
vadrouillé dans différents boulots. À une époque, je travaillais dans une pas du centre-ville, on ne veut pas de la ZUP, on ne veut pas des grands lo-
société où on vendait du matériel de revêtement en peinture. Et cette budgétaire qu’on a, il faut trouver un terrain. Alors on lui a dit, on ne veut
boîte a commencé à baisser de l’aile, j’ai décidé de changer, et là je suis qui nous convenait, et on a dit au constructeur, eh bien, dans l’enveloppe
parti en carrosserie industrielle poids lourds, l’installation des grues, des ça se passe, on a trouvé une maison qui nous convenait, dans un budget
bennes qui sont sur les plateaux des camions. Et puis de là, après, je suis Alors on est partis se renseigner, visiter des maisons témoins, enfin comme
reparti dans l’ascenseur. Et maintenant je ne travaille plus sur les ascen- Et puis un jour on a dit, tiens, si on faisait construire, ce serait pas mal.
seurs mêmes, je ne fais plus de dépannages, tout ça. Maintenant, je suis
calé au bureau ! (Entretien avec Michel Claves, 20 janvier 2004) dont les prix sont accessibles aux ressources financières du ménage :
alors trois terrains, tous situés dans des communes rurales de la Riboire et
Originaire d’une ville populaire de la banlieue voisine, Michel s’y Le promoteur immobilier vers lequel il se tourne, en 1988, lui propose
installe avec son épouse, secrétaire de direction depuis l’âge de 20 ans. Le mier déménagement incite Michel à se lancer à 35 ans dans l’accession.
couple choisit cependant rapidement de déménager pour louer une mai- son dans la première couronne périurbaine de l’agglomération. Ce pre-
son dans la première couronne périurbaine de l’agglomération. Ce pre- couple choisit cependant rapidement de déménager pour louer une mai-
mier déménagement incite Michel à se lancer à 35 ans dans l’accession. installe avec son épouse, secrétaire de direction depuis l’âge de 20 ans. Le
Le promoteur immobilier vers lequel il se tourne, en 1988, lui propose Originaire d’une ville populaire de la banlieue voisine, Michel s’y
alors trois terrains, tous situés dans des communes rurales de la Riboire et
dont les prix sont accessibles aux ressources financières du ménage : calé au bureau ! (Entretien avec Michel Claves, 20 janvier 2004)
seurs mêmes, je ne fais plus de dépannages, tout ça. Maintenant, je suis
Et puis un jour on a dit, tiens, si on faisait construire, ce serait pas mal. reparti dans l’ascenseur. Et maintenant je ne travaille plus sur les ascen-
Alors on est partis se renseigner, visiter des maisons témoins, enfin comme bennes qui sont sur les plateaux des camions. Et puis de là, après, je suis
ça se passe, on a trouvé une maison qui nous convenait, dans un budget parti en carrosserie industrielle poids lourds, l’installation des grues, des
qui nous convenait, et on a dit au constructeur, eh bien, dans l’enveloppe boîte a commencé à baisser de l’aile, j’ai décidé de changer, et là je suis
budgétaire qu’on a, il faut trouver un terrain. Alors on lui a dit, on ne veut société où on vendait du matériel de revêtement en peinture. Et cette
pas du centre-ville, on ne veut pas de la ZUP, on ne veut pas des grands lo- vadrouillé dans différents boulots. À une époque, je travaillais dans une
tissements, on veut un petit coin tranquille, campagne et tout. Deux jours différentes branches, bâtiment, métallurgie, automatisme... J’ai pas mal
après, il nous a convoqués, voilà. Et on a choisi la commune par un pur nique. [...] J’ai tout fait comme métiers ! [Rire.] Non, j’ai travaillé dans
hasard, le terrain me plaisait, mais je ne connaissais pas du tout. (Ibid.) suis formé sur le tas, en pneumatique, en hydraulique, en électroméca-
nant les métalliers, et puis petit à petit, en changeant de boulot, je me
La réalisation de ce projet d’accession renvoie à l’implication conjointe mencé à bosser, en apprentissage de serrurier, ce qu’on appelle mainte-
des deux membres du couple, qui disposent tous deux de revenus sala- Bon, j’ai le certificat d’études, et puis à 14 ans et demi, eh bien j’ai com-
riaux, dans des efforts financiers autorisés en grande partie par la stabi-
lité professionnelle de l’épouse de Michel, qui travaille dans la même sécurité dans une entreprise de maintenance d’ascenseurs :
entreprise depuis le début de sa vie active. Elle suppose également une Il accède toutefois, à la cinquantaine, à un poste de responsable qualité et
mobilisation importante dans les travaux d’aménagement et de finition acquises « sur le tas » et qui lui permettent de se tenir à l’abri du chômage.
du pavillon :

Les premières connaissances, ça a été les voisins qui ont emménagé en 99 Violaine Girard
même temps que nous, tout le monde était bien sympa, et puis quand on
qualifications professionnelles de Marie. Mais si le ménage ne parvient
fragilisation de l’insertion professionnelle d’Éric ainsi qu’à l’absence de 100 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
ment d’une mobilisation familiale coûteuse en temps et en argent, à la
d’Éric « d’ouvrir un routier ». Leur décision apparaît liée à l’affaiblisse-
souhaite réinvestir cette expérience dans l’hôtellerie, à la suite du projet on démarre avec une maison neuve, il y a toujours beaucoup de boulot
effectue depuis dix ans des « extras » chez un traiteur, le week-end, et à faire, donc on s’est aidés mutuellement, les uns les autres, à donner des
quatre enfants et se plaint du faible salaire lié au temps partiel. Le couple coups de main, passer des week-ends à la bétonnière, quoi ! (Ibid.)
au dos, causées par son travail de chauffeur-livreur. Marie a désormais
dans un département rural du Sud. Éric souffre en effet de douleurs aiguës Si c’est en assumant une part d’autoconstruction que le couple par-
son et souhaite déménager pour s’installer comme gérants d’un hôtel vient à posséder sa maison, cette expérience est vécue positivement pour
d’élèves. Pourtant, lorsque je rencontre Marie, le couple a vendu sa mai- ce qu’elle comporte de solidarité avec le voisinage.
ATSEM à l’école, alors qu’elle s’était investie dans l’association de parents Pour de nombreux ménages qui appartiennent à la génération née
la mairie pour le service de la cantine, à temps partiel, puis comme dans les années 1960 et qui se sont installés au cours des années 1980
entreprise de transport. Quant à Marie, elle est embauchée en 1992 par dans la Riboire, les voies de la promotion ouvrière sont moins nom-
sur le parc industriel, avant de retrouver un emploi stable dans une petite breuses ; les parcours d’accession, plus difficilement assurés, sont parfois
lassé des embouteillages, il choisit de travailler quelques mois en intérim remis en cause par la précarisation professionnelle. Dans ces derniers cas,
fectuer les trajets jusqu’à l’entreprise de transport où il travaille. Puis, la stabilité conjugale et les qualifications des femmes sont déterminantes
La desserte de la Riboire par l’autoroute permet d’abord à Éric d’ef- dans la réussite des projets d’installation en pavillon, comme le montre
le cas du couple Lelay. Marie et Éric arrivent dans la Riboire en 1989,
de travaux à faire. (Entretien avec Marie Lelay, 16 avril 2003) pour venir « à la campagne » et quitter la ville de banlieue où ils résident,
l’intérieur, c’est vrai qu’on a mis longtemps, on aurait encore beaucoup alors que Marie est âgée de 23 ans et que le couple attend son troisième
avait rien, il y avait juste le toit et les fenêtres, il fallait faire tout le reste à enfant. Ils achètent leur terrain à un promoteur immobilier, mais pour
Nous, la maison on l’a pas finie parce que quand on est arrivés il n’y faire construire leur maison, ils passent par une petite entreprise artisanale
dont le patron est un ami du père de Marie. Eux aussi ont recours à une
en chantier : part importante d’autoconstruction ; en 2003, leur pavillon est toujours
part importante d’autoconstruction ; en 2003, leur pavillon est toujours en chantier :
dont le patron est un ami du père de Marie. Eux aussi ont recours à une
faire construire leur maison, ils passent par une petite entreprise artisanale Nous, la maison on l’a pas finie parce que quand on est arrivés il n’y
enfant. Ils achètent leur terrain à un promoteur immobilier, mais pour avait rien, il y avait juste le toit et les fenêtres, il fallait faire tout le reste à
alors que Marie est âgée de 23 ans et que le couple attend son troisième l’intérieur, c’est vrai qu’on a mis longtemps, on aurait encore beaucoup
pour venir « à la campagne » et quitter la ville de banlieue où ils résident, de travaux à faire. (Entretien avec Marie Lelay, 16 avril 2003)
le cas du couple Lelay. Marie et Éric arrivent dans la Riboire en 1989,
dans la réussite des projets d’installation en pavillon, comme le montre La desserte de la Riboire par l’autoroute permet d’abord à Éric d’ef-
la stabilité conjugale et les qualifications des femmes sont déterminantes fectuer les trajets jusqu’à l’entreprise de transport où il travaille. Puis,
remis en cause par la précarisation professionnelle. Dans ces derniers cas, lassé des embouteillages, il choisit de travailler quelques mois en intérim
breuses ; les parcours d’accession, plus difficilement assurés, sont parfois sur le parc industriel, avant de retrouver un emploi stable dans une petite
dans la Riboire, les voies de la promotion ouvrière sont moins nom- entreprise de transport. Quant à Marie, elle est embauchée en 1992 par
dans les années 1960 et qui se sont installés au cours des années 1980 la mairie pour le service de la cantine, à temps partiel, puis comme
Pour de nombreux ménages qui appartiennent à la génération née ATSEM à l’école, alors qu’elle s’était investie dans l’association de parents
ce qu’elle comporte de solidarité avec le voisinage. d’élèves. Pourtant, lorsque je rencontre Marie, le couple a vendu sa mai-
vient à posséder sa maison, cette expérience est vécue positivement pour son et souhaite déménager pour s’installer comme gérants d’un hôtel
Si c’est en assumant une part d’autoconstruction que le couple par- dans un département rural du Sud. Éric souffre en effet de douleurs aiguës
au dos, causées par son travail de chauffeur-livreur. Marie a désormais
coups de main, passer des week-ends à la bétonnière, quoi ! (Ibid.) quatre enfants et se plaint du faible salaire lié au temps partiel. Le couple
à faire, donc on s’est aidés mutuellement, les uns les autres, à donner des effectue depuis dix ans des « extras » chez un traiteur, le week-end, et
on démarre avec une maison neuve, il y a toujours beaucoup de boulot souhaite réinvestir cette expérience dans l’hôtellerie, à la suite du projet
d’Éric « d’ouvrir un routier ». Leur décision apparaît liée à l’affaiblisse-
ment d’une mobilisation familiale coûteuse en temps et en argent, à la
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 100 fragilisation de l’insertion professionnelle d’Éric ainsi qu’à l’absence de
qualifications professionnelles de Marie. Mais si le ménage ne parvient

qualifications professionnelles de Marie. Mais si le ménage ne parvient


fragilisation de l’insertion professionnelle d’Éric ainsi qu’à l’absence de 100 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
ment d’une mobilisation familiale coûteuse en temps et en argent, à la
d’Éric « d’ouvrir un routier ». Leur décision apparaît liée à l’affaiblisse-
souhaite réinvestir cette expérience dans l’hôtellerie, à la suite du projet on démarre avec une maison neuve, il y a toujours beaucoup de boulot
effectue depuis dix ans des « extras » chez un traiteur, le week-end, et à faire, donc on s’est aidés mutuellement, les uns les autres, à donner des
quatre enfants et se plaint du faible salaire lié au temps partiel. Le couple coups de main, passer des week-ends à la bétonnière, quoi ! (Ibid.)
au dos, causées par son travail de chauffeur-livreur. Marie a désormais
dans un département rural du Sud. Éric souffre en effet de douleurs aiguës Si c’est en assumant une part d’autoconstruction que le couple par-
son et souhaite déménager pour s’installer comme gérants d’un hôtel vient à posséder sa maison, cette expérience est vécue positivement pour
d’élèves. Pourtant, lorsque je rencontre Marie, le couple a vendu sa mai- ce qu’elle comporte de solidarité avec le voisinage.
ATSEM à l’école, alors qu’elle s’était investie dans l’association de parents Pour de nombreux ménages qui appartiennent à la génération née
la mairie pour le service de la cantine, à temps partiel, puis comme dans les années 1960 et qui se sont installés au cours des années 1980
entreprise de transport. Quant à Marie, elle est embauchée en 1992 par dans la Riboire, les voies de la promotion ouvrière sont moins nom-
sur le parc industriel, avant de retrouver un emploi stable dans une petite breuses ; les parcours d’accession, plus difficilement assurés, sont parfois
lassé des embouteillages, il choisit de travailler quelques mois en intérim remis en cause par la précarisation professionnelle. Dans ces derniers cas,
fectuer les trajets jusqu’à l’entreprise de transport où il travaille. Puis, la stabilité conjugale et les qualifications des femmes sont déterminantes
La desserte de la Riboire par l’autoroute permet d’abord à Éric d’ef- dans la réussite des projets d’installation en pavillon, comme le montre
le cas du couple Lelay. Marie et Éric arrivent dans la Riboire en 1989,
de travaux à faire. (Entretien avec Marie Lelay, 16 avril 2003) pour venir « à la campagne » et quitter la ville de banlieue où ils résident,
l’intérieur, c’est vrai qu’on a mis longtemps, on aurait encore beaucoup alors que Marie est âgée de 23 ans et que le couple attend son troisième
avait rien, il y avait juste le toit et les fenêtres, il fallait faire tout le reste à enfant. Ils achètent leur terrain à un promoteur immobilier, mais pour
Nous, la maison on l’a pas finie parce que quand on est arrivés il n’y faire construire leur maison, ils passent par une petite entreprise artisanale
dont le patron est un ami du père de Marie. Eux aussi ont recours à une
en chantier : part importante d’autoconstruction ; en 2003, leur pavillon est toujours
part importante d’autoconstruction ; en 2003, leur pavillon est toujours en chantier :
dont le patron est un ami du père de Marie. Eux aussi ont recours à une
faire construire leur maison, ils passent par une petite entreprise artisanale Nous, la maison on l’a pas finie parce que quand on est arrivés il n’y
enfant. Ils achètent leur terrain à un promoteur immobilier, mais pour avait rien, il y avait juste le toit et les fenêtres, il fallait faire tout le reste à
alors que Marie est âgée de 23 ans et que le couple attend son troisième l’intérieur, c’est vrai qu’on a mis longtemps, on aurait encore beaucoup
pour venir « à la campagne » et quitter la ville de banlieue où ils résident, de travaux à faire. (Entretien avec Marie Lelay, 16 avril 2003)
le cas du couple Lelay. Marie et Éric arrivent dans la Riboire en 1989,
dans la réussite des projets d’installation en pavillon, comme le montre La desserte de la Riboire par l’autoroute permet d’abord à Éric d’ef-
la stabilité conjugale et les qualifications des femmes sont déterminantes fectuer les trajets jusqu’à l’entreprise de transport où il travaille. Puis,
remis en cause par la précarisation professionnelle. Dans ces derniers cas, lassé des embouteillages, il choisit de travailler quelques mois en intérim
breuses ; les parcours d’accession, plus difficilement assurés, sont parfois sur le parc industriel, avant de retrouver un emploi stable dans une petite
dans la Riboire, les voies de la promotion ouvrière sont moins nom- entreprise de transport. Quant à Marie, elle est embauchée en 1992 par
dans les années 1960 et qui se sont installés au cours des années 1980 la mairie pour le service de la cantine, à temps partiel, puis comme
Pour de nombreux ménages qui appartiennent à la génération née ATSEM à l’école, alors qu’elle s’était investie dans l’association de parents
ce qu’elle comporte de solidarité avec le voisinage. d’élèves. Pourtant, lorsque je rencontre Marie, le couple a vendu sa mai-
vient à posséder sa maison, cette expérience est vécue positivement pour son et souhaite déménager pour s’installer comme gérants d’un hôtel
Si c’est en assumant une part d’autoconstruction que le couple par- dans un département rural du Sud. Éric souffre en effet de douleurs aiguës
au dos, causées par son travail de chauffeur-livreur. Marie a désormais
coups de main, passer des week-ends à la bétonnière, quoi ! (Ibid.) quatre enfants et se plaint du faible salaire lié au temps partiel. Le couple
à faire, donc on s’est aidés mutuellement, les uns les autres, à donner des effectue depuis dix ans des « extras » chez un traiteur, le week-end, et
on démarre avec une maison neuve, il y a toujours beaucoup de boulot souhaite réinvestir cette expérience dans l’hôtellerie, à la suite du projet
d’Éric « d’ouvrir un routier ». Leur décision apparaît liée à l’affaiblisse-
ment d’une mobilisation familiale coûteuse en temps et en argent, à la
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 100 fragilisation de l’insertion professionnelle d’Éric ainsi qu’à l’absence de
qualifications professionnelles de Marie. Mais si le ménage ne parvient
où se réalisent les aspirations à la promotion résidentielle de ménages
Violaine Girard 101 les plus éloignés constituent en effet l’un des principaux types d’espaces
sent aujourd’hui de moins en moins ségrégués, les territoires périurbains
années 1970. Alors que les univers de vie des classes populaires apparais-
plus à soutenir les efforts financiers nécessaires pour rester propriétaire, pôles d’emploi issus des restructurations industrielles en cours depuis les
la vente du pavillon lui assure toutefois la possibilité d’une reconversion aux classes populaires, à partir du cas de pavillonnaires résidant autour de
valorisante par l’accès à l’indépendance. questionnements récents sur les mouvements de différenciations internes
En portant le regard sur ces trajectoires d’ouvriers et d’employées Nous souhaitons contribuer plus généralement, par ce travail, aux
pavillonnaires, on perçoit à quel point ils se distinguent des fractions gories sociales présentes dans les espaces périurbains.
plus précarisées des classes populaires demeurées captives des quartiers dépasser une appréhension par trop uniforme ou globalisante des caté-
d’habitat social de la banlieue proche. La diffusion de nouvelles normes ainsi qu’une part élevée de techniciens parmi les actifs, amène ainsi à
sociales en matière de logement, qui sont associées à l’accession pavillon- ractérise une forte prédominance des ouvriers qualifiés et des employées,
naire, joue en effet un grand rôle dans les recompositions qui affectent dynamiques de relocalisation des emplois. Le cas de la Riboire, que ca-
la construction des statuts sociaux au sein des différentes fractions des des phénomènes de périurbanisation prennent rarement en compte les
classes populaires contemporaines, en lien avec la diversification de leurs terminants des migrations périurbaines, alors que la plupart des analyses
lieux de résidence. L’étude de ces trajectoires amène également à souli- que la recomposition des lieux d’emploi industriel constitue l’un des dé-
gner que les modalités d’accession des ménages ouvriers demeurent mar- gués à la périphérie des grandes villes. Nous avons également souligné
quées par des formes d’instabilité et d’ambivalence, en lien avec les fortes delà l’association étroite de ces territoires aux ménages « modestes » relé-
contraintes rencontrées en matière de localisation résidentielle ou encore courante du périurbain aux seules « classes moyennes », et à l’inverse, par-
avec l’importance des efforts consentis pour l’achat et la finition des pa- logiser » le regard porté sur ce type d’espaces, par-delà l’identification
villons. Pour le dire autrement, l’accès au « rêve pavillonnaire » ne s’opère au sein d’un territoire périurbain éloigné, nous avons souhaité « socio-
pas au sein d’espaces socialement indifférenciés, mais concourt plutôt, Au travers d’une analyse localisée de la stratification sociale, menée
aux côtés des dynamiques de relocalisation des emplois industriels, au
développement de nouvelles formes de concentration résidentielle chez
*
les ménages des classes populaires stables.
les ménages des classes populaires stables.
* développement de nouvelles formes de concentration résidentielle chez
aux côtés des dynamiques de relocalisation des emplois industriels, au
Au travers d’une analyse localisée de la stratification sociale, menée pas au sein d’espaces socialement indifférenciés, mais concourt plutôt,
au sein d’un territoire périurbain éloigné, nous avons souhaité « socio- villons. Pour le dire autrement, l’accès au « rêve pavillonnaire » ne s’opère
logiser » le regard porté sur ce type d’espaces, par-delà l’identification avec l’importance des efforts consentis pour l’achat et la finition des pa-
courante du périurbain aux seules « classes moyennes », et à l’inverse, par- contraintes rencontrées en matière de localisation résidentielle ou encore
delà l’association étroite de ces territoires aux ménages « modestes » relé- quées par des formes d’instabilité et d’ambivalence, en lien avec les fortes
gués à la périphérie des grandes villes. Nous avons également souligné gner que les modalités d’accession des ménages ouvriers demeurent mar-
que la recomposition des lieux d’emploi industriel constitue l’un des dé- lieux de résidence. L’étude de ces trajectoires amène également à souli-
terminants des migrations périurbaines, alors que la plupart des analyses classes populaires contemporaines, en lien avec la diversification de leurs
des phénomènes de périurbanisation prennent rarement en compte les la construction des statuts sociaux au sein des différentes fractions des
dynamiques de relocalisation des emplois. Le cas de la Riboire, que ca- naire, joue en effet un grand rôle dans les recompositions qui affectent
ractérise une forte prédominance des ouvriers qualifiés et des employées, sociales en matière de logement, qui sont associées à l’accession pavillon-
ainsi qu’une part élevée de techniciens parmi les actifs, amène ainsi à d’habitat social de la banlieue proche. La diffusion de nouvelles normes
dépasser une appréhension par trop uniforme ou globalisante des caté- plus précarisées des classes populaires demeurées captives des quartiers
gories sociales présentes dans les espaces périurbains. pavillonnaires, on perçoit à quel point ils se distinguent des fractions
Nous souhaitons contribuer plus généralement, par ce travail, aux En portant le regard sur ces trajectoires d’ouvriers et d’employées
questionnements récents sur les mouvements de différenciations internes valorisante par l’accès à l’indépendance.
aux classes populaires, à partir du cas de pavillonnaires résidant autour de la vente du pavillon lui assure toutefois la possibilité d’une reconversion
pôles d’emploi issus des restructurations industrielles en cours depuis les plus à soutenir les efforts financiers nécessaires pour rester propriétaire,
années 1970. Alors que les univers de vie des classes populaires apparais-
sent aujourd’hui de moins en moins ségrégués, les territoires périurbains
les plus éloignés constituent en effet l’un des principaux types d’espaces 101 Violaine Girard
où se réalisent les aspirations à la promotion résidentielle de ménages

où se réalisent les aspirations à la promotion résidentielle de ménages


Violaine Girard 101 les plus éloignés constituent en effet l’un des principaux types d’espaces
sent aujourd’hui de moins en moins ségrégués, les territoires périurbains
années 1970. Alors que les univers de vie des classes populaires apparais-
plus à soutenir les efforts financiers nécessaires pour rester propriétaire, pôles d’emploi issus des restructurations industrielles en cours depuis les
la vente du pavillon lui assure toutefois la possibilité d’une reconversion aux classes populaires, à partir du cas de pavillonnaires résidant autour de
valorisante par l’accès à l’indépendance. questionnements récents sur les mouvements de différenciations internes
En portant le regard sur ces trajectoires d’ouvriers et d’employées Nous souhaitons contribuer plus généralement, par ce travail, aux
pavillonnaires, on perçoit à quel point ils se distinguent des fractions gories sociales présentes dans les espaces périurbains.
plus précarisées des classes populaires demeurées captives des quartiers dépasser une appréhension par trop uniforme ou globalisante des caté-
d’habitat social de la banlieue proche. La diffusion de nouvelles normes ainsi qu’une part élevée de techniciens parmi les actifs, amène ainsi à
sociales en matière de logement, qui sont associées à l’accession pavillon- ractérise une forte prédominance des ouvriers qualifiés et des employées,
naire, joue en effet un grand rôle dans les recompositions qui affectent dynamiques de relocalisation des emplois. Le cas de la Riboire, que ca-
la construction des statuts sociaux au sein des différentes fractions des des phénomènes de périurbanisation prennent rarement en compte les
classes populaires contemporaines, en lien avec la diversification de leurs terminants des migrations périurbaines, alors que la plupart des analyses
lieux de résidence. L’étude de ces trajectoires amène également à souli- que la recomposition des lieux d’emploi industriel constitue l’un des dé-
gner que les modalités d’accession des ménages ouvriers demeurent mar- gués à la périphérie des grandes villes. Nous avons également souligné
quées par des formes d’instabilité et d’ambivalence, en lien avec les fortes delà l’association étroite de ces territoires aux ménages « modestes » relé-
contraintes rencontrées en matière de localisation résidentielle ou encore courante du périurbain aux seules « classes moyennes », et à l’inverse, par-
avec l’importance des efforts consentis pour l’achat et la finition des pa- logiser » le regard porté sur ce type d’espaces, par-delà l’identification
villons. Pour le dire autrement, l’accès au « rêve pavillonnaire » ne s’opère au sein d’un territoire périurbain éloigné, nous avons souhaité « socio-
pas au sein d’espaces socialement indifférenciés, mais concourt plutôt, Au travers d’une analyse localisée de la stratification sociale, menée
aux côtés des dynamiques de relocalisation des emplois industriels, au
développement de nouvelles formes de concentration résidentielle chez
*
les ménages des classes populaires stables.
les ménages des classes populaires stables.
* développement de nouvelles formes de concentration résidentielle chez
aux côtés des dynamiques de relocalisation des emplois industriels, au
Au travers d’une analyse localisée de la stratification sociale, menée pas au sein d’espaces socialement indifférenciés, mais concourt plutôt,
au sein d’un territoire périurbain éloigné, nous avons souhaité « socio- villons. Pour le dire autrement, l’accès au « rêve pavillonnaire » ne s’opère
logiser » le regard porté sur ce type d’espaces, par-delà l’identification avec l’importance des efforts consentis pour l’achat et la finition des pa-
courante du périurbain aux seules « classes moyennes », et à l’inverse, par- contraintes rencontrées en matière de localisation résidentielle ou encore
delà l’association étroite de ces territoires aux ménages « modestes » relé- quées par des formes d’instabilité et d’ambivalence, en lien avec les fortes
gués à la périphérie des grandes villes. Nous avons également souligné gner que les modalités d’accession des ménages ouvriers demeurent mar-
que la recomposition des lieux d’emploi industriel constitue l’un des dé- lieux de résidence. L’étude de ces trajectoires amène également à souli-
terminants des migrations périurbaines, alors que la plupart des analyses classes populaires contemporaines, en lien avec la diversification de leurs
des phénomènes de périurbanisation prennent rarement en compte les la construction des statuts sociaux au sein des différentes fractions des
dynamiques de relocalisation des emplois. Le cas de la Riboire, que ca- naire, joue en effet un grand rôle dans les recompositions qui affectent
ractérise une forte prédominance des ouvriers qualifiés et des employées, sociales en matière de logement, qui sont associées à l’accession pavillon-
ainsi qu’une part élevée de techniciens parmi les actifs, amène ainsi à d’habitat social de la banlieue proche. La diffusion de nouvelles normes
dépasser une appréhension par trop uniforme ou globalisante des caté- plus précarisées des classes populaires demeurées captives des quartiers
gories sociales présentes dans les espaces périurbains. pavillonnaires, on perçoit à quel point ils se distinguent des fractions
Nous souhaitons contribuer plus généralement, par ce travail, aux En portant le regard sur ces trajectoires d’ouvriers et d’employées
questionnements récents sur les mouvements de différenciations internes valorisante par l’accès à l’indépendance.
aux classes populaires, à partir du cas de pavillonnaires résidant autour de la vente du pavillon lui assure toutefois la possibilité d’une reconversion
pôles d’emploi issus des restructurations industrielles en cours depuis les plus à soutenir les efforts financiers nécessaires pour rester propriétaire,
années 1970. Alors que les univers de vie des classes populaires apparais-
sent aujourd’hui de moins en moins ségrégués, les territoires périurbains
les plus éloignés constituent en effet l’un des principaux types d’espaces 101 Violaine Girard
où se réalisent les aspirations à la promotion résidentielle de ménages
Paris, Seuil.
Maurin Éric (2004), Le Ghetto français  : enquête sur le séparatisme social, 102 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
les classes moyennes », Esprit, no 303, p. 40-62.
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Éditions Autrement. Bibliographie
tures sociales en France : les classes moyennes oubliées et précarisées, Paris,
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la propriété (xixe-xxe siècle), Paris, Éditions de l’Atelier. enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Paris, Fayard.
Groux Guy & Lévy Catherine (1993), La Possession ouvrière : du taudis à Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai
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Gobillon Laurent & Le Blanc David (2005), « Quelques effets économi- Cartier Marie, Coutant Isabelle, Masclet Olivier & Siblot Yasmine
d’économie régionale et urbaine, no 1, p. 3-30. (2008), La France des « petits-moyens » : enquête sur la banlieue pavillon-
une analyse structurelle-géographique sur données françaises », Revue naire, Paris, La Découverte.
récente de l’emploi industriel dans les territoires ruraux et urbains : Cavailhès Jean & Selod Harris (2003), « Ségrégation sociale et péri-
Gaigné Carl, Piguet Virginie & Schmitt Bertrand (2005), « Évolution urbanisation », Recherches en économie et sociologie rurales. INRA sciences
de sociologie, Marseille, EHESS. sociales, no 1-2, 4 p.
générations de travailleurs du nucléaire sur le centre de Marcoule, Gard, thèse Chamboredon Jean-Claude (2004), « Une rue dans la ville », dans
Fournier Pierre (1996), Mobilisation industrielle et position sociale  : deux Marseille, entre ville et ports : les destins de la rue de la République, Pierre
gation, périurbanisation », Esprit, no 303, p. 14-39. Fournier & Sylvie Mazzella (dir.), Paris, La Découverte, p. 309-314.
Donzelot Jacques (2004), « La ville à trois vitesses : gentrification, relé- Debroux Josette (2011), « Stratégies résidentielles et position sociale  :
sionnelles, Paris, La Découverte. l’exemple des localisations périurbaines », Espaces et sociétés, no  144-
Desrosières Alain & Thévenot Laurent (1988), Les Catégories socioprofes- 145, p. 121-139.
145, p. 121-139. Desrosières Alain & Thévenot Laurent (1988), Les Catégories socioprofes-
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les classes moyennes », Esprit, no 303, p. 40-62.
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain 102 Maurin Éric (2004), Le Ghetto français  : enquête sur le séparatisme social,
Paris, Seuil.

Paris, Seuil.
Maurin Éric (2004), Le Ghetto français  : enquête sur le séparatisme social, 102 Des classes populaires en recomposition dans le périurbain
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145, p. 121-139. Desrosières Alain & Thévenot Laurent (1988), Les Catégories socioprofes-
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Fournier & Sylvie Mazzella (dir.), Paris, La Découverte, p. 309-314. gation, périurbanisation », Esprit, no 303, p. 14-39.
Marseille, entre ville et ports : les destins de la rue de la République, Pierre Fournier Pierre (1996), Mobilisation industrielle et position sociale  : deux
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urbanisation », Recherches en économie et sociologie rurales. INRA sciences Gaigné Carl, Piguet Virginie & Schmitt Bertrand (2005), « Évolution
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(2008), La France des « petits-moyens » : enquête sur la banlieue pavillon- d’économie régionale et urbaine, no 1, p. 3-30.
Cartier Marie, Coutant Isabelle, Masclet Olivier & Siblot Yasmine Gobillon Laurent & Le Blanc David (2005), « Quelques effets économi-
sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France. ques du prêt à taux zéro », Économie et statistique, no 381-382, p. 63-89.
Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai Groux Guy & Lévy Catherine (1993), La Possession ouvrière : du taudis à
enquête aux usines Peugeot de Sochaux-Montbéliard, Paris, Fayard. la propriété (xixe-xxe siècle), Paris, Éditions de l’Atelier.
Beaud Stéphane & Pialoux Michel (1999), Retour sur la condition ouvrière : Guilly Christophe & Noyé Christophe (2004), Atlas des nouvelles frac-
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Huiban Jean-Pierre (2003), « Entreprises et activités industrielles en mi-
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Jaillet Marie-Christine (2004), « L’espace périurbain : un univers pour
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Paris, Seuil.
Violaine Girard 103

Mischi Julian & Renahy Nicolas (2008), « Pour une sociologie politique
des mondes ruraux », Politix, vol. 21, no 83, p. 9-21.
Noiriel Gérard (1986, 2002), Les Ouvriers dans la société française, xixe-
xxe siècle, Paris, Seuil.
Oberti Marco & Préteceille Edmond (2011), « Cadres supérieurs et
professions intermédiaires dans l’espace urbain, entre séparatisme et
mixité sous contrôle », dans Cadres, classes moyennes, vers l’éclatement ?,
Paul Bouffartigue, Charles Gadea & Sophie Pochic  (dir.), Paris,
Armand Colin, p. 202-212.
Renahy Nicolas (2002), « Les transformations récentes du monde
ouvrier », Écoflash, no 168, 6 p.
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et ses effets électoraux », dans Données urbaines, 6, Denise Pumain & Verret Michel (1979), L’Ouvrier français : l’espace ouvrier, Paris, Armand
Marie-Flore Mattéi (dir.), Paris, Anthropos, p. 11-20. de l’INSEE.
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cours de périurbanisation », Politix, vol. 21, no 83, p. 23-48. Yvelines.
Rougé Lionel (2005), Accession à la propriété et modes de vie en maison in- recherches en sociologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-
dividuelle des familles modestes installées en périurbain lointain toulousain. — (1998), La Notion de « classes populaires », habilitation à diriger des
Les « captifs » du périurbain ?, thèse de géographie et aménagement du universitaires de France, « Quadrige ».
territoire, Université de Toulouse 2-Le Mirail. Schwartz Olivier (1990, 2002), Le Monde privé des ouvriers, Paris, Presses
Schwartz Olivier (1990, 2002), Le Monde privé des ouvriers, Paris, Presses territoire, Université de Toulouse 2-Le Mirail.
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de l’INSEE. Marie-Flore Mattéi (dir.), Paris, Anthropos, p. 11-20.
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103 Violaine Girard

Violaine Girard 103

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des mondes ruraux », Politix, vol. 21, no 83, p. 9-21.
Mischi Julian & Renahy Nicolas (2008), « Pour une sociologie politique

103 Violaine Girard


raisons pratiques, le label d’espaces publics pour désigner les lieux publics
s’agit bien ici d’espaces publics urbains, mais que nous conserverons, pour des
ter l’ambiguïté récurrente de ces termes. Il peut être utile de préciser qu’il
s’avère en définitive simple mais efficace, et surtout nécessaire afin d’évi-
débat politique, de la confrontation des opinions, de la communication –
qu’espaces physiques – et le singulier – l’espace public comme espace du
La distinction classique entre le pluriel – les espaces publics en tant
PRATIQUES URBAINES ET SÉGRÉGATION : entend par ce concept glissant et polysémique d’« espaces publics ».
APPROCHE PAR L’ENCADREMENT PARENTAL EN CONTEXTE urbain, il convient bien entendu de commencer par définir ce qu’on
DE MIXITÉ SOCIALE constitue un point aveugle de l’étude des processus ségrégatifs en milieu
ces publics ainsi que leur anticipation des interactions qui s’y déroulent –
urbaines – c’est-à-dire la gestion, par les citadins, de leurs usages des espa-
Clément Rivière Pour pouvoir montrer en quoi la dimension stratégique des pratiques

Au cours des deux dernières décennies, la sociologie urbaine française LA DIMENSION STRATÉGIQUE DES PRATIQUES URBAINES
a consacré une part non négligeable de son attention à la différenciation
sociale des espaces (Brun & Rhein, 1994 ; Préteceille, 2006 et 2009) et et de les intégrer à son étude.
aux contextes urbains les plus ségrégués (notamment, pour les quartiers proposer de prendre au sérieux leur contribution à la ségrégation urbaine
populaires, Lepoutre, 1997, et Lapeyronnie, 2008 ; pour les espaces su- au jour de la dimension stratégique des pratiques urbaines nous conduit à
périeurs, Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007, et Cousin, 2008). Un intérêt (Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007). Dans ce contexte scientifique, la mise
croissant a été accordé à la prise en compte de la dimension stratégique 2008), mais aussi les espaces de résidence les plus sélectifs socialement
du rapport à l’urbain, certains auteurs allant jusqu’à considérer que la re- quartiers populaires les plus ségrégués (Wacquant, 2007  ; Lapeyronnie,
cherche d’entre-soi se serait généralisée à l’ensemble des groupes sociaux pertinence de son importation depuis les États-Unis pour qualifier les
(Maurin, 2004). Cette accumulation de travaux reflète l’urbanisation de sociologique des discussions autour du concept de « ghetto » et de la
la question sociale dans le débat politique français depuis le début des années 1980 (Préteceille, 2006), dont témoigne la centralité dans le débat
années 1980 (Préteceille, 2006), dont témoigne la centralité dans le débat la question sociale dans le débat politique français depuis le début des
sociologique des discussions autour du concept de « ghetto » et de la (Maurin, 2004). Cette accumulation de travaux reflète l’urbanisation de
pertinence de son importation depuis les États-Unis pour qualifier les cherche d’entre-soi se serait généralisée à l’ensemble des groupes sociaux
quartiers populaires les plus ségrégués (Wacquant, 2007  ; Lapeyronnie, du rapport à l’urbain, certains auteurs allant jusqu’à considérer que la re-
2008), mais aussi les espaces de résidence les plus sélectifs socialement croissant a été accordé à la prise en compte de la dimension stratégique
(Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007). Dans ce contexte scientifique, la mise périeurs, Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007, et Cousin, 2008). Un intérêt
au jour de la dimension stratégique des pratiques urbaines nous conduit à populaires, Lepoutre, 1997, et Lapeyronnie, 2008 ; pour les espaces su-
proposer de prendre au sérieux leur contribution à la ségrégation urbaine aux contextes urbains les plus ségrégués (notamment, pour les quartiers
et de les intégrer à son étude. sociale des espaces (Brun & Rhein, 1994 ; Préteceille, 2006 et 2009) et
a consacré une part non négligeable de son attention à la différenciation
LA DIMENSION STRATÉGIQUE DES PRATIQUES URBAINES Au cours des deux dernières décennies, la sociologie urbaine française

Pour pouvoir montrer en quoi la dimension stratégique des pratiques Clément Rivière
urbaines – c’est-à-dire la gestion, par les citadins, de leurs usages des espa-
ces publics ainsi que leur anticipation des interactions qui s’y déroulent –
constitue un point aveugle de l’étude des processus ségrégatifs en milieu DE MIXITÉ SOCIALE
urbain, il convient bien entendu de commencer par définir ce qu’on APPROCHE PAR L’ENCADREMENT PARENTAL EN CONTEXTE
entend par ce concept glissant et polysémique d’« espaces publics ». PRATIQUES URBAINES ET SÉGRÉGATION :
La distinction classique entre le pluriel – les espaces publics en tant
qu’espaces physiques – et le singulier – l’espace public comme espace du
débat politique, de la confrontation des opinions, de la communication –
s’avère en définitive simple mais efficace, et surtout nécessaire afin d’évi-
ter l’ambiguïté récurrente de ces termes. Il peut être utile de préciser qu’il
s’agit bien ici d’espaces publics urbains, mais que nous conserverons, pour des
raisons pratiques, le label d’espaces publics pour désigner les lieux publics

raisons pratiques, le label d’espaces publics pour désigner les lieux publics
s’agit bien ici d’espaces publics urbains, mais que nous conserverons, pour des
ter l’ambiguïté récurrente de ces termes. Il peut être utile de préciser qu’il
s’avère en définitive simple mais efficace, et surtout nécessaire afin d’évi-
débat politique, de la confrontation des opinions, de la communication –
qu’espaces physiques – et le singulier – l’espace public comme espace du
La distinction classique entre le pluriel – les espaces publics en tant
PRATIQUES URBAINES ET SÉGRÉGATION : entend par ce concept glissant et polysémique d’« espaces publics ».
APPROCHE PAR L’ENCADREMENT PARENTAL EN CONTEXTE urbain, il convient bien entendu de commencer par définir ce qu’on
DE MIXITÉ SOCIALE constitue un point aveugle de l’étude des processus ségrégatifs en milieu
ces publics ainsi que leur anticipation des interactions qui s’y déroulent –
urbaines – c’est-à-dire la gestion, par les citadins, de leurs usages des espa-
Clément Rivière Pour pouvoir montrer en quoi la dimension stratégique des pratiques

Au cours des deux dernières décennies, la sociologie urbaine française LA DIMENSION STRATÉGIQUE DES PRATIQUES URBAINES
a consacré une part non négligeable de son attention à la différenciation
sociale des espaces (Brun & Rhein, 1994 ; Préteceille, 2006 et 2009) et et de les intégrer à son étude.
aux contextes urbains les plus ségrégués (notamment, pour les quartiers proposer de prendre au sérieux leur contribution à la ségrégation urbaine
populaires, Lepoutre, 1997, et Lapeyronnie, 2008 ; pour les espaces su- au jour de la dimension stratégique des pratiques urbaines nous conduit à
périeurs, Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007, et Cousin, 2008). Un intérêt (Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007). Dans ce contexte scientifique, la mise
croissant a été accordé à la prise en compte de la dimension stratégique 2008), mais aussi les espaces de résidence les plus sélectifs socialement
du rapport à l’urbain, certains auteurs allant jusqu’à considérer que la re- quartiers populaires les plus ségrégués (Wacquant, 2007  ; Lapeyronnie,
cherche d’entre-soi se serait généralisée à l’ensemble des groupes sociaux pertinence de son importation depuis les États-Unis pour qualifier les
(Maurin, 2004). Cette accumulation de travaux reflète l’urbanisation de sociologique des discussions autour du concept de « ghetto » et de la
la question sociale dans le débat politique français depuis le début des années 1980 (Préteceille, 2006), dont témoigne la centralité dans le débat
années 1980 (Préteceille, 2006), dont témoigne la centralité dans le débat la question sociale dans le débat politique français depuis le début des
sociologique des discussions autour du concept de « ghetto » et de la (Maurin, 2004). Cette accumulation de travaux reflète l’urbanisation de
pertinence de son importation depuis les États-Unis pour qualifier les cherche d’entre-soi se serait généralisée à l’ensemble des groupes sociaux
quartiers populaires les plus ségrégués (Wacquant, 2007  ; Lapeyronnie, du rapport à l’urbain, certains auteurs allant jusqu’à considérer que la re-
2008), mais aussi les espaces de résidence les plus sélectifs socialement croissant a été accordé à la prise en compte de la dimension stratégique
(Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007). Dans ce contexte scientifique, la mise périeurs, Pinçon & Pinçon-Charlot, 2007, et Cousin, 2008). Un intérêt
au jour de la dimension stratégique des pratiques urbaines nous conduit à populaires, Lepoutre, 1997, et Lapeyronnie, 2008 ; pour les espaces su-
proposer de prendre au sérieux leur contribution à la ségrégation urbaine aux contextes urbains les plus ségrégués (notamment, pour les quartiers
et de les intégrer à son étude. sociale des espaces (Brun & Rhein, 1994 ; Préteceille, 2006 et 2009) et
a consacré une part non négligeable de son attention à la différenciation
LA DIMENSION STRATÉGIQUE DES PRATIQUES URBAINES Au cours des deux dernières décennies, la sociologie urbaine française

Pour pouvoir montrer en quoi la dimension stratégique des pratiques Clément Rivière
urbaines – c’est-à-dire la gestion, par les citadins, de leurs usages des espa-
ces publics ainsi que leur anticipation des interactions qui s’y déroulent –
constitue un point aveugle de l’étude des processus ségrégatifs en milieu DE MIXITÉ SOCIALE
urbain, il convient bien entendu de commencer par définir ce qu’on APPROCHE PAR L’ENCADREMENT PARENTAL EN CONTEXTE
entend par ce concept glissant et polysémique d’« espaces publics ». PRATIQUES URBAINES ET SÉGRÉGATION :
La distinction classique entre le pluriel – les espaces publics en tant
qu’espaces physiques – et le singulier – l’espace public comme espace du
débat politique, de la confrontation des opinions, de la communication –
s’avère en définitive simple mais efficace, et surtout nécessaire afin d’évi-
ter l’ambiguïté récurrente de ces termes. Il peut être utile de préciser qu’il
s’agit bien ici d’espaces publics urbains, mais que nous conserverons, pour des
raisons pratiques, le label d’espaces publics pour désigner les lieux publics
travail.
2. On pourrait dans certains cas imaginer d’autres types de « bases » comme le lieu de
publics (Lieber, 2008, p. 59). 106 Pratiques urbaines et ségrégation
de protection » mises en œuvre par les femmes lors de leurs déplacements dans les espaces
1. Marylène Lieber restitue par exemple de manière probante la diversité des « tactiques
et accessibles à tous, principalement le réseau viaire, les places et les parcs,
sein des espaces publics, les pratiques de préparation et d’anticipation des auxquels nous ajouterons les transports en commun : bien que leur accès
que la tactique s’exprime dans les interactions ou dans leur évitement au soit en théorie payant, la nécessité de la mobilité en contexte métropoli-
la gestion des relations avec autrui : principalement le domicile2. Alors tain justifie leur inclusion, l’expérience de la promiscuité consubstantielle
leur pratique s’organise depuis un « lieu propre » qui sert de « base » à à leur usage constituant l’une des principales caractéristiques de la vie
publics revêt également une dimension stratégique, dans la mesure où urbaine moderne (Simmel, 1908, 1992).
bles1. Mais sa lecture permet aussi d’observer que le rapport aux espaces Cette précision prend son sens au regard de l’unanimité des définitions
avec les événements, dans un contexte où ils ne sont pas tous maîtrisa- des espaces publics quant à leur caractéristique principale, l’accessibilité,
la circulation est « de type tactique » : elle consiste avant tout en un jeu qui a pour conséquence théorique la diversité potentielle des interactants
Michel de Certeau, qu’à l’image de nombreuses pratiques quotidiennes, (voir notamment Joseph, 1984, et Lofland, 1998). Cristallisant l’imprévu
(Rivière, 2007). Certes, on peut dans un premier temps considérer, avec (serendipity) propre à la vie urbaine (Hannerz, 1980, 1983), les espaces
autour du stade du Parc des Princes où celui-ci dispute ses rencontres ouverts à tous constituent dans le même temps des théâtres d’expériences
du club de football du Paris-Saint-Germain et des résidents du quartier et de rencontres valorisées, mais aussi d’exposition de soi aux menaces
cours d’une recherche sur les modalités de coprésence des supporters extérieures (Sennett, 1990, 2009). C’est cette tension caractéristique de
recèlent une dimension stratégique. Nous l’avons déjà approchée au l’expérience des espaces publics, simultanément arènes de socialisation et
(1980, 1990, p. 59) permet de montrer en quoi les pratiques urbaines de mise en danger de soi et d’autrui, qui rend particulièrement pertinent
La distinction de Michel de Certeau entre « tactique » et « stratégie » de prendre en compte la dimension stratégique des pratiques urbaines.
leurs utilisateurs). Cette tension fondatrice de l’expérience des espaces publics entre expo-
qui s’y déroulent (ou qui sont censées s’y dérouler du point de vue de sition et socialisation fait en effet des pratiques urbaines – définies comme
gestion des usages des espaces publics et de l’anticipation des interactions l’ensemble des activités et des déplacements réalisés au sein des espaces
gation en milieu urbain, dans la mesure où elles permettent l’étude de la publics – un analyseur original des processus de socialisation et de ségré-
publics – un analyseur original des processus de socialisation et de ségré- gation en milieu urbain, dans la mesure où elles permettent l’étude de la
l’ensemble des activités et des déplacements réalisés au sein des espaces gestion des usages des espaces publics et de l’anticipation des interactions
sition et socialisation fait en effet des pratiques urbaines – définies comme qui s’y déroulent (ou qui sont censées s’y dérouler du point de vue de
Cette tension fondatrice de l’expérience des espaces publics entre expo- leurs utilisateurs).
de prendre en compte la dimension stratégique des pratiques urbaines. La distinction de Michel de Certeau entre « tactique » et « stratégie »
de mise en danger de soi et d’autrui, qui rend particulièrement pertinent (1980, 1990, p. 59) permet de montrer en quoi les pratiques urbaines
l’expérience des espaces publics, simultanément arènes de socialisation et recèlent une dimension stratégique. Nous l’avons déjà approchée au
extérieures (Sennett, 1990, 2009). C’est cette tension caractéristique de cours d’une recherche sur les modalités de coprésence des supporters
et de rencontres valorisées, mais aussi d’exposition de soi aux menaces du club de football du Paris-Saint-Germain et des résidents du quartier
ouverts à tous constituent dans le même temps des théâtres d’expériences autour du stade du Parc des Princes où celui-ci dispute ses rencontres
(serendipity) propre à la vie urbaine (Hannerz, 1980, 1983), les espaces (Rivière, 2007). Certes, on peut dans un premier temps considérer, avec
(voir notamment Joseph, 1984, et Lofland, 1998). Cristallisant l’imprévu Michel de Certeau, qu’à l’image de nombreuses pratiques quotidiennes,
qui a pour conséquence théorique la diversité potentielle des interactants la circulation est « de type tactique » : elle consiste avant tout en un jeu
des espaces publics quant à leur caractéristique principale, l’accessibilité, avec les événements, dans un contexte où ils ne sont pas tous maîtrisa-
Cette précision prend son sens au regard de l’unanimité des définitions bles1. Mais sa lecture permet aussi d’observer que le rapport aux espaces
urbaine moderne (Simmel, 1908, 1992). publics revêt également une dimension stratégique, dans la mesure où
à leur usage constituant l’une des principales caractéristiques de la vie leur pratique s’organise depuis un « lieu propre » qui sert de « base » à
tain justifie leur inclusion, l’expérience de la promiscuité consubstantielle la gestion des relations avec autrui : principalement le domicile2. Alors
soit en théorie payant, la nécessité de la mobilité en contexte métropoli- que la tactique s’exprime dans les interactions ou dans leur évitement au
auxquels nous ajouterons les transports en commun : bien que leur accès sein des espaces publics, les pratiques de préparation et d’anticipation des
et accessibles à tous, principalement le réseau viaire, les places et les parcs,
1. Marylène Lieber restitue par exemple de manière probante la diversité des « tactiques
de protection » mises en œuvre par les femmes lors de leurs déplacements dans les espaces
Pratiques urbaines et ségrégation 106 publics (Lieber, 2008, p. 59).
2. On pourrait dans certains cas imaginer d’autres types de « bases » comme le lieu de
travail.

travail.
2. On pourrait dans certains cas imaginer d’autres types de « bases » comme le lieu de
publics (Lieber, 2008, p. 59). 106 Pratiques urbaines et ségrégation
de protection » mises en œuvre par les femmes lors de leurs déplacements dans les espaces
1. Marylène Lieber restitue par exemple de manière probante la diversité des « tactiques
et accessibles à tous, principalement le réseau viaire, les places et les parcs,
sein des espaces publics, les pratiques de préparation et d’anticipation des auxquels nous ajouterons les transports en commun : bien que leur accès
que la tactique s’exprime dans les interactions ou dans leur évitement au soit en théorie payant, la nécessité de la mobilité en contexte métropoli-
la gestion des relations avec autrui : principalement le domicile2. Alors tain justifie leur inclusion, l’expérience de la promiscuité consubstantielle
leur pratique s’organise depuis un « lieu propre » qui sert de « base » à à leur usage constituant l’une des principales caractéristiques de la vie
publics revêt également une dimension stratégique, dans la mesure où urbaine moderne (Simmel, 1908, 1992).
bles1. Mais sa lecture permet aussi d’observer que le rapport aux espaces Cette précision prend son sens au regard de l’unanimité des définitions
avec les événements, dans un contexte où ils ne sont pas tous maîtrisa- des espaces publics quant à leur caractéristique principale, l’accessibilité,
la circulation est « de type tactique » : elle consiste avant tout en un jeu qui a pour conséquence théorique la diversité potentielle des interactants
Michel de Certeau, qu’à l’image de nombreuses pratiques quotidiennes, (voir notamment Joseph, 1984, et Lofland, 1998). Cristallisant l’imprévu
(Rivière, 2007). Certes, on peut dans un premier temps considérer, avec (serendipity) propre à la vie urbaine (Hannerz, 1980, 1983), les espaces
autour du stade du Parc des Princes où celui-ci dispute ses rencontres ouverts à tous constituent dans le même temps des théâtres d’expériences
du club de football du Paris-Saint-Germain et des résidents du quartier et de rencontres valorisées, mais aussi d’exposition de soi aux menaces
cours d’une recherche sur les modalités de coprésence des supporters extérieures (Sennett, 1990, 2009). C’est cette tension caractéristique de
recèlent une dimension stratégique. Nous l’avons déjà approchée au l’expérience des espaces publics, simultanément arènes de socialisation et
(1980, 1990, p. 59) permet de montrer en quoi les pratiques urbaines de mise en danger de soi et d’autrui, qui rend particulièrement pertinent
La distinction de Michel de Certeau entre « tactique » et « stratégie » de prendre en compte la dimension stratégique des pratiques urbaines.
leurs utilisateurs). Cette tension fondatrice de l’expérience des espaces publics entre expo-
qui s’y déroulent (ou qui sont censées s’y dérouler du point de vue de sition et socialisation fait en effet des pratiques urbaines – définies comme
gestion des usages des espaces publics et de l’anticipation des interactions l’ensemble des activités et des déplacements réalisés au sein des espaces
gation en milieu urbain, dans la mesure où elles permettent l’étude de la publics – un analyseur original des processus de socialisation et de ségré-
publics – un analyseur original des processus de socialisation et de ségré- gation en milieu urbain, dans la mesure où elles permettent l’étude de la
l’ensemble des activités et des déplacements réalisés au sein des espaces gestion des usages des espaces publics et de l’anticipation des interactions
sition et socialisation fait en effet des pratiques urbaines – définies comme qui s’y déroulent (ou qui sont censées s’y dérouler du point de vue de
Cette tension fondatrice de l’expérience des espaces publics entre expo- leurs utilisateurs).
de prendre en compte la dimension stratégique des pratiques urbaines. La distinction de Michel de Certeau entre « tactique » et « stratégie »
de mise en danger de soi et d’autrui, qui rend particulièrement pertinent (1980, 1990, p. 59) permet de montrer en quoi les pratiques urbaines
l’expérience des espaces publics, simultanément arènes de socialisation et recèlent une dimension stratégique. Nous l’avons déjà approchée au
extérieures (Sennett, 1990, 2009). C’est cette tension caractéristique de cours d’une recherche sur les modalités de coprésence des supporters
et de rencontres valorisées, mais aussi d’exposition de soi aux menaces du club de football du Paris-Saint-Germain et des résidents du quartier
ouverts à tous constituent dans le même temps des théâtres d’expériences autour du stade du Parc des Princes où celui-ci dispute ses rencontres
(serendipity) propre à la vie urbaine (Hannerz, 1980, 1983), les espaces (Rivière, 2007). Certes, on peut dans un premier temps considérer, avec
(voir notamment Joseph, 1984, et Lofland, 1998). Cristallisant l’imprévu Michel de Certeau, qu’à l’image de nombreuses pratiques quotidiennes,
qui a pour conséquence théorique la diversité potentielle des interactants la circulation est « de type tactique » : elle consiste avant tout en un jeu
des espaces publics quant à leur caractéristique principale, l’accessibilité, avec les événements, dans un contexte où ils ne sont pas tous maîtrisa-
Cette précision prend son sens au regard de l’unanimité des définitions bles1. Mais sa lecture permet aussi d’observer que le rapport aux espaces
urbaine moderne (Simmel, 1908, 1992). publics revêt également une dimension stratégique, dans la mesure où
à leur usage constituant l’une des principales caractéristiques de la vie leur pratique s’organise depuis un « lieu propre » qui sert de « base » à
tain justifie leur inclusion, l’expérience de la promiscuité consubstantielle la gestion des relations avec autrui : principalement le domicile2. Alors
soit en théorie payant, la nécessité de la mobilité en contexte métropoli- que la tactique s’exprime dans les interactions ou dans leur évitement au
auxquels nous ajouterons les transports en commun : bien que leur accès sein des espaces publics, les pratiques de préparation et d’anticipation des
et accessibles à tous, principalement le réseau viaire, les places et les parcs,
1. Marylène Lieber restitue par exemple de manière probante la diversité des « tactiques
de protection » mises en œuvre par les femmes lors de leurs déplacements dans les espaces
Pratiques urbaines et ségrégation 106 publics (Lieber, 2008, p. 59).
2. On pourrait dans certains cas imaginer d’autres types de « bases » comme le lieu de
travail.
espace donné.
Clément Rivière 107 robustes pour l’étude des rapports entre groupes sociaux au sein d’un
tion de manière diachronique, fournissant ainsi des données de cadrage
résidentielle présente l’intérêt majeur de permettre d’étudier son évolu-
interactions relèvent d’un rapport de type stratégique à l’urbain, distinct tégories ethno-raciales, âge, etc.), l’analyse quantitative de la ségrégation
et complémentaire des choix résidentiels et scolaires auxquels les socio- la distribution des populations selon le critère considéré (profession, ca-
logues ont consacré davantage d’attention. nationaux des enquêtes. Proposant une évaluation relativement fiable de
Un exemple pour donner de la chair à cette distinction entre deux les préoccupations politiques et scientifiques qui structurent les contextes
types de pratiques : qu’un individu se mette à écouter de la musique pour demeure étudiée dans des perspectives tendanciellement distinctes selon
éviter une situation d’interaction qu’il considère comme déplaisante taires et par l’intermédiaire d’indices ou de typologies, elle a été et elle
(mendicité, personne en état d’ivresse...) dans les transports en commun cipalement à partir de données quantitatives comme les données censi-
(pratique de type tactique) ne dit pas la même chose de son rapport à l’ur- est un objet d’étude classique de la sociologie urbaine : mesurée prin-
bain que le fait d’acheter un baladeur expressément à cet effet, de veiller Denton, 1995, et Préteceille, 2006 et 2009). Cette forme de ségrégation
à l’emporter dans tous ses trajets en transports en commun, voire de ne des groupes sociaux dans l’espace urbain (voir par exemple Massey &
plus les emprunter du tout (pratiques de type stratégique). ségrégation résidentielle, c’est-à-dire l’inégale distribution résidentielle
Soulignons que l’emploi des termes de tactique et de stratégie n’im- La ségrégation urbaine est le plus souvent étudiée sous l’angle de la
plique en rien d’adhérer à une conception sous-socialisée de l’action : il tion fonctionnelle et les pratiques urbaines.
ne s’agit pas de détacher ici les comportements individuels de processus plus complémentaires et entremêlées : la ségrégation résidentielle, la ségréga-
structurels, mais au contraire d’essayer d’approcher empiriquement la struc- nous conduit à décomposer la ségrégation urbaine en trois dimensions
turation des pratiques urbaines par les institutions sociales et les discours « éminemment polysémique » (Grafmeyer, 1994, p.  85) de ségrégation
publics, et plus largement par les rapports de classe, de genre et de « race », La diversité des faits sociaux rassemblés sous la bannière de la notion
à partir de pratiques individuelles « ordinaires » (Lahire, 2005, 2007). l’ensemble des processus et des actions qui conduisent à leur séparation.
Cette mise au jour de la dimension stratégique de la pratique sociale l’inégale distribution des groupes sociaux dans l’espace urbain et comme
courante qu’est l’utilisation des espaces publics permet d’aborder les pro- contribution des pratiques urbaines à la ségrégation, considérée comme
cessus ségrégatifs en milieu urbain à partir d’un type particulier d’espaces, théoriquement non ségrégués. Il s’agit dès lors d’essayer d’étudier la
théoriquement non ségrégués. Il s’agit dès lors d’essayer d’étudier la cessus ségrégatifs en milieu urbain à partir d’un type particulier d’espaces,
contribution des pratiques urbaines à la ségrégation, considérée comme courante qu’est l’utilisation des espaces publics permet d’aborder les pro-
l’inégale distribution des groupes sociaux dans l’espace urbain et comme Cette mise au jour de la dimension stratégique de la pratique sociale
l’ensemble des processus et des actions qui conduisent à leur séparation. à partir de pratiques individuelles « ordinaires » (Lahire, 2005, 2007).
La diversité des faits sociaux rassemblés sous la bannière de la notion publics, et plus largement par les rapports de classe, de genre et de « race »,
« éminemment polysémique » (Grafmeyer, 1994, p.  85) de ségrégation turation des pratiques urbaines par les institutions sociales et les discours
nous conduit à décomposer la ségrégation urbaine en trois dimensions structurels, mais au contraire d’essayer d’approcher empiriquement la struc-
complémentaires et entremêlées : la ségrégation résidentielle, la ségréga- ne s’agit pas de détacher ici les comportements individuels de processus plus
tion fonctionnelle et les pratiques urbaines. plique en rien d’adhérer à une conception sous-socialisée de l’action : il
La ségrégation urbaine est le plus souvent étudiée sous l’angle de la Soulignons que l’emploi des termes de tactique et de stratégie n’im-
ségrégation résidentielle, c’est-à-dire l’inégale distribution résidentielle plus les emprunter du tout (pratiques de type stratégique).
des groupes sociaux dans l’espace urbain (voir par exemple Massey & à l’emporter dans tous ses trajets en transports en commun, voire de ne
Denton, 1995, et Préteceille, 2006 et 2009). Cette forme de ségrégation bain que le fait d’acheter un baladeur expressément à cet effet, de veiller
est un objet d’étude classique de la sociologie urbaine : mesurée prin- (pratique de type tactique) ne dit pas la même chose de son rapport à l’ur-
cipalement à partir de données quantitatives comme les données censi- (mendicité, personne en état d’ivresse...) dans les transports en commun
taires et par l’intermédiaire d’indices ou de typologies, elle a été et elle éviter une situation d’interaction qu’il considère comme déplaisante
demeure étudiée dans des perspectives tendanciellement distinctes selon types de pratiques : qu’un individu se mette à écouter de la musique pour
les préoccupations politiques et scientifiques qui structurent les contextes Un exemple pour donner de la chair à cette distinction entre deux
nationaux des enquêtes. Proposant une évaluation relativement fiable de logues ont consacré davantage d’attention.
la distribution des populations selon le critère considéré (profession, ca- et complémentaire des choix résidentiels et scolaires auxquels les socio-
tégories ethno-raciales, âge, etc.), l’analyse quantitative de la ségrégation interactions relèvent d’un rapport de type stratégique à l’urbain, distinct
résidentielle présente l’intérêt majeur de permettre d’étudier son évolu-
tion de manière diachronique, fournissant ainsi des données de cadrage
robustes pour l’étude des rapports entre groupes sociaux au sein d’un 107 Clément Rivière
espace donné.

espace donné.
Clément Rivière 107 robustes pour l’étude des rapports entre groupes sociaux au sein d’un
tion de manière diachronique, fournissant ainsi des données de cadrage
résidentielle présente l’intérêt majeur de permettre d’étudier son évolu-
interactions relèvent d’un rapport de type stratégique à l’urbain, distinct tégories ethno-raciales, âge, etc.), l’analyse quantitative de la ségrégation
et complémentaire des choix résidentiels et scolaires auxquels les socio- la distribution des populations selon le critère considéré (profession, ca-
logues ont consacré davantage d’attention. nationaux des enquêtes. Proposant une évaluation relativement fiable de
Un exemple pour donner de la chair à cette distinction entre deux les préoccupations politiques et scientifiques qui structurent les contextes
types de pratiques : qu’un individu se mette à écouter de la musique pour demeure étudiée dans des perspectives tendanciellement distinctes selon
éviter une situation d’interaction qu’il considère comme déplaisante taires et par l’intermédiaire d’indices ou de typologies, elle a été et elle
(mendicité, personne en état d’ivresse...) dans les transports en commun cipalement à partir de données quantitatives comme les données censi-
(pratique de type tactique) ne dit pas la même chose de son rapport à l’ur- est un objet d’étude classique de la sociologie urbaine : mesurée prin-
bain que le fait d’acheter un baladeur expressément à cet effet, de veiller Denton, 1995, et Préteceille, 2006 et 2009). Cette forme de ségrégation
à l’emporter dans tous ses trajets en transports en commun, voire de ne des groupes sociaux dans l’espace urbain (voir par exemple Massey &
plus les emprunter du tout (pratiques de type stratégique). ségrégation résidentielle, c’est-à-dire l’inégale distribution résidentielle
Soulignons que l’emploi des termes de tactique et de stratégie n’im- La ségrégation urbaine est le plus souvent étudiée sous l’angle de la
plique en rien d’adhérer à une conception sous-socialisée de l’action : il tion fonctionnelle et les pratiques urbaines.
ne s’agit pas de détacher ici les comportements individuels de processus plus complémentaires et entremêlées : la ségrégation résidentielle, la ségréga-
structurels, mais au contraire d’essayer d’approcher empiriquement la struc- nous conduit à décomposer la ségrégation urbaine en trois dimensions
turation des pratiques urbaines par les institutions sociales et les discours « éminemment polysémique » (Grafmeyer, 1994, p.  85) de ségrégation
publics, et plus largement par les rapports de classe, de genre et de « race », La diversité des faits sociaux rassemblés sous la bannière de la notion
à partir de pratiques individuelles « ordinaires » (Lahire, 2005, 2007). l’ensemble des processus et des actions qui conduisent à leur séparation.
Cette mise au jour de la dimension stratégique de la pratique sociale l’inégale distribution des groupes sociaux dans l’espace urbain et comme
courante qu’est l’utilisation des espaces publics permet d’aborder les pro- contribution des pratiques urbaines à la ségrégation, considérée comme
cessus ségrégatifs en milieu urbain à partir d’un type particulier d’espaces, théoriquement non ségrégués. Il s’agit dès lors d’essayer d’étudier la
théoriquement non ségrégués. Il s’agit dès lors d’essayer d’étudier la cessus ségrégatifs en milieu urbain à partir d’un type particulier d’espaces,
contribution des pratiques urbaines à la ségrégation, considérée comme courante qu’est l’utilisation des espaces publics permet d’aborder les pro-
l’inégale distribution des groupes sociaux dans l’espace urbain et comme Cette mise au jour de la dimension stratégique de la pratique sociale
l’ensemble des processus et des actions qui conduisent à leur séparation. à partir de pratiques individuelles « ordinaires » (Lahire, 2005, 2007).
La diversité des faits sociaux rassemblés sous la bannière de la notion publics, et plus largement par les rapports de classe, de genre et de « race »,
« éminemment polysémique » (Grafmeyer, 1994, p.  85) de ségrégation turation des pratiques urbaines par les institutions sociales et les discours
nous conduit à décomposer la ségrégation urbaine en trois dimensions structurels, mais au contraire d’essayer d’approcher empiriquement la struc-
complémentaires et entremêlées : la ségrégation résidentielle, la ségréga- ne s’agit pas de détacher ici les comportements individuels de processus plus
tion fonctionnelle et les pratiques urbaines. plique en rien d’adhérer à une conception sous-socialisée de l’action : il
La ségrégation urbaine est le plus souvent étudiée sous l’angle de la Soulignons que l’emploi des termes de tactique et de stratégie n’im-
ségrégation résidentielle, c’est-à-dire l’inégale distribution résidentielle plus les emprunter du tout (pratiques de type stratégique).
des groupes sociaux dans l’espace urbain (voir par exemple Massey & à l’emporter dans tous ses trajets en transports en commun, voire de ne
Denton, 1995, et Préteceille, 2006 et 2009). Cette forme de ségrégation bain que le fait d’acheter un baladeur expressément à cet effet, de veiller
est un objet d’étude classique de la sociologie urbaine : mesurée prin- (pratique de type tactique) ne dit pas la même chose de son rapport à l’ur-
cipalement à partir de données quantitatives comme les données censi- (mendicité, personne en état d’ivresse...) dans les transports en commun
taires et par l’intermédiaire d’indices ou de typologies, elle a été et elle éviter une situation d’interaction qu’il considère comme déplaisante
demeure étudiée dans des perspectives tendanciellement distinctes selon types de pratiques : qu’un individu se mette à écouter de la musique pour
les préoccupations politiques et scientifiques qui structurent les contextes Un exemple pour donner de la chair à cette distinction entre deux
nationaux des enquêtes. Proposant une évaluation relativement fiable de logues ont consacré davantage d’attention.
la distribution des populations selon le critère considéré (profession, ca- et complémentaire des choix résidentiels et scolaires auxquels les socio-
tégories ethno-raciales, âge, etc.), l’analyse quantitative de la ségrégation interactions relèvent d’un rapport de type stratégique à l’urbain, distinct
résidentielle présente l’intérêt majeur de permettre d’étudier son évolu-
tion de manière diachronique, fournissant ainsi des données de cadrage
robustes pour l’étude des rapports entre groupes sociaux au sein d’un 107 Clément Rivière
espace donné.
met de défricher un large domaine d’exploration, puisque les conduites
Prendre au sérieux la dimension stratégique des pratiques urbaines per- 108 Pratiques urbaines et ségrégation

L’ENCADREMENT PARENTAL DES PRATIQUES URBAINES ENFANTINES


LA CONSTRUCTION D’UN OBJET ADÉQUAT : Le concept de ségrégation a également été mobilisé dans l’étude d’un
aspect de la vie urbaine distinct de la distribution résidentielle  : nous
rôle majeur. appellerons ici ségrégation fonctionnelle l’inégale distribution, dans l’espace
d’interconnaissance associé aux espaces fréquentés jouant notamment un urbain, des groupes sociaux dans le cadre de leurs activités professionnelles
tation : le processus d’autonomisation est éminemment graduel, le niveau ou de formation. Parmi les institutions, équipements et espaces concer-
de mobilité autonome s’observent à proximité immédiate du lieu d’habi- nés, l’école a particulièrement attiré l’attention des sociologues pour le
qués et en interaction. En particulier, les premières pratiques enfantines rôle qu’elle joue dans la reproduction des positions sociales. S’inscrivant
travailler sur leur articulation : ils doivent être considérés comme imbri- dans le cadre d’une longue tradition de recherche sur la sociodifféren-
production de la ségrégation urbaine ouvre d’autre part la possibilité de ciation du rapport à l’école, les travaux sur la ségrégation scolaire se sont
social » généralisé (Maurin, 2004). Cette distinction de trois registres de ainsi multipliés ces vingt dernières années (pour des exemples de travaux
« grande peur » de l’exposition (Sennett, 1990, p. 18) ou du « séparatisme français récents, voir notamment Oberti, 2007, et Van Zanten, 2009). À
empiriquement à l’épreuve des thèses transversales comme celle de la l’articulation de la sociologie de l’éducation et de la sociologie urbaine,
de la surveillance et de l’entretien des espaces publics, et donc de mettre ces travaux ont permis d’affiner l’analyse de la ségrégation urbaine et de
sociaux, mais aussi avec l’État et avec l’ensemble des institutions chargées rendre compte de la nécessité de ne pas la réduire à sa seule composante
de pratiques quotidiennes, le rapport entretenu avec les autres groupes résidentielle. De fait, l’exemple de l’école montre bien que les distribu-
(Lamont, 2000, 2002). Une telle perspective permet d’appréhender, à partir tions résidentielles des populations ne coïncident pas nécessairement avec
tion et la citoyenneté qui tend à se focaliser sur les politiques publiques l’utilisation des équipements situés dans les espaces correspondants.
leurs ordinaires, et dont elle a ainsi complété une littérature sur l’intégra- La résidence et les activités professionnelles ou de formation consti-
Lamont s’est intéressée à la place attribuée aux immigrés par des travail- tuent donc deux dimensions entremêlées de la ségrégation urbaine. À
« par le bas » de la ségrégation urbaine, un peu à la manière dont Michèle partir de ce constat provisoire, nous proposons d’intégrer une troisième
socialisation fait des espaces publics des terrains propices à une approche dimension, celle des pratiques urbaines. La tension entre exposition et
dimension, celle des pratiques urbaines. La tension entre exposition et socialisation fait des espaces publics des terrains propices à une approche
partir de ce constat provisoire, nous proposons d’intégrer une troisième « par le bas » de la ségrégation urbaine, un peu à la manière dont Michèle
tuent donc deux dimensions entremêlées de la ségrégation urbaine. À Lamont s’est intéressée à la place attribuée aux immigrés par des travail-
La résidence et les activités professionnelles ou de formation consti- leurs ordinaires, et dont elle a ainsi complété une littérature sur l’intégra-
l’utilisation des équipements situés dans les espaces correspondants. tion et la citoyenneté qui tend à se focaliser sur les politiques publiques
tions résidentielles des populations ne coïncident pas nécessairement avec (Lamont, 2000, 2002). Une telle perspective permet d’appréhender, à partir
résidentielle. De fait, l’exemple de l’école montre bien que les distribu- de pratiques quotidiennes, le rapport entretenu avec les autres groupes
rendre compte de la nécessité de ne pas la réduire à sa seule composante sociaux, mais aussi avec l’État et avec l’ensemble des institutions chargées
ces travaux ont permis d’affiner l’analyse de la ségrégation urbaine et de de la surveillance et de l’entretien des espaces publics, et donc de mettre
l’articulation de la sociologie de l’éducation et de la sociologie urbaine, empiriquement à l’épreuve des thèses transversales comme celle de la
français récents, voir notamment Oberti, 2007, et Van Zanten, 2009). À « grande peur » de l’exposition (Sennett, 1990, p. 18) ou du « séparatisme
ainsi multipliés ces vingt dernières années (pour des exemples de travaux social » généralisé (Maurin, 2004). Cette distinction de trois registres de
ciation du rapport à l’école, les travaux sur la ségrégation scolaire se sont production de la ségrégation urbaine ouvre d’autre part la possibilité de
dans le cadre d’une longue tradition de recherche sur la sociodifféren- travailler sur leur articulation : ils doivent être considérés comme imbri-
rôle qu’elle joue dans la reproduction des positions sociales. S’inscrivant qués et en interaction. En particulier, les premières pratiques enfantines
nés, l’école a particulièrement attiré l’attention des sociologues pour le de mobilité autonome s’observent à proximité immédiate du lieu d’habi-
ou de formation. Parmi les institutions, équipements et espaces concer- tation : le processus d’autonomisation est éminemment graduel, le niveau
urbain, des groupes sociaux dans le cadre de leurs activités professionnelles d’interconnaissance associé aux espaces fréquentés jouant notamment un
appellerons ici ségrégation fonctionnelle l’inégale distribution, dans l’espace rôle majeur.
aspect de la vie urbaine distinct de la distribution résidentielle  : nous
Le concept de ségrégation a également été mobilisé dans l’étude d’un LA CONSTRUCTION D’UN OBJET ADÉQUAT :
L’ENCADREMENT PARENTAL DES PRATIQUES URBAINES ENFANTINES
Pratiques urbaines et ségrégation 108 Prendre au sérieux la dimension stratégique des pratiques urbaines per-
met de défricher un large domaine d’exploration, puisque les conduites

met de défricher un large domaine d’exploration, puisque les conduites


Prendre au sérieux la dimension stratégique des pratiques urbaines per- 108 Pratiques urbaines et ségrégation

L’ENCADREMENT PARENTAL DES PRATIQUES URBAINES ENFANTINES


LA CONSTRUCTION D’UN OBJET ADÉQUAT : Le concept de ségrégation a également été mobilisé dans l’étude d’un
aspect de la vie urbaine distinct de la distribution résidentielle  : nous
rôle majeur. appellerons ici ségrégation fonctionnelle l’inégale distribution, dans l’espace
d’interconnaissance associé aux espaces fréquentés jouant notamment un urbain, des groupes sociaux dans le cadre de leurs activités professionnelles
tation : le processus d’autonomisation est éminemment graduel, le niveau ou de formation. Parmi les institutions, équipements et espaces concer-
de mobilité autonome s’observent à proximité immédiate du lieu d’habi- nés, l’école a particulièrement attiré l’attention des sociologues pour le
qués et en interaction. En particulier, les premières pratiques enfantines rôle qu’elle joue dans la reproduction des positions sociales. S’inscrivant
travailler sur leur articulation : ils doivent être considérés comme imbri- dans le cadre d’une longue tradition de recherche sur la sociodifféren-
production de la ségrégation urbaine ouvre d’autre part la possibilité de ciation du rapport à l’école, les travaux sur la ségrégation scolaire se sont
social » généralisé (Maurin, 2004). Cette distinction de trois registres de ainsi multipliés ces vingt dernières années (pour des exemples de travaux
« grande peur » de l’exposition (Sennett, 1990, p. 18) ou du « séparatisme français récents, voir notamment Oberti, 2007, et Van Zanten, 2009). À
empiriquement à l’épreuve des thèses transversales comme celle de la l’articulation de la sociologie de l’éducation et de la sociologie urbaine,
de la surveillance et de l’entretien des espaces publics, et donc de mettre ces travaux ont permis d’affiner l’analyse de la ségrégation urbaine et de
sociaux, mais aussi avec l’État et avec l’ensemble des institutions chargées rendre compte de la nécessité de ne pas la réduire à sa seule composante
de pratiques quotidiennes, le rapport entretenu avec les autres groupes résidentielle. De fait, l’exemple de l’école montre bien que les distribu-
(Lamont, 2000, 2002). Une telle perspective permet d’appréhender, à partir tions résidentielles des populations ne coïncident pas nécessairement avec
tion et la citoyenneté qui tend à se focaliser sur les politiques publiques l’utilisation des équipements situés dans les espaces correspondants.
leurs ordinaires, et dont elle a ainsi complété une littérature sur l’intégra- La résidence et les activités professionnelles ou de formation consti-
Lamont s’est intéressée à la place attribuée aux immigrés par des travail- tuent donc deux dimensions entremêlées de la ségrégation urbaine. À
« par le bas » de la ségrégation urbaine, un peu à la manière dont Michèle partir de ce constat provisoire, nous proposons d’intégrer une troisième
socialisation fait des espaces publics des terrains propices à une approche dimension, celle des pratiques urbaines. La tension entre exposition et
dimension, celle des pratiques urbaines. La tension entre exposition et socialisation fait des espaces publics des terrains propices à une approche
partir de ce constat provisoire, nous proposons d’intégrer une troisième « par le bas » de la ségrégation urbaine, un peu à la manière dont Michèle
tuent donc deux dimensions entremêlées de la ségrégation urbaine. À Lamont s’est intéressée à la place attribuée aux immigrés par des travail-
La résidence et les activités professionnelles ou de formation consti- leurs ordinaires, et dont elle a ainsi complété une littérature sur l’intégra-
l’utilisation des équipements situés dans les espaces correspondants. tion et la citoyenneté qui tend à se focaliser sur les politiques publiques
tions résidentielles des populations ne coïncident pas nécessairement avec (Lamont, 2000, 2002). Une telle perspective permet d’appréhender, à partir
résidentielle. De fait, l’exemple de l’école montre bien que les distribu- de pratiques quotidiennes, le rapport entretenu avec les autres groupes
rendre compte de la nécessité de ne pas la réduire à sa seule composante sociaux, mais aussi avec l’État et avec l’ensemble des institutions chargées
ces travaux ont permis d’affiner l’analyse de la ségrégation urbaine et de de la surveillance et de l’entretien des espaces publics, et donc de mettre
l’articulation de la sociologie de l’éducation et de la sociologie urbaine, empiriquement à l’épreuve des thèses transversales comme celle de la
français récents, voir notamment Oberti, 2007, et Van Zanten, 2009). À « grande peur » de l’exposition (Sennett, 1990, p. 18) ou du « séparatisme
ainsi multipliés ces vingt dernières années (pour des exemples de travaux social » généralisé (Maurin, 2004). Cette distinction de trois registres de
ciation du rapport à l’école, les travaux sur la ségrégation scolaire se sont production de la ségrégation urbaine ouvre d’autre part la possibilité de
dans le cadre d’une longue tradition de recherche sur la sociodifféren- travailler sur leur articulation : ils doivent être considérés comme imbri-
rôle qu’elle joue dans la reproduction des positions sociales. S’inscrivant qués et en interaction. En particulier, les premières pratiques enfantines
nés, l’école a particulièrement attiré l’attention des sociologues pour le de mobilité autonome s’observent à proximité immédiate du lieu d’habi-
ou de formation. Parmi les institutions, équipements et espaces concer- tation : le processus d’autonomisation est éminemment graduel, le niveau
urbain, des groupes sociaux dans le cadre de leurs activités professionnelles d’interconnaissance associé aux espaces fréquentés jouant notamment un
appellerons ici ségrégation fonctionnelle l’inégale distribution, dans l’espace rôle majeur.
aspect de la vie urbaine distinct de la distribution résidentielle  : nous
Le concept de ségrégation a également été mobilisé dans l’étude d’un LA CONSTRUCTION D’UN OBJET ADÉQUAT :
L’ENCADREMENT PARENTAL DES PRATIQUES URBAINES ENFANTINES
Pratiques urbaines et ségrégation 108 Prendre au sérieux la dimension stratégique des pratiques urbaines per-
met de défricher un large domaine d’exploration, puisque les conduites
contourner les consignes et les interdits parentaux (Mardon, 2011).
mères au sujet de leur habillement montre ainsi clairement leur capacité à « ruser » pour
Clément Rivière 109 4. Le travail d’Aurélia Mardon sur les relations entretenues par les jeunes filles avec leurs
3. Pour un exemple parmi tant d’autres, voir Pérez López (2009).

que l’on qualifiera de conduites d’évitement urbain – en important le demander dans quelle mesure ces stratégies peuvent s’étendre à l’espace
concept d’évitement scolaire depuis la littérature sur l’école – peuvent socialisation des jeunes adolescents (Pasquier, 2005), il est légitime de se
être celles de tous les utilisateurs des espaces publics, indépendamment de 2009, p. 94) et que les groupes de pairs jouent un rôle croissant dans la
leur âge et de leurs propriétés sociales. vation et de reproduction » dans le domaine scolaire (Felouzis & Perroton,
Le cas des enfants est toutefois particulièrement intéressant (Karsten, Alors que les familles développent « de nouvelles stratégies de préser-
1998), auquel le champ des Segregation Studies n’a consacré qu’assez peu l’évaluation empirique nécessiterait un autre protocole d’enquête4.
d’attention – manque d’intérêt de la recherche inversement proportion- tendent, en ne préjugeant pas de l’efficacité de cet encadrement, dont
nel à celui qu’elle manifeste pour les « enfants de la rue3 ». Trois raisons s’intéresse ici aux pratiques parentales et aux représentations qui les sous-
principales plaident pour l’intégration des pratiques enfantines de l’es- ne remet pas en cause la contribution empirique de cette approche : on
pace à l’étude de la ségrégation urbaine : vant par ailleurs se contredire mutuellement (Lahire, 2005, 2007, p. 273),
1. Les enfants sont les citadins les plus confrontés à la ségrégation rési- « n’est pensée ou voulue par personne », ses différentes modalités pou-
dentielle. D’abord parce que la restriction de leur liberté de mouvement d’étude approprié. Le fait qu’une partie importante de la socialisation
réduit tendanciellement leur périmètre de mobilité, et l’on sait que la sé- cadrement parental des pratiques urbaines enfantines constitue un objet
grégation résidentielle est plus intense à mesure que l’on prend en compte déplacements et les activités des enfants au sein des espaces publics, l’en-
des unités d’analyse plus réduites (Karsten, 1998 ; Préteceille, 2006). Mais Défini comme l’ensemble des pratiques parentales visant à encadrer les
aussi parce que pour un même groupe social, la ségrégation résidentielle ne pas se cantonner à l’espace scolaire.
des enfants semble plus intense que celle des adultes (Oberti, Préteceille déclassement sont de plus en plus fréquentes (Peugny, 2009), pourrait
& Rivière, 2012). l’école et de la réussite scolaire, dans un contexte où les trajectoires de
2. La littérature sur les modalités de coexistence de populations hétérogè- Henriot-Van Zanten, 2009), la crispation parentale autour du choix de
nes en milieu urbain a bien montré la centralité des pratiques éducatives 3. Relevée par de nombreux travaux (Butler, 2003 ; Oberti, 2007 ;
et celle des enfants dans les tensions observées (Chamboredon & Lemaire, 1970 ; Butler, 2003 ; Martin, 2008).
1970 ; Butler, 2003 ; Martin, 2008). et celle des enfants dans les tensions observées (Chamboredon & Lemaire,
3. Relevée par de nombreux travaux (Butler, 2003 ; Oberti, 2007 ; nes en milieu urbain a bien montré la centralité des pratiques éducatives
Henriot-Van Zanten, 2009), la crispation parentale autour du choix de 2. La littérature sur les modalités de coexistence de populations hétérogè-
l’école et de la réussite scolaire, dans un contexte où les trajectoires de & Rivière, 2012).
déclassement sont de plus en plus fréquentes (Peugny, 2009), pourrait des enfants semble plus intense que celle des adultes (Oberti, Préteceille
ne pas se cantonner à l’espace scolaire. aussi parce que pour un même groupe social, la ségrégation résidentielle
Défini comme l’ensemble des pratiques parentales visant à encadrer les des unités d’analyse plus réduites (Karsten, 1998 ; Préteceille, 2006). Mais
déplacements et les activités des enfants au sein des espaces publics, l’en- grégation résidentielle est plus intense à mesure que l’on prend en compte
cadrement parental des pratiques urbaines enfantines constitue un objet réduit tendanciellement leur périmètre de mobilité, et l’on sait que la sé-
d’étude approprié. Le fait qu’une partie importante de la socialisation dentielle. D’abord parce que la restriction de leur liberté de mouvement
« n’est pensée ou voulue par personne », ses différentes modalités pou- 1. Les enfants sont les citadins les plus confrontés à la ségrégation rési-
vant par ailleurs se contredire mutuellement (Lahire, 2005, 2007, p. 273), pace à l’étude de la ségrégation urbaine :
ne remet pas en cause la contribution empirique de cette approche : on principales plaident pour l’intégration des pratiques enfantines de l’es-
s’intéresse ici aux pratiques parentales et aux représentations qui les sous- nel à celui qu’elle manifeste pour les « enfants de la rue3 ». Trois raisons
tendent, en ne préjugeant pas de l’efficacité de cet encadrement, dont d’attention – manque d’intérêt de la recherche inversement proportion-
l’évaluation empirique nécessiterait un autre protocole d’enquête4. 1998), auquel le champ des Segregation Studies n’a consacré qu’assez peu
Alors que les familles développent « de nouvelles stratégies de préser- Le cas des enfants est toutefois particulièrement intéressant (Karsten,
vation et de reproduction » dans le domaine scolaire (Felouzis & Perroton, leur âge et de leurs propriétés sociales.
2009, p. 94) et que les groupes de pairs jouent un rôle croissant dans la être celles de tous les utilisateurs des espaces publics, indépendamment de
socialisation des jeunes adolescents (Pasquier, 2005), il est légitime de se concept d’évitement scolaire depuis la littérature sur l’école – peuvent
demander dans quelle mesure ces stratégies peuvent s’étendre à l’espace que l’on qualifiera de conduites d’évitement urbain – en important le

3. Pour un exemple parmi tant d’autres, voir Pérez López (2009).


4. Le travail d’Aurélia Mardon sur les relations entretenues par les jeunes filles avec leurs 109 Clément Rivière
mères au sujet de leur habillement montre ainsi clairement leur capacité à « ruser » pour
contourner les consignes et les interdits parentaux (Mardon, 2011).

contourner les consignes et les interdits parentaux (Mardon, 2011).


mères au sujet de leur habillement montre ainsi clairement leur capacité à « ruser » pour
Clément Rivière 109 4. Le travail d’Aurélia Mardon sur les relations entretenues par les jeunes filles avec leurs
3. Pour un exemple parmi tant d’autres, voir Pérez López (2009).

que l’on qualifiera de conduites d’évitement urbain – en important le demander dans quelle mesure ces stratégies peuvent s’étendre à l’espace
concept d’évitement scolaire depuis la littérature sur l’école – peuvent socialisation des jeunes adolescents (Pasquier, 2005), il est légitime de se
être celles de tous les utilisateurs des espaces publics, indépendamment de 2009, p. 94) et que les groupes de pairs jouent un rôle croissant dans la
leur âge et de leurs propriétés sociales. vation et de reproduction » dans le domaine scolaire (Felouzis & Perroton,
Le cas des enfants est toutefois particulièrement intéressant (Karsten, Alors que les familles développent « de nouvelles stratégies de préser-
1998), auquel le champ des Segregation Studies n’a consacré qu’assez peu l’évaluation empirique nécessiterait un autre protocole d’enquête4.
d’attention – manque d’intérêt de la recherche inversement proportion- tendent, en ne préjugeant pas de l’efficacité de cet encadrement, dont
nel à celui qu’elle manifeste pour les « enfants de la rue3 ». Trois raisons s’intéresse ici aux pratiques parentales et aux représentations qui les sous-
principales plaident pour l’intégration des pratiques enfantines de l’es- ne remet pas en cause la contribution empirique de cette approche : on
pace à l’étude de la ségrégation urbaine : vant par ailleurs se contredire mutuellement (Lahire, 2005, 2007, p. 273),
1. Les enfants sont les citadins les plus confrontés à la ségrégation rési- « n’est pensée ou voulue par personne », ses différentes modalités pou-
dentielle. D’abord parce que la restriction de leur liberté de mouvement d’étude approprié. Le fait qu’une partie importante de la socialisation
réduit tendanciellement leur périmètre de mobilité, et l’on sait que la sé- cadrement parental des pratiques urbaines enfantines constitue un objet
grégation résidentielle est plus intense à mesure que l’on prend en compte déplacements et les activités des enfants au sein des espaces publics, l’en-
des unités d’analyse plus réduites (Karsten, 1998 ; Préteceille, 2006). Mais Défini comme l’ensemble des pratiques parentales visant à encadrer les
aussi parce que pour un même groupe social, la ségrégation résidentielle ne pas se cantonner à l’espace scolaire.
des enfants semble plus intense que celle des adultes (Oberti, Préteceille déclassement sont de plus en plus fréquentes (Peugny, 2009), pourrait
& Rivière, 2012). l’école et de la réussite scolaire, dans un contexte où les trajectoires de
2. La littérature sur les modalités de coexistence de populations hétérogè- Henriot-Van Zanten, 2009), la crispation parentale autour du choix de
nes en milieu urbain a bien montré la centralité des pratiques éducatives 3. Relevée par de nombreux travaux (Butler, 2003 ; Oberti, 2007 ;
et celle des enfants dans les tensions observées (Chamboredon & Lemaire, 1970 ; Butler, 2003 ; Martin, 2008).
1970 ; Butler, 2003 ; Martin, 2008). et celle des enfants dans les tensions observées (Chamboredon & Lemaire,
3. Relevée par de nombreux travaux (Butler, 2003 ; Oberti, 2007 ; nes en milieu urbain a bien montré la centralité des pratiques éducatives
Henriot-Van Zanten, 2009), la crispation parentale autour du choix de 2. La littérature sur les modalités de coexistence de populations hétérogè-
l’école et de la réussite scolaire, dans un contexte où les trajectoires de & Rivière, 2012).
déclassement sont de plus en plus fréquentes (Peugny, 2009), pourrait des enfants semble plus intense que celle des adultes (Oberti, Préteceille
ne pas se cantonner à l’espace scolaire. aussi parce que pour un même groupe social, la ségrégation résidentielle
Défini comme l’ensemble des pratiques parentales visant à encadrer les des unités d’analyse plus réduites (Karsten, 1998 ; Préteceille, 2006). Mais
déplacements et les activités des enfants au sein des espaces publics, l’en- grégation résidentielle est plus intense à mesure que l’on prend en compte
cadrement parental des pratiques urbaines enfantines constitue un objet réduit tendanciellement leur périmètre de mobilité, et l’on sait que la sé-
d’étude approprié. Le fait qu’une partie importante de la socialisation dentielle. D’abord parce que la restriction de leur liberté de mouvement
« n’est pensée ou voulue par personne », ses différentes modalités pou- 1. Les enfants sont les citadins les plus confrontés à la ségrégation rési-
vant par ailleurs se contredire mutuellement (Lahire, 2005, 2007, p. 273), pace à l’étude de la ségrégation urbaine :
ne remet pas en cause la contribution empirique de cette approche : on principales plaident pour l’intégration des pratiques enfantines de l’es-
s’intéresse ici aux pratiques parentales et aux représentations qui les sous- nel à celui qu’elle manifeste pour les « enfants de la rue3 ». Trois raisons
tendent, en ne préjugeant pas de l’efficacité de cet encadrement, dont d’attention – manque d’intérêt de la recherche inversement proportion-
l’évaluation empirique nécessiterait un autre protocole d’enquête4. 1998), auquel le champ des Segregation Studies n’a consacré qu’assez peu
Alors que les familles développent « de nouvelles stratégies de préser- Le cas des enfants est toutefois particulièrement intéressant (Karsten,
vation et de reproduction » dans le domaine scolaire (Felouzis & Perroton, leur âge et de leurs propriétés sociales.
2009, p. 94) et que les groupes de pairs jouent un rôle croissant dans la être celles de tous les utilisateurs des espaces publics, indépendamment de
socialisation des jeunes adolescents (Pasquier, 2005), il est légitime de se concept d’évitement scolaire depuis la littérature sur l’école – peuvent
demander dans quelle mesure ces stratégies peuvent s’étendre à l’espace que l’on qualifiera de conduites d’évitement urbain – en important le

3. Pour un exemple parmi tant d’autres, voir Pérez López (2009).


4. Le travail d’Aurélia Mardon sur les relations entretenues par les jeunes filles avec leurs 109 Clément Rivière
mères au sujet de leur habillement montre ainsi clairement leur capacité à « ruser » pour
contourner les consignes et les interdits parentaux (Mardon, 2011).
leur population. Surtout, les pratiques qui nous intéressent gagnent à être
rogénéité sociale et culturelle et la densité relativement importante de 110 Pratiques urbaines et ségrégation
d’espaces semi-périphériques de mixité sociale, que caractérisent l’hété-
l’étude de la sociodifférenciation qui l’affecte est facilitée par le choix
ment parental peut être abordé dans tous les types de contextes urbains, urbain. Si l’on observe que « la ségrégation scolaire est toujours plus
de faire la lumière sur le statut de l’espace dans l’analyse. Si l’encadre- forte que la ségrégation urbaine » (Felouzis & Perroton, 2009, p. 95), on
Inscrire cette recherche dans le champ de la sociologie urbaine exige peut envisager les espaces publics comme des espaces de déségrégation
relative, et donc, d’exercice du contrôle parental, du fait de la diversité
UNE APPROCHE LOCALISÉE ET COMPARÉE EN CONTEXTE DE MIXITÉ SOCIALE des rencontres et des fréquentations possibles. D’où ces deux séries d’in-
terrogations : dans quelle mesure les logiques d’encadrement parental
plus largement en jeu acquisition de compétences et sociabilité. des pratiques urbaines sont-elles congruentes avec celles qu’on relève au
peuvent envisager, dans la mesure où la prise d’autonomie urbaine met niveau des pratiques scolaires ? Trouve-t-on la même différenciation dans
rental des pratiques urbaines enfantines ne se limite pas aux risques qu’ils le rapport aux espaces publics que dans le rapport à l’école, les mêmes évo-
ses stratégies (Le Pape, 2009). Par ailleurs, l’étude de l’encadrement pa- lutions ? D’autre part, y a-t-il une dialectique entre les pratiques scolaires
trouvent confrontés et face auxquelles ils peuvent mettre en œuvre diver- et urbaines ? En particulier, dans quelle mesure les pratiques urbaines
résume pas davantage les conduites à risques auxquelles les parents se sont-elles structurées par l’institution et par les stratégies scolaires ?
Bien entendu, ce volet urbain du travail parental ne le résume ; il ne L’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines correspon-
resser ici à un type de « travail » non marchand qui y contribue lui aussi. drait ainsi au volet urbain du « travail parental », défini par Jean-Hugues
les agents immobiliers (Grafmeyer, 1994, p. 110), il est légitime de s’inté- Déchaux comme « l’ensemble des activités réalisées dans le cadre familial
intègre la pratique professionnelle d’un certain nombre d’acteurs comme par des adultes en situation de parents en charge d’enfant(s) » (2009, p. 14).
au quartier. De même que l’étude de la production du « tri urbain » Du point de vue du rapport à l’espace urbain, il est intéressant d’envisager
stitue pas lui aussi une des manifestations du changement du rapport comme lui la parentalité en tant qu’« accomplissement pratique » (ibid.) :
tines, « travail » de supervision et d’accompagnement quotidien, ne con- au-delà du fait qu’elle rend indifférent le choix d’interroger des couples
peut se demander si l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan- hétéro- ou homoparentaux, cette perspective permet d’affiner l’observa-
de l’arrivée d’un enfant. En effet, si le rôle de l’école est bien connu, on tion classique que le rapport au quartier de résidence change au moment
tion classique que le rapport au quartier de résidence change au moment de l’arrivée d’un enfant. En effet, si le rôle de l’école est bien connu, on
hétéro- ou homoparentaux, cette perspective permet d’affiner l’observa- peut se demander si l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan-
au-delà du fait qu’elle rend indifférent le choix d’interroger des couples tines, « travail » de supervision et d’accompagnement quotidien, ne con-
comme lui la parentalité en tant qu’« accomplissement pratique » (ibid.) : stitue pas lui aussi une des manifestations du changement du rapport
Du point de vue du rapport à l’espace urbain, il est intéressant d’envisager au quartier. De même que l’étude de la production du « tri urbain »
par des adultes en situation de parents en charge d’enfant(s) » (2009, p. 14). intègre la pratique professionnelle d’un certain nombre d’acteurs comme
Déchaux comme « l’ensemble des activités réalisées dans le cadre familial les agents immobiliers (Grafmeyer, 1994, p. 110), il est légitime de s’inté-
drait ainsi au volet urbain du « travail parental », défini par Jean-Hugues resser ici à un type de « travail » non marchand qui y contribue lui aussi.
L’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines correspon- Bien entendu, ce volet urbain du travail parental ne le résume ; il ne
sont-elles structurées par l’institution et par les stratégies scolaires ? résume pas davantage les conduites à risques auxquelles les parents se
et urbaines ? En particulier, dans quelle mesure les pratiques urbaines trouvent confrontés et face auxquelles ils peuvent mettre en œuvre diver-
lutions ? D’autre part, y a-t-il une dialectique entre les pratiques scolaires ses stratégies (Le Pape, 2009). Par ailleurs, l’étude de l’encadrement pa-
le rapport aux espaces publics que dans le rapport à l’école, les mêmes évo- rental des pratiques urbaines enfantines ne se limite pas aux risques qu’ils
niveau des pratiques scolaires ? Trouve-t-on la même différenciation dans peuvent envisager, dans la mesure où la prise d’autonomie urbaine met
des pratiques urbaines sont-elles congruentes avec celles qu’on relève au plus largement en jeu acquisition de compétences et sociabilité.
terrogations : dans quelle mesure les logiques d’encadrement parental
des rencontres et des fréquentations possibles. D’où ces deux séries d’in- UNE APPROCHE LOCALISÉE ET COMPARÉE EN CONTEXTE DE MIXITÉ SOCIALE
relative, et donc, d’exercice du contrôle parental, du fait de la diversité
peut envisager les espaces publics comme des espaces de déségrégation Inscrire cette recherche dans le champ de la sociologie urbaine exige
forte que la ségrégation urbaine » (Felouzis & Perroton, 2009, p. 95), on de faire la lumière sur le statut de l’espace dans l’analyse. Si l’encadre-
urbain. Si l’on observe que « la ségrégation scolaire est toujours plus ment parental peut être abordé dans tous les types de contextes urbains,
l’étude de la sociodifférenciation qui l’affecte est facilitée par le choix
d’espaces semi-périphériques de mixité sociale, que caractérisent l’hété-
Pratiques urbaines et ségrégation 110 rogénéité sociale et culturelle et la densité relativement importante de
leur population. Surtout, les pratiques qui nous intéressent gagnent à être

leur population. Surtout, les pratiques qui nous intéressent gagnent à être
rogénéité sociale et culturelle et la densité relativement importante de 110 Pratiques urbaines et ségrégation
d’espaces semi-périphériques de mixité sociale, que caractérisent l’hété-
l’étude de la sociodifférenciation qui l’affecte est facilitée par le choix
ment parental peut être abordé dans tous les types de contextes urbains, urbain. Si l’on observe que « la ségrégation scolaire est toujours plus
de faire la lumière sur le statut de l’espace dans l’analyse. Si l’encadre- forte que la ségrégation urbaine » (Felouzis & Perroton, 2009, p. 95), on
Inscrire cette recherche dans le champ de la sociologie urbaine exige peut envisager les espaces publics comme des espaces de déségrégation
relative, et donc, d’exercice du contrôle parental, du fait de la diversité
UNE APPROCHE LOCALISÉE ET COMPARÉE EN CONTEXTE DE MIXITÉ SOCIALE des rencontres et des fréquentations possibles. D’où ces deux séries d’in-
terrogations : dans quelle mesure les logiques d’encadrement parental
plus largement en jeu acquisition de compétences et sociabilité. des pratiques urbaines sont-elles congruentes avec celles qu’on relève au
peuvent envisager, dans la mesure où la prise d’autonomie urbaine met niveau des pratiques scolaires ? Trouve-t-on la même différenciation dans
rental des pratiques urbaines enfantines ne se limite pas aux risques qu’ils le rapport aux espaces publics que dans le rapport à l’école, les mêmes évo-
ses stratégies (Le Pape, 2009). Par ailleurs, l’étude de l’encadrement pa- lutions ? D’autre part, y a-t-il une dialectique entre les pratiques scolaires
trouvent confrontés et face auxquelles ils peuvent mettre en œuvre diver- et urbaines ? En particulier, dans quelle mesure les pratiques urbaines
résume pas davantage les conduites à risques auxquelles les parents se sont-elles structurées par l’institution et par les stratégies scolaires ?
Bien entendu, ce volet urbain du travail parental ne le résume ; il ne L’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines correspon-
resser ici à un type de « travail » non marchand qui y contribue lui aussi. drait ainsi au volet urbain du « travail parental », défini par Jean-Hugues
les agents immobiliers (Grafmeyer, 1994, p. 110), il est légitime de s’inté- Déchaux comme « l’ensemble des activités réalisées dans le cadre familial
intègre la pratique professionnelle d’un certain nombre d’acteurs comme par des adultes en situation de parents en charge d’enfant(s) » (2009, p. 14).
au quartier. De même que l’étude de la production du « tri urbain » Du point de vue du rapport à l’espace urbain, il est intéressant d’envisager
stitue pas lui aussi une des manifestations du changement du rapport comme lui la parentalité en tant qu’« accomplissement pratique » (ibid.) :
tines, « travail » de supervision et d’accompagnement quotidien, ne con- au-delà du fait qu’elle rend indifférent le choix d’interroger des couples
peut se demander si l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan- hétéro- ou homoparentaux, cette perspective permet d’affiner l’observa-
de l’arrivée d’un enfant. En effet, si le rôle de l’école est bien connu, on tion classique que le rapport au quartier de résidence change au moment
tion classique que le rapport au quartier de résidence change au moment de l’arrivée d’un enfant. En effet, si le rôle de l’école est bien connu, on
hétéro- ou homoparentaux, cette perspective permet d’affiner l’observa- peut se demander si l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan-
au-delà du fait qu’elle rend indifférent le choix d’interroger des couples tines, « travail » de supervision et d’accompagnement quotidien, ne con-
comme lui la parentalité en tant qu’« accomplissement pratique » (ibid.) : stitue pas lui aussi une des manifestations du changement du rapport
Du point de vue du rapport à l’espace urbain, il est intéressant d’envisager au quartier. De même que l’étude de la production du « tri urbain »
par des adultes en situation de parents en charge d’enfant(s) » (2009, p. 14). intègre la pratique professionnelle d’un certain nombre d’acteurs comme
Déchaux comme « l’ensemble des activités réalisées dans le cadre familial les agents immobiliers (Grafmeyer, 1994, p. 110), il est légitime de s’inté-
drait ainsi au volet urbain du « travail parental », défini par Jean-Hugues resser ici à un type de « travail » non marchand qui y contribue lui aussi.
L’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines correspon- Bien entendu, ce volet urbain du travail parental ne le résume ; il ne
sont-elles structurées par l’institution et par les stratégies scolaires ? résume pas davantage les conduites à risques auxquelles les parents se
et urbaines ? En particulier, dans quelle mesure les pratiques urbaines trouvent confrontés et face auxquelles ils peuvent mettre en œuvre diver-
lutions ? D’autre part, y a-t-il une dialectique entre les pratiques scolaires ses stratégies (Le Pape, 2009). Par ailleurs, l’étude de l’encadrement pa-
le rapport aux espaces publics que dans le rapport à l’école, les mêmes évo- rental des pratiques urbaines enfantines ne se limite pas aux risques qu’ils
niveau des pratiques scolaires ? Trouve-t-on la même différenciation dans peuvent envisager, dans la mesure où la prise d’autonomie urbaine met
des pratiques urbaines sont-elles congruentes avec celles qu’on relève au plus largement en jeu acquisition de compétences et sociabilité.
terrogations : dans quelle mesure les logiques d’encadrement parental
des rencontres et des fréquentations possibles. D’où ces deux séries d’in- UNE APPROCHE LOCALISÉE ET COMPARÉE EN CONTEXTE DE MIXITÉ SOCIALE
relative, et donc, d’exercice du contrôle parental, du fait de la diversité
peut envisager les espaces publics comme des espaces de déségrégation Inscrire cette recherche dans le champ de la sociologie urbaine exige
forte que la ségrégation urbaine » (Felouzis & Perroton, 2009, p. 95), on de faire la lumière sur le statut de l’espace dans l’analyse. Si l’encadre-
urbain. Si l’on observe que « la ségrégation scolaire est toujours plus ment parental peut être abordé dans tous les types de contextes urbains,
l’étude de la sociodifférenciation qui l’affecte est facilitée par le choix
d’espaces semi-périphériques de mixité sociale, que caractérisent l’hété-
Pratiques urbaines et ségrégation 110 rogénéité sociale et culturelle et la densité relativement importante de
leur population. Surtout, les pratiques qui nous intéressent gagnent à être
plus ténu à Milan qu’à Paris.
Clément Rivière 111 entre mobilité sociale et mobilité résidentielle paraissant en particulier
davantage à des sociétés de « classes spatiales » que l’Italie et Milan, le lien
des espaces, moins prononcée. La France et Paris correspondraient ainsi
étudiées en contexte de mixité sociale et de densité résidentielle impor- ségréguées que leurs homologues françaises, et la hiérarchisation sociale
tante, car les espaces publics s’y approchent de leur définition idéale : la 4. Les structures urbaines : les grandes villes italiennes semblent être moins
libre accessibilité s’y conjugue avec une grande diversité des interactants où la présence immigrée structure différemment les discours publics.
potentiels. L’analyse des pratiques urbaines dans un contexte non ségré- « modèle d’intégration » en Italie font de Paris et de Milan deux espaces
gué, d’un point de vue théorique (définition des espaces publics) mais lage temporel des flux d’immigration et l’absence symptomatique de
aussi empirique (contextes de mixité sociale), permet en effet de mieux semblent une part importante des immigrés dans les deux pays, le déca-
en saisir la dimension stratégique que dans des espaces plus ségrégués ; 3. L’histoire et les dynamiques migratoires : si les deux métropoles ras-
la dimension structurelle de l’expérience de l’altérité sociale y favorise local.
l’étude de la gestion de cette dernière à travers les pratiques quotidiennes, manières dont les solidarités familiales structurent le rapport à l’espace
davantage que lorsque les « coûts d’interaction » sont par exemple dimi- ganisation de la protection sociale se retrouveront probablement dans les
nués au préalable par le choix d’un espace résidentiel protégé (Cousin, services à Paris comme à Milan, mais les différences entre les modes d’or-
2008, passim). sa dimension nucléaire, la famille constitue un pourvoyeur potentiel de
De plus, la variation de la présence des enfants dans les espaces pu- 2. Les structures familiales  : appréhendée de façon plus large que dans
blics, dans le temps (Ariès, 1973 ; Vercesi, 2008), mais aussi dans l’espace subjectifs) de mobilité sociale.
(Vercesi, 2008), reflète la structuration de l’encadrement parental par les travail (Cousin, 2009), permet de mettre en jeu les modèles (objectifs et
contextes locaux et invite à son étude comparée. Nous avons choisi pour du fait du rôle relativement plus décisif du capital social sur le marché du
ce faire des espaces situés dans deux villes qui ont pour point commun rents pour le choix de l’école et la réussite scolaire est moins prononcée,
d’être des « villes européennes », dont les espaces publics se distinguent de sien avec un espace situé dans un contexte où la préoccupation des pa-
ceux des grandes villes américaines et asiatiques (Häussermann & Haila, 1. Le rapport à l’école et à la réussite scolaire : comparer un terrain pari-
2005), mais qui appartiennent à deux contextes nationaux distincts : Paris structurent les pratiques urbaines, en particulier cinq d’entre elles :
et Milan. Les caractéristiques contrastées de ces deux contextes permet- tent en effet d’affiner l’approche des mécanismes et des institutions qui
tent en effet d’affiner l’approche des mécanismes et des institutions qui et Milan. Les caractéristiques contrastées de ces deux contextes permet-
structurent les pratiques urbaines, en particulier cinq d’entre elles : 2005), mais qui appartiennent à deux contextes nationaux distincts : Paris
1. Le rapport à l’école et à la réussite scolaire : comparer un terrain pari- ceux des grandes villes américaines et asiatiques (Häussermann & Haila,
sien avec un espace situé dans un contexte où la préoccupation des pa- d’être des « villes européennes », dont les espaces publics se distinguent de
rents pour le choix de l’école et la réussite scolaire est moins prononcée, ce faire des espaces situés dans deux villes qui ont pour point commun
du fait du rôle relativement plus décisif du capital social sur le marché du contextes locaux et invite à son étude comparée. Nous avons choisi pour
travail (Cousin, 2009), permet de mettre en jeu les modèles (objectifs et (Vercesi, 2008), reflète la structuration de l’encadrement parental par les
subjectifs) de mobilité sociale. blics, dans le temps (Ariès, 1973 ; Vercesi, 2008), mais aussi dans l’espace
2. Les structures familiales  : appréhendée de façon plus large que dans De plus, la variation de la présence des enfants dans les espaces pu-
sa dimension nucléaire, la famille constitue un pourvoyeur potentiel de 2008, passim).
services à Paris comme à Milan, mais les différences entre les modes d’or- nués au préalable par le choix d’un espace résidentiel protégé (Cousin,
ganisation de la protection sociale se retrouveront probablement dans les davantage que lorsque les « coûts d’interaction » sont par exemple dimi-
manières dont les solidarités familiales structurent le rapport à l’espace l’étude de la gestion de cette dernière à travers les pratiques quotidiennes,
local. la dimension structurelle de l’expérience de l’altérité sociale y favorise
3. L’histoire et les dynamiques migratoires : si les deux métropoles ras- en saisir la dimension stratégique que dans des espaces plus ségrégués ;
semblent une part importante des immigrés dans les deux pays, le déca- aussi empirique (contextes de mixité sociale), permet en effet de mieux
lage temporel des flux d’immigration et l’absence symptomatique de gué, d’un point de vue théorique (définition des espaces publics) mais
« modèle d’intégration » en Italie font de Paris et de Milan deux espaces potentiels. L’analyse des pratiques urbaines dans un contexte non ségré-
où la présence immigrée structure différemment les discours publics. libre accessibilité s’y conjugue avec une grande diversité des interactants
4. Les structures urbaines : les grandes villes italiennes semblent être moins tante, car les espaces publics s’y approchent de leur définition idéale : la
ségréguées que leurs homologues françaises, et la hiérarchisation sociale étudiées en contexte de mixité sociale et de densité résidentielle impor-
des espaces, moins prononcée. La France et Paris correspondraient ainsi
davantage à des sociétés de « classes spatiales » que l’Italie et Milan, le lien
entre mobilité sociale et mobilité résidentielle paraissant en particulier 111 Clément Rivière
plus ténu à Milan qu’à Paris.

plus ténu à Milan qu’à Paris.


Clément Rivière 111 entre mobilité sociale et mobilité résidentielle paraissant en particulier
davantage à des sociétés de « classes spatiales » que l’Italie et Milan, le lien
des espaces, moins prononcée. La France et Paris correspondraient ainsi
étudiées en contexte de mixité sociale et de densité résidentielle impor- ségréguées que leurs homologues françaises, et la hiérarchisation sociale
tante, car les espaces publics s’y approchent de leur définition idéale : la 4. Les structures urbaines : les grandes villes italiennes semblent être moins
libre accessibilité s’y conjugue avec une grande diversité des interactants où la présence immigrée structure différemment les discours publics.
potentiels. L’analyse des pratiques urbaines dans un contexte non ségré- « modèle d’intégration » en Italie font de Paris et de Milan deux espaces
gué, d’un point de vue théorique (définition des espaces publics) mais lage temporel des flux d’immigration et l’absence symptomatique de
aussi empirique (contextes de mixité sociale), permet en effet de mieux semblent une part importante des immigrés dans les deux pays, le déca-
en saisir la dimension stratégique que dans des espaces plus ségrégués ; 3. L’histoire et les dynamiques migratoires : si les deux métropoles ras-
la dimension structurelle de l’expérience de l’altérité sociale y favorise local.
l’étude de la gestion de cette dernière à travers les pratiques quotidiennes, manières dont les solidarités familiales structurent le rapport à l’espace
davantage que lorsque les « coûts d’interaction » sont par exemple dimi- ganisation de la protection sociale se retrouveront probablement dans les
nués au préalable par le choix d’un espace résidentiel protégé (Cousin, services à Paris comme à Milan, mais les différences entre les modes d’or-
2008, passim). sa dimension nucléaire, la famille constitue un pourvoyeur potentiel de
De plus, la variation de la présence des enfants dans les espaces pu- 2. Les structures familiales  : appréhendée de façon plus large que dans
blics, dans le temps (Ariès, 1973 ; Vercesi, 2008), mais aussi dans l’espace subjectifs) de mobilité sociale.
(Vercesi, 2008), reflète la structuration de l’encadrement parental par les travail (Cousin, 2009), permet de mettre en jeu les modèles (objectifs et
contextes locaux et invite à son étude comparée. Nous avons choisi pour du fait du rôle relativement plus décisif du capital social sur le marché du
ce faire des espaces situés dans deux villes qui ont pour point commun rents pour le choix de l’école et la réussite scolaire est moins prononcée,
d’être des « villes européennes », dont les espaces publics se distinguent de sien avec un espace situé dans un contexte où la préoccupation des pa-
ceux des grandes villes américaines et asiatiques (Häussermann & Haila, 1. Le rapport à l’école et à la réussite scolaire : comparer un terrain pari-
2005), mais qui appartiennent à deux contextes nationaux distincts : Paris structurent les pratiques urbaines, en particulier cinq d’entre elles :
et Milan. Les caractéristiques contrastées de ces deux contextes permet- tent en effet d’affiner l’approche des mécanismes et des institutions qui
tent en effet d’affiner l’approche des mécanismes et des institutions qui et Milan. Les caractéristiques contrastées de ces deux contextes permet-
structurent les pratiques urbaines, en particulier cinq d’entre elles : 2005), mais qui appartiennent à deux contextes nationaux distincts : Paris
1. Le rapport à l’école et à la réussite scolaire : comparer un terrain pari- ceux des grandes villes américaines et asiatiques (Häussermann & Haila,
sien avec un espace situé dans un contexte où la préoccupation des pa- d’être des « villes européennes », dont les espaces publics se distinguent de
rents pour le choix de l’école et la réussite scolaire est moins prononcée, ce faire des espaces situés dans deux villes qui ont pour point commun
du fait du rôle relativement plus décisif du capital social sur le marché du contextes locaux et invite à son étude comparée. Nous avons choisi pour
travail (Cousin, 2009), permet de mettre en jeu les modèles (objectifs et (Vercesi, 2008), reflète la structuration de l’encadrement parental par les
subjectifs) de mobilité sociale. blics, dans le temps (Ariès, 1973 ; Vercesi, 2008), mais aussi dans l’espace
2. Les structures familiales  : appréhendée de façon plus large que dans De plus, la variation de la présence des enfants dans les espaces pu-
sa dimension nucléaire, la famille constitue un pourvoyeur potentiel de 2008, passim).
services à Paris comme à Milan, mais les différences entre les modes d’or- nués au préalable par le choix d’un espace résidentiel protégé (Cousin,
ganisation de la protection sociale se retrouveront probablement dans les davantage que lorsque les « coûts d’interaction » sont par exemple dimi-
manières dont les solidarités familiales structurent le rapport à l’espace l’étude de la gestion de cette dernière à travers les pratiques quotidiennes,
local. la dimension structurelle de l’expérience de l’altérité sociale y favorise
3. L’histoire et les dynamiques migratoires : si les deux métropoles ras- en saisir la dimension stratégique que dans des espaces plus ségrégués ;
semblent une part importante des immigrés dans les deux pays, le déca- aussi empirique (contextes de mixité sociale), permet en effet de mieux
lage temporel des flux d’immigration et l’absence symptomatique de gué, d’un point de vue théorique (définition des espaces publics) mais
« modèle d’intégration » en Italie font de Paris et de Milan deux espaces potentiels. L’analyse des pratiques urbaines dans un contexte non ségré-
où la présence immigrée structure différemment les discours publics. libre accessibilité s’y conjugue avec une grande diversité des interactants
4. Les structures urbaines : les grandes villes italiennes semblent être moins tante, car les espaces publics s’y approchent de leur définition idéale : la
ségréguées que leurs homologues françaises, et la hiérarchisation sociale étudiées en contexte de mixité sociale et de densité résidentielle impor-
des espaces, moins prononcée. La France et Paris correspondraient ainsi
davantage à des sociétés de « classes spatiales » que l’Italie et Milan, le lien
entre mobilité sociale et mobilité résidentielle paraissant en particulier 111 Clément Rivière
plus ténu à Milan qu’à Paris.
graphique non systématique.
la période 2009 / mi-2011 sur les deux terrains, et l’autre des notes d’observation ethno-
rassemblant des documents municipaux ou associatifs et des coupures de presse couvrant 112 Pratiques urbaines et ségrégation
6. Deux corpus complémentaires aux entretiens ont été parallèlement constitués, l’un
pour l’INSEE.
5. Îlots regroupés pour l’information statistique, unités élémentaires de recensement
5. Les discours sur la mixité sociale : la place de la mixité sociale dans le
débat politique et scientifique est bien moindre en Italie qu’en France.
rents s’est principalement fondée sur leur catégorie socioprofessionnelle L’absence d’équivalent ou de traduction en italien du concept de « mixité
à l’interface de la scolarité primaire et secondaire. La sélection des pa- sociale » est à ce titre symptomatique.
l’encadrement parental et de la prise d’autonomie urbaine des enfants, Les terrains sélectionnés pour l’enquête sont un espace du 19e arron-
ans, l’ampleur de cette tranche d’âge permettant d’étudier les étapes de dissement de Paris, composé de 51 IRIS5 situés à l’est du canal de l’Ourcq
ter les terrains d’enquête et avoir au moins un enfant âgé de 8 à 14 (125 393 habitants d’après le recensement de 2008), et le triangle Monza-
Deux critères ont été définis pour sélectionner les enquêtés : habi- Padova (70 600 habitants d’après le recensement de 2001), délimité par
pice à l’étude de la différenciation sociale des pratiques (Le Pape, 2009). le viale Monza à l’ouest et la via Palmanova à l’est. Il porte le nom d’une
permis de rencontrer le même nombre de familles, perspective peu pro- autre voie de circulation qui le traverse, la via Padova, axe historique du
mites inhérentes à l’entretien, mais ce choix n’aurait certainement pas développement de la ville de Milan. Le sommet de ce triangle est formé
sein de familles aurait pu constituer une alternative pour dépasser les li- par le piazzale Loreto et sa base, par la frontière entre Milan et Sesto
dont les enquêtés sont loin d’être toujours conscients6. L’observation au San Giovanni. Ces deux espaces ne correspondent pas à des « quartiers »
propriée du fait de la « dimension d’évidence » des pratiques étudiées, vécus en tant que tels par les parents que nous avons rencontrés dans le
technique de l’entretien semi-directif, perspective méthodologique ap- cadre des entretiens, mais à deux contextes urbains cohérents. Notion
Le dispositif d’enquête a été principalement construit autour de la fluctuante (Authier et al., 2007), le « quartier » est en effet une échelle
avant d’être confrontés aux effets du processus de désindustrialisation. d’analyse qui risque de cantonner les enquêtés dans des limites spatiales
métropole, ils ont tous deux connu une présence marquée de l’industrie arbitraires et de rendre plus délicate la distinction fine d’espaces considé-
d’importantes similitudes : anciens villages absorbés par l’expansion de la rés comme plus ou moins publics et lointains (Lofland, 1998). Il ne s’agit
décisive dans le choix de ces deux terrains. Leur histoire offre par ailleurs donc pas de monographies de quartiers, mais d’une approche localisée en
tion, pour l’origine nationale autant que pour les catégories sociales, a été contexte de mixité sociale. La composition hétérogène de leur popula-
contexte de mixité sociale. La composition hétérogène de leur popula- tion, pour l’origine nationale autant que pour les catégories sociales, a été
donc pas de monographies de quartiers, mais d’une approche localisée en décisive dans le choix de ces deux terrains. Leur histoire offre par ailleurs
rés comme plus ou moins publics et lointains (Lofland, 1998). Il ne s’agit d’importantes similitudes : anciens villages absorbés par l’expansion de la
arbitraires et de rendre plus délicate la distinction fine d’espaces considé- métropole, ils ont tous deux connu une présence marquée de l’industrie
d’analyse qui risque de cantonner les enquêtés dans des limites spatiales avant d’être confrontés aux effets du processus de désindustrialisation.
fluctuante (Authier et al., 2007), le « quartier » est en effet une échelle Le dispositif d’enquête a été principalement construit autour de la
cadre des entretiens, mais à deux contextes urbains cohérents. Notion technique de l’entretien semi-directif, perspective méthodologique ap-
vécus en tant que tels par les parents que nous avons rencontrés dans le propriée du fait de la « dimension d’évidence » des pratiques étudiées,
San Giovanni. Ces deux espaces ne correspondent pas à des « quartiers » dont les enquêtés sont loin d’être toujours conscients6. L’observation au
par le piazzale Loreto et sa base, par la frontière entre Milan et Sesto sein de familles aurait pu constituer une alternative pour dépasser les li-
développement de la ville de Milan. Le sommet de ce triangle est formé mites inhérentes à l’entretien, mais ce choix n’aurait certainement pas
autre voie de circulation qui le traverse, la via Padova, axe historique du permis de rencontrer le même nombre de familles, perspective peu pro-
le viale Monza à l’ouest et la via Palmanova à l’est. Il porte le nom d’une pice à l’étude de la différenciation sociale des pratiques (Le Pape, 2009).
Padova (70 600 habitants d’après le recensement de 2001), délimité par Deux critères ont été définis pour sélectionner les enquêtés : habi-
(125 393 habitants d’après le recensement de 2008), et le triangle Monza- ter les terrains d’enquête et avoir au moins un enfant âgé de 8 à 14
dissement de Paris, composé de 51 IRIS5 situés à l’est du canal de l’Ourcq ans, l’ampleur de cette tranche d’âge permettant d’étudier les étapes de
Les terrains sélectionnés pour l’enquête sont un espace du 19e arron- l’encadrement parental et de la prise d’autonomie urbaine des enfants,
sociale » est à ce titre symptomatique. à l’interface de la scolarité primaire et secondaire. La sélection des pa-
L’absence d’équivalent ou de traduction en italien du concept de « mixité rents s’est principalement fondée sur leur catégorie socioprofessionnelle
débat politique et scientifique est bien moindre en Italie qu’en France.
5. Îlots regroupés pour l’information statistique, unités élémentaires de recensement
5. Les discours sur la mixité sociale : la place de la mixité sociale dans le
pour l’INSEE.
6. Deux corpus complémentaires aux entretiens ont été parallèlement constitués, l’un
Pratiques urbaines et ségrégation 112 rassemblant des documents municipaux ou associatifs et des coupures de presse couvrant
la période 2009 / mi-2011 sur les deux terrains, et l’autre des notes d’observation ethno-
graphique non systématique.

graphique non systématique.


la période 2009 / mi-2011 sur les deux terrains, et l’autre des notes d’observation ethno-
rassemblant des documents municipaux ou associatifs et des coupures de presse couvrant 112 Pratiques urbaines et ségrégation
6. Deux corpus complémentaires aux entretiens ont été parallèlement constitués, l’un
pour l’INSEE.
5. Îlots regroupés pour l’information statistique, unités élémentaires de recensement
5. Les discours sur la mixité sociale : la place de la mixité sociale dans le
débat politique et scientifique est bien moindre en Italie qu’en France.
rents s’est principalement fondée sur leur catégorie socioprofessionnelle L’absence d’équivalent ou de traduction en italien du concept de « mixité
à l’interface de la scolarité primaire et secondaire. La sélection des pa- sociale » est à ce titre symptomatique.
l’encadrement parental et de la prise d’autonomie urbaine des enfants, Les terrains sélectionnés pour l’enquête sont un espace du 19e arron-
ans, l’ampleur de cette tranche d’âge permettant d’étudier les étapes de dissement de Paris, composé de 51 IRIS5 situés à l’est du canal de l’Ourcq
ter les terrains d’enquête et avoir au moins un enfant âgé de 8 à 14 (125 393 habitants d’après le recensement de 2008), et le triangle Monza-
Deux critères ont été définis pour sélectionner les enquêtés : habi- Padova (70 600 habitants d’après le recensement de 2001), délimité par
pice à l’étude de la différenciation sociale des pratiques (Le Pape, 2009). le viale Monza à l’ouest et la via Palmanova à l’est. Il porte le nom d’une
permis de rencontrer le même nombre de familles, perspective peu pro- autre voie de circulation qui le traverse, la via Padova, axe historique du
mites inhérentes à l’entretien, mais ce choix n’aurait certainement pas développement de la ville de Milan. Le sommet de ce triangle est formé
sein de familles aurait pu constituer une alternative pour dépasser les li- par le piazzale Loreto et sa base, par la frontière entre Milan et Sesto
dont les enquêtés sont loin d’être toujours conscients6. L’observation au San Giovanni. Ces deux espaces ne correspondent pas à des « quartiers »
propriée du fait de la « dimension d’évidence » des pratiques étudiées, vécus en tant que tels par les parents que nous avons rencontrés dans le
technique de l’entretien semi-directif, perspective méthodologique ap- cadre des entretiens, mais à deux contextes urbains cohérents. Notion
Le dispositif d’enquête a été principalement construit autour de la fluctuante (Authier et al., 2007), le « quartier » est en effet une échelle
avant d’être confrontés aux effets du processus de désindustrialisation. d’analyse qui risque de cantonner les enquêtés dans des limites spatiales
métropole, ils ont tous deux connu une présence marquée de l’industrie arbitraires et de rendre plus délicate la distinction fine d’espaces considé-
d’importantes similitudes : anciens villages absorbés par l’expansion de la rés comme plus ou moins publics et lointains (Lofland, 1998). Il ne s’agit
décisive dans le choix de ces deux terrains. Leur histoire offre par ailleurs donc pas de monographies de quartiers, mais d’une approche localisée en
tion, pour l’origine nationale autant que pour les catégories sociales, a été contexte de mixité sociale. La composition hétérogène de leur popula-
contexte de mixité sociale. La composition hétérogène de leur popula- tion, pour l’origine nationale autant que pour les catégories sociales, a été
donc pas de monographies de quartiers, mais d’une approche localisée en décisive dans le choix de ces deux terrains. Leur histoire offre par ailleurs
rés comme plus ou moins publics et lointains (Lofland, 1998). Il ne s’agit d’importantes similitudes : anciens villages absorbés par l’expansion de la
arbitraires et de rendre plus délicate la distinction fine d’espaces considé- métropole, ils ont tous deux connu une présence marquée de l’industrie
d’analyse qui risque de cantonner les enquêtés dans des limites spatiales avant d’être confrontés aux effets du processus de désindustrialisation.
fluctuante (Authier et al., 2007), le « quartier » est en effet une échelle Le dispositif d’enquête a été principalement construit autour de la
cadre des entretiens, mais à deux contextes urbains cohérents. Notion technique de l’entretien semi-directif, perspective méthodologique ap-
vécus en tant que tels par les parents que nous avons rencontrés dans le propriée du fait de la « dimension d’évidence » des pratiques étudiées,
San Giovanni. Ces deux espaces ne correspondent pas à des « quartiers » dont les enquêtés sont loin d’être toujours conscients6. L’observation au
par le piazzale Loreto et sa base, par la frontière entre Milan et Sesto sein de familles aurait pu constituer une alternative pour dépasser les li-
développement de la ville de Milan. Le sommet de ce triangle est formé mites inhérentes à l’entretien, mais ce choix n’aurait certainement pas
autre voie de circulation qui le traverse, la via Padova, axe historique du permis de rencontrer le même nombre de familles, perspective peu pro-
le viale Monza à l’ouest et la via Palmanova à l’est. Il porte le nom d’une pice à l’étude de la différenciation sociale des pratiques (Le Pape, 2009).
Padova (70 600 habitants d’après le recensement de 2001), délimité par Deux critères ont été définis pour sélectionner les enquêtés : habi-
(125 393 habitants d’après le recensement de 2008), et le triangle Monza- ter les terrains d’enquête et avoir au moins un enfant âgé de 8 à 14
dissement de Paris, composé de 51 IRIS5 situés à l’est du canal de l’Ourcq ans, l’ampleur de cette tranche d’âge permettant d’étudier les étapes de
Les terrains sélectionnés pour l’enquête sont un espace du 19e arron- l’encadrement parental et de la prise d’autonomie urbaine des enfants,
sociale » est à ce titre symptomatique. à l’interface de la scolarité primaire et secondaire. La sélection des pa-
L’absence d’équivalent ou de traduction en italien du concept de « mixité rents s’est principalement fondée sur leur catégorie socioprofessionnelle
débat politique et scientifique est bien moindre en Italie qu’en France.
5. Îlots regroupés pour l’information statistique, unités élémentaires de recensement
5. Les discours sur la mixité sociale : la place de la mixité sociale dans le
pour l’INSEE.
6. Deux corpus complémentaires aux entretiens ont été parallèlement constitués, l’un
Pratiques urbaines et ségrégation 112 rassemblant des documents municipaux ou associatifs et des coupures de presse couvrant
la période 2009 / mi-2011 sur les deux terrains, et l’autre des notes d’observation ethno-
graphique non systématique.
8. Les prénoms des enquêtés et de leurs enfants ont été modifiés.

Clément Rivière 113


13e recensement » de la population italienne (Cousin, 2008, p. 153).
permettant d’exprimer en termes de CS les données construites par l’ISTAT lors du
a été permise par le travail de Bruno Cousin, qui a établi une « liste des correspondances
7. La conversion dans la nomenclature INSEE pour la profession des enquêtés milanais
d’appartenance, se concentrant sur les catégories 3, 4 et 5 de la nomen-
clature INSEE7. Notre échantillon regroupe donc principalement des l’encadrement des pratiques urbaines est plus strict pour les secondes, en
familles appartenant aux catégories moyennes, moyennes-supérieures et sont souvent décrits comme moins « matures » que les filles au même âge,
intermédiaires. Entre le printemps 2009 et l’automne 2011, 78 entretiens comme une arène de sollicitations plus pressantes. Alors que les premiers
(43  à Milan, 35  à Paris, d’une durée de 45  minutes à 2  h  45) ont été rue est regardée comme plus menaçante pour les filles ou, tout du moins,
conduits sur les deux terrains auprès de 88 parents (51 mères, 17 pères, comme moins vulnérables dans leur très grande majorité, alors que la
10 couples) de 123 enfants de la tranche d’âge définie (171 enfants au ques d’encadrement mises en œuvre. Les garçons sont ainsi considérés
total). seulement dans les représentations parentales mais aussi dans les prati-
tiens permettent d’observer la prégnance de la dimension de genre, non
ENCADREMENT PARENTAL, SÉGRÉGATION DE GENRE En contraste avec cette personnalisation de l’encadrement, les entre-
ET DIFFÉRENCIATION LOCALE DES FIGURES DU DANGER La Poste, Paris ; deux fils de 13 et 11 ans, une fille de 8 ans)
je ne lui fais absolument pas confiance. (Vincente8, encadrant courrier à
L’exploitation des entretiens conduit à formuler une première obser- tère, je ne lui fais pas confiance, pour aller tout seul chez un copain ça
vation : alors que les parents rencontrés tendent à faire état d’un encadre- le deuxième je ne lui fais pas confiance, c’est une question de carac-
ment des pratiques urbaines ajusté aux traits de caractère des enfants, la C’est-à-dire qu’il n’y a que le grand qui a le droit d’aller chez des copains,
dimension de genre est structurante et transversale aux milieux sociaux.
L’évocation et la description du « caractère » des enfants reviennent peuvent également participer d’un traitement différencié des enfants.
ainsi de manière récurrente dans les propos des parents, en particulier ceux pos. À l’image de l’adoption, certains éléments du parcours biographique
qui ont plusieurs enfants. Heures de sorties, autorisations et pratiques ne pas être un enfant « casanier » revient régulièrement dans leurs pro-
diffèrent non seulement en fonction de l’âge, mais aussi, au sein d’une brûlée », « distrait », etc. En particulier, l’envie de sortir, le fait d’être ou de
même famille, en fonction de traits de caractère ou d’attributs psycholo- giques associés à tel ou tel enfant, « ouvert », « autonome », « naïf », « tête
giques associés à tel ou tel enfant, « ouvert », « autonome », « naïf », « tête même famille, en fonction de traits de caractère ou d’attributs psycholo-
brûlée », « distrait », etc. En particulier, l’envie de sortir, le fait d’être ou de diffèrent non seulement en fonction de l’âge, mais aussi, au sein d’une
ne pas être un enfant « casanier » revient régulièrement dans leurs pro- qui ont plusieurs enfants. Heures de sorties, autorisations et pratiques
pos. À l’image de l’adoption, certains éléments du parcours biographique ainsi de manière récurrente dans les propos des parents, en particulier ceux
peuvent également participer d’un traitement différencié des enfants. L’évocation et la description du « caractère » des enfants reviennent
dimension de genre est structurante et transversale aux milieux sociaux.
C’est-à-dire qu’il n’y a que le grand qui a le droit d’aller chez des copains, ment des pratiques urbaines ajusté aux traits de caractère des enfants, la
le deuxième je ne lui fais pas confiance, c’est une question de carac- vation : alors que les parents rencontrés tendent à faire état d’un encadre-
tère, je ne lui fais pas confiance, pour aller tout seul chez un copain ça L’exploitation des entretiens conduit à formuler une première obser-
je ne lui fais absolument pas confiance. (Vincente8, encadrant courrier à
La Poste, Paris ; deux fils de 13 et 11 ans, une fille de 8 ans) ET DIFFÉRENCIATION LOCALE DES FIGURES DU DANGER
En contraste avec cette personnalisation de l’encadrement, les entre- ENCADREMENT PARENTAL, SÉGRÉGATION DE GENRE
tiens permettent d’observer la prégnance de la dimension de genre, non
seulement dans les représentations parentales mais aussi dans les prati- total).
ques d’encadrement mises en œuvre. Les garçons sont ainsi considérés 10 couples) de 123 enfants de la tranche d’âge définie (171 enfants au
comme moins vulnérables dans leur très grande majorité, alors que la conduits sur les deux terrains auprès de 88 parents (51 mères, 17 pères,
rue est regardée comme plus menaçante pour les filles ou, tout du moins, (43  à Milan, 35  à Paris, d’une durée de 45  minutes à 2  h  45) ont été
comme une arène de sollicitations plus pressantes. Alors que les premiers intermédiaires. Entre le printemps 2009 et l’automne 2011, 78 entretiens
sont souvent décrits comme moins « matures » que les filles au même âge, familles appartenant aux catégories moyennes, moyennes-supérieures et
l’encadrement des pratiques urbaines est plus strict pour les secondes, en clature INSEE7. Notre échantillon regroupe donc principalement des
d’appartenance, se concentrant sur les catégories 3, 4 et 5 de la nomen-
7. La conversion dans la nomenclature INSEE pour la profession des enquêtés milanais
a été permise par le travail de Bruno Cousin, qui a établi une « liste des correspondances
permettant d’exprimer en termes de CS les données construites par l’ISTAT lors du 113 Clément Rivière
13e recensement » de la population italienne (Cousin, 2008, p. 153).
8. Les prénoms des enquêtés et de leurs enfants ont été modifiés.

8. Les prénoms des enquêtés et de leurs enfants ont été modifiés.

Clément Rivière 113


13e recensement » de la population italienne (Cousin, 2008, p. 153).
permettant d’exprimer en termes de CS les données construites par l’ISTAT lors du
a été permise par le travail de Bruno Cousin, qui a établi une « liste des correspondances
7. La conversion dans la nomenclature INSEE pour la profession des enquêtés milanais
d’appartenance, se concentrant sur les catégories 3, 4 et 5 de la nomen-
clature INSEE7. Notre échantillon regroupe donc principalement des l’encadrement des pratiques urbaines est plus strict pour les secondes, en
familles appartenant aux catégories moyennes, moyennes-supérieures et sont souvent décrits comme moins « matures » que les filles au même âge,
intermédiaires. Entre le printemps 2009 et l’automne 2011, 78 entretiens comme une arène de sollicitations plus pressantes. Alors que les premiers
(43  à Milan, 35  à Paris, d’une durée de 45  minutes à 2  h  45) ont été rue est regardée comme plus menaçante pour les filles ou, tout du moins,
conduits sur les deux terrains auprès de 88 parents (51 mères, 17 pères, comme moins vulnérables dans leur très grande majorité, alors que la
10 couples) de 123 enfants de la tranche d’âge définie (171 enfants au ques d’encadrement mises en œuvre. Les garçons sont ainsi considérés
total). seulement dans les représentations parentales mais aussi dans les prati-
tiens permettent d’observer la prégnance de la dimension de genre, non
ENCADREMENT PARENTAL, SÉGRÉGATION DE GENRE En contraste avec cette personnalisation de l’encadrement, les entre-
ET DIFFÉRENCIATION LOCALE DES FIGURES DU DANGER La Poste, Paris ; deux fils de 13 et 11 ans, une fille de 8 ans)
je ne lui fais absolument pas confiance. (Vincente8, encadrant courrier à
L’exploitation des entretiens conduit à formuler une première obser- tère, je ne lui fais pas confiance, pour aller tout seul chez un copain ça
vation : alors que les parents rencontrés tendent à faire état d’un encadre- le deuxième je ne lui fais pas confiance, c’est une question de carac-
ment des pratiques urbaines ajusté aux traits de caractère des enfants, la C’est-à-dire qu’il n’y a que le grand qui a le droit d’aller chez des copains,
dimension de genre est structurante et transversale aux milieux sociaux.
L’évocation et la description du « caractère » des enfants reviennent peuvent également participer d’un traitement différencié des enfants.
ainsi de manière récurrente dans les propos des parents, en particulier ceux pos. À l’image de l’adoption, certains éléments du parcours biographique
qui ont plusieurs enfants. Heures de sorties, autorisations et pratiques ne pas être un enfant « casanier » revient régulièrement dans leurs pro-
diffèrent non seulement en fonction de l’âge, mais aussi, au sein d’une brûlée », « distrait », etc. En particulier, l’envie de sortir, le fait d’être ou de
même famille, en fonction de traits de caractère ou d’attributs psycholo- giques associés à tel ou tel enfant, « ouvert », « autonome », « naïf », « tête
giques associés à tel ou tel enfant, « ouvert », « autonome », « naïf », « tête même famille, en fonction de traits de caractère ou d’attributs psycholo-
brûlée », « distrait », etc. En particulier, l’envie de sortir, le fait d’être ou de diffèrent non seulement en fonction de l’âge, mais aussi, au sein d’une
ne pas être un enfant « casanier » revient régulièrement dans leurs pro- qui ont plusieurs enfants. Heures de sorties, autorisations et pratiques
pos. À l’image de l’adoption, certains éléments du parcours biographique ainsi de manière récurrente dans les propos des parents, en particulier ceux
peuvent également participer d’un traitement différencié des enfants. L’évocation et la description du « caractère » des enfants reviennent
dimension de genre est structurante et transversale aux milieux sociaux.
C’est-à-dire qu’il n’y a que le grand qui a le droit d’aller chez des copains, ment des pratiques urbaines ajusté aux traits de caractère des enfants, la
le deuxième je ne lui fais pas confiance, c’est une question de carac- vation : alors que les parents rencontrés tendent à faire état d’un encadre-
tère, je ne lui fais pas confiance, pour aller tout seul chez un copain ça L’exploitation des entretiens conduit à formuler une première obser-
je ne lui fais absolument pas confiance. (Vincente8, encadrant courrier à
La Poste, Paris ; deux fils de 13 et 11 ans, une fille de 8 ans) ET DIFFÉRENCIATION LOCALE DES FIGURES DU DANGER
En contraste avec cette personnalisation de l’encadrement, les entre- ENCADREMENT PARENTAL, SÉGRÉGATION DE GENRE
tiens permettent d’observer la prégnance de la dimension de genre, non
seulement dans les représentations parentales mais aussi dans les prati- total).
ques d’encadrement mises en œuvre. Les garçons sont ainsi considérés 10 couples) de 123 enfants de la tranche d’âge définie (171 enfants au
comme moins vulnérables dans leur très grande majorité, alors que la conduits sur les deux terrains auprès de 88 parents (51 mères, 17 pères,
rue est regardée comme plus menaçante pour les filles ou, tout du moins, (43  à Milan, 35  à Paris, d’une durée de 45  minutes à 2  h  45) ont été
comme une arène de sollicitations plus pressantes. Alors que les premiers intermédiaires. Entre le printemps 2009 et l’automne 2011, 78 entretiens
sont souvent décrits comme moins « matures » que les filles au même âge, familles appartenant aux catégories moyennes, moyennes-supérieures et
l’encadrement des pratiques urbaines est plus strict pour les secondes, en clature INSEE7. Notre échantillon regroupe donc principalement des
d’appartenance, se concentrant sur les catégories 3, 4 et 5 de la nomen-
7. La conversion dans la nomenclature INSEE pour la profession des enquêtés milanais
a été permise par le travail de Bruno Cousin, qui a établi une « liste des correspondances
permettant d’exprimer en termes de CS les données construites par l’ISTAT lors du 113 Clément Rivière
13e recensement » de la population italienne (Cousin, 2008, p. 153).
8. Les prénoms des enquêtés et de leurs enfants ont été modifiés.
ségrégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines.
blics, la ségrégation de genre est une première manifestation du caractère 114 Pratiques urbaines et ségrégation
Produite par un contrôle plus strict de l’accès des filles aux espaces pu-
2011).
ni de pays lointains souvent considérés comme rétrogrades (Le Renard, particulier en ce qui concerne leur habillement. Ce traitement différencié
femmes aux espaces publics n’est pas l’apanage des « cités » (Clair, 2005) s’exprime également à travers des horaires de retour moins lâches et un
triangle Monza-Padova montrent bien que la restriction de l’accès des contrôle majeur des lieux autorisés à la fréquentation. Pour les filles, « on
tidiennes des parents rencontrés dans le 19e  arrondissement et dans le fait un peu plus attention ». On leur apprend « comment réagir » :
considérés a priori comme plus hostiles aux femmes : les pratiques quo-
publics n’est pas sans rappeler les observations sur des terrains souvent Question. — Jusqu’ici ils n’ont donc pas eu de problèmes dans le quartier ?
qui correspond à une véritable restriction genrée de l’accès aux espaces Réponse. — Non. Peut-être... Une fois ma fille, dans le métro je crois,
structurée par la dimension de genre, en particulier du côté des mères. Ce nous étions ensemble, ma fille m’agrippe et me dit : « Maman, un homme
renvoient à une expérience plus large de ces espaces qui est fortement n’arrêtait pas de me regarder les jambes, mais pourquoi, qu’est-ce qu’il
publics (Valentine & McKendrick, 1997 ; Karsten, 1998), ces pratiques voulait ? » Elle avait un peu peur en fait. Cet homme devait la regarder
différenciation des modalités d’accès des garçons et des filles aux espaces d’un peu trop près... Je lui ai dit : « C’est normal, tu commences à de-
dante des enfants, qui font état, dans des contextes urbains variés, d’une venir une jeune femme  ! Défends-toi, fais attention, mais ne drama-
En écho à certains travaux de géographes sur la mobilité indépen- tise pas. » [...] C’était pareil pour moi à son âge, pour être honnête, des
blondes aux yeux bleus... Quand j’avais treize ans c’était quelque chose...
privé, Paris ; une fille de 14 ans) C’était impossible d’aller faire un tour. (Maria, administratrice de biens
paysage. [Rire.] (Monique, cadre de ressources humaines dans le secteur immobiliers, Milan ; une fille de 12 ans, deux fils de 12 et 9 ans)

Moins stricte auprès des filles les plus jeunes, la veille vestimentaire
provoques pas, tu n’attires pas le regard, essaie d’être neutre, regarde le
puis tu te couvres les cuisses », le reste c’est pas très grave... Voilà, tu ne
gnes du métro c’est : « Tu te couvres les épaules, tu te couvres les seins et s’accentue avec la puberté et l’amplitude accrue des mobilités :
gnes, ça évolue avec l’âge aussi, donc c’est vrai qu’aujourd’hui les consi-
mais pas toute seule », il y a un minimum de... Pour revenir sur les consi- Bon, après, elle a des consignes, de ne pas aller se balader dans le métro
à mi-hauteur de ses cuisses]. Je lui ai dit cette nuit-là : « C’est où tu veux avec une jupe comme ça, un machin jusque-là quoi [elle pose ses mains
avec une jupe comme ça, un machin jusque-là quoi [elle pose ses mains à mi-hauteur de ses cuisses]. Je lui ai dit cette nuit-là : « C’est où tu veux
Bon, après, elle a des consignes, de ne pas aller se balader dans le métro mais pas toute seule », il y a un minimum de... Pour revenir sur les consi-
gnes, ça évolue avec l’âge aussi, donc c’est vrai qu’aujourd’hui les consi-
s’accentue avec la puberté et l’amplitude accrue des mobilités : gnes du métro c’est : « Tu te couvres les épaules, tu te couvres les seins et
Moins stricte auprès des filles les plus jeunes, la veille vestimentaire puis tu te couvres les cuisses », le reste c’est pas très grave... Voilà, tu ne
provoques pas, tu n’attires pas le regard, essaie d’être neutre, regarde le
immobiliers, Milan ; une fille de 12 ans, deux fils de 12 et 9 ans) paysage. [Rire.] (Monique, cadre de ressources humaines dans le secteur
C’était impossible d’aller faire un tour. (Maria, administratrice de biens privé, Paris ; une fille de 14 ans)
blondes aux yeux bleus... Quand j’avais treize ans c’était quelque chose...
tise pas. » [...] C’était pareil pour moi à son âge, pour être honnête, des En écho à certains travaux de géographes sur la mobilité indépen-
venir une jeune femme  ! Défends-toi, fais attention, mais ne drama- dante des enfants, qui font état, dans des contextes urbains variés, d’une
d’un peu trop près... Je lui ai dit : « C’est normal, tu commences à de- différenciation des modalités d’accès des garçons et des filles aux espaces
voulait ? » Elle avait un peu peur en fait. Cet homme devait la regarder publics (Valentine & McKendrick, 1997 ; Karsten, 1998), ces pratiques
n’arrêtait pas de me regarder les jambes, mais pourquoi, qu’est-ce qu’il renvoient à une expérience plus large de ces espaces qui est fortement
nous étions ensemble, ma fille m’agrippe et me dit : « Maman, un homme structurée par la dimension de genre, en particulier du côté des mères. Ce
Réponse. — Non. Peut-être... Une fois ma fille, dans le métro je crois, qui correspond à une véritable restriction genrée de l’accès aux espaces
Question. — Jusqu’ici ils n’ont donc pas eu de problèmes dans le quartier ? publics n’est pas sans rappeler les observations sur des terrains souvent
considérés a priori comme plus hostiles aux femmes : les pratiques quo-
fait un peu plus attention ». On leur apprend « comment réagir » : tidiennes des parents rencontrés dans le 19e  arrondissement et dans le
contrôle majeur des lieux autorisés à la fréquentation. Pour les filles, « on triangle Monza-Padova montrent bien que la restriction de l’accès des
s’exprime également à travers des horaires de retour moins lâches et un femmes aux espaces publics n’est pas l’apanage des « cités » (Clair, 2005)
particulier en ce qui concerne leur habillement. Ce traitement différencié ni de pays lointains souvent considérés comme rétrogrades (Le Renard,
2011).
Produite par un contrôle plus strict de l’accès des filles aux espaces pu-
Pratiques urbaines et ségrégation 114 blics, la ségrégation de genre est une première manifestation du caractère
ségrégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines.

ségrégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines.


blics, la ségrégation de genre est une première manifestation du caractère 114 Pratiques urbaines et ségrégation
Produite par un contrôle plus strict de l’accès des filles aux espaces pu-
2011).
ni de pays lointains souvent considérés comme rétrogrades (Le Renard, particulier en ce qui concerne leur habillement. Ce traitement différencié
femmes aux espaces publics n’est pas l’apanage des « cités » (Clair, 2005) s’exprime également à travers des horaires de retour moins lâches et un
triangle Monza-Padova montrent bien que la restriction de l’accès des contrôle majeur des lieux autorisés à la fréquentation. Pour les filles, « on
tidiennes des parents rencontrés dans le 19e  arrondissement et dans le fait un peu plus attention ». On leur apprend « comment réagir » :
considérés a priori comme plus hostiles aux femmes : les pratiques quo-
publics n’est pas sans rappeler les observations sur des terrains souvent Question. — Jusqu’ici ils n’ont donc pas eu de problèmes dans le quartier ?
qui correspond à une véritable restriction genrée de l’accès aux espaces Réponse. — Non. Peut-être... Une fois ma fille, dans le métro je crois,
structurée par la dimension de genre, en particulier du côté des mères. Ce nous étions ensemble, ma fille m’agrippe et me dit : « Maman, un homme
renvoient à une expérience plus large de ces espaces qui est fortement n’arrêtait pas de me regarder les jambes, mais pourquoi, qu’est-ce qu’il
publics (Valentine & McKendrick, 1997 ; Karsten, 1998), ces pratiques voulait ? » Elle avait un peu peur en fait. Cet homme devait la regarder
différenciation des modalités d’accès des garçons et des filles aux espaces d’un peu trop près... Je lui ai dit : « C’est normal, tu commences à de-
dante des enfants, qui font état, dans des contextes urbains variés, d’une venir une jeune femme  ! Défends-toi, fais attention, mais ne drama-
En écho à certains travaux de géographes sur la mobilité indépen- tise pas. » [...] C’était pareil pour moi à son âge, pour être honnête, des
blondes aux yeux bleus... Quand j’avais treize ans c’était quelque chose...
privé, Paris ; une fille de 14 ans) C’était impossible d’aller faire un tour. (Maria, administratrice de biens
paysage. [Rire.] (Monique, cadre de ressources humaines dans le secteur immobiliers, Milan ; une fille de 12 ans, deux fils de 12 et 9 ans)

Moins stricte auprès des filles les plus jeunes, la veille vestimentaire
provoques pas, tu n’attires pas le regard, essaie d’être neutre, regarde le
puis tu te couvres les cuisses », le reste c’est pas très grave... Voilà, tu ne
gnes du métro c’est : « Tu te couvres les épaules, tu te couvres les seins et s’accentue avec la puberté et l’amplitude accrue des mobilités :
gnes, ça évolue avec l’âge aussi, donc c’est vrai qu’aujourd’hui les consi-
mais pas toute seule », il y a un minimum de... Pour revenir sur les consi- Bon, après, elle a des consignes, de ne pas aller se balader dans le métro
à mi-hauteur de ses cuisses]. Je lui ai dit cette nuit-là : « C’est où tu veux avec une jupe comme ça, un machin jusque-là quoi [elle pose ses mains
avec une jupe comme ça, un machin jusque-là quoi [elle pose ses mains à mi-hauteur de ses cuisses]. Je lui ai dit cette nuit-là : « C’est où tu veux
Bon, après, elle a des consignes, de ne pas aller se balader dans le métro mais pas toute seule », il y a un minimum de... Pour revenir sur les consi-
gnes, ça évolue avec l’âge aussi, donc c’est vrai qu’aujourd’hui les consi-
s’accentue avec la puberté et l’amplitude accrue des mobilités : gnes du métro c’est : « Tu te couvres les épaules, tu te couvres les seins et
Moins stricte auprès des filles les plus jeunes, la veille vestimentaire puis tu te couvres les cuisses », le reste c’est pas très grave... Voilà, tu ne
provoques pas, tu n’attires pas le regard, essaie d’être neutre, regarde le
immobiliers, Milan ; une fille de 12 ans, deux fils de 12 et 9 ans) paysage. [Rire.] (Monique, cadre de ressources humaines dans le secteur
C’était impossible d’aller faire un tour. (Maria, administratrice de biens privé, Paris ; une fille de 14 ans)
blondes aux yeux bleus... Quand j’avais treize ans c’était quelque chose...
tise pas. » [...] C’était pareil pour moi à son âge, pour être honnête, des En écho à certains travaux de géographes sur la mobilité indépen-
venir une jeune femme  ! Défends-toi, fais attention, mais ne drama- dante des enfants, qui font état, dans des contextes urbains variés, d’une
d’un peu trop près... Je lui ai dit : « C’est normal, tu commences à de- différenciation des modalités d’accès des garçons et des filles aux espaces
voulait ? » Elle avait un peu peur en fait. Cet homme devait la regarder publics (Valentine & McKendrick, 1997 ; Karsten, 1998), ces pratiques
n’arrêtait pas de me regarder les jambes, mais pourquoi, qu’est-ce qu’il renvoient à une expérience plus large de ces espaces qui est fortement
nous étions ensemble, ma fille m’agrippe et me dit : « Maman, un homme structurée par la dimension de genre, en particulier du côté des mères. Ce
Réponse. — Non. Peut-être... Une fois ma fille, dans le métro je crois, qui correspond à une véritable restriction genrée de l’accès aux espaces
Question. — Jusqu’ici ils n’ont donc pas eu de problèmes dans le quartier ? publics n’est pas sans rappeler les observations sur des terrains souvent
considérés a priori comme plus hostiles aux femmes : les pratiques quo-
fait un peu plus attention ». On leur apprend « comment réagir » : tidiennes des parents rencontrés dans le 19e  arrondissement et dans le
contrôle majeur des lieux autorisés à la fréquentation. Pour les filles, « on triangle Monza-Padova montrent bien que la restriction de l’accès des
s’exprime également à travers des horaires de retour moins lâches et un femmes aux espaces publics n’est pas l’apanage des « cités » (Clair, 2005)
particulier en ce qui concerne leur habillement. Ce traitement différencié ni de pays lointains souvent considérés comme rétrogrades (Le Renard,
2011).
Produite par un contrôle plus strict de l’accès des filles aux espaces pu-
Pratiques urbaines et ségrégation 114 blics, la ségrégation de genre est une première manifestation du caractère
ségrégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines.
enfants (à l’exception de celle du pédophile, qui est transversale) revêt une
Clément Rivière 115 principale figure perçue à Paris et à Milan comme une menace pour les
social (Lepoutre, 1997 ; Lapeyronnie, 2008). Si cette différenciation de la
à celle qu’on peut observer dans les quartiers périphériques d’habitat
Illustrant la variation dans le temps et dans l’espace des figures du danger lité et de leur intense sociabilité dans les espaces publics, assez semblable
au sein des espaces publics (Lofland, 1998), les préoccupations parentales part de nombre des parents rencontrés, notamment du fait de leur visibi-
diffèrent toutefois sensiblement sur les deux terrains. La méfiance mar- sociale et scolaire, les jeunes font l’objet d’une critique morale forte de la
quée envers les « étrangers » (stranieri) observée à Milan s’oppose ainsi l’évitement scolaire. Contrastant fortement avec leurs modèles de réussite
à une articulation plus complexe de l’ethnicité avec le genre, l’âge et la instrumental aux espaces publics, renforcé par une propension majeure à
classe dans la construction du stigmate à Paris, qui s’exprime à travers supérieures, dont les enfants entretiennent généralement un rapport plus
la figure des « jeunes », euphémisme désignant les jeunes garçons des sérieusement envisagée par les parents des classes moyennes et moyennes
catégories populaires et d’origine immigrée, communément associés à la tier, activité quasi unanimement condamnée mais en définitive moins
microcriminalité et à des usages considérés comme impropres des espaces Ce temps risque alors d’être mis à profit pour « traîner » dans le quar-
publics. ceux qui disposent de davantage de temps libre en dehors de l’école.
La consommation et / ou la vente de drogue, l’appropriation plus ou moins favorisées et / ou d’origine étrangère, dont les enfants sont souvent
moins bruyante de certains espaces sont également fréquemment repro- non désirables, y compris pour les parents appartenant aux catégories les
chées aux « étrangers » par les parents du triangle Monza-Padova, qui ten- souvent implicite, sont avant tout considérés comme des fréquentations
dent à les considérer comme des interactants potentiellement dangereux jeux de socialisation. Les jeunes, dont l’origine étrangère demeure le plus
pour leurs enfants – en particulier pour les filles. L’idéalisation fréquente les préoccupations parentales s’y concentrent davantage autour des en-
des rapports sociaux prévalant dans le quartier – décrit comme bien plus complètement dissociées de la figure des jeunes dans le 19e arrondissement,
sûr alors pour les enfants – avant l’apparition puis l’essor de l’immigra- Bien que les craintes pour l’intégrité physique des enfants ne soient pas
tion s’accompagne de pratiques d’évitement des espaces qui sont le plus local (trafic de drogue, saleté, bris de bouteille, maladies).
étroitement associés à cette présence immigrée, ainsi que d’une structu- vement) et celles qui sont associées à leur présence visible dans l’espace
ration forte des peurs parentales autour de la figure du « clandestin » et générales des immigrés comme prédateurs (agressions, racket, voire enlè-
de la violence associée aux relations interethniques. Les menaces consi- dérées sont de deux ordres : celles qui sont liées à des représentations plus
dérées sont de deux ordres : celles qui sont liées à des représentations plus de la violence associée aux relations interethniques. Les menaces consi-
générales des immigrés comme prédateurs (agressions, racket, voire enlè- ration forte des peurs parentales autour de la figure du « clandestin » et
vement) et celles qui sont associées à leur présence visible dans l’espace étroitement associés à cette présence immigrée, ainsi que d’une structu-
local (trafic de drogue, saleté, bris de bouteille, maladies). tion s’accompagne de pratiques d’évitement des espaces qui sont le plus
Bien que les craintes pour l’intégrité physique des enfants ne soient pas sûr alors pour les enfants – avant l’apparition puis l’essor de l’immigra-
complètement dissociées de la figure des jeunes dans le 19e arrondissement, des rapports sociaux prévalant dans le quartier – décrit comme bien plus
les préoccupations parentales s’y concentrent davantage autour des en- pour leurs enfants – en particulier pour les filles. L’idéalisation fréquente
jeux de socialisation. Les jeunes, dont l’origine étrangère demeure le plus dent à les considérer comme des interactants potentiellement dangereux
souvent implicite, sont avant tout considérés comme des fréquentations chées aux « étrangers » par les parents du triangle Monza-Padova, qui ten-
non désirables, y compris pour les parents appartenant aux catégories les moins bruyante de certains espaces sont également fréquemment repro-
moins favorisées et / ou d’origine étrangère, dont les enfants sont souvent La consommation et / ou la vente de drogue, l’appropriation plus ou
ceux qui disposent de davantage de temps libre en dehors de l’école. publics.
Ce temps risque alors d’être mis à profit pour « traîner » dans le quar- microcriminalité et à des usages considérés comme impropres des espaces
tier, activité quasi unanimement condamnée mais en définitive moins catégories populaires et d’origine immigrée, communément associés à la
sérieusement envisagée par les parents des classes moyennes et moyennes la figure des « jeunes », euphémisme désignant les jeunes garçons des
supérieures, dont les enfants entretiennent généralement un rapport plus classe dans la construction du stigmate à Paris, qui s’exprime à travers
instrumental aux espaces publics, renforcé par une propension majeure à à une articulation plus complexe de l’ethnicité avec le genre, l’âge et la
l’évitement scolaire. Contrastant fortement avec leurs modèles de réussite quée envers les « étrangers » (stranieri) observée à Milan s’oppose ainsi
sociale et scolaire, les jeunes font l’objet d’une critique morale forte de la diffèrent toutefois sensiblement sur les deux terrains. La méfiance mar-
part de nombre des parents rencontrés, notamment du fait de leur visibi- au sein des espaces publics (Lofland, 1998), les préoccupations parentales
lité et de leur intense sociabilité dans les espaces publics, assez semblable Illustrant la variation dans le temps et dans l’espace des figures du danger
à celle qu’on peut observer dans les quartiers périphériques d’habitat
social (Lepoutre, 1997 ; Lapeyronnie, 2008). Si cette différenciation de la
principale figure perçue à Paris et à Milan comme une menace pour les 115 Clément Rivière
enfants (à l’exception de celle du pédophile, qui est transversale) revêt une

enfants (à l’exception de celle du pédophile, qui est transversale) revêt une


Clément Rivière 115 principale figure perçue à Paris et à Milan comme une menace pour les
social (Lepoutre, 1997 ; Lapeyronnie, 2008). Si cette différenciation de la
à celle qu’on peut observer dans les quartiers périphériques d’habitat
Illustrant la variation dans le temps et dans l’espace des figures du danger lité et de leur intense sociabilité dans les espaces publics, assez semblable
au sein des espaces publics (Lofland, 1998), les préoccupations parentales part de nombre des parents rencontrés, notamment du fait de leur visibi-
diffèrent toutefois sensiblement sur les deux terrains. La méfiance mar- sociale et scolaire, les jeunes font l’objet d’une critique morale forte de la
quée envers les « étrangers » (stranieri) observée à Milan s’oppose ainsi l’évitement scolaire. Contrastant fortement avec leurs modèles de réussite
à une articulation plus complexe de l’ethnicité avec le genre, l’âge et la instrumental aux espaces publics, renforcé par une propension majeure à
classe dans la construction du stigmate à Paris, qui s’exprime à travers supérieures, dont les enfants entretiennent généralement un rapport plus
la figure des « jeunes », euphémisme désignant les jeunes garçons des sérieusement envisagée par les parents des classes moyennes et moyennes
catégories populaires et d’origine immigrée, communément associés à la tier, activité quasi unanimement condamnée mais en définitive moins
microcriminalité et à des usages considérés comme impropres des espaces Ce temps risque alors d’être mis à profit pour « traîner » dans le quar-
publics. ceux qui disposent de davantage de temps libre en dehors de l’école.
La consommation et / ou la vente de drogue, l’appropriation plus ou moins favorisées et / ou d’origine étrangère, dont les enfants sont souvent
moins bruyante de certains espaces sont également fréquemment repro- non désirables, y compris pour les parents appartenant aux catégories les
chées aux « étrangers » par les parents du triangle Monza-Padova, qui ten- souvent implicite, sont avant tout considérés comme des fréquentations
dent à les considérer comme des interactants potentiellement dangereux jeux de socialisation. Les jeunes, dont l’origine étrangère demeure le plus
pour leurs enfants – en particulier pour les filles. L’idéalisation fréquente les préoccupations parentales s’y concentrent davantage autour des en-
des rapports sociaux prévalant dans le quartier – décrit comme bien plus complètement dissociées de la figure des jeunes dans le 19e arrondissement,
sûr alors pour les enfants – avant l’apparition puis l’essor de l’immigra- Bien que les craintes pour l’intégrité physique des enfants ne soient pas
tion s’accompagne de pratiques d’évitement des espaces qui sont le plus local (trafic de drogue, saleté, bris de bouteille, maladies).
étroitement associés à cette présence immigrée, ainsi que d’une structu- vement) et celles qui sont associées à leur présence visible dans l’espace
ration forte des peurs parentales autour de la figure du « clandestin » et générales des immigrés comme prédateurs (agressions, racket, voire enlè-
de la violence associée aux relations interethniques. Les menaces consi- dérées sont de deux ordres : celles qui sont liées à des représentations plus
dérées sont de deux ordres : celles qui sont liées à des représentations plus de la violence associée aux relations interethniques. Les menaces consi-
générales des immigrés comme prédateurs (agressions, racket, voire enlè- ration forte des peurs parentales autour de la figure du « clandestin » et
vement) et celles qui sont associées à leur présence visible dans l’espace étroitement associés à cette présence immigrée, ainsi que d’une structu-
local (trafic de drogue, saleté, bris de bouteille, maladies). tion s’accompagne de pratiques d’évitement des espaces qui sont le plus
Bien que les craintes pour l’intégrité physique des enfants ne soient pas sûr alors pour les enfants – avant l’apparition puis l’essor de l’immigra-
complètement dissociées de la figure des jeunes dans le 19e arrondissement, des rapports sociaux prévalant dans le quartier – décrit comme bien plus
les préoccupations parentales s’y concentrent davantage autour des en- pour leurs enfants – en particulier pour les filles. L’idéalisation fréquente
jeux de socialisation. Les jeunes, dont l’origine étrangère demeure le plus dent à les considérer comme des interactants potentiellement dangereux
souvent implicite, sont avant tout considérés comme des fréquentations chées aux « étrangers » par les parents du triangle Monza-Padova, qui ten-
non désirables, y compris pour les parents appartenant aux catégories les moins bruyante de certains espaces sont également fréquemment repro-
moins favorisées et / ou d’origine étrangère, dont les enfants sont souvent La consommation et / ou la vente de drogue, l’appropriation plus ou
ceux qui disposent de davantage de temps libre en dehors de l’école. publics.
Ce temps risque alors d’être mis à profit pour « traîner » dans le quar- microcriminalité et à des usages considérés comme impropres des espaces
tier, activité quasi unanimement condamnée mais en définitive moins catégories populaires et d’origine immigrée, communément associés à la
sérieusement envisagée par les parents des classes moyennes et moyennes la figure des « jeunes », euphémisme désignant les jeunes garçons des
supérieures, dont les enfants entretiennent généralement un rapport plus classe dans la construction du stigmate à Paris, qui s’exprime à travers
instrumental aux espaces publics, renforcé par une propension majeure à à une articulation plus complexe de l’ethnicité avec le genre, l’âge et la
l’évitement scolaire. Contrastant fortement avec leurs modèles de réussite quée envers les « étrangers » (stranieri) observée à Milan s’oppose ainsi
sociale et scolaire, les jeunes font l’objet d’une critique morale forte de la diffèrent toutefois sensiblement sur les deux terrains. La méfiance mar-
part de nombre des parents rencontrés, notamment du fait de leur visibi- au sein des espaces publics (Lofland, 1998), les préoccupations parentales
lité et de leur intense sociabilité dans les espaces publics, assez semblable Illustrant la variation dans le temps et dans l’espace des figures du danger
à celle qu’on peut observer dans les quartiers périphériques d’habitat
social (Lepoutre, 1997 ; Lapeyronnie, 2008). Si cette différenciation de la
principale figure perçue à Paris et à Milan comme une menace pour les 115 Clément Rivière
enfants (à l’exception de celle du pédophile, qui est transversale) revêt une
2486.
‘Others’ in North London”, Urban Studies, vol. 40, no 12, p. 2469- 116 Pratiques urbaines et ségrégation
Butler Tim (2003), “Living in the Bubble: Gentrification and its
ville : concepts et mesures, Paris, L’Harmattan.
Brun Jacques & Rhein Catherine (dir.) (1994), La Ségrégation dans la dimension idéaltypique et doit faire l’objet de nuances pour chacun des
sociales, Paris, La Découverte. cas, elle montre bien le rôle des structures sociales et urbaines autant que
(2007), Le Quartier : enjeux scientifiques, actions politiques et pratiques des héritages historiques dans la construction de l’évitement urbain, se-
Authier Jean-Yves, Bacqué Marie-Hélène & Guérin-Pace France (dir.) cond vecteur par lequel les pratiques urbaines contribuent à la fabrique
Paris, Seuil. quotidienne de la ségrégation, y compris en contexte de mixité sociale.
Ariès Philippe (1973), L’Enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime,

Bibliographie
*
La restriction genrée de l’accès aux espaces publics et la structuration
à la ville. locale des figures du danger éclairent le caractère potentiellement sé-
le rapport qu’entretiennent ces derniers avec leur espace de résidence et grégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines. S’il
l’encadrement parental maintient une empreinte à plus long terme sur s’agissait ici avant tout de bien délimiter les contours de ce point aveugle
tiques urbaines des enfants à l’instant  t, on est en droit de penser que que sont les pratiques urbaines dans l’étude de la fabrique de la ségré-
et du mélange dans les espaces urbains : s’il concerne avant tout les pra- gation, l’exploitation approfondie des entretiens doit nous permettre
sociologique dont l’intérêt est double, du point de vue de la ségrégation d’examiner plus finement les rouages de l’évitement urbain. Au cœur du
duire et reproduire. Ces pratiques parentales constituent donc un objet travail empirique, l’étude de la différenciation des pratiques et des repré-
ment parental des pratiques urbaines contribue sans aucun doute à pro- sentations des parents rencontrés est l’occasion d’aborder la structuration
entre espaces publics, féminité et danger (Lieber, 2008), que l’encadre- sociale de l’encadrement parental, mais aussi d’en envisager la dimension
elle permet de mieux comprendre comment se fabrique l’association structurante.
la dimension de genre différencie les utilisations des espaces publics : Ainsi, la contradiction relevée entre la personnalisation du traitement
n’est pas simplement une nouvelle illustration de la force avec laquelle des enfants et la préoccupation transversale pour la tranquillité des filles
des enfants et la préoccupation transversale pour la tranquillité des filles n’est pas simplement une nouvelle illustration de la force avec laquelle
Ainsi, la contradiction relevée entre la personnalisation du traitement la dimension de genre différencie les utilisations des espaces publics :
structurante. elle permet de mieux comprendre comment se fabrique l’association
sociale de l’encadrement parental, mais aussi d’en envisager la dimension entre espaces publics, féminité et danger (Lieber, 2008), que l’encadre-
sentations des parents rencontrés est l’occasion d’aborder la structuration ment parental des pratiques urbaines contribue sans aucun doute à pro-
travail empirique, l’étude de la différenciation des pratiques et des repré- duire et reproduire. Ces pratiques parentales constituent donc un objet
d’examiner plus finement les rouages de l’évitement urbain. Au cœur du sociologique dont l’intérêt est double, du point de vue de la ségrégation
gation, l’exploitation approfondie des entretiens doit nous permettre et du mélange dans les espaces urbains : s’il concerne avant tout les pra-
que sont les pratiques urbaines dans l’étude de la fabrique de la ségré- tiques urbaines des enfants à l’instant  t, on est en droit de penser que
s’agissait ici avant tout de bien délimiter les contours de ce point aveugle l’encadrement parental maintient une empreinte à plus long terme sur
grégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines. S’il le rapport qu’entretiennent ces derniers avec leur espace de résidence et
locale des figures du danger éclairent le caractère potentiellement sé- à la ville.
La restriction genrée de l’accès aux espaces publics et la structuration
Bibliographie
*
Ariès Philippe (1973), L’Enfant et la Vie familiale sous l’Ancien Régime,
quotidienne de la ségrégation, y compris en contexte de mixité sociale. Paris, Seuil.
cond vecteur par lequel les pratiques urbaines contribuent à la fabrique Authier Jean-Yves, Bacqué Marie-Hélène & Guérin-Pace France (dir.)
des héritages historiques dans la construction de l’évitement urbain, se- (2007), Le Quartier : enjeux scientifiques, actions politiques et pratiques
cas, elle montre bien le rôle des structures sociales et urbaines autant que sociales, Paris, La Découverte.
dimension idéaltypique et doit faire l’objet de nuances pour chacun des Brun Jacques & Rhein Catherine (dir.) (1994), La Ségrégation dans la
ville : concepts et mesures, Paris, L’Harmattan.
Butler Tim (2003), “Living in the Bubble: Gentrification and its
Pratiques urbaines et ségrégation 116 ‘Others’ in North London”, Urban Studies, vol. 40, no 12, p. 2469-
2486.

2486.
‘Others’ in North London”, Urban Studies, vol. 40, no 12, p. 2469- 116 Pratiques urbaines et ségrégation
Butler Tim (2003), “Living in the Bubble: Gentrification and its
ville : concepts et mesures, Paris, L’Harmattan.
Brun Jacques & Rhein Catherine (dir.) (1994), La Ségrégation dans la dimension idéaltypique et doit faire l’objet de nuances pour chacun des
sociales, Paris, La Découverte. cas, elle montre bien le rôle des structures sociales et urbaines autant que
(2007), Le Quartier : enjeux scientifiques, actions politiques et pratiques des héritages historiques dans la construction de l’évitement urbain, se-
Authier Jean-Yves, Bacqué Marie-Hélène & Guérin-Pace France (dir.) cond vecteur par lequel les pratiques urbaines contribuent à la fabrique
Paris, Seuil. quotidienne de la ségrégation, y compris en contexte de mixité sociale.
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*
La restriction genrée de l’accès aux espaces publics et la structuration
à la ville. locale des figures du danger éclairent le caractère potentiellement sé-
le rapport qu’entretiennent ces derniers avec leur espace de résidence et grégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines. S’il
l’encadrement parental maintient une empreinte à plus long terme sur s’agissait ici avant tout de bien délimiter les contours de ce point aveugle
tiques urbaines des enfants à l’instant  t, on est en droit de penser que que sont les pratiques urbaines dans l’étude de la fabrique de la ségré-
et du mélange dans les espaces urbains : s’il concerne avant tout les pra- gation, l’exploitation approfondie des entretiens doit nous permettre
sociologique dont l’intérêt est double, du point de vue de la ségrégation d’examiner plus finement les rouages de l’évitement urbain. Au cœur du
duire et reproduire. Ces pratiques parentales constituent donc un objet travail empirique, l’étude de la différenciation des pratiques et des repré-
ment parental des pratiques urbaines contribue sans aucun doute à pro- sentations des parents rencontrés est l’occasion d’aborder la structuration
entre espaces publics, féminité et danger (Lieber, 2008), que l’encadre- sociale de l’encadrement parental, mais aussi d’en envisager la dimension
elle permet de mieux comprendre comment se fabrique l’association structurante.
la dimension de genre différencie les utilisations des espaces publics : Ainsi, la contradiction relevée entre la personnalisation du traitement
n’est pas simplement une nouvelle illustration de la force avec laquelle des enfants et la préoccupation transversale pour la tranquillité des filles
des enfants et la préoccupation transversale pour la tranquillité des filles n’est pas simplement une nouvelle illustration de la force avec laquelle
Ainsi, la contradiction relevée entre la personnalisation du traitement la dimension de genre différencie les utilisations des espaces publics :
structurante. elle permet de mieux comprendre comment se fabrique l’association
sociale de l’encadrement parental, mais aussi d’en envisager la dimension entre espaces publics, féminité et danger (Lieber, 2008), que l’encadre-
sentations des parents rencontrés est l’occasion d’aborder la structuration ment parental des pratiques urbaines contribue sans aucun doute à pro-
travail empirique, l’étude de la différenciation des pratiques et des repré- duire et reproduire. Ces pratiques parentales constituent donc un objet
d’examiner plus finement les rouages de l’évitement urbain. Au cœur du sociologique dont l’intérêt est double, du point de vue de la ségrégation
gation, l’exploitation approfondie des entretiens doit nous permettre et du mélange dans les espaces urbains : s’il concerne avant tout les pra-
que sont les pratiques urbaines dans l’étude de la fabrique de la ségré- tiques urbaines des enfants à l’instant  t, on est en droit de penser que
s’agissait ici avant tout de bien délimiter les contours de ce point aveugle l’encadrement parental maintient une empreinte à plus long terme sur
grégatif de l’encadrement parental des pratiques urbaines enfantines. S’il le rapport qu’entretiennent ces derniers avec leur espace de résidence et
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(trad.), Paris, Presses de Sciences po. Clair Isabelle (2008), Les Jeunes et l’Amour dans les cités, Paris, Armand Colin.
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Le Pape Marie-Clémence (2009), La Famille à l’épreuve des risques. Logiques Chamboredon Jean-Claude & Lemaire Madeleine (1970), « Proximité
éducatives et stratification sociale, thèse de doctorat de sociologie, Institut Paris, Gallimard.
d’études politiques de Paris. Certeau Michel de (1980, 1990), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire,
Lepoutre David (1997), Cœur de banlieue  : codes, rites et langages, Paris,
Odile Jacob.
Le Renard Amélie (2001), Femmes et espaces publics en Arabie saoudite, 117 Clément Rivière
Paris, Dalloz.

Paris, Dalloz.
Clément Rivière 117 Le Renard Amélie (2001), Femmes et espaces publics en Arabie saoudite,
Odile Jacob.
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de la même chose ? », Informations sociales, no 154, p. 14-20. Joseph Isaac (1984), Le Passant considérable : essai sur la dispersion dans l’es-
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Ségrégation ethnique et reproduction sociale dans le système éduca- Henriot-Van Zanten Agnès (2009), Choisir son école : stratégies familiales
tif français », Actes de la recherche en sciences sociales, no 180, p. 92-101. sion, Yuri Kazepov (dir.), Malden, Blackwell Publishing, p. 43-63.
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Hannerz Ulf (1980, 1983), Explorer la ville : éléments d’anthropologie urbaine, Isaac Joseph (trad.), Paris, Éditions de Minuit.
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gotha : comment la bourgeoisie défend ses espaces, Paris, Seuil. Paris, Éditions Autrement.
Pinçon Michel & Pinçon-Charlot Monique (2007), Les Ghettos du Peugny Camille (2009), Le Déclassement, Paris, Grasset.
rue, Paris, Éditions Karthala. Pérez López Ruth (2009), Vivre et survivre à Mexico : enfants et jeunes de la
Pérez López Ruth (2009), Vivre et survivre à Mexico : enfants et jeunes de la rue, Paris, Éditions Karthala.
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Chauvin (trad.), Paris, La Découverte.

Chauvin (trad.), Paris, La Découverte.


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Pérez López Ruth (2009), Vivre et survivre à Mexico : enfants et jeunes de la rue, Paris, Éditions Karthala.
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Pasquier Dominique (2005), Cultures lycéennes : la tyrannie de la majorité, Préteceille Edmond (2006), « La ségrégation contre la cohésion sociale :
rapport pour la HALDE-DEPP, Paris, Presses de Sciences po. la métropole parisienne », dans L’Épreuve des inégalités, Hugues
Effets de l’assouplissement de la carte scolaire dans la banlieue parisienne, Lagrange (dir.), Paris, Presses universitaires de France, p. 195-246.
Oberti Marco, Préteceille Edmond & Rivière Clément (2012), Les —  (2009), « La ségrégation ethnoraciale a-t-elle augmenté dans la
Paris, Presses de Sciences po. métropole parisienne ? », dans Revue française de sociologie, vol. 50, no 3,
Oberti Marco (2007), L’École dans la ville : ségrégation, mixité, carte scolaire, p. 489-519.
Paris, Seuil. Rivière Clément (2007), Les Supporters du Paris-Saint-Germain et les
Maurin Éric (2004), Le Ghetto français  : enquête sur le séparatisme social, Riverains du parc des Princes : éléments d’étude d’une coprésence périodique
Grigorova & Irène Markowicz (trad.), Paris, Descartes & Cie. en milieu urbain, mémoire présenté pour le master de recherche en
Massey Douglas & Denton Nancy (1994, 1995), American Apartheid, Ada sociologie, Institut d’études politiques de Paris.
nities”, City and Community, vol. 7, no 4, p. 331-346. Sennett Richard (1990, 2009), La Conscience de l’œil : urbanisme et société,
Martin Leslie (2008), “Protecting Children in Gentrifying Commu- Dominique Dill (trad.), Lagrasse,Verdier.
de contournement », Réseaux, no 168-169, p. 111-132. Simmel Georg (1908, 1992), « Excursus sur la sociologie des sens », dans
Mardon Aurélia (2001), « La génération Lolita : stratégies de contrôle et Sociologie. Étude sur les formes de la socialisation, Lilyane Deroche-Gurcel &
Social Territory, New York, Aldine De Gruyter. Sibylle Muller (trad.), Paris, Presses universitaires de France, p. 629-644.
Lofland Lyn H. (1998), The Public Realm: Exploring the City’s Quintessential Valentine Gill & McKendrick John (1997), “Children’s Outdoor
des femmes en question, Paris, Presses de Sciences po. Play: Exploring Parental Concerns About Children’s Safety and the
Lieber Marylène (2008), Genre, violences et espaces publics : la vulnérabilité Changing Nature of Childhood”, Geoforum, vol. 28, no 2, p. 219-235.
Vercesi Monica (2008), La mobilità autonoma dei bambini tra ricerca e inter-
venti sul territorio, Milano, Franco Angeli.
Pratiques urbaines et ségrégation 118 Wacquant Loïc (2007), Parias urbains : ghetto, banlieues, État, Sébastien
Chauvin (trad.), Paris, La Découverte.
2. Voir par exemple les activités de la société 2S Immo (www.2simmo.com).
vers le haut. Source : bases BIEN de 1998 et 2007, association Paris Notaires.
prix par quartiers montre que c’est le Bas-Montreuil qui a d’abord tiré ce prix moyen
prix moyens dans l’ancien pour toute la petite couronne (+ 30 % en un an). L’analyse des
des prix parisiens de 1986-1991, et la ville détenait en 2003 le record de croissance des
années 2000 : les prix montreuillois étaient restés insensibles lors de la précédente hausse
Montreuil) ainsi qu’une croissance des prix inédite et extrêmement rapide au début des
taires entre 1998 et 2007 (+ 51 % dans l’ensemble de la ville, + 57 % dans le seul Bas-

LES HABITANTS, PRODUCTEURS D’ESPACES GENTRIFIÉS ?


1. En témoignent l’augmentation du nombre de transactions enregistrées par les no-

LE TRAVAIL DE CONVERSION IMMOBILIÈRE professionnels n’interviennent massivement, ce sont des particuliers qui,
DANS LE BAS-MONTREUIL atypiques potentiellement convertibles en lofts2. Pourtant, avant que ces
mobiliers à se spécialiser dans le repérage et la mise en vente de surfaces
bruts » supposés issus du découpage d’anciennes usines, ou des agents im-
Anaïs Collet pu conduire des promoteurs à fabriquer de toutes pièces ces « plateaux
turé et orienté la revalorisation du parc immobilier existant, ce qui a
Le Bas-Montreuil, quartier de la petite couronne limitrophe au 20e ar- recherchés. La représentation des lofts montreuillois a sans conteste struc-
rondissement de Paris, s’est profondément transformé depuis le milieu des de lofts, de maisons agrandies et de surfaces atypiques particulièrement
années 1980. Gravement touché par la crise industrielle des années 1970, l’agglomération parisienne, mais aussi au développement d’un marché
il a vu sa population se renouveler sous l’effet du départ ou du décès liée bien évidemment à celle de l’ensemble de l’immobilier du cœur de
des anciens habitants et, surtout, de l’arrivée de jeunes ménages qualifiés immobilier montreuillois a en effet connu une très forte valorisation1,
(Collet, 2010). D’abord peu visible, ce phénomène de gentrification s’est d’anciens locaux industriels à transformer. Dix ans plus tard, le marché
manifesté au tournant des années 2000 sous l’aspect d’un rapide change- de bonnes affaires aux portes de Paris : des pavillons décrépis à rénover,
ment d’image du quartier et d’un « réveil » du marché immobilier local, En même temps, le secteur immobilier le présentait comme l’occasion
cette double revalorisation – à la fois symbolique et économique – repo- pour ses usines reconverties à Brooklyn, TriBeCa ou Prenzlauer Berg.
sant en partie sur la mise en avant d’un type de bien caractéristique, le loft saient intellectuels et artistes, que les journalistes en venaient à comparer
et ses avatars (« surfaces atypiques », « plateaux » à aménager, etc.). On a ainsi vu paraître dans la presse l’image d’un quartier à la mode, où se pres-
ainsi vu paraître dans la presse l’image d’un quartier à la mode, où se pres- et ses avatars (« surfaces atypiques », « plateaux » à aménager, etc.). On a
saient intellectuels et artistes, que les journalistes en venaient à comparer sant en partie sur la mise en avant d’un type de bien caractéristique, le loft
pour ses usines reconverties à Brooklyn, TriBeCa ou Prenzlauer Berg. cette double revalorisation – à la fois symbolique et économique – repo-
En même temps, le secteur immobilier le présentait comme l’occasion ment d’image du quartier et d’un « réveil » du marché immobilier local,
de bonnes affaires aux portes de Paris : des pavillons décrépis à rénover, manifesté au tournant des années 2000 sous l’aspect d’un rapide change-
d’anciens locaux industriels à transformer. Dix ans plus tard, le marché (Collet, 2010). D’abord peu visible, ce phénomène de gentrification s’est
immobilier montreuillois a en effet connu une très forte valorisation1, des anciens habitants et, surtout, de l’arrivée de jeunes ménages qualifiés
liée bien évidemment à celle de l’ensemble de l’immobilier du cœur de il a vu sa population se renouveler sous l’effet du départ ou du décès
l’agglomération parisienne, mais aussi au développement d’un marché années 1980. Gravement touché par la crise industrielle des années 1970,
de lofts, de maisons agrandies et de surfaces atypiques particulièrement rondissement de Paris, s’est profondément transformé depuis le milieu des
recherchés. La représentation des lofts montreuillois a sans conteste struc- Le Bas-Montreuil, quartier de la petite couronne limitrophe au 20e ar-
turé et orienté la revalorisation du parc immobilier existant, ce qui a
pu conduire des promoteurs à fabriquer de toutes pièces ces « plateaux Anaïs Collet
bruts » supposés issus du découpage d’anciennes usines, ou des agents im-
mobiliers à se spécialiser dans le repérage et la mise en vente de surfaces
atypiques potentiellement convertibles en lofts2. Pourtant, avant que ces DANS LE BAS-MONTREUIL
professionnels n’interviennent massivement, ce sont des particuliers qui, LE TRAVAIL DE CONVERSION IMMOBILIÈRE
LES HABITANTS, PRODUCTEURS D’ESPACES GENTRIFIÉS ?
1. En témoignent l’augmentation du nombre de transactions enregistrées par les no-
taires entre 1998 et 2007 (+ 51 % dans l’ensemble de la ville, + 57 % dans le seul Bas-
Montreuil) ainsi qu’une croissance des prix inédite et extrêmement rapide au début des
années 2000 : les prix montreuillois étaient restés insensibles lors de la précédente hausse
des prix parisiens de 1986-1991, et la ville détenait en 2003 le record de croissance des
prix moyens dans l’ancien pour toute la petite couronne (+ 30 % en un an). L’analyse des
prix par quartiers montre que c’est le Bas-Montreuil qui a d’abord tiré ce prix moyen
vers le haut. Source : bases BIEN de 1998 et 2007, association Paris Notaires.
2. Voir par exemple les activités de la société 2S Immo (www.2simmo.com).

2. Voir par exemple les activités de la société 2S Immo (www.2simmo.com).


vers le haut. Source : bases BIEN de 1998 et 2007, association Paris Notaires.
prix par quartiers montre que c’est le Bas-Montreuil qui a d’abord tiré ce prix moyen
prix moyens dans l’ancien pour toute la petite couronne (+ 30 % en un an). L’analyse des
des prix parisiens de 1986-1991, et la ville détenait en 2003 le record de croissance des
années 2000 : les prix montreuillois étaient restés insensibles lors de la précédente hausse
Montreuil) ainsi qu’une croissance des prix inédite et extrêmement rapide au début des
taires entre 1998 et 2007 (+ 51 % dans l’ensemble de la ville, + 57 % dans le seul Bas-

LES HABITANTS, PRODUCTEURS D’ESPACES GENTRIFIÉS ?


1. En témoignent l’augmentation du nombre de transactions enregistrées par les no-

LE TRAVAIL DE CONVERSION IMMOBILIÈRE professionnels n’interviennent massivement, ce sont des particuliers qui,
DANS LE BAS-MONTREUIL atypiques potentiellement convertibles en lofts2. Pourtant, avant que ces
mobiliers à se spécialiser dans le repérage et la mise en vente de surfaces
bruts » supposés issus du découpage d’anciennes usines, ou des agents im-
Anaïs Collet pu conduire des promoteurs à fabriquer de toutes pièces ces « plateaux
turé et orienté la revalorisation du parc immobilier existant, ce qui a
Le Bas-Montreuil, quartier de la petite couronne limitrophe au 20e ar- recherchés. La représentation des lofts montreuillois a sans conteste struc-
rondissement de Paris, s’est profondément transformé depuis le milieu des de lofts, de maisons agrandies et de surfaces atypiques particulièrement
années 1980. Gravement touché par la crise industrielle des années 1970, l’agglomération parisienne, mais aussi au développement d’un marché
il a vu sa population se renouveler sous l’effet du départ ou du décès liée bien évidemment à celle de l’ensemble de l’immobilier du cœur de
des anciens habitants et, surtout, de l’arrivée de jeunes ménages qualifiés immobilier montreuillois a en effet connu une très forte valorisation1,
(Collet, 2010). D’abord peu visible, ce phénomène de gentrification s’est d’anciens locaux industriels à transformer. Dix ans plus tard, le marché
manifesté au tournant des années 2000 sous l’aspect d’un rapide change- de bonnes affaires aux portes de Paris : des pavillons décrépis à rénover,
ment d’image du quartier et d’un « réveil » du marché immobilier local, En même temps, le secteur immobilier le présentait comme l’occasion
cette double revalorisation – à la fois symbolique et économique – repo- pour ses usines reconverties à Brooklyn, TriBeCa ou Prenzlauer Berg.
sant en partie sur la mise en avant d’un type de bien caractéristique, le loft saient intellectuels et artistes, que les journalistes en venaient à comparer
et ses avatars (« surfaces atypiques », « plateaux » à aménager, etc.). On a ainsi vu paraître dans la presse l’image d’un quartier à la mode, où se pres-
ainsi vu paraître dans la presse l’image d’un quartier à la mode, où se pres- et ses avatars (« surfaces atypiques », « plateaux » à aménager, etc.). On a
saient intellectuels et artistes, que les journalistes en venaient à comparer sant en partie sur la mise en avant d’un type de bien caractéristique, le loft
pour ses usines reconverties à Brooklyn, TriBeCa ou Prenzlauer Berg. cette double revalorisation – à la fois symbolique et économique – repo-
En même temps, le secteur immobilier le présentait comme l’occasion ment d’image du quartier et d’un « réveil » du marché immobilier local,
de bonnes affaires aux portes de Paris : des pavillons décrépis à rénover, manifesté au tournant des années 2000 sous l’aspect d’un rapide change-
d’anciens locaux industriels à transformer. Dix ans plus tard, le marché (Collet, 2010). D’abord peu visible, ce phénomène de gentrification s’est
immobilier montreuillois a en effet connu une très forte valorisation1, des anciens habitants et, surtout, de l’arrivée de jeunes ménages qualifiés
liée bien évidemment à celle de l’ensemble de l’immobilier du cœur de il a vu sa population se renouveler sous l’effet du départ ou du décès
l’agglomération parisienne, mais aussi au développement d’un marché années 1980. Gravement touché par la crise industrielle des années 1970,
de lofts, de maisons agrandies et de surfaces atypiques particulièrement rondissement de Paris, s’est profondément transformé depuis le milieu des
recherchés. La représentation des lofts montreuillois a sans conteste struc- Le Bas-Montreuil, quartier de la petite couronne limitrophe au 20e ar-
turé et orienté la revalorisation du parc immobilier existant, ce qui a
pu conduire des promoteurs à fabriquer de toutes pièces ces « plateaux Anaïs Collet
bruts » supposés issus du découpage d’anciennes usines, ou des agents im-
mobiliers à se spécialiser dans le repérage et la mise en vente de surfaces
atypiques potentiellement convertibles en lofts2. Pourtant, avant que ces DANS LE BAS-MONTREUIL
professionnels n’interviennent massivement, ce sont des particuliers qui, LE TRAVAIL DE CONVERSION IMMOBILIÈRE
LES HABITANTS, PRODUCTEURS D’ESPACES GENTRIFIÉS ?
1. En témoignent l’augmentation du nombre de transactions enregistrées par les no-
taires entre 1998 et 2007 (+ 51 % dans l’ensemble de la ville, + 57 % dans le seul Bas-
Montreuil) ainsi qu’une croissance des prix inédite et extrêmement rapide au début des
années 2000 : les prix montreuillois étaient restés insensibles lors de la précédente hausse
des prix parisiens de 1986-1991, et la ville détenait en 2003 le record de croissance des
prix moyens dans l’ancien pour toute la petite couronne (+ 30 % en un an). L’analyse des
prix par quartiers montre que c’est le Bas-Montreuil qui a d’abord tiré ce prix moyen
vers le haut. Source : bases BIEN de 1998 et 2007, association Paris Notaires.
2. Voir par exemple les activités de la société 2S Immo (www.2simmo.com).
Zachariasen & Poltorak (2006).
6. Quelques travaux font toutefois exception, notamment Bordreuil (1994), Bidou-
faufilant dans les maillons faibles du marché immobilier » (1984, p. 30). 120 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
nouveaux habitants se glissent dans les interstices d’un tissu urbain en transformation, se
suivant : dans le cadre des grandes tendances d’évolution qui affectent la capitale […], de
d’y habiter, avec pour seule transition le constat suivant : « Le processus semble être le
au cours des années 1980 et 1990, ont converti en logements d’anciens
entrepôts, usines, garages, locaux d’activités désaffectés3 et souvent déla-
à Paris, passe de l’exposition des motifs du « choix » de ce quartier à l’analyse des façons
5. Ainsi Sabine Chalvon-Demersay, à propos de la transformation du quartier Daguerre
Tissot (2011). brés, transformant à la fois le bâti, ses fonctions et sa valeur économique
4. Citons par exemple Bensoussan (1982), Chalvon-Demersay (1984) ou plus récemment et faisant évoluer les « règles du jeu » immobilier local.
logements sociaux illégaux... La production des espaces gentrifiés est au cœur des analyses de la
3. Certains bâtiments ayant de facto une nouvelle affectation illégale : ateliers clandestins, gentrification. Toutefois, alors que les dimensions sociales et symboliques
du « travail de gentrification » ont fait l’objet de nombreux travaux4, plus
gentrifieurs ayant transformé en logements d’anciens locaux d’activité rares sont ceux qui étudient les modalités de l’appropriation et de la
C’est ce que nous allons montrer à partir d’une enquête auprès de conversion des bâtiments, des « mètres carrés » habitables. Dans les théo-
le déclassement résidentiel auquel leurs seuls revenus les promettaient. ries marxistes, le problème est souvent supposé résolu par la seule force
ment permet de valoriser certaines ressources non financières et d’éviter des intérêts économiques. C’est le cas dans la théorie du différentiel de
Pour ceux-là, en retour, l’investissement dans la fabrication d’un loge- la rente foncière initialement défendue par Smith (1979), qui « suppose
bue aussi à « filtrer » les ménages à même de mener une telle entreprise. les consistances territoriales solubles dans les “eaux glacées du calcul
professionnels ou sociaux. La configuration du marché immobilier contri- égoïste” » (Bordreuil, 1994, p. 157) et que Smith lui-même amendera
ressources doivent pouvoir être mobilisées, et qui suppose de forts enjeux quelques années plus tard (1987). Mais c’est aussi le cas d’autres travaux,
représente en effet un important travail, au cours duquel de multiples plus anthropologiques, qui font référence aux « failles » du marché immo-
culier : acquérir et transformer d’anciens locaux d’activité en logements bilier sans expliciter la façon dont les nouveaux habitants s’y « glissent5 ».
que parmi les gentrifieurs, les « convertisseurs » présentent un profil parti- Peu de travaux6 étudient concrètement la nature de ces « interstices
sociaux. Elle montre, à Montreuil comme à SoHo ou à Sainte-Marthe, urbains » et la façon dont les premiers gentrifieurs s’y « faufilent » : par
seulement les modalités du changement urbain, mais aussi ses ressorts quel biais ils ont connaissance de leur existence, pourquoi ils les estiment
les transformer. Pourtant, l’analyse minutieuse de ces processus éclaire non « appropriables », quelles ressources ils mobilisent pour y accéder et pour
« appropriables », quelles ressources ils mobilisent pour y accéder et pour les transformer. Pourtant, l’analyse minutieuse de ces processus éclaire non
quel biais ils ont connaissance de leur existence, pourquoi ils les estiment seulement les modalités du changement urbain, mais aussi ses ressorts
urbains » et la façon dont les premiers gentrifieurs s’y « faufilent » : par sociaux. Elle montre, à Montreuil comme à SoHo ou à Sainte-Marthe,
Peu de travaux6 étudient concrètement la nature de ces « interstices que parmi les gentrifieurs, les « convertisseurs » présentent un profil parti-
bilier sans expliciter la façon dont les nouveaux habitants s’y « glissent5 ». culier : acquérir et transformer d’anciens locaux d’activité en logements
plus anthropologiques, qui font référence aux « failles » du marché immo- représente en effet un important travail, au cours duquel de multiples
quelques années plus tard (1987). Mais c’est aussi le cas d’autres travaux, ressources doivent pouvoir être mobilisées, et qui suppose de forts enjeux
égoïste” » (Bordreuil, 1994, p. 157) et que Smith lui-même amendera professionnels ou sociaux. La configuration du marché immobilier contri-
les consistances territoriales solubles dans les “eaux glacées du calcul bue aussi à « filtrer » les ménages à même de mener une telle entreprise.
la rente foncière initialement défendue par Smith (1979), qui « suppose Pour ceux-là, en retour, l’investissement dans la fabrication d’un loge-
des intérêts économiques. C’est le cas dans la théorie du différentiel de ment permet de valoriser certaines ressources non financières et d’éviter
ries marxistes, le problème est souvent supposé résolu par la seule force le déclassement résidentiel auquel leurs seuls revenus les promettaient.
conversion des bâtiments, des « mètres carrés » habitables. Dans les théo- C’est ce que nous allons montrer à partir d’une enquête auprès de
rares sont ceux qui étudient les modalités de l’appropriation et de la gentrifieurs ayant transformé en logements d’anciens locaux d’activité
du « travail de gentrification » ont fait l’objet de nombreux travaux4, plus
gentrification. Toutefois, alors que les dimensions sociales et symboliques 3. Certains bâtiments ayant de facto une nouvelle affectation illégale : ateliers clandestins,
La production des espaces gentrifiés est au cœur des analyses de la logements sociaux illégaux...
et faisant évoluer les « règles du jeu » immobilier local. 4. Citons par exemple Bensoussan (1982), Chalvon-Demersay (1984) ou plus récemment
brés, transformant à la fois le bâti, ses fonctions et sa valeur économique Tissot (2011).
entrepôts, usines, garages, locaux d’activités désaffectés3 et souvent déla- 5. Ainsi Sabine Chalvon-Demersay, à propos de la transformation du quartier Daguerre
à Paris, passe de l’exposition des motifs du « choix » de ce quartier à l’analyse des façons
d’y habiter, avec pour seule transition le constat suivant : « Le processus semble être le
au cours des années 1980 et 1990, ont converti en logements d’anciens
suivant : dans le cadre des grandes tendances d’évolution qui affectent la capitale […], de
nouveaux habitants se glissent dans les interstices d’un tissu urbain en transformation, se
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 120 faufilant dans les maillons faibles du marché immobilier » (1984, p. 30).
6. Quelques travaux font toutefois exception, notamment Bordreuil (1994), Bidou-
Zachariasen & Poltorak (2006).

Zachariasen & Poltorak (2006).


6. Quelques travaux font toutefois exception, notamment Bordreuil (1994), Bidou-
faufilant dans les maillons faibles du marché immobilier » (1984, p. 30). 120 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
nouveaux habitants se glissent dans les interstices d’un tissu urbain en transformation, se
suivant : dans le cadre des grandes tendances d’évolution qui affectent la capitale […], de
d’y habiter, avec pour seule transition le constat suivant : « Le processus semble être le
au cours des années 1980 et 1990, ont converti en logements d’anciens
entrepôts, usines, garages, locaux d’activités désaffectés3 et souvent déla-
à Paris, passe de l’exposition des motifs du « choix » de ce quartier à l’analyse des façons
5. Ainsi Sabine Chalvon-Demersay, à propos de la transformation du quartier Daguerre
Tissot (2011). brés, transformant à la fois le bâti, ses fonctions et sa valeur économique
4. Citons par exemple Bensoussan (1982), Chalvon-Demersay (1984) ou plus récemment et faisant évoluer les « règles du jeu » immobilier local.
logements sociaux illégaux... La production des espaces gentrifiés est au cœur des analyses de la
3. Certains bâtiments ayant de facto une nouvelle affectation illégale : ateliers clandestins, gentrification. Toutefois, alors que les dimensions sociales et symboliques
du « travail de gentrification » ont fait l’objet de nombreux travaux4, plus
gentrifieurs ayant transformé en logements d’anciens locaux d’activité rares sont ceux qui étudient les modalités de l’appropriation et de la
C’est ce que nous allons montrer à partir d’une enquête auprès de conversion des bâtiments, des « mètres carrés » habitables. Dans les théo-
le déclassement résidentiel auquel leurs seuls revenus les promettaient. ries marxistes, le problème est souvent supposé résolu par la seule force
ment permet de valoriser certaines ressources non financières et d’éviter des intérêts économiques. C’est le cas dans la théorie du différentiel de
Pour ceux-là, en retour, l’investissement dans la fabrication d’un loge- la rente foncière initialement défendue par Smith (1979), qui « suppose
bue aussi à « filtrer » les ménages à même de mener une telle entreprise. les consistances territoriales solubles dans les “eaux glacées du calcul
professionnels ou sociaux. La configuration du marché immobilier contri- égoïste” » (Bordreuil, 1994, p. 157) et que Smith lui-même amendera
ressources doivent pouvoir être mobilisées, et qui suppose de forts enjeux quelques années plus tard (1987). Mais c’est aussi le cas d’autres travaux,
représente en effet un important travail, au cours duquel de multiples plus anthropologiques, qui font référence aux « failles » du marché immo-
culier : acquérir et transformer d’anciens locaux d’activité en logements bilier sans expliciter la façon dont les nouveaux habitants s’y « glissent5 ».
que parmi les gentrifieurs, les « convertisseurs » présentent un profil parti- Peu de travaux6 étudient concrètement la nature de ces « interstices
sociaux. Elle montre, à Montreuil comme à SoHo ou à Sainte-Marthe, urbains » et la façon dont les premiers gentrifieurs s’y « faufilent » : par
seulement les modalités du changement urbain, mais aussi ses ressorts quel biais ils ont connaissance de leur existence, pourquoi ils les estiment
les transformer. Pourtant, l’analyse minutieuse de ces processus éclaire non « appropriables », quelles ressources ils mobilisent pour y accéder et pour
« appropriables », quelles ressources ils mobilisent pour y accéder et pour les transformer. Pourtant, l’analyse minutieuse de ces processus éclaire non
quel biais ils ont connaissance de leur existence, pourquoi ils les estiment seulement les modalités du changement urbain, mais aussi ses ressorts
urbains » et la façon dont les premiers gentrifieurs s’y « faufilent » : par sociaux. Elle montre, à Montreuil comme à SoHo ou à Sainte-Marthe,
Peu de travaux6 étudient concrètement la nature de ces « interstices que parmi les gentrifieurs, les « convertisseurs » présentent un profil parti-
bilier sans expliciter la façon dont les nouveaux habitants s’y « glissent5 ». culier : acquérir et transformer d’anciens locaux d’activité en logements
plus anthropologiques, qui font référence aux « failles » du marché immo- représente en effet un important travail, au cours duquel de multiples
quelques années plus tard (1987). Mais c’est aussi le cas d’autres travaux, ressources doivent pouvoir être mobilisées, et qui suppose de forts enjeux
égoïste” » (Bordreuil, 1994, p. 157) et que Smith lui-même amendera professionnels ou sociaux. La configuration du marché immobilier contri-
les consistances territoriales solubles dans les “eaux glacées du calcul bue aussi à « filtrer » les ménages à même de mener une telle entreprise.
la rente foncière initialement défendue par Smith (1979), qui « suppose Pour ceux-là, en retour, l’investissement dans la fabrication d’un loge-
des intérêts économiques. C’est le cas dans la théorie du différentiel de ment permet de valoriser certaines ressources non financières et d’éviter
ries marxistes, le problème est souvent supposé résolu par la seule force le déclassement résidentiel auquel leurs seuls revenus les promettaient.
conversion des bâtiments, des « mètres carrés » habitables. Dans les théo- C’est ce que nous allons montrer à partir d’une enquête auprès de
rares sont ceux qui étudient les modalités de l’appropriation et de la gentrifieurs ayant transformé en logements d’anciens locaux d’activité
du « travail de gentrification » ont fait l’objet de nombreux travaux4, plus
gentrification. Toutefois, alors que les dimensions sociales et symboliques 3. Certains bâtiments ayant de facto une nouvelle affectation illégale : ateliers clandestins,
La production des espaces gentrifiés est au cœur des analyses de la logements sociaux illégaux...
et faisant évoluer les « règles du jeu » immobilier local. 4. Citons par exemple Bensoussan (1982), Chalvon-Demersay (1984) ou plus récemment
brés, transformant à la fois le bâti, ses fonctions et sa valeur économique Tissot (2011).
entrepôts, usines, garages, locaux d’activités désaffectés3 et souvent déla- 5. Ainsi Sabine Chalvon-Demersay, à propos de la transformation du quartier Daguerre
à Paris, passe de l’exposition des motifs du « choix » de ce quartier à l’analyse des façons
d’y habiter, avec pour seule transition le constat suivant : « Le processus semble être le
au cours des années 1980 et 1990, ont converti en logements d’anciens
suivant : dans le cadre des grandes tendances d’évolution qui affectent la capitale […], de
nouveaux habitants se glissent dans les interstices d’un tissu urbain en transformation, se
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 120 faufilant dans les maillons faibles du marché immobilier » (1984, p. 30).
6. Quelques travaux font toutefois exception, notamment Bordreuil (1994), Bidou-
Zachariasen & Poltorak (2006).
cette période à celles de l’année 1998.
annexe) nous permet, dans une certaine mesure, de comparer les opérations réalisées sur
Anaïs Collet 121 9. La relative stabilité des prix de l’immobilier montreuillois de 1992 à 2001 (voir en
l’Université Paris-Dauphine grâce à laquelle j’ai eu accès à ces données.
ractéristiques des acquéreurs et des vendeurs. Je remercie la chaire Ville et Immobilier de
entre  1986 et  2001 dans le Bas-Montreuil. Ce travail auprès de ces bitation du parc ancien et fournit des informations sur le bien, le prix de vente, les ca-
convertisseurs s’inscrit dans une enquête ethnographique plus large sur
8. La base BIEN de 1998 recense exhaustivement les transactions de biens à usage d’ha-

les gentrifieurs arrivés dans le Bas-Montreuil entre 1986 et 2008. Nous


chap. 5 : « Valoriser des biens immobiliers singuliers », p. 401-481.
7. L’ensemble de ces résultats est exposé de façon plus détaillée dans Collet (2010),
nous appuierons ici plus particulièrement sur des entretiens approfondis
avec dix d’entre eux, qui ont entrepris des travaux de grande envergure des bâtiments sans commune mesure9. À titre d’exemple, pour environ
pour convertir en logements d’anciens locaux industriels ou d’anciennes 100 000  €, nos convertisseurs achètent, pour des montants équivalents,
maisons ouvrières. Les entretiens permettent, d’une part, de reconstituer moyenne des appartements de 55 m2 pour un budget moyen d’environ
minutieusement les étapes et les modalités pratiques, économiques et Paris et appartenant aux classes moyennes et supérieures acquièrent en
juridiques de la recherche, de l’acquisition et de la transformation de opérations étudiées ici ont eu lieu. Alors que les acquéreurs venant de
ces biens immobiliers, et d’autre part, de les replacer dans la trajectoire l’année 19988, point bas du cycle immobilier et année où plusieurs des
résidentielle, sociale et professionnelle des enquêtés. Ce matériau est par exemple le relevé des transactions enregistrées par les notaires pour
complété par des observations dans les intérieurs et par un travail sur le et répondent à des caractéristiques bien particulières, comme le montre
marché immobilier local reposant sur diverses sources (entretiens auprès l’image du quartier, elles restent toutefois quantitativement marginales
du personnel municipal et bases de données notariales notamment)7. ces opérations ont été largement médiatisées et ont contribué à changer
Nous présenterons d’abord le profil de ces convertisseurs ainsi que les tions immobilières qu’ils ont réalisées, importantes voire spectaculaires. Si
enjeux dans lesquels ils étaient pris, avant d’indiquer ce que le marché im- dans le Bas-Montreuil, les convertisseurs se distinguent par les opéra-
mobilier du Bas-Montreuil des années 1980-1990, dans sa configuration, Parmi l’ensemble des ménages gentrifieurs que nous avons rencontrés
pouvait présenter de relativement attractif pour eux. Nous montrerons
ensuite les ressources et les dispositions mobilisées dans la conversion de DE DÉCLASSEMENT RÉSIDENTIEL
ces biens immobiliers, et soulignerons enfin la revalorisation réciproque LES CONVERTISSEURS : DE JEUNES MÉNAGES MENACÉS
de l’habitat et de l’habitant qu’elle produit.
de l’habitat et de l’habitant qu’elle produit.
LES CONVERTISSEURS : DE JEUNES MÉNAGES MENACÉS ces biens immobiliers, et soulignerons enfin la revalorisation réciproque
DE DÉCLASSEMENT RÉSIDENTIEL ensuite les ressources et les dispositions mobilisées dans la conversion de
pouvait présenter de relativement attractif pour eux. Nous montrerons
Parmi l’ensemble des ménages gentrifieurs que nous avons rencontrés mobilier du Bas-Montreuil des années 1980-1990, dans sa configuration,
dans le Bas-Montreuil, les convertisseurs se distinguent par les opéra- enjeux dans lesquels ils étaient pris, avant d’indiquer ce que le marché im-
tions immobilières qu’ils ont réalisées, importantes voire spectaculaires. Si Nous présenterons d’abord le profil de ces convertisseurs ainsi que les
ces opérations ont été largement médiatisées et ont contribué à changer du personnel municipal et bases de données notariales notamment)7.
l’image du quartier, elles restent toutefois quantitativement marginales marché immobilier local reposant sur diverses sources (entretiens auprès
et répondent à des caractéristiques bien particulières, comme le montre complété par des observations dans les intérieurs et par un travail sur le
par exemple le relevé des transactions enregistrées par les notaires pour résidentielle, sociale et professionnelle des enquêtés. Ce matériau est
l’année 19988, point bas du cycle immobilier et année où plusieurs des ces biens immobiliers, et d’autre part, de les replacer dans la trajectoire
opérations étudiées ici ont eu lieu. Alors que les acquéreurs venant de juridiques de la recherche, de l’acquisition et de la transformation de
Paris et appartenant aux classes moyennes et supérieures acquièrent en minutieusement les étapes et les modalités pratiques, économiques et
moyenne des appartements de 55 m2 pour un budget moyen d’environ maisons ouvrières. Les entretiens permettent, d’une part, de reconstituer
100 000  €, nos convertisseurs achètent, pour des montants équivalents, pour convertir en logements d’anciens locaux industriels ou d’anciennes
des bâtiments sans commune mesure9. À titre d’exemple, pour environ avec dix d’entre eux, qui ont entrepris des travaux de grande envergure
nous appuierons ici plus particulièrement sur des entretiens approfondis
7. L’ensemble de ces résultats est exposé de façon plus détaillée dans Collet (2010), les gentrifieurs arrivés dans le Bas-Montreuil entre 1986 et 2008. Nous
chap. 5 : « Valoriser des biens immobiliers singuliers », p. 401-481.
convertisseurs s’inscrit dans une enquête ethnographique plus large sur
8. La base BIEN de 1998 recense exhaustivement les transactions de biens à usage d’ha-
bitation du parc ancien et fournit des informations sur le bien, le prix de vente, les ca-
entre  1986 et  2001 dans le Bas-Montreuil. Ce travail auprès de ces
ractéristiques des acquéreurs et des vendeurs. Je remercie la chaire Ville et Immobilier de
l’Université Paris-Dauphine grâce à laquelle j’ai eu accès à ces données.
9. La relative stabilité des prix de l’immobilier montreuillois de 1992 à 2001 (voir en 121 Anaïs Collet
annexe) nous permet, dans une certaine mesure, de comparer les opérations réalisées sur
cette période à celles de l’année 1998.

cette période à celles de l’année 1998.


annexe) nous permet, dans une certaine mesure, de comparer les opérations réalisées sur
Anaïs Collet 121 9. La relative stabilité des prix de l’immobilier montreuillois de 1992 à 2001 (voir en
l’Université Paris-Dauphine grâce à laquelle j’ai eu accès à ces données.
ractéristiques des acquéreurs et des vendeurs. Je remercie la chaire Ville et Immobilier de
entre  1986 et  2001 dans le Bas-Montreuil. Ce travail auprès de ces bitation du parc ancien et fournit des informations sur le bien, le prix de vente, les ca-
convertisseurs s’inscrit dans une enquête ethnographique plus large sur
8. La base BIEN de 1998 recense exhaustivement les transactions de biens à usage d’ha-

les gentrifieurs arrivés dans le Bas-Montreuil entre 1986 et 2008. Nous


chap. 5 : « Valoriser des biens immobiliers singuliers », p. 401-481.
7. L’ensemble de ces résultats est exposé de façon plus détaillée dans Collet (2010),
nous appuierons ici plus particulièrement sur des entretiens approfondis
avec dix d’entre eux, qui ont entrepris des travaux de grande envergure des bâtiments sans commune mesure9. À titre d’exemple, pour environ
pour convertir en logements d’anciens locaux industriels ou d’anciennes 100 000  €, nos convertisseurs achètent, pour des montants équivalents,
maisons ouvrières. Les entretiens permettent, d’une part, de reconstituer moyenne des appartements de 55 m2 pour un budget moyen d’environ
minutieusement les étapes et les modalités pratiques, économiques et Paris et appartenant aux classes moyennes et supérieures acquièrent en
juridiques de la recherche, de l’acquisition et de la transformation de opérations étudiées ici ont eu lieu. Alors que les acquéreurs venant de
ces biens immobiliers, et d’autre part, de les replacer dans la trajectoire l’année 19988, point bas du cycle immobilier et année où plusieurs des
résidentielle, sociale et professionnelle des enquêtés. Ce matériau est par exemple le relevé des transactions enregistrées par les notaires pour
complété par des observations dans les intérieurs et par un travail sur le et répondent à des caractéristiques bien particulières, comme le montre
marché immobilier local reposant sur diverses sources (entretiens auprès l’image du quartier, elles restent toutefois quantitativement marginales
du personnel municipal et bases de données notariales notamment)7. ces opérations ont été largement médiatisées et ont contribué à changer
Nous présenterons d’abord le profil de ces convertisseurs ainsi que les tions immobilières qu’ils ont réalisées, importantes voire spectaculaires. Si
enjeux dans lesquels ils étaient pris, avant d’indiquer ce que le marché im- dans le Bas-Montreuil, les convertisseurs se distinguent par les opéra-
mobilier du Bas-Montreuil des années 1980-1990, dans sa configuration, Parmi l’ensemble des ménages gentrifieurs que nous avons rencontrés
pouvait présenter de relativement attractif pour eux. Nous montrerons
ensuite les ressources et les dispositions mobilisées dans la conversion de DE DÉCLASSEMENT RÉSIDENTIEL
ces biens immobiliers, et soulignerons enfin la revalorisation réciproque LES CONVERTISSEURS : DE JEUNES MÉNAGES MENACÉS
de l’habitat et de l’habitant qu’elle produit.
de l’habitat et de l’habitant qu’elle produit.
LES CONVERTISSEURS : DE JEUNES MÉNAGES MENACÉS ces biens immobiliers, et soulignerons enfin la revalorisation réciproque
DE DÉCLASSEMENT RÉSIDENTIEL ensuite les ressources et les dispositions mobilisées dans la conversion de
pouvait présenter de relativement attractif pour eux. Nous montrerons
Parmi l’ensemble des ménages gentrifieurs que nous avons rencontrés mobilier du Bas-Montreuil des années 1980-1990, dans sa configuration,
dans le Bas-Montreuil, les convertisseurs se distinguent par les opéra- enjeux dans lesquels ils étaient pris, avant d’indiquer ce que le marché im-
tions immobilières qu’ils ont réalisées, importantes voire spectaculaires. Si Nous présenterons d’abord le profil de ces convertisseurs ainsi que les
ces opérations ont été largement médiatisées et ont contribué à changer du personnel municipal et bases de données notariales notamment)7.
l’image du quartier, elles restent toutefois quantitativement marginales marché immobilier local reposant sur diverses sources (entretiens auprès
et répondent à des caractéristiques bien particulières, comme le montre complété par des observations dans les intérieurs et par un travail sur le
par exemple le relevé des transactions enregistrées par les notaires pour résidentielle, sociale et professionnelle des enquêtés. Ce matériau est
l’année 19988, point bas du cycle immobilier et année où plusieurs des ces biens immobiliers, et d’autre part, de les replacer dans la trajectoire
opérations étudiées ici ont eu lieu. Alors que les acquéreurs venant de juridiques de la recherche, de l’acquisition et de la transformation de
Paris et appartenant aux classes moyennes et supérieures acquièrent en minutieusement les étapes et les modalités pratiques, économiques et
moyenne des appartements de 55 m2 pour un budget moyen d’environ maisons ouvrières. Les entretiens permettent, d’une part, de reconstituer
100 000  €, nos convertisseurs achètent, pour des montants équivalents, pour convertir en logements d’anciens locaux industriels ou d’anciennes
des bâtiments sans commune mesure9. À titre d’exemple, pour environ avec dix d’entre eux, qui ont entrepris des travaux de grande envergure
nous appuierons ici plus particulièrement sur des entretiens approfondis
7. L’ensemble de ces résultats est exposé de façon plus détaillée dans Collet (2010), les gentrifieurs arrivés dans le Bas-Montreuil entre 1986 et 2008. Nous
chap. 5 : « Valoriser des biens immobiliers singuliers », p. 401-481.
convertisseurs s’inscrit dans une enquête ethnographique plus large sur
8. La base BIEN de 1998 recense exhaustivement les transactions de biens à usage d’ha-
bitation du parc ancien et fournit des informations sur le bien, le prix de vente, les ca-
entre  1986 et  2001 dans le Bas-Montreuil. Ce travail auprès de ces
ractéristiques des acquéreurs et des vendeurs. Je remercie la chaire Ville et Immobilier de
l’Université Paris-Dauphine grâce à laquelle j’ai eu accès à ces données.
9. La relative stabilité des prix de l’immobilier montreuillois de 1992 à 2001 (voir en 121 Anaïs Collet
annexe) nous permet, dans une certaine mesure, de comparer les opérations réalisées sur
cette période à celles de l’année 1998.
Biau (1987) et Collet (2012).
métallique, prédominance du blanc, originalité des objets et de leur disposition, etc. Voir
11. Cuisine ouverte sur un vaste salon, jeux de niveaux, éclairage zénithal, baies à châssis 122 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
l’électricité ou à faire de la plomberie ; tous ont réalisé les revêtements des sols et des murs.
tains ont appris à casser et à monter une cloison, à couler une chape de béton, à installer
10. La toiture, le chauffage, l’isolation ont toujours été confiés à des professionnels ; cer-
90 000  €, une sculptrice achète en 1994 un lot de 170  m2 dans une
ancienne usine ; en 1996, pour 115 000 €, un graphiste et sa compagne
location, habitation illicite d’un atelier, etc.) qui deviennent caducs avec attachée de presse acquièrent un bâtiment de 300 m2 sur un terrain de
provisoires (hébergement gratuit par une grand-mère, colocation, sous- 420  m2  ; en 1999, une graphiste et son compagnon rédacteur de sites
Montreuil, tous ont réussi à se loger dans Paris grâce à des arrangements Internet achètent pour moins de 80 000 € un ancien local industriel de
logement social, auquel certains pourraient avoir droit. Avant d’arriver à près de 200 m2. Beaucoup plus vastes, ces bâtiments sont certes dans un
ou irréguliers – mais ils ne se sentent pas pour autant concernés par le tout autre état : parfois encore pleins de machines et de matériaux, ils né-
difficulté sur le marché locatif privé du fait de leurs revenus incertains cessitent des travaux importants pour devenir habitables. Isolation des
par le choix du statut d’indépendant dans le secteur culturel. Ils sont en murs et de la toiture, remplacement des fenêtres, installation du chauf-
ou des trajectoires ascendantes vécues comme inachevées et prolongées fage, mise aux normes de la plomberie et de l’électricité, réfection des
tiellement sur le plan symbolique (mais pas sur le plan économique), sols (chapes de béton et traitement des surfaces), habillage des murs... Ces
des trajectoires descendantes que le fait d’être « artiste » compense par- travaux, qui durent au minimum six mois et souvent plusieurs années, et
d’art, etc.). Ils ont aussi tous connu une mobilité sociale assez importante : dont les convertisseurs réalisent une grande partie eux-mêmes10, condui-
phiste, photographe, sculptrice, chef opérateur, décoratrice,  métallurgiste sent ces derniers à vivre dans des conditions « temporaires » qui durent
spectacle ou indépendant du secteur artistique, artisanal ou culturel (gra- souvent plus longtemps que prévu et que beaucoup jugeraient difficiles.
former des couples dont un des membres au moins est intermittent du Ces travaux ont en outre un coût élevé et, rapporté aux surfaces réel-
Ces gentrifieurs convertisseurs d’usines ont pour point commun de lement habitées toute l’année (à l’exclusion par exemple d’espaces non
d’entre eux) pour le transformer ? chauffés ou non isolés), le prix total au mètre carré de ces « logements »
particulier d’acheter un bien « pourri » (selon le mot utilisé par nombre est finalement comparable à celui du marché. Mais les espaces aména-
plus standard11. Qui sont donc ces convertisseurs qui ont fait ce choix très gés présentent souvent un caractère exceptionnel (quoique pas toujours
l’aménagement et la décoration de type loft les distinguent de logements luxueux) : leur vaste surface, la présence de cours ou de jardins, mais aussi
luxueux) : leur vaste surface, la présence de cours ou de jardins, mais aussi l’aménagement et la décoration de type loft les distinguent de logements
gés présentent souvent un caractère exceptionnel (quoique pas toujours plus standard11. Qui sont donc ces convertisseurs qui ont fait ce choix très
est finalement comparable à celui du marché. Mais les espaces aména- particulier d’acheter un bien « pourri » (selon le mot utilisé par nombre
chauffés ou non isolés), le prix total au mètre carré de ces « logements » d’entre eux) pour le transformer ?
lement habitées toute l’année (à l’exclusion par exemple d’espaces non Ces gentrifieurs convertisseurs d’usines ont pour point commun de
Ces travaux ont en outre un coût élevé et, rapporté aux surfaces réel- former des couples dont un des membres au moins est intermittent du
souvent plus longtemps que prévu et que beaucoup jugeraient difficiles. spectacle ou indépendant du secteur artistique, artisanal ou culturel (gra-
sent ces derniers à vivre dans des conditions « temporaires » qui durent phiste, photographe, sculptrice, chef opérateur, décoratrice,  métallurgiste
dont les convertisseurs réalisent une grande partie eux-mêmes10, condui- d’art, etc.). Ils ont aussi tous connu une mobilité sociale assez importante :
travaux, qui durent au minimum six mois et souvent plusieurs années, et des trajectoires descendantes que le fait d’être « artiste » compense par-
sols (chapes de béton et traitement des surfaces), habillage des murs... Ces tiellement sur le plan symbolique (mais pas sur le plan économique),
fage, mise aux normes de la plomberie et de l’électricité, réfection des ou des trajectoires ascendantes vécues comme inachevées et prolongées
murs et de la toiture, remplacement des fenêtres, installation du chauf- par le choix du statut d’indépendant dans le secteur culturel. Ils sont en
cessitent des travaux importants pour devenir habitables. Isolation des difficulté sur le marché locatif privé du fait de leurs revenus incertains
tout autre état : parfois encore pleins de machines et de matériaux, ils né- ou irréguliers – mais ils ne se sentent pas pour autant concernés par le
près de 200 m2. Beaucoup plus vastes, ces bâtiments sont certes dans un logement social, auquel certains pourraient avoir droit. Avant d’arriver à
Internet achètent pour moins de 80 000 € un ancien local industriel de Montreuil, tous ont réussi à se loger dans Paris grâce à des arrangements
420  m2  ; en 1999, une graphiste et son compagnon rédacteur de sites provisoires (hébergement gratuit par une grand-mère, colocation, sous-
attachée de presse acquièrent un bâtiment de 300 m2 sur un terrain de location, habitation illicite d’un atelier, etc.) qui deviennent caducs avec
ancienne usine ; en 1996, pour 115 000 €, un graphiste et sa compagne
10. La toiture, le chauffage, l’isolation ont toujours été confiés à des professionnels ; cer-
90 000  €, une sculptrice achète en 1994 un lot de 170  m2 dans une
tains ont appris à casser et à monter une cloison, à couler une chape de béton, à installer
l’électricité ou à faire de la plomberie ; tous ont réalisé les revêtements des sols et des murs.
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 122 11. Cuisine ouverte sur un vaste salon, jeux de niveaux, éclairage zénithal, baies à châssis
métallique, prédominance du blanc, originalité des objets et de leur disposition, etc. Voir
Biau (1987) et Collet (2012).

Biau (1987) et Collet (2012).


métallique, prédominance du blanc, originalité des objets et de leur disposition, etc. Voir
11. Cuisine ouverte sur un vaste salon, jeux de niveaux, éclairage zénithal, baies à châssis 122 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
l’électricité ou à faire de la plomberie ; tous ont réalisé les revêtements des sols et des murs.
tains ont appris à casser et à monter une cloison, à couler une chape de béton, à installer
10. La toiture, le chauffage, l’isolation ont toujours été confiés à des professionnels ; cer-
90 000  €, une sculptrice achète en 1994 un lot de 170  m2 dans une
ancienne usine ; en 1996, pour 115 000 €, un graphiste et sa compagne
location, habitation illicite d’un atelier, etc.) qui deviennent caducs avec attachée de presse acquièrent un bâtiment de 300 m2 sur un terrain de
provisoires (hébergement gratuit par une grand-mère, colocation, sous- 420  m2  ; en 1999, une graphiste et son compagnon rédacteur de sites
Montreuil, tous ont réussi à se loger dans Paris grâce à des arrangements Internet achètent pour moins de 80 000 € un ancien local industriel de
logement social, auquel certains pourraient avoir droit. Avant d’arriver à près de 200 m2. Beaucoup plus vastes, ces bâtiments sont certes dans un
ou irréguliers – mais ils ne se sentent pas pour autant concernés par le tout autre état : parfois encore pleins de machines et de matériaux, ils né-
difficulté sur le marché locatif privé du fait de leurs revenus incertains cessitent des travaux importants pour devenir habitables. Isolation des
par le choix du statut d’indépendant dans le secteur culturel. Ils sont en murs et de la toiture, remplacement des fenêtres, installation du chauf-
ou des trajectoires ascendantes vécues comme inachevées et prolongées fage, mise aux normes de la plomberie et de l’électricité, réfection des
tiellement sur le plan symbolique (mais pas sur le plan économique), sols (chapes de béton et traitement des surfaces), habillage des murs... Ces
des trajectoires descendantes que le fait d’être « artiste » compense par- travaux, qui durent au minimum six mois et souvent plusieurs années, et
d’art, etc.). Ils ont aussi tous connu une mobilité sociale assez importante : dont les convertisseurs réalisent une grande partie eux-mêmes10, condui-
phiste, photographe, sculptrice, chef opérateur, décoratrice,  métallurgiste sent ces derniers à vivre dans des conditions « temporaires » qui durent
spectacle ou indépendant du secteur artistique, artisanal ou culturel (gra- souvent plus longtemps que prévu et que beaucoup jugeraient difficiles.
former des couples dont un des membres au moins est intermittent du Ces travaux ont en outre un coût élevé et, rapporté aux surfaces réel-
Ces gentrifieurs convertisseurs d’usines ont pour point commun de lement habitées toute l’année (à l’exclusion par exemple d’espaces non
d’entre eux) pour le transformer ? chauffés ou non isolés), le prix total au mètre carré de ces « logements »
particulier d’acheter un bien « pourri » (selon le mot utilisé par nombre est finalement comparable à celui du marché. Mais les espaces aména-
plus standard11. Qui sont donc ces convertisseurs qui ont fait ce choix très gés présentent souvent un caractère exceptionnel (quoique pas toujours
l’aménagement et la décoration de type loft les distinguent de logements luxueux) : leur vaste surface, la présence de cours ou de jardins, mais aussi
luxueux) : leur vaste surface, la présence de cours ou de jardins, mais aussi l’aménagement et la décoration de type loft les distinguent de logements
gés présentent souvent un caractère exceptionnel (quoique pas toujours plus standard11. Qui sont donc ces convertisseurs qui ont fait ce choix très
est finalement comparable à celui du marché. Mais les espaces aména- particulier d’acheter un bien « pourri » (selon le mot utilisé par nombre
chauffés ou non isolés), le prix total au mètre carré de ces « logements » d’entre eux) pour le transformer ?
lement habitées toute l’année (à l’exclusion par exemple d’espaces non Ces gentrifieurs convertisseurs d’usines ont pour point commun de
Ces travaux ont en outre un coût élevé et, rapporté aux surfaces réel- former des couples dont un des membres au moins est intermittent du
souvent plus longtemps que prévu et que beaucoup jugeraient difficiles. spectacle ou indépendant du secteur artistique, artisanal ou culturel (gra-
sent ces derniers à vivre dans des conditions « temporaires » qui durent phiste, photographe, sculptrice, chef opérateur, décoratrice,  métallurgiste
dont les convertisseurs réalisent une grande partie eux-mêmes10, condui- d’art, etc.). Ils ont aussi tous connu une mobilité sociale assez importante :
travaux, qui durent au minimum six mois et souvent plusieurs années, et des trajectoires descendantes que le fait d’être « artiste » compense par-
sols (chapes de béton et traitement des surfaces), habillage des murs... Ces tiellement sur le plan symbolique (mais pas sur le plan économique),
fage, mise aux normes de la plomberie et de l’électricité, réfection des ou des trajectoires ascendantes vécues comme inachevées et prolongées
murs et de la toiture, remplacement des fenêtres, installation du chauf- par le choix du statut d’indépendant dans le secteur culturel. Ils sont en
cessitent des travaux importants pour devenir habitables. Isolation des difficulté sur le marché locatif privé du fait de leurs revenus incertains
tout autre état : parfois encore pleins de machines et de matériaux, ils né- ou irréguliers – mais ils ne se sentent pas pour autant concernés par le
près de 200 m2. Beaucoup plus vastes, ces bâtiments sont certes dans un logement social, auquel certains pourraient avoir droit. Avant d’arriver à
Internet achètent pour moins de 80 000 € un ancien local industriel de Montreuil, tous ont réussi à se loger dans Paris grâce à des arrangements
420  m2  ; en 1999, une graphiste et son compagnon rédacteur de sites provisoires (hébergement gratuit par une grand-mère, colocation, sous-
attachée de presse acquièrent un bâtiment de 300 m2 sur un terrain de location, habitation illicite d’un atelier, etc.) qui deviennent caducs avec
ancienne usine ; en 1996, pour 115 000 €, un graphiste et sa compagne
10. La toiture, le chauffage, l’isolation ont toujours été confiés à des professionnels ; cer-
90 000  €, une sculptrice achète en 1994 un lot de 170  m2 dans une
tains ont appris à casser et à monter une cloison, à couler une chape de béton, à installer
l’électricité ou à faire de la plomberie ; tous ont réalisé les revêtements des sols et des murs.
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 122 11. Cuisine ouverte sur un vaste salon, jeux de niveaux, éclairage zénithal, baies à châssis
métallique, prédominance du blanc, originalité des objets et de leur disposition, etc. Voir
Biau (1987) et Collet (2012).
d’environ 200 m2 permet de prolonger et de consolider une trajectoire
Anaïs Collet 123 Pour Julie, également graphiste, l’achat en 2000 d’une ancienne usine
les pas de ses parents.
des normes et la singularité, voir Heinich, 2005), et de revenir ainsi dans
l’arrivée du premier ou du deuxième enfant. La recherche d’un loge- de l’ethos artistique (la postérité plutôt que la prospérité, la transgression
ment familial se double alors du souhait (voire de la nécessité) de trou- ment même du lieu, de revendiquer un mode de vie et des goûts relevant
ver un espace de travail : un atelier pour sculpter, un bureau pour exercer espace pour créer, enfin, de faire preuve de créativité dans l’aménage-
comme graphiste ou journaliste free-lance, une salle de répétition ou de permettent pour la surface et la localisation, mais aussi de se doter d’un
danse, etc. Ils désirent en même temps rester le plus près possible de Paris permet non seulement de se loger au-dessus de ce que ses moyens lui
et notamment de l’Est parisien où se concentre leur réseau professionnel. en peinture. L’usine de 300 m2 qu’il trouve en 1996 pour 115 000 € lui
Leurs garanties étant insuffisantes comme locataires, ils font dès lors vendique un graphisme d’auteur et développe à côté un travail artistique
partie de ces rares « acquéreurs contraints » qui accèdent à la propriété chigne à négocier avec des clients et à exécuter des commandes. Il re-
pour contourner leurs difficultés sur le marché locatif. Ils cherchent aussi d’un architecte et d’une sculptrice issue d’une famille bourgeoise, il re-
à accéder à la propriété au moment de fonder une famille afin de réduire socioprofessionnelle descendante en s’affiliant à la figure de l’artiste : fils
l’incertitude qui pèse sur leurs trajectoires. Ils disposent pour cela d’un classement résidentiel mais aussi, pour Hugo, de rétablir une trajectoire
apport familial suffisant pour faire un emprunt et rassembler 100 000 € et, local à rénover ». Sous contrainte budgétaire, l’enjeu est d’éviter le dé-
avec ce budget moyen, font le choix de la surface au détriment de la loca- face à ce couple aux revenus aléatoires) et se met en quête d’un « grand
lisation et de l’état du bien. Puisque leur budget ne leur donne accès qu’à 100 000 € en tout), négocie un petit emprunt (les banques étant frileuses
des logements trop petits ou trop loin de Paris sur le marché des biens priété, le couple reçoit des aides financières des deux familles (environ
standard, ils se tournent vers les rebuts du marché pudiquement désignés Décidant d’un même mouvement de se marier et d’accéder à la pro-
comme biens atypiques – cet arbitrage sous contrainte étant transformé illicite dans un atelier de peinture avec sa compagne attachée de presse.
en projet : transformer un « bien pourri » en un logement personnalisé, dentielle précaire au moment de fonder une famille : il vit alors de façon
« valoriser quelque chose ». Le choix de ces surfaces exceptionnelles s’ex- Pour Hugo, graphiste free-lance, l’enjeu est de sortir d’une situation rési-
plique aussi par le besoin de contrebalancer leur départ en banlieue, qu’ils l’écart entre leurs aspirations résidentielles et leurs moyens financiers.
vivent comme un exil et un déclassement résidentiel. Ils misent ainsi sur leur capacité à convertir et à valoriser un bien très dégradé pour résoudre
leur capacité à convertir et à valoriser un bien très dégradé pour résoudre vivent comme un exil et un déclassement résidentiel. Ils misent ainsi sur
l’écart entre leurs aspirations résidentielles et leurs moyens financiers. plique aussi par le besoin de contrebalancer leur départ en banlieue, qu’ils
Pour Hugo, graphiste free-lance, l’enjeu est de sortir d’une situation rési- « valoriser quelque chose ». Le choix de ces surfaces exceptionnelles s’ex-
dentielle précaire au moment de fonder une famille : il vit alors de façon en projet : transformer un « bien pourri » en un logement personnalisé,
illicite dans un atelier de peinture avec sa compagne attachée de presse. comme biens atypiques – cet arbitrage sous contrainte étant transformé
Décidant d’un même mouvement de se marier et d’accéder à la pro- standard, ils se tournent vers les rebuts du marché pudiquement désignés
priété, le couple reçoit des aides financières des deux familles (environ des logements trop petits ou trop loin de Paris sur le marché des biens
100 000 € en tout), négocie un petit emprunt (les banques étant frileuses lisation et de l’état du bien. Puisque leur budget ne leur donne accès qu’à
face à ce couple aux revenus aléatoires) et se met en quête d’un « grand avec ce budget moyen, font le choix de la surface au détriment de la loca-
local à rénover ». Sous contrainte budgétaire, l’enjeu est d’éviter le dé- apport familial suffisant pour faire un emprunt et rassembler 100 000 € et,
classement résidentiel mais aussi, pour Hugo, de rétablir une trajectoire l’incertitude qui pèse sur leurs trajectoires. Ils disposent pour cela d’un
socioprofessionnelle descendante en s’affiliant à la figure de l’artiste : fils à accéder à la propriété au moment de fonder une famille afin de réduire
d’un architecte et d’une sculptrice issue d’une famille bourgeoise, il re- pour contourner leurs difficultés sur le marché locatif. Ils cherchent aussi
chigne à négocier avec des clients et à exécuter des commandes. Il re- partie de ces rares « acquéreurs contraints » qui accèdent à la propriété
vendique un graphisme d’auteur et développe à côté un travail artistique Leurs garanties étant insuffisantes comme locataires, ils font dès lors
en peinture. L’usine de 300 m2 qu’il trouve en 1996 pour 115 000 € lui et notamment de l’Est parisien où se concentre leur réseau professionnel.
permet non seulement de se loger au-dessus de ce que ses moyens lui danse, etc. Ils désirent en même temps rester le plus près possible de Paris
permettent pour la surface et la localisation, mais aussi de se doter d’un comme graphiste ou journaliste free-lance, une salle de répétition ou de
espace pour créer, enfin, de faire preuve de créativité dans l’aménage- ver un espace de travail : un atelier pour sculpter, un bureau pour exercer
ment même du lieu, de revendiquer un mode de vie et des goûts relevant ment familial se double alors du souhait (voire de la nécessité) de trou-
de l’ethos artistique (la postérité plutôt que la prospérité, la transgression l’arrivée du premier ou du deuxième enfant. La recherche d’un loge-
des normes et la singularité, voir Heinich, 2005), et de revenir ainsi dans
les pas de ses parents.
Pour Julie, également graphiste, l’achat en 2000 d’une ancienne usine 123 Anaïs Collet
d’environ 200 m2 permet de prolonger et de consolider une trajectoire

d’environ 200 m2 permet de prolonger et de consolider une trajectoire


Anaïs Collet 123 Pour Julie, également graphiste, l’achat en 2000 d’une ancienne usine
les pas de ses parents.
des normes et la singularité, voir Heinich, 2005), et de revenir ainsi dans
l’arrivée du premier ou du deuxième enfant. La recherche d’un loge- de l’ethos artistique (la postérité plutôt que la prospérité, la transgression
ment familial se double alors du souhait (voire de la nécessité) de trou- ment même du lieu, de revendiquer un mode de vie et des goûts relevant
ver un espace de travail : un atelier pour sculpter, un bureau pour exercer espace pour créer, enfin, de faire preuve de créativité dans l’aménage-
comme graphiste ou journaliste free-lance, une salle de répétition ou de permettent pour la surface et la localisation, mais aussi de se doter d’un
danse, etc. Ils désirent en même temps rester le plus près possible de Paris permet non seulement de se loger au-dessus de ce que ses moyens lui
et notamment de l’Est parisien où se concentre leur réseau professionnel. en peinture. L’usine de 300 m2 qu’il trouve en 1996 pour 115 000 € lui
Leurs garanties étant insuffisantes comme locataires, ils font dès lors vendique un graphisme d’auteur et développe à côté un travail artistique
partie de ces rares « acquéreurs contraints » qui accèdent à la propriété chigne à négocier avec des clients et à exécuter des commandes. Il re-
pour contourner leurs difficultés sur le marché locatif. Ils cherchent aussi d’un architecte et d’une sculptrice issue d’une famille bourgeoise, il re-
à accéder à la propriété au moment de fonder une famille afin de réduire socioprofessionnelle descendante en s’affiliant à la figure de l’artiste : fils
l’incertitude qui pèse sur leurs trajectoires. Ils disposent pour cela d’un classement résidentiel mais aussi, pour Hugo, de rétablir une trajectoire
apport familial suffisant pour faire un emprunt et rassembler 100 000 € et, local à rénover ». Sous contrainte budgétaire, l’enjeu est d’éviter le dé-
avec ce budget moyen, font le choix de la surface au détriment de la loca- face à ce couple aux revenus aléatoires) et se met en quête d’un « grand
lisation et de l’état du bien. Puisque leur budget ne leur donne accès qu’à 100 000 € en tout), négocie un petit emprunt (les banques étant frileuses
des logements trop petits ou trop loin de Paris sur le marché des biens priété, le couple reçoit des aides financières des deux familles (environ
standard, ils se tournent vers les rebuts du marché pudiquement désignés Décidant d’un même mouvement de se marier et d’accéder à la pro-
comme biens atypiques – cet arbitrage sous contrainte étant transformé illicite dans un atelier de peinture avec sa compagne attachée de presse.
en projet : transformer un « bien pourri » en un logement personnalisé, dentielle précaire au moment de fonder une famille : il vit alors de façon
« valoriser quelque chose ». Le choix de ces surfaces exceptionnelles s’ex- Pour Hugo, graphiste free-lance, l’enjeu est de sortir d’une situation rési-
plique aussi par le besoin de contrebalancer leur départ en banlieue, qu’ils l’écart entre leurs aspirations résidentielles et leurs moyens financiers.
vivent comme un exil et un déclassement résidentiel. Ils misent ainsi sur leur capacité à convertir et à valoriser un bien très dégradé pour résoudre
leur capacité à convertir et à valoriser un bien très dégradé pour résoudre vivent comme un exil et un déclassement résidentiel. Ils misent ainsi sur
l’écart entre leurs aspirations résidentielles et leurs moyens financiers. plique aussi par le besoin de contrebalancer leur départ en banlieue, qu’ils
Pour Hugo, graphiste free-lance, l’enjeu est de sortir d’une situation rési- « valoriser quelque chose ». Le choix de ces surfaces exceptionnelles s’ex-
dentielle précaire au moment de fonder une famille : il vit alors de façon en projet : transformer un « bien pourri » en un logement personnalisé,
illicite dans un atelier de peinture avec sa compagne attachée de presse. comme biens atypiques – cet arbitrage sous contrainte étant transformé
Décidant d’un même mouvement de se marier et d’accéder à la pro- standard, ils se tournent vers les rebuts du marché pudiquement désignés
priété, le couple reçoit des aides financières des deux familles (environ des logements trop petits ou trop loin de Paris sur le marché des biens
100 000 € en tout), négocie un petit emprunt (les banques étant frileuses lisation et de l’état du bien. Puisque leur budget ne leur donne accès qu’à
face à ce couple aux revenus aléatoires) et se met en quête d’un « grand avec ce budget moyen, font le choix de la surface au détriment de la loca-
local à rénover ». Sous contrainte budgétaire, l’enjeu est d’éviter le dé- apport familial suffisant pour faire un emprunt et rassembler 100 000 € et,
classement résidentiel mais aussi, pour Hugo, de rétablir une trajectoire l’incertitude qui pèse sur leurs trajectoires. Ils disposent pour cela d’un
socioprofessionnelle descendante en s’affiliant à la figure de l’artiste : fils à accéder à la propriété au moment de fonder une famille afin de réduire
d’un architecte et d’une sculptrice issue d’une famille bourgeoise, il re- pour contourner leurs difficultés sur le marché locatif. Ils cherchent aussi
chigne à négocier avec des clients et à exécuter des commandes. Il re- partie de ces rares « acquéreurs contraints » qui accèdent à la propriété
vendique un graphisme d’auteur et développe à côté un travail artistique Leurs garanties étant insuffisantes comme locataires, ils font dès lors
en peinture. L’usine de 300 m2 qu’il trouve en 1996 pour 115 000 € lui et notamment de l’Est parisien où se concentre leur réseau professionnel.
permet non seulement de se loger au-dessus de ce que ses moyens lui danse, etc. Ils désirent en même temps rester le plus près possible de Paris
permettent pour la surface et la localisation, mais aussi de se doter d’un comme graphiste ou journaliste free-lance, une salle de répétition ou de
espace pour créer, enfin, de faire preuve de créativité dans l’aménage- ver un espace de travail : un atelier pour sculpter, un bureau pour exercer
ment même du lieu, de revendiquer un mode de vie et des goûts relevant ment familial se double alors du souhait (voire de la nécessité) de trou-
de l’ethos artistique (la postérité plutôt que la prospérité, la transgression l’arrivée du premier ou du deuxième enfant. La recherche d’un loge-
des normes et la singularité, voir Heinich, 2005), et de revenir ainsi dans
les pas de ses parents.
Pour Julie, également graphiste, l’achat en 2000 d’une ancienne usine 123 Anaïs Collet
d’environ 200 m2 permet de prolonger et de consolider une trajectoire
entre 1976 et 1982 (Toubon et al., 1990). Dans un premier temps, la mairie
frappé le quartier de façon particulièrement dure : il a perdu 4 000 emplois 124 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
bâti s’est dégradé à la suite de la crise industrielle des années 1970 qui a
de maisons de ville souvent construites par les ouvriers eux-mêmes. Ce
bitat ouvrier de qualité médiocre, composé d’immeubles de rapport et ascendante réalisée au prix d’importants efforts. Fille d’un dessinateur
Autour de ces locaux d’activité de taille modeste s’est développé un ha- industriel et d’une institutrice, elle a grandi seule avec sa mère en HLM
imprimeries, petites usines de chimie, de métallurgie ou de mécanique. dans une commune proche de Montreuil, puis elle est partie vivre dans
rement de petits établissements – ateliers d’ébénisterie, de travail du cuir, Paris après des études de graphisme et d’architecture d’intérieur menées
fer pour accueillir des industries lourdes, le quartier a accueilli prioritai- à force d’acharnement. À 30 ans, en 1999, elle décide de concrétiser son
partir des années 1860, trop loin de la Seine et des voies de chemin de rêve d’accession à la propriété bien que, travaillant à son compte, elle ne
dégradé. Urbanisé dans le prolongement du faubourg Saint-Antoine à gagne pas plus de 1 000 € par mois. Elle loge alors avec son compagnon
gements du quartier ont été construits avant 1949), largement vieilli et (rédacteur) et leur premier enfant dans un deux-pièces de 30 m2 en rez-
caractérise par un bâti hétérogène, majoritairement ancien (60 % des lo- de-chaussée d’un immeuble du 14e arrondissement ; à côté du loyer (360 €
À la fin des années  1980, le parc immobilier du Bas-Montreuil se à deux), elle débourse encore 150 € par mois pour partager un espace de
ménages convertisseurs de réussir leurs transactions. travail avec d’autres indépendants. À la naissance de son deuxième enfant,
mettre en évidence les dispositifs d’intermédiation qui ont permis aux munie d’un petit apport (30 000 €), elle se met en quête d’un espace à ré-
paradigme de l’« économie des singularités » (Karpik, 2007 ; 2008) pour nover, en raison à la fois de son budget limité (140 000 € avec les prêts) et
une forte incertitude. On peut alors dans une certaine mesure s’aider du de sa formation d’architecte d’intérieur. Orientée vers Montreuil par les
qualité incertaine, et supposent des transactions également marquées par conseils convergents de quatre amis qui y vivent ou cherchent à y vivre, elle
tent sur des biens aux fonctions multiples, peu commensurables et à la y trouve une ancienne usine de métallurgie, qu’elle négocie pour moins
et des années 1990 révèle alors que les « conversions » étudiées ici por- de 100 000 € et où elle aménage un logement de 75 m2 et un petit bureau.
Une telle analyse appliquée au Bas-Montreuil de la fin des années 1980
que les rapports de forces locaux qui peuvent influer sur ces transactions. UN MARCHÉ DE SINGULARITÉS
règles officielles et officieuses autour de la vente ou de l’acquisition, ainsi
dérer non seulement les prix des biens, mais aussi leur type et leur état, les Étudier les caractéristiques d’un marché immobilier suppose de consi-
Étudier les caractéristiques d’un marché immobilier suppose de consi- dérer non seulement les prix des biens, mais aussi leur type et leur état, les
règles officielles et officieuses autour de la vente ou de l’acquisition, ainsi
UN MARCHÉ DE SINGULARITÉS que les rapports de forces locaux qui peuvent influer sur ces transactions.
Une telle analyse appliquée au Bas-Montreuil de la fin des années 1980
de 100 000 € et où elle aménage un logement de 75 m2 et un petit bureau. et des années 1990 révèle alors que les « conversions » étudiées ici por-
y trouve une ancienne usine de métallurgie, qu’elle négocie pour moins tent sur des biens aux fonctions multiples, peu commensurables et à la
conseils convergents de quatre amis qui y vivent ou cherchent à y vivre, elle qualité incertaine, et supposent des transactions également marquées par
de sa formation d’architecte d’intérieur. Orientée vers Montreuil par les une forte incertitude. On peut alors dans une certaine mesure s’aider du
nover, en raison à la fois de son budget limité (140 000 € avec les prêts) et paradigme de l’« économie des singularités » (Karpik, 2007 ; 2008) pour
munie d’un petit apport (30 000 €), elle se met en quête d’un espace à ré- mettre en évidence les dispositifs d’intermédiation qui ont permis aux
travail avec d’autres indépendants. À la naissance de son deuxième enfant, ménages convertisseurs de réussir leurs transactions.
à deux), elle débourse encore 150 € par mois pour partager un espace de À la fin des années  1980, le parc immobilier du Bas-Montreuil se
de-chaussée d’un immeuble du 14e arrondissement ; à côté du loyer (360 € caractérise par un bâti hétérogène, majoritairement ancien (60 % des lo-
(rédacteur) et leur premier enfant dans un deux-pièces de 30 m2 en rez- gements du quartier ont été construits avant 1949), largement vieilli et
gagne pas plus de 1 000 € par mois. Elle loge alors avec son compagnon dégradé. Urbanisé dans le prolongement du faubourg Saint-Antoine à
rêve d’accession à la propriété bien que, travaillant à son compte, elle ne partir des années 1860, trop loin de la Seine et des voies de chemin de
à force d’acharnement. À 30 ans, en 1999, elle décide de concrétiser son fer pour accueillir des industries lourdes, le quartier a accueilli prioritai-
Paris après des études de graphisme et d’architecture d’intérieur menées rement de petits établissements – ateliers d’ébénisterie, de travail du cuir,
dans une commune proche de Montreuil, puis elle est partie vivre dans imprimeries, petites usines de chimie, de métallurgie ou de mécanique.
industriel et d’une institutrice, elle a grandi seule avec sa mère en HLM Autour de ces locaux d’activité de taille modeste s’est développé un ha-
ascendante réalisée au prix d’importants efforts. Fille d’un dessinateur bitat ouvrier de qualité médiocre, composé d’immeubles de rapport et
de maisons de ville souvent construites par les ouvriers eux-mêmes. Ce
bâti s’est dégradé à la suite de la crise industrielle des années 1970 qui a
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 124 frappé le quartier de façon particulièrement dure : il a perdu 4 000 emplois
entre 1976 et 1982 (Toubon et al., 1990). Dans un premier temps, la mairie

entre 1976 et 1982 (Toubon et al., 1990). Dans un premier temps, la mairie


frappé le quartier de façon particulièrement dure : il a perdu 4 000 emplois 124 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
bâti s’est dégradé à la suite de la crise industrielle des années 1970 qui a
de maisons de ville souvent construites par les ouvriers eux-mêmes. Ce
bitat ouvrier de qualité médiocre, composé d’immeubles de rapport et ascendante réalisée au prix d’importants efforts. Fille d’un dessinateur
Autour de ces locaux d’activité de taille modeste s’est développé un ha- industriel et d’une institutrice, elle a grandi seule avec sa mère en HLM
imprimeries, petites usines de chimie, de métallurgie ou de mécanique. dans une commune proche de Montreuil, puis elle est partie vivre dans
rement de petits établissements – ateliers d’ébénisterie, de travail du cuir, Paris après des études de graphisme et d’architecture d’intérieur menées
fer pour accueillir des industries lourdes, le quartier a accueilli prioritai- à force d’acharnement. À 30 ans, en 1999, elle décide de concrétiser son
partir des années 1860, trop loin de la Seine et des voies de chemin de rêve d’accession à la propriété bien que, travaillant à son compte, elle ne
dégradé. Urbanisé dans le prolongement du faubourg Saint-Antoine à gagne pas plus de 1 000 € par mois. Elle loge alors avec son compagnon
gements du quartier ont été construits avant 1949), largement vieilli et (rédacteur) et leur premier enfant dans un deux-pièces de 30 m2 en rez-
caractérise par un bâti hétérogène, majoritairement ancien (60 % des lo- de-chaussée d’un immeuble du 14e arrondissement ; à côté du loyer (360 €
À la fin des années  1980, le parc immobilier du Bas-Montreuil se à deux), elle débourse encore 150 € par mois pour partager un espace de
ménages convertisseurs de réussir leurs transactions. travail avec d’autres indépendants. À la naissance de son deuxième enfant,
mettre en évidence les dispositifs d’intermédiation qui ont permis aux munie d’un petit apport (30 000 €), elle se met en quête d’un espace à ré-
paradigme de l’« économie des singularités » (Karpik, 2007 ; 2008) pour nover, en raison à la fois de son budget limité (140 000 € avec les prêts) et
une forte incertitude. On peut alors dans une certaine mesure s’aider du de sa formation d’architecte d’intérieur. Orientée vers Montreuil par les
qualité incertaine, et supposent des transactions également marquées par conseils convergents de quatre amis qui y vivent ou cherchent à y vivre, elle
tent sur des biens aux fonctions multiples, peu commensurables et à la y trouve une ancienne usine de métallurgie, qu’elle négocie pour moins
et des années 1990 révèle alors que les « conversions » étudiées ici por- de 100 000 € et où elle aménage un logement de 75 m2 et un petit bureau.
Une telle analyse appliquée au Bas-Montreuil de la fin des années 1980
que les rapports de forces locaux qui peuvent influer sur ces transactions. UN MARCHÉ DE SINGULARITÉS
règles officielles et officieuses autour de la vente ou de l’acquisition, ainsi
dérer non seulement les prix des biens, mais aussi leur type et leur état, les Étudier les caractéristiques d’un marché immobilier suppose de consi-
Étudier les caractéristiques d’un marché immobilier suppose de consi- dérer non seulement les prix des biens, mais aussi leur type et leur état, les
règles officielles et officieuses autour de la vente ou de l’acquisition, ainsi
UN MARCHÉ DE SINGULARITÉS que les rapports de forces locaux qui peuvent influer sur ces transactions.
Une telle analyse appliquée au Bas-Montreuil de la fin des années 1980
de 100 000 € et où elle aménage un logement de 75 m2 et un petit bureau. et des années 1990 révèle alors que les « conversions » étudiées ici por-
y trouve une ancienne usine de métallurgie, qu’elle négocie pour moins tent sur des biens aux fonctions multiples, peu commensurables et à la
conseils convergents de quatre amis qui y vivent ou cherchent à y vivre, elle qualité incertaine, et supposent des transactions également marquées par
de sa formation d’architecte d’intérieur. Orientée vers Montreuil par les une forte incertitude. On peut alors dans une certaine mesure s’aider du
nover, en raison à la fois de son budget limité (140 000 € avec les prêts) et paradigme de l’« économie des singularités » (Karpik, 2007 ; 2008) pour
munie d’un petit apport (30 000 €), elle se met en quête d’un espace à ré- mettre en évidence les dispositifs d’intermédiation qui ont permis aux
travail avec d’autres indépendants. À la naissance de son deuxième enfant, ménages convertisseurs de réussir leurs transactions.
à deux), elle débourse encore 150 € par mois pour partager un espace de À la fin des années  1980, le parc immobilier du Bas-Montreuil se
de-chaussée d’un immeuble du 14e arrondissement ; à côté du loyer (360 € caractérise par un bâti hétérogène, majoritairement ancien (60 % des lo-
(rédacteur) et leur premier enfant dans un deux-pièces de 30 m2 en rez- gements du quartier ont été construits avant 1949), largement vieilli et
gagne pas plus de 1 000 € par mois. Elle loge alors avec son compagnon dégradé. Urbanisé dans le prolongement du faubourg Saint-Antoine à
rêve d’accession à la propriété bien que, travaillant à son compte, elle ne partir des années 1860, trop loin de la Seine et des voies de chemin de
à force d’acharnement. À 30 ans, en 1999, elle décide de concrétiser son fer pour accueillir des industries lourdes, le quartier a accueilli prioritai-
Paris après des études de graphisme et d’architecture d’intérieur menées rement de petits établissements – ateliers d’ébénisterie, de travail du cuir,
dans une commune proche de Montreuil, puis elle est partie vivre dans imprimeries, petites usines de chimie, de métallurgie ou de mécanique.
industriel et d’une institutrice, elle a grandi seule avec sa mère en HLM Autour de ces locaux d’activité de taille modeste s’est développé un ha-
ascendante réalisée au prix d’importants efforts. Fille d’un dessinateur bitat ouvrier de qualité médiocre, composé d’immeubles de rapport et
de maisons de ville souvent construites par les ouvriers eux-mêmes. Ce
bâti s’est dégradé à la suite de la crise industrielle des années 1970 qui a
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 124 frappé le quartier de façon particulièrement dure : il a perdu 4 000 emplois
entre 1976 et 1982 (Toubon et al., 1990). Dans un premier temps, la mairie
12. Respectivement plan d’occupation des sols et coefficient d’occupation des sols.

Anaïs Collet 125 des mesures de maîtrise de l’occupation des sols. L’usage du droit de
mairie dans ses opérations d’aménagement et accentue les effets pervers
Mais la bulle immobilière de la période 1987-1995 met en difficulté la
communiste n’a pas cru au caractère définitif de la désindustrialisation en dire de locaux d’activités tertiaires dans d’anciennes usines).
Île-de-France et a opté pour une politique de conservation industrielle gements sociaux et aménagement de centres d’activité de pointe, c’est-à-
via l’urbanisme réglementaire (POS contraignant, COS12 industriel élevé société d’économie mixte municipale garde la main, construction de lo-
et COS résidentiel bas ou nul). Un projet d’autoroute, plus tard aban- spontanées (création de zones d’aménagement concerté sur lesquelles la
donné, a aussi conduit à geler un temps les terrains de la partie sud du d’envergure destinées à accompagner et à encadrer les transformations
quartier. Ces mesures ont surtout conduit à la multiplication des friches d’affectation des locaux d’activité) et des opérations d’aménagement
industrielles et à la dégradation des logements, que leurs propriétaires urbain renforcé sur toute la commune, contrôle renforcé du changement
n’étaient plus incités à entretenir. À la fin des années 1980, on recensait très bas pour éloigner les promoteurs gourmands, droit de préemption
39 zones de friches dans la ville, qui couvraient 14 ha dans le seul Bas- traditionnelles de maîtrise de l’occupation des sols (fixation d’un COS
Montreuil. La « réserve industrielle » s’est progressivement transformée de la spéculation immobilière, elle réalise un compromis entre les mesures
en zone d’accueil pour les ménages les plus fragiles poussés hors de Paris de l’emploi industriel, au délabrement du bâti et à la pression croissante
par la hausse des prix de l’immobilier à la fin des années 1980 et pour les les changements que connaît de facto le quartier. Pour répondre à la chute
étrangers n’ayant pas accès au logement social. muniste, a en effet changé d’optique et décidé de reprendre la main sur
Ces friches industrielles, ces ateliers désaffectés, ces logements vétustes La nouvelle équipe municipale élue en 1984, toujours à majorité com-
occupés par une population vieillissante vont intéresser particulièrement professionnels de l’immobilier.
les jeunes professionnels à la recherche de locaux, puis les familles pari- tations, mais aussi parce qu’ils intéressent également pouvoirs publics et
siennes peu fortunées que nous avons décrites. Ce sont toutefois des biens comme on le souhaite, d’abord parce qu’ils n’ont pas le statut d’habi-
très incertains du point de vue de leur qualité comme futurs logements : stratégique » concernant la possibilité de les acquérir et de les utiliser
à quel point sont-ils pollués par les produits chimiques ? Que valent les À cette « incertitude sur la qualité » des biens s’ajoute une « incertitude
murs et la toiture ? Sera-t-il possible de chauffer l’édifice ? L’acoustique en cas de revente, pourra-t-on rentabiliser les dépenses d’aménagement ?
sera-t-elle adaptée à un usage d’habitation ? La valeur d’échange de ces biens est également incertaine, dans un marché local en transformation :
biens est également incertaine, dans un marché local en transformation : sera-t-elle adaptée à un usage d’habitation ? La valeur d’échange de ces
en cas de revente, pourra-t-on rentabiliser les dépenses d’aménagement ? murs et la toiture ? Sera-t-il possible de chauffer l’édifice ? L’acoustique
À cette « incertitude sur la qualité » des biens s’ajoute une « incertitude à quel point sont-ils pollués par les produits chimiques ? Que valent les
stratégique » concernant la possibilité de les acquérir et de les utiliser très incertains du point de vue de leur qualité comme futurs logements :
comme on le souhaite, d’abord parce qu’ils n’ont pas le statut d’habi- siennes peu fortunées que nous avons décrites. Ce sont toutefois des biens
tations, mais aussi parce qu’ils intéressent également pouvoirs publics et les jeunes professionnels à la recherche de locaux, puis les familles pari-
professionnels de l’immobilier. occupés par une population vieillissante vont intéresser particulièrement
La nouvelle équipe municipale élue en 1984, toujours à majorité com- Ces friches industrielles, ces ateliers désaffectés, ces logements vétustes
muniste, a en effet changé d’optique et décidé de reprendre la main sur étrangers n’ayant pas accès au logement social.
les changements que connaît de facto le quartier. Pour répondre à la chute par la hausse des prix de l’immobilier à la fin des années 1980 et pour les
de l’emploi industriel, au délabrement du bâti et à la pression croissante en zone d’accueil pour les ménages les plus fragiles poussés hors de Paris
de la spéculation immobilière, elle réalise un compromis entre les mesures Montreuil. La « réserve industrielle » s’est progressivement transformée
traditionnelles de maîtrise de l’occupation des sols (fixation d’un COS 39 zones de friches dans la ville, qui couvraient 14 ha dans le seul Bas-
très bas pour éloigner les promoteurs gourmands, droit de préemption n’étaient plus incités à entretenir. À la fin des années 1980, on recensait
urbain renforcé sur toute la commune, contrôle renforcé du changement industrielles et à la dégradation des logements, que leurs propriétaires
d’affectation des locaux d’activité) et des opérations d’aménagement quartier. Ces mesures ont surtout conduit à la multiplication des friches
d’envergure destinées à accompagner et à encadrer les transformations donné, a aussi conduit à geler un temps les terrains de la partie sud du
spontanées (création de zones d’aménagement concerté sur lesquelles la et COS résidentiel bas ou nul). Un projet d’autoroute, plus tard aban-
société d’économie mixte municipale garde la main, construction de lo- via l’urbanisme réglementaire (POS contraignant, COS12 industriel élevé
gements sociaux et aménagement de centres d’activité de pointe, c’est-à- Île-de-France et a opté pour une politique de conservation industrielle
dire de locaux d’activités tertiaires dans d’anciennes usines). communiste n’a pas cru au caractère définitif de la désindustrialisation en
Mais la bulle immobilière de la période 1987-1995 met en difficulté la
mairie dans ses opérations d’aménagement et accentue les effets pervers
des mesures de maîtrise de l’occupation des sols. L’usage du droit de 125 Anaïs Collet

12. Respectivement plan d’occupation des sols et coefficient d’occupation des sols.

12. Respectivement plan d’occupation des sols et coefficient d’occupation des sols.

Anaïs Collet 125 des mesures de maîtrise de l’occupation des sols. L’usage du droit de
mairie dans ses opérations d’aménagement et accentue les effets pervers
Mais la bulle immobilière de la période 1987-1995 met en difficulté la
communiste n’a pas cru au caractère définitif de la désindustrialisation en dire de locaux d’activités tertiaires dans d’anciennes usines).
Île-de-France et a opté pour une politique de conservation industrielle gements sociaux et aménagement de centres d’activité de pointe, c’est-à-
via l’urbanisme réglementaire (POS contraignant, COS12 industriel élevé société d’économie mixte municipale garde la main, construction de lo-
et COS résidentiel bas ou nul). Un projet d’autoroute, plus tard aban- spontanées (création de zones d’aménagement concerté sur lesquelles la
donné, a aussi conduit à geler un temps les terrains de la partie sud du d’envergure destinées à accompagner et à encadrer les transformations
quartier. Ces mesures ont surtout conduit à la multiplication des friches d’affectation des locaux d’activité) et des opérations d’aménagement
industrielles et à la dégradation des logements, que leurs propriétaires urbain renforcé sur toute la commune, contrôle renforcé du changement
n’étaient plus incités à entretenir. À la fin des années 1980, on recensait très bas pour éloigner les promoteurs gourmands, droit de préemption
39 zones de friches dans la ville, qui couvraient 14 ha dans le seul Bas- traditionnelles de maîtrise de l’occupation des sols (fixation d’un COS
Montreuil. La « réserve industrielle » s’est progressivement transformée de la spéculation immobilière, elle réalise un compromis entre les mesures
en zone d’accueil pour les ménages les plus fragiles poussés hors de Paris de l’emploi industriel, au délabrement du bâti et à la pression croissante
par la hausse des prix de l’immobilier à la fin des années 1980 et pour les les changements que connaît de facto le quartier. Pour répondre à la chute
étrangers n’ayant pas accès au logement social. muniste, a en effet changé d’optique et décidé de reprendre la main sur
Ces friches industrielles, ces ateliers désaffectés, ces logements vétustes La nouvelle équipe municipale élue en 1984, toujours à majorité com-
occupés par une population vieillissante vont intéresser particulièrement professionnels de l’immobilier.
les jeunes professionnels à la recherche de locaux, puis les familles pari- tations, mais aussi parce qu’ils intéressent également pouvoirs publics et
siennes peu fortunées que nous avons décrites. Ce sont toutefois des biens comme on le souhaite, d’abord parce qu’ils n’ont pas le statut d’habi-
très incertains du point de vue de leur qualité comme futurs logements : stratégique » concernant la possibilité de les acquérir et de les utiliser
à quel point sont-ils pollués par les produits chimiques ? Que valent les À cette « incertitude sur la qualité » des biens s’ajoute une « incertitude
murs et la toiture ? Sera-t-il possible de chauffer l’édifice ? L’acoustique en cas de revente, pourra-t-on rentabiliser les dépenses d’aménagement ?
sera-t-elle adaptée à un usage d’habitation ? La valeur d’échange de ces biens est également incertaine, dans un marché local en transformation :
biens est également incertaine, dans un marché local en transformation : sera-t-elle adaptée à un usage d’habitation ? La valeur d’échange de ces
en cas de revente, pourra-t-on rentabiliser les dépenses d’aménagement ? murs et la toiture ? Sera-t-il possible de chauffer l’édifice ? L’acoustique
À cette « incertitude sur la qualité » des biens s’ajoute une « incertitude à quel point sont-ils pollués par les produits chimiques ? Que valent les
stratégique » concernant la possibilité de les acquérir et de les utiliser très incertains du point de vue de leur qualité comme futurs logements :
comme on le souhaite, d’abord parce qu’ils n’ont pas le statut d’habi- siennes peu fortunées que nous avons décrites. Ce sont toutefois des biens
tations, mais aussi parce qu’ils intéressent également pouvoirs publics et les jeunes professionnels à la recherche de locaux, puis les familles pari-
professionnels de l’immobilier. occupés par une population vieillissante vont intéresser particulièrement
La nouvelle équipe municipale élue en 1984, toujours à majorité com- Ces friches industrielles, ces ateliers désaffectés, ces logements vétustes
muniste, a en effet changé d’optique et décidé de reprendre la main sur étrangers n’ayant pas accès au logement social.
les changements que connaît de facto le quartier. Pour répondre à la chute par la hausse des prix de l’immobilier à la fin des années 1980 et pour les
de l’emploi industriel, au délabrement du bâti et à la pression croissante en zone d’accueil pour les ménages les plus fragiles poussés hors de Paris
de la spéculation immobilière, elle réalise un compromis entre les mesures Montreuil. La « réserve industrielle » s’est progressivement transformée
traditionnelles de maîtrise de l’occupation des sols (fixation d’un COS 39 zones de friches dans la ville, qui couvraient 14 ha dans le seul Bas-
très bas pour éloigner les promoteurs gourmands, droit de préemption n’étaient plus incités à entretenir. À la fin des années 1980, on recensait
urbain renforcé sur toute la commune, contrôle renforcé du changement industrielles et à la dégradation des logements, que leurs propriétaires
d’affectation des locaux d’activité) et des opérations d’aménagement quartier. Ces mesures ont surtout conduit à la multiplication des friches
d’envergure destinées à accompagner et à encadrer les transformations donné, a aussi conduit à geler un temps les terrains de la partie sud du
spontanées (création de zones d’aménagement concerté sur lesquelles la et COS résidentiel bas ou nul). Un projet d’autoroute, plus tard aban-
société d’économie mixte municipale garde la main, construction de lo- via l’urbanisme réglementaire (POS contraignant, COS12 industriel élevé
gements sociaux et aménagement de centres d’activité de pointe, c’est-à- Île-de-France et a opté pour une politique de conservation industrielle
dire de locaux d’activités tertiaires dans d’anciennes usines). communiste n’a pas cru au caractère définitif de la désindustrialisation en
Mais la bulle immobilière de la période 1987-1995 met en difficulté la
mairie dans ses opérations d’aménagement et accentue les effets pervers
des mesures de maîtrise de l’occupation des sols. L’usage du droit de 125 Anaïs Collet

12. Respectivement plan d’occupation des sols et coefficient d’occupation des sols.


régulateurs se voient affaiblis, que des particuliers ont quelque chance de
investi par les professionnels les plus puissants mais où les pouvoirs publics 126 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
tions et réduit ses marges de manœuvre. C’est donc sur ce marché peu
années 1990, par la bulle immobilière qui renchérit toutes ses interven-
sur ce marché. Mais elle se trouve elle-même affaiblie, au tournant des préemption, en particulier, a des conséquences ambivalentes en contexte
ler et de faire augmenter rapidement les prix – d’intervenir à leur guise de forte hausse générale des prix : en favorisant une certaine inertie du
dissuadé les professionnels de l’immobilier – jugés susceptibles de spécu- marché et une stagnation des prix (résultat direct du contrôle des transac-
contrôle sur le devenir des sols et des bâtiments, l’équipe municipale a tions mais aussi d’une forme de dissuasion sur les investissements d’entre-
d’acteurs susceptibles d’intervenir sur ce marché  : en exerçant un fort tien et les mises en vente), il conduit dans ce contexte à un creusement
Ajoutons un mot sur les rapports de force locaux entre ces trois types de l’écart de prix avec Paris qui rend les transactions illicites de plus en
généralement convoités par des acteurs plus institutionnels. plus intéressantes. En déclarant la vente à un prix suffisamment bas pour
liers peu fortunés mais dotés d’autres ressources à des biens atypiques ne pas déclencher la préemption et en négociant un prix réel supérieur
être contournées ou négociées) qui rendent possible l’accès de particu- à ce prix officiel mais inférieur au prix du marché parisien, acquéreurs
évitées et que les règles encadrant les changements d’affectation puissent comme vendeurs se trouvent gagnants, à condition d’accepter de réaliser
de l’administration municipale (le fait que les préemptions puissent être une partie de la transaction au noir. Un certain nombre de marchands de
comme les gros promoteurs, soit freiné par les pouvoirs publics) et celles biens sont d’ailleurs familiers de cette manœuvre et jouent avec certaines
valorisés comme tels, le fait que l’accès de certains acteurs du marché, clauses d’achat pour s’imposer comme intermédiaires et réaliser rapide-
biens ne soient pas encore incorporés au marché des logements et donc ment d’importantes plus-values. Relativement fréquente d’après notre
contrôle des prix du fait de l’usage du droit de préemption, le fait que ces enquête, la pratique des dessous-de-table a ainsi conduit à une certaine
nous avons dressé le portrait. Ce sont les « défaillances » du marché (le opacité du marché et a constitué un filtre qui a « sélectionné » des acqué-
l’administration, qui excluraient l’une comme l’autre les particuliers dont reurs disposés, pour une raison ou une autre, à mener une opération ris-
manœuvre entre la seule régulation par les prix et la seule régulation par quée et à se mettre en défaut avec la loi. D’autre part, la règle dite « des
Les « interstices », les « failles » du marché, ce sont donc ces marges de 80 / 20 », qui autorisait le changement d’affectation d’un maximum de
et des arguments des demandeurs. 20 % de la surface des locaux d’activité, a conduit à des contournements,
ou à des négociations dont l’issue dépendait alors en partie des ressources des travaux étant réalisés sans déclaration ou sur la base de permis fictifs,
des travaux étant réalisés sans déclaration ou sur la base de permis fictifs, ou à des négociations dont l’issue dépendait alors en partie des ressources
20 % de la surface des locaux d’activité, a conduit à des contournements, et des arguments des demandeurs.
80 / 20 », qui autorisait le changement d’affectation d’un maximum de Les « interstices », les « failles » du marché, ce sont donc ces marges de
quée et à se mettre en défaut avec la loi. D’autre part, la règle dite « des manœuvre entre la seule régulation par les prix et la seule régulation par
reurs disposés, pour une raison ou une autre, à mener une opération ris- l’administration, qui excluraient l’une comme l’autre les particuliers dont
opacité du marché et a constitué un filtre qui a « sélectionné » des acqué- nous avons dressé le portrait. Ce sont les « défaillances » du marché (le
enquête, la pratique des dessous-de-table a ainsi conduit à une certaine contrôle des prix du fait de l’usage du droit de préemption, le fait que ces
ment d’importantes plus-values. Relativement fréquente d’après notre biens ne soient pas encore incorporés au marché des logements et donc
clauses d’achat pour s’imposer comme intermédiaires et réaliser rapide- valorisés comme tels, le fait que l’accès de certains acteurs du marché,
biens sont d’ailleurs familiers de cette manœuvre et jouent avec certaines comme les gros promoteurs, soit freiné par les pouvoirs publics) et celles
une partie de la transaction au noir. Un certain nombre de marchands de de l’administration municipale (le fait que les préemptions puissent être
comme vendeurs se trouvent gagnants, à condition d’accepter de réaliser évitées et que les règles encadrant les changements d’affectation puissent
à ce prix officiel mais inférieur au prix du marché parisien, acquéreurs être contournées ou négociées) qui rendent possible l’accès de particu-
ne pas déclencher la préemption et en négociant un prix réel supérieur liers peu fortunés mais dotés d’autres ressources à des biens atypiques
plus intéressantes. En déclarant la vente à un prix suffisamment bas pour généralement convoités par des acteurs plus institutionnels.
de l’écart de prix avec Paris qui rend les transactions illicites de plus en Ajoutons un mot sur les rapports de force locaux entre ces trois types
tien et les mises en vente), il conduit dans ce contexte à un creusement d’acteurs susceptibles d’intervenir sur ce marché  : en exerçant un fort
tions mais aussi d’une forme de dissuasion sur les investissements d’entre- contrôle sur le devenir des sols et des bâtiments, l’équipe municipale a
marché et une stagnation des prix (résultat direct du contrôle des transac- dissuadé les professionnels de l’immobilier – jugés susceptibles de spécu-
de forte hausse générale des prix : en favorisant une certaine inertie du ler et de faire augmenter rapidement les prix – d’intervenir à leur guise
préemption, en particulier, a des conséquences ambivalentes en contexte sur ce marché. Mais elle se trouve elle-même affaiblie, au tournant des
années 1990, par la bulle immobilière qui renchérit toutes ses interven-
tions et réduit ses marges de manœuvre. C’est donc sur ce marché peu
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 126 investi par les professionnels les plus puissants mais où les pouvoirs publics
régulateurs se voient affaiblis, que des particuliers ont quelque chance de

régulateurs se voient affaiblis, que des particuliers ont quelque chance de


investi par les professionnels les plus puissants mais où les pouvoirs publics 126 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
tions et réduit ses marges de manœuvre. C’est donc sur ce marché peu
années 1990, par la bulle immobilière qui renchérit toutes ses interven-
sur ce marché. Mais elle se trouve elle-même affaiblie, au tournant des préemption, en particulier, a des conséquences ambivalentes en contexte
ler et de faire augmenter rapidement les prix – d’intervenir à leur guise de forte hausse générale des prix : en favorisant une certaine inertie du
dissuadé les professionnels de l’immobilier – jugés susceptibles de spécu- marché et une stagnation des prix (résultat direct du contrôle des transac-
contrôle sur le devenir des sols et des bâtiments, l’équipe municipale a tions mais aussi d’une forme de dissuasion sur les investissements d’entre-
d’acteurs susceptibles d’intervenir sur ce marché  : en exerçant un fort tien et les mises en vente), il conduit dans ce contexte à un creusement
Ajoutons un mot sur les rapports de force locaux entre ces trois types de l’écart de prix avec Paris qui rend les transactions illicites de plus en
généralement convoités par des acteurs plus institutionnels. plus intéressantes. En déclarant la vente à un prix suffisamment bas pour
liers peu fortunés mais dotés d’autres ressources à des biens atypiques ne pas déclencher la préemption et en négociant un prix réel supérieur
être contournées ou négociées) qui rendent possible l’accès de particu- à ce prix officiel mais inférieur au prix du marché parisien, acquéreurs
évitées et que les règles encadrant les changements d’affectation puissent comme vendeurs se trouvent gagnants, à condition d’accepter de réaliser
de l’administration municipale (le fait que les préemptions puissent être une partie de la transaction au noir. Un certain nombre de marchands de
comme les gros promoteurs, soit freiné par les pouvoirs publics) et celles biens sont d’ailleurs familiers de cette manœuvre et jouent avec certaines
valorisés comme tels, le fait que l’accès de certains acteurs du marché, clauses d’achat pour s’imposer comme intermédiaires et réaliser rapide-
biens ne soient pas encore incorporés au marché des logements et donc ment d’importantes plus-values. Relativement fréquente d’après notre
contrôle des prix du fait de l’usage du droit de préemption, le fait que ces enquête, la pratique des dessous-de-table a ainsi conduit à une certaine
nous avons dressé le portrait. Ce sont les « défaillances » du marché (le opacité du marché et a constitué un filtre qui a « sélectionné » des acqué-
l’administration, qui excluraient l’une comme l’autre les particuliers dont reurs disposés, pour une raison ou une autre, à mener une opération ris-
manœuvre entre la seule régulation par les prix et la seule régulation par quée et à se mettre en défaut avec la loi. D’autre part, la règle dite « des
Les « interstices », les « failles » du marché, ce sont donc ces marges de 80 / 20 », qui autorisait le changement d’affectation d’un maximum de
et des arguments des demandeurs. 20 % de la surface des locaux d’activité, a conduit à des contournements,
ou à des négociations dont l’issue dépendait alors en partie des ressources des travaux étant réalisés sans déclaration ou sur la base de permis fictifs,
des travaux étant réalisés sans déclaration ou sur la base de permis fictifs, ou à des négociations dont l’issue dépendait alors en partie des ressources
20 % de la surface des locaux d’activité, a conduit à des contournements, et des arguments des demandeurs.
80 / 20 », qui autorisait le changement d’affectation d’un maximum de Les « interstices », les « failles » du marché, ce sont donc ces marges de
quée et à se mettre en défaut avec la loi. D’autre part, la règle dite « des manœuvre entre la seule régulation par les prix et la seule régulation par
reurs disposés, pour une raison ou une autre, à mener une opération ris- l’administration, qui excluraient l’une comme l’autre les particuliers dont
opacité du marché et a constitué un filtre qui a « sélectionné » des acqué- nous avons dressé le portrait. Ce sont les « défaillances » du marché (le
enquête, la pratique des dessous-de-table a ainsi conduit à une certaine contrôle des prix du fait de l’usage du droit de préemption, le fait que ces
ment d’importantes plus-values. Relativement fréquente d’après notre biens ne soient pas encore incorporés au marché des logements et donc
clauses d’achat pour s’imposer comme intermédiaires et réaliser rapide- valorisés comme tels, le fait que l’accès de certains acteurs du marché,
biens sont d’ailleurs familiers de cette manœuvre et jouent avec certaines comme les gros promoteurs, soit freiné par les pouvoirs publics) et celles
une partie de la transaction au noir. Un certain nombre de marchands de de l’administration municipale (le fait que les préemptions puissent être
comme vendeurs se trouvent gagnants, à condition d’accepter de réaliser évitées et que les règles encadrant les changements d’affectation puissent
à ce prix officiel mais inférieur au prix du marché parisien, acquéreurs être contournées ou négociées) qui rendent possible l’accès de particu-
ne pas déclencher la préemption et en négociant un prix réel supérieur liers peu fortunés mais dotés d’autres ressources à des biens atypiques
plus intéressantes. En déclarant la vente à un prix suffisamment bas pour généralement convoités par des acteurs plus institutionnels.
de l’écart de prix avec Paris qui rend les transactions illicites de plus en Ajoutons un mot sur les rapports de force locaux entre ces trois types
tien et les mises en vente), il conduit dans ce contexte à un creusement d’acteurs susceptibles d’intervenir sur ce marché  : en exerçant un fort
tions mais aussi d’une forme de dissuasion sur les investissements d’entre- contrôle sur le devenir des sols et des bâtiments, l’équipe municipale a
marché et une stagnation des prix (résultat direct du contrôle des transac- dissuadé les professionnels de l’immobilier – jugés susceptibles de spécu-
de forte hausse générale des prix : en favorisant une certaine inertie du ler et de faire augmenter rapidement les prix – d’intervenir à leur guise
préemption, en particulier, a des conséquences ambivalentes en contexte sur ce marché. Mais elle se trouve elle-même affaiblie, au tournant des
années 1990, par la bulle immobilière qui renchérit toutes ses interven-
tions et réduit ses marges de manœuvre. C’est donc sur ce marché peu
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 126 investi par les professionnels les plus puissants mais où les pouvoirs publics
régulateurs se voient affaiblis, que des particuliers ont quelque chance de
Il emprunte dans un premier temps des circuits plutôt professionnels,
Anaïs Collet 127 bouche-à-oreille joue un rôle important dans l’activation de ce marché.
qu’ils ont acquis, par des amis ou des collègues vivant déjà sur place : le
seurs ont été orientés vers le Bas-Montreuil, parfois même vers le bien
parvenir à acquérir une ancienne usine pour la transformer en logement. La première de ces ressources est l’information. Tous les convertis-
Face à un parc immobilier vétuste et squatté qu’elle n’a plus les moyens juridique et symbolique en un logement valorisant et valorisé.
de racheter ou de valoriser, la mairie peut même les accueillir favorable- l’évaluer, mener la transaction et réaliser sa transformation matérielle,
ment : ils apparaissent ponctuellement comme des micro-entrepreneurs dispositions particulières pour trouver le bien répondant à leurs attentes,
sans but lucratif, qui assainissent et consolident des bâtiments sinon laissés Les gentrifieurs convertisseurs doivent disposer de ressources et de
à l’abandon. C’est ainsi que nos enquêtés se sont souvent vus bien ac-
cueillis, du moins dans un premier temps, par les propriétaires d’usines et DES RESSOURCES ET DES RELATIONS SOCIALES INHABITUELLES
par la municipalité, dans la mesure où ils venaient chasser et remplacer LES CONVERSIONS IMMOBILIÈRES :
des squatteurs ou des marchands de sommeil.
Ce constat vaut également au-delà du seul fonctionnement du marché importantes et variées, en général au-delà des seules ressources financières.
immobilier : dans un contexte de marasme économique, de fermeture formations ; elle exige de la part des aspirants convertisseurs des ressources
d’activités et de déclin démographique, l’équipe municipale a accueilli tique et économique pèse ainsi fortement sur les acquisitions et les trans-
les premiers gentrifieurs convertisseurs de façon consciente et raisonnée, avec ce type de vendeurs ? La configuration territoriale, juridique, poli-
elle a misé sur leur volontarisme pour impulser de nouvelles dynamiques et de quelles ressources faut-il disposer pour mener à bien la négociation
dans le quartier. Dans le contexte de la stigmatisation des grands ensem- à des marchands de biens qui placent la transaction hors du cadre légal,
bles au début des années 1990, on peut également observer une certaine aura-t-elle lieu, ou peut-on envisager de frauder ? Faut-il accepter d’acheter
convergence entre les mots d’ordre de la politique de la ville, que les élus ment, délivrera-t-elle le permis de construire ? Une visite de conformité
communistes montreuillois reprennent à leur compte, Jean-Pierre Brard emption ? La mairie acceptera-t-elle le changement d’affectation du bâti-
en tête, alors maire, et les valeurs portées par les gentrifieurs : valorisation restent soumises à de fortes « incertitudes stratégiques » : y aura-t-il pré-
de l’histoire précommuniste de la ville, vision « patrimonialisante » du Toutefois, même dans ce contexte favorable, les transactions possibles
bâti, appel à la mixité sociale et au mélange des fonctions guident les pro- jets des uns comme des autres.
jets des uns comme des autres. bâti, appel à la mixité sociale et au mélange des fonctions guident les pro-
Toutefois, même dans ce contexte favorable, les transactions possibles de l’histoire précommuniste de la ville, vision « patrimonialisante » du
restent soumises à de fortes « incertitudes stratégiques » : y aura-t-il pré- en tête, alors maire, et les valeurs portées par les gentrifieurs : valorisation
emption ? La mairie acceptera-t-elle le changement d’affectation du bâti- communistes montreuillois reprennent à leur compte, Jean-Pierre Brard
ment, délivrera-t-elle le permis de construire ? Une visite de conformité convergence entre les mots d’ordre de la politique de la ville, que les élus
aura-t-elle lieu, ou peut-on envisager de frauder ? Faut-il accepter d’acheter bles au début des années 1990, on peut également observer une certaine
à des marchands de biens qui placent la transaction hors du cadre légal, dans le quartier. Dans le contexte de la stigmatisation des grands ensem-
et de quelles ressources faut-il disposer pour mener à bien la négociation elle a misé sur leur volontarisme pour impulser de nouvelles dynamiques
avec ce type de vendeurs ? La configuration territoriale, juridique, poli- les premiers gentrifieurs convertisseurs de façon consciente et raisonnée,
tique et économique pèse ainsi fortement sur les acquisitions et les trans- d’activités et de déclin démographique, l’équipe municipale a accueilli
formations ; elle exige de la part des aspirants convertisseurs des ressources immobilier : dans un contexte de marasme économique, de fermeture
importantes et variées, en général au-delà des seules ressources financières. Ce constat vaut également au-delà du seul fonctionnement du marché
des squatteurs ou des marchands de sommeil.
LES CONVERSIONS IMMOBILIÈRES : par la municipalité, dans la mesure où ils venaient chasser et remplacer
DES RESSOURCES ET DES RELATIONS SOCIALES INHABITUELLES cueillis, du moins dans un premier temps, par les propriétaires d’usines et
à l’abandon. C’est ainsi que nos enquêtés se sont souvent vus bien ac-
Les gentrifieurs convertisseurs doivent disposer de ressources et de sans but lucratif, qui assainissent et consolident des bâtiments sinon laissés
dispositions particulières pour trouver le bien répondant à leurs attentes, ment : ils apparaissent ponctuellement comme des micro-entrepreneurs
l’évaluer, mener la transaction et réaliser sa transformation matérielle, de racheter ou de valoriser, la mairie peut même les accueillir favorable-
juridique et symbolique en un logement valorisant et valorisé. Face à un parc immobilier vétuste et squatté qu’elle n’a plus les moyens
La première de ces ressources est l’information. Tous les convertis- parvenir à acquérir une ancienne usine pour la transformer en logement.
seurs ont été orientés vers le Bas-Montreuil, parfois même vers le bien
qu’ils ont acquis, par des amis ou des collègues vivant déjà sur place : le
bouche-à-oreille joue un rôle important dans l’activation de ce marché. 127 Anaïs Collet
Il emprunte dans un premier temps des circuits plutôt professionnels,

Il emprunte dans un premier temps des circuits plutôt professionnels,


Anaïs Collet 127 bouche-à-oreille joue un rôle important dans l’activation de ce marché.
qu’ils ont acquis, par des amis ou des collègues vivant déjà sur place : le
seurs ont été orientés vers le Bas-Montreuil, parfois même vers le bien
parvenir à acquérir une ancienne usine pour la transformer en logement. La première de ces ressources est l’information. Tous les convertis-
Face à un parc immobilier vétuste et squatté qu’elle n’a plus les moyens juridique et symbolique en un logement valorisant et valorisé.
de racheter ou de valoriser, la mairie peut même les accueillir favorable- l’évaluer, mener la transaction et réaliser sa transformation matérielle,
ment : ils apparaissent ponctuellement comme des micro-entrepreneurs dispositions particulières pour trouver le bien répondant à leurs attentes,
sans but lucratif, qui assainissent et consolident des bâtiments sinon laissés Les gentrifieurs convertisseurs doivent disposer de ressources et de
à l’abandon. C’est ainsi que nos enquêtés se sont souvent vus bien ac-
cueillis, du moins dans un premier temps, par les propriétaires d’usines et DES RESSOURCES ET DES RELATIONS SOCIALES INHABITUELLES
par la municipalité, dans la mesure où ils venaient chasser et remplacer LES CONVERSIONS IMMOBILIÈRES :
des squatteurs ou des marchands de sommeil.
Ce constat vaut également au-delà du seul fonctionnement du marché importantes et variées, en général au-delà des seules ressources financières.
immobilier : dans un contexte de marasme économique, de fermeture formations ; elle exige de la part des aspirants convertisseurs des ressources
d’activités et de déclin démographique, l’équipe municipale a accueilli tique et économique pèse ainsi fortement sur les acquisitions et les trans-
les premiers gentrifieurs convertisseurs de façon consciente et raisonnée, avec ce type de vendeurs ? La configuration territoriale, juridique, poli-
elle a misé sur leur volontarisme pour impulser de nouvelles dynamiques et de quelles ressources faut-il disposer pour mener à bien la négociation
dans le quartier. Dans le contexte de la stigmatisation des grands ensem- à des marchands de biens qui placent la transaction hors du cadre légal,
bles au début des années 1990, on peut également observer une certaine aura-t-elle lieu, ou peut-on envisager de frauder ? Faut-il accepter d’acheter
convergence entre les mots d’ordre de la politique de la ville, que les élus ment, délivrera-t-elle le permis de construire ? Une visite de conformité
communistes montreuillois reprennent à leur compte, Jean-Pierre Brard emption ? La mairie acceptera-t-elle le changement d’affectation du bâti-
en tête, alors maire, et les valeurs portées par les gentrifieurs : valorisation restent soumises à de fortes « incertitudes stratégiques » : y aura-t-il pré-
de l’histoire précommuniste de la ville, vision « patrimonialisante » du Toutefois, même dans ce contexte favorable, les transactions possibles
bâti, appel à la mixité sociale et au mélange des fonctions guident les pro- jets des uns comme des autres.
jets des uns comme des autres. bâti, appel à la mixité sociale et au mélange des fonctions guident les pro-
Toutefois, même dans ce contexte favorable, les transactions possibles de l’histoire précommuniste de la ville, vision « patrimonialisante » du
restent soumises à de fortes « incertitudes stratégiques » : y aura-t-il pré- en tête, alors maire, et les valeurs portées par les gentrifieurs : valorisation
emption ? La mairie acceptera-t-elle le changement d’affectation du bâti- communistes montreuillois reprennent à leur compte, Jean-Pierre Brard
ment, délivrera-t-elle le permis de construire ? Une visite de conformité convergence entre les mots d’ordre de la politique de la ville, que les élus
aura-t-elle lieu, ou peut-on envisager de frauder ? Faut-il accepter d’acheter bles au début des années 1990, on peut également observer une certaine
à des marchands de biens qui placent la transaction hors du cadre légal, dans le quartier. Dans le contexte de la stigmatisation des grands ensem-
et de quelles ressources faut-il disposer pour mener à bien la négociation elle a misé sur leur volontarisme pour impulser de nouvelles dynamiques
avec ce type de vendeurs ? La configuration territoriale, juridique, poli- les premiers gentrifieurs convertisseurs de façon consciente et raisonnée,
tique et économique pèse ainsi fortement sur les acquisitions et les trans- d’activités et de déclin démographique, l’équipe municipale a accueilli
formations ; elle exige de la part des aspirants convertisseurs des ressources immobilier : dans un contexte de marasme économique, de fermeture
importantes et variées, en général au-delà des seules ressources financières. Ce constat vaut également au-delà du seul fonctionnement du marché
des squatteurs ou des marchands de sommeil.
LES CONVERSIONS IMMOBILIÈRES : par la municipalité, dans la mesure où ils venaient chasser et remplacer
DES RESSOURCES ET DES RELATIONS SOCIALES INHABITUELLES cueillis, du moins dans un premier temps, par les propriétaires d’usines et
à l’abandon. C’est ainsi que nos enquêtés se sont souvent vus bien ac-
Les gentrifieurs convertisseurs doivent disposer de ressources et de sans but lucratif, qui assainissent et consolident des bâtiments sinon laissés
dispositions particulières pour trouver le bien répondant à leurs attentes, ment : ils apparaissent ponctuellement comme des micro-entrepreneurs
l’évaluer, mener la transaction et réaliser sa transformation matérielle, de racheter ou de valoriser, la mairie peut même les accueillir favorable-
juridique et symbolique en un logement valorisant et valorisé. Face à un parc immobilier vétuste et squatté qu’elle n’a plus les moyens
La première de ces ressources est l’information. Tous les convertis- parvenir à acquérir une ancienne usine pour la transformer en logement.
seurs ont été orientés vers le Bas-Montreuil, parfois même vers le bien
qu’ils ont acquis, par des amis ou des collègues vivant déjà sur place : le
bouche-à-oreille joue un rôle important dans l’activation de ce marché. 127 Anaïs Collet
Il emprunte dans un premier temps des circuits plutôt professionnels,
les banques moins méfiantes, mais va de pair avec le début de l’envolée des prix.
l’apparition du quartier dans les dossiers « immobilier » au rang des bonnes affaires rend
et une cour. Le changement d’image du Bas-Montreuil dans la presse à partir de 2000 et 128 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
usine de trois plateaux de 150 m2 chacun, vendue avec une petite maison de concierge
le bien le plus cher a été acquis pour 1,2 millions de francs (185 000 €) ; il s’agissait d’une
dans les milieux du théâtre, du cinéma, de la télévision, de la photogra-
14. Parmi les transactions que nous avons observées parmi nos convertisseurs avant 2000,

phie : les décorateurs sont en effet parmi les premiers à repérer et utiliser
logement de 2002 de l’INSEE (Bosvieux, 2005).
13. C’est le cas d’un quart seulement des primo-accédants en France, selon l’enquête
les anciennes usines pour entreposer leurs décors. Leur présence amène
évitaient d’accorder des prêts importants14. Les aides familiales permettent un certain nombre de leurs collègues à découvrir les lieux ; ceux qui s’y
les banques considéraient que ces dernières étaient trop risquées et elles installent informent les autres, par leurs expériences, des possibilités im-
que les prix étaient très bas et auraient permis des opérations d’envergure, mobilières offertes par le quartier (surfaces, prix, possibilités techniques
plus importante que jusqu’au début des années  2000, c’est-à-dire tant et juridiques, conditions de vie, transports, etc.). Ils forment en outre une
25 à 50 % du montant total de l’acquisition. Cette ressource est d’autant présence visible qui modifie en soi la teneur d’un tel choix résidentiel.
ont reçu un héritage13 ou une aide familiale, laquelle représente au final L’importance de ces recommandations se lit d’autant mieux que beau-
un vaste local d’activité.Tous les convertisseurs que nous avons rencontrés coup d’enquêtés ont d’abord eu une mauvaise impression lorsqu’ils ont
free-lance, une journaliste pigiste ou un artisan ferronnier puissent acquérir découvert Montreuil ; c’est la présence des pairs et leurs conseils qui les ont
faible voire nulle, c’est le patrimoine familial qui explique qu’un graphiste incités à passer outre ces réticences. Le réseau fournit donc des informa-
En effet, avec des revenus médiocres ou irréguliers et une épargne privée tions aidant à se diriger vers Montreuil, puis à y trouver un bien, enfin à
La deuxième de ces ressources, ce sont les aides financières familiales. minimiser les incertitudes quant aux biens et aux transactions. Martine,
Montreuil, seulement attirés par l’image ou la réputation. sculptrice, et son compagnon éducateur spécialisé, qui habitaient jusque-
du moins) qu’arrivent des gentrifieurs qui ne connaissent personne à là avec leur enfant dans un logement social à Paris, ont ainsi pu acheter
caux vacants. Ce n’est qu’à partir de 2002 (dans notre corpus d’enquêtés une petite maison avant même qu’elle soit mise sur le marché : des amis
installés font venir leurs amis dans le quartier, repérant pour eux les lo- habitant en face les ont attirés dans le quartier, les ont avertis de cette
concurrence d’autres candidats à l’achat. À leur tour, les convertisseurs vente puis les ont informés sur les possibilités d’extension. Le réseau
circuiter ces professionnels et de s’épargner ainsi à la fois des frais et la fournit ainsi un « dispositif de jugement » (Karpik, 2007, passim) bien
biens recherchés par les convertisseurs. Il permet de surcroît de court- plus efficace que les agents immobiliers, peu habitués à gérer le type de
plus efficace que les agents immobiliers, peu habitués à gérer le type de biens recherchés par les convertisseurs. Il permet de surcroît de court-
fournit ainsi un « dispositif de jugement » (Karpik, 2007, passim) bien circuiter ces professionnels et de s’épargner ainsi à la fois des frais et la
vente puis les ont informés sur les possibilités d’extension. Le réseau concurrence d’autres candidats à l’achat. À leur tour, les convertisseurs
habitant en face les ont attirés dans le quartier, les ont avertis de cette installés font venir leurs amis dans le quartier, repérant pour eux les lo-
une petite maison avant même qu’elle soit mise sur le marché : des amis caux vacants. Ce n’est qu’à partir de 2002 (dans notre corpus d’enquêtés
là avec leur enfant dans un logement social à Paris, ont ainsi pu acheter du moins) qu’arrivent des gentrifieurs qui ne connaissent personne à
sculptrice, et son compagnon éducateur spécialisé, qui habitaient jusque- Montreuil, seulement attirés par l’image ou la réputation.
minimiser les incertitudes quant aux biens et aux transactions. Martine, La deuxième de ces ressources, ce sont les aides financières familiales.
tions aidant à se diriger vers Montreuil, puis à y trouver un bien, enfin à En effet, avec des revenus médiocres ou irréguliers et une épargne privée
incités à passer outre ces réticences. Le réseau fournit donc des informa- faible voire nulle, c’est le patrimoine familial qui explique qu’un graphiste
découvert Montreuil ; c’est la présence des pairs et leurs conseils qui les ont free-lance, une journaliste pigiste ou un artisan ferronnier puissent acquérir
coup d’enquêtés ont d’abord eu une mauvaise impression lorsqu’ils ont un vaste local d’activité.Tous les convertisseurs que nous avons rencontrés
L’importance de ces recommandations se lit d’autant mieux que beau- ont reçu un héritage13 ou une aide familiale, laquelle représente au final
présence visible qui modifie en soi la teneur d’un tel choix résidentiel. 25 à 50 % du montant total de l’acquisition. Cette ressource est d’autant
et juridiques, conditions de vie, transports, etc.). Ils forment en outre une plus importante que jusqu’au début des années  2000, c’est-à-dire tant
mobilières offertes par le quartier (surfaces, prix, possibilités techniques que les prix étaient très bas et auraient permis des opérations d’envergure,
installent informent les autres, par leurs expériences, des possibilités im- les banques considéraient que ces dernières étaient trop risquées et elles
un certain nombre de leurs collègues à découvrir les lieux ; ceux qui s’y évitaient d’accorder des prêts importants14. Les aides familiales permettent
les anciennes usines pour entreposer leurs décors. Leur présence amène
phie : les décorateurs sont en effet parmi les premiers à repérer et utiliser 13. C’est le cas d’un quart seulement des primo-accédants en France, selon l’enquête
logement de 2002 de l’INSEE (Bosvieux, 2005).
dans les milieux du théâtre, du cinéma, de la télévision, de la photogra-
14. Parmi les transactions que nous avons observées parmi nos convertisseurs avant 2000,
le bien le plus cher a été acquis pour 1,2 millions de francs (185 000 €) ; il s’agissait d’une
usine de trois plateaux de 150 m2 chacun, vendue avec une petite maison de concierge
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 128 et une cour. Le changement d’image du Bas-Montreuil dans la presse à partir de 2000 et
l’apparition du quartier dans les dossiers « immobilier » au rang des bonnes affaires rend
les banques moins méfiantes, mais va de pair avec le début de l’envolée des prix.

les banques moins méfiantes, mais va de pair avec le début de l’envolée des prix.
l’apparition du quartier dans les dossiers « immobilier » au rang des bonnes affaires rend
et une cour. Le changement d’image du Bas-Montreuil dans la presse à partir de 2000 et 128 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
usine de trois plateaux de 150 m2 chacun, vendue avec une petite maison de concierge
le bien le plus cher a été acquis pour 1,2 millions de francs (185 000 €) ; il s’agissait d’une
dans les milieux du théâtre, du cinéma, de la télévision, de la photogra-
14. Parmi les transactions que nous avons observées parmi nos convertisseurs avant 2000,

phie : les décorateurs sont en effet parmi les premiers à repérer et utiliser
logement de 2002 de l’INSEE (Bosvieux, 2005).
13. C’est le cas d’un quart seulement des primo-accédants en France, selon l’enquête
les anciennes usines pour entreposer leurs décors. Leur présence amène
évitaient d’accorder des prêts importants14. Les aides familiales permettent un certain nombre de leurs collègues à découvrir les lieux ; ceux qui s’y
les banques considéraient que ces dernières étaient trop risquées et elles installent informent les autres, par leurs expériences, des possibilités im-
que les prix étaient très bas et auraient permis des opérations d’envergure, mobilières offertes par le quartier (surfaces, prix, possibilités techniques
plus importante que jusqu’au début des années  2000, c’est-à-dire tant et juridiques, conditions de vie, transports, etc.). Ils forment en outre une
25 à 50 % du montant total de l’acquisition. Cette ressource est d’autant présence visible qui modifie en soi la teneur d’un tel choix résidentiel.
ont reçu un héritage13 ou une aide familiale, laquelle représente au final L’importance de ces recommandations se lit d’autant mieux que beau-
un vaste local d’activité.Tous les convertisseurs que nous avons rencontrés coup d’enquêtés ont d’abord eu une mauvaise impression lorsqu’ils ont
free-lance, une journaliste pigiste ou un artisan ferronnier puissent acquérir découvert Montreuil ; c’est la présence des pairs et leurs conseils qui les ont
faible voire nulle, c’est le patrimoine familial qui explique qu’un graphiste incités à passer outre ces réticences. Le réseau fournit donc des informa-
En effet, avec des revenus médiocres ou irréguliers et une épargne privée tions aidant à se diriger vers Montreuil, puis à y trouver un bien, enfin à
La deuxième de ces ressources, ce sont les aides financières familiales. minimiser les incertitudes quant aux biens et aux transactions. Martine,
Montreuil, seulement attirés par l’image ou la réputation. sculptrice, et son compagnon éducateur spécialisé, qui habitaient jusque-
du moins) qu’arrivent des gentrifieurs qui ne connaissent personne à là avec leur enfant dans un logement social à Paris, ont ainsi pu acheter
caux vacants. Ce n’est qu’à partir de 2002 (dans notre corpus d’enquêtés une petite maison avant même qu’elle soit mise sur le marché : des amis
installés font venir leurs amis dans le quartier, repérant pour eux les lo- habitant en face les ont attirés dans le quartier, les ont avertis de cette
concurrence d’autres candidats à l’achat. À leur tour, les convertisseurs vente puis les ont informés sur les possibilités d’extension. Le réseau
circuiter ces professionnels et de s’épargner ainsi à la fois des frais et la fournit ainsi un « dispositif de jugement » (Karpik, 2007, passim) bien
biens recherchés par les convertisseurs. Il permet de surcroît de court- plus efficace que les agents immobiliers, peu habitués à gérer le type de
plus efficace que les agents immobiliers, peu habitués à gérer le type de biens recherchés par les convertisseurs. Il permet de surcroît de court-
fournit ainsi un « dispositif de jugement » (Karpik, 2007, passim) bien circuiter ces professionnels et de s’épargner ainsi à la fois des frais et la
vente puis les ont informés sur les possibilités d’extension. Le réseau concurrence d’autres candidats à l’achat. À leur tour, les convertisseurs
habitant en face les ont attirés dans le quartier, les ont avertis de cette installés font venir leurs amis dans le quartier, repérant pour eux les lo-
une petite maison avant même qu’elle soit mise sur le marché : des amis caux vacants. Ce n’est qu’à partir de 2002 (dans notre corpus d’enquêtés
là avec leur enfant dans un logement social à Paris, ont ainsi pu acheter du moins) qu’arrivent des gentrifieurs qui ne connaissent personne à
sculptrice, et son compagnon éducateur spécialisé, qui habitaient jusque- Montreuil, seulement attirés par l’image ou la réputation.
minimiser les incertitudes quant aux biens et aux transactions. Martine, La deuxième de ces ressources, ce sont les aides financières familiales.
tions aidant à se diriger vers Montreuil, puis à y trouver un bien, enfin à En effet, avec des revenus médiocres ou irréguliers et une épargne privée
incités à passer outre ces réticences. Le réseau fournit donc des informa- faible voire nulle, c’est le patrimoine familial qui explique qu’un graphiste
découvert Montreuil ; c’est la présence des pairs et leurs conseils qui les ont free-lance, une journaliste pigiste ou un artisan ferronnier puissent acquérir
coup d’enquêtés ont d’abord eu une mauvaise impression lorsqu’ils ont un vaste local d’activité.Tous les convertisseurs que nous avons rencontrés
L’importance de ces recommandations se lit d’autant mieux que beau- ont reçu un héritage13 ou une aide familiale, laquelle représente au final
présence visible qui modifie en soi la teneur d’un tel choix résidentiel. 25 à 50 % du montant total de l’acquisition. Cette ressource est d’autant
et juridiques, conditions de vie, transports, etc.). Ils forment en outre une plus importante que jusqu’au début des années  2000, c’est-à-dire tant
mobilières offertes par le quartier (surfaces, prix, possibilités techniques que les prix étaient très bas et auraient permis des opérations d’envergure,
installent informent les autres, par leurs expériences, des possibilités im- les banques considéraient que ces dernières étaient trop risquées et elles
un certain nombre de leurs collègues à découvrir les lieux ; ceux qui s’y évitaient d’accorder des prêts importants14. Les aides familiales permettent
les anciennes usines pour entreposer leurs décors. Leur présence amène
phie : les décorateurs sont en effet parmi les premiers à repérer et utiliser 13. C’est le cas d’un quart seulement des primo-accédants en France, selon l’enquête
logement de 2002 de l’INSEE (Bosvieux, 2005).
dans les milieux du théâtre, du cinéma, de la télévision, de la photogra-
14. Parmi les transactions que nous avons observées parmi nos convertisseurs avant 2000,
le bien le plus cher a été acquis pour 1,2 millions de francs (185 000 €) ; il s’agissait d’une
usine de trois plateaux de 150 m2 chacun, vendue avec une petite maison de concierge
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 128 et une cour. Le changement d’image du Bas-Montreuil dans la presse à partir de 2000 et
l’apparition du quartier dans les dossiers « immobilier » au rang des bonnes affaires rend
les banques moins méfiantes, mais va de pair avec le début de l’envolée des prix.
tenir dans des positions provisoirement peu rentables » (Bourdieu, 1979, p. 414).
de la distance réelle à la nécessité que donne la possession des moyens économiques de
Anaïs Collet 129 dispositions mêmes, d’autant plus assurées que l’on a plus d’assurances, en partie en raison
15. Un capital économique hérité rend tolérant au risque « en partie par un effet des

donc de pallier les revenus insuffisants du ménage et de faire de bonnes tiellement économique.
affaires sans trop pâtir de la frilosité des banques. De plus, à la différence trois ans à temps partiel, la motivation pour faire soi-même étant essen-
d’un prêt bancaire âprement négocié, l’existence d’un patrimoine fami- week-ends ; d’autres y ont consacré un an à temps plein, d’autres encore
lial rend plus tolérant au risque et à l’incertitude15. De fait, ces ressources faire » le gros œuvre et complété les travaux pendant leurs soirées et leurs
sont souvent mises à contribution, au-delà du don initial, pour faire face par la préparation du dossier de permis de construire. Certains ont « fait
aux imprévus très nombreux qui surgissent notamment lors des travaux. des tâches, de la conception de l’aménagement aux travaux, en passant
La famille ou les amis sont également mis à contribution pour leurs Pour la plupart, nos enquêtés ont réalisé eux-mêmes une grande partie
compétences techniques et juridiques. Il est fréquent que les convertisseurs et peuvent, volontairement ou non, disposer de plages de temps libre.
rencontrés aient un parent architecte ou entrepreneur du bâtiment. Ces indépendants sont plus libres que d’autres dans la gestion de leur temps
parents aident pour évaluer la qualité du bien, pour concevoir les aména- et réaliser une partie des tâches. Or les intermittents du spectacle et les
gements, pour conduire les travaux et parfois pour mener la négociation. immobiliser davantage de temps pour conduire soi-même les travaux
En outre, avoir grandi auprès d’un architecte peut conférer des disposi- travaux, il faut pouvoir assister aux réunions de chantier en semaine, voire
tions pour toutes ces activités. Les convertisseurs eux-mêmes disposent les services de la mairie pour ne pas rater une occasion. Puis, pendant les
d’autres ressources liées à leurs métiers : l’une est journaliste spécialiste et il faut être aussi disponible que les professionnels de l’immobilier ou
des questions de logement, l’autre est artisan ferronnier et a travaillé un bon moment » : les transactions se concluent parfois en quelques heures
temps dans le milieu du bâtiment, une troisième, réalisatrice de décors, enquête de terrain avant de trouver le bien adéquat, et pour « être là au
est encline au travail manuel... Ils disposent très souvent non seulement la recherche immobilière, qui prend volontiers la forme d’une véritable
de savoirs et de savoir-faire directement utiles pour la transaction ou pour amont, pour réussir les transactions. Il s’agit d’abord de se libérer pour
les travaux, mais aussi d’un réseau professionnel qu’ils peuvent mobiliser. son emploi du temps, pour faire des travaux de cette envergure et, en
Or disposer de telles ressources professionnelles influence nettement le Il faut aussi disposer de temps, du moins d’une certaine souplesse dans
type de bien choisi, comme le confirment les récits de gentrifieurs non convertisseurs qui ont renoncé à des biens nécessitant de lourds travaux.
convertisseurs qui ont renoncé à des biens nécessitant de lourds travaux. type de bien choisi, comme le confirment les récits de gentrifieurs non
Il faut aussi disposer de temps, du moins d’une certaine souplesse dans Or disposer de telles ressources professionnelles influence nettement le
son emploi du temps, pour faire des travaux de cette envergure et, en les travaux, mais aussi d’un réseau professionnel qu’ils peuvent mobiliser.
amont, pour réussir les transactions. Il s’agit d’abord de se libérer pour de savoirs et de savoir-faire directement utiles pour la transaction ou pour
la recherche immobilière, qui prend volontiers la forme d’une véritable est encline au travail manuel... Ils disposent très souvent non seulement
enquête de terrain avant de trouver le bien adéquat, et pour « être là au temps dans le milieu du bâtiment, une troisième, réalisatrice de décors,
bon moment » : les transactions se concluent parfois en quelques heures des questions de logement, l’autre est artisan ferronnier et a travaillé un
et il faut être aussi disponible que les professionnels de l’immobilier ou d’autres ressources liées à leurs métiers : l’une est journaliste spécialiste
les services de la mairie pour ne pas rater une occasion. Puis, pendant les tions pour toutes ces activités. Les convertisseurs eux-mêmes disposent
travaux, il faut pouvoir assister aux réunions de chantier en semaine, voire En outre, avoir grandi auprès d’un architecte peut conférer des disposi-
immobiliser davantage de temps pour conduire soi-même les travaux gements, pour conduire les travaux et parfois pour mener la négociation.
et réaliser une partie des tâches. Or les intermittents du spectacle et les parents aident pour évaluer la qualité du bien, pour concevoir les aména-
indépendants sont plus libres que d’autres dans la gestion de leur temps rencontrés aient un parent architecte ou entrepreneur du bâtiment. Ces
et peuvent, volontairement ou non, disposer de plages de temps libre. compétences techniques et juridiques. Il est fréquent que les convertisseurs
Pour la plupart, nos enquêtés ont réalisé eux-mêmes une grande partie La famille ou les amis sont également mis à contribution pour leurs
des tâches, de la conception de l’aménagement aux travaux, en passant aux imprévus très nombreux qui surgissent notamment lors des travaux.
par la préparation du dossier de permis de construire. Certains ont « fait sont souvent mises à contribution, au-delà du don initial, pour faire face
faire » le gros œuvre et complété les travaux pendant leurs soirées et leurs lial rend plus tolérant au risque et à l’incertitude15. De fait, ces ressources
week-ends ; d’autres y ont consacré un an à temps plein, d’autres encore d’un prêt bancaire âprement négocié, l’existence d’un patrimoine fami-
trois ans à temps partiel, la motivation pour faire soi-même étant essen- affaires sans trop pâtir de la frilosité des banques. De plus, à la différence
tiellement économique. donc de pallier les revenus insuffisants du ménage et de faire de bonnes

15. Un capital économique hérité rend tolérant au risque « en partie par un effet des
dispositions mêmes, d’autant plus assurées que l’on a plus d’assurances, en partie en raison 129 Anaïs Collet
de la distance réelle à la nécessité que donne la possession des moyens économiques de
tenir dans des positions provisoirement peu rentables » (Bourdieu, 1979, p. 414).

tenir dans des positions provisoirement peu rentables » (Bourdieu, 1979, p. 414).
de la distance réelle à la nécessité que donne la possession des moyens économiques de
Anaïs Collet 129 dispositions mêmes, d’autant plus assurées que l’on a plus d’assurances, en partie en raison
15. Un capital économique hérité rend tolérant au risque « en partie par un effet des

donc de pallier les revenus insuffisants du ménage et de faire de bonnes tiellement économique.
affaires sans trop pâtir de la frilosité des banques. De plus, à la différence trois ans à temps partiel, la motivation pour faire soi-même étant essen-
d’un prêt bancaire âprement négocié, l’existence d’un patrimoine fami- week-ends ; d’autres y ont consacré un an à temps plein, d’autres encore
lial rend plus tolérant au risque et à l’incertitude15. De fait, ces ressources faire » le gros œuvre et complété les travaux pendant leurs soirées et leurs
sont souvent mises à contribution, au-delà du don initial, pour faire face par la préparation du dossier de permis de construire. Certains ont « fait
aux imprévus très nombreux qui surgissent notamment lors des travaux. des tâches, de la conception de l’aménagement aux travaux, en passant
La famille ou les amis sont également mis à contribution pour leurs Pour la plupart, nos enquêtés ont réalisé eux-mêmes une grande partie
compétences techniques et juridiques. Il est fréquent que les convertisseurs et peuvent, volontairement ou non, disposer de plages de temps libre.
rencontrés aient un parent architecte ou entrepreneur du bâtiment. Ces indépendants sont plus libres que d’autres dans la gestion de leur temps
parents aident pour évaluer la qualité du bien, pour concevoir les aména- et réaliser une partie des tâches. Or les intermittents du spectacle et les
gements, pour conduire les travaux et parfois pour mener la négociation. immobiliser davantage de temps pour conduire soi-même les travaux
En outre, avoir grandi auprès d’un architecte peut conférer des disposi- travaux, il faut pouvoir assister aux réunions de chantier en semaine, voire
tions pour toutes ces activités. Les convertisseurs eux-mêmes disposent les services de la mairie pour ne pas rater une occasion. Puis, pendant les
d’autres ressources liées à leurs métiers : l’une est journaliste spécialiste et il faut être aussi disponible que les professionnels de l’immobilier ou
des questions de logement, l’autre est artisan ferronnier et a travaillé un bon moment » : les transactions se concluent parfois en quelques heures
temps dans le milieu du bâtiment, une troisième, réalisatrice de décors, enquête de terrain avant de trouver le bien adéquat, et pour « être là au
est encline au travail manuel... Ils disposent très souvent non seulement la recherche immobilière, qui prend volontiers la forme d’une véritable
de savoirs et de savoir-faire directement utiles pour la transaction ou pour amont, pour réussir les transactions. Il s’agit d’abord de se libérer pour
les travaux, mais aussi d’un réseau professionnel qu’ils peuvent mobiliser. son emploi du temps, pour faire des travaux de cette envergure et, en
Or disposer de telles ressources professionnelles influence nettement le Il faut aussi disposer de temps, du moins d’une certaine souplesse dans
type de bien choisi, comme le confirment les récits de gentrifieurs non convertisseurs qui ont renoncé à des biens nécessitant de lourds travaux.
convertisseurs qui ont renoncé à des biens nécessitant de lourds travaux. type de bien choisi, comme le confirment les récits de gentrifieurs non
Il faut aussi disposer de temps, du moins d’une certaine souplesse dans Or disposer de telles ressources professionnelles influence nettement le
son emploi du temps, pour faire des travaux de cette envergure et, en les travaux, mais aussi d’un réseau professionnel qu’ils peuvent mobiliser.
amont, pour réussir les transactions. Il s’agit d’abord de se libérer pour de savoirs et de savoir-faire directement utiles pour la transaction ou pour
la recherche immobilière, qui prend volontiers la forme d’une véritable est encline au travail manuel... Ils disposent très souvent non seulement
enquête de terrain avant de trouver le bien adéquat, et pour « être là au temps dans le milieu du bâtiment, une troisième, réalisatrice de décors,
bon moment » : les transactions se concluent parfois en quelques heures des questions de logement, l’autre est artisan ferronnier et a travaillé un
et il faut être aussi disponible que les professionnels de l’immobilier ou d’autres ressources liées à leurs métiers : l’une est journaliste spécialiste
les services de la mairie pour ne pas rater une occasion. Puis, pendant les tions pour toutes ces activités. Les convertisseurs eux-mêmes disposent
travaux, il faut pouvoir assister aux réunions de chantier en semaine, voire En outre, avoir grandi auprès d’un architecte peut conférer des disposi-
immobiliser davantage de temps pour conduire soi-même les travaux gements, pour conduire les travaux et parfois pour mener la négociation.
et réaliser une partie des tâches. Or les intermittents du spectacle et les parents aident pour évaluer la qualité du bien, pour concevoir les aména-
indépendants sont plus libres que d’autres dans la gestion de leur temps rencontrés aient un parent architecte ou entrepreneur du bâtiment. Ces
et peuvent, volontairement ou non, disposer de plages de temps libre. compétences techniques et juridiques. Il est fréquent que les convertisseurs
Pour la plupart, nos enquêtés ont réalisé eux-mêmes une grande partie La famille ou les amis sont également mis à contribution pour leurs
des tâches, de la conception de l’aménagement aux travaux, en passant aux imprévus très nombreux qui surgissent notamment lors des travaux.
par la préparation du dossier de permis de construire. Certains ont « fait sont souvent mises à contribution, au-delà du don initial, pour faire face
faire » le gros œuvre et complété les travaux pendant leurs soirées et leurs lial rend plus tolérant au risque et à l’incertitude15. De fait, ces ressources
week-ends ; d’autres y ont consacré un an à temps plein, d’autres encore d’un prêt bancaire âprement négocié, l’existence d’un patrimoine fami-
trois ans à temps partiel, la motivation pour faire soi-même étant essen- affaires sans trop pâtir de la frilosité des banques. De plus, à la différence
tiellement économique. donc de pallier les revenus insuffisants du ménage et de faire de bonnes

15. Un capital économique hérité rend tolérant au risque « en partie par un effet des
dispositions mêmes, d’autant plus assurées que l’on a plus d’assurances, en partie en raison 129 Anaïs Collet
de la distance réelle à la nécessité que donne la possession des moyens économiques de
tenir dans des positions provisoirement peu rentables » (Bourdieu, 1979, p. 414).
surables, valorisés économiquement et valorisants socialement.
singularités » et contribué à faire de ces singularités des biens commen- 130 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
nages apparaissent alors comme des agents ayant activé un « marché de
enjeux de trajectoire sociorésidentielle que nous avons évoqués, ces mé-
l’aventure individuelle. Dotés des ressources adéquates et motivés par les Les transactions réalisées par les convertisseurs ont encore deux parti-
et portés à jouer avec les barrières sociales et juridiques au nom de cularités. D’abord, elles ont généralement pris place dans des configura-
sés à une fragmentation du temps de travail, habitués à la prise de risque tions originales qui impliquaient d’autres personnes qu’un acquéreur, un
de familles relativement aisées, insérés dans des réseaux informés, expo- vendeur, un agent immobilier et un notaire, et expliquent les « bonnes
une part des intermittents et des indépendants du secteur culturel issus affaires » ainsi réalisées. Les achats groupés ont par exemple permis à des
de réduire les incertitudes stratégiques. Ces ressources caractérisent bien particuliers réunis de s’approprier des biens auxquels en général seuls
titude et une certaine disposition à l’illégalité qui permettent de gérer et les professionnels ou la mairie ont accès. Du côté de l’offre, les vendeurs
ment » sur la qualité des biens, mais aussi le temps, la tolérance à l’incer- étaient très rarement des particuliers habitants et n’étaient jamais des
techniques et juridiques qui forment de précieux « dispositifs de juge- promoteurs ; il s’agissait fréquemment d’entrepreneurs retraités, d’héri-
sont inégalement distribuées : l’accès à l’information, les connaissances tiers de locaux désaffectés, avec des successions parfois problématiques,
bien des opérations d’acquisition-rénovation d’anciens locaux industriels moins souvent de marchands de biens. Des relations peu classiques se
On le voit, les ressources permettant à des particuliers de mener à sont nouées entre les convertisseurs, ces vendeurs et les pouvoirs publics
transactions. locaux autour de ces biens atypiques : des relations de sympathie, les ven-
les barrières sociales et réglementaires qui encadrent habituellement ces deurs ne cherchant pas systématiquement à vendre au plus cher, ou d’aide,
tions sociales (Bidou-Zachariasen, 1984), ils franchissent plus aisément de la part d’employés municipaux, d’affinité, avec certains agents immo-
vant comme des « aventuriers » libérés des déterminismes et des conven- biliers particulièrement séduits par ces projets. Ensuite, ces opérations
initiatives, et une place moindre au collectif et à l’intérêt général : se vi- ont fréquemment dépassé le cadre de la stricte légalité : dessous-de-table
présentation du monde qui accordent une large place à l’individu, à ses pour éviter les préemptions, aménagements de plus de 20 % de la sur-
points communs des convertisseurs est un système de valeurs et une re- face en habitation sans demande préalable de changement d’affectation,
été contournés par la fraude, la négociation ou le « piston ». L’un des travaux réalisés sans permis. Selon les ressources de chacun (disposition à
et linguistique ou capital social), les divers obstacles réglementaires ont l’illégalité et au bluff liée à certaines trajectoires sociales, capital culturel
l’illégalité et au bluff liée à certaines trajectoires sociales, capital culturel et linguistique ou capital social), les divers obstacles réglementaires ont
travaux réalisés sans permis. Selon les ressources de chacun (disposition à été contournés par la fraude, la négociation ou le « piston ». L’un des
face en habitation sans demande préalable de changement d’affectation, points communs des convertisseurs est un système de valeurs et une re-
pour éviter les préemptions, aménagements de plus de 20 % de la sur- présentation du monde qui accordent une large place à l’individu, à ses
ont fréquemment dépassé le cadre de la stricte légalité : dessous-de-table initiatives, et une place moindre au collectif et à l’intérêt général : se vi-
biliers particulièrement séduits par ces projets. Ensuite, ces opérations vant comme des « aventuriers » libérés des déterminismes et des conven-
de la part d’employés municipaux, d’affinité, avec certains agents immo- tions sociales (Bidou-Zachariasen, 1984), ils franchissent plus aisément
deurs ne cherchant pas systématiquement à vendre au plus cher, ou d’aide, les barrières sociales et réglementaires qui encadrent habituellement ces
locaux autour de ces biens atypiques : des relations de sympathie, les ven- transactions.
sont nouées entre les convertisseurs, ces vendeurs et les pouvoirs publics On le voit, les ressources permettant à des particuliers de mener à
moins souvent de marchands de biens. Des relations peu classiques se bien des opérations d’acquisition-rénovation d’anciens locaux industriels
tiers de locaux désaffectés, avec des successions parfois problématiques, sont inégalement distribuées : l’accès à l’information, les connaissances
promoteurs ; il s’agissait fréquemment d’entrepreneurs retraités, d’héri- techniques et juridiques qui forment de précieux « dispositifs de juge-
étaient très rarement des particuliers habitants et n’étaient jamais des ment » sur la qualité des biens, mais aussi le temps, la tolérance à l’incer-
les professionnels ou la mairie ont accès. Du côté de l’offre, les vendeurs titude et une certaine disposition à l’illégalité qui permettent de gérer et
particuliers réunis de s’approprier des biens auxquels en général seuls de réduire les incertitudes stratégiques. Ces ressources caractérisent bien
affaires » ainsi réalisées. Les achats groupés ont par exemple permis à des une part des intermittents et des indépendants du secteur culturel issus
vendeur, un agent immobilier et un notaire, et expliquent les « bonnes de familles relativement aisées, insérés dans des réseaux informés, expo-
tions originales qui impliquaient d’autres personnes qu’un acquéreur, un sés à une fragmentation du temps de travail, habitués à la prise de risque
cularités. D’abord, elles ont généralement pris place dans des configura- et portés à jouer avec les barrières sociales et juridiques au nom de
Les transactions réalisées par les convertisseurs ont encore deux parti- l’aventure individuelle. Dotés des ressources adéquates et motivés par les
enjeux de trajectoire sociorésidentielle que nous avons évoqués, ces mé-
nages apparaissent alors comme des agents ayant activé un « marché de
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 130 singularités » et contribué à faire de ces singularités des biens commen-
surables, valorisés économiquement et valorisants socialement.

surables, valorisés économiquement et valorisants socialement.


singularités » et contribué à faire de ces singularités des biens commen- 130 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
nages apparaissent alors comme des agents ayant activé un « marché de
enjeux de trajectoire sociorésidentielle que nous avons évoqués, ces mé-
l’aventure individuelle. Dotés des ressources adéquates et motivés par les Les transactions réalisées par les convertisseurs ont encore deux parti-
et portés à jouer avec les barrières sociales et juridiques au nom de cularités. D’abord, elles ont généralement pris place dans des configura-
sés à une fragmentation du temps de travail, habitués à la prise de risque tions originales qui impliquaient d’autres personnes qu’un acquéreur, un
de familles relativement aisées, insérés dans des réseaux informés, expo- vendeur, un agent immobilier et un notaire, et expliquent les « bonnes
une part des intermittents et des indépendants du secteur culturel issus affaires » ainsi réalisées. Les achats groupés ont par exemple permis à des
de réduire les incertitudes stratégiques. Ces ressources caractérisent bien particuliers réunis de s’approprier des biens auxquels en général seuls
titude et une certaine disposition à l’illégalité qui permettent de gérer et les professionnels ou la mairie ont accès. Du côté de l’offre, les vendeurs
ment » sur la qualité des biens, mais aussi le temps, la tolérance à l’incer- étaient très rarement des particuliers habitants et n’étaient jamais des
techniques et juridiques qui forment de précieux « dispositifs de juge- promoteurs ; il s’agissait fréquemment d’entrepreneurs retraités, d’héri-
sont inégalement distribuées : l’accès à l’information, les connaissances tiers de locaux désaffectés, avec des successions parfois problématiques,
bien des opérations d’acquisition-rénovation d’anciens locaux industriels moins souvent de marchands de biens. Des relations peu classiques se
On le voit, les ressources permettant à des particuliers de mener à sont nouées entre les convertisseurs, ces vendeurs et les pouvoirs publics
transactions. locaux autour de ces biens atypiques : des relations de sympathie, les ven-
les barrières sociales et réglementaires qui encadrent habituellement ces deurs ne cherchant pas systématiquement à vendre au plus cher, ou d’aide,
tions sociales (Bidou-Zachariasen, 1984), ils franchissent plus aisément de la part d’employés municipaux, d’affinité, avec certains agents immo-
vant comme des « aventuriers » libérés des déterminismes et des conven- biliers particulièrement séduits par ces projets. Ensuite, ces opérations
initiatives, et une place moindre au collectif et à l’intérêt général : se vi- ont fréquemment dépassé le cadre de la stricte légalité : dessous-de-table
présentation du monde qui accordent une large place à l’individu, à ses pour éviter les préemptions, aménagements de plus de 20 % de la sur-
points communs des convertisseurs est un système de valeurs et une re- face en habitation sans demande préalable de changement d’affectation,
été contournés par la fraude, la négociation ou le « piston ». L’un des travaux réalisés sans permis. Selon les ressources de chacun (disposition à
et linguistique ou capital social), les divers obstacles réglementaires ont l’illégalité et au bluff liée à certaines trajectoires sociales, capital culturel
l’illégalité et au bluff liée à certaines trajectoires sociales, capital culturel et linguistique ou capital social), les divers obstacles réglementaires ont
travaux réalisés sans permis. Selon les ressources de chacun (disposition à été contournés par la fraude, la négociation ou le « piston ». L’un des
face en habitation sans demande préalable de changement d’affectation, points communs des convertisseurs est un système de valeurs et une re-
pour éviter les préemptions, aménagements de plus de 20 % de la sur- présentation du monde qui accordent une large place à l’individu, à ses
ont fréquemment dépassé le cadre de la stricte légalité : dessous-de-table initiatives, et une place moindre au collectif et à l’intérêt général : se vi-
biliers particulièrement séduits par ces projets. Ensuite, ces opérations vant comme des « aventuriers » libérés des déterminismes et des conven-
de la part d’employés municipaux, d’affinité, avec certains agents immo- tions sociales (Bidou-Zachariasen, 1984), ils franchissent plus aisément
deurs ne cherchant pas systématiquement à vendre au plus cher, ou d’aide, les barrières sociales et réglementaires qui encadrent habituellement ces
locaux autour de ces biens atypiques : des relations de sympathie, les ven- transactions.
sont nouées entre les convertisseurs, ces vendeurs et les pouvoirs publics On le voit, les ressources permettant à des particuliers de mener à
moins souvent de marchands de biens. Des relations peu classiques se bien des opérations d’acquisition-rénovation d’anciens locaux industriels
tiers de locaux désaffectés, avec des successions parfois problématiques, sont inégalement distribuées : l’accès à l’information, les connaissances
promoteurs ; il s’agissait fréquemment d’entrepreneurs retraités, d’héri- techniques et juridiques qui forment de précieux « dispositifs de juge-
étaient très rarement des particuliers habitants et n’étaient jamais des ment » sur la qualité des biens, mais aussi le temps, la tolérance à l’incer-
les professionnels ou la mairie ont accès. Du côté de l’offre, les vendeurs titude et une certaine disposition à l’illégalité qui permettent de gérer et
particuliers réunis de s’approprier des biens auxquels en général seuls de réduire les incertitudes stratégiques. Ces ressources caractérisent bien
affaires » ainsi réalisées. Les achats groupés ont par exemple permis à des une part des intermittents et des indépendants du secteur culturel issus
vendeur, un agent immobilier et un notaire, et expliquent les « bonnes de familles relativement aisées, insérés dans des réseaux informés, expo-
tions originales qui impliquaient d’autres personnes qu’un acquéreur, un sés à une fragmentation du temps de travail, habitués à la prise de risque
cularités. D’abord, elles ont généralement pris place dans des configura- et portés à jouer avec les barrières sociales et juridiques au nom de
Les transactions réalisées par les convertisseurs ont encore deux parti- l’aventure individuelle. Dotés des ressources adéquates et motivés par les
enjeux de trajectoire sociorésidentielle que nous avons évoqués, ces mé-
nages apparaissent alors comme des agents ayant activé un « marché de
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 130 singularités » et contribué à faire de ces singularités des biens commen-
surables, valorisés économiquement et valorisants socialement.
dans l’appât de la plus-value, mais aussi dans trois autres types d’intérêts.
Anaïs Collet 131 raît clairement que le moteur de ces conversions ne réside pas seulement
certain dans leur trajectoire résidentielle, professionnelle et sociale. Il appa-
expérience d’autres bénéfices, ici non financiers : elle aura joué un rôle
UNE REVALORISATION RÉCIPROQUE DES LIEUX ET DES TRAJECTOIRES Toutefois, même dans ces situations, les convertisseurs tirent de leur
la lumière du jour et à rendre son espace impropre à l’habitation.
En effet, la production par les convertisseurs de logements à l’esthé- ses partenaires des projets spéculatifs de nature à la priver de tout accès à
tique identifiable (celle des lofts, voir Collet, 2012), la multiplication cières) l’exact découpage des lots ; la modification du COS éveille chez
des transactions et l’adaptation progressive des professionnels de l’im- priété, sans avoir fait entériner devant notaire (pour des raisons finan-
mobilier à ces biens mettent un terme à leur incommensurabilité : les plasticienne ayant acheté avec deux autres artistes une usine en copro-
surfaces atypiques de Montreuil deviennent des biens typiques, typifiés, nées 2000 bloqué dans sa trajectoire résidentielle. C’est aussi le cas d’une
cotés. L’essor de ce marché est également permis par la fin de l’incerti- de l’usine dans laquelle il vit et travaille, et qui se trouve à la fin des an-
tude sur la qualité des biens et du quartier : l’expérience des gentrifieurs lisateurs et producteurs de films documentaires qui est resté locataire
convertisseurs atteste cette qualité et leur présence la conforte. Enfin, propriétaires d’un logement. C’est par exemple le cas d’un couple de réa-
ce « travail » immobilier conduit à la levée de l’incertitude stratégique : quises ou de telle façon que la loi ne les reconnaît pas in fine pleinement
leur présence, la pression qu’ils exercent sur le marché, les fraudes aux- également ceux qui, plus rares, ont transformé des usines sans les avoir ac-
quelles ils se livrent, mais aussi leur lobbying (par exemple les procès peut fragiliser la position sociale locale qu’ils se sont forgée. Elle affaiblit
contre des préemptions jugées abusives) conduisent petit à petit la mairie, matériels et économiques, tout en attirant une nouvelle population qui
parmi d’autres facteurs, à faire évoluer ses règles d’urbanisme. C’est parce Elle consolide à coup sûr la valeur de leur bien et de leurs investissements
qu’elle renonce d’abord à une politique de maintien de l’activité (la règle immobilier standard est-il toujours un bénéfice pour les convertisseurs ?
des 80 / 20), puis au contrôle des prix (la préemption) et enfin parce Cette intégration progressive du marché des biens singuliers au marché
qu’elle décide de changer l’usage des sols (en modifiant les COS) que des marché, mais aussi des agents du changement administratif.
acteurs plus institutionnels peuvent arriver sur ce marché et la demande producteurs de biens immobiliers désirables et des « activateurs » de ce
devenir plus massive. Lié indirectement à leur présence, le changement de le COS dans de nombreux secteurs. Les convertisseurs sont ainsi des
majorité en 2008 a accéléré le processus : la nouvelle maire Dominique Voynet s’est déclarée en faveur d’une densification du bâti et a relevé
Voynet s’est déclarée en faveur d’une densification du bâti et a relevé majorité en 2008 a accéléré le processus : la nouvelle maire Dominique
le COS dans de nombreux secteurs. Les convertisseurs sont ainsi des devenir plus massive. Lié indirectement à leur présence, le changement de
producteurs de biens immobiliers désirables et des « activateurs » de ce acteurs plus institutionnels peuvent arriver sur ce marché et la demande
marché, mais aussi des agents du changement administratif. qu’elle décide de changer l’usage des sols (en modifiant les COS) que des
Cette intégration progressive du marché des biens singuliers au marché des 80 / 20), puis au contrôle des prix (la préemption) et enfin parce
immobilier standard est-il toujours un bénéfice pour les convertisseurs ? qu’elle renonce d’abord à une politique de maintien de l’activité (la règle
Elle consolide à coup sûr la valeur de leur bien et de leurs investissements parmi d’autres facteurs, à faire évoluer ses règles d’urbanisme. C’est parce
matériels et économiques, tout en attirant une nouvelle population qui contre des préemptions jugées abusives) conduisent petit à petit la mairie,
peut fragiliser la position sociale locale qu’ils se sont forgée. Elle affaiblit quelles ils se livrent, mais aussi leur lobbying (par exemple les procès
également ceux qui, plus rares, ont transformé des usines sans les avoir ac- leur présence, la pression qu’ils exercent sur le marché, les fraudes aux-
quises ou de telle façon que la loi ne les reconnaît pas in fine pleinement ce « travail » immobilier conduit à la levée de l’incertitude stratégique :
propriétaires d’un logement. C’est par exemple le cas d’un couple de réa- convertisseurs atteste cette qualité et leur présence la conforte. Enfin,
lisateurs et producteurs de films documentaires qui est resté locataire tude sur la qualité des biens et du quartier : l’expérience des gentrifieurs
de l’usine dans laquelle il vit et travaille, et qui se trouve à la fin des an- cotés. L’essor de ce marché est également permis par la fin de l’incerti-
nées 2000 bloqué dans sa trajectoire résidentielle. C’est aussi le cas d’une surfaces atypiques de Montreuil deviennent des biens typiques, typifiés,
plasticienne ayant acheté avec deux autres artistes une usine en copro- mobilier à ces biens mettent un terme à leur incommensurabilité : les
priété, sans avoir fait entériner devant notaire (pour des raisons finan- des transactions et l’adaptation progressive des professionnels de l’im-
cières) l’exact découpage des lots ; la modification du COS éveille chez tique identifiable (celle des lofts, voir Collet, 2012), la multiplication
ses partenaires des projets spéculatifs de nature à la priver de tout accès à En effet, la production par les convertisseurs de logements à l’esthé-
la lumière du jour et à rendre son espace impropre à l’habitation.
Toutefois, même dans ces situations, les convertisseurs tirent de leur UNE REVALORISATION RÉCIPROQUE DES LIEUX ET DES TRAJECTOIRES
expérience d’autres bénéfices, ici non financiers : elle aura joué un rôle
certain dans leur trajectoire résidentielle, professionnelle et sociale. Il appa-
raît clairement que le moteur de ces conversions ne réside pas seulement 131 Anaïs Collet
dans l’appât de la plus-value, mais aussi dans trois autres types d’intérêts.

dans l’appât de la plus-value, mais aussi dans trois autres types d’intérêts.
Anaïs Collet 131 raît clairement que le moteur de ces conversions ne réside pas seulement
certain dans leur trajectoire résidentielle, professionnelle et sociale. Il appa-
expérience d’autres bénéfices, ici non financiers : elle aura joué un rôle
UNE REVALORISATION RÉCIPROQUE DES LIEUX ET DES TRAJECTOIRES Toutefois, même dans ces situations, les convertisseurs tirent de leur
la lumière du jour et à rendre son espace impropre à l’habitation.
En effet, la production par les convertisseurs de logements à l’esthé- ses partenaires des projets spéculatifs de nature à la priver de tout accès à
tique identifiable (celle des lofts, voir Collet, 2012), la multiplication cières) l’exact découpage des lots ; la modification du COS éveille chez
des transactions et l’adaptation progressive des professionnels de l’im- priété, sans avoir fait entériner devant notaire (pour des raisons finan-
mobilier à ces biens mettent un terme à leur incommensurabilité : les plasticienne ayant acheté avec deux autres artistes une usine en copro-
surfaces atypiques de Montreuil deviennent des biens typiques, typifiés, nées 2000 bloqué dans sa trajectoire résidentielle. C’est aussi le cas d’une
cotés. L’essor de ce marché est également permis par la fin de l’incerti- de l’usine dans laquelle il vit et travaille, et qui se trouve à la fin des an-
tude sur la qualité des biens et du quartier : l’expérience des gentrifieurs lisateurs et producteurs de films documentaires qui est resté locataire
convertisseurs atteste cette qualité et leur présence la conforte. Enfin, propriétaires d’un logement. C’est par exemple le cas d’un couple de réa-
ce « travail » immobilier conduit à la levée de l’incertitude stratégique : quises ou de telle façon que la loi ne les reconnaît pas in fine pleinement
leur présence, la pression qu’ils exercent sur le marché, les fraudes aux- également ceux qui, plus rares, ont transformé des usines sans les avoir ac-
quelles ils se livrent, mais aussi leur lobbying (par exemple les procès peut fragiliser la position sociale locale qu’ils se sont forgée. Elle affaiblit
contre des préemptions jugées abusives) conduisent petit à petit la mairie, matériels et économiques, tout en attirant une nouvelle population qui
parmi d’autres facteurs, à faire évoluer ses règles d’urbanisme. C’est parce Elle consolide à coup sûr la valeur de leur bien et de leurs investissements
qu’elle renonce d’abord à une politique de maintien de l’activité (la règle immobilier standard est-il toujours un bénéfice pour les convertisseurs ?
des 80 / 20), puis au contrôle des prix (la préemption) et enfin parce Cette intégration progressive du marché des biens singuliers au marché
qu’elle décide de changer l’usage des sols (en modifiant les COS) que des marché, mais aussi des agents du changement administratif.
acteurs plus institutionnels peuvent arriver sur ce marché et la demande producteurs de biens immobiliers désirables et des « activateurs » de ce
devenir plus massive. Lié indirectement à leur présence, le changement de le COS dans de nombreux secteurs. Les convertisseurs sont ainsi des
majorité en 2008 a accéléré le processus : la nouvelle maire Dominique Voynet s’est déclarée en faveur d’une densification du bâti et a relevé
Voynet s’est déclarée en faveur d’une densification du bâti et a relevé majorité en 2008 a accéléré le processus : la nouvelle maire Dominique
le COS dans de nombreux secteurs. Les convertisseurs sont ainsi des devenir plus massive. Lié indirectement à leur présence, le changement de
producteurs de biens immobiliers désirables et des « activateurs » de ce acteurs plus institutionnels peuvent arriver sur ce marché et la demande
marché, mais aussi des agents du changement administratif. qu’elle décide de changer l’usage des sols (en modifiant les COS) que des
Cette intégration progressive du marché des biens singuliers au marché des 80 / 20), puis au contrôle des prix (la préemption) et enfin parce
immobilier standard est-il toujours un bénéfice pour les convertisseurs ? qu’elle renonce d’abord à une politique de maintien de l’activité (la règle
Elle consolide à coup sûr la valeur de leur bien et de leurs investissements parmi d’autres facteurs, à faire évoluer ses règles d’urbanisme. C’est parce
matériels et économiques, tout en attirant une nouvelle population qui contre des préemptions jugées abusives) conduisent petit à petit la mairie,
peut fragiliser la position sociale locale qu’ils se sont forgée. Elle affaiblit quelles ils se livrent, mais aussi leur lobbying (par exemple les procès
également ceux qui, plus rares, ont transformé des usines sans les avoir ac- leur présence, la pression qu’ils exercent sur le marché, les fraudes aux-
quises ou de telle façon que la loi ne les reconnaît pas in fine pleinement ce « travail » immobilier conduit à la levée de l’incertitude stratégique :
propriétaires d’un logement. C’est par exemple le cas d’un couple de réa- convertisseurs atteste cette qualité et leur présence la conforte. Enfin,
lisateurs et producteurs de films documentaires qui est resté locataire tude sur la qualité des biens et du quartier : l’expérience des gentrifieurs
de l’usine dans laquelle il vit et travaille, et qui se trouve à la fin des an- cotés. L’essor de ce marché est également permis par la fin de l’incerti-
nées 2000 bloqué dans sa trajectoire résidentielle. C’est aussi le cas d’une surfaces atypiques de Montreuil deviennent des biens typiques, typifiés,
plasticienne ayant acheté avec deux autres artistes une usine en copro- mobilier à ces biens mettent un terme à leur incommensurabilité : les
priété, sans avoir fait entériner devant notaire (pour des raisons finan- des transactions et l’adaptation progressive des professionnels de l’im-
cières) l’exact découpage des lots ; la modification du COS éveille chez tique identifiable (celle des lofts, voir Collet, 2012), la multiplication
ses partenaires des projets spéculatifs de nature à la priver de tout accès à En effet, la production par les convertisseurs de logements à l’esthé-
la lumière du jour et à rendre son espace impropre à l’habitation.
Toutefois, même dans ces situations, les convertisseurs tirent de leur UNE REVALORISATION RÉCIPROQUE DES LIEUX ET DES TRAJECTOIRES
expérience d’autres bénéfices, ici non financiers : elle aura joué un rôle
certain dans leur trajectoire résidentielle, professionnelle et sociale. Il appa-
raît clairement que le moteur de ces conversions ne réside pas seulement 131 Anaïs Collet
dans l’appât de la plus-value, mais aussi dans trois autres types d’intérêts.
longer sa trajectoire socioprofessionnelle en s’affiliant de plus ou moins
lité descendante qu’il aurait induit sur le marché immobilier ; c’est pro- 132 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
entre ressources économiques et culturelles et échapper ainsi à la mobi-
et socialement – et se reclasser en même temps –, c’est résoudre l’écart
transformant un bien immobilier, le reclasser à la fois économiquement Tout d’abord, malgré le faible différentiel entre le prix final de leur
« valoriser quelque chose » : créer de la valeur économique et sociale en habitation et le prix moyen du marché, l’acquisition-conversion com-
On perçoit mieux le caractère multidimensionnel de ce projet de porte un double intérêt économique. Elle permet d’une part d’étaler la
est pas moins constitutive d’un certain positionnement social. dépense, c’est-à-dire d’acheter peu cher et d’engager les dépenses liées
des choses. Il s’agit certes là d’une « nécessité faite vertu », mais qui n’en aux travaux au gré des rentrées d’argent – qui peuvent être irrégulières
manuel, avoir le sens de l’effort et du temps que nécessite la fabrication mais substantielles. D’autre part, elle permet de se loger au-dessus de ses
mode de vie « simple », réhabiliter le fait-maison, (re)découvrir le travail moyens et de compenser ainsi le déclassement résidentiel qui, manifeste
consommation, à l’ostentation, au luxe et au clinquant ; privilégier un dans ce départ pour la banlieue, est dû à des revenus irréguliers et au
mer une éthique opposée à celle de l’élite : renoncer à la facilité de la choix d’un secteur professionnel peu lucratif. Elle offre ainsi l’opportu-
moderne, confortable, prêt à l’emploi. Ce choix est une façon d’expri- nité, en substituant la sueur et le temps aux ressources économiques, de
même une partie des travaux plutôt que de s’installer dans un logement résoudre le décalage inhérent à certaines professions entre capital écono-
de s’installer dans un bien immobilier en mauvais état et d’y faire soi- mique et statut social.
Pour finir, c’est en quelque sorte faire preuve de vertu morale que Le second intérêt d’un tel choix réside dans la possibilité d’intervenir
ainsi un statut résidentiel valorisé. sur la forme matérielle du logement. L’ancienne usine vaut autant pour
architecturales classantes, en particulier le loft (Biau, 1987), et de s’offrir le résultat final que pour la démarche de création et d’invention qu’elle
techniques et esthétiques. Ils permettent enfin de jouer avec des formes aura suscitée. Réaliser soi-même son logement permet de se fabriquer
fie in fine autant le lieu que ses occupants et révèle leurs compétences un habitat personnalisé, sur-mesure, adapté à sa façon de vivre, « un lo-
unique. Les travaux rendent ainsi possible un travail artistique qui quali- gement qui nous ressemble ». Un tel souhait renvoie à certaines valeurs
de s’assurer de l’originalité du lieu, de son caractère non standardisé, propres au groupe social auquel appartiennent ces gentrifieurs : expres-
savoir-faire distinctifs à travers les choix architecturaux, en particulier sion de soi, exaltation de l’épanouissement, volonté de faire primer la
monde. Les travaux sont aussi l’occasion de manifester des goûts et des valeur d’usage sur la valeur d’échange, critique de la marchandisation du
valeur d’usage sur la valeur d’échange, critique de la marchandisation du monde. Les travaux sont aussi l’occasion de manifester des goûts et des
sion de soi, exaltation de l’épanouissement, volonté de faire primer la savoir-faire distinctifs à travers les choix architecturaux, en particulier
propres au groupe social auquel appartiennent ces gentrifieurs : expres- de s’assurer de l’originalité du lieu, de son caractère non standardisé,
gement qui nous ressemble ». Un tel souhait renvoie à certaines valeurs unique. Les travaux rendent ainsi possible un travail artistique qui quali-
un habitat personnalisé, sur-mesure, adapté à sa façon de vivre, « un lo- fie in fine autant le lieu que ses occupants et révèle leurs compétences
aura suscitée. Réaliser soi-même son logement permet de se fabriquer techniques et esthétiques. Ils permettent enfin de jouer avec des formes
le résultat final que pour la démarche de création et d’invention qu’elle architecturales classantes, en particulier le loft (Biau, 1987), et de s’offrir
sur la forme matérielle du logement. L’ancienne usine vaut autant pour ainsi un statut résidentiel valorisé.
Le second intérêt d’un tel choix réside dans la possibilité d’intervenir Pour finir, c’est en quelque sorte faire preuve de vertu morale que
mique et statut social. de s’installer dans un bien immobilier en mauvais état et d’y faire soi-
résoudre le décalage inhérent à certaines professions entre capital écono- même une partie des travaux plutôt que de s’installer dans un logement
nité, en substituant la sueur et le temps aux ressources économiques, de moderne, confortable, prêt à l’emploi. Ce choix est une façon d’expri-
choix d’un secteur professionnel peu lucratif. Elle offre ainsi l’opportu- mer une éthique opposée à celle de l’élite : renoncer à la facilité de la
dans ce départ pour la banlieue, est dû à des revenus irréguliers et au consommation, à l’ostentation, au luxe et au clinquant ; privilégier un
moyens et de compenser ainsi le déclassement résidentiel qui, manifeste mode de vie « simple », réhabiliter le fait-maison, (re)découvrir le travail
mais substantielles. D’autre part, elle permet de se loger au-dessus de ses manuel, avoir le sens de l’effort et du temps que nécessite la fabrication
aux travaux au gré des rentrées d’argent – qui peuvent être irrégulières des choses. Il s’agit certes là d’une « nécessité faite vertu », mais qui n’en
dépense, c’est-à-dire d’acheter peu cher et d’engager les dépenses liées est pas moins constitutive d’un certain positionnement social.
porte un double intérêt économique. Elle permet d’une part d’étaler la On perçoit mieux le caractère multidimensionnel de ce projet de
habitation et le prix moyen du marché, l’acquisition-conversion com- « valoriser quelque chose » : créer de la valeur économique et sociale en
Tout d’abord, malgré le faible différentiel entre le prix final de leur transformant un bien immobilier, le reclasser à la fois économiquement
et socialement – et se reclasser en même temps –, c’est résoudre l’écart
entre ressources économiques et culturelles et échapper ainsi à la mobi-
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 132 lité descendante qu’il aurait induit sur le marché immobilier ; c’est pro-
longer sa trajectoire socioprofessionnelle en s’affiliant de plus ou moins

longer sa trajectoire socioprofessionnelle en s’affiliant de plus ou moins


lité descendante qu’il aurait induit sur le marché immobilier ; c’est pro- 132 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
entre ressources économiques et culturelles et échapper ainsi à la mobi-
et socialement – et se reclasser en même temps –, c’est résoudre l’écart
transformant un bien immobilier, le reclasser à la fois économiquement Tout d’abord, malgré le faible différentiel entre le prix final de leur
« valoriser quelque chose » : créer de la valeur économique et sociale en habitation et le prix moyen du marché, l’acquisition-conversion com-
On perçoit mieux le caractère multidimensionnel de ce projet de porte un double intérêt économique. Elle permet d’une part d’étaler la
est pas moins constitutive d’un certain positionnement social. dépense, c’est-à-dire d’acheter peu cher et d’engager les dépenses liées
des choses. Il s’agit certes là d’une « nécessité faite vertu », mais qui n’en aux travaux au gré des rentrées d’argent – qui peuvent être irrégulières
manuel, avoir le sens de l’effort et du temps que nécessite la fabrication mais substantielles. D’autre part, elle permet de se loger au-dessus de ses
mode de vie « simple », réhabiliter le fait-maison, (re)découvrir le travail moyens et de compenser ainsi le déclassement résidentiel qui, manifeste
consommation, à l’ostentation, au luxe et au clinquant ; privilégier un dans ce départ pour la banlieue, est dû à des revenus irréguliers et au
mer une éthique opposée à celle de l’élite : renoncer à la facilité de la choix d’un secteur professionnel peu lucratif. Elle offre ainsi l’opportu-
moderne, confortable, prêt à l’emploi. Ce choix est une façon d’expri- nité, en substituant la sueur et le temps aux ressources économiques, de
même une partie des travaux plutôt que de s’installer dans un logement résoudre le décalage inhérent à certaines professions entre capital écono-
de s’installer dans un bien immobilier en mauvais état et d’y faire soi- mique et statut social.
Pour finir, c’est en quelque sorte faire preuve de vertu morale que Le second intérêt d’un tel choix réside dans la possibilité d’intervenir
ainsi un statut résidentiel valorisé. sur la forme matérielle du logement. L’ancienne usine vaut autant pour
architecturales classantes, en particulier le loft (Biau, 1987), et de s’offrir le résultat final que pour la démarche de création et d’invention qu’elle
techniques et esthétiques. Ils permettent enfin de jouer avec des formes aura suscitée. Réaliser soi-même son logement permet de se fabriquer
fie in fine autant le lieu que ses occupants et révèle leurs compétences un habitat personnalisé, sur-mesure, adapté à sa façon de vivre, « un lo-
unique. Les travaux rendent ainsi possible un travail artistique qui quali- gement qui nous ressemble ». Un tel souhait renvoie à certaines valeurs
de s’assurer de l’originalité du lieu, de son caractère non standardisé, propres au groupe social auquel appartiennent ces gentrifieurs : expres-
savoir-faire distinctifs à travers les choix architecturaux, en particulier sion de soi, exaltation de l’épanouissement, volonté de faire primer la
monde. Les travaux sont aussi l’occasion de manifester des goûts et des valeur d’usage sur la valeur d’échange, critique de la marchandisation du
valeur d’usage sur la valeur d’échange, critique de la marchandisation du monde. Les travaux sont aussi l’occasion de manifester des goûts et des
sion de soi, exaltation de l’épanouissement, volonté de faire primer la savoir-faire distinctifs à travers les choix architecturaux, en particulier
propres au groupe social auquel appartiennent ces gentrifieurs : expres- de s’assurer de l’originalité du lieu, de son caractère non standardisé,
gement qui nous ressemble ». Un tel souhait renvoie à certaines valeurs unique. Les travaux rendent ainsi possible un travail artistique qui quali-
un habitat personnalisé, sur-mesure, adapté à sa façon de vivre, « un lo- fie in fine autant le lieu que ses occupants et révèle leurs compétences
aura suscitée. Réaliser soi-même son logement permet de se fabriquer techniques et esthétiques. Ils permettent enfin de jouer avec des formes
le résultat final que pour la démarche de création et d’invention qu’elle architecturales classantes, en particulier le loft (Biau, 1987), et de s’offrir
sur la forme matérielle du logement. L’ancienne usine vaut autant pour ainsi un statut résidentiel valorisé.
Le second intérêt d’un tel choix réside dans la possibilité d’intervenir Pour finir, c’est en quelque sorte faire preuve de vertu morale que
mique et statut social. de s’installer dans un bien immobilier en mauvais état et d’y faire soi-
résoudre le décalage inhérent à certaines professions entre capital écono- même une partie des travaux plutôt que de s’installer dans un logement
nité, en substituant la sueur et le temps aux ressources économiques, de moderne, confortable, prêt à l’emploi. Ce choix est une façon d’expri-
choix d’un secteur professionnel peu lucratif. Elle offre ainsi l’opportu- mer une éthique opposée à celle de l’élite : renoncer à la facilité de la
dans ce départ pour la banlieue, est dû à des revenus irréguliers et au consommation, à l’ostentation, au luxe et au clinquant ; privilégier un
moyens et de compenser ainsi le déclassement résidentiel qui, manifeste mode de vie « simple », réhabiliter le fait-maison, (re)découvrir le travail
mais substantielles. D’autre part, elle permet de se loger au-dessus de ses manuel, avoir le sens de l’effort et du temps que nécessite la fabrication
aux travaux au gré des rentrées d’argent – qui peuvent être irrégulières des choses. Il s’agit certes là d’une « nécessité faite vertu », mais qui n’en
dépense, c’est-à-dire d’acheter peu cher et d’engager les dépenses liées est pas moins constitutive d’un certain positionnement social.
porte un double intérêt économique. Elle permet d’une part d’étaler la On perçoit mieux le caractère multidimensionnel de ce projet de
habitation et le prix moyen du marché, l’acquisition-conversion com- « valoriser quelque chose » : créer de la valeur économique et sociale en
Tout d’abord, malgré le faible différentiel entre le prix final de leur transformant un bien immobilier, le reclasser à la fois économiquement
et socialement – et se reclasser en même temps –, c’est résoudre l’écart
entre ressources économiques et culturelles et échapper ainsi à la mobi-
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 132 lité descendante qu’il aurait induit sur le marché immobilier ; c’est pro-
longer sa trajectoire socioprofessionnelle en s’affiliant de plus ou moins
sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France.
Anaïs Collet 133 Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai
sociétés, no 51, p. 145-164.
Biau Véronique (1987), « Le loft : un nouvel habitat urbain », Espaces et
près à la figure de l’artiste ; c’est manifester un système de valeurs opposé Lyon) », Cahiers de l’observation du changement social, no 16, p. 181-227.
à celui de l’élite dominante. gement social en milieu urbain (le quartier de la Croix-Rousse à
Bensoussan Bernard (1982), « Le recours au quartier. Enjeux et chan-
* Bibliographie
Organisée autour d’un conflit entre explications « par l’offre » ou
« par la demande » de logements et de quartiers gentrifiés, la littérature leurs ressources et rétablissent de ce fait leur trajectoire sociorésidentielle.
anglo-saxonne sur la gentrification ne considère jamais les gentrifieurs transformant un espace, les gentrifieurs valorisent en effet certaines de
autrement que comme des consommateurs d’espaces gentrifiés. Or il seule plus-value financière : il offre des bénéfices sociaux plus divers. En
apparaît clairement dans certains espaces, dont le Bas-Montreuil, que et en énergie, ce travail n’est fourni ni « gratuitement », ni en vue de la
certains de ces gentrifieurs, notamment au début du processus, sont des de forts enjeux professionnels ou sociaux. Coûteux en temps, en argent
producteurs au moins autant que des consommateurs d’espaces gen- quel sont mobilisées des ressources importantes et variées, et qui suppose
trifiés. Si ces gentrifieurs convertisseurs d’espaces populaires sont, d’un mènent un véritable travail matériel, social et symbolique, au cours du-
point de vue quantitatif, relativement peu nombreux, ils jouent un rôle la leur confisquer. Les gentrifieurs comme agents du changement urbain
clé dans la gentrification, et pas seulement dans ses dimensions sociales d’honneur et trop d’indignité : c’est leur prêter une grande puissance et
et symboliques. Transformant le bâti sur un plan à la fois matériel, sym- la manière de Jean-Samuel Bordreuil (1984), c’est leur faire à la fois trop
bolique et économique, ils contribuent, avec les politiques municipales, p. 147), tel que le décrit par exemple Sharon Zukin (1982). Pour le dire à
à l’attraction de populations et de promoteurs qui joueront, seulement tenteurs de capitaux cherchant de bons placements » (Bordreuil, 1994,
dans un second temps, la partition connue de l’offre et de la demande pas non plus à celui d’« agent d’infiltration qui travaille pour des dé-
d’espaces gentrifiés. tion », dont la seule présence suffirait à valoriser les lieux. Il ne se réduit
Mais ce rôle dans le marché immobilier ne se réduit pas à celui que décrit par exemple David Ley (2003), un rôle d’« agents de l’esthétisa-
décrit par exemple David Ley (2003), un rôle d’« agents de l’esthétisa- Mais ce rôle dans le marché immobilier ne se réduit pas à celui que
tion », dont la seule présence suffirait à valoriser les lieux. Il ne se réduit d’espaces gentrifiés.
pas non plus à celui d’« agent d’infiltration qui travaille pour des dé- dans un second temps, la partition connue de l’offre et de la demande
tenteurs de capitaux cherchant de bons placements » (Bordreuil, 1994, à l’attraction de populations et de promoteurs qui joueront, seulement
p. 147), tel que le décrit par exemple Sharon Zukin (1982). Pour le dire à bolique et économique, ils contribuent, avec les politiques municipales,
la manière de Jean-Samuel Bordreuil (1984), c’est leur faire à la fois trop et symboliques. Transformant le bâti sur un plan à la fois matériel, sym-
d’honneur et trop d’indignité : c’est leur prêter une grande puissance et clé dans la gentrification, et pas seulement dans ses dimensions sociales
la leur confisquer. Les gentrifieurs comme agents du changement urbain point de vue quantitatif, relativement peu nombreux, ils jouent un rôle
mènent un véritable travail matériel, social et symbolique, au cours du- trifiés. Si ces gentrifieurs convertisseurs d’espaces populaires sont, d’un
quel sont mobilisées des ressources importantes et variées, et qui suppose producteurs au moins autant que des consommateurs d’espaces gen-
de forts enjeux professionnels ou sociaux. Coûteux en temps, en argent certains de ces gentrifieurs, notamment au début du processus, sont des
et en énergie, ce travail n’est fourni ni « gratuitement », ni en vue de la apparaît clairement dans certains espaces, dont le Bas-Montreuil, que
seule plus-value financière : il offre des bénéfices sociaux plus divers. En autrement que comme des consommateurs d’espaces gentrifiés. Or il
transformant un espace, les gentrifieurs valorisent en effet certaines de anglo-saxonne sur la gentrification ne considère jamais les gentrifieurs
leurs ressources et rétablissent de ce fait leur trajectoire sociorésidentielle. « par la demande » de logements et de quartiers gentrifiés, la littérature
Organisée autour d’un conflit entre explications « par l’offre » ou
Bibliographie
*
Bensoussan Bernard (1982), « Le recours au quartier. Enjeux et chan-
gement social en milieu urbain (le quartier de la Croix-Rousse à à celui de l’élite dominante.
Lyon) », Cahiers de l’observation du changement social, no 16, p. 181-227. près à la figure de l’artiste ; c’est manifester un système de valeurs opposé
Biau Véronique (1987), « Le loft : un nouvel habitat urbain », Espaces et
sociétés, no 51, p. 145-164.
Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai 133 Anaïs Collet
sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France.

sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France.


Anaïs Collet 133 Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai
sociétés, no 51, p. 145-164.
Biau Véronique (1987), « Le loft : un nouvel habitat urbain », Espaces et
près à la figure de l’artiste ; c’est manifester un système de valeurs opposé Lyon) », Cahiers de l’observation du changement social, no 16, p. 181-227.
à celui de l’élite dominante. gement social en milieu urbain (le quartier de la Croix-Rousse à
Bensoussan Bernard (1982), « Le recours au quartier. Enjeux et chan-
* Bibliographie
Organisée autour d’un conflit entre explications « par l’offre » ou
« par la demande » de logements et de quartiers gentrifiés, la littérature leurs ressources et rétablissent de ce fait leur trajectoire sociorésidentielle.
anglo-saxonne sur la gentrification ne considère jamais les gentrifieurs transformant un espace, les gentrifieurs valorisent en effet certaines de
autrement que comme des consommateurs d’espaces gentrifiés. Or il seule plus-value financière : il offre des bénéfices sociaux plus divers. En
apparaît clairement dans certains espaces, dont le Bas-Montreuil, que et en énergie, ce travail n’est fourni ni « gratuitement », ni en vue de la
certains de ces gentrifieurs, notamment au début du processus, sont des de forts enjeux professionnels ou sociaux. Coûteux en temps, en argent
producteurs au moins autant que des consommateurs d’espaces gen- quel sont mobilisées des ressources importantes et variées, et qui suppose
trifiés. Si ces gentrifieurs convertisseurs d’espaces populaires sont, d’un mènent un véritable travail matériel, social et symbolique, au cours du-
point de vue quantitatif, relativement peu nombreux, ils jouent un rôle la leur confisquer. Les gentrifieurs comme agents du changement urbain
clé dans la gentrification, et pas seulement dans ses dimensions sociales d’honneur et trop d’indignité : c’est leur prêter une grande puissance et
et symboliques. Transformant le bâti sur un plan à la fois matériel, sym- la manière de Jean-Samuel Bordreuil (1984), c’est leur faire à la fois trop
bolique et économique, ils contribuent, avec les politiques municipales, p. 147), tel que le décrit par exemple Sharon Zukin (1982). Pour le dire à
à l’attraction de populations et de promoteurs qui joueront, seulement tenteurs de capitaux cherchant de bons placements » (Bordreuil, 1994,
dans un second temps, la partition connue de l’offre et de la demande pas non plus à celui d’« agent d’infiltration qui travaille pour des dé-
d’espaces gentrifiés. tion », dont la seule présence suffirait à valoriser les lieux. Il ne se réduit
Mais ce rôle dans le marché immobilier ne se réduit pas à celui que décrit par exemple David Ley (2003), un rôle d’« agents de l’esthétisa-
décrit par exemple David Ley (2003), un rôle d’« agents de l’esthétisa- Mais ce rôle dans le marché immobilier ne se réduit pas à celui que
tion », dont la seule présence suffirait à valoriser les lieux. Il ne se réduit d’espaces gentrifiés.
pas non plus à celui d’« agent d’infiltration qui travaille pour des dé- dans un second temps, la partition connue de l’offre et de la demande
tenteurs de capitaux cherchant de bons placements » (Bordreuil, 1994, à l’attraction de populations et de promoteurs qui joueront, seulement
p. 147), tel que le décrit par exemple Sharon Zukin (1982). Pour le dire à bolique et économique, ils contribuent, avec les politiques municipales,
la manière de Jean-Samuel Bordreuil (1984), c’est leur faire à la fois trop et symboliques. Transformant le bâti sur un plan à la fois matériel, sym-
d’honneur et trop d’indignité : c’est leur prêter une grande puissance et clé dans la gentrification, et pas seulement dans ses dimensions sociales
la leur confisquer. Les gentrifieurs comme agents du changement urbain point de vue quantitatif, relativement peu nombreux, ils jouent un rôle
mènent un véritable travail matériel, social et symbolique, au cours du- trifiés. Si ces gentrifieurs convertisseurs d’espaces populaires sont, d’un
quel sont mobilisées des ressources importantes et variées, et qui suppose producteurs au moins autant que des consommateurs d’espaces gen-
de forts enjeux professionnels ou sociaux. Coûteux en temps, en argent certains de ces gentrifieurs, notamment au début du processus, sont des
et en énergie, ce travail n’est fourni ni « gratuitement », ni en vue de la apparaît clairement dans certains espaces, dont le Bas-Montreuil, que
seule plus-value financière : il offre des bénéfices sociaux plus divers. En autrement que comme des consommateurs d’espaces gentrifiés. Or il
transformant un espace, les gentrifieurs valorisent en effet certaines de anglo-saxonne sur la gentrification ne considère jamais les gentrifieurs
leurs ressources et rétablissent de ce fait leur trajectoire sociorésidentielle. « par la demande » de logements et de quartiers gentrifiés, la littérature
Organisée autour d’un conflit entre explications « par l’offre » ou
Bibliographie
*
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134 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?

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the City Movement by Capital, not People”, Journal of the American tants dans un vieux quartier de Paris, Paris, Éditions de la Maison des
Smith Neil (1979), “Toward a Theory of Gentrification: a Back to sciences de l’homme.
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démocratique, Paris, Gallimard. deux générations de “nouvelles classes moyennes” », Espaces et sociétés,
Heinich Nathalie (2005), L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime no 148-149, p. 37-52.
no 148-149, p. 37-52. Heinich Nathalie (2005), L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime
deux générations de “nouvelles classes moyennes” », Espaces et sociétés, démocratique, Paris, Gallimard.
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Bas-Montreuil, 1975-2005, thèse de doctorat de sociologie, Université rités », Revue française de sociologie, vol. 49, no 2, p. 407-421.
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dans un quartier parisien socialement mélangé, rapport de l’Institut de re- ment et d’urbanisme Île-de-France / Le Champ urbain / Arturbatec.
contres de classes dans le quartier Sainte-Marthe, sociabilités et modes d’habiter Zukin Sharon (1982), Loft Living. Culture and Capital in Urban Change,
Bidou-Zachariasen Catherine & Poltorak Jean-François (2006), Ren- New Brunswick, Rutgers University Press.

Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 134

134 Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?

New Brunswick, Rutgers University Press. Bidou-Zachariasen Catherine & Poltorak Jean-François (2006), Ren-
Zukin Sharon (1982), Loft Living. Culture and Capital in Urban Change, contres de classes dans le quartier Sainte-Marthe, sociabilités et modes d’habiter
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progressiste, Paris, Éditions Raisons d’agir. planétaire », Villes en parallèle, no 20-21, p. 41-61.
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and Space, vol. 5, no 2, p. 151-172. nombreux mais prudents », Économie et statistique, no 381-382, p. 41-61.
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no 148-149, p. 37-52. Heinich Nathalie (2005), L’Élite artiste. Excellence et singularité en régime
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Lumière Lyon 2. — (2008), « De l’existence et de la portée de l’économie des singula-
Bas-Montreuil, 1975-2005, thèse de doctorat de sociologie, Université rités », Revue française de sociologie, vol. 49, no 2, p. 407-421.
tion. Changement social et changement urbain à la Croix-Rousse et dans le Ley David (2003), “Artists, Aestheticisation and the Field of Gentrifi-
Collet Anaïs (2010), Générations de classes moyennes et travail de gentrifica- cation”, Urban Studies, vol. 40, no 12, p. 2527-2544.
sciences de l’homme. Smith Neil (1979), “Toward a Theory of Gentrification: a Back to
tants dans un vieux quartier de Paris, Paris, Éditions de la Maison des the City Movement by Capital, not People”, Journal of the American
Chalvon-Demersay Sabine (1984), Le Triangle du 14 e : de nouveaux habi- Planning Association, vol. 45, no 4, p. 538-548.
Éditions de Minuit. — (1987), “Of Yuppies and Housing: Gentrification, Social Restru-
Bourdieu Pierre (1979), La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, cturing, and the Urban Dream”, Environment and Planning D: Society
nombreux mais prudents », Économie et statistique, no 381-382, p. 41-61. and Space, vol. 5, no 2, p. 151-172.
Bosvieux Jean (2005), « Accession à la propriété  : des acquéreurs plus Tissot Sylvie (2011), De bons voisins. Enquête dans un quartier de la bourgeoisie
planétaire », Villes en parallèle, no 20-21, p. 41-61. progressiste, Paris, Éditions Raisons d’agir.
Bordreuil Jean-Samuel (1994), « SoHo, ou comment le “village” devint Toubon Jean-Claude, Sevin Annie, Tanter Annick & Jacob François
pour le ministère de la Culture et de la Communication. (1990), Le Projet de quartier du Bas-Montreuil, ses effets sur le milieu industriel,
cherche interdisciplinaire en sociologie, économie et science politique Paris, ministère de l’Équipement (Plan urbain) / Institut d’aménage-
dans un quartier parisien socialement mélangé, rapport de l’Institut de re- ment et d’urbanisme Île-de-France / Le Champ urbain / Arturbatec.
contres de classes dans le quartier Sainte-Marthe, sociabilités et modes d’habiter Zukin Sharon (1982), Loft Living. Culture and Capital in Urban Change,
Bidou-Zachariasen Catherine & Poltorak Jean-François (2006), Ren- New Brunswick, Rutgers University Press.

Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ? 134


Anaïs Collet 135

Annexe

Appartements Maisons
4 000

3 500

3 000

2 500

2 000

1 500

1 000

500

0
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008

Prix des logements au mètre carré, Montreuil, 1990-2008, en euros


(source : mairie de Montreuil).

(source : mairie de Montreuil).


Prix des logements au mètre carré, Montreuil, 1990-2008, en euros
2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990
0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

3 500

4 000
Maisons Appartements

Annexe

135 Anaïs Collet

Anaïs Collet 135

Annexe

Appartements Maisons
4 000

3 500

3 000

2 500

2 000

1 500

1 000

500

0
1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008

Prix des logements au mètre carré, Montreuil, 1990-2008, en euros


(source : mairie de Montreuil).

(source : mairie de Montreuil).


Prix des logements au mètre carré, Montreuil, 1990-2008, en euros
2008 2006 2004 2002 2000 1998 1996 1994 1992 1990
0

500

1 000

1 500

2 000

2 500

3 000

3 500

4 000
Maisons Appartements

Annexe

135 Anaïs Collet


acteurs et de nouvelles dimensions des processus de gentrification, et à
riques que théoriques, ces contributions amènent à identifier de nouveaux
anglo-saxonne des Urban Studies et celle des Gay Studies.Tout autant empi-
un tel sujet de recherche, en particulier lorsqu’on mobilise la littérature
notamment la sociologie urbaine française, a pu sembler « en retard » sur
Nous montrerons, en premier lieu, en quoi la sociologie francophone,
gaytrification.
RENOUVELER LES APPROCHES DE LA GENTRIFICATION : celles des hommes homosexuels ou gays, que l’on désignera par le terme
LE CAS DE LA «  GAYTRIFICATION  » mettant sur le devant de la scène une catégorie de population particulière,
de cet article, qui s’intéresse à une forme particulière de gentrification
ce type de mutations urbaines (Collet, 2008). C’est l’une des ambitions
Colin Giraud préhension plus fine des formes et des acteurs spécifiques impliqués dans
vellement des approches de la gentrification passe surtout par une com-
empiriquement à l’aide de données et de méthodes statistiques, le renou-
La notion de gentrification est devenue un terme relativement ba- repérage et de la mesure de l’ampleur de tels processus, souvent illustrés
nalisé et populaire dans les sciences sociales françaises et francophones doit s’intéresser et consacrer le travail d’analyse sociologique. Au-delà du
(Authier & Bidou-Zachariasen, 2008). Géographes, sociologues et poli- C’est bien alors à des formes et des cas de gentrification que l’on
tistes l’utilisent généralement pour désigner les processus de réhabilita- processus du changement urbain des centres-ville aujourd’hui.
tion et de requalification des quartiers anciens de centre-ville. Au-delà trification permet cependant d’étudier et de mieux comprendre certains
de cette définition, il existe des acceptions et des usages plus controversés à son caractère descriptif et à son pouvoir idéaltypique, la notion de gen-
et plus débattus de la notion elle-même, usages engageant bien souvent essentielles des critiques qui lui ont été adressées (ibid.). Si l’on s’en tient
des postures théoriques ou des cadres d’analyse spécifiques. Certains en- trification a pu paraître parfois trop polysémique, et c’est l’une des raisons
visagent ainsi la gentrification comme un levier actif et volontariste des temps que son usage s’est diffusé, le contenu de la notion même de gen-
politiques urbaines, d’autres étendent à présent la portée du concept aux bilitation ou rénovation urbaine par exemple (Bourdin, 2008). En même
espaces ruraux, tandis que des confusions persistent entre des termes et des processus pourtant distincts : gentrification, embourgeoisement, réha-
des processus pourtant distincts : gentrification, embourgeoisement, réha- espaces ruraux, tandis que des confusions persistent entre des termes et
bilitation ou rénovation urbaine par exemple (Bourdin, 2008). En même politiques urbaines, d’autres étendent à présent la portée du concept aux
temps que son usage s’est diffusé, le contenu de la notion même de gen- visagent ainsi la gentrification comme un levier actif et volontariste des
trification a pu paraître parfois trop polysémique, et c’est l’une des raisons des postures théoriques ou des cadres d’analyse spécifiques. Certains en-
essentielles des critiques qui lui ont été adressées (ibid.). Si l’on s’en tient et plus débattus de la notion elle-même, usages engageant bien souvent
à son caractère descriptif et à son pouvoir idéaltypique, la notion de gen- de cette définition, il existe des acceptions et des usages plus controversés
trification permet cependant d’étudier et de mieux comprendre certains tion et de requalification des quartiers anciens de centre-ville. Au-delà
processus du changement urbain des centres-ville aujourd’hui. tistes l’utilisent généralement pour désigner les processus de réhabilita-
C’est bien alors à des formes et des cas de gentrification que l’on (Authier & Bidou-Zachariasen, 2008). Géographes, sociologues et poli-
doit s’intéresser et consacrer le travail d’analyse sociologique. Au-delà du nalisé et populaire dans les sciences sociales françaises et francophones
repérage et de la mesure de l’ampleur de tels processus, souvent illustrés La notion de gentrification est devenue un terme relativement ba-
empiriquement à l’aide de données et de méthodes statistiques, le renou-
vellement des approches de la gentrification passe surtout par une com-
préhension plus fine des formes et des acteurs spécifiques impliqués dans Colin Giraud
ce type de mutations urbaines (Collet, 2008). C’est l’une des ambitions
de cet article, qui s’intéresse à une forme particulière de gentrification
mettant sur le devant de la scène une catégorie de population particulière, LE CAS DE LA «  GAYTRIFICATION  »
celles des hommes homosexuels ou gays, que l’on désignera par le terme RENOUVELER LES APPROCHES DE LA GENTRIFICATION :
gaytrification.
Nous montrerons, en premier lieu, en quoi la sociologie francophone,
notamment la sociologie urbaine française, a pu sembler « en retard » sur
un tel sujet de recherche, en particulier lorsqu’on mobilise la littérature
anglo-saxonne des Urban Studies et celle des Gay Studies.Tout autant empi-
riques que théoriques, ces contributions amènent à identifier de nouveaux
acteurs et de nouvelles dimensions des processus de gentrification, et à

acteurs et de nouvelles dimensions des processus de gentrification, et à


riques que théoriques, ces contributions amènent à identifier de nouveaux
anglo-saxonne des Urban Studies et celle des Gay Studies.Tout autant empi-
un tel sujet de recherche, en particulier lorsqu’on mobilise la littérature
notamment la sociologie urbaine française, a pu sembler « en retard » sur
Nous montrerons, en premier lieu, en quoi la sociologie francophone,
gaytrification.
RENOUVELER LES APPROCHES DE LA GENTRIFICATION : celles des hommes homosexuels ou gays, que l’on désignera par le terme
LE CAS DE LA «  GAYTRIFICATION  » mettant sur le devant de la scène une catégorie de population particulière,
de cet article, qui s’intéresse à une forme particulière de gentrification
ce type de mutations urbaines (Collet, 2008). C’est l’une des ambitions
Colin Giraud préhension plus fine des formes et des acteurs spécifiques impliqués dans
vellement des approches de la gentrification passe surtout par une com-
empiriquement à l’aide de données et de méthodes statistiques, le renou-
La notion de gentrification est devenue un terme relativement ba- repérage et de la mesure de l’ampleur de tels processus, souvent illustrés
nalisé et populaire dans les sciences sociales françaises et francophones doit s’intéresser et consacrer le travail d’analyse sociologique. Au-delà du
(Authier & Bidou-Zachariasen, 2008). Géographes, sociologues et poli- C’est bien alors à des formes et des cas de gentrification que l’on
tistes l’utilisent généralement pour désigner les processus de réhabilita- processus du changement urbain des centres-ville aujourd’hui.
tion et de requalification des quartiers anciens de centre-ville. Au-delà trification permet cependant d’étudier et de mieux comprendre certains
de cette définition, il existe des acceptions et des usages plus controversés à son caractère descriptif et à son pouvoir idéaltypique, la notion de gen-
et plus débattus de la notion elle-même, usages engageant bien souvent essentielles des critiques qui lui ont été adressées (ibid.). Si l’on s’en tient
des postures théoriques ou des cadres d’analyse spécifiques. Certains en- trification a pu paraître parfois trop polysémique, et c’est l’une des raisons
visagent ainsi la gentrification comme un levier actif et volontariste des temps que son usage s’est diffusé, le contenu de la notion même de gen-
politiques urbaines, d’autres étendent à présent la portée du concept aux bilitation ou rénovation urbaine par exemple (Bourdin, 2008). En même
espaces ruraux, tandis que des confusions persistent entre des termes et des processus pourtant distincts : gentrification, embourgeoisement, réha-
des processus pourtant distincts : gentrification, embourgeoisement, réha- espaces ruraux, tandis que des confusions persistent entre des termes et
bilitation ou rénovation urbaine par exemple (Bourdin, 2008). En même politiques urbaines, d’autres étendent à présent la portée du concept aux
temps que son usage s’est diffusé, le contenu de la notion même de gen- visagent ainsi la gentrification comme un levier actif et volontariste des
trification a pu paraître parfois trop polysémique, et c’est l’une des raisons des postures théoriques ou des cadres d’analyse spécifiques. Certains en-
essentielles des critiques qui lui ont été adressées (ibid.). Si l’on s’en tient et plus débattus de la notion elle-même, usages engageant bien souvent
à son caractère descriptif et à son pouvoir idéaltypique, la notion de gen- de cette définition, il existe des acceptions et des usages plus controversés
trification permet cependant d’étudier et de mieux comprendre certains tion et de requalification des quartiers anciens de centre-ville. Au-delà
processus du changement urbain des centres-ville aujourd’hui. tistes l’utilisent généralement pour désigner les processus de réhabilita-
C’est bien alors à des formes et des cas de gentrification que l’on (Authier & Bidou-Zachariasen, 2008). Géographes, sociologues et poli-
doit s’intéresser et consacrer le travail d’analyse sociologique. Au-delà du nalisé et populaire dans les sciences sociales françaises et francophones
repérage et de la mesure de l’ampleur de tels processus, souvent illustrés La notion de gentrification est devenue un terme relativement ba-
empiriquement à l’aide de données et de méthodes statistiques, le renou-
vellement des approches de la gentrification passe surtout par une com-
préhension plus fine des formes et des acteurs spécifiques impliqués dans Colin Giraud
ce type de mutations urbaines (Collet, 2008). C’est l’une des ambitions
de cet article, qui s’intéresse à une forme particulière de gentrification
mettant sur le devant de la scène une catégorie de population particulière, LE CAS DE LA «  GAYTRIFICATION  »
celles des hommes homosexuels ou gays, que l’on désignera par le terme RENOUVELER LES APPROCHES DE LA GENTRIFICATION :
gaytrification.
Nous montrerons, en premier lieu, en quoi la sociologie francophone,
notamment la sociologie urbaine française, a pu sembler « en retard » sur
un tel sujet de recherche, en particulier lorsqu’on mobilise la littérature
anglo-saxonne des Urban Studies et celle des Gay Studies.Tout autant empi-
riques que théoriques, ces contributions amènent à identifier de nouveaux
acteurs et de nouvelles dimensions des processus de gentrification, et à
(Bidou-Zachariasen, 2004).
moyennes est rapidement apparue très hétérogène et très diversifiée 138 Le cas de la « gaytrification »
dins nouvellement installés dans ce type d’espaces, la catégorie de classes
la fois les catégories intermédiaires dans la stratification sociale et les cita-
des classes moyennes en France. Si elles ont d’abord permis de décrire à interroger les liens entre homosexualité et gentrification. Une partie de
classes sociales, en particulier sur la définition et l’extension du groupe ces résultats semble transposable dans des contextes urbains français et
un lien plus ou moins étroit avec les débats sociologiques français sur les francophones, ce qui constitue l’objet d’une recherche que nous avons
de vie et de leurs rapports au quartier (Authier, 1993). Ces travaux ont conduite à Paris et Montréal, dans les quartiers du Marais et du Village.
à travers l’étude de leurs trajectoires sociorésidentielles, de leurs modes Nous présenterons ensuite certains aspects de cette enquête en insistant sur
ont précisé le rôle de ces populations dans la mutation des centres-ville les difficultés mais aussi les innovations méthodologiques auxquelles elle
et dans les centres anciens. Dans les années 1990, de nombreux travaux nous a amené. À partir de cette enquête, nous pourrons alors aborder un
tendance des catégories moyennes et supérieures au « retour en ville » aspect peu connu de la manière dont les gays participent à la gentrification,
dans la géographie et la sociologie urbaine françaises pour décrire la à l’échelle du logement, de ses transformations et des spécificités d’un habi-
Depuis ces travaux pionniers, le terme de gentrification s’est diffusé tat gay sur nos terrains d’enquête. En quoi le logement lui-même peut-
sur le quartier (Bidou-Zachariasen, 1984  ; Chalvon-Demersay, 1984). il être un poste d’observation privilégié d’un processus de gaytrification ?
quartiers parisiens populaires et les effets de cette présence résidentielle
tion de ménages appartenant aux « nouvelles classes moyennes » dans des LES GAYS ET LA GENTRIFICATION
bains datent du début des années 1980. Ces travaux décrivent l’installa-
travaux français qui identifient et étudient ce type de changements ur- Dans la littérature scientifique francophone, en particulier française,
Sans mobiliser explicitement le terme de gentrification, les premiers les travaux sur la gentrification n’ont quasiment jamais abordé la question
des populations homosexuelles et de leur relation avec ce processus. De-
Gentrification, gentrifieurs et classes moyennes puis les premiers travaux français des années 1980, les questions de genre,
de sexe et de sexualité n’ont d’ailleurs guère intéressé les sociologues
rôle des homosexualités dans certaines mutations urbaines. français travaillant sur le sujet. C’est dans la littérature nord-américaine,
Il y a, d’une certaine façon, une forme de retard français dans l’analyse du essentiellement de langue anglaise, que de telles questions sont apparues.
essentiellement de langue anglaise, que de telles questions sont apparues. Il y a, d’une certaine façon, une forme de retard français dans l’analyse du
français travaillant sur le sujet. C’est dans la littérature nord-américaine, rôle des homosexualités dans certaines mutations urbaines.
de sexe et de sexualité n’ont d’ailleurs guère intéressé les sociologues
puis les premiers travaux français des années 1980, les questions de genre, Gentrification, gentrifieurs et classes moyennes
des populations homosexuelles et de leur relation avec ce processus. De-
les travaux sur la gentrification n’ont quasiment jamais abordé la question Sans mobiliser explicitement le terme de gentrification, les premiers
Dans la littérature scientifique francophone, en particulier française, travaux français qui identifient et étudient ce type de changements ur-
bains datent du début des années 1980. Ces travaux décrivent l’installa-
LES GAYS ET LA GENTRIFICATION tion de ménages appartenant aux « nouvelles classes moyennes » dans des
quartiers parisiens populaires et les effets de cette présence résidentielle
il être un poste d’observation privilégié d’un processus de gaytrification ? sur le quartier (Bidou-Zachariasen, 1984  ; Chalvon-Demersay, 1984).
tat gay sur nos terrains d’enquête. En quoi le logement lui-même peut- Depuis ces travaux pionniers, le terme de gentrification s’est diffusé
à l’échelle du logement, de ses transformations et des spécificités d’un habi- dans la géographie et la sociologie urbaine françaises pour décrire la
aspect peu connu de la manière dont les gays participent à la gentrification, tendance des catégories moyennes et supérieures au « retour en ville »
nous a amené. À partir de cette enquête, nous pourrons alors aborder un et dans les centres anciens. Dans les années 1990, de nombreux travaux
les difficultés mais aussi les innovations méthodologiques auxquelles elle ont précisé le rôle de ces populations dans la mutation des centres-ville
Nous présenterons ensuite certains aspects de cette enquête en insistant sur à travers l’étude de leurs trajectoires sociorésidentielles, de leurs modes
conduite à Paris et Montréal, dans les quartiers du Marais et du Village. de vie et de leurs rapports au quartier (Authier, 1993). Ces travaux ont
francophones, ce qui constitue l’objet d’une recherche que nous avons un lien plus ou moins étroit avec les débats sociologiques français sur les
ces résultats semble transposable dans des contextes urbains français et classes sociales, en particulier sur la définition et l’extension du groupe
interroger les liens entre homosexualité et gentrification. Une partie de des classes moyennes en France. Si elles ont d’abord permis de décrire à
la fois les catégories intermédiaires dans la stratification sociale et les cita-
dins nouvellement installés dans ce type d’espaces, la catégorie de classes
Le cas de la « gaytrification » 138 moyennes est rapidement apparue très hétérogène et très diversifiée
(Bidou-Zachariasen, 2004).

(Bidou-Zachariasen, 2004).
moyennes est rapidement apparue très hétérogène et très diversifiée 138 Le cas de la « gaytrification »
dins nouvellement installés dans ce type d’espaces, la catégorie de classes
la fois les catégories intermédiaires dans la stratification sociale et les cita-
des classes moyennes en France. Si elles ont d’abord permis de décrire à interroger les liens entre homosexualité et gentrification. Une partie de
classes sociales, en particulier sur la définition et l’extension du groupe ces résultats semble transposable dans des contextes urbains français et
un lien plus ou moins étroit avec les débats sociologiques français sur les francophones, ce qui constitue l’objet d’une recherche que nous avons
de vie et de leurs rapports au quartier (Authier, 1993). Ces travaux ont conduite à Paris et Montréal, dans les quartiers du Marais et du Village.
à travers l’étude de leurs trajectoires sociorésidentielles, de leurs modes Nous présenterons ensuite certains aspects de cette enquête en insistant sur
ont précisé le rôle de ces populations dans la mutation des centres-ville les difficultés mais aussi les innovations méthodologiques auxquelles elle
et dans les centres anciens. Dans les années 1990, de nombreux travaux nous a amené. À partir de cette enquête, nous pourrons alors aborder un
tendance des catégories moyennes et supérieures au « retour en ville » aspect peu connu de la manière dont les gays participent à la gentrification,
dans la géographie et la sociologie urbaine françaises pour décrire la à l’échelle du logement, de ses transformations et des spécificités d’un habi-
Depuis ces travaux pionniers, le terme de gentrification s’est diffusé tat gay sur nos terrains d’enquête. En quoi le logement lui-même peut-
sur le quartier (Bidou-Zachariasen, 1984  ; Chalvon-Demersay, 1984). il être un poste d’observation privilégié d’un processus de gaytrification ?
quartiers parisiens populaires et les effets de cette présence résidentielle
tion de ménages appartenant aux « nouvelles classes moyennes » dans des LES GAYS ET LA GENTRIFICATION
bains datent du début des années 1980. Ces travaux décrivent l’installa-
travaux français qui identifient et étudient ce type de changements ur- Dans la littérature scientifique francophone, en particulier française,
Sans mobiliser explicitement le terme de gentrification, les premiers les travaux sur la gentrification n’ont quasiment jamais abordé la question
des populations homosexuelles et de leur relation avec ce processus. De-
Gentrification, gentrifieurs et classes moyennes puis les premiers travaux français des années 1980, les questions de genre,
de sexe et de sexualité n’ont d’ailleurs guère intéressé les sociologues
rôle des homosexualités dans certaines mutations urbaines. français travaillant sur le sujet. C’est dans la littérature nord-américaine,
Il y a, d’une certaine façon, une forme de retard français dans l’analyse du essentiellement de langue anglaise, que de telles questions sont apparues.
essentiellement de langue anglaise, que de telles questions sont apparues. Il y a, d’une certaine façon, une forme de retard français dans l’analyse du
français travaillant sur le sujet. C’est dans la littérature nord-américaine, rôle des homosexualités dans certaines mutations urbaines.
de sexe et de sexualité n’ont d’ailleurs guère intéressé les sociologues
puis les premiers travaux français des années 1980, les questions de genre, Gentrification, gentrifieurs et classes moyennes
des populations homosexuelles et de leur relation avec ce processus. De-
les travaux sur la gentrification n’ont quasiment jamais abordé la question Sans mobiliser explicitement le terme de gentrification, les premiers
Dans la littérature scientifique francophone, en particulier française, travaux français qui identifient et étudient ce type de changements ur-
bains datent du début des années 1980. Ces travaux décrivent l’installa-
LES GAYS ET LA GENTRIFICATION tion de ménages appartenant aux « nouvelles classes moyennes » dans des
quartiers parisiens populaires et les effets de cette présence résidentielle
il être un poste d’observation privilégié d’un processus de gaytrification ? sur le quartier (Bidou-Zachariasen, 1984  ; Chalvon-Demersay, 1984).
tat gay sur nos terrains d’enquête. En quoi le logement lui-même peut- Depuis ces travaux pionniers, le terme de gentrification s’est diffusé
à l’échelle du logement, de ses transformations et des spécificités d’un habi- dans la géographie et la sociologie urbaine françaises pour décrire la
aspect peu connu de la manière dont les gays participent à la gentrification, tendance des catégories moyennes et supérieures au « retour en ville »
nous a amené. À partir de cette enquête, nous pourrons alors aborder un et dans les centres anciens. Dans les années 1990, de nombreux travaux
les difficultés mais aussi les innovations méthodologiques auxquelles elle ont précisé le rôle de ces populations dans la mutation des centres-ville
Nous présenterons ensuite certains aspects de cette enquête en insistant sur à travers l’étude de leurs trajectoires sociorésidentielles, de leurs modes
conduite à Paris et Montréal, dans les quartiers du Marais et du Village. de vie et de leurs rapports au quartier (Authier, 1993). Ces travaux ont
francophones, ce qui constitue l’objet d’une recherche que nous avons un lien plus ou moins étroit avec les débats sociologiques français sur les
ces résultats semble transposable dans des contextes urbains français et classes sociales, en particulier sur la définition et l’extension du groupe
interroger les liens entre homosexualité et gentrification. Une partie de des classes moyennes en France. Si elles ont d’abord permis de décrire à
la fois les catégories intermédiaires dans la stratification sociale et les cita-
dins nouvellement installés dans ce type d’espaces, la catégorie de classes
Le cas de la « gaytrification » 138 moyennes est rapidement apparue très hétérogène et très diversifiée
(Bidou-Zachariasen, 2004).
tion n’y apparaît d’ailleurs plus seulement comme une « inversion » des
Colin Giraud 139 tion de certains quartiers en gentrification (Bondi, 1999). La gentrifica-
femmes, des mères et des femmes seules notamment, dans la transforma-
des années 1990, une littérature importante a été consacrée au rôle des
Dans ce contexte, plusieurs sociologues ont cherché à décomposer des Gender Studies puis des Gay and Lesbian Studies. Depuis le milieu
et disséquer cette vaste catégorie pour étudier plus finement le rôle de gentrification en mobilisant notamment les études féministes, les apports
certaines de ses fractions dans la gentrification et identifier des catégo- tradition, le champ des Urban Studies a mis en avant d’autres leviers de la
ries plus spécifiques de gentrifieurs. Cette tendance au raffinement des ont été beaucoup plus prolixes à ce sujet. Sans doute moins classiste par
catégories est perceptible dans les travaux français et francophones depuis De leur côté, les chercheurs nord-américains, surtout anglophones,
une quinzaine d’années. Différentes contributions ont montré notam-
ment le rôle singulier des professions artistiques et culturelles dans ces Les apports américains
processus, qu’il s’agisse des artistes eux-mêmes (Charmes & Vivant, 2008)
ou plus généralement des professions de l’information, de la culture et du genre, des types de ménage et de familles ou des identités sexuées.
des spectacles. Les travaux d’Anaïs Collet sur le Bas-Montreuil montrent restent beaucoup plus discrets dans cette littérature : c’est le cas des effets
bien les imbrications entre les milieux professionnels du cinéma et de ou moyennes supérieures. À l’inverse, d’autres facteurs sociologiques
l’audiovisuel et la capacité socialement située à gentrifier un tel espace, populaires dans le passé et nouveaux habitants issus des classes moyennes
c’est-à-dire l’investir, se l’approprier et le mobiliser comme une ressource des oppositions socio-économiques entre anciens habitants des couches
sociale, voire, ici, professionnelle (voir sa contribution ici même et Collet, fieurs. Mais, de fait, la gentrification est restée perçue en France à travers
2008). D’autres travaux ont rendu compte d’autres sous-groupes des générationnelles, pour expliquer et comprendre la sociologie des gentri-
classes moyennes au statut particulier du point de vue de leurs pratiques les grilles de lecture socioprofessionnelles et, dans une moindre mesure,
urbaines, notamment certains jeunes employés des « nouvelles profes- ainsi rappelé la diversité des classes moyennes ; ils ont surtout mobilisé
sions de service » qu’ont étudiés Nathalie Chicoine et Damaris Rose à Boston (Tissot, 2011). Les travaux francophones sur la gentrification ont
Montréal (1998). De telles contributions évoquent aussi le rôle de l’âge, générations dans la réhabilitation d’un quartier comme le South End à
du cycle de vie et des parcours générationnels dans le plus ou moins toires associatives accrédite par exemple le rôle particulier de certaines
grand investissement de ces citadins dans la gentrification d’un quartier. L’expérience de certaines socialisations militantes et de certaines trajec-
L’expérience de certaines socialisations militantes et de certaines trajec- grand investissement de ces citadins dans la gentrification d’un quartier.
toires associatives accrédite par exemple le rôle particulier de certaines du cycle de vie et des parcours générationnels dans le plus ou moins
générations dans la réhabilitation d’un quartier comme le South End à Montréal (1998). De telles contributions évoquent aussi le rôle de l’âge,
Boston (Tissot, 2011). Les travaux francophones sur la gentrification ont sions de service » qu’ont étudiés Nathalie Chicoine et Damaris Rose à
ainsi rappelé la diversité des classes moyennes ; ils ont surtout mobilisé urbaines, notamment certains jeunes employés des « nouvelles profes-
les grilles de lecture socioprofessionnelles et, dans une moindre mesure, classes moyennes au statut particulier du point de vue de leurs pratiques
générationnelles, pour expliquer et comprendre la sociologie des gentri- 2008). D’autres travaux ont rendu compte d’autres sous-groupes des
fieurs. Mais, de fait, la gentrification est restée perçue en France à travers sociale, voire, ici, professionnelle (voir sa contribution ici même et Collet,
des oppositions socio-économiques entre anciens habitants des couches c’est-à-dire l’investir, se l’approprier et le mobiliser comme une ressource
populaires dans le passé et nouveaux habitants issus des classes moyennes l’audiovisuel et la capacité socialement située à gentrifier un tel espace,
ou moyennes supérieures. À l’inverse, d’autres facteurs sociologiques bien les imbrications entre les milieux professionnels du cinéma et de
restent beaucoup plus discrets dans cette littérature : c’est le cas des effets des spectacles. Les travaux d’Anaïs Collet sur le Bas-Montreuil montrent
du genre, des types de ménage et de familles ou des identités sexuées. ou plus généralement des professions de l’information, de la culture et
processus, qu’il s’agisse des artistes eux-mêmes (Charmes & Vivant, 2008)
Les apports américains ment le rôle singulier des professions artistiques et culturelles dans ces
une quinzaine d’années. Différentes contributions ont montré notam-
De leur côté, les chercheurs nord-américains, surtout anglophones, catégories est perceptible dans les travaux français et francophones depuis
ont été beaucoup plus prolixes à ce sujet. Sans doute moins classiste par ries plus spécifiques de gentrifieurs. Cette tendance au raffinement des
tradition, le champ des Urban Studies a mis en avant d’autres leviers de la certaines de ses fractions dans la gentrification et identifier des catégo-
gentrification en mobilisant notamment les études féministes, les apports et disséquer cette vaste catégorie pour étudier plus finement le rôle de
des Gender Studies puis des Gay and Lesbian Studies. Depuis le milieu Dans ce contexte, plusieurs sociologues ont cherché à décomposer
des années 1990, une littérature importante a été consacrée au rôle des
femmes, des mères et des femmes seules notamment, dans la transforma-
tion de certains quartiers en gentrification (Bondi, 1999). La gentrifica- 139 Colin Giraud
tion n’y apparaît d’ailleurs plus seulement comme une « inversion » des

tion n’y apparaît d’ailleurs plus seulement comme une « inversion » des
Colin Giraud 139 tion de certains quartiers en gentrification (Bondi, 1999). La gentrifica-
femmes, des mères et des femmes seules notamment, dans la transforma-
des années 1990, une littérature importante a été consacrée au rôle des
Dans ce contexte, plusieurs sociologues ont cherché à décomposer des Gender Studies puis des Gay and Lesbian Studies. Depuis le milieu
et disséquer cette vaste catégorie pour étudier plus finement le rôle de gentrification en mobilisant notamment les études féministes, les apports
certaines de ses fractions dans la gentrification et identifier des catégo- tradition, le champ des Urban Studies a mis en avant d’autres leviers de la
ries plus spécifiques de gentrifieurs. Cette tendance au raffinement des ont été beaucoup plus prolixes à ce sujet. Sans doute moins classiste par
catégories est perceptible dans les travaux français et francophones depuis De leur côté, les chercheurs nord-américains, surtout anglophones,
une quinzaine d’années. Différentes contributions ont montré notam-
ment le rôle singulier des professions artistiques et culturelles dans ces Les apports américains
processus, qu’il s’agisse des artistes eux-mêmes (Charmes & Vivant, 2008)
ou plus généralement des professions de l’information, de la culture et du genre, des types de ménage et de familles ou des identités sexuées.
des spectacles. Les travaux d’Anaïs Collet sur le Bas-Montreuil montrent restent beaucoup plus discrets dans cette littérature : c’est le cas des effets
bien les imbrications entre les milieux professionnels du cinéma et de ou moyennes supérieures. À l’inverse, d’autres facteurs sociologiques
l’audiovisuel et la capacité socialement située à gentrifier un tel espace, populaires dans le passé et nouveaux habitants issus des classes moyennes
c’est-à-dire l’investir, se l’approprier et le mobiliser comme une ressource des oppositions socio-économiques entre anciens habitants des couches
sociale, voire, ici, professionnelle (voir sa contribution ici même et Collet, fieurs. Mais, de fait, la gentrification est restée perçue en France à travers
2008). D’autres travaux ont rendu compte d’autres sous-groupes des générationnelles, pour expliquer et comprendre la sociologie des gentri-
classes moyennes au statut particulier du point de vue de leurs pratiques les grilles de lecture socioprofessionnelles et, dans une moindre mesure,
urbaines, notamment certains jeunes employés des « nouvelles profes- ainsi rappelé la diversité des classes moyennes ; ils ont surtout mobilisé
sions de service » qu’ont étudiés Nathalie Chicoine et Damaris Rose à Boston (Tissot, 2011). Les travaux francophones sur la gentrification ont
Montréal (1998). De telles contributions évoquent aussi le rôle de l’âge, générations dans la réhabilitation d’un quartier comme le South End à
du cycle de vie et des parcours générationnels dans le plus ou moins toires associatives accrédite par exemple le rôle particulier de certaines
grand investissement de ces citadins dans la gentrification d’un quartier. L’expérience de certaines socialisations militantes et de certaines trajec-
L’expérience de certaines socialisations militantes et de certaines trajec- grand investissement de ces citadins dans la gentrification d’un quartier.
toires associatives accrédite par exemple le rôle particulier de certaines du cycle de vie et des parcours générationnels dans le plus ou moins
générations dans la réhabilitation d’un quartier comme le South End à Montréal (1998). De telles contributions évoquent aussi le rôle de l’âge,
Boston (Tissot, 2011). Les travaux francophones sur la gentrification ont sions de service » qu’ont étudiés Nathalie Chicoine et Damaris Rose à
ainsi rappelé la diversité des classes moyennes ; ils ont surtout mobilisé urbaines, notamment certains jeunes employés des « nouvelles profes-
les grilles de lecture socioprofessionnelles et, dans une moindre mesure, classes moyennes au statut particulier du point de vue de leurs pratiques
générationnelles, pour expliquer et comprendre la sociologie des gentri- 2008). D’autres travaux ont rendu compte d’autres sous-groupes des
fieurs. Mais, de fait, la gentrification est restée perçue en France à travers sociale, voire, ici, professionnelle (voir sa contribution ici même et Collet,
des oppositions socio-économiques entre anciens habitants des couches c’est-à-dire l’investir, se l’approprier et le mobiliser comme une ressource
populaires dans le passé et nouveaux habitants issus des classes moyennes l’audiovisuel et la capacité socialement située à gentrifier un tel espace,
ou moyennes supérieures. À l’inverse, d’autres facteurs sociologiques bien les imbrications entre les milieux professionnels du cinéma et de
restent beaucoup plus discrets dans cette littérature : c’est le cas des effets des spectacles. Les travaux d’Anaïs Collet sur le Bas-Montreuil montrent
du genre, des types de ménage et de familles ou des identités sexuées. ou plus généralement des professions de l’information, de la culture et
processus, qu’il s’agisse des artistes eux-mêmes (Charmes & Vivant, 2008)
Les apports américains ment le rôle singulier des professions artistiques et culturelles dans ces
une quinzaine d’années. Différentes contributions ont montré notam-
De leur côté, les chercheurs nord-américains, surtout anglophones, catégories est perceptible dans les travaux français et francophones depuis
ont été beaucoup plus prolixes à ce sujet. Sans doute moins classiste par ries plus spécifiques de gentrifieurs. Cette tendance au raffinement des
tradition, le champ des Urban Studies a mis en avant d’autres leviers de la certaines de ses fractions dans la gentrification et identifier des catégo-
gentrification en mobilisant notamment les études féministes, les apports et disséquer cette vaste catégorie pour étudier plus finement le rôle de
des Gender Studies puis des Gay and Lesbian Studies. Depuis le milieu Dans ce contexte, plusieurs sociologues ont cherché à décomposer
des années 1990, une littérature importante a été consacrée au rôle des
femmes, des mères et des femmes seules notamment, dans la transforma-
tion de certains quartiers en gentrification (Bondi, 1999). La gentrifica- 139 Colin Giraud
tion n’y apparaît d’ailleurs plus seulement comme une « inversion » des
des « quartiers gay » révèle que ceux-ci se situent, dans leur très grande
nées 1990, aux États-Unis et au Canada. D’abord, l’étude de la localisation 140 Le cas de la « gaytrification »
De nouveaux travaux vont effectivement en ce sens dans les an-
empiriquement ces hypothèses.
en centre-ville. Les auteurs affirment dès lors la nécessité d’approfondir structures sociales locales mais aussi comme un changement dans l’ordre
implication dans certains secteurs d’emploi de plus en plus concentrés des structures familiales et sexuées qui prévalaient dans des quartiers vé-
liale, engagement dans une sociabilité dense à l’extérieur du foyer, forte tustes, paupérisées et populaires (Caulfield, 1989). À l’opposé, dans les
spécificités sociologiques de la population gay : faible contrainte fami- approches sociologiques françaises où la gentrification a surtout été
nautaire et comme une identité politique, ils soulignent aussi certaines abordée à partir d’une grille de lecture du monde social en termes de ca-
ces auteurs envisagent surtout l’homosexualité dans sa forme commu- tégories socioprofessionnelles focalisant l’attention sur le rôle des classes
des sociétés hétéronormées (Knopp & Lauria, 1985 ; Knopp, 1990). Si moyennes ou moyennes supérieures dans la transformation des centres-
spatiale des gays face à l’oppression sociale dont ils sont victimes dans ville, l’homosexualité reste le plus souvent hors champ. Son irruption
de quartiers gay dans les grandes villes américaines constitue la réponse dans l’étude de la gentrification peut sembler bien curieuse ; pourtant,
géographie féministe des années  1980 pour montrer que l’émergence aux États-Unis, elle y est apparue dès le début des années 1980.
théorique, Larry Knopp et Mickey Lauria mobilisent les apports de la Dès cette époque, un premier travail empirique est conduit sur le
de cette participation des gays à la gentrification. D’un point de vue Castro District de San Francisco (Castells & Murphy, 1982). Ce quartier
ouvre la voie à plusieurs travaux qui examinent les effets et les raisons est sans doute le premier exemple, et aussi le plus frappant, de la « re-
essentiels d’une partie de ces changements (1983). Son texte fondateur naissance » d’un quartier sous l’impulsion des gays dans les années 1970.
ginalité du travail de Castells est d’identifier les gays comme les acteurs Au moment même où nombre d’entre eux s’installent dans les vieilles
connaissent à l’époque un mouvement plus large de réhabilitation, l’ori- maisons victoriennes du quartier et les restaurent, les espaces de consom-
et des habitants gay du quartier. Si les quartiers centraux de San Francisco mation et de loisirs fréquentés par les homosexuels se développent : com-
groupant des commerçants, des associations, des représentants politiques merces, nombreux bars... Castells et Murphy décrivent l’assise croissante
ouvertement gay, structuration et entretien de réseaux de relations re- d’une communauté gay qui se rend visible dans les limites d’un quartier
du bâti dès les années 1970, organisation de fêtes de quartier à tonalité disponible de fait, qui offre une forme de sécurité et de tolérance relative
paces délaissés, ils contribuent surtout à leur transformation : rénovation ainsi qu’une certaine tranquillité sociale. Si les gays s’emparent de ces es-
ainsi qu’une certaine tranquillité sociale. Si les gays s’emparent de ces es- paces délaissés, ils contribuent surtout à leur transformation : rénovation
disponible de fait, qui offre une forme de sécurité et de tolérance relative du bâti dès les années 1970, organisation de fêtes de quartier à tonalité
d’une communauté gay qui se rend visible dans les limites d’un quartier ouvertement gay, structuration et entretien de réseaux de relations re-
merces, nombreux bars... Castells et Murphy décrivent l’assise croissante groupant des commerçants, des associations, des représentants politiques
mation et de loisirs fréquentés par les homosexuels se développent : com- et des habitants gay du quartier. Si les quartiers centraux de San Francisco
maisons victoriennes du quartier et les restaurent, les espaces de consom- connaissent à l’époque un mouvement plus large de réhabilitation, l’ori-
Au moment même où nombre d’entre eux s’installent dans les vieilles ginalité du travail de Castells est d’identifier les gays comme les acteurs
naissance » d’un quartier sous l’impulsion des gays dans les années 1970. essentiels d’une partie de ces changements (1983). Son texte fondateur
est sans doute le premier exemple, et aussi le plus frappant, de la « re- ouvre la voie à plusieurs travaux qui examinent les effets et les raisons
Castro District de San Francisco (Castells & Murphy, 1982). Ce quartier de cette participation des gays à la gentrification. D’un point de vue
Dès cette époque, un premier travail empirique est conduit sur le théorique, Larry Knopp et Mickey Lauria mobilisent les apports de la
aux États-Unis, elle y est apparue dès le début des années 1980. géographie féministe des années  1980 pour montrer que l’émergence
dans l’étude de la gentrification peut sembler bien curieuse ; pourtant, de quartiers gay dans les grandes villes américaines constitue la réponse
ville, l’homosexualité reste le plus souvent hors champ. Son irruption spatiale des gays face à l’oppression sociale dont ils sont victimes dans
moyennes ou moyennes supérieures dans la transformation des centres- des sociétés hétéronormées (Knopp & Lauria, 1985 ; Knopp, 1990). Si
tégories socioprofessionnelles focalisant l’attention sur le rôle des classes ces auteurs envisagent surtout l’homosexualité dans sa forme commu-
abordée à partir d’une grille de lecture du monde social en termes de ca- nautaire et comme une identité politique, ils soulignent aussi certaines
approches sociologiques françaises où la gentrification a surtout été spécificités sociologiques de la population gay : faible contrainte fami-
tustes, paupérisées et populaires (Caulfield, 1989). À l’opposé, dans les liale, engagement dans une sociabilité dense à l’extérieur du foyer, forte
des structures familiales et sexuées qui prévalaient dans des quartiers vé- implication dans certains secteurs d’emploi de plus en plus concentrés
structures sociales locales mais aussi comme un changement dans l’ordre en centre-ville. Les auteurs affirment dès lors la nécessité d’approfondir
empiriquement ces hypothèses.
De nouveaux travaux vont effectivement en ce sens dans les an-
Le cas de la « gaytrification » 140 nées 1990, aux États-Unis et au Canada. D’abord, l’étude de la localisation
des « quartiers gay » révèle que ceux-ci se situent, dans leur très grande

des « quartiers gay » révèle que ceux-ci se situent, dans leur très grande
nées 1990, aux États-Unis et au Canada. D’abord, l’étude de la localisation 140 Le cas de la « gaytrification »
De nouveaux travaux vont effectivement en ce sens dans les an-
empiriquement ces hypothèses.
en centre-ville. Les auteurs affirment dès lors la nécessité d’approfondir structures sociales locales mais aussi comme un changement dans l’ordre
implication dans certains secteurs d’emploi de plus en plus concentrés des structures familiales et sexuées qui prévalaient dans des quartiers vé-
liale, engagement dans une sociabilité dense à l’extérieur du foyer, forte tustes, paupérisées et populaires (Caulfield, 1989). À l’opposé, dans les
spécificités sociologiques de la population gay : faible contrainte fami- approches sociologiques françaises où la gentrification a surtout été
nautaire et comme une identité politique, ils soulignent aussi certaines abordée à partir d’une grille de lecture du monde social en termes de ca-
ces auteurs envisagent surtout l’homosexualité dans sa forme commu- tégories socioprofessionnelles focalisant l’attention sur le rôle des classes
des sociétés hétéronormées (Knopp & Lauria, 1985 ; Knopp, 1990). Si moyennes ou moyennes supérieures dans la transformation des centres-
spatiale des gays face à l’oppression sociale dont ils sont victimes dans ville, l’homosexualité reste le plus souvent hors champ. Son irruption
de quartiers gay dans les grandes villes américaines constitue la réponse dans l’étude de la gentrification peut sembler bien curieuse ; pourtant,
géographie féministe des années  1980 pour montrer que l’émergence aux États-Unis, elle y est apparue dès le début des années 1980.
théorique, Larry Knopp et Mickey Lauria mobilisent les apports de la Dès cette époque, un premier travail empirique est conduit sur le
de cette participation des gays à la gentrification. D’un point de vue Castro District de San Francisco (Castells & Murphy, 1982). Ce quartier
ouvre la voie à plusieurs travaux qui examinent les effets et les raisons est sans doute le premier exemple, et aussi le plus frappant, de la « re-
essentiels d’une partie de ces changements (1983). Son texte fondateur naissance » d’un quartier sous l’impulsion des gays dans les années 1970.
ginalité du travail de Castells est d’identifier les gays comme les acteurs Au moment même où nombre d’entre eux s’installent dans les vieilles
connaissent à l’époque un mouvement plus large de réhabilitation, l’ori- maisons victoriennes du quartier et les restaurent, les espaces de consom-
et des habitants gay du quartier. Si les quartiers centraux de San Francisco mation et de loisirs fréquentés par les homosexuels se développent : com-
groupant des commerçants, des associations, des représentants politiques merces, nombreux bars... Castells et Murphy décrivent l’assise croissante
ouvertement gay, structuration et entretien de réseaux de relations re- d’une communauté gay qui se rend visible dans les limites d’un quartier
du bâti dès les années 1970, organisation de fêtes de quartier à tonalité disponible de fait, qui offre une forme de sécurité et de tolérance relative
paces délaissés, ils contribuent surtout à leur transformation : rénovation ainsi qu’une certaine tranquillité sociale. Si les gays s’emparent de ces es-
ainsi qu’une certaine tranquillité sociale. Si les gays s’emparent de ces es- paces délaissés, ils contribuent surtout à leur transformation : rénovation
disponible de fait, qui offre une forme de sécurité et de tolérance relative du bâti dès les années 1970, organisation de fêtes de quartier à tonalité
d’une communauté gay qui se rend visible dans les limites d’un quartier ouvertement gay, structuration et entretien de réseaux de relations re-
merces, nombreux bars... Castells et Murphy décrivent l’assise croissante groupant des commerçants, des associations, des représentants politiques
mation et de loisirs fréquentés par les homosexuels se développent : com- et des habitants gay du quartier. Si les quartiers centraux de San Francisco
maisons victoriennes du quartier et les restaurent, les espaces de consom- connaissent à l’époque un mouvement plus large de réhabilitation, l’ori-
Au moment même où nombre d’entre eux s’installent dans les vieilles ginalité du travail de Castells est d’identifier les gays comme les acteurs
naissance » d’un quartier sous l’impulsion des gays dans les années 1970. essentiels d’une partie de ces changements (1983). Son texte fondateur
est sans doute le premier exemple, et aussi le plus frappant, de la « re- ouvre la voie à plusieurs travaux qui examinent les effets et les raisons
Castro District de San Francisco (Castells & Murphy, 1982). Ce quartier de cette participation des gays à la gentrification. D’un point de vue
Dès cette époque, un premier travail empirique est conduit sur le théorique, Larry Knopp et Mickey Lauria mobilisent les apports de la
aux États-Unis, elle y est apparue dès le début des années 1980. géographie féministe des années  1980 pour montrer que l’émergence
dans l’étude de la gentrification peut sembler bien curieuse ; pourtant, de quartiers gay dans les grandes villes américaines constitue la réponse
ville, l’homosexualité reste le plus souvent hors champ. Son irruption spatiale des gays face à l’oppression sociale dont ils sont victimes dans
moyennes ou moyennes supérieures dans la transformation des centres- des sociétés hétéronormées (Knopp & Lauria, 1985 ; Knopp, 1990). Si
tégories socioprofessionnelles focalisant l’attention sur le rôle des classes ces auteurs envisagent surtout l’homosexualité dans sa forme commu-
abordée à partir d’une grille de lecture du monde social en termes de ca- nautaire et comme une identité politique, ils soulignent aussi certaines
approches sociologiques françaises où la gentrification a surtout été spécificités sociologiques de la population gay : faible contrainte fami-
tustes, paupérisées et populaires (Caulfield, 1989). À l’opposé, dans les liale, engagement dans une sociabilité dense à l’extérieur du foyer, forte
des structures familiales et sexuées qui prévalaient dans des quartiers vé- implication dans certains secteurs d’emploi de plus en plus concentrés
structures sociales locales mais aussi comme un changement dans l’ordre en centre-ville. Les auteurs affirment dès lors la nécessité d’approfondir
empiriquement ces hypothèses.
De nouveaux travaux vont effectivement en ce sens dans les an-
Le cas de la « gaytrification » 140 nées 1990, aux États-Unis et au Canada. D’abord, l’étude de la localisation
des « quartiers gay » révèle que ceux-ci se situent, dans leur très grande
celles des populations gay, il supposerait une recherche encore différente.
homosexuels : le cas des lesbiennes renvoyant à des problématiques bien différentes de
Colin Giraud 141 sur les gays au détriment des lesbiennes. Notre enquête n’a porté que sur les hommes
surreprésentation masculine dans tous les échantillons disponibles concentre l’attention
des travaux de la revue Population (Messiah & Mouret-Fourme, 1993 ; Schiltz, 1997). La
majorité, dans des espaces urbains en cours de gentrification ou ayant
sur la sexualité en France pilotée par l’INED (Bajos, Beltzer & Bozon, 2008), ainsi que
1. Citons les « Enquêtes presse gay » réalisées depuis le milieu des années 1980 et l’Enquête
connu une telle transformation (Sibalis, 2004). Si les quartiers gay ne con-
centrent pas tous les homosexuels de la ville et ne comptent pas que des
homosexuels, ils semblent constituer un révélateur important de l’enga- rares, mais elles en montrent les spécificités sociologiques1. La population
gement des gays dans les mutations urbaines des centres-ville. Plusieurs tistiques disponibles sur les populations homosexuelles françaises sont
travaux monographiques analysent les effets économiques mais aussi processus de gentrification (Giraud, 2010). D’autre part, les enquêtes sta-
symboliques de cette requalification singulière, du point de vue écono- dans les années 1990, d’une présence homosexuelle spécifique et d’un
mique mais aussi symbolique, sur des minorités sexuelles qui trouvent pentes de la Croix-Rousse à Lyon a été lui aussi le terrain de la rencontre,
dans certains quartiers centraux des ressources sociales et politiques de du milieu des années 1960 aux années 1990 (Djirikian, 2004). Le bas des
légitimation ainsi que des espaces de solidarité collective (Forest, 1995). mais il a bien connu une phase de gentrification intense, au sens strict,
Les modes de vie, les commerces et les activités qui s’implantent contri- portant est le quartier du Marais à Paris. Son histoire est très spécifique,
buent par ailleurs à revaloriser l’image de certains quartiers : longtemps histoire différentes, il existe des secteurs gay en France, dont le plus im-
abandonnés et dégradés, ils peuvent devenir attractifs et « branchés » est contestable pour deux raisons. D’une part, malgré leur allure et leur
(Nash, 2006). La gentrification est présente en filigrane : si, par définition, quement et qu’elles ne le sont peut-être pas en France. Cette hypothèse
elle repose largement sur une inversion sociale résidentielle, elle se nourrit États-Unis sur ces questions, c’est qu’elles étaient opératoires empiri-
aussi de l’espace public (rues et commerces) comme support d’un re- français. Autrement dit, si les sociologues et géographes ont travaillé aux
tour en ville tous azimuts (Lehman-Frisch, 2002). Enfin, d’autres auteurs nord-américaines n’est pas nécessairement transposable dans le contexte
montrent que les gays ont pu être les acteurs décisifs d’une gentrification blications, on peut d’abord penser que ce que l’on observe dans les villes
proprement résidentielle. Dans le quartier de Cabbagetown à Toronto, Au regard de cet écart franco-américain dans les recherches et les pu-
leur implication dans la réhabilitation du bâti dégradé améliore signifi- de l’absence d’enfants dans ces ménages (Bouthillette, 1994).
cativement la qualité des logements : ils bénéficient de revenus souvent importants et de contraintes budgétaires moindres, notamment en raison
importants et de contraintes budgétaires moindres, notamment en raison cativement la qualité des logements : ils bénéficient de revenus souvent
de l’absence d’enfants dans ces ménages (Bouthillette, 1994). leur implication dans la réhabilitation du bâti dégradé améliore signifi-
Au regard de cet écart franco-américain dans les recherches et les pu- proprement résidentielle. Dans le quartier de Cabbagetown à Toronto,
blications, on peut d’abord penser que ce que l’on observe dans les villes montrent que les gays ont pu être les acteurs décisifs d’une gentrification
nord-américaines n’est pas nécessairement transposable dans le contexte tour en ville tous azimuts (Lehman-Frisch, 2002). Enfin, d’autres auteurs
français. Autrement dit, si les sociologues et géographes ont travaillé aux aussi de l’espace public (rues et commerces) comme support d’un re-
États-Unis sur ces questions, c’est qu’elles étaient opératoires empiri- elle repose largement sur une inversion sociale résidentielle, elle se nourrit
quement et qu’elles ne le sont peut-être pas en France. Cette hypothèse (Nash, 2006). La gentrification est présente en filigrane : si, par définition,
est contestable pour deux raisons. D’une part, malgré leur allure et leur abandonnés et dégradés, ils peuvent devenir attractifs et « branchés »
histoire différentes, il existe des secteurs gay en France, dont le plus im- buent par ailleurs à revaloriser l’image de certains quartiers : longtemps
portant est le quartier du Marais à Paris. Son histoire est très spécifique, Les modes de vie, les commerces et les activités qui s’implantent contri-
mais il a bien connu une phase de gentrification intense, au sens strict, légitimation ainsi que des espaces de solidarité collective (Forest, 1995).
du milieu des années 1960 aux années 1990 (Djirikian, 2004). Le bas des dans certains quartiers centraux des ressources sociales et politiques de
pentes de la Croix-Rousse à Lyon a été lui aussi le terrain de la rencontre, mique mais aussi symbolique, sur des minorités sexuelles qui trouvent
dans les années 1990, d’une présence homosexuelle spécifique et d’un symboliques de cette requalification singulière, du point de vue écono-
processus de gentrification (Giraud, 2010). D’autre part, les enquêtes sta- travaux monographiques analysent les effets économiques mais aussi
tistiques disponibles sur les populations homosexuelles françaises sont gement des gays dans les mutations urbaines des centres-ville. Plusieurs
rares, mais elles en montrent les spécificités sociologiques1. La population homosexuels, ils semblent constituer un révélateur important de l’enga-
centrent pas tous les homosexuels de la ville et ne comptent pas que des
connu une telle transformation (Sibalis, 2004). Si les quartiers gay ne con-
1. Citons les « Enquêtes presse gay » réalisées depuis le milieu des années 1980 et l’Enquête majorité, dans des espaces urbains en cours de gentrification ou ayant
sur la sexualité en France pilotée par l’INED (Bajos, Beltzer & Bozon, 2008), ainsi que
des travaux de la revue Population (Messiah & Mouret-Fourme, 1993 ; Schiltz, 1997). La
surreprésentation masculine dans tous les échantillons disponibles concentre l’attention
sur les gays au détriment des lesbiennes. Notre enquête n’a porté que sur les hommes 141 Colin Giraud
homosexuels : le cas des lesbiennes renvoyant à des problématiques bien différentes de
celles des populations gay, il supposerait une recherche encore différente.

celles des populations gay, il supposerait une recherche encore différente.


homosexuels : le cas des lesbiennes renvoyant à des problématiques bien différentes de
Colin Giraud 141 sur les gays au détriment des lesbiennes. Notre enquête n’a porté que sur les hommes
surreprésentation masculine dans tous les échantillons disponibles concentre l’attention
des travaux de la revue Population (Messiah & Mouret-Fourme, 1993 ; Schiltz, 1997). La
majorité, dans des espaces urbains en cours de gentrification ou ayant
sur la sexualité en France pilotée par l’INED (Bajos, Beltzer & Bozon, 2008), ainsi que
1. Citons les « Enquêtes presse gay » réalisées depuis le milieu des années 1980 et l’Enquête
connu une telle transformation (Sibalis, 2004). Si les quartiers gay ne con-
centrent pas tous les homosexuels de la ville et ne comptent pas que des
homosexuels, ils semblent constituer un révélateur important de l’enga- rares, mais elles en montrent les spécificités sociologiques1. La population
gement des gays dans les mutations urbaines des centres-ville. Plusieurs tistiques disponibles sur les populations homosexuelles françaises sont
travaux monographiques analysent les effets économiques mais aussi processus de gentrification (Giraud, 2010). D’autre part, les enquêtes sta-
symboliques de cette requalification singulière, du point de vue écono- dans les années 1990, d’une présence homosexuelle spécifique et d’un
mique mais aussi symbolique, sur des minorités sexuelles qui trouvent pentes de la Croix-Rousse à Lyon a été lui aussi le terrain de la rencontre,
dans certains quartiers centraux des ressources sociales et politiques de du milieu des années 1960 aux années 1990 (Djirikian, 2004). Le bas des
légitimation ainsi que des espaces de solidarité collective (Forest, 1995). mais il a bien connu une phase de gentrification intense, au sens strict,
Les modes de vie, les commerces et les activités qui s’implantent contri- portant est le quartier du Marais à Paris. Son histoire est très spécifique,
buent par ailleurs à revaloriser l’image de certains quartiers : longtemps histoire différentes, il existe des secteurs gay en France, dont le plus im-
abandonnés et dégradés, ils peuvent devenir attractifs et « branchés » est contestable pour deux raisons. D’une part, malgré leur allure et leur
(Nash, 2006). La gentrification est présente en filigrane : si, par définition, quement et qu’elles ne le sont peut-être pas en France. Cette hypothèse
elle repose largement sur une inversion sociale résidentielle, elle se nourrit États-Unis sur ces questions, c’est qu’elles étaient opératoires empiri-
aussi de l’espace public (rues et commerces) comme support d’un re- français. Autrement dit, si les sociologues et géographes ont travaillé aux
tour en ville tous azimuts (Lehman-Frisch, 2002). Enfin, d’autres auteurs nord-américaines n’est pas nécessairement transposable dans le contexte
montrent que les gays ont pu être les acteurs décisifs d’une gentrification blications, on peut d’abord penser que ce que l’on observe dans les villes
proprement résidentielle. Dans le quartier de Cabbagetown à Toronto, Au regard de cet écart franco-américain dans les recherches et les pu-
leur implication dans la réhabilitation du bâti dégradé améliore signifi- de l’absence d’enfants dans ces ménages (Bouthillette, 1994).
cativement la qualité des logements : ils bénéficient de revenus souvent importants et de contraintes budgétaires moindres, notamment en raison
importants et de contraintes budgétaires moindres, notamment en raison cativement la qualité des logements : ils bénéficient de revenus souvent
de l’absence d’enfants dans ces ménages (Bouthillette, 1994). leur implication dans la réhabilitation du bâti dégradé améliore signifi-
Au regard de cet écart franco-américain dans les recherches et les pu- proprement résidentielle. Dans le quartier de Cabbagetown à Toronto,
blications, on peut d’abord penser que ce que l’on observe dans les villes montrent que les gays ont pu être les acteurs décisifs d’une gentrification
nord-américaines n’est pas nécessairement transposable dans le contexte tour en ville tous azimuts (Lehman-Frisch, 2002). Enfin, d’autres auteurs
français. Autrement dit, si les sociologues et géographes ont travaillé aux aussi de l’espace public (rues et commerces) comme support d’un re-
États-Unis sur ces questions, c’est qu’elles étaient opératoires empiri- elle repose largement sur une inversion sociale résidentielle, elle se nourrit
quement et qu’elles ne le sont peut-être pas en France. Cette hypothèse (Nash, 2006). La gentrification est présente en filigrane : si, par définition,
est contestable pour deux raisons. D’une part, malgré leur allure et leur abandonnés et dégradés, ils peuvent devenir attractifs et « branchés »
histoire différentes, il existe des secteurs gay en France, dont le plus im- buent par ailleurs à revaloriser l’image de certains quartiers : longtemps
portant est le quartier du Marais à Paris. Son histoire est très spécifique, Les modes de vie, les commerces et les activités qui s’implantent contri-
mais il a bien connu une phase de gentrification intense, au sens strict, légitimation ainsi que des espaces de solidarité collective (Forest, 1995).
du milieu des années 1960 aux années 1990 (Djirikian, 2004). Le bas des dans certains quartiers centraux des ressources sociales et politiques de
pentes de la Croix-Rousse à Lyon a été lui aussi le terrain de la rencontre, mique mais aussi symbolique, sur des minorités sexuelles qui trouvent
dans les années 1990, d’une présence homosexuelle spécifique et d’un symboliques de cette requalification singulière, du point de vue écono-
processus de gentrification (Giraud, 2010). D’autre part, les enquêtes sta- travaux monographiques analysent les effets économiques mais aussi
tistiques disponibles sur les populations homosexuelles françaises sont gement des gays dans les mutations urbaines des centres-ville. Plusieurs
rares, mais elles en montrent les spécificités sociologiques1. La population homosexuels, ils semblent constituer un révélateur important de l’enga-
centrent pas tous les homosexuels de la ville et ne comptent pas que des
connu une telle transformation (Sibalis, 2004). Si les quartiers gay ne con-
1. Citons les « Enquêtes presse gay » réalisées depuis le milieu des années 1980 et l’Enquête majorité, dans des espaces urbains en cours de gentrification ou ayant
sur la sexualité en France pilotée par l’INED (Bajos, Beltzer & Bozon, 2008), ainsi que
des travaux de la revue Population (Messiah & Mouret-Fourme, 1993 ; Schiltz, 1997). La
surreprésentation masculine dans tous les échantillons disponibles concentre l’attention
sur les gays au détriment des lesbiennes. Notre enquête n’a porté que sur les hommes 141 Colin Giraud
homosexuels : le cas des lesbiennes renvoyant à des problématiques bien différentes de
celles des populations gay, il supposerait une recherche encore différente.
volet de l’enquête est que les gays parisiens privilégient plusieurs types
logiques de cet échantillon (Giraud, 2011). Une des conclusions de ce 142 Le cas de la « gaytrification »
dentielle gay parisienne et l’étudier au regard des caractéristiques socio-
pesant sur ces données, nous avons pu reconstruire une géographie rési-
âge, profession déclarée) et tenant compte des contraintes d’anonymat gay y apparaît très fortement urbaine, plus jeune que l’ensemble de la po-
certaines informations sur cette population (arrondissement de résidence, pulation française, plus favorisée en termes de revenus, de PCS et surtout
parisiens abonnés à une revue homosexuelle spécialisée. Disposant de de niveau de diplôme. Vivant fréquemment dans un ménage de petite
travaillant sur les localisations résidentielles d’un échantillon d’hommes taille, les gays ont aussi, plus souvent que les autres, connu des trajectoires
résultats partiels. Nous avons ainsi construit des données quantitatives en d’ascension sociale (Schiltz, 1997). Le profil sociologique dominant des
française, quitte parfois à ne pouvoir formuler que des hypothèses ou des gays français ressemble ainsi beaucoup à celui des gentrifieurs dans leur
cherché à innover et à renouveler certains outils de la sociologie urbaine ensemble : en France aussi, ils apparaissent comme des « candidats » socio-
elle est également spécifique à cette enquête. Sur ce terrain, nous avons logiques à la gentrification. C’est dans ce contexte que nous avons voulu
invisibles statistiquement. Cette première difficulté est la plus importante, renouveler l’approche sociologique de la gentrification en France en
dement à chercher à comptabiliser, identifier et atteindre des populations nous saisissant d’un questionnement longtemps resté nord-américain et
dus ne figurant pas dans les enquêtes de recensement, on en vient rapi- largement anglophone et en faisant l’hypothèse de la nécessité d’une en-
une ville, et a fortiori, dans un quartier. L’orientation sexuelle des indivi- quête sur le sujet en France.
d’évaluer l’ampleur des installations et de la présence résidentielle gay dans
de mobiliser les outils statistiques et quantitatifs, par exemple pour tenter DE L’ENQUÊTE AUX RÉSULTATS
taines difficultés. Le fait est particulièrement net dès lors que l’on tente
empirique, travailler sur des « populations homosexuelles » accentue cer- Conduite entre 2005 et 2008 dans le cadre de notre thèse de sociolo-
Au-delà des problèmes méthodologiques propres à toute enquête gie, notre enquête avait pour objet l’étude comparée du rôle des popu-
lations homosexuelles masculines dans les processus de gentrification à
Questions de méthode Paris et à Montréal. Elle a d’abord montré que la faible visibilité d’un tel
objet ne renvoie pas seulement à un manque d’intérêt des chercheurs
dologiques importants et spécifiques. français, mais qu’elle est sans doute également liée à des obstacles métho-
français, mais qu’elle est sans doute également liée à des obstacles métho- dologiques importants et spécifiques.
objet ne renvoie pas seulement à un manque d’intérêt des chercheurs
Paris et à Montréal. Elle a d’abord montré que la faible visibilité d’un tel Questions de méthode
lations homosexuelles masculines dans les processus de gentrification à
gie, notre enquête avait pour objet l’étude comparée du rôle des popu- Au-delà des problèmes méthodologiques propres à toute enquête
Conduite entre 2005 et 2008 dans le cadre de notre thèse de sociolo- empirique, travailler sur des « populations homosexuelles » accentue cer-
taines difficultés. Le fait est particulièrement net dès lors que l’on tente
DE L’ENQUÊTE AUX RÉSULTATS de mobiliser les outils statistiques et quantitatifs, par exemple pour tenter
d’évaluer l’ampleur des installations et de la présence résidentielle gay dans
quête sur le sujet en France. une ville, et a fortiori, dans un quartier. L’orientation sexuelle des indivi-
largement anglophone et en faisant l’hypothèse de la nécessité d’une en- dus ne figurant pas dans les enquêtes de recensement, on en vient rapi-
nous saisissant d’un questionnement longtemps resté nord-américain et dement à chercher à comptabiliser, identifier et atteindre des populations
renouveler l’approche sociologique de la gentrification en France en invisibles statistiquement. Cette première difficulté est la plus importante,
logiques à la gentrification. C’est dans ce contexte que nous avons voulu elle est également spécifique à cette enquête. Sur ce terrain, nous avons
ensemble : en France aussi, ils apparaissent comme des « candidats » socio- cherché à innover et à renouveler certains outils de la sociologie urbaine
gays français ressemble ainsi beaucoup à celui des gentrifieurs dans leur française, quitte parfois à ne pouvoir formuler que des hypothèses ou des
d’ascension sociale (Schiltz, 1997). Le profil sociologique dominant des résultats partiels. Nous avons ainsi construit des données quantitatives en
taille, les gays ont aussi, plus souvent que les autres, connu des trajectoires travaillant sur les localisations résidentielles d’un échantillon d’hommes
de niveau de diplôme. Vivant fréquemment dans un ménage de petite parisiens abonnés à une revue homosexuelle spécialisée. Disposant de
pulation française, plus favorisée en termes de revenus, de PCS et surtout certaines informations sur cette population (arrondissement de résidence,
gay y apparaît très fortement urbaine, plus jeune que l’ensemble de la po- âge, profession déclarée) et tenant compte des contraintes d’anonymat
pesant sur ces données, nous avons pu reconstruire une géographie rési-
dentielle gay parisienne et l’étudier au regard des caractéristiques socio-
Le cas de la « gaytrification » 142 logiques de cet échantillon (Giraud, 2011). Une des conclusions de ce
volet de l’enquête est que les gays parisiens privilégient plusieurs types

volet de l’enquête est que les gays parisiens privilégient plusieurs types
logiques de cet échantillon (Giraud, 2011). Une des conclusions de ce 142 Le cas de la « gaytrification »
dentielle gay parisienne et l’étudier au regard des caractéristiques socio-
pesant sur ces données, nous avons pu reconstruire une géographie rési-
âge, profession déclarée) et tenant compte des contraintes d’anonymat gay y apparaît très fortement urbaine, plus jeune que l’ensemble de la po-
certaines informations sur cette population (arrondissement de résidence, pulation française, plus favorisée en termes de revenus, de PCS et surtout
parisiens abonnés à une revue homosexuelle spécialisée. Disposant de de niveau de diplôme. Vivant fréquemment dans un ménage de petite
travaillant sur les localisations résidentielles d’un échantillon d’hommes taille, les gays ont aussi, plus souvent que les autres, connu des trajectoires
résultats partiels. Nous avons ainsi construit des données quantitatives en d’ascension sociale (Schiltz, 1997). Le profil sociologique dominant des
française, quitte parfois à ne pouvoir formuler que des hypothèses ou des gays français ressemble ainsi beaucoup à celui des gentrifieurs dans leur
cherché à innover et à renouveler certains outils de la sociologie urbaine ensemble : en France aussi, ils apparaissent comme des « candidats » socio-
elle est également spécifique à cette enquête. Sur ce terrain, nous avons logiques à la gentrification. C’est dans ce contexte que nous avons voulu
invisibles statistiquement. Cette première difficulté est la plus importante, renouveler l’approche sociologique de la gentrification en France en
dement à chercher à comptabiliser, identifier et atteindre des populations nous saisissant d’un questionnement longtemps resté nord-américain et
dus ne figurant pas dans les enquêtes de recensement, on en vient rapi- largement anglophone et en faisant l’hypothèse de la nécessité d’une en-
une ville, et a fortiori, dans un quartier. L’orientation sexuelle des indivi- quête sur le sujet en France.
d’évaluer l’ampleur des installations et de la présence résidentielle gay dans
de mobiliser les outils statistiques et quantitatifs, par exemple pour tenter DE L’ENQUÊTE AUX RÉSULTATS
taines difficultés. Le fait est particulièrement net dès lors que l’on tente
empirique, travailler sur des « populations homosexuelles » accentue cer- Conduite entre 2005 et 2008 dans le cadre de notre thèse de sociolo-
Au-delà des problèmes méthodologiques propres à toute enquête gie, notre enquête avait pour objet l’étude comparée du rôle des popu-
lations homosexuelles masculines dans les processus de gentrification à
Questions de méthode Paris et à Montréal. Elle a d’abord montré que la faible visibilité d’un tel
objet ne renvoie pas seulement à un manque d’intérêt des chercheurs
dologiques importants et spécifiques. français, mais qu’elle est sans doute également liée à des obstacles métho-
français, mais qu’elle est sans doute également liée à des obstacles métho- dologiques importants et spécifiques.
objet ne renvoie pas seulement à un manque d’intérêt des chercheurs
Paris et à Montréal. Elle a d’abord montré que la faible visibilité d’un tel Questions de méthode
lations homosexuelles masculines dans les processus de gentrification à
gie, notre enquête avait pour objet l’étude comparée du rôle des popu- Au-delà des problèmes méthodologiques propres à toute enquête
Conduite entre 2005 et 2008 dans le cadre de notre thèse de sociolo- empirique, travailler sur des « populations homosexuelles » accentue cer-
taines difficultés. Le fait est particulièrement net dès lors que l’on tente
DE L’ENQUÊTE AUX RÉSULTATS de mobiliser les outils statistiques et quantitatifs, par exemple pour tenter
d’évaluer l’ampleur des installations et de la présence résidentielle gay dans
quête sur le sujet en France. une ville, et a fortiori, dans un quartier. L’orientation sexuelle des indivi-
largement anglophone et en faisant l’hypothèse de la nécessité d’une en- dus ne figurant pas dans les enquêtes de recensement, on en vient rapi-
nous saisissant d’un questionnement longtemps resté nord-américain et dement à chercher à comptabiliser, identifier et atteindre des populations
renouveler l’approche sociologique de la gentrification en France en invisibles statistiquement. Cette première difficulté est la plus importante,
logiques à la gentrification. C’est dans ce contexte que nous avons voulu elle est également spécifique à cette enquête. Sur ce terrain, nous avons
ensemble : en France aussi, ils apparaissent comme des « candidats » socio- cherché à innover et à renouveler certains outils de la sociologie urbaine
gays français ressemble ainsi beaucoup à celui des gentrifieurs dans leur française, quitte parfois à ne pouvoir formuler que des hypothèses ou des
d’ascension sociale (Schiltz, 1997). Le profil sociologique dominant des résultats partiels. Nous avons ainsi construit des données quantitatives en
taille, les gays ont aussi, plus souvent que les autres, connu des trajectoires travaillant sur les localisations résidentielles d’un échantillon d’hommes
de niveau de diplôme. Vivant fréquemment dans un ménage de petite parisiens abonnés à une revue homosexuelle spécialisée. Disposant de
pulation française, plus favorisée en termes de revenus, de PCS et surtout certaines informations sur cette population (arrondissement de résidence,
gay y apparaît très fortement urbaine, plus jeune que l’ensemble de la po- âge, profession déclarée) et tenant compte des contraintes d’anonymat
pesant sur ces données, nous avons pu reconstruire une géographie rési-
dentielle gay parisienne et l’étudier au regard des caractéristiques socio-
Le cas de la « gaytrification » 142 logiques de cet échantillon (Giraud, 2011). Une des conclusions de ce
volet de l’enquête est que les gays parisiens privilégient plusieurs types
Il rassemble 61 entretiens, dont 47 ont été conduits auprès de gays ayant
Colin Giraud 143 Le troisième type de données paraît plus classique dans un tel contexte.
et objets de certains discours sur le quartier.
producteurs et diffuseurs de certaines images, mais aussi comme supports
d’environnement résidentiels, dont une partie est bien située dans les cherché à identifier le rôle des gays dans ces processus : à la fois comme
secteurs phares de la gentrification parisienne, mais que ce type de choix quartier « animé », « convivial », « alternatif » ou « métissé ». Nous avons
est surtout celui de quarantenaires, nettement moins des plus jeunes et velles images qui lui sont associées, par exemple le quartier « village », le
des plus âgés. symboliques qui construisent la valeur d’un quartier à travers les nou-
Plus largement, le cas des populations gay amène à envisager une tiers et de ses images. La gentrification repose aussi sur des dynamiques
grande variété de matériaux empiriques pour tenter d’appréhender une discursifs et symboliques contribuant à la fabrique de la ville, de ses quar-
« place » et un « rôle » dans des processus aussi complexes. Selon nous, viron ont été mobilisés afin d’approcher certains processus médiatiques,
les difficultés pour obtenir des données quantitatives totalement fiables généraliste plutôt locale, à Paris et Montréal. Ces 1 300 documents en-
au sujet des gays habitant dans les deux quartiers de l’enquête n’ont pas sur la période 1978-2007 : un corpus de presse gay spécialisée et de presse
été seulement un problème méthodologique ou empirique. Pour étu- Deuxième type de données, nous avons dépouillé des sources écrites
dier sociologiquement la gentrification d’une ville ou d’un quartier, bon quartiers en gentrification.
nombre de travaux français mobilisent en priorité ce type de données. Si les évolutions d’ensemble des commerces et des activités dans les deux
la dimension résidentielle du processus est centrale et même nécessaire gence locale d’un « secteur commercial gay » et d’interroger ses liens avec
pour pouvoir parler de gentrification, cette dernière ne s’y réduit pas. spécialisée. Un tel matériau permet d’observer historiquement l’émer-
Depuis plusieurs années déjà, différents travaux ont souligné ses aspects partir des annuaires et index commerciaux disponibles dans la presse gay
multidimensionnels : les changements d’activités et de vie commerçante et des commerces gay dans les deux villes depuis la fin des années 1970, à
d’un quartier (Lehman-Frisch, 2002), les transformations de l’image et quantitatives de type résidentiel, mais aussi des données au sujet des lieux
de la fréquentation du quartier (Tissot, 2011), les mutations des rela- échelles d’analyse. En premier lieu, nous avons construit des données
tions sociales locales autant que les structures sociales du quartier (Bidou- notre dispositif de recherche, qui mobilise plusieurs types de données et
Zachariasen, 2008). Cela ne signifie pas que le concept de gentrification C’est ainsi que nous l’avons envisagé et que nous avons construit
soit un fourre-tout désignant séparément ces processus. Il correspond au contraire à la conjonction de toutes ces dimensions.
contraire à la conjonction de toutes ces dimensions. soit un fourre-tout désignant séparément ces processus. Il correspond au
C’est ainsi que nous l’avons envisagé et que nous avons construit Zachariasen, 2008). Cela ne signifie pas que le concept de gentrification
notre dispositif de recherche, qui mobilise plusieurs types de données et tions sociales locales autant que les structures sociales du quartier (Bidou-
échelles d’analyse. En premier lieu, nous avons construit des données de la fréquentation du quartier (Tissot, 2011), les mutations des rela-
quantitatives de type résidentiel, mais aussi des données au sujet des lieux d’un quartier (Lehman-Frisch, 2002), les transformations de l’image et
et des commerces gay dans les deux villes depuis la fin des années 1970, à multidimensionnels : les changements d’activités et de vie commerçante
partir des annuaires et index commerciaux disponibles dans la presse gay Depuis plusieurs années déjà, différents travaux ont souligné ses aspects
spécialisée. Un tel matériau permet d’observer historiquement l’émer- pour pouvoir parler de gentrification, cette dernière ne s’y réduit pas.
gence locale d’un « secteur commercial gay » et d’interroger ses liens avec la dimension résidentielle du processus est centrale et même nécessaire
les évolutions d’ensemble des commerces et des activités dans les deux nombre de travaux français mobilisent en priorité ce type de données. Si
quartiers en gentrification. dier sociologiquement la gentrification d’une ville ou d’un quartier, bon
Deuxième type de données, nous avons dépouillé des sources écrites été seulement un problème méthodologique ou empirique. Pour étu-
sur la période 1978-2007 : un corpus de presse gay spécialisée et de presse au sujet des gays habitant dans les deux quartiers de l’enquête n’ont pas
généraliste plutôt locale, à Paris et Montréal. Ces 1 300 documents en- les difficultés pour obtenir des données quantitatives totalement fiables
viron ont été mobilisés afin d’approcher certains processus médiatiques, « place » et un « rôle » dans des processus aussi complexes. Selon nous,
discursifs et symboliques contribuant à la fabrique de la ville, de ses quar- grande variété de matériaux empiriques pour tenter d’appréhender une
tiers et de ses images. La gentrification repose aussi sur des dynamiques Plus largement, le cas des populations gay amène à envisager une
symboliques qui construisent la valeur d’un quartier à travers les nou- des plus âgés.
velles images qui lui sont associées, par exemple le quartier « village », le est surtout celui de quarantenaires, nettement moins des plus jeunes et
quartier « animé », « convivial », « alternatif » ou « métissé ». Nous avons secteurs phares de la gentrification parisienne, mais que ce type de choix
cherché à identifier le rôle des gays dans ces processus : à la fois comme d’environnement résidentiels, dont une partie est bien située dans les
producteurs et diffuseurs de certaines images, mais aussi comme supports
et objets de certains discours sur le quartier.
Le troisième type de données paraît plus classique dans un tel contexte. 143 Colin Giraud
Il rassemble 61 entretiens, dont 47 ont été conduits auprès de gays ayant

Il rassemble 61 entretiens, dont 47 ont été conduits auprès de gays ayant


Colin Giraud 143 Le troisième type de données paraît plus classique dans un tel contexte.
et objets de certains discours sur le quartier.
producteurs et diffuseurs de certaines images, mais aussi comme supports
d’environnement résidentiels, dont une partie est bien située dans les cherché à identifier le rôle des gays dans ces processus : à la fois comme
secteurs phares de la gentrification parisienne, mais que ce type de choix quartier « animé », « convivial », « alternatif » ou « métissé ». Nous avons
est surtout celui de quarantenaires, nettement moins des plus jeunes et velles images qui lui sont associées, par exemple le quartier « village », le
des plus âgés. symboliques qui construisent la valeur d’un quartier à travers les nou-
Plus largement, le cas des populations gay amène à envisager une tiers et de ses images. La gentrification repose aussi sur des dynamiques
grande variété de matériaux empiriques pour tenter d’appréhender une discursifs et symboliques contribuant à la fabrique de la ville, de ses quar-
« place » et un « rôle » dans des processus aussi complexes. Selon nous, viron ont été mobilisés afin d’approcher certains processus médiatiques,
les difficultés pour obtenir des données quantitatives totalement fiables généraliste plutôt locale, à Paris et Montréal. Ces 1 300 documents en-
au sujet des gays habitant dans les deux quartiers de l’enquête n’ont pas sur la période 1978-2007 : un corpus de presse gay spécialisée et de presse
été seulement un problème méthodologique ou empirique. Pour étu- Deuxième type de données, nous avons dépouillé des sources écrites
dier sociologiquement la gentrification d’une ville ou d’un quartier, bon quartiers en gentrification.
nombre de travaux français mobilisent en priorité ce type de données. Si les évolutions d’ensemble des commerces et des activités dans les deux
la dimension résidentielle du processus est centrale et même nécessaire gence locale d’un « secteur commercial gay » et d’interroger ses liens avec
pour pouvoir parler de gentrification, cette dernière ne s’y réduit pas. spécialisée. Un tel matériau permet d’observer historiquement l’émer-
Depuis plusieurs années déjà, différents travaux ont souligné ses aspects partir des annuaires et index commerciaux disponibles dans la presse gay
multidimensionnels : les changements d’activités et de vie commerçante et des commerces gay dans les deux villes depuis la fin des années 1970, à
d’un quartier (Lehman-Frisch, 2002), les transformations de l’image et quantitatives de type résidentiel, mais aussi des données au sujet des lieux
de la fréquentation du quartier (Tissot, 2011), les mutations des rela- échelles d’analyse. En premier lieu, nous avons construit des données
tions sociales locales autant que les structures sociales du quartier (Bidou- notre dispositif de recherche, qui mobilise plusieurs types de données et
Zachariasen, 2008). Cela ne signifie pas que le concept de gentrification C’est ainsi que nous l’avons envisagé et que nous avons construit
soit un fourre-tout désignant séparément ces processus. Il correspond au contraire à la conjonction de toutes ces dimensions.
contraire à la conjonction de toutes ces dimensions. soit un fourre-tout désignant séparément ces processus. Il correspond au
C’est ainsi que nous l’avons envisagé et que nous avons construit Zachariasen, 2008). Cela ne signifie pas que le concept de gentrification
notre dispositif de recherche, qui mobilise plusieurs types de données et tions sociales locales autant que les structures sociales du quartier (Bidou-
échelles d’analyse. En premier lieu, nous avons construit des données de la fréquentation du quartier (Tissot, 2011), les mutations des rela-
quantitatives de type résidentiel, mais aussi des données au sujet des lieux d’un quartier (Lehman-Frisch, 2002), les transformations de l’image et
et des commerces gay dans les deux villes depuis la fin des années 1970, à multidimensionnels : les changements d’activités et de vie commerçante
partir des annuaires et index commerciaux disponibles dans la presse gay Depuis plusieurs années déjà, différents travaux ont souligné ses aspects
spécialisée. Un tel matériau permet d’observer historiquement l’émer- pour pouvoir parler de gentrification, cette dernière ne s’y réduit pas.
gence locale d’un « secteur commercial gay » et d’interroger ses liens avec la dimension résidentielle du processus est centrale et même nécessaire
les évolutions d’ensemble des commerces et des activités dans les deux nombre de travaux français mobilisent en priorité ce type de données. Si
quartiers en gentrification. dier sociologiquement la gentrification d’une ville ou d’un quartier, bon
Deuxième type de données, nous avons dépouillé des sources écrites été seulement un problème méthodologique ou empirique. Pour étu-
sur la période 1978-2007 : un corpus de presse gay spécialisée et de presse au sujet des gays habitant dans les deux quartiers de l’enquête n’ont pas
généraliste plutôt locale, à Paris et Montréal. Ces 1 300 documents en- les difficultés pour obtenir des données quantitatives totalement fiables
viron ont été mobilisés afin d’approcher certains processus médiatiques, « place » et un « rôle » dans des processus aussi complexes. Selon nous,
discursifs et symboliques contribuant à la fabrique de la ville, de ses quar- grande variété de matériaux empiriques pour tenter d’appréhender une
tiers et de ses images. La gentrification repose aussi sur des dynamiques Plus largement, le cas des populations gay amène à envisager une
symboliques qui construisent la valeur d’un quartier à travers les nou- des plus âgés.
velles images qui lui sont associées, par exemple le quartier « village », le est surtout celui de quarantenaires, nettement moins des plus jeunes et
quartier « animé », « convivial », « alternatif » ou « métissé ». Nous avons secteurs phares de la gentrification parisienne, mais que ce type de choix
cherché à identifier le rôle des gays dans ces processus : à la fois comme d’environnement résidentiels, dont une partie est bien située dans les
producteurs et diffuseurs de certaines images, mais aussi comme supports
et objets de certains discours sur le quartier.
Le troisième type de données paraît plus classique dans un tel contexte. 143 Colin Giraud
Il rassemble 61 entretiens, dont 47 ont été conduits auprès de gays ayant
tés manifestent globalement de fortes propensions à l’aménagement, au
quantité et le type de travaux. Malgré ces effets indéniables, les enquê- 144 Le cas de la « gaytrification »
le statut d’occupation influencent, de manière relativement classique, la
le Village, l’état initial du logement, les moyens financiers disponibles et
formations ne sont pas identiques pour tous. Dans le Marais comme dans habité à un moment de leur vie dans le Marais ou le Village. Ces entretiens
Tout d’abord, l’ampleur, la nature et la possibilité même de ces trans- permettent d’interroger les liens entre homosexualité et gentrification à
est-il chez nos enquêtés ? une échelle plus microsociologique : celle des parcours sociorésidentiels,
ments dans les quartiers où ils s’installent (Lévy-Vroëlant, 2001). Qu’en des pratiques et des rapports individuels à l’espace urbain et au quar-
dans leur logement et contribuent à la revalorisation du stock de loge- tier. On retrouve ici une méthode empirique déjà relativement éprouvée
ralement massive chez les gentrifieurs, qui sont particulièrement investis dans différents travaux francophones sur les gentrifieurs : la compréhen-
les travaux, aménagements et réaménagements. Cette pratique est géné- sion sociologique de la gentrification est indissociable de l’analyse des
trification à partir de l’investissement matériel du logement, c’est-à-dire trajectoires et des modes de vie des gentrifieurs, dans leur singularité et
Nous n’explorerons ici qu’une des dimensions résidentielles de la gay- dans leur diversité sociologique. Ce qu’il y a de nouveau, ici, c’est la prise
en compte des trajectoires et des « carrières homosexuelles » dans la
Le logement gay en question construction des rapports résidentiels au quartier. Enfin, nous avons com-
plété ces matériaux par des données ethnographiques issues de séquences
d’analyses de cette recherche, celle du logement. d’observation dans certains lieux des deux quartiers, en faisant l’hypo-
Nous avons choisi d’en présenter quelques-uns à travers une des échelles thèse que certaines ambiances, certaines interactions et certains réseaux
sur les destinées du Marais et du Village, notamment leur gentrification. relationnels sont aussi des leviers plus fins mais décisifs d’un processus de
décomposer et d’observer certains effets sociologiques de la présence gay gaytrification.
conséquent et surtout extrêmement varié qui permet progressivement de Pris séparément, ces matériaux empiriques ne sont pas nécessairement
les démarches et les matériaux empiriques. Il en résulte un matériau innovants pour les sociologues de la ville ; ce sont plutôt leur association
teurs plus « classiques », nous avons voulu multiplier, diversifier et croiser et leur articulation dans une recherche portant sur la gentrification qui
ces processus nous semblait plus difficile à circonscrire que d’autres fac- sont ici structurantes. Ces démarches empiriques ne relèvent pas seule-
nous paraissait relever de logiques plurielles et que le rôle des gays dans ment de choix techniques ou méthodologiques. Puisque la gentrification
ment de choix techniques ou méthodologiques. Puisque la gentrification nous paraissait relever de logiques plurielles et que le rôle des gays dans
sont ici structurantes. Ces démarches empiriques ne relèvent pas seule- ces processus nous semblait plus difficile à circonscrire que d’autres fac-
et leur articulation dans une recherche portant sur la gentrification qui teurs plus « classiques », nous avons voulu multiplier, diversifier et croiser
innovants pour les sociologues de la ville ; ce sont plutôt leur association les démarches et les matériaux empiriques. Il en résulte un matériau
Pris séparément, ces matériaux empiriques ne sont pas nécessairement conséquent et surtout extrêmement varié qui permet progressivement de
gaytrification. décomposer et d’observer certains effets sociologiques de la présence gay
relationnels sont aussi des leviers plus fins mais décisifs d’un processus de sur les destinées du Marais et du Village, notamment leur gentrification.
thèse que certaines ambiances, certaines interactions et certains réseaux Nous avons choisi d’en présenter quelques-uns à travers une des échelles
d’observation dans certains lieux des deux quartiers, en faisant l’hypo- d’analyses de cette recherche, celle du logement.
plété ces matériaux par des données ethnographiques issues de séquences
construction des rapports résidentiels au quartier. Enfin, nous avons com- Le logement gay en question
en compte des trajectoires et des « carrières homosexuelles » dans la
dans leur diversité sociologique. Ce qu’il y a de nouveau, ici, c’est la prise Nous n’explorerons ici qu’une des dimensions résidentielles de la gay-
trajectoires et des modes de vie des gentrifieurs, dans leur singularité et trification à partir de l’investissement matériel du logement, c’est-à-dire
sion sociologique de la gentrification est indissociable de l’analyse des les travaux, aménagements et réaménagements. Cette pratique est géné-
dans différents travaux francophones sur les gentrifieurs : la compréhen- ralement massive chez les gentrifieurs, qui sont particulièrement investis
tier. On retrouve ici une méthode empirique déjà relativement éprouvée dans leur logement et contribuent à la revalorisation du stock de loge-
des pratiques et des rapports individuels à l’espace urbain et au quar- ments dans les quartiers où ils s’installent (Lévy-Vroëlant, 2001). Qu’en
une échelle plus microsociologique : celle des parcours sociorésidentiels, est-il chez nos enquêtés ?
permettent d’interroger les liens entre homosexualité et gentrification à Tout d’abord, l’ampleur, la nature et la possibilité même de ces trans-
habité à un moment de leur vie dans le Marais ou le Village. Ces entretiens formations ne sont pas identiques pour tous. Dans le Marais comme dans
le Village, l’état initial du logement, les moyens financiers disponibles et
le statut d’occupation influencent, de manière relativement classique, la
Le cas de la « gaytrification » 144 quantité et le type de travaux. Malgré ces effets indéniables, les enquê-
tés manifestent globalement de fortes propensions à l’aménagement, au

tés manifestent globalement de fortes propensions à l’aménagement, au


quantité et le type de travaux. Malgré ces effets indéniables, les enquê- 144 Le cas de la « gaytrification »
le statut d’occupation influencent, de manière relativement classique, la
le Village, l’état initial du logement, les moyens financiers disponibles et
formations ne sont pas identiques pour tous. Dans le Marais comme dans habité à un moment de leur vie dans le Marais ou le Village. Ces entretiens
Tout d’abord, l’ampleur, la nature et la possibilité même de ces trans- permettent d’interroger les liens entre homosexualité et gentrification à
est-il chez nos enquêtés ? une échelle plus microsociologique : celle des parcours sociorésidentiels,
ments dans les quartiers où ils s’installent (Lévy-Vroëlant, 2001). Qu’en des pratiques et des rapports individuels à l’espace urbain et au quar-
dans leur logement et contribuent à la revalorisation du stock de loge- tier. On retrouve ici une méthode empirique déjà relativement éprouvée
ralement massive chez les gentrifieurs, qui sont particulièrement investis dans différents travaux francophones sur les gentrifieurs : la compréhen-
les travaux, aménagements et réaménagements. Cette pratique est géné- sion sociologique de la gentrification est indissociable de l’analyse des
trification à partir de l’investissement matériel du logement, c’est-à-dire trajectoires et des modes de vie des gentrifieurs, dans leur singularité et
Nous n’explorerons ici qu’une des dimensions résidentielles de la gay- dans leur diversité sociologique. Ce qu’il y a de nouveau, ici, c’est la prise
en compte des trajectoires et des « carrières homosexuelles » dans la
Le logement gay en question construction des rapports résidentiels au quartier. Enfin, nous avons com-
plété ces matériaux par des données ethnographiques issues de séquences
d’analyses de cette recherche, celle du logement. d’observation dans certains lieux des deux quartiers, en faisant l’hypo-
Nous avons choisi d’en présenter quelques-uns à travers une des échelles thèse que certaines ambiances, certaines interactions et certains réseaux
sur les destinées du Marais et du Village, notamment leur gentrification. relationnels sont aussi des leviers plus fins mais décisifs d’un processus de
décomposer et d’observer certains effets sociologiques de la présence gay gaytrification.
conséquent et surtout extrêmement varié qui permet progressivement de Pris séparément, ces matériaux empiriques ne sont pas nécessairement
les démarches et les matériaux empiriques. Il en résulte un matériau innovants pour les sociologues de la ville ; ce sont plutôt leur association
teurs plus « classiques », nous avons voulu multiplier, diversifier et croiser et leur articulation dans une recherche portant sur la gentrification qui
ces processus nous semblait plus difficile à circonscrire que d’autres fac- sont ici structurantes. Ces démarches empiriques ne relèvent pas seule-
nous paraissait relever de logiques plurielles et que le rôle des gays dans ment de choix techniques ou méthodologiques. Puisque la gentrification
ment de choix techniques ou méthodologiques. Puisque la gentrification nous paraissait relever de logiques plurielles et que le rôle des gays dans
sont ici structurantes. Ces démarches empiriques ne relèvent pas seule- ces processus nous semblait plus difficile à circonscrire que d’autres fac-
et leur articulation dans une recherche portant sur la gentrification qui teurs plus « classiques », nous avons voulu multiplier, diversifier et croiser
innovants pour les sociologues de la ville ; ce sont plutôt leur association les démarches et les matériaux empiriques. Il en résulte un matériau
Pris séparément, ces matériaux empiriques ne sont pas nécessairement conséquent et surtout extrêmement varié qui permet progressivement de
gaytrification. décomposer et d’observer certains effets sociologiques de la présence gay
relationnels sont aussi des leviers plus fins mais décisifs d’un processus de sur les destinées du Marais et du Village, notamment leur gentrification.
thèse que certaines ambiances, certaines interactions et certains réseaux Nous avons choisi d’en présenter quelques-uns à travers une des échelles
d’observation dans certains lieux des deux quartiers, en faisant l’hypo- d’analyses de cette recherche, celle du logement.
plété ces matériaux par des données ethnographiques issues de séquences
construction des rapports résidentiels au quartier. Enfin, nous avons com- Le logement gay en question
en compte des trajectoires et des « carrières homosexuelles » dans la
dans leur diversité sociologique. Ce qu’il y a de nouveau, ici, c’est la prise Nous n’explorerons ici qu’une des dimensions résidentielles de la gay-
trajectoires et des modes de vie des gentrifieurs, dans leur singularité et trification à partir de l’investissement matériel du logement, c’est-à-dire
sion sociologique de la gentrification est indissociable de l’analyse des les travaux, aménagements et réaménagements. Cette pratique est géné-
dans différents travaux francophones sur les gentrifieurs : la compréhen- ralement massive chez les gentrifieurs, qui sont particulièrement investis
tier. On retrouve ici une méthode empirique déjà relativement éprouvée dans leur logement et contribuent à la revalorisation du stock de loge-
des pratiques et des rapports individuels à l’espace urbain et au quar- ments dans les quartiers où ils s’installent (Lévy-Vroëlant, 2001). Qu’en
une échelle plus microsociologique : celle des parcours sociorésidentiels, est-il chez nos enquêtés ?
permettent d’interroger les liens entre homosexualité et gentrification à Tout d’abord, l’ampleur, la nature et la possibilité même de ces trans-
habité à un moment de leur vie dans le Marais ou le Village. Ces entretiens formations ne sont pas identiques pour tous. Dans le Marais comme dans
le Village, l’état initial du logement, les moyens financiers disponibles et
le statut d’occupation influencent, de manière relativement classique, la
Le cas de la « gaytrification » 144 quantité et le type de travaux. Malgré ces effets indéniables, les enquê-
tés manifestent globalement de fortes propensions à l’aménagement, au
de la rue Plessis :
Colin Giraud 145 ou comme le montre encore le cas de Michel et de son ancien logement
des gays, comme l’ont confirmé certains agents immobiliers du quartier,
totalement réhabilités depuis la fin des années 1980, en grande partie par
réaménagement et aux travaux dans leurs logements, y compris lorsqu’ils très localisés du quartier où de nombreux édifices néo-victoriens ont été
sont locataires, en particulier dans le Village. Ainsi Raymond a-t-il souvent Le terrain montréalais illustre cet impact significatif dans certains secteurs
repeint ses appartements successifs ou refait certains parquets, mettant tion du stock local de logements en revalorisant ceux qui sont vétustes.
par là en conformité ses propres pratiques et ses représentations souvent les plus élevés. Ces investissements ont d’abord un effet brut d’améliora-
stéréotypées au sujet des gays : chez ceux qui achètent leur appartement et qui ont les moyens financiers
Dans les deux quartiers, des travaux plus conséquents sont visibles
Tous les appartements, moi j’ai toujours repeint en arrivant, même si je
restais pas longtemps, je prenais toujours le temps, je nettoyais les murs 26 ans, styliste free-lance, célibataire, locataire, Marais)
et les sols, j’ai dû refaire des parquets des fois [...]. Les gays n’habitent pas acheter des absorbeurs d’humidité et arranger un truc mignon. (Boris,
dans la saleté, ils vont essayer de ramasser, de rénover, de rajeunir, surtout peint en blanc une dernière fois, mais je peux pas faire grand-chose à part
ici, ils ont beaucoup fait pour les logements, ils ont mis des fleurs tout repeindre tous les ans, donc bon, j’ai changé la moquette là, j’ai tout re-
ça, ils aiment bien le propre, il faut bien que ce soit propre si on veut se qu’après j’ai vu de la moisissure partout, donc je me suis dit je vais pas
rouler par terre. [Rire.] (Raymond, 62 ans, employé retraité, célibataire, peint, après j’ai peint ce mur-là en couleur, mais je me suis calmé parce
locataire,Village) tout pourri ? [Rire.] [...] Quand je suis arrivé, ça m’a excité, j’ai tout re-
un peu artiste aussi, genre comment faire du design dans un appartement
De même, une partie des enquêtés nous a relativement surpris au bien, j’aime bien que ce soit mignon quoi ! Peut-être que c’est mon côté
cours de notre enquête. Il s’agit des locataires les moins fortunés, qui sont bon donc j’y passe pas beaucoup de temps [chez moi], disons que j’aime
souvent très mobiles et occupent de petits logements, mais qui réalisent
bureau en coin canapé, et puis après je rechange deux semaines après,
malgré tout des travaux et bricolent de nouveaux aménagements. Ils le
changer le tissu sur le lit [...]. Ça me prend, je vais vouloir changer le coin
là-dessus, j’aime bien mettre des choses aux murs, accrocher un truc là,
font d’autant plus volontiers qu’ils sont souvent eux-mêmes « un peu les meubles de place tous les mois par exemple, je suis un peu hystérique
artistes » et qu’ils manifestent certaines dispositions de cet ordre. C’est le Je me préoccupe pas mal de comment c’est chez moi, donc je change
cas de Boris, jeune styliste locataire d’un deux-pièces dans le Marais :
cas de Boris, jeune styliste locataire d’un deux-pièces dans le Marais :
Je me préoccupe pas mal de comment c’est chez moi, donc je change artistes » et qu’ils manifestent certaines dispositions de cet ordre. C’est le
les meubles de place tous les mois par exemple, je suis un peu hystérique font d’autant plus volontiers qu’ils sont souvent eux-mêmes « un peu
là-dessus, j’aime bien mettre des choses aux murs, accrocher un truc là, malgré tout des travaux et bricolent de nouveaux aménagements. Ils le
changer le tissu sur le lit [...]. Ça me prend, je vais vouloir changer le coin
bureau en coin canapé, et puis après je rechange deux semaines après,
souvent très mobiles et occupent de petits logements, mais qui réalisent
bon donc j’y passe pas beaucoup de temps [chez moi], disons que j’aime cours de notre enquête. Il s’agit des locataires les moins fortunés, qui sont
bien, j’aime bien que ce soit mignon quoi ! Peut-être que c’est mon côté De même, une partie des enquêtés nous a relativement surpris au
un peu artiste aussi, genre comment faire du design dans un appartement
tout pourri ? [Rire.] [...] Quand je suis arrivé, ça m’a excité, j’ai tout re- locataire,Village)
peint, après j’ai peint ce mur-là en couleur, mais je me suis calmé parce rouler par terre. [Rire.] (Raymond, 62 ans, employé retraité, célibataire,
qu’après j’ai vu de la moisissure partout, donc je me suis dit je vais pas ça, ils aiment bien le propre, il faut bien que ce soit propre si on veut se
repeindre tous les ans, donc bon, j’ai changé la moquette là, j’ai tout re- ici, ils ont beaucoup fait pour les logements, ils ont mis des fleurs tout
peint en blanc une dernière fois, mais je peux pas faire grand-chose à part dans la saleté, ils vont essayer de ramasser, de rénover, de rajeunir, surtout
acheter des absorbeurs d’humidité et arranger un truc mignon. (Boris, et les sols, j’ai dû refaire des parquets des fois [...]. Les gays n’habitent pas
26 ans, styliste free-lance, célibataire, locataire, Marais) restais pas longtemps, je prenais toujours le temps, je nettoyais les murs
Tous les appartements, moi j’ai toujours repeint en arrivant, même si je
Dans les deux quartiers, des travaux plus conséquents sont visibles
chez ceux qui achètent leur appartement et qui ont les moyens financiers stéréotypées au sujet des gays :
les plus élevés. Ces investissements ont d’abord un effet brut d’améliora- par là en conformité ses propres pratiques et ses représentations souvent
tion du stock local de logements en revalorisant ceux qui sont vétustes. repeint ses appartements successifs ou refait certains parquets, mettant
Le terrain montréalais illustre cet impact significatif dans certains secteurs sont locataires, en particulier dans le Village. Ainsi Raymond a-t-il souvent
très localisés du quartier où de nombreux édifices néo-victoriens ont été réaménagement et aux travaux dans leurs logements, y compris lorsqu’ils
totalement réhabilités depuis la fin des années 1980, en grande partie par
des gays, comme l’ont confirmé certains agents immobiliers du quartier,
ou comme le montre encore le cas de Michel et de son ancien logement 145 Colin Giraud
de la rue Plessis :

de la rue Plessis :
Colin Giraud 145 ou comme le montre encore le cas de Michel et de son ancien logement
des gays, comme l’ont confirmé certains agents immobiliers du quartier,
totalement réhabilités depuis la fin des années 1980, en grande partie par
réaménagement et aux travaux dans leurs logements, y compris lorsqu’ils très localisés du quartier où de nombreux édifices néo-victoriens ont été
sont locataires, en particulier dans le Village. Ainsi Raymond a-t-il souvent Le terrain montréalais illustre cet impact significatif dans certains secteurs
repeint ses appartements successifs ou refait certains parquets, mettant tion du stock local de logements en revalorisant ceux qui sont vétustes.
par là en conformité ses propres pratiques et ses représentations souvent les plus élevés. Ces investissements ont d’abord un effet brut d’améliora-
stéréotypées au sujet des gays : chez ceux qui achètent leur appartement et qui ont les moyens financiers
Dans les deux quartiers, des travaux plus conséquents sont visibles
Tous les appartements, moi j’ai toujours repeint en arrivant, même si je
restais pas longtemps, je prenais toujours le temps, je nettoyais les murs 26 ans, styliste free-lance, célibataire, locataire, Marais)
et les sols, j’ai dû refaire des parquets des fois [...]. Les gays n’habitent pas acheter des absorbeurs d’humidité et arranger un truc mignon. (Boris,
dans la saleté, ils vont essayer de ramasser, de rénover, de rajeunir, surtout peint en blanc une dernière fois, mais je peux pas faire grand-chose à part
ici, ils ont beaucoup fait pour les logements, ils ont mis des fleurs tout repeindre tous les ans, donc bon, j’ai changé la moquette là, j’ai tout re-
ça, ils aiment bien le propre, il faut bien que ce soit propre si on veut se qu’après j’ai vu de la moisissure partout, donc je me suis dit je vais pas
rouler par terre. [Rire.] (Raymond, 62 ans, employé retraité, célibataire, peint, après j’ai peint ce mur-là en couleur, mais je me suis calmé parce
locataire,Village) tout pourri ? [Rire.] [...] Quand je suis arrivé, ça m’a excité, j’ai tout re-
un peu artiste aussi, genre comment faire du design dans un appartement
De même, une partie des enquêtés nous a relativement surpris au bien, j’aime bien que ce soit mignon quoi ! Peut-être que c’est mon côté
cours de notre enquête. Il s’agit des locataires les moins fortunés, qui sont bon donc j’y passe pas beaucoup de temps [chez moi], disons que j’aime
souvent très mobiles et occupent de petits logements, mais qui réalisent
bureau en coin canapé, et puis après je rechange deux semaines après,
malgré tout des travaux et bricolent de nouveaux aménagements. Ils le
changer le tissu sur le lit [...]. Ça me prend, je vais vouloir changer le coin
là-dessus, j’aime bien mettre des choses aux murs, accrocher un truc là,
font d’autant plus volontiers qu’ils sont souvent eux-mêmes « un peu les meubles de place tous les mois par exemple, je suis un peu hystérique
artistes » et qu’ils manifestent certaines dispositions de cet ordre. C’est le Je me préoccupe pas mal de comment c’est chez moi, donc je change
cas de Boris, jeune styliste locataire d’un deux-pièces dans le Marais :
cas de Boris, jeune styliste locataire d’un deux-pièces dans le Marais :
Je me préoccupe pas mal de comment c’est chez moi, donc je change artistes » et qu’ils manifestent certaines dispositions de cet ordre. C’est le
les meubles de place tous les mois par exemple, je suis un peu hystérique font d’autant plus volontiers qu’ils sont souvent eux-mêmes « un peu
là-dessus, j’aime bien mettre des choses aux murs, accrocher un truc là, malgré tout des travaux et bricolent de nouveaux aménagements. Ils le
changer le tissu sur le lit [...]. Ça me prend, je vais vouloir changer le coin
bureau en coin canapé, et puis après je rechange deux semaines après,
souvent très mobiles et occupent de petits logements, mais qui réalisent
bon donc j’y passe pas beaucoup de temps [chez moi], disons que j’aime cours de notre enquête. Il s’agit des locataires les moins fortunés, qui sont
bien, j’aime bien que ce soit mignon quoi ! Peut-être que c’est mon côté De même, une partie des enquêtés nous a relativement surpris au
un peu artiste aussi, genre comment faire du design dans un appartement
tout pourri ? [Rire.] [...] Quand je suis arrivé, ça m’a excité, j’ai tout re- locataire,Village)
peint, après j’ai peint ce mur-là en couleur, mais je me suis calmé parce rouler par terre. [Rire.] (Raymond, 62 ans, employé retraité, célibataire,
qu’après j’ai vu de la moisissure partout, donc je me suis dit je vais pas ça, ils aiment bien le propre, il faut bien que ce soit propre si on veut se
repeindre tous les ans, donc bon, j’ai changé la moquette là, j’ai tout re- ici, ils ont beaucoup fait pour les logements, ils ont mis des fleurs tout
peint en blanc une dernière fois, mais je peux pas faire grand-chose à part dans la saleté, ils vont essayer de ramasser, de rénover, de rajeunir, surtout
acheter des absorbeurs d’humidité et arranger un truc mignon. (Boris, et les sols, j’ai dû refaire des parquets des fois [...]. Les gays n’habitent pas
26 ans, styliste free-lance, célibataire, locataire, Marais) restais pas longtemps, je prenais toujours le temps, je nettoyais les murs
Tous les appartements, moi j’ai toujours repeint en arrivant, même si je
Dans les deux quartiers, des travaux plus conséquents sont visibles
chez ceux qui achètent leur appartement et qui ont les moyens financiers stéréotypées au sujet des gays :
les plus élevés. Ces investissements ont d’abord un effet brut d’améliora- par là en conformité ses propres pratiques et ses représentations souvent
tion du stock local de logements en revalorisant ceux qui sont vétustes. repeint ses appartements successifs ou refait certains parquets, mettant
Le terrain montréalais illustre cet impact significatif dans certains secteurs sont locataires, en particulier dans le Village. Ainsi Raymond a-t-il souvent
très localisés du quartier où de nombreux édifices néo-victoriens ont été réaménagement et aux travaux dans leurs logements, y compris lorsqu’ils
totalement réhabilités depuis la fin des années 1980, en grande partie par
des gays, comme l’ont confirmé certains agents immobiliers du quartier,
ou comme le montre encore le cas de Michel et de son ancien logement 145 Colin Giraud
de la rue Plessis :
cédent propriétaire, gay lui aussi, mais ils ont conscience de cet effet :
Vincent ne sont « que » locataires d’un appartement réhabilité par le pré- 146 Le cas de la « gaytrification »
ture des ménages gay oriente leurs choix en matière d’habitat. Tony et
mais sans enfant et, surtout, sans projet explicite d’en avoir  : la struc-
renvoie surtout à la taille du ménage, les enquêtés vivant seuls ou à deux, C’était une très vieille demeure, très sale, il y avait des rats qui passaient
surface. S’il s’agit de gagner de l’espace ou de la lumière, cette démarche dans la cuisine quand je suis arrivé, j’ai fait beaucoup de travaux, j’ai tout
eux  : abattre des cloisons, réduire le nombre de pièces et étendre leur refait les plafonds, les planchers, j’ai tout nettoyé les murs, même dehors
une même opération, maintes fois décrites en entretien et observées chez j’ai fait nettoyer le devant parce que c’était si sale, j’ai changé les bal-
les lieux. C’est sur ce point précis qu’ils sont nombreux à s’engager dans cons après [...]. C’était un gros coup d’argent, j’ai vendu au triple quand
Tous les enquêtés ne trouvent pas ce type d’intérieur en entrant dans je suis parti. (Michel, 60 ans, employé, couple non cohabitant, locataire,
Village)
De fait, les travaux sont souvent plus conséquents à Montréal qu’à
couple cohabitant, propriétaire, Marais)
s’en fout en fait de la cuisine  ! (Gilles, 40  ans, directeur informatique,
c’est très agréable, la terrasse fait 7 m2, alors la cuisine est petite mais on Paris parce que les biens sont acquis en moins bon état. À l’image de
grande pièce, c’est une pièce de 30 m2, dans un appart de 55 m2, et ça Michel, certains des propriétaires que nous avons interrogés apparaissent
Ce qui est génial et ça m’a beaucoup plu quand je l’ai acheté, c’est la typiques des nouveaux venus qui, arrivés depuis la fin des années 1980,
ont participé à des réhabilitations rappelant de près celles qui ont été dé-
pièce, une seule chambre et une petite cuisine : crites dans des contextes équivalents (Castells, 1983 ; Bouthillette, 1994).
ration est exemplaire de celles que privilégient les enquêtés, une grande À Paris, lorsque les gays interrogés arrivent dans leur logement, il est plus
recherche dans le Marais, Gilles achète un appartement dont la configu- fréquent qu’il ait été déjà réhabilité, hormis le cas de quelques installa-
tion des pièces, de leur nombre et de leur taille. Après plusieurs mois de tions anciennes, au début des années 1980.
l’exemple le plus significatif de ces spécificités est celui de la distribu- Mais c’est surtout le logement en tant qu’habitat domestique qui ré-
vie. Au-delà du choix des couleurs et de la réfection d’équipements usés, vèle toute la subtilité des processus de gaytrification. Les aménagements
tie, à la spécificité des ménages qu’ils composent et de leurs modes de intérieurs révèlent, en effet, des spécificités homosexuelles en termes de
gurations d’habitat qu’ils choisissent et qui sont liées, en grande par- goût et de besoin en habitat, liées surtout à la structure particulière des
identiques aux autres : bon nombre d’entre eux innovent par les confi- ménages gay. De ce point de vue, les gays ne sont plus des gentrifieurs
ménages gay. De ce point de vue, les gays ne sont plus des gentrifieurs identiques aux autres : bon nombre d’entre eux innovent par les confi-
goût et de besoin en habitat, liées surtout à la structure particulière des gurations d’habitat qu’ils choisissent et qui sont liées, en grande par-
intérieurs révèlent, en effet, des spécificités homosexuelles en termes de tie, à la spécificité des ménages qu’ils composent et de leurs modes de
vèle toute la subtilité des processus de gaytrification. Les aménagements vie. Au-delà du choix des couleurs et de la réfection d’équipements usés,
Mais c’est surtout le logement en tant qu’habitat domestique qui ré- l’exemple le plus significatif de ces spécificités est celui de la distribu-
tions anciennes, au début des années 1980. tion des pièces, de leur nombre et de leur taille. Après plusieurs mois de
fréquent qu’il ait été déjà réhabilité, hormis le cas de quelques installa- recherche dans le Marais, Gilles achète un appartement dont la configu-
À Paris, lorsque les gays interrogés arrivent dans leur logement, il est plus ration est exemplaire de celles que privilégient les enquêtés, une grande
crites dans des contextes équivalents (Castells, 1983 ; Bouthillette, 1994). pièce, une seule chambre et une petite cuisine :
ont participé à des réhabilitations rappelant de près celles qui ont été dé-
typiques des nouveaux venus qui, arrivés depuis la fin des années 1980, Ce qui est génial et ça m’a beaucoup plu quand je l’ai acheté, c’est la
Michel, certains des propriétaires que nous avons interrogés apparaissent grande pièce, c’est une pièce de 30 m2, dans un appart de 55 m2, et ça
Paris parce que les biens sont acquis en moins bon état. À l’image de c’est très agréable, la terrasse fait 7 m2, alors la cuisine est petite mais on
De fait, les travaux sont souvent plus conséquents à Montréal qu’à s’en fout en fait de la cuisine  ! (Gilles, 40  ans, directeur informatique,
couple cohabitant, propriétaire, Marais)
Village)
je suis parti. (Michel, 60 ans, employé, couple non cohabitant, locataire, Tous les enquêtés ne trouvent pas ce type d’intérieur en entrant dans
cons après [...]. C’était un gros coup d’argent, j’ai vendu au triple quand les lieux. C’est sur ce point précis qu’ils sont nombreux à s’engager dans
j’ai fait nettoyer le devant parce que c’était si sale, j’ai changé les bal- une même opération, maintes fois décrites en entretien et observées chez
refait les plafonds, les planchers, j’ai tout nettoyé les murs, même dehors eux  : abattre des cloisons, réduire le nombre de pièces et étendre leur
dans la cuisine quand je suis arrivé, j’ai fait beaucoup de travaux, j’ai tout surface. S’il s’agit de gagner de l’espace ou de la lumière, cette démarche
C’était une très vieille demeure, très sale, il y avait des rats qui passaient renvoie surtout à la taille du ménage, les enquêtés vivant seuls ou à deux,
mais sans enfant et, surtout, sans projet explicite d’en avoir  : la struc-
ture des ménages gay oriente leurs choix en matière d’habitat. Tony et
Le cas de la « gaytrification » 146 Vincent ne sont « que » locataires d’un appartement réhabilité par le pré-
cédent propriétaire, gay lui aussi, mais ils ont conscience de cet effet :

cédent propriétaire, gay lui aussi, mais ils ont conscience de cet effet :
Vincent ne sont « que » locataires d’un appartement réhabilité par le pré- 146 Le cas de la « gaytrification »
ture des ménages gay oriente leurs choix en matière d’habitat. Tony et
mais sans enfant et, surtout, sans projet explicite d’en avoir  : la struc-
renvoie surtout à la taille du ménage, les enquêtés vivant seuls ou à deux, C’était une très vieille demeure, très sale, il y avait des rats qui passaient
surface. S’il s’agit de gagner de l’espace ou de la lumière, cette démarche dans la cuisine quand je suis arrivé, j’ai fait beaucoup de travaux, j’ai tout
eux  : abattre des cloisons, réduire le nombre de pièces et étendre leur refait les plafonds, les planchers, j’ai tout nettoyé les murs, même dehors
une même opération, maintes fois décrites en entretien et observées chez j’ai fait nettoyer le devant parce que c’était si sale, j’ai changé les bal-
les lieux. C’est sur ce point précis qu’ils sont nombreux à s’engager dans cons après [...]. C’était un gros coup d’argent, j’ai vendu au triple quand
Tous les enquêtés ne trouvent pas ce type d’intérieur en entrant dans je suis parti. (Michel, 60 ans, employé, couple non cohabitant, locataire,
Village)
De fait, les travaux sont souvent plus conséquents à Montréal qu’à
couple cohabitant, propriétaire, Marais)
s’en fout en fait de la cuisine  ! (Gilles, 40  ans, directeur informatique,
c’est très agréable, la terrasse fait 7 m2, alors la cuisine est petite mais on Paris parce que les biens sont acquis en moins bon état. À l’image de
grande pièce, c’est une pièce de 30 m2, dans un appart de 55 m2, et ça Michel, certains des propriétaires que nous avons interrogés apparaissent
Ce qui est génial et ça m’a beaucoup plu quand je l’ai acheté, c’est la typiques des nouveaux venus qui, arrivés depuis la fin des années 1980,
ont participé à des réhabilitations rappelant de près celles qui ont été dé-
pièce, une seule chambre et une petite cuisine : crites dans des contextes équivalents (Castells, 1983 ; Bouthillette, 1994).
ration est exemplaire de celles que privilégient les enquêtés, une grande À Paris, lorsque les gays interrogés arrivent dans leur logement, il est plus
recherche dans le Marais, Gilles achète un appartement dont la configu- fréquent qu’il ait été déjà réhabilité, hormis le cas de quelques installa-
tion des pièces, de leur nombre et de leur taille. Après plusieurs mois de tions anciennes, au début des années 1980.
l’exemple le plus significatif de ces spécificités est celui de la distribu- Mais c’est surtout le logement en tant qu’habitat domestique qui ré-
vie. Au-delà du choix des couleurs et de la réfection d’équipements usés, vèle toute la subtilité des processus de gaytrification. Les aménagements
tie, à la spécificité des ménages qu’ils composent et de leurs modes de intérieurs révèlent, en effet, des spécificités homosexuelles en termes de
gurations d’habitat qu’ils choisissent et qui sont liées, en grande par- goût et de besoin en habitat, liées surtout à la structure particulière des
identiques aux autres : bon nombre d’entre eux innovent par les confi- ménages gay. De ce point de vue, les gays ne sont plus des gentrifieurs
ménages gay. De ce point de vue, les gays ne sont plus des gentrifieurs identiques aux autres : bon nombre d’entre eux innovent par les confi-
goût et de besoin en habitat, liées surtout à la structure particulière des gurations d’habitat qu’ils choisissent et qui sont liées, en grande par-
intérieurs révèlent, en effet, des spécificités homosexuelles en termes de tie, à la spécificité des ménages qu’ils composent et de leurs modes de
vèle toute la subtilité des processus de gaytrification. Les aménagements vie. Au-delà du choix des couleurs et de la réfection d’équipements usés,
Mais c’est surtout le logement en tant qu’habitat domestique qui ré- l’exemple le plus significatif de ces spécificités est celui de la distribu-
tions anciennes, au début des années 1980. tion des pièces, de leur nombre et de leur taille. Après plusieurs mois de
fréquent qu’il ait été déjà réhabilité, hormis le cas de quelques installa- recherche dans le Marais, Gilles achète un appartement dont la configu-
À Paris, lorsque les gays interrogés arrivent dans leur logement, il est plus ration est exemplaire de celles que privilégient les enquêtés, une grande
crites dans des contextes équivalents (Castells, 1983 ; Bouthillette, 1994). pièce, une seule chambre et une petite cuisine :
ont participé à des réhabilitations rappelant de près celles qui ont été dé-
typiques des nouveaux venus qui, arrivés depuis la fin des années 1980, Ce qui est génial et ça m’a beaucoup plu quand je l’ai acheté, c’est la
Michel, certains des propriétaires que nous avons interrogés apparaissent grande pièce, c’est une pièce de 30 m2, dans un appart de 55 m2, et ça
Paris parce que les biens sont acquis en moins bon état. À l’image de c’est très agréable, la terrasse fait 7 m2, alors la cuisine est petite mais on
De fait, les travaux sont souvent plus conséquents à Montréal qu’à s’en fout en fait de la cuisine  ! (Gilles, 40  ans, directeur informatique,
couple cohabitant, propriétaire, Marais)
Village)
je suis parti. (Michel, 60 ans, employé, couple non cohabitant, locataire, Tous les enquêtés ne trouvent pas ce type d’intérieur en entrant dans
cons après [...]. C’était un gros coup d’argent, j’ai vendu au triple quand les lieux. C’est sur ce point précis qu’ils sont nombreux à s’engager dans
j’ai fait nettoyer le devant parce que c’était si sale, j’ai changé les bal- une même opération, maintes fois décrites en entretien et observées chez
refait les plafonds, les planchers, j’ai tout nettoyé les murs, même dehors eux  : abattre des cloisons, réduire le nombre de pièces et étendre leur
dans la cuisine quand je suis arrivé, j’ai fait beaucoup de travaux, j’ai tout surface. S’il s’agit de gagner de l’espace ou de la lumière, cette démarche
C’était une très vieille demeure, très sale, il y avait des rats qui passaient renvoie surtout à la taille du ménage, les enquêtés vivant seuls ou à deux,
mais sans enfant et, surtout, sans projet explicite d’en avoir  : la struc-
ture des ménages gay oriente leurs choix en matière d’habitat. Tony et
Le cas de la « gaytrification » 146 Vincent ne sont « que » locataires d’un appartement réhabilité par le pré-
cédent propriétaire, gay lui aussi, mais ils ont conscience de cet effet :
ainsi passer d’un couple gay à l’autre, réciproquement, certains enquêtés
Colin Giraud 147 propriétaires précédents, un couple gay. Si de tels logements peuvent
L’appartement acheté et occupé par Éric a été reconfiguré par les
aux amis ou au travail pour certains.
Vincent. — Il était complètement refait, tout repeint en blanc, c’est un une cuisine, d’une chambre, voire d’une pièce supplémentaire, attribuée
deux-pièces, c’est un hôtel particulier du xviiie  siècle, avec une super ils se composent donc d’une grande pièce à vivre, ouverte ou non sur
cage d’escalier et l’appartement c’est le deuxième étage, donc c’est la ga- pièces, avec des superficies parfois élevées. Une fois les travaux effectués,
lerie, c’est 65 m2 mais y a que deux pièces en fait, avec sept fenêtres, les Ainsi la plupart des logements occupés comptent-ils deux ou trois
deux pièces sont communicantes, donc ça c’est pas très pratique.
Tony. — Ben, tu peux pas avoir d’enfants dans un truc comme ça, tu
lier, couple cohabitant, propriétaire, appartement familial hérité, Marais)
passes par la chambre pour aller dans le salon, ça fait une aile, tu vois ça
amis quand ils viennent en week-end. (Simon, 48 ans, psychiatre hospita-
ressemble à ici, ça fait une aile où les pièces communiquent avec l’anti-
sentir libre quoi, ça c’est vachement important pour nous, de recevoir les
chambre puis la chambre, et le salon.Y a un couloir qui fait communiquer
voir nos amis de province, qu’ils puissent venir, jeter leurs affaires et se
les pièces à l’origine, la personne qui vivait là, quand elle recevait, elle
chambre d’amis après et s’il y a bien une chose qu’on voulait c’était rece-
pouvait passer par le salon, ce qui est plus le cas, ce petit couloir est
veut pas une grande chambre ? » Jusqu’à ce qu’on se dise qu’on a plus de
devenu une sorte de buanderie, donc ça fait deux grandes pièces ma-
toute petite chambre d’amis, et à un moment on se disait : « Est-ce qu’on
gnifiques, très lumineuses, sans vis-à-vis. (Tony et Vincent, 42 et 43 ans,
se projeter dans l’avenir en fait. Par exemple, on a une chambre et une
designers, couple cohabitant, locataires, Marais)
On a beaucoup réfléchi, ça mettait en question toute notre façon de

Les chambres traditionnellement attribuées aux enfants ou anticipées l’on reçoit ponctuellement :
comme telles n’existent pas : elles sont soit absentes, soit supprimées par de penser à loger un ou plusieurs enfants, mais de penser aux amis que
la destruction des cloisons. Les pièces sont ainsi ouvertes les unes sur les « Ouvrir l’espace » est d’autant plus possible ici qu’il ne s’agit donc pas
autres, les espaces intimes réduits à la chambre, la circulation plus libre, les célibataire, propriétaire, Marais)
espaces moins séparés : très important pour moi d’ouvrir l’espace. (Emmanuel, 34 ans, comédien,
Tout a été refait, j’ai fait casser la cloison pour amener de la lumière, j’ai
une cheminée, ensuite les peintures, la pose de la bibliothèque. C’était
déplacé une autre cloison pour agrandir la salle de bains. J’ai fait poser
déplacé une autre cloison pour agrandir la salle de bains. J’ai fait poser
une cheminée, ensuite les peintures, la pose de la bibliothèque. C’était
Tout a été refait, j’ai fait casser la cloison pour amener de la lumière, j’ai
très important pour moi d’ouvrir l’espace. (Emmanuel, 34 ans, comédien, espaces moins séparés :
célibataire, propriétaire, Marais) autres, les espaces intimes réduits à la chambre, la circulation plus libre, les
« Ouvrir l’espace » est d’autant plus possible ici qu’il ne s’agit donc pas la destruction des cloisons. Les pièces sont ainsi ouvertes les unes sur les
de penser à loger un ou plusieurs enfants, mais de penser aux amis que comme telles n’existent pas : elles sont soit absentes, soit supprimées par
l’on reçoit ponctuellement : Les chambres traditionnellement attribuées aux enfants ou anticipées

On a beaucoup réfléchi, ça mettait en question toute notre façon de


designers, couple cohabitant, locataires, Marais)
se projeter dans l’avenir en fait. Par exemple, on a une chambre et une
gnifiques, très lumineuses, sans vis-à-vis. (Tony et Vincent, 42 et 43 ans,
toute petite chambre d’amis, et à un moment on se disait : « Est-ce qu’on
devenu une sorte de buanderie, donc ça fait deux grandes pièces ma-
veut pas une grande chambre ? » Jusqu’à ce qu’on se dise qu’on a plus de
pouvait passer par le salon, ce qui est plus le cas, ce petit couloir est
chambre d’amis après et s’il y a bien une chose qu’on voulait c’était rece-
les pièces à l’origine, la personne qui vivait là, quand elle recevait, elle
voir nos amis de province, qu’ils puissent venir, jeter leurs affaires et se
chambre puis la chambre, et le salon.Y a un couloir qui fait communiquer
sentir libre quoi, ça c’est vachement important pour nous, de recevoir les
ressemble à ici, ça fait une aile où les pièces communiquent avec l’anti-
amis quand ils viennent en week-end. (Simon, 48 ans, psychiatre hospita-
passes par la chambre pour aller dans le salon, ça fait une aile, tu vois ça
lier, couple cohabitant, propriétaire, appartement familial hérité, Marais)
Tony. — Ben, tu peux pas avoir d’enfants dans un truc comme ça, tu
deux pièces sont communicantes, donc ça c’est pas très pratique.
Ainsi la plupart des logements occupés comptent-ils deux ou trois lerie, c’est 65 m2 mais y a que deux pièces en fait, avec sept fenêtres, les
pièces, avec des superficies parfois élevées. Une fois les travaux effectués, cage d’escalier et l’appartement c’est le deuxième étage, donc c’est la ga-
ils se composent donc d’une grande pièce à vivre, ouverte ou non sur deux-pièces, c’est un hôtel particulier du xviiie  siècle, avec une super
une cuisine, d’une chambre, voire d’une pièce supplémentaire, attribuée Vincent. — Il était complètement refait, tout repeint en blanc, c’est un
aux amis ou au travail pour certains.
L’appartement acheté et occupé par Éric a été reconfiguré par les
propriétaires précédents, un couple gay. Si de tels logements peuvent 147 Colin Giraud
ainsi passer d’un couple gay à l’autre, réciproquement, certains enquêtés

ainsi passer d’un couple gay à l’autre, réciproquement, certains enquêtés


Colin Giraud 147 propriétaires précédents, un couple gay. Si de tels logements peuvent
L’appartement acheté et occupé par Éric a été reconfiguré par les
aux amis ou au travail pour certains.
Vincent. — Il était complètement refait, tout repeint en blanc, c’est un une cuisine, d’une chambre, voire d’une pièce supplémentaire, attribuée
deux-pièces, c’est un hôtel particulier du xviiie  siècle, avec une super ils se composent donc d’une grande pièce à vivre, ouverte ou non sur
cage d’escalier et l’appartement c’est le deuxième étage, donc c’est la ga- pièces, avec des superficies parfois élevées. Une fois les travaux effectués,
lerie, c’est 65 m2 mais y a que deux pièces en fait, avec sept fenêtres, les Ainsi la plupart des logements occupés comptent-ils deux ou trois
deux pièces sont communicantes, donc ça c’est pas très pratique.
Tony. — Ben, tu peux pas avoir d’enfants dans un truc comme ça, tu
lier, couple cohabitant, propriétaire, appartement familial hérité, Marais)
passes par la chambre pour aller dans le salon, ça fait une aile, tu vois ça
amis quand ils viennent en week-end. (Simon, 48 ans, psychiatre hospita-
ressemble à ici, ça fait une aile où les pièces communiquent avec l’anti-
sentir libre quoi, ça c’est vachement important pour nous, de recevoir les
chambre puis la chambre, et le salon.Y a un couloir qui fait communiquer
voir nos amis de province, qu’ils puissent venir, jeter leurs affaires et se
les pièces à l’origine, la personne qui vivait là, quand elle recevait, elle
chambre d’amis après et s’il y a bien une chose qu’on voulait c’était rece-
pouvait passer par le salon, ce qui est plus le cas, ce petit couloir est
veut pas une grande chambre ? » Jusqu’à ce qu’on se dise qu’on a plus de
devenu une sorte de buanderie, donc ça fait deux grandes pièces ma-
toute petite chambre d’amis, et à un moment on se disait : « Est-ce qu’on
gnifiques, très lumineuses, sans vis-à-vis. (Tony et Vincent, 42 et 43 ans,
se projeter dans l’avenir en fait. Par exemple, on a une chambre et une
designers, couple cohabitant, locataires, Marais)
On a beaucoup réfléchi, ça mettait en question toute notre façon de

Les chambres traditionnellement attribuées aux enfants ou anticipées l’on reçoit ponctuellement :
comme telles n’existent pas : elles sont soit absentes, soit supprimées par de penser à loger un ou plusieurs enfants, mais de penser aux amis que
la destruction des cloisons. Les pièces sont ainsi ouvertes les unes sur les « Ouvrir l’espace » est d’autant plus possible ici qu’il ne s’agit donc pas
autres, les espaces intimes réduits à la chambre, la circulation plus libre, les célibataire, propriétaire, Marais)
espaces moins séparés : très important pour moi d’ouvrir l’espace. (Emmanuel, 34 ans, comédien,
Tout a été refait, j’ai fait casser la cloison pour amener de la lumière, j’ai
une cheminée, ensuite les peintures, la pose de la bibliothèque. C’était
déplacé une autre cloison pour agrandir la salle de bains. J’ai fait poser
déplacé une autre cloison pour agrandir la salle de bains. J’ai fait poser
une cheminée, ensuite les peintures, la pose de la bibliothèque. C’était
Tout a été refait, j’ai fait casser la cloison pour amener de la lumière, j’ai
très important pour moi d’ouvrir l’espace. (Emmanuel, 34 ans, comédien, espaces moins séparés :
célibataire, propriétaire, Marais) autres, les espaces intimes réduits à la chambre, la circulation plus libre, les
« Ouvrir l’espace » est d’autant plus possible ici qu’il ne s’agit donc pas la destruction des cloisons. Les pièces sont ainsi ouvertes les unes sur les
de penser à loger un ou plusieurs enfants, mais de penser aux amis que comme telles n’existent pas : elles sont soit absentes, soit supprimées par
l’on reçoit ponctuellement : Les chambres traditionnellement attribuées aux enfants ou anticipées

On a beaucoup réfléchi, ça mettait en question toute notre façon de


designers, couple cohabitant, locataires, Marais)
se projeter dans l’avenir en fait. Par exemple, on a une chambre et une
gnifiques, très lumineuses, sans vis-à-vis. (Tony et Vincent, 42 et 43 ans,
toute petite chambre d’amis, et à un moment on se disait : « Est-ce qu’on
devenu une sorte de buanderie, donc ça fait deux grandes pièces ma-
veut pas une grande chambre ? » Jusqu’à ce qu’on se dise qu’on a plus de
pouvait passer par le salon, ce qui est plus le cas, ce petit couloir est
chambre d’amis après et s’il y a bien une chose qu’on voulait c’était rece-
les pièces à l’origine, la personne qui vivait là, quand elle recevait, elle
voir nos amis de province, qu’ils puissent venir, jeter leurs affaires et se
chambre puis la chambre, et le salon.Y a un couloir qui fait communiquer
sentir libre quoi, ça c’est vachement important pour nous, de recevoir les
ressemble à ici, ça fait une aile où les pièces communiquent avec l’anti-
amis quand ils viennent en week-end. (Simon, 48 ans, psychiatre hospita-
passes par la chambre pour aller dans le salon, ça fait une aile, tu vois ça
lier, couple cohabitant, propriétaire, appartement familial hérité, Marais)
Tony. — Ben, tu peux pas avoir d’enfants dans un truc comme ça, tu
deux pièces sont communicantes, donc ça c’est pas très pratique.
Ainsi la plupart des logements occupés comptent-ils deux ou trois lerie, c’est 65 m2 mais y a que deux pièces en fait, avec sept fenêtres, les
pièces, avec des superficies parfois élevées. Une fois les travaux effectués, cage d’escalier et l’appartement c’est le deuxième étage, donc c’est la ga-
ils se composent donc d’une grande pièce à vivre, ouverte ou non sur deux-pièces, c’est un hôtel particulier du xviiie  siècle, avec une super
une cuisine, d’une chambre, voire d’une pièce supplémentaire, attribuée Vincent. — Il était complètement refait, tout repeint en blanc, c’est un
aux amis ou au travail pour certains.
L’appartement acheté et occupé par Éric a été reconfiguré par les
propriétaires précédents, un couple gay. Si de tels logements peuvent 147 Colin Giraud
ainsi passer d’un couple gay à l’autre, réciproquement, certains enquêtés
le dernier étage avec la terrasse [...]. J’aurais envisagé d’autres quartiers,
on a visité l’usine qui n’était pas encore transformée et je pouvais avoir 148 Le cas de la « gaytrification »
l’idée me plaisait déjà, le vrai loft dans un ancien bâtiment des années 1950,
Amherst, on va commencer à transformer une ancienne usine en lofts »,
En visitant un autre appartement, les gens m’ont dit : « Allez voir sur reconfigurent plusieurs appartements successivement. Dans le cas de Yann,
on pourrait parler dans ce domaine de dispositions durables : au cours de
goûts typiques de gentrifieurs : sa trajectoire, il a réaménagé plusieurs de ses appartements, notamment
rue Amherst. Le loft est déjà aménagé mais correspond tout à fait à des dans le Village et sur le plateau Mont-Royal, dont l’un sera photographié
d’habiter un loft dans le quartier gay. Stefan en fait l’acquisition en 2002, par un journaliste, lui-même gay, pour une revue de décoration :
Montréal, l’existence d’un bâti industriel aux abords du Village permet
de manière plus générale, ici celle de l’Est parisien des années 2000. À C’était un appartement très beau, mais qu’il fallait rénover entière-
terrains étudiés et invite à penser le rôle des gays dans la gentrification ment [...], alors je m’en suis un peu occupé, il est passé dans une revue de
la revalorisation d’un stock de logements déborde largement les deux décoration, Décomag, c’était merveilleux, aujourd’hui le même apparte-
Le cas de Philippe montre d’ailleurs que l’engagement des gays dans ment coûte 1 500 $ par mois ! [...] J’avais un ami qui travaillait pour cette
revue, il est venu chez moi, il a trouvé ça sympathique et bien aménagé,
donc il m’a proposé ça. (Yann, 48 ans, cadre responsable communication,
couple cohabitant, propriétaire,Village)
financier, couple non cohabitant, propriétaire, 20e arrondissement)
sance du toit qui correspond à la terrasse. (Philippe, 50 ans, consultant
Ce type d’habitat gay aboutit parfois au modèle du loft, mais pour
Paris qui est quand même très chouette, au dernier étage t’avais la jouis-
de béton et de ferraille aussi, puis dans les étages élevés t’as une vue sur
beaucoup plu, l’immeuble était magnifique, avec ce côté usine, ce passé les Parisiens, cela suppose de quitter le Marais, alors qu’à Montréal, un
nait de l’acheter, mais avant la transformation, et là, bon, j’ai visité, ça m’a tel logement peut se situer dans le Village. À Paris, Philippe a réhabilité
suis tombé sur cet immeuble-là, au moment où le marchand de biens ve- un premier bien immobilier qu’il a acheté au début des années 1980 et
salles de bains, des trucs dont j’avais pas du tout besoin et par hasard, je occupé une dizaine d’années (1983-1992). Il quitte le Marais en 1992,
souvent des familles donc c’était pareil, y avait plusieurs chambres, des avant d’acquérir finalement, en 2000, un plateau dans une ancienne usine
J’ai visité pas mal de lofts, mais qui avaient déjà été aménagés avant, c’était du 20e arrondissement. À la différence d’autres lofts visités auparavant, ce
bien lui convient en grande partie pour son aspect non familial :
bien lui convient en grande partie pour son aspect non familial :
du 20e arrondissement. À la différence d’autres lofts visités auparavant, ce J’ai visité pas mal de lofts, mais qui avaient déjà été aménagés avant, c’était
avant d’acquérir finalement, en 2000, un plateau dans une ancienne usine souvent des familles donc c’était pareil, y avait plusieurs chambres, des
occupé une dizaine d’années (1983-1992). Il quitte le Marais en 1992, salles de bains, des trucs dont j’avais pas du tout besoin et par hasard, je
un premier bien immobilier qu’il a acheté au début des années 1980 et suis tombé sur cet immeuble-là, au moment où le marchand de biens ve-
tel logement peut se situer dans le Village. À Paris, Philippe a réhabilité nait de l’acheter, mais avant la transformation, et là, bon, j’ai visité, ça m’a
les Parisiens, cela suppose de quitter le Marais, alors qu’à Montréal, un beaucoup plu, l’immeuble était magnifique, avec ce côté usine, ce passé
Ce type d’habitat gay aboutit parfois au modèle du loft, mais pour de béton et de ferraille aussi, puis dans les étages élevés t’as une vue sur
Paris qui est quand même très chouette, au dernier étage t’avais la jouis-
sance du toit qui correspond à la terrasse. (Philippe, 50 ans, consultant
financier, couple non cohabitant, propriétaire, 20e arrondissement)
couple cohabitant, propriétaire,Village)
donc il m’a proposé ça. (Yann, 48 ans, cadre responsable communication,
Le cas de Philippe montre d’ailleurs que l’engagement des gays dans
revue, il est venu chez moi, il a trouvé ça sympathique et bien aménagé,
ment coûte 1 500 $ par mois ! [...] J’avais un ami qui travaillait pour cette
décoration, Décomag, c’était merveilleux, aujourd’hui le même apparte- la revalorisation d’un stock de logements déborde largement les deux
ment [...], alors je m’en suis un peu occupé, il est passé dans une revue de terrains étudiés et invite à penser le rôle des gays dans la gentrification
C’était un appartement très beau, mais qu’il fallait rénover entière- de manière plus générale, ici celle de l’Est parisien des années 2000. À
Montréal, l’existence d’un bâti industriel aux abords du Village permet
par un journaliste, lui-même gay, pour une revue de décoration : d’habiter un loft dans le quartier gay. Stefan en fait l’acquisition en 2002,
dans le Village et sur le plateau Mont-Royal, dont l’un sera photographié rue Amherst. Le loft est déjà aménagé mais correspond tout à fait à des
sa trajectoire, il a réaménagé plusieurs de ses appartements, notamment goûts typiques de gentrifieurs :
on pourrait parler dans ce domaine de dispositions durables : au cours de
reconfigurent plusieurs appartements successivement. Dans le cas de Yann, En visitant un autre appartement, les gens m’ont dit : « Allez voir sur
Amherst, on va commencer à transformer une ancienne usine en lofts »,
l’idée me plaisait déjà, le vrai loft dans un ancien bâtiment des années 1950,
Le cas de la « gaytrification » 148 on a visité l’usine qui n’était pas encore transformée et je pouvais avoir
le dernier étage avec la terrasse [...]. J’aurais envisagé d’autres quartiers,

le dernier étage avec la terrasse [...]. J’aurais envisagé d’autres quartiers,


on a visité l’usine qui n’était pas encore transformée et je pouvais avoir 148 Le cas de la « gaytrification »
l’idée me plaisait déjà, le vrai loft dans un ancien bâtiment des années 1950,
Amherst, on va commencer à transformer une ancienne usine en lofts »,
En visitant un autre appartement, les gens m’ont dit : « Allez voir sur reconfigurent plusieurs appartements successivement. Dans le cas de Yann,
on pourrait parler dans ce domaine de dispositions durables : au cours de
goûts typiques de gentrifieurs : sa trajectoire, il a réaménagé plusieurs de ses appartements, notamment
rue Amherst. Le loft est déjà aménagé mais correspond tout à fait à des dans le Village et sur le plateau Mont-Royal, dont l’un sera photographié
d’habiter un loft dans le quartier gay. Stefan en fait l’acquisition en 2002, par un journaliste, lui-même gay, pour une revue de décoration :
Montréal, l’existence d’un bâti industriel aux abords du Village permet
de manière plus générale, ici celle de l’Est parisien des années 2000. À C’était un appartement très beau, mais qu’il fallait rénover entière-
terrains étudiés et invite à penser le rôle des gays dans la gentrification ment [...], alors je m’en suis un peu occupé, il est passé dans une revue de
la revalorisation d’un stock de logements déborde largement les deux décoration, Décomag, c’était merveilleux, aujourd’hui le même apparte-
Le cas de Philippe montre d’ailleurs que l’engagement des gays dans ment coûte 1 500 $ par mois ! [...] J’avais un ami qui travaillait pour cette
revue, il est venu chez moi, il a trouvé ça sympathique et bien aménagé,
donc il m’a proposé ça. (Yann, 48 ans, cadre responsable communication,
couple cohabitant, propriétaire,Village)
financier, couple non cohabitant, propriétaire, 20e arrondissement)
sance du toit qui correspond à la terrasse. (Philippe, 50 ans, consultant
Ce type d’habitat gay aboutit parfois au modèle du loft, mais pour
Paris qui est quand même très chouette, au dernier étage t’avais la jouis-
de béton et de ferraille aussi, puis dans les étages élevés t’as une vue sur
beaucoup plu, l’immeuble était magnifique, avec ce côté usine, ce passé les Parisiens, cela suppose de quitter le Marais, alors qu’à Montréal, un
nait de l’acheter, mais avant la transformation, et là, bon, j’ai visité, ça m’a tel logement peut se situer dans le Village. À Paris, Philippe a réhabilité
suis tombé sur cet immeuble-là, au moment où le marchand de biens ve- un premier bien immobilier qu’il a acheté au début des années 1980 et
salles de bains, des trucs dont j’avais pas du tout besoin et par hasard, je occupé une dizaine d’années (1983-1992). Il quitte le Marais en 1992,
souvent des familles donc c’était pareil, y avait plusieurs chambres, des avant d’acquérir finalement, en 2000, un plateau dans une ancienne usine
J’ai visité pas mal de lofts, mais qui avaient déjà été aménagés avant, c’était du 20e arrondissement. À la différence d’autres lofts visités auparavant, ce
bien lui convient en grande partie pour son aspect non familial :
bien lui convient en grande partie pour son aspect non familial :
du 20e arrondissement. À la différence d’autres lofts visités auparavant, ce J’ai visité pas mal de lofts, mais qui avaient déjà été aménagés avant, c’était
avant d’acquérir finalement, en 2000, un plateau dans une ancienne usine souvent des familles donc c’était pareil, y avait plusieurs chambres, des
occupé une dizaine d’années (1983-1992). Il quitte le Marais en 1992, salles de bains, des trucs dont j’avais pas du tout besoin et par hasard, je
un premier bien immobilier qu’il a acheté au début des années 1980 et suis tombé sur cet immeuble-là, au moment où le marchand de biens ve-
tel logement peut se situer dans le Village. À Paris, Philippe a réhabilité nait de l’acheter, mais avant la transformation, et là, bon, j’ai visité, ça m’a
les Parisiens, cela suppose de quitter le Marais, alors qu’à Montréal, un beaucoup plu, l’immeuble était magnifique, avec ce côté usine, ce passé
Ce type d’habitat gay aboutit parfois au modèle du loft, mais pour de béton et de ferraille aussi, puis dans les étages élevés t’as une vue sur
Paris qui est quand même très chouette, au dernier étage t’avais la jouis-
sance du toit qui correspond à la terrasse. (Philippe, 50 ans, consultant
financier, couple non cohabitant, propriétaire, 20e arrondissement)
couple cohabitant, propriétaire,Village)
donc il m’a proposé ça. (Yann, 48 ans, cadre responsable communication,
Le cas de Philippe montre d’ailleurs que l’engagement des gays dans
revue, il est venu chez moi, il a trouvé ça sympathique et bien aménagé,
ment coûte 1 500 $ par mois ! [...] J’avais un ami qui travaillait pour cette
décoration, Décomag, c’était merveilleux, aujourd’hui le même apparte- la revalorisation d’un stock de logements déborde largement les deux
ment [...], alors je m’en suis un peu occupé, il est passé dans une revue de terrains étudiés et invite à penser le rôle des gays dans la gentrification
C’était un appartement très beau, mais qu’il fallait rénover entière- de manière plus générale, ici celle de l’Est parisien des années 2000. À
Montréal, l’existence d’un bâti industriel aux abords du Village permet
par un journaliste, lui-même gay, pour une revue de décoration : d’habiter un loft dans le quartier gay. Stefan en fait l’acquisition en 2002,
dans le Village et sur le plateau Mont-Royal, dont l’un sera photographié rue Amherst. Le loft est déjà aménagé mais correspond tout à fait à des
sa trajectoire, il a réaménagé plusieurs de ses appartements, notamment goûts typiques de gentrifieurs :
on pourrait parler dans ce domaine de dispositions durables : au cours de
reconfigurent plusieurs appartements successivement. Dans le cas de Yann, En visitant un autre appartement, les gens m’ont dit : « Allez voir sur
Amherst, on va commencer à transformer une ancienne usine en lofts »,
l’idée me plaisait déjà, le vrai loft dans un ancien bâtiment des années 1950,
Le cas de la « gaytrification » 148 on a visité l’usine qui n’était pas encore transformée et je pouvais avoir
le dernier étage avec la terrasse [...]. J’aurais envisagé d’autres quartiers,
comporte des dimensions classiques de gentrification, qui ne lui sont pas
Colin Giraud 149 La gaytrification est ainsi une forme de gentrification particulière : elle
résultats établis dans cette recherche.
tique du logement qui ne donne à voir, ici, qu’un exemple du type de
mais toujours des quartiers industriels où de tels volumes existent, l’idée L’ensemble du matériau produit déborde évidemment l’espace domes-
du vieux bâtiment qui prend une nouvelle allure, oui, ça, ça me plaisait ciper aux processus de gentrification d’une manière qui leur est propre.
beaucoup, le problème était aussi de trouver le bon plan et de ne pas
s’éloigner non plus du centre. (Stefan, 43 ans, cadre financier de banque,
comprendre, à cette très petite échelle, comment les gays peuvent parti-
couple cohabitant, propriétaire,Village) gements effectués par les habitants gay du Marais et du Village permet de
ses aspects les plus matériels et physiques. L’analyse des travaux et aména-
Là aussi, les différentes options d’aménagement du loft mettent au peut avoir une influence sur les destinées d’un quartier, y compris dans
jour la question de la gestion matérielle et domestique de l’intimité dans subtilement et sociologiquement le champ des pratiques résidentielles et
les ménages gay. Stefan aménage d’abord le loft avec son premier com- nous intéressent ici, mais plutôt la manière dont le fait d’être gay infiltre
pagnon et, initialement, les travaux incluaient la destruction de toutes caractère représentatif ni les effets quantitatifs de ces réhabilitations qui
les cloisons et l’absence de chambre en tant que telle. Après la séparation dans de tels logements au-delà de 40 ans. D’autre part, ce ne sont pas le
du couple, Stefan rencontre François, qui vient rapidement vivre avec similaires, il est plus remarquable que nos enquêtés continuent à vivre
lui dans ce loft. C’est l’occasion d’un réaménagement caractérisé, entre hétérosexuels, peuvent transformer des appartements selon des logiques
autres, par l’installation d’un immense rideau et d’une séparation plus projets de parentalité. Si de jeunes couples, qu’ils soient homosexuels ou
nette entre la chambre conjugale et l’ensemble : les gays que chez les autres, mais surtout, dans notre corpus, à l’absence de
Comme on l’a vu, elle renvoie à l’absence d’enfants, plus probable chez
Mon copain précédent était plutôt du type minimaliste, donc c’était très bâti. Il faut encore faire deux remarques au sujet de cette spécificité.
sobre, très blanc, béton brut, métal, tu vois, mais François est plutôt cou- vers les entretiens, comme un levier spécifique de la transformation du
leurs, lui, donc on a repeint pour qu’il y ait plus de vie, on a mis beau- La manière dont les ménages gay sont composés apparaît ainsi, à tra-
coup de meubles aussi, il fallait combler les vides. [Rire.]  [...] Bon, au
départ, on a décidé de tout abattre, il ne devait même pas y avoir de
chambre en fait, tout était ouvert, puis il se trouve qu’on a trouvé, avec
de pouvoir fermer un peu, d’avoir son intimité. (Stefan)
François, que c’était quand même bien de conserver la séparation, alors
on a ajouté un rideau, c’est quand même plus sympa si quelqu’un vient
on a ajouté un rideau, c’est quand même plus sympa si quelqu’un vient
François, que c’était quand même bien de conserver la séparation, alors
de pouvoir fermer un peu, d’avoir son intimité. (Stefan)
chambre en fait, tout était ouvert, puis il se trouve qu’on a trouvé, avec
départ, on a décidé de tout abattre, il ne devait même pas y avoir de
coup de meubles aussi, il fallait combler les vides. [Rire.]  [...] Bon, au
La manière dont les ménages gay sont composés apparaît ainsi, à tra- leurs, lui, donc on a repeint pour qu’il y ait plus de vie, on a mis beau-
vers les entretiens, comme un levier spécifique de la transformation du sobre, très blanc, béton brut, métal, tu vois, mais François est plutôt cou-
bâti. Il faut encore faire deux remarques au sujet de cette spécificité. Mon copain précédent était plutôt du type minimaliste, donc c’était très
Comme on l’a vu, elle renvoie à l’absence d’enfants, plus probable chez
les gays que chez les autres, mais surtout, dans notre corpus, à l’absence de nette entre la chambre conjugale et l’ensemble :
projets de parentalité. Si de jeunes couples, qu’ils soient homosexuels ou autres, par l’installation d’un immense rideau et d’une séparation plus
hétérosexuels, peuvent transformer des appartements selon des logiques lui dans ce loft. C’est l’occasion d’un réaménagement caractérisé, entre
similaires, il est plus remarquable que nos enquêtés continuent à vivre du couple, Stefan rencontre François, qui vient rapidement vivre avec
dans de tels logements au-delà de 40 ans. D’autre part, ce ne sont pas le les cloisons et l’absence de chambre en tant que telle. Après la séparation
caractère représentatif ni les effets quantitatifs de ces réhabilitations qui pagnon et, initialement, les travaux incluaient la destruction de toutes
nous intéressent ici, mais plutôt la manière dont le fait d’être gay infiltre les ménages gay. Stefan aménage d’abord le loft avec son premier com-
subtilement et sociologiquement le champ des pratiques résidentielles et jour la question de la gestion matérielle et domestique de l’intimité dans
peut avoir une influence sur les destinées d’un quartier, y compris dans Là aussi, les différentes options d’aménagement du loft mettent au
ses aspects les plus matériels et physiques. L’analyse des travaux et aména-
gements effectués par les habitants gay du Marais et du Village permet de couple cohabitant, propriétaire,Village)
comprendre, à cette très petite échelle, comment les gays peuvent parti-
s’éloigner non plus du centre. (Stefan, 43 ans, cadre financier de banque,
ciper aux processus de gentrification d’une manière qui leur est propre.
beaucoup, le problème était aussi de trouver le bon plan et de ne pas
du vieux bâtiment qui prend une nouvelle allure, oui, ça, ça me plaisait
L’ensemble du matériau produit déborde évidemment l’espace domes- mais toujours des quartiers industriels où de tels volumes existent, l’idée
tique du logement qui ne donne à voir, ici, qu’un exemple du type de
résultats établis dans cette recherche.
La gaytrification est ainsi une forme de gentrification particulière : elle 149 Colin Giraud
comporte des dimensions classiques de gentrification, qui ne lui sont pas

comporte des dimensions classiques de gentrification, qui ne lui sont pas


Colin Giraud 149 La gaytrification est ainsi une forme de gentrification particulière : elle
résultats établis dans cette recherche.
tique du logement qui ne donne à voir, ici, qu’un exemple du type de
mais toujours des quartiers industriels où de tels volumes existent, l’idée L’ensemble du matériau produit déborde évidemment l’espace domes-
du vieux bâtiment qui prend une nouvelle allure, oui, ça, ça me plaisait ciper aux processus de gentrification d’une manière qui leur est propre.
beaucoup, le problème était aussi de trouver le bon plan et de ne pas
s’éloigner non plus du centre. (Stefan, 43 ans, cadre financier de banque,
comprendre, à cette très petite échelle, comment les gays peuvent parti-
couple cohabitant, propriétaire,Village) gements effectués par les habitants gay du Marais et du Village permet de
ses aspects les plus matériels et physiques. L’analyse des travaux et aména-
Là aussi, les différentes options d’aménagement du loft mettent au peut avoir une influence sur les destinées d’un quartier, y compris dans
jour la question de la gestion matérielle et domestique de l’intimité dans subtilement et sociologiquement le champ des pratiques résidentielles et
les ménages gay. Stefan aménage d’abord le loft avec son premier com- nous intéressent ici, mais plutôt la manière dont le fait d’être gay infiltre
pagnon et, initialement, les travaux incluaient la destruction de toutes caractère représentatif ni les effets quantitatifs de ces réhabilitations qui
les cloisons et l’absence de chambre en tant que telle. Après la séparation dans de tels logements au-delà de 40 ans. D’autre part, ce ne sont pas le
du couple, Stefan rencontre François, qui vient rapidement vivre avec similaires, il est plus remarquable que nos enquêtés continuent à vivre
lui dans ce loft. C’est l’occasion d’un réaménagement caractérisé, entre hétérosexuels, peuvent transformer des appartements selon des logiques
autres, par l’installation d’un immense rideau et d’une séparation plus projets de parentalité. Si de jeunes couples, qu’ils soient homosexuels ou
nette entre la chambre conjugale et l’ensemble : les gays que chez les autres, mais surtout, dans notre corpus, à l’absence de
Comme on l’a vu, elle renvoie à l’absence d’enfants, plus probable chez
Mon copain précédent était plutôt du type minimaliste, donc c’était très bâti. Il faut encore faire deux remarques au sujet de cette spécificité.
sobre, très blanc, béton brut, métal, tu vois, mais François est plutôt cou- vers les entretiens, comme un levier spécifique de la transformation du
leurs, lui, donc on a repeint pour qu’il y ait plus de vie, on a mis beau- La manière dont les ménages gay sont composés apparaît ainsi, à tra-
coup de meubles aussi, il fallait combler les vides. [Rire.]  [...] Bon, au
départ, on a décidé de tout abattre, il ne devait même pas y avoir de
chambre en fait, tout était ouvert, puis il se trouve qu’on a trouvé, avec
de pouvoir fermer un peu, d’avoir son intimité. (Stefan)
François, que c’était quand même bien de conserver la séparation, alors
on a ajouté un rideau, c’est quand même plus sympa si quelqu’un vient
on a ajouté un rideau, c’est quand même plus sympa si quelqu’un vient
François, que c’était quand même bien de conserver la séparation, alors
de pouvoir fermer un peu, d’avoir son intimité. (Stefan)
chambre en fait, tout était ouvert, puis il se trouve qu’on a trouvé, avec
départ, on a décidé de tout abattre, il ne devait même pas y avoir de
coup de meubles aussi, il fallait combler les vides. [Rire.]  [...] Bon, au
La manière dont les ménages gay sont composés apparaît ainsi, à tra- leurs, lui, donc on a repeint pour qu’il y ait plus de vie, on a mis beau-
vers les entretiens, comme un levier spécifique de la transformation du sobre, très blanc, béton brut, métal, tu vois, mais François est plutôt cou-
bâti. Il faut encore faire deux remarques au sujet de cette spécificité. Mon copain précédent était plutôt du type minimaliste, donc c’était très
Comme on l’a vu, elle renvoie à l’absence d’enfants, plus probable chez
les gays que chez les autres, mais surtout, dans notre corpus, à l’absence de nette entre la chambre conjugale et l’ensemble :
projets de parentalité. Si de jeunes couples, qu’ils soient homosexuels ou autres, par l’installation d’un immense rideau et d’une séparation plus
hétérosexuels, peuvent transformer des appartements selon des logiques lui dans ce loft. C’est l’occasion d’un réaménagement caractérisé, entre
similaires, il est plus remarquable que nos enquêtés continuent à vivre du couple, Stefan rencontre François, qui vient rapidement vivre avec
dans de tels logements au-delà de 40 ans. D’autre part, ce ne sont pas le les cloisons et l’absence de chambre en tant que telle. Après la séparation
caractère représentatif ni les effets quantitatifs de ces réhabilitations qui pagnon et, initialement, les travaux incluaient la destruction de toutes
nous intéressent ici, mais plutôt la manière dont le fait d’être gay infiltre les ménages gay. Stefan aménage d’abord le loft avec son premier com-
subtilement et sociologiquement le champ des pratiques résidentielles et jour la question de la gestion matérielle et domestique de l’intimité dans
peut avoir une influence sur les destinées d’un quartier, y compris dans Là aussi, les différentes options d’aménagement du loft mettent au
ses aspects les plus matériels et physiques. L’analyse des travaux et aména-
gements effectués par les habitants gay du Marais et du Village permet de couple cohabitant, propriétaire,Village)
comprendre, à cette très petite échelle, comment les gays peuvent parti-
s’éloigner non plus du centre. (Stefan, 43 ans, cadre financier de banque,
ciper aux processus de gentrification d’une manière qui leur est propre.
beaucoup, le problème était aussi de trouver le bon plan et de ne pas
du vieux bâtiment qui prend une nouvelle allure, oui, ça, ça me plaisait
L’ensemble du matériau produit déborde évidemment l’espace domes- mais toujours des quartiers industriels où de tels volumes existent, l’idée
tique du logement qui ne donne à voir, ici, qu’un exemple du type de
résultats établis dans cette recherche.
La gaytrification est ainsi une forme de gentrification particulière : elle 149 Colin Giraud
comporte des dimensions classiques de gentrification, qui ne lui sont pas
2. Notamment les Cahiers de géographie du Québec.

150 Le cas de la « gaytrification »


Gentrification: a Case Study of Cabbagetown, Toronto”, dans The
Bouthillette Anne-Marie (1994), “The Role of Gay Communities in
Espaces et sociétés, no 132-133, p. 23-37. spécifiques et qui ont déjà été étudiées par ailleurs, mais aussi des caractères
Bourdin Alain (2008), « Gentrification : un “concept” à déconstruire », et des effets qui lui sont propres et dont nous avons donné une illustra-
p. 261-282. tion empirique. Plus globalement, notre recherche s’inscrit elle aussi
Debate”, Environment and Planning D: Society and Space, vol. 17, no 3, en continuité avec certains travaux français, en même temps qu’elle re-
Bondi Liz (1999), “Gender, Class and Gentrification: Enriching the nouvelle en partie le regard porté sur la mutation des quartiers centraux
133, p. 107-124. dans les métropoles occidentales. À l’heure d’une spécialisation croissante
logiques d’un quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, no 132- des domaines d’investigation de la sociologie, enquêter sur le rôle des gays
— (2008), « Le “travail” de gentrification : les transformations socio- dans la gentrification amène alors à faire dialoguer les apports d’une socio-
Éducation et sociétés, vol. 2, no 14, p. 119-134. logie urbaine « classique » et d’une approche sociologique des homo-
— (2004), « Les classes moyennes : définitions, travaux et controverses », sexualités qui est plus récente en France. C’est là sans doute l’une des
sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France. pistes qui doivent permettre de renouveler la sociologie urbaine franco-
Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai phone, en croisant des domaines aussi variés que la sociologie de la
sur la sexualité en France : pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte. famille, la sociologie politique ou la sociologie du genre et des rapports
Bajos Nathalie, Beltzer Nathalie & Bozon Michel (dir.) (2008), Enquête sociaux de sexe. De ce point de vue, la sociologie urbaine francophone
tion de la gentrification urbaine », Espaces et sociétés, no 132-133, p. 13-21. ne constitue sans doute pas un champ univoque et homogène. Les tra-
Authier Jean-Yves & Bidou-Zachariasen Catherine (2008), « La ques- vaux canadiens francophones offrent les approches les plus innovantes et
ancien, Paris, Anthropos. les plus stimulantes sur ce dernier point2, la sociologie urbaine française
Authier Jean-Yves (dir.) (2001), Du domicile à la ville : vivre en quartier restant quant à elle encore insuffisamment ouverte, parmi d’autres, aux
fil du temps, Lyon, Presses universitaires de Lyon. études de genre.
Authier Jean-Yves (1993), La Vie des lieux : un quartier du Vieux Lyon au
Bibliographie
Bibliographie
Authier Jean-Yves (1993), La Vie des lieux : un quartier du Vieux Lyon au
études de genre. fil du temps, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
restant quant à elle encore insuffisamment ouverte, parmi d’autres, aux Authier Jean-Yves (dir.) (2001), Du domicile à la ville : vivre en quartier
les plus stimulantes sur ce dernier point2, la sociologie urbaine française ancien, Paris, Anthropos.
vaux canadiens francophones offrent les approches les plus innovantes et Authier Jean-Yves & Bidou-Zachariasen Catherine (2008), « La ques-
ne constitue sans doute pas un champ univoque et homogène. Les tra- tion de la gentrification urbaine », Espaces et sociétés, no 132-133, p. 13-21.
sociaux de sexe. De ce point de vue, la sociologie urbaine francophone Bajos Nathalie, Beltzer Nathalie & Bozon Michel (dir.) (2008), Enquête
famille, la sociologie politique ou la sociologie du genre et des rapports sur la sexualité en France : pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte.
phone, en croisant des domaines aussi variés que la sociologie de la Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai
pistes qui doivent permettre de renouveler la sociologie urbaine franco- sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France.
sexualités qui est plus récente en France. C’est là sans doute l’une des — (2004), « Les classes moyennes : définitions, travaux et controverses »,
logie urbaine « classique » et d’une approche sociologique des homo- Éducation et sociétés, vol. 2, no 14, p. 119-134.
dans la gentrification amène alors à faire dialoguer les apports d’une socio- — (2008), « Le “travail” de gentrification : les transformations socio-
des domaines d’investigation de la sociologie, enquêter sur le rôle des gays logiques d’un quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, no 132-
dans les métropoles occidentales. À l’heure d’une spécialisation croissante 133, p. 107-124.
nouvelle en partie le regard porté sur la mutation des quartiers centraux Bondi Liz (1999), “Gender, Class and Gentrification: Enriching the
en continuité avec certains travaux français, en même temps qu’elle re- Debate”, Environment and Planning D: Society and Space, vol. 17, no 3,
tion empirique. Plus globalement, notre recherche s’inscrit elle aussi p. 261-282.
et des effets qui lui sont propres et dont nous avons donné une illustra- Bourdin Alain (2008), « Gentrification : un “concept” à déconstruire »,
spécifiques et qui ont déjà été étudiées par ailleurs, mais aussi des caractères Espaces et sociétés, no 132-133, p. 23-37.
Bouthillette Anne-Marie (1994), “The Role of Gay Communities in
Gentrification: a Case Study of Cabbagetown, Toronto”, dans The
Le cas de la « gaytrification » 150

2. Notamment les Cahiers de géographie du Québec.

2. Notamment les Cahiers de géographie du Québec.

150 Le cas de la « gaytrification »


Gentrification: a Case Study of Cabbagetown, Toronto”, dans The
Bouthillette Anne-Marie (1994), “The Role of Gay Communities in
Espaces et sociétés, no 132-133, p. 23-37. spécifiques et qui ont déjà été étudiées par ailleurs, mais aussi des caractères
Bourdin Alain (2008), « Gentrification : un “concept” à déconstruire », et des effets qui lui sont propres et dont nous avons donné une illustra-
p. 261-282. tion empirique. Plus globalement, notre recherche s’inscrit elle aussi
Debate”, Environment and Planning D: Society and Space, vol. 17, no 3, en continuité avec certains travaux français, en même temps qu’elle re-
Bondi Liz (1999), “Gender, Class and Gentrification: Enriching the nouvelle en partie le regard porté sur la mutation des quartiers centraux
133, p. 107-124. dans les métropoles occidentales. À l’heure d’une spécialisation croissante
logiques d’un quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, no 132- des domaines d’investigation de la sociologie, enquêter sur le rôle des gays
— (2008), « Le “travail” de gentrification : les transformations socio- dans la gentrification amène alors à faire dialoguer les apports d’une socio-
Éducation et sociétés, vol. 2, no 14, p. 119-134. logie urbaine « classique » et d’une approche sociologique des homo-
— (2004), « Les classes moyennes : définitions, travaux et controverses », sexualités qui est plus récente en France. C’est là sans doute l’une des
sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France. pistes qui doivent permettre de renouveler la sociologie urbaine franco-
Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai phone, en croisant des domaines aussi variés que la sociologie de la
sur la sexualité en France : pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte. famille, la sociologie politique ou la sociologie du genre et des rapports
Bajos Nathalie, Beltzer Nathalie & Bozon Michel (dir.) (2008), Enquête sociaux de sexe. De ce point de vue, la sociologie urbaine francophone
tion de la gentrification urbaine », Espaces et sociétés, no 132-133, p. 13-21. ne constitue sans doute pas un champ univoque et homogène. Les tra-
Authier Jean-Yves & Bidou-Zachariasen Catherine (2008), « La ques- vaux canadiens francophones offrent les approches les plus innovantes et
ancien, Paris, Anthropos. les plus stimulantes sur ce dernier point2, la sociologie urbaine française
Authier Jean-Yves (dir.) (2001), Du domicile à la ville : vivre en quartier restant quant à elle encore insuffisamment ouverte, parmi d’autres, aux
fil du temps, Lyon, Presses universitaires de Lyon. études de genre.
Authier Jean-Yves (1993), La Vie des lieux : un quartier du Vieux Lyon au
Bibliographie
Bibliographie
Authier Jean-Yves (1993), La Vie des lieux : un quartier du Vieux Lyon au
études de genre. fil du temps, Lyon, Presses universitaires de Lyon.
restant quant à elle encore insuffisamment ouverte, parmi d’autres, aux Authier Jean-Yves (dir.) (2001), Du domicile à la ville : vivre en quartier
les plus stimulantes sur ce dernier point2, la sociologie urbaine française ancien, Paris, Anthropos.
vaux canadiens francophones offrent les approches les plus innovantes et Authier Jean-Yves & Bidou-Zachariasen Catherine (2008), « La ques-
ne constitue sans doute pas un champ univoque et homogène. Les tra- tion de la gentrification urbaine », Espaces et sociétés, no 132-133, p. 13-21.
sociaux de sexe. De ce point de vue, la sociologie urbaine francophone Bajos Nathalie, Beltzer Nathalie & Bozon Michel (dir.) (2008), Enquête
famille, la sociologie politique ou la sociologie du genre et des rapports sur la sexualité en France : pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte.
phone, en croisant des domaines aussi variés que la sociologie de la Bidou-Zachariasen Catherine (1984), Les Aventuriers du quotidien : essai
pistes qui doivent permettre de renouveler la sociologie urbaine franco- sur les nouvelles classes moyennes, Paris, Presses universitaires de France.
sexualités qui est plus récente en France. C’est là sans doute l’une des — (2004), « Les classes moyennes : définitions, travaux et controverses »,
logie urbaine « classique » et d’une approche sociologique des homo- Éducation et sociétés, vol. 2, no 14, p. 119-134.
dans la gentrification amène alors à faire dialoguer les apports d’une socio- — (2008), « Le “travail” de gentrification : les transformations socio-
des domaines d’investigation de la sociologie, enquêter sur le rôle des gays logiques d’un quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, no 132-
dans les métropoles occidentales. À l’heure d’une spécialisation croissante 133, p. 107-124.
nouvelle en partie le regard porté sur la mutation des quartiers centraux Bondi Liz (1999), “Gender, Class and Gentrification: Enriching the
en continuité avec certains travaux français, en même temps qu’elle re- Debate”, Environment and Planning D: Society and Space, vol. 17, no 3,
tion empirique. Plus globalement, notre recherche s’inscrit elle aussi p. 261-282.
et des effets qui lui sont propres et dont nous avons donné une illustra- Bourdin Alain (2008), « Gentrification : un “concept” à déconstruire »,
spécifiques et qui ont déjà été étudiées par ailleurs, mais aussi des caractères Espaces et sociétés, no 132-133, p. 23-37.
Bouthillette Anne-Marie (1994), “The Role of Gay Communities in
Gentrification: a Case Study of Cabbagetown, Toronto”, dans The
Le cas de la « gaytrification » 150

2. Notamment les Cahiers de géographie du Québec.


et préventifs chez les homosexuels et bisexuels masculins », dans
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de la centralité  : le cas des jeunes employés du secteur tertiaire à lution de la population et des logements, mémoire de master 1, Université
Montréal », dans Trajectoires familiales et espaces de vie en milieu urbain, Djirikian Alexandre (2004), La Gentrification du Marais : quarante ans d’évo-
Francine Dansereau & Yves Grafmeyer (dir.), Lyon, Presses universi- tielle et vie professionnelle », Espaces et sociétés, no 132-133, p. 125-141.
taires de Lyon, p. 315-333. Collet Anaïs (2008), « Les “gentrifieurs” du Bas-Montreuil : vie résiden-
Collet Anaïs (2008), « Les “gentrifieurs” du Bas-Montreuil : vie résiden- taires de Lyon, p. 315-333.
tielle et vie professionnelle », Espaces et sociétés, no 132-133, p. 125-141. Francine Dansereau & Yves Grafmeyer (dir.), Lyon, Presses universi-
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quantitatives dans la connaissance des comportements sexuels 151 Colin Giraud
et préventifs chez les homosexuels et bisexuels masculins », dans

et préventifs chez les homosexuels et bisexuels masculins », dans


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quantitatives dans la connaissance des comportements sexuels 151 Colin Giraud
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152 Le cas de la « gaytrification »

Homosexualités au temps du sida, Christophe Brocqua, France Lert &


Yves Souteyrand  (dir.), Paris, Agence nationale de recherche sur le
sida, p. 55-69.
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no 6, p. 1485-1537. contexte du VIH : la conquête de modes de vie », Population, vol. 52,
contexte du VIH : la conquête de modes de vie », Population, vol. 52, no 6, p. 1485-1537.
Schiltz Marie-Ange (1997), « Parcours de jeunes homosexuels dans le Sibalis Michael (2004), “Urban Space and Homosexuality: the Example
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Yves Souteyrand  (dir.), Paris, Agence nationale de recherche sur le
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Le cas de la « gaytrification » 152

152 Le cas de la « gaytrification »

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Remiggi Frank W. (2008), « Le Village gay de Montréal : entre le ghetto p. 223-232.
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Lévy-Vroëlant Claire (2001), « Les investissements matériels dans le
sida, p. 55-69.
Yves Souteyrand  (dir.), Paris, Agence nationale de recherche sur le
Homosexualités au temps du sida, Christophe Brocqua, France Lert &

Le cas de la « gaytrification » 152


PRODUCTION DE L’ESPACE ET ACTION COLLECTIVE

PRODUCTION DE L’ESPACE ET ACTION COLLECTIVE

PRODUCTION DE L’ESPACE ET ACTION COLLECTIVE

PRODUCTION DE L’ESPACE ET ACTION COLLECTIVE


2. En ligne : www.tuik.gov.tr (mai 2014).
rents investissements publics et privés, l’adoption d’un décret, la dérogation à une loi.
se trouve, d’une manière directe ou indirecte, comme par exemple la réalisation de diffé-
1. Il s’agit de toute action qui transforme ou modifie le contexte urbain dans lequel elle

norme autant que l’étalement urbain et les nouveaux produits immobiliers,


des années 1960, les bidonvilles font partie de cette urbanisation hors
urbaine et la production de la ville. Dominant le paysage urbain à partir
L’ORGANISATION DE L’ACTION COLLECTIVE URBAINE : LE 2011 –, ceci malgré de nombreuses tentatives pour réguler la croissance
DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES D’ISTANBUL –  la population croît de 1 166 477 en 1950 à 13 483 000  habitants en
1950, donne lieu à une urbanisation qualifiée de rapide et anarchique
Le développement économique, qui marque la ville à partir des années
Burcu Özdirlik la valeur ajoutée de l’industrie et 31 % des services à l’échelle nationale2.
acteurs publics et privés les plus puissants du pays. Elle produit 27 % de
activités industrielles et culturelles de la Turquie. Elle est la scène des
Ce texte présente les premiers résultats d’une thèse en cours sur la Istanbul est le centre de la finance, des itinéraires de transport, des
production de la ville et la régulation urbaine à Istanbul. La ville y est con-
sidérée comme un objet dont la production se présente comme un défi. ENTRE ACTION ORGANISÉE ET ACTION COLLECTIVE
L’objectif est de voir si et comment les différentes actions publiques et LA PRODUCTION DE LA VILLE À ISTANBUL :
privées a priori indépendantes s’organisent pour concourir à cette pro-
duction1. Le cadre d’analyse, fondé sur la notion d’action collective et la ville à travers l’étude du nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul.
de son organisation, rompt avec la plupart des études qui identifient la de ces règles et de ces contraintes, ainsi que leur effet sur la production de
production de la ville aux acteurs publics et aux systèmes de planification de la ville. Nous proposons d’étudier l’émergence et le fonctionnement
urbaine. Il permet de nuancer l’importance accordée aux institutions et directement les pratiques, les choix et les actions, en un mot la production
acteurs publics dans ce processus et d’élargir le champ d’analyse aux autres plicites ou implicites (Reynaud, 1989), qui encadrent directement ou in-
acteurs et aux autres systèmes d’action. Ces systèmes produisent des règles et des contraintes d’ordre juridique, technique et socio-économique, ex-
et des contraintes d’ordre juridique, technique et socio-économique, ex- acteurs et aux autres systèmes d’action. Ces systèmes produisent des règles
plicites ou implicites (Reynaud, 1989), qui encadrent directement ou in- acteurs publics dans ce processus et d’élargir le champ d’analyse aux autres
directement les pratiques, les choix et les actions, en un mot la production urbaine. Il permet de nuancer l’importance accordée aux institutions et
de la ville. Nous proposons d’étudier l’émergence et le fonctionnement production de la ville aux acteurs publics et aux systèmes de planification
de ces règles et de ces contraintes, ainsi que leur effet sur la production de de son organisation, rompt avec la plupart des études qui identifient la
la ville à travers l’étude du nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul. duction1. Le cadre d’analyse, fondé sur la notion d’action collective et
privées a priori indépendantes s’organisent pour concourir à cette pro-
LA PRODUCTION DE LA VILLE À ISTANBUL : L’objectif est de voir si et comment les différentes actions publiques et
ENTRE ACTION ORGANISÉE ET ACTION COLLECTIVE sidérée comme un objet dont la production se présente comme un défi.
production de la ville et la régulation urbaine à Istanbul. La ville y est con-
Istanbul est le centre de la finance, des itinéraires de transport, des Ce texte présente les premiers résultats d’une thèse en cours sur la
activités industrielles et culturelles de la Turquie. Elle est la scène des
acteurs publics et privés les plus puissants du pays. Elle produit 27 % de
la valeur ajoutée de l’industrie et 31 % des services à l’échelle nationale2. Burcu Özdirlik
Le développement économique, qui marque la ville à partir des années
1950, donne lieu à une urbanisation qualifiée de rapide et anarchique
–  la population croît de 1 166 477 en 1950 à 13 483 000  habitants en DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES D’ISTANBUL
2011 –, ceci malgré de nombreuses tentatives pour réguler la croissance L’ORGANISATION DE L’ACTION COLLECTIVE URBAINE : LE
urbaine et la production de la ville. Dominant le paysage urbain à partir
des années 1960, les bidonvilles font partie de cette urbanisation hors
norme autant que l’étalement urbain et les nouveaux produits immobiliers,
1. Il s’agit de toute action qui transforme ou modifie le contexte urbain dans lequel elle
se trouve, d’une manière directe ou indirecte, comme par exemple la réalisation de diffé-
rents investissements publics et privés, l’adoption d’un décret, la dérogation à une loi.
2. En ligne : www.tuik.gov.tr (mai 2014).

2. En ligne : www.tuik.gov.tr (mai 2014).


rents investissements publics et privés, l’adoption d’un décret, la dérogation à une loi.
se trouve, d’une manière directe ou indirecte, comme par exemple la réalisation de diffé-
1. Il s’agit de toute action qui transforme ou modifie le contexte urbain dans lequel elle

norme autant que l’étalement urbain et les nouveaux produits immobiliers,


des années 1960, les bidonvilles font partie de cette urbanisation hors
urbaine et la production de la ville. Dominant le paysage urbain à partir
L’ORGANISATION DE L’ACTION COLLECTIVE URBAINE : LE 2011 –, ceci malgré de nombreuses tentatives pour réguler la croissance
DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES D’ISTANBUL –  la population croît de 1 166 477 en 1950 à 13 483 000  habitants en
1950, donne lieu à une urbanisation qualifiée de rapide et anarchique
Le développement économique, qui marque la ville à partir des années
Burcu Özdirlik la valeur ajoutée de l’industrie et 31 % des services à l’échelle nationale2.
acteurs publics et privés les plus puissants du pays. Elle produit 27 % de
activités industrielles et culturelles de la Turquie. Elle est la scène des
Ce texte présente les premiers résultats d’une thèse en cours sur la Istanbul est le centre de la finance, des itinéraires de transport, des
production de la ville et la régulation urbaine à Istanbul. La ville y est con-
sidérée comme un objet dont la production se présente comme un défi. ENTRE ACTION ORGANISÉE ET ACTION COLLECTIVE
L’objectif est de voir si et comment les différentes actions publiques et LA PRODUCTION DE LA VILLE À ISTANBUL :
privées a priori indépendantes s’organisent pour concourir à cette pro-
duction1. Le cadre d’analyse, fondé sur la notion d’action collective et la ville à travers l’étude du nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul.
de son organisation, rompt avec la plupart des études qui identifient la de ces règles et de ces contraintes, ainsi que leur effet sur la production de
production de la ville aux acteurs publics et aux systèmes de planification de la ville. Nous proposons d’étudier l’émergence et le fonctionnement
urbaine. Il permet de nuancer l’importance accordée aux institutions et directement les pratiques, les choix et les actions, en un mot la production
acteurs publics dans ce processus et d’élargir le champ d’analyse aux autres plicites ou implicites (Reynaud, 1989), qui encadrent directement ou in-
acteurs et aux autres systèmes d’action. Ces systèmes produisent des règles et des contraintes d’ordre juridique, technique et socio-économique, ex-
et des contraintes d’ordre juridique, technique et socio-économique, ex- acteurs et aux autres systèmes d’action. Ces systèmes produisent des règles
plicites ou implicites (Reynaud, 1989), qui encadrent directement ou in- acteurs publics dans ce processus et d’élargir le champ d’analyse aux autres
directement les pratiques, les choix et les actions, en un mot la production urbaine. Il permet de nuancer l’importance accordée aux institutions et
de la ville. Nous proposons d’étudier l’émergence et le fonctionnement production de la ville aux acteurs publics et aux systèmes de planification
de ces règles et de ces contraintes, ainsi que leur effet sur la production de de son organisation, rompt avec la plupart des études qui identifient la
la ville à travers l’étude du nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul. duction1. Le cadre d’analyse, fondé sur la notion d’action collective et
privées a priori indépendantes s’organisent pour concourir à cette pro-
LA PRODUCTION DE LA VILLE À ISTANBUL : L’objectif est de voir si et comment les différentes actions publiques et
ENTRE ACTION ORGANISÉE ET ACTION COLLECTIVE sidérée comme un objet dont la production se présente comme un défi.
production de la ville et la régulation urbaine à Istanbul. La ville y est con-
Istanbul est le centre de la finance, des itinéraires de transport, des Ce texte présente les premiers résultats d’une thèse en cours sur la
activités industrielles et culturelles de la Turquie. Elle est la scène des
acteurs publics et privés les plus puissants du pays. Elle produit 27 % de
la valeur ajoutée de l’industrie et 31 % des services à l’échelle nationale2. Burcu Özdirlik
Le développement économique, qui marque la ville à partir des années
1950, donne lieu à une urbanisation qualifiée de rapide et anarchique
–  la population croît de 1 166 477 en 1950 à 13 483 000  habitants en DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES D’ISTANBUL
2011 –, ceci malgré de nombreuses tentatives pour réguler la croissance L’ORGANISATION DE L’ACTION COLLECTIVE URBAINE : LE
urbaine et la production de la ville. Dominant le paysage urbain à partir
des années 1960, les bidonvilles font partie de cette urbanisation hors
norme autant que l’étalement urbain et les nouveaux produits immobiliers,
1. Il s’agit de toute action qui transforme ou modifie le contexte urbain dans lequel elle
se trouve, d’une manière directe ou indirecte, comme par exemple la réalisation de diffé-
rents investissements publics et privés, l’adoption d’un décret, la dérogation à une loi.
2. En ligne : www.tuik.gov.tr (mai 2014).
des années 1980.
3. Ceci depuis la décentralisation et la responsabilisation des collectivités locales au début
156 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
système de planification urbaine et à chercher si d’autres dispositifs orga-
est régulée. Cette hypothèse invite à nuancer l’importance accordée au
étude à partir de l’hypothèse que la production de la ville à Istanbul comme les centres commerciaux, les bureaux et les cités fermées, apparus
l’imaginaire et la recherche urbaine en Turquie et de construire notre depuis les années 1980.
Nous proposons de mettre en doute ces lectures qui gouvernent Selon le cadre légal en vigueur, ce sont la municipalité métropolitaine
sous-estiment toute action publique / privée, ad hoc et / ou informelle. et les municipalités d’arrondissement qui sont responsables de la régula-
formels de régulation dans l’organisation de la production de la ville et tion de la production de la ville3. Leur juridiction et les outils dont elles
1979, p. 56-57). Elles survalorisent la puissance publique et les dispositifs disposent pour organiser la production de la ville sont largement influen-
critique du « système du capitalisme industriel libéral » (Ledrut, 1968, cés par la culture de « plan ». Mais en pratique, la ville se fait au travers d’ac-
xixe siècle, dans les phénomènes de désorganisation urbaine et dans la tions fragmentées dans l’espace et dans le temps, souvent en fonction des
d’être contextuelles et trouvent leur origine dans la ville industrielle du opportunités liées au foncier et au transport. Ces actions sont le plus sou-
de la ville en référence à l’idée de planification publique. Elles sont loin vent dissociées des consignes des documents d’urbanisme en vigueur. La
ainsi que l’intérêt général à l’intérêt privé, et qui analyse la production plupart des investissements contournent quasi systématiquement le cadre
nifiée à la ville non planifiée, l’étatisme au libéralisme, le public au privé légal pour l’octroi des autorisations nécessaires : les élus, les maires et les
1993) ? Ces critiques relèvent d’un point de vue qui oppose la ville pla- conseils municipaux utilisent des procédures administratives d’exception
les préserver des attaques des promoteurs privés (Çavuşo lu, 2004 ; Ekinci, pour modifier les différents plans d’aménagement en vigueur et les règles
ment, le patrimoine historique et le paysage urbain qui heurte. Comment touchant au développement d’une parcelle donnée, en concordance avec
2001 ; Do an, 2001) ? C’est enfin le manque de respect pour l’environne- un projet, c’est-à-dire pour supprimer de manière ponctuelle la régula-
un développement largement déterminé par les règles du marché (Ataay, tion. Ce contexte d’action, qui semble fonctionner uniquement selon les
tente par les acteurs publics qui est mise en question. Comment gérer « règles du marché », est considéré comme une menace par de nombreu-
(Tekeli, 1998 ; Sökmen, 1996) ? C’est aussi l’adoption de politiques d’en- ses organisations non gouvernementales, par de nombreux chercheurs et
en cause. Comment rendre cohérente une multitude d’actions hors plan professionnels de l’urbanisme. Le développement urbain qui en résulte est
C’est d’abord le caractère fragmenté du développement qui est mis selon eux peu maîtrisé, chaotique, voire corrompu, illégal ou illégitime.
selon eux peu maîtrisé, chaotique, voire corrompu, illégal ou illégitime. C’est d’abord le caractère fragmenté du développement qui est mis
professionnels de l’urbanisme. Le développement urbain qui en résulte est en cause. Comment rendre cohérente une multitude d’actions hors plan
ses organisations non gouvernementales, par de nombreux chercheurs et (Tekeli, 1998 ; Sökmen, 1996) ? C’est aussi l’adoption de politiques d’en-
« règles du marché », est considéré comme une menace par de nombreu- tente par les acteurs publics qui est mise en question. Comment gérer
tion. Ce contexte d’action, qui semble fonctionner uniquement selon les un développement largement déterminé par les règles du marché (Ataay,
un projet, c’est-à-dire pour supprimer de manière ponctuelle la régula- 2001 ; Do an, 2001) ? C’est enfin le manque de respect pour l’environne-
touchant au développement d’une parcelle donnée, en concordance avec ment, le patrimoine historique et le paysage urbain qui heurte. Comment
pour modifier les différents plans d’aménagement en vigueur et les règles les préserver des attaques des promoteurs privés (Çavuşo lu, 2004 ; Ekinci,
conseils municipaux utilisent des procédures administratives d’exception 1993) ? Ces critiques relèvent d’un point de vue qui oppose la ville pla-
légal pour l’octroi des autorisations nécessaires : les élus, les maires et les nifiée à la ville non planifiée, l’étatisme au libéralisme, le public au privé
plupart des investissements contournent quasi systématiquement le cadre ainsi que l’intérêt général à l’intérêt privé, et qui analyse la production
vent dissociées des consignes des documents d’urbanisme en vigueur. La de la ville en référence à l’idée de planification publique. Elles sont loin
opportunités liées au foncier et au transport. Ces actions sont le plus sou- d’être contextuelles et trouvent leur origine dans la ville industrielle du
tions fragmentées dans l’espace et dans le temps, souvent en fonction des xixe siècle, dans les phénomènes de désorganisation urbaine et dans la
cés par la culture de « plan ». Mais en pratique, la ville se fait au travers d’ac- critique du « système du capitalisme industriel libéral » (Ledrut, 1968,
disposent pour organiser la production de la ville sont largement influen- 1979, p. 56-57). Elles survalorisent la puissance publique et les dispositifs
tion de la production de la ville3. Leur juridiction et les outils dont elles formels de régulation dans l’organisation de la production de la ville et
et les municipalités d’arrondissement qui sont responsables de la régula- sous-estiment toute action publique / privée, ad hoc et / ou informelle.
Selon le cadre légal en vigueur, ce sont la municipalité métropolitaine Nous proposons de mettre en doute ces lectures qui gouvernent
depuis les années 1980. l’imaginaire et la recherche urbaine en Turquie et de construire notre
comme les centres commerciaux, les bureaux et les cités fermées, apparus étude à partir de l’hypothèse que la production de la ville à Istanbul
est régulée. Cette hypothèse invite à nuancer l’importance accordée au
système de planification urbaine et à chercher si d’autres dispositifs orga-
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 156
3. Ceci depuis la décentralisation et la responsabilisation des collectivités locales au début
des années 1980.

des années 1980.


3. Ceci depuis la décentralisation et la responsabilisation des collectivités locales au début
156 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
système de planification urbaine et à chercher si d’autres dispositifs orga-
est régulée. Cette hypothèse invite à nuancer l’importance accordée au
étude à partir de l’hypothèse que la production de la ville à Istanbul comme les centres commerciaux, les bureaux et les cités fermées, apparus
l’imaginaire et la recherche urbaine en Turquie et de construire notre depuis les années 1980.
Nous proposons de mettre en doute ces lectures qui gouvernent Selon le cadre légal en vigueur, ce sont la municipalité métropolitaine
sous-estiment toute action publique / privée, ad hoc et / ou informelle. et les municipalités d’arrondissement qui sont responsables de la régula-
formels de régulation dans l’organisation de la production de la ville et tion de la production de la ville3. Leur juridiction et les outils dont elles
1979, p. 56-57). Elles survalorisent la puissance publique et les dispositifs disposent pour organiser la production de la ville sont largement influen-
critique du « système du capitalisme industriel libéral » (Ledrut, 1968, cés par la culture de « plan ». Mais en pratique, la ville se fait au travers d’ac-
xixe siècle, dans les phénomènes de désorganisation urbaine et dans la tions fragmentées dans l’espace et dans le temps, souvent en fonction des
d’être contextuelles et trouvent leur origine dans la ville industrielle du opportunités liées au foncier et au transport. Ces actions sont le plus sou-
de la ville en référence à l’idée de planification publique. Elles sont loin vent dissociées des consignes des documents d’urbanisme en vigueur. La
ainsi que l’intérêt général à l’intérêt privé, et qui analyse la production plupart des investissements contournent quasi systématiquement le cadre
nifiée à la ville non planifiée, l’étatisme au libéralisme, le public au privé légal pour l’octroi des autorisations nécessaires : les élus, les maires et les
1993) ? Ces critiques relèvent d’un point de vue qui oppose la ville pla- conseils municipaux utilisent des procédures administratives d’exception
les préserver des attaques des promoteurs privés (Çavuşo lu, 2004 ; Ekinci, pour modifier les différents plans d’aménagement en vigueur et les règles
ment, le patrimoine historique et le paysage urbain qui heurte. Comment touchant au développement d’une parcelle donnée, en concordance avec
2001 ; Do an, 2001) ? C’est enfin le manque de respect pour l’environne- un projet, c’est-à-dire pour supprimer de manière ponctuelle la régula-
un développement largement déterminé par les règles du marché (Ataay, tion. Ce contexte d’action, qui semble fonctionner uniquement selon les
tente par les acteurs publics qui est mise en question. Comment gérer « règles du marché », est considéré comme une menace par de nombreu-
(Tekeli, 1998 ; Sökmen, 1996) ? C’est aussi l’adoption de politiques d’en- ses organisations non gouvernementales, par de nombreux chercheurs et
en cause. Comment rendre cohérente une multitude d’actions hors plan professionnels de l’urbanisme. Le développement urbain qui en résulte est
C’est d’abord le caractère fragmenté du développement qui est mis selon eux peu maîtrisé, chaotique, voire corrompu, illégal ou illégitime.
selon eux peu maîtrisé, chaotique, voire corrompu, illégal ou illégitime. C’est d’abord le caractère fragmenté du développement qui est mis
professionnels de l’urbanisme. Le développement urbain qui en résulte est en cause. Comment rendre cohérente une multitude d’actions hors plan
ses organisations non gouvernementales, par de nombreux chercheurs et (Tekeli, 1998 ; Sökmen, 1996) ? C’est aussi l’adoption de politiques d’en-
« règles du marché », est considéré comme une menace par de nombreu- tente par les acteurs publics qui est mise en question. Comment gérer
tion. Ce contexte d’action, qui semble fonctionner uniquement selon les un développement largement déterminé par les règles du marché (Ataay,
un projet, c’est-à-dire pour supprimer de manière ponctuelle la régula- 2001 ; Do an, 2001) ? C’est enfin le manque de respect pour l’environne-
touchant au développement d’une parcelle donnée, en concordance avec ment, le patrimoine historique et le paysage urbain qui heurte. Comment
pour modifier les différents plans d’aménagement en vigueur et les règles les préserver des attaques des promoteurs privés (Çavuşo lu, 2004 ; Ekinci,
conseils municipaux utilisent des procédures administratives d’exception 1993) ? Ces critiques relèvent d’un point de vue qui oppose la ville pla-
légal pour l’octroi des autorisations nécessaires : les élus, les maires et les nifiée à la ville non planifiée, l’étatisme au libéralisme, le public au privé
plupart des investissements contournent quasi systématiquement le cadre ainsi que l’intérêt général à l’intérêt privé, et qui analyse la production
vent dissociées des consignes des documents d’urbanisme en vigueur. La de la ville en référence à l’idée de planification publique. Elles sont loin
opportunités liées au foncier et au transport. Ces actions sont le plus sou- d’être contextuelles et trouvent leur origine dans la ville industrielle du
tions fragmentées dans l’espace et dans le temps, souvent en fonction des xixe siècle, dans les phénomènes de désorganisation urbaine et dans la
cés par la culture de « plan ». Mais en pratique, la ville se fait au travers d’ac- critique du « système du capitalisme industriel libéral » (Ledrut, 1968,
disposent pour organiser la production de la ville sont largement influen- 1979, p. 56-57). Elles survalorisent la puissance publique et les dispositifs
tion de la production de la ville3. Leur juridiction et les outils dont elles formels de régulation dans l’organisation de la production de la ville et
et les municipalités d’arrondissement qui sont responsables de la régula- sous-estiment toute action publique / privée, ad hoc et / ou informelle.
Selon le cadre légal en vigueur, ce sont la municipalité métropolitaine Nous proposons de mettre en doute ces lectures qui gouvernent
depuis les années 1980. l’imaginaire et la recherche urbaine en Turquie et de construire notre
comme les centres commerciaux, les bureaux et les cités fermées, apparus étude à partir de l’hypothèse que la production de la ville à Istanbul
est régulée. Cette hypothèse invite à nuancer l’importance accordée au
système de planification urbaine et à chercher si d’autres dispositifs orga-
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 156
3. Ceci depuis la décentralisation et la responsabilisation des collectivités locales au début
des années 1980.
planification urbain.
Burcu Özdirlik 157 niser la production de la ville avec d’autres dispositifs issus du système de
mise en place d’une dynamique cohérente de l’action collective et orga-
de prise de décision d’une manière générale. Ils semblent participer à la
nisent la production de la ville à Istanbul. Comment la ville se fait-elle nisent les relations entre les différents acteurs et agissent sur le processus
en absence d’un cadre formel de régulation ? Les actions publiques et à articuler des comportements divergents et parfois contradictoires, orga-
privées, a priori indépendantes les unes des autres, s’organisent-elles et si destinés à la régulation de la production de la ville, ces dispositifs servent
oui, comment ? de régulation (Reynaud, 1989  ; Crozier, 1991). Qu’ils soient ou non
Ces questions se situent dans la continuité de travaux qui s’intéressent nuum de règles, de normes, de contraintes et de pratiques : des dispositifs
à la ville comme organisation politique et aux acteurs et processus de 1982, 2011, p. 604). Ces systèmes produisent et sont fondés sur un conti-
production de l’espace urbain (Fijalkow, 2004 ; Clavel, 2002 ; Grafmeyer, résultat que chacun peut attendre de son action (Boudon & Bourricaud,
2005). Notre approche se distingue des recherches qui privilégient la puisque le choix de chacun influence le choix des autres, de même que le
gouvernance des villes comme axe d’interrogation et semblent rester pri- projet. Dans le second cas, on peut considérer qu’ils sont aussi en relation,
sonnières « d’une conception volontariste de la construction de l’ordre directe, comme les consortiums qui se constituent pour le temps d’un
politique » (Commaille & Jobert, 1998, p. 29). Elle se situe à l’intersection lités et des finalités différentes. Dans un premier cas, ils sont en relation
de deux sous-disciplines de la sociologie qui questionnent la production ou d’interdépendance qui correspondent à des objectifs, des tempora-
d’un ordre « en l’absence de hiérarchie » (Friedberg, 1993, p. 142) et les relations plus ou moins directes et constituent des systèmes d’interaction
« mécanismes de décision collective » (Boudon & Bourricaud, 1982, d’acteurs qui la transforment en continu. Ces acteurs entretiennent des
2011, p. 8) : la sociologie des relations industrielles et la sociologie des en cela différentes des villes, dont la production dépend d’un grand nombre
organisations. L’action collective y est une clé pour rendre compte de « la qu’ils ne peuvent pas résoudre seuls » (Friedberg, 1992, p. 550). Elles sont
dissociation croissante entre la capacité que manifestent les institutions à où « les acteurs [sont] mutuellement dépendants autour d’un problème
établir l’ordre social et la manière dont cet ordre social est produit dans certain nombre de questions. Les organisations constituent des systèmes
la réalité quotidienne » (Thoenig, 1998, p. 35). Le concept de régulation L’adaptation de ce cadre d’analyse au domaine de l’urbanisme pose un
est utilisé pour « écarter [...] toute survalorisation du processus de pilo- melles » et les règles « omniprésentes sur le papier » (Thoenig, 1998, p. 37).
tage » (Commaille & Jobert, 1998, p. 30), pour aller au-delà des structures formelles et étudier le décalage entre des pratiques qualifiées d’« infor-
formelles et étudier le décalage entre des pratiques qualifiées d’« infor- tage » (Commaille & Jobert, 1998, p. 30), pour aller au-delà des structures
melles » et les règles « omniprésentes sur le papier » (Thoenig, 1998, p. 37). est utilisé pour « écarter [...] toute survalorisation du processus de pilo-
L’adaptation de ce cadre d’analyse au domaine de l’urbanisme pose un la réalité quotidienne » (Thoenig, 1998, p. 35). Le concept de régulation
certain nombre de questions. Les organisations constituent des systèmes établir l’ordre social et la manière dont cet ordre social est produit dans
où « les acteurs [sont] mutuellement dépendants autour d’un problème dissociation croissante entre la capacité que manifestent les institutions à
qu’ils ne peuvent pas résoudre seuls » (Friedberg, 1992, p. 550). Elles sont organisations. L’action collective y est une clé pour rendre compte de « la
en cela différentes des villes, dont la production dépend d’un grand nombre 2011, p. 8) : la sociologie des relations industrielles et la sociologie des
d’acteurs qui la transforment en continu. Ces acteurs entretiennent des « mécanismes de décision collective » (Boudon & Bourricaud, 1982,
relations plus ou moins directes et constituent des systèmes d’interaction d’un ordre « en l’absence de hiérarchie » (Friedberg, 1993, p. 142) et les
ou d’interdépendance qui correspondent à des objectifs, des tempora- de deux sous-disciplines de la sociologie qui questionnent la production
lités et des finalités différentes. Dans un premier cas, ils sont en relation politique » (Commaille & Jobert, 1998, p. 29). Elle se situe à l’intersection
directe, comme les consortiums qui se constituent pour le temps d’un sonnières « d’une conception volontariste de la construction de l’ordre
projet. Dans le second cas, on peut considérer qu’ils sont aussi en relation, gouvernance des villes comme axe d’interrogation et semblent rester pri-
puisque le choix de chacun influence le choix des autres, de même que le 2005). Notre approche se distingue des recherches qui privilégient la
résultat que chacun peut attendre de son action (Boudon & Bourricaud, production de l’espace urbain (Fijalkow, 2004 ; Clavel, 2002 ; Grafmeyer,
1982, 2011, p. 604). Ces systèmes produisent et sont fondés sur un conti- à la ville comme organisation politique et aux acteurs et processus de
nuum de règles, de normes, de contraintes et de pratiques : des dispositifs Ces questions se situent dans la continuité de travaux qui s’intéressent
de régulation (Reynaud, 1989  ; Crozier, 1991). Qu’ils soient ou non oui, comment ?
destinés à la régulation de la production de la ville, ces dispositifs servent privées, a priori indépendantes les unes des autres, s’organisent-elles et si
à articuler des comportements divergents et parfois contradictoires, orga- en absence d’un cadre formel de régulation ? Les actions publiques et
nisent les relations entre les différents acteurs et agissent sur le processus nisent la production de la ville à Istanbul. Comment la ville se fait-elle
de prise de décision d’une manière générale. Ils semblent participer à la
mise en place d’une dynamique cohérente de l’action collective et orga-
niser la production de la ville avec d’autres dispositifs issus du système de 157 Burcu Özdirlik
planification urbain.

planification urbain.
Burcu Özdirlik 157 niser la production de la ville avec d’autres dispositifs issus du système de
mise en place d’une dynamique cohérente de l’action collective et orga-
de prise de décision d’une manière générale. Ils semblent participer à la
nisent la production de la ville à Istanbul. Comment la ville se fait-elle nisent les relations entre les différents acteurs et agissent sur le processus
en absence d’un cadre formel de régulation ? Les actions publiques et à articuler des comportements divergents et parfois contradictoires, orga-
privées, a priori indépendantes les unes des autres, s’organisent-elles et si destinés à la régulation de la production de la ville, ces dispositifs servent
oui, comment ? de régulation (Reynaud, 1989  ; Crozier, 1991). Qu’ils soient ou non
Ces questions se situent dans la continuité de travaux qui s’intéressent nuum de règles, de normes, de contraintes et de pratiques : des dispositifs
à la ville comme organisation politique et aux acteurs et processus de 1982, 2011, p. 604). Ces systèmes produisent et sont fondés sur un conti-
production de l’espace urbain (Fijalkow, 2004 ; Clavel, 2002 ; Grafmeyer, résultat que chacun peut attendre de son action (Boudon & Bourricaud,
2005). Notre approche se distingue des recherches qui privilégient la puisque le choix de chacun influence le choix des autres, de même que le
gouvernance des villes comme axe d’interrogation et semblent rester pri- projet. Dans le second cas, on peut considérer qu’ils sont aussi en relation,
sonnières « d’une conception volontariste de la construction de l’ordre directe, comme les consortiums qui se constituent pour le temps d’un
politique » (Commaille & Jobert, 1998, p. 29). Elle se situe à l’intersection lités et des finalités différentes. Dans un premier cas, ils sont en relation
de deux sous-disciplines de la sociologie qui questionnent la production ou d’interdépendance qui correspondent à des objectifs, des tempora-
d’un ordre « en l’absence de hiérarchie » (Friedberg, 1993, p. 142) et les relations plus ou moins directes et constituent des systèmes d’interaction
« mécanismes de décision collective » (Boudon & Bourricaud, 1982, d’acteurs qui la transforment en continu. Ces acteurs entretiennent des
2011, p. 8) : la sociologie des relations industrielles et la sociologie des en cela différentes des villes, dont la production dépend d’un grand nombre
organisations. L’action collective y est une clé pour rendre compte de « la qu’ils ne peuvent pas résoudre seuls » (Friedberg, 1992, p. 550). Elles sont
dissociation croissante entre la capacité que manifestent les institutions à où « les acteurs [sont] mutuellement dépendants autour d’un problème
établir l’ordre social et la manière dont cet ordre social est produit dans certain nombre de questions. Les organisations constituent des systèmes
la réalité quotidienne » (Thoenig, 1998, p. 35). Le concept de régulation L’adaptation de ce cadre d’analyse au domaine de l’urbanisme pose un
est utilisé pour « écarter [...] toute survalorisation du processus de pilo- melles » et les règles « omniprésentes sur le papier » (Thoenig, 1998, p. 37).
tage » (Commaille & Jobert, 1998, p. 30), pour aller au-delà des structures formelles et étudier le décalage entre des pratiques qualifiées d’« infor-
formelles et étudier le décalage entre des pratiques qualifiées d’« infor- tage » (Commaille & Jobert, 1998, p. 30), pour aller au-delà des structures
melles » et les règles « omniprésentes sur le papier » (Thoenig, 1998, p. 37). est utilisé pour « écarter [...] toute survalorisation du processus de pilo-
L’adaptation de ce cadre d’analyse au domaine de l’urbanisme pose un la réalité quotidienne » (Thoenig, 1998, p. 35). Le concept de régulation
certain nombre de questions. Les organisations constituent des systèmes établir l’ordre social et la manière dont cet ordre social est produit dans
où « les acteurs [sont] mutuellement dépendants autour d’un problème dissociation croissante entre la capacité que manifestent les institutions à
qu’ils ne peuvent pas résoudre seuls » (Friedberg, 1992, p. 550). Elles sont organisations. L’action collective y est une clé pour rendre compte de « la
en cela différentes des villes, dont la production dépend d’un grand nombre 2011, p. 8) : la sociologie des relations industrielles et la sociologie des
d’acteurs qui la transforment en continu. Ces acteurs entretiennent des « mécanismes de décision collective » (Boudon & Bourricaud, 1982,
relations plus ou moins directes et constituent des systèmes d’interaction d’un ordre « en l’absence de hiérarchie » (Friedberg, 1993, p. 142) et les
ou d’interdépendance qui correspondent à des objectifs, des tempora- de deux sous-disciplines de la sociologie qui questionnent la production
lités et des finalités différentes. Dans un premier cas, ils sont en relation politique » (Commaille & Jobert, 1998, p. 29). Elle se situe à l’intersection
directe, comme les consortiums qui se constituent pour le temps d’un sonnières « d’une conception volontariste de la construction de l’ordre
projet. Dans le second cas, on peut considérer qu’ils sont aussi en relation, gouvernance des villes comme axe d’interrogation et semblent rester pri-
puisque le choix de chacun influence le choix des autres, de même que le 2005). Notre approche se distingue des recherches qui privilégient la
résultat que chacun peut attendre de son action (Boudon & Bourricaud, production de l’espace urbain (Fijalkow, 2004 ; Clavel, 2002 ; Grafmeyer,
1982, 2011, p. 604). Ces systèmes produisent et sont fondés sur un conti- à la ville comme organisation politique et aux acteurs et processus de
nuum de règles, de normes, de contraintes et de pratiques : des dispositifs Ces questions se situent dans la continuité de travaux qui s’intéressent
de régulation (Reynaud, 1989  ; Crozier, 1991). Qu’ils soient ou non oui, comment ?
destinés à la régulation de la production de la ville, ces dispositifs servent privées, a priori indépendantes les unes des autres, s’organisent-elles et si
à articuler des comportements divergents et parfois contradictoires, orga- en absence d’un cadre formel de régulation ? Les actions publiques et
nisent les relations entre les différents acteurs et agissent sur le processus nisent la production de la ville à Istanbul. Comment la ville se fait-elle
de prise de décision d’une manière générale. Ils semblent participer à la
mise en place d’une dynamique cohérente de l’action collective et orga-
niser la production de la ville avec d’autres dispositifs issus du système de 157 Burcu Özdirlik
planification urbain.
en grande partie par de petits entrepreneurs (photographie : Burcu Özdirlik).
158 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
Tours de bureaux, au milieu d’une ancienne zone industrielle à Maslak, réalisées

LE DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES

Le nouveau centre d’affaires d’Istanbul se présente comme un terrain


d’étude intéressant pour explorer notre hypothèse, et cela pour plusieurs
raisons. Il se fait « hors plan », et d’une manière spontanée, à partir des
années  1980. Des investissements publics en matière de transport –  le
deuxième pont sur le Bosphore et le deuxième périphérique urbain – en
sont à l’origine. Les différents projets qui le composent sont fragmentés
dans le temps et dans l’espace ; ils se réalisent à travers l’intervention et
l’interaction de nombreux acteurs publics et privés, nationaux et interna-
tionaux, en absence d’un projet global, d’une volonté collective ou d’un
portage politique continu. Ces projets sont autorisés par la voie de la dé-
rogation aux documents d’urbanisme, avec l’appui des différents gou-
vernements locaux et centraux. La faible légitimité de ces autorisations
ainsi que la proximité de sites historiques et naturels font de la société
civile un des adversaires les plus importants de ce développement. Ce
contexte d’action marqué par les relations complémentaires et conflic-
tuelles entre les acteurs est à l’origine du développement de ce que l’on
centres commerciaux les plus importants d’Istanbul. désigne comme le nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul. Il con-
luxe avec des services personnalisés, des centres de loisirs privés et les centre la majorité des bureaux de standing, des sièges sociaux de grands
institutions qui lui sont liées. S’y trouvent également des résidences de groupes nationaux et internationaux, la Bourse turque et la plupart des
groupes nationaux et internationaux, la Bourse turque et la plupart des institutions qui lui sont liées. S’y trouvent également des résidences de
centre la majorité des bureaux de standing, des sièges sociaux de grands luxe avec des services personnalisés, des centres de loisirs privés et les
désigne comme le nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul. Il con- centres commerciaux les plus importants d’Istanbul.
tuelles entre les acteurs est à l’origine du développement de ce que l’on
contexte d’action marqué par les relations complémentaires et conflic-
civile un des adversaires les plus importants de ce développement. Ce
ainsi que la proximité de sites historiques et naturels font de la société
vernements locaux et centraux. La faible légitimité de ces autorisations
rogation aux documents d’urbanisme, avec l’appui des différents gou-
portage politique continu. Ces projets sont autorisés par la voie de la dé-
tionaux, en absence d’un projet global, d’une volonté collective ou d’un
l’interaction de nombreux acteurs publics et privés, nationaux et interna-
dans le temps et dans l’espace ; ils se réalisent à travers l’intervention et
sont à l’origine. Les différents projets qui le composent sont fragmentés
deuxième pont sur le Bosphore et le deuxième périphérique urbain – en
années  1980. Des investissements publics en matière de transport –  le
raisons. Il se fait « hors plan », et d’une manière spontanée, à partir des
d’étude intéressant pour explorer notre hypothèse, et cela pour plusieurs
Le nouveau centre d’affaires d’Istanbul se présente comme un terrain

LE DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES

Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 158


Tours de bureaux, au milieu d’une ancienne zone industrielle à Maslak, réalisées
en grande partie par de petits entrepreneurs (photographie : Burcu Özdirlik).

en grande partie par de petits entrepreneurs (photographie : Burcu Özdirlik).


158 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
Tours de bureaux, au milieu d’une ancienne zone industrielle à Maslak, réalisées

LE DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES

Le nouveau centre d’affaires d’Istanbul se présente comme un terrain


d’étude intéressant pour explorer notre hypothèse, et cela pour plusieurs
raisons. Il se fait « hors plan », et d’une manière spontanée, à partir des
années  1980. Des investissements publics en matière de transport –  le
deuxième pont sur le Bosphore et le deuxième périphérique urbain – en
sont à l’origine. Les différents projets qui le composent sont fragmentés
dans le temps et dans l’espace ; ils se réalisent à travers l’intervention et
l’interaction de nombreux acteurs publics et privés, nationaux et interna-
tionaux, en absence d’un projet global, d’une volonté collective ou d’un
portage politique continu. Ces projets sont autorisés par la voie de la dé-
rogation aux documents d’urbanisme, avec l’appui des différents gou-
vernements locaux et centraux. La faible légitimité de ces autorisations
ainsi que la proximité de sites historiques et naturels font de la société
civile un des adversaires les plus importants de ce développement. Ce
contexte d’action marqué par les relations complémentaires et conflic-
tuelles entre les acteurs est à l’origine du développement de ce que l’on
centres commerciaux les plus importants d’Istanbul. désigne comme le nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul. Il con-
luxe avec des services personnalisés, des centres de loisirs privés et les centre la majorité des bureaux de standing, des sièges sociaux de grands
institutions qui lui sont liées. S’y trouvent également des résidences de groupes nationaux et internationaux, la Bourse turque et la plupart des
groupes nationaux et internationaux, la Bourse turque et la plupart des institutions qui lui sont liées. S’y trouvent également des résidences de
centre la majorité des bureaux de standing, des sièges sociaux de grands luxe avec des services personnalisés, des centres de loisirs privés et les
désigne comme le nouveau centre d’affaires urbain d’Istanbul. Il con- centres commerciaux les plus importants d’Istanbul.
tuelles entre les acteurs est à l’origine du développement de ce que l’on
contexte d’action marqué par les relations complémentaires et conflic-
civile un des adversaires les plus importants de ce développement. Ce
ainsi que la proximité de sites historiques et naturels font de la société
vernements locaux et centraux. La faible légitimité de ces autorisations
rogation aux documents d’urbanisme, avec l’appui des différents gou-
portage politique continu. Ces projets sont autorisés par la voie de la dé-
tionaux, en absence d’un projet global, d’une volonté collective ou d’un
l’interaction de nombreux acteurs publics et privés, nationaux et interna-
dans le temps et dans l’espace ; ils se réalisent à travers l’intervention et
sont à l’origine. Les différents projets qui le composent sont fragmentés
deuxième pont sur le Bosphore et le deuxième périphérique urbain – en
années  1980. Des investissements publics en matière de transport –  le
raisons. Il se fait « hors plan », et d’une manière spontanée, à partir des
d’étude intéressant pour explorer notre hypothèse, et cela pour plusieurs
Le nouveau centre d’affaires d’Istanbul se présente comme un terrain

LE DÉVELOPPEMENT DU NOUVEAU CENTRE D’AFFAIRES

Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 158


Tours de bureaux, au milieu d’une ancienne zone industrielle à Maslak, réalisées
en grande partie par de petits entrepreneurs (photographie : Burcu Özdirlik).
de la municipalité métropolitaine d’Istanbul et de l’Ordre des architectes,
Burcu Özdirlik 159 tué est complété et mis en perspective par un travail réalisé aux archives
qués dans le développement du centre d’affaires. Le corpus ainsi consti-
municipaux et des bureaux d’études, et avec des promoteurs privés impli-
une série d’entretiens semi-directifs avec des responsables des services
lement de la sociologie mais aussi de l’histoire. Elle se fonde d’abord sur
Nous réalisons notre étude à partir de méthodes inspirées non seu-
l’exploration des rapports entre les différents acteurs.
nous privilégions pour leur accessibilité et leur lisibilité, ce qui facilite
1998, p. 37). Finalement, ce sont les moments de conflit et de rupture que
p. 160), ceci au sein d’« arènes instituées » ou « informelles » (Thoenig,
qui gouvernent l’interaction entre les différents acteurs (Friedberg, 1993,
les dispositifs endogènes propres à chaque acteur et les dispositifs exogènes
microsociologique et centrée sur les acteurs. Sont pris en compte à la fois
l’une est macrosociologique et centrée sur les structures ; la seconde est
de leurs pratiques. Deux échelles d’interrogation nourrissent ce travail :
temps, en lien avec l’évolution de différents acteurs, de leurs relations et
l’émergence et l’évolution de différents dispositifs de régulation dans le
saisir plutôt des processus » (Bourdin, 2005, p. 6). L’objectif est de suivre
l’histoire, pour « ne pas tout lire sous le registre de la nouveauté, mais [...]
régulation » (Reynaud, 1989, p. 31), selon une approche qui s’inscrit dans
transforment ou se suppriment les règles, c’est-à-dire [aux] processus de
Notre travail de terrain s’intéresse à « la manière dont se créent, se
grande entreprise de BTP (photographie : Burcu Özdirlik).
Le centre commercial de Kanyon, l’un des derniers investissements privés à usage mixte entrepris par un consortium de grande taille, composé d’un REIT et d’une
mixte entrepris par un consortium de grande taille, composé d’un REIT et d’une Le centre commercial de Kanyon, l’un des derniers investissements privés à usage
grande entreprise de BTP (photographie : Burcu Özdirlik).

Notre travail de terrain s’intéresse à « la manière dont se créent, se


transforment ou se suppriment les règles, c’est-à-dire [aux] processus de
régulation » (Reynaud, 1989, p. 31), selon une approche qui s’inscrit dans
l’histoire, pour « ne pas tout lire sous le registre de la nouveauté, mais [...]
saisir plutôt des processus » (Bourdin, 2005, p. 6). L’objectif est de suivre
l’émergence et l’évolution de différents dispositifs de régulation dans le
temps, en lien avec l’évolution de différents acteurs, de leurs relations et
de leurs pratiques. Deux échelles d’interrogation nourrissent ce travail :
l’une est macrosociologique et centrée sur les structures ; la seconde est
microsociologique et centrée sur les acteurs. Sont pris en compte à la fois
les dispositifs endogènes propres à chaque acteur et les dispositifs exogènes
qui gouvernent l’interaction entre les différents acteurs (Friedberg, 1993,
p. 160), ceci au sein d’« arènes instituées » ou « informelles » (Thoenig,
1998, p. 37). Finalement, ce sont les moments de conflit et de rupture que
nous privilégions pour leur accessibilité et leur lisibilité, ce qui facilite
l’exploration des rapports entre les différents acteurs.
Nous réalisons notre étude à partir de méthodes inspirées non seu-
lement de la sociologie mais aussi de l’histoire. Elle se fonde d’abord sur
une série d’entretiens semi-directifs avec des responsables des services
municipaux et des bureaux d’études, et avec des promoteurs privés impli-
qués dans le développement du centre d’affaires. Le corpus ainsi consti-
tué est complété et mis en perspective par un travail réalisé aux archives 159 Burcu Özdirlik
de la municipalité métropolitaine d’Istanbul et de l’Ordre des architectes,

de la municipalité métropolitaine d’Istanbul et de l’Ordre des architectes,


Burcu Özdirlik 159 tué est complété et mis en perspective par un travail réalisé aux archives
qués dans le développement du centre d’affaires. Le corpus ainsi consti-
municipaux et des bureaux d’études, et avec des promoteurs privés impli-
une série d’entretiens semi-directifs avec des responsables des services
lement de la sociologie mais aussi de l’histoire. Elle se fonde d’abord sur
Nous réalisons notre étude à partir de méthodes inspirées non seu-
l’exploration des rapports entre les différents acteurs.
nous privilégions pour leur accessibilité et leur lisibilité, ce qui facilite
1998, p. 37). Finalement, ce sont les moments de conflit et de rupture que
p. 160), ceci au sein d’« arènes instituées » ou « informelles » (Thoenig,
qui gouvernent l’interaction entre les différents acteurs (Friedberg, 1993,
les dispositifs endogènes propres à chaque acteur et les dispositifs exogènes
microsociologique et centrée sur les acteurs. Sont pris en compte à la fois
l’une est macrosociologique et centrée sur les structures ; la seconde est
de leurs pratiques. Deux échelles d’interrogation nourrissent ce travail :
temps, en lien avec l’évolution de différents acteurs, de leurs relations et
l’émergence et l’évolution de différents dispositifs de régulation dans le
saisir plutôt des processus » (Bourdin, 2005, p. 6). L’objectif est de suivre
l’histoire, pour « ne pas tout lire sous le registre de la nouveauté, mais [...]
régulation » (Reynaud, 1989, p. 31), selon une approche qui s’inscrit dans
transforment ou se suppriment les règles, c’est-à-dire [aux] processus de
Notre travail de terrain s’intéresse à « la manière dont se créent, se
grande entreprise de BTP (photographie : Burcu Özdirlik).
Le centre commercial de Kanyon, l’un des derniers investissements privés à usage mixte entrepris par un consortium de grande taille, composé d’un REIT et d’une
mixte entrepris par un consortium de grande taille, composé d’un REIT et d’une Le centre commercial de Kanyon, l’un des derniers investissements privés à usage
grande entreprise de BTP (photographie : Burcu Özdirlik).

Notre travail de terrain s’intéresse à « la manière dont se créent, se


transforment ou se suppriment les règles, c’est-à-dire [aux] processus de
régulation » (Reynaud, 1989, p. 31), selon une approche qui s’inscrit dans
l’histoire, pour « ne pas tout lire sous le registre de la nouveauté, mais [...]
saisir plutôt des processus » (Bourdin, 2005, p. 6). L’objectif est de suivre
l’émergence et l’évolution de différents dispositifs de régulation dans le
temps, en lien avec l’évolution de différents acteurs, de leurs relations et
de leurs pratiques. Deux échelles d’interrogation nourrissent ce travail :
l’une est macrosociologique et centrée sur les structures ; la seconde est
microsociologique et centrée sur les acteurs. Sont pris en compte à la fois
les dispositifs endogènes propres à chaque acteur et les dispositifs exogènes
qui gouvernent l’interaction entre les différents acteurs (Friedberg, 1993,
p. 160), ceci au sein d’« arènes instituées » ou « informelles » (Thoenig,
1998, p. 37). Finalement, ce sont les moments de conflit et de rupture que
nous privilégions pour leur accessibilité et leur lisibilité, ce qui facilite
l’exploration des rapports entre les différents acteurs.
Nous réalisons notre étude à partir de méthodes inspirées non seu-
lement de la sociologie mais aussi de l’histoire. Elle se fonde d’abord sur
une série d’entretiens semi-directifs avec des responsables des services
municipaux et des bureaux d’études, et avec des promoteurs privés impli-
qués dans le développement du centre d’affaires. Le corpus ainsi consti-
tué est complété et mis en perspective par un travail réalisé aux archives 159 Burcu Özdirlik
de la municipalité métropolitaine d’Istanbul et de l’Ordre des architectes,
(Boudon & Bourricaud, 2004).
d’entrepreneur ne dépend pas de critères rationnels de compétence et de spécialisation
5. Ce métier ne constitue pas une profession dans le sens wébérien du terme car le statut 160 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
sont à l’origine de ce développement (Do an, 2001 ; Hacısaliho lu, 1999).
capital, le développement du secteur tertiaire et l’émergence de nouveaux modes de vie
4. La libéralisation et l’internationalisation de l’économie nationale, l’accumulation du
sur les documents d’urbanisme, les dossiers de dérogation et de procès.
Les articles parus dans la presse turque entre 1980 et 2008 permettent
nationales. L’intégration de cette demande nécessite l’élargissement des aussi d’appréhender la position et les discours des différents acteurs de ce
nationales sont elles aussi en recherche de produits aux normes inter- développement.
standing n’en constituent qu’une facette, dans un contexte où les élites Trois groupes d’acteurs contribuent à la production des dispositifs de
demande : les entreprises internationales qui cherchent des bureaux de régulation qui sont l’objet de cette étude. Ces dispositifs sont d’abord
l’influence des acteurs internationaux et par l’internationalisation de la issus des évolutions récentes dans l’industrie immobilière turque qui ont
Le développement de l’industrie immobilière se fait d’abord sous modifié la pratique du projet. Ils résultent ensuite des relations que ces
la professionnalisation et l’institutionnalisation de l’industrie. acteurs entretiennent avec les acteurs publics qui détiennent le pouvoir
toute l’industrie immobilière  : l’internationalisation, la financiarisation, de décision. Ils se cristallisent enfin avec les interventions des acteurs de
pement du nouveau centre, en lien avec des évolutions qui traversent la société civile auprès des deux autres. Les instances juridiques jouent un
Tümay, 2009). Ce contexte d’action se transforme au cours du dévelop- rôle d’arbitrage dans ce processus.
tonne à des questions techniques concernant le bâtiment (Arsan, 2006 ;
sans expertise spécifique en urbanisme : la chaîne de compétence se can- LES ACTEURS DE L’INDUSTRIE IMMOBILIÈRE
savoir-faire spécialisé dans le domaine de l’investissement immobilier et
jets commerciaux dans le nouveau centre5. Ces projets sont menés sans En Turquie, l’intérêt du « grand capital » pour l’investissement immo-
financières et techniques limitées, qui sont à l’origine des premiers pro- bilier reste limité ; l’activité des petits entrepreneurs en construction en
entrepreneurs en construction (müteahhit en turc), avec des ressources constitue le pilier. Les projets d’envergure qui nécessitent la mobilisation
urbain d’Istanbul est son premier terrain d’intervention. Ce sont les petits de moyens techniques et financiers importants –  cités privées, centres
ses acteurs, ses pratiques et ses méthodes4. Le nouveau centre d’affaires commerciaux, bureaux de standing  – ne représentent par conséquent
années 1980, est à l’origine d’une véritable industrie immobilière, avec qu’une petite partie du marché. Ce marché restreint, qui émerge dans les
qu’une petite partie du marché. Ce marché restreint, qui émerge dans les années 1980, est à l’origine d’une véritable industrie immobilière, avec
commerciaux, bureaux de standing  – ne représentent par conséquent ses acteurs, ses pratiques et ses méthodes4. Le nouveau centre d’affaires
de moyens techniques et financiers importants –  cités privées, centres urbain d’Istanbul est son premier terrain d’intervention. Ce sont les petits
constitue le pilier. Les projets d’envergure qui nécessitent la mobilisation entrepreneurs en construction (müteahhit en turc), avec des ressources
bilier reste limité ; l’activité des petits entrepreneurs en construction en financières et techniques limitées, qui sont à l’origine des premiers pro-
En Turquie, l’intérêt du « grand capital » pour l’investissement immo- jets commerciaux dans le nouveau centre5. Ces projets sont menés sans
savoir-faire spécialisé dans le domaine de l’investissement immobilier et
LES ACTEURS DE L’INDUSTRIE IMMOBILIÈRE sans expertise spécifique en urbanisme : la chaîne de compétence se can-
tonne à des questions techniques concernant le bâtiment (Arsan, 2006 ;
rôle d’arbitrage dans ce processus. Tümay, 2009). Ce contexte d’action se transforme au cours du dévelop-
la société civile auprès des deux autres. Les instances juridiques jouent un pement du nouveau centre, en lien avec des évolutions qui traversent
de décision. Ils se cristallisent enfin avec les interventions des acteurs de toute l’industrie immobilière  : l’internationalisation, la financiarisation,
acteurs entretiennent avec les acteurs publics qui détiennent le pouvoir la professionnalisation et l’institutionnalisation de l’industrie.
modifié la pratique du projet. Ils résultent ensuite des relations que ces Le développement de l’industrie immobilière se fait d’abord sous
issus des évolutions récentes dans l’industrie immobilière turque qui ont l’influence des acteurs internationaux et par l’internationalisation de la
régulation qui sont l’objet de cette étude. Ces dispositifs sont d’abord demande : les entreprises internationales qui cherchent des bureaux de
Trois groupes d’acteurs contribuent à la production des dispositifs de standing n’en constituent qu’une facette, dans un contexte où les élites
développement. nationales sont elles aussi en recherche de produits aux normes inter-
aussi d’appréhender la position et les discours des différents acteurs de ce nationales. L’intégration de cette demande nécessite l’élargissement des
Les articles parus dans la presse turque entre 1980 et 2008 permettent
4. La libéralisation et l’internationalisation de l’économie nationale, l’accumulation du
sur les documents d’urbanisme, les dossiers de dérogation et de procès.
capital, le développement du secteur tertiaire et l’émergence de nouveaux modes de vie
sont à l’origine de ce développement (Do an, 2001 ; Hacısaliho lu, 1999).
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 160 5. Ce métier ne constitue pas une profession dans le sens wébérien du terme car le statut
d’entrepreneur ne dépend pas de critères rationnels de compétence et de spécialisation
(Boudon & Bourricaud, 2004).

(Boudon & Bourricaud, 2004).


d’entrepreneur ne dépend pas de critères rationnels de compétence et de spécialisation
5. Ce métier ne constitue pas une profession dans le sens wébérien du terme car le statut 160 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
sont à l’origine de ce développement (Do an, 2001 ; Hacısaliho lu, 1999).
capital, le développement du secteur tertiaire et l’émergence de nouveaux modes de vie
4. La libéralisation et l’internationalisation de l’économie nationale, l’accumulation du
sur les documents d’urbanisme, les dossiers de dérogation et de procès.
Les articles parus dans la presse turque entre 1980 et 2008 permettent
nationales. L’intégration de cette demande nécessite l’élargissement des aussi d’appréhender la position et les discours des différents acteurs de ce
nationales sont elles aussi en recherche de produits aux normes inter- développement.
standing n’en constituent qu’une facette, dans un contexte où les élites Trois groupes d’acteurs contribuent à la production des dispositifs de
demande : les entreprises internationales qui cherchent des bureaux de régulation qui sont l’objet de cette étude. Ces dispositifs sont d’abord
l’influence des acteurs internationaux et par l’internationalisation de la issus des évolutions récentes dans l’industrie immobilière turque qui ont
Le développement de l’industrie immobilière se fait d’abord sous modifié la pratique du projet. Ils résultent ensuite des relations que ces
la professionnalisation et l’institutionnalisation de l’industrie. acteurs entretiennent avec les acteurs publics qui détiennent le pouvoir
toute l’industrie immobilière  : l’internationalisation, la financiarisation, de décision. Ils se cristallisent enfin avec les interventions des acteurs de
pement du nouveau centre, en lien avec des évolutions qui traversent la société civile auprès des deux autres. Les instances juridiques jouent un
Tümay, 2009). Ce contexte d’action se transforme au cours du dévelop- rôle d’arbitrage dans ce processus.
tonne à des questions techniques concernant le bâtiment (Arsan, 2006 ;
sans expertise spécifique en urbanisme : la chaîne de compétence se can- LES ACTEURS DE L’INDUSTRIE IMMOBILIÈRE
savoir-faire spécialisé dans le domaine de l’investissement immobilier et
jets commerciaux dans le nouveau centre5. Ces projets sont menés sans En Turquie, l’intérêt du « grand capital » pour l’investissement immo-
financières et techniques limitées, qui sont à l’origine des premiers pro- bilier reste limité ; l’activité des petits entrepreneurs en construction en
entrepreneurs en construction (müteahhit en turc), avec des ressources constitue le pilier. Les projets d’envergure qui nécessitent la mobilisation
urbain d’Istanbul est son premier terrain d’intervention. Ce sont les petits de moyens techniques et financiers importants –  cités privées, centres
ses acteurs, ses pratiques et ses méthodes4. Le nouveau centre d’affaires commerciaux, bureaux de standing  – ne représentent par conséquent
années 1980, est à l’origine d’une véritable industrie immobilière, avec qu’une petite partie du marché. Ce marché restreint, qui émerge dans les
qu’une petite partie du marché. Ce marché restreint, qui émerge dans les années 1980, est à l’origine d’une véritable industrie immobilière, avec
commerciaux, bureaux de standing  – ne représentent par conséquent ses acteurs, ses pratiques et ses méthodes4. Le nouveau centre d’affaires
de moyens techniques et financiers importants –  cités privées, centres urbain d’Istanbul est son premier terrain d’intervention. Ce sont les petits
constitue le pilier. Les projets d’envergure qui nécessitent la mobilisation entrepreneurs en construction (müteahhit en turc), avec des ressources
bilier reste limité ; l’activité des petits entrepreneurs en construction en financières et techniques limitées, qui sont à l’origine des premiers pro-
En Turquie, l’intérêt du « grand capital » pour l’investissement immo- jets commerciaux dans le nouveau centre5. Ces projets sont menés sans
savoir-faire spécialisé dans le domaine de l’investissement immobilier et
LES ACTEURS DE L’INDUSTRIE IMMOBILIÈRE sans expertise spécifique en urbanisme : la chaîne de compétence se can-
tonne à des questions techniques concernant le bâtiment (Arsan, 2006 ;
rôle d’arbitrage dans ce processus. Tümay, 2009). Ce contexte d’action se transforme au cours du dévelop-
la société civile auprès des deux autres. Les instances juridiques jouent un pement du nouveau centre, en lien avec des évolutions qui traversent
de décision. Ils se cristallisent enfin avec les interventions des acteurs de toute l’industrie immobilière  : l’internationalisation, la financiarisation,
acteurs entretiennent avec les acteurs publics qui détiennent le pouvoir la professionnalisation et l’institutionnalisation de l’industrie.
modifié la pratique du projet. Ils résultent ensuite des relations que ces Le développement de l’industrie immobilière se fait d’abord sous
issus des évolutions récentes dans l’industrie immobilière turque qui ont l’influence des acteurs internationaux et par l’internationalisation de la
régulation qui sont l’objet de cette étude. Ces dispositifs sont d’abord demande : les entreprises internationales qui cherchent des bureaux de
Trois groupes d’acteurs contribuent à la production des dispositifs de standing n’en constituent qu’une facette, dans un contexte où les élites
développement. nationales sont elles aussi en recherche de produits aux normes inter-
aussi d’appréhender la position et les discours des différents acteurs de ce nationales. L’intégration de cette demande nécessite l’élargissement des
Les articles parus dans la presse turque entre 1980 et 2008 permettent
4. La libéralisation et l’internationalisation de l’économie nationale, l’accumulation du
sur les documents d’urbanisme, les dossiers de dérogation et de procès.
capital, le développement du secteur tertiaire et l’émergence de nouveaux modes de vie
sont à l’origine de ce développement (Do an, 2001 ; Hacısaliho lu, 1999).
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 160 5. Ce métier ne constitue pas une profession dans le sens wébérien du terme car le statut
d’entrepreneur ne dépend pas de critères rationnels de compétence et de spécialisation
(Boudon & Bourricaud, 2004).
(Labruyère, 1999).
priation de fonctions préalablement intégrées au champ d’action d’autres professionnels
Burcu Özdirlik 161 7. Cela se fait souvent par la construction d’un espace professionnel propre, par appro-
6. Real estate investment trusts (fonds d’investissement immobilier).

équipes de projet aux différents types d’expertise. Il s’agit d’abord de l’en- même équipe de projet permet de confronter les contraintes techniques
trée dans le marché national des professionnels internationaux spéciali- 1982, 2011). La multiplication de professionnels différents au sein d’une
sés dans les gratte-ciel (Tümay, 2009), puis des acteurs de l’investissement face aux autres exigences (Johnson, 1995, 2005 ; Boudon & Bourricaud,
immobilier. La position dominante des acteurs locaux dans le marché leur permet de mettre en avant les contraintes de performance et d’éthique
turc oblige ces acteurs et experts à travailler avec eux. Le frottement entre autres, plus indépendants de la tutelle des autorités hiérarchiques, ce qui
le local et l’international donne lieu à l’adoption volontaire ou imposée un métier à part à partir des années 1990. Les professionnels sont, entre
de certains standards, modèles et dispositifs. La programmation émerge au champ d’action de l’ingénieur de construction, devient par exemple
par exemple comme un enjeu important de la rencontre des investisseurs tion de l’industrie7 : le management de projet, qui est une fonction intégrée
internationaux qui exigent l’utilisation de dispositifs de type « études de professions existantes, constitue une autre dimension de la professionnalisa-
marché » et « analyses de best-use ». À partir des années 2000, les dispositifs domaines différents. L’émergence de nouveaux métiers, souvent au sein des
deviennent les composantes clés de tout projet immobilier entrepris par prolifération de bureaux d’étude qui travaillent avec des professionnels de
les acteurs locaux (Soyluer, 2009). nels comme les urbanistes, les économistes et les juristes. En témoigne la
La création de fonds d’investissement immobilier par les acteurs lo- les architectes et les ingénieurs de la construction, à d’autres profession-
caux, sur le modèle américain des REIT6, constitue une autre étape de ce Ces évolutions élargissent les équipes de projet, jusque-là dominées par
processus, que nous qualifions de financiarisation. Le cadre juridique qui sionnalisation et à la régulation du secteur (Da li, 2006 ; Kösebay, 2006).
régit les REIT modifie le processus de production et de gestion des biens du marché de capitaux. Ces nouvelles mesures contribuent à la profes-
immobiliers. Ce cadre insiste sur la professionnalisation de l’activité qui mis à des contrôles périodiques réalisés par les experts de la commission
est traditionnellement considérée comme dépendante du pouvoir éco- les coûts de différentes opérations et les valeurs réelles de biens sont sou-
nomique des acteurs, ceci pour justifier l’intervention des REIT au nom d’intervention bien distincts. La légitimité juridique de différents projets,
de leurs actionnaires et pour protéger leurs intérêts. Le champ d’interven- de biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs
tion des REIT est limité, par ce cadre, au financement et au développe- ment de projets. La conception, la construction et la gestion commerciale
ment de projets. La conception, la construction et la gestion commerciale tion des REIT est limité, par ce cadre, au financement et au développe-
de biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs de leurs actionnaires et pour protéger leurs intérêts. Le champ d’interven-
d’intervention bien distincts. La légitimité juridique de différents projets, nomique des acteurs, ceci pour justifier l’intervention des REIT au nom
les coûts de différentes opérations et les valeurs réelles de biens sont sou- est traditionnellement considérée comme dépendante du pouvoir éco-
mis à des contrôles périodiques réalisés par les experts de la commission immobiliers. Ce cadre insiste sur la professionnalisation de l’activité qui
du marché de capitaux. Ces nouvelles mesures contribuent à la profes- régit les REIT modifie le processus de production et de gestion des biens
sionnalisation et à la régulation du secteur (Da li, 2006 ; Kösebay, 2006). processus, que nous qualifions de financiarisation. Le cadre juridique qui
Ces évolutions élargissent les équipes de projet, jusque-là dominées par caux, sur le modèle américain des REIT6, constitue une autre étape de ce
les architectes et les ingénieurs de la construction, à d’autres profession- La création de fonds d’investissement immobilier par les acteurs lo-
nels comme les urbanistes, les économistes et les juristes. En témoigne la les acteurs locaux (Soyluer, 2009).
prolifération de bureaux d’étude qui travaillent avec des professionnels de deviennent les composantes clés de tout projet immobilier entrepris par
domaines différents. L’émergence de nouveaux métiers, souvent au sein des marché » et « analyses de best-use ». À partir des années 2000, les dispositifs
professions existantes, constitue une autre dimension de la professionnalisa- internationaux qui exigent l’utilisation de dispositifs de type « études de
tion de l’industrie7 : le management de projet, qui est une fonction intégrée par exemple comme un enjeu important de la rencontre des investisseurs
au champ d’action de l’ingénieur de construction, devient par exemple de certains standards, modèles et dispositifs. La programmation émerge
un métier à part à partir des années 1990. Les professionnels sont, entre le local et l’international donne lieu à l’adoption volontaire ou imposée
autres, plus indépendants de la tutelle des autorités hiérarchiques, ce qui turc oblige ces acteurs et experts à travailler avec eux. Le frottement entre
leur permet de mettre en avant les contraintes de performance et d’éthique immobilier. La position dominante des acteurs locaux dans le marché
face aux autres exigences (Johnson, 1995, 2005 ; Boudon & Bourricaud, sés dans les gratte-ciel (Tümay, 2009), puis des acteurs de l’investissement
1982, 2011). La multiplication de professionnels différents au sein d’une trée dans le marché national des professionnels internationaux spéciali-
même équipe de projet permet de confronter les contraintes techniques équipes de projet aux différents types d’expertise. Il s’agit d’abord de l’en-

6. Real estate investment trusts (fonds d’investissement immobilier).


7. Cela se fait souvent par la construction d’un espace professionnel propre, par appro- 161 Burcu Özdirlik
priation de fonctions préalablement intégrées au champ d’action d’autres professionnels
(Labruyère, 1999).

(Labruyère, 1999).
priation de fonctions préalablement intégrées au champ d’action d’autres professionnels
Burcu Özdirlik 161 7. Cela se fait souvent par la construction d’un espace professionnel propre, par appro-
6. Real estate investment trusts (fonds d’investissement immobilier).

équipes de projet aux différents types d’expertise. Il s’agit d’abord de l’en- même équipe de projet permet de confronter les contraintes techniques
trée dans le marché national des professionnels internationaux spéciali- 1982, 2011). La multiplication de professionnels différents au sein d’une
sés dans les gratte-ciel (Tümay, 2009), puis des acteurs de l’investissement face aux autres exigences (Johnson, 1995, 2005 ; Boudon & Bourricaud,
immobilier. La position dominante des acteurs locaux dans le marché leur permet de mettre en avant les contraintes de performance et d’éthique
turc oblige ces acteurs et experts à travailler avec eux. Le frottement entre autres, plus indépendants de la tutelle des autorités hiérarchiques, ce qui
le local et l’international donne lieu à l’adoption volontaire ou imposée un métier à part à partir des années 1990. Les professionnels sont, entre
de certains standards, modèles et dispositifs. La programmation émerge au champ d’action de l’ingénieur de construction, devient par exemple
par exemple comme un enjeu important de la rencontre des investisseurs tion de l’industrie7 : le management de projet, qui est une fonction intégrée
internationaux qui exigent l’utilisation de dispositifs de type « études de professions existantes, constitue une autre dimension de la professionnalisa-
marché » et « analyses de best-use ». À partir des années 2000, les dispositifs domaines différents. L’émergence de nouveaux métiers, souvent au sein des
deviennent les composantes clés de tout projet immobilier entrepris par prolifération de bureaux d’étude qui travaillent avec des professionnels de
les acteurs locaux (Soyluer, 2009). nels comme les urbanistes, les économistes et les juristes. En témoigne la
La création de fonds d’investissement immobilier par les acteurs lo- les architectes et les ingénieurs de la construction, à d’autres profession-
caux, sur le modèle américain des REIT6, constitue une autre étape de ce Ces évolutions élargissent les équipes de projet, jusque-là dominées par
processus, que nous qualifions de financiarisation. Le cadre juridique qui sionnalisation et à la régulation du secteur (Da li, 2006 ; Kösebay, 2006).
régit les REIT modifie le processus de production et de gestion des biens du marché de capitaux. Ces nouvelles mesures contribuent à la profes-
immobiliers. Ce cadre insiste sur la professionnalisation de l’activité qui mis à des contrôles périodiques réalisés par les experts de la commission
est traditionnellement considérée comme dépendante du pouvoir éco- les coûts de différentes opérations et les valeurs réelles de biens sont sou-
nomique des acteurs, ceci pour justifier l’intervention des REIT au nom d’intervention bien distincts. La légitimité juridique de différents projets,
de leurs actionnaires et pour protéger leurs intérêts. Le champ d’interven- de biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs
tion des REIT est limité, par ce cadre, au financement et au développe- ment de projets. La conception, la construction et la gestion commerciale
ment de projets. La conception, la construction et la gestion commerciale tion des REIT est limité, par ce cadre, au financement et au développe-
de biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs de leurs actionnaires et pour protéger leurs intérêts. Le champ d’interven-
d’intervention bien distincts. La légitimité juridique de différents projets, nomique des acteurs, ceci pour justifier l’intervention des REIT au nom
les coûts de différentes opérations et les valeurs réelles de biens sont sou- est traditionnellement considérée comme dépendante du pouvoir éco-
mis à des contrôles périodiques réalisés par les experts de la commission immobiliers. Ce cadre insiste sur la professionnalisation de l’activité qui
du marché de capitaux. Ces nouvelles mesures contribuent à la profes- régit les REIT modifie le processus de production et de gestion des biens
sionnalisation et à la régulation du secteur (Da li, 2006 ; Kösebay, 2006). processus, que nous qualifions de financiarisation. Le cadre juridique qui
Ces évolutions élargissent les équipes de projet, jusque-là dominées par caux, sur le modèle américain des REIT6, constitue une autre étape de ce
les architectes et les ingénieurs de la construction, à d’autres profession- La création de fonds d’investissement immobilier par les acteurs lo-
nels comme les urbanistes, les économistes et les juristes. En témoigne la les acteurs locaux (Soyluer, 2009).
prolifération de bureaux d’étude qui travaillent avec des professionnels de deviennent les composantes clés de tout projet immobilier entrepris par
domaines différents. L’émergence de nouveaux métiers, souvent au sein des marché » et « analyses de best-use ». À partir des années 2000, les dispositifs
professions existantes, constitue une autre dimension de la professionnalisa- internationaux qui exigent l’utilisation de dispositifs de type « études de
tion de l’industrie7 : le management de projet, qui est une fonction intégrée par exemple comme un enjeu important de la rencontre des investisseurs
au champ d’action de l’ingénieur de construction, devient par exemple de certains standards, modèles et dispositifs. La programmation émerge
un métier à part à partir des années 1990. Les professionnels sont, entre le local et l’international donne lieu à l’adoption volontaire ou imposée
autres, plus indépendants de la tutelle des autorités hiérarchiques, ce qui turc oblige ces acteurs et experts à travailler avec eux. Le frottement entre
leur permet de mettre en avant les contraintes de performance et d’éthique immobilier. La position dominante des acteurs locaux dans le marché
face aux autres exigences (Johnson, 1995, 2005 ; Boudon & Bourricaud, sés dans les gratte-ciel (Tümay, 2009), puis des acteurs de l’investissement
1982, 2011). La multiplication de professionnels différents au sein d’une trée dans le marché national des professionnels internationaux spéciali-
même équipe de projet permet de confronter les contraintes techniques équipes de projet aux différents types d’expertise. Il s’agit d’abord de l’en-

6. Real estate investment trusts (fonds d’investissement immobilier).


7. Cela se fait souvent par la construction d’un espace professionnel propre, par appro- 161 Burcu Özdirlik
priation de fonctions préalablement intégrées au champ d’action d’autres professionnels
(Labruyère, 1999).
en cause les enjeux économiques liés au projet. Intégrer de tels constats
nière déterminante le processus de décision sans nécessairement remettre 162 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
équipes du projet (Kösebay, 2006). Leur contribution encadre d’une ma-
ding, la sécurité suppose par exemple l’intégration de spécialistes dans les
Devenue un enjeu crucial pour la commercialisation de bureaux de stan- et financières, qui occupent une place centrale dans le processus de déci-
maximisation du profit ne se traduit plus par celle de la surface construite. sion, aux nouvelles considérations liées à la recherche de compromis.
experts permet aux porteurs du projet de tenir compte de ce que la La pérennisation de l’activité immobilière au sein des grands groupes
de l’expertise dans la définition du projet. L’intervention de différents de BTP, l’émergence de nouveaux acteurs institutionnels spécialisés, la
projets. Le troisième de ces développements, c’est la montée en puissance stabilisation de systèmes d’acteurs et le développement de réseaux profes-
d’une programmation urbaine complexe qui se met en place au fil des sionnels associatifs sont des évolutions qui témoignent, cette fois-ci, de
de complémentarité avec les autres projets. Cette stratégie est à l’origine l’institutionnalisation du secteur. La décomposition de la figure de « l’acteur
ciation de l’offre se traduit par la recherche d’une mise en cohérence et qui fait tout » en est une des conséquences : on passe d’une pratique de
gie de différents promoteurs dans la gestion de concurrence, la différen- projet où toutes les compétences sont concentrées entre les mains d’un
à la durabilité de l’investissement au sein de l’entreprise. Principale straté- acteur principal, l’entrepreneur en construction, à la constitution de sys-
privés avec le produit final et introduisent de nouvelles sensibilités liées tèmes d’interaction plus ou moins temporaires et à des pratiques où les
plus en plus compétitif modifient par exemple la relation des acteurs compétences sont distribuées parmi différents professionnels. Le déve-
demande centrée sur la qualité et l’établissement d’un marché locatif de loppement, la conception, la construction et la gestion commerciale de
relation entre l’offre et la demande (Kösebay, 2006). La croissance d’une biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs d’in-
de plus en plus transparents. Le deuxième, c’est la transformation de la tervention bien distincts entre les mains d’acteurs différents. L’émergence
la contractualisation des relations et l’adoption de processus d’interaction de filiales qui se spécialisent dans le développement, le financement et la
les montages institutionnels et financiers se complexifient. Cela nécessite gestion de biens immobiliers au sein de grands groupes de BTP est une
compose « l’acteur qui fait tout » et qu’émergent de nouveaux acteurs, autre manifestation de cette même évolution (Kazazo lu, 2009).
Pour le premier de ces développements, en même temps que se dé- Les évolutions au sein de l’industrie immobilière sont loin d’être ho-
sur la pratique du projet et le fonctionnement du marché immobilier. mogènes ; cette synthèse ne fait que résumer les grandes lignes d’un déve-
d’une série de développements qui ont des conséquences importantes loppement qui est saccadé et fragmenté. Elles sont néanmoins à l’origine
loppement qui est saccadé et fragmenté. Elles sont néanmoins à l’origine d’une série de développements qui ont des conséquences importantes
mogènes ; cette synthèse ne fait que résumer les grandes lignes d’un déve- sur la pratique du projet et le fonctionnement du marché immobilier.
Les évolutions au sein de l’industrie immobilière sont loin d’être ho- Pour le premier de ces développements, en même temps que se dé-
autre manifestation de cette même évolution (Kazazo lu, 2009). compose « l’acteur qui fait tout » et qu’émergent de nouveaux acteurs,
gestion de biens immobiliers au sein de grands groupes de BTP est une les montages institutionnels et financiers se complexifient. Cela nécessite
de filiales qui se spécialisent dans le développement, le financement et la la contractualisation des relations et l’adoption de processus d’interaction
tervention bien distincts entre les mains d’acteurs différents. L’émergence de plus en plus transparents. Le deuxième, c’est la transformation de la
biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs d’in- relation entre l’offre et la demande (Kösebay, 2006). La croissance d’une
loppement, la conception, la construction et la gestion commerciale de demande centrée sur la qualité et l’établissement d’un marché locatif de
compétences sont distribuées parmi différents professionnels. Le déve- plus en plus compétitif modifient par exemple la relation des acteurs
tèmes d’interaction plus ou moins temporaires et à des pratiques où les privés avec le produit final et introduisent de nouvelles sensibilités liées
acteur principal, l’entrepreneur en construction, à la constitution de sys- à la durabilité de l’investissement au sein de l’entreprise. Principale straté-
projet où toutes les compétences sont concentrées entre les mains d’un gie de différents promoteurs dans la gestion de concurrence, la différen-
qui fait tout » en est une des conséquences : on passe d’une pratique de ciation de l’offre se traduit par la recherche d’une mise en cohérence et
l’institutionnalisation du secteur. La décomposition de la figure de « l’acteur de complémentarité avec les autres projets. Cette stratégie est à l’origine
sionnels associatifs sont des évolutions qui témoignent, cette fois-ci, de d’une programmation urbaine complexe qui se met en place au fil des
stabilisation de systèmes d’acteurs et le développement de réseaux profes- projets. Le troisième de ces développements, c’est la montée en puissance
de BTP, l’émergence de nouveaux acteurs institutionnels spécialisés, la de l’expertise dans la définition du projet. L’intervention de différents
La pérennisation de l’activité immobilière au sein des grands groupes experts permet aux porteurs du projet de tenir compte de ce que la
sion, aux nouvelles considérations liées à la recherche de compromis. maximisation du profit ne se traduit plus par celle de la surface construite.
et financières, qui occupent une place centrale dans le processus de déci- Devenue un enjeu crucial pour la commercialisation de bureaux de stan-
ding, la sécurité suppose par exemple l’intégration de spécialistes dans les
équipes du projet (Kösebay, 2006). Leur contribution encadre d’une ma-
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 162 nière déterminante le processus de décision sans nécessairement remettre
en cause les enjeux économiques liés au projet. Intégrer de tels constats

en cause les enjeux économiques liés au projet. Intégrer de tels constats


nière déterminante le processus de décision sans nécessairement remettre 162 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
équipes du projet (Kösebay, 2006). Leur contribution encadre d’une ma-
ding, la sécurité suppose par exemple l’intégration de spécialistes dans les
Devenue un enjeu crucial pour la commercialisation de bureaux de stan- et financières, qui occupent une place centrale dans le processus de déci-
maximisation du profit ne se traduit plus par celle de la surface construite. sion, aux nouvelles considérations liées à la recherche de compromis.
experts permet aux porteurs du projet de tenir compte de ce que la La pérennisation de l’activité immobilière au sein des grands groupes
de l’expertise dans la définition du projet. L’intervention de différents de BTP, l’émergence de nouveaux acteurs institutionnels spécialisés, la
projets. Le troisième de ces développements, c’est la montée en puissance stabilisation de systèmes d’acteurs et le développement de réseaux profes-
d’une programmation urbaine complexe qui se met en place au fil des sionnels associatifs sont des évolutions qui témoignent, cette fois-ci, de
de complémentarité avec les autres projets. Cette stratégie est à l’origine l’institutionnalisation du secteur. La décomposition de la figure de « l’acteur
ciation de l’offre se traduit par la recherche d’une mise en cohérence et qui fait tout » en est une des conséquences : on passe d’une pratique de
gie de différents promoteurs dans la gestion de concurrence, la différen- projet où toutes les compétences sont concentrées entre les mains d’un
à la durabilité de l’investissement au sein de l’entreprise. Principale straté- acteur principal, l’entrepreneur en construction, à la constitution de sys-
privés avec le produit final et introduisent de nouvelles sensibilités liées tèmes d’interaction plus ou moins temporaires et à des pratiques où les
plus en plus compétitif modifient par exemple la relation des acteurs compétences sont distribuées parmi différents professionnels. Le déve-
demande centrée sur la qualité et l’établissement d’un marché locatif de loppement, la conception, la construction et la gestion commerciale de
relation entre l’offre et la demande (Kösebay, 2006). La croissance d’une biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs d’in-
de plus en plus transparents. Le deuxième, c’est la transformation de la tervention bien distincts entre les mains d’acteurs différents. L’émergence
la contractualisation des relations et l’adoption de processus d’interaction de filiales qui se spécialisent dans le développement, le financement et la
les montages institutionnels et financiers se complexifient. Cela nécessite gestion de biens immobiliers au sein de grands groupes de BTP est une
compose « l’acteur qui fait tout » et qu’émergent de nouveaux acteurs, autre manifestation de cette même évolution (Kazazo lu, 2009).
Pour le premier de ces développements, en même temps que se dé- Les évolutions au sein de l’industrie immobilière sont loin d’être ho-
sur la pratique du projet et le fonctionnement du marché immobilier. mogènes ; cette synthèse ne fait que résumer les grandes lignes d’un déve-
d’une série de développements qui ont des conséquences importantes loppement qui est saccadé et fragmenté. Elles sont néanmoins à l’origine
loppement qui est saccadé et fragmenté. Elles sont néanmoins à l’origine d’une série de développements qui ont des conséquences importantes
mogènes ; cette synthèse ne fait que résumer les grandes lignes d’un déve- sur la pratique du projet et le fonctionnement du marché immobilier.
Les évolutions au sein de l’industrie immobilière sont loin d’être ho- Pour le premier de ces développements, en même temps que se dé-
autre manifestation de cette même évolution (Kazazo lu, 2009). compose « l’acteur qui fait tout » et qu’émergent de nouveaux acteurs,
gestion de biens immobiliers au sein de grands groupes de BTP est une les montages institutionnels et financiers se complexifient. Cela nécessite
de filiales qui se spécialisent dans le développement, le financement et la la contractualisation des relations et l’adoption de processus d’interaction
tervention bien distincts entre les mains d’acteurs différents. L’émergence de plus en plus transparents. Le deuxième, c’est la transformation de la
biens immobiliers émergent dans ce contexte comme des champs d’in- relation entre l’offre et la demande (Kösebay, 2006). La croissance d’une
loppement, la conception, la construction et la gestion commerciale de demande centrée sur la qualité et l’établissement d’un marché locatif de
compétences sont distribuées parmi différents professionnels. Le déve- plus en plus compétitif modifient par exemple la relation des acteurs
tèmes d’interaction plus ou moins temporaires et à des pratiques où les privés avec le produit final et introduisent de nouvelles sensibilités liées
acteur principal, l’entrepreneur en construction, à la constitution de sys- à la durabilité de l’investissement au sein de l’entreprise. Principale straté-
projet où toutes les compétences sont concentrées entre les mains d’un gie de différents promoteurs dans la gestion de concurrence, la différen-
qui fait tout » en est une des conséquences : on passe d’une pratique de ciation de l’offre se traduit par la recherche d’une mise en cohérence et
l’institutionnalisation du secteur. La décomposition de la figure de « l’acteur de complémentarité avec les autres projets. Cette stratégie est à l’origine
sionnels associatifs sont des évolutions qui témoignent, cette fois-ci, de d’une programmation urbaine complexe qui se met en place au fil des
stabilisation de systèmes d’acteurs et le développement de réseaux profes- projets. Le troisième de ces développements, c’est la montée en puissance
de BTP, l’émergence de nouveaux acteurs institutionnels spécialisés, la de l’expertise dans la définition du projet. L’intervention de différents
La pérennisation de l’activité immobilière au sein des grands groupes experts permet aux porteurs du projet de tenir compte de ce que la
sion, aux nouvelles considérations liées à la recherche de compromis. maximisation du profit ne se traduit plus par celle de la surface construite.
et financières, qui occupent une place centrale dans le processus de déci- Devenue un enjeu crucial pour la commercialisation de bureaux de stan-
ding, la sécurité suppose par exemple l’intégration de spécialistes dans les
équipes du projet (Kösebay, 2006). Leur contribution encadre d’une ma-
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 162 nière déterminante le processus de décision sans nécessairement remettre
en cause les enjeux économiques liés au projet. Intégrer de tels constats
1980 et 2008.
ments d’arrondissement se succèdent dans le développement du nouveau centre entre 
Burcu Özdirlik 163 8. Neuf gouvernements centraux, six gouvernements métropolitains et vingt gouverne-

promeuvent auprès des acteurs privés et facilitent l’octroi de permis de


permet aux porteurs du projet d’entretenir avec le produit final des rap- acteurs publics au sujet du développement peuvent varier : certains le
ports nuancés. En l’absence de projet global, les stratégies et les comportements des
Ces évolutions qui introduisent de nouveaux dispositifs de régulation pement devient moins visible lorsqu’il atteint un certain degré de réalité.
sont endogènes à l’industrie et encadrent le fonctionnement de différents malisation est entamé. L’implication des acteurs publics dans le dévelop-
systèmes d’acteurs. Ces dispositifs témoignent notamment de la formalisa- décisions deviennent la règle à partir du moment où le processus de nor-
tion progressive de ce secteur d’activité. D’autres dispositifs sont issus des investissements. Les différents dispositifs développés pour légitimer les
relations que les acteurs de l’industrie immobilière tissent avec les autres décision singulier qui se superpose à d’autres décisions concernant d’autres
acteurs de la ville, notamment les acteurs publics et la société civile. ment le développement. Chaque investissement est issu d’un processus de
Pendant cette période, les élus promeuvent, facilitent ou bloquent active-
LES ACTEURS PUBLICS quis un caractère régulier et où le développement revêt un caractère flou.
pas entamé, où les décisions prises et les processus engagés n’ont pas ac-
À Istanbul, c’est le gouvernement métropolitain qui est responsable début du développement, moment où le processus de normalisation n’est
de la régulation urbaine, avec les différents gouvernements d’arrondis- leurs comportements8. L’implication des acteurs publics est plus visible au
sement sous tutelle, qui bénéficient d’une certaine autonomie ; le cadre publics qui interviennent dans le processus de décision et la divergence de
juridique permet l’annulation de cette juridiction en faveur de différents d’Istanbul. Le développement est marqué par la multiplicité des acteurs
organes du gouvernement central. Ce système à trois échelons fonctionne C’est le contexte d’action qui entoure le nouveau centre d’affaires
sans conflit apparent tant que la couleur politique des différentes compo- changeables, ce contexte conduit à la fragmentation de la sphère publique.
santes est la même. Il donne lieu à de vrais blocages quand ce n’est pas le tion. Le rôle des différents acteurs publics et les procédures devenant inter-
cas. Les ambiguïtés du cadre légal permettent par exemple aux gouver- insaisissable entre des acteurs différents, avec des glissements de juridic-
nements d’arrondissement de bloquer certaines stratégies et décisions du Le pouvoir de décision et de délibération est donc partagé d’une manière
gouvernement métropolitain. Le gouvernement central peut de la même manière annuler la décision de ce dernier (Çakılcıo lu & Deveci, 2002).
manière annuler la décision de ce dernier (Çakılcıo lu & Deveci, 2002). gouvernement métropolitain. Le gouvernement central peut de la même
Le pouvoir de décision et de délibération est donc partagé d’une manière nements d’arrondissement de bloquer certaines stratégies et décisions du
insaisissable entre des acteurs différents, avec des glissements de juridic- cas. Les ambiguïtés du cadre légal permettent par exemple aux gouver-
tion. Le rôle des différents acteurs publics et les procédures devenant inter- santes est la même. Il donne lieu à de vrais blocages quand ce n’est pas le
changeables, ce contexte conduit à la fragmentation de la sphère publique. sans conflit apparent tant que la couleur politique des différentes compo-
C’est le contexte d’action qui entoure le nouveau centre d’affaires organes du gouvernement central. Ce système à trois échelons fonctionne
d’Istanbul. Le développement est marqué par la multiplicité des acteurs juridique permet l’annulation de cette juridiction en faveur de différents
publics qui interviennent dans le processus de décision et la divergence de sement sous tutelle, qui bénéficient d’une certaine autonomie ; le cadre
leurs comportements8. L’implication des acteurs publics est plus visible au de la régulation urbaine, avec les différents gouvernements d’arrondis-
début du développement, moment où le processus de normalisation n’est À Istanbul, c’est le gouvernement métropolitain qui est responsable
pas entamé, où les décisions prises et les processus engagés n’ont pas ac-
quis un caractère régulier et où le développement revêt un caractère flou. LES ACTEURS PUBLICS
Pendant cette période, les élus promeuvent, facilitent ou bloquent active-
ment le développement. Chaque investissement est issu d’un processus de acteurs de la ville, notamment les acteurs publics et la société civile.
décision singulier qui se superpose à d’autres décisions concernant d’autres relations que les acteurs de l’industrie immobilière tissent avec les autres
investissements. Les différents dispositifs développés pour légitimer les tion progressive de ce secteur d’activité. D’autres dispositifs sont issus des
décisions deviennent la règle à partir du moment où le processus de nor- systèmes d’acteurs. Ces dispositifs témoignent notamment de la formalisa-
malisation est entamé. L’implication des acteurs publics dans le dévelop- sont endogènes à l’industrie et encadrent le fonctionnement de différents
pement devient moins visible lorsqu’il atteint un certain degré de réalité. Ces évolutions qui introduisent de nouveaux dispositifs de régulation
En l’absence de projet global, les stratégies et les comportements des ports nuancés.
acteurs publics au sujet du développement peuvent varier : certains le permet aux porteurs du projet d’entretenir avec le produit final des rap-
promeuvent auprès des acteurs privés et facilitent l’octroi de permis de
8. Neuf gouvernements centraux, six gouvernements métropolitains et vingt gouverne- 163 Burcu Özdirlik
ments d’arrondissement se succèdent dans le développement du nouveau centre entre 
1980 et 2008.

1980 et 2008.
ments d’arrondissement se succèdent dans le développement du nouveau centre entre 
Burcu Özdirlik 163 8. Neuf gouvernements centraux, six gouvernements métropolitains et vingt gouverne-

promeuvent auprès des acteurs privés et facilitent l’octroi de permis de


permet aux porteurs du projet d’entretenir avec le produit final des rap- acteurs publics au sujet du développement peuvent varier : certains le
ports nuancés. En l’absence de projet global, les stratégies et les comportements des
Ces évolutions qui introduisent de nouveaux dispositifs de régulation pement devient moins visible lorsqu’il atteint un certain degré de réalité.
sont endogènes à l’industrie et encadrent le fonctionnement de différents malisation est entamé. L’implication des acteurs publics dans le dévelop-
systèmes d’acteurs. Ces dispositifs témoignent notamment de la formalisa- décisions deviennent la règle à partir du moment où le processus de nor-
tion progressive de ce secteur d’activité. D’autres dispositifs sont issus des investissements. Les différents dispositifs développés pour légitimer les
relations que les acteurs de l’industrie immobilière tissent avec les autres décision singulier qui se superpose à d’autres décisions concernant d’autres
acteurs de la ville, notamment les acteurs publics et la société civile. ment le développement. Chaque investissement est issu d’un processus de
Pendant cette période, les élus promeuvent, facilitent ou bloquent active-
LES ACTEURS PUBLICS quis un caractère régulier et où le développement revêt un caractère flou.
pas entamé, où les décisions prises et les processus engagés n’ont pas ac-
À Istanbul, c’est le gouvernement métropolitain qui est responsable début du développement, moment où le processus de normalisation n’est
de la régulation urbaine, avec les différents gouvernements d’arrondis- leurs comportements8. L’implication des acteurs publics est plus visible au
sement sous tutelle, qui bénéficient d’une certaine autonomie ; le cadre publics qui interviennent dans le processus de décision et la divergence de
juridique permet l’annulation de cette juridiction en faveur de différents d’Istanbul. Le développement est marqué par la multiplicité des acteurs
organes du gouvernement central. Ce système à trois échelons fonctionne C’est le contexte d’action qui entoure le nouveau centre d’affaires
sans conflit apparent tant que la couleur politique des différentes compo- changeables, ce contexte conduit à la fragmentation de la sphère publique.
santes est la même. Il donne lieu à de vrais blocages quand ce n’est pas le tion. Le rôle des différents acteurs publics et les procédures devenant inter-
cas. Les ambiguïtés du cadre légal permettent par exemple aux gouver- insaisissable entre des acteurs différents, avec des glissements de juridic-
nements d’arrondissement de bloquer certaines stratégies et décisions du Le pouvoir de décision et de délibération est donc partagé d’une manière
gouvernement métropolitain. Le gouvernement central peut de la même manière annuler la décision de ce dernier (Çakılcıo lu & Deveci, 2002).
manière annuler la décision de ce dernier (Çakılcıo lu & Deveci, 2002). gouvernement métropolitain. Le gouvernement central peut de la même
Le pouvoir de décision et de délibération est donc partagé d’une manière nements d’arrondissement de bloquer certaines stratégies et décisions du
insaisissable entre des acteurs différents, avec des glissements de juridic- cas. Les ambiguïtés du cadre légal permettent par exemple aux gouver-
tion. Le rôle des différents acteurs publics et les procédures devenant inter- santes est la même. Il donne lieu à de vrais blocages quand ce n’est pas le
changeables, ce contexte conduit à la fragmentation de la sphère publique. sans conflit apparent tant que la couleur politique des différentes compo-
C’est le contexte d’action qui entoure le nouveau centre d’affaires organes du gouvernement central. Ce système à trois échelons fonctionne
d’Istanbul. Le développement est marqué par la multiplicité des acteurs juridique permet l’annulation de cette juridiction en faveur de différents
publics qui interviennent dans le processus de décision et la divergence de sement sous tutelle, qui bénéficient d’une certaine autonomie ; le cadre
leurs comportements8. L’implication des acteurs publics est plus visible au de la régulation urbaine, avec les différents gouvernements d’arrondis-
début du développement, moment où le processus de normalisation n’est À Istanbul, c’est le gouvernement métropolitain qui est responsable
pas entamé, où les décisions prises et les processus engagés n’ont pas ac-
quis un caractère régulier et où le développement revêt un caractère flou. LES ACTEURS PUBLICS
Pendant cette période, les élus promeuvent, facilitent ou bloquent active-
ment le développement. Chaque investissement est issu d’un processus de acteurs de la ville, notamment les acteurs publics et la société civile.
décision singulier qui se superpose à d’autres décisions concernant d’autres relations que les acteurs de l’industrie immobilière tissent avec les autres
investissements. Les différents dispositifs développés pour légitimer les tion progressive de ce secteur d’activité. D’autres dispositifs sont issus des
décisions deviennent la règle à partir du moment où le processus de nor- systèmes d’acteurs. Ces dispositifs témoignent notamment de la formalisa-
malisation est entamé. L’implication des acteurs publics dans le dévelop- sont endogènes à l’industrie et encadrent le fonctionnement de différents
pement devient moins visible lorsqu’il atteint un certain degré de réalité. Ces évolutions qui introduisent de nouveaux dispositifs de régulation
En l’absence de projet global, les stratégies et les comportements des ports nuancés.
acteurs publics au sujet du développement peuvent varier : certains le permet aux porteurs du projet d’entretenir avec le produit final des rap-
promeuvent auprès des acteurs privés et facilitent l’octroi de permis de
8. Neuf gouvernements centraux, six gouvernements métropolitains et vingt gouverne- 163 Burcu Özdirlik
ments d’arrondissement se succèdent dans le développement du nouveau centre entre 
1980 et 2008.
droits plus étendus que ceux prévus par le gouvernement métropolitain.
vernement central pour intervenir par exemple à l’échelle urbaine, et pour accorder des
9. La loi no 2634 relative à la promotion du tourisme (1982) est mobilisée par le gou- 164 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul

bain, ne représente que la façade des mécanismes à l’œuvre. Les relations


théorie à la volonté de contrôler et de rationaliser le développement ur- construire, d’autres y sont défavorables et essaient de le paralyser, selon la
Le système de planification, structure formelle qui correspond en couleur politique des élus et leurs rapports avec le privé. Les gouverne-
ment du centre d’affaires. ments locaux libéraux encouragent l’implication des acteurs privés dans
autres la constitution d’une opinion publique défavorable au développe- le développement urbain, y compris le développement du nouveau cen-
d’État, en faveur du gouvernement métropolitain, ce qui permet entre tre. Ceux de gauche restent attachés à l’idéal de l’État-providence et de
leurs ordres professionnels. Cette confrontation est résolue par le Conseil l’intérêt général, et, au moins dans leur discours, ils se montrent mé-
de professionnels composé d’architectes et d’urbanistes en conflit avec fiants à l’égard du grand capital. L’association entre le développement du
lui les investisseurs privés, les services techniques de l’État et un groupe centre d’affaires, le grand capital et la rente urbaine fait du premier un
créer un véritable groupe de pression. Le gouvernement central a pour terrain de confrontation pour la gauche qui essaie de l’empêcher. Quant
manière coordonnée auprès des médias et des instances juridiques pour aux gouvernements centraux, tous restent proches du grand capital et
organisations non gouvernementales et les universités : tous agissent de n’interviennent que pour débloquer certains projets9. La relation entre
logie de gauche comme l’Ordre des architectes, celui des urbanistes, les les différents gouvernements à l’échelle nationale et locale joue un rôle
camp, le gouvernement métropolitain, qui côtoie les institutions d’idéo- important dans ce contexte où le développement peut être soutenu ou
publique, la société civile et les investisseurs privés. Dans le premier bloqué selon des contextes politiques.
central et aboutit à la constitution de nouvelles coalitions entre la sphère La convergence des stratégies du gouvernement métropolitain et du
diatisée, qui oppose le gouvernement métropolitain au gouvernement gouvernement central entre 1984 et 1989 est pour la première fois fa-
cédent et bloque le développement. D’où une confrontation très mé- vorable au développement du centre. Le premier constitue des partena-
certains plans approuvés et permis de construire accordés par le pré- riats avec les investisseurs privés pour financer certains investissements en
difie ce contexte favorable en 1989. Ce nouveau gouvernement annule collaboration avec le second. L’octroi de droits de construction étendus,
métropolitain d’une équipe de gauche qui se positionne contre lui mo- l’attribution d’aides financières, l’incitation des acteurs économiques à
pour faciliter le développement du centre. L’élection au gouvernement développer de nouveaux projets sont les autres moyens qu’ils mobilisent
développer de nouveaux projets sont les autres moyens qu’ils mobilisent pour faciliter le développement du centre. L’élection au gouvernement
l’attribution d’aides financières, l’incitation des acteurs économiques à métropolitain d’une équipe de gauche qui se positionne contre lui mo-
collaboration avec le second. L’octroi de droits de construction étendus, difie ce contexte favorable en 1989. Ce nouveau gouvernement annule
riats avec les investisseurs privés pour financer certains investissements en certains plans approuvés et permis de construire accordés par le pré-
vorable au développement du centre. Le premier constitue des partena- cédent et bloque le développement. D’où une confrontation très mé-
gouvernement central entre 1984 et 1989 est pour la première fois fa- diatisée, qui oppose le gouvernement métropolitain au gouvernement
La convergence des stratégies du gouvernement métropolitain et du central et aboutit à la constitution de nouvelles coalitions entre la sphère
bloqué selon des contextes politiques. publique, la société civile et les investisseurs privés. Dans le premier
important dans ce contexte où le développement peut être soutenu ou camp, le gouvernement métropolitain, qui côtoie les institutions d’idéo-
les différents gouvernements à l’échelle nationale et locale joue un rôle logie de gauche comme l’Ordre des architectes, celui des urbanistes, les
n’interviennent que pour débloquer certains projets9. La relation entre organisations non gouvernementales et les universités : tous agissent de
aux gouvernements centraux, tous restent proches du grand capital et manière coordonnée auprès des médias et des instances juridiques pour
terrain de confrontation pour la gauche qui essaie de l’empêcher. Quant créer un véritable groupe de pression. Le gouvernement central a pour
centre d’affaires, le grand capital et la rente urbaine fait du premier un lui les investisseurs privés, les services techniques de l’État et un groupe
fiants à l’égard du grand capital. L’association entre le développement du de professionnels composé d’architectes et d’urbanistes en conflit avec
l’intérêt général, et, au moins dans leur discours, ils se montrent mé- leurs ordres professionnels. Cette confrontation est résolue par le Conseil
tre. Ceux de gauche restent attachés à l’idéal de l’État-providence et de d’État, en faveur du gouvernement métropolitain, ce qui permet entre
le développement urbain, y compris le développement du nouveau cen- autres la constitution d’une opinion publique défavorable au développe-
ments locaux libéraux encouragent l’implication des acteurs privés dans ment du centre d’affaires.
couleur politique des élus et leurs rapports avec le privé. Les gouverne- Le système de planification, structure formelle qui correspond en
construire, d’autres y sont défavorables et essaient de le paralyser, selon la théorie à la volonté de contrôler et de rationaliser le développement ur-
bain, ne représente que la façade des mécanismes à l’œuvre. Les relations
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 164 9. La loi no 2634 relative à la promotion du tourisme (1982) est mobilisée par le gou-
vernement central pour intervenir par exemple à l’échelle urbaine, et pour accorder des
droits plus étendus que ceux prévus par le gouvernement métropolitain.

droits plus étendus que ceux prévus par le gouvernement métropolitain.


vernement central pour intervenir par exemple à l’échelle urbaine, et pour accorder des
9. La loi no 2634 relative à la promotion du tourisme (1982) est mobilisée par le gou- 164 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul

bain, ne représente que la façade des mécanismes à l’œuvre. Les relations


théorie à la volonté de contrôler et de rationaliser le développement ur- construire, d’autres y sont défavorables et essaient de le paralyser, selon la
Le système de planification, structure formelle qui correspond en couleur politique des élus et leurs rapports avec le privé. Les gouverne-
ment du centre d’affaires. ments locaux libéraux encouragent l’implication des acteurs privés dans
autres la constitution d’une opinion publique défavorable au développe- le développement urbain, y compris le développement du nouveau cen-
d’État, en faveur du gouvernement métropolitain, ce qui permet entre tre. Ceux de gauche restent attachés à l’idéal de l’État-providence et de
leurs ordres professionnels. Cette confrontation est résolue par le Conseil l’intérêt général, et, au moins dans leur discours, ils se montrent mé-
de professionnels composé d’architectes et d’urbanistes en conflit avec fiants à l’égard du grand capital. L’association entre le développement du
lui les investisseurs privés, les services techniques de l’État et un groupe centre d’affaires, le grand capital et la rente urbaine fait du premier un
créer un véritable groupe de pression. Le gouvernement central a pour terrain de confrontation pour la gauche qui essaie de l’empêcher. Quant
manière coordonnée auprès des médias et des instances juridiques pour aux gouvernements centraux, tous restent proches du grand capital et
organisations non gouvernementales et les universités : tous agissent de n’interviennent que pour débloquer certains projets9. La relation entre
logie de gauche comme l’Ordre des architectes, celui des urbanistes, les les différents gouvernements à l’échelle nationale et locale joue un rôle
camp, le gouvernement métropolitain, qui côtoie les institutions d’idéo- important dans ce contexte où le développement peut être soutenu ou
publique, la société civile et les investisseurs privés. Dans le premier bloqué selon des contextes politiques.
central et aboutit à la constitution de nouvelles coalitions entre la sphère La convergence des stratégies du gouvernement métropolitain et du
diatisée, qui oppose le gouvernement métropolitain au gouvernement gouvernement central entre 1984 et 1989 est pour la première fois fa-
cédent et bloque le développement. D’où une confrontation très mé- vorable au développement du centre. Le premier constitue des partena-
certains plans approuvés et permis de construire accordés par le pré- riats avec les investisseurs privés pour financer certains investissements en
difie ce contexte favorable en 1989. Ce nouveau gouvernement annule collaboration avec le second. L’octroi de droits de construction étendus,
métropolitain d’une équipe de gauche qui se positionne contre lui mo- l’attribution d’aides financières, l’incitation des acteurs économiques à
pour faciliter le développement du centre. L’élection au gouvernement développer de nouveaux projets sont les autres moyens qu’ils mobilisent
développer de nouveaux projets sont les autres moyens qu’ils mobilisent pour faciliter le développement du centre. L’élection au gouvernement
l’attribution d’aides financières, l’incitation des acteurs économiques à métropolitain d’une équipe de gauche qui se positionne contre lui mo-
collaboration avec le second. L’octroi de droits de construction étendus, difie ce contexte favorable en 1989. Ce nouveau gouvernement annule
riats avec les investisseurs privés pour financer certains investissements en certains plans approuvés et permis de construire accordés par le pré-
vorable au développement du centre. Le premier constitue des partena- cédent et bloque le développement. D’où une confrontation très mé-
gouvernement central entre 1984 et 1989 est pour la première fois fa- diatisée, qui oppose le gouvernement métropolitain au gouvernement
La convergence des stratégies du gouvernement métropolitain et du central et aboutit à la constitution de nouvelles coalitions entre la sphère
bloqué selon des contextes politiques. publique, la société civile et les investisseurs privés. Dans le premier
important dans ce contexte où le développement peut être soutenu ou camp, le gouvernement métropolitain, qui côtoie les institutions d’idéo-
les différents gouvernements à l’échelle nationale et locale joue un rôle logie de gauche comme l’Ordre des architectes, celui des urbanistes, les
n’interviennent que pour débloquer certains projets9. La relation entre organisations non gouvernementales et les universités : tous agissent de
aux gouvernements centraux, tous restent proches du grand capital et manière coordonnée auprès des médias et des instances juridiques pour
terrain de confrontation pour la gauche qui essaie de l’empêcher. Quant créer un véritable groupe de pression. Le gouvernement central a pour
centre d’affaires, le grand capital et la rente urbaine fait du premier un lui les investisseurs privés, les services techniques de l’État et un groupe
fiants à l’égard du grand capital. L’association entre le développement du de professionnels composé d’architectes et d’urbanistes en conflit avec
l’intérêt général, et, au moins dans leur discours, ils se montrent mé- leurs ordres professionnels. Cette confrontation est résolue par le Conseil
tre. Ceux de gauche restent attachés à l’idéal de l’État-providence et de d’État, en faveur du gouvernement métropolitain, ce qui permet entre
le développement urbain, y compris le développement du nouveau cen- autres la constitution d’une opinion publique défavorable au développe-
ments locaux libéraux encouragent l’implication des acteurs privés dans ment du centre d’affaires.
couleur politique des élus et leurs rapports avec le privé. Les gouverne- Le système de planification, structure formelle qui correspond en
construire, d’autres y sont défavorables et essaient de le paralyser, selon la théorie à la volonté de contrôler et de rationaliser le développement ur-
bain, ne représente que la façade des mécanismes à l’œuvre. Les relations
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 164 9. La loi no 2634 relative à la promotion du tourisme (1982) est mobilisée par le gou-
vernement central pour intervenir par exemple à l’échelle urbaine, et pour accorder des
droits plus étendus que ceux prévus par le gouvernement métropolitain.
tout acte spéculatif lié au sol urbain (Diren, 2006).
qualifié de technique, malgré le pouvoir de décision qu’il détenait, et ceci pour limiter
Burcu Özdirlik 165 planification dans les années 1960 et 1970. L’élu était complètement exclu d’un processus
techniciens et les bureaucrates dans la constitution et le fonctionnement du système de
11. Cet état de fait devrait être compris en relation avec le rôle dominant qu’ont joué les
complémentaires ou conflictuelles entre les différents gouvernements équipements renforce la position des acteurs publics qui en profitent sur le plan politique.
conditionnent le rapport de la sphère publique au développement du
pements à usage public comme les écoles, les salles de sport. Le développement de ces
10. Il s’agit par exemple du financement ou de la réalisation, par les acteurs privés, d’équi-
centre. Mais les élus sont aussi influencés par des enjeux qui leur sont
propres. Tout rapprochement entre les acteurs publics et privés se fait sur municipaux exercent peu d’influence sur les politiques et sont en général
la base d’intérêts réciproques. Le politique ne se laisse manipuler dans ce contradictoires, selon leur secteur d’activité. Les techniciens des services
rapprochement que s’il en profite sur le plan politique ou économique du nouveau centre d’affaires d’Istanbul prend différentes formes, parfois
(Sezer, 2007)10. Aussi n’hésite-t-il pas à empêcher des investissements qu’il La contribution des professionnels de l’urbanisme au développement
estime contre son intérêt. Le système juridique régularise les décisions
issues des stratégies, des comportements et des interactions des acteurs LES PROFESSIONNELS DE L’URBANISME OU LA SOCIÉTÉ CIVILE
publics et privés. Ces pratiques forment une « seconde réalité parallèle »
(Friedberg, 1993, p. 143), une deuxième structure informelle qui s’ac- contexte d’action.
croche à la première et l’utilise comme ressource dans les transactions et associations professionnelles auprès des acteurs publics et influencent ce
les négociations entre le politique et les acteurs privés. L’octroi de permis tres formes « horizontales », qui résultent de l’intervention de différentes
de construire constitue le moment clé de ces interactions. Ces différentes formes « verticales » de régulation cohabitent avec d’au-
L’absence de règles clairement établies encadrant le processus de déci- signes précises sur le développement du nouveau centre (Öktem, 2003).
sion concentre le pouvoir de décision entre les mains du politique et premiers pour que soit mis en place un cadre juridique donnant des con-
élargit son influence auprès des investisseurs privés11. La régulation tech- au pouvoir auprès des instances juridiques, de même que l’insistance des
nique, assurée par les services techniques, selon le cadre légal, est rempla- de contestations déposées par les acteurs privés contre les gouvernements
cée par une régulation politique qui s’exerce au cas par cas, à l’échelle de acteurs privés dépendants du politique. En témoigne le nombre croissant
la parcelle. Le degré d’implication de la technique dépend de la sensibilité fication. Ce cadre de décision peu prévisible et subjectif rend en effet les
du politique sur la question et concerne souvent la prise en charge des processus administratifs nécessaires à la dérégulation du système de plani-
processus administratifs nécessaires à la dérégulation du système de plani- du politique sur la question et concerne souvent la prise en charge des
fication. Ce cadre de décision peu prévisible et subjectif rend en effet les la parcelle. Le degré d’implication de la technique dépend de la sensibilité
acteurs privés dépendants du politique. En témoigne le nombre croissant cée par une régulation politique qui s’exerce au cas par cas, à l’échelle de
de contestations déposées par les acteurs privés contre les gouvernements nique, assurée par les services techniques, selon le cadre légal, est rempla-
au pouvoir auprès des instances juridiques, de même que l’insistance des élargit son influence auprès des investisseurs privés11. La régulation tech-
premiers pour que soit mis en place un cadre juridique donnant des con- sion concentre le pouvoir de décision entre les mains du politique et
signes précises sur le développement du nouveau centre (Öktem, 2003). L’absence de règles clairement établies encadrant le processus de déci-
Ces différentes formes « verticales » de régulation cohabitent avec d’au- de construire constitue le moment clé de ces interactions.
tres formes « horizontales », qui résultent de l’intervention de différentes les négociations entre le politique et les acteurs privés. L’octroi de permis
associations professionnelles auprès des acteurs publics et influencent ce croche à la première et l’utilise comme ressource dans les transactions et
contexte d’action. (Friedberg, 1993, p. 143), une deuxième structure informelle qui s’ac-
publics et privés. Ces pratiques forment une « seconde réalité parallèle »
LES PROFESSIONNELS DE L’URBANISME OU LA SOCIÉTÉ CIVILE issues des stratégies, des comportements et des interactions des acteurs
estime contre son intérêt. Le système juridique régularise les décisions
La contribution des professionnels de l’urbanisme au développement (Sezer, 2007)10. Aussi n’hésite-t-il pas à empêcher des investissements qu’il
du nouveau centre d’affaires d’Istanbul prend différentes formes, parfois rapprochement que s’il en profite sur le plan politique ou économique
contradictoires, selon leur secteur d’activité. Les techniciens des services la base d’intérêts réciproques. Le politique ne se laisse manipuler dans ce
municipaux exercent peu d’influence sur les politiques et sont en général propres. Tout rapprochement entre les acteurs publics et privés se fait sur
centre. Mais les élus sont aussi influencés par des enjeux qui leur sont
10. Il s’agit par exemple du financement ou de la réalisation, par les acteurs privés, d’équi- conditionnent le rapport de la sphère publique au développement du
pements à usage public comme les écoles, les salles de sport. Le développement de ces
équipements renforce la position des acteurs publics qui en profitent sur le plan politique.
complémentaires ou conflictuelles entre les différents gouvernements
11. Cet état de fait devrait être compris en relation avec le rôle dominant qu’ont joué les
techniciens et les bureaucrates dans la constitution et le fonctionnement du système de
planification dans les années 1960 et 1970. L’élu était complètement exclu d’un processus 165 Burcu Özdirlik
qualifié de technique, malgré le pouvoir de décision qu’il détenait, et ceci pour limiter
tout acte spéculatif lié au sol urbain (Diren, 2006).

tout acte spéculatif lié au sol urbain (Diren, 2006).


qualifié de technique, malgré le pouvoir de décision qu’il détenait, et ceci pour limiter
Burcu Özdirlik 165 planification dans les années 1960 et 1970. L’élu était complètement exclu d’un processus
techniciens et les bureaucrates dans la constitution et le fonctionnement du système de
11. Cet état de fait devrait être compris en relation avec le rôle dominant qu’ont joué les
complémentaires ou conflictuelles entre les différents gouvernements équipements renforce la position des acteurs publics qui en profitent sur le plan politique.
conditionnent le rapport de la sphère publique au développement du
pements à usage public comme les écoles, les salles de sport. Le développement de ces
10. Il s’agit par exemple du financement ou de la réalisation, par les acteurs privés, d’équi-
centre. Mais les élus sont aussi influencés par des enjeux qui leur sont
propres. Tout rapprochement entre les acteurs publics et privés se fait sur municipaux exercent peu d’influence sur les politiques et sont en général
la base d’intérêts réciproques. Le politique ne se laisse manipuler dans ce contradictoires, selon leur secteur d’activité. Les techniciens des services
rapprochement que s’il en profite sur le plan politique ou économique du nouveau centre d’affaires d’Istanbul prend différentes formes, parfois
(Sezer, 2007)10. Aussi n’hésite-t-il pas à empêcher des investissements qu’il La contribution des professionnels de l’urbanisme au développement
estime contre son intérêt. Le système juridique régularise les décisions
issues des stratégies, des comportements et des interactions des acteurs LES PROFESSIONNELS DE L’URBANISME OU LA SOCIÉTÉ CIVILE
publics et privés. Ces pratiques forment une « seconde réalité parallèle »
(Friedberg, 1993, p. 143), une deuxième structure informelle qui s’ac- contexte d’action.
croche à la première et l’utilise comme ressource dans les transactions et associations professionnelles auprès des acteurs publics et influencent ce
les négociations entre le politique et les acteurs privés. L’octroi de permis tres formes « horizontales », qui résultent de l’intervention de différentes
de construire constitue le moment clé de ces interactions. Ces différentes formes « verticales » de régulation cohabitent avec d’au-
L’absence de règles clairement établies encadrant le processus de déci- signes précises sur le développement du nouveau centre (Öktem, 2003).
sion concentre le pouvoir de décision entre les mains du politique et premiers pour que soit mis en place un cadre juridique donnant des con-
élargit son influence auprès des investisseurs privés11. La régulation tech- au pouvoir auprès des instances juridiques, de même que l’insistance des
nique, assurée par les services techniques, selon le cadre légal, est rempla- de contestations déposées par les acteurs privés contre les gouvernements
cée par une régulation politique qui s’exerce au cas par cas, à l’échelle de acteurs privés dépendants du politique. En témoigne le nombre croissant
la parcelle. Le degré d’implication de la technique dépend de la sensibilité fication. Ce cadre de décision peu prévisible et subjectif rend en effet les
du politique sur la question et concerne souvent la prise en charge des processus administratifs nécessaires à la dérégulation du système de plani-
processus administratifs nécessaires à la dérégulation du système de plani- du politique sur la question et concerne souvent la prise en charge des
fication. Ce cadre de décision peu prévisible et subjectif rend en effet les la parcelle. Le degré d’implication de la technique dépend de la sensibilité
acteurs privés dépendants du politique. En témoigne le nombre croissant cée par une régulation politique qui s’exerce au cas par cas, à l’échelle de
de contestations déposées par les acteurs privés contre les gouvernements nique, assurée par les services techniques, selon le cadre légal, est rempla-
au pouvoir auprès des instances juridiques, de même que l’insistance des élargit son influence auprès des investisseurs privés11. La régulation tech-
premiers pour que soit mis en place un cadre juridique donnant des con- sion concentre le pouvoir de décision entre les mains du politique et
signes précises sur le développement du nouveau centre (Öktem, 2003). L’absence de règles clairement établies encadrant le processus de déci-
Ces différentes formes « verticales » de régulation cohabitent avec d’au- de construire constitue le moment clé de ces interactions.
tres formes « horizontales », qui résultent de l’intervention de différentes les négociations entre le politique et les acteurs privés. L’octroi de permis
associations professionnelles auprès des acteurs publics et influencent ce croche à la première et l’utilise comme ressource dans les transactions et
contexte d’action. (Friedberg, 1993, p. 143), une deuxième structure informelle qui s’ac-
publics et privés. Ces pratiques forment une « seconde réalité parallèle »
LES PROFESSIONNELS DE L’URBANISME OU LA SOCIÉTÉ CIVILE issues des stratégies, des comportements et des interactions des acteurs
estime contre son intérêt. Le système juridique régularise les décisions
La contribution des professionnels de l’urbanisme au développement (Sezer, 2007)10. Aussi n’hésite-t-il pas à empêcher des investissements qu’il
du nouveau centre d’affaires d’Istanbul prend différentes formes, parfois rapprochement que s’il en profite sur le plan politique ou économique
contradictoires, selon leur secteur d’activité. Les techniciens des services la base d’intérêts réciproques. Le politique ne se laisse manipuler dans ce
municipaux exercent peu d’influence sur les politiques et sont en général propres. Tout rapprochement entre les acteurs publics et privés se fait sur
centre. Mais les élus sont aussi influencés par des enjeux qui leur sont
10. Il s’agit par exemple du financement ou de la réalisation, par les acteurs privés, d’équi- conditionnent le rapport de la sphère publique au développement du
pements à usage public comme les écoles, les salles de sport. Le développement de ces
équipements renforce la position des acteurs publics qui en profitent sur le plan politique.
complémentaires ou conflictuelles entre les différents gouvernements
11. Cet état de fait devrait être compris en relation avec le rôle dominant qu’ont joué les
techniciens et les bureaucrates dans la constitution et le fonctionnement du système de
planification dans les années 1960 et 1970. L’élu était complètement exclu d’un processus 165 Burcu Özdirlik
qualifié de technique, malgré le pouvoir de décision qu’il détenait, et ceci pour limiter
tout acte spéculatif lié au sol urbain (Diren, 2006).
cation sur les démarches entreprises par le gouvernement métropolitain
tion. L’Ordre monte par exemple une série de campagnes de communi- 166 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
dans ce contexte un dispositif de résistance amplement mis à contribu-
et la dérégulation du système de planification. Les médias deviennent
privatisation des terrains publics, les droits exceptionnels de construction mobilisés pour mettre en œuvre les décisions issues des négociations
qu’entretiennent les acteurs publics et les investisseurs privés, contre la entre acteurs publics et acteurs privés. Les universitaires, eux, sont souvent
par les différents gouvernements, contre les relations « clientélistes » instrumentalisés pour légitimer des décisions politiques et n’ont guère
ciations. Il prend position contre les politiques libérales mises en œuvre d’impact sur le développement du centre. En tant que techniciens, les
manifestations avec les organisations non gouvernementales et les asso- architectes et les urbanistes libéraux semblent avoir davantage d’influence
autant que les médias pour sensibiliser la société civile et organise des sur le processus de décision, même si cette influence est contestée par
thématiques spécifiques sur la ville. Il utilise les réseaux professionnels d’autres professionnels de l’urbanisme et qualifiée de peu éthique. Pour
et centraux ; il constitue des commissions dédiées à des projets et à des aller vite, ces derniers exercent essentiellement leur influence à travers
près le développement urbain et la démarche des gouvernements locaux l’intervention d’organisations professionnelles qui font partie des acteurs
L’Ordre des architectes est très actif sur la scène urbaine. Il suit de puissants de la scène d’action. Ces organisations, de gauche, se révèlent
la ville et se bat contre « les crimes contre la ville ». des défenseurs des dispositifs formels de régulation. Elles sont souvent
de se présenter, à partir des années 1990, comme l’instance qui veille sur dotées d’équipes militantes et entretiennent des relations conflictuelles
pectivement en 1986 et en 1992, ce qui renforce son assise et lui permet avec les gouvernements de droite, locaux et nationaux. C’est pourquoi
grande hauteur, Parkotel. Les deux procès sont gagnés par l’Ordre, res- nous préférons les qualifier d’acteurs de la société civile.
tropolitain, et sur l’octroi du permis de construire pour un bâtiment de À Istanbul, la place de l’Ordre des architectes et de ses représentants
démolition d’un quartier historique, Tarlabaşı, par le gouvernement mé- parmi ces organisations est singulière. Personne morale de droit public,
décisions politiques. Les premières « batailles juridiques » portent sur la l’Ordre est créé en 1954 avec l’objectif d’organiser le métier d’architecte,
s’appuie toujours sur les instances juridiques pour contester certaines d’administrer l’accès au métier, de définir les règles de conduite et les codes
organisations non gouvernementales et les associations d’habitants, et il éthiques. Le développement urbain et sa régulation tiennent une place
relations avec les autres Ordres professionnels, avec les universitaires, les importante dans les réflexions, dès 1963 ; le premier recours aux instances
2004). Les années 1980 sont celles d’un tournant : l’Ordre développe ses juridiques pour contester les autorités publiques a lieu en 1964 (Uysal,
juridiques pour contester les autorités publiques a lieu en 1964 (Uysal, 2004). Les années 1980 sont celles d’un tournant : l’Ordre développe ses
importante dans les réflexions, dès 1963 ; le premier recours aux instances relations avec les autres Ordres professionnels, avec les universitaires, les
éthiques. Le développement urbain et sa régulation tiennent une place organisations non gouvernementales et les associations d’habitants, et il
d’administrer l’accès au métier, de définir les règles de conduite et les codes s’appuie toujours sur les instances juridiques pour contester certaines
l’Ordre est créé en 1954 avec l’objectif d’organiser le métier d’architecte, décisions politiques. Les premières « batailles juridiques » portent sur la
parmi ces organisations est singulière. Personne morale de droit public, démolition d’un quartier historique, Tarlabaşı, par le gouvernement mé-
À Istanbul, la place de l’Ordre des architectes et de ses représentants tropolitain, et sur l’octroi du permis de construire pour un bâtiment de
nous préférons les qualifier d’acteurs de la société civile. grande hauteur, Parkotel. Les deux procès sont gagnés par l’Ordre, res-
avec les gouvernements de droite, locaux et nationaux. C’est pourquoi pectivement en 1986 et en 1992, ce qui renforce son assise et lui permet
dotées d’équipes militantes et entretiennent des relations conflictuelles de se présenter, à partir des années 1990, comme l’instance qui veille sur
des défenseurs des dispositifs formels de régulation. Elles sont souvent la ville et se bat contre « les crimes contre la ville ».
puissants de la scène d’action. Ces organisations, de gauche, se révèlent L’Ordre des architectes est très actif sur la scène urbaine. Il suit de
l’intervention d’organisations professionnelles qui font partie des acteurs près le développement urbain et la démarche des gouvernements locaux
aller vite, ces derniers exercent essentiellement leur influence à travers et centraux ; il constitue des commissions dédiées à des projets et à des
d’autres professionnels de l’urbanisme et qualifiée de peu éthique. Pour thématiques spécifiques sur la ville. Il utilise les réseaux professionnels
sur le processus de décision, même si cette influence est contestée par autant que les médias pour sensibiliser la société civile et organise des
architectes et les urbanistes libéraux semblent avoir davantage d’influence manifestations avec les organisations non gouvernementales et les asso-
d’impact sur le développement du centre. En tant que techniciens, les ciations. Il prend position contre les politiques libérales mises en œuvre
instrumentalisés pour légitimer des décisions politiques et n’ont guère par les différents gouvernements, contre les relations « clientélistes »
entre acteurs publics et acteurs privés. Les universitaires, eux, sont souvent qu’entretiennent les acteurs publics et les investisseurs privés, contre la
mobilisés pour mettre en œuvre les décisions issues des négociations privatisation des terrains publics, les droits exceptionnels de construction
et la dérégulation du système de planification. Les médias deviennent
dans ce contexte un dispositif de résistance amplement mis à contribu-
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 166 tion. L’Ordre monte par exemple une série de campagnes de communi-
cation sur les démarches entreprises par le gouvernement métropolitain

cation sur les démarches entreprises par le gouvernement métropolitain


tion. L’Ordre monte par exemple une série de campagnes de communi- 166 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
dans ce contexte un dispositif de résistance amplement mis à contribu-
et la dérégulation du système de planification. Les médias deviennent
privatisation des terrains publics, les droits exceptionnels de construction mobilisés pour mettre en œuvre les décisions issues des négociations
qu’entretiennent les acteurs publics et les investisseurs privés, contre la entre acteurs publics et acteurs privés. Les universitaires, eux, sont souvent
par les différents gouvernements, contre les relations « clientélistes » instrumentalisés pour légitimer des décisions politiques et n’ont guère
ciations. Il prend position contre les politiques libérales mises en œuvre d’impact sur le développement du centre. En tant que techniciens, les
manifestations avec les organisations non gouvernementales et les asso- architectes et les urbanistes libéraux semblent avoir davantage d’influence
autant que les médias pour sensibiliser la société civile et organise des sur le processus de décision, même si cette influence est contestée par
thématiques spécifiques sur la ville. Il utilise les réseaux professionnels d’autres professionnels de l’urbanisme et qualifiée de peu éthique. Pour
et centraux ; il constitue des commissions dédiées à des projets et à des aller vite, ces derniers exercent essentiellement leur influence à travers
près le développement urbain et la démarche des gouvernements locaux l’intervention d’organisations professionnelles qui font partie des acteurs
L’Ordre des architectes est très actif sur la scène urbaine. Il suit de puissants de la scène d’action. Ces organisations, de gauche, se révèlent
la ville et se bat contre « les crimes contre la ville ». des défenseurs des dispositifs formels de régulation. Elles sont souvent
de se présenter, à partir des années 1990, comme l’instance qui veille sur dotées d’équipes militantes et entretiennent des relations conflictuelles
pectivement en 1986 et en 1992, ce qui renforce son assise et lui permet avec les gouvernements de droite, locaux et nationaux. C’est pourquoi
grande hauteur, Parkotel. Les deux procès sont gagnés par l’Ordre, res- nous préférons les qualifier d’acteurs de la société civile.
tropolitain, et sur l’octroi du permis de construire pour un bâtiment de À Istanbul, la place de l’Ordre des architectes et de ses représentants
démolition d’un quartier historique, Tarlabaşı, par le gouvernement mé- parmi ces organisations est singulière. Personne morale de droit public,
décisions politiques. Les premières « batailles juridiques » portent sur la l’Ordre est créé en 1954 avec l’objectif d’organiser le métier d’architecte,
s’appuie toujours sur les instances juridiques pour contester certaines d’administrer l’accès au métier, de définir les règles de conduite et les codes
organisations non gouvernementales et les associations d’habitants, et il éthiques. Le développement urbain et sa régulation tiennent une place
relations avec les autres Ordres professionnels, avec les universitaires, les importante dans les réflexions, dès 1963 ; le premier recours aux instances
2004). Les années 1980 sont celles d’un tournant : l’Ordre développe ses juridiques pour contester les autorités publiques a lieu en 1964 (Uysal,
juridiques pour contester les autorités publiques a lieu en 1964 (Uysal, 2004). Les années 1980 sont celles d’un tournant : l’Ordre développe ses
importante dans les réflexions, dès 1963 ; le premier recours aux instances relations avec les autres Ordres professionnels, avec les universitaires, les
éthiques. Le développement urbain et sa régulation tiennent une place organisations non gouvernementales et les associations d’habitants, et il
d’administrer l’accès au métier, de définir les règles de conduite et les codes s’appuie toujours sur les instances juridiques pour contester certaines
l’Ordre est créé en 1954 avec l’objectif d’organiser le métier d’architecte, décisions politiques. Les premières « batailles juridiques » portent sur la
parmi ces organisations est singulière. Personne morale de droit public, démolition d’un quartier historique, Tarlabaşı, par le gouvernement mé-
À Istanbul, la place de l’Ordre des architectes et de ses représentants tropolitain, et sur l’octroi du permis de construire pour un bâtiment de
nous préférons les qualifier d’acteurs de la société civile. grande hauteur, Parkotel. Les deux procès sont gagnés par l’Ordre, res-
avec les gouvernements de droite, locaux et nationaux. C’est pourquoi pectivement en 1986 et en 1992, ce qui renforce son assise et lui permet
dotées d’équipes militantes et entretiennent des relations conflictuelles de se présenter, à partir des années 1990, comme l’instance qui veille sur
des défenseurs des dispositifs formels de régulation. Elles sont souvent la ville et se bat contre « les crimes contre la ville ».
puissants de la scène d’action. Ces organisations, de gauche, se révèlent L’Ordre des architectes est très actif sur la scène urbaine. Il suit de
l’intervention d’organisations professionnelles qui font partie des acteurs près le développement urbain et la démarche des gouvernements locaux
aller vite, ces derniers exercent essentiellement leur influence à travers et centraux ; il constitue des commissions dédiées à des projets et à des
d’autres professionnels de l’urbanisme et qualifiée de peu éthique. Pour thématiques spécifiques sur la ville. Il utilise les réseaux professionnels
sur le processus de décision, même si cette influence est contestée par autant que les médias pour sensibiliser la société civile et organise des
architectes et les urbanistes libéraux semblent avoir davantage d’influence manifestations avec les organisations non gouvernementales et les asso-
d’impact sur le développement du centre. En tant que techniciens, les ciations. Il prend position contre les politiques libérales mises en œuvre
instrumentalisés pour légitimer des décisions politiques et n’ont guère par les différents gouvernements, contre les relations « clientélistes »
entre acteurs publics et acteurs privés. Les universitaires, eux, sont souvent qu’entretiennent les acteurs publics et les investisseurs privés, contre la
mobilisés pour mettre en œuvre les décisions issues des négociations privatisation des terrains publics, les droits exceptionnels de construction
et la dérégulation du système de planification. Les médias deviennent
dans ce contexte un dispositif de résistance amplement mis à contribu-
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 166 tion. L’Ordre monte par exemple une série de campagnes de communi-
cation sur les démarches entreprises par le gouvernement métropolitain
devenu une friche. Le procès de Gökkafes reste en cours.
projets. Le permis de construire de Parkotel a été annulé, le bâtiment en construction est
Burcu Özdirlik 167 des architectes. Ce dernier s’est tourné vers les instances juridiques pour empêcher ces
ministre et le maire métropolitain de l’époque malgré les vives protestations de l’Ordre
comme le palais de Dolmabahçe et le Bosphore. Ils ont été autorisés par le Premier
de Dalan entre 1984 et 1989. Il mobilise pour ce faire la presse turque,
12. Les lieux de ces deux projets de grande hauteur sont à proximité de sites importants

les chercheurs en urbanisme ainsi que d’autres représentants de la société


civile. Ces campagnes contribuent à constituer une opinion défavorable et de Parkotel12. Les acteurs publics ont d’abord essayé de contrer les
au gouvernement métropolitain, ce qui renforce en retour le pouvoir projets pendant des années, comme dans le cas des projets de Gökkafes
d’action de l’Ordre. acteurs concernés. Longues et coûteuses, les actions légales bloquent les
La contestation auprès des instances juridiques est le moyen le plus Leurs interventions, souvent médiatisées, font une mauvaise presse aux
souvent utilisé pour bloquer des décisions ou des projets. L’Ordre n’uti- tance soutenue qui en font des acteurs incontournables de cette scène.
lise ce moyen que pour des projets hautement médiatiques qui menacent classique du jeu d’acteurs. Ce sont leurs actions elles-mêmes et leur résis-
le patrimoine historique et naturel de la ville. La proximité du nou- Les organisations professionnelles n’ont pas leur place dans le schéma
veau centre avec les zones protégées du Bosphore et l’impact qu’il a dres, les associations et les médias, et constituent des moyens de pression.
sur le paysage urbain sont au cœur des premières contestations, dans juridique mais qui sont communiqués aux parties prenantes, les autres or-
les années 1990. La privatisation de terrains publics et l’octroi de droits commissions préparent des rapports d’évaluation qui n’ont pas de valeur
de construction étendus pour une meilleure rentabilité provoquent une sur la ville, l’environnement et le patrimoine naturel et historique. Ces
deuxième vague de contestations dans les années 2000, qui aboutissent sont évalués par les commissions mises en place pour étudier leur impact
souvent en faveur de l’Ordre, car il maîtrise les procédures administra- les autorités publiques. Les projets présentés à l’Ordre par ses membres
tives, le système judiciaire et les arguments techniques contre les pro- central par lequel l’Ordre examine les droits de construction accordés par
jets en question. Les tribunaux administratifs n’ont pas de doctrine en de l’impact environnemental » des projets architecturaux est le dispositif
matière d’urbanisme et font appel à l’expertise d’universitaires : dans les de l’autorégulation. Mise en place en 2000, la procédure d’« évaluation
cas que nous avons étudiés, les juges administratifs ont en quelque sorte À côté de ces dispositifs de régulation croisés, d’autres sont de l’ordre
délégué le pouvoir de décision à ces experts, dont les avis ont déterminé de ces experts universitaires.
la décision finale. Si les procès se concluent souvent en faveur de l’Ordre, c’est aussi parce qu’il partage l’idéologie et la formation professionnelle
c’est aussi parce qu’il partage l’idéologie et la formation professionnelle la décision finale. Si les procès se concluent souvent en faveur de l’Ordre,
de ces experts universitaires. délégué le pouvoir de décision à ces experts, dont les avis ont déterminé
À côté de ces dispositifs de régulation croisés, d’autres sont de l’ordre cas que nous avons étudiés, les juges administratifs ont en quelque sorte
de l’autorégulation. Mise en place en 2000, la procédure d’« évaluation matière d’urbanisme et font appel à l’expertise d’universitaires : dans les
de l’impact environnemental » des projets architecturaux est le dispositif jets en question. Les tribunaux administratifs n’ont pas de doctrine en
central par lequel l’Ordre examine les droits de construction accordés par tives, le système judiciaire et les arguments techniques contre les pro-
les autorités publiques. Les projets présentés à l’Ordre par ses membres souvent en faveur de l’Ordre, car il maîtrise les procédures administra-
sont évalués par les commissions mises en place pour étudier leur impact deuxième vague de contestations dans les années 2000, qui aboutissent
sur la ville, l’environnement et le patrimoine naturel et historique. Ces de construction étendus pour une meilleure rentabilité provoquent une
commissions préparent des rapports d’évaluation qui n’ont pas de valeur les années 1990. La privatisation de terrains publics et l’octroi de droits
juridique mais qui sont communiqués aux parties prenantes, les autres or- sur le paysage urbain sont au cœur des premières contestations, dans
dres, les associations et les médias, et constituent des moyens de pression. veau centre avec les zones protégées du Bosphore et l’impact qu’il a
Les organisations professionnelles n’ont pas leur place dans le schéma le patrimoine historique et naturel de la ville. La proximité du nou-
classique du jeu d’acteurs. Ce sont leurs actions elles-mêmes et leur résis- lise ce moyen que pour des projets hautement médiatiques qui menacent
tance soutenue qui en font des acteurs incontournables de cette scène. souvent utilisé pour bloquer des décisions ou des projets. L’Ordre n’uti-
Leurs interventions, souvent médiatisées, font une mauvaise presse aux La contestation auprès des instances juridiques est le moyen le plus
acteurs concernés. Longues et coûteuses, les actions légales bloquent les d’action de l’Ordre.
projets pendant des années, comme dans le cas des projets de Gökkafes au gouvernement métropolitain, ce qui renforce en retour le pouvoir
et de Parkotel12. Les acteurs publics ont d’abord essayé de contrer les civile. Ces campagnes contribuent à constituer une opinion défavorable
les chercheurs en urbanisme ainsi que d’autres représentants de la société
de Dalan entre 1984 et 1989. Il mobilise pour ce faire la presse turque,
12. Les lieux de ces deux projets de grande hauteur sont à proximité de sites importants
comme le palais de Dolmabahçe et le Bosphore. Ils ont été autorisés par le Premier
ministre et le maire métropolitain de l’époque malgré les vives protestations de l’Ordre
des architectes. Ce dernier s’est tourné vers les instances juridiques pour empêcher ces 167 Burcu Özdirlik
projets. Le permis de construire de Parkotel a été annulé, le bâtiment en construction est
devenu une friche. Le procès de Gökkafes reste en cours.

devenu une friche. Le procès de Gökkafes reste en cours.


projets. Le permis de construire de Parkotel a été annulé, le bâtiment en construction est
Burcu Özdirlik 167 des architectes. Ce dernier s’est tourné vers les instances juridiques pour empêcher ces
ministre et le maire métropolitain de l’époque malgré les vives protestations de l’Ordre
comme le palais de Dolmabahçe et le Bosphore. Ils ont été autorisés par le Premier
de Dalan entre 1984 et 1989. Il mobilise pour ce faire la presse turque,
12. Les lieux de ces deux projets de grande hauteur sont à proximité de sites importants

les chercheurs en urbanisme ainsi que d’autres représentants de la société


civile. Ces campagnes contribuent à constituer une opinion défavorable et de Parkotel12. Les acteurs publics ont d’abord essayé de contrer les
au gouvernement métropolitain, ce qui renforce en retour le pouvoir projets pendant des années, comme dans le cas des projets de Gökkafes
d’action de l’Ordre. acteurs concernés. Longues et coûteuses, les actions légales bloquent les
La contestation auprès des instances juridiques est le moyen le plus Leurs interventions, souvent médiatisées, font une mauvaise presse aux
souvent utilisé pour bloquer des décisions ou des projets. L’Ordre n’uti- tance soutenue qui en font des acteurs incontournables de cette scène.
lise ce moyen que pour des projets hautement médiatiques qui menacent classique du jeu d’acteurs. Ce sont leurs actions elles-mêmes et leur résis-
le patrimoine historique et naturel de la ville. La proximité du nou- Les organisations professionnelles n’ont pas leur place dans le schéma
veau centre avec les zones protégées du Bosphore et l’impact qu’il a dres, les associations et les médias, et constituent des moyens de pression.
sur le paysage urbain sont au cœur des premières contestations, dans juridique mais qui sont communiqués aux parties prenantes, les autres or-
les années 1990. La privatisation de terrains publics et l’octroi de droits commissions préparent des rapports d’évaluation qui n’ont pas de valeur
de construction étendus pour une meilleure rentabilité provoquent une sur la ville, l’environnement et le patrimoine naturel et historique. Ces
deuxième vague de contestations dans les années 2000, qui aboutissent sont évalués par les commissions mises en place pour étudier leur impact
souvent en faveur de l’Ordre, car il maîtrise les procédures administra- les autorités publiques. Les projets présentés à l’Ordre par ses membres
tives, le système judiciaire et les arguments techniques contre les pro- central par lequel l’Ordre examine les droits de construction accordés par
jets en question. Les tribunaux administratifs n’ont pas de doctrine en de l’impact environnemental » des projets architecturaux est le dispositif
matière d’urbanisme et font appel à l’expertise d’universitaires : dans les de l’autorégulation. Mise en place en 2000, la procédure d’« évaluation
cas que nous avons étudiés, les juges administratifs ont en quelque sorte À côté de ces dispositifs de régulation croisés, d’autres sont de l’ordre
délégué le pouvoir de décision à ces experts, dont les avis ont déterminé de ces experts universitaires.
la décision finale. Si les procès se concluent souvent en faveur de l’Ordre, c’est aussi parce qu’il partage l’idéologie et la formation professionnelle
c’est aussi parce qu’il partage l’idéologie et la formation professionnelle la décision finale. Si les procès se concluent souvent en faveur de l’Ordre,
de ces experts universitaires. délégué le pouvoir de décision à ces experts, dont les avis ont déterminé
À côté de ces dispositifs de régulation croisés, d’autres sont de l’ordre cas que nous avons étudiés, les juges administratifs ont en quelque sorte
de l’autorégulation. Mise en place en 2000, la procédure d’« évaluation matière d’urbanisme et font appel à l’expertise d’universitaires : dans les
de l’impact environnemental » des projets architecturaux est le dispositif jets en question. Les tribunaux administratifs n’ont pas de doctrine en
central par lequel l’Ordre examine les droits de construction accordés par tives, le système judiciaire et les arguments techniques contre les pro-
les autorités publiques. Les projets présentés à l’Ordre par ses membres souvent en faveur de l’Ordre, car il maîtrise les procédures administra-
sont évalués par les commissions mises en place pour étudier leur impact deuxième vague de contestations dans les années 2000, qui aboutissent
sur la ville, l’environnement et le patrimoine naturel et historique. Ces de construction étendus pour une meilleure rentabilité provoquent une
commissions préparent des rapports d’évaluation qui n’ont pas de valeur les années 1990. La privatisation de terrains publics et l’octroi de droits
juridique mais qui sont communiqués aux parties prenantes, les autres or- sur le paysage urbain sont au cœur des premières contestations, dans
dres, les associations et les médias, et constituent des moyens de pression. veau centre avec les zones protégées du Bosphore et l’impact qu’il a
Les organisations professionnelles n’ont pas leur place dans le schéma le patrimoine historique et naturel de la ville. La proximité du nou-
classique du jeu d’acteurs. Ce sont leurs actions elles-mêmes et leur résis- lise ce moyen que pour des projets hautement médiatiques qui menacent
tance soutenue qui en font des acteurs incontournables de cette scène. souvent utilisé pour bloquer des décisions ou des projets. L’Ordre n’uti-
Leurs interventions, souvent médiatisées, font une mauvaise presse aux La contestation auprès des instances juridiques est le moyen le plus
acteurs concernés. Longues et coûteuses, les actions légales bloquent les d’action de l’Ordre.
projets pendant des années, comme dans le cas des projets de Gökkafes au gouvernement métropolitain, ce qui renforce en retour le pouvoir
et de Parkotel12. Les acteurs publics ont d’abord essayé de contrer les civile. Ces campagnes contribuent à constituer une opinion défavorable
les chercheurs en urbanisme ainsi que d’autres représentants de la société
de Dalan entre 1984 et 1989. Il mobilise pour ce faire la presse turque,
12. Les lieux de ces deux projets de grande hauteur sont à proximité de sites importants
comme le palais de Dolmabahçe et le Bosphore. Ils ont été autorisés par le Premier
ministre et le maire métropolitain de l’époque malgré les vives protestations de l’Ordre
des architectes. Ce dernier s’est tourné vers les instances juridiques pour empêcher ces 167 Burcu Özdirlik
projets. Le permis de construire de Parkotel a été annulé, le bâtiment en construction est
devenu une friche. Le procès de Gökkafes reste en cours.
Elles encadrent non seulement le fonctionnement de chaque acteur et ses
en situation de dépendance directe » (Crozier & Thoenig, 1975, p. 29). 168 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
gories d’acteurs « contraignent étroitement les joueurs sans qu’ils soient
logique de régulation sociale. Les relations croisées entre ces trois caté-
qui sont justifiées par des considérations techniques, sont issues d’une interventions de l’Ordre par des moyens hostiles. Par exemple, les nom-
régulation politique. Les interventions des organisations professionnelles, breuses tentatives pour faire élire à la direction de l’Ordre des équipes qui
considérée comme un laisser-faire, devient la source d’une autre forme de leur sont proches n’ont pas abouti. D’autres actions comme l’expulsion
tion du système de planification urbaine par les acteurs publics, qui est de l’Ordre hors de ses locaux à Istanbul par la municipalité métropoli-
eux-mêmes régulés par les organisations professionnelles. La dérégula- taine, en 1996, n’ont fait qu’accroître son influence auprès de la société
juridiques. L’industrie immobilière est régulée par les acteurs publics, civile (Tuna, 2009). C’est pourquoi les acteurs publics adoptent une stra-
logiques de régulation : politiques, économiques, sociales, techniques et tégie de compromis et préfèrent éviter tout conflit avec ces organisations.
sont les trois piliers d’un système qui est tenu en équilibre par différentes Ce contexte où les uns exercent des pressions sur les autres avec dif-
teurs, les acteurs publics, les acteurs privés et les ordres professionnels. Elles férents moyens se présente comme un cadre de régulation et agit sur la
le préfet. Il s’agit aussi de la rencontre entre les différentes catégories d’ac- production de la ville de trois manières. Il incite les acteurs publics et
voir politique, les acteurs techniques et politiques, ou encore le maire et privés à mettre en place des mécanismes de contrôle que nous qualifions
d’une même catégorie d’acteurs, comme les différents échelons du pou- d’autorégulation. Il incite ces mêmes acteurs à construire des relations
pratique des acteurs ainsi que les relations qu’entretiennent les membres durables avec les organisations professionnelles. Les nombreuses réunions
ce que nous nommons des dispositifs d’autorégulation. Ils régulent la de travail organisées par le gouvernement métropolitain d’Istanbul avec
qui concernent le fonctionnement propre à chaque catégorie d’acteurs, l’Ordre des architectes et l’Ordre des urbanistes pendant l’élaboration du
distincts et complémentaires. Il s’agit des mécanismes formels et informels nouveau schéma d’aménagement et d’urbanisme en sont une illustration.
dustrie immobilière et les ordres professionnels, à travers deux processus La contestation de démarches entreprises par les acteurs publics et leur
drée par trois catégories d’acteurs : les acteurs publics, les acteurs de l’in- annulation par les instances juridiques correspondent à une autre logique
Dans le centre d’affaires d’Istanbul, la production de la ville est enca- de régulation, ici juridique, et influence également la production de la
ville.
RÉGULATION DE LA PRODUCTION DE LA VILLE, UN NOUVEAU CADRE D’ANALYSE
RÉGULATION DE LA PRODUCTION DE LA VILLE, UN NOUVEAU CADRE D’ANALYSE
ville.
de régulation, ici juridique, et influence également la production de la Dans le centre d’affaires d’Istanbul, la production de la ville est enca-
annulation par les instances juridiques correspondent à une autre logique drée par trois catégories d’acteurs : les acteurs publics, les acteurs de l’in-
La contestation de démarches entreprises par les acteurs publics et leur dustrie immobilière et les ordres professionnels, à travers deux processus
nouveau schéma d’aménagement et d’urbanisme en sont une illustration. distincts et complémentaires. Il s’agit des mécanismes formels et informels
l’Ordre des architectes et l’Ordre des urbanistes pendant l’élaboration du qui concernent le fonctionnement propre à chaque catégorie d’acteurs,
de travail organisées par le gouvernement métropolitain d’Istanbul avec ce que nous nommons des dispositifs d’autorégulation. Ils régulent la
durables avec les organisations professionnelles. Les nombreuses réunions pratique des acteurs ainsi que les relations qu’entretiennent les membres
d’autorégulation. Il incite ces mêmes acteurs à construire des relations d’une même catégorie d’acteurs, comme les différents échelons du pou-
privés à mettre en place des mécanismes de contrôle que nous qualifions voir politique, les acteurs techniques et politiques, ou encore le maire et
production de la ville de trois manières. Il incite les acteurs publics et le préfet. Il s’agit aussi de la rencontre entre les différentes catégories d’ac-
férents moyens se présente comme un cadre de régulation et agit sur la teurs, les acteurs publics, les acteurs privés et les ordres professionnels. Elles
Ce contexte où les uns exercent des pressions sur les autres avec dif- sont les trois piliers d’un système qui est tenu en équilibre par différentes
tégie de compromis et préfèrent éviter tout conflit avec ces organisations. logiques de régulation : politiques, économiques, sociales, techniques et
civile (Tuna, 2009). C’est pourquoi les acteurs publics adoptent une stra- juridiques. L’industrie immobilière est régulée par les acteurs publics,
taine, en 1996, n’ont fait qu’accroître son influence auprès de la société eux-mêmes régulés par les organisations professionnelles. La dérégula-
de l’Ordre hors de ses locaux à Istanbul par la municipalité métropoli- tion du système de planification urbaine par les acteurs publics, qui est
leur sont proches n’ont pas abouti. D’autres actions comme l’expulsion considérée comme un laisser-faire, devient la source d’une autre forme de
breuses tentatives pour faire élire à la direction de l’Ordre des équipes qui régulation politique. Les interventions des organisations professionnelles,
interventions de l’Ordre par des moyens hostiles. Par exemple, les nom- qui sont justifiées par des considérations techniques, sont issues d’une
logique de régulation sociale. Les relations croisées entre ces trois caté-
gories d’acteurs « contraignent étroitement les joueurs sans qu’ils soient
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 168 en situation de dépendance directe » (Crozier & Thoenig, 1975, p. 29).
Elles encadrent non seulement le fonctionnement de chaque acteur et ses

Elles encadrent non seulement le fonctionnement de chaque acteur et ses


en situation de dépendance directe » (Crozier & Thoenig, 1975, p. 29). 168 Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul
gories d’acteurs « contraignent étroitement les joueurs sans qu’ils soient
logique de régulation sociale. Les relations croisées entre ces trois caté-
qui sont justifiées par des considérations techniques, sont issues d’une interventions de l’Ordre par des moyens hostiles. Par exemple, les nom-
régulation politique. Les interventions des organisations professionnelles, breuses tentatives pour faire élire à la direction de l’Ordre des équipes qui
considérée comme un laisser-faire, devient la source d’une autre forme de leur sont proches n’ont pas abouti. D’autres actions comme l’expulsion
tion du système de planification urbaine par les acteurs publics, qui est de l’Ordre hors de ses locaux à Istanbul par la municipalité métropoli-
eux-mêmes régulés par les organisations professionnelles. La dérégula- taine, en 1996, n’ont fait qu’accroître son influence auprès de la société
juridiques. L’industrie immobilière est régulée par les acteurs publics, civile (Tuna, 2009). C’est pourquoi les acteurs publics adoptent une stra-
logiques de régulation : politiques, économiques, sociales, techniques et tégie de compromis et préfèrent éviter tout conflit avec ces organisations.
sont les trois piliers d’un système qui est tenu en équilibre par différentes Ce contexte où les uns exercent des pressions sur les autres avec dif-
teurs, les acteurs publics, les acteurs privés et les ordres professionnels. Elles férents moyens se présente comme un cadre de régulation et agit sur la
le préfet. Il s’agit aussi de la rencontre entre les différentes catégories d’ac- production de la ville de trois manières. Il incite les acteurs publics et
voir politique, les acteurs techniques et politiques, ou encore le maire et privés à mettre en place des mécanismes de contrôle que nous qualifions
d’une même catégorie d’acteurs, comme les différents échelons du pou- d’autorégulation. Il incite ces mêmes acteurs à construire des relations
pratique des acteurs ainsi que les relations qu’entretiennent les membres durables avec les organisations professionnelles. Les nombreuses réunions
ce que nous nommons des dispositifs d’autorégulation. Ils régulent la de travail organisées par le gouvernement métropolitain d’Istanbul avec
qui concernent le fonctionnement propre à chaque catégorie d’acteurs, l’Ordre des architectes et l’Ordre des urbanistes pendant l’élaboration du
distincts et complémentaires. Il s’agit des mécanismes formels et informels nouveau schéma d’aménagement et d’urbanisme en sont une illustration.
dustrie immobilière et les ordres professionnels, à travers deux processus La contestation de démarches entreprises par les acteurs publics et leur
drée par trois catégories d’acteurs : les acteurs publics, les acteurs de l’in- annulation par les instances juridiques correspondent à une autre logique
Dans le centre d’affaires d’Istanbul, la production de la ville est enca- de régulation, ici juridique, et influence également la production de la
ville.
RÉGULATION DE LA PRODUCTION DE LA VILLE, UN NOUVEAU CADRE D’ANALYSE
RÉGULATION DE LA PRODUCTION DE LA VILLE, UN NOUVEAU CADRE D’ANALYSE
ville.
de régulation, ici juridique, et influence également la production de la Dans le centre d’affaires d’Istanbul, la production de la ville est enca-
annulation par les instances juridiques correspondent à une autre logique drée par trois catégories d’acteurs : les acteurs publics, les acteurs de l’in-
La contestation de démarches entreprises par les acteurs publics et leur dustrie immobilière et les ordres professionnels, à travers deux processus
nouveau schéma d’aménagement et d’urbanisme en sont une illustration. distincts et complémentaires. Il s’agit des mécanismes formels et informels
l’Ordre des architectes et l’Ordre des urbanistes pendant l’élaboration du qui concernent le fonctionnement propre à chaque catégorie d’acteurs,
de travail organisées par le gouvernement métropolitain d’Istanbul avec ce que nous nommons des dispositifs d’autorégulation. Ils régulent la
durables avec les organisations professionnelles. Les nombreuses réunions pratique des acteurs ainsi que les relations qu’entretiennent les membres
d’autorégulation. Il incite ces mêmes acteurs à construire des relations d’une même catégorie d’acteurs, comme les différents échelons du pou-
privés à mettre en place des mécanismes de contrôle que nous qualifions voir politique, les acteurs techniques et politiques, ou encore le maire et
production de la ville de trois manières. Il incite les acteurs publics et le préfet. Il s’agit aussi de la rencontre entre les différentes catégories d’ac-
férents moyens se présente comme un cadre de régulation et agit sur la teurs, les acteurs publics, les acteurs privés et les ordres professionnels. Elles
Ce contexte où les uns exercent des pressions sur les autres avec dif- sont les trois piliers d’un système qui est tenu en équilibre par différentes
tégie de compromis et préfèrent éviter tout conflit avec ces organisations. logiques de régulation : politiques, économiques, sociales, techniques et
civile (Tuna, 2009). C’est pourquoi les acteurs publics adoptent une stra- juridiques. L’industrie immobilière est régulée par les acteurs publics,
taine, en 1996, n’ont fait qu’accroître son influence auprès de la société eux-mêmes régulés par les organisations professionnelles. La dérégula-
de l’Ordre hors de ses locaux à Istanbul par la municipalité métropoli- tion du système de planification urbaine par les acteurs publics, qui est
leur sont proches n’ont pas abouti. D’autres actions comme l’expulsion considérée comme un laisser-faire, devient la source d’une autre forme de
breuses tentatives pour faire élire à la direction de l’Ordre des équipes qui régulation politique. Les interventions des organisations professionnelles,
interventions de l’Ordre par des moyens hostiles. Par exemple, les nom- qui sont justifiées par des considérations techniques, sont issues d’une
logique de régulation sociale. Les relations croisées entre ces trois caté-
gories d’acteurs « contraignent étroitement les joueurs sans qu’ils soient
Le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul 168 en situation de dépendance directe » (Crozier & Thoenig, 1975, p. 29).
Elles encadrent non seulement le fonctionnement de chaque acteur et ses
discussions, dans les négociations entre ces trois catégories d’acteurs.
13. Les contraintes juridiques mises en avant par les acteurs publics sont au cœur des
Burcu Özdirlik 169
mode de régulation que nous étudions à l’échelle d’Istanbul, qui use du
à l’autre. Nous pouvons donc constater une certaine généralisation du
échanges avec les autres, mais elles organisent également le cadre d’action acteurs sociaux paraissent en revanche dépendre des enjeux, d’un projet
et la production de la ville. échelons du gouvernement dans ce processus ainsi que la présence des
La relation entre les différents acteurs se stabilise dans le temps avec trage du pouvoir de décision sur le politique. L’implication des différents
le passage de formes d’action collective à des formes d’organisation plus négociation entre les acteurs publics et privés, ainsi que par le recen-
structurées, qui obéissent à « des mécanismes de régulation de plus en le système de planification urbaine dans la structuration des espaces de
plus explicites, conscients et finalisés » (Friedberg, 1993, p. 161). Les rela- vers d’autres marchés. Tout projet semble concerné par le rôle que joue
tions conflictuelles des acteurs publics avec les ordres professionnels font exemple la diffusion des règles et des démarches de ce marché de niche
place, par exemple, à des rencontres et à des réunions de travail collectives immobilière et le mimétisme des pratiques et des produits assurent par
organisées par les premiers, qui cherchent à coopérer plus régulièrement de la ville13. L’élargissement du cadre d’action des acteurs de l’industrie
avec les organisations professionnelles. Les relations tacites qu’ils entre- doute de la mise en place d’un nouveau système de régulation à l’échelle
tiennent avec les acteurs privés sont de plus en plus accompagnées par rées semblent concerner d’autres catégories d’espace et témoignent sans
des rencontres publiques où ils s’expriment sur leurs attentes, leurs pro- forme d’action collective diffuse à des formes d’organisation plus structu-
jets, etc. Les acteurs publics semblent tenir compte des résultats positifs plus globales ? Les évolutions dont nous avons parlé et le passage d’une
de leur coopération et des résultats négatifs de leur non-coopération avec échelle. Dans quelle mesure cet exemple est-il révélateur de tendances
l’Ordre des architectes, malgré sa rhétorique hostile. Nous assistons donc zone centrale de l’agglomération, que caractérisent des projets à grande
à « une évolution vers des structures d’action collective gérées de façon Ces évolutions concernent certes un développement situé dans une
plus consciente » (ibid., p.  164), même si la régulation et la gestion de et assure une partie de la régulation.
ces structures ne sont pas déléguées à une autre structure. Cela suppose se trouve en position d’arbitre en cas de conflit entre les différents acteurs
« un minimum d’interconnaissance, de circulation d’informations et de recherche, publient des bulletins d’information, etc. Le système judiciaire
connaissances communes » (ibid., p. 158), ce qui est assuré, dans le cas lier. Ces associations organisent des rencontres, préparent des rapports de
d’Istanbul, par des associations comme GYODER (Gayrimenkul Yatirim Ortakligi Dernegi), une association de fonds d’investissement immobi-
Ortakligi Dernegi), une association de fonds d’investissement immobi- d’Istanbul, par des associations comme GYODER (Gayrimenkul Yatirim
lier. Ces associations organisent des rencontres, préparent des rapports de connaissances communes » (ibid., p. 158), ce qui est assuré, dans le cas
recherche, publient des bulletins d’information, etc. Le système judiciaire « un minimum d’interconnaissance, de circulation d’informations et de
se trouve en position d’arbitre en cas de conflit entre les différents acteurs ces structures ne sont pas déléguées à une autre structure. Cela suppose
et assure une partie de la régulation. plus consciente » (ibid., p.  164), même si la régulation et la gestion de
Ces évolutions concernent certes un développement situé dans une à « une évolution vers des structures d’action collective gérées de façon
zone centrale de l’agglomération, que caractérisent des projets à grande l’Ordre des architectes, malgré sa rhétorique hostile. Nous assistons donc
échelle. Dans quelle mesure cet exemple est-il révélateur de tendances de leur coopération et des résultats négatifs de leur non-coopération avec
plus globales ? Les évolutions dont nous avons parlé et le passage d’une jets, etc. Les acteurs publics semblent tenir compte des résultats positifs
forme d’action collective diffuse à des formes d’organisation plus structu- des rencontres publiques où ils s’expriment sur leurs attentes, leurs pro-
rées semblent concerner d’autres catégories d’espace et témoignent sans tiennent avec les acteurs privés sont de plus en plus accompagnées par
doute de la mise en place d’un nouveau système de régulation à l’échelle avec les organisations professionnelles. Les relations tacites qu’ils entre-
de la ville13. L’élargissement du cadre d’action des acteurs de l’industrie organisées par les premiers, qui cherchent à coopérer plus régulièrement
immobilière et le mimétisme des pratiques et des produits assurent par place, par exemple, à des rencontres et à des réunions de travail collectives
exemple la diffusion des règles et des démarches de ce marché de niche tions conflictuelles des acteurs publics avec les ordres professionnels font
vers d’autres marchés. Tout projet semble concerné par le rôle que joue plus explicites, conscients et finalisés » (Friedberg, 1993, p. 161). Les rela-
le système de planification urbaine dans la structuration des espaces de structurées, qui obéissent à « des mécanismes de régulation de plus en
négociation entre les acteurs publics et privés, ainsi que par le recen- le passage de formes d’action collective à des formes d’organisation plus
trage du pouvoir de décision sur le politique. L’implication des différents La relation entre les différents acteurs se stabilise dans le temps avec
échelons du gouvernement dans ce processus ainsi que la présence des et la production de la ville.
acteurs sociaux paraissent en revanche dépendre des enjeux, d’un projet échanges avec les autres, mais elles organisent également le cadre d’action
à l’autre. Nous pouvons donc constater une certaine généralisation du
mode de régulation que nous étudions à l’échelle d’Istanbul, qui use du
169 Burcu Özdirlik
13. Les contraintes juridiques mises en avant par les acteurs publics sont au cœur des
discussions, dans les négociations entre ces trois catégories d’acteurs.

discussions, dans les négociations entre ces trois catégories d’acteurs.


13. Les contraintes juridiques mises en avant par les acteurs publics sont au cœur des
Burcu Özdirlik 169
mode de régulation que nous étudions à l’échelle d’Istanbul, qui use du
à l’autre. Nous pouvons donc constater une certaine généralisation du
échanges avec les autres, mais elles organisent également le cadre d’action acteurs sociaux paraissent en revanche dépendre des enjeux, d’un projet
et la production de la ville. échelons du gouvernement dans ce processus ainsi que la présence des
La relation entre les différents acteurs se stabilise dans le temps avec trage du pouvoir de décision sur le politique. L’implication des différents
le passage de formes d’action collective à des formes d’organisation plus négociation entre les acteurs publics et privés, ainsi que par le recen-
structurées, qui obéissent à « des mécanismes de régulation de plus en le système de planification urbaine dans la structuration des espaces de
plus explicites, conscients et finalisés » (Friedberg, 1993, p. 161). Les rela- vers d’autres marchés. Tout projet semble concerné par le rôle que joue
tions conflictuelles des acteurs publics avec les ordres professionnels font exemple la diffusion des règles et des démarches de ce marché de niche
place, par exemple, à des rencontres et à des réunions de travail collectives immobilière et le mimétisme des pratiques et des produits assurent par
organisées par les premiers, qui cherchent à coopérer plus régulièrement de la ville13. L’élargissement du cadre d’action des acteurs de l’industrie
avec les organisations professionnelles. Les relations tacites qu’ils entre- doute de la mise en place d’un nouveau système de régulation à l’échelle
tiennent avec les acteurs privés sont de plus en plus accompagnées par rées semblent concerner d’autres catégories d’espace et témoignent sans
des rencontres publiques où ils s’expriment sur leurs attentes, leurs pro- forme d’action collective diffuse à des formes d’organisation plus structu-
jets, etc. Les acteurs publics semblent tenir compte des résultats positifs plus globales ? Les évolutions dont nous avons parlé et le passage d’une
de leur coopération et des résultats négatifs de leur non-coopération avec échelle. Dans quelle mesure cet exemple est-il révélateur de tendances
l’Ordre des architectes, malgré sa rhétorique hostile. Nous assistons donc zone centrale de l’agglomération, que caractérisent des projets à grande
à « une évolution vers des structures d’action collective gérées de façon Ces évolutions concernent certes un développement situé dans une
plus consciente » (ibid., p.  164), même si la régulation et la gestion de et assure une partie de la régulation.
ces structures ne sont pas déléguées à une autre structure. Cela suppose se trouve en position d’arbitre en cas de conflit entre les différents acteurs
« un minimum d’interconnaissance, de circulation d’informations et de recherche, publient des bulletins d’information, etc. Le système judiciaire
connaissances communes » (ibid., p. 158), ce qui est assuré, dans le cas lier. Ces associations organisent des rencontres, préparent des rapports de
d’Istanbul, par des associations comme GYODER (Gayrimenkul Yatirim Ortakligi Dernegi), une association de fonds d’investissement immobi-
Ortakligi Dernegi), une association de fonds d’investissement immobi- d’Istanbul, par des associations comme GYODER (Gayrimenkul Yatirim
lier. Ces associations organisent des rencontres, préparent des rapports de connaissances communes » (ibid., p. 158), ce qui est assuré, dans le cas
recherche, publient des bulletins d’information, etc. Le système judiciaire « un minimum d’interconnaissance, de circulation d’informations et de
se trouve en position d’arbitre en cas de conflit entre les différents acteurs ces structures ne sont pas déléguées à une autre structure. Cela suppose
et assure une partie de la régulation. plus consciente » (ibid., p.  164), même si la régulation et la gestion de
Ces évolutions concernent certes un développement situé dans une à « une évolution vers des structures d’action collective gérées de façon
zone centrale de l’agglomération, que caractérisent des projets à grande l’Ordre des architectes, malgré sa rhétorique hostile. Nous assistons donc
échelle. Dans quelle mesure cet exemple est-il révélateur de tendances de leur coopération et des résultats négatifs de leur non-coopération avec
plus globales ? Les évolutions dont nous avons parlé et le passage d’une jets, etc. Les acteurs publics semblent tenir compte des résultats positifs
forme d’action collective diffuse à des formes d’organisation plus structu- des rencontres publiques où ils s’expriment sur leurs attentes, leurs pro-
rées semblent concerner d’autres catégories d’espace et témoignent sans tiennent avec les acteurs privés sont de plus en plus accompagnées par
doute de la mise en place d’un nouveau système de régulation à l’échelle avec les organisations professionnelles. Les relations tacites qu’ils entre-
de la ville13. L’élargissement du cadre d’action des acteurs de l’industrie organisées par les premiers, qui cherchent à coopérer plus régulièrement
immobilière et le mimétisme des pratiques et des produits assurent par place, par exemple, à des rencontres et à des réunions de travail collectives
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négociation entre les acteurs publics et privés, ainsi que par le recen- le passage de formes d’action collective à des formes d’organisation plus
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mode de régulation que nous étudions à l’échelle d’Istanbul, qui use du
169 Burcu Özdirlik
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KazazoĞlu Önder (2009), ingénieur en construction, coordinateur de Thoenig Jean-Claude (1998), « L’usage analytique du concept de ré-
groupe, Alarko. Authorities, Eastern Mediterranean and Middle East (IULA-EMME).
Kösebay Mehmet (2006), conseiller immobilier, Tekfen (investissement Administration and Planning, Istanbul, International Union of Local
immobilier). —  (1994), The Development of the Istanbul Metropolitan Area: Urban
Sezer Seher (2007), architecte-urbaniste, municipalité métropolitaine Istanbul, no 26, p. 20-28.
d’Istanbul. Tekeli Ilhan (1998), « Istanbul’un Gelece i için kaygılanma biçimleri »,
Soyluer Firuz (2009), conseiller immobilier, cofondateur et directeur de Istanbul, no 17, p. 89-94.
l’agence DTZ. Sökmen Polat (1996), « Istanbul’un Planlanması Üzerine Düşünceler »,
Tümay Haluk (2009), architecte, Koray (BTP). lation sociale, Paris, Armand Colin.
Tuna Bülent (2009), président de l’Ordre des architectes. Reynaud Jean-Daniel (1989), Les Règles du jeu : l’action collective et la régu-
University Department of City and Regional Planning.
of the Central Business District of Istanbul, thèse de doctorat, Cardiff
Oktem Binnur (2003), Using the Global City Discourse in the Formation
taires de France.
Ledrut Raymond (1968, 1979), Sociologie urbaine, Paris, Presses universi-

171 Burcu Özdirlik

Burcu Özdirlik 171

Ledrut Raymond (1968, 1979), Sociologie urbaine, Paris, Presses universi-


taires de France.
Oktem Binnur (2003), Using the Global City Discourse in the Formation
of the Central Business District of Istanbul, thèse de doctorat, Cardiff
University Department of City and Regional Planning.
Reynaud Jean-Daniel (1989), Les Règles du jeu : l’action collective et la régu- Tuna Bülent (2009), président de l’Ordre des architectes.
lation sociale, Paris, Armand Colin. Tümay Haluk (2009), architecte, Koray (BTP).
Sökmen Polat (1996), « Istanbul’un Planlanması Üzerine Düşünceler », l’agence DTZ.
Istanbul, no 17, p. 89-94. Soyluer Firuz (2009), conseiller immobilier, cofondateur et directeur de
Tekeli Ilhan (1998), « Istanbul’un Gelece i için kaygılanma biçimleri », d’Istanbul.
Istanbul, no 26, p. 20-28. Sezer Seher (2007), architecte-urbaniste, municipalité métropolitaine
—  (1994), The Development of the Istanbul Metropolitan Area: Urban immobilier).
Administration and Planning, Istanbul, International Union of Local Kösebay Mehmet (2006), conseiller immobilier, Tekfen (investissement
Authorities, Eastern Mediterranean and Middle East (IULA-EMME). groupe, Alarko.
Thoenig Jean-Claude (1998), « L’usage analytique du concept de ré- KazazoĞlu Önder (2009), ingénieur en construction, coordinateur de
gulation », dans Les Métamorphoses de la régulation politique, Jacques (IMP).
Commaille & Bruno Jobert (dir.), Paris, Librairie générale de droit et Diren Murat (2006), urbaniste, municipalité métropolitaine d’Istanbul
de jurisprudence, p. 35-53. immobilier de la banque Garanti.
Uysal Yıldız (2004), « 1955’ten bugüne Mimarlar Odası Istanbul Subesi. DaĞli Erdo an (2006), conseiller financier au fonds d’investissement
Kent, çevre, planlama », Mimar.Ist, no 13, p. 74-84.
Personnes rencontrées en entretien
Personnes rencontrées en entretien
Kent, çevre, planlama », Mimar.Ist, no 13, p. 74-84.
DaĞli Erdo an (2006), conseiller financier au fonds d’investissement Uysal Yıldız (2004), « 1955’ten bugüne Mimarlar Odası Istanbul Subesi.
immobilier de la banque Garanti. de jurisprudence, p. 35-53.
Diren Murat (2006), urbaniste, municipalité métropolitaine d’Istanbul Commaille & Bruno Jobert (dir.), Paris, Librairie générale de droit et
(IMP). gulation », dans Les Métamorphoses de la régulation politique, Jacques
KazazoĞlu Önder (2009), ingénieur en construction, coordinateur de Thoenig Jean-Claude (1998), « L’usage analytique du concept de ré-
groupe, Alarko. Authorities, Eastern Mediterranean and Middle East (IULA-EMME).
Kösebay Mehmet (2006), conseiller immobilier, Tekfen (investissement Administration and Planning, Istanbul, International Union of Local
immobilier). —  (1994), The Development of the Istanbul Metropolitan Area: Urban
Sezer Seher (2007), architecte-urbaniste, municipalité métropolitaine Istanbul, no 26, p. 20-28.
d’Istanbul. Tekeli Ilhan (1998), « Istanbul’un Gelece i için kaygılanma biçimleri »,
Soyluer Firuz (2009), conseiller immobilier, cofondateur et directeur de Istanbul, no 17, p. 89-94.
l’agence DTZ. Sökmen Polat (1996), « Istanbul’un Planlanması Üzerine Düşünceler »,
Tümay Haluk (2009), architecte, Koray (BTP). lation sociale, Paris, Armand Colin.
Tuna Bülent (2009), président de l’Ordre des architectes. Reynaud Jean-Daniel (1989), Les Règles du jeu : l’action collective et la régu-
University Department of City and Regional Planning.
of the Central Business District of Istanbul, thèse de doctorat, Cardiff
Oktem Binnur (2003), Using the Global City Discourse in the Formation
taires de France.
Ledrut Raymond (1968, 1979), Sociologie urbaine, Paris, Presses universi-

171 Burcu Özdirlik


mouvoir la mise en place de réelles structures intercommunales.
2. Malgré les déclarations politiques qui l’annoncent, aucune législation ne vient pro-
et à la simplification de la coopération intercommunale).
rable du territoire) et loi Chevènement (loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement
1. Loi Voynet (loi du 25 juin 1999 relative à l’aménagement et au développement du-

espaces périurbains amène en effet à interroger les définitions de l’urbain,


partiellement les questions que se pose la sociologie urbaine. L’étude des
LE PÉRIURBAIN : et que, réciproquement, l’étude des espaces périurbains peut renouveler
TERRAIN OU CONCEPT POUR LA SOCIOLOGIE URBAINE ? logie urbaine permet de mieux comprendre les espaces dits périurbains
regard de sociologue urbain. Nous partons de l’hypothèse que la socio-
Notre contribution entend questionner le périurbain à partir d’un
Marie Muselle ils restent relativement rares.
remis en question les stéréotypes associés au périurbain (Charmes, 2005),
l’urbanité du périurbain (par exemple Dubois-Taine & Chalas, 1997) ou
Lorsque la sociologie urbaine s’est développée, l’opposition urbain / bon aménagement ni du vivre-ensemble. Si certains travaux ont étudié
 rural semblait structurante. Depuis plus de trente ans, il est admis que ignoré, soit vu comme un espace qui ne correspond pas au souhait du
cette distinction a volé en éclats (Remy, 1998). L’urbanisation des terri- une urbanité aujourd’hui remise en question. Le périurbain est alors soit
toires autant que celle des modes de vie est omniprésente ; des espaces vent limité leur terrain aux villes-centres, et leur conceptualisation, à
qualifiés tour à tour de périurbains, de tiers espaces (Vanier, 2001) ou de publique (outils, modes d’action, acteurs, régulation), mais ils ont sou-
villes émergentes (Dubois-Taine & Chalas, 1997) remettent en question les politiques urbaines, ils ont mis au jour des changements dans l’action
les définitions de l’urbain et du rural ainsi que leurs rapports. cherches ? En étudiant le projet urbain, le gouvernement des villes ou
En incitant à mettre en place des intercommunalités1, l’État français pour autant pris la pleine mesure de leurs implications dans leurs re-
lui-même somme l’espace périurbain de prendre part au développement Si les sociologues urbains ont pris acte de ces changements, ont-ils
urbain. En Belgique, ce n’est pas le pouvoir central (fédéral ou régio- mettre en place des organes « métropolitains ».
nal) qui incite les communes périurbaines à participer au développement urbain2, mais les élus locaux et les forces vives locales qui cherchent à
urbain2, mais les élus locaux et les forces vives locales qui cherchent à nal) qui incite les communes périurbaines à participer au développement
mettre en place des organes « métropolitains ». urbain. En Belgique, ce n’est pas le pouvoir central (fédéral ou régio-
Si les sociologues urbains ont pris acte de ces changements, ont-ils lui-même somme l’espace périurbain de prendre part au développement
pour autant pris la pleine mesure de leurs implications dans leurs re- En incitant à mettre en place des intercommunalités1, l’État français
cherches ? En étudiant le projet urbain, le gouvernement des villes ou les définitions de l’urbain et du rural ainsi que leurs rapports.
les politiques urbaines, ils ont mis au jour des changements dans l’action villes émergentes (Dubois-Taine & Chalas, 1997) remettent en question
publique (outils, modes d’action, acteurs, régulation), mais ils ont sou- qualifiés tour à tour de périurbains, de tiers espaces (Vanier, 2001) ou de
vent limité leur terrain aux villes-centres, et leur conceptualisation, à toires autant que celle des modes de vie est omniprésente ; des espaces
une urbanité aujourd’hui remise en question. Le périurbain est alors soit cette distinction a volé en éclats (Remy, 1998). L’urbanisation des terri-
ignoré, soit vu comme un espace qui ne correspond pas au souhait du  rural semblait structurante. Depuis plus de trente ans, il est admis que
bon aménagement ni du vivre-ensemble. Si certains travaux ont étudié Lorsque la sociologie urbaine s’est développée, l’opposition urbain /
l’urbanité du périurbain (par exemple Dubois-Taine & Chalas, 1997) ou
remis en question les stéréotypes associés au périurbain (Charmes, 2005),
ils restent relativement rares. Marie Muselle
Notre contribution entend questionner le périurbain à partir d’un
regard de sociologue urbain. Nous partons de l’hypothèse que la socio-
logie urbaine permet de mieux comprendre les espaces dits périurbains TERRAIN OU CONCEPT POUR LA SOCIOLOGIE URBAINE ?
et que, réciproquement, l’étude des espaces périurbains peut renouveler LE PÉRIURBAIN :
partiellement les questions que se pose la sociologie urbaine. L’étude des
espaces périurbains amène en effet à interroger les définitions de l’urbain,

1. Loi Voynet (loi du 25 juin 1999 relative à l’aménagement et au développement du-


rable du territoire) et loi Chevènement (loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement
et à la simplification de la coopération intercommunale).
2. Malgré les déclarations politiques qui l’annoncent, aucune législation ne vient pro-
mouvoir la mise en place de réelles structures intercommunales.

mouvoir la mise en place de réelles structures intercommunales.


2. Malgré les déclarations politiques qui l’annoncent, aucune législation ne vient pro-
et à la simplification de la coopération intercommunale).
rable du territoire) et loi Chevènement (loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement
1. Loi Voynet (loi du 25 juin 1999 relative à l’aménagement et au développement du-

espaces périurbains amène en effet à interroger les définitions de l’urbain,


partiellement les questions que se pose la sociologie urbaine. L’étude des
LE PÉRIURBAIN : et que, réciproquement, l’étude des espaces périurbains peut renouveler
TERRAIN OU CONCEPT POUR LA SOCIOLOGIE URBAINE ? logie urbaine permet de mieux comprendre les espaces dits périurbains
regard de sociologue urbain. Nous partons de l’hypothèse que la socio-
Notre contribution entend questionner le périurbain à partir d’un
Marie Muselle ils restent relativement rares.
remis en question les stéréotypes associés au périurbain (Charmes, 2005),
l’urbanité du périurbain (par exemple Dubois-Taine & Chalas, 1997) ou
Lorsque la sociologie urbaine s’est développée, l’opposition urbain / bon aménagement ni du vivre-ensemble. Si certains travaux ont étudié
 rural semblait structurante. Depuis plus de trente ans, il est admis que ignoré, soit vu comme un espace qui ne correspond pas au souhait du
cette distinction a volé en éclats (Remy, 1998). L’urbanisation des terri- une urbanité aujourd’hui remise en question. Le périurbain est alors soit
toires autant que celle des modes de vie est omniprésente ; des espaces vent limité leur terrain aux villes-centres, et leur conceptualisation, à
qualifiés tour à tour de périurbains, de tiers espaces (Vanier, 2001) ou de publique (outils, modes d’action, acteurs, régulation), mais ils ont sou-
villes émergentes (Dubois-Taine & Chalas, 1997) remettent en question les politiques urbaines, ils ont mis au jour des changements dans l’action
les définitions de l’urbain et du rural ainsi que leurs rapports. cherches ? En étudiant le projet urbain, le gouvernement des villes ou
En incitant à mettre en place des intercommunalités1, l’État français pour autant pris la pleine mesure de leurs implications dans leurs re-
lui-même somme l’espace périurbain de prendre part au développement Si les sociologues urbains ont pris acte de ces changements, ont-ils
urbain. En Belgique, ce n’est pas le pouvoir central (fédéral ou régio- mettre en place des organes « métropolitains ».
nal) qui incite les communes périurbaines à participer au développement urbain2, mais les élus locaux et les forces vives locales qui cherchent à
urbain2, mais les élus locaux et les forces vives locales qui cherchent à nal) qui incite les communes périurbaines à participer au développement
mettre en place des organes « métropolitains ». urbain. En Belgique, ce n’est pas le pouvoir central (fédéral ou régio-
Si les sociologues urbains ont pris acte de ces changements, ont-ils lui-même somme l’espace périurbain de prendre part au développement
pour autant pris la pleine mesure de leurs implications dans leurs re- En incitant à mettre en place des intercommunalités1, l’État français
cherches ? En étudiant le projet urbain, le gouvernement des villes ou les définitions de l’urbain et du rural ainsi que leurs rapports.
les politiques urbaines, ils ont mis au jour des changements dans l’action villes émergentes (Dubois-Taine & Chalas, 1997) remettent en question
publique (outils, modes d’action, acteurs, régulation), mais ils ont sou- qualifiés tour à tour de périurbains, de tiers espaces (Vanier, 2001) ou de
vent limité leur terrain aux villes-centres, et leur conceptualisation, à toires autant que celle des modes de vie est omniprésente ; des espaces
une urbanité aujourd’hui remise en question. Le périurbain est alors soit cette distinction a volé en éclats (Remy, 1998). L’urbanisation des terri-
ignoré, soit vu comme un espace qui ne correspond pas au souhait du  rural semblait structurante. Depuis plus de trente ans, il est admis que
bon aménagement ni du vivre-ensemble. Si certains travaux ont étudié Lorsque la sociologie urbaine s’est développée, l’opposition urbain /
l’urbanité du périurbain (par exemple Dubois-Taine & Chalas, 1997) ou
remis en question les stéréotypes associés au périurbain (Charmes, 2005),
ils restent relativement rares. Marie Muselle
Notre contribution entend questionner le périurbain à partir d’un
regard de sociologue urbain. Nous partons de l’hypothèse que la socio-
logie urbaine permet de mieux comprendre les espaces dits périurbains TERRAIN OU CONCEPT POUR LA SOCIOLOGIE URBAINE ?
et que, réciproquement, l’étude des espaces périurbains peut renouveler LE PÉRIURBAIN :
partiellement les questions que se pose la sociologie urbaine. L’étude des
espaces périurbains amène en effet à interroger les définitions de l’urbain,

1. Loi Voynet (loi du 25 juin 1999 relative à l’aménagement et au développement du-


rable du territoire) et loi Chevènement (loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement
et à la simplification de la coopération intercommunale).
2. Malgré les déclarations politiques qui l’annoncent, aucune législation ne vient pro-
mouvoir la mise en place de réelles structures intercommunales.
174 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?

dénomination de « territoire métropolitain » le laisse supposer ?


les villes ? Cette action est-elle coordonnée à l’action urbaine, comme la du rural et d’un éventuel espace périurbain, leurs rapports comme ter-
périurbains présente-t-elle des similarités avec celle qu’on observe dans ritoires gérés par des acteurs multiples, autant que comme catégories
nous nous posons : l’action publique telle qu’elle existe dans les espaces d’action publique ou comme concepts.
du périurbain et qu’ils éclairent partiellement la double question que La présente contribution s’appuie sur une partie de notre thèse qui
que nous avons constatée, parce qu’ils nourrissent la réflexion sur le sens porte sur la gestion des espaces périurbains à travers l’étude compara-
réalité du périurbain ; ils ont été choisis parce qu’ils montrent la diversité tive de quatre d’entre eux, en Belgique (Liège et Namur) et en France
terrains. Nous ne prétendons pas que ces exemples reflètent toute la (Lille et Metz). Ces quatre espaces se situent de part et d’autre de la
en analysant plusieurs exemples d’actions publiques observées sur nos frontière belgo-française, dans un territoire relativement restreint (les
il s’agit de faire émerger sans a priori les enjeux qui travaillent ces espaces, villes-centres sont toutes à moins de 300 km les unes des autres) pro-
Loin d’un questionnement du périurbain par des seuils et des chiffres, fondément marqué par son passé industriel. La structure de ce territoire,
l’étude des espaces périurbains pour la sociologie urbaine. qui est composée de nombreuses villes, petites, moyennes ou grandes,
C’est sous l’angle de ce dernier point que nous étudierons ici l’apport de fait de ces espaces périurbains des espaces que l’on peut qualifier de
se développent des actions collectives pour gérer les espaces périurbains. multipolarisés.
vaillées localement et comment, dans le cadre de ces régulations locales, Notre recherche, qui est qualitative, se base sur un peu plus de 80 en-
ou régionales, voire européennes, comment ces politiques sont retra- tretiens auprès d’élus – maires ou bourgmestres, adjoints ou échevins
montrer comment ces espaces sont structurés par des politiques nationales de communes périurbaines ou du centre urbain, élus d’établissements
dans le périurbain » en termes de gestion de l’espace. Notre thèse tend à publics de coopération intercommunale (EPCI)  –, auprès de respon-
volontairement très empirique : il s’agit de se demander « ce qui se passe sables et de travailleurs administratifs des communes, villes, EPCI, régions,
différents documents produits par les acteurs. Le point de vue choisi est préfectures, agences d’urbanisme, agences de développement local, asso-
breuses observations (réunions et rencontres diverses) et sur l’analyse de ciations, auprès d’auteurs de projets ou encore de citoyens engagés dans
ces espaces périurbains. Cette recherche s’appuie également sur de nom- cette gestion, etc. : auprès de tous ceux qui participent à la gestion de
cette gestion, etc. : auprès de tous ceux qui participent à la gestion de ces espaces périurbains. Cette recherche s’appuie également sur de nom-
ciations, auprès d’auteurs de projets ou encore de citoyens engagés dans breuses observations (réunions et rencontres diverses) et sur l’analyse de
préfectures, agences d’urbanisme, agences de développement local, asso- différents documents produits par les acteurs. Le point de vue choisi est
sables et de travailleurs administratifs des communes, villes, EPCI, régions, volontairement très empirique : il s’agit de se demander « ce qui se passe
publics de coopération intercommunale (EPCI)  –, auprès de respon- dans le périurbain » en termes de gestion de l’espace. Notre thèse tend à
de communes périurbaines ou du centre urbain, élus d’établissements montrer comment ces espaces sont structurés par des politiques nationales
tretiens auprès d’élus – maires ou bourgmestres, adjoints ou échevins ou régionales, voire européennes, comment ces politiques sont retra-
Notre recherche, qui est qualitative, se base sur un peu plus de 80 en- vaillées localement et comment, dans le cadre de ces régulations locales,
multipolarisés. se développent des actions collectives pour gérer les espaces périurbains.
fait de ces espaces périurbains des espaces que l’on peut qualifier de C’est sous l’angle de ce dernier point que nous étudierons ici l’apport de
qui est composée de nombreuses villes, petites, moyennes ou grandes, l’étude des espaces périurbains pour la sociologie urbaine.
fondément marqué par son passé industriel. La structure de ce territoire, Loin d’un questionnement du périurbain par des seuils et des chiffres,
villes-centres sont toutes à moins de 300 km les unes des autres) pro- il s’agit de faire émerger sans a priori les enjeux qui travaillent ces espaces,
frontière belgo-française, dans un territoire relativement restreint (les en analysant plusieurs exemples d’actions publiques observées sur nos
(Lille et Metz). Ces quatre espaces se situent de part et d’autre de la terrains. Nous ne prétendons pas que ces exemples reflètent toute la
tive de quatre d’entre eux, en Belgique (Liège et Namur) et en France réalité du périurbain ; ils ont été choisis parce qu’ils montrent la diversité
porte sur la gestion des espaces périurbains à travers l’étude compara- que nous avons constatée, parce qu’ils nourrissent la réflexion sur le sens
La présente contribution s’appuie sur une partie de notre thèse qui du périurbain et qu’ils éclairent partiellement la double question que
d’action publique ou comme concepts. nous nous posons : l’action publique telle qu’elle existe dans les espaces
ritoires gérés par des acteurs multiples, autant que comme catégories périurbains présente-t-elle des similarités avec celle qu’on observe dans
du rural et d’un éventuel espace périurbain, leurs rapports comme ter- les villes ? Cette action est-elle coordonnée à l’action urbaine, comme la
dénomination de « territoire métropolitain » le laisse supposer ?
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 174

174 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?

dénomination de « territoire métropolitain » le laisse supposer ?


les villes ? Cette action est-elle coordonnée à l’action urbaine, comme la du rural et d’un éventuel espace périurbain, leurs rapports comme ter-
périurbains présente-t-elle des similarités avec celle qu’on observe dans ritoires gérés par des acteurs multiples, autant que comme catégories
nous nous posons : l’action publique telle qu’elle existe dans les espaces d’action publique ou comme concepts.
du périurbain et qu’ils éclairent partiellement la double question que La présente contribution s’appuie sur une partie de notre thèse qui
que nous avons constatée, parce qu’ils nourrissent la réflexion sur le sens porte sur la gestion des espaces périurbains à travers l’étude compara-
réalité du périurbain ; ils ont été choisis parce qu’ils montrent la diversité tive de quatre d’entre eux, en Belgique (Liège et Namur) et en France
terrains. Nous ne prétendons pas que ces exemples reflètent toute la (Lille et Metz). Ces quatre espaces se situent de part et d’autre de la
en analysant plusieurs exemples d’actions publiques observées sur nos frontière belgo-française, dans un territoire relativement restreint (les
il s’agit de faire émerger sans a priori les enjeux qui travaillent ces espaces, villes-centres sont toutes à moins de 300 km les unes des autres) pro-
Loin d’un questionnement du périurbain par des seuils et des chiffres, fondément marqué par son passé industriel. La structure de ce territoire,
l’étude des espaces périurbains pour la sociologie urbaine. qui est composée de nombreuses villes, petites, moyennes ou grandes,
C’est sous l’angle de ce dernier point que nous étudierons ici l’apport de fait de ces espaces périurbains des espaces que l’on peut qualifier de
se développent des actions collectives pour gérer les espaces périurbains. multipolarisés.
vaillées localement et comment, dans le cadre de ces régulations locales, Notre recherche, qui est qualitative, se base sur un peu plus de 80 en-
ou régionales, voire européennes, comment ces politiques sont retra- tretiens auprès d’élus – maires ou bourgmestres, adjoints ou échevins
montrer comment ces espaces sont structurés par des politiques nationales de communes périurbaines ou du centre urbain, élus d’établissements
dans le périurbain » en termes de gestion de l’espace. Notre thèse tend à publics de coopération intercommunale (EPCI)  –, auprès de respon-
volontairement très empirique : il s’agit de se demander « ce qui se passe sables et de travailleurs administratifs des communes, villes, EPCI, régions,
différents documents produits par les acteurs. Le point de vue choisi est préfectures, agences d’urbanisme, agences de développement local, asso-
breuses observations (réunions et rencontres diverses) et sur l’analyse de ciations, auprès d’auteurs de projets ou encore de citoyens engagés dans
ces espaces périurbains. Cette recherche s’appuie également sur de nom- cette gestion, etc. : auprès de tous ceux qui participent à la gestion de
cette gestion, etc. : auprès de tous ceux qui participent à la gestion de ces espaces périurbains. Cette recherche s’appuie également sur de nom-
ciations, auprès d’auteurs de projets ou encore de citoyens engagés dans breuses observations (réunions et rencontres diverses) et sur l’analyse de
préfectures, agences d’urbanisme, agences de développement local, asso- différents documents produits par les acteurs. Le point de vue choisi est
sables et de travailleurs administratifs des communes, villes, EPCI, régions, volontairement très empirique : il s’agit de se demander « ce qui se passe
publics de coopération intercommunale (EPCI)  –, auprès de respon- dans le périurbain » en termes de gestion de l’espace. Notre thèse tend à
de communes périurbaines ou du centre urbain, élus d’établissements montrer comment ces espaces sont structurés par des politiques nationales
tretiens auprès d’élus – maires ou bourgmestres, adjoints ou échevins ou régionales, voire européennes, comment ces politiques sont retra-
Notre recherche, qui est qualitative, se base sur un peu plus de 80 en- vaillées localement et comment, dans le cadre de ces régulations locales,
multipolarisés. se développent des actions collectives pour gérer les espaces périurbains.
fait de ces espaces périurbains des espaces que l’on peut qualifier de C’est sous l’angle de ce dernier point que nous étudierons ici l’apport de
qui est composée de nombreuses villes, petites, moyennes ou grandes, l’étude des espaces périurbains pour la sociologie urbaine.
fondément marqué par son passé industriel. La structure de ce territoire, Loin d’un questionnement du périurbain par des seuils et des chiffres,
villes-centres sont toutes à moins de 300 km les unes des autres) pro- il s’agit de faire émerger sans a priori les enjeux qui travaillent ces espaces,
frontière belgo-française, dans un territoire relativement restreint (les en analysant plusieurs exemples d’actions publiques observées sur nos
(Lille et Metz). Ces quatre espaces se situent de part et d’autre de la terrains. Nous ne prétendons pas que ces exemples reflètent toute la
tive de quatre d’entre eux, en Belgique (Liège et Namur) et en France réalité du périurbain ; ils ont été choisis parce qu’ils montrent la diversité
porte sur la gestion des espaces périurbains à travers l’étude compara- que nous avons constatée, parce qu’ils nourrissent la réflexion sur le sens
La présente contribution s’appuie sur une partie de notre thèse qui du périurbain et qu’ils éclairent partiellement la double question que
d’action publique ou comme concepts. nous nous posons : l’action publique telle qu’elle existe dans les espaces
ritoires gérés par des acteurs multiples, autant que comme catégories périurbains présente-t-elle des similarités avec celle qu’on observe dans
du rural et d’un éventuel espace périurbain, leurs rapports comme ter- les villes ? Cette action est-elle coordonnée à l’action urbaine, comme la
dénomination de « territoire métropolitain » le laisse supposer ?
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 174
2004 ; Charmes, 2005).
portance des votes pour le Front national dans le périurbain (Le  Bras, 2002  ; Estèbe,
Marie Muselle 175 3. Deux faits ont renforcé cette idée : l’érection de barrières (Charmes, 2005) et l’im-

lativement fermé aux acteurs extérieurs, mais aussi aux citoyens :


UNE DIVERSITÉ D’ACTIONS PUBLIQUES Ce type de gestion de l’espace, chez certains élus locaux, est ainsi re-

Une gestion de l’espace entre conservatisme et innovation (Bourgmestre, La Bruyère)


ne compte que sur nous-mêmes, c’est beaucoup mieux comme cela.
Une certaine image des communes périurbaines et de leur gestion
ils n’ont jamais voulu [donc] on n’a jamais demandé de subsides. [...] On
renvoie à l’idée de fermeture, de repli, voire d’égoïsme3. De même que
met n’importe qui et ça, je ne veux pas [...]. Qu’on sélectionne au départ,
subsidié. Mais quand ils ont la maîtrise et que nous on ne l’a plus, on nous
la population habiterait ces espaces dans une telle dynamique de repli Donc l’AIS [...] peut servir, dans le sens où en passant par une AIS, on est
et d’évitement (Donzelot, 2004), les élus locaux seraient guidés par des reproché, parce que je veux nécessairement rester maître chez moi [...].
égoïsmes communaux considérés comme la première étape du déni de une AIS [agence immobilière sociale], les socialistes me l’ont souvent
solidarité : pas de logements sociaux, refus d’entrer dans des intercom- formons, il y aura 10 appartements [...]. Et je n’ai pas voulu passer par
munalités, etc. (Charmes, 2005, p. 13). En termes de gestion de l’espace, nons de racheter le couvent des sœurs, ici à Rhisne, et nous le trans-
ces communes développeraient une gestion de type « copropriété » ou Donc nous avons des projets sur des résidences services. [...] Nous ve-
« club » (Charmes, 2011).
Les observations sur nos quatre terrains ont en effet montré que l’ac- le souci principal est de garder la maîtrise de l’action :
tion publique de certaines communes est conforme à cette image : sui- lorsqu’il s’agit de développer des logements adaptés aux personnes âgées,
vant un objectif « conservateur », voire malthusien, les élus souhaitent Pour ce faire, l’important, c’est de tout maîtriser – seul. Par exemple,
avant tout préserver leur commune telle qu’elle est. La commune de
La Bruyère (Namur) est un exemple presque caricatural de ce type d’ac- pour ça que les gens aiment vivre ici. (Bourgmestre, La Bruyère)
tion publique. Le bourgmestre décrit sa politique de gestion de l’espace ce qu’on veut, c’est garder la commune comme elle est, parce que c’est
en ces mots : famille [...], on essaie toujours d’améliorer la qualité des services, ici, mais
Ici, on ne fait pas de politique. On gère la commune en bon père de
Ici, on ne fait pas de politique. On gère la commune en bon père de
famille [...], on essaie toujours d’améliorer la qualité des services, ici, mais en ces mots :
ce qu’on veut, c’est garder la commune comme elle est, parce que c’est tion publique. Le bourgmestre décrit sa politique de gestion de l’espace
pour ça que les gens aiment vivre ici. (Bourgmestre, La Bruyère) La Bruyère (Namur) est un exemple presque caricatural de ce type d’ac-
avant tout préserver leur commune telle qu’elle est. La commune de
Pour ce faire, l’important, c’est de tout maîtriser – seul. Par exemple, vant un objectif « conservateur », voire malthusien, les élus souhaitent
lorsqu’il s’agit de développer des logements adaptés aux personnes âgées, tion publique de certaines communes est conforme à cette image : sui-
le souci principal est de garder la maîtrise de l’action : Les observations sur nos quatre terrains ont en effet montré que l’ac-
« club » (Charmes, 2011).
Donc nous avons des projets sur des résidences services. [...] Nous ve- ces communes développeraient une gestion de type « copropriété » ou
nons de racheter le couvent des sœurs, ici à Rhisne, et nous le trans- munalités, etc. (Charmes, 2005, p. 13). En termes de gestion de l’espace,
formons, il y aura 10 appartements [...]. Et je n’ai pas voulu passer par solidarité : pas de logements sociaux, refus d’entrer dans des intercom-
une AIS [agence immobilière sociale], les socialistes me l’ont souvent égoïsmes communaux considérés comme la première étape du déni de
reproché, parce que je veux nécessairement rester maître chez moi [...]. et d’évitement (Donzelot, 2004), les élus locaux seraient guidés par des
Donc l’AIS [...] peut servir, dans le sens où en passant par une AIS, on est la population habiterait ces espaces dans une telle dynamique de repli
subsidié. Mais quand ils ont la maîtrise et que nous on ne l’a plus, on nous renvoie à l’idée de fermeture, de repli, voire d’égoïsme3. De même que
met n’importe qui et ça, je ne veux pas [...]. Qu’on sélectionne au départ,
ils n’ont jamais voulu [donc] on n’a jamais demandé de subsides. [...] On
Une certaine image des communes périurbaines et de leur gestion
ne compte que sur nous-mêmes, c’est beaucoup mieux comme cela.
(Bourgmestre, La Bruyère) Une gestion de l’espace entre conservatisme et innovation

Ce type de gestion de l’espace, chez certains élus locaux, est ainsi re- UNE DIVERSITÉ D’ACTIONS PUBLIQUES
lativement fermé aux acteurs extérieurs, mais aussi aux citoyens :
3. Deux faits ont renforcé cette idée : l’érection de barrières (Charmes, 2005) et l’im- 175 Marie Muselle
portance des votes pour le Front national dans le périurbain (Le  Bras, 2002  ; Estèbe,
2004 ; Charmes, 2005).

2004 ; Charmes, 2005).


portance des votes pour le Front national dans le périurbain (Le  Bras, 2002  ; Estèbe,
Marie Muselle 175 3. Deux faits ont renforcé cette idée : l’érection de barrières (Charmes, 2005) et l’im-

lativement fermé aux acteurs extérieurs, mais aussi aux citoyens :


UNE DIVERSITÉ D’ACTIONS PUBLIQUES Ce type de gestion de l’espace, chez certains élus locaux, est ainsi re-

Une gestion de l’espace entre conservatisme et innovation (Bourgmestre, La Bruyère)


ne compte que sur nous-mêmes, c’est beaucoup mieux comme cela.
Une certaine image des communes périurbaines et de leur gestion
ils n’ont jamais voulu [donc] on n’a jamais demandé de subsides. [...] On
renvoie à l’idée de fermeture, de repli, voire d’égoïsme3. De même que
met n’importe qui et ça, je ne veux pas [...]. Qu’on sélectionne au départ,
subsidié. Mais quand ils ont la maîtrise et que nous on ne l’a plus, on nous
la population habiterait ces espaces dans une telle dynamique de repli Donc l’AIS [...] peut servir, dans le sens où en passant par une AIS, on est
et d’évitement (Donzelot, 2004), les élus locaux seraient guidés par des reproché, parce que je veux nécessairement rester maître chez moi [...].
égoïsmes communaux considérés comme la première étape du déni de une AIS [agence immobilière sociale], les socialistes me l’ont souvent
solidarité : pas de logements sociaux, refus d’entrer dans des intercom- formons, il y aura 10 appartements [...]. Et je n’ai pas voulu passer par
munalités, etc. (Charmes, 2005, p. 13). En termes de gestion de l’espace, nons de racheter le couvent des sœurs, ici à Rhisne, et nous le trans-
ces communes développeraient une gestion de type « copropriété » ou Donc nous avons des projets sur des résidences services. [...] Nous ve-
« club » (Charmes, 2011).
Les observations sur nos quatre terrains ont en effet montré que l’ac- le souci principal est de garder la maîtrise de l’action :
tion publique de certaines communes est conforme à cette image : sui- lorsqu’il s’agit de développer des logements adaptés aux personnes âgées,
vant un objectif « conservateur », voire malthusien, les élus souhaitent Pour ce faire, l’important, c’est de tout maîtriser – seul. Par exemple,
avant tout préserver leur commune telle qu’elle est. La commune de
La Bruyère (Namur) est un exemple presque caricatural de ce type d’ac- pour ça que les gens aiment vivre ici. (Bourgmestre, La Bruyère)
tion publique. Le bourgmestre décrit sa politique de gestion de l’espace ce qu’on veut, c’est garder la commune comme elle est, parce que c’est
en ces mots : famille [...], on essaie toujours d’améliorer la qualité des services, ici, mais
Ici, on ne fait pas de politique. On gère la commune en bon père de
Ici, on ne fait pas de politique. On gère la commune en bon père de
famille [...], on essaie toujours d’améliorer la qualité des services, ici, mais en ces mots :
ce qu’on veut, c’est garder la commune comme elle est, parce que c’est tion publique. Le bourgmestre décrit sa politique de gestion de l’espace
pour ça que les gens aiment vivre ici. (Bourgmestre, La Bruyère) La Bruyère (Namur) est un exemple presque caricatural de ce type d’ac-
avant tout préserver leur commune telle qu’elle est. La commune de
Pour ce faire, l’important, c’est de tout maîtriser – seul. Par exemple, vant un objectif « conservateur », voire malthusien, les élus souhaitent
lorsqu’il s’agit de développer des logements adaptés aux personnes âgées, tion publique de certaines communes est conforme à cette image : sui-
le souci principal est de garder la maîtrise de l’action : Les observations sur nos quatre terrains ont en effet montré que l’ac-
« club » (Charmes, 2011).
Donc nous avons des projets sur des résidences services. [...] Nous ve- ces communes développeraient une gestion de type « copropriété » ou
nons de racheter le couvent des sœurs, ici à Rhisne, et nous le trans- munalités, etc. (Charmes, 2005, p. 13). En termes de gestion de l’espace,
formons, il y aura 10 appartements [...]. Et je n’ai pas voulu passer par solidarité : pas de logements sociaux, refus d’entrer dans des intercom-
une AIS [agence immobilière sociale], les socialistes me l’ont souvent égoïsmes communaux considérés comme la première étape du déni de
reproché, parce que je veux nécessairement rester maître chez moi [...]. et d’évitement (Donzelot, 2004), les élus locaux seraient guidés par des
Donc l’AIS [...] peut servir, dans le sens où en passant par une AIS, on est la population habiterait ces espaces dans une telle dynamique de repli
subsidié. Mais quand ils ont la maîtrise et que nous on ne l’a plus, on nous renvoie à l’idée de fermeture, de repli, voire d’égoïsme3. De même que
met n’importe qui et ça, je ne veux pas [...]. Qu’on sélectionne au départ,
ils n’ont jamais voulu [donc] on n’a jamais demandé de subsides. [...] On
Une certaine image des communes périurbaines et de leur gestion
ne compte que sur nous-mêmes, c’est beaucoup mieux comme cela.
(Bourgmestre, La Bruyère) Une gestion de l’espace entre conservatisme et innovation

Ce type de gestion de l’espace, chez certains élus locaux, est ainsi re- UNE DIVERSITÉ D’ACTIONS PUBLIQUES
lativement fermé aux acteurs extérieurs, mais aussi aux citoyens :
3. Deux faits ont renforcé cette idée : l’érection de barrières (Charmes, 2005) et l’im- 175 Marie Muselle
portance des votes pour le Front national dans le périurbain (Le  Bras, 2002  ; Estèbe,
2004 ; Charmes, 2005).
gestion en leur sein même.
communes périurbaines en matière de gestion de l’espace, et donc à autoriser ce type de
conduisent les structures intercommunales à permettre le maintien de l’autonomie des 176 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
4. Une autre partie de notre thèse est consacrée à la description fine des régulations qui

Les instances locales (et au premier chef la commune) sont moins per-
placer la commune sur la voie du développement durable et de s’op- çues comme des lieux d’expression de soi et plus comme des organes
accolés. Dans la commune de Floreffe (Namur), les élus ont décidé de administratifs auxquels les citadins délèguent la régulation et la gestion
citoyen et à faire évoluer la commune loin des stéréotypes qui y sont quotidienne de leur lieu de vie. [La municipalité] devient comme un
par exemple en place une gestion de l’espace qui cherche à associer le prestataire de services. (Charmes, 2005, p. 53)
développement d’autres types d’actions publiques. Certains élus mettent
Si ce type de gestion existe bel et bien, nous avons aussi pu observer le Une telle gestion se retrouve dans différentes communes, belges ou
mune (Desage, 2005, p. 77). françaises. L’appartenance à une communauté urbaine (Lille) ou d’ag-
2005, p. 147), qui reflète une tendance à la sanctuarisation de la com- glomération (Metz) ne semble pas faire obstacle à ce type de gestion4.
L’objectif premier est le statu quo, le slow growth ou le no growth (Charmes, Néanmoins, beaucoup d’élus ne sont pas aussi fermés, notamment en
de la qualité de vie) que proactive (visant un certain développement). termes de subsides (Belgique) ou de demande d’intervention de l’EPCI
par une attitude plus réactive (visant la préservation du patrimoine ou (France). Que ce soit vis-à-vis des autorités supérieures ou des commu-
ques élus, par un apolitisme affirmé (gérer « en bon père de famille ») et nautés, les élus périurbains se placent dans une posture de représentant,
rise par la monopolisation de l’action publique entre les mains de quel- mandant et négociateur, voire de courtier.
Quel que soit son degré d’ouverture, ce type de gestion se caracté-
profit des petites communes (Paris & Mons, 2009, p. 27). La communauté urbaine, pour nous, c’est une très bonne chose, parce
urbaine est vue comme un outil de redistribution des équipements au que grâce à elle nous avons pu bénéficier de services dont jamais nous
qu’ils souhaitent. Comme lors de sa création en 1960, la communauté n’aurions pu profiter uniquement avec nos propres ressources. (Adjoint,
toires où les élus communaux doivent penser ensemble les équipements Sainghin-en-Mélantois)
C’est le cas de Lille : l’ensemble métropolitain a été divisé en six terri-
munes voisines afin de solliciter en commun la réalisation d’équipements. La gestion de l’espace peut aussi passer par une ouverture à des com-
La gestion de l’espace peut aussi passer par une ouverture à des com- munes voisines afin de solliciter en commun la réalisation d’équipements.
C’est le cas de Lille : l’ensemble métropolitain a été divisé en six terri-
Sainghin-en-Mélantois) toires où les élus communaux doivent penser ensemble les équipements
n’aurions pu profiter uniquement avec nos propres ressources. (Adjoint, qu’ils souhaitent. Comme lors de sa création en 1960, la communauté
que grâce à elle nous avons pu bénéficier de services dont jamais nous urbaine est vue comme un outil de redistribution des équipements au
La communauté urbaine, pour nous, c’est une très bonne chose, parce profit des petites communes (Paris & Mons, 2009, p. 27).
Quel que soit son degré d’ouverture, ce type de gestion se caracté-
mandant et négociateur, voire de courtier. rise par la monopolisation de l’action publique entre les mains de quel-
nautés, les élus périurbains se placent dans une posture de représentant, ques élus, par un apolitisme affirmé (gérer « en bon père de famille ») et
(France). Que ce soit vis-à-vis des autorités supérieures ou des commu- par une attitude plus réactive (visant la préservation du patrimoine ou
termes de subsides (Belgique) ou de demande d’intervention de l’EPCI de la qualité de vie) que proactive (visant un certain développement).
Néanmoins, beaucoup d’élus ne sont pas aussi fermés, notamment en L’objectif premier est le statu quo, le slow growth ou le no growth (Charmes,
glomération (Metz) ne semble pas faire obstacle à ce type de gestion4. 2005, p. 147), qui reflète une tendance à la sanctuarisation de la com-
françaises. L’appartenance à une communauté urbaine (Lille) ou d’ag- mune (Desage, 2005, p. 77).
Une telle gestion se retrouve dans différentes communes, belges ou Si ce type de gestion existe bel et bien, nous avons aussi pu observer le
développement d’autres types d’actions publiques. Certains élus mettent
prestataire de services. (Charmes, 2005, p. 53) par exemple en place une gestion de l’espace qui cherche à associer le
quotidienne de leur lieu de vie. [La municipalité] devient comme un citoyen et à faire évoluer la commune loin des stéréotypes qui y sont
administratifs auxquels les citadins délèguent la régulation et la gestion accolés. Dans la commune de Floreffe (Namur), les élus ont décidé de
çues comme des lieux d’expression de soi et plus comme des organes placer la commune sur la voie du développement durable et de s’op-
Les instances locales (et au premier chef la commune) sont moins per-

4. Une autre partie de notre thèse est consacrée à la description fine des régulations qui
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 176 conduisent les structures intercommunales à permettre le maintien de l’autonomie des
communes périurbaines en matière de gestion de l’espace, et donc à autoriser ce type de
gestion en leur sein même.

gestion en leur sein même.


communes périurbaines en matière de gestion de l’espace, et donc à autoriser ce type de
conduisent les structures intercommunales à permettre le maintien de l’autonomie des 176 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
4. Une autre partie de notre thèse est consacrée à la description fine des régulations qui

Les instances locales (et au premier chef la commune) sont moins per-
placer la commune sur la voie du développement durable et de s’op- çues comme des lieux d’expression de soi et plus comme des organes
accolés. Dans la commune de Floreffe (Namur), les élus ont décidé de administratifs auxquels les citadins délèguent la régulation et la gestion
citoyen et à faire évoluer la commune loin des stéréotypes qui y sont quotidienne de leur lieu de vie. [La municipalité] devient comme un
par exemple en place une gestion de l’espace qui cherche à associer le prestataire de services. (Charmes, 2005, p. 53)
développement d’autres types d’actions publiques. Certains élus mettent
Si ce type de gestion existe bel et bien, nous avons aussi pu observer le Une telle gestion se retrouve dans différentes communes, belges ou
mune (Desage, 2005, p. 77). françaises. L’appartenance à une communauté urbaine (Lille) ou d’ag-
2005, p. 147), qui reflète une tendance à la sanctuarisation de la com- glomération (Metz) ne semble pas faire obstacle à ce type de gestion4.
L’objectif premier est le statu quo, le slow growth ou le no growth (Charmes, Néanmoins, beaucoup d’élus ne sont pas aussi fermés, notamment en
de la qualité de vie) que proactive (visant un certain développement). termes de subsides (Belgique) ou de demande d’intervention de l’EPCI
par une attitude plus réactive (visant la préservation du patrimoine ou (France). Que ce soit vis-à-vis des autorités supérieures ou des commu-
ques élus, par un apolitisme affirmé (gérer « en bon père de famille ») et nautés, les élus périurbains se placent dans une posture de représentant,
rise par la monopolisation de l’action publique entre les mains de quel- mandant et négociateur, voire de courtier.
Quel que soit son degré d’ouverture, ce type de gestion se caracté-
profit des petites communes (Paris & Mons, 2009, p. 27). La communauté urbaine, pour nous, c’est une très bonne chose, parce
urbaine est vue comme un outil de redistribution des équipements au que grâce à elle nous avons pu bénéficier de services dont jamais nous
qu’ils souhaitent. Comme lors de sa création en 1960, la communauté n’aurions pu profiter uniquement avec nos propres ressources. (Adjoint,
toires où les élus communaux doivent penser ensemble les équipements Sainghin-en-Mélantois)
C’est le cas de Lille : l’ensemble métropolitain a été divisé en six terri-
munes voisines afin de solliciter en commun la réalisation d’équipements. La gestion de l’espace peut aussi passer par une ouverture à des com-
La gestion de l’espace peut aussi passer par une ouverture à des com- munes voisines afin de solliciter en commun la réalisation d’équipements.
C’est le cas de Lille : l’ensemble métropolitain a été divisé en six terri-
Sainghin-en-Mélantois) toires où les élus communaux doivent penser ensemble les équipements
n’aurions pu profiter uniquement avec nos propres ressources. (Adjoint, qu’ils souhaitent. Comme lors de sa création en 1960, la communauté
que grâce à elle nous avons pu bénéficier de services dont jamais nous urbaine est vue comme un outil de redistribution des équipements au
La communauté urbaine, pour nous, c’est une très bonne chose, parce profit des petites communes (Paris & Mons, 2009, p. 27).
Quel que soit son degré d’ouverture, ce type de gestion se caracté-
mandant et négociateur, voire de courtier. rise par la monopolisation de l’action publique entre les mains de quel-
nautés, les élus périurbains se placent dans une posture de représentant, ques élus, par un apolitisme affirmé (gérer « en bon père de famille ») et
(France). Que ce soit vis-à-vis des autorités supérieures ou des commu- par une attitude plus réactive (visant la préservation du patrimoine ou
termes de subsides (Belgique) ou de demande d’intervention de l’EPCI de la qualité de vie) que proactive (visant un certain développement).
Néanmoins, beaucoup d’élus ne sont pas aussi fermés, notamment en L’objectif premier est le statu quo, le slow growth ou le no growth (Charmes,
glomération (Metz) ne semble pas faire obstacle à ce type de gestion4. 2005, p. 147), qui reflète une tendance à la sanctuarisation de la com-
françaises. L’appartenance à une communauté urbaine (Lille) ou d’ag- mune (Desage, 2005, p. 77).
Une telle gestion se retrouve dans différentes communes, belges ou Si ce type de gestion existe bel et bien, nous avons aussi pu observer le
développement d’autres types d’actions publiques. Certains élus mettent
prestataire de services. (Charmes, 2005, p. 53) par exemple en place une gestion de l’espace qui cherche à associer le
quotidienne de leur lieu de vie. [La municipalité] devient comme un citoyen et à faire évoluer la commune loin des stéréotypes qui y sont
administratifs auxquels les citadins délèguent la régulation et la gestion accolés. Dans la commune de Floreffe (Namur), les élus ont décidé de
çues comme des lieux d’expression de soi et plus comme des organes placer la commune sur la voie du développement durable et de s’op-
Les instances locales (et au premier chef la commune) sont moins per-

4. Une autre partie de notre thèse est consacrée à la description fine des régulations qui
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 176 conduisent les structures intercommunales à permettre le maintien de l’autonomie des
communes périurbaines en matière de gestion de l’espace, et donc à autoriser ce type de
gestion en leur sein même.
territoire et de mobilité) à l’administration de la Région wallonne.
5. Au dire du responsable des CCATM (commissions consultatives d’aménagement du
Marie Muselle 177

veloppement local, par l’intermédiaire des agences de développement


poser à l’idée que les communes périurbaines seraient, pour ainsi dire, plans communaux de développement rural (PCDR), des projets de dé-
anti-écologiques : Nombreuses sont les communes périurbaines qui mettent en place des
communes périurbaines belges et, dans une moindre mesure, françaises.
Les communes périurbaines, c’est là que peut se développer un vrai habi- sitifs proposés par l’État, la région, voire l’Europe, dans beaucoup de
tat vert, c’est là qu’on peut installer des panneaux photovoltaïques, qu’on Le citoyen sera aussi au cœur des projets qui se basent sur des dispo-
peut faire des maisons passives et même développer de l’énergie verte...
(Bourgmestre, Floreffe) Des projets encadrés par différents dispositifs
Par exemple, en matière de nouvelles constructions, tous les candidats
bâtisseurs sollicitant un permis de construire seront reçus avant de sou- avoir été plus promptes à faire que les autres5.
mettre leur projet : participatifs ou consultatifs, ce que les communes périurbaines semblent
présente dans de nombreuses communes qui ont mis en place des organes
On essaie d’« accompagner » les gens [...] pour qu’ils ne fassent pas n’im- la volonté d’associer le citoyen, notamment pour le sensibiliser, est bien
porte quoi, pour les sensibiliser sur tout ce qu’on ne peut pas leur impo- mune. Dans une forme aussi réfléchie, ce type de gestion est rare, mais
ser... On encourage parfois  [...], c’est mieux si on explique pourquoi. possible d’impliquer les citoyens dans une telle conception de leur com-
(Employé, Floreffe) périurbain (repli, évitement, gaspillage écologique) et font le pari qu’il est
En termes d’aménagement, ces élus ont souhaité favoriser une poli- gestion de l’espace qui va à l’encontre de nombreux stéréotypes sur le
tique qui permette de conserver, voire d’accroître le « lien social » et la Aidés par l’administration, les élus communaux développent ainsi une
rencontre, en restaurant par exemple des sentiers :
social ». (Échevin, Floreffe)
On a travaillé sur les sentiers et on a fait une carte de promenades, pour reusement, le « tout à la voiture » a été très dégradant au niveau du « lien
que les personnes ne circulent pas dans la commune en voiture. Parce la ruralité [...], donc c’est vraiment jouer sur le « lien social », et malheu-
que quand on circule en voiture, on ne dit pas bonjour... et c’est ça aussi que quand on circule en voiture, on ne dit pas bonjour... et c’est ça aussi
la ruralité [...], donc c’est vraiment jouer sur le « lien social », et malheu- que les personnes ne circulent pas dans la commune en voiture. Parce
reusement, le « tout à la voiture » a été très dégradant au niveau du « lien On a travaillé sur les sentiers et on a fait une carte de promenades, pour
social ». (Échevin, Floreffe)
rencontre, en restaurant par exemple des sentiers :
Aidés par l’administration, les élus communaux développent ainsi une tique qui permette de conserver, voire d’accroître le « lien social » et la
gestion de l’espace qui va à l’encontre de nombreux stéréotypes sur le En termes d’aménagement, ces élus ont souhaité favoriser une poli-
périurbain (repli, évitement, gaspillage écologique) et font le pari qu’il est (Employé, Floreffe)
possible d’impliquer les citoyens dans une telle conception de leur com- ser... On encourage parfois  [...], c’est mieux si on explique pourquoi.
mune. Dans une forme aussi réfléchie, ce type de gestion est rare, mais porte quoi, pour les sensibiliser sur tout ce qu’on ne peut pas leur impo-
la volonté d’associer le citoyen, notamment pour le sensibiliser, est bien On essaie d’« accompagner » les gens [...] pour qu’ils ne fassent pas n’im-
présente dans de nombreuses communes qui ont mis en place des organes
participatifs ou consultatifs, ce que les communes périurbaines semblent mettre leur projet :
avoir été plus promptes à faire que les autres5. bâtisseurs sollicitant un permis de construire seront reçus avant de sou-
Par exemple, en matière de nouvelles constructions, tous les candidats
Des projets encadrés par différents dispositifs (Bourgmestre, Floreffe)
peut faire des maisons passives et même développer de l’énergie verte...
Le citoyen sera aussi au cœur des projets qui se basent sur des dispo- tat vert, c’est là qu’on peut installer des panneaux photovoltaïques, qu’on
sitifs proposés par l’État, la région, voire l’Europe, dans beaucoup de Les communes périurbaines, c’est là que peut se développer un vrai habi-
communes périurbaines belges et, dans une moindre mesure, françaises.
Nombreuses sont les communes périurbaines qui mettent en place des anti-écologiques :
plans communaux de développement rural (PCDR), des projets de dé- poser à l’idée que les communes périurbaines seraient, pour ainsi dire,
veloppement local, par l’intermédiaire des agences de développement
177 Marie Muselle
5. Au dire du responsable des CCATM (commissions consultatives d’aménagement du
territoire et de mobilité) à l’administration de la Région wallonne.

territoire et de mobilité) à l’administration de la Région wallonne.


5. Au dire du responsable des CCATM (commissions consultatives d’aménagement du
Marie Muselle 177

veloppement local, par l’intermédiaire des agences de développement


poser à l’idée que les communes périurbaines seraient, pour ainsi dire, plans communaux de développement rural (PCDR), des projets de dé-
anti-écologiques : Nombreuses sont les communes périurbaines qui mettent en place des
communes périurbaines belges et, dans une moindre mesure, françaises.
Les communes périurbaines, c’est là que peut se développer un vrai habi- sitifs proposés par l’État, la région, voire l’Europe, dans beaucoup de
tat vert, c’est là qu’on peut installer des panneaux photovoltaïques, qu’on Le citoyen sera aussi au cœur des projets qui se basent sur des dispo-
peut faire des maisons passives et même développer de l’énergie verte...
(Bourgmestre, Floreffe) Des projets encadrés par différents dispositifs
Par exemple, en matière de nouvelles constructions, tous les candidats
bâtisseurs sollicitant un permis de construire seront reçus avant de sou- avoir été plus promptes à faire que les autres5.
mettre leur projet : participatifs ou consultatifs, ce que les communes périurbaines semblent
présente dans de nombreuses communes qui ont mis en place des organes
On essaie d’« accompagner » les gens [...] pour qu’ils ne fassent pas n’im- la volonté d’associer le citoyen, notamment pour le sensibiliser, est bien
porte quoi, pour les sensibiliser sur tout ce qu’on ne peut pas leur impo- mune. Dans une forme aussi réfléchie, ce type de gestion est rare, mais
ser... On encourage parfois  [...], c’est mieux si on explique pourquoi. possible d’impliquer les citoyens dans une telle conception de leur com-
(Employé, Floreffe) périurbain (repli, évitement, gaspillage écologique) et font le pari qu’il est
En termes d’aménagement, ces élus ont souhaité favoriser une poli- gestion de l’espace qui va à l’encontre de nombreux stéréotypes sur le
tique qui permette de conserver, voire d’accroître le « lien social » et la Aidés par l’administration, les élus communaux développent ainsi une
rencontre, en restaurant par exemple des sentiers :
social ». (Échevin, Floreffe)
On a travaillé sur les sentiers et on a fait une carte de promenades, pour reusement, le « tout à la voiture » a été très dégradant au niveau du « lien
que les personnes ne circulent pas dans la commune en voiture. Parce la ruralité [...], donc c’est vraiment jouer sur le « lien social », et malheu-
que quand on circule en voiture, on ne dit pas bonjour... et c’est ça aussi que quand on circule en voiture, on ne dit pas bonjour... et c’est ça aussi
la ruralité [...], donc c’est vraiment jouer sur le « lien social », et malheu- que les personnes ne circulent pas dans la commune en voiture. Parce
reusement, le « tout à la voiture » a été très dégradant au niveau du « lien On a travaillé sur les sentiers et on a fait une carte de promenades, pour
social ». (Échevin, Floreffe)
rencontre, en restaurant par exemple des sentiers :
Aidés par l’administration, les élus communaux développent ainsi une tique qui permette de conserver, voire d’accroître le « lien social » et la
gestion de l’espace qui va à l’encontre de nombreux stéréotypes sur le En termes d’aménagement, ces élus ont souhaité favoriser une poli-
périurbain (repli, évitement, gaspillage écologique) et font le pari qu’il est (Employé, Floreffe)
possible d’impliquer les citoyens dans une telle conception de leur com- ser... On encourage parfois  [...], c’est mieux si on explique pourquoi.
mune. Dans une forme aussi réfléchie, ce type de gestion est rare, mais porte quoi, pour les sensibiliser sur tout ce qu’on ne peut pas leur impo-
la volonté d’associer le citoyen, notamment pour le sensibiliser, est bien On essaie d’« accompagner » les gens [...] pour qu’ils ne fassent pas n’im-
présente dans de nombreuses communes qui ont mis en place des organes
participatifs ou consultatifs, ce que les communes périurbaines semblent mettre leur projet :
avoir été plus promptes à faire que les autres5. bâtisseurs sollicitant un permis de construire seront reçus avant de sou-
Par exemple, en matière de nouvelles constructions, tous les candidats
Des projets encadrés par différents dispositifs (Bourgmestre, Floreffe)
peut faire des maisons passives et même développer de l’énergie verte...
Le citoyen sera aussi au cœur des projets qui se basent sur des dispo- tat vert, c’est là qu’on peut installer des panneaux photovoltaïques, qu’on
sitifs proposés par l’État, la région, voire l’Europe, dans beaucoup de Les communes périurbaines, c’est là que peut se développer un vrai habi-
communes périurbaines belges et, dans une moindre mesure, françaises.
Nombreuses sont les communes périurbaines qui mettent en place des anti-écologiques :
plans communaux de développement rural (PCDR), des projets de dé- poser à l’idée que les communes périurbaines seraient, pour ainsi dire,
veloppement local, par l’intermédiaire des agences de développement
177 Marie Muselle
5. Au dire du responsable des CCATM (commissions consultatives d’aménagement du
territoire et de mobilité) à l’administration de la Région wallonne.
projet inscrit dans un PCDR.
8. Les subsides de la Région wallonne peuvent atteindre 80 % du budget de chaque
citoyens que par les autorités. 178 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
7. Il s’agit de salles polyvalentes destinées à accueillir des activités portées tant par les
et de garantie agricole.
gramme européen de développement rural financé par le Fonds européen d’orientation local (ADL), des plans de développement stratégique, dans le cadre de
6. Leader+  (Liaison entre action et développement de l’économie rurale) est un pro-
Leader+6, des schémas de structure communaux (SSC), des plans com-
munaux de développement de la nature (PCDN), etc. Tous ces dispositifs
la multiplicité des subsides aussi... (Ancien bourgmestre, Gesves) présentent le point commun de partir d’un diagnostic partagé pour abou-
que quand on les multiplie, on le fait aussi parce que cela donne accès à tir à des actions concrètes à mener (souvent subsidiées) dans le domaine
l’ADL, Leader+, cela fait une série de structures, il faut bien reconnaître de l’aménagement du territoire (schémas de structure), du développe-
Ce n’est pas toujours simple de distinguer la différence entre un PCDR, ment local ou rural (ADL, PCDR...) ou de la gestion de l’environnement
(PCDN).
ces dispositifs : Les opérations de développement rural et leur PCDR constituent un
cier d’un maximum d’aides, en jouant sur l’absence de coordination entre exemple typique de ces projets ; elles consistent
rare que des communes cumulent ces différents dispositifs pour bénéfi-
dispositifs, en raison des subsides qu’ils apportent8. Il n’est d’ailleurs pas en un ensemble coordonné d’actions de développement, d’aménagement
Les communes périurbaines ont été nombreuses à faire appel à ces et de réaménagement entreprises en milieu rural par une commune, dans
l’absence d’un espace public permettant la rencontre. le but de sa revitalisation et de sa restauration, dans le respect de ses ca-
nagement d’une place de village, par exemple, se fonde sur le constat de ractères propres et de manière à améliorer les conditions de vie de ses
diagnostic portant sur le « lien social » et le « vivre-ensemble ». Le réamé- habitants d’un point de vue économique, social et culturel. (Décret de la
ou de logements intergénérationnels, mais ils reposent toujours sur un Région wallonne, 6 juin 1991)
ment d’une place de village, la construction d’une maison de l’entité7
de priorité. Ces projets sont souvent matériels, comme le réaménage- Basée sur la participation citoyenne via une commission consulta-
et grands défis, ainsi que d’une série de projets précis et classés par ordre tive de développement rural (élus et citoyens) chargée de réfléchir à un
qui rédige le plan. Ce dernier sera composé d’un diagnostic, des objectifs PCDR, une telle opération est accompagnée par un « auteur de projet »
PCDR, une telle opération est accompagnée par un « auteur de projet » qui rédige le plan. Ce dernier sera composé d’un diagnostic, des objectifs
tive de développement rural (élus et citoyens) chargée de réfléchir à un et grands défis, ainsi que d’une série de projets précis et classés par ordre
Basée sur la participation citoyenne via une commission consulta- de priorité. Ces projets sont souvent matériels, comme le réaménage-
ment d’une place de village, la construction d’une maison de l’entité7
Région wallonne, 6 juin 1991) ou de logements intergénérationnels, mais ils reposent toujours sur un
habitants d’un point de vue économique, social et culturel. (Décret de la diagnostic portant sur le « lien social » et le « vivre-ensemble ». Le réamé-
ractères propres et de manière à améliorer les conditions de vie de ses nagement d’une place de village, par exemple, se fonde sur le constat de
le but de sa revitalisation et de sa restauration, dans le respect de ses ca- l’absence d’un espace public permettant la rencontre.
et de réaménagement entreprises en milieu rural par une commune, dans Les communes périurbaines ont été nombreuses à faire appel à ces
en un ensemble coordonné d’actions de développement, d’aménagement dispositifs, en raison des subsides qu’ils apportent8. Il n’est d’ailleurs pas
rare que des communes cumulent ces différents dispositifs pour bénéfi-
exemple typique de ces projets ; elles consistent cier d’un maximum d’aides, en jouant sur l’absence de coordination entre
Les opérations de développement rural et leur PCDR constituent un ces dispositifs :
(PCDN).
ment local ou rural (ADL, PCDR...) ou de la gestion de l’environnement Ce n’est pas toujours simple de distinguer la différence entre un PCDR,
de l’aménagement du territoire (schémas de structure), du développe- l’ADL, Leader+, cela fait une série de structures, il faut bien reconnaître
tir à des actions concrètes à mener (souvent subsidiées) dans le domaine que quand on les multiplie, on le fait aussi parce que cela donne accès à
présentent le point commun de partir d’un diagnostic partagé pour abou- la multiplicité des subsides aussi... (Ancien bourgmestre, Gesves)
munaux de développement de la nature (PCDN), etc. Tous ces dispositifs
6. Leader+  (Liaison entre action et développement de l’économie rurale) est un pro-
Leader+6, des schémas de structure communaux (SSC), des plans com-
local (ADL), des plans de développement stratégique, dans le cadre de gramme européen de développement rural financé par le Fonds européen d’orientation
et de garantie agricole.
7. Il s’agit de salles polyvalentes destinées à accueillir des activités portées tant par les
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 178 citoyens que par les autorités.
8. Les subsides de la Région wallonne peuvent atteindre 80 % du budget de chaque
projet inscrit dans un PCDR.

projet inscrit dans un PCDR.


8. Les subsides de la Région wallonne peuvent atteindre 80 % du budget de chaque
citoyens que par les autorités. 178 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
7. Il s’agit de salles polyvalentes destinées à accueillir des activités portées tant par les
et de garantie agricole.
gramme européen de développement rural financé par le Fonds européen d’orientation local (ADL), des plans de développement stratégique, dans le cadre de
6. Leader+  (Liaison entre action et développement de l’économie rurale) est un pro-
Leader+6, des schémas de structure communaux (SSC), des plans com-
munaux de développement de la nature (PCDN), etc. Tous ces dispositifs
la multiplicité des subsides aussi... (Ancien bourgmestre, Gesves) présentent le point commun de partir d’un diagnostic partagé pour abou-
que quand on les multiplie, on le fait aussi parce que cela donne accès à tir à des actions concrètes à mener (souvent subsidiées) dans le domaine
l’ADL, Leader+, cela fait une série de structures, il faut bien reconnaître de l’aménagement du territoire (schémas de structure), du développe-
Ce n’est pas toujours simple de distinguer la différence entre un PCDR, ment local ou rural (ADL, PCDR...) ou de la gestion de l’environnement
(PCDN).
ces dispositifs : Les opérations de développement rural et leur PCDR constituent un
cier d’un maximum d’aides, en jouant sur l’absence de coordination entre exemple typique de ces projets ; elles consistent
rare que des communes cumulent ces différents dispositifs pour bénéfi-
dispositifs, en raison des subsides qu’ils apportent8. Il n’est d’ailleurs pas en un ensemble coordonné d’actions de développement, d’aménagement
Les communes périurbaines ont été nombreuses à faire appel à ces et de réaménagement entreprises en milieu rural par une commune, dans
l’absence d’un espace public permettant la rencontre. le but de sa revitalisation et de sa restauration, dans le respect de ses ca-
nagement d’une place de village, par exemple, se fonde sur le constat de ractères propres et de manière à améliorer les conditions de vie de ses
diagnostic portant sur le « lien social » et le « vivre-ensemble ». Le réamé- habitants d’un point de vue économique, social et culturel. (Décret de la
ou de logements intergénérationnels, mais ils reposent toujours sur un Région wallonne, 6 juin 1991)
ment d’une place de village, la construction d’une maison de l’entité7
de priorité. Ces projets sont souvent matériels, comme le réaménage- Basée sur la participation citoyenne via une commission consulta-
et grands défis, ainsi que d’une série de projets précis et classés par ordre tive de développement rural (élus et citoyens) chargée de réfléchir à un
qui rédige le plan. Ce dernier sera composé d’un diagnostic, des objectifs PCDR, une telle opération est accompagnée par un « auteur de projet »
PCDR, une telle opération est accompagnée par un « auteur de projet » qui rédige le plan. Ce dernier sera composé d’un diagnostic, des objectifs
tive de développement rural (élus et citoyens) chargée de réfléchir à un et grands défis, ainsi que d’une série de projets précis et classés par ordre
Basée sur la participation citoyenne via une commission consulta- de priorité. Ces projets sont souvent matériels, comme le réaménage-
ment d’une place de village, la construction d’une maison de l’entité7
Région wallonne, 6 juin 1991) ou de logements intergénérationnels, mais ils reposent toujours sur un
habitants d’un point de vue économique, social et culturel. (Décret de la diagnostic portant sur le « lien social » et le « vivre-ensemble ». Le réamé-
ractères propres et de manière à améliorer les conditions de vie de ses nagement d’une place de village, par exemple, se fonde sur le constat de
le but de sa revitalisation et de sa restauration, dans le respect de ses ca- l’absence d’un espace public permettant la rencontre.
et de réaménagement entreprises en milieu rural par une commune, dans Les communes périurbaines ont été nombreuses à faire appel à ces
en un ensemble coordonné d’actions de développement, d’aménagement dispositifs, en raison des subsides qu’ils apportent8. Il n’est d’ailleurs pas
rare que des communes cumulent ces différents dispositifs pour bénéfi-
exemple typique de ces projets ; elles consistent cier d’un maximum d’aides, en jouant sur l’absence de coordination entre
Les opérations de développement rural et leur PCDR constituent un ces dispositifs :
(PCDN).
ment local ou rural (ADL, PCDR...) ou de la gestion de l’environnement Ce n’est pas toujours simple de distinguer la différence entre un PCDR,
de l’aménagement du territoire (schémas de structure), du développe- l’ADL, Leader+, cela fait une série de structures, il faut bien reconnaître
tir à des actions concrètes à mener (souvent subsidiées) dans le domaine que quand on les multiplie, on le fait aussi parce que cela donne accès à
présentent le point commun de partir d’un diagnostic partagé pour abou- la multiplicité des subsides aussi... (Ancien bourgmestre, Gesves)
munaux de développement de la nature (PCDN), etc. Tous ces dispositifs
6. Leader+  (Liaison entre action et développement de l’économie rurale) est un pro-
Leader+6, des schémas de structure communaux (SSC), des plans com-
local (ADL), des plans de développement stratégique, dans le cadre de gramme européen de développement rural financé par le Fonds européen d’orientation
et de garantie agricole.
7. Il s’agit de salles polyvalentes destinées à accueillir des activités portées tant par les
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 178 citoyens que par les autorités.
8. Les subsides de la Région wallonne peuvent atteindre 80 % du budget de chaque
projet inscrit dans un PCDR.
parler du « plan de développement stratégique ».
9. Groupe d’action local mis en place dans le cadre des projets Leader+. Ici utilisé pour
Marie Muselle 179
ploitations qui produisaient des légumes, des maraîchers, qui allaient avec
Toutes les villes ont toujours eu une ceinture verte, avec des petites ex-
Il y a notamment une fiche par rapport à la diversification agricole qu’on
retrouve dans l’ADL et quasiment dans le GAL9. Et après, on brode [...]. locaux, de retrouver le rapport ville / campagne :
Ça ne se dit pas trop, mais je pense qu’il y a au niveau de la région une métropole, de recréer le lien entre les agriculteurs et les consommateurs
segmentation incroyable et qui permet ce qui se passe ici, c’est-à-dire Pour les élus, il s’agit de repositionner l’espace périurbain dans la
quasiment la même fiche qui est introduite dans les deux créneaux et
acceptée dans les deux côtés, avec des demandes identiques en termes de rien, c’est deux emplois créés... (Adjoint, Ennetière-en-Weppes)
financement de personnel... (Responsable Leader+, Gesves) consommateur, ça permet aussi d’avoir un « lien social ». Puis, mine de
une valorisation des productions agricoles en circuit direct producteur-
pagnard. Donc, on a ouvert ce magasin qui donne satisfaction. Ça apporte
Ces projets peuvent être pilotés par des élus locaux, des employés local qui était vacant et qui se prête bien [à] cela, ça fait rustique et cam-
communaux, de nouveaux acteurs locaux, engagés spécifiquement, ou exploitants ont répondu. Avec le maire, on a rencontré le propriétaire du
par des acteurs plus extérieurs (auteurs de projets), mais il s’agit toujours y a eu une réunion [...] sur le projet d’un exploitant agricole, [et] quatre
d’associer le politique et l’administratif avec les citoyens et forces vives urbaine], j’ai relayé dans le cadre du soutien à l’agriculture périurbaine. Il
pour imaginer le devenir de la commune sur la base d’un diagnostic et et moi, en tant que conseiller LMCU [Lille métropole communauté
de mettre en place des actions pour y parvenir. quelques exploitants agricoles qu’en tant qu’élus nous avons soutenus,
L’ouverture de la Sablière, ça a été une opportunité. C’est l’initiative de
Des projets à l’initiative des citoyens
agricole, avec le soutien des élus locaux :
Si ces projets impliquent la participation importante de citoyens et rie de Lille, un petit magasin a été ouvert sur l’initiative d’un exploitant
d’acteurs privés, dans différentes communes périurbaines se développent points de vente de type coopératif. À Ennetière, commune en périphé-
aussi des projets réellement impulsés par des forces vives locales, qui sont agriculture locale par la vente de « paniers paysans » ou la création de
allées chercher le soutien des élus locaux. Un exemple caractéristique, présent sur les quatre espaces périurbains étudiés, est la promotion d’une
présent sur les quatre espaces périurbains étudiés, est la promotion d’une allées chercher le soutien des élus locaux. Un exemple caractéristique,
agriculture locale par la vente de « paniers paysans » ou la création de aussi des projets réellement impulsés par des forces vives locales, qui sont
points de vente de type coopératif. À Ennetière, commune en périphé- d’acteurs privés, dans différentes communes périurbaines se développent
rie de Lille, un petit magasin a été ouvert sur l’initiative d’un exploitant Si ces projets impliquent la participation importante de citoyens et
agricole, avec le soutien des élus locaux :
Des projets à l’initiative des citoyens
L’ouverture de la Sablière, ça a été une opportunité. C’est l’initiative de
quelques exploitants agricoles qu’en tant qu’élus nous avons soutenus, de mettre en place des actions pour y parvenir.
et moi, en tant que conseiller LMCU [Lille métropole communauté pour imaginer le devenir de la commune sur la base d’un diagnostic et
urbaine], j’ai relayé dans le cadre du soutien à l’agriculture périurbaine. Il d’associer le politique et l’administratif avec les citoyens et forces vives
y a eu une réunion [...] sur le projet d’un exploitant agricole, [et] quatre par des acteurs plus extérieurs (auteurs de projets), mais il s’agit toujours
exploitants ont répondu. Avec le maire, on a rencontré le propriétaire du communaux, de nouveaux acteurs locaux, engagés spécifiquement, ou
local qui était vacant et qui se prête bien [à] cela, ça fait rustique et cam- Ces projets peuvent être pilotés par des élus locaux, des employés
pagnard. Donc, on a ouvert ce magasin qui donne satisfaction. Ça apporte
une valorisation des productions agricoles en circuit direct producteur-
consommateur, ça permet aussi d’avoir un « lien social ». Puis, mine de financement de personnel... (Responsable Leader+, Gesves)
rien, c’est deux emplois créés... (Adjoint, Ennetière-en-Weppes) acceptée dans les deux côtés, avec des demandes identiques en termes de
quasiment la même fiche qui est introduite dans les deux créneaux et
Pour les élus, il s’agit de repositionner l’espace périurbain dans la segmentation incroyable et qui permet ce qui se passe ici, c’est-à-dire
métropole, de recréer le lien entre les agriculteurs et les consommateurs Ça ne se dit pas trop, mais je pense qu’il y a au niveau de la région une
locaux, de retrouver le rapport ville / campagne : retrouve dans l’ADL et quasiment dans le GAL9. Et après, on brode [...].
Il y a notamment une fiche par rapport à la diversification agricole qu’on
Toutes les villes ont toujours eu une ceinture verte, avec des petites ex-
ploitations qui produisaient des légumes, des maraîchers, qui allaient avec
179 Marie Muselle
9. Groupe d’action local mis en place dans le cadre des projets Leader+. Ici utilisé pour
parler du « plan de développement stratégique ».

parler du « plan de développement stratégique ».


9. Groupe d’action local mis en place dans le cadre des projets Leader+. Ici utilisé pour
Marie Muselle 179
ploitations qui produisaient des légumes, des maraîchers, qui allaient avec
Toutes les villes ont toujours eu une ceinture verte, avec des petites ex-
Il y a notamment une fiche par rapport à la diversification agricole qu’on
retrouve dans l’ADL et quasiment dans le GAL9. Et après, on brode [...]. locaux, de retrouver le rapport ville / campagne :
Ça ne se dit pas trop, mais je pense qu’il y a au niveau de la région une métropole, de recréer le lien entre les agriculteurs et les consommateurs
segmentation incroyable et qui permet ce qui se passe ici, c’est-à-dire Pour les élus, il s’agit de repositionner l’espace périurbain dans la
quasiment la même fiche qui est introduite dans les deux créneaux et
acceptée dans les deux côtés, avec des demandes identiques en termes de rien, c’est deux emplois créés... (Adjoint, Ennetière-en-Weppes)
financement de personnel... (Responsable Leader+, Gesves) consommateur, ça permet aussi d’avoir un « lien social ». Puis, mine de
une valorisation des productions agricoles en circuit direct producteur-
pagnard. Donc, on a ouvert ce magasin qui donne satisfaction. Ça apporte
Ces projets peuvent être pilotés par des élus locaux, des employés local qui était vacant et qui se prête bien [à] cela, ça fait rustique et cam-
communaux, de nouveaux acteurs locaux, engagés spécifiquement, ou exploitants ont répondu. Avec le maire, on a rencontré le propriétaire du
par des acteurs plus extérieurs (auteurs de projets), mais il s’agit toujours y a eu une réunion [...] sur le projet d’un exploitant agricole, [et] quatre
d’associer le politique et l’administratif avec les citoyens et forces vives urbaine], j’ai relayé dans le cadre du soutien à l’agriculture périurbaine. Il
pour imaginer le devenir de la commune sur la base d’un diagnostic et et moi, en tant que conseiller LMCU [Lille métropole communauté
de mettre en place des actions pour y parvenir. quelques exploitants agricoles qu’en tant qu’élus nous avons soutenus,
L’ouverture de la Sablière, ça a été une opportunité. C’est l’initiative de
Des projets à l’initiative des citoyens
agricole, avec le soutien des élus locaux :
Si ces projets impliquent la participation importante de citoyens et rie de Lille, un petit magasin a été ouvert sur l’initiative d’un exploitant
d’acteurs privés, dans différentes communes périurbaines se développent points de vente de type coopératif. À Ennetière, commune en périphé-
aussi des projets réellement impulsés par des forces vives locales, qui sont agriculture locale par la vente de « paniers paysans » ou la création de
allées chercher le soutien des élus locaux. Un exemple caractéristique, présent sur les quatre espaces périurbains étudiés, est la promotion d’une
présent sur les quatre espaces périurbains étudiés, est la promotion d’une allées chercher le soutien des élus locaux. Un exemple caractéristique,
agriculture locale par la vente de « paniers paysans » ou la création de aussi des projets réellement impulsés par des forces vives locales, qui sont
points de vente de type coopératif. À Ennetière, commune en périphé- d’acteurs privés, dans différentes communes périurbaines se développent
rie de Lille, un petit magasin a été ouvert sur l’initiative d’un exploitant Si ces projets impliquent la participation importante de citoyens et
agricole, avec le soutien des élus locaux :
Des projets à l’initiative des citoyens
L’ouverture de la Sablière, ça a été une opportunité. C’est l’initiative de
quelques exploitants agricoles qu’en tant qu’élus nous avons soutenus, de mettre en place des actions pour y parvenir.
et moi, en tant que conseiller LMCU [Lille métropole communauté pour imaginer le devenir de la commune sur la base d’un diagnostic et
urbaine], j’ai relayé dans le cadre du soutien à l’agriculture périurbaine. Il d’associer le politique et l’administratif avec les citoyens et forces vives
y a eu une réunion [...] sur le projet d’un exploitant agricole, [et] quatre par des acteurs plus extérieurs (auteurs de projets), mais il s’agit toujours
exploitants ont répondu. Avec le maire, on a rencontré le propriétaire du communaux, de nouveaux acteurs locaux, engagés spécifiquement, ou
local qui était vacant et qui se prête bien [à] cela, ça fait rustique et cam- Ces projets peuvent être pilotés par des élus locaux, des employés
pagnard. Donc, on a ouvert ce magasin qui donne satisfaction. Ça apporte
une valorisation des productions agricoles en circuit direct producteur-
consommateur, ça permet aussi d’avoir un « lien social ». Puis, mine de financement de personnel... (Responsable Leader+, Gesves)
rien, c’est deux emplois créés... (Adjoint, Ennetière-en-Weppes) acceptée dans les deux côtés, avec des demandes identiques en termes de
quasiment la même fiche qui est introduite dans les deux créneaux et
Pour les élus, il s’agit de repositionner l’espace périurbain dans la segmentation incroyable et qui permet ce qui se passe ici, c’est-à-dire
métropole, de recréer le lien entre les agriculteurs et les consommateurs Ça ne se dit pas trop, mais je pense qu’il y a au niveau de la région une
locaux, de retrouver le rapport ville / campagne : retrouve dans l’ADL et quasiment dans le GAL9. Et après, on brode [...].
Il y a notamment une fiche par rapport à la diversification agricole qu’on
Toutes les villes ont toujours eu une ceinture verte, avec des petites ex-
ploitations qui produisaient des légumes, des maraîchers, qui allaient avec
179 Marie Muselle
9. Groupe d’action local mis en place dans le cadre des projets Leader+. Ici utilisé pour
parler du « plan de développement stratégique ».
pour la province de Liège et les communes qui la composent.
11. La SPI+ (Services promotion initiatives) est l’agence de développement économique
périurbaine. 180 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
10. Elle s’est aussi inscrite dans le réseau Terres en villes qui promeut l’agriculture

cette gestion par des acteurs extérieurs ne porte pas seulement sur des la charrette à bras vendre leurs légumes. Cette ceinture verte a toujours
paces économiques se retrouve dans la périphérie lilloise ou messine. Mais existé et aujourd’hui, quand il y a un regain d’intérêt des consommateurs
vers les produits frais, vers la traçabilité, il faut valoriser cette ceinture
verte. (Maire, Ennetière-en-Weppes)
Cette même idée de « cession » d’une partie du territoire pour des es-
auteur du PCDR et du SSC d’Awans) Avec ces paniers, il y a beaucoup de gens qui viennent de Lille. Comme
il doit y avoir un jour une décision du collège communal. (Consultant, ça, ça crée de l’échange. Ce n’est pas toujours tout au centre, on fait aussi
nous on sera là pour couper le ruban... » Ce n’est pas vraiment officieux, des choses dans nos campagnes. (Producteur, Ennetière-en-Weppes)
vous confie ça, faites-en le mieux que vous pouvez selon vos critères... et
territoire, on en est arrivés là. [...]. Un jour, on a dit à la SPI+ : « Voilà, on Dans la communauté urbaine lilloise, ce type d’initiatives soutenues
ça des mandats plus ou moins clairs et finalement [...] gère des parties du par les élus locaux a trouvé un écho dans la volonté de la communauté
À Awans, la SPI+, qui est un gros gros outil, a visiblement reçu comme urbaine de s’afficher comme « métropole verte10 » :
même de développer avec succès le parc économique : C’est vrai que le mouvement agricole est quand même un lobby assez fort,
leur territoire à une intercommunale économique, la SPI+11, jugée plus à via la chambre d’agriculture, les maires des petites communes [...]. Il y a
semblent alors avoir fait le choix de concéder la gestion d’une partie de un gros projet de mettre l’agriculture biologique dans les circuits courts, 
un parc important a été développé dans la commune d’Awans. Les élus etc., la communauté va afficher une volonté de favoriser l’agriculture de
quemment le cas des parcs d’activité économique. En périphérie liégeoise, qualité pour tous. (Urbaniste, Lille métropole communauté urbaine)
fruit de projets menés par des acteurs extérieurs à la commune. C’est fré- Sollicités ici par des producteurs, ailleurs par des associations de ci-
locaux. Elle peut aussi, dans certaines communes, être partiellement le toyens, les élus prennent part à des projets pilotés et portés par des forces
Mais la gestion de l’espace périurbain ne concerne pas que des acteurs vives locales. Ils portent là encore une autre image des territoires péri-
urbains, en questionnant leur lien avec les villes.
Les projets d’acteurs extérieurs
Les projets d’acteurs extérieurs
urbains, en questionnant leur lien avec les villes.
vives locales. Ils portent là encore une autre image des territoires péri- Mais la gestion de l’espace périurbain ne concerne pas que des acteurs
toyens, les élus prennent part à des projets pilotés et portés par des forces locaux. Elle peut aussi, dans certaines communes, être partiellement le
Sollicités ici par des producteurs, ailleurs par des associations de ci- fruit de projets menés par des acteurs extérieurs à la commune. C’est fré-
quemment le cas des parcs d’activité économique. En périphérie liégeoise,
un parc important a été développé dans la commune d’Awans. Les élus
qualité pour tous. (Urbaniste, Lille métropole communauté urbaine)
etc., la communauté va afficher une volonté de favoriser l’agriculture de
un gros projet de mettre l’agriculture biologique dans les circuits courts,  semblent alors avoir fait le choix de concéder la gestion d’une partie de
via la chambre d’agriculture, les maires des petites communes [...]. Il y a leur territoire à une intercommunale économique, la SPI+11, jugée plus à
C’est vrai que le mouvement agricole est quand même un lobby assez fort, même de développer avec succès le parc économique :
urbaine de s’afficher comme « métropole verte10 » : À Awans, la SPI+, qui est un gros gros outil, a visiblement reçu comme
par les élus locaux a trouvé un écho dans la volonté de la communauté ça des mandats plus ou moins clairs et finalement [...] gère des parties du
Dans la communauté urbaine lilloise, ce type d’initiatives soutenues territoire, on en est arrivés là. [...]. Un jour, on a dit à la SPI+ : « Voilà, on
vous confie ça, faites-en le mieux que vous pouvez selon vos critères... et
des choses dans nos campagnes. (Producteur, Ennetière-en-Weppes) nous on sera là pour couper le ruban... » Ce n’est pas vraiment officieux,
ça, ça crée de l’échange. Ce n’est pas toujours tout au centre, on fait aussi il doit y avoir un jour une décision du collège communal. (Consultant,
Avec ces paniers, il y a beaucoup de gens qui viennent de Lille. Comme auteur du PCDR et du SSC d’Awans)

Cette même idée de « cession » d’une partie du territoire pour des es-
verte. (Maire, Ennetière-en-Weppes)
paces économiques se retrouve dans la périphérie lilloise ou messine. Mais
vers les produits frais, vers la traçabilité, il faut valoriser cette ceinture
existé et aujourd’hui, quand il y a un regain d’intérêt des consommateurs
la charrette à bras vendre leurs légumes. Cette ceinture verte a toujours cette gestion par des acteurs extérieurs ne porte pas seulement sur des
10. Elle s’est aussi inscrite dans le réseau Terres en villes qui promeut l’agriculture
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 180 périurbaine.
11. La SPI+ (Services promotion initiatives) est l’agence de développement économique
pour la province de Liège et les communes qui la composent.

pour la province de Liège et les communes qui la composent.


11. La SPI+ (Services promotion initiatives) est l’agence de développement économique
périurbaine. 180 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
10. Elle s’est aussi inscrite dans le réseau Terres en villes qui promeut l’agriculture

cette gestion par des acteurs extérieurs ne porte pas seulement sur des la charrette à bras vendre leurs légumes. Cette ceinture verte a toujours
paces économiques se retrouve dans la périphérie lilloise ou messine. Mais existé et aujourd’hui, quand il y a un regain d’intérêt des consommateurs
vers les produits frais, vers la traçabilité, il faut valoriser cette ceinture
verte. (Maire, Ennetière-en-Weppes)
Cette même idée de « cession » d’une partie du territoire pour des es-
auteur du PCDR et du SSC d’Awans) Avec ces paniers, il y a beaucoup de gens qui viennent de Lille. Comme
il doit y avoir un jour une décision du collège communal. (Consultant, ça, ça crée de l’échange. Ce n’est pas toujours tout au centre, on fait aussi
nous on sera là pour couper le ruban... » Ce n’est pas vraiment officieux, des choses dans nos campagnes. (Producteur, Ennetière-en-Weppes)
vous confie ça, faites-en le mieux que vous pouvez selon vos critères... et
territoire, on en est arrivés là. [...]. Un jour, on a dit à la SPI+ : « Voilà, on Dans la communauté urbaine lilloise, ce type d’initiatives soutenues
ça des mandats plus ou moins clairs et finalement [...] gère des parties du par les élus locaux a trouvé un écho dans la volonté de la communauté
À Awans, la SPI+, qui est un gros gros outil, a visiblement reçu comme urbaine de s’afficher comme « métropole verte10 » :
même de développer avec succès le parc économique : C’est vrai que le mouvement agricole est quand même un lobby assez fort,
leur territoire à une intercommunale économique, la SPI+11, jugée plus à via la chambre d’agriculture, les maires des petites communes [...]. Il y a
semblent alors avoir fait le choix de concéder la gestion d’une partie de un gros projet de mettre l’agriculture biologique dans les circuits courts, 
un parc important a été développé dans la commune d’Awans. Les élus etc., la communauté va afficher une volonté de favoriser l’agriculture de
quemment le cas des parcs d’activité économique. En périphérie liégeoise, qualité pour tous. (Urbaniste, Lille métropole communauté urbaine)
fruit de projets menés par des acteurs extérieurs à la commune. C’est fré- Sollicités ici par des producteurs, ailleurs par des associations de ci-
locaux. Elle peut aussi, dans certaines communes, être partiellement le toyens, les élus prennent part à des projets pilotés et portés par des forces
Mais la gestion de l’espace périurbain ne concerne pas que des acteurs vives locales. Ils portent là encore une autre image des territoires péri-
urbains, en questionnant leur lien avec les villes.
Les projets d’acteurs extérieurs
Les projets d’acteurs extérieurs
urbains, en questionnant leur lien avec les villes.
vives locales. Ils portent là encore une autre image des territoires péri- Mais la gestion de l’espace périurbain ne concerne pas que des acteurs
toyens, les élus prennent part à des projets pilotés et portés par des forces locaux. Elle peut aussi, dans certaines communes, être partiellement le
Sollicités ici par des producteurs, ailleurs par des associations de ci- fruit de projets menés par des acteurs extérieurs à la commune. C’est fré-
quemment le cas des parcs d’activité économique. En périphérie liégeoise,
un parc important a été développé dans la commune d’Awans. Les élus
qualité pour tous. (Urbaniste, Lille métropole communauté urbaine)
etc., la communauté va afficher une volonté de favoriser l’agriculture de
un gros projet de mettre l’agriculture biologique dans les circuits courts,  semblent alors avoir fait le choix de concéder la gestion d’une partie de
via la chambre d’agriculture, les maires des petites communes [...]. Il y a leur territoire à une intercommunale économique, la SPI+11, jugée plus à
C’est vrai que le mouvement agricole est quand même un lobby assez fort, même de développer avec succès le parc économique :
urbaine de s’afficher comme « métropole verte10 » : À Awans, la SPI+, qui est un gros gros outil, a visiblement reçu comme
par les élus locaux a trouvé un écho dans la volonté de la communauté ça des mandats plus ou moins clairs et finalement [...] gère des parties du
Dans la communauté urbaine lilloise, ce type d’initiatives soutenues territoire, on en est arrivés là. [...]. Un jour, on a dit à la SPI+ : « Voilà, on
vous confie ça, faites-en le mieux que vous pouvez selon vos critères... et
des choses dans nos campagnes. (Producteur, Ennetière-en-Weppes) nous on sera là pour couper le ruban... » Ce n’est pas vraiment officieux,
ça, ça crée de l’échange. Ce n’est pas toujours tout au centre, on fait aussi il doit y avoir un jour une décision du collège communal. (Consultant,
Avec ces paniers, il y a beaucoup de gens qui viennent de Lille. Comme auteur du PCDR et du SSC d’Awans)

Cette même idée de « cession » d’une partie du territoire pour des es-
verte. (Maire, Ennetière-en-Weppes)
paces économiques se retrouve dans la périphérie lilloise ou messine. Mais
vers les produits frais, vers la traçabilité, il faut valoriser cette ceinture
existé et aujourd’hui, quand il y a un regain d’intérêt des consommateurs
la charrette à bras vendre leurs légumes. Cette ceinture verte a toujours cette gestion par des acteurs extérieurs ne porte pas seulement sur des
10. Elle s’est aussi inscrite dans le réseau Terres en villes qui promeut l’agriculture
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 180 périurbaine.
11. La SPI+ (Services promotion initiatives) est l’agence de développement économique
pour la province de Liège et les communes qui la composent.
désignée “métropole d’équilibre” par l’État » (Escudie et al., 2008, p. 127).
ner un statut de métropole européenne à la conurbation de Lille-Roubaix-Tourcoing,
Marie Muselle 181 [devaient former] une “aire urbaine centrale”, suffisamment ample et peuplée pour don-
12. Dans le projet initial, « les agglomérations de Lille et de Lens ainsi rapprochées

zones d’activité économique, elle peut aussi concerner l’aménagement nouvel élu, tantôt la mobilisation de citoyens, tantôt l’inscription dans
d’espaces verts, pour les loisirs notamment. C’est le cas de l’aménagement commune... Chaque histoire est singulière : c’est tantôt l’arrivée d’un
du parc de la Deûle à Lille, un espace de 350 ha aménagé depuis 1994 ancienneté du maire ou du bourgmestre, position géographique de la
sur six communes de la périphérie. Il répond à différents objectifs : pré- Aucun facteur ne semble déterminant : appartenance politique des élus,
server les ressources naturelles (eau et milieu), préserver un espace pour conservatrice alors que d’autres optent pour une gestion plus innovante ?
l’agriculture, compenser le manque d’équipements de loisirs verts de la expliquer pourquoi certaines communes s’orientent vers une gestion
métropole et établir une liaison verte structurante entre la métropole Comment comprendre cette diversité des types de gestion ? Peut-on
lilloise et l’ancien bassin minier (Lens), afin de créer une « aire urbaine contrepartie pour la commune, et suppose qu’elle y trouve son intérêt.
centrale » d’échelle européenne12. Ces objectifs traduisent une nouvelle aux élus, se fait en fonction de négociations qui conduisent souvent à une
façon de concevoir un espace périurbain multifonctionnel et commun à concèdent, ou non, une partie de leur territoire ; ce choix, qui appartient
l’ensemble des habitants de la métropole. projets. Mais elles restent incontournables dans leur mise en place : elles
Suite à une délégation de la communauté urbaine, le parc est au- Les autorités locales sont ainsi plus ou moins impliquées dans ces
jourd’hui géré par le syndicat mixte Espace naturel Lille métropole, qui
regroupe des élus des communes concernées et des élus métropolitains, si ce territoire nous appartenait moins... (Adjoint, Don)
urbains ou périurbains, des agriculteurs et des membres de la chambre
vaux qu’elle a faits. Et bon, du coup, c’est vrai que c’est un peu comme
d’agriculture, des aménageurs de l’organisme régional d’étude et d’amé-
récupérer le terrain, il faudrait qu’elle rembourse l’ENM de tous les tra-
à la commune, mais il y a une convention, donc si la commune veut
nagement,  etc. Si certains acteurs locaux se sentent impliqués dans le brader le truc... pour rien... En principe, au niveau foncier, ça appartient
projet, parce qu’ils sont présents dans le syndicat, d’autres le considèrent citer le cas de Don, la zone des étangs, [l’ancien maire] s’est empressé de
comme un acteur extérieur. une à l’ENM. Et disons que l’ENM a un appétit terrien important. Pour
communauté, en fait, elle a tellement de compétences qu’elle en a refilé
On a créé l’Espace naturel métropolitain (ENM) qui peut s’autofinancer, monter des projets européens, avoir de l’argent de la communauté. La
monter des projets européens, avoir de l’argent de la communauté. La On a créé l’Espace naturel métropolitain (ENM) qui peut s’autofinancer,
communauté, en fait, elle a tellement de compétences qu’elle en a refilé
une à l’ENM. Et disons que l’ENM a un appétit terrien important. Pour comme un acteur extérieur.
citer le cas de Don, la zone des étangs, [l’ancien maire] s’est empressé de projet, parce qu’ils sont présents dans le syndicat, d’autres le considèrent
brader le truc... pour rien... En principe, au niveau foncier, ça appartient nagement,  etc. Si certains acteurs locaux se sentent impliqués dans le
à la commune, mais il y a une convention, donc si la commune veut d’agriculture, des aménageurs de l’organisme régional d’étude et d’amé-
récupérer le terrain, il faudrait qu’elle rembourse l’ENM de tous les tra-
vaux qu’elle a faits. Et bon, du coup, c’est vrai que c’est un peu comme
urbains ou périurbains, des agriculteurs et des membres de la chambre
si ce territoire nous appartenait moins... (Adjoint, Don)
regroupe des élus des communes concernées et des élus métropolitains,
jourd’hui géré par le syndicat mixte Espace naturel Lille métropole, qui
Les autorités locales sont ainsi plus ou moins impliquées dans ces Suite à une délégation de la communauté urbaine, le parc est au-
projets. Mais elles restent incontournables dans leur mise en place : elles l’ensemble des habitants de la métropole.
concèdent, ou non, une partie de leur territoire ; ce choix, qui appartient façon de concevoir un espace périurbain multifonctionnel et commun à
aux élus, se fait en fonction de négociations qui conduisent souvent à une centrale » d’échelle européenne12. Ces objectifs traduisent une nouvelle
contrepartie pour la commune, et suppose qu’elle y trouve son intérêt. lilloise et l’ancien bassin minier (Lens), afin de créer une « aire urbaine
Comment comprendre cette diversité des types de gestion ? Peut-on métropole et établir une liaison verte structurante entre la métropole
expliquer pourquoi certaines communes s’orientent vers une gestion l’agriculture, compenser le manque d’équipements de loisirs verts de la
conservatrice alors que d’autres optent pour une gestion plus innovante ? server les ressources naturelles (eau et milieu), préserver un espace pour
Aucun facteur ne semble déterminant : appartenance politique des élus, sur six communes de la périphérie. Il répond à différents objectifs : pré-
ancienneté du maire ou du bourgmestre, position géographique de la du parc de la Deûle à Lille, un espace de 350 ha aménagé depuis 1994
commune... Chaque histoire est singulière : c’est tantôt l’arrivée d’un d’espaces verts, pour les loisirs notamment. C’est le cas de l’aménagement
nouvel élu, tantôt la mobilisation de citoyens, tantôt l’inscription dans zones d’activité économique, elle peut aussi concerner l’aménagement

12. Dans le projet initial, « les agglomérations de Lille et de Lens ainsi rapprochées


[devaient former] une “aire urbaine centrale”, suffisamment ample et peuplée pour don- 181 Marie Muselle
ner un statut de métropole européenne à la conurbation de Lille-Roubaix-Tourcoing,
désignée “métropole d’équilibre” par l’État » (Escudie et al., 2008, p. 127).

désignée “métropole d’équilibre” par l’État » (Escudie et al., 2008, p. 127).


ner un statut de métropole européenne à la conurbation de Lille-Roubaix-Tourcoing,
Marie Muselle 181 [devaient former] une “aire urbaine centrale”, suffisamment ample et peuplée pour don-
12. Dans le projet initial, « les agglomérations de Lille et de Lens ainsi rapprochées

zones d’activité économique, elle peut aussi concerner l’aménagement nouvel élu, tantôt la mobilisation de citoyens, tantôt l’inscription dans
d’espaces verts, pour les loisirs notamment. C’est le cas de l’aménagement commune... Chaque histoire est singulière : c’est tantôt l’arrivée d’un
du parc de la Deûle à Lille, un espace de 350 ha aménagé depuis 1994 ancienneté du maire ou du bourgmestre, position géographique de la
sur six communes de la périphérie. Il répond à différents objectifs : pré- Aucun facteur ne semble déterminant : appartenance politique des élus,
server les ressources naturelles (eau et milieu), préserver un espace pour conservatrice alors que d’autres optent pour une gestion plus innovante ?
l’agriculture, compenser le manque d’équipements de loisirs verts de la expliquer pourquoi certaines communes s’orientent vers une gestion
métropole et établir une liaison verte structurante entre la métropole Comment comprendre cette diversité des types de gestion ? Peut-on
lilloise et l’ancien bassin minier (Lens), afin de créer une « aire urbaine contrepartie pour la commune, et suppose qu’elle y trouve son intérêt.
centrale » d’échelle européenne12. Ces objectifs traduisent une nouvelle aux élus, se fait en fonction de négociations qui conduisent souvent à une
façon de concevoir un espace périurbain multifonctionnel et commun à concèdent, ou non, une partie de leur territoire ; ce choix, qui appartient
l’ensemble des habitants de la métropole. projets. Mais elles restent incontournables dans leur mise en place : elles
Suite à une délégation de la communauté urbaine, le parc est au- Les autorités locales sont ainsi plus ou moins impliquées dans ces
jourd’hui géré par le syndicat mixte Espace naturel Lille métropole, qui
regroupe des élus des communes concernées et des élus métropolitains, si ce territoire nous appartenait moins... (Adjoint, Don)
urbains ou périurbains, des agriculteurs et des membres de la chambre
vaux qu’elle a faits. Et bon, du coup, c’est vrai que c’est un peu comme
d’agriculture, des aménageurs de l’organisme régional d’étude et d’amé-
récupérer le terrain, il faudrait qu’elle rembourse l’ENM de tous les tra-
à la commune, mais il y a une convention, donc si la commune veut
nagement,  etc. Si certains acteurs locaux se sentent impliqués dans le brader le truc... pour rien... En principe, au niveau foncier, ça appartient
projet, parce qu’ils sont présents dans le syndicat, d’autres le considèrent citer le cas de Don, la zone des étangs, [l’ancien maire] s’est empressé de
comme un acteur extérieur. une à l’ENM. Et disons que l’ENM a un appétit terrien important. Pour
communauté, en fait, elle a tellement de compétences qu’elle en a refilé
On a créé l’Espace naturel métropolitain (ENM) qui peut s’autofinancer, monter des projets européens, avoir de l’argent de la communauté. La
monter des projets européens, avoir de l’argent de la communauté. La On a créé l’Espace naturel métropolitain (ENM) qui peut s’autofinancer,
communauté, en fait, elle a tellement de compétences qu’elle en a refilé
une à l’ENM. Et disons que l’ENM a un appétit terrien important. Pour comme un acteur extérieur.
citer le cas de Don, la zone des étangs, [l’ancien maire] s’est empressé de projet, parce qu’ils sont présents dans le syndicat, d’autres le considèrent
brader le truc... pour rien... En principe, au niveau foncier, ça appartient nagement,  etc. Si certains acteurs locaux se sentent impliqués dans le
à la commune, mais il y a une convention, donc si la commune veut d’agriculture, des aménageurs de l’organisme régional d’étude et d’amé-
récupérer le terrain, il faudrait qu’elle rembourse l’ENM de tous les tra-
vaux qu’elle a faits. Et bon, du coup, c’est vrai que c’est un peu comme
urbains ou périurbains, des agriculteurs et des membres de la chambre
si ce territoire nous appartenait moins... (Adjoint, Don)
regroupe des élus des communes concernées et des élus métropolitains,
jourd’hui géré par le syndicat mixte Espace naturel Lille métropole, qui
Les autorités locales sont ainsi plus ou moins impliquées dans ces Suite à une délégation de la communauté urbaine, le parc est au-
projets. Mais elles restent incontournables dans leur mise en place : elles l’ensemble des habitants de la métropole.
concèdent, ou non, une partie de leur territoire ; ce choix, qui appartient façon de concevoir un espace périurbain multifonctionnel et commun à
aux élus, se fait en fonction de négociations qui conduisent souvent à une centrale » d’échelle européenne12. Ces objectifs traduisent une nouvelle
contrepartie pour la commune, et suppose qu’elle y trouve son intérêt. lilloise et l’ancien bassin minier (Lens), afin de créer une « aire urbaine
Comment comprendre cette diversité des types de gestion ? Peut-on métropole et établir une liaison verte structurante entre la métropole
expliquer pourquoi certaines communes s’orientent vers une gestion l’agriculture, compenser le manque d’équipements de loisirs verts de la
conservatrice alors que d’autres optent pour une gestion plus innovante ? server les ressources naturelles (eau et milieu), préserver un espace pour
Aucun facteur ne semble déterminant : appartenance politique des élus, sur six communes de la périphérie. Il répond à différents objectifs : pré-
ancienneté du maire ou du bourgmestre, position géographique de la du parc de la Deûle à Lille, un espace de 350 ha aménagé depuis 1994
commune... Chaque histoire est singulière : c’est tantôt l’arrivée d’un d’espaces verts, pour les loisirs notamment. C’est le cas de l’aménagement
nouvel élu, tantôt la mobilisation de citoyens, tantôt l’inscription dans zones d’activité économique, elle peut aussi concerner l’aménagement

12. Dans le projet initial, « les agglomérations de Lille et de Lens ainsi rapprochées


[devaient former] une “aire urbaine centrale”, suffisamment ample et peuplée pour don- 181 Marie Muselle
ner un statut de métropole européenne à la conurbation de Lille-Roubaix-Tourcoing,
désignée “métropole d’équilibre” par l’État » (Escudie et al., 2008, p. 127).
2004 ; Savary, 1998) : les régulations locales favorisent « le principe de
nos observations rejoignent les recherches de plusieurs auteurs (Dormois, 182 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
largement le cadre des communes sur lesquelles ils se développent, mais
par les objectifs qui les motivent, des projets métropolitains qui dépassent
projets comme le parc de la Deûle sont, par les acteurs qui y participent et un dispositif public, portée par l’administration, qui amène des communes
communauté (d’agglomération ou urbaine) n’a rien d’automatique. Des à renouveler leur gestion de l’espace, parfois sans en prendre conscience
nos observations sur le terrain font apparaître que cette implication de la dans un premier temps ; mais ensuite, il se crée toujours une coalition de
nées à prendre en charge les compétences liées à la gestion de l’espace, projets regroupant à la fois des politiques et des administratifs.
tures intercommunales. Si, théoriquement, de telles structures sont ame-
les quatre terrains, que les communes appartiennent ou non à des struc- UNE GESTION RENOUVELÉE ?
La même diversité et la même autonomie semblent se retrouver sur
demandes. L’espace périurbain et sa gestion ne correspondent donc pas toujours
respect de certaines conditions ou proposer des contreparties à certaines à l’image stéréotypée qu’ils véhiculent : l’action publique s’y développe
tenter de cadrer le développement en offrant des subsides soumis au sous des formes très diverses. Cette action publique elle-même, mais aussi
pace, tels objectifs ou telle manière de faire. Elles peuvent tout au plus son hétérogénéité, peuvent nous conduire à voir autrement l’espace péri-
n’ont les moyens de leur imposer telle politique de gestion de leur es- urbain et à nous poser de nouvelles questions sur sa gestion, son avenir,
locales. Ni les autorités supérieures ni la communauté d’agglomération mais aussi son lien avec l’urbain et le rural, tant comme territoire que
s’y impliquer ; ils peuvent soutenir des actions initiées par les forces vives comme catégorie. Sans être exhaustive, nous soulèverons ici quatre axes
des projets développés par des acteurs métropolitains, et éventuellement de réflexion qui nous semblent montrer l’intérêt d’un regard de sociolo-
vent accepter de négocier la « cession » d’une part de leur territoire pour gue sur les espaces périurbains, tant pour améliorer leur compréhension
les multiples dispositifs proposés par la région ou par l’Europe ; ils peu- propre que pour éclairer certaines questions qui se posent aujourd’hui en
peuvent choisir de se saisir – ou non – des opportunités que constituent sociologie urbaine.
sent toujours les élus périurbains en matière de gestion de leur espace. Ils
tant en France qu’en Belgique, met en lumière l’autonomie dont jouis- Autonomie des communes périurbaines
La diversité des actions publiques dans et sur les espaces périurbains,
La diversité des actions publiques dans et sur les espaces périurbains,
Autonomie des communes périurbaines tant en France qu’en Belgique, met en lumière l’autonomie dont jouis-
sent toujours les élus périurbains en matière de gestion de leur espace. Ils
sociologie urbaine. peuvent choisir de se saisir – ou non – des opportunités que constituent
propre que pour éclairer certaines questions qui se posent aujourd’hui en les multiples dispositifs proposés par la région ou par l’Europe ; ils peu-
gue sur les espaces périurbains, tant pour améliorer leur compréhension vent accepter de négocier la « cession » d’une part de leur territoire pour
de réflexion qui nous semblent montrer l’intérêt d’un regard de sociolo- des projets développés par des acteurs métropolitains, et éventuellement
comme catégorie. Sans être exhaustive, nous soulèverons ici quatre axes s’y impliquer ; ils peuvent soutenir des actions initiées par les forces vives
mais aussi son lien avec l’urbain et le rural, tant comme territoire que locales. Ni les autorités supérieures ni la communauté d’agglomération
urbain et à nous poser de nouvelles questions sur sa gestion, son avenir, n’ont les moyens de leur imposer telle politique de gestion de leur es-
son hétérogénéité, peuvent nous conduire à voir autrement l’espace péri- pace, tels objectifs ou telle manière de faire. Elles peuvent tout au plus
sous des formes très diverses. Cette action publique elle-même, mais aussi tenter de cadrer le développement en offrant des subsides soumis au
à l’image stéréotypée qu’ils véhiculent : l’action publique s’y développe respect de certaines conditions ou proposer des contreparties à certaines
L’espace périurbain et sa gestion ne correspondent donc pas toujours demandes.
La même diversité et la même autonomie semblent se retrouver sur
UNE GESTION RENOUVELÉE ? les quatre terrains, que les communes appartiennent ou non à des struc-
tures intercommunales. Si, théoriquement, de telles structures sont ame-
projets regroupant à la fois des politiques et des administratifs. nées à prendre en charge les compétences liées à la gestion de l’espace,
dans un premier temps ; mais ensuite, il se crée toujours une coalition de nos observations sur le terrain font apparaître que cette implication de la
à renouveler leur gestion de l’espace, parfois sans en prendre conscience communauté (d’agglomération ou urbaine) n’a rien d’automatique. Des
un dispositif public, portée par l’administration, qui amène des communes projets comme le parc de la Deûle sont, par les acteurs qui y participent et
par les objectifs qui les motivent, des projets métropolitains qui dépassent
largement le cadre des communes sur lesquelles ils se développent, mais
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 182 nos observations rejoignent les recherches de plusieurs auteurs (Dormois,
2004 ; Savary, 1998) : les régulations locales favorisent « le principe de

2004 ; Savary, 1998) : les régulations locales favorisent « le principe de


nos observations rejoignent les recherches de plusieurs auteurs (Dormois, 182 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
largement le cadre des communes sur lesquelles ils se développent, mais
par les objectifs qui les motivent, des projets métropolitains qui dépassent
projets comme le parc de la Deûle sont, par les acteurs qui y participent et un dispositif public, portée par l’administration, qui amène des communes
communauté (d’agglomération ou urbaine) n’a rien d’automatique. Des à renouveler leur gestion de l’espace, parfois sans en prendre conscience
nos observations sur le terrain font apparaître que cette implication de la dans un premier temps ; mais ensuite, il se crée toujours une coalition de
nées à prendre en charge les compétences liées à la gestion de l’espace, projets regroupant à la fois des politiques et des administratifs.
tures intercommunales. Si, théoriquement, de telles structures sont ame-
les quatre terrains, que les communes appartiennent ou non à des struc- UNE GESTION RENOUVELÉE ?
La même diversité et la même autonomie semblent se retrouver sur
demandes. L’espace périurbain et sa gestion ne correspondent donc pas toujours
respect de certaines conditions ou proposer des contreparties à certaines à l’image stéréotypée qu’ils véhiculent : l’action publique s’y développe
tenter de cadrer le développement en offrant des subsides soumis au sous des formes très diverses. Cette action publique elle-même, mais aussi
pace, tels objectifs ou telle manière de faire. Elles peuvent tout au plus son hétérogénéité, peuvent nous conduire à voir autrement l’espace péri-
n’ont les moyens de leur imposer telle politique de gestion de leur es- urbain et à nous poser de nouvelles questions sur sa gestion, son avenir,
locales. Ni les autorités supérieures ni la communauté d’agglomération mais aussi son lien avec l’urbain et le rural, tant comme territoire que
s’y impliquer ; ils peuvent soutenir des actions initiées par les forces vives comme catégorie. Sans être exhaustive, nous soulèverons ici quatre axes
des projets développés par des acteurs métropolitains, et éventuellement de réflexion qui nous semblent montrer l’intérêt d’un regard de sociolo-
vent accepter de négocier la « cession » d’une part de leur territoire pour gue sur les espaces périurbains, tant pour améliorer leur compréhension
les multiples dispositifs proposés par la région ou par l’Europe ; ils peu- propre que pour éclairer certaines questions qui se posent aujourd’hui en
peuvent choisir de se saisir – ou non – des opportunités que constituent sociologie urbaine.
sent toujours les élus périurbains en matière de gestion de leur espace. Ils
tant en France qu’en Belgique, met en lumière l’autonomie dont jouis- Autonomie des communes périurbaines
La diversité des actions publiques dans et sur les espaces périurbains,
La diversité des actions publiques dans et sur les espaces périurbains,
Autonomie des communes périurbaines tant en France qu’en Belgique, met en lumière l’autonomie dont jouis-
sent toujours les élus périurbains en matière de gestion de leur espace. Ils
sociologie urbaine. peuvent choisir de se saisir – ou non – des opportunités que constituent
propre que pour éclairer certaines questions qui se posent aujourd’hui en les multiples dispositifs proposés par la région ou par l’Europe ; ils peu-
gue sur les espaces périurbains, tant pour améliorer leur compréhension vent accepter de négocier la « cession » d’une part de leur territoire pour
de réflexion qui nous semblent montrer l’intérêt d’un regard de sociolo- des projets développés par des acteurs métropolitains, et éventuellement
comme catégorie. Sans être exhaustive, nous soulèverons ici quatre axes s’y impliquer ; ils peuvent soutenir des actions initiées par les forces vives
mais aussi son lien avec l’urbain et le rural, tant comme territoire que locales. Ni les autorités supérieures ni la communauté d’agglomération
urbain et à nous poser de nouvelles questions sur sa gestion, son avenir, n’ont les moyens de leur imposer telle politique de gestion de leur es-
son hétérogénéité, peuvent nous conduire à voir autrement l’espace péri- pace, tels objectifs ou telle manière de faire. Elles peuvent tout au plus
sous des formes très diverses. Cette action publique elle-même, mais aussi tenter de cadrer le développement en offrant des subsides soumis au
à l’image stéréotypée qu’ils véhiculent : l’action publique s’y développe respect de certaines conditions ou proposer des contreparties à certaines
L’espace périurbain et sa gestion ne correspondent donc pas toujours demandes.
La même diversité et la même autonomie semblent se retrouver sur
UNE GESTION RENOUVELÉE ? les quatre terrains, que les communes appartiennent ou non à des struc-
tures intercommunales. Si, théoriquement, de telles structures sont ame-
projets regroupant à la fois des politiques et des administratifs. nées à prendre en charge les compétences liées à la gestion de l’espace,
dans un premier temps ; mais ensuite, il se crée toujours une coalition de nos observations sur le terrain font apparaître que cette implication de la
à renouveler leur gestion de l’espace, parfois sans en prendre conscience communauté (d’agglomération ou urbaine) n’a rien d’automatique. Des
un dispositif public, portée par l’administration, qui amène des communes projets comme le parc de la Deûle sont, par les acteurs qui y participent et
par les objectifs qui les motivent, des projets métropolitains qui dépassent
largement le cadre des communes sur lesquelles ils se développent, mais
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 182 nos observations rejoignent les recherches de plusieurs auteurs (Dormois,
2004 ; Savary, 1998) : les régulations locales favorisent « le principe de
locale de développement rural.
13. Commission consultative d’aménagement du territoire et de mobilité, commission
Marie Muselle 183
à ces coopérations, la multiplication des projets pose le problème de leur
place de dispositifs ou de structures intercommunales offre un certain cadre
“non-ingérence territoriale”, qui reconnaît à chaque maire le monopole teurs, conduit à des régulations plus ou moins formalisées. Si la mise en
de l’initiative sur son territoire » (Bué, Desage & Matejko, 2004, p. 44). gestion de l’espace périurbain, en s’ouvrant à la coopération de ces ac-
majeur de l’action publique locale. Comme celle des espaces urbains, la
Diversité des acteurs des différents acteurs et de leur éventuelle coopération devient un enjeu
aux missions très différentes. Plus l’action se complexifie, plus la gestion
Cette autonomie ne mène pas toujours, comme nous l’avons vu, au en faisant entrer dans les régulations de multiples acteurs, aux statuts et
repli sur la commune. À l’hétérogénéité des actions publiques correspond L’ouverture à des acteurs extérieurs complexifie encore l’action locale
celle des acteurs qui pilotent ou participent à cette gestion publique. Aux Ouverture vers les acteurs extérieurs
élus locaux peuvent s’ajouter des citoyens, des « forces vives », des pro-
fessionnels payés par des autorités subsidiantes, des consultants, des mem- l’urbanisation du rural.
bres de structures intercommunales, d’organismes parapublics ou encore traditionnelles, dans le but de renforcer le « lien social » mis en péril par
de syndicats mixtes, etc. On peut donc constater une double ouverture de être plus qu’ailleurs, comme un renouveau des pratiques de proximité
l’action publique vers des acteurs locaux et vers des acteurs extérieurs à La participation se développe dès lors dans l’espace périurbain, peut-
la commune. choix mis en place.
besoins et avis, mais aussi pour les « sensibiliser » et les faire adhérer aux
Ouverture vers les acteurs locaux le monde se connaît. Les élus sont proches des citoyens pour écouter leurs
Dans les communes, l’ouverture à des acteurs non politiques (et non au caractère rural de la commune où, loin de l’anonymat des villes, tout
administratifs) a souvent l’objectif de regrouper l’ensemble des acteurs grande proximité avec la population, proximité qui est souvent renvoyée
d’un territoire pour favoriser un « développement » futur dans lequel cha- Ces différentes pratiques s’inscrivent dans la volonté de maintenir une
cun serait impliqué. Cette logique se retrouve à la fois dans des pratiques bilisation des bâtisseurs à Floreffe).
de participation structurées par des commissions (CCATM, CLDR...)13 et dans des pratiques plus anciennes de rencontre (par exemple, la sensi-
et dans des pratiques plus anciennes de rencontre (par exemple, la sensi- de participation structurées par des commissions (CCATM, CLDR...)13
bilisation des bâtisseurs à Floreffe). cun serait impliqué. Cette logique se retrouve à la fois dans des pratiques
Ces différentes pratiques s’inscrivent dans la volonté de maintenir une d’un territoire pour favoriser un « développement » futur dans lequel cha-
grande proximité avec la population, proximité qui est souvent renvoyée administratifs) a souvent l’objectif de regrouper l’ensemble des acteurs
au caractère rural de la commune où, loin de l’anonymat des villes, tout Dans les communes, l’ouverture à des acteurs non politiques (et non
le monde se connaît. Les élus sont proches des citoyens pour écouter leurs Ouverture vers les acteurs locaux
besoins et avis, mais aussi pour les « sensibiliser » et les faire adhérer aux
choix mis en place. la commune.
La participation se développe dès lors dans l’espace périurbain, peut- l’action publique vers des acteurs locaux et vers des acteurs extérieurs à
être plus qu’ailleurs, comme un renouveau des pratiques de proximité de syndicats mixtes, etc. On peut donc constater une double ouverture de
traditionnelles, dans le but de renforcer le « lien social » mis en péril par bres de structures intercommunales, d’organismes parapublics ou encore
l’urbanisation du rural. fessionnels payés par des autorités subsidiantes, des consultants, des mem-
élus locaux peuvent s’ajouter des citoyens, des « forces vives », des pro-
Ouverture vers les acteurs extérieurs celle des acteurs qui pilotent ou participent à cette gestion publique. Aux
L’ouverture à des acteurs extérieurs complexifie encore l’action locale repli sur la commune. À l’hétérogénéité des actions publiques correspond
en faisant entrer dans les régulations de multiples acteurs, aux statuts et Cette autonomie ne mène pas toujours, comme nous l’avons vu, au
aux missions très différentes. Plus l’action se complexifie, plus la gestion
des différents acteurs et de leur éventuelle coopération devient un enjeu Diversité des acteurs
majeur de l’action publique locale. Comme celle des espaces urbains, la
gestion de l’espace périurbain, en s’ouvrant à la coopération de ces ac- de l’initiative sur son territoire » (Bué, Desage & Matejko, 2004, p. 44).
teurs, conduit à des régulations plus ou moins formalisées. Si la mise en “non-ingérence territoriale”, qui reconnaît à chaque maire le monopole
place de dispositifs ou de structures intercommunales offre un certain cadre
à ces coopérations, la multiplication des projets pose le problème de leur
183 Marie Muselle
13. Commission consultative d’aménagement du territoire et de mobilité, commission
locale de développement rural.

locale de développement rural.


13. Commission consultative d’aménagement du territoire et de mobilité, commission
Marie Muselle 183
à ces coopérations, la multiplication des projets pose le problème de leur
place de dispositifs ou de structures intercommunales offre un certain cadre
“non-ingérence territoriale”, qui reconnaît à chaque maire le monopole teurs, conduit à des régulations plus ou moins formalisées. Si la mise en
de l’initiative sur son territoire » (Bué, Desage & Matejko, 2004, p. 44). gestion de l’espace périurbain, en s’ouvrant à la coopération de ces ac-
majeur de l’action publique locale. Comme celle des espaces urbains, la
Diversité des acteurs des différents acteurs et de leur éventuelle coopération devient un enjeu
aux missions très différentes. Plus l’action se complexifie, plus la gestion
Cette autonomie ne mène pas toujours, comme nous l’avons vu, au en faisant entrer dans les régulations de multiples acteurs, aux statuts et
repli sur la commune. À l’hétérogénéité des actions publiques correspond L’ouverture à des acteurs extérieurs complexifie encore l’action locale
celle des acteurs qui pilotent ou participent à cette gestion publique. Aux Ouverture vers les acteurs extérieurs
élus locaux peuvent s’ajouter des citoyens, des « forces vives », des pro-
fessionnels payés par des autorités subsidiantes, des consultants, des mem- l’urbanisation du rural.
bres de structures intercommunales, d’organismes parapublics ou encore traditionnelles, dans le but de renforcer le « lien social » mis en péril par
de syndicats mixtes, etc. On peut donc constater une double ouverture de être plus qu’ailleurs, comme un renouveau des pratiques de proximité
l’action publique vers des acteurs locaux et vers des acteurs extérieurs à La participation se développe dès lors dans l’espace périurbain, peut-
la commune. choix mis en place.
besoins et avis, mais aussi pour les « sensibiliser » et les faire adhérer aux
Ouverture vers les acteurs locaux le monde se connaît. Les élus sont proches des citoyens pour écouter leurs
Dans les communes, l’ouverture à des acteurs non politiques (et non au caractère rural de la commune où, loin de l’anonymat des villes, tout
administratifs) a souvent l’objectif de regrouper l’ensemble des acteurs grande proximité avec la population, proximité qui est souvent renvoyée
d’un territoire pour favoriser un « développement » futur dans lequel cha- Ces différentes pratiques s’inscrivent dans la volonté de maintenir une
cun serait impliqué. Cette logique se retrouve à la fois dans des pratiques bilisation des bâtisseurs à Floreffe).
de participation structurées par des commissions (CCATM, CLDR...)13 et dans des pratiques plus anciennes de rencontre (par exemple, la sensi-
et dans des pratiques plus anciennes de rencontre (par exemple, la sensi- de participation structurées par des commissions (CCATM, CLDR...)13
bilisation des bâtisseurs à Floreffe). cun serait impliqué. Cette logique se retrouve à la fois dans des pratiques
Ces différentes pratiques s’inscrivent dans la volonté de maintenir une d’un territoire pour favoriser un « développement » futur dans lequel cha-
grande proximité avec la population, proximité qui est souvent renvoyée administratifs) a souvent l’objectif de regrouper l’ensemble des acteurs
au caractère rural de la commune où, loin de l’anonymat des villes, tout Dans les communes, l’ouverture à des acteurs non politiques (et non
le monde se connaît. Les élus sont proches des citoyens pour écouter leurs Ouverture vers les acteurs locaux
besoins et avis, mais aussi pour les « sensibiliser » et les faire adhérer aux
choix mis en place. la commune.
La participation se développe dès lors dans l’espace périurbain, peut- l’action publique vers des acteurs locaux et vers des acteurs extérieurs à
être plus qu’ailleurs, comme un renouveau des pratiques de proximité de syndicats mixtes, etc. On peut donc constater une double ouverture de
traditionnelles, dans le but de renforcer le « lien social » mis en péril par bres de structures intercommunales, d’organismes parapublics ou encore
l’urbanisation du rural. fessionnels payés par des autorités subsidiantes, des consultants, des mem-
élus locaux peuvent s’ajouter des citoyens, des « forces vives », des pro-
Ouverture vers les acteurs extérieurs celle des acteurs qui pilotent ou participent à cette gestion publique. Aux
L’ouverture à des acteurs extérieurs complexifie encore l’action locale repli sur la commune. À l’hétérogénéité des actions publiques correspond
en faisant entrer dans les régulations de multiples acteurs, aux statuts et Cette autonomie ne mène pas toujours, comme nous l’avons vu, au
aux missions très différentes. Plus l’action se complexifie, plus la gestion
des différents acteurs et de leur éventuelle coopération devient un enjeu Diversité des acteurs
majeur de l’action publique locale. Comme celle des espaces urbains, la
gestion de l’espace périurbain, en s’ouvrant à la coopération de ces ac- de l’initiative sur son territoire » (Bué, Desage & Matejko, 2004, p. 44).
teurs, conduit à des régulations plus ou moins formalisées. Si la mise en “non-ingérence territoriale”, qui reconnaît à chaque maire le monopole
place de dispositifs ou de structures intercommunales offre un certain cadre
à ces coopérations, la multiplication des projets pose le problème de leur
183 Marie Muselle
13. Commission consultative d’aménagement du territoire et de mobilité, commission
locale de développement rural.
ment des villes (participation, partenariat avec des acteurs privés, projet,
parables à celles que la sociologie urbaine a pu relever pour le gouverne- 184 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
gestion comme dans les acteurs qui s’y impliquent, des évolutions com-
ces communes. Les espaces périurbains connaissent là, dans leur mode de
de ces nouveaux modes conduit ensuite à leur diversification au sein de coordination. Des tensions peuvent alors apparaître entre les acteurs, et les
constater que le changement de régulation induit par l’utilisation d’un régulations qui se mettent en place sont des solutions ad hoc et variables.
taines communes renouvellent leurs modes d’action publique, on peut
semble complexe d’identifier les facteurs qui expliquent pourquoi cer- De nouveaux modes d’action publique...
munes mais aussi, bien souvent, au sein des communes elles-mêmes. S’il
donc aussi par une diversité des modes d’action publique, entre les com- À côté d’une gestion « en bon père de famille » se développent
L’hétérogénéité en matière de gestion de l’espace périurbain passe d’autres modes d’action publique sous la forme de nouvelles régulations
réflexif et prospectif. ou de projets. Si certaines communes s’orientent vers une gestion pu-
des raisons financières sans prendre conscience de leur aspect participatif, blique qui se préoccupe surtout d’optimalisation et privilégie le service
d’autant plus vrai que plusieurs acteurs entrent dans ces dispositifs pour rendu en accordant la priorité à l’organisation et au pilotage de l’action
l’action publique elle-même (Lascoumes & Le Galès, 2004). Cela semble quotidienne des services et des organismes publics (Bourdin, 2003, p. 97-
être observée dans le monde urbain notamment, ils ont aussi des effets sur 98), d’autres mettent en place de nouvelles règles du jeu (régulation)
reflètent une évolution globale de l’action publique, telle qu’elle a pu pour structurer un ensemble élargi d’acteurs, face à des ressources moins
des instruments de régulation de partenariat. Si ces nouveaux dispositifs stables et moins identifiées (par exemple, le soutien d’initiatives privées).
ser la place de chaque acteur ; en ce sens, ils peuvent être vus comme Enfin, certaines communes adhèrent à des dispositifs de type projet où
compromis, une idée du bon développement, mais ils vont aussi préci- il ne s’agit plus d’encadrer des actions possibles (comme le font les plans
chacun des acteurs. Les projets vont non seulement traduire, dans un de secteur, les plans locaux d’urbanisme ou les règlements d’urbanisme),
les solutions, les deux processus étant corrélés et liés à la place qu’occupe mais bien de proposer, dans un document argumentatif, un diagnostic et
mettre d’accord ; il suppose aussi une négociation sur le diagnostic et sur une vision stratégique qui devront conduire à mettre en place des réalisa-
pose la réunion et l’animation d’un ensemble d’acteurs qui doivent se tions ensuite évaluées. En tant qu’« histoire que des acteurs se racontent
flexivité et à la flexibilité (ibid., p. 103). En termes d’élaboration, il sup- ensemble », le projet est une méthode particulièrement adaptée à la ré-
ensemble », le projet est une méthode particulièrement adaptée à la ré- flexivité et à la flexibilité (ibid., p. 103). En termes d’élaboration, il sup-
tions ensuite évaluées. En tant qu’« histoire que des acteurs se racontent pose la réunion et l’animation d’un ensemble d’acteurs qui doivent se
une vision stratégique qui devront conduire à mettre en place des réalisa- mettre d’accord ; il suppose aussi une négociation sur le diagnostic et sur
mais bien de proposer, dans un document argumentatif, un diagnostic et les solutions, les deux processus étant corrélés et liés à la place qu’occupe
de secteur, les plans locaux d’urbanisme ou les règlements d’urbanisme), chacun des acteurs. Les projets vont non seulement traduire, dans un
il ne s’agit plus d’encadrer des actions possibles (comme le font les plans compromis, une idée du bon développement, mais ils vont aussi préci-
Enfin, certaines communes adhèrent à des dispositifs de type projet où ser la place de chaque acteur ; en ce sens, ils peuvent être vus comme
stables et moins identifiées (par exemple, le soutien d’initiatives privées). des instruments de régulation de partenariat. Si ces nouveaux dispositifs
pour structurer un ensemble élargi d’acteurs, face à des ressources moins reflètent une évolution globale de l’action publique, telle qu’elle a pu
98), d’autres mettent en place de nouvelles règles du jeu (régulation) être observée dans le monde urbain notamment, ils ont aussi des effets sur
quotidienne des services et des organismes publics (Bourdin, 2003, p. 97- l’action publique elle-même (Lascoumes & Le Galès, 2004). Cela semble
rendu en accordant la priorité à l’organisation et au pilotage de l’action d’autant plus vrai que plusieurs acteurs entrent dans ces dispositifs pour
blique qui se préoccupe surtout d’optimalisation et privilégie le service des raisons financières sans prendre conscience de leur aspect participatif,
ou de projets. Si certaines communes s’orientent vers une gestion pu- réflexif et prospectif.
d’autres modes d’action publique sous la forme de nouvelles régulations L’hétérogénéité en matière de gestion de l’espace périurbain passe
À côté d’une gestion « en bon père de famille » se développent donc aussi par une diversité des modes d’action publique, entre les com-
munes mais aussi, bien souvent, au sein des communes elles-mêmes. S’il
De nouveaux modes d’action publique... semble complexe d’identifier les facteurs qui expliquent pourquoi cer-
taines communes renouvellent leurs modes d’action publique, on peut
régulations qui se mettent en place sont des solutions ad hoc et variables. constater que le changement de régulation induit par l’utilisation d’un
coordination. Des tensions peuvent alors apparaître entre les acteurs, et les de ces nouveaux modes conduit ensuite à leur diversification au sein de
ces communes. Les espaces périurbains connaissent là, dans leur mode de
gestion comme dans les acteurs qui s’y impliquent, des évolutions com-
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 184 parables à celles que la sociologie urbaine a pu relever pour le gouverne-
ment des villes (participation, partenariat avec des acteurs privés, projet,

ment des villes (participation, partenariat avec des acteurs privés, projet,
parables à celles que la sociologie urbaine a pu relever pour le gouverne- 184 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
gestion comme dans les acteurs qui s’y impliquent, des évolutions com-
ces communes. Les espaces périurbains connaissent là, dans leur mode de
de ces nouveaux modes conduit ensuite à leur diversification au sein de coordination. Des tensions peuvent alors apparaître entre les acteurs, et les
constater que le changement de régulation induit par l’utilisation d’un régulations qui se mettent en place sont des solutions ad hoc et variables.
taines communes renouvellent leurs modes d’action publique, on peut
semble complexe d’identifier les facteurs qui expliquent pourquoi cer- De nouveaux modes d’action publique...
munes mais aussi, bien souvent, au sein des communes elles-mêmes. S’il
donc aussi par une diversité des modes d’action publique, entre les com- À côté d’une gestion « en bon père de famille » se développent
L’hétérogénéité en matière de gestion de l’espace périurbain passe d’autres modes d’action publique sous la forme de nouvelles régulations
réflexif et prospectif. ou de projets. Si certaines communes s’orientent vers une gestion pu-
des raisons financières sans prendre conscience de leur aspect participatif, blique qui se préoccupe surtout d’optimalisation et privilégie le service
d’autant plus vrai que plusieurs acteurs entrent dans ces dispositifs pour rendu en accordant la priorité à l’organisation et au pilotage de l’action
l’action publique elle-même (Lascoumes & Le Galès, 2004). Cela semble quotidienne des services et des organismes publics (Bourdin, 2003, p. 97-
être observée dans le monde urbain notamment, ils ont aussi des effets sur 98), d’autres mettent en place de nouvelles règles du jeu (régulation)
reflètent une évolution globale de l’action publique, telle qu’elle a pu pour structurer un ensemble élargi d’acteurs, face à des ressources moins
des instruments de régulation de partenariat. Si ces nouveaux dispositifs stables et moins identifiées (par exemple, le soutien d’initiatives privées).
ser la place de chaque acteur ; en ce sens, ils peuvent être vus comme Enfin, certaines communes adhèrent à des dispositifs de type projet où
compromis, une idée du bon développement, mais ils vont aussi préci- il ne s’agit plus d’encadrer des actions possibles (comme le font les plans
chacun des acteurs. Les projets vont non seulement traduire, dans un de secteur, les plans locaux d’urbanisme ou les règlements d’urbanisme),
les solutions, les deux processus étant corrélés et liés à la place qu’occupe mais bien de proposer, dans un document argumentatif, un diagnostic et
mettre d’accord ; il suppose aussi une négociation sur le diagnostic et sur une vision stratégique qui devront conduire à mettre en place des réalisa-
pose la réunion et l’animation d’un ensemble d’acteurs qui doivent se tions ensuite évaluées. En tant qu’« histoire que des acteurs se racontent
flexivité et à la flexibilité (ibid., p. 103). En termes d’élaboration, il sup- ensemble », le projet est une méthode particulièrement adaptée à la ré-
ensemble », le projet est une méthode particulièrement adaptée à la ré- flexivité et à la flexibilité (ibid., p. 103). En termes d’élaboration, il sup-
tions ensuite évaluées. En tant qu’« histoire que des acteurs se racontent pose la réunion et l’animation d’un ensemble d’acteurs qui doivent se
une vision stratégique qui devront conduire à mettre en place des réalisa- mettre d’accord ; il suppose aussi une négociation sur le diagnostic et sur
mais bien de proposer, dans un document argumentatif, un diagnostic et les solutions, les deux processus étant corrélés et liés à la place qu’occupe
de secteur, les plans locaux d’urbanisme ou les règlements d’urbanisme), chacun des acteurs. Les projets vont non seulement traduire, dans un
il ne s’agit plus d’encadrer des actions possibles (comme le font les plans compromis, une idée du bon développement, mais ils vont aussi préci-
Enfin, certaines communes adhèrent à des dispositifs de type projet où ser la place de chaque acteur ; en ce sens, ils peuvent être vus comme
stables et moins identifiées (par exemple, le soutien d’initiatives privées). des instruments de régulation de partenariat. Si ces nouveaux dispositifs
pour structurer un ensemble élargi d’acteurs, face à des ressources moins reflètent une évolution globale de l’action publique, telle qu’elle a pu
98), d’autres mettent en place de nouvelles règles du jeu (régulation) être observée dans le monde urbain notamment, ils ont aussi des effets sur
quotidienne des services et des organismes publics (Bourdin, 2003, p. 97- l’action publique elle-même (Lascoumes & Le Galès, 2004). Cela semble
rendu en accordant la priorité à l’organisation et au pilotage de l’action d’autant plus vrai que plusieurs acteurs entrent dans ces dispositifs pour
blique qui se préoccupe surtout d’optimalisation et privilégie le service des raisons financières sans prendre conscience de leur aspect participatif,
ou de projets. Si certaines communes s’orientent vers une gestion pu- réflexif et prospectif.
d’autres modes d’action publique sous la forme de nouvelles régulations L’hétérogénéité en matière de gestion de l’espace périurbain passe
À côté d’une gestion « en bon père de famille » se développent donc aussi par une diversité des modes d’action publique, entre les com-
munes mais aussi, bien souvent, au sein des communes elles-mêmes. S’il
De nouveaux modes d’action publique... semble complexe d’identifier les facteurs qui expliquent pourquoi cer-
taines communes renouvellent leurs modes d’action publique, on peut
régulations qui se mettent en place sont des solutions ad hoc et variables. constater que le changement de régulation induit par l’utilisation d’un
coordination. Des tensions peuvent alors apparaître entre les acteurs, et les de ces nouveaux modes conduit ensuite à leur diversification au sein de
ces communes. Les espaces périurbains connaissent là, dans leur mode de
gestion comme dans les acteurs qui s’y impliquent, des évolutions com-
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 184 parables à celles que la sociologie urbaine a pu relever pour le gouverne-
ment des villes (participation, partenariat avec des acteurs privés, projet,
commerces) et favoriser leur éclatement. Face à cette double injonction,
Marie Muselle 185 développement de nature à vider les villes (de leurs habitants, de leurs
renverrait à un égoïsme et un repli sur soi, que lorsqu’ils soutiennent un
peuvent être aussi bien critiqués pour leur politique malthusienne, qui
réflexivité), même si la taille réduite des communes en change profondé- l’avenir de leur territoire dans ces communautés reste flou. En effet, ils
ment l’organisation et les régulations. Pour la forme, une part de l’action part » au développement de communautés d’agglomération ou urbaines,
publique dans le périurbain est comparable à celle qui a été observée dans lequel ils ont choisi de vivre. S’ils sont sommés, en France, de « prendre
les villes, mais le contenu de ces actions et les lignes directrices qui les gie, de modes de vie, de solidarité, etc., que l’on adresse à l’espace dans
portent invitent à questionner le périurbain comme catégorie. tiques en termes de « lien social », d’esthétique, de consommation d’éner-
traversent. Les acteurs locaux doivent « faire avec » les nombreuses cri-
Le périurbain, un espace urbain ? sent dans l’espace périurbain, peut-être en raison des incertitudes qui le
Le besoin de (re)constituer ce « nous » semble particulièrement pré-
Entre les projets qui souhaitent que la commune reste telle qu’elle est donner un sens à cet espace.
et ceux qui visent le développement social, culturel, économique et éco- rendre légitime la mise en place d’une politique sur le territoire, de
logique, voire le développement durable, les objectifs qui sous-tendent un « nous », une vision commune du territoire et de l’avenir, et par là, de
la gestion des espaces périurbains peuvent paraître extrêmement divers. ritoire. Le projet aurait alors une vertu « instituante » : il permet de créer
Mais ce que montrent aussi les exemples que nous avons développés, c’est acteurs définissent leur devenir commun en s’interrogeant sur leur ter-
que la question de l’avenir et finalement de l’« identité » des communes du projet, ici périurbain, semble essentielle : via un diagnostic partagé, les
périurbaines se retrouve au cœur de la gestion de l’espace. Cette der- Dans les actions collectives que nous avons présentées, cette vocation
nière apparaît en effet comme un levier pour penser et agir sur le vivre-
ensemble, sur le « lien social », c’est-à-dire sur la constitution éventuelle partage des mêmes objectifs. (Pinson, 2004, p. 201)
d’un « nous ». identités d’actions, de pérenniser des groupes d’acteurs solidarisés par le
Si le projet est un mode d’action plébiscité par les communes péri- des objectifs de politique urbaine, il a aussi pour vocation d’affirmer des
urbaines, c’est peut-être justement parce qu’il permet cette constitution Le projet n’a pas uniquement pour but d’élaborer et de mettre en œuvre
d’un « nous ». À propos du projet urbain, Pinson note :
d’un « nous ». À propos du projet urbain, Pinson note :
Le projet n’a pas uniquement pour but d’élaborer et de mettre en œuvre urbaines, c’est peut-être justement parce qu’il permet cette constitution
des objectifs de politique urbaine, il a aussi pour vocation d’affirmer des Si le projet est un mode d’action plébiscité par les communes péri-
identités d’actions, de pérenniser des groupes d’acteurs solidarisés par le d’un « nous ».
partage des mêmes objectifs. (Pinson, 2004, p. 201) ensemble, sur le « lien social », c’est-à-dire sur la constitution éventuelle
nière apparaît en effet comme un levier pour penser et agir sur le vivre-
Dans les actions collectives que nous avons présentées, cette vocation périurbaines se retrouve au cœur de la gestion de l’espace. Cette der-
du projet, ici périurbain, semble essentielle : via un diagnostic partagé, les que la question de l’avenir et finalement de l’« identité » des communes
acteurs définissent leur devenir commun en s’interrogeant sur leur ter- Mais ce que montrent aussi les exemples que nous avons développés, c’est
ritoire. Le projet aurait alors une vertu « instituante » : il permet de créer la gestion des espaces périurbains peuvent paraître extrêmement divers.
un « nous », une vision commune du territoire et de l’avenir, et par là, de logique, voire le développement durable, les objectifs qui sous-tendent
rendre légitime la mise en place d’une politique sur le territoire, de et ceux qui visent le développement social, culturel, économique et éco-
donner un sens à cet espace. Entre les projets qui souhaitent que la commune reste telle qu’elle est
Le besoin de (re)constituer ce « nous » semble particulièrement pré-
sent dans l’espace périurbain, peut-être en raison des incertitudes qui le Le périurbain, un espace urbain ?
traversent. Les acteurs locaux doivent « faire avec » les nombreuses cri-
tiques en termes de « lien social », d’esthétique, de consommation d’éner- portent invitent à questionner le périurbain comme catégorie.
gie, de modes de vie, de solidarité, etc., que l’on adresse à l’espace dans les villes, mais le contenu de ces actions et les lignes directrices qui les
lequel ils ont choisi de vivre. S’ils sont sommés, en France, de « prendre publique dans le périurbain est comparable à celle qui a été observée dans
part » au développement de communautés d’agglomération ou urbaines, ment l’organisation et les régulations. Pour la forme, une part de l’action
l’avenir de leur territoire dans ces communautés reste flou. En effet, ils réflexivité), même si la taille réduite des communes en change profondé-
peuvent être aussi bien critiqués pour leur politique malthusienne, qui
renverrait à un égoïsme et un repli sur soi, que lorsqu’ils soutiennent un
développement de nature à vider les villes (de leurs habitants, de leurs 185 Marie Muselle
commerces) et favoriser leur éclatement. Face à cette double injonction,

commerces) et favoriser leur éclatement. Face à cette double injonction,


Marie Muselle 185 développement de nature à vider les villes (de leurs habitants, de leurs
renverrait à un égoïsme et un repli sur soi, que lorsqu’ils soutiennent un
peuvent être aussi bien critiqués pour leur politique malthusienne, qui
réflexivité), même si la taille réduite des communes en change profondé- l’avenir de leur territoire dans ces communautés reste flou. En effet, ils
ment l’organisation et les régulations. Pour la forme, une part de l’action part » au développement de communautés d’agglomération ou urbaines,
publique dans le périurbain est comparable à celle qui a été observée dans lequel ils ont choisi de vivre. S’ils sont sommés, en France, de « prendre
les villes, mais le contenu de ces actions et les lignes directrices qui les gie, de modes de vie, de solidarité, etc., que l’on adresse à l’espace dans
portent invitent à questionner le périurbain comme catégorie. tiques en termes de « lien social », d’esthétique, de consommation d’éner-
traversent. Les acteurs locaux doivent « faire avec » les nombreuses cri-
Le périurbain, un espace urbain ? sent dans l’espace périurbain, peut-être en raison des incertitudes qui le
Le besoin de (re)constituer ce « nous » semble particulièrement pré-
Entre les projets qui souhaitent que la commune reste telle qu’elle est donner un sens à cet espace.
et ceux qui visent le développement social, culturel, économique et éco- rendre légitime la mise en place d’une politique sur le territoire, de
logique, voire le développement durable, les objectifs qui sous-tendent un « nous », une vision commune du territoire et de l’avenir, et par là, de
la gestion des espaces périurbains peuvent paraître extrêmement divers. ritoire. Le projet aurait alors une vertu « instituante » : il permet de créer
Mais ce que montrent aussi les exemples que nous avons développés, c’est acteurs définissent leur devenir commun en s’interrogeant sur leur ter-
que la question de l’avenir et finalement de l’« identité » des communes du projet, ici périurbain, semble essentielle : via un diagnostic partagé, les
périurbaines se retrouve au cœur de la gestion de l’espace. Cette der- Dans les actions collectives que nous avons présentées, cette vocation
nière apparaît en effet comme un levier pour penser et agir sur le vivre-
ensemble, sur le « lien social », c’est-à-dire sur la constitution éventuelle partage des mêmes objectifs. (Pinson, 2004, p. 201)
d’un « nous ». identités d’actions, de pérenniser des groupes d’acteurs solidarisés par le
Si le projet est un mode d’action plébiscité par les communes péri- des objectifs de politique urbaine, il a aussi pour vocation d’affirmer des
urbaines, c’est peut-être justement parce qu’il permet cette constitution Le projet n’a pas uniquement pour but d’élaborer et de mettre en œuvre
d’un « nous ». À propos du projet urbain, Pinson note :
d’un « nous ». À propos du projet urbain, Pinson note :
Le projet n’a pas uniquement pour but d’élaborer et de mettre en œuvre urbaines, c’est peut-être justement parce qu’il permet cette constitution
des objectifs de politique urbaine, il a aussi pour vocation d’affirmer des Si le projet est un mode d’action plébiscité par les communes péri-
identités d’actions, de pérenniser des groupes d’acteurs solidarisés par le d’un « nous ».
partage des mêmes objectifs. (Pinson, 2004, p. 201) ensemble, sur le « lien social », c’est-à-dire sur la constitution éventuelle
nière apparaît en effet comme un levier pour penser et agir sur le vivre-
Dans les actions collectives que nous avons présentées, cette vocation périurbaines se retrouve au cœur de la gestion de l’espace. Cette der-
du projet, ici périurbain, semble essentielle : via un diagnostic partagé, les que la question de l’avenir et finalement de l’« identité » des communes
acteurs définissent leur devenir commun en s’interrogeant sur leur ter- Mais ce que montrent aussi les exemples que nous avons développés, c’est
ritoire. Le projet aurait alors une vertu « instituante » : il permet de créer la gestion des espaces périurbains peuvent paraître extrêmement divers.
un « nous », une vision commune du territoire et de l’avenir, et par là, de logique, voire le développement durable, les objectifs qui sous-tendent
rendre légitime la mise en place d’une politique sur le territoire, de et ceux qui visent le développement social, culturel, économique et éco-
donner un sens à cet espace. Entre les projets qui souhaitent que la commune reste telle qu’elle est
Le besoin de (re)constituer ce « nous » semble particulièrement pré-
sent dans l’espace périurbain, peut-être en raison des incertitudes qui le Le périurbain, un espace urbain ?
traversent. Les acteurs locaux doivent « faire avec » les nombreuses cri-
tiques en termes de « lien social », d’esthétique, de consommation d’éner- portent invitent à questionner le périurbain comme catégorie.
gie, de modes de vie, de solidarité, etc., que l’on adresse à l’espace dans les villes, mais le contenu de ces actions et les lignes directrices qui les
lequel ils ont choisi de vivre. S’ils sont sommés, en France, de « prendre publique dans le périurbain est comparable à celle qui a été observée dans
part » au développement de communautés d’agglomération ou urbaines, ment l’organisation et les régulations. Pour la forme, une part de l’action
l’avenir de leur territoire dans ces communautés reste flou. En effet, ils réflexivité), même si la taille réduite des communes en change profondé-
peuvent être aussi bien critiqués pour leur politique malthusienne, qui
renverrait à un égoïsme et un repli sur soi, que lorsqu’ils soutiennent un
développement de nature à vider les villes (de leurs habitants, de leurs 185 Marie Muselle
commerces) et favoriser leur éclatement. Face à cette double injonction,
ment celle d’une gestion de l’espace unifiée à l’échelle de la communauté.
lité, que la mise en place de structures intercommunales ne garantit nulle- 186 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
aussi de montrer, avec les auteurs qui se sont intéressés à l’intercommuna-
breuses critiques qu’on leur adresse. L’analyse de cette gestion permet
territoires et d’aller au-delà de l’image stéréotypée qui a nourri les nom- certains acteurs choisissent le retrait, d’autres cherchent des alternatives à
périurbains permet de constater la diversité des actions publiques dans ces cette vision négative.
Porter un regard de sociologue empirique sur la gestion des espaces Quelle que soit leur forme, ces alternatives sont pour la plupart locales,
c’est-à-dire qu’elles sont le fait d’acteurs locaux, qu’elles se développent
à l’échelle du territoire local, en référence à la commune et souvent à
*
son caractère rural (convivialité, solidarité). La majorité d’entre elles ne
campagnes. construisent pas un avenir en lien avec les autres territoires, mais en op-
ruralité, et cherchent une place possible pour ces espaces, entre villes et position aux critiques du monde urbain (valorisation du « lien social »,
imaginent une « périurbanité » différente à la fois de l’urbanité et de la développement d’actions écologiques).
développement urbain, les acteurs de la gestion des espaces périurbains Deux exemples font exception à ce « localisme ». Premièrement,
loppement de nouveaux modes d’actions publiques, similaires à ceux du l’aménagement du parc de la Deûle, à Lille, qui doit avoir une fonction
bles. Malgré l’urbanisation des sols et des modes de vie, malgré le déve- récréative pour tous les habitants de la métropole et une fonction de
à l’urbanité des villes ; quant à son avenir, il hésite entre différents possi- structuration de l’espace en tant que lien entre Lille et le bassin minier.
Le périurbain résiste à une urbanisation qui signifierait l’assimilation Deuxièmement, la promotion de l’agriculture périurbaine et des circuits
nationale, voire européenne. courts où les acteurs souhaitent affirmer le rôle que peut jouer l’espace
sur l’ensemble d’un territoire urbain ou, de manière plus large, à l’échelle périurbain en tant que lien entre le monde agricole et les bassins de con-
pourrait conduire à une action publique intégrée et cohérente, que ce soit sommation plus urbains. On perçoit dans ces deux exemples que certains
de solutions locales est aussi le reflet de l’absence d’un débat commun qui acteurs veulent poser la question de la place du périurbain dans un espace
nir. Mais l’éclatement de la gestion publique périurbaine en un ensemble urbain élargi (ou métropolitain), et donc, poser la question de l’avenir de
rogation sur la nature des espaces périurbains aujourd’hui et sur leur ave- ces espaces.
toute sa diversité et son hétérogénéité, semble bien porteuse d’une inter- L’action publique telle qu’elle se développe dans le périurbain, dans
L’action publique telle qu’elle se développe dans le périurbain, dans toute sa diversité et son hétérogénéité, semble bien porteuse d’une inter-
ces espaces. rogation sur la nature des espaces périurbains aujourd’hui et sur leur ave-
urbain élargi (ou métropolitain), et donc, poser la question de l’avenir de nir. Mais l’éclatement de la gestion publique périurbaine en un ensemble
acteurs veulent poser la question de la place du périurbain dans un espace de solutions locales est aussi le reflet de l’absence d’un débat commun qui
sommation plus urbains. On perçoit dans ces deux exemples que certains pourrait conduire à une action publique intégrée et cohérente, que ce soit
périurbain en tant que lien entre le monde agricole et les bassins de con- sur l’ensemble d’un territoire urbain ou, de manière plus large, à l’échelle
courts où les acteurs souhaitent affirmer le rôle que peut jouer l’espace nationale, voire européenne.
Deuxièmement, la promotion de l’agriculture périurbaine et des circuits Le périurbain résiste à une urbanisation qui signifierait l’assimilation
structuration de l’espace en tant que lien entre Lille et le bassin minier. à l’urbanité des villes ; quant à son avenir, il hésite entre différents possi-
récréative pour tous les habitants de la métropole et une fonction de bles. Malgré l’urbanisation des sols et des modes de vie, malgré le déve-
l’aménagement du parc de la Deûle, à Lille, qui doit avoir une fonction loppement de nouveaux modes d’actions publiques, similaires à ceux du
Deux exemples font exception à ce « localisme ». Premièrement, développement urbain, les acteurs de la gestion des espaces périurbains
développement d’actions écologiques). imaginent une « périurbanité » différente à la fois de l’urbanité et de la
position aux critiques du monde urbain (valorisation du « lien social », ruralité, et cherchent une place possible pour ces espaces, entre villes et
construisent pas un avenir en lien avec les autres territoires, mais en op- campagnes.
son caractère rural (convivialité, solidarité). La majorité d’entre elles ne
à l’échelle du territoire local, en référence à la commune et souvent à
c’est-à-dire qu’elles sont le fait d’acteurs locaux, qu’elles se développent
*
Quelle que soit leur forme, ces alternatives sont pour la plupart locales, Porter un regard de sociologue empirique sur la gestion des espaces
cette vision négative. périurbains permet de constater la diversité des actions publiques dans ces
certains acteurs choisissent le retrait, d’autres cherchent des alternatives à territoires et d’aller au-delà de l’image stéréotypée qui a nourri les nom-
breuses critiques qu’on leur adresse. L’analyse de cette gestion permet
aussi de montrer, avec les auteurs qui se sont intéressés à l’intercommuna-
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 186 lité, que la mise en place de structures intercommunales ne garantit nulle-
ment celle d’une gestion de l’espace unifiée à l’échelle de la communauté.

ment celle d’une gestion de l’espace unifiée à l’échelle de la communauté.


lité, que la mise en place de structures intercommunales ne garantit nulle- 186 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
aussi de montrer, avec les auteurs qui se sont intéressés à l’intercommuna-
breuses critiques qu’on leur adresse. L’analyse de cette gestion permet
territoires et d’aller au-delà de l’image stéréotypée qui a nourri les nom- certains acteurs choisissent le retrait, d’autres cherchent des alternatives à
périurbains permet de constater la diversité des actions publiques dans ces cette vision négative.
Porter un regard de sociologue empirique sur la gestion des espaces Quelle que soit leur forme, ces alternatives sont pour la plupart locales,
c’est-à-dire qu’elles sont le fait d’acteurs locaux, qu’elles se développent
à l’échelle du territoire local, en référence à la commune et souvent à
*
son caractère rural (convivialité, solidarité). La majorité d’entre elles ne
campagnes. construisent pas un avenir en lien avec les autres territoires, mais en op-
ruralité, et cherchent une place possible pour ces espaces, entre villes et position aux critiques du monde urbain (valorisation du « lien social »,
imaginent une « périurbanité » différente à la fois de l’urbanité et de la développement d’actions écologiques).
développement urbain, les acteurs de la gestion des espaces périurbains Deux exemples font exception à ce « localisme ». Premièrement,
loppement de nouveaux modes d’actions publiques, similaires à ceux du l’aménagement du parc de la Deûle, à Lille, qui doit avoir une fonction
bles. Malgré l’urbanisation des sols et des modes de vie, malgré le déve- récréative pour tous les habitants de la métropole et une fonction de
à l’urbanité des villes ; quant à son avenir, il hésite entre différents possi- structuration de l’espace en tant que lien entre Lille et le bassin minier.
Le périurbain résiste à une urbanisation qui signifierait l’assimilation Deuxièmement, la promotion de l’agriculture périurbaine et des circuits
nationale, voire européenne. courts où les acteurs souhaitent affirmer le rôle que peut jouer l’espace
sur l’ensemble d’un territoire urbain ou, de manière plus large, à l’échelle périurbain en tant que lien entre le monde agricole et les bassins de con-
pourrait conduire à une action publique intégrée et cohérente, que ce soit sommation plus urbains. On perçoit dans ces deux exemples que certains
de solutions locales est aussi le reflet de l’absence d’un débat commun qui acteurs veulent poser la question de la place du périurbain dans un espace
nir. Mais l’éclatement de la gestion publique périurbaine en un ensemble urbain élargi (ou métropolitain), et donc, poser la question de l’avenir de
rogation sur la nature des espaces périurbains aujourd’hui et sur leur ave- ces espaces.
toute sa diversité et son hétérogénéité, semble bien porteuse d’une inter- L’action publique telle qu’elle se développe dans le périurbain, dans
L’action publique telle qu’elle se développe dans le périurbain, dans toute sa diversité et son hétérogénéité, semble bien porteuse d’une inter-
ces espaces. rogation sur la nature des espaces périurbains aujourd’hui et sur leur ave-
urbain élargi (ou métropolitain), et donc, poser la question de l’avenir de nir. Mais l’éclatement de la gestion publique périurbaine en un ensemble
acteurs veulent poser la question de la place du périurbain dans un espace de solutions locales est aussi le reflet de l’absence d’un débat commun qui
sommation plus urbains. On perçoit dans ces deux exemples que certains pourrait conduire à une action publique intégrée et cohérente, que ce soit
périurbain en tant que lien entre le monde agricole et les bassins de con- sur l’ensemble d’un territoire urbain ou, de manière plus large, à l’échelle
courts où les acteurs souhaitent affirmer le rôle que peut jouer l’espace nationale, voire européenne.
Deuxièmement, la promotion de l’agriculture périurbaine et des circuits Le périurbain résiste à une urbanisation qui signifierait l’assimilation
structuration de l’espace en tant que lien entre Lille et le bassin minier. à l’urbanité des villes ; quant à son avenir, il hésite entre différents possi-
récréative pour tous les habitants de la métropole et une fonction de bles. Malgré l’urbanisation des sols et des modes de vie, malgré le déve-
l’aménagement du parc de la Deûle, à Lille, qui doit avoir une fonction loppement de nouveaux modes d’actions publiques, similaires à ceux du
Deux exemples font exception à ce « localisme ». Premièrement, développement urbain, les acteurs de la gestion des espaces périurbains
développement d’actions écologiques). imaginent une « périurbanité » différente à la fois de l’urbanité et de la
position aux critiques du monde urbain (valorisation du « lien social », ruralité, et cherchent une place possible pour ces espaces, entre villes et
construisent pas un avenir en lien avec les autres territoires, mais en op- campagnes.
son caractère rural (convivialité, solidarité). La majorité d’entre elles ne
à l’échelle du territoire local, en référence à la commune et souvent à
c’est-à-dire qu’elles sont le fait d’acteurs locaux, qu’elles se développent
*
Quelle que soit leur forme, ces alternatives sont pour la plupart locales, Porter un regard de sociologue empirique sur la gestion des espaces
cette vision négative. périurbains permet de constater la diversité des actions publiques dans ces
certains acteurs choisissent le retrait, d’autres cherchent des alternatives à territoires et d’aller au-delà de l’image stéréotypée qui a nourri les nom-
breuses critiques qu’on leur adresse. L’analyse de cette gestion permet
aussi de montrer, avec les auteurs qui se sont intéressés à l’intercommuna-
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 186 lité, que la mise en place de structures intercommunales ne garantit nulle-
ment celle d’une gestion de l’espace unifiée à l’échelle de la communauté.
environnement.
qui relève de la gestion de l’espace : aménagement du territoire, urbanisme, logement,
Marie Muselle 187 14. Dans la Belgique fédérale, c’est essentiellement la région qui est compétente pour ce

value démocratique », dans Les Effets de l’intercommunalité, Rémy Le Saout


Si les autorités nationales françaises et régionales belges14 ont des ap- munalité sans le citoyen : les dimensions structurelles d’une moins-
proches réglementaires et législatives très différentes pour encadrer la ges- Bué Nicolas, Desage Fabien & Matejko Laurent (2004), « L’intercom-
tion de l’espace périurbain, le niveau local semble accommoder chacun l’Aube, p. 91-107.
des contextes législatifs pour aboutir, in fine, au maintien d’une grande décentralisation, Jacques Beauchard (dir.), La Tour-d’Aigues, Éditions de
autonomie communale qui permet, de part et d’autre de la frontière, nance du projet », dans La Mosaïque territoriale : enjeux identitaires de la
de pratiquer une gestion de l’espace périurbain innovante ou conser- Bourdin Alain (2003), « Gouvernance du “vivre-ensemble” et gouver-
vatrice. De la sorte, on trouve en Belgique comme en France une très
grande hétérogénéité des types de gestion, des modes d’action publique, Bibliographie
des acteurs qui y participent.
Dès lors, en termes de gestion de l’espace, les communes périurbaines ment le développement urbain et périurbain, voire rural.
semblent connaître partiellement des mutations semblables à celles qu’ont un rôle à jouer dans un débat plus global, qui réinterrogerait conjointe-
connues les espaces urbains : multiplication des acteurs, autonomie, nou- contingentes. On peut dès lors se demander si le sociologue urbain n’a pas
veaux modes d’action publique basés sur le projet, inscription dans des être apportées à la question de l’avenir du périurbain sont locales et
réseaux de ville, partenariat public-privé, etc. Mais si le développement tives conduit une situation où, pour le moment, les solutions qui peuvent
semble l’horizon de tous les espaces urbains, le devenir des espaces péri- élargis. L’éclatement de ces débats dans une telle diversité d’actions collec-
urbains reste davantage sujet au débat. La singularité de chaque histoire locaux ou qu’ils visent une certaine intégration dans des espaces urbains
reflète la diversité des possibles : l’incertitude identitaire conduit certaines breux projets qu’ils mettent en place, que ces projets soient proprement
communes périurbaines à des positions de retrait qui oriente leur gestion les acteurs de la gestion de l’espace périurbain eux-mêmes, dans les nom-
de l’espace vers le non-développement, alors que d’autres communes les terrains de la sociologie urbaine renvoie aux questions que se posent
optent pour un développement qui veut dépasser les stéréotypes liés au comme un espace non-urbain ou s’il doit au contraire être intégré dans
périurbain et réinventer ces espaces. La question de savoir si le périurbain peut ou doit alors être considéré
La question de savoir si le périurbain peut ou doit alors être considéré périurbain et réinventer ces espaces.
comme un espace non-urbain ou s’il doit au contraire être intégré dans optent pour un développement qui veut dépasser les stéréotypes liés au
les terrains de la sociologie urbaine renvoie aux questions que se posent de l’espace vers le non-développement, alors que d’autres communes
les acteurs de la gestion de l’espace périurbain eux-mêmes, dans les nom- communes périurbaines à des positions de retrait qui oriente leur gestion
breux projets qu’ils mettent en place, que ces projets soient proprement reflète la diversité des possibles : l’incertitude identitaire conduit certaines
locaux ou qu’ils visent une certaine intégration dans des espaces urbains urbains reste davantage sujet au débat. La singularité de chaque histoire
élargis. L’éclatement de ces débats dans une telle diversité d’actions collec- semble l’horizon de tous les espaces urbains, le devenir des espaces péri-
tives conduit une situation où, pour le moment, les solutions qui peuvent réseaux de ville, partenariat public-privé, etc. Mais si le développement
être apportées à la question de l’avenir du périurbain sont locales et veaux modes d’action publique basés sur le projet, inscription dans des
contingentes. On peut dès lors se demander si le sociologue urbain n’a pas connues les espaces urbains : multiplication des acteurs, autonomie, nou-
un rôle à jouer dans un débat plus global, qui réinterrogerait conjointe- semblent connaître partiellement des mutations semblables à celles qu’ont
ment le développement urbain et périurbain, voire rural. Dès lors, en termes de gestion de l’espace, les communes périurbaines
des acteurs qui y participent.
Bibliographie grande hétérogénéité des types de gestion, des modes d’action publique,
vatrice. De la sorte, on trouve en Belgique comme en France une très
Bourdin Alain (2003), « Gouvernance du “vivre-ensemble” et gouver- de pratiquer une gestion de l’espace périurbain innovante ou conser-
nance du projet », dans La Mosaïque territoriale : enjeux identitaires de la autonomie communale qui permet, de part et d’autre de la frontière,
décentralisation, Jacques Beauchard (dir.), La Tour-d’Aigues, Éditions de des contextes législatifs pour aboutir, in fine, au maintien d’une grande
l’Aube, p. 91-107. tion de l’espace périurbain, le niveau local semble accommoder chacun
Bué Nicolas, Desage Fabien & Matejko Laurent (2004), « L’intercom- proches réglementaires et législatives très différentes pour encadrer la ges-
munalité sans le citoyen : les dimensions structurelles d’une moins- Si les autorités nationales françaises et régionales belges14 ont des ap-
value démocratique », dans Les Effets de l’intercommunalité, Rémy Le Saout
14. Dans la Belgique fédérale, c’est essentiellement la région qui est compétente pour ce 187 Marie Muselle
qui relève de la gestion de l’espace : aménagement du territoire, urbanisme, logement,
environnement.

environnement.
qui relève de la gestion de l’espace : aménagement du territoire, urbanisme, logement,
Marie Muselle 187 14. Dans la Belgique fédérale, c’est essentiellement la région qui est compétente pour ce

value démocratique », dans Les Effets de l’intercommunalité, Rémy Le Saout


Si les autorités nationales françaises et régionales belges14 ont des ap- munalité sans le citoyen : les dimensions structurelles d’une moins-
proches réglementaires et législatives très différentes pour encadrer la ges- Bué Nicolas, Desage Fabien & Matejko Laurent (2004), « L’intercom-
tion de l’espace périurbain, le niveau local semble accommoder chacun l’Aube, p. 91-107.
des contextes législatifs pour aboutir, in fine, au maintien d’une grande décentralisation, Jacques Beauchard (dir.), La Tour-d’Aigues, Éditions de
autonomie communale qui permet, de part et d’autre de la frontière, nance du projet », dans La Mosaïque territoriale : enjeux identitaires de la
de pratiquer une gestion de l’espace périurbain innovante ou conser- Bourdin Alain (2003), « Gouvernance du “vivre-ensemble” et gouver-
vatrice. De la sorte, on trouve en Belgique comme en France une très
grande hétérogénéité des types de gestion, des modes d’action publique, Bibliographie
des acteurs qui y participent.
Dès lors, en termes de gestion de l’espace, les communes périurbaines ment le développement urbain et périurbain, voire rural.
semblent connaître partiellement des mutations semblables à celles qu’ont un rôle à jouer dans un débat plus global, qui réinterrogerait conjointe-
connues les espaces urbains : multiplication des acteurs, autonomie, nou- contingentes. On peut dès lors se demander si le sociologue urbain n’a pas
veaux modes d’action publique basés sur le projet, inscription dans des être apportées à la question de l’avenir du périurbain sont locales et
réseaux de ville, partenariat public-privé, etc. Mais si le développement tives conduit une situation où, pour le moment, les solutions qui peuvent
semble l’horizon de tous les espaces urbains, le devenir des espaces péri- élargis. L’éclatement de ces débats dans une telle diversité d’actions collec-
urbains reste davantage sujet au débat. La singularité de chaque histoire locaux ou qu’ils visent une certaine intégration dans des espaces urbains
reflète la diversité des possibles : l’incertitude identitaire conduit certaines breux projets qu’ils mettent en place, que ces projets soient proprement
communes périurbaines à des positions de retrait qui oriente leur gestion les acteurs de la gestion de l’espace périurbain eux-mêmes, dans les nom-
de l’espace vers le non-développement, alors que d’autres communes les terrains de la sociologie urbaine renvoie aux questions que se posent
optent pour un développement qui veut dépasser les stéréotypes liés au comme un espace non-urbain ou s’il doit au contraire être intégré dans
périurbain et réinventer ces espaces. La question de savoir si le périurbain peut ou doit alors être considéré
La question de savoir si le périurbain peut ou doit alors être considéré périurbain et réinventer ces espaces.
comme un espace non-urbain ou s’il doit au contraire être intégré dans optent pour un développement qui veut dépasser les stéréotypes liés au
les terrains de la sociologie urbaine renvoie aux questions que se posent de l’espace vers le non-développement, alors que d’autres communes
les acteurs de la gestion de l’espace périurbain eux-mêmes, dans les nom- communes périurbaines à des positions de retrait qui oriente leur gestion
breux projets qu’ils mettent en place, que ces projets soient proprement reflète la diversité des possibles : l’incertitude identitaire conduit certaines
locaux ou qu’ils visent une certaine intégration dans des espaces urbains urbains reste davantage sujet au débat. La singularité de chaque histoire
élargis. L’éclatement de ces débats dans une telle diversité d’actions collec- semble l’horizon de tous les espaces urbains, le devenir des espaces péri-
tives conduit une situation où, pour le moment, les solutions qui peuvent réseaux de ville, partenariat public-privé, etc. Mais si le développement
être apportées à la question de l’avenir du périurbain sont locales et veaux modes d’action publique basés sur le projet, inscription dans des
contingentes. On peut dès lors se demander si le sociologue urbain n’a pas connues les espaces urbains : multiplication des acteurs, autonomie, nou-
un rôle à jouer dans un débat plus global, qui réinterrogerait conjointe- semblent connaître partiellement des mutations semblables à celles qu’ont
ment le développement urbain et périurbain, voire rural. Dès lors, en termes de gestion de l’espace, les communes périurbaines
des acteurs qui y participent.
Bibliographie grande hétérogénéité des types de gestion, des modes d’action publique,
vatrice. De la sorte, on trouve en Belgique comme en France une très
Bourdin Alain (2003), « Gouvernance du “vivre-ensemble” et gouver- de pratiquer une gestion de l’espace périurbain innovante ou conser-
nance du projet », dans La Mosaïque territoriale : enjeux identitaires de la autonomie communale qui permet, de part et d’autre de la frontière,
décentralisation, Jacques Beauchard (dir.), La Tour-d’Aigues, Éditions de des contextes législatifs pour aboutir, in fine, au maintien d’une grande
l’Aube, p. 91-107. tion de l’espace périurbain, le niveau local semble accommoder chacun
Bué Nicolas, Desage Fabien & Matejko Laurent (2004), « L’intercom- proches réglementaires et législatives très différentes pour encadrer la ges-
munalité sans le citoyen : les dimensions structurelles d’une moins- Si les autorités nationales françaises et régionales belges14 ont des ap-
value démocratique », dans Les Effets de l’intercommunalité, Rémy Le Saout
14. Dans la Belgique fédérale, c’est essentiellement la région qui est compétente pour ce 187 Marie Muselle
qui relève de la gestion de l’espace : aménagement du territoire, urbanisme, logement,
environnement.
Pouvoirs locaux, no 48, p. 59-63. 188 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
Vanier Martin (2001), « Le tiers espace, acte II de la périurbanisation »,
vol. 16, no 1, p. 107-138.
d’intégration / désintégration politique  », Politique et management public, & François Madoré (dir.), Rennes, Presses universitaires de Rennes,
Savary Gilles (1998), « La régulation consensuelle communautaire : facteur p. 39-58.
L’Harmattan. Charmes Éric (2005), La Vie périurbaine face à la menace des gated commu-
Remy Jean (1998), Sociologie urbaine et rurale  : l’espace et l’agir, Paris, nities, Paris, L’Harmattan, « Villes et entreprises ».
no 56, p. 619-651. — (2011), La Ville émiettée : essai sur la clubbisation de la vie urbaine, Paris,
dans les villes européennes », Revue française de science politique, vol. 4, Presses universitaires de France.
espaces politiques et recomposition d’une capacité d’action collective Desage Fabien (2005), « Une commune résidentielle suburbaine en pleine
— (2006), « Projets de ville et gouvernance urbaine, pluralisation des campagne », dans Mobilisations électorales : le cas des élections municipales de
Le Galès (dir.), Paris, Presses de Sciences po, p. 199-233. 2001, Jacques Lagroye, Patrick Lehingue, Frédéric Sawicki (dir.), Paris,
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du renouveau urbain, Marseille, Éditions Parenthèses. nisation, gentrification », Esprit, no 303, p. 14-39.
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projets de stratégies urbaines (POPSU 1), p. 127-138 ; en ligne : http:// www.gip-epau.archi.fr/sites/default/files/nodes/document/762/
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Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? 188 Pouvoirs locaux, no 48, p. 59-63.

Pouvoirs locaux, no 48, p. 59-63. 188 Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ?
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vol. 16, no 1, p. 107-138.
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no 56, p. 619-651. — (2011), La Ville émiettée : essai sur la clubbisation de la vie urbaine, Paris,
dans les villes européennes », Revue française de science politique, vol. 4, Presses universitaires de France.
espaces politiques et recomposition d’une capacité d’action collective Desage Fabien (2005), « Une commune résidentielle suburbaine en pleine
— (2006), « Projets de ville et gouvernance urbaine, pluralisation des campagne », dans Mobilisations électorales : le cas des élections municipales de
Le Galès (dir.), Paris, Presses de Sciences po, p. 199-233. 2001, Jacques Lagroye, Patrick Lehingue, Frédéric Sawicki (dir.), Paris,
dans Gouverner par les instruments, Pierre Lascoumes & Patrick Presses universitaires de France, p. 59-87.
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du renouveau urbain, Marseille, Éditions Parenthèses. nisation, gentrification », Esprit, no 303, p. 14-39.
Paris Didier & Mons Dominique (dir.) (2009), Lille métropole : laboratoire Dormois Rémi (2004), « Intercommunalité et planification urbaine : une
sociales, Paris, Odile Jacob. dynamique de stabilisation croisée », dans Les Effets de l’intercommunalité,
Le Bras Hervé (2002), Une autre France : votes, réseaux de relations et classes Rémy Le Saout & François Madoré (dir.), Rennes, Presses universitaires
instruments, Paris, Presses de Science Po. de Rennes, p. 145-158.
Lascoumes Pierre & Le  Galès Patrick  (dir.) (2004), Gouverner par les Dubois-Taine Geneviève & Chalas Yves (1997), La Ville émergente, La
Esprit, no 303, p. 82-95. Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.
Estèbe Philippe (2004), « Quel avenir pour les périphéries urbaines ? », Escudie Elsa, Estienne Isabelle & Gaudefroy Gilles (2008), Parc de la
files/fiche-parc-de-la-deule.pdf (mai 2014). Deûle, extrait du t. I du rapport final, Plate-forme d’observation des
www.gip-epau.archi.fr/sites/default/files/nodes/document/762/ projets de stratégies urbaines (POPSU 1), p. 127-138 ; en ligne : http://
projets de stratégies urbaines (POPSU 1), p. 127-138 ; en ligne : http:// www.gip-epau.archi.fr/sites/default/files/nodes/document/762/
Deûle, extrait du t. I du rapport final, Plate-forme d’observation des files/fiche-parc-de-la-deule.pdf (mai 2014).
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2001, Jacques Lagroye, Patrick Lehingue, Frédéric Sawicki (dir.), Paris, Le Galès (dir.), Paris, Presses de Sciences po, p. 199-233.
campagne », dans Mobilisations électorales : le cas des élections municipales de — (2006), « Projets de ville et gouvernance urbaine, pluralisation des
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çais pour désigner ce phénomène qui a émergé au Brésil.
3. Nous utilisons le mot portugais : aucun terme correspondant n’a été trouvé en fran-
guration de Brasilia.
2. La ville de Rio de Janeiro a été la capitale du Brésil jusqu’en 1960, année de l’inau-
1. Citons notamment Leeds (1969), Parisse (1969),Valladares (1974) et Perlman (1977).

concernent notamment la constitution de l’espace construit et de l’espace


des invasoes, en tant qu’habitat informel dans la ville de Rio de  Janeiro,
LE LOGEMENT POPULAIRE COMME RÉVÉLATEUR DES dustriels abandonnés depuis environ quarante ans. Les particularités
TRANSFORMATIONS SOCIO-URBAINES d’une ancienne autoroute, l’avenida Brasil, dans une zone de terrains in-
de terrains industriels privés et abandonnés. Elles se situent aux abords
l’occupation, illégale et spontanée, par une population issue des favelas,
Maira Machado-Martins à la favela. Les invasoes3 dont il sera question dans cet article consistent en
informel qui se développe depuis dix ans environ comme une alternative
Nous souhaitons présenter ici un nouveau type d’habitat populaire
Le logement populaire à Rio de Janeiro, notamment la favela, est un informel, pauvre et spontané.
objet de recherche en sociologie depuis la deuxième moitié du xixe siècle forme d’habitat isolée et unique, un habitat essentiellement conçu comme
au moins1. Malgré la polémique autour de la date et de la localisation, toutefois observer que les favelas ont été souvent analysées comme une
il semble établi que l’occupation à l’origine de la première favela dans des sociologues autant que par des chercheurs d’autres disciplines. Il faut
l’ancienne capitale brésilienne2 a démarré vers 1897 (Valladares, 2006). transformations qu’elles ont subies ont été étudiées au fil des années par
Les premiers travaux de recherche sur les favelas se sont développés sur actuellement affirmer que les favelas se sont consolidées dans la ville ; les
un terrain caractérisé par un logement ouvrier, pauvre, insalubre et aban- veloppent, entre autres, se sont considérablement diversifiés. On peut
donné par les pouvoirs publics. À ce moment-là, le nombre de favelas à tissu construit, la localisation dans la ville, les modes de vie qui s’y dé-
Rio de Janeiro était encore assez réduit, ce qui a permis de construire tat populaire, les caractéristiques socio-économiques de sa population, le
une notion et une définition qui pouvaient caractériser l’ensemble des buttes cariocas, on compte plus de 700 favelas dans la ville : ce type d’habi-
favelas de la ville. Actuellement, plus d’un siècle après la première occupation sur les
Actuellement, plus d’un siècle après la première occupation sur les favelas de la ville.
buttes cariocas, on compte plus de 700 favelas dans la ville : ce type d’habi- une notion et une définition qui pouvaient caractériser l’ensemble des
tat populaire, les caractéristiques socio-économiques de sa population, le Rio de Janeiro était encore assez réduit, ce qui a permis de construire
tissu construit, la localisation dans la ville, les modes de vie qui s’y dé- donné par les pouvoirs publics. À ce moment-là, le nombre de favelas à
veloppent, entre autres, se sont considérablement diversifiés. On peut un terrain caractérisé par un logement ouvrier, pauvre, insalubre et aban-
actuellement affirmer que les favelas se sont consolidées dans la ville ; les Les premiers travaux de recherche sur les favelas se sont développés sur
transformations qu’elles ont subies ont été étudiées au fil des années par l’ancienne capitale brésilienne2 a démarré vers 1897 (Valladares, 2006).
des sociologues autant que par des chercheurs d’autres disciplines. Il faut il semble établi que l’occupation à l’origine de la première favela dans
toutefois observer que les favelas ont été souvent analysées comme une au moins1. Malgré la polémique autour de la date et de la localisation,
forme d’habitat isolée et unique, un habitat essentiellement conçu comme objet de recherche en sociologie depuis la deuxième moitié du xixe siècle
informel, pauvre et spontané. Le logement populaire à Rio de Janeiro, notamment la favela, est un
Nous souhaitons présenter ici un nouveau type d’habitat populaire
informel qui se développe depuis dix ans environ comme une alternative
à la favela. Les invasoes3 dont il sera question dans cet article consistent en Maira Machado-Martins
l’occupation, illégale et spontanée, par une population issue des favelas,
de terrains industriels privés et abandonnés. Elles se situent aux abords
d’une ancienne autoroute, l’avenida Brasil, dans une zone de terrains in- TRANSFORMATIONS SOCIO-URBAINES
dustriels abandonnés depuis environ quarante ans. Les particularités LE LOGEMENT POPULAIRE COMME RÉVÉLATEUR DES
des invasoes, en tant qu’habitat informel dans la ville de Rio de  Janeiro,
concernent notamment la constitution de l’espace construit et de l’espace
1. Citons notamment Leeds (1969), Parisse (1969),Valladares (1974) et Perlman (1977).
2. La ville de Rio de Janeiro a été la capitale du Brésil jusqu’en 1960, année de l’inau-
guration de Brasilia.
3. Nous utilisons le mot portugais : aucun terme correspondant n’a été trouvé en fran-
çais pour désigner ce phénomène qui a émergé au Brésil.

çais pour désigner ce phénomène qui a émergé au Brésil.


3. Nous utilisons le mot portugais : aucun terme correspondant n’a été trouvé en fran-
guration de Brasilia.
2. La ville de Rio de Janeiro a été la capitale du Brésil jusqu’en 1960, année de l’inau-
1. Citons notamment Leeds (1969), Parisse (1969),Valladares (1974) et Perlman (1977).

concernent notamment la constitution de l’espace construit et de l’espace


des invasoes, en tant qu’habitat informel dans la ville de Rio de  Janeiro,
LE LOGEMENT POPULAIRE COMME RÉVÉLATEUR DES dustriels abandonnés depuis environ quarante ans. Les particularités
TRANSFORMATIONS SOCIO-URBAINES d’une ancienne autoroute, l’avenida Brasil, dans une zone de terrains in-
de terrains industriels privés et abandonnés. Elles se situent aux abords
l’occupation, illégale et spontanée, par une population issue des favelas,
Maira Machado-Martins à la favela. Les invasoes3 dont il sera question dans cet article consistent en
informel qui se développe depuis dix ans environ comme une alternative
Nous souhaitons présenter ici un nouveau type d’habitat populaire
Le logement populaire à Rio de Janeiro, notamment la favela, est un informel, pauvre et spontané.
objet de recherche en sociologie depuis la deuxième moitié du xixe siècle forme d’habitat isolée et unique, un habitat essentiellement conçu comme
au moins1. Malgré la polémique autour de la date et de la localisation, toutefois observer que les favelas ont été souvent analysées comme une
il semble établi que l’occupation à l’origine de la première favela dans des sociologues autant que par des chercheurs d’autres disciplines. Il faut
l’ancienne capitale brésilienne2 a démarré vers 1897 (Valladares, 2006). transformations qu’elles ont subies ont été étudiées au fil des années par
Les premiers travaux de recherche sur les favelas se sont développés sur actuellement affirmer que les favelas se sont consolidées dans la ville ; les
un terrain caractérisé par un logement ouvrier, pauvre, insalubre et aban- veloppent, entre autres, se sont considérablement diversifiés. On peut
donné par les pouvoirs publics. À ce moment-là, le nombre de favelas à tissu construit, la localisation dans la ville, les modes de vie qui s’y dé-
Rio de Janeiro était encore assez réduit, ce qui a permis de construire tat populaire, les caractéristiques socio-économiques de sa population, le
une notion et une définition qui pouvaient caractériser l’ensemble des buttes cariocas, on compte plus de 700 favelas dans la ville : ce type d’habi-
favelas de la ville. Actuellement, plus d’un siècle après la première occupation sur les
Actuellement, plus d’un siècle après la première occupation sur les favelas de la ville.
buttes cariocas, on compte plus de 700 favelas dans la ville : ce type d’habi- une notion et une définition qui pouvaient caractériser l’ensemble des
tat populaire, les caractéristiques socio-économiques de sa population, le Rio de Janeiro était encore assez réduit, ce qui a permis de construire
tissu construit, la localisation dans la ville, les modes de vie qui s’y dé- donné par les pouvoirs publics. À ce moment-là, le nombre de favelas à
veloppent, entre autres, se sont considérablement diversifiés. On peut un terrain caractérisé par un logement ouvrier, pauvre, insalubre et aban-
actuellement affirmer que les favelas se sont consolidées dans la ville ; les Les premiers travaux de recherche sur les favelas se sont développés sur
transformations qu’elles ont subies ont été étudiées au fil des années par l’ancienne capitale brésilienne2 a démarré vers 1897 (Valladares, 2006).
des sociologues autant que par des chercheurs d’autres disciplines. Il faut il semble établi que l’occupation à l’origine de la première favela dans
toutefois observer que les favelas ont été souvent analysées comme une au moins1. Malgré la polémique autour de la date et de la localisation,
forme d’habitat isolée et unique, un habitat essentiellement conçu comme objet de recherche en sociologie depuis la deuxième moitié du xixe siècle
informel, pauvre et spontané. Le logement populaire à Rio de Janeiro, notamment la favela, est un
Nous souhaitons présenter ici un nouveau type d’habitat populaire
informel qui se développe depuis dix ans environ comme une alternative
à la favela. Les invasoes3 dont il sera question dans cet article consistent en Maira Machado-Martins
l’occupation, illégale et spontanée, par une population issue des favelas,
de terrains industriels privés et abandonnés. Elles se situent aux abords
d’une ancienne autoroute, l’avenida Brasil, dans une zone de terrains in- TRANSFORMATIONS SOCIO-URBAINES
dustriels abandonnés depuis environ quarante ans. Les particularités LE LOGEMENT POPULAIRE COMME RÉVÉLATEUR DES
des invasoes, en tant qu’habitat informel dans la ville de Rio de  Janeiro,
concernent notamment la constitution de l’espace construit et de l’espace
1. Citons notamment Leeds (1969), Parisse (1969),Valladares (1974) et Perlman (1977).
2. La ville de Rio de Janeiro a été la capitale du Brésil jusqu’en 1960, année de l’inau-
guration de Brasilia.
3. Nous utilisons le mot portugais : aucun terme correspondant n’a été trouvé en fran-
çais pour désigner ce phénomène qui a émergé au Brésil.
répandue est celle qu’exercent les narcotrafiquants dans les favelas.
ment. À Rio de Janeiro, la forme de pouvoir parallèle à l’État la plus connue et la plus
tion territoriale, consolidée au sein de communautés souvent dépourvues économique- 190 Logement populaire et transformations socio-urbaines
4. Il faut entendre par là une forme d’exercice illégal du pouvoir fondée sur la domina-

vorisées et abandonnées par l’État, notamment les favelas. La milicia de social : reconversion de l’espace industriel en habitat, par les occupants eux-
objectif est l’extorsion d’argent et le contrôle des zones d’habitat défa- mêmes, et fermeture du terrain par des murs. Les pratiques liées au
prison et policiers, à la retraite ou en activité, hors de toute légalité. Leur fonctionnement et à certains règlements établis à l’intérieur de ce mi-
formation de groupes de professionnels, pompiers, militaires, agents de lieu d’habitat se rapportent autant aux favelas cariocas, l’habitat d’origine
parallèles à l’État4, la milicia à Rio de Janeiro. Elle se caractérise par la des occupants, qu’aux formes d’habitat en copropriété de la ville for-
Les invasoes se situent dans une zone dominée par un des pouvoirs melle, notamment les condominios fechados (copropriétés fermées) de Rio
de sports et une place avec une scène pour des spectacles. de  Janeiro. À l’issue du travail de recherche doctoral que nous avons
font de cette invasao la plus sophistiquée des trois : une piscine, un terrain mené sur ces occupations de l’avenida Brasil, nous avons choisi de les
circulation des piétons. Le Palace présente des équipements de loisirs qui dénommer des « copropriétés de fait », comme s’il y avait un droit de
fermés, et deux invasoes disposent en plus de gardiens qui contrôlent la copropriété établi, ce que nous verrons plus loin.
par des murs qui ont été conservés par les occupants. Les accès sont ainsi Nous montrerons comment les transformations socio-urbaines pro-
terrains comprennent d’anciennes usines de production et sont clôturés duisent des transformations de l’habitat collectif qui sont semblables chez
nous avons prise comme cas d’étude, existe depuis l’année  2000. Les les différentes couches et groupes sociaux, et comment elles favorisent la
loppent depuis une quinzaine d’années. La troisième d’entre elles, que création de nouvelles formes d’habitat. Nous présenterons aussi les rapports
le Chaparral, le condominio Barra Vela et le Palace. Les invasoes se déve- des copropriétés de fait avec les favelas, d’une part, et avec les copropriétés
d’un groupement de seize favelas qu’on appelle le Complexo da Maré : et les condominios de la ville formelle d’autre part. Mettre en évidence les
Trois invasoes ont été identifiées dans une zone située à environ 300 m points communs des invasoes avec les copropriétés formelles permettra de
les caractériser comme un nouveau cas de figure de l’habitat informel à
CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES INVASOES Rio de Janeiro. Nous pourrons alors identifier les facteurs participant
à ce qui est vraisemblablement une formalisation de l’habitat populaire
contribuent à constituer de nouvelles formes d’habitat à Rio de Janeiro. et verrons dans quelle mesure les dynamiques de transformation urbaine
et verrons dans quelle mesure les dynamiques de transformation urbaine contribuent à constituer de nouvelles formes d’habitat à Rio de Janeiro.
à ce qui est vraisemblablement une formalisation de l’habitat populaire
Rio de Janeiro. Nous pourrons alors identifier les facteurs participant CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES INVASOES
les caractériser comme un nouveau cas de figure de l’habitat informel à
points communs des invasoes avec les copropriétés formelles permettra de Trois invasoes ont été identifiées dans une zone située à environ 300 m
et les condominios de la ville formelle d’autre part. Mettre en évidence les d’un groupement de seize favelas qu’on appelle le Complexo da Maré :
des copropriétés de fait avec les favelas, d’une part, et avec les copropriétés le Chaparral, le condominio Barra Vela et le Palace. Les invasoes se déve-
création de nouvelles formes d’habitat. Nous présenterons aussi les rapports loppent depuis une quinzaine d’années. La troisième d’entre elles, que
les différentes couches et groupes sociaux, et comment elles favorisent la nous avons prise comme cas d’étude, existe depuis l’année  2000. Les
duisent des transformations de l’habitat collectif qui sont semblables chez terrains comprennent d’anciennes usines de production et sont clôturés
Nous montrerons comment les transformations socio-urbaines pro- par des murs qui ont été conservés par les occupants. Les accès sont ainsi
copropriété établi, ce que nous verrons plus loin. fermés, et deux invasoes disposent en plus de gardiens qui contrôlent la
dénommer des « copropriétés de fait », comme s’il y avait un droit de circulation des piétons. Le Palace présente des équipements de loisirs qui
mené sur ces occupations de l’avenida Brasil, nous avons choisi de les font de cette invasao la plus sophistiquée des trois : une piscine, un terrain
de  Janeiro. À l’issue du travail de recherche doctoral que nous avons de sports et une place avec une scène pour des spectacles.
melle, notamment les condominios fechados (copropriétés fermées) de Rio Les invasoes se situent dans une zone dominée par un des pouvoirs
des occupants, qu’aux formes d’habitat en copropriété de la ville for- parallèles à l’État4, la milicia à Rio de Janeiro. Elle se caractérise par la
lieu d’habitat se rapportent autant aux favelas cariocas, l’habitat d’origine formation de groupes de professionnels, pompiers, militaires, agents de
fonctionnement et à certains règlements établis à l’intérieur de ce mi- prison et policiers, à la retraite ou en activité, hors de toute légalité. Leur
mêmes, et fermeture du terrain par des murs. Les pratiques liées au objectif est l’extorsion d’argent et le contrôle des zones d’habitat défa-
social : reconversion de l’espace industriel en habitat, par les occupants eux- vorisées et abandonnées par l’État, notamment les favelas. La milicia de

4. Il faut entendre par là une forme d’exercice illégal du pouvoir fondée sur la domina-
Logement populaire et transformations socio-urbaines 190 tion territoriale, consolidée au sein de communautés souvent dépourvues économique-
ment. À Rio de Janeiro, la forme de pouvoir parallèle à l’État la plus connue et la plus
répandue est celle qu’exercent les narcotrafiquants dans les favelas.

répandue est celle qu’exercent les narcotrafiquants dans les favelas.


ment. À Rio de Janeiro, la forme de pouvoir parallèle à l’État la plus connue et la plus
tion territoriale, consolidée au sein de communautés souvent dépourvues économique- 190 Logement populaire et transformations socio-urbaines
4. Il faut entendre par là une forme d’exercice illégal du pouvoir fondée sur la domina-

vorisées et abandonnées par l’État, notamment les favelas. La milicia de social : reconversion de l’espace industriel en habitat, par les occupants eux-
objectif est l’extorsion d’argent et le contrôle des zones d’habitat défa- mêmes, et fermeture du terrain par des murs. Les pratiques liées au
prison et policiers, à la retraite ou en activité, hors de toute légalité. Leur fonctionnement et à certains règlements établis à l’intérieur de ce mi-
formation de groupes de professionnels, pompiers, militaires, agents de lieu d’habitat se rapportent autant aux favelas cariocas, l’habitat d’origine
parallèles à l’État4, la milicia à Rio de Janeiro. Elle se caractérise par la des occupants, qu’aux formes d’habitat en copropriété de la ville for-
Les invasoes se situent dans une zone dominée par un des pouvoirs melle, notamment les condominios fechados (copropriétés fermées) de Rio
de sports et une place avec une scène pour des spectacles. de  Janeiro. À l’issue du travail de recherche doctoral que nous avons
font de cette invasao la plus sophistiquée des trois : une piscine, un terrain mené sur ces occupations de l’avenida Brasil, nous avons choisi de les
circulation des piétons. Le Palace présente des équipements de loisirs qui dénommer des « copropriétés de fait », comme s’il y avait un droit de
fermés, et deux invasoes disposent en plus de gardiens qui contrôlent la copropriété établi, ce que nous verrons plus loin.
par des murs qui ont été conservés par les occupants. Les accès sont ainsi Nous montrerons comment les transformations socio-urbaines pro-
terrains comprennent d’anciennes usines de production et sont clôturés duisent des transformations de l’habitat collectif qui sont semblables chez
nous avons prise comme cas d’étude, existe depuis l’année  2000. Les les différentes couches et groupes sociaux, et comment elles favorisent la
loppent depuis une quinzaine d’années. La troisième d’entre elles, que création de nouvelles formes d’habitat. Nous présenterons aussi les rapports
le Chaparral, le condominio Barra Vela et le Palace. Les invasoes se déve- des copropriétés de fait avec les favelas, d’une part, et avec les copropriétés
d’un groupement de seize favelas qu’on appelle le Complexo da Maré : et les condominios de la ville formelle d’autre part. Mettre en évidence les
Trois invasoes ont été identifiées dans une zone située à environ 300 m points communs des invasoes avec les copropriétés formelles permettra de
les caractériser comme un nouveau cas de figure de l’habitat informel à
CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES INVASOES Rio de Janeiro. Nous pourrons alors identifier les facteurs participant
à ce qui est vraisemblablement une formalisation de l’habitat populaire
contribuent à constituer de nouvelles formes d’habitat à Rio de Janeiro. et verrons dans quelle mesure les dynamiques de transformation urbaine
et verrons dans quelle mesure les dynamiques de transformation urbaine contribuent à constituer de nouvelles formes d’habitat à Rio de Janeiro.
à ce qui est vraisemblablement une formalisation de l’habitat populaire
Rio de Janeiro. Nous pourrons alors identifier les facteurs participant CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES INVASOES
les caractériser comme un nouveau cas de figure de l’habitat informel à
points communs des invasoes avec les copropriétés formelles permettra de Trois invasoes ont été identifiées dans une zone située à environ 300 m
et les condominios de la ville formelle d’autre part. Mettre en évidence les d’un groupement de seize favelas qu’on appelle le Complexo da Maré :
des copropriétés de fait avec les favelas, d’une part, et avec les copropriétés le Chaparral, le condominio Barra Vela et le Palace. Les invasoes se déve-
création de nouvelles formes d’habitat. Nous présenterons aussi les rapports loppent depuis une quinzaine d’années. La troisième d’entre elles, que
les différentes couches et groupes sociaux, et comment elles favorisent la nous avons prise comme cas d’étude, existe depuis l’année  2000. Les
duisent des transformations de l’habitat collectif qui sont semblables chez terrains comprennent d’anciennes usines de production et sont clôturés
Nous montrerons comment les transformations socio-urbaines pro- par des murs qui ont été conservés par les occupants. Les accès sont ainsi
copropriété établi, ce que nous verrons plus loin. fermés, et deux invasoes disposent en plus de gardiens qui contrôlent la
dénommer des « copropriétés de fait », comme s’il y avait un droit de circulation des piétons. Le Palace présente des équipements de loisirs qui
mené sur ces occupations de l’avenida Brasil, nous avons choisi de les font de cette invasao la plus sophistiquée des trois : une piscine, un terrain
de  Janeiro. À l’issue du travail de recherche doctoral que nous avons de sports et une place avec une scène pour des spectacles.
melle, notamment les condominios fechados (copropriétés fermées) de Rio Les invasoes se situent dans une zone dominée par un des pouvoirs
des occupants, qu’aux formes d’habitat en copropriété de la ville for- parallèles à l’État4, la milicia à Rio de Janeiro. Elle se caractérise par la
lieu d’habitat se rapportent autant aux favelas cariocas, l’habitat d’origine formation de groupes de professionnels, pompiers, militaires, agents de
fonctionnement et à certains règlements établis à l’intérieur de ce mi- prison et policiers, à la retraite ou en activité, hors de toute légalité. Leur
mêmes, et fermeture du terrain par des murs. Les pratiques liées au objectif est l’extorsion d’argent et le contrôle des zones d’habitat défa-
social : reconversion de l’espace industriel en habitat, par les occupants eux- vorisées et abandonnées par l’État, notamment les favelas. La milicia de

4. Il faut entendre par là une forme d’exercice illégal du pouvoir fondée sur la domina-
Logement populaire et transformations socio-urbaines 190 tion territoriale, consolidée au sein de communautés souvent dépourvues économique-
ment. À Rio de Janeiro, la forme de pouvoir parallèle à l’État la plus connue et la plus
répandue est celle qu’exercent les narcotrafiquants dans les favelas.
des discussions au sein des groupes d’habitants.
les plus anciens du Palace ou sous la forme de discussions individuelles et d’observation
Maira Machado-Martins 191 6. Ils ont été réalisés sous la forme d’interviews (parfois enregistrées) avec les occupants
priétés coopératives, le syndic est également président du conseil syndical.
5. En France, les syndics bénévoles sont souvent résidents. Par ailleurs, dans les copro-
Rio de Janeiro s’est développée récemment et se présente comme une
sorte de contre-pouvoir par rapport à celui des narcotrafiquants dans les l’a observé dans le Palace : les entretiens avec les habitants6 ont révélé la
favelas cariocas, d’où elle peut les expulser parfois. Les copropriétés de fait par conséquent, des conflits successifs et des compétitions, comme on
ont chacune un leader qui joue le rôle de « syndic ». D’un côté, il repré- rité du syndic. Le renforcement de deux groupes antagonistes peut créer,
sente ce pouvoir parallèle en exerçant un contrôle ; de l’autre, il assure perdants » (ibid.) ou conduire les copropriétaires à s’en remettre à l’auto-
le bon fonctionnement du milieu d’habitat, comme dans les coproprié- ce qui peut générer des clivages et créer une « culture de gagnants et de
tés formelles. Un autre point commun avec les copropriétés qui abritent tés de fait. Normalement, le système de décision fonctionne à la majorité,
les couches aisées est que dans les trois invasoes, les habitants paient une tème de décision et de ses conséquences se pose aussi dans les coproprié-
« taxe de copropriété » mensuelle, destinée à couvrir les dépenses de autres » (Lefeuvre, 1999, p. 18). La question du fonctionnement du sys-
la copropriété. La domination de ce pouvoir parallèle dans la zone des acteurs que sur les “compétences” plus ou moins grandes des uns et des
invasoes joue ainsi un rôle important dans la « gestion » dont elles sont cision dont le fonctionnement repose autant sur les relations entre les
l’objet. Mais l’héritage de certaines pratiques exercées depuis des années Pour Marie-Pierre Lefeuvre, la copropriété est un « système de dé-
par les narcotrafiquants dans les favelas se fait également sentir dans les syndical français5.
copropriétés de fait. propriétés de fait ne sont dotées d’aucun organe qui ressemble au conseil
de copropriétés françaises : le syndic habite l’invasao. En revanche, les co-
GESTION ET SYSTÈME DE POUVOIR DANS LES COPROPRIÉTÉS FORMELLES point commun avec les copropriétés brésiliennes et avec certains types
ET LES INVASOES comme dans les copropriétés formelles en France et au Brésil. Autre
structure de gestion, le syndic du Palace a été élu par les résidents, tout
L’emploi du terme de copropriété de fait pour caractériser les inva- partie privative et une quote-part de parties communes. Concernant la
soes de l’avenida Brasil est justifié par la référence aux définitions de plusieurs personnes par lots et appartements, comprenant chacun une
la copropriété en France et au Brésil. Il s’agit bien d’un ensemble de constructions (immeubles ou maisons) dont la propriété est répartie entre
constructions (immeubles ou maisons) dont la propriété est répartie entre la copropriété en France et au Brésil. Il s’agit bien d’un ensemble de
plusieurs personnes par lots et appartements, comprenant chacun une soes de l’avenida Brasil est justifié par la référence aux définitions de
partie privative et une quote-part de parties communes. Concernant la L’emploi du terme de copropriété de fait pour caractériser les inva-
structure de gestion, le syndic du Palace a été élu par les résidents, tout
comme dans les copropriétés formelles en France et au Brésil. Autre ET LES INVASOES
point commun avec les copropriétés brésiliennes et avec certains types GESTION ET SYSTÈME DE POUVOIR DANS LES COPROPRIÉTÉS FORMELLES
de copropriétés françaises : le syndic habite l’invasao. En revanche, les co-
propriétés de fait ne sont dotées d’aucun organe qui ressemble au conseil copropriétés de fait.
syndical français5. par les narcotrafiquants dans les favelas se fait également sentir dans les
Pour Marie-Pierre Lefeuvre, la copropriété est un « système de dé- l’objet. Mais l’héritage de certaines pratiques exercées depuis des années
cision dont le fonctionnement repose autant sur les relations entre les invasoes joue ainsi un rôle important dans la « gestion » dont elles sont
acteurs que sur les “compétences” plus ou moins grandes des uns et des la copropriété. La domination de ce pouvoir parallèle dans la zone des
autres » (Lefeuvre, 1999, p. 18). La question du fonctionnement du sys- « taxe de copropriété » mensuelle, destinée à couvrir les dépenses de
tème de décision et de ses conséquences se pose aussi dans les coproprié- les couches aisées est que dans les trois invasoes, les habitants paient une
tés de fait. Normalement, le système de décision fonctionne à la majorité, tés formelles. Un autre point commun avec les copropriétés qui abritent
ce qui peut générer des clivages et créer une « culture de gagnants et de le bon fonctionnement du milieu d’habitat, comme dans les coproprié-
perdants » (ibid.) ou conduire les copropriétaires à s’en remettre à l’auto- sente ce pouvoir parallèle en exerçant un contrôle ; de l’autre, il assure
rité du syndic. Le renforcement de deux groupes antagonistes peut créer, ont chacune un leader qui joue le rôle de « syndic ». D’un côté, il repré-
par conséquent, des conflits successifs et des compétitions, comme on favelas cariocas, d’où elle peut les expulser parfois. Les copropriétés de fait
l’a observé dans le Palace : les entretiens avec les habitants6 ont révélé la sorte de contre-pouvoir par rapport à celui des narcotrafiquants dans les
Rio de Janeiro s’est développée récemment et se présente comme une
5. En France, les syndics bénévoles sont souvent résidents. Par ailleurs, dans les copro-
priétés coopératives, le syndic est également président du conseil syndical.
6. Ils ont été réalisés sous la forme d’interviews (parfois enregistrées) avec les occupants 191 Maira Machado-Martins
les plus anciens du Palace ou sous la forme de discussions individuelles et d’observation
des discussions au sein des groupes d’habitants.

des discussions au sein des groupes d’habitants.


les plus anciens du Palace ou sous la forme de discussions individuelles et d’observation
Maira Machado-Martins 191 6. Ils ont été réalisés sous la forme d’interviews (parfois enregistrées) avec les occupants
priétés coopératives, le syndic est également président du conseil syndical.
5. En France, les syndics bénévoles sont souvent résidents. Par ailleurs, dans les copro-
Rio de Janeiro s’est développée récemment et se présente comme une
sorte de contre-pouvoir par rapport à celui des narcotrafiquants dans les l’a observé dans le Palace : les entretiens avec les habitants6 ont révélé la
favelas cariocas, d’où elle peut les expulser parfois. Les copropriétés de fait par conséquent, des conflits successifs et des compétitions, comme on
ont chacune un leader qui joue le rôle de « syndic ». D’un côté, il repré- rité du syndic. Le renforcement de deux groupes antagonistes peut créer,
sente ce pouvoir parallèle en exerçant un contrôle ; de l’autre, il assure perdants » (ibid.) ou conduire les copropriétaires à s’en remettre à l’auto-
le bon fonctionnement du milieu d’habitat, comme dans les coproprié- ce qui peut générer des clivages et créer une « culture de gagnants et de
tés formelles. Un autre point commun avec les copropriétés qui abritent tés de fait. Normalement, le système de décision fonctionne à la majorité,
les couches aisées est que dans les trois invasoes, les habitants paient une tème de décision et de ses conséquences se pose aussi dans les coproprié-
« taxe de copropriété » mensuelle, destinée à couvrir les dépenses de autres » (Lefeuvre, 1999, p. 18). La question du fonctionnement du sys-
la copropriété. La domination de ce pouvoir parallèle dans la zone des acteurs que sur les “compétences” plus ou moins grandes des uns et des
invasoes joue ainsi un rôle important dans la « gestion » dont elles sont cision dont le fonctionnement repose autant sur les relations entre les
l’objet. Mais l’héritage de certaines pratiques exercées depuis des années Pour Marie-Pierre Lefeuvre, la copropriété est un « système de dé-
par les narcotrafiquants dans les favelas se fait également sentir dans les syndical français5.
copropriétés de fait. propriétés de fait ne sont dotées d’aucun organe qui ressemble au conseil
de copropriétés françaises : le syndic habite l’invasao. En revanche, les co-
GESTION ET SYSTÈME DE POUVOIR DANS LES COPROPRIÉTÉS FORMELLES point commun avec les copropriétés brésiliennes et avec certains types
ET LES INVASOES comme dans les copropriétés formelles en France et au Brésil. Autre
structure de gestion, le syndic du Palace a été élu par les résidents, tout
L’emploi du terme de copropriété de fait pour caractériser les inva- partie privative et une quote-part de parties communes. Concernant la
soes de l’avenida Brasil est justifié par la référence aux définitions de plusieurs personnes par lots et appartements, comprenant chacun une
la copropriété en France et au Brésil. Il s’agit bien d’un ensemble de constructions (immeubles ou maisons) dont la propriété est répartie entre
constructions (immeubles ou maisons) dont la propriété est répartie entre la copropriété en France et au Brésil. Il s’agit bien d’un ensemble de
plusieurs personnes par lots et appartements, comprenant chacun une soes de l’avenida Brasil est justifié par la référence aux définitions de
partie privative et une quote-part de parties communes. Concernant la L’emploi du terme de copropriété de fait pour caractériser les inva-
structure de gestion, le syndic du Palace a été élu par les résidents, tout
comme dans les copropriétés formelles en France et au Brésil. Autre ET LES INVASOES
point commun avec les copropriétés brésiliennes et avec certains types GESTION ET SYSTÈME DE POUVOIR DANS LES COPROPRIÉTÉS FORMELLES
de copropriétés françaises : le syndic habite l’invasao. En revanche, les co-
propriétés de fait ne sont dotées d’aucun organe qui ressemble au conseil copropriétés de fait.
syndical français5. par les narcotrafiquants dans les favelas se fait également sentir dans les
Pour Marie-Pierre Lefeuvre, la copropriété est un « système de dé- l’objet. Mais l’héritage de certaines pratiques exercées depuis des années
cision dont le fonctionnement repose autant sur les relations entre les invasoes joue ainsi un rôle important dans la « gestion » dont elles sont
acteurs que sur les “compétences” plus ou moins grandes des uns et des la copropriété. La domination de ce pouvoir parallèle dans la zone des
autres » (Lefeuvre, 1999, p. 18). La question du fonctionnement du sys- « taxe de copropriété » mensuelle, destinée à couvrir les dépenses de
tème de décision et de ses conséquences se pose aussi dans les coproprié- les couches aisées est que dans les trois invasoes, les habitants paient une
tés de fait. Normalement, le système de décision fonctionne à la majorité, tés formelles. Un autre point commun avec les copropriétés qui abritent
ce qui peut générer des clivages et créer une « culture de gagnants et de le bon fonctionnement du milieu d’habitat, comme dans les coproprié-
perdants » (ibid.) ou conduire les copropriétaires à s’en remettre à l’auto- sente ce pouvoir parallèle en exerçant un contrôle ; de l’autre, il assure
rité du syndic. Le renforcement de deux groupes antagonistes peut créer, ont chacune un leader qui joue le rôle de « syndic ». D’un côté, il repré-
par conséquent, des conflits successifs et des compétitions, comme on favelas cariocas, d’où elle peut les expulser parfois. Les copropriétés de fait
l’a observé dans le Palace : les entretiens avec les habitants6 ont révélé la sorte de contre-pouvoir par rapport à celui des narcotrafiquants dans les
Rio de Janeiro s’est développée récemment et se présente comme une
5. En France, les syndics bénévoles sont souvent résidents. Par ailleurs, dans les copro-
priétés coopératives, le syndic est également président du conseil syndical.
6. Ils ont été réalisés sous la forme d’interviews (parfois enregistrées) avec les occupants 191 Maira Machado-Martins
les plus anciens du Palace ou sous la forme de discussions individuelles et d’observation
des discussions au sein des groupes d’habitants.
sent au système de paiement de la taxe de copropriété parce qu’à leurs
paient régulièrement la taxe, le second, les débiteurs ou ceux qui s’oppo- 192 Logement populaire et transformations socio-urbaines
le premier rassemble ceux qui étaient partenaires de l’ancien syndic et
d’un groupe majoritaire et d’un groupe minoritaire : dans le cas du Palace,
formelles et dans les invasoes joue un rôle significatif dans la constitution formation de groupes qui se positionnaient selon leur appréciation de
des espaces collectifs. La publication d’une telle liste dans les copropriétés la gestion du syndic et la présence d’une milicia exerçant un pouvoir
duction du conflit interne, lui-même fondé sur cette situation dégradée parallèle à l’État à l’intérieur du milieu d’habitat. Le groupe qui soutient
priétés. Une stratégie de domination est ainsi créée à partir de la pro- le syndic bénéficie de sa protection, qu’on peut qualifier de condescen-
pour construire leurs discours justifiant la situation dégradée des copro- dante. On observe ainsi un jeu d’influences dans le Palace où le syndic
mise en avant des mauvais payeurs sont des moyens utilisés par les syndics s’entoure de personnes auxquelles il fait confiance – celles qui le soutien-
plus, dans les trois invasoes de l’avenida Brasil, la « condamnation » et la nent – pour « surveiller » l’invasao quand il est absent et pour jouer un rôle
groupe opposé, celui des résidents qui paient régulièrement la taxe. De de délateur. Tout cela crée un climat de méfiance entre les deux groupes
identifiées comme les mauvais payeurs, pour donner ainsi de la force au (celui des « amis » du syndic et celui des opposants au syndic et au système
semblable : le conflit principal tourne autour d’un groupe de personnes de milicia) ainsi qu’à l’égard des étrangers et des nouveaux habitants de la
Ainsi, dans les copropriétés en difficulté et dans le Palace, la stratégie est copropriété de fait.
respond à une forme de contrôle interne exercé par le leader de l’invasao. Les groupes antagonistes se forment également sur la base des conflits
tème d’action (Lefeuvre, 1999, p. 61-75). Dans le cas du Palace, elle cor- résultant des caractéristiques et des normes de l’habitat en copropriété.
cette forme de sanction correspond à une méthode d’organisation du sys- Le conflit principal mis en évidence dans le Palace est un problème clas-
de cas, les étrangers et les protestants). Dans les copropriétés en difficulté, sique des copropriétés, bien identifié par Guénola Capron dans l’ouvrage
comme un moyen de discriminer ceux qui sont différents (dans ses études où elle a recueilli des travaux de recherches sur des quartiers résidentiels
Dans les copropriétés fermées, Guénola Capron présente ce geste sécurisés en Amérique latine, aux États-Unis et en Afrique du Sud : celui
une norme commune aux trois types de situation. de la norme de paiement de la taxe de copropriété. Dans les copropriétés
groupes opposés, constitués par une majorité et une minorité. Il y a bien fermées (Capron, 2006) aussi bien que dans les copropriétés en difficulté
férents, ce recours contribue à produire, dans les trois cas, la formation de (Lefeuvre, 1999), le recours pour mettre en évidence le problème et s’ef-
d’une liste des « mauvais payeurs ». Même s’il poursuit des objectifs dif- forcer de le résoudre est celui qu’utilise le syndic du Palace : l’affichage
forcer de le résoudre est celui qu’utilise le syndic du Palace : l’affichage d’une liste des « mauvais payeurs ». Même s’il poursuit des objectifs dif-
(Lefeuvre, 1999), le recours pour mettre en évidence le problème et s’ef- férents, ce recours contribue à produire, dans les trois cas, la formation de
fermées (Capron, 2006) aussi bien que dans les copropriétés en difficulté groupes opposés, constitués par une majorité et une minorité. Il y a bien
de la norme de paiement de la taxe de copropriété. Dans les copropriétés une norme commune aux trois types de situation.
sécurisés en Amérique latine, aux États-Unis et en Afrique du Sud : celui Dans les copropriétés fermées, Guénola Capron présente ce geste
où elle a recueilli des travaux de recherches sur des quartiers résidentiels comme un moyen de discriminer ceux qui sont différents (dans ses études
sique des copropriétés, bien identifié par Guénola Capron dans l’ouvrage de cas, les étrangers et les protestants). Dans les copropriétés en difficulté,
Le conflit principal mis en évidence dans le Palace est un problème clas- cette forme de sanction correspond à une méthode d’organisation du sys-
résultant des caractéristiques et des normes de l’habitat en copropriété. tème d’action (Lefeuvre, 1999, p. 61-75). Dans le cas du Palace, elle cor-
Les groupes antagonistes se forment également sur la base des conflits respond à une forme de contrôle interne exercé par le leader de l’invasao.
copropriété de fait. Ainsi, dans les copropriétés en difficulté et dans le Palace, la stratégie est
de milicia) ainsi qu’à l’égard des étrangers et des nouveaux habitants de la semblable : le conflit principal tourne autour d’un groupe de personnes
(celui des « amis » du syndic et celui des opposants au syndic et au système identifiées comme les mauvais payeurs, pour donner ainsi de la force au
de délateur. Tout cela crée un climat de méfiance entre les deux groupes groupe opposé, celui des résidents qui paient régulièrement la taxe. De
nent – pour « surveiller » l’invasao quand il est absent et pour jouer un rôle plus, dans les trois invasoes de l’avenida Brasil, la « condamnation » et la
s’entoure de personnes auxquelles il fait confiance – celles qui le soutien- mise en avant des mauvais payeurs sont des moyens utilisés par les syndics
dante. On observe ainsi un jeu d’influences dans le Palace où le syndic pour construire leurs discours justifiant la situation dégradée des copro-
le syndic bénéficie de sa protection, qu’on peut qualifier de condescen- priétés. Une stratégie de domination est ainsi créée à partir de la pro-
parallèle à l’État à l’intérieur du milieu d’habitat. Le groupe qui soutient duction du conflit interne, lui-même fondé sur cette situation dégradée
la gestion du syndic et la présence d’une milicia exerçant un pouvoir des espaces collectifs. La publication d’une telle liste dans les copropriétés
formation de groupes qui se positionnaient selon leur appréciation de formelles et dans les invasoes joue un rôle significatif dans la constitution
d’un groupe majoritaire et d’un groupe minoritaire : dans le cas du Palace,
le premier rassemble ceux qui étaient partenaires de l’ancien syndic et
Logement populaire et transformations socio-urbaines 192 paient régulièrement la taxe, le second, les débiteurs ou ceux qui s’oppo-
sent au système de paiement de la taxe de copropriété parce qu’à leurs

sent au système de paiement de la taxe de copropriété parce qu’à leurs


paient régulièrement la taxe, le second, les débiteurs ou ceux qui s’oppo- 192 Logement populaire et transformations socio-urbaines
le premier rassemble ceux qui étaient partenaires de l’ancien syndic et
d’un groupe majoritaire et d’un groupe minoritaire : dans le cas du Palace,
formelles et dans les invasoes joue un rôle significatif dans la constitution formation de groupes qui se positionnaient selon leur appréciation de
des espaces collectifs. La publication d’une telle liste dans les copropriétés la gestion du syndic et la présence d’une milicia exerçant un pouvoir
duction du conflit interne, lui-même fondé sur cette situation dégradée parallèle à l’État à l’intérieur du milieu d’habitat. Le groupe qui soutient
priétés. Une stratégie de domination est ainsi créée à partir de la pro- le syndic bénéficie de sa protection, qu’on peut qualifier de condescen-
pour construire leurs discours justifiant la situation dégradée des copro- dante. On observe ainsi un jeu d’influences dans le Palace où le syndic
mise en avant des mauvais payeurs sont des moyens utilisés par les syndics s’entoure de personnes auxquelles il fait confiance – celles qui le soutien-
plus, dans les trois invasoes de l’avenida Brasil, la « condamnation » et la nent – pour « surveiller » l’invasao quand il est absent et pour jouer un rôle
groupe opposé, celui des résidents qui paient régulièrement la taxe. De de délateur. Tout cela crée un climat de méfiance entre les deux groupes
identifiées comme les mauvais payeurs, pour donner ainsi de la force au (celui des « amis » du syndic et celui des opposants au syndic et au système
semblable : le conflit principal tourne autour d’un groupe de personnes de milicia) ainsi qu’à l’égard des étrangers et des nouveaux habitants de la
Ainsi, dans les copropriétés en difficulté et dans le Palace, la stratégie est copropriété de fait.
respond à une forme de contrôle interne exercé par le leader de l’invasao. Les groupes antagonistes se forment également sur la base des conflits
tème d’action (Lefeuvre, 1999, p. 61-75). Dans le cas du Palace, elle cor- résultant des caractéristiques et des normes de l’habitat en copropriété.
cette forme de sanction correspond à une méthode d’organisation du sys- Le conflit principal mis en évidence dans le Palace est un problème clas-
de cas, les étrangers et les protestants). Dans les copropriétés en difficulté, sique des copropriétés, bien identifié par Guénola Capron dans l’ouvrage
comme un moyen de discriminer ceux qui sont différents (dans ses études où elle a recueilli des travaux de recherches sur des quartiers résidentiels
Dans les copropriétés fermées, Guénola Capron présente ce geste sécurisés en Amérique latine, aux États-Unis et en Afrique du Sud : celui
une norme commune aux trois types de situation. de la norme de paiement de la taxe de copropriété. Dans les copropriétés
groupes opposés, constitués par une majorité et une minorité. Il y a bien fermées (Capron, 2006) aussi bien que dans les copropriétés en difficulté
férents, ce recours contribue à produire, dans les trois cas, la formation de (Lefeuvre, 1999), le recours pour mettre en évidence le problème et s’ef-
d’une liste des « mauvais payeurs ». Même s’il poursuit des objectifs dif- forcer de le résoudre est celui qu’utilise le syndic du Palace : l’affichage
forcer de le résoudre est celui qu’utilise le syndic du Palace : l’affichage d’une liste des « mauvais payeurs ». Même s’il poursuit des objectifs dif-
(Lefeuvre, 1999), le recours pour mettre en évidence le problème et s’ef- férents, ce recours contribue à produire, dans les trois cas, la formation de
fermées (Capron, 2006) aussi bien que dans les copropriétés en difficulté groupes opposés, constitués par une majorité et une minorité. Il y a bien
de la norme de paiement de la taxe de copropriété. Dans les copropriétés une norme commune aux trois types de situation.
sécurisés en Amérique latine, aux États-Unis et en Afrique du Sud : celui Dans les copropriétés fermées, Guénola Capron présente ce geste
où elle a recueilli des travaux de recherches sur des quartiers résidentiels comme un moyen de discriminer ceux qui sont différents (dans ses études
sique des copropriétés, bien identifié par Guénola Capron dans l’ouvrage de cas, les étrangers et les protestants). Dans les copropriétés en difficulté,
Le conflit principal mis en évidence dans le Palace est un problème clas- cette forme de sanction correspond à une méthode d’organisation du sys-
résultant des caractéristiques et des normes de l’habitat en copropriété. tème d’action (Lefeuvre, 1999, p. 61-75). Dans le cas du Palace, elle cor-
Les groupes antagonistes se forment également sur la base des conflits respond à une forme de contrôle interne exercé par le leader de l’invasao.
copropriété de fait. Ainsi, dans les copropriétés en difficulté et dans le Palace, la stratégie est
de milicia) ainsi qu’à l’égard des étrangers et des nouveaux habitants de la semblable : le conflit principal tourne autour d’un groupe de personnes
(celui des « amis » du syndic et celui des opposants au syndic et au système identifiées comme les mauvais payeurs, pour donner ainsi de la force au
de délateur. Tout cela crée un climat de méfiance entre les deux groupes groupe opposé, celui des résidents qui paient régulièrement la taxe. De
nent – pour « surveiller » l’invasao quand il est absent et pour jouer un rôle plus, dans les trois invasoes de l’avenida Brasil, la « condamnation » et la
s’entoure de personnes auxquelles il fait confiance – celles qui le soutien- mise en avant des mauvais payeurs sont des moyens utilisés par les syndics
dante. On observe ainsi un jeu d’influences dans le Palace où le syndic pour construire leurs discours justifiant la situation dégradée des copro-
le syndic bénéficie de sa protection, qu’on peut qualifier de condescen- priétés. Une stratégie de domination est ainsi créée à partir de la pro-
parallèle à l’État à l’intérieur du milieu d’habitat. Le groupe qui soutient duction du conflit interne, lui-même fondé sur cette situation dégradée
la gestion du syndic et la présence d’une milicia exerçant un pouvoir des espaces collectifs. La publication d’une telle liste dans les copropriétés
formation de groupes qui se positionnaient selon leur appréciation de formelles et dans les invasoes joue un rôle significatif dans la constitution
d’un groupe majoritaire et d’un groupe minoritaire : dans le cas du Palace,
le premier rassemble ceux qui étaient partenaires de l’ancien syndic et
Logement populaire et transformations socio-urbaines 192 paient régulièrement la taxe, le second, les débiteurs ou ceux qui s’oppo-
sent au système de paiement de la taxe de copropriété parce qu’à leurs
peuvent survenir dans l’espace physique de la copropriété, non seulement
Maira Machado-Martins 193 ces habitants se préoccupent plus que les autres des problèmes internes qui
cesser de travailler pour se consacrer à d’autres activités. Dans tous les cas,
dans certains cas, remplacer le revenu d’un membre du couple, qui peut
yeux, l’argent n’est pas vraiment investi dans l’entretien de l’invasao. gements pour les louer, ce qui peut devenir un complément de revenu et,
L’objectif est finalement de dresser les habitants les uns contre les autres, plus grand nombre d’unités d’habitation. Ils font des travaux dans les lo-
à partir de la formation de groupes opposés : si les habitants sont divisés, qu’après le syndic, ce sont les occupants les plus anciens qui possèdent le
il est plus facile de leur imposer le mode de fonctionnement du pouvoir ment économique dans le logement. Dans le Palace, nous avons constaté
parallèle exercé par la milicia. en ce qui concerne l’appropriation de l’espace commun et l’investisse-
Les conséquences sont elles aussi semblables dans les copropriétés for- taire d’un logement et résident change la relation à l’espace, notamment
melles et informelles. Dans l’une des copropriétés en difficulté analysées collectif par les habitants. D’abord, le fait d’être en même temps proprié-
par Lefeuvre, l’exposition des mauvais payeurs multiplie les débiteurs des copropriétés formelles : l’appropriation et l’investissement de l’espace
charges. La logique qui prévaut est celle-ci : « Si mon voisin ne paie pas, Cela nous amène à un autre point commun entre les invasoes et les
je ne paie pas non plus. » Le même effet est visible dans le Palace, mais logements à l’intérieur de l’invasao, qu’ils louent à des tiers.
une autre perception des débiteurs a été également constatée : un sen- syndics des copropriétés de fait sont aussi ceux qui possèdent le plus de
timent de révolte de la part des habitants qui paient régulièrement leur communauté et propose de nouveaux projets pour l’habitat collectif. Les
taxe de copropriété. Dans le Palace, une partie des « bons payeurs », no- est-il également un acteur qui tient une position engagée au sein de la
tamment les nouveaux arrivants, craignent les conséquences s’ils devien- les résidents, qui se renseigne sur les procédures de légalisation de l’invasao,
nent débiteurs, puisque la zone est dominée par une milicia. Un autre le syndic, qui fait preuve de charisme et d’une sorte de diplomatie envers
groupe paie régulièrement parce qu’il veut remplir ses obligations, en gagé et gestionnaire de son bien » (Lefeuvre, 1999, p. 71). Ainsi au Palace,
considérant que la taxe est un devoir qui incombe aux habitants de la le leader qualifié pour la fonction de gestion est souvent un « acteur en-
copropriété, sans mettre en question l’utilisation qui en est faite. Dans ce Sous l’angle de la formation des groupes majoritaires et minoritaires,
deuxième cas de figure, quelques-uns parmi ces bons payeurs s’indignent soir.
de l’action des débiteurs, en comparant leurs conditions de vie et leurs dé- habitant ainsi que leur responsabilité dans la suppression du gardien du
penses. Le conflit éclate lorsque l’affiche portant le nom des débiteurs est exposée à l’entrée de l’invasao, signalant les mois non payés par chaque
exposée à l’entrée de l’invasao, signalant les mois non payés par chaque penses. Le conflit éclate lorsque l’affiche portant le nom des débiteurs est
habitant ainsi que leur responsabilité dans la suppression du gardien du de l’action des débiteurs, en comparant leurs conditions de vie et leurs dé-
soir. deuxième cas de figure, quelques-uns parmi ces bons payeurs s’indignent
Sous l’angle de la formation des groupes majoritaires et minoritaires, copropriété, sans mettre en question l’utilisation qui en est faite. Dans ce
le leader qualifié pour la fonction de gestion est souvent un « acteur en- considérant que la taxe est un devoir qui incombe aux habitants de la
gagé et gestionnaire de son bien » (Lefeuvre, 1999, p. 71). Ainsi au Palace, groupe paie régulièrement parce qu’il veut remplir ses obligations, en
le syndic, qui fait preuve de charisme et d’une sorte de diplomatie envers nent débiteurs, puisque la zone est dominée par une milicia. Un autre
les résidents, qui se renseigne sur les procédures de légalisation de l’invasao, tamment les nouveaux arrivants, craignent les conséquences s’ils devien-
est-il également un acteur qui tient une position engagée au sein de la taxe de copropriété. Dans le Palace, une partie des « bons payeurs », no-
communauté et propose de nouveaux projets pour l’habitat collectif. Les timent de révolte de la part des habitants qui paient régulièrement leur
syndics des copropriétés de fait sont aussi ceux qui possèdent le plus de une autre perception des débiteurs a été également constatée : un sen-
logements à l’intérieur de l’invasao, qu’ils louent à des tiers. je ne paie pas non plus. » Le même effet est visible dans le Palace, mais
Cela nous amène à un autre point commun entre les invasoes et les charges. La logique qui prévaut est celle-ci : « Si mon voisin ne paie pas,
copropriétés formelles : l’appropriation et l’investissement de l’espace par Lefeuvre, l’exposition des mauvais payeurs multiplie les débiteurs des
collectif par les habitants. D’abord, le fait d’être en même temps proprié- melles et informelles. Dans l’une des copropriétés en difficulté analysées
taire d’un logement et résident change la relation à l’espace, notamment Les conséquences sont elles aussi semblables dans les copropriétés for-
en ce qui concerne l’appropriation de l’espace commun et l’investisse- parallèle exercé par la milicia.
ment économique dans le logement. Dans le Palace, nous avons constaté il est plus facile de leur imposer le mode de fonctionnement du pouvoir
qu’après le syndic, ce sont les occupants les plus anciens qui possèdent le à partir de la formation de groupes opposés : si les habitants sont divisés,
plus grand nombre d’unités d’habitation. Ils font des travaux dans les lo- L’objectif est finalement de dresser les habitants les uns contre les autres,
gements pour les louer, ce qui peut devenir un complément de revenu et, yeux, l’argent n’est pas vraiment investi dans l’entretien de l’invasao.
dans certains cas, remplacer le revenu d’un membre du couple, qui peut
cesser de travailler pour se consacrer à d’autres activités. Dans tous les cas,
ces habitants se préoccupent plus que les autres des problèmes internes qui 193 Maira Machado-Martins
peuvent survenir dans l’espace physique de la copropriété, non seulement

peuvent survenir dans l’espace physique de la copropriété, non seulement


Maira Machado-Martins 193 ces habitants se préoccupent plus que les autres des problèmes internes qui
cesser de travailler pour se consacrer à d’autres activités. Dans tous les cas,
dans certains cas, remplacer le revenu d’un membre du couple, qui peut
yeux, l’argent n’est pas vraiment investi dans l’entretien de l’invasao. gements pour les louer, ce qui peut devenir un complément de revenu et,
L’objectif est finalement de dresser les habitants les uns contre les autres, plus grand nombre d’unités d’habitation. Ils font des travaux dans les lo-
à partir de la formation de groupes opposés : si les habitants sont divisés, qu’après le syndic, ce sont les occupants les plus anciens qui possèdent le
il est plus facile de leur imposer le mode de fonctionnement du pouvoir ment économique dans le logement. Dans le Palace, nous avons constaté
parallèle exercé par la milicia. en ce qui concerne l’appropriation de l’espace commun et l’investisse-
Les conséquences sont elles aussi semblables dans les copropriétés for- taire d’un logement et résident change la relation à l’espace, notamment
melles et informelles. Dans l’une des copropriétés en difficulté analysées collectif par les habitants. D’abord, le fait d’être en même temps proprié-
par Lefeuvre, l’exposition des mauvais payeurs multiplie les débiteurs des copropriétés formelles : l’appropriation et l’investissement de l’espace
charges. La logique qui prévaut est celle-ci : « Si mon voisin ne paie pas, Cela nous amène à un autre point commun entre les invasoes et les
je ne paie pas non plus. » Le même effet est visible dans le Palace, mais logements à l’intérieur de l’invasao, qu’ils louent à des tiers.
une autre perception des débiteurs a été également constatée : un sen- syndics des copropriétés de fait sont aussi ceux qui possèdent le plus de
timent de révolte de la part des habitants qui paient régulièrement leur communauté et propose de nouveaux projets pour l’habitat collectif. Les
taxe de copropriété. Dans le Palace, une partie des « bons payeurs », no- est-il également un acteur qui tient une position engagée au sein de la
tamment les nouveaux arrivants, craignent les conséquences s’ils devien- les résidents, qui se renseigne sur les procédures de légalisation de l’invasao,
nent débiteurs, puisque la zone est dominée par une milicia. Un autre le syndic, qui fait preuve de charisme et d’une sorte de diplomatie envers
groupe paie régulièrement parce qu’il veut remplir ses obligations, en gagé et gestionnaire de son bien » (Lefeuvre, 1999, p. 71). Ainsi au Palace,
considérant que la taxe est un devoir qui incombe aux habitants de la le leader qualifié pour la fonction de gestion est souvent un « acteur en-
copropriété, sans mettre en question l’utilisation qui en est faite. Dans ce Sous l’angle de la formation des groupes majoritaires et minoritaires,
deuxième cas de figure, quelques-uns parmi ces bons payeurs s’indignent soir.
de l’action des débiteurs, en comparant leurs conditions de vie et leurs dé- habitant ainsi que leur responsabilité dans la suppression du gardien du
penses. Le conflit éclate lorsque l’affiche portant le nom des débiteurs est exposée à l’entrée de l’invasao, signalant les mois non payés par chaque
exposée à l’entrée de l’invasao, signalant les mois non payés par chaque penses. Le conflit éclate lorsque l’affiche portant le nom des débiteurs est
habitant ainsi que leur responsabilité dans la suppression du gardien du de l’action des débiteurs, en comparant leurs conditions de vie et leurs dé-
soir. deuxième cas de figure, quelques-uns parmi ces bons payeurs s’indignent
Sous l’angle de la formation des groupes majoritaires et minoritaires, copropriété, sans mettre en question l’utilisation qui en est faite. Dans ce
le leader qualifié pour la fonction de gestion est souvent un « acteur en- considérant que la taxe est un devoir qui incombe aux habitants de la
gagé et gestionnaire de son bien » (Lefeuvre, 1999, p. 71). Ainsi au Palace, groupe paie régulièrement parce qu’il veut remplir ses obligations, en
le syndic, qui fait preuve de charisme et d’une sorte de diplomatie envers nent débiteurs, puisque la zone est dominée par une milicia. Un autre
les résidents, qui se renseigne sur les procédures de légalisation de l’invasao, tamment les nouveaux arrivants, craignent les conséquences s’ils devien-
est-il également un acteur qui tient une position engagée au sein de la taxe de copropriété. Dans le Palace, une partie des « bons payeurs », no-
communauté et propose de nouveaux projets pour l’habitat collectif. Les timent de révolte de la part des habitants qui paient régulièrement leur
syndics des copropriétés de fait sont aussi ceux qui possèdent le plus de une autre perception des débiteurs a été également constatée : un sen-
logements à l’intérieur de l’invasao, qu’ils louent à des tiers. je ne paie pas non plus. » Le même effet est visible dans le Palace, mais
Cela nous amène à un autre point commun entre les invasoes et les charges. La logique qui prévaut est celle-ci : « Si mon voisin ne paie pas,
copropriétés formelles : l’appropriation et l’investissement de l’espace par Lefeuvre, l’exposition des mauvais payeurs multiplie les débiteurs des
collectif par les habitants. D’abord, le fait d’être en même temps proprié- melles et informelles. Dans l’une des copropriétés en difficulté analysées
taire d’un logement et résident change la relation à l’espace, notamment Les conséquences sont elles aussi semblables dans les copropriétés for-
en ce qui concerne l’appropriation de l’espace commun et l’investisse- parallèle exercé par la milicia.
ment économique dans le logement. Dans le Palace, nous avons constaté il est plus facile de leur imposer le mode de fonctionnement du pouvoir
qu’après le syndic, ce sont les occupants les plus anciens qui possèdent le à partir de la formation de groupes opposés : si les habitants sont divisés,
plus grand nombre d’unités d’habitation. Ils font des travaux dans les lo- L’objectif est finalement de dresser les habitants les uns contre les autres,
gements pour les louer, ce qui peut devenir un complément de revenu et, yeux, l’argent n’est pas vraiment investi dans l’entretien de l’invasao.
dans certains cas, remplacer le revenu d’un membre du couple, qui peut
cesser de travailler pour se consacrer à d’autres activités. Dans tous les cas,
ces habitants se préoccupent plus que les autres des problèmes internes qui 193 Maira Machado-Martins
peuvent survenir dans l’espace physique de la copropriété, non seulement
(2006, p. 139).
tion des mécanismes et moyens formels et informels à des fins de bénéfices personnels »
7. Pour Licia do Prado Valladares, ce système typiquement brésilien est « basé sur l’utilisa- 194 Logement populaire et transformations socio-urbaines

collectif, ces pratiques de transgression sont plutôt associées à la cohabi-


peut être associé à l’inégalité socio-économique, dans les milieux d’habitat parce qu’ils y vivent, mais aussi parce qu’ils s’efforcent de conserver ou
Si, dans les situations urbaines quotidiennes, le non-respect des règles d’attirer des locataires. Ils cherchent souvent des solutions ou résolvent
plus courants. eux-mêmes les problèmes techniques. Il y a alors deux cas de figure. Le
gression des normes et le non-respect des accords tacites sont encore premier correspond au résident qui possède quelques logements, se pro-
propriétés fermées, qui sont des micro-espaces « d’entre-soi », la trans- jette à long terme dans l’invasao, se préoccupe de la qualité de vie et du
d’autrui dans les pratiques quotidiennes de la ville, à l’intérieur des co- bon fonctionnement de l’espace interne de la communauté. Dans cette
de l’intérêt général, de la responsabilité publique et du respect des droits préoccupation, l’intérêt du résident est celui du bailleur, soucieux que
une extension des jardins. En bref, si les personnes ont une faible notion ses unités d’habitation soient occupées et génèrent un revenu coïncident.
de ne pas respecter le règlement interne, car elles voient les rues comme Le deuxième cas est celui du syndic qui n’habite pas l’invasao mais y pos-
À l’intérieur des copropriétés fermées, elles se sentent encore plus libres sède des logements, à l’image de Silvio, le gestionnaire actuel du Palace
quence de l’impunité validant un pouvoir lié à leur appartenance à l’élite. et du Chaparral, qui semble plutôt concerné par la valeur et l’intégrité
code de la route – et créent une sorte de « règle particulière », consé- des logements dont il est propriétaire. La qualité de vie à l’intérieur de
de respecter les règles relatives à la collectivité – par exemple celles du la copropriété ne fait pas partie de ses préoccupations, ce qui ne l’em-
couches les plus aisées de la population se considèrent exemptes du devoir pêche pas de respecter son obligation d’assurer le bon fonctionnement
des élites brésiliennes7. Dans les situations urbaines quotidiennes, les de l’invasao : s’il y a un problème à l’intérieur, on mobilise le syndic pour
fermées est associé par l’auteure à un rapport aux règles caractéristique le résoudre, la multiplication des problèmes induisant la multiplication
ignorées. Le non-respect des règlements à l’intérieur des copropriétés des plaintes.
les règles collectives soient respectées pour que ce droit soit effectif sont Les problèmes d’ordre technique concernant l’espace collectif s’ajou-
individu. L’importance de la responsabilité de chacun et la nécessité que tent à des conflits sur le respect de la vie communautaire. Teresa Caldeira
logement. Dans ce cadre, la liberté est perçue comme le droit de chaque (2000) a constaté que dans les copropriétés fermées au Brésil, certains
dépendantes où chacun peut faire ce qu’il souhaite à l’extérieur de son résidents perçoivent la copropriété comme un ensemble de maisons in-
résidents perçoivent la copropriété comme un ensemble de maisons in- dépendantes où chacun peut faire ce qu’il souhaite à l’extérieur de son
(2000) a constaté que dans les copropriétés fermées au Brésil, certains logement. Dans ce cadre, la liberté est perçue comme le droit de chaque
tent à des conflits sur le respect de la vie communautaire. Teresa Caldeira individu. L’importance de la responsabilité de chacun et la nécessité que
Les problèmes d’ordre technique concernant l’espace collectif s’ajou- les règles collectives soient respectées pour que ce droit soit effectif sont
des plaintes. ignorées. Le non-respect des règlements à l’intérieur des copropriétés
le résoudre, la multiplication des problèmes induisant la multiplication fermées est associé par l’auteure à un rapport aux règles caractéristique
de l’invasao : s’il y a un problème à l’intérieur, on mobilise le syndic pour des élites brésiliennes7. Dans les situations urbaines quotidiennes, les
pêche pas de respecter son obligation d’assurer le bon fonctionnement couches les plus aisées de la population se considèrent exemptes du devoir
la copropriété ne fait pas partie de ses préoccupations, ce qui ne l’em- de respecter les règles relatives à la collectivité – par exemple celles du
des logements dont il est propriétaire. La qualité de vie à l’intérieur de code de la route – et créent une sorte de « règle particulière », consé-
et du Chaparral, qui semble plutôt concerné par la valeur et l’intégrité quence de l’impunité validant un pouvoir lié à leur appartenance à l’élite.
sède des logements, à l’image de Silvio, le gestionnaire actuel du Palace À l’intérieur des copropriétés fermées, elles se sentent encore plus libres
Le deuxième cas est celui du syndic qui n’habite pas l’invasao mais y pos- de ne pas respecter le règlement interne, car elles voient les rues comme
ses unités d’habitation soient occupées et génèrent un revenu coïncident. une extension des jardins. En bref, si les personnes ont une faible notion
préoccupation, l’intérêt du résident est celui du bailleur, soucieux que de l’intérêt général, de la responsabilité publique et du respect des droits
bon fonctionnement de l’espace interne de la communauté. Dans cette d’autrui dans les pratiques quotidiennes de la ville, à l’intérieur des co-
jette à long terme dans l’invasao, se préoccupe de la qualité de vie et du propriétés fermées, qui sont des micro-espaces « d’entre-soi », la trans-
premier correspond au résident qui possède quelques logements, se pro- gression des normes et le non-respect des accords tacites sont encore
eux-mêmes les problèmes techniques. Il y a alors deux cas de figure. Le plus courants.
d’attirer des locataires. Ils cherchent souvent des solutions ou résolvent Si, dans les situations urbaines quotidiennes, le non-respect des règles
parce qu’ils y vivent, mais aussi parce qu’ils s’efforcent de conserver ou peut être associé à l’inégalité socio-économique, dans les milieux d’habitat
collectif, ces pratiques de transgression sont plutôt associées à la cohabi-
Logement populaire et transformations socio-urbaines 194 7. Pour Licia do Prado Valladares, ce système typiquement brésilien est « basé sur l’utilisa-
tion des mécanismes et moyens formels et informels à des fins de bénéfices personnels »
(2006, p. 139).

(2006, p. 139).
tion des mécanismes et moyens formels et informels à des fins de bénéfices personnels »
7. Pour Licia do Prado Valladares, ce système typiquement brésilien est « basé sur l’utilisa- 194 Logement populaire et transformations socio-urbaines

collectif, ces pratiques de transgression sont plutôt associées à la cohabi-


peut être associé à l’inégalité socio-économique, dans les milieux d’habitat parce qu’ils y vivent, mais aussi parce qu’ils s’efforcent de conserver ou
Si, dans les situations urbaines quotidiennes, le non-respect des règles d’attirer des locataires. Ils cherchent souvent des solutions ou résolvent
plus courants. eux-mêmes les problèmes techniques. Il y a alors deux cas de figure. Le
gression des normes et le non-respect des accords tacites sont encore premier correspond au résident qui possède quelques logements, se pro-
propriétés fermées, qui sont des micro-espaces « d’entre-soi », la trans- jette à long terme dans l’invasao, se préoccupe de la qualité de vie et du
d’autrui dans les pratiques quotidiennes de la ville, à l’intérieur des co- bon fonctionnement de l’espace interne de la communauté. Dans cette
de l’intérêt général, de la responsabilité publique et du respect des droits préoccupation, l’intérêt du résident est celui du bailleur, soucieux que
une extension des jardins. En bref, si les personnes ont une faible notion ses unités d’habitation soient occupées et génèrent un revenu coïncident.
de ne pas respecter le règlement interne, car elles voient les rues comme Le deuxième cas est celui du syndic qui n’habite pas l’invasao mais y pos-
À l’intérieur des copropriétés fermées, elles se sentent encore plus libres sède des logements, à l’image de Silvio, le gestionnaire actuel du Palace
quence de l’impunité validant un pouvoir lié à leur appartenance à l’élite. et du Chaparral, qui semble plutôt concerné par la valeur et l’intégrité
code de la route – et créent une sorte de « règle particulière », consé- des logements dont il est propriétaire. La qualité de vie à l’intérieur de
de respecter les règles relatives à la collectivité – par exemple celles du la copropriété ne fait pas partie de ses préoccupations, ce qui ne l’em-
couches les plus aisées de la population se considèrent exemptes du devoir pêche pas de respecter son obligation d’assurer le bon fonctionnement
des élites brésiliennes7. Dans les situations urbaines quotidiennes, les de l’invasao : s’il y a un problème à l’intérieur, on mobilise le syndic pour
fermées est associé par l’auteure à un rapport aux règles caractéristique le résoudre, la multiplication des problèmes induisant la multiplication
ignorées. Le non-respect des règlements à l’intérieur des copropriétés des plaintes.
les règles collectives soient respectées pour que ce droit soit effectif sont Les problèmes d’ordre technique concernant l’espace collectif s’ajou-
individu. L’importance de la responsabilité de chacun et la nécessité que tent à des conflits sur le respect de la vie communautaire. Teresa Caldeira
logement. Dans ce cadre, la liberté est perçue comme le droit de chaque (2000) a constaté que dans les copropriétés fermées au Brésil, certains
dépendantes où chacun peut faire ce qu’il souhaite à l’extérieur de son résidents perçoivent la copropriété comme un ensemble de maisons in-
résidents perçoivent la copropriété comme un ensemble de maisons in- dépendantes où chacun peut faire ce qu’il souhaite à l’extérieur de son
(2000) a constaté que dans les copropriétés fermées au Brésil, certains logement. Dans ce cadre, la liberté est perçue comme le droit de chaque
tent à des conflits sur le respect de la vie communautaire. Teresa Caldeira individu. L’importance de la responsabilité de chacun et la nécessité que
Les problèmes d’ordre technique concernant l’espace collectif s’ajou- les règles collectives soient respectées pour que ce droit soit effectif sont
des plaintes. ignorées. Le non-respect des règlements à l’intérieur des copropriétés
le résoudre, la multiplication des problèmes induisant la multiplication fermées est associé par l’auteure à un rapport aux règles caractéristique
de l’invasao : s’il y a un problème à l’intérieur, on mobilise le syndic pour des élites brésiliennes7. Dans les situations urbaines quotidiennes, les
pêche pas de respecter son obligation d’assurer le bon fonctionnement couches les plus aisées de la population se considèrent exemptes du devoir
la copropriété ne fait pas partie de ses préoccupations, ce qui ne l’em- de respecter les règles relatives à la collectivité – par exemple celles du
des logements dont il est propriétaire. La qualité de vie à l’intérieur de code de la route – et créent une sorte de « règle particulière », consé-
et du Chaparral, qui semble plutôt concerné par la valeur et l’intégrité quence de l’impunité validant un pouvoir lié à leur appartenance à l’élite.
sède des logements, à l’image de Silvio, le gestionnaire actuel du Palace À l’intérieur des copropriétés fermées, elles se sentent encore plus libres
Le deuxième cas est celui du syndic qui n’habite pas l’invasao mais y pos- de ne pas respecter le règlement interne, car elles voient les rues comme
ses unités d’habitation soient occupées et génèrent un revenu coïncident. une extension des jardins. En bref, si les personnes ont une faible notion
préoccupation, l’intérêt du résident est celui du bailleur, soucieux que de l’intérêt général, de la responsabilité publique et du respect des droits
bon fonctionnement de l’espace interne de la communauté. Dans cette d’autrui dans les pratiques quotidiennes de la ville, à l’intérieur des co-
jette à long terme dans l’invasao, se préoccupe de la qualité de vie et du propriétés fermées, qui sont des micro-espaces « d’entre-soi », la trans-
premier correspond au résident qui possède quelques logements, se pro- gression des normes et le non-respect des accords tacites sont encore
eux-mêmes les problèmes techniques. Il y a alors deux cas de figure. Le plus courants.
d’attirer des locataires. Ils cherchent souvent des solutions ou résolvent Si, dans les situations urbaines quotidiennes, le non-respect des règles
parce qu’ils y vivent, mais aussi parce qu’ils s’efforcent de conserver ou peut être associé à l’inégalité socio-économique, dans les milieux d’habitat
collectif, ces pratiques de transgression sont plutôt associées à la cohabi-
Logement populaire et transformations socio-urbaines 194 7. Pour Licia do Prado Valladares, ce système typiquement brésilien est « basé sur l’utilisa-
tion des mécanismes et moyens formels et informels à des fins de bénéfices personnels »
(2006, p. 139).
Machado da Silva (2008).
de ces réseaux avec les habitants locaux ont été notamment étudiées par Leeds (1998) et
Maira Machado-Martins 195 9. La violence des narcotrafiquants dans les favelas et les transformations de la relation
une tradition orale et dans le comportement des individus.
8. Pour eux, cet accord n’est pas affiché comme un règlement, il est plutôt inscrit dans
tation des individus. Dans les invasoes, les accords tacites de convivialité
ne sont pas respectés ; il est alors nécessaire d’adopter des mesures pour
garantir un certain équilibre. Les deux principales normes que nous avons le pouvoir en place, des valeurs importantes pour les habitants. L’équilibre
relevées dans les trois copropriétés de fait sont le silence à partir de fondée sur la réciprocité et le respect, ainsi que sur la reconnaissance, par
22 heures et l’interdiction de l’utilisation et de la circulation de drogues ceptation » du chef par la population établissait une relation d’équilibre
illicites. Ensuite, comme dans les copropriétés formelles, certaines règles 1990 notamment (Leeds, 1998 ; Zaluar, 2004), ont montré que l’« ac-
devraient être issues d’un accord tacite visant l’équilibre communautaire, Certaines études sur les milieux d’habitat précaire, jusqu’aux années
ce que Michel de Certeau, Luce Giard et Pierre Mayol (1980) ont décrit
comme un contrat social qui serait à l’origine de l’efficacité sociale du IMAGE, DISCOURS ET POUVOIR DANS LES INVASOES ET LES FAVELAS
quartier et l’une des conditions de son équilibre8. Le non-respect de ces
accords tacites ne conduit pas à la punition, mais plutôt au conflit entre drogue dans les favelas9.
les habitants, qui peut dégénérer. Dans les invasoes, le cas le plus flagrant séquence de l’expérience vécue avec le pouvoir violent des trafiquants de
est celui de la musique forte, qui induit de fortes tensions. Il n’y a pas de le pouvoir parallèle à l’État, la milicia, se manifeste très discrètement, con-
règle explicite sur ce sujet dans l’invasao mais, pendant la journée, elle est ture de pouvoir et des normes semblables. Mais, dans le cas des invasoes,
source de nuisance pour les habitants qui travaillent le soir et ne peuvent conflits observés dans les deux formes de copropriété révèlent une struc-
se reposer que dans la journée. glementaire capable de protéger les intérêts collectifs. D’un autre côté, les
Dans les copropriétés formelles, le pouvoir est caractérisé, en principe, représentation des habitants et fonctionne en l’absence de tout statut ré-
par un certain équilibre que traduisent les règles de majorité régissant le bue mettre en place le pouvoir du syndic, qui n’est pas fondé sur la
système de décision.Toutefois, cette forme de gestion « équilibrée » et les côté, la condition informelle et illégale de la copropriété de fait contri-
sanctions qui en découlent n’empêchent pas la transgression des normes. l’action du syndic – ne disposent pas de leader ou de représentant. D’un
Dans les invasoes, les groupes minoritaires – que ce soient les débiteurs, les travailleurs du soir ou encore les opposants au pouvoir parallèle ou à
travailleurs du soir ou encore les opposants au pouvoir parallèle ou à Dans les invasoes, les groupes minoritaires – que ce soient les débiteurs, les
l’action du syndic – ne disposent pas de leader ou de représentant. D’un sanctions qui en découlent n’empêchent pas la transgression des normes.
côté, la condition informelle et illégale de la copropriété de fait contri- système de décision.Toutefois, cette forme de gestion « équilibrée » et les
bue mettre en place le pouvoir du syndic, qui n’est pas fondé sur la par un certain équilibre que traduisent les règles de majorité régissant le
représentation des habitants et fonctionne en l’absence de tout statut ré- Dans les copropriétés formelles, le pouvoir est caractérisé, en principe,
glementaire capable de protéger les intérêts collectifs. D’un autre côté, les se reposer que dans la journée.
conflits observés dans les deux formes de copropriété révèlent une struc- source de nuisance pour les habitants qui travaillent le soir et ne peuvent
ture de pouvoir et des normes semblables. Mais, dans le cas des invasoes, règle explicite sur ce sujet dans l’invasao mais, pendant la journée, elle est
le pouvoir parallèle à l’État, la milicia, se manifeste très discrètement, con- est celui de la musique forte, qui induit de fortes tensions. Il n’y a pas de
séquence de l’expérience vécue avec le pouvoir violent des trafiquants de les habitants, qui peut dégénérer. Dans les invasoes, le cas le plus flagrant
drogue dans les favelas9. accords tacites ne conduit pas à la punition, mais plutôt au conflit entre
quartier et l’une des conditions de son équilibre8. Le non-respect de ces
IMAGE, DISCOURS ET POUVOIR DANS LES INVASOES ET LES FAVELAS comme un contrat social qui serait à l’origine de l’efficacité sociale du
ce que Michel de Certeau, Luce Giard et Pierre Mayol (1980) ont décrit
Certaines études sur les milieux d’habitat précaire, jusqu’aux années devraient être issues d’un accord tacite visant l’équilibre communautaire,
1990 notamment (Leeds, 1998 ; Zaluar, 2004), ont montré que l’« ac- illicites. Ensuite, comme dans les copropriétés formelles, certaines règles
ceptation » du chef par la population établissait une relation d’équilibre 22 heures et l’interdiction de l’utilisation et de la circulation de drogues
fondée sur la réciprocité et le respect, ainsi que sur la reconnaissance, par relevées dans les trois copropriétés de fait sont le silence à partir de
le pouvoir en place, des valeurs importantes pour les habitants. L’équilibre garantir un certain équilibre. Les deux principales normes que nous avons
ne sont pas respectés ; il est alors nécessaire d’adopter des mesures pour
tation des individus. Dans les invasoes, les accords tacites de convivialité
8. Pour eux, cet accord n’est pas affiché comme un règlement, il est plutôt inscrit dans
une tradition orale et dans le comportement des individus.
9. La violence des narcotrafiquants dans les favelas et les transformations de la relation 195 Maira Machado-Martins
de ces réseaux avec les habitants locaux ont été notamment étudiées par Leeds (1998) et
Machado da Silva (2008).

Machado da Silva (2008).


de ces réseaux avec les habitants locaux ont été notamment étudiées par Leeds (1998) et
Maira Machado-Martins 195 9. La violence des narcotrafiquants dans les favelas et les transformations de la relation
une tradition orale et dans le comportement des individus.
8. Pour eux, cet accord n’est pas affiché comme un règlement, il est plutôt inscrit dans
tation des individus. Dans les invasoes, les accords tacites de convivialité
ne sont pas respectés ; il est alors nécessaire d’adopter des mesures pour
garantir un certain équilibre. Les deux principales normes que nous avons le pouvoir en place, des valeurs importantes pour les habitants. L’équilibre
relevées dans les trois copropriétés de fait sont le silence à partir de fondée sur la réciprocité et le respect, ainsi que sur la reconnaissance, par
22 heures et l’interdiction de l’utilisation et de la circulation de drogues ceptation » du chef par la population établissait une relation d’équilibre
illicites. Ensuite, comme dans les copropriétés formelles, certaines règles 1990 notamment (Leeds, 1998 ; Zaluar, 2004), ont montré que l’« ac-
devraient être issues d’un accord tacite visant l’équilibre communautaire, Certaines études sur les milieux d’habitat précaire, jusqu’aux années
ce que Michel de Certeau, Luce Giard et Pierre Mayol (1980) ont décrit
comme un contrat social qui serait à l’origine de l’efficacité sociale du IMAGE, DISCOURS ET POUVOIR DANS LES INVASOES ET LES FAVELAS
quartier et l’une des conditions de son équilibre8. Le non-respect de ces
accords tacites ne conduit pas à la punition, mais plutôt au conflit entre drogue dans les favelas9.
les habitants, qui peut dégénérer. Dans les invasoes, le cas le plus flagrant séquence de l’expérience vécue avec le pouvoir violent des trafiquants de
est celui de la musique forte, qui induit de fortes tensions. Il n’y a pas de le pouvoir parallèle à l’État, la milicia, se manifeste très discrètement, con-
règle explicite sur ce sujet dans l’invasao mais, pendant la journée, elle est ture de pouvoir et des normes semblables. Mais, dans le cas des invasoes,
source de nuisance pour les habitants qui travaillent le soir et ne peuvent conflits observés dans les deux formes de copropriété révèlent une struc-
se reposer que dans la journée. glementaire capable de protéger les intérêts collectifs. D’un autre côté, les
Dans les copropriétés formelles, le pouvoir est caractérisé, en principe, représentation des habitants et fonctionne en l’absence de tout statut ré-
par un certain équilibre que traduisent les règles de majorité régissant le bue mettre en place le pouvoir du syndic, qui n’est pas fondé sur la
système de décision.Toutefois, cette forme de gestion « équilibrée » et les côté, la condition informelle et illégale de la copropriété de fait contri-
sanctions qui en découlent n’empêchent pas la transgression des normes. l’action du syndic – ne disposent pas de leader ou de représentant. D’un
Dans les invasoes, les groupes minoritaires – que ce soient les débiteurs, les travailleurs du soir ou encore les opposants au pouvoir parallèle ou à
travailleurs du soir ou encore les opposants au pouvoir parallèle ou à Dans les invasoes, les groupes minoritaires – que ce soient les débiteurs, les
l’action du syndic – ne disposent pas de leader ou de représentant. D’un sanctions qui en découlent n’empêchent pas la transgression des normes.
côté, la condition informelle et illégale de la copropriété de fait contri- système de décision.Toutefois, cette forme de gestion « équilibrée » et les
bue mettre en place le pouvoir du syndic, qui n’est pas fondé sur la par un certain équilibre que traduisent les règles de majorité régissant le
représentation des habitants et fonctionne en l’absence de tout statut ré- Dans les copropriétés formelles, le pouvoir est caractérisé, en principe,
glementaire capable de protéger les intérêts collectifs. D’un autre côté, les se reposer que dans la journée.
conflits observés dans les deux formes de copropriété révèlent une struc- source de nuisance pour les habitants qui travaillent le soir et ne peuvent
ture de pouvoir et des normes semblables. Mais, dans le cas des invasoes, règle explicite sur ce sujet dans l’invasao mais, pendant la journée, elle est
le pouvoir parallèle à l’État, la milicia, se manifeste très discrètement, con- est celui de la musique forte, qui induit de fortes tensions. Il n’y a pas de
séquence de l’expérience vécue avec le pouvoir violent des trafiquants de les habitants, qui peut dégénérer. Dans les invasoes, le cas le plus flagrant
drogue dans les favelas9. accords tacites ne conduit pas à la punition, mais plutôt au conflit entre
quartier et l’une des conditions de son équilibre8. Le non-respect de ces
IMAGE, DISCOURS ET POUVOIR DANS LES INVASOES ET LES FAVELAS comme un contrat social qui serait à l’origine de l’efficacité sociale du
ce que Michel de Certeau, Luce Giard et Pierre Mayol (1980) ont décrit
Certaines études sur les milieux d’habitat précaire, jusqu’aux années devraient être issues d’un accord tacite visant l’équilibre communautaire,
1990 notamment (Leeds, 1998 ; Zaluar, 2004), ont montré que l’« ac- illicites. Ensuite, comme dans les copropriétés formelles, certaines règles
ceptation » du chef par la population établissait une relation d’équilibre 22 heures et l’interdiction de l’utilisation et de la circulation de drogues
fondée sur la réciprocité et le respect, ainsi que sur la reconnaissance, par relevées dans les trois copropriétés de fait sont le silence à partir de
le pouvoir en place, des valeurs importantes pour les habitants. L’équilibre garantir un certain équilibre. Les deux principales normes que nous avons
ne sont pas respectés ; il est alors nécessaire d’adopter des mesures pour
tation des individus. Dans les invasoes, les accords tacites de convivialité
8. Pour eux, cet accord n’est pas affiché comme un règlement, il est plutôt inscrit dans
une tradition orale et dans le comportement des individus.
9. La violence des narcotrafiquants dans les favelas et les transformations de la relation 195 Maira Machado-Martins
de ces réseaux avec les habitants locaux ont été notamment étudiées par Leeds (1998) et
Machado da Silva (2008).
besoins en ajustant les normes et les systèmes de valeurs.
ceux qui, dans l’incapacité de transformer directement l’espace, l’ont adapté selon leurs
les acteurs qui exercent le pouvoir et fabriquent l’espace, et les consommateurs, comme 196 Logement populaire et transformations socio-urbaines
10. De Certeau (1980). Pour lui, les producteurs de l’espace peuvent être définis comme

institutions étatiques, historiquement absentes, et le place dans la peau du de la relation entre producteurs et consommateurs de l’espace10 était ainsi
ginaire de la population favelada. Elle fait du trafiquant le remplaçant des basé sur l’échange, condition fondamentale pour le maintien de tout sys-
notamment jusqu’à la fin des années 1980, et s’est renforcée dans l’ima- tème. Dans le cas des favelas, l’échange observé par Leeds (1998, p. 241-
La figure du trafiquant a été construite avec la contribution des médias, 244) dans les années 1970 était caractérisé par une forme de protection
interdits, aux prescriptions et aux punitions. réciproque. Les habitants offraient l’anonymat aux trafiquants, ils ne les
pouvoir, qui utilise des méthodes ultraviolentes mais précises quant aux dénonçaient pas et restaient discrets sur leurs activités illégales et sur la
quants, les habitants ne participent pas de la même manière au système de présence de ceux d’entre eux qui étaient cachés dans la favela. En contre-
règles, punit et condamne. Dans une favela dominée par des narcotrafi- partie, le chef offrait des services à la population, par exemple la sécurité à
syndic et sont par conséquent liés au système de pouvoir qui établit les l’intérieur du milieu d’habitat, de l’argent en cas de besoin, pour payer un
parmi les habitants de l’invasao, car certains résidents sont partenaires du taxi jusqu’à l’hôpital ou acheter des médicaments. Si le profil des narco-
rend difficile la consolidation d’un système de solidarité et de confiance trafiquants et la violence qu’ils exercent ont fortement changé à partir des
syndic et ni mettre en question l’utilisation de l’argent. Cette pratique années 1980, certaines caractéristiques se sont maintenues : dans la favela,
et crée des conflits, le jeu met sous pression les débiteurs sans exposer le les délits ou les crimes comme le vol, le viol, entre autres, sont encore
de l’espace, les autres habitants. Avec cette méthode qui divise le groupe aujourd’hui violemment combattus par le chef de l’organisation des trafi-
des débiteurs de la taxe de copropriété devant les autres consommateurs quants locaux. Il est le seul qui puisse imposer sa propre forme de justice.
se fait plutôt par l’intimidation née de la dénonciation et de l’exposition L’équilibre du système est totalement lié à la conduite et à la personna-
« gestion » du Palace, la domination s’impose de façon plus subtile : elle lité du chef de gang ; les pratiques et les normes sont ainsi imposées à la
narcotrafiquants très violente, agressive et intolérante. Dans le cadre de la communauté à partir des codes définis par le chef.
de disparaître, car les producteurs de l’espace sont ici une génération de Si l’on compare le système de pouvoir existant dans le Palace à celui
désobéissant aux règles qu’il impose. Ce serait simplement courir le risque qu’on observe dans les favelas où dominent les trafiquants de drogue,
stricte et radicale. Aucune personne sensée ne défie un narcotrafiquant en certaines différences semblent assez claires. La loi dans ces favelas est très
certaines différences semblent assez claires. La loi dans ces favelas est très stricte et radicale. Aucune personne sensée ne défie un narcotrafiquant en
qu’on observe dans les favelas où dominent les trafiquants de drogue, désobéissant aux règles qu’il impose. Ce serait simplement courir le risque
Si l’on compare le système de pouvoir existant dans le Palace à celui de disparaître, car les producteurs de l’espace sont ici une génération de
communauté à partir des codes définis par le chef. narcotrafiquants très violente, agressive et intolérante. Dans le cadre de la
lité du chef de gang ; les pratiques et les normes sont ainsi imposées à la « gestion » du Palace, la domination s’impose de façon plus subtile : elle
L’équilibre du système est totalement lié à la conduite et à la personna- se fait plutôt par l’intimidation née de la dénonciation et de l’exposition
quants locaux. Il est le seul qui puisse imposer sa propre forme de justice. des débiteurs de la taxe de copropriété devant les autres consommateurs
aujourd’hui violemment combattus par le chef de l’organisation des trafi- de l’espace, les autres habitants. Avec cette méthode qui divise le groupe
les délits ou les crimes comme le vol, le viol, entre autres, sont encore et crée des conflits, le jeu met sous pression les débiteurs sans exposer le
années 1980, certaines caractéristiques se sont maintenues : dans la favela, syndic et ni mettre en question l’utilisation de l’argent. Cette pratique
trafiquants et la violence qu’ils exercent ont fortement changé à partir des rend difficile la consolidation d’un système de solidarité et de confiance
taxi jusqu’à l’hôpital ou acheter des médicaments. Si le profil des narco- parmi les habitants de l’invasao, car certains résidents sont partenaires du
l’intérieur du milieu d’habitat, de l’argent en cas de besoin, pour payer un syndic et sont par conséquent liés au système de pouvoir qui établit les
partie, le chef offrait des services à la population, par exemple la sécurité à règles, punit et condamne. Dans une favela dominée par des narcotrafi-
présence de ceux d’entre eux qui étaient cachés dans la favela. En contre- quants, les habitants ne participent pas de la même manière au système de
dénonçaient pas et restaient discrets sur leurs activités illégales et sur la pouvoir, qui utilise des méthodes ultraviolentes mais précises quant aux
réciproque. Les habitants offraient l’anonymat aux trafiquants, ils ne les interdits, aux prescriptions et aux punitions.
244) dans les années 1970 était caractérisé par une forme de protection La figure du trafiquant a été construite avec la contribution des médias,
tème. Dans le cas des favelas, l’échange observé par Leeds (1998, p. 241- notamment jusqu’à la fin des années 1980, et s’est renforcée dans l’ima-
basé sur l’échange, condition fondamentale pour le maintien de tout sys- ginaire de la population favelada. Elle fait du trafiquant le remplaçant des
de la relation entre producteurs et consommateurs de l’espace10 était ainsi institutions étatiques, historiquement absentes, et le place dans la peau du

10. De Certeau (1980). Pour lui, les producteurs de l’espace peuvent être définis comme
Logement populaire et transformations socio-urbaines 196 les acteurs qui exercent le pouvoir et fabriquent l’espace, et les consommateurs, comme
ceux qui, dans l’incapacité de transformer directement l’espace, l’ont adapté selon leurs
besoins en ajustant les normes et les systèmes de valeurs.

besoins en ajustant les normes et les systèmes de valeurs.


ceux qui, dans l’incapacité de transformer directement l’espace, l’ont adapté selon leurs
les acteurs qui exercent le pouvoir et fabriquent l’espace, et les consommateurs, comme 196 Logement populaire et transformations socio-urbaines
10. De Certeau (1980). Pour lui, les producteurs de l’espace peuvent être définis comme

institutions étatiques, historiquement absentes, et le place dans la peau du de la relation entre producteurs et consommateurs de l’espace10 était ainsi
ginaire de la population favelada. Elle fait du trafiquant le remplaçant des basé sur l’échange, condition fondamentale pour le maintien de tout sys-
notamment jusqu’à la fin des années 1980, et s’est renforcée dans l’ima- tème. Dans le cas des favelas, l’échange observé par Leeds (1998, p. 241-
La figure du trafiquant a été construite avec la contribution des médias, 244) dans les années 1970 était caractérisé par une forme de protection
interdits, aux prescriptions et aux punitions. réciproque. Les habitants offraient l’anonymat aux trafiquants, ils ne les
pouvoir, qui utilise des méthodes ultraviolentes mais précises quant aux dénonçaient pas et restaient discrets sur leurs activités illégales et sur la
quants, les habitants ne participent pas de la même manière au système de présence de ceux d’entre eux qui étaient cachés dans la favela. En contre-
règles, punit et condamne. Dans une favela dominée par des narcotrafi- partie, le chef offrait des services à la population, par exemple la sécurité à
syndic et sont par conséquent liés au système de pouvoir qui établit les l’intérieur du milieu d’habitat, de l’argent en cas de besoin, pour payer un
parmi les habitants de l’invasao, car certains résidents sont partenaires du taxi jusqu’à l’hôpital ou acheter des médicaments. Si le profil des narco-
rend difficile la consolidation d’un système de solidarité et de confiance trafiquants et la violence qu’ils exercent ont fortement changé à partir des
syndic et ni mettre en question l’utilisation de l’argent. Cette pratique années 1980, certaines caractéristiques se sont maintenues : dans la favela,
et crée des conflits, le jeu met sous pression les débiteurs sans exposer le les délits ou les crimes comme le vol, le viol, entre autres, sont encore
de l’espace, les autres habitants. Avec cette méthode qui divise le groupe aujourd’hui violemment combattus par le chef de l’organisation des trafi-
des débiteurs de la taxe de copropriété devant les autres consommateurs quants locaux. Il est le seul qui puisse imposer sa propre forme de justice.
se fait plutôt par l’intimidation née de la dénonciation et de l’exposition L’équilibre du système est totalement lié à la conduite et à la personna-
« gestion » du Palace, la domination s’impose de façon plus subtile : elle lité du chef de gang ; les pratiques et les normes sont ainsi imposées à la
narcotrafiquants très violente, agressive et intolérante. Dans le cadre de la communauté à partir des codes définis par le chef.
de disparaître, car les producteurs de l’espace sont ici une génération de Si l’on compare le système de pouvoir existant dans le Palace à celui
désobéissant aux règles qu’il impose. Ce serait simplement courir le risque qu’on observe dans les favelas où dominent les trafiquants de drogue,
stricte et radicale. Aucune personne sensée ne défie un narcotrafiquant en certaines différences semblent assez claires. La loi dans ces favelas est très
certaines différences semblent assez claires. La loi dans ces favelas est très stricte et radicale. Aucune personne sensée ne défie un narcotrafiquant en
qu’on observe dans les favelas où dominent les trafiquants de drogue, désobéissant aux règles qu’il impose. Ce serait simplement courir le risque
Si l’on compare le système de pouvoir existant dans le Palace à celui de disparaître, car les producteurs de l’espace sont ici une génération de
communauté à partir des codes définis par le chef. narcotrafiquants très violente, agressive et intolérante. Dans le cadre de la
lité du chef de gang ; les pratiques et les normes sont ainsi imposées à la « gestion » du Palace, la domination s’impose de façon plus subtile : elle
L’équilibre du système est totalement lié à la conduite et à la personna- se fait plutôt par l’intimidation née de la dénonciation et de l’exposition
quants locaux. Il est le seul qui puisse imposer sa propre forme de justice. des débiteurs de la taxe de copropriété devant les autres consommateurs
aujourd’hui violemment combattus par le chef de l’organisation des trafi- de l’espace, les autres habitants. Avec cette méthode qui divise le groupe
les délits ou les crimes comme le vol, le viol, entre autres, sont encore et crée des conflits, le jeu met sous pression les débiteurs sans exposer le
années 1980, certaines caractéristiques se sont maintenues : dans la favela, syndic et ni mettre en question l’utilisation de l’argent. Cette pratique
trafiquants et la violence qu’ils exercent ont fortement changé à partir des rend difficile la consolidation d’un système de solidarité et de confiance
taxi jusqu’à l’hôpital ou acheter des médicaments. Si le profil des narco- parmi les habitants de l’invasao, car certains résidents sont partenaires du
l’intérieur du milieu d’habitat, de l’argent en cas de besoin, pour payer un syndic et sont par conséquent liés au système de pouvoir qui établit les
partie, le chef offrait des services à la population, par exemple la sécurité à règles, punit et condamne. Dans une favela dominée par des narcotrafi-
présence de ceux d’entre eux qui étaient cachés dans la favela. En contre- quants, les habitants ne participent pas de la même manière au système de
dénonçaient pas et restaient discrets sur leurs activités illégales et sur la pouvoir, qui utilise des méthodes ultraviolentes mais précises quant aux
réciproque. Les habitants offraient l’anonymat aux trafiquants, ils ne les interdits, aux prescriptions et aux punitions.
244) dans les années 1970 était caractérisé par une forme de protection La figure du trafiquant a été construite avec la contribution des médias,
tème. Dans le cas des favelas, l’échange observé par Leeds (1998, p. 241- notamment jusqu’à la fin des années 1980, et s’est renforcée dans l’ima-
basé sur l’échange, condition fondamentale pour le maintien de tout sys- ginaire de la population favelada. Elle fait du trafiquant le remplaçant des
de la relation entre producteurs et consommateurs de l’espace10 était ainsi institutions étatiques, historiquement absentes, et le place dans la peau du

10. De Certeau (1980). Pour lui, les producteurs de l’espace peuvent être définis comme
Logement populaire et transformations socio-urbaines 196 les acteurs qui exercent le pouvoir et fabriquent l’espace, et les consommateurs, comme
ceux qui, dans l’incapacité de transformer directement l’espace, l’ont adapté selon leurs
besoins en ajustant les normes et les systèmes de valeurs.
favelas, zones qu’ils peuvent facilement contrôler.
– ils meurent très jeunes dans les combats – et que leur pouvoir se limite au territoire des
Maira Machado-Martins 197 est très faible, notamment du fait que les chefs de réseaux sont fréquemment remplacés
américains. Elle affirme que la structure formée par ces criminels à l’intérieur des favelas
narcotrafiquants – le crime organizado – en analysant les mafias italiennes et les réseaux
« héros rebelle ». Les entretiens avec les habitants qui ont vécu dans les
12. Alba Zaluar (2004) discute le terme adopté au Brésil pour désigner les réseaux des

favelas et certaines études sociologiques réalisées au fil des années confir-


trafiquants installés dans les favelas.
de son programme d’intervention pour contrôler la violence des combats entre narco-
ment que certains chefs de gangs de narcotrafiquants pouvaient assumer il présente son expérience de responsable de la sécurité publique et les enjeux politiques
cette image, notamment dans les années 1970 et au début des années 1980. médias et l’opinion publique. On peut citer notamment Meu casaco de general (2000), où
Mais les changements dans le commerce des drogues au sein des favelas et violence et examiné l’articulation de ces interventions avec le discours produit par les
des zones pauvres ont également touché le profil de ces chefs : les trafi- discuté les formes d’intervention des pouvoirs publics pour résoudre le problème de la
quants sont désormais des négociants qui s’approprient l’espace physique
publique de l’État fédéré de Rio de Janeiro (1999-2000) et spécialiste de la question, a
11. Luiz Eduardo Soares, anthropologue, ancien responsable du département de sécurité
de la favela pour mener des opérations liées à une activité extrêmement
lucrative dans le secteur informel et illégal. À partir du moment où les dit vouloir éviter ainsi l’installation de trafiquants de drogue à l’intérieur
trafiquants se sont montrés armés d’un appareil de guerre, les médias ont maison de faire venir l’acheteur ou le locataire pour le rencontrer. Silvio
aidé à construire une image opposée à la précédente et ont affirmé le emménager dans la copropriété et demande à l’habitant qui propose sa
risque d’une occupation de la ville par les trafiquants de drogues. Certes, veaux habitants. Le syndic s’efforce toujours de connaître ceux qui désirent
la « militarisation » des narcotrafiquants marque une période de conflits Palace, utilise comme dispositif de contrôle interne la sélection des nou-
très violents à l’intérieur des favelas, mais le scénario selon lequel tous les tête du Chaparral et a été récemment chargé de l’« administration » du
individus dans la ville en sont les victimes potentielles a été une stratégie par les narcotrafiquants dans les favelas. Silvio, qui est depuis dix ans à la
pour créer un sentiment de peur latente et faire en sorte que la popula- conserver les caractéristiques du « bon leader » produites au fil des années
tion adhère à la politique menée par les pouvoirs publics, caractérisée à sonnalité des syndics et la construction de leur image leur permettent de
l’époque par des descentes policières fréquentes (et très inefficaces) dans buent à alimenter. Dans le cas des invasoes Palace et Chaparral, la per-
les favelas de la ville11. Si le réseau des narcotrafiquants s’est développé et (notamment au travers de la production d’un discours) et qu’ils contri-
s’est équipé, il est encore loin d’être doté de l’organisation nécessaire pour lieux d’habitat reposent sur l’image que donnent d’eux-mêmes les leaders
occuper une ville12. Le système de pouvoir et la gestion des conflits à l’intérieur de ces mi-
Le système de pouvoir et la gestion des conflits à l’intérieur de ces mi- occuper une ville12.
lieux d’habitat reposent sur l’image que donnent d’eux-mêmes les leaders s’est équipé, il est encore loin d’être doté de l’organisation nécessaire pour
(notamment au travers de la production d’un discours) et qu’ils contri- les favelas de la ville11. Si le réseau des narcotrafiquants s’est développé et
buent à alimenter. Dans le cas des invasoes Palace et Chaparral, la per- l’époque par des descentes policières fréquentes (et très inefficaces) dans
sonnalité des syndics et la construction de leur image leur permettent de tion adhère à la politique menée par les pouvoirs publics, caractérisée à
conserver les caractéristiques du « bon leader » produites au fil des années pour créer un sentiment de peur latente et faire en sorte que la popula-
par les narcotrafiquants dans les favelas. Silvio, qui est depuis dix ans à la individus dans la ville en sont les victimes potentielles a été une stratégie
tête du Chaparral et a été récemment chargé de l’« administration » du très violents à l’intérieur des favelas, mais le scénario selon lequel tous les
Palace, utilise comme dispositif de contrôle interne la sélection des nou- la « militarisation » des narcotrafiquants marque une période de conflits
veaux habitants. Le syndic s’efforce toujours de connaître ceux qui désirent risque d’une occupation de la ville par les trafiquants de drogues. Certes,
emménager dans la copropriété et demande à l’habitant qui propose sa aidé à construire une image opposée à la précédente et ont affirmé le
maison de faire venir l’acheteur ou le locataire pour le rencontrer. Silvio trafiquants se sont montrés armés d’un appareil de guerre, les médias ont
dit vouloir éviter ainsi l’installation de trafiquants de drogue à l’intérieur lucrative dans le secteur informel et illégal. À partir du moment où les
de la favela pour mener des opérations liées à une activité extrêmement
11. Luiz Eduardo Soares, anthropologue, ancien responsable du département de sécurité quants sont désormais des négociants qui s’approprient l’espace physique
publique de l’État fédéré de Rio de Janeiro (1999-2000) et spécialiste de la question, a
discuté les formes d’intervention des pouvoirs publics pour résoudre le problème de la
des zones pauvres ont également touché le profil de ces chefs : les trafi-
violence et examiné l’articulation de ces interventions avec le discours produit par les Mais les changements dans le commerce des drogues au sein des favelas et
médias et l’opinion publique. On peut citer notamment Meu casaco de general (2000), où cette image, notamment dans les années 1970 et au début des années 1980.
il présente son expérience de responsable de la sécurité publique et les enjeux politiques ment que certains chefs de gangs de narcotrafiquants pouvaient assumer
de son programme d’intervention pour contrôler la violence des combats entre narco- favelas et certaines études sociologiques réalisées au fil des années confir-
trafiquants installés dans les favelas.
« héros rebelle ». Les entretiens avec les habitants qui ont vécu dans les
12. Alba Zaluar (2004) discute le terme adopté au Brésil pour désigner les réseaux des
narcotrafiquants – le crime organizado – en analysant les mafias italiennes et les réseaux
américains. Elle affirme que la structure formée par ces criminels à l’intérieur des favelas
est très faible, notamment du fait que les chefs de réseaux sont fréquemment remplacés 197 Maira Machado-Martins
– ils meurent très jeunes dans les combats – et que leur pouvoir se limite au territoire des
favelas, zones qu’ils peuvent facilement contrôler.

favelas, zones qu’ils peuvent facilement contrôler.


– ils meurent très jeunes dans les combats – et que leur pouvoir se limite au territoire des
Maira Machado-Martins 197 est très faible, notamment du fait que les chefs de réseaux sont fréquemment remplacés
américains. Elle affirme que la structure formée par ces criminels à l’intérieur des favelas
narcotrafiquants – le crime organizado – en analysant les mafias italiennes et les réseaux
« héros rebelle ». Les entretiens avec les habitants qui ont vécu dans les
12. Alba Zaluar (2004) discute le terme adopté au Brésil pour désigner les réseaux des

favelas et certaines études sociologiques réalisées au fil des années confir-


trafiquants installés dans les favelas.
de son programme d’intervention pour contrôler la violence des combats entre narco-
ment que certains chefs de gangs de narcotrafiquants pouvaient assumer il présente son expérience de responsable de la sécurité publique et les enjeux politiques
cette image, notamment dans les années 1970 et au début des années 1980. médias et l’opinion publique. On peut citer notamment Meu casaco de general (2000), où
Mais les changements dans le commerce des drogues au sein des favelas et violence et examiné l’articulation de ces interventions avec le discours produit par les
des zones pauvres ont également touché le profil de ces chefs : les trafi- discuté les formes d’intervention des pouvoirs publics pour résoudre le problème de la
quants sont désormais des négociants qui s’approprient l’espace physique
publique de l’État fédéré de Rio de Janeiro (1999-2000) et spécialiste de la question, a
11. Luiz Eduardo Soares, anthropologue, ancien responsable du département de sécurité
de la favela pour mener des opérations liées à une activité extrêmement
lucrative dans le secteur informel et illégal. À partir du moment où les dit vouloir éviter ainsi l’installation de trafiquants de drogue à l’intérieur
trafiquants se sont montrés armés d’un appareil de guerre, les médias ont maison de faire venir l’acheteur ou le locataire pour le rencontrer. Silvio
aidé à construire une image opposée à la précédente et ont affirmé le emménager dans la copropriété et demande à l’habitant qui propose sa
risque d’une occupation de la ville par les trafiquants de drogues. Certes, veaux habitants. Le syndic s’efforce toujours de connaître ceux qui désirent
la « militarisation » des narcotrafiquants marque une période de conflits Palace, utilise comme dispositif de contrôle interne la sélection des nou-
très violents à l’intérieur des favelas, mais le scénario selon lequel tous les tête du Chaparral et a été récemment chargé de l’« administration » du
individus dans la ville en sont les victimes potentielles a été une stratégie par les narcotrafiquants dans les favelas. Silvio, qui est depuis dix ans à la
pour créer un sentiment de peur latente et faire en sorte que la popula- conserver les caractéristiques du « bon leader » produites au fil des années
tion adhère à la politique menée par les pouvoirs publics, caractérisée à sonnalité des syndics et la construction de leur image leur permettent de
l’époque par des descentes policières fréquentes (et très inefficaces) dans buent à alimenter. Dans le cas des invasoes Palace et Chaparral, la per-
les favelas de la ville11. Si le réseau des narcotrafiquants s’est développé et (notamment au travers de la production d’un discours) et qu’ils contri-
s’est équipé, il est encore loin d’être doté de l’organisation nécessaire pour lieux d’habitat reposent sur l’image que donnent d’eux-mêmes les leaders
occuper une ville12. Le système de pouvoir et la gestion des conflits à l’intérieur de ces mi-
Le système de pouvoir et la gestion des conflits à l’intérieur de ces mi- occuper une ville12.
lieux d’habitat reposent sur l’image que donnent d’eux-mêmes les leaders s’est équipé, il est encore loin d’être doté de l’organisation nécessaire pour
(notamment au travers de la production d’un discours) et qu’ils contri- les favelas de la ville11. Si le réseau des narcotrafiquants s’est développé et
buent à alimenter. Dans le cas des invasoes Palace et Chaparral, la per- l’époque par des descentes policières fréquentes (et très inefficaces) dans
sonnalité des syndics et la construction de leur image leur permettent de tion adhère à la politique menée par les pouvoirs publics, caractérisée à
conserver les caractéristiques du « bon leader » produites au fil des années pour créer un sentiment de peur latente et faire en sorte que la popula-
par les narcotrafiquants dans les favelas. Silvio, qui est depuis dix ans à la individus dans la ville en sont les victimes potentielles a été une stratégie
tête du Chaparral et a été récemment chargé de l’« administration » du très violents à l’intérieur des favelas, mais le scénario selon lequel tous les
Palace, utilise comme dispositif de contrôle interne la sélection des nou- la « militarisation » des narcotrafiquants marque une période de conflits
veaux habitants. Le syndic s’efforce toujours de connaître ceux qui désirent risque d’une occupation de la ville par les trafiquants de drogues. Certes,
emménager dans la copropriété et demande à l’habitant qui propose sa aidé à construire une image opposée à la précédente et ont affirmé le
maison de faire venir l’acheteur ou le locataire pour le rencontrer. Silvio trafiquants se sont montrés armés d’un appareil de guerre, les médias ont
dit vouloir éviter ainsi l’installation de trafiquants de drogue à l’intérieur lucrative dans le secteur informel et illégal. À partir du moment où les
de la favela pour mener des opérations liées à une activité extrêmement
11. Luiz Eduardo Soares, anthropologue, ancien responsable du département de sécurité quants sont désormais des négociants qui s’approprient l’espace physique
publique de l’État fédéré de Rio de Janeiro (1999-2000) et spécialiste de la question, a
discuté les formes d’intervention des pouvoirs publics pour résoudre le problème de la
des zones pauvres ont également touché le profil de ces chefs : les trafi-
violence et examiné l’articulation de ces interventions avec le discours produit par les Mais les changements dans le commerce des drogues au sein des favelas et
médias et l’opinion publique. On peut citer notamment Meu casaco de general (2000), où cette image, notamment dans les années 1970 et au début des années 1980.
il présente son expérience de responsable de la sécurité publique et les enjeux politiques ment que certains chefs de gangs de narcotrafiquants pouvaient assumer
de son programme d’intervention pour contrôler la violence des combats entre narco- favelas et certaines études sociologiques réalisées au fil des années confir-
trafiquants installés dans les favelas.
« héros rebelle ». Les entretiens avec les habitants qui ont vécu dans les
12. Alba Zaluar (2004) discute le terme adopté au Brésil pour désigner les réseaux des
narcotrafiquants – le crime organizado – en analysant les mafias italiennes et les réseaux
américains. Elle affirme que la structure formée par ces criminels à l’intérieur des favelas
est très faible, notamment du fait que les chefs de réseaux sont fréquemment remplacés 197 Maira Machado-Martins
– ils meurent très jeunes dans les combats – et que leur pouvoir se limite au territoire des
favelas, zones qu’ils peuvent facilement contrôler.
soes sont caractéristiques du pouvoir qu’exerce la milicia. Mais d’un autre
de leadership assumée par les syndics et les règles établies dans les inva- 198 Logement populaire et transformations socio-urbaines
peut qualifier d’ambigu dans les copropriétés de fait ? Certes, la forme
traire qui existe dans les favelas à celle d’un système de pouvoir que l’on
favelas. Comment passe-t-on de la forme de gestion explicitement arbi- de l’invasao. Le syndic répète constamment qu’il n’autorise pas l’exploi-
présentent un double rapport avec les copropriétés formelles et avec les tation des plus pauvres et qu’il ne permet pas qu’on prenne de l’argent
propriétés de fait et l’image que les syndics construisent d’eux-mêmes à ceux qui n’en ont pas ou en ont très peu. Il insiste également sur le
Dans les cas que nous avons étudiés, les pratiques de gestion des co- fait qu’il aide souvent la population, que les habitants du Chaparral sont
pauvres et modestes et que, quand ils se trouvent dans une situation très
ENTRE CONDOMINIO ET FAVELA, UN NOUVEAU MILIEU D’HABITAT précaire financièrement, il se montre accommodant sur le paiement de
la taxe de copropriété. Silvio cherche en fait à s’imposer comme le lea-
le trafic de drogue. der idéal : protecteur, très croyant, connu de tous et opposé au trafic de
consiste à faire en sorte qu’il ne tombe pas entre les mains de l’ennemi, drogue. Il affirme même qu’il est contre la milicia, car il ne conçoit pas que
invasoes. Le seul point qui semble fondamental dans ce système de pouvoir la zone des copropriétés de fait soit soumise à une structure de pouvoir
par la relative autonomie dont disposent les syndics dans la gestion des parallèle à l’État. Il assume ainsi le rôle de syndic, de juge, de policier, de
par l’application de certaines normes imposées par la milicia et d’un autre conseiller. La secrétaire de Silvio dans l’association de résidents confirme
lité, le système identifié dans les copropriétés de fait se signale d’un côté qu’ils sont nombreux à lui demander son avis à propos de problèmes
misérables et veillant sur la stabilité et la sécurité de la population. En réa- d’ordre personnel ou même intime. Le syndic explique que c’est à cause
qu’avaient forgée les narcotrafiquants, l’image du leader aidant les plus de ces inconvénients qu’il n’habite plus la copropriété.
le syndic semble s’approprier l’image de bienfaiteur et de protecteur Carlos, l’ancien syndic du Palace, était également un personnage in-
parallèle qui édicte les normes et les règles principales. De l’intérieur, téressant de leader. Concernant leur activité d’« administrateur », nous
donner à croire que l’invasao est autogérée et peut masquer le pouvoir entendons la même rhétorique chez les deux syndics. Leur discours est
copropriété. Pour un regard extérieur à la copropriété, ce discours peut fondé sur la mise en valeur de leur engagement bénévole, de l’aide qu’ils
sur le problème de la gestion des conflits qui existent à l’intérieur de la offrent à la communauté et de la grande faveur qu’ils lui font, « simples »
charge l’organisation du collectif. Enfin, leur rhétorique porte souvent membres de la communauté qui, de leur propre initiative, prennent en
membres de la communauté qui, de leur propre initiative, prennent en charge l’organisation du collectif. Enfin, leur rhétorique porte souvent
offrent à la communauté et de la grande faveur qu’ils lui font, « simples » sur le problème de la gestion des conflits qui existent à l’intérieur de la
fondé sur la mise en valeur de leur engagement bénévole, de l’aide qu’ils copropriété. Pour un regard extérieur à la copropriété, ce discours peut
entendons la même rhétorique chez les deux syndics. Leur discours est donner à croire que l’invasao est autogérée et peut masquer le pouvoir
téressant de leader. Concernant leur activité d’« administrateur », nous parallèle qui édicte les normes et les règles principales. De l’intérieur,
Carlos, l’ancien syndic du Palace, était également un personnage in- le syndic semble s’approprier l’image de bienfaiteur et de protecteur
de ces inconvénients qu’il n’habite plus la copropriété. qu’avaient forgée les narcotrafiquants, l’image du leader aidant les plus
d’ordre personnel ou même intime. Le syndic explique que c’est à cause misérables et veillant sur la stabilité et la sécurité de la population. En réa-
qu’ils sont nombreux à lui demander son avis à propos de problèmes lité, le système identifié dans les copropriétés de fait se signale d’un côté
conseiller. La secrétaire de Silvio dans l’association de résidents confirme par l’application de certaines normes imposées par la milicia et d’un autre
parallèle à l’État. Il assume ainsi le rôle de syndic, de juge, de policier, de par la relative autonomie dont disposent les syndics dans la gestion des
la zone des copropriétés de fait soit soumise à une structure de pouvoir invasoes. Le seul point qui semble fondamental dans ce système de pouvoir
drogue. Il affirme même qu’il est contre la milicia, car il ne conçoit pas que consiste à faire en sorte qu’il ne tombe pas entre les mains de l’ennemi,
der idéal : protecteur, très croyant, connu de tous et opposé au trafic de le trafic de drogue.
la taxe de copropriété. Silvio cherche en fait à s’imposer comme le lea-
précaire financièrement, il se montre accommodant sur le paiement de ENTRE CONDOMINIO ET FAVELA, UN NOUVEAU MILIEU D’HABITAT
pauvres et modestes et que, quand ils se trouvent dans une situation très
fait qu’il aide souvent la population, que les habitants du Chaparral sont Dans les cas que nous avons étudiés, les pratiques de gestion des co-
à ceux qui n’en ont pas ou en ont très peu. Il insiste également sur le propriétés de fait et l’image que les syndics construisent d’eux-mêmes
tation des plus pauvres et qu’il ne permet pas qu’on prenne de l’argent présentent un double rapport avec les copropriétés formelles et avec les
de l’invasao. Le syndic répète constamment qu’il n’autorise pas l’exploi- favelas. Comment passe-t-on de la forme de gestion explicitement arbi-
traire qui existe dans les favelas à celle d’un système de pouvoir que l’on
peut qualifier d’ambigu dans les copropriétés de fait ? Certes, la forme
Logement populaire et transformations socio-urbaines 198 de leadership assumée par les syndics et les règles établies dans les inva-
soes sont caractéristiques du pouvoir qu’exerce la milicia. Mais d’un autre

soes sont caractéristiques du pouvoir qu’exerce la milicia. Mais d’un autre


de leadership assumée par les syndics et les règles établies dans les inva- 198 Logement populaire et transformations socio-urbaines
peut qualifier d’ambigu dans les copropriétés de fait ? Certes, la forme
traire qui existe dans les favelas à celle d’un système de pouvoir que l’on
favelas. Comment passe-t-on de la forme de gestion explicitement arbi- de l’invasao. Le syndic répète constamment qu’il n’autorise pas l’exploi-
présentent un double rapport avec les copropriétés formelles et avec les tation des plus pauvres et qu’il ne permet pas qu’on prenne de l’argent
propriétés de fait et l’image que les syndics construisent d’eux-mêmes à ceux qui n’en ont pas ou en ont très peu. Il insiste également sur le
Dans les cas que nous avons étudiés, les pratiques de gestion des co- fait qu’il aide souvent la population, que les habitants du Chaparral sont
pauvres et modestes et que, quand ils se trouvent dans une situation très
ENTRE CONDOMINIO ET FAVELA, UN NOUVEAU MILIEU D’HABITAT précaire financièrement, il se montre accommodant sur le paiement de
la taxe de copropriété. Silvio cherche en fait à s’imposer comme le lea-
le trafic de drogue. der idéal : protecteur, très croyant, connu de tous et opposé au trafic de
consiste à faire en sorte qu’il ne tombe pas entre les mains de l’ennemi, drogue. Il affirme même qu’il est contre la milicia, car il ne conçoit pas que
invasoes. Le seul point qui semble fondamental dans ce système de pouvoir la zone des copropriétés de fait soit soumise à une structure de pouvoir
par la relative autonomie dont disposent les syndics dans la gestion des parallèle à l’État. Il assume ainsi le rôle de syndic, de juge, de policier, de
par l’application de certaines normes imposées par la milicia et d’un autre conseiller. La secrétaire de Silvio dans l’association de résidents confirme
lité, le système identifié dans les copropriétés de fait se signale d’un côté qu’ils sont nombreux à lui demander son avis à propos de problèmes
misérables et veillant sur la stabilité et la sécurité de la population. En réa- d’ordre personnel ou même intime. Le syndic explique que c’est à cause
qu’avaient forgée les narcotrafiquants, l’image du leader aidant les plus de ces inconvénients qu’il n’habite plus la copropriété.
le syndic semble s’approprier l’image de bienfaiteur et de protecteur Carlos, l’ancien syndic du Palace, était également un personnage in-
parallèle qui édicte les normes et les règles principales. De l’intérieur, téressant de leader. Concernant leur activité d’« administrateur », nous
donner à croire que l’invasao est autogérée et peut masquer le pouvoir entendons la même rhétorique chez les deux syndics. Leur discours est
copropriété. Pour un regard extérieur à la copropriété, ce discours peut fondé sur la mise en valeur de leur engagement bénévole, de l’aide qu’ils
sur le problème de la gestion des conflits qui existent à l’intérieur de la offrent à la communauté et de la grande faveur qu’ils lui font, « simples »
charge l’organisation du collectif. Enfin, leur rhétorique porte souvent membres de la communauté qui, de leur propre initiative, prennent en
membres de la communauté qui, de leur propre initiative, prennent en charge l’organisation du collectif. Enfin, leur rhétorique porte souvent
offrent à la communauté et de la grande faveur qu’ils lui font, « simples » sur le problème de la gestion des conflits qui existent à l’intérieur de la
fondé sur la mise en valeur de leur engagement bénévole, de l’aide qu’ils copropriété. Pour un regard extérieur à la copropriété, ce discours peut
entendons la même rhétorique chez les deux syndics. Leur discours est donner à croire que l’invasao est autogérée et peut masquer le pouvoir
téressant de leader. Concernant leur activité d’« administrateur », nous parallèle qui édicte les normes et les règles principales. De l’intérieur,
Carlos, l’ancien syndic du Palace, était également un personnage in- le syndic semble s’approprier l’image de bienfaiteur et de protecteur
de ces inconvénients qu’il n’habite plus la copropriété. qu’avaient forgée les narcotrafiquants, l’image du leader aidant les plus
d’ordre personnel ou même intime. Le syndic explique que c’est à cause misérables et veillant sur la stabilité et la sécurité de la population. En réa-
qu’ils sont nombreux à lui demander son avis à propos de problèmes lité, le système identifié dans les copropriétés de fait se signale d’un côté
conseiller. La secrétaire de Silvio dans l’association de résidents confirme par l’application de certaines normes imposées par la milicia et d’un autre
parallèle à l’État. Il assume ainsi le rôle de syndic, de juge, de policier, de par la relative autonomie dont disposent les syndics dans la gestion des
la zone des copropriétés de fait soit soumise à une structure de pouvoir invasoes. Le seul point qui semble fondamental dans ce système de pouvoir
drogue. Il affirme même qu’il est contre la milicia, car il ne conçoit pas que consiste à faire en sorte qu’il ne tombe pas entre les mains de l’ennemi,
der idéal : protecteur, très croyant, connu de tous et opposé au trafic de le trafic de drogue.
la taxe de copropriété. Silvio cherche en fait à s’imposer comme le lea-
précaire financièrement, il se montre accommodant sur le paiement de ENTRE CONDOMINIO ET FAVELA, UN NOUVEAU MILIEU D’HABITAT
pauvres et modestes et que, quand ils se trouvent dans une situation très
fait qu’il aide souvent la population, que les habitants du Chaparral sont Dans les cas que nous avons étudiés, les pratiques de gestion des co-
à ceux qui n’en ont pas ou en ont très peu. Il insiste également sur le propriétés de fait et l’image que les syndics construisent d’eux-mêmes
tation des plus pauvres et qu’il ne permet pas qu’on prenne de l’argent présentent un double rapport avec les copropriétés formelles et avec les
de l’invasao. Le syndic répète constamment qu’il n’autorise pas l’exploi- favelas. Comment passe-t-on de la forme de gestion explicitement arbi-
traire qui existe dans les favelas à celle d’un système de pouvoir que l’on
peut qualifier d’ambigu dans les copropriétés de fait ? Certes, la forme
Logement populaire et transformations socio-urbaines 198 de leadership assumée par les syndics et les règles établies dans les inva-
soes sont caractéristiques du pouvoir qu’exerce la milicia. Mais d’un autre
de l’invasoa.
Maira Machado-Martins 199 mais c’est surtout la gestion de la milicia qui garantit la sécurité au sein
et des gardiens sont des éléments qui assurent la protection des habitants,
moyennes et supérieures de Rio de Janeiro. Certes, la présence des murs
point de vue, elles répondent à une demande de la part des habitants qui à ce que sont les copropriétés fermées pour les habitants des couches
souhaitent quitter la favela. Cette demande est le reflet de certaines trans- la favela qui souhaitent se soustraire à la violence, alternative analogue
formations qui ont autant touché les favelas que le reste de la ville au fil La copropriété de fait est ainsi une alternative pour les habitants de
des années. être contrôlée par un gardien.
Dans les invasoes et plus spécialement dans le Palace, l’un des princi- accès, les invasoes sont des milieux d’habitat confinés, dont l’entrée peut
paux arguments des habitants pour expliquer leur déménagement est la Rio de Janeiro, qui sont des espaces ouverts à la ville et offrent plusieurs
violence vécue dans la favela d’origine. Pour cette population, la question et la circulation incontrôlée. À l’inverse d’une grande partie des favelas de
de la sécurité prend une autre forme que pour les couches moyennes et murs permet un contrôle plus efficace de l’espace en empêchant la fuite
riches qui cherchent à habiter des copropriétés fermées. Elle ne répond des « indésirables », les narcotrafiquants en l’occurrence. La présence des
pas seulement à une crainte mais fait suite à une violence effectivement copropriétés de la ville formelle, les invasoes protègent leurs habitants
vécue au quotidien. Le contact permanent avec les trafiquants de drogue, car associés à la production de cette violence urbaine. Comme dans les
la présence d’armes et de tous types de stupéfiants dans les favelas est une est aussi une manière de se garder des groupes sociaux jugés indésirables
cause évidente d’inquiétude des parents à l’égard de leurs enfants. Cette protection contre tout type de violence issue de la ville. La sécurisation
population doit faire face à deux craintes majeures. La première concerne d’habitat. Les murs sont considérés comme des frontières et comme une
la vie quotidienne : être touché par une « balle perdue ». La deuxième priétés fermées  ; elle est souvent évoquée dans les textes sur ce type
porte sur les effets à long terme du contact inévitable et permanent des La sécurisation est aussi parmi les principales raisons d’être des copro-
enfants avec les trafiquants, qui peut les amener à utiliser ces drogues, à la milicia, son responsable aurait « de très gros ennuis ».
être enrôlés dans les gangs ou, pour les jeunes filles, à être séduites par les avait lieu à l’intérieur de l’invasao ou même dans le périmètre d’action de
narcotrafiquants. Étant donné la situation et les intérêts de la milicia, la aussi bien que Marcia, syndic du condominio Barra Vela, assurent que si elle
règle établie dans les trois invasoes, qui interdit la circulation et l’utilisation faire respecter. Sa transgression amène des sanctions violentes  : Silvio
des drogues illicites, est respectée et valorisée par les habitants. C’est une règle d’intérêt collectif que la grande majorité de la population souhaite
règle d’intérêt collectif que la grande majorité de la population souhaite des drogues illicites, est respectée et valorisée par les habitants. C’est une
faire respecter. Sa transgression amène des sanctions violentes  : Silvio règle établie dans les trois invasoes, qui interdit la circulation et l’utilisation
aussi bien que Marcia, syndic du condominio Barra Vela, assurent que si elle narcotrafiquants. Étant donné la situation et les intérêts de la milicia, la
avait lieu à l’intérieur de l’invasao ou même dans le périmètre d’action de être enrôlés dans les gangs ou, pour les jeunes filles, à être séduites par les
la milicia, son responsable aurait « de très gros ennuis ». enfants avec les trafiquants, qui peut les amener à utiliser ces drogues, à
La sécurisation est aussi parmi les principales raisons d’être des copro- porte sur les effets à long terme du contact inévitable et permanent des
priétés fermées  ; elle est souvent évoquée dans les textes sur ce type la vie quotidienne : être touché par une « balle perdue ». La deuxième
d’habitat. Les murs sont considérés comme des frontières et comme une population doit faire face à deux craintes majeures. La première concerne
protection contre tout type de violence issue de la ville. La sécurisation cause évidente d’inquiétude des parents à l’égard de leurs enfants. Cette
est aussi une manière de se garder des groupes sociaux jugés indésirables la présence d’armes et de tous types de stupéfiants dans les favelas est une
car associés à la production de cette violence urbaine. Comme dans les vécue au quotidien. Le contact permanent avec les trafiquants de drogue,
copropriétés de la ville formelle, les invasoes protègent leurs habitants pas seulement à une crainte mais fait suite à une violence effectivement
des « indésirables », les narcotrafiquants en l’occurrence. La présence des riches qui cherchent à habiter des copropriétés fermées. Elle ne répond
murs permet un contrôle plus efficace de l’espace en empêchant la fuite de la sécurité prend une autre forme que pour les couches moyennes et
et la circulation incontrôlée. À l’inverse d’une grande partie des favelas de violence vécue dans la favela d’origine. Pour cette population, la question
Rio de Janeiro, qui sont des espaces ouverts à la ville et offrent plusieurs paux arguments des habitants pour expliquer leur déménagement est la
accès, les invasoes sont des milieux d’habitat confinés, dont l’entrée peut Dans les invasoes et plus spécialement dans le Palace, l’un des princi-
être contrôlée par un gardien. des années.
La copropriété de fait est ainsi une alternative pour les habitants de formations qui ont autant touché les favelas que le reste de la ville au fil
la favela qui souhaitent se soustraire à la violence, alternative analogue souhaitent quitter la favela. Cette demande est le reflet de certaines trans-
à ce que sont les copropriétés fermées pour les habitants des couches point de vue, elles répondent à une demande de la part des habitants qui
moyennes et supérieures de Rio de Janeiro. Certes, la présence des murs
et des gardiens sont des éléments qui assurent la protection des habitants,
mais c’est surtout la gestion de la milicia qui garantit la sécurité au sein 199 Maira Machado-Martins
de l’invasoa.

de l’invasoa.
Maira Machado-Martins 199 mais c’est surtout la gestion de la milicia qui garantit la sécurité au sein
et des gardiens sont des éléments qui assurent la protection des habitants,
moyennes et supérieures de Rio de Janeiro. Certes, la présence des murs
point de vue, elles répondent à une demande de la part des habitants qui à ce que sont les copropriétés fermées pour les habitants des couches
souhaitent quitter la favela. Cette demande est le reflet de certaines trans- la favela qui souhaitent se soustraire à la violence, alternative analogue
formations qui ont autant touché les favelas que le reste de la ville au fil La copropriété de fait est ainsi une alternative pour les habitants de
des années. être contrôlée par un gardien.
Dans les invasoes et plus spécialement dans le Palace, l’un des princi- accès, les invasoes sont des milieux d’habitat confinés, dont l’entrée peut
paux arguments des habitants pour expliquer leur déménagement est la Rio de Janeiro, qui sont des espaces ouverts à la ville et offrent plusieurs
violence vécue dans la favela d’origine. Pour cette population, la question et la circulation incontrôlée. À l’inverse d’une grande partie des favelas de
de la sécurité prend une autre forme que pour les couches moyennes et murs permet un contrôle plus efficace de l’espace en empêchant la fuite
riches qui cherchent à habiter des copropriétés fermées. Elle ne répond des « indésirables », les narcotrafiquants en l’occurrence. La présence des
pas seulement à une crainte mais fait suite à une violence effectivement copropriétés de la ville formelle, les invasoes protègent leurs habitants
vécue au quotidien. Le contact permanent avec les trafiquants de drogue, car associés à la production de cette violence urbaine. Comme dans les
la présence d’armes et de tous types de stupéfiants dans les favelas est une est aussi une manière de se garder des groupes sociaux jugés indésirables
cause évidente d’inquiétude des parents à l’égard de leurs enfants. Cette protection contre tout type de violence issue de la ville. La sécurisation
population doit faire face à deux craintes majeures. La première concerne d’habitat. Les murs sont considérés comme des frontières et comme une
la vie quotidienne : être touché par une « balle perdue ». La deuxième priétés fermées  ; elle est souvent évoquée dans les textes sur ce type
porte sur les effets à long terme du contact inévitable et permanent des La sécurisation est aussi parmi les principales raisons d’être des copro-
enfants avec les trafiquants, qui peut les amener à utiliser ces drogues, à la milicia, son responsable aurait « de très gros ennuis ».
être enrôlés dans les gangs ou, pour les jeunes filles, à être séduites par les avait lieu à l’intérieur de l’invasao ou même dans le périmètre d’action de
narcotrafiquants. Étant donné la situation et les intérêts de la milicia, la aussi bien que Marcia, syndic du condominio Barra Vela, assurent que si elle
règle établie dans les trois invasoes, qui interdit la circulation et l’utilisation faire respecter. Sa transgression amène des sanctions violentes  : Silvio
des drogues illicites, est respectée et valorisée par les habitants. C’est une règle d’intérêt collectif que la grande majorité de la population souhaite
règle d’intérêt collectif que la grande majorité de la population souhaite des drogues illicites, est respectée et valorisée par les habitants. C’est une
faire respecter. Sa transgression amène des sanctions violentes  : Silvio règle établie dans les trois invasoes, qui interdit la circulation et l’utilisation
aussi bien que Marcia, syndic du condominio Barra Vela, assurent que si elle narcotrafiquants. Étant donné la situation et les intérêts de la milicia, la
avait lieu à l’intérieur de l’invasao ou même dans le périmètre d’action de être enrôlés dans les gangs ou, pour les jeunes filles, à être séduites par les
la milicia, son responsable aurait « de très gros ennuis ». enfants avec les trafiquants, qui peut les amener à utiliser ces drogues, à
La sécurisation est aussi parmi les principales raisons d’être des copro- porte sur les effets à long terme du contact inévitable et permanent des
priétés fermées  ; elle est souvent évoquée dans les textes sur ce type la vie quotidienne : être touché par une « balle perdue ». La deuxième
d’habitat. Les murs sont considérés comme des frontières et comme une population doit faire face à deux craintes majeures. La première concerne
protection contre tout type de violence issue de la ville. La sécurisation cause évidente d’inquiétude des parents à l’égard de leurs enfants. Cette
est aussi une manière de se garder des groupes sociaux jugés indésirables la présence d’armes et de tous types de stupéfiants dans les favelas est une
car associés à la production de cette violence urbaine. Comme dans les vécue au quotidien. Le contact permanent avec les trafiquants de drogue,
copropriétés de la ville formelle, les invasoes protègent leurs habitants pas seulement à une crainte mais fait suite à une violence effectivement
des « indésirables », les narcotrafiquants en l’occurrence. La présence des riches qui cherchent à habiter des copropriétés fermées. Elle ne répond
murs permet un contrôle plus efficace de l’espace en empêchant la fuite de la sécurité prend une autre forme que pour les couches moyennes et
et la circulation incontrôlée. À l’inverse d’une grande partie des favelas de violence vécue dans la favela d’origine. Pour cette population, la question
Rio de Janeiro, qui sont des espaces ouverts à la ville et offrent plusieurs paux arguments des habitants pour expliquer leur déménagement est la
accès, les invasoes sont des milieux d’habitat confinés, dont l’entrée peut Dans les invasoes et plus spécialement dans le Palace, l’un des princi-
être contrôlée par un gardien. des années.
La copropriété de fait est ainsi une alternative pour les habitants de formations qui ont autant touché les favelas que le reste de la ville au fil
la favela qui souhaitent se soustraire à la violence, alternative analogue souhaitent quitter la favela. Cette demande est le reflet de certaines trans-
à ce que sont les copropriétés fermées pour les habitants des couches point de vue, elles répondent à une demande de la part des habitants qui
moyennes et supérieures de Rio de Janeiro. Certes, la présence des murs
et des gardiens sont des éléments qui assurent la protection des habitants,
mais c’est surtout la gestion de la milicia qui garantit la sécurité au sein 199 Maira Machado-Martins
de l’invasoa.
milieux d’habitat – les copropriétés fermées et les favelas –, et au niveau
s’établissent au niveau de l’espace urbain, notamment par la proximité des 200 Logement populaire et transformations socio-urbaines
tensions plus fréquentes qu’elle entraîne (Elias, 1939, 1990) ? Ces contacts
croissante des différentes couches sociales, des contacts plus étroits et des
un processus de circulation de modèles, en raison de l’interdépendance UN RÉVÉLATEUR DES TRANSFORMATIONS URBAINES
urbaine et les nouveaux rapports qu’elle induit peuvent-ils engendrer
clivages entre les groupes sociaux qui la composent. Cette transformation La sécurisation est un élément moteur des processus de transformation
construit de la ville, constitué de formes d’habitat opposées, et renforce les urbaine au niveau mondial. Dans différentes métropoles, la privatisation
Cette dichotomie extrême génère de nouveaux rapports à l’espace et la fermeture d’espaces transforment le modèle urbain ; elles altèrent les
fréquemment le système de sécurité imposé par les copropriétés fermées. valeurs d’ouverture et de liberté de circulation aussi bien que les inter-
un point parfois assez impressionnant. De plus, cette population subit actions anonymes et impersonnelles entre individus et groupes sociaux. Si
son lieu de travail, accentuant ainsi la dichotomie de l’espace urbain à l’intensité de ce phénomène varie d’une ville à l’autre, les signes de cette
travaille pour les groupes les plus riches – cherche à s’installer à côté de transformation sont souvent les mêmes : la construction de clôtures, la
installées les copropriétés fermées, du fait que la population pauvre – qui mise à distance des autres groupes par les couches sociales les plus aisées, la
et à São Paulo, la main-d’œuvre réside dans le quartier même où sont privatisation des espaces publics, l’expansion des technologies de vigilance
tiers populaires voisins. Dans certains cas, par exemple à Rio de Janeiro et de sécurité qui fragmentent de plus en plus l’espace urbain. Tous ces
grand nombre, le personnel de service est souvent recruté dans les quar- éléments contribuent à diviser les groupes sociaux et à changer le carac-
ensembles résidentiels fermés se sont développés à grande vitesse et en tère de la vie publique, à rebours des idéaux modernes de vie urbaine :
priétés fermées de luxe cohabitent avec les favelas. Dans les villes où les l’ouverture, l’hétérogénéité et l’égalité (Caldeira, 2000). À cela s’ajoute la
urbain, résultat des lourdes inégalités socio-économiques  : les copro- progression de la « société du risque », fortement inégalitaire, qui pousse
villes du monde, il crée au Brésil une véritable dichotomie dans l’espace les individus à se protéger. Elle est notamment marquée par la montée
Si ce modèle de privatisation s’affirme actuellement dans plusieurs en puissance de l’autonomisation et de l’individualisation, la diminution
plus aisées est décidée par le secteur privé. du contrôle social exercé par les institutions et la vulnérabilité croissante
et où la production des espaces urbains résidentiels pour les couches les des individus, puisque le risque n’est plus couvert de manière collective
en place, où les pouvoirs publics font eux-mêmes le choix du laisser-faire (Beck, 1986, 2001). Une nouvelle forme de fabrication de la ville se met
(Beck, 1986, 2001). Une nouvelle forme de fabrication de la ville se met en place, où les pouvoirs publics font eux-mêmes le choix du laisser-faire
des individus, puisque le risque n’est plus couvert de manière collective et où la production des espaces urbains résidentiels pour les couches les
du contrôle social exercé par les institutions et la vulnérabilité croissante plus aisées est décidée par le secteur privé.
en puissance de l’autonomisation et de l’individualisation, la diminution Si ce modèle de privatisation s’affirme actuellement dans plusieurs
les individus à se protéger. Elle est notamment marquée par la montée villes du monde, il crée au Brésil une véritable dichotomie dans l’espace
progression de la « société du risque », fortement inégalitaire, qui pousse urbain, résultat des lourdes inégalités socio-économiques  : les copro-
l’ouverture, l’hétérogénéité et l’égalité (Caldeira, 2000). À cela s’ajoute la priétés fermées de luxe cohabitent avec les favelas. Dans les villes où les
tère de la vie publique, à rebours des idéaux modernes de vie urbaine : ensembles résidentiels fermés se sont développés à grande vitesse et en
éléments contribuent à diviser les groupes sociaux et à changer le carac- grand nombre, le personnel de service est souvent recruté dans les quar-
et de sécurité qui fragmentent de plus en plus l’espace urbain. Tous ces tiers populaires voisins. Dans certains cas, par exemple à Rio de Janeiro
privatisation des espaces publics, l’expansion des technologies de vigilance et à São Paulo, la main-d’œuvre réside dans le quartier même où sont
mise à distance des autres groupes par les couches sociales les plus aisées, la installées les copropriétés fermées, du fait que la population pauvre – qui
transformation sont souvent les mêmes : la construction de clôtures, la travaille pour les groupes les plus riches – cherche à s’installer à côté de
l’intensité de ce phénomène varie d’une ville à l’autre, les signes de cette son lieu de travail, accentuant ainsi la dichotomie de l’espace urbain à
actions anonymes et impersonnelles entre individus et groupes sociaux. Si un point parfois assez impressionnant. De plus, cette population subit
valeurs d’ouverture et de liberté de circulation aussi bien que les inter- fréquemment le système de sécurité imposé par les copropriétés fermées.
et la fermeture d’espaces transforment le modèle urbain ; elles altèrent les Cette dichotomie extrême génère de nouveaux rapports à l’espace
urbaine au niveau mondial. Dans différentes métropoles, la privatisation construit de la ville, constitué de formes d’habitat opposées, et renforce les
La sécurisation est un élément moteur des processus de transformation clivages entre les groupes sociaux qui la composent. Cette transformation
urbaine et les nouveaux rapports qu’elle induit peuvent-ils engendrer
UN RÉVÉLATEUR DES TRANSFORMATIONS URBAINES un processus de circulation de modèles, en raison de l’interdépendance
croissante des différentes couches sociales, des contacts plus étroits et des
tensions plus fréquentes qu’elle entraîne (Elias, 1939, 1990) ? Ces contacts
Logement populaire et transformations socio-urbaines 200 s’établissent au niveau de l’espace urbain, notamment par la proximité des
milieux d’habitat – les copropriétés fermées et les favelas –, et au niveau

milieux d’habitat – les copropriétés fermées et les favelas –, et au niveau


s’établissent au niveau de l’espace urbain, notamment par la proximité des 200 Logement populaire et transformations socio-urbaines
tensions plus fréquentes qu’elle entraîne (Elias, 1939, 1990) ? Ces contacts
croissante des différentes couches sociales, des contacts plus étroits et des
un processus de circulation de modèles, en raison de l’interdépendance UN RÉVÉLATEUR DES TRANSFORMATIONS URBAINES
urbaine et les nouveaux rapports qu’elle induit peuvent-ils engendrer
clivages entre les groupes sociaux qui la composent. Cette transformation La sécurisation est un élément moteur des processus de transformation
construit de la ville, constitué de formes d’habitat opposées, et renforce les urbaine au niveau mondial. Dans différentes métropoles, la privatisation
Cette dichotomie extrême génère de nouveaux rapports à l’espace et la fermeture d’espaces transforment le modèle urbain ; elles altèrent les
fréquemment le système de sécurité imposé par les copropriétés fermées. valeurs d’ouverture et de liberté de circulation aussi bien que les inter-
un point parfois assez impressionnant. De plus, cette population subit actions anonymes et impersonnelles entre individus et groupes sociaux. Si
son lieu de travail, accentuant ainsi la dichotomie de l’espace urbain à l’intensité de ce phénomène varie d’une ville à l’autre, les signes de cette
travaille pour les groupes les plus riches – cherche à s’installer à côté de transformation sont souvent les mêmes : la construction de clôtures, la
installées les copropriétés fermées, du fait que la population pauvre – qui mise à distance des autres groupes par les couches sociales les plus aisées, la
et à São Paulo, la main-d’œuvre réside dans le quartier même où sont privatisation des espaces publics, l’expansion des technologies de vigilance
tiers populaires voisins. Dans certains cas, par exemple à Rio de Janeiro et de sécurité qui fragmentent de plus en plus l’espace urbain. Tous ces
grand nombre, le personnel de service est souvent recruté dans les quar- éléments contribuent à diviser les groupes sociaux et à changer le carac-
ensembles résidentiels fermés se sont développés à grande vitesse et en tère de la vie publique, à rebours des idéaux modernes de vie urbaine :
priétés fermées de luxe cohabitent avec les favelas. Dans les villes où les l’ouverture, l’hétérogénéité et l’égalité (Caldeira, 2000). À cela s’ajoute la
urbain, résultat des lourdes inégalités socio-économiques  : les copro- progression de la « société du risque », fortement inégalitaire, qui pousse
villes du monde, il crée au Brésil une véritable dichotomie dans l’espace les individus à se protéger. Elle est notamment marquée par la montée
Si ce modèle de privatisation s’affirme actuellement dans plusieurs en puissance de l’autonomisation et de l’individualisation, la diminution
plus aisées est décidée par le secteur privé. du contrôle social exercé par les institutions et la vulnérabilité croissante
et où la production des espaces urbains résidentiels pour les couches les des individus, puisque le risque n’est plus couvert de manière collective
en place, où les pouvoirs publics font eux-mêmes le choix du laisser-faire (Beck, 1986, 2001). Une nouvelle forme de fabrication de la ville se met
(Beck, 1986, 2001). Une nouvelle forme de fabrication de la ville se met en place, où les pouvoirs publics font eux-mêmes le choix du laisser-faire
des individus, puisque le risque n’est plus couvert de manière collective et où la production des espaces urbains résidentiels pour les couches les
du contrôle social exercé par les institutions et la vulnérabilité croissante plus aisées est décidée par le secteur privé.
en puissance de l’autonomisation et de l’individualisation, la diminution Si ce modèle de privatisation s’affirme actuellement dans plusieurs
les individus à se protéger. Elle est notamment marquée par la montée villes du monde, il crée au Brésil une véritable dichotomie dans l’espace
progression de la « société du risque », fortement inégalitaire, qui pousse urbain, résultat des lourdes inégalités socio-économiques  : les copro-
l’ouverture, l’hétérogénéité et l’égalité (Caldeira, 2000). À cela s’ajoute la priétés fermées de luxe cohabitent avec les favelas. Dans les villes où les
tère de la vie publique, à rebours des idéaux modernes de vie urbaine : ensembles résidentiels fermés se sont développés à grande vitesse et en
éléments contribuent à diviser les groupes sociaux et à changer le carac- grand nombre, le personnel de service est souvent recruté dans les quar-
et de sécurité qui fragmentent de plus en plus l’espace urbain. Tous ces tiers populaires voisins. Dans certains cas, par exemple à Rio de Janeiro
privatisation des espaces publics, l’expansion des technologies de vigilance et à São Paulo, la main-d’œuvre réside dans le quartier même où sont
mise à distance des autres groupes par les couches sociales les plus aisées, la installées les copropriétés fermées, du fait que la population pauvre – qui
transformation sont souvent les mêmes : la construction de clôtures, la travaille pour les groupes les plus riches – cherche à s’installer à côté de
l’intensité de ce phénomène varie d’une ville à l’autre, les signes de cette son lieu de travail, accentuant ainsi la dichotomie de l’espace urbain à
actions anonymes et impersonnelles entre individus et groupes sociaux. Si un point parfois assez impressionnant. De plus, cette population subit
valeurs d’ouverture et de liberté de circulation aussi bien que les inter- fréquemment le système de sécurité imposé par les copropriétés fermées.
et la fermeture d’espaces transforment le modèle urbain ; elles altèrent les Cette dichotomie extrême génère de nouveaux rapports à l’espace
urbaine au niveau mondial. Dans différentes métropoles, la privatisation construit de la ville, constitué de formes d’habitat opposées, et renforce les
La sécurisation est un élément moteur des processus de transformation clivages entre les groupes sociaux qui la composent. Cette transformation
urbaine et les nouveaux rapports qu’elle induit peuvent-ils engendrer
UN RÉVÉLATEUR DES TRANSFORMATIONS URBAINES un processus de circulation de modèles, en raison de l’interdépendance
croissante des différentes couches sociales, des contacts plus étroits et des
tensions plus fréquentes qu’elle entraîne (Elias, 1939, 1990) ? Ces contacts
Logement populaire et transformations socio-urbaines 200 s’établissent au niveau de l’espace urbain, notamment par la proximité des
milieux d’habitat – les copropriétés fermées et les favelas –, et au niveau
les couches sociales les plus aisées.
tier Barra da Tijuca, qui accueille de nombreuses copropriétés fermées construites pour
Maira Machado-Martins 201 13. Le premier se réfère au condominio Palace II, démoli en 1998, et le deuxième, au quar-

les milicias prennent progressivement le « relais » des narcotrafiquants ; elles


de l’espace social, à partir des relations générées entre ces groupes sociaux imposant en contrepartie une autre forme de domination. Actuellement,
à l’intérieur des copropriétés fermées. Cette circulation des modèles ils exerçaient un pouvoir parallèle à l’État, en offrant une protection et en
semble s’affirmer lorsqu’on observe l’implantation des équipements à les gangs de trafiquants de drogue implantés dans ces milieux d’habitat où
l’intérieur du Palace tels que la piscine et le terrain de sports, ainsi que les Dans les favelas de Rio de Janeiro, ce système a d’abord été contrôlé par
noms donnés aux invasoes, comme le Palace et le condominio Barra Vela13. d’habitat populaire, un système de régulation propre s’est développé.
Nous rejoignons ici Guénola Capron : aisées. Les institutions étatiques ayant toujours été absentes des milieux
faisant adhérer à certains dispositifs proches de ceux des couches les plus
Ce sont les schémas de consommation et les modes de vie des couches urbain qui se répand et atteint les couches les plus défavorisées en les
sociales moyennes, voire moyennes-supérieures, qui tendent à s’impo- clôturés. La privatisation des espaces de la ville crée un nouveau modèle
ser comme référents sociaux et urbains, aussi pour les classes populaires, ser et la sécuriser, ils trouvent la solution dans les terrains abandonnés et
excluant les populations marginalisées qui n’y ont effectivement pas du favela étant un espace public, lorsque les habitants ne peuvent la privati-
tout accès. (Capron, 2006, p. 260) privé et protégé comme celui des couches aisées de la population. La
Les habitants des copropriétés de fait cherchent-ils à donner un nation des pouvoirs parallèles, recherchent un nouveau milieu d’habitat,
nouveau statut à l’habitat populaire, différent de celui des favelas ? Les couches sociales les moins aisées, qui ont toujours subi la domi-
à juguler la violence et à assurer la sécurité et l’ordre public. (Ibid., p. 252)
La progression de la violence à Rio de Janeiro ces dernières années a fonde injustice sociale et traduisent l’effondrement de la capacité de l’État
fait de l’enjeu sécuritaire un élément déterminant dans la production des fieux, l’impunité et la délégitimation de l’État de droit instaurent une pro-
milieux d’habitat fermés de deux groupes socio-économiques opposés. La collusion entre les forces de l’ordre, les trafiquants et les réseaux ma-
L’insécurité et la violence urbaines ont poussé à la construction et à l’ex-
pansion de copropriétés fermées par des murs et des barrières, contribuant protection des individus et de leurs biens :
à la fragmentation de l’espace urbain. Les institutions publiques laissent de plus en plus l’espace public à l’abandon et se retirent peu à peu de la
de plus en plus l’espace public à l’abandon et se retirent peu à peu de la à la fragmentation de l’espace urbain. Les institutions publiques laissent
protection des individus et de leurs biens : pansion de copropriétés fermées par des murs et des barrières, contribuant
L’insécurité et la violence urbaines ont poussé à la construction et à l’ex-
La collusion entre les forces de l’ordre, les trafiquants et les réseaux ma- milieux d’habitat fermés de deux groupes socio-économiques opposés.
fieux, l’impunité et la délégitimation de l’État de droit instaurent une pro- fait de l’enjeu sécuritaire un élément déterminant dans la production des
fonde injustice sociale et traduisent l’effondrement de la capacité de l’État La progression de la violence à Rio de Janeiro ces dernières années a
à juguler la violence et à assurer la sécurité et l’ordre public. (Ibid., p. 252)

Les couches sociales les moins aisées, qui ont toujours subi la domi- nouveau statut à l’habitat populaire, différent de celui des favelas ?
nation des pouvoirs parallèles, recherchent un nouveau milieu d’habitat, Les habitants des copropriétés de fait cherchent-ils à donner un
privé et protégé comme celui des couches aisées de la population. La
favela étant un espace public, lorsque les habitants ne peuvent la privati-
tout accès. (Capron, 2006, p. 260)
excluant les populations marginalisées qui n’y ont effectivement pas du
ser et la sécuriser, ils trouvent la solution dans les terrains abandonnés et ser comme référents sociaux et urbains, aussi pour les classes populaires,
clôturés. La privatisation des espaces de la ville crée un nouveau modèle sociales moyennes, voire moyennes-supérieures, qui tendent à s’impo-
urbain qui se répand et atteint les couches les plus défavorisées en les Ce sont les schémas de consommation et les modes de vie des couches
faisant adhérer à certains dispositifs proches de ceux des couches les plus
aisées. Les institutions étatiques ayant toujours été absentes des milieux Nous rejoignons ici Guénola Capron :
d’habitat populaire, un système de régulation propre s’est développé. noms donnés aux invasoes, comme le Palace et le condominio Barra Vela13.
Dans les favelas de Rio de Janeiro, ce système a d’abord été contrôlé par l’intérieur du Palace tels que la piscine et le terrain de sports, ainsi que les
les gangs de trafiquants de drogue implantés dans ces milieux d’habitat où semble s’affirmer lorsqu’on observe l’implantation des équipements à
ils exerçaient un pouvoir parallèle à l’État, en offrant une protection et en à l’intérieur des copropriétés fermées. Cette circulation des modèles
imposant en contrepartie une autre forme de domination. Actuellement, de l’espace social, à partir des relations générées entre ces groupes sociaux
les milicias prennent progressivement le « relais » des narcotrafiquants ; elles
13. Le premier se réfère au condominio Palace II, démoli en 1998, et le deuxième, au quar- 201 Maira Machado-Martins
tier Barra da Tijuca, qui accueille de nombreuses copropriétés fermées construites pour
les couches sociales les plus aisées.

les couches sociales les plus aisées.


tier Barra da Tijuca, qui accueille de nombreuses copropriétés fermées construites pour
Maira Machado-Martins 201 13. Le premier se réfère au condominio Palace II, démoli en 1998, et le deuxième, au quar-

les milicias prennent progressivement le « relais » des narcotrafiquants ; elles


de l’espace social, à partir des relations générées entre ces groupes sociaux imposant en contrepartie une autre forme de domination. Actuellement,
à l’intérieur des copropriétés fermées. Cette circulation des modèles ils exerçaient un pouvoir parallèle à l’État, en offrant une protection et en
semble s’affirmer lorsqu’on observe l’implantation des équipements à les gangs de trafiquants de drogue implantés dans ces milieux d’habitat où
l’intérieur du Palace tels que la piscine et le terrain de sports, ainsi que les Dans les favelas de Rio de Janeiro, ce système a d’abord été contrôlé par
noms donnés aux invasoes, comme le Palace et le condominio Barra Vela13. d’habitat populaire, un système de régulation propre s’est développé.
Nous rejoignons ici Guénola Capron : aisées. Les institutions étatiques ayant toujours été absentes des milieux
faisant adhérer à certains dispositifs proches de ceux des couches les plus
Ce sont les schémas de consommation et les modes de vie des couches urbain qui se répand et atteint les couches les plus défavorisées en les
sociales moyennes, voire moyennes-supérieures, qui tendent à s’impo- clôturés. La privatisation des espaces de la ville crée un nouveau modèle
ser comme référents sociaux et urbains, aussi pour les classes populaires, ser et la sécuriser, ils trouvent la solution dans les terrains abandonnés et
excluant les populations marginalisées qui n’y ont effectivement pas du favela étant un espace public, lorsque les habitants ne peuvent la privati-
tout accès. (Capron, 2006, p. 260) privé et protégé comme celui des couches aisées de la population. La
Les habitants des copropriétés de fait cherchent-ils à donner un nation des pouvoirs parallèles, recherchent un nouveau milieu d’habitat,
nouveau statut à l’habitat populaire, différent de celui des favelas ? Les couches sociales les moins aisées, qui ont toujours subi la domi-
à juguler la violence et à assurer la sécurité et l’ordre public. (Ibid., p. 252)
La progression de la violence à Rio de Janeiro ces dernières années a fonde injustice sociale et traduisent l’effondrement de la capacité de l’État
fait de l’enjeu sécuritaire un élément déterminant dans la production des fieux, l’impunité et la délégitimation de l’État de droit instaurent une pro-
milieux d’habitat fermés de deux groupes socio-économiques opposés. La collusion entre les forces de l’ordre, les trafiquants et les réseaux ma-
L’insécurité et la violence urbaines ont poussé à la construction et à l’ex-
pansion de copropriétés fermées par des murs et des barrières, contribuant protection des individus et de leurs biens :
à la fragmentation de l’espace urbain. Les institutions publiques laissent de plus en plus l’espace public à l’abandon et se retirent peu à peu de la
de plus en plus l’espace public à l’abandon et se retirent peu à peu de la à la fragmentation de l’espace urbain. Les institutions publiques laissent
protection des individus et de leurs biens : pansion de copropriétés fermées par des murs et des barrières, contribuant
L’insécurité et la violence urbaines ont poussé à la construction et à l’ex-
La collusion entre les forces de l’ordre, les trafiquants et les réseaux ma- milieux d’habitat fermés de deux groupes socio-économiques opposés.
fieux, l’impunité et la délégitimation de l’État de droit instaurent une pro- fait de l’enjeu sécuritaire un élément déterminant dans la production des
fonde injustice sociale et traduisent l’effondrement de la capacité de l’État La progression de la violence à Rio de Janeiro ces dernières années a
à juguler la violence et à assurer la sécurité et l’ordre public. (Ibid., p. 252)

Les couches sociales les moins aisées, qui ont toujours subi la domi- nouveau statut à l’habitat populaire, différent de celui des favelas ?
nation des pouvoirs parallèles, recherchent un nouveau milieu d’habitat, Les habitants des copropriétés de fait cherchent-ils à donner un
privé et protégé comme celui des couches aisées de la population. La
favela étant un espace public, lorsque les habitants ne peuvent la privati-
tout accès. (Capron, 2006, p. 260)
excluant les populations marginalisées qui n’y ont effectivement pas du
ser et la sécuriser, ils trouvent la solution dans les terrains abandonnés et ser comme référents sociaux et urbains, aussi pour les classes populaires,
clôturés. La privatisation des espaces de la ville crée un nouveau modèle sociales moyennes, voire moyennes-supérieures, qui tendent à s’impo-
urbain qui se répand et atteint les couches les plus défavorisées en les Ce sont les schémas de consommation et les modes de vie des couches
faisant adhérer à certains dispositifs proches de ceux des couches les plus
aisées. Les institutions étatiques ayant toujours été absentes des milieux Nous rejoignons ici Guénola Capron :
d’habitat populaire, un système de régulation propre s’est développé. noms donnés aux invasoes, comme le Palace et le condominio Barra Vela13.
Dans les favelas de Rio de Janeiro, ce système a d’abord été contrôlé par l’intérieur du Palace tels que la piscine et le terrain de sports, ainsi que les
les gangs de trafiquants de drogue implantés dans ces milieux d’habitat où semble s’affirmer lorsqu’on observe l’implantation des équipements à
ils exerçaient un pouvoir parallèle à l’État, en offrant une protection et en à l’intérieur des copropriétés fermées. Cette circulation des modèles
imposant en contrepartie une autre forme de domination. Actuellement, de l’espace social, à partir des relations générées entre ces groupes sociaux
les milicias prennent progressivement le « relais » des narcotrafiquants ; elles
13. Le premier se réfère au condominio Palace II, démoli en 1998, et le deuxième, au quar- 201 Maira Machado-Martins
tier Barra da Tijuca, qui accueille de nombreuses copropriétés fermées construites pour
les couches sociales les plus aisées.
de Janeiro, Editora FGV.
Zaluar Alba (2004), Integraçao perversa  : probreza e trafico de droga, Rio 202 Logement populaire et transformations socio-urbaines
de l’homme.
fiques et représentations virtuelles, Paris, Éditions de la Maison des sciences
— (2006), La Favela d’un siècle à l’autre : mythe d’origine, discours scienti- aussi exercent une forme de pouvoir parallèle à l’État, mais qui répond à
Université de Toulouse 2-Le Mirail. des codes et à des normes propres à leur organisation. Les copropriétés de
le cas des résidents des favelas à Rio de Janeiro, thèse de troisième cycle, fait en sont l’illustration : les organisations de pouvoir parallèle se déve-
Valladares Licia do Prado (1974), Opération de relogement et réponse sociale : loppent en accompagnant et en s’adaptant aux transformations urbaines.
das Letras.
segurança publica do Estado do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Companhia Bibliographie
Soares Luiz Eduardo (2000), Meu casaco de general : 500 dias no front da
de Janeiro, Rio de Janeiro, Paz e Terra. Beck Ulrich (1986, 2001), La Société du risque : sur la voie d’une autre mo-
Perlman Janice (1977), O mito da marginalidade : favelas e politica no Rio dernité, Laure Bernardi (trad.), Paris, Aubier.
« Caderno do CENPHA ». Caldeira Teresa Pires do Rio (2000), Cidade de muros : crime, segregaçao e
de  Janeiro, Pontificia Universidade Católica do Rio de  Janeiro, cidadania em São Paulo, Frank de Oliveira & Henrique Monteiro (trad.),
Parisse Luciano (1969), Favelas do Rio de  Janeiro  : evoluçao, sentido, Rio São Paulo, Editora da Universidade de São Paulo / Editora 34.
rotina nas favelas do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Nova Fronteira. Capron Guénola (dir.) (2006), Quand la ville se ferme : quartiers résidentiels
Machado da Silva Luiz Antonio (dir.) (2008), Vida sob cerco : violência e sécurisés, Rosny-sous-Bois, Éditions Bréal.
structure de confiance, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube. Certeau Michel de (1980), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris,
Lefeuvre Marie-Pierre (1999), La Copropriété en difficulté  : faillite d’une Union générale d’éditions.
FGV, p. 233-276. Certeau Michel de, Giard Luce & Mayol Pierre (1980), L’Invention du
de favela, Alba Zaluar & Marcos Alvito (dir.), Rio de Janeiro, Editora quotidien, 2. Habiter, cuisiner, Paris, Union générale d’éditions.
brasileira : ameaças à democratizaçao em nivel local », dans Um século Elias Norbert (1939, 1990), La Dynamique de l’Occident, Pierre Kamnitzer
Leeds Elizabeth (1998), « Cocaina e poderes paralelos na periferia urbana (trad.), Paris, Presses Pocket.
racter of Squatter Settlements”, América Latina, vol. 12, no 3, p. 44-86. Leeds Anthony (1969), “The Significant Variables Determining the Cha-
Leeds Anthony (1969), “The Significant Variables Determining the Cha- racter of Squatter Settlements”, América Latina, vol. 12, no 3, p. 44-86.
(trad.), Paris, Presses Pocket. Leeds Elizabeth (1998), « Cocaina e poderes paralelos na periferia urbana
Elias Norbert (1939, 1990), La Dynamique de l’Occident, Pierre Kamnitzer brasileira : ameaças à democratizaçao em nivel local », dans Um século
quotidien, 2. Habiter, cuisiner, Paris, Union générale d’éditions. de favela, Alba Zaluar & Marcos Alvito (dir.), Rio de Janeiro, Editora
Certeau Michel de, Giard Luce & Mayol Pierre (1980), L’Invention du FGV, p. 233-276.
Union générale d’éditions. Lefeuvre Marie-Pierre (1999), La Copropriété en difficulté  : faillite d’une
Certeau Michel de (1980), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris, structure de confiance, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.
sécurisés, Rosny-sous-Bois, Éditions Bréal. Machado da Silva Luiz Antonio (dir.) (2008), Vida sob cerco : violência e
Capron Guénola (dir.) (2006), Quand la ville se ferme : quartiers résidentiels rotina nas favelas do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Nova Fronteira.
São Paulo, Editora da Universidade de São Paulo / Editora 34. Parisse Luciano (1969), Favelas do Rio de  Janeiro  : evoluçao, sentido, Rio
cidadania em São Paulo, Frank de Oliveira & Henrique Monteiro (trad.), de  Janeiro, Pontificia Universidade Católica do Rio de  Janeiro,
Caldeira Teresa Pires do Rio (2000), Cidade de muros : crime, segregaçao e « Caderno do CENPHA ».
dernité, Laure Bernardi (trad.), Paris, Aubier. Perlman Janice (1977), O mito da marginalidade : favelas e politica no Rio
Beck Ulrich (1986, 2001), La Société du risque : sur la voie d’une autre mo- de Janeiro, Rio de Janeiro, Paz e Terra.
Soares Luiz Eduardo (2000), Meu casaco de general : 500 dias no front da
Bibliographie segurança publica do Estado do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Companhia
das Letras.
loppent en accompagnant et en s’adaptant aux transformations urbaines. Valladares Licia do Prado (1974), Opération de relogement et réponse sociale :
fait en sont l’illustration : les organisations de pouvoir parallèle se déve- le cas des résidents des favelas à Rio de Janeiro, thèse de troisième cycle,
des codes et à des normes propres à leur organisation. Les copropriétés de Université de Toulouse 2-Le Mirail.
aussi exercent une forme de pouvoir parallèle à l’État, mais qui répond à — (2006), La Favela d’un siècle à l’autre : mythe d’origine, discours scienti-
fiques et représentations virtuelles, Paris, Éditions de la Maison des sciences
de l’homme.
Logement populaire et transformations socio-urbaines 202 Zaluar Alba (2004), Integraçao perversa  : probreza e trafico de droga, Rio
de Janeiro, Editora FGV.

de Janeiro, Editora FGV.


Zaluar Alba (2004), Integraçao perversa  : probreza e trafico de droga, Rio 202 Logement populaire et transformations socio-urbaines
de l’homme.
fiques et représentations virtuelles, Paris, Éditions de la Maison des sciences
— (2006), La Favela d’un siècle à l’autre : mythe d’origine, discours scienti- aussi exercent une forme de pouvoir parallèle à l’État, mais qui répond à
Université de Toulouse 2-Le Mirail. des codes et à des normes propres à leur organisation. Les copropriétés de
le cas des résidents des favelas à Rio de Janeiro, thèse de troisième cycle, fait en sont l’illustration : les organisations de pouvoir parallèle se déve-
Valladares Licia do Prado (1974), Opération de relogement et réponse sociale : loppent en accompagnant et en s’adaptant aux transformations urbaines.
das Letras.
segurança publica do Estado do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Companhia Bibliographie
Soares Luiz Eduardo (2000), Meu casaco de general : 500 dias no front da
de Janeiro, Rio de Janeiro, Paz e Terra. Beck Ulrich (1986, 2001), La Société du risque : sur la voie d’une autre mo-
Perlman Janice (1977), O mito da marginalidade : favelas e politica no Rio dernité, Laure Bernardi (trad.), Paris, Aubier.
« Caderno do CENPHA ». Caldeira Teresa Pires do Rio (2000), Cidade de muros : crime, segregaçao e
de  Janeiro, Pontificia Universidade Católica do Rio de  Janeiro, cidadania em São Paulo, Frank de Oliveira & Henrique Monteiro (trad.),
Parisse Luciano (1969), Favelas do Rio de  Janeiro  : evoluçao, sentido, Rio São Paulo, Editora da Universidade de São Paulo / Editora 34.
rotina nas favelas do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Nova Fronteira. Capron Guénola (dir.) (2006), Quand la ville se ferme : quartiers résidentiels
Machado da Silva Luiz Antonio (dir.) (2008), Vida sob cerco : violência e sécurisés, Rosny-sous-Bois, Éditions Bréal.
structure de confiance, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube. Certeau Michel de (1980), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris,
Lefeuvre Marie-Pierre (1999), La Copropriété en difficulté  : faillite d’une Union générale d’éditions.
FGV, p. 233-276. Certeau Michel de, Giard Luce & Mayol Pierre (1980), L’Invention du
de favela, Alba Zaluar & Marcos Alvito (dir.), Rio de Janeiro, Editora quotidien, 2. Habiter, cuisiner, Paris, Union générale d’éditions.
brasileira : ameaças à democratizaçao em nivel local », dans Um século Elias Norbert (1939, 1990), La Dynamique de l’Occident, Pierre Kamnitzer
Leeds Elizabeth (1998), « Cocaina e poderes paralelos na periferia urbana (trad.), Paris, Presses Pocket.
racter of Squatter Settlements”, América Latina, vol. 12, no 3, p. 44-86. Leeds Anthony (1969), “The Significant Variables Determining the Cha-
Leeds Anthony (1969), “The Significant Variables Determining the Cha- racter of Squatter Settlements”, América Latina, vol. 12, no 3, p. 44-86.
(trad.), Paris, Presses Pocket. Leeds Elizabeth (1998), « Cocaina e poderes paralelos na periferia urbana
Elias Norbert (1939, 1990), La Dynamique de l’Occident, Pierre Kamnitzer brasileira : ameaças à democratizaçao em nivel local », dans Um século
quotidien, 2. Habiter, cuisiner, Paris, Union générale d’éditions. de favela, Alba Zaluar & Marcos Alvito (dir.), Rio de Janeiro, Editora
Certeau Michel de, Giard Luce & Mayol Pierre (1980), L’Invention du FGV, p. 233-276.
Union générale d’éditions. Lefeuvre Marie-Pierre (1999), La Copropriété en difficulté  : faillite d’une
Certeau Michel de (1980), L’Invention du quotidien, 1. Arts de faire, Paris, structure de confiance, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube.
sécurisés, Rosny-sous-Bois, Éditions Bréal. Machado da Silva Luiz Antonio (dir.) (2008), Vida sob cerco : violência e
Capron Guénola (dir.) (2006), Quand la ville se ferme : quartiers résidentiels rotina nas favelas do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Nova Fronteira.
São Paulo, Editora da Universidade de São Paulo / Editora 34. Parisse Luciano (1969), Favelas do Rio de  Janeiro  : evoluçao, sentido, Rio
cidadania em São Paulo, Frank de Oliveira & Henrique Monteiro (trad.), de  Janeiro, Pontificia Universidade Católica do Rio de  Janeiro,
Caldeira Teresa Pires do Rio (2000), Cidade de muros : crime, segregaçao e « Caderno do CENPHA ».
dernité, Laure Bernardi (trad.), Paris, Aubier. Perlman Janice (1977), O mito da marginalidade : favelas e politica no Rio
Beck Ulrich (1986, 2001), La Société du risque : sur la voie d’une autre mo- de Janeiro, Rio de Janeiro, Paz e Terra.
Soares Luiz Eduardo (2000), Meu casaco de general : 500 dias no front da
Bibliographie segurança publica do Estado do Rio de Janeiro, Rio de Janeiro, Companhia
das Letras.
loppent en accompagnant et en s’adaptant aux transformations urbaines. Valladares Licia do Prado (1974), Opération de relogement et réponse sociale :
fait en sont l’illustration : les organisations de pouvoir parallèle se déve- le cas des résidents des favelas à Rio de Janeiro, thèse de troisième cycle,
des codes et à des normes propres à leur organisation. Les copropriétés de Université de Toulouse 2-Le Mirail.
aussi exercent une forme de pouvoir parallèle à l’État, mais qui répond à — (2006), La Favela d’un siècle à l’autre : mythe d’origine, discours scienti-
fiques et représentations virtuelles, Paris, Éditions de la Maison des sciences
de l’homme.
Logement populaire et transformations socio-urbaines 202 Zaluar Alba (2004), Integraçao perversa  : probreza e trafico de droga, Rio
de Janeiro, Editora FGV.
des différents acteurs ayant affaire au monde social des copropriétés fermées à Buenos Aires.
4. Dans le cadre de ma thèse, j’ai mené une enquête de terrain entre 2005 et 2010 auprès
dans la revue Punto de Vista (certains sont repris dans Gorelik, 2004).
& Valentini (2005), Tella (2007) et des articles d’Adrián Gorelik sur les torres country parus
3. À propos de Buenos Aires, voir notamment les analyses de Ciccolella (1999), Guerra
2. Voir notamment Davis (1990, 2000), Blakely & Snyder (1997, 1999) et Caldeira (2000).
Sassen (1991, 1996) et de Manuel Castells (voir notamment Mollenkopf & Castells, 1992).
1. Les formulations les plus discutées de cette thèse ont certainement été celles de Saskia

FAIRE DE L’IMMEUBLE UNE «  COPROPRIÉTÉ FERMÉE  » :


GESTION ET CLASSEMENT RÉSIDENTIEL À BUENOS AIRES définitions et de classifications diverses. À Buenos Aires, une catégorie
privée et associés à l’idéaltype de l’enclave résidentielle font l’objet de
acteurs, toutes relatives. Les nouveaux immeubles issus de la promotion
Eleonora Elguezabal terrain montre que ces frontières sont conflictuelles, variables selon les
par les murs et les grilles qui entourent ces immeubles, mon enquête de
frontières sociales rigides, stables, facilement identifiables, matérialisées
LES TORRES, UN OBJET EN CONSTRUCTION n’en est rien : alors que la notion d’« enclave résidentielle » suppose des
sant la ville ? La démarche ethnographique4 m’a permis d’observer qu’il
Depuis le début des années 1990, la thèse d’une fragmentation, voire sont-ils devenus des frontières sociales structurantes, fragmentant et duali-
d’une dualisation urbaine liée à des changements de grande échelle – le urbaine3 ? En d’autres termes, les grilles et les murs de ces immeubles
« postmodernisme », la « globalisation » ou le « nouveau régime capi- typologiques, défendent la thèse de la fragmentation et de la dualisation
taliste », selon les auteurs1 – s’est largement développée. L’un de leurs ment les auteurs qui, dans des approches macrosociologiques et morpho-
principaux arguments est l’identification d’« enclaves urbaines », qu’il de « sécurité », y observe-t-on des « enclaves fortifiées » comme l’affir-
s’agisse d’enclaves de richesse « fortifiées » – appelées couramment gated nouveaux immeubles résidentiels de standing qui disposent de services
communities, à la suite des études sur les « enclaves fortifiées2 » nord- (Elguezabal, 2011) : si l’on mène une enquête ethnographique dans les
américaines – ou d’enclaves de pauvreté, considérées par certains auteurs tionne cette thèse en proposant un changement d’échelle d’analyse
comme de nouveaux « ghettos ». Ma recherche sur les « copropriétés fermées » à Buenos Aires ques-
Ma recherche sur les « copropriétés fermées » à Buenos Aires ques- comme de nouveaux « ghettos ».
tionne cette thèse en proposant un changement d’échelle d’analyse américaines – ou d’enclaves de pauvreté, considérées par certains auteurs
(Elguezabal, 2011) : si l’on mène une enquête ethnographique dans les communities, à la suite des études sur les « enclaves fortifiées2 » nord-
nouveaux immeubles résidentiels de standing qui disposent de services s’agisse d’enclaves de richesse « fortifiées » – appelées couramment gated
de « sécurité », y observe-t-on des « enclaves fortifiées » comme l’affir- principaux arguments est l’identification d’« enclaves urbaines », qu’il
ment les auteurs qui, dans des approches macrosociologiques et morpho- taliste », selon les auteurs1 – s’est largement développée. L’un de leurs
typologiques, défendent la thèse de la fragmentation et de la dualisation « postmodernisme », la « globalisation » ou le « nouveau régime capi-
urbaine3 ? En d’autres termes, les grilles et les murs de ces immeubles d’une dualisation urbaine liée à des changements de grande échelle – le
sont-ils devenus des frontières sociales structurantes, fragmentant et duali- Depuis le début des années 1990, la thèse d’une fragmentation, voire
sant la ville ? La démarche ethnographique4 m’a permis d’observer qu’il
n’en est rien : alors que la notion d’« enclave résidentielle » suppose des LES TORRES, UN OBJET EN CONSTRUCTION
frontières sociales rigides, stables, facilement identifiables, matérialisées
par les murs et les grilles qui entourent ces immeubles, mon enquête de
terrain montre que ces frontières sont conflictuelles, variables selon les Eleonora Elguezabal
acteurs, toutes relatives. Les nouveaux immeubles issus de la promotion
privée et associés à l’idéaltype de l’enclave résidentielle font l’objet de
définitions et de classifications diverses. À Buenos Aires, une catégorie GESTION ET CLASSEMENT RÉSIDENTIEL À BUENOS AIRES
FAIRE DE L’IMMEUBLE UNE «  COPROPRIÉTÉ FERMÉE  » :
1. Les formulations les plus discutées de cette thèse ont certainement été celles de Saskia
Sassen (1991, 1996) et de Manuel Castells (voir notamment Mollenkopf & Castells, 1992).
2. Voir notamment Davis (1990, 2000), Blakely & Snyder (1997, 1999) et Caldeira (2000).
3. À propos de Buenos Aires, voir notamment les analyses de Ciccolella (1999), Guerra
& Valentini (2005), Tella (2007) et des articles d’Adrián Gorelik sur les torres country parus
dans la revue Punto de Vista (certains sont repris dans Gorelik, 2004).
4. Dans le cadre de ma thèse, j’ai mené une enquête de terrain entre 2005 et 2010 auprès
des différents acteurs ayant affaire au monde social des copropriétés fermées à Buenos Aires.

des différents acteurs ayant affaire au monde social des copropriétés fermées à Buenos Aires.
4. Dans le cadre de ma thèse, j’ai mené une enquête de terrain entre 2005 et 2010 auprès
dans la revue Punto de Vista (certains sont repris dans Gorelik, 2004).
& Valentini (2005), Tella (2007) et des articles d’Adrián Gorelik sur les torres country parus
3. À propos de Buenos Aires, voir notamment les analyses de Ciccolella (1999), Guerra
2. Voir notamment Davis (1990, 2000), Blakely & Snyder (1997, 1999) et Caldeira (2000).
Sassen (1991, 1996) et de Manuel Castells (voir notamment Mollenkopf & Castells, 1992).
1. Les formulations les plus discutées de cette thèse ont certainement été celles de Saskia

FAIRE DE L’IMMEUBLE UNE «  COPROPRIÉTÉ FERMÉE  » :


GESTION ET CLASSEMENT RÉSIDENTIEL À BUENOS AIRES définitions et de classifications diverses. À Buenos Aires, une catégorie
privée et associés à l’idéaltype de l’enclave résidentielle font l’objet de
acteurs, toutes relatives. Les nouveaux immeubles issus de la promotion
Eleonora Elguezabal terrain montre que ces frontières sont conflictuelles, variables selon les
par les murs et les grilles qui entourent ces immeubles, mon enquête de
frontières sociales rigides, stables, facilement identifiables, matérialisées
LES TORRES, UN OBJET EN CONSTRUCTION n’en est rien : alors que la notion d’« enclave résidentielle » suppose des
sant la ville ? La démarche ethnographique4 m’a permis d’observer qu’il
Depuis le début des années 1990, la thèse d’une fragmentation, voire sont-ils devenus des frontières sociales structurantes, fragmentant et duali-
d’une dualisation urbaine liée à des changements de grande échelle – le urbaine3 ? En d’autres termes, les grilles et les murs de ces immeubles
« postmodernisme », la « globalisation » ou le « nouveau régime capi- typologiques, défendent la thèse de la fragmentation et de la dualisation
taliste », selon les auteurs1 – s’est largement développée. L’un de leurs ment les auteurs qui, dans des approches macrosociologiques et morpho-
principaux arguments est l’identification d’« enclaves urbaines », qu’il de « sécurité », y observe-t-on des « enclaves fortifiées » comme l’affir-
s’agisse d’enclaves de richesse « fortifiées » – appelées couramment gated nouveaux immeubles résidentiels de standing qui disposent de services
communities, à la suite des études sur les « enclaves fortifiées2 » nord- (Elguezabal, 2011) : si l’on mène une enquête ethnographique dans les
américaines – ou d’enclaves de pauvreté, considérées par certains auteurs tionne cette thèse en proposant un changement d’échelle d’analyse
comme de nouveaux « ghettos ». Ma recherche sur les « copropriétés fermées » à Buenos Aires ques-
Ma recherche sur les « copropriétés fermées » à Buenos Aires ques- comme de nouveaux « ghettos ».
tionne cette thèse en proposant un changement d’échelle d’analyse américaines – ou d’enclaves de pauvreté, considérées par certains auteurs
(Elguezabal, 2011) : si l’on mène une enquête ethnographique dans les communities, à la suite des études sur les « enclaves fortifiées2 » nord-
nouveaux immeubles résidentiels de standing qui disposent de services s’agisse d’enclaves de richesse « fortifiées » – appelées couramment gated
de « sécurité », y observe-t-on des « enclaves fortifiées » comme l’affir- principaux arguments est l’identification d’« enclaves urbaines », qu’il
ment les auteurs qui, dans des approches macrosociologiques et morpho- taliste », selon les auteurs1 – s’est largement développée. L’un de leurs
typologiques, défendent la thèse de la fragmentation et de la dualisation « postmodernisme », la « globalisation » ou le « nouveau régime capi-
urbaine3 ? En d’autres termes, les grilles et les murs de ces immeubles d’une dualisation urbaine liée à des changements de grande échelle – le
sont-ils devenus des frontières sociales structurantes, fragmentant et duali- Depuis le début des années 1990, la thèse d’une fragmentation, voire
sant la ville ? La démarche ethnographique4 m’a permis d’observer qu’il
n’en est rien : alors que la notion d’« enclave résidentielle » suppose des LES TORRES, UN OBJET EN CONSTRUCTION
frontières sociales rigides, stables, facilement identifiables, matérialisées
par les murs et les grilles qui entourent ces immeubles, mon enquête de
terrain montre que ces frontières sont conflictuelles, variables selon les Eleonora Elguezabal
acteurs, toutes relatives. Les nouveaux immeubles issus de la promotion
privée et associés à l’idéaltype de l’enclave résidentielle font l’objet de
définitions et de classifications diverses. À Buenos Aires, une catégorie GESTION ET CLASSEMENT RÉSIDENTIEL À BUENOS AIRES
FAIRE DE L’IMMEUBLE UNE «  COPROPRIÉTÉ FERMÉE  » :
1. Les formulations les plus discutées de cette thèse ont certainement été celles de Saskia
Sassen (1991, 1996) et de Manuel Castells (voir notamment Mollenkopf & Castells, 1992).
2. Voir notamment Davis (1990, 2000), Blakely & Snyder (1997, 1999) et Caldeira (2000).
3. À propos de Buenos Aires, voir notamment les analyses de Ciccolella (1999), Guerra
& Valentini (2005), Tella (2007) et des articles d’Adrián Gorelik sur les torres country parus
dans la revue Punto de Vista (certains sont repris dans Gorelik, 2004).
4. Dans le cadre de ma thèse, j’ai mené une enquête de terrain entre 2005 et 2010 auprès
des différents acteurs ayant affaire au monde social des copropriétés fermées à Buenos Aires.
généité sociale demeure (notamment dans les trajectoires résidentielles). À propos des
sociale par le prix de vente des appartements n’empêche pas qu’une certaine hétéro-
6. À la différence de ce que souligne Alain Morel (2004), l’existence d’une sélection 204 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
quage des frontières sociales et symboliques entre différentes catégories de copropriétés.
gated communities, voir notamment Glasze et al. (2006). Ce qui nous intéresse, c’est le mar-
(2004) et Lefeuvre (2006) ; à propos du débat sur la « privatisation » de l’espace dans les
tend à s’imposer sous le nom de torres ou de complejos, mais elle recouvre
différents objets et son usage est sujet à variation. L’analyse des conflits
et espace privé, comme l’ont fait d’autres études. Voir notamment Haumont & Morel
5. Il ne s’agit pas ici de s’interroger sur le marquage des frontières entre espace public
de catégorisation – à partir notamment de l’attention portée aux mots
nécessairement les mêmes attentes à l’égard de leur immeuble6 ; d’autre utilisés, dans l’esprit d’un projet de recherche sur les « mots de la ville »
sistance : d’une part, à l’intérieur, la résistance des habitants qui n’ont pas (Topalov et al., 2010) – m’a servi à reconstituer les différents enjeux et
Or cette revendication fait quotidiennement face à deux fronts de ré- espaces dans lesquels intervient la production négociée des frontières ré-
gieux. sidentielles autour de ces immeubles dits fermés.
commune avec les nouveaux immeubles bâtis dans des quartiers presti- Il s’agira ici de montrer que l’un des espaces où sont en jeu la caté-
quartier peu renommé où ils vivent, en revendiquant une appartenance gorisation et donc le marquage des frontières autour de ces nouveaux
un enjeu d’importance5 : c’est pour eux un moyen de se distinguer du immeubles dits fermés est celui de la gestion de copropriétés. Nous mon-
autres immeubles (des edificios comunes, des immeubles du commun), est trerons tout d’abord que cette gestion est un enjeu important pour les
complejo, en tant que marquage d’une frontière sociale par rapport aux habitants qui prétendent faire de leur immeuble une torre ou un complejo,
renom. Pour eux, la catégorisation de leur immeuble comme torre ou c’est-à-dire une copropriété fermée en tant qu’espace d’exception. Puis
nouveaux immeubles dits fermés situés dans des quartiers de moindre nous nous interrogerons sur l’articulation entre le marquage des fron-
privilégient sa localisation, c’est tout le contraire pour les habitants des tières autour des copropriétés fermées et la structure du marché de la
relativement peu d’importance à la particularité de leur immeuble et gestion de copropriétés.
issus de la promotion privée et situés dans les beaux quartiers accordent
catégorie : alors que les habitants des nouveaux immeubles « fermés » LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS COMME ENJEU DE CLASSEMENT RÉSIDENTIEL
la classification de ces nouveaux immeubles au sein d’une seule et même
de leurs localisations. Il existe pour cette raison un rapport différencié à Toutes les copropriétés fermées à Buenos Aires – c’est-à-dire les torres
une certaine hétérogénéité sociale entre elles, qui renvoie à la hiérarchie ou complejos – ne sont pas équivalentes. Mon enquête met en évidence
ou complejos – ne sont pas équivalentes. Mon enquête met en évidence une certaine hétérogénéité sociale entre elles, qui renvoie à la hiérarchie
Toutes les copropriétés fermées à Buenos Aires – c’est-à-dire les torres de leurs localisations. Il existe pour cette raison un rapport différencié à
la classification de ces nouveaux immeubles au sein d’une seule et même
LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS COMME ENJEU DE CLASSEMENT RÉSIDENTIEL catégorie : alors que les habitants des nouveaux immeubles « fermés »
issus de la promotion privée et situés dans les beaux quartiers accordent
gestion de copropriétés. relativement peu d’importance à la particularité de leur immeuble et
tières autour des copropriétés fermées et la structure du marché de la privilégient sa localisation, c’est tout le contraire pour les habitants des
nous nous interrogerons sur l’articulation entre le marquage des fron- nouveaux immeubles dits fermés situés dans des quartiers de moindre
c’est-à-dire une copropriété fermée en tant qu’espace d’exception. Puis renom. Pour eux, la catégorisation de leur immeuble comme torre ou
habitants qui prétendent faire de leur immeuble une torre ou un complejo, complejo, en tant que marquage d’une frontière sociale par rapport aux
trerons tout d’abord que cette gestion est un enjeu important pour les autres immeubles (des edificios comunes, des immeubles du commun), est
immeubles dits fermés est celui de la gestion de copropriétés. Nous mon- un enjeu d’importance5 : c’est pour eux un moyen de se distinguer du
gorisation et donc le marquage des frontières autour de ces nouveaux quartier peu renommé où ils vivent, en revendiquant une appartenance
Il s’agira ici de montrer que l’un des espaces où sont en jeu la caté- commune avec les nouveaux immeubles bâtis dans des quartiers presti-
sidentielles autour de ces immeubles dits fermés. gieux.
espaces dans lesquels intervient la production négociée des frontières ré- Or cette revendication fait quotidiennement face à deux fronts de ré-
(Topalov et al., 2010) – m’a servi à reconstituer les différents enjeux et sistance : d’une part, à l’intérieur, la résistance des habitants qui n’ont pas
utilisés, dans l’esprit d’un projet de recherche sur les « mots de la ville » nécessairement les mêmes attentes à l’égard de leur immeuble6 ; d’autre
de catégorisation – à partir notamment de l’attention portée aux mots
différents objets et son usage est sujet à variation. L’analyse des conflits 5. Il ne s’agit pas ici de s’interroger sur le marquage des frontières entre espace public
et espace privé, comme l’ont fait d’autres études. Voir notamment Haumont & Morel
(2004) et Lefeuvre (2006) ; à propos du débat sur la « privatisation » de l’espace dans les
tend à s’imposer sous le nom de torres ou de complejos, mais elle recouvre
gated communities, voir notamment Glasze et al. (2006). Ce qui nous intéresse, c’est le mar-
quage des frontières sociales et symboliques entre différentes catégories de copropriétés.
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 204 6. À la différence de ce que souligne Alain Morel (2004), l’existence d’une sélection
sociale par le prix de vente des appartements n’empêche pas qu’une certaine hétéro-
généité sociale demeure (notamment dans les trajectoires résidentielles). À propos des

généité sociale demeure (notamment dans les trajectoires résidentielles). À propos des
sociale par le prix de vente des appartements n’empêche pas qu’une certaine hétéro-
6. À la différence de ce que souligne Alain Morel (2004), l’existence d’une sélection 204 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
quage des frontières sociales et symboliques entre différentes catégories de copropriétés.
gated communities, voir notamment Glasze et al. (2006). Ce qui nous intéresse, c’est le mar-
(2004) et Lefeuvre (2006) ; à propos du débat sur la « privatisation » de l’espace dans les
tend à s’imposer sous le nom de torres ou de complejos, mais elle recouvre
différents objets et son usage est sujet à variation. L’analyse des conflits
et espace privé, comme l’ont fait d’autres études. Voir notamment Haumont & Morel
5. Il ne s’agit pas ici de s’interroger sur le marquage des frontières entre espace public
de catégorisation – à partir notamment de l’attention portée aux mots
nécessairement les mêmes attentes à l’égard de leur immeuble6 ; d’autre utilisés, dans l’esprit d’un projet de recherche sur les « mots de la ville »
sistance : d’une part, à l’intérieur, la résistance des habitants qui n’ont pas (Topalov et al., 2010) – m’a servi à reconstituer les différents enjeux et
Or cette revendication fait quotidiennement face à deux fronts de ré- espaces dans lesquels intervient la production négociée des frontières ré-
gieux. sidentielles autour de ces immeubles dits fermés.
commune avec les nouveaux immeubles bâtis dans des quartiers presti- Il s’agira ici de montrer que l’un des espaces où sont en jeu la caté-
quartier peu renommé où ils vivent, en revendiquant une appartenance gorisation et donc le marquage des frontières autour de ces nouveaux
un enjeu d’importance5 : c’est pour eux un moyen de se distinguer du immeubles dits fermés est celui de la gestion de copropriétés. Nous mon-
autres immeubles (des edificios comunes, des immeubles du commun), est trerons tout d’abord que cette gestion est un enjeu important pour les
complejo, en tant que marquage d’une frontière sociale par rapport aux habitants qui prétendent faire de leur immeuble une torre ou un complejo,
renom. Pour eux, la catégorisation de leur immeuble comme torre ou c’est-à-dire une copropriété fermée en tant qu’espace d’exception. Puis
nouveaux immeubles dits fermés situés dans des quartiers de moindre nous nous interrogerons sur l’articulation entre le marquage des fron-
privilégient sa localisation, c’est tout le contraire pour les habitants des tières autour des copropriétés fermées et la structure du marché de la
relativement peu d’importance à la particularité de leur immeuble et gestion de copropriétés.
issus de la promotion privée et situés dans les beaux quartiers accordent
catégorie : alors que les habitants des nouveaux immeubles « fermés » LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS COMME ENJEU DE CLASSEMENT RÉSIDENTIEL
la classification de ces nouveaux immeubles au sein d’une seule et même
de leurs localisations. Il existe pour cette raison un rapport différencié à Toutes les copropriétés fermées à Buenos Aires – c’est-à-dire les torres
une certaine hétérogénéité sociale entre elles, qui renvoie à la hiérarchie ou complejos – ne sont pas équivalentes. Mon enquête met en évidence
ou complejos – ne sont pas équivalentes. Mon enquête met en évidence une certaine hétérogénéité sociale entre elles, qui renvoie à la hiérarchie
Toutes les copropriétés fermées à Buenos Aires – c’est-à-dire les torres de leurs localisations. Il existe pour cette raison un rapport différencié à
la classification de ces nouveaux immeubles au sein d’une seule et même
LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS COMME ENJEU DE CLASSEMENT RÉSIDENTIEL catégorie : alors que les habitants des nouveaux immeubles « fermés »
issus de la promotion privée et situés dans les beaux quartiers accordent
gestion de copropriétés. relativement peu d’importance à la particularité de leur immeuble et
tières autour des copropriétés fermées et la structure du marché de la privilégient sa localisation, c’est tout le contraire pour les habitants des
nous nous interrogerons sur l’articulation entre le marquage des fron- nouveaux immeubles dits fermés situés dans des quartiers de moindre
c’est-à-dire une copropriété fermée en tant qu’espace d’exception. Puis renom. Pour eux, la catégorisation de leur immeuble comme torre ou
habitants qui prétendent faire de leur immeuble une torre ou un complejo, complejo, en tant que marquage d’une frontière sociale par rapport aux
trerons tout d’abord que cette gestion est un enjeu important pour les autres immeubles (des edificios comunes, des immeubles du commun), est
immeubles dits fermés est celui de la gestion de copropriétés. Nous mon- un enjeu d’importance5 : c’est pour eux un moyen de se distinguer du
gorisation et donc le marquage des frontières autour de ces nouveaux quartier peu renommé où ils vivent, en revendiquant une appartenance
Il s’agira ici de montrer que l’un des espaces où sont en jeu la caté- commune avec les nouveaux immeubles bâtis dans des quartiers presti-
sidentielles autour de ces immeubles dits fermés. gieux.
espaces dans lesquels intervient la production négociée des frontières ré- Or cette revendication fait quotidiennement face à deux fronts de ré-
(Topalov et al., 2010) – m’a servi à reconstituer les différents enjeux et sistance : d’une part, à l’intérieur, la résistance des habitants qui n’ont pas
utilisés, dans l’esprit d’un projet de recherche sur les « mots de la ville » nécessairement les mêmes attentes à l’égard de leur immeuble6 ; d’autre
de catégorisation – à partir notamment de l’attention portée aux mots
différents objets et son usage est sujet à variation. L’analyse des conflits 5. Il ne s’agit pas ici de s’interroger sur le marquage des frontières entre espace public
et espace privé, comme l’ont fait d’autres études. Voir notamment Haumont & Morel
(2004) et Lefeuvre (2006) ; à propos du débat sur la « privatisation » de l’espace dans les
tend à s’imposer sous le nom de torres ou de complejos, mais elle recouvre
gated communities, voir notamment Glasze et al. (2006). Ce qui nous intéresse, c’est le mar-
quage des frontières sociales et symboliques entre différentes catégories de copropriétés.
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 204 6. À la différence de ce que souligne Alain Morel (2004), l’existence d’une sélection
sociale par le prix de vente des appartements n’empêche pas qu’une certaine hétéro-
généité sociale demeure (notamment dans les trajectoires résidentielles). À propos des
modifiés afin de garantir l’anonymat des enquêtés.
9. Les noms des personnes, des immeubles et des gestionnaires de copropriétés ont été
Eleonora Elguezabal 205 d’enclaves dans lesquels sont engagés les habitants (p. 14).
propose la notion d’« enclavement » pour faire référence aux processus de production
gentrification comme le « travail » de certains acteurs, et celles de Capron (2006), qui
part, la résistance de ceux à qui le travail de gestion et de maintenance à notre compte les réflexions de Bidou-Zachariasen & Poltorak (2008), qui abordent la
est délégué, qui doivent le réaliser en accord avec les attentes des copro-
8. Dans la formulation de cette notion de « travail d’enclavement », nous avons repris

priétaires – en particulier le gestionnaire de la copropriété7. Les gestion-


et qui embauche et dirige les employés en son nom.
administre et dispose des fonds de la copropriété pour assurer son bon fonctionnement,
naires de copropriétés peuvent être assimilés à des maîtres de « magie trador, qui représente la copropriété auprès des autorités publiques ou d’autres tiers, qui
sociale » (Bourdieu, 1975), dans la mesure où ils ont pour mandat de re- du travail dans les immeubles en copropriété avec la création de la fonction d’adminis-
produire (ou même d’améliorer) la valeur symbolique et économique des 7. La loi no 13.512 dite de propiedad horizontal (de copropriété) réglemente l’organisation
immeubles dont ils ont la charge. Cependant, il s’avère difficile de faire en proximité spatiale, voir Chamboredon & Lemaire (1970).
sorte que le gestionnaire et les employés de la copropriété acceptent
conflits relevant de l’hétérogénéité sociale en termes de trajectoires dans les situations de

les exigences des habitants qui revendiquent le fait d’habiter un immeuble


d’exception et qu’ils permettent à leurs prétentions de devenir réalité : les tion. Cependant, Eduardo Mazzini ne présente ni les dispositions, ni les
ressources dont disposent ces torres ou complejos des quartiers de moindre célèbres torres et complejos qui l’avaient administrée depuis son inaugura-
renom étant limitées, ils sont souvent contraints d’embaucher des gestion- tier, Eduardo Mazzini, et ainsi d’abandonner les gestionnaires chargés de
naires locaux habitués à administrer les immeubles du quartier, desquels la copropriété a été contrainte d’embaucher un gestionnaire du quar-
justement ces habitants cherchent à se distinguer. Ceux qui souhaitent équivalent. Au milieu des années 2000, pour des raisons économiques,
faire de leur immeuble une torre ou un complejo pour le distinguer de la dans des appartements plus grands situés dans des immeubles de standing
sorte doivent alors s’engager personnellement dans la gestion de leur co- ment de la copropriété, puisque ces habitants n’ont pas pu emménager
propriété afin de suppléer les « défauts » du gestionnaire et prendre ainsi tements de trois pièces – transformation qui marque un relatif déclasse-
en charge ce que l’on pourrait appeler un « travail d’enclavement8 ». lofts, que les jeunes habitants devenus parents ont transformés en appar-
C’est ce qui arrive à Jardín de Núñez9. Situé dans le quartier de lectif, bar et salle de réunion. La plupart de ses 154 appartements sont des
Núñez (un quartier moyennement aisé mais proche des beaux quartiers vers tels que sécurité 24 h / 24, salle de gym, laverie, piscine, jardin col-
du Nord de la ville), Jardín de Núñez est une copropriété issue de la promotion privée qui a été inaugurée en 1999 et dispose de services di-
promotion privée qui a été inaugurée en 1999 et dispose de services di- du Nord de la ville), Jardín de Núñez est une copropriété issue de la
vers tels que sécurité 24 h / 24, salle de gym, laverie, piscine, jardin col- Núñez (un quartier moyennement aisé mais proche des beaux quartiers
lectif, bar et salle de réunion. La plupart de ses 154 appartements sont des C’est ce qui arrive à Jardín de Núñez9. Situé dans le quartier de
lofts, que les jeunes habitants devenus parents ont transformés en appar- en charge ce que l’on pourrait appeler un « travail d’enclavement8 ».
tements de trois pièces – transformation qui marque un relatif déclasse- propriété afin de suppléer les « défauts » du gestionnaire et prendre ainsi
ment de la copropriété, puisque ces habitants n’ont pas pu emménager sorte doivent alors s’engager personnellement dans la gestion de leur co-
dans des appartements plus grands situés dans des immeubles de standing faire de leur immeuble une torre ou un complejo pour le distinguer de la
équivalent. Au milieu des années 2000, pour des raisons économiques, justement ces habitants cherchent à se distinguer. Ceux qui souhaitent
la copropriété a été contrainte d’embaucher un gestionnaire du quar- naires locaux habitués à administrer les immeubles du quartier, desquels
tier, Eduardo Mazzini, et ainsi d’abandonner les gestionnaires chargés de renom étant limitées, ils sont souvent contraints d’embaucher des gestion-
célèbres torres et complejos qui l’avaient administrée depuis son inaugura- ressources dont disposent ces torres ou complejos des quartiers de moindre
tion. Cependant, Eduardo Mazzini ne présente ni les dispositions, ni les d’exception et qu’ils permettent à leurs prétentions de devenir réalité : les
les exigences des habitants qui revendiquent le fait d’habiter un immeuble
sorte que le gestionnaire et les employés de la copropriété acceptent
conflits relevant de l’hétérogénéité sociale en termes de trajectoires dans les situations de
proximité spatiale, voir Chamboredon & Lemaire (1970). immeubles dont ils ont la charge. Cependant, il s’avère difficile de faire en
7. La loi no 13.512 dite de propiedad horizontal (de copropriété) réglemente l’organisation produire (ou même d’améliorer) la valeur symbolique et économique des
du travail dans les immeubles en copropriété avec la création de la fonction d’adminis- sociale » (Bourdieu, 1975), dans la mesure où ils ont pour mandat de re-
trador, qui représente la copropriété auprès des autorités publiques ou d’autres tiers, qui naires de copropriétés peuvent être assimilés à des maîtres de « magie
administre et dispose des fonds de la copropriété pour assurer son bon fonctionnement, priétaires – en particulier le gestionnaire de la copropriété7. Les gestion-
et qui embauche et dirige les employés en son nom.
est délégué, qui doivent le réaliser en accord avec les attentes des copro-
8. Dans la formulation de cette notion de « travail d’enclavement », nous avons repris
à notre compte les réflexions de Bidou-Zachariasen & Poltorak (2008), qui abordent la
part, la résistance de ceux à qui le travail de gestion et de maintenance
gentrification comme le « travail » de certains acteurs, et celles de Capron (2006), qui
propose la notion d’« enclavement » pour faire référence aux processus de production
d’enclaves dans lesquels sont engagés les habitants (p. 14). 205 Eleonora Elguezabal
9. Les noms des personnes, des immeubles et des gestionnaires de copropriétés ont été
modifiés afin de garantir l’anonymat des enquêtés.

modifiés afin de garantir l’anonymat des enquêtés.


9. Les noms des personnes, des immeubles et des gestionnaires de copropriétés ont été
Eleonora Elguezabal 205 d’enclaves dans lesquels sont engagés les habitants (p. 14).
propose la notion d’« enclavement » pour faire référence aux processus de production
gentrification comme le « travail » de certains acteurs, et celles de Capron (2006), qui
part, la résistance de ceux à qui le travail de gestion et de maintenance à notre compte les réflexions de Bidou-Zachariasen & Poltorak (2008), qui abordent la
est délégué, qui doivent le réaliser en accord avec les attentes des copro-
8. Dans la formulation de cette notion de « travail d’enclavement », nous avons repris

priétaires – en particulier le gestionnaire de la copropriété7. Les gestion-


et qui embauche et dirige les employés en son nom.
administre et dispose des fonds de la copropriété pour assurer son bon fonctionnement,
naires de copropriétés peuvent être assimilés à des maîtres de « magie trador, qui représente la copropriété auprès des autorités publiques ou d’autres tiers, qui
sociale » (Bourdieu, 1975), dans la mesure où ils ont pour mandat de re- du travail dans les immeubles en copropriété avec la création de la fonction d’adminis-
produire (ou même d’améliorer) la valeur symbolique et économique des 7. La loi no 13.512 dite de propiedad horizontal (de copropriété) réglemente l’organisation
immeubles dont ils ont la charge. Cependant, il s’avère difficile de faire en proximité spatiale, voir Chamboredon & Lemaire (1970).
sorte que le gestionnaire et les employés de la copropriété acceptent
conflits relevant de l’hétérogénéité sociale en termes de trajectoires dans les situations de

les exigences des habitants qui revendiquent le fait d’habiter un immeuble


d’exception et qu’ils permettent à leurs prétentions de devenir réalité : les tion. Cependant, Eduardo Mazzini ne présente ni les dispositions, ni les
ressources dont disposent ces torres ou complejos des quartiers de moindre célèbres torres et complejos qui l’avaient administrée depuis son inaugura-
renom étant limitées, ils sont souvent contraints d’embaucher des gestion- tier, Eduardo Mazzini, et ainsi d’abandonner les gestionnaires chargés de
naires locaux habitués à administrer les immeubles du quartier, desquels la copropriété a été contrainte d’embaucher un gestionnaire du quar-
justement ces habitants cherchent à se distinguer. Ceux qui souhaitent équivalent. Au milieu des années 2000, pour des raisons économiques,
faire de leur immeuble une torre ou un complejo pour le distinguer de la dans des appartements plus grands situés dans des immeubles de standing
sorte doivent alors s’engager personnellement dans la gestion de leur co- ment de la copropriété, puisque ces habitants n’ont pas pu emménager
propriété afin de suppléer les « défauts » du gestionnaire et prendre ainsi tements de trois pièces – transformation qui marque un relatif déclasse-
en charge ce que l’on pourrait appeler un « travail d’enclavement8 ». lofts, que les jeunes habitants devenus parents ont transformés en appar-
C’est ce qui arrive à Jardín de Núñez9. Situé dans le quartier de lectif, bar et salle de réunion. La plupart de ses 154 appartements sont des
Núñez (un quartier moyennement aisé mais proche des beaux quartiers vers tels que sécurité 24 h / 24, salle de gym, laverie, piscine, jardin col-
du Nord de la ville), Jardín de Núñez est une copropriété issue de la promotion privée qui a été inaugurée en 1999 et dispose de services di-
promotion privée qui a été inaugurée en 1999 et dispose de services di- du Nord de la ville), Jardín de Núñez est une copropriété issue de la
vers tels que sécurité 24 h / 24, salle de gym, laverie, piscine, jardin col- Núñez (un quartier moyennement aisé mais proche des beaux quartiers
lectif, bar et salle de réunion. La plupart de ses 154 appartements sont des C’est ce qui arrive à Jardín de Núñez9. Situé dans le quartier de
lofts, que les jeunes habitants devenus parents ont transformés en appar- en charge ce que l’on pourrait appeler un « travail d’enclavement8 ».
tements de trois pièces – transformation qui marque un relatif déclasse- propriété afin de suppléer les « défauts » du gestionnaire et prendre ainsi
ment de la copropriété, puisque ces habitants n’ont pas pu emménager sorte doivent alors s’engager personnellement dans la gestion de leur co-
dans des appartements plus grands situés dans des immeubles de standing faire de leur immeuble une torre ou un complejo pour le distinguer de la
équivalent. Au milieu des années 2000, pour des raisons économiques, justement ces habitants cherchent à se distinguer. Ceux qui souhaitent
la copropriété a été contrainte d’embaucher un gestionnaire du quar- naires locaux habitués à administrer les immeubles du quartier, desquels
tier, Eduardo Mazzini, et ainsi d’abandonner les gestionnaires chargés de renom étant limitées, ils sont souvent contraints d’embaucher des gestion-
célèbres torres et complejos qui l’avaient administrée depuis son inaugura- ressources dont disposent ces torres ou complejos des quartiers de moindre
tion. Cependant, Eduardo Mazzini ne présente ni les dispositions, ni les d’exception et qu’ils permettent à leurs prétentions de devenir réalité : les
les exigences des habitants qui revendiquent le fait d’habiter un immeuble
sorte que le gestionnaire et les employés de la copropriété acceptent
conflits relevant de l’hétérogénéité sociale en termes de trajectoires dans les situations de
proximité spatiale, voir Chamboredon & Lemaire (1970). immeubles dont ils ont la charge. Cependant, il s’avère difficile de faire en
7. La loi no 13.512 dite de propiedad horizontal (de copropriété) réglemente l’organisation produire (ou même d’améliorer) la valeur symbolique et économique des
du travail dans les immeubles en copropriété avec la création de la fonction d’adminis- sociale » (Bourdieu, 1975), dans la mesure où ils ont pour mandat de re-
trador, qui représente la copropriété auprès des autorités publiques ou d’autres tiers, qui naires de copropriétés peuvent être assimilés à des maîtres de « magie
administre et dispose des fonds de la copropriété pour assurer son bon fonctionnement, priétaires – en particulier le gestionnaire de la copropriété7. Les gestion-
et qui embauche et dirige les employés en son nom.
est délégué, qui doivent le réaliser en accord avec les attentes des copro-
8. Dans la formulation de cette notion de « travail d’enclavement », nous avons repris
à notre compte les réflexions de Bidou-Zachariasen & Poltorak (2008), qui abordent la
part, la résistance de ceux à qui le travail de gestion et de maintenance
gentrification comme le « travail » de certains acteurs, et celles de Capron (2006), qui
propose la notion d’« enclavement » pour faire référence aux processus de production
d’enclaves dans lesquels sont engagés les habitants (p. 14). 205 Eleonora Elguezabal
9. Les noms des personnes, des immeubles et des gestionnaires de copropriétés ont été
modifiés afin de garantir l’anonymat des enquêtés.
bitants.
sud de Buenos Aires. Il compte aujourd’hui 13 200 appartements pour environ 21 500 ha-
10. Grand ensemble de logement social construit en 1969 dans le quartier de Lugano, au 206 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires

le fait que tous ne vont pas y aller, parce que s’ils y vont tous ensemble,
ne rentrent même pas debout ! Tu vois ? [Rire.] Alors je dois parier sur savoirs, ni les ressources nécessaires pour gérer la copropriété comme le
si je mets tous les copropriétaires dans la piscine de Jardín de Núñez, ils faisaient les gestionnaires précédents et comme le voudraient ceux qui
n’est pas une piscine pour tous les copropriétaires. Pourquoi ? Parce que prétendent assimiler leur immeuble aux torres et complejos les plus renom-
attentes que tu avais quand tu es arrivé. Pourquoi ? Parce que la piscine més des beaux quartiers. « C’est en train de devenir Lugano 1 y 210 ! »
ront faire tout ce qu’ils promettaient et qu’ils pourront répondre aux craint alors Roberto, l’un des membres du conseil syndical, qui se plaint
d’Eduardo Mazzini parce que, selon lui, « il ne fout rien » et n’a pas ré-
l’achète. » Qu’est-ce qui va se passer ? Ça va dépendre, selon qu’ils pour-
solu de nombreux problèmes affectant le prestige de la copropriété : des
—  C’est super  ! Ça coûte combien  ? —  180 000  $. —  D’accord, on
jardin, chaises longues. Tu as même un petit barbecue sur ton balcon.
climatisée, solarium, salle de gym. » Tout ! « Parking, sécurité 24 h / 24, lampes cassées, les parasols du jardin qui n’ont pas été installés, une fuite
brille, parce qu’il est neuf, et ils te disent : « On t’offre une piscine, piscine d’eau dans le parking, des habitants qui installent des stores de n’importe
vas t’installer avec ton mari et ils te montrent un immeuble neuf où tout quelle couleur... Alors qu’ils voudraient déléguer plus de responsabilités
en penses ? », eh ben, moi, je n’y achèterais pas. [Rire.] Alors, imagine, tu à Mazzini pour consacrer tout leur temps à profiter du confort, des loisirs
l’immeuble. Et alors si tu me poses la question : « Et toi, qu’est-ce que tu et des services que l’immeuble devrait leur offrir en tant que complejo, les
dans lesquels on offre des services soi-disant pour qu’on ne sorte plus de habitants qui entendent en faire une copropriété fermée doivent s’enga-
meubles qu’on est en train de construire en ce moment à Buenos Aires, ger personnellement dans sa gestion pour pallier les lacunes du gestion-
[Jardín de Núñez] est l’un des immeubles modernes. Ce sont les im- naire et faire pression sur lui de sorte qu’il travaille le plus possible en
accord avec leurs attentes. En effet, il existe un grand décalage entre les
trouve illégitime, au point même de se moquer de leurs prétentions : prétentions des habitants et la manière dont Mazzini considère leur co-
que demandent en revanche les habitants de Jardín de Núñez, mais qu’il propriété et dont il doit s’en occuper.
de Núñez est son seul complejo et il ne veut pas faire de différence – ce Eduardo Mazzini est comptable et travaille à l’échelle de son quartier.
torres ou des complejos mais des bâtiments plus anciens du quartier : Jardín La gestion de copropriétés n’est pas sa seule activité : il administre aussi
tions comptables diverses. Les immeubles qu’il administre ne sont pas des des propriétés (loyers, paiement des charges, etc.) et assure des consulta-
des propriétés (loyers, paiement des charges, etc.) et assure des consulta- tions comptables diverses. Les immeubles qu’il administre ne sont pas des
La gestion de copropriétés n’est pas sa seule activité : il administre aussi torres ou des complejos mais des bâtiments plus anciens du quartier : Jardín
Eduardo Mazzini est comptable et travaille à l’échelle de son quartier. de Núñez est son seul complejo et il ne veut pas faire de différence – ce
propriété et dont il doit s’en occuper. que demandent en revanche les habitants de Jardín de Núñez, mais qu’il
prétentions des habitants et la manière dont Mazzini considère leur co- trouve illégitime, au point même de se moquer de leurs prétentions :
accord avec leurs attentes. En effet, il existe un grand décalage entre les
naire et faire pression sur lui de sorte qu’il travaille le plus possible en [Jardín de Núñez] est l’un des immeubles modernes. Ce sont les im-
ger personnellement dans sa gestion pour pallier les lacunes du gestion- meubles qu’on est en train de construire en ce moment à Buenos Aires,
habitants qui entendent en faire une copropriété fermée doivent s’enga- dans lesquels on offre des services soi-disant pour qu’on ne sorte plus de
et des services que l’immeuble devrait leur offrir en tant que complejo, les l’immeuble. Et alors si tu me poses la question : « Et toi, qu’est-ce que tu
à Mazzini pour consacrer tout leur temps à profiter du confort, des loisirs en penses ? », eh ben, moi, je n’y achèterais pas. [Rire.] Alors, imagine, tu
quelle couleur... Alors qu’ils voudraient déléguer plus de responsabilités vas t’installer avec ton mari et ils te montrent un immeuble neuf où tout
d’eau dans le parking, des habitants qui installent des stores de n’importe brille, parce qu’il est neuf, et ils te disent : « On t’offre une piscine, piscine
lampes cassées, les parasols du jardin qui n’ont pas été installés, une fuite climatisée, solarium, salle de gym. » Tout ! « Parking, sécurité 24 h / 24,
solu de nombreux problèmes affectant le prestige de la copropriété : des jardin, chaises longues. Tu as même un petit barbecue sur ton balcon.
—  C’est super  ! Ça coûte combien  ? —  180 000  $. —  D’accord, on
l’achète. » Qu’est-ce qui va se passer ? Ça va dépendre, selon qu’ils pour-
d’Eduardo Mazzini parce que, selon lui, « il ne fout rien » et n’a pas ré-
craint alors Roberto, l’un des membres du conseil syndical, qui se plaint ront faire tout ce qu’ils promettaient et qu’ils pourront répondre aux
més des beaux quartiers. « C’est en train de devenir Lugano 1 y 210 ! » attentes que tu avais quand tu es arrivé. Pourquoi ? Parce que la piscine
prétendent assimiler leur immeuble aux torres et complejos les plus renom- n’est pas une piscine pour tous les copropriétaires. Pourquoi ? Parce que
faisaient les gestionnaires précédents et comme le voudraient ceux qui si je mets tous les copropriétaires dans la piscine de Jardín de Núñez, ils
savoirs, ni les ressources nécessaires pour gérer la copropriété comme le ne rentrent même pas debout ! Tu vois ? [Rire.] Alors je dois parier sur
le fait que tous ne vont pas y aller, parce que s’ils y vont tous ensemble,

Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 206 10. Grand ensemble de logement social construit en 1969 dans le quartier de Lugano, au
sud de Buenos Aires. Il compte aujourd’hui 13 200 appartements pour environ 21 500 ha-
bitants.

bitants.
sud de Buenos Aires. Il compte aujourd’hui 13 200 appartements pour environ 21 500 ha-
10. Grand ensemble de logement social construit en 1969 dans le quartier de Lugano, au 206 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires

le fait que tous ne vont pas y aller, parce que s’ils y vont tous ensemble,
ne rentrent même pas debout ! Tu vois ? [Rire.] Alors je dois parier sur savoirs, ni les ressources nécessaires pour gérer la copropriété comme le
si je mets tous les copropriétaires dans la piscine de Jardín de Núñez, ils faisaient les gestionnaires précédents et comme le voudraient ceux qui
n’est pas une piscine pour tous les copropriétaires. Pourquoi ? Parce que prétendent assimiler leur immeuble aux torres et complejos les plus renom-
attentes que tu avais quand tu es arrivé. Pourquoi ? Parce que la piscine més des beaux quartiers. « C’est en train de devenir Lugano 1 y 210 ! »
ront faire tout ce qu’ils promettaient et qu’ils pourront répondre aux craint alors Roberto, l’un des membres du conseil syndical, qui se plaint
d’Eduardo Mazzini parce que, selon lui, « il ne fout rien » et n’a pas ré-
l’achète. » Qu’est-ce qui va se passer ? Ça va dépendre, selon qu’ils pour-
solu de nombreux problèmes affectant le prestige de la copropriété : des
—  C’est super  ! Ça coûte combien  ? —  180 000  $. —  D’accord, on
jardin, chaises longues. Tu as même un petit barbecue sur ton balcon.
climatisée, solarium, salle de gym. » Tout ! « Parking, sécurité 24 h / 24, lampes cassées, les parasols du jardin qui n’ont pas été installés, une fuite
brille, parce qu’il est neuf, et ils te disent : « On t’offre une piscine, piscine d’eau dans le parking, des habitants qui installent des stores de n’importe
vas t’installer avec ton mari et ils te montrent un immeuble neuf où tout quelle couleur... Alors qu’ils voudraient déléguer plus de responsabilités
en penses ? », eh ben, moi, je n’y achèterais pas. [Rire.] Alors, imagine, tu à Mazzini pour consacrer tout leur temps à profiter du confort, des loisirs
l’immeuble. Et alors si tu me poses la question : « Et toi, qu’est-ce que tu et des services que l’immeuble devrait leur offrir en tant que complejo, les
dans lesquels on offre des services soi-disant pour qu’on ne sorte plus de habitants qui entendent en faire une copropriété fermée doivent s’enga-
meubles qu’on est en train de construire en ce moment à Buenos Aires, ger personnellement dans sa gestion pour pallier les lacunes du gestion-
[Jardín de Núñez] est l’un des immeubles modernes. Ce sont les im- naire et faire pression sur lui de sorte qu’il travaille le plus possible en
accord avec leurs attentes. En effet, il existe un grand décalage entre les
trouve illégitime, au point même de se moquer de leurs prétentions : prétentions des habitants et la manière dont Mazzini considère leur co-
que demandent en revanche les habitants de Jardín de Núñez, mais qu’il propriété et dont il doit s’en occuper.
de Núñez est son seul complejo et il ne veut pas faire de différence – ce Eduardo Mazzini est comptable et travaille à l’échelle de son quartier.
torres ou des complejos mais des bâtiments plus anciens du quartier : Jardín La gestion de copropriétés n’est pas sa seule activité : il administre aussi
tions comptables diverses. Les immeubles qu’il administre ne sont pas des des propriétés (loyers, paiement des charges, etc.) et assure des consulta-
des propriétés (loyers, paiement des charges, etc.) et assure des consulta- tions comptables diverses. Les immeubles qu’il administre ne sont pas des
La gestion de copropriétés n’est pas sa seule activité : il administre aussi torres ou des complejos mais des bâtiments plus anciens du quartier : Jardín
Eduardo Mazzini est comptable et travaille à l’échelle de son quartier. de Núñez est son seul complejo et il ne veut pas faire de différence – ce
propriété et dont il doit s’en occuper. que demandent en revanche les habitants de Jardín de Núñez, mais qu’il
prétentions des habitants et la manière dont Mazzini considère leur co- trouve illégitime, au point même de se moquer de leurs prétentions :
accord avec leurs attentes. En effet, il existe un grand décalage entre les
naire et faire pression sur lui de sorte qu’il travaille le plus possible en [Jardín de Núñez] est l’un des immeubles modernes. Ce sont les im-
ger personnellement dans sa gestion pour pallier les lacunes du gestion- meubles qu’on est en train de construire en ce moment à Buenos Aires,
habitants qui entendent en faire une copropriété fermée doivent s’enga- dans lesquels on offre des services soi-disant pour qu’on ne sorte plus de
et des services que l’immeuble devrait leur offrir en tant que complejo, les l’immeuble. Et alors si tu me poses la question : « Et toi, qu’est-ce que tu
à Mazzini pour consacrer tout leur temps à profiter du confort, des loisirs en penses ? », eh ben, moi, je n’y achèterais pas. [Rire.] Alors, imagine, tu
quelle couleur... Alors qu’ils voudraient déléguer plus de responsabilités vas t’installer avec ton mari et ils te montrent un immeuble neuf où tout
d’eau dans le parking, des habitants qui installent des stores de n’importe brille, parce qu’il est neuf, et ils te disent : « On t’offre une piscine, piscine
lampes cassées, les parasols du jardin qui n’ont pas été installés, une fuite climatisée, solarium, salle de gym. » Tout ! « Parking, sécurité 24 h / 24,
solu de nombreux problèmes affectant le prestige de la copropriété : des jardin, chaises longues. Tu as même un petit barbecue sur ton balcon.
—  C’est super  ! Ça coûte combien  ? —  180 000  $. —  D’accord, on
l’achète. » Qu’est-ce qui va se passer ? Ça va dépendre, selon qu’ils pour-
d’Eduardo Mazzini parce que, selon lui, « il ne fout rien » et n’a pas ré-
craint alors Roberto, l’un des membres du conseil syndical, qui se plaint ront faire tout ce qu’ils promettaient et qu’ils pourront répondre aux
més des beaux quartiers. « C’est en train de devenir Lugano 1 y 210 ! » attentes que tu avais quand tu es arrivé. Pourquoi ? Parce que la piscine
prétendent assimiler leur immeuble aux torres et complejos les plus renom- n’est pas une piscine pour tous les copropriétaires. Pourquoi ? Parce que
faisaient les gestionnaires précédents et comme le voudraient ceux qui si je mets tous les copropriétaires dans la piscine de Jardín de Núñez, ils
savoirs, ni les ressources nécessaires pour gérer la copropriété comme le ne rentrent même pas debout ! Tu vois ? [Rire.] Alors je dois parier sur
le fait que tous ne vont pas y aller, parce que s’ils y vont tous ensemble,

Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 206 10. Grand ensemble de logement social construit en 1969 dans le quartier de Lugano, au
sud de Buenos Aires. Il compte aujourd’hui 13 200 appartements pour environ 21 500 ha-
bitants.
joue notamment en Espagne et en Amérique latine.
plus petits, moins d’entretien (les courts sont en ciment) et les raquettes sont en bois. Il se
Eleonora Elguezabal 207 11. Le paddle est un jeu similaire au tennis mais moins prestigieux. Il demande des terrains

prêts à défendre ces frontières symboliques. C’est pourquoi ces enquêtés


ils n’y rentrent pas ! Si je veux utiliser la salle de gym et qu’il y a deux bolique majeure qui distingue l’immeuble du quartier, si bien qu’ils sont
appareils, deux agrès, deux tapis de course, je prie Dieu pour qu’il n’y ait standing, les frontières du complejo sont investies d’une dimension sym-
personne quand je veux y aller ! Et c’est justement au même moment comme pour ceux qui cherchaient à vivre dans un quartier de plus haut
que tout le monde veut y aller, parce que c’est en soirée ! Alors, tout est cet emménagement comme le signe d’une ascension sociale : pour eux
comme ça, tu vois ? C’est-à-dire, ce qu’on montre, ce qu’on voit, c’est une les quartiers de même standing. Parmi ces derniers, certains ont perçu
chose, et ce que c’est en fait, c’en est une autre... d’autres, Torres del Plata apparaissait comme la meilleure option dans
pour accepter de vivre dans un quartier peu aisé comme Balvanera ; pour
Le cas de Torres del Plata est encore plus critique, car la frustration ter Torres del Plata en tant que complejo était une condition sine qua non
des habitants est plus grande : ils ont l’ambition de vivre dans une torre pour le confort des appartements et de l’immeuble. Pour certains, habi-
ou un complejo d’exception, comparable aux nouveaux produits immo- la possibilité d’acheter à crédit et pour le coût modéré des charges) que
biliers les plus renommés. Torres del Plata est une copropriété bâtie par port à d’autres immeubles plus anciens, aussi bien économiquement (pour
un promoteur privé dans les années 1990 et commercialisée comme un Torres del Plata, qui leur est apparu comme la meilleure option par rap-
ensemble de torres d’exception, avec un jardin collectif et divers services : chait particulièrement à emménager dans un complejo avant de visiter
piscine, parking, courts de paddle11, salles de réunion ; c’est pourtant après Mis à part ce couple proche de la retraite, aucun d’entre eux ne cher-
son inauguration qu’un service de sécurité 24 h / 24 y a été installé. Ce avec ou sans enfants.
complejo est situé dans le quartier de Balvanera, un quartier de standing il s’agissait de leur premier achat immobilier ; ce sont de jeunes couples,
moyen, dont le prix au mètre carré est proche de la moyenne de la ville vaillant à l’hôpital et son mari, manutentionnaire, proches de la retraite),
de Buenos Aires (hors banlieue). Le niveau socio-économique des habi- acheté à crédit, et pour tous (sauf pour une secrétaire administrative tra-
tants de Torres del Plata est plus bas que celui de Jardín de Núñez et des employés qualifiés. Tous sont propriétaires de leur appartement et l’ont
autres torres et complejos dans lesquels j’ai enquêté  ; les personnes que libérales (psychologues et comptables) et, également, des ouvriers et des
j’ai rencontrées dans ce complejo sont surtout des cadres moyens et des commerçants, mais il y a aussi quelques cadres supérieurs, des professions
commerçants, mais il y a aussi quelques cadres supérieurs, des professions j’ai rencontrées dans ce complejo sont surtout des cadres moyens et des
libérales (psychologues et comptables) et, également, des ouvriers et des autres torres et complejos dans lesquels j’ai enquêté  ; les personnes que
employés qualifiés. Tous sont propriétaires de leur appartement et l’ont tants de Torres del Plata est plus bas que celui de Jardín de Núñez et des
acheté à crédit, et pour tous (sauf pour une secrétaire administrative tra- de Buenos Aires (hors banlieue). Le niveau socio-économique des habi-
vaillant à l’hôpital et son mari, manutentionnaire, proches de la retraite), moyen, dont le prix au mètre carré est proche de la moyenne de la ville
il s’agissait de leur premier achat immobilier ; ce sont de jeunes couples, complejo est situé dans le quartier de Balvanera, un quartier de standing
avec ou sans enfants. son inauguration qu’un service de sécurité 24 h / 24 y a été installé. Ce
Mis à part ce couple proche de la retraite, aucun d’entre eux ne cher- piscine, parking, courts de paddle11, salles de réunion ; c’est pourtant après
chait particulièrement à emménager dans un complejo avant de visiter ensemble de torres d’exception, avec un jardin collectif et divers services :
Torres del Plata, qui leur est apparu comme la meilleure option par rap- un promoteur privé dans les années 1990 et commercialisée comme un
port à d’autres immeubles plus anciens, aussi bien économiquement (pour biliers les plus renommés. Torres del Plata est une copropriété bâtie par
la possibilité d’acheter à crédit et pour le coût modéré des charges) que ou un complejo d’exception, comparable aux nouveaux produits immo-
pour le confort des appartements et de l’immeuble. Pour certains, habi- des habitants est plus grande : ils ont l’ambition de vivre dans une torre
ter Torres del Plata en tant que complejo était une condition sine qua non Le cas de Torres del Plata est encore plus critique, car la frustration
pour accepter de vivre dans un quartier peu aisé comme Balvanera ; pour
d’autres, Torres del Plata apparaissait comme la meilleure option dans chose, et ce que c’est en fait, c’en est une autre...
les quartiers de même standing. Parmi ces derniers, certains ont perçu comme ça, tu vois ? C’est-à-dire, ce qu’on montre, ce qu’on voit, c’est une
cet emménagement comme le signe d’une ascension sociale : pour eux que tout le monde veut y aller, parce que c’est en soirée ! Alors, tout est
comme pour ceux qui cherchaient à vivre dans un quartier de plus haut personne quand je veux y aller ! Et c’est justement au même moment
standing, les frontières du complejo sont investies d’une dimension sym- appareils, deux agrès, deux tapis de course, je prie Dieu pour qu’il n’y ait
bolique majeure qui distingue l’immeuble du quartier, si bien qu’ils sont ils n’y rentrent pas ! Si je veux utiliser la salle de gym et qu’il y a deux
prêts à défendre ces frontières symboliques. C’est pourquoi ces enquêtés
11. Le paddle est un jeu similaire au tennis mais moins prestigieux. Il demande des terrains 207 Eleonora Elguezabal
plus petits, moins d’entretien (les courts sont en ciment) et les raquettes sont en bois. Il se
joue notamment en Espagne et en Amérique latine.

joue notamment en Espagne et en Amérique latine.


plus petits, moins d’entretien (les courts sont en ciment) et les raquettes sont en bois. Il se
Eleonora Elguezabal 207 11. Le paddle est un jeu similaire au tennis mais moins prestigieux. Il demande des terrains

prêts à défendre ces frontières symboliques. C’est pourquoi ces enquêtés


ils n’y rentrent pas ! Si je veux utiliser la salle de gym et qu’il y a deux bolique majeure qui distingue l’immeuble du quartier, si bien qu’ils sont
appareils, deux agrès, deux tapis de course, je prie Dieu pour qu’il n’y ait standing, les frontières du complejo sont investies d’une dimension sym-
personne quand je veux y aller ! Et c’est justement au même moment comme pour ceux qui cherchaient à vivre dans un quartier de plus haut
que tout le monde veut y aller, parce que c’est en soirée ! Alors, tout est cet emménagement comme le signe d’une ascension sociale : pour eux
comme ça, tu vois ? C’est-à-dire, ce qu’on montre, ce qu’on voit, c’est une les quartiers de même standing. Parmi ces derniers, certains ont perçu
chose, et ce que c’est en fait, c’en est une autre... d’autres, Torres del Plata apparaissait comme la meilleure option dans
pour accepter de vivre dans un quartier peu aisé comme Balvanera ; pour
Le cas de Torres del Plata est encore plus critique, car la frustration ter Torres del Plata en tant que complejo était une condition sine qua non
des habitants est plus grande : ils ont l’ambition de vivre dans une torre pour le confort des appartements et de l’immeuble. Pour certains, habi-
ou un complejo d’exception, comparable aux nouveaux produits immo- la possibilité d’acheter à crédit et pour le coût modéré des charges) que
biliers les plus renommés. Torres del Plata est une copropriété bâtie par port à d’autres immeubles plus anciens, aussi bien économiquement (pour
un promoteur privé dans les années 1990 et commercialisée comme un Torres del Plata, qui leur est apparu comme la meilleure option par rap-
ensemble de torres d’exception, avec un jardin collectif et divers services : chait particulièrement à emménager dans un complejo avant de visiter
piscine, parking, courts de paddle11, salles de réunion ; c’est pourtant après Mis à part ce couple proche de la retraite, aucun d’entre eux ne cher-
son inauguration qu’un service de sécurité 24 h / 24 y a été installé. Ce avec ou sans enfants.
complejo est situé dans le quartier de Balvanera, un quartier de standing il s’agissait de leur premier achat immobilier ; ce sont de jeunes couples,
moyen, dont le prix au mètre carré est proche de la moyenne de la ville vaillant à l’hôpital et son mari, manutentionnaire, proches de la retraite),
de Buenos Aires (hors banlieue). Le niveau socio-économique des habi- acheté à crédit, et pour tous (sauf pour une secrétaire administrative tra-
tants de Torres del Plata est plus bas que celui de Jardín de Núñez et des employés qualifiés. Tous sont propriétaires de leur appartement et l’ont
autres torres et complejos dans lesquels j’ai enquêté  ; les personnes que libérales (psychologues et comptables) et, également, des ouvriers et des
j’ai rencontrées dans ce complejo sont surtout des cadres moyens et des commerçants, mais il y a aussi quelques cadres supérieurs, des professions
commerçants, mais il y a aussi quelques cadres supérieurs, des professions j’ai rencontrées dans ce complejo sont surtout des cadres moyens et des
libérales (psychologues et comptables) et, également, des ouvriers et des autres torres et complejos dans lesquels j’ai enquêté  ; les personnes que
employés qualifiés. Tous sont propriétaires de leur appartement et l’ont tants de Torres del Plata est plus bas que celui de Jardín de Núñez et des
acheté à crédit, et pour tous (sauf pour une secrétaire administrative tra- de Buenos Aires (hors banlieue). Le niveau socio-économique des habi-
vaillant à l’hôpital et son mari, manutentionnaire, proches de la retraite), moyen, dont le prix au mètre carré est proche de la moyenne de la ville
il s’agissait de leur premier achat immobilier ; ce sont de jeunes couples, complejo est situé dans le quartier de Balvanera, un quartier de standing
avec ou sans enfants. son inauguration qu’un service de sécurité 24 h / 24 y a été installé. Ce
Mis à part ce couple proche de la retraite, aucun d’entre eux ne cher- piscine, parking, courts de paddle11, salles de réunion ; c’est pourtant après
chait particulièrement à emménager dans un complejo avant de visiter ensemble de torres d’exception, avec un jardin collectif et divers services :
Torres del Plata, qui leur est apparu comme la meilleure option par rap- un promoteur privé dans les années 1990 et commercialisée comme un
port à d’autres immeubles plus anciens, aussi bien économiquement (pour biliers les plus renommés. Torres del Plata est une copropriété bâtie par
la possibilité d’acheter à crédit et pour le coût modéré des charges) que ou un complejo d’exception, comparable aux nouveaux produits immo-
pour le confort des appartements et de l’immeuble. Pour certains, habi- des habitants est plus grande : ils ont l’ambition de vivre dans une torre
ter Torres del Plata en tant que complejo était une condition sine qua non Le cas de Torres del Plata est encore plus critique, car la frustration
pour accepter de vivre dans un quartier peu aisé comme Balvanera ; pour
d’autres, Torres del Plata apparaissait comme la meilleure option dans chose, et ce que c’est en fait, c’en est une autre...
les quartiers de même standing. Parmi ces derniers, certains ont perçu comme ça, tu vois ? C’est-à-dire, ce qu’on montre, ce qu’on voit, c’est une
cet emménagement comme le signe d’une ascension sociale : pour eux que tout le monde veut y aller, parce que c’est en soirée ! Alors, tout est
comme pour ceux qui cherchaient à vivre dans un quartier de plus haut personne quand je veux y aller ! Et c’est justement au même moment
standing, les frontières du complejo sont investies d’une dimension sym- appareils, deux agrès, deux tapis de course, je prie Dieu pour qu’il n’y ait
bolique majeure qui distingue l’immeuble du quartier, si bien qu’ils sont ils n’y rentrent pas ! Si je veux utiliser la salle de gym et qu’il y a deux
prêts à défendre ces frontières symboliques. C’est pourquoi ces enquêtés
11. Le paddle est un jeu similaire au tennis mais moins prestigieux. Il demande des terrains 207 Eleonora Elguezabal
plus petits, moins d’entretien (les courts sont en ciment) et les raquettes sont en bois. Il se
joue notamment en Espagne et en Amérique latine.
et de dualisation sociale et spatiale, l’ouvrage de référence étant Svampa (2001).
privados qui ont attiré l’attention des auteurs qu’intéressent les processus de fragmentation
par des dispositifs et des agents de sécurité privée. Ce sont surtout ces countries et barrios 208 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
dans la banlieue de Buenos Aires, qui sont enclos par des barrières matérielles, surveillés
cerrado) deux types de lotissements privés issus d’opérations immobilières de grande taille
saisissent la question de l’entretien comme une occasion d’exprimer leurs
13. En Argentine, on appelle country (en prononçant à l’anglaise) et barrio privado (ou barrio

plaintes et leurs regrets de ce que, pour eux, la réalité du complejo n’est


Althabe (1985).
12. Nous pouvons rapprocher ces situations des procès observés dans les HLM par Gérard
pas en accord avec leurs aspirations. Ces regrets et ces plaintes ont une
ployés étaient sous son autorité plutôt que sous la leur. D’après Martín : dimension performative : le désaccord, l’indignation ouverte et explicite
avait le pouvoir sur les lieux à la place des copropriétaires et que les em- est pour ces habitants un moyen de se détacher du statut peu élevé qu’ils
que par l’intermédiaire du gestionnaire de la copropriété, le promoteur observent dans leur copropriété12.
pas comme il fallait. Valeria et Martín pouvaient ainsi avoir l’impression C’est le cas de Martín et Valeria. La trentaine, ils se sont montrés très
ployés de la copropriété ce qu’ils voulaient, de sorte qu’ils ne travaillaient critiques à l’égard de l’état actuel de leur complejo, tout en s’affichant
tions sur les vices de construction, mais surtout il « laissait faire » aux em- comme des défenseurs de ce qu’ils voient comme un nouveau « système
D’après Martín et Valeria, non seulement il ne transmettait pas les réclama- de logement » auquel leur immeuble doit selon eux appartenir. Martín
le promoteur pour administrer la copropriété les dix premières années. a obtenu un diplôme de relations industrielles à l’Université argentine
leurs plaintes est le gestionnaire de la copropriété qui avait été nommé par de l’entreprise ; il est employé en informatique chez Petrobras, la société
à leurs yeux un « piège ». Le responsable de cet état de fait et la cible de brésilienne de pétrole. Valeria, son épouse, est diplômée en administra-
l’éloignent du modèle de logement qu’ils défendent et qu’ils constituent tion hôtelière ; elle travaille comme employée administrative et comme
la maintenance et l’état des services dans leur copropriété, parce qu’ils professeure particulière d’anglais. C’est après leur mariage, à la fin des
Cependant, Valeria et Martín sont très critiques quant à l’entretien, années 1990, qu’ils ont acheté leur appartement de trois pièces, parmi les
il voudrait habiter quand ils auront des enfants. premiers habitants de la copropriété, grâce à un emprunt hypothécaire
tenir et qu’il assimile également à celui des countries de la banlieue13, où qu’ils continuent encore de payer. Jeune couple de salariés qualifiés de
qu’il trouve souhaitable, un style de vie « fermé », auquel il se sent appar- rang intermédiaire, en début de carrière résidentielle, ils n’arrivaient pas
au Brésil. Martín associe en effet son complejo à un nouveau style de vie à acheter l’appartement de leur souhait dans le quartier de leur sou-
Martín a été séduit en se rappelant un condominio qu’il avait découvert hait. Lorsqu’ils sont venus voir Torres del Plata, alors encore en chantier,
hait. Lorsqu’ils sont venus voir Torres del Plata, alors encore en chantier, Martín a été séduit en se rappelant un condominio qu’il avait découvert
à acheter l’appartement de leur souhait dans le quartier de leur sou- au Brésil. Martín associe en effet son complejo à un nouveau style de vie
rang intermédiaire, en début de carrière résidentielle, ils n’arrivaient pas qu’il trouve souhaitable, un style de vie « fermé », auquel il se sent appar-
qu’ils continuent encore de payer. Jeune couple de salariés qualifiés de tenir et qu’il assimile également à celui des countries de la banlieue13, où
premiers habitants de la copropriété, grâce à un emprunt hypothécaire il voudrait habiter quand ils auront des enfants.
années 1990, qu’ils ont acheté leur appartement de trois pièces, parmi les Cependant, Valeria et Martín sont très critiques quant à l’entretien,
professeure particulière d’anglais. C’est après leur mariage, à la fin des la maintenance et l’état des services dans leur copropriété, parce qu’ils
tion hôtelière ; elle travaille comme employée administrative et comme l’éloignent du modèle de logement qu’ils défendent et qu’ils constituent
brésilienne de pétrole. Valeria, son épouse, est diplômée en administra- à leurs yeux un « piège ». Le responsable de cet état de fait et la cible de
de l’entreprise ; il est employé en informatique chez Petrobras, la société leurs plaintes est le gestionnaire de la copropriété qui avait été nommé par
a obtenu un diplôme de relations industrielles à l’Université argentine le promoteur pour administrer la copropriété les dix premières années.
de logement » auquel leur immeuble doit selon eux appartenir. Martín D’après Martín et Valeria, non seulement il ne transmettait pas les réclama-
comme des défenseurs de ce qu’ils voient comme un nouveau « système tions sur les vices de construction, mais surtout il « laissait faire » aux em-
critiques à l’égard de l’état actuel de leur complejo, tout en s’affichant ployés de la copropriété ce qu’ils voulaient, de sorte qu’ils ne travaillaient
C’est le cas de Martín et Valeria. La trentaine, ils se sont montrés très pas comme il fallait. Valeria et Martín pouvaient ainsi avoir l’impression
observent dans leur copropriété12. que par l’intermédiaire du gestionnaire de la copropriété, le promoteur
est pour ces habitants un moyen de se détacher du statut peu élevé qu’ils avait le pouvoir sur les lieux à la place des copropriétaires et que les em-
dimension performative : le désaccord, l’indignation ouverte et explicite ployés étaient sous son autorité plutôt que sous la leur. D’après Martín :
pas en accord avec leurs aspirations. Ces regrets et ces plaintes ont une
plaintes et leurs regrets de ce que, pour eux, la réalité du complejo n’est 12. Nous pouvons rapprocher ces situations des procès observés dans les HLM par Gérard
Althabe (1985).
saisissent la question de l’entretien comme une occasion d’exprimer leurs
13. En Argentine, on appelle country (en prononçant à l’anglaise) et barrio privado (ou barrio
cerrado) deux types de lotissements privés issus d’opérations immobilières de grande taille
dans la banlieue de Buenos Aires, qui sont enclos par des barrières matérielles, surveillés
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 208 par des dispositifs et des agents de sécurité privée. Ce sont surtout ces countries et barrios
privados qui ont attiré l’attention des auteurs qu’intéressent les processus de fragmentation
et de dualisation sociale et spatiale, l’ouvrage de référence étant Svampa (2001).

et de dualisation sociale et spatiale, l’ouvrage de référence étant Svampa (2001).


privados qui ont attiré l’attention des auteurs qu’intéressent les processus de fragmentation
par des dispositifs et des agents de sécurité privée. Ce sont surtout ces countries et barrios 208 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
dans la banlieue de Buenos Aires, qui sont enclos par des barrières matérielles, surveillés
cerrado) deux types de lotissements privés issus d’opérations immobilières de grande taille
saisissent la question de l’entretien comme une occasion d’exprimer leurs
13. En Argentine, on appelle country (en prononçant à l’anglaise) et barrio privado (ou barrio

plaintes et leurs regrets de ce que, pour eux, la réalité du complejo n’est


Althabe (1985).
12. Nous pouvons rapprocher ces situations des procès observés dans les HLM par Gérard
pas en accord avec leurs aspirations. Ces regrets et ces plaintes ont une
ployés étaient sous son autorité plutôt que sous la leur. D’après Martín : dimension performative : le désaccord, l’indignation ouverte et explicite
avait le pouvoir sur les lieux à la place des copropriétaires et que les em- est pour ces habitants un moyen de se détacher du statut peu élevé qu’ils
que par l’intermédiaire du gestionnaire de la copropriété, le promoteur observent dans leur copropriété12.
pas comme il fallait. Valeria et Martín pouvaient ainsi avoir l’impression C’est le cas de Martín et Valeria. La trentaine, ils se sont montrés très
ployés de la copropriété ce qu’ils voulaient, de sorte qu’ils ne travaillaient critiques à l’égard de l’état actuel de leur complejo, tout en s’affichant
tions sur les vices de construction, mais surtout il « laissait faire » aux em- comme des défenseurs de ce qu’ils voient comme un nouveau « système
D’après Martín et Valeria, non seulement il ne transmettait pas les réclama- de logement » auquel leur immeuble doit selon eux appartenir. Martín
le promoteur pour administrer la copropriété les dix premières années. a obtenu un diplôme de relations industrielles à l’Université argentine
leurs plaintes est le gestionnaire de la copropriété qui avait été nommé par de l’entreprise ; il est employé en informatique chez Petrobras, la société
à leurs yeux un « piège ». Le responsable de cet état de fait et la cible de brésilienne de pétrole. Valeria, son épouse, est diplômée en administra-
l’éloignent du modèle de logement qu’ils défendent et qu’ils constituent tion hôtelière ; elle travaille comme employée administrative et comme
la maintenance et l’état des services dans leur copropriété, parce qu’ils professeure particulière d’anglais. C’est après leur mariage, à la fin des
Cependant, Valeria et Martín sont très critiques quant à l’entretien, années 1990, qu’ils ont acheté leur appartement de trois pièces, parmi les
il voudrait habiter quand ils auront des enfants. premiers habitants de la copropriété, grâce à un emprunt hypothécaire
tenir et qu’il assimile également à celui des countries de la banlieue13, où qu’ils continuent encore de payer. Jeune couple de salariés qualifiés de
qu’il trouve souhaitable, un style de vie « fermé », auquel il se sent appar- rang intermédiaire, en début de carrière résidentielle, ils n’arrivaient pas
au Brésil. Martín associe en effet son complejo à un nouveau style de vie à acheter l’appartement de leur souhait dans le quartier de leur sou-
Martín a été séduit en se rappelant un condominio qu’il avait découvert hait. Lorsqu’ils sont venus voir Torres del Plata, alors encore en chantier,
hait. Lorsqu’ils sont venus voir Torres del Plata, alors encore en chantier, Martín a été séduit en se rappelant un condominio qu’il avait découvert
à acheter l’appartement de leur souhait dans le quartier de leur sou- au Brésil. Martín associe en effet son complejo à un nouveau style de vie
rang intermédiaire, en début de carrière résidentielle, ils n’arrivaient pas qu’il trouve souhaitable, un style de vie « fermé », auquel il se sent appar-
qu’ils continuent encore de payer. Jeune couple de salariés qualifiés de tenir et qu’il assimile également à celui des countries de la banlieue13, où
premiers habitants de la copropriété, grâce à un emprunt hypothécaire il voudrait habiter quand ils auront des enfants.
années 1990, qu’ils ont acheté leur appartement de trois pièces, parmi les Cependant, Valeria et Martín sont très critiques quant à l’entretien,
professeure particulière d’anglais. C’est après leur mariage, à la fin des la maintenance et l’état des services dans leur copropriété, parce qu’ils
tion hôtelière ; elle travaille comme employée administrative et comme l’éloignent du modèle de logement qu’ils défendent et qu’ils constituent
brésilienne de pétrole. Valeria, son épouse, est diplômée en administra- à leurs yeux un « piège ». Le responsable de cet état de fait et la cible de
de l’entreprise ; il est employé en informatique chez Petrobras, la société leurs plaintes est le gestionnaire de la copropriété qui avait été nommé par
a obtenu un diplôme de relations industrielles à l’Université argentine le promoteur pour administrer la copropriété les dix premières années.
de logement » auquel leur immeuble doit selon eux appartenir. Martín D’après Martín et Valeria, non seulement il ne transmettait pas les réclama-
comme des défenseurs de ce qu’ils voient comme un nouveau « système tions sur les vices de construction, mais surtout il « laissait faire » aux em-
critiques à l’égard de l’état actuel de leur complejo, tout en s’affichant ployés de la copropriété ce qu’ils voulaient, de sorte qu’ils ne travaillaient
C’est le cas de Martín et Valeria. La trentaine, ils se sont montrés très pas comme il fallait. Valeria et Martín pouvaient ainsi avoir l’impression
observent dans leur copropriété12. que par l’intermédiaire du gestionnaire de la copropriété, le promoteur
est pour ces habitants un moyen de se détacher du statut peu élevé qu’ils avait le pouvoir sur les lieux à la place des copropriétaires et que les em-
dimension performative : le désaccord, l’indignation ouverte et explicite ployés étaient sous son autorité plutôt que sous la leur. D’après Martín :
pas en accord avec leurs aspirations. Ces regrets et ces plaintes ont une
plaintes et leurs regrets de ce que, pour eux, la réalité du complejo n’est 12. Nous pouvons rapprocher ces situations des procès observés dans les HLM par Gérard
Althabe (1985).
saisissent la question de l’entretien comme une occasion d’exprimer leurs
13. En Argentine, on appelle country (en prononçant à l’anglaise) et barrio privado (ou barrio
cerrado) deux types de lotissements privés issus d’opérations immobilières de grande taille
dans la banlieue de Buenos Aires, qui sont enclos par des barrières matérielles, surveillés
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 208 par des dispositifs et des agents de sécurité privée. Ce sont surtout ces countries et barrios
privados qui ont attiré l’attention des auteurs qu’intéressent les processus de fragmentation
et de dualisation sociale et spatiale, l’ouvrage de référence étant Svampa (2001).
des comportements des habitants pour faire respecter le code esthétique
Eleonora Elguezabal 209 commun. La propreté, la réparation des équipements cassés, le contrôle
frontières faisant de l’immeuble une copropriété fermée distincte du
la catégorisation comme torre ou complejo – c’est-à-dire le marquage des
Ce gestionnaire-là, franchement, dégueulasse. Pourquoi ? Parce qu’on priété constitue pour les habitants un enjeu majeur : le classement et
n’avait pas de contrôle. Car, d’abord, ce sont les mêmes qui ont fait le Dans l’analyse de ces deux cas, il apparaît que la gestion de la copro-
bâtiment. Deuxièmement, parce que les employés qu’on a aujourd’hui pour en faire une copropriété fermée.
viennent aussi de la construction  ! C’est-à-dire, ce n’est pas nous, les aux attentes de ces habitants engagés dans la gestion de leur immeuble
voisins, qui avons le contrôle. [...] Alors c’est ça. Tu allais te plaindre et tu pas resté longtemps en poste, environ deux ans ; il n’a pas réussi à répondre
n’arrivais jamais à atteindre aucun objectif. Et il n’y avait aucun contrôle bien – tout ceci à moindre coût. Ce nouveau gestionnaire n’est pourtant
sur les employés de la copropriété. et qu’il aurait un intérêt personnel à ce que la copropriété fonctionne
Ainsi « piégés », Martín et Valeria se sont plaints du début à la fin des trait immédiatement et constamment à la disposition des copropriétaires,
entretiens, s’adonnant avec éloquence à un travail de justification de leur que la situation de locataire du jeune comptable garantissait qu’il se met-
situation et à la recherche d’un responsable qui pourrait expliquer le dé- nommées, très chères ; ensuite, la proximité géographique. Il leur semblait
calage entre leurs attentes et les conditions réelles, matérielles et sym- ont écarté d’emblée les offres des sociétés de gestion de copropriétés re-
boliques de leur immeuble. Mais ils gardaient espoir, les copropriétaires tout d’abord, le prix : ils ont choisi parmi les moins chers des candidats et
ayant élu en 2007 un nouveau gestionnaire, à la fin des dix ans pendant comptable locataire à Torres del Plata. Les critères pris en compte ont été,
lesquels le promoteur avait le droit de le nommer ; ils faisaient confiance Parmi les nombreux candidats, les copropriétaires ont choisi un jeune
à ce gestionnaire pour qu’il reprenne le contrôle des lieux en leur nom. C’était vraiment plein, on a même dû utiliser des haut-parleurs.
Pour changer de gestionnaire et contrôler le nouveau, dans l’objectif de rassembler presque 380 personnes. Elle a eu lieu sur les courts de paddle.
faire de son immeuble un véritable complejo propre au « système de loge- a eu plein de gens à cette réunion-là : pour la première fois, on a réussi à
ment » auquel il aspire, Martín s’est investi personnellement et a fourni Pour changer [de gestionnaire], tous les voisins ont dû se rassembler. Il y
beaucoup de travail ; il a fait partie du conseil syndical et a participé aux
démarches laborieuses qui ont été nécessaires pour changer de gestion- entourée d’un halo de justice :
naire. Martín décrit avec émotion l’assemblée générale des copropriétaires qui a décidé du nouveau gestionnaire, comme une reprise de pouvoir
qui a décidé du nouveau gestionnaire, comme une reprise de pouvoir naire. Martín décrit avec émotion l’assemblée générale des copropriétaires
entourée d’un halo de justice : démarches laborieuses qui ont été nécessaires pour changer de gestion-
beaucoup de travail ; il a fait partie du conseil syndical et a participé aux
Pour changer [de gestionnaire], tous les voisins ont dû se rassembler. Il y ment » auquel il aspire, Martín s’est investi personnellement et a fourni
a eu plein de gens à cette réunion-là : pour la première fois, on a réussi à faire de son immeuble un véritable complejo propre au « système de loge-
rassembler presque 380 personnes. Elle a eu lieu sur les courts de paddle. Pour changer de gestionnaire et contrôler le nouveau, dans l’objectif de
C’était vraiment plein, on a même dû utiliser des haut-parleurs. à ce gestionnaire pour qu’il reprenne le contrôle des lieux en leur nom.
Parmi les nombreux candidats, les copropriétaires ont choisi un jeune lesquels le promoteur avait le droit de le nommer ; ils faisaient confiance
comptable locataire à Torres del Plata. Les critères pris en compte ont été, ayant élu en 2007 un nouveau gestionnaire, à la fin des dix ans pendant
tout d’abord, le prix : ils ont choisi parmi les moins chers des candidats et boliques de leur immeuble. Mais ils gardaient espoir, les copropriétaires
ont écarté d’emblée les offres des sociétés de gestion de copropriétés re- calage entre leurs attentes et les conditions réelles, matérielles et sym-
nommées, très chères ; ensuite, la proximité géographique. Il leur semblait situation et à la recherche d’un responsable qui pourrait expliquer le dé-
que la situation de locataire du jeune comptable garantissait qu’il se met- entretiens, s’adonnant avec éloquence à un travail de justification de leur
trait immédiatement et constamment à la disposition des copropriétaires, Ainsi « piégés », Martín et Valeria se sont plaints du début à la fin des
et qu’il aurait un intérêt personnel à ce que la copropriété fonctionne sur les employés de la copropriété.
bien – tout ceci à moindre coût. Ce nouveau gestionnaire n’est pourtant n’arrivais jamais à atteindre aucun objectif. Et il n’y avait aucun contrôle
pas resté longtemps en poste, environ deux ans ; il n’a pas réussi à répondre voisins, qui avons le contrôle. [...] Alors c’est ça. Tu allais te plaindre et tu
aux attentes de ces habitants engagés dans la gestion de leur immeuble viennent aussi de la construction  ! C’est-à-dire, ce n’est pas nous, les
pour en faire une copropriété fermée. bâtiment. Deuxièmement, parce que les employés qu’on a aujourd’hui
Dans l’analyse de ces deux cas, il apparaît que la gestion de la copro- n’avait pas de contrôle. Car, d’abord, ce sont les mêmes qui ont fait le
priété constitue pour les habitants un enjeu majeur : le classement et Ce gestionnaire-là, franchement, dégueulasse. Pourquoi ? Parce qu’on
la catégorisation comme torre ou complejo – c’est-à-dire le marquage des
frontières faisant de l’immeuble une copropriété fermée distincte du
commun. La propreté, la réparation des équipements cassés, le contrôle 209 Eleonora Elguezabal
des comportements des habitants pour faire respecter le code esthétique

des comportements des habitants pour faire respecter le code esthétique


Eleonora Elguezabal 209 commun. La propreté, la réparation des équipements cassés, le contrôle
frontières faisant de l’immeuble une copropriété fermée distincte du
la catégorisation comme torre ou complejo – c’est-à-dire le marquage des
Ce gestionnaire-là, franchement, dégueulasse. Pourquoi ? Parce qu’on priété constitue pour les habitants un enjeu majeur : le classement et
n’avait pas de contrôle. Car, d’abord, ce sont les mêmes qui ont fait le Dans l’analyse de ces deux cas, il apparaît que la gestion de la copro-
bâtiment. Deuxièmement, parce que les employés qu’on a aujourd’hui pour en faire une copropriété fermée.
viennent aussi de la construction  ! C’est-à-dire, ce n’est pas nous, les aux attentes de ces habitants engagés dans la gestion de leur immeuble
voisins, qui avons le contrôle. [...] Alors c’est ça. Tu allais te plaindre et tu pas resté longtemps en poste, environ deux ans ; il n’a pas réussi à répondre
n’arrivais jamais à atteindre aucun objectif. Et il n’y avait aucun contrôle bien – tout ceci à moindre coût. Ce nouveau gestionnaire n’est pourtant
sur les employés de la copropriété. et qu’il aurait un intérêt personnel à ce que la copropriété fonctionne
Ainsi « piégés », Martín et Valeria se sont plaints du début à la fin des trait immédiatement et constamment à la disposition des copropriétaires,
entretiens, s’adonnant avec éloquence à un travail de justification de leur que la situation de locataire du jeune comptable garantissait qu’il se met-
situation et à la recherche d’un responsable qui pourrait expliquer le dé- nommées, très chères ; ensuite, la proximité géographique. Il leur semblait
calage entre leurs attentes et les conditions réelles, matérielles et sym- ont écarté d’emblée les offres des sociétés de gestion de copropriétés re-
boliques de leur immeuble. Mais ils gardaient espoir, les copropriétaires tout d’abord, le prix : ils ont choisi parmi les moins chers des candidats et
ayant élu en 2007 un nouveau gestionnaire, à la fin des dix ans pendant comptable locataire à Torres del Plata. Les critères pris en compte ont été,
lesquels le promoteur avait le droit de le nommer ; ils faisaient confiance Parmi les nombreux candidats, les copropriétaires ont choisi un jeune
à ce gestionnaire pour qu’il reprenne le contrôle des lieux en leur nom. C’était vraiment plein, on a même dû utiliser des haut-parleurs.
Pour changer de gestionnaire et contrôler le nouveau, dans l’objectif de rassembler presque 380 personnes. Elle a eu lieu sur les courts de paddle.
faire de son immeuble un véritable complejo propre au « système de loge- a eu plein de gens à cette réunion-là : pour la première fois, on a réussi à
ment » auquel il aspire, Martín s’est investi personnellement et a fourni Pour changer [de gestionnaire], tous les voisins ont dû se rassembler. Il y
beaucoup de travail ; il a fait partie du conseil syndical et a participé aux
démarches laborieuses qui ont été nécessaires pour changer de gestion- entourée d’un halo de justice :
naire. Martín décrit avec émotion l’assemblée générale des copropriétaires qui a décidé du nouveau gestionnaire, comme une reprise de pouvoir
qui a décidé du nouveau gestionnaire, comme une reprise de pouvoir naire. Martín décrit avec émotion l’assemblée générale des copropriétaires
entourée d’un halo de justice : démarches laborieuses qui ont été nécessaires pour changer de gestion-
beaucoup de travail ; il a fait partie du conseil syndical et a participé aux
Pour changer [de gestionnaire], tous les voisins ont dû se rassembler. Il y ment » auquel il aspire, Martín s’est investi personnellement et a fourni
a eu plein de gens à cette réunion-là : pour la première fois, on a réussi à faire de son immeuble un véritable complejo propre au « système de loge-
rassembler presque 380 personnes. Elle a eu lieu sur les courts de paddle. Pour changer de gestionnaire et contrôler le nouveau, dans l’objectif de
C’était vraiment plein, on a même dû utiliser des haut-parleurs. à ce gestionnaire pour qu’il reprenne le contrôle des lieux en leur nom.
Parmi les nombreux candidats, les copropriétaires ont choisi un jeune lesquels le promoteur avait le droit de le nommer ; ils faisaient confiance
comptable locataire à Torres del Plata. Les critères pris en compte ont été, ayant élu en 2007 un nouveau gestionnaire, à la fin des dix ans pendant
tout d’abord, le prix : ils ont choisi parmi les moins chers des candidats et boliques de leur immeuble. Mais ils gardaient espoir, les copropriétaires
ont écarté d’emblée les offres des sociétés de gestion de copropriétés re- calage entre leurs attentes et les conditions réelles, matérielles et sym-
nommées, très chères ; ensuite, la proximité géographique. Il leur semblait situation et à la recherche d’un responsable qui pourrait expliquer le dé-
que la situation de locataire du jeune comptable garantissait qu’il se met- entretiens, s’adonnant avec éloquence à un travail de justification de leur
trait immédiatement et constamment à la disposition des copropriétaires, Ainsi « piégés », Martín et Valeria se sont plaints du début à la fin des
et qu’il aurait un intérêt personnel à ce que la copropriété fonctionne sur les employés de la copropriété.
bien – tout ceci à moindre coût. Ce nouveau gestionnaire n’est pourtant n’arrivais jamais à atteindre aucun objectif. Et il n’y avait aucun contrôle
pas resté longtemps en poste, environ deux ans ; il n’a pas réussi à répondre voisins, qui avons le contrôle. [...] Alors c’est ça. Tu allais te plaindre et tu
aux attentes de ces habitants engagés dans la gestion de leur immeuble viennent aussi de la construction  ! C’est-à-dire, ce n’est pas nous, les
pour en faire une copropriété fermée. bâtiment. Deuxièmement, parce que les employés qu’on a aujourd’hui
Dans l’analyse de ces deux cas, il apparaît que la gestion de la copro- n’avait pas de contrôle. Car, d’abord, ce sont les mêmes qui ont fait le
priété constitue pour les habitants un enjeu majeur : le classement et Ce gestionnaire-là, franchement, dégueulasse. Pourquoi ? Parce qu’on
la catégorisation comme torre ou complejo – c’est-à-dire le marquage des
frontières faisant de l’immeuble une copropriété fermée distincte du
commun. La propreté, la réparation des équipements cassés, le contrôle 209 Eleonora Elguezabal
des comportements des habitants pour faire respecter le code esthétique
des données est assez chaotique ; il a fallu retranscrire manuellement toutes les données
14. La consultation en a été très laborieuse. Bien qu’il soit informatisé, l’enregistrement
210 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
grâce aux données du Registre public des gestionnaires de copropriétés14.
tés par actions établies dans le secteur. J’ai pu confirmer cette corrélation
administrées par des gestionnaires semblables, en l’occurrence des socié- de l’immeuble, la mise en fonctionnement des services, le maintien de
copropriétés fermées dans lesquelles j’enquêtais étaient ou avaient été l’ordre et l’encadrement des employés : toutes ces tâches contribuent au
les torres de renom, lorsque je me suis aperçue qu’une bonne partie des « style » de la copropriété et, pour cette raison, la délégation du travail de
nité entre un segment particulier des gestionnaires de copropriétés et gestion se présente comme un élément problématique dans la réalisation
C’est d’abord de manière ethnographique que j’ai découvert une affi- des désirs et des attentes des habitants à l’égard de leur logement. Autre-
échapperaient les copropriétés étudiées plus haut ? ment dit, le marquage symbolique de l’immeuble, son « étiquetage », est
un type particulier de gestionnaire propre aux torres et complejos, auquel en jeu dans ces négociations sur la délégation du travail de gestion et de
que torres ou complejos, que nous voudrions maintenant revenir. Existe-t-il mise en fonctionnement des services.
de la gestion de copropriétés et la catégorisation des immeubles en tant Cette délégation est d’autant plus cruciale que les habitants accordent
sur ce second point, qui tient à la question du rapport entre le marché beaucoup d’importance au statut de l’immeuble, notamment lorsque
naire à même de traiter la copropriété comme un lieu d’exception. C’est celui-ci n’est pas situé dans un quartier prestigieux. Cependant, faute de
la localisation dans de beaux quartiers et le fait de disposer d’un gestion- moyens économiques pour payer un gestionnaire à même de traiter leur
conditions généralement partagées par les torres et complejos de renom : copropriété comme un véritable complejo d’exception, ces copropriétés
copropriétés fermées qui apparaissent en décalage par rapport à deux fermées de second rang, situées dans des quartiers moyens, embauchent
Nous avons repéré l’existence d’un travail d’enclavement dans des des gestionnaires qui abordent leur travail dans ces copropriétés de la
même manière que dans les autres immeubles dont ils s’occupent et dont
LES TORRES DANS L’ESPACE DE LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS les habitants des complejos tentent précisément de se distinguer. Pour rat-
traper ce décalage, des habitants engagés dans le marquage des frontières
l’effort que les habitants doivent fournir pour les atteindre. autour de leur immeuble s’investissent personnellement dans la gestion
résidentiel se joue non seulement sur les qualités du lieu, mais aussi sur de leur copropriété. Ce « travail d’enclavement » s’assimile à une forme
sation qui existe parmi les torres et complejos : le classement d’un espace d’auto-exploitation, de « sale boulot » dissimulé, et révèle la hiérarchi-
d’auto-exploitation, de « sale boulot » dissimulé, et révèle la hiérarchi- sation qui existe parmi les torres et complejos : le classement d’un espace
de leur copropriété. Ce « travail d’enclavement » s’assimile à une forme résidentiel se joue non seulement sur les qualités du lieu, mais aussi sur
autour de leur immeuble s’investissent personnellement dans la gestion l’effort que les habitants doivent fournir pour les atteindre.
traper ce décalage, des habitants engagés dans le marquage des frontières
les habitants des complejos tentent précisément de se distinguer. Pour rat- LES TORRES DANS L’ESPACE DE LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS
même manière que dans les autres immeubles dont ils s’occupent et dont
des gestionnaires qui abordent leur travail dans ces copropriétés de la Nous avons repéré l’existence d’un travail d’enclavement dans des
fermées de second rang, situées dans des quartiers moyens, embauchent copropriétés fermées qui apparaissent en décalage par rapport à deux
copropriété comme un véritable complejo d’exception, ces copropriétés conditions généralement partagées par les torres et complejos de renom :
moyens économiques pour payer un gestionnaire à même de traiter leur la localisation dans de beaux quartiers et le fait de disposer d’un gestion-
celui-ci n’est pas situé dans un quartier prestigieux. Cependant, faute de naire à même de traiter la copropriété comme un lieu d’exception. C’est
beaucoup d’importance au statut de l’immeuble, notamment lorsque sur ce second point, qui tient à la question du rapport entre le marché
Cette délégation est d’autant plus cruciale que les habitants accordent de la gestion de copropriétés et la catégorisation des immeubles en tant
mise en fonctionnement des services. que torres ou complejos, que nous voudrions maintenant revenir. Existe-t-il
en jeu dans ces négociations sur la délégation du travail de gestion et de un type particulier de gestionnaire propre aux torres et complejos, auquel
ment dit, le marquage symbolique de l’immeuble, son « étiquetage », est échapperaient les copropriétés étudiées plus haut ?
des désirs et des attentes des habitants à l’égard de leur logement. Autre- C’est d’abord de manière ethnographique que j’ai découvert une affi-
gestion se présente comme un élément problématique dans la réalisation nité entre un segment particulier des gestionnaires de copropriétés et
« style » de la copropriété et, pour cette raison, la délégation du travail de les torres de renom, lorsque je me suis aperçue qu’une bonne partie des
l’ordre et l’encadrement des employés : toutes ces tâches contribuent au copropriétés fermées dans lesquelles j’enquêtais étaient ou avaient été
de l’immeuble, la mise en fonctionnement des services, le maintien de administrées par des gestionnaires semblables, en l’occurrence des socié-
tés par actions établies dans le secteur. J’ai pu confirmer cette corrélation
grâce aux données du Registre public des gestionnaires de copropriétés14.
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 210
14. La consultation en a été très laborieuse. Bien qu’il soit informatisé, l’enregistrement
des données est assez chaotique ; il a fallu retranscrire manuellement toutes les données

des données est assez chaotique ; il a fallu retranscrire manuellement toutes les données
14. La consultation en a été très laborieuse. Bien qu’il soit informatisé, l’enregistrement
210 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
grâce aux données du Registre public des gestionnaires de copropriétés14.
tés par actions établies dans le secteur. J’ai pu confirmer cette corrélation
administrées par des gestionnaires semblables, en l’occurrence des socié- de l’immeuble, la mise en fonctionnement des services, le maintien de
copropriétés fermées dans lesquelles j’enquêtais étaient ou avaient été l’ordre et l’encadrement des employés : toutes ces tâches contribuent au
les torres de renom, lorsque je me suis aperçue qu’une bonne partie des « style » de la copropriété et, pour cette raison, la délégation du travail de
nité entre un segment particulier des gestionnaires de copropriétés et gestion se présente comme un élément problématique dans la réalisation
C’est d’abord de manière ethnographique que j’ai découvert une affi- des désirs et des attentes des habitants à l’égard de leur logement. Autre-
échapperaient les copropriétés étudiées plus haut ? ment dit, le marquage symbolique de l’immeuble, son « étiquetage », est
un type particulier de gestionnaire propre aux torres et complejos, auquel en jeu dans ces négociations sur la délégation du travail de gestion et de
que torres ou complejos, que nous voudrions maintenant revenir. Existe-t-il mise en fonctionnement des services.
de la gestion de copropriétés et la catégorisation des immeubles en tant Cette délégation est d’autant plus cruciale que les habitants accordent
sur ce second point, qui tient à la question du rapport entre le marché beaucoup d’importance au statut de l’immeuble, notamment lorsque
naire à même de traiter la copropriété comme un lieu d’exception. C’est celui-ci n’est pas situé dans un quartier prestigieux. Cependant, faute de
la localisation dans de beaux quartiers et le fait de disposer d’un gestion- moyens économiques pour payer un gestionnaire à même de traiter leur
conditions généralement partagées par les torres et complejos de renom : copropriété comme un véritable complejo d’exception, ces copropriétés
copropriétés fermées qui apparaissent en décalage par rapport à deux fermées de second rang, situées dans des quartiers moyens, embauchent
Nous avons repéré l’existence d’un travail d’enclavement dans des des gestionnaires qui abordent leur travail dans ces copropriétés de la
même manière que dans les autres immeubles dont ils s’occupent et dont
LES TORRES DANS L’ESPACE DE LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS les habitants des complejos tentent précisément de se distinguer. Pour rat-
traper ce décalage, des habitants engagés dans le marquage des frontières
l’effort que les habitants doivent fournir pour les atteindre. autour de leur immeuble s’investissent personnellement dans la gestion
résidentiel se joue non seulement sur les qualités du lieu, mais aussi sur de leur copropriété. Ce « travail d’enclavement » s’assimile à une forme
sation qui existe parmi les torres et complejos : le classement d’un espace d’auto-exploitation, de « sale boulot » dissimulé, et révèle la hiérarchi-
d’auto-exploitation, de « sale boulot » dissimulé, et révèle la hiérarchi- sation qui existe parmi les torres et complejos : le classement d’un espace
de leur copropriété. Ce « travail d’enclavement » s’assimile à une forme résidentiel se joue non seulement sur les qualités du lieu, mais aussi sur
autour de leur immeuble s’investissent personnellement dans la gestion l’effort que les habitants doivent fournir pour les atteindre.
traper ce décalage, des habitants engagés dans le marquage des frontières
les habitants des complejos tentent précisément de se distinguer. Pour rat- LES TORRES DANS L’ESPACE DE LA GESTION DE COPROPRIÉTÉS
même manière que dans les autres immeubles dont ils s’occupent et dont
des gestionnaires qui abordent leur travail dans ces copropriétés de la Nous avons repéré l’existence d’un travail d’enclavement dans des
fermées de second rang, situées dans des quartiers moyens, embauchent copropriétés fermées qui apparaissent en décalage par rapport à deux
copropriété comme un véritable complejo d’exception, ces copropriétés conditions généralement partagées par les torres et complejos de renom :
moyens économiques pour payer un gestionnaire à même de traiter leur la localisation dans de beaux quartiers et le fait de disposer d’un gestion-
celui-ci n’est pas situé dans un quartier prestigieux. Cependant, faute de naire à même de traiter la copropriété comme un lieu d’exception. C’est
beaucoup d’importance au statut de l’immeuble, notamment lorsque sur ce second point, qui tient à la question du rapport entre le marché
Cette délégation est d’autant plus cruciale que les habitants accordent de la gestion de copropriétés et la catégorisation des immeubles en tant
mise en fonctionnement des services. que torres ou complejos, que nous voudrions maintenant revenir. Existe-t-il
en jeu dans ces négociations sur la délégation du travail de gestion et de un type particulier de gestionnaire propre aux torres et complejos, auquel
ment dit, le marquage symbolique de l’immeuble, son « étiquetage », est échapperaient les copropriétés étudiées plus haut ?
des désirs et des attentes des habitants à l’égard de leur logement. Autre- C’est d’abord de manière ethnographique que j’ai découvert une affi-
gestion se présente comme un élément problématique dans la réalisation nité entre un segment particulier des gestionnaires de copropriétés et
« style » de la copropriété et, pour cette raison, la délégation du travail de les torres de renom, lorsque je me suis aperçue qu’une bonne partie des
l’ordre et l’encadrement des employés : toutes ces tâches contribuent au copropriétés fermées dans lesquelles j’enquêtais étaient ou avaient été
de l’immeuble, la mise en fonctionnement des services, le maintien de administrées par des gestionnaires semblables, en l’occurrence des socié-
tés par actions établies dans le secteur. J’ai pu confirmer cette corrélation
grâce aux données du Registre public des gestionnaires de copropriétés14.
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 210
14. La consultation en a été très laborieuse. Bien qu’il soit informatisé, l’enregistrement
des données est assez chaotique ; il a fallu retranscrire manuellement toutes les données
dans leur bureau.
de m’avoir permis de consulter leurs fichiers et de m’avoir chaleureusement accueillie
Eleonora Elguezabal 211 puis les mettre en ordre. Je remercie les responsables et les employés du Registre public

ficios en torre. Une liste des copropriétés dont elle a la charge témoigne sur
En effet, dans les torres et complejos, notamment les plus fameux, on trouve standard téléphonique, elle se présente comme une administration d’edi-
très souvent les mêmes gestionnaires de copropriétés : un petit noyau de des torres les propriétés qu’elle administre : sur son site et à l’accueil de son
sociétés par actions (des sociedades anónimas, SA) situées au centre-ville, Pour s’identifier comme entreprise, AB Gestión SA catégorise comme
relativement anciennes (une vingtaine d’années d’existence au moins), de la gestion de copropriétés.
renommées dans le secteur, qui ont une organisation complexe (avec manière de se maintenir dans une position dominante au sein de l’espace
une division du travail par départements) et disposent de sites Internet. manière peu formalisée et peu institutionnalisée. C’est pour elles une
Certaines sont spécialisées dans l’administration de copropriétés, mais de la masse des gestionnaires de copropriétés qui exercent l’activité de
d’autres assurent également, quoique de manière complémentaire, des immeubles qu’elles administrent, elles cherchent toutes à se distinguer
tâches relatives à l’administration de propriétés (maintenance, gestion des Mais en s’appropriant la catégorie de torre ou complejo pour caractériser les
loyers, etc.), à l’intermédiation immobilière, à la division domaniale ou à étaient spécialisées dans les immeubles résidentiels de très haut standing.
la promotion immobilière. à l’origine des sociétés de gestion d’immeubles de bureaux ; les autres
D’après les données statistiques que j’ai pu tirer de ce registre, il s’agit Les trajectoires de ces quelques sociétés sont diverses : les unes étaient
d’un segment restreint et très particulier du marché de la gestion de co- administrées par des sociétés (en particulier par des sociétés par actions).
propriétés. Le registre révèle que dans la ville de Buenos Aires, l’activité issus des vastes opérations immobilières récentes  –, sont quant à elles
de gestion de copropriétés est aujourd’hui dominée par des particuliers posant de nombreux services – ce qui est caractéristique des immeubles
(95 % des inscrits) qui l’exercent de manière peu stable et peu formalisée, pourvu qu’elles ne soient pas très grandes. Les grandes copropriétés pro-
les sociétés correspondant ainsi à moins de 5 % ; par ailleurs, le turnover est alors que les particuliers peuvent administrer tous types de copropriétés,
très important (plus de 50 % des inscrits n’exercent plus cette activité) et posent d’une gestion de copropriété prise en charge par de telles sociétés,
la majorité des particuliers travaillent à leur domicile personnel. La plus au marché de la gestion : ce sont surtout celles des beaux quartiers qui dis-
grande partie des copropriétés (80 %) est administrée par des particuliers, le font à titre gratuit. Mais toutes les copropriétés n’ont pas le même accès
de cette manière peu institutionnalisée et peu formalisée (70 % par des particuliers qui le font à titre onéreux et 10 % par des copropriétaires qui
particuliers qui le font à titre onéreux et 10 % par des copropriétaires qui de cette manière peu institutionnalisée et peu formalisée (70 % par des
le font à titre gratuit. Mais toutes les copropriétés n’ont pas le même accès grande partie des copropriétés (80 %) est administrée par des particuliers,
au marché de la gestion : ce sont surtout celles des beaux quartiers qui dis- la majorité des particuliers travaillent à leur domicile personnel. La plus
posent d’une gestion de copropriété prise en charge par de telles sociétés, très important (plus de 50 % des inscrits n’exercent plus cette activité) et
alors que les particuliers peuvent administrer tous types de copropriétés, les sociétés correspondant ainsi à moins de 5 % ; par ailleurs, le turnover est
pourvu qu’elles ne soient pas très grandes. Les grandes copropriétés pro- (95 % des inscrits) qui l’exercent de manière peu stable et peu formalisée,
posant de nombreux services – ce qui est caractéristique des immeubles de gestion de copropriétés est aujourd’hui dominée par des particuliers
issus des vastes opérations immobilières récentes  –, sont quant à elles propriétés. Le registre révèle que dans la ville de Buenos Aires, l’activité
administrées par des sociétés (en particulier par des sociétés par actions). d’un segment restreint et très particulier du marché de la gestion de co-
Les trajectoires de ces quelques sociétés sont diverses : les unes étaient D’après les données statistiques que j’ai pu tirer de ce registre, il s’agit
à l’origine des sociétés de gestion d’immeubles de bureaux ; les autres la promotion immobilière.
étaient spécialisées dans les immeubles résidentiels de très haut standing. loyers, etc.), à l’intermédiation immobilière, à la division domaniale ou à
Mais en s’appropriant la catégorie de torre ou complejo pour caractériser les tâches relatives à l’administration de propriétés (maintenance, gestion des
immeubles qu’elles administrent, elles cherchent toutes à se distinguer d’autres assurent également, quoique de manière complémentaire, des
de la masse des gestionnaires de copropriétés qui exercent l’activité de Certaines sont spécialisées dans l’administration de copropriétés, mais
manière peu formalisée et peu institutionnalisée. C’est pour elles une une division du travail par départements) et disposent de sites Internet.
manière de se maintenir dans une position dominante au sein de l’espace renommées dans le secteur, qui ont une organisation complexe (avec
de la gestion de copropriétés. relativement anciennes (une vingtaine d’années d’existence au moins),
Pour s’identifier comme entreprise, AB Gestión SA catégorise comme sociétés par actions (des sociedades anónimas, SA) situées au centre-ville,
des torres les propriétés qu’elle administre : sur son site et à l’accueil de son très souvent les mêmes gestionnaires de copropriétés : un petit noyau de
standard téléphonique, elle se présente comme une administration d’edi- En effet, dans les torres et complejos, notamment les plus fameux, on trouve
ficios en torre. Une liste des copropriétés dont elle a la charge témoigne sur
puis les mettre en ordre. Je remercie les responsables et les employés du Registre public 211 Eleonora Elguezabal
de m’avoir permis de consulter leurs fichiers et de m’avoir chaleureusement accueillie
dans leur bureau.

dans leur bureau.


de m’avoir permis de consulter leurs fichiers et de m’avoir chaleureusement accueillie
Eleonora Elguezabal 211 puis les mettre en ordre. Je remercie les responsables et les employés du Registre public

ficios en torre. Une liste des copropriétés dont elle a la charge témoigne sur
En effet, dans les torres et complejos, notamment les plus fameux, on trouve standard téléphonique, elle se présente comme une administration d’edi-
très souvent les mêmes gestionnaires de copropriétés : un petit noyau de des torres les propriétés qu’elle administre : sur son site et à l’accueil de son
sociétés par actions (des sociedades anónimas, SA) situées au centre-ville, Pour s’identifier comme entreprise, AB Gestión SA catégorise comme
relativement anciennes (une vingtaine d’années d’existence au moins), de la gestion de copropriétés.
renommées dans le secteur, qui ont une organisation complexe (avec manière de se maintenir dans une position dominante au sein de l’espace
une division du travail par départements) et disposent de sites Internet. manière peu formalisée et peu institutionnalisée. C’est pour elles une
Certaines sont spécialisées dans l’administration de copropriétés, mais de la masse des gestionnaires de copropriétés qui exercent l’activité de
d’autres assurent également, quoique de manière complémentaire, des immeubles qu’elles administrent, elles cherchent toutes à se distinguer
tâches relatives à l’administration de propriétés (maintenance, gestion des Mais en s’appropriant la catégorie de torre ou complejo pour caractériser les
loyers, etc.), à l’intermédiation immobilière, à la division domaniale ou à étaient spécialisées dans les immeubles résidentiels de très haut standing.
la promotion immobilière. à l’origine des sociétés de gestion d’immeubles de bureaux ; les autres
D’après les données statistiques que j’ai pu tirer de ce registre, il s’agit Les trajectoires de ces quelques sociétés sont diverses : les unes étaient
d’un segment restreint et très particulier du marché de la gestion de co- administrées par des sociétés (en particulier par des sociétés par actions).
propriétés. Le registre révèle que dans la ville de Buenos Aires, l’activité issus des vastes opérations immobilières récentes  –, sont quant à elles
de gestion de copropriétés est aujourd’hui dominée par des particuliers posant de nombreux services – ce qui est caractéristique des immeubles
(95 % des inscrits) qui l’exercent de manière peu stable et peu formalisée, pourvu qu’elles ne soient pas très grandes. Les grandes copropriétés pro-
les sociétés correspondant ainsi à moins de 5 % ; par ailleurs, le turnover est alors que les particuliers peuvent administrer tous types de copropriétés,
très important (plus de 50 % des inscrits n’exercent plus cette activité) et posent d’une gestion de copropriété prise en charge par de telles sociétés,
la majorité des particuliers travaillent à leur domicile personnel. La plus au marché de la gestion : ce sont surtout celles des beaux quartiers qui dis-
grande partie des copropriétés (80 %) est administrée par des particuliers, le font à titre gratuit. Mais toutes les copropriétés n’ont pas le même accès
de cette manière peu institutionnalisée et peu formalisée (70 % par des particuliers qui le font à titre onéreux et 10 % par des copropriétaires qui
particuliers qui le font à titre onéreux et 10 % par des copropriétaires qui de cette manière peu institutionnalisée et peu formalisée (70 % par des
le font à titre gratuit. Mais toutes les copropriétés n’ont pas le même accès grande partie des copropriétés (80 %) est administrée par des particuliers,
au marché de la gestion : ce sont surtout celles des beaux quartiers qui dis- la majorité des particuliers travaillent à leur domicile personnel. La plus
posent d’une gestion de copropriété prise en charge par de telles sociétés, très important (plus de 50 % des inscrits n’exercent plus cette activité) et
alors que les particuliers peuvent administrer tous types de copropriétés, les sociétés correspondant ainsi à moins de 5 % ; par ailleurs, le turnover est
pourvu qu’elles ne soient pas très grandes. Les grandes copropriétés pro- (95 % des inscrits) qui l’exercent de manière peu stable et peu formalisée,
posant de nombreux services – ce qui est caractéristique des immeubles de gestion de copropriétés est aujourd’hui dominée par des particuliers
issus des vastes opérations immobilières récentes  –, sont quant à elles propriétés. Le registre révèle que dans la ville de Buenos Aires, l’activité
administrées par des sociétés (en particulier par des sociétés par actions). d’un segment restreint et très particulier du marché de la gestion de co-
Les trajectoires de ces quelques sociétés sont diverses : les unes étaient D’après les données statistiques que j’ai pu tirer de ce registre, il s’agit
à l’origine des sociétés de gestion d’immeubles de bureaux ; les autres la promotion immobilière.
étaient spécialisées dans les immeubles résidentiels de très haut standing. loyers, etc.), à l’intermédiation immobilière, à la division domaniale ou à
Mais en s’appropriant la catégorie de torre ou complejo pour caractériser les tâches relatives à l’administration de propriétés (maintenance, gestion des
immeubles qu’elles administrent, elles cherchent toutes à se distinguer d’autres assurent également, quoique de manière complémentaire, des
de la masse des gestionnaires de copropriétés qui exercent l’activité de Certaines sont spécialisées dans l’administration de copropriétés, mais
manière peu formalisée et peu institutionnalisée. C’est pour elles une une division du travail par départements) et disposent de sites Internet.
manière de se maintenir dans une position dominante au sein de l’espace renommées dans le secteur, qui ont une organisation complexe (avec
de la gestion de copropriétés. relativement anciennes (une vingtaine d’années d’existence au moins),
Pour s’identifier comme entreprise, AB Gestión SA catégorise comme sociétés par actions (des sociedades anónimas, SA) situées au centre-ville,
des torres les propriétés qu’elle administre : sur son site et à l’accueil de son très souvent les mêmes gestionnaires de copropriétés : un petit noyau de
standard téléphonique, elle se présente comme une administration d’edi- En effet, dans les torres et complejos, notamment les plus fameux, on trouve
ficios en torre. Une liste des copropriétés dont elle a la charge témoigne sur
puis les mettre en ordre. Je remercie les responsables et les employés du Registre public 211 Eleonora Elguezabal
de m’avoir permis de consulter leurs fichiers et de m’avoir chaleureusement accueillie
dans leur bureau.
avoir un intendente [chef de site], quelqu’un de qualifié. Mais c’est mieux,
de prévention a un coût : il faut avoir du personnel d’entretien, il faut 212 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
où les gens ne veulent pas dépenser d’argent. Parce que la maintenance
choses se passer, parce que ce sont des immeubles, disons, plutôt modestes,
son site de la position sélective qu’elle occupe sur le marché de la gestion
immeubles seulement quand il y a quelque chose de cassé. Ils laissent les
tout fonctionne comme il faut. Les [petits] gestionnaires vont dans les
prévention sur les équipements. La maintenance de prévention fait que de copropriétés et lui permet d’affirmer sa valeur sociale dans le secteur :
offre. Nous essayons d’aller de l’avant, ce qu’on appelle la maintenance de elle exerce un contrôle sur les frontières sociales des immeubles qu’elle
Nous, on est une entreprise de premier rang en raison du service qu’on administre en s’assurant qu’ils aient une certaine qualité, si bien que son
président m’a affirmé avec fierté que sa société est « une entreprise de
le gardien d’immeuble. D’après le président d’AB Gestión : premier rang » sur le marché. AB Gestión SA est née dans les années 1970,
immeubles de la ville selon l’organisation « traditionnelle » reposant sur elle est située au centre-ville et dispose d’une organisation fortement ins-
position aux autres gestionnaires qui administrent la grande majorité des titutionnalisée et organisée en départements spécialisés. Elle s’est spécia-
faire usage de techniques particulières, dont ils sont spécialistes, par op- lisée dans la gestion d’immeubles de bureaux et de nouveaux immeubles
d’une copropriété une torre, c’est la possibilité de la gérer comme telle, de résidentiels de grand standing : c’est à partir du marché de la première
pas nécessairement celle du gestionnaire. Ce qui, pour ce dernier, fait qu’elle a investi le marché des torres et complejos, grâce à ses contacts avec
mobiliers, mais c’est une traduction négociée : la torre du promoteur n’est les grands promoteurs – en effet, les promoteurs des uns et des autres sont
complejos est en effet une traduction de la catégorie des promoteurs im- souvent les mêmes.
Pour les gestionnaires de copropriétés, la catégorie de torres ou de La gestion de torres et complejos n’a pas occupé la même place dans
pendant les premières années de leur existence. la trajectoire de Martini SA. Cette société, dont l’activité principale est
plejos par l’intermédiaire de promoteurs qui la désignent pour les gérer depuis longtemps l’administration de copropriétés, est née dans les an-
grandes opérations. Comme AB Gestión SA, Martini SA obtient les com- nées 1940. Martini SA est aujourd’hui principalement présente sur deux
immobilière pour désigner les nouveaux produits de standing issus de marchés : d’une part, l’administration d’anciennes copropriétés résiden-
le développement – est une catégorie propre au milieu de la promotion tielles de grand standing – que le président de la société appelle des edi-
comme synonyme de complejos est significatif : le desarrollo – littéralement, ficios tradicionales (« immeubles traditionnels ») –, marché dans lequel elle
le président de Martini SA appelle aussi desarrollos. L’usage de ce terme figure depuis longtemps ; d’autre part, l’administration de complejos – que
figure depuis longtemps ; d’autre part, l’administration de complejos – que le président de Martini SA appelle aussi desarrollos. L’usage de ce terme
ficios tradicionales (« immeubles traditionnels ») –, marché dans lequel elle comme synonyme de complejos est significatif : le desarrollo – littéralement,
tielles de grand standing – que le président de la société appelle des edi- le développement – est une catégorie propre au milieu de la promotion
marchés : d’une part, l’administration d’anciennes copropriétés résiden- immobilière pour désigner les nouveaux produits de standing issus de
nées 1940. Martini SA est aujourd’hui principalement présente sur deux grandes opérations. Comme AB Gestión SA, Martini SA obtient les com-
depuis longtemps l’administration de copropriétés, est née dans les an- plejos par l’intermédiaire de promoteurs qui la désignent pour les gérer
la trajectoire de Martini SA. Cette société, dont l’activité principale est pendant les premières années de leur existence.
La gestion de torres et complejos n’a pas occupé la même place dans Pour les gestionnaires de copropriétés, la catégorie de torres ou de
souvent les mêmes. complejos est en effet une traduction de la catégorie des promoteurs im-
les grands promoteurs – en effet, les promoteurs des uns et des autres sont mobiliers, mais c’est une traduction négociée : la torre du promoteur n’est
qu’elle a investi le marché des torres et complejos, grâce à ses contacts avec pas nécessairement celle du gestionnaire. Ce qui, pour ce dernier, fait
résidentiels de grand standing : c’est à partir du marché de la première d’une copropriété une torre, c’est la possibilité de la gérer comme telle, de
lisée dans la gestion d’immeubles de bureaux et de nouveaux immeubles faire usage de techniques particulières, dont ils sont spécialistes, par op-
titutionnalisée et organisée en départements spécialisés. Elle s’est spécia- position aux autres gestionnaires qui administrent la grande majorité des
elle est située au centre-ville et dispose d’une organisation fortement ins- immeubles de la ville selon l’organisation « traditionnelle » reposant sur
premier rang » sur le marché. AB Gestión SA est née dans les années 1970, le gardien d’immeuble. D’après le président d’AB Gestión :
président m’a affirmé avec fierté que sa société est « une entreprise de
administre en s’assurant qu’ils aient une certaine qualité, si bien que son Nous, on est une entreprise de premier rang en raison du service qu’on
elle exerce un contrôle sur les frontières sociales des immeubles qu’elle offre. Nous essayons d’aller de l’avant, ce qu’on appelle la maintenance de
de copropriétés et lui permet d’affirmer sa valeur sociale dans le secteur : prévention sur les équipements. La maintenance de prévention fait que
son site de la position sélective qu’elle occupe sur le marché de la gestion tout fonctionne comme il faut. Les [petits] gestionnaires vont dans les
immeubles seulement quand il y a quelque chose de cassé. Ils laissent les
choses se passer, parce que ce sont des immeubles, disons, plutôt modestes,
où les gens ne veulent pas dépenser d’argent. Parce que la maintenance
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 212 de prévention a un coût : il faut avoir du personnel d’entretien, il faut
avoir un intendente [chef de site], quelqu’un de qualifié. Mais c’est mieux,

avoir un intendente [chef de site], quelqu’un de qualifié. Mais c’est mieux,


de prévention a un coût : il faut avoir du personnel d’entretien, il faut 212 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
où les gens ne veulent pas dépenser d’argent. Parce que la maintenance
choses se passer, parce que ce sont des immeubles, disons, plutôt modestes,
son site de la position sélective qu’elle occupe sur le marché de la gestion
immeubles seulement quand il y a quelque chose de cassé. Ils laissent les
tout fonctionne comme il faut. Les [petits] gestionnaires vont dans les
prévention sur les équipements. La maintenance de prévention fait que de copropriétés et lui permet d’affirmer sa valeur sociale dans le secteur :
offre. Nous essayons d’aller de l’avant, ce qu’on appelle la maintenance de elle exerce un contrôle sur les frontières sociales des immeubles qu’elle
Nous, on est une entreprise de premier rang en raison du service qu’on administre en s’assurant qu’ils aient une certaine qualité, si bien que son
président m’a affirmé avec fierté que sa société est « une entreprise de
le gardien d’immeuble. D’après le président d’AB Gestión : premier rang » sur le marché. AB Gestión SA est née dans les années 1970,
immeubles de la ville selon l’organisation « traditionnelle » reposant sur elle est située au centre-ville et dispose d’une organisation fortement ins-
position aux autres gestionnaires qui administrent la grande majorité des titutionnalisée et organisée en départements spécialisés. Elle s’est spécia-
faire usage de techniques particulières, dont ils sont spécialistes, par op- lisée dans la gestion d’immeubles de bureaux et de nouveaux immeubles
d’une copropriété une torre, c’est la possibilité de la gérer comme telle, de résidentiels de grand standing : c’est à partir du marché de la première
pas nécessairement celle du gestionnaire. Ce qui, pour ce dernier, fait qu’elle a investi le marché des torres et complejos, grâce à ses contacts avec
mobiliers, mais c’est une traduction négociée : la torre du promoteur n’est les grands promoteurs – en effet, les promoteurs des uns et des autres sont
complejos est en effet une traduction de la catégorie des promoteurs im- souvent les mêmes.
Pour les gestionnaires de copropriétés, la catégorie de torres ou de La gestion de torres et complejos n’a pas occupé la même place dans
pendant les premières années de leur existence. la trajectoire de Martini SA. Cette société, dont l’activité principale est
plejos par l’intermédiaire de promoteurs qui la désignent pour les gérer depuis longtemps l’administration de copropriétés, est née dans les an-
grandes opérations. Comme AB Gestión SA, Martini SA obtient les com- nées 1940. Martini SA est aujourd’hui principalement présente sur deux
immobilière pour désigner les nouveaux produits de standing issus de marchés : d’une part, l’administration d’anciennes copropriétés résiden-
le développement – est une catégorie propre au milieu de la promotion tielles de grand standing – que le président de la société appelle des edi-
comme synonyme de complejos est significatif : le desarrollo – littéralement, ficios tradicionales (« immeubles traditionnels ») –, marché dans lequel elle
le président de Martini SA appelle aussi desarrollos. L’usage de ce terme figure depuis longtemps ; d’autre part, l’administration de complejos – que
figure depuis longtemps ; d’autre part, l’administration de complejos – que le président de Martini SA appelle aussi desarrollos. L’usage de ce terme
ficios tradicionales (« immeubles traditionnels ») –, marché dans lequel elle comme synonyme de complejos est significatif : le desarrollo – littéralement,
tielles de grand standing – que le président de la société appelle des edi- le développement – est une catégorie propre au milieu de la promotion
marchés : d’une part, l’administration d’anciennes copropriétés résiden- immobilière pour désigner les nouveaux produits de standing issus de
nées 1940. Martini SA est aujourd’hui principalement présente sur deux grandes opérations. Comme AB Gestión SA, Martini SA obtient les com-
depuis longtemps l’administration de copropriétés, est née dans les an- plejos par l’intermédiaire de promoteurs qui la désignent pour les gérer
la trajectoire de Martini SA. Cette société, dont l’activité principale est pendant les premières années de leur existence.
La gestion de torres et complejos n’a pas occupé la même place dans Pour les gestionnaires de copropriétés, la catégorie de torres ou de
souvent les mêmes. complejos est en effet une traduction de la catégorie des promoteurs im-
les grands promoteurs – en effet, les promoteurs des uns et des autres sont mobiliers, mais c’est une traduction négociée : la torre du promoteur n’est
qu’elle a investi le marché des torres et complejos, grâce à ses contacts avec pas nécessairement celle du gestionnaire. Ce qui, pour ce dernier, fait
résidentiels de grand standing : c’est à partir du marché de la première d’une copropriété une torre, c’est la possibilité de la gérer comme telle, de
lisée dans la gestion d’immeubles de bureaux et de nouveaux immeubles faire usage de techniques particulières, dont ils sont spécialistes, par op-
titutionnalisée et organisée en départements spécialisés. Elle s’est spécia- position aux autres gestionnaires qui administrent la grande majorité des
elle est située au centre-ville et dispose d’une organisation fortement ins- immeubles de la ville selon l’organisation « traditionnelle » reposant sur
premier rang » sur le marché. AB Gestión SA est née dans les années 1970, le gardien d’immeuble. D’après le président d’AB Gestión :
président m’a affirmé avec fierté que sa société est « une entreprise de
administre en s’assurant qu’ils aient une certaine qualité, si bien que son Nous, on est une entreprise de premier rang en raison du service qu’on
elle exerce un contrôle sur les frontières sociales des immeubles qu’elle offre. Nous essayons d’aller de l’avant, ce qu’on appelle la maintenance de
de copropriétés et lui permet d’affirmer sa valeur sociale dans le secteur : prévention sur les équipements. La maintenance de prévention fait que
son site de la position sélective qu’elle occupe sur le marché de la gestion tout fonctionne comme il faut. Les [petits] gestionnaires vont dans les
immeubles seulement quand il y a quelque chose de cassé. Ils laissent les
choses se passer, parce que ce sont des immeubles, disons, plutôt modestes,
où les gens ne veulent pas dépenser d’argent. Parce que la maintenance
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 212 de prévention a un coût : il faut avoir du personnel d’entretien, il faut
avoir un intendente [chef de site], quelqu’un de qualifié. Mais c’est mieux,
& Lelévrier, 2007).
reposant sur trois dimensions principales : la sécurité, la propreté et l’ambiance (Lefeuvre
Eleonora Elguezabal 213 Lelévrier, à savoir des pratiques et des formes d’organisation nouvelles et transsectorielles
être associée à la « gestion de site » dont parlent Marie-Pierre Lefeuvre et Christine
15. L’organisation du travail mise en place par les gestionnaires de torres et complejos peut
parce que ça maintient la valeur de la propriété. Les autres immeubles,
parce qu’ils ne suivent pas le même protocole de maintenance, paient des promoteurs, les gestionnaires sont assez libres dans la mise en place
certes moins de charges, mais ils se dégradent et perdent de leur valeur. Lorsqu’il s’agit de nouveaux immeubles qu’ils reçoivent directement
Cet autre immeuble, parce qu’on y pratique cette maintenance, paie des subalternes – ce que la figure de l’intendente remet en question15.
charges un petit peu plus élevées, 10 % ou 15 % de plus, mais il maintient tant que représentant de la copropriété et les salariés en tant qu’employés
sa valeur. C’est ce qui nous distingue : la maintenance de prévention sur bénéficient pas, et d’autre part une division claire entre le gestionnaire en
les équipements. Et c’est ce que nous faisons : si quelqu’un n’en veut pas, ployés en sous-traitance (aussi bien de nettoyage que de sécurité) ne
alors nous ne l’acceptons pas. d’une part de nombreux acquis sociaux pour les salariés, dont les em-
C’est le fait de gérer les copropriétés d’une certaine façon qui fait la convention collective des travailleurs des copropriétés, qui prévoient
d’elles des torres ou complejos dans le monde de la gestion de coproprié- 2011). Cette organisation du travail n’est pas compatible avec les normes de
tés. Plutôt que les caractéristiques formelles de l’immeuble, c’est l’accord principale des vigiles travaillant pour des sociétés privées (Elguezabal,
pour mettre en œuvre des méthodes de travail considérées comme plus drement externe des employés subalternes précarisés, ce qui est la tâche
« rationalisées » par ceux qui embauchent les gestionnaires (qu’il s’agisse Cette organisation flexible du travail dans les complejos suppose un enca-
des promoteurs ou des copropriétaires, autrement dit d’un immeuble du travail et à maintenir l’ordre social à l’intérieur des établissements.
neuf ou non) qui est déterminant pour la catégorisation de l’immeuble subalternes. L’intendente est un manager qui veille à améliorer l’efficacité
comme torre ou complejo. De telle sorte qu’aux Torres del Sol (copro- par secteur), tous salariés, et recourt à la sous-traitance pour les tâches
priétés récentes issues de la promotion privée, « fermées », comptant de rité) dirigés par un intendente (le chef de site) et des chefs adjoints (un
nombreux services), le refus des copropriétaires de les mettre en œuvre vité est divisée en trois grands secteurs (maintenance, nettoyage et sécu-
rend aux yeux du président d’AB Gestión SA la copropriété indigne de et de complejos. C’est une organisation flexible qui les caractérise. L’acti-
ce nom, et donc, des services de son entreprise. par l’ensemble de ceux qui se définissent comme gestionnaires de torres
Ces méthodes de travail ne varient pas selon qu’il s’agit de coproprié- tés de bureaux ou de logements, et elles sont appliquées plus largement
tés de bureaux ou de logements, et elles sont appliquées plus largement Ces méthodes de travail ne varient pas selon qu’il s’agit de coproprié-
par l’ensemble de ceux qui se définissent comme gestionnaires de torres ce nom, et donc, des services de son entreprise.
et de complejos. C’est une organisation flexible qui les caractérise. L’acti- rend aux yeux du président d’AB Gestión SA la copropriété indigne de
vité est divisée en trois grands secteurs (maintenance, nettoyage et sécu- nombreux services), le refus des copropriétaires de les mettre en œuvre
rité) dirigés par un intendente (le chef de site) et des chefs adjoints (un priétés récentes issues de la promotion privée, « fermées », comptant de
par secteur), tous salariés, et recourt à la sous-traitance pour les tâches comme torre ou complejo. De telle sorte qu’aux Torres del Sol (copro-
subalternes. L’intendente est un manager qui veille à améliorer l’efficacité neuf ou non) qui est déterminant pour la catégorisation de l’immeuble
du travail et à maintenir l’ordre social à l’intérieur des établissements. des promoteurs ou des copropriétaires, autrement dit d’un immeuble
Cette organisation flexible du travail dans les complejos suppose un enca- « rationalisées » par ceux qui embauchent les gestionnaires (qu’il s’agisse
drement externe des employés subalternes précarisés, ce qui est la tâche pour mettre en œuvre des méthodes de travail considérées comme plus
principale des vigiles travaillant pour des sociétés privées (Elguezabal, tés. Plutôt que les caractéristiques formelles de l’immeuble, c’est l’accord
2011). Cette organisation du travail n’est pas compatible avec les normes de d’elles des torres ou complejos dans le monde de la gestion de coproprié-
la convention collective des travailleurs des copropriétés, qui prévoient C’est le fait de gérer les copropriétés d’une certaine façon qui fait
d’une part de nombreux acquis sociaux pour les salariés, dont les em- alors nous ne l’acceptons pas.
ployés en sous-traitance (aussi bien de nettoyage que de sécurité) ne les équipements. Et c’est ce que nous faisons : si quelqu’un n’en veut pas,
bénéficient pas, et d’autre part une division claire entre le gestionnaire en sa valeur. C’est ce qui nous distingue : la maintenance de prévention sur
tant que représentant de la copropriété et les salariés en tant qu’employés charges un petit peu plus élevées, 10 % ou 15 % de plus, mais il maintient
subalternes – ce que la figure de l’intendente remet en question15. Cet autre immeuble, parce qu’on y pratique cette maintenance, paie des
Lorsqu’il s’agit de nouveaux immeubles qu’ils reçoivent directement certes moins de charges, mais ils se dégradent et perdent de leur valeur.
des promoteurs, les gestionnaires sont assez libres dans la mise en place parce qu’ils ne suivent pas le même protocole de maintenance, paient
parce que ça maintient la valeur de la propriété. Les autres immeubles,
15. L’organisation du travail mise en place par les gestionnaires de torres et complejos peut
être associée à la « gestion de site » dont parlent Marie-Pierre Lefeuvre et Christine
Lelévrier, à savoir des pratiques et des formes d’organisation nouvelles et transsectorielles 213 Eleonora Elguezabal
reposant sur trois dimensions principales : la sécurité, la propreté et l’ambiance (Lefeuvre
& Lelévrier, 2007).

& Lelévrier, 2007).


reposant sur trois dimensions principales : la sécurité, la propreté et l’ambiance (Lefeuvre
Eleonora Elguezabal 213 Lelévrier, à savoir des pratiques et des formes d’organisation nouvelles et transsectorielles
être associée à la « gestion de site » dont parlent Marie-Pierre Lefeuvre et Christine
15. L’organisation du travail mise en place par les gestionnaires de torres et complejos peut
parce que ça maintient la valeur de la propriété. Les autres immeubles,
parce qu’ils ne suivent pas le même protocole de maintenance, paient des promoteurs, les gestionnaires sont assez libres dans la mise en place
certes moins de charges, mais ils se dégradent et perdent de leur valeur. Lorsqu’il s’agit de nouveaux immeubles qu’ils reçoivent directement
Cet autre immeuble, parce qu’on y pratique cette maintenance, paie des subalternes – ce que la figure de l’intendente remet en question15.
charges un petit peu plus élevées, 10 % ou 15 % de plus, mais il maintient tant que représentant de la copropriété et les salariés en tant qu’employés
sa valeur. C’est ce qui nous distingue : la maintenance de prévention sur bénéficient pas, et d’autre part une division claire entre le gestionnaire en
les équipements. Et c’est ce que nous faisons : si quelqu’un n’en veut pas, ployés en sous-traitance (aussi bien de nettoyage que de sécurité) ne
alors nous ne l’acceptons pas. d’une part de nombreux acquis sociaux pour les salariés, dont les em-
C’est le fait de gérer les copropriétés d’une certaine façon qui fait la convention collective des travailleurs des copropriétés, qui prévoient
d’elles des torres ou complejos dans le monde de la gestion de coproprié- 2011). Cette organisation du travail n’est pas compatible avec les normes de
tés. Plutôt que les caractéristiques formelles de l’immeuble, c’est l’accord principale des vigiles travaillant pour des sociétés privées (Elguezabal,
pour mettre en œuvre des méthodes de travail considérées comme plus drement externe des employés subalternes précarisés, ce qui est la tâche
« rationalisées » par ceux qui embauchent les gestionnaires (qu’il s’agisse Cette organisation flexible du travail dans les complejos suppose un enca-
des promoteurs ou des copropriétaires, autrement dit d’un immeuble du travail et à maintenir l’ordre social à l’intérieur des établissements.
neuf ou non) qui est déterminant pour la catégorisation de l’immeuble subalternes. L’intendente est un manager qui veille à améliorer l’efficacité
comme torre ou complejo. De telle sorte qu’aux Torres del Sol (copro- par secteur), tous salariés, et recourt à la sous-traitance pour les tâches
priétés récentes issues de la promotion privée, « fermées », comptant de rité) dirigés par un intendente (le chef de site) et des chefs adjoints (un
nombreux services), le refus des copropriétaires de les mettre en œuvre vité est divisée en trois grands secteurs (maintenance, nettoyage et sécu-
rend aux yeux du président d’AB Gestión SA la copropriété indigne de et de complejos. C’est une organisation flexible qui les caractérise. L’acti-
ce nom, et donc, des services de son entreprise. par l’ensemble de ceux qui se définissent comme gestionnaires de torres
Ces méthodes de travail ne varient pas selon qu’il s’agit de coproprié- tés de bureaux ou de logements, et elles sont appliquées plus largement
tés de bureaux ou de logements, et elles sont appliquées plus largement Ces méthodes de travail ne varient pas selon qu’il s’agit de coproprié-
par l’ensemble de ceux qui se définissent comme gestionnaires de torres ce nom, et donc, des services de son entreprise.
et de complejos. C’est une organisation flexible qui les caractérise. L’acti- rend aux yeux du président d’AB Gestión SA la copropriété indigne de
vité est divisée en trois grands secteurs (maintenance, nettoyage et sécu- nombreux services), le refus des copropriétaires de les mettre en œuvre
rité) dirigés par un intendente (le chef de site) et des chefs adjoints (un priétés récentes issues de la promotion privée, « fermées », comptant de
par secteur), tous salariés, et recourt à la sous-traitance pour les tâches comme torre ou complejo. De telle sorte qu’aux Torres del Sol (copro-
subalternes. L’intendente est un manager qui veille à améliorer l’efficacité neuf ou non) qui est déterminant pour la catégorisation de l’immeuble
du travail et à maintenir l’ordre social à l’intérieur des établissements. des promoteurs ou des copropriétaires, autrement dit d’un immeuble
Cette organisation flexible du travail dans les complejos suppose un enca- « rationalisées » par ceux qui embauchent les gestionnaires (qu’il s’agisse
drement externe des employés subalternes précarisés, ce qui est la tâche pour mettre en œuvre des méthodes de travail considérées comme plus
principale des vigiles travaillant pour des sociétés privées (Elguezabal, tés. Plutôt que les caractéristiques formelles de l’immeuble, c’est l’accord
2011). Cette organisation du travail n’est pas compatible avec les normes de d’elles des torres ou complejos dans le monde de la gestion de coproprié-
la convention collective des travailleurs des copropriétés, qui prévoient C’est le fait de gérer les copropriétés d’une certaine façon qui fait
d’une part de nombreux acquis sociaux pour les salariés, dont les em- alors nous ne l’acceptons pas.
ployés en sous-traitance (aussi bien de nettoyage que de sécurité) ne les équipements. Et c’est ce que nous faisons : si quelqu’un n’en veut pas,
bénéficient pas, et d’autre part une division claire entre le gestionnaire en sa valeur. C’est ce qui nous distingue : la maintenance de prévention sur
tant que représentant de la copropriété et les salariés en tant qu’employés charges un petit peu plus élevées, 10 % ou 15 % de plus, mais il maintient
subalternes – ce que la figure de l’intendente remet en question15. Cet autre immeuble, parce qu’on y pratique cette maintenance, paie des
Lorsqu’il s’agit de nouveaux immeubles qu’ils reçoivent directement certes moins de charges, mais ils se dégradent et perdent de leur valeur.
des promoteurs, les gestionnaires sont assez libres dans la mise en place parce qu’ils ne suivent pas le même protocole de maintenance, paient
parce que ça maintient la valeur de la propriété. Les autres immeubles,
15. L’organisation du travail mise en place par les gestionnaires de torres et complejos peut
être associée à la « gestion de site » dont parlent Marie-Pierre Lefeuvre et Christine
Lelévrier, à savoir des pratiques et des formes d’organisation nouvelles et transsectorielles 213 Eleonora Elguezabal
reposant sur trois dimensions principales : la sécurité, la propreté et l’ambiance (Lefeuvre
& Lelévrier, 2007).
promoteurs pour faire référence aux couches sociales les plus aisées.
16. En Argentine, « ABC1 » est la catégorie utilisée par les économistes ainsi que par les
214 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
par rapport aux habitants des anciennes copropriétés de prestige dans
mais il les associe aux nouveaux riches, à des gens peu « respectueux »
Les complejos sont certes un marché économiquement rentable, de cette organisation du travail et peuvent donc plus facilement façonner
des complejos à partir de desarrollos. Dès lors que les copropriétaires ont le
pessimiste de cette activité.
droit de choisir eux-mêmes le gestionnaire, les formes d’administration
dépendront davantage de leurs dispositions et du résultat de leurs négo-
millions, quand tu mets tout ça ensemble, ça te donne un panorama très
ciations avec le gestionnaire, ainsi que des négociations de ces derniers
pour ne gagner que deux sous et qui a, ça oui, la responsabilité pour des
meuble est [silence] ou un simple comptable ou quelqu’un qui travaille
ajoutes le fait que les gens considèrent que le gestionnaire de leur im- avec les employés et les prestataires de services.
ça que ça se passe ! Parce qu’il n’y a plus de respect. [...] Si à tout ça tu Or, bien que la mise en place de nouvelles techniques de management
employé, vous n’avez pas à me dire ce que je dois faire. » C’est comme dans les nouveaux immeubles de standing et leur catégorisation comme
pouvez pas rentrer dans la piscine avec ça », il te répond : « Vous êtes mon torres ou complejos leur permette de se distinguer de la masse des gestion-
crocodile, il arrive avec, et si quelqu’un lui dit  : « Monsieur, vous ne naires particuliers, le fait d’administrer ces nouveaux immeubles n’est pas
les amènent ; si tu ne lui permets pas d’amener une bouée en forme de apprécié par tous. C’est par exemple le cas de Martini SA. La gestion des
[...] Alors, si tu interdis aux adultes d’amener leurs enfants à la piscine, ils torres et complejos est vécue par son président comme une conversion for-
vices avec des structures et des normes qui n’aident pas à les administrer.  cée, par suite de la crise économique qu’a subie son entreprise dans les
wifi, une salle de réunion, un sauna... où il y a une série énorme de ser-
années 1990, et comme un déclassement. Il se plaint en effet des condi-
tions actuelles de cette activité, qu’il perçoit comme une décadence dont
tels, qui ont une piscine, des courts de tennis, une salle de gym, une salle
la raison reposerait notamment sur le développement de ces nouveaux
immeubles, surtout les immeubles qui sont pratiquement comme des hô-
rien dans ce pays  ! Donc, il est encore plus difficile d’administrer des
gens jettent les papiers par terre, ou dans la rue ! Parce qu’on ne respecte desarrollos. Quand on l’interroge sur la différence entre l’administration
n’importe quelle banque ! Une banque dans un quartier ABC116, où les de ces grands complejos et celle des petits immeubles, il répond en ces
de conduire, tu le vois à la sortie de n’importe quel immeuble et de termes :
tion : dans notre pays on manque d’éducation. Tu le vois dans la manière
disposent de moins de services. Et c’est un problème culturel, d’éduca- Les immeubles plus petits sont beaucoup moins conflictuels parce qu’ils
Les immeubles plus petits sont beaucoup moins conflictuels parce qu’ils disposent de moins de services. Et c’est un problème culturel, d’éduca-
tion : dans notre pays on manque d’éducation. Tu le vois dans la manière
termes : de conduire, tu le vois à la sortie de n’importe quel immeuble et de
de ces grands complejos et celle des petits immeubles, il répond en ces n’importe quelle banque ! Une banque dans un quartier ABC116, où les
desarrollos. Quand on l’interroge sur la différence entre l’administration gens jettent les papiers par terre, ou dans la rue ! Parce qu’on ne respecte
la raison reposerait notamment sur le développement de ces nouveaux rien dans ce pays  ! Donc, il est encore plus difficile d’administrer des
immeubles, surtout les immeubles qui sont pratiquement comme des hô-
tels, qui ont une piscine, des courts de tennis, une salle de gym, une salle
tions actuelles de cette activité, qu’il perçoit comme une décadence dont
wifi, une salle de réunion, un sauna... où il y a une série énorme de ser-
années 1990, et comme un déclassement. Il se plaint en effet des condi-
cée, par suite de la crise économique qu’a subie son entreprise dans les vices avec des structures et des normes qui n’aident pas à les administrer. 
torres et complejos est vécue par son président comme une conversion for- [...] Alors, si tu interdis aux adultes d’amener leurs enfants à la piscine, ils
apprécié par tous. C’est par exemple le cas de Martini SA. La gestion des les amènent ; si tu ne lui permets pas d’amener une bouée en forme de
naires particuliers, le fait d’administrer ces nouveaux immeubles n’est pas crocodile, il arrive avec, et si quelqu’un lui dit  : « Monsieur, vous ne
torres ou complejos leur permette de se distinguer de la masse des gestion- pouvez pas rentrer dans la piscine avec ça », il te répond : « Vous êtes mon
dans les nouveaux immeubles de standing et leur catégorisation comme employé, vous n’avez pas à me dire ce que je dois faire. » C’est comme
Or, bien que la mise en place de nouvelles techniques de management ça que ça se passe ! Parce qu’il n’y a plus de respect. [...] Si à tout ça tu
avec les employés et les prestataires de services. ajoutes le fait que les gens considèrent que le gestionnaire de leur im-
ciations avec le gestionnaire, ainsi que des négociations de ces derniers meuble est [silence] ou un simple comptable ou quelqu’un qui travaille
pour ne gagner que deux sous et qui a, ça oui, la responsabilité pour des
millions, quand tu mets tout ça ensemble, ça te donne un panorama très
dépendront davantage de leurs dispositions et du résultat de leurs négo-
pessimiste de cette activité.
droit de choisir eux-mêmes le gestionnaire, les formes d’administration
des complejos à partir de desarrollos. Dès lors que les copropriétaires ont le
de cette organisation du travail et peuvent donc plus facilement façonner Les complejos sont certes un marché économiquement rentable,
mais il les associe aux nouveaux riches, à des gens peu « respectueux »
par rapport aux habitants des anciennes copropriétés de prestige dans
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 214
16. En Argentine, « ABC1 » est la catégorie utilisée par les économistes ainsi que par les
promoteurs pour faire référence aux couches sociales les plus aisées.

promoteurs pour faire référence aux couches sociales les plus aisées.
16. En Argentine, « ABC1 » est la catégorie utilisée par les économistes ainsi que par les
214 Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires
par rapport aux habitants des anciennes copropriétés de prestige dans
mais il les associe aux nouveaux riches, à des gens peu « respectueux »
Les complejos sont certes un marché économiquement rentable, de cette organisation du travail et peuvent donc plus facilement façonner
des complejos à partir de desarrollos. Dès lors que les copropriétaires ont le
pessimiste de cette activité.
droit de choisir eux-mêmes le gestionnaire, les formes d’administration
dépendront davantage de leurs dispositions et du résultat de leurs négo-
millions, quand tu mets tout ça ensemble, ça te donne un panorama très
ciations avec le gestionnaire, ainsi que des négociations de ces derniers
pour ne gagner que deux sous et qui a, ça oui, la responsabilité pour des
meuble est [silence] ou un simple comptable ou quelqu’un qui travaille
ajoutes le fait que les gens considèrent que le gestionnaire de leur im- avec les employés et les prestataires de services.
ça que ça se passe ! Parce qu’il n’y a plus de respect. [...] Si à tout ça tu Or, bien que la mise en place de nouvelles techniques de management
employé, vous n’avez pas à me dire ce que je dois faire. » C’est comme dans les nouveaux immeubles de standing et leur catégorisation comme
pouvez pas rentrer dans la piscine avec ça », il te répond : « Vous êtes mon torres ou complejos leur permette de se distinguer de la masse des gestion-
crocodile, il arrive avec, et si quelqu’un lui dit  : « Monsieur, vous ne naires particuliers, le fait d’administrer ces nouveaux immeubles n’est pas
les amènent ; si tu ne lui permets pas d’amener une bouée en forme de apprécié par tous. C’est par exemple le cas de Martini SA. La gestion des
[...] Alors, si tu interdis aux adultes d’amener leurs enfants à la piscine, ils torres et complejos est vécue par son président comme une conversion for-
vices avec des structures et des normes qui n’aident pas à les administrer.  cée, par suite de la crise économique qu’a subie son entreprise dans les
wifi, une salle de réunion, un sauna... où il y a une série énorme de ser-
années 1990, et comme un déclassement. Il se plaint en effet des condi-
tions actuelles de cette activité, qu’il perçoit comme une décadence dont
tels, qui ont une piscine, des courts de tennis, une salle de gym, une salle
la raison reposerait notamment sur le développement de ces nouveaux
immeubles, surtout les immeubles qui sont pratiquement comme des hô-
rien dans ce pays  ! Donc, il est encore plus difficile d’administrer des
gens jettent les papiers par terre, ou dans la rue ! Parce qu’on ne respecte desarrollos. Quand on l’interroge sur la différence entre l’administration
n’importe quelle banque ! Une banque dans un quartier ABC116, où les de ces grands complejos et celle des petits immeubles, il répond en ces
de conduire, tu le vois à la sortie de n’importe quel immeuble et de termes :
tion : dans notre pays on manque d’éducation. Tu le vois dans la manière
disposent de moins de services. Et c’est un problème culturel, d’éduca- Les immeubles plus petits sont beaucoup moins conflictuels parce qu’ils
Les immeubles plus petits sont beaucoup moins conflictuels parce qu’ils disposent de moins de services. Et c’est un problème culturel, d’éduca-
tion : dans notre pays on manque d’éducation. Tu le vois dans la manière
termes : de conduire, tu le vois à la sortie de n’importe quel immeuble et de
de ces grands complejos et celle des petits immeubles, il répond en ces n’importe quelle banque ! Une banque dans un quartier ABC116, où les
desarrollos. Quand on l’interroge sur la différence entre l’administration gens jettent les papiers par terre, ou dans la rue ! Parce qu’on ne respecte
la raison reposerait notamment sur le développement de ces nouveaux rien dans ce pays  ! Donc, il est encore plus difficile d’administrer des
immeubles, surtout les immeubles qui sont pratiquement comme des hô-
tels, qui ont une piscine, des courts de tennis, une salle de gym, une salle
tions actuelles de cette activité, qu’il perçoit comme une décadence dont
wifi, une salle de réunion, un sauna... où il y a une série énorme de ser-
années 1990, et comme un déclassement. Il se plaint en effet des condi-
cée, par suite de la crise économique qu’a subie son entreprise dans les vices avec des structures et des normes qui n’aident pas à les administrer. 
torres et complejos est vécue par son président comme une conversion for- [...] Alors, si tu interdis aux adultes d’amener leurs enfants à la piscine, ils
apprécié par tous. C’est par exemple le cas de Martini SA. La gestion des les amènent ; si tu ne lui permets pas d’amener une bouée en forme de
naires particuliers, le fait d’administrer ces nouveaux immeubles n’est pas crocodile, il arrive avec, et si quelqu’un lui dit  : « Monsieur, vous ne
torres ou complejos leur permette de se distinguer de la masse des gestion- pouvez pas rentrer dans la piscine avec ça », il te répond : « Vous êtes mon
dans les nouveaux immeubles de standing et leur catégorisation comme employé, vous n’avez pas à me dire ce que je dois faire. » C’est comme
Or, bien que la mise en place de nouvelles techniques de management ça que ça se passe ! Parce qu’il n’y a plus de respect. [...] Si à tout ça tu
avec les employés et les prestataires de services. ajoutes le fait que les gens considèrent que le gestionnaire de leur im-
ciations avec le gestionnaire, ainsi que des négociations de ces derniers meuble est [silence] ou un simple comptable ou quelqu’un qui travaille
pour ne gagner que deux sous et qui a, ça oui, la responsabilité pour des
millions, quand tu mets tout ça ensemble, ça te donne un panorama très
dépendront davantage de leurs dispositions et du résultat de leurs négo-
pessimiste de cette activité.
droit de choisir eux-mêmes le gestionnaire, les formes d’administration
des complejos à partir de desarrollos. Dès lors que les copropriétaires ont le
de cette organisation du travail et peuvent donc plus facilement façonner Les complejos sont certes un marché économiquement rentable,
mais il les associe aux nouveaux riches, à des gens peu « respectueux »
par rapport aux habitants des anciennes copropriétés de prestige dans
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 214
16. En Argentine, « ABC1 » est la catégorie utilisée par les économistes ainsi que par les
promoteurs pour faire référence aux couches sociales les plus aisées.
Sélim (dir.), Paris, Anthropos, p. 11-69.
Eleonora Elguezabal 215 Althabe, Christian Marcadet, Michèle de La  Pradelle & Monique
et enjeux quotidiens : terrains ethnologiques dans la France actuelle, Gérard
Althabe Gérard (1985), « La résidence comme enjeu », dans Urbanisation
lesquelles il s’était spécialisé. La catégorie des torres ou complejos n’est
donc pas pour lui une catégorie de prestige comme elle l’est pour les Bibliographie
habitants de Jardines de Núñez et de Torres del Plata ; elle est seulement
une « bonne affaire » nécessaire à la survie économique de son entreprise processuelle est à même de mettre en évidence.
et au maintien de sa position dominante dans l’espace de la gestion de même « type » est le produit d’une construction que seule une approche
copropriétés. comme « fermés » ne sont pas semblables ; considérer qu’ils relèvent d’un
Les études qui, dans une démarche macrosociologique et morpho- Tous les immeubles récents issus de la promotion privée et considérés
typologique, identifient les copropriétés dites fermées à des enclaves, pour le décalage entre leur vision de la classification et celle des gestionnaires.
montrer l’existence d’une fragmentation et d’une dualisation urbaine, torres et complejos en tant qu’immeubles d’exception : ils doivent combler
laissent dans l’ombre les processus et les conflits relatifs au marquage des de leurs efforts personnels la revendication d’appartenir à la catégorie des
frontières autour de ces espaces. En effet, cette identification n’est ni évi- que les habitants des copropriétés fermées des quartiers moyens paient
dente ni socialement neutre ; elle se présente comme un acte performatif lières. L’articulation entre ces deux catégorisations ne va pas de soi, si bien
qui cherche non seulement à nommer un espace, mais aussi à le classer, de gestion qui mettent en œuvre des techniques de management particu-
et cette classification renvoie à des intérêts qui peuvent être divergents et complejos ne sont que des copropriétés gérées par de grandes sociétés
selon les acteurs. tielles. Dans l’espace de la gestion des copropriétés, d’autre part, les torres
l’enjeu est ici le classement de l’immeuble dans les hiérarchies résiden-
* nance au groupe des nouveaux immeubles bâtis dans les beaux quartiers ;
catégorie des torres ou complejos est mobilisée pour marquer l’apparte-
La catégorie des torres ou complejos – censée distinguer, du reste des ceux qui vivent dans les copropriétés fermées des quartiers peu aisés, la
copropriétés, les nouveaux immeubles « fermés » – est une catégorie de l’espace résidentiel, d’une part  : pour les habitants, en particulier pour
l’action. Énoncée d’abord dans l’espace de la promotion immobilière, elle a ensuite été traduite ensuite dans deux autres espaces sociaux. Dans
elle a ensuite été traduite ensuite dans deux autres espaces sociaux. Dans l’action. Énoncée d’abord dans l’espace de la promotion immobilière,
l’espace résidentiel, d’une part  : pour les habitants, en particulier pour copropriétés, les nouveaux immeubles « fermés » – est une catégorie de
ceux qui vivent dans les copropriétés fermées des quartiers peu aisés, la La catégorie des torres ou complejos – censée distinguer, du reste des
catégorie des torres ou complejos est mobilisée pour marquer l’apparte-
nance au groupe des nouveaux immeubles bâtis dans les beaux quartiers ;
*
l’enjeu est ici le classement de l’immeuble dans les hiérarchies résiden-
tielles. Dans l’espace de la gestion des copropriétés, d’autre part, les torres selon les acteurs.
et complejos ne sont que des copropriétés gérées par de grandes sociétés et cette classification renvoie à des intérêts qui peuvent être divergents
de gestion qui mettent en œuvre des techniques de management particu- qui cherche non seulement à nommer un espace, mais aussi à le classer,
lières. L’articulation entre ces deux catégorisations ne va pas de soi, si bien dente ni socialement neutre ; elle se présente comme un acte performatif
que les habitants des copropriétés fermées des quartiers moyens paient frontières autour de ces espaces. En effet, cette identification n’est ni évi-
de leurs efforts personnels la revendication d’appartenir à la catégorie des laissent dans l’ombre les processus et les conflits relatifs au marquage des
torres et complejos en tant qu’immeubles d’exception : ils doivent combler montrer l’existence d’une fragmentation et d’une dualisation urbaine,
le décalage entre leur vision de la classification et celle des gestionnaires. typologique, identifient les copropriétés dites fermées à des enclaves, pour
Tous les immeubles récents issus de la promotion privée et considérés Les études qui, dans une démarche macrosociologique et morpho-
comme « fermés » ne sont pas semblables ; considérer qu’ils relèvent d’un copropriétés.
même « type » est le produit d’une construction que seule une approche et au maintien de sa position dominante dans l’espace de la gestion de
processuelle est à même de mettre en évidence. une « bonne affaire » nécessaire à la survie économique de son entreprise
habitants de Jardines de Núñez et de Torres del Plata ; elle est seulement
Bibliographie donc pas pour lui une catégorie de prestige comme elle l’est pour les
lesquelles il s’était spécialisé. La catégorie des torres ou complejos n’est
Althabe Gérard (1985), « La résidence comme enjeu », dans Urbanisation
et enjeux quotidiens : terrains ethnologiques dans la France actuelle, Gérard
Althabe, Christian Marcadet, Michèle de La  Pradelle & Monique 215 Eleonora Elguezabal
Sélim (dir.), Paris, Anthropos, p. 11-69.

Sélim (dir.), Paris, Anthropos, p. 11-69.


Eleonora Elguezabal 215 Althabe, Christian Marcadet, Michèle de La  Pradelle & Monique
et enjeux quotidiens : terrains ethnologiques dans la France actuelle, Gérard
Althabe Gérard (1985), « La résidence comme enjeu », dans Urbanisation
lesquelles il s’était spécialisé. La catégorie des torres ou complejos n’est
donc pas pour lui une catégorie de prestige comme elle l’est pour les Bibliographie
habitants de Jardines de Núñez et de Torres del Plata ; elle est seulement
une « bonne affaire » nécessaire à la survie économique de son entreprise processuelle est à même de mettre en évidence.
et au maintien de sa position dominante dans l’espace de la gestion de même « type » est le produit d’une construction que seule une approche
copropriétés. comme « fermés » ne sont pas semblables ; considérer qu’ils relèvent d’un
Les études qui, dans une démarche macrosociologique et morpho- Tous les immeubles récents issus de la promotion privée et considérés
typologique, identifient les copropriétés dites fermées à des enclaves, pour le décalage entre leur vision de la classification et celle des gestionnaires.
montrer l’existence d’une fragmentation et d’une dualisation urbaine, torres et complejos en tant qu’immeubles d’exception : ils doivent combler
laissent dans l’ombre les processus et les conflits relatifs au marquage des de leurs efforts personnels la revendication d’appartenir à la catégorie des
frontières autour de ces espaces. En effet, cette identification n’est ni évi- que les habitants des copropriétés fermées des quartiers moyens paient
dente ni socialement neutre ; elle se présente comme un acte performatif lières. L’articulation entre ces deux catégorisations ne va pas de soi, si bien
qui cherche non seulement à nommer un espace, mais aussi à le classer, de gestion qui mettent en œuvre des techniques de management particu-
et cette classification renvoie à des intérêts qui peuvent être divergents et complejos ne sont que des copropriétés gérées par de grandes sociétés
selon les acteurs. tielles. Dans l’espace de la gestion des copropriétés, d’autre part, les torres
l’enjeu est ici le classement de l’immeuble dans les hiérarchies résiden-
* nance au groupe des nouveaux immeubles bâtis dans les beaux quartiers ;
catégorie des torres ou complejos est mobilisée pour marquer l’apparte-
La catégorie des torres ou complejos – censée distinguer, du reste des ceux qui vivent dans les copropriétés fermées des quartiers peu aisés, la
copropriétés, les nouveaux immeubles « fermés » – est une catégorie de l’espace résidentiel, d’une part  : pour les habitants, en particulier pour
l’action. Énoncée d’abord dans l’espace de la promotion immobilière, elle a ensuite été traduite ensuite dans deux autres espaces sociaux. Dans
elle a ensuite été traduite ensuite dans deux autres espaces sociaux. Dans l’action. Énoncée d’abord dans l’espace de la promotion immobilière,
l’espace résidentiel, d’une part  : pour les habitants, en particulier pour copropriétés, les nouveaux immeubles « fermés » – est une catégorie de
ceux qui vivent dans les copropriétés fermées des quartiers peu aisés, la La catégorie des torres ou complejos – censée distinguer, du reste des
catégorie des torres ou complejos est mobilisée pour marquer l’apparte-
nance au groupe des nouveaux immeubles bâtis dans les beaux quartiers ;
*
l’enjeu est ici le classement de l’immeuble dans les hiérarchies résiden-
tielles. Dans l’espace de la gestion des copropriétés, d’autre part, les torres selon les acteurs.
et complejos ne sont que des copropriétés gérées par de grandes sociétés et cette classification renvoie à des intérêts qui peuvent être divergents
de gestion qui mettent en œuvre des techniques de management particu- qui cherche non seulement à nommer un espace, mais aussi à le classer,
lières. L’articulation entre ces deux catégorisations ne va pas de soi, si bien dente ni socialement neutre ; elle se présente comme un acte performatif
que les habitants des copropriétés fermées des quartiers moyens paient frontières autour de ces espaces. En effet, cette identification n’est ni évi-
de leurs efforts personnels la revendication d’appartenir à la catégorie des laissent dans l’ombre les processus et les conflits relatifs au marquage des
torres et complejos en tant qu’immeubles d’exception : ils doivent combler montrer l’existence d’une fragmentation et d’une dualisation urbaine,
le décalage entre leur vision de la classification et celle des gestionnaires. typologique, identifient les copropriétés dites fermées à des enclaves, pour
Tous les immeubles récents issus de la promotion privée et considérés Les études qui, dans une démarche macrosociologique et morpho-
comme « fermés » ne sont pas semblables ; considérer qu’ils relèvent d’un copropriétés.
même « type » est le produit d’une construction que seule une approche et au maintien de sa position dominante dans l’espace de la gestion de
processuelle est à même de mettre en évidence. une « bonne affaire » nécessaire à la survie économique de son entreprise
habitants de Jardines de Núñez et de Torres del Plata ; elle est seulement
Bibliographie donc pas pour lui une catégorie de prestige comme elle l’est pour les
lesquelles il s’était spécialisé. La catégorie des torres ou complejos n’est
Althabe Gérard (1985), « La résidence comme enjeu », dans Urbanisation
et enjeux quotidiens : terrains ethnologiques dans la France actuelle, Gérard
Althabe, Christian Marcadet, Michèle de La  Pradelle & Monique 215 Eleonora Elguezabal
Sélim (dir.), Paris, Anthropos, p. 11-69.
Restructuring New York, New York, Russell Sage Foundation.
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Alain Bourdin (dir.), Paris, Descartes & Cie, p. 181-207.
modèle de “maîtrise de l’usage”  ? », dans Mobilité et écologie urbaine,
Lefeuvre Marie-Pierre & Lelévrier Christine (2007), « Vers un nouveau Bidou-Zachariasen Catherine & Poltorak Jean-François (2008), « Le
Patrice Melé (dir.), Paris, Descartes & Cie, p. 277-312. “travail” de gentrification  : les transformations sociologiques d’un
urbain : entre droit et confiance, Alain Bourdin, Marie-Pierre Lefeuvre & quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, no  132-133, p.  107-
espace public et espace privé en copropriété », dans Les Règles du jeu 124.
Lefeuvre Marie-Pierre (2006), « La construction sociale de la limite entre Blakely Edward J. & Snyder Mary Gail (1997, 1999), Fortress America:
l’homme. Gated Communities in the Unites States, Washington, Cambridge,
partager un habitat collectif, Paris, Éditions de la Maison des sciences de Brookings Institution Press / Lincoln Institute of Land Policy.
Haumont Bernard & Morel Alain (dir.) (2004), La Société des voisins : Bourdieu Pierre (1975), « Le couturier et sa griffe : contribution à une
Buenos Aires, Biblos, p. 74-95. théorie de la magie », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 1, no 1,
a la deriva : transformaciones urbanas recientes, Max Welch Guerra (dir.), p. 7-36.
Aires. Proyecciones de una tipología habitacional », dans Buenos Aires Caldeira Teresa (2000), City of Walls: Crime, Segregation, and Citizenship in
Guerra Max Welch & Valentini Paola (2005), « Torres jardín en Buenos São Paulo, Berkeley, University of California Press.
urbana, Buenos Aires, Siglo Veintiuno Editores Argentina. Capron Guénola (dir.) (2006), Quand la ville se ferme : quartiers résidentiels
Gorelik Adrián (2004), Miradas sobre Buenos Aires : historia cultural y crítica sécurisés, Rosny-sous-Bois, Bréal.
Global and Local Perspectives, Londres, New York, Routledge. Chamboredon Jean-Claude & Lemaire Madeleine (1970), « Proximité
Glasze Georg,Webster Chris & Frantz Klaus (dir.) (2006), Private Cities: spatiale et distance sociale : les grands ensembles et leur peuplement »,
sociologie, École des hautes études en sciences sociales. Revue française de sociologie, vol. 11, no 1, p. 3-33.
sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires, thèse de doctorat de Ciccolella Pablo (1999), « Globalización y dualización en la Región
Elguezabal Eleonora (2011), La Production des frontières urbaines : les mondes Metropolitana de Buenos Aires  : grandes inversiones y reestructu-
Michel Dartevelle & Marc Saint-Upéry (trad.), Paris, La Découverte. ración socioterritorial en los años noventa », Eure, vol.  25, no  76,
Davis Mike (1990, 2000), City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur, p. 5-28.
p. 5-28. Davis Mike (1990, 2000), City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur,
ración socioterritorial en los años noventa », Eure, vol.  25, no  76, Michel Dartevelle & Marc Saint-Upéry (trad.), Paris, La Découverte.
Metropolitana de Buenos Aires  : grandes inversiones y reestructu- Elguezabal Eleonora (2011), La Production des frontières urbaines : les mondes
Ciccolella Pablo (1999), « Globalización y dualización en la Región sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires, thèse de doctorat de
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“travail” de gentrification  : les transformations sociologiques d’un Patrice Melé (dir.), Paris, Descartes & Cie, p. 277-312.
Bidou-Zachariasen Catherine & Poltorak Jean-François (2008), « Le Lefeuvre Marie-Pierre & Lelévrier Christine (2007), « Vers un nouveau
modèle de “maîtrise de l’usage”  ? », dans Mobilité et écologie urbaine,
Alain Bourdin (dir.), Paris, Descartes & Cie, p. 181-207.
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 216 Mollenkopf John H. & Castells Manuel  (dir.)  (1992), Dual City:
Restructuring New York, New York, Russell Sage Foundation.

Restructuring New York, New York, Russell Sage Foundation.


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urbain : entre droit et confiance, Alain Bourdin, Marie-Pierre Lefeuvre & quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, no  132-133, p.  107-
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sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires, thèse de doctorat de Ciccolella Pablo (1999), « Globalización y dualización en la Región
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Davis Mike (1990, 2000), City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur, p. 5-28.
p. 5-28. Davis Mike (1990, 2000), City of Quartz : Los Angeles, capitale du futur,
ración socioterritorial en los años noventa », Eure, vol.  25, no  76, Michel Dartevelle & Marc Saint-Upéry (trad.), Paris, La Découverte.
Metropolitana de Buenos Aires  : grandes inversiones y reestructu- Elguezabal Eleonora (2011), La Production des frontières urbaines : les mondes
Ciccolella Pablo (1999), « Globalización y dualización en la Región sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires, thèse de doctorat de
Revue française de sociologie, vol. 11, no 1, p. 3-33. sociologie, École des hautes études en sciences sociales.
spatiale et distance sociale : les grands ensembles et leur peuplement », Glasze Georg,Webster Chris & Frantz Klaus (dir.) (2006), Private Cities:
Chamboredon Jean-Claude & Lemaire Madeleine (1970), « Proximité Global and Local Perspectives, Londres, New York, Routledge.
sécurisés, Rosny-sous-Bois, Bréal. Gorelik Adrián (2004), Miradas sobre Buenos Aires : historia cultural y crítica
Capron Guénola (dir.) (2006), Quand la ville se ferme : quartiers résidentiels urbana, Buenos Aires, Siglo Veintiuno Editores Argentina.
São Paulo, Berkeley, University of California Press. Guerra Max Welch & Valentini Paola (2005), « Torres jardín en Buenos
Caldeira Teresa (2000), City of Walls: Crime, Segregation, and Citizenship in Aires. Proyecciones de una tipología habitacional », dans Buenos Aires
p. 7-36. a la deriva : transformaciones urbanas recientes, Max Welch Guerra (dir.),
théorie de la magie », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 1, no 1, Buenos Aires, Biblos, p. 74-95.
Bourdieu Pierre (1975), « Le couturier et sa griffe : contribution à une Haumont Bernard & Morel Alain (dir.) (2004), La Société des voisins :
Brookings Institution Press / Lincoln Institute of Land Policy. partager un habitat collectif, Paris, Éditions de la Maison des sciences de
Gated Communities in the Unites States, Washington, Cambridge, l’homme.
Blakely Edward J. & Snyder Mary Gail (1997, 1999), Fortress America: Lefeuvre Marie-Pierre (2006), « La construction sociale de la limite entre
124. espace public et espace privé en copropriété », dans Les Règles du jeu
quartier parisien populaire », Espaces et sociétés, no  132-133, p.  107- urbain : entre droit et confiance, Alain Bourdin, Marie-Pierre Lefeuvre &
“travail” de gentrification  : les transformations sociologiques d’un Patrice Melé (dir.), Paris, Descartes & Cie, p. 277-312.
Bidou-Zachariasen Catherine & Poltorak Jean-François (2008), « Le Lefeuvre Marie-Pierre & Lelévrier Christine (2007), « Vers un nouveau
modèle de “maîtrise de l’usage”  ? », dans Mobilité et écologie urbaine,
Alain Bourdin (dir.), Paris, Descartes & Cie, p. 181-207.
Gestion et classement résidentiel à Buenos Aires 216 Mollenkopf John H. & Castells Manuel  (dir.)  (1992), Dual City:
Restructuring New York, New York, Russell Sage Foundation.
Eleonora Elguezabal 217

Morel Alain (2004), « La civilité à l’épreuve de l’altérité », dans La Société


des voisins  : partager un habitat collectif, Bernard Haumont & Alain
Morel  (dir.), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme,
p. 1-20.
Sassen Saskia (1991, 1996), La Ville globale  : New York, Londres, Tokyo,
Denis-Armand Canal (trad.), Paris, Descartes et Cie.
Svampa Maristella (2001), Los que ganaron : la vida en los countries y barrios
privados, Buenos Aires, Biblos.
Tella Guillermo (2007), Un crack en la ciudad : rupturas y continuidades en
la trama urbana de Buenos Aires, Buenos Aires, Nobuko.
Topalov Christian, Coudroy de Lille Laurent, Depaule Jean-Charles &
Marin Brigitte (2010), L’Aventure des mots de la ville : à travers le temps,
les langues, les sociétés, Paris, Robert Laffont.

les langues, les sociétés, Paris, Robert Laffont.


Marin Brigitte (2010), L’Aventure des mots de la ville : à travers le temps,
Topalov Christian, Coudroy de Lille Laurent, Depaule Jean-Charles &
la trama urbana de Buenos Aires, Buenos Aires, Nobuko.
Tella Guillermo (2007), Un crack en la ciudad : rupturas y continuidades en
privados, Buenos Aires, Biblos.
Svampa Maristella (2001), Los que ganaron : la vida en los countries y barrios
Denis-Armand Canal (trad.), Paris, Descartes et Cie.
Sassen Saskia (1991, 1996), La Ville globale  : New York, Londres, Tokyo,
p. 1-20.
Morel  (dir.), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme,
des voisins  : partager un habitat collectif, Bernard Haumont & Alain
Morel Alain (2004), « La civilité à l’épreuve de l’altérité », dans La Société

217 Eleonora Elguezabal

Eleonora Elguezabal 217

Morel Alain (2004), « La civilité à l’épreuve de l’altérité », dans La Société


des voisins  : partager un habitat collectif, Bernard Haumont & Alain
Morel  (dir.), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme,
p. 1-20.
Sassen Saskia (1991, 1996), La Ville globale  : New York, Londres, Tokyo,
Denis-Armand Canal (trad.), Paris, Descartes et Cie.
Svampa Maristella (2001), Los que ganaron : la vida en los countries y barrios
privados, Buenos Aires, Biblos.
Tella Guillermo (2007), Un crack en la ciudad : rupturas y continuidades en
la trama urbana de Buenos Aires, Buenos Aires, Nobuko.
Topalov Christian, Coudroy de Lille Laurent, Depaule Jean-Charles &
Marin Brigitte (2010), L’Aventure des mots de la ville : à travers le temps,
les langues, les sociétés, Paris, Robert Laffont.

les langues, les sociétés, Paris, Robert Laffont.


Marin Brigitte (2010), L’Aventure des mots de la ville : à travers le temps,
Topalov Christian, Coudroy de Lille Laurent, Depaule Jean-Charles &
la trama urbana de Buenos Aires, Buenos Aires, Nobuko.
Tella Guillermo (2007), Un crack en la ciudad : rupturas y continuidades en
privados, Buenos Aires, Biblos.
Svampa Maristella (2001), Los que ganaron : la vida en los countries y barrios
Denis-Armand Canal (trad.), Paris, Descartes et Cie.
Sassen Saskia (1991, 1996), La Ville globale  : New York, Londres, Tokyo,
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Morel  (dir.), Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme,
des voisins  : partager un habitat collectif, Bernard Haumont & Alain
Morel Alain (2004), « La civilité à l’épreuve de l’altérité », dans La Société

217 Eleonora Elguezabal


POSTFACE

POSTFACE

POSTFACE

POSTFACE
de mettre au jour les dimensions spatiales et matérielles des phénomènes
Elle se caractérise par une volonté forte d’articuler le social et le spatial,
les groupes sociaux, la socialisation, les identités, l’action publique, etc.
baine des questions générales de la sociologie : la stratification sociale et
Une autre manière de faire traite sous le prisme de la sociologie ur-
lité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve (Nicolas Oppenchaim).
gager trois outils de description et d’explication des pratiques de mobi-
COMMENT LES JEUNES CHERCHEURS l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif), qui permet de dé-
CONSTRUISENT ET RENOUVELLENT théories sociologiques (celles de l’action : l’action rationnelle en finalité,
LA SOCIOLOGIE URBAINE AUJOURD’HUI les mobilités quotidiennes, est repensé par la combinaison de différentes
lement assez nouveau pour les enfants. Dans un autre cas encore, l’objet,
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin résidentiels (ou « fonctionnels ») aux espaces publics, avec un intérêt éga-
& Marie-Pierre Lefeuvre tines, c’est-à-dire en déplaçant la question de la ségrégation des espaces
plaçant la focale sur l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan-
Les douze contributions de jeunes chercheurs réunies dans cet ouvrage sociologie urbaine, la ségrégation, elle vise à en renouveler l’approche en
offrent un large aperçu de la sociologie urbaine (francophone) en train Rivière en est une belle illustration. Centrée sur un thème classique de la
de se faire. À la lecture de cet ensemble se dégagent des manières de faire un déplacement du regard porté sur l’objet. La contribution de Clément
de la sociologie urbaine, qui, même si tous les auteurs ne poursuivent pas manières d’habiter et sur les mobilités. Dans d’autres cas, cela passe par
explicitement cet objectif et ne s’inscrivent pas toujours centralement tourisme (Aurélien Gentil), pour renouveler à la fois les travaux sur les
dans ce champ disciplinaire, contribuent incontestablement, sur plusieurs lyse des manières d’habiter, ou les espaces-temps des salariés mobiles du
aspects, à un renouvellement de cette sociologie spécialisée. exemple les vacances « au bled » (Jennifer Bidet), pour enrichir l’ana-
cela conduit à examiner des cas de figure relativement originaux, par
LA SOCIOLOGIE URBAINE EN PRATIQUES AUJOURD’HUI ville, etc., en empruntant de nouveaux chemins. Pour certains auteurs,
la ségrégation, les manières d’habiter, les mobilités, la production de la
Ces manières de faire sont variées et souvent multiples. Une première voie consiste à repenser des objets d’étude classiques de la discipline :
voie consiste à repenser des objets d’étude classiques de la discipline : Ces manières de faire sont variées et souvent multiples. Une première
la ségrégation, les manières d’habiter, les mobilités, la production de la
ville, etc., en empruntant de nouveaux chemins. Pour certains auteurs, LA SOCIOLOGIE URBAINE EN PRATIQUES AUJOURD’HUI
cela conduit à examiner des cas de figure relativement originaux, par
exemple les vacances « au bled » (Jennifer Bidet), pour enrichir l’ana- aspects, à un renouvellement de cette sociologie spécialisée.
lyse des manières d’habiter, ou les espaces-temps des salariés mobiles du dans ce champ disciplinaire, contribuent incontestablement, sur plusieurs
tourisme (Aurélien Gentil), pour renouveler à la fois les travaux sur les explicitement cet objectif et ne s’inscrivent pas toujours centralement
manières d’habiter et sur les mobilités. Dans d’autres cas, cela passe par de la sociologie urbaine, qui, même si tous les auteurs ne poursuivent pas
un déplacement du regard porté sur l’objet. La contribution de Clément de se faire. À la lecture de cet ensemble se dégagent des manières de faire
Rivière en est une belle illustration. Centrée sur un thème classique de la offrent un large aperçu de la sociologie urbaine (francophone) en train
sociologie urbaine, la ségrégation, elle vise à en renouveler l’approche en Les douze contributions de jeunes chercheurs réunies dans cet ouvrage
plaçant la focale sur l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan-
tines, c’est-à-dire en déplaçant la question de la ségrégation des espaces & Marie-Pierre Lefeuvre
résidentiels (ou « fonctionnels ») aux espaces publics, avec un intérêt éga- Jean-Yves Authier, Alain Bourdin
lement assez nouveau pour les enfants. Dans un autre cas encore, l’objet,
les mobilités quotidiennes, est repensé par la combinaison de différentes LA SOCIOLOGIE URBAINE AUJOURD’HUI
théories sociologiques (celles de l’action : l’action rationnelle en finalité, CONSTRUISENT ET RENOUVELLENT
l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif), qui permet de dé- COMMENT LES JEUNES CHERCHEURS
gager trois outils de description et d’explication des pratiques de mobi-
lité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve (Nicolas Oppenchaim).
Une autre manière de faire traite sous le prisme de la sociologie ur-
baine des questions générales de la sociologie : la stratification sociale et
les groupes sociaux, la socialisation, les identités, l’action publique, etc.
Elle se caractérise par une volonté forte d’articuler le social et le spatial,
de mettre au jour les dimensions spatiales et matérielles des phénomènes

de mettre au jour les dimensions spatiales et matérielles des phénomènes


Elle se caractérise par une volonté forte d’articuler le social et le spatial,
les groupes sociaux, la socialisation, les identités, l’action publique, etc.
baine des questions générales de la sociologie : la stratification sociale et
Une autre manière de faire traite sous le prisme de la sociologie ur-
lité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve (Nicolas Oppenchaim).
gager trois outils de description et d’explication des pratiques de mobi-
COMMENT LES JEUNES CHERCHEURS l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif), qui permet de dé-
CONSTRUISENT ET RENOUVELLENT théories sociologiques (celles de l’action : l’action rationnelle en finalité,
LA SOCIOLOGIE URBAINE AUJOURD’HUI les mobilités quotidiennes, est repensé par la combinaison de différentes
lement assez nouveau pour les enfants. Dans un autre cas encore, l’objet,
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin résidentiels (ou « fonctionnels ») aux espaces publics, avec un intérêt éga-
& Marie-Pierre Lefeuvre tines, c’est-à-dire en déplaçant la question de la ségrégation des espaces
plaçant la focale sur l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan-
Les douze contributions de jeunes chercheurs réunies dans cet ouvrage sociologie urbaine, la ségrégation, elle vise à en renouveler l’approche en
offrent un large aperçu de la sociologie urbaine (francophone) en train Rivière en est une belle illustration. Centrée sur un thème classique de la
de se faire. À la lecture de cet ensemble se dégagent des manières de faire un déplacement du regard porté sur l’objet. La contribution de Clément
de la sociologie urbaine, qui, même si tous les auteurs ne poursuivent pas manières d’habiter et sur les mobilités. Dans d’autres cas, cela passe par
explicitement cet objectif et ne s’inscrivent pas toujours centralement tourisme (Aurélien Gentil), pour renouveler à la fois les travaux sur les
dans ce champ disciplinaire, contribuent incontestablement, sur plusieurs lyse des manières d’habiter, ou les espaces-temps des salariés mobiles du
aspects, à un renouvellement de cette sociologie spécialisée. exemple les vacances « au bled » (Jennifer Bidet), pour enrichir l’ana-
cela conduit à examiner des cas de figure relativement originaux, par
LA SOCIOLOGIE URBAINE EN PRATIQUES AUJOURD’HUI ville, etc., en empruntant de nouveaux chemins. Pour certains auteurs,
la ségrégation, les manières d’habiter, les mobilités, la production de la
Ces manières de faire sont variées et souvent multiples. Une première voie consiste à repenser des objets d’étude classiques de la discipline :
voie consiste à repenser des objets d’étude classiques de la discipline : Ces manières de faire sont variées et souvent multiples. Une première
la ségrégation, les manières d’habiter, les mobilités, la production de la
ville, etc., en empruntant de nouveaux chemins. Pour certains auteurs, LA SOCIOLOGIE URBAINE EN PRATIQUES AUJOURD’HUI
cela conduit à examiner des cas de figure relativement originaux, par
exemple les vacances « au bled » (Jennifer Bidet), pour enrichir l’ana- aspects, à un renouvellement de cette sociologie spécialisée.
lyse des manières d’habiter, ou les espaces-temps des salariés mobiles du dans ce champ disciplinaire, contribuent incontestablement, sur plusieurs
tourisme (Aurélien Gentil), pour renouveler à la fois les travaux sur les explicitement cet objectif et ne s’inscrivent pas toujours centralement
manières d’habiter et sur les mobilités. Dans d’autres cas, cela passe par de la sociologie urbaine, qui, même si tous les auteurs ne poursuivent pas
un déplacement du regard porté sur l’objet. La contribution de Clément de se faire. À la lecture de cet ensemble se dégagent des manières de faire
Rivière en est une belle illustration. Centrée sur un thème classique de la offrent un large aperçu de la sociologie urbaine (francophone) en train
sociologie urbaine, la ségrégation, elle vise à en renouveler l’approche en Les douze contributions de jeunes chercheurs réunies dans cet ouvrage
plaçant la focale sur l’encadrement parental des pratiques urbaines enfan-
tines, c’est-à-dire en déplaçant la question de la ségrégation des espaces & Marie-Pierre Lefeuvre
résidentiels (ou « fonctionnels ») aux espaces publics, avec un intérêt éga- Jean-Yves Authier, Alain Bourdin
lement assez nouveau pour les enfants. Dans un autre cas encore, l’objet,
les mobilités quotidiennes, est repensé par la combinaison de différentes LA SOCIOLOGIE URBAINE AUJOURD’HUI
théories sociologiques (celles de l’action : l’action rationnelle en finalité, CONSTRUISENT ET RENOUVELLENT
l’incorporation de dispositions à agir et l’agir créatif), qui permet de dé- COMMENT LES JEUNES CHERCHEURS
gager trois outils de description et d’explication des pratiques de mobi-
lité : l’accessibilité, les dispositions et l’épreuve (Nicolas Oppenchaim).
Une autre manière de faire traite sous le prisme de la sociologie ur-
baine des questions générales de la sociologie : la stratification sociale et
les groupes sociaux, la socialisation, les identités, l’action publique, etc.
Elle se caractérise par une volonté forte d’articuler le social et le spatial,
de mettre au jour les dimensions spatiales et matérielles des phénomènes
tion (Anaïs Collet, Colin Giraud). Dans ces travaux, investir de nouveaux
crées au périurbain (Marie Muselle,Violaine Girard) ou à la gentrifica- 222 Postface
et de la dualisation urbaine. Tel est aussi le cas des contributions consa-
privée, dont l’étude permet de questionner la thèse de la fragmentation
(Eleonora Elguezabal), un nouveau produit résidentiel de la promotion et des groupes sociaux, d’observer conjointement les transformations (ou
informel né au Brésil il y a environ dix ans, ou des torres à Buenos Aires trajectoires) des lieux et les transformations (ou trajectoires) des popula-
à Rio de Janeiro (Maira Machado-Martins), un type d’habitat populaire tions. Présente dans plusieurs textes (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien
vent sont l’objet d’importants enjeux et débats. Tel est le cas des invasoes Gentil, Colin Giraud, Nicolas Oppenchaim...), cette démarche est parti-
qui sont liés aux dynamiques urbaines et sociales contemporaines et sou- culièrement visible dans le texte de Violaine Girard sur la recomposition
Une autre manière de faire consiste à investir de nouveaux « terrains » des classes populaires résidant le périurbain. Dans une perspective proche
gie visuelle (Anne Jarrigeon). des travaux pionniers de Maurice Halbwachs (1938) sur les dimensions
communication, la sémiotique, l’ethnologie « critique » ou l’anthropolo- spatio-temporelles des groupes sociaux ou de l’enquête réalisée récem-
façon plus novatrice, avec d’autres disciplines comme les sciences de la ment par Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet et Yasmine
à la sociologie urbaine, comme l’histoire ou la géographie, mais aussi, de Siblot (2008) sur « les petits-moyens », l’enjeu de cette contribution est en
avec d’autres disciplines : avec celles qui sont traditionnellement associées effet tout à la fois de « sociologiser » l’approche des espaces périurbains
hybridations s’exprime également par le dialogue (échange, circulation) et de saisir les transformations des classes populaires sous l’angle de leurs
de la sociologie, cette tendance aux croisements, décloisonnements et inscriptions spatiales, pour « contribuer plus généralement aux question-
importante au sein de la sociologie francophone. Au-delà des frontières nements récents sur les mouvements de différenciations internes aux
de façon plus générale à occuper aujourd’hui une place de plus en plus classes populaires » (p. 101).
Rivière) ou encore celle du genre (Jennifer Bidet, Colin Giraud), qui tend De façon liée, dans leurs manières de faire de la sociologie urbaine, la
trielles, celle des organisations (Burcu Özdirlik), de la famille (Clément plupart des auteurs pratiquent le jeu des croisements, des hybridations ou
sociologie économique (Anaïs Collet), la sociologie des relations indus- des décloisonnements. Nombre d’entre eux se situent au carrefour de la
sation de concepts et de savoirs issus d’autres champs de la sociologie : la sociologie urbaine et d’un autre champ, voire de plusieurs autres champs
etc. Dans ces textes, mais aussi dans d’autres, cela se traduit par la mobili- de la sociologie : la sociologie de l’immigration (Jennifer Bidet), des homo-
Violaine Girard), de l’action publique (Marie Muselle, Burcu Özdirlik),  sexualités (Colin Giraud), de la stratification sociale (Aurélien Gentil,
sexualités (Colin Giraud), de la stratification sociale (Aurélien Gentil, Violaine Girard), de l’action publique (Marie Muselle, Burcu Özdirlik), 
de la sociologie : la sociologie de l’immigration (Jennifer Bidet), des homo- etc. Dans ces textes, mais aussi dans d’autres, cela se traduit par la mobili-
sociologie urbaine et d’un autre champ, voire de plusieurs autres champs sation de concepts et de savoirs issus d’autres champs de la sociologie : la
des décloisonnements. Nombre d’entre eux se situent au carrefour de la sociologie économique (Anaïs Collet), la sociologie des relations indus-
plupart des auteurs pratiquent le jeu des croisements, des hybridations ou trielles, celle des organisations (Burcu Özdirlik), de la famille (Clément
De façon liée, dans leurs manières de faire de la sociologie urbaine, la Rivière) ou encore celle du genre (Jennifer Bidet, Colin Giraud), qui tend
classes populaires » (p. 101). de façon plus générale à occuper aujourd’hui une place de plus en plus
nements récents sur les mouvements de différenciations internes aux importante au sein de la sociologie francophone. Au-delà des frontières
inscriptions spatiales, pour « contribuer plus généralement aux question- de la sociologie, cette tendance aux croisements, décloisonnements et
et de saisir les transformations des classes populaires sous l’angle de leurs hybridations s’exprime également par le dialogue (échange, circulation)
effet tout à la fois de « sociologiser » l’approche des espaces périurbains avec d’autres disciplines : avec celles qui sont traditionnellement associées
Siblot (2008) sur « les petits-moyens », l’enjeu de cette contribution est en à la sociologie urbaine, comme l’histoire ou la géographie, mais aussi, de
ment par Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet et Yasmine façon plus novatrice, avec d’autres disciplines comme les sciences de la
spatio-temporelles des groupes sociaux ou de l’enquête réalisée récem- communication, la sémiotique, l’ethnologie « critique » ou l’anthropolo-
des travaux pionniers de Maurice Halbwachs (1938) sur les dimensions gie visuelle (Anne Jarrigeon).
des classes populaires résidant le périurbain. Dans une perspective proche Une autre manière de faire consiste à investir de nouveaux « terrains »
culièrement visible dans le texte de Violaine Girard sur la recomposition qui sont liés aux dynamiques urbaines et sociales contemporaines et sou-
Gentil, Colin Giraud, Nicolas Oppenchaim...), cette démarche est parti- vent sont l’objet d’importants enjeux et débats. Tel est le cas des invasoes
tions. Présente dans plusieurs textes (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien à Rio de Janeiro (Maira Machado-Martins), un type d’habitat populaire
trajectoires) des lieux et les transformations (ou trajectoires) des popula- informel né au Brésil il y a environ dix ans, ou des torres à Buenos Aires
et des groupes sociaux, d’observer conjointement les transformations (ou (Eleonora Elguezabal), un nouveau produit résidentiel de la promotion
privée, dont l’étude permet de questionner la thèse de la fragmentation
et de la dualisation urbaine. Tel est aussi le cas des contributions consa-
Postface 222 crées au périurbain (Marie Muselle,Violaine Girard) ou à la gentrifica-
tion (Anaïs Collet, Colin Giraud). Dans ces travaux, investir de nouveaux

tion (Anaïs Collet, Colin Giraud). Dans ces travaux, investir de nouveaux
crées au périurbain (Marie Muselle,Violaine Girard) ou à la gentrifica- 222 Postface
et de la dualisation urbaine. Tel est aussi le cas des contributions consa-
privée, dont l’étude permet de questionner la thèse de la fragmentation
(Eleonora Elguezabal), un nouveau produit résidentiel de la promotion et des groupes sociaux, d’observer conjointement les transformations (ou
informel né au Brésil il y a environ dix ans, ou des torres à Buenos Aires trajectoires) des lieux et les transformations (ou trajectoires) des popula-
à Rio de Janeiro (Maira Machado-Martins), un type d’habitat populaire tions. Présente dans plusieurs textes (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien
vent sont l’objet d’importants enjeux et débats. Tel est le cas des invasoes Gentil, Colin Giraud, Nicolas Oppenchaim...), cette démarche est parti-
qui sont liés aux dynamiques urbaines et sociales contemporaines et sou- culièrement visible dans le texte de Violaine Girard sur la recomposition
Une autre manière de faire consiste à investir de nouveaux « terrains » des classes populaires résidant le périurbain. Dans une perspective proche
gie visuelle (Anne Jarrigeon). des travaux pionniers de Maurice Halbwachs (1938) sur les dimensions
communication, la sémiotique, l’ethnologie « critique » ou l’anthropolo- spatio-temporelles des groupes sociaux ou de l’enquête réalisée récem-
façon plus novatrice, avec d’autres disciplines comme les sciences de la ment par Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet et Yasmine
à la sociologie urbaine, comme l’histoire ou la géographie, mais aussi, de Siblot (2008) sur « les petits-moyens », l’enjeu de cette contribution est en
avec d’autres disciplines : avec celles qui sont traditionnellement associées effet tout à la fois de « sociologiser » l’approche des espaces périurbains
hybridations s’exprime également par le dialogue (échange, circulation) et de saisir les transformations des classes populaires sous l’angle de leurs
de la sociologie, cette tendance aux croisements, décloisonnements et inscriptions spatiales, pour « contribuer plus généralement aux question-
importante au sein de la sociologie francophone. Au-delà des frontières nements récents sur les mouvements de différenciations internes aux
de façon plus générale à occuper aujourd’hui une place de plus en plus classes populaires » (p. 101).
Rivière) ou encore celle du genre (Jennifer Bidet, Colin Giraud), qui tend De façon liée, dans leurs manières de faire de la sociologie urbaine, la
trielles, celle des organisations (Burcu Özdirlik), de la famille (Clément plupart des auteurs pratiquent le jeu des croisements, des hybridations ou
sociologie économique (Anaïs Collet), la sociologie des relations indus- des décloisonnements. Nombre d’entre eux se situent au carrefour de la
sation de concepts et de savoirs issus d’autres champs de la sociologie : la sociologie urbaine et d’un autre champ, voire de plusieurs autres champs
etc. Dans ces textes, mais aussi dans d’autres, cela se traduit par la mobili- de la sociologie : la sociologie de l’immigration (Jennifer Bidet), des homo-
Violaine Girard), de l’action publique (Marie Muselle, Burcu Özdirlik),  sexualités (Colin Giraud), de la stratification sociale (Aurélien Gentil,
sexualités (Colin Giraud), de la stratification sociale (Aurélien Gentil, Violaine Girard), de l’action publique (Marie Muselle, Burcu Özdirlik), 
de la sociologie : la sociologie de l’immigration (Jennifer Bidet), des homo- etc. Dans ces textes, mais aussi dans d’autres, cela se traduit par la mobili-
sociologie urbaine et d’un autre champ, voire de plusieurs autres champs sation de concepts et de savoirs issus d’autres champs de la sociologie : la
des décloisonnements. Nombre d’entre eux se situent au carrefour de la sociologie économique (Anaïs Collet), la sociologie des relations indus-
plupart des auteurs pratiquent le jeu des croisements, des hybridations ou trielles, celle des organisations (Burcu Özdirlik), de la famille (Clément
De façon liée, dans leurs manières de faire de la sociologie urbaine, la Rivière) ou encore celle du genre (Jennifer Bidet, Colin Giraud), qui tend
classes populaires » (p. 101). de façon plus générale à occuper aujourd’hui une place de plus en plus
nements récents sur les mouvements de différenciations internes aux importante au sein de la sociologie francophone. Au-delà des frontières
inscriptions spatiales, pour « contribuer plus généralement aux question- de la sociologie, cette tendance aux croisements, décloisonnements et
et de saisir les transformations des classes populaires sous l’angle de leurs hybridations s’exprime également par le dialogue (échange, circulation)
effet tout à la fois de « sociologiser » l’approche des espaces périurbains avec d’autres disciplines : avec celles qui sont traditionnellement associées
Siblot (2008) sur « les petits-moyens », l’enjeu de cette contribution est en à la sociologie urbaine, comme l’histoire ou la géographie, mais aussi, de
ment par Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet et Yasmine façon plus novatrice, avec d’autres disciplines comme les sciences de la
spatio-temporelles des groupes sociaux ou de l’enquête réalisée récem- communication, la sémiotique, l’ethnologie « critique » ou l’anthropolo-
des travaux pionniers de Maurice Halbwachs (1938) sur les dimensions gie visuelle (Anne Jarrigeon).
des classes populaires résidant le périurbain. Dans une perspective proche Une autre manière de faire consiste à investir de nouveaux « terrains »
culièrement visible dans le texte de Violaine Girard sur la recomposition qui sont liés aux dynamiques urbaines et sociales contemporaines et sou-
Gentil, Colin Giraud, Nicolas Oppenchaim...), cette démarche est parti- vent sont l’objet d’importants enjeux et débats. Tel est le cas des invasoes
tions. Présente dans plusieurs textes (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien à Rio de Janeiro (Maira Machado-Martins), un type d’habitat populaire
trajectoires) des lieux et les transformations (ou trajectoires) des popula- informel né au Brésil il y a environ dix ans, ou des torres à Buenos Aires
et des groupes sociaux, d’observer conjointement les transformations (ou (Eleonora Elguezabal), un nouveau produit résidentiel de la promotion
privée, dont l’étude permet de questionner la thèse de la fragmentation
et de la dualisation urbaine. Tel est aussi le cas des contributions consa-
Postface 222 crées au périurbain (Marie Muselle,Violaine Girard) ou à la gentrifica-
tion (Anaïs Collet, Colin Giraud). Dans ces travaux, investir de nouveaux
amène à questionner les termes qui servent à décrire ces terrains et donc à
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 223 comparables en fonction des problématiques qui sont les leurs. Ce qui les
internationale »). Tous « construisent » leurs terrains afin de les rendre
mais situés dans différents pays (à quoi se réduit souvent la « comparaison
« terrains » signifie aussi observer des contextes et des populations qui ne se contente d’une plate mise en regard de lieux apparemment similaires
jusqu’ici avaient été peu analysés, voire pas du tout : le périurbain de la Montréal, les périphéries lilloise, messine, liégeoise et namuroise... Aucun
promotion ouvrière plutôt que celui des classes moyennes ou celui des urbains, voire dans différents contextes nationaux : Paris et Milan, Paris et
classes populaires « reléguées » (Violaine Girard) ; les convertisseurs de lo- d’un travail comparatif entre des terrains situés dans différents contextes
gements dans les quartiers gentrifiés (Anaïs Collet) ou les populations de la comparaison. Plusieurs auteurs construisent leur recherche sur la base
gay (Colin Giraud), avec également, dans ce dernier exemple, le souci de Le deuxième de ces éléments méthodologiques, c’est l’usage récurrent
se saisir d’un questionnement « longtemps resté nord-américain et large- portée sur les parcours, les mobilités et les trajectoires des individus.
ment anglophone » (p. 142), relatif au rôle et à la place des gays dans les tance accordée aux contextes va souvent de pair avec une attention forte
processus de gentrification : c’est-à-dire le souci d’installer la sociologie pour mieux situer les contextes locaux et les populations. Cette impor-
urbaine francophone dans des domaines jusque-là investis par la seule compagne volontiers de traitements de données quantitatives nationales
sociologie urbaine anglo-saxonne. « classes populaires en recomposition »). Le recours à cette méthode s’ac-
Enfin, faire de la sociologie urbaine aujourd’hui (et contribuer à son « périurbain lointain ») et celle de la catégorie sociale qu’il « incarne » (les
renouvellement) passe aussi par des dispositifs méthodologiques, des considéré comme caractéristique d’un type d’espace (en l’occurrence le
outils et des matériaux divers. Dans ce registre, trois éléments peuvent qu’elle est la méthode appropriée pour l’étude d’un processus complexe
être soulignés. Le premier, c’est le recours fréquent à la monographie ou L’approche monographique localisée peut aussi être défendue parce
à l’approche localisée. Ce parti pris est consonant avec le souci partagé de généralité des processus décrits, sur la transférabilité des conclusions.
par de nombreux auteurs d’articuler le social et le spatial, d’être atten- (Burcu Özdirlik). Dans ce cas, il donne lieu à une réflexion sur le degré
tif aux dimensions contextuelles (spatiales, matérielles) des phénomènes Collet) ou comme un lieu intéressant pour explorer une hypothèse
sociaux, de saisir ensemble les transformations des lieux et les trajectoires rain peut être considéré comme un emblème du processus étudié (Anaïs
des populations, ou encore, d’inscrire les trajectoires et les manières sur le statut du terrain dans l’analyse sociologique mise en œuvre. Le ter-
d’être, de penser et d’agir des individus dans des contextes concrets. Ce choix de l’approche localisée s’accompagne d’une réflexion théorique
choix de l’approche localisée s’accompagne d’une réflexion théorique d’être, de penser et d’agir des individus dans des contextes concrets. Ce
sur le statut du terrain dans l’analyse sociologique mise en œuvre. Le ter- des populations, ou encore, d’inscrire les trajectoires et les manières
rain peut être considéré comme un emblème du processus étudié (Anaïs sociaux, de saisir ensemble les transformations des lieux et les trajectoires
Collet) ou comme un lieu intéressant pour explorer une hypothèse tif aux dimensions contextuelles (spatiales, matérielles) des phénomènes
(Burcu Özdirlik). Dans ce cas, il donne lieu à une réflexion sur le degré par de nombreux auteurs d’articuler le social et le spatial, d’être atten-
de généralité des processus décrits, sur la transférabilité des conclusions. à l’approche localisée. Ce parti pris est consonant avec le souci partagé
L’approche monographique localisée peut aussi être défendue parce être soulignés. Le premier, c’est le recours fréquent à la monographie ou
qu’elle est la méthode appropriée pour l’étude d’un processus complexe outils et des matériaux divers. Dans ce registre, trois éléments peuvent
considéré comme caractéristique d’un type d’espace (en l’occurrence le renouvellement) passe aussi par des dispositifs méthodologiques, des
« périurbain lointain ») et celle de la catégorie sociale qu’il « incarne » (les Enfin, faire de la sociologie urbaine aujourd’hui (et contribuer à son
« classes populaires en recomposition »). Le recours à cette méthode s’ac- sociologie urbaine anglo-saxonne.
compagne volontiers de traitements de données quantitatives nationales urbaine francophone dans des domaines jusque-là investis par la seule
pour mieux situer les contextes locaux et les populations. Cette impor- processus de gentrification : c’est-à-dire le souci d’installer la sociologie
tance accordée aux contextes va souvent de pair avec une attention forte ment anglophone » (p. 142), relatif au rôle et à la place des gays dans les
portée sur les parcours, les mobilités et les trajectoires des individus. se saisir d’un questionnement « longtemps resté nord-américain et large-
Le deuxième de ces éléments méthodologiques, c’est l’usage récurrent gay (Colin Giraud), avec également, dans ce dernier exemple, le souci de
de la comparaison. Plusieurs auteurs construisent leur recherche sur la base gements dans les quartiers gentrifiés (Anaïs Collet) ou les populations
d’un travail comparatif entre des terrains situés dans différents contextes classes populaires « reléguées » (Violaine Girard) ; les convertisseurs de lo-
urbains, voire dans différents contextes nationaux : Paris et Milan, Paris et promotion ouvrière plutôt que celui des classes moyennes ou celui des
Montréal, les périphéries lilloise, messine, liégeoise et namuroise... Aucun jusqu’ici avaient été peu analysés, voire pas du tout : le périurbain de la
ne se contente d’une plate mise en regard de lieux apparemment similaires « terrains » signifie aussi observer des contextes et des populations qui
mais situés dans différents pays (à quoi se réduit souvent la « comparaison
internationale »). Tous « construisent » leurs terrains afin de les rendre
comparables en fonction des problématiques qui sont les leurs. Ce qui les 223 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
amène à questionner les termes qui servent à décrire ces terrains et donc à

amène à questionner les termes qui servent à décrire ces terrains et donc à
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 223 comparables en fonction des problématiques qui sont les leurs. Ce qui les
internationale »). Tous « construisent » leurs terrains afin de les rendre
mais situés dans différents pays (à quoi se réduit souvent la « comparaison
« terrains » signifie aussi observer des contextes et des populations qui ne se contente d’une plate mise en regard de lieux apparemment similaires
jusqu’ici avaient été peu analysés, voire pas du tout : le périurbain de la Montréal, les périphéries lilloise, messine, liégeoise et namuroise... Aucun
promotion ouvrière plutôt que celui des classes moyennes ou celui des urbains, voire dans différents contextes nationaux : Paris et Milan, Paris et
classes populaires « reléguées » (Violaine Girard) ; les convertisseurs de lo- d’un travail comparatif entre des terrains situés dans différents contextes
gements dans les quartiers gentrifiés (Anaïs Collet) ou les populations de la comparaison. Plusieurs auteurs construisent leur recherche sur la base
gay (Colin Giraud), avec également, dans ce dernier exemple, le souci de Le deuxième de ces éléments méthodologiques, c’est l’usage récurrent
se saisir d’un questionnement « longtemps resté nord-américain et large- portée sur les parcours, les mobilités et les trajectoires des individus.
ment anglophone » (p. 142), relatif au rôle et à la place des gays dans les tance accordée aux contextes va souvent de pair avec une attention forte
processus de gentrification : c’est-à-dire le souci d’installer la sociologie pour mieux situer les contextes locaux et les populations. Cette impor-
urbaine francophone dans des domaines jusque-là investis par la seule compagne volontiers de traitements de données quantitatives nationales
sociologie urbaine anglo-saxonne. « classes populaires en recomposition »). Le recours à cette méthode s’ac-
Enfin, faire de la sociologie urbaine aujourd’hui (et contribuer à son « périurbain lointain ») et celle de la catégorie sociale qu’il « incarne » (les
renouvellement) passe aussi par des dispositifs méthodologiques, des considéré comme caractéristique d’un type d’espace (en l’occurrence le
outils et des matériaux divers. Dans ce registre, trois éléments peuvent qu’elle est la méthode appropriée pour l’étude d’un processus complexe
être soulignés. Le premier, c’est le recours fréquent à la monographie ou L’approche monographique localisée peut aussi être défendue parce
à l’approche localisée. Ce parti pris est consonant avec le souci partagé de généralité des processus décrits, sur la transférabilité des conclusions.
par de nombreux auteurs d’articuler le social et le spatial, d’être atten- (Burcu Özdirlik). Dans ce cas, il donne lieu à une réflexion sur le degré
tif aux dimensions contextuelles (spatiales, matérielles) des phénomènes Collet) ou comme un lieu intéressant pour explorer une hypothèse
sociaux, de saisir ensemble les transformations des lieux et les trajectoires rain peut être considéré comme un emblème du processus étudié (Anaïs
des populations, ou encore, d’inscrire les trajectoires et les manières sur le statut du terrain dans l’analyse sociologique mise en œuvre. Le ter-
d’être, de penser et d’agir des individus dans des contextes concrets. Ce choix de l’approche localisée s’accompagne d’une réflexion théorique
choix de l’approche localisée s’accompagne d’une réflexion théorique d’être, de penser et d’agir des individus dans des contextes concrets. Ce
sur le statut du terrain dans l’analyse sociologique mise en œuvre. Le ter- des populations, ou encore, d’inscrire les trajectoires et les manières
rain peut être considéré comme un emblème du processus étudié (Anaïs sociaux, de saisir ensemble les transformations des lieux et les trajectoires
Collet) ou comme un lieu intéressant pour explorer une hypothèse tif aux dimensions contextuelles (spatiales, matérielles) des phénomènes
(Burcu Özdirlik). Dans ce cas, il donne lieu à une réflexion sur le degré par de nombreux auteurs d’articuler le social et le spatial, d’être atten-
de généralité des processus décrits, sur la transférabilité des conclusions. à l’approche localisée. Ce parti pris est consonant avec le souci partagé
L’approche monographique localisée peut aussi être défendue parce être soulignés. Le premier, c’est le recours fréquent à la monographie ou
qu’elle est la méthode appropriée pour l’étude d’un processus complexe outils et des matériaux divers. Dans ce registre, trois éléments peuvent
considéré comme caractéristique d’un type d’espace (en l’occurrence le renouvellement) passe aussi par des dispositifs méthodologiques, des
« périurbain lointain ») et celle de la catégorie sociale qu’il « incarne » (les Enfin, faire de la sociologie urbaine aujourd’hui (et contribuer à son
« classes populaires en recomposition »). Le recours à cette méthode s’ac- sociologie urbaine anglo-saxonne.
compagne volontiers de traitements de données quantitatives nationales urbaine francophone dans des domaines jusque-là investis par la seule
pour mieux situer les contextes locaux et les populations. Cette impor- processus de gentrification : c’est-à-dire le souci d’installer la sociologie
tance accordée aux contextes va souvent de pair avec une attention forte ment anglophone » (p. 142), relatif au rôle et à la place des gays dans les
portée sur les parcours, les mobilités et les trajectoires des individus. se saisir d’un questionnement « longtemps resté nord-américain et large-
Le deuxième de ces éléments méthodologiques, c’est l’usage récurrent gay (Colin Giraud), avec également, dans ce dernier exemple, le souci de
de la comparaison. Plusieurs auteurs construisent leur recherche sur la base gements dans les quartiers gentrifiés (Anaïs Collet) ou les populations
d’un travail comparatif entre des terrains situés dans différents contextes classes populaires « reléguées » (Violaine Girard) ; les convertisseurs de lo-
urbains, voire dans différents contextes nationaux : Paris et Milan, Paris et promotion ouvrière plutôt que celui des classes moyennes ou celui des
Montréal, les périphéries lilloise, messine, liégeoise et namuroise... Aucun jusqu’ici avaient été peu analysés, voire pas du tout : le périurbain de la
ne se contente d’une plate mise en regard de lieux apparemment similaires « terrains » signifie aussi observer des contextes et des populations qui
mais situés dans différents pays (à quoi se réduit souvent la « comparaison
internationale »). Tous « construisent » leurs terrains afin de les rendre
comparables en fonction des problématiques qui sont les leurs. Ce qui les 223 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
amène à questionner les termes qui servent à décrire ces terrains et donc à
des acteurs et à leur hétérogénéité croissante. Comment promoteurs,
ces textes ont en commun de s’intéresser en premier lieu à la question 224 Postface
des modalités de la production de l’espace. Quel que soit leur objet,
Elguezabal attestent que la gestion mérite d’être redéfinie comme l’une
gestion des espaces. Au passage, les travaux de Marie Muselle et d’Eleonora réinterroger leurs propres critères de sélection : espaces socialement « mix-
fonctionnement des marchés immobiliers, la construction mais aussi la tes », quartiers « gentrifiés », quartiers « gay », espaces « périurbains »... Dans
mensions économiques de cette production : la formation des prix, le d’autres contributions, la démarche comparative est utilisée différemment :
lent se réapproprier ce programme et prennent à bras-le-corps les di- les auteurs suivent et observent les mêmes populations (descendants de
C’est cette complexité qu’il convient de saisir. Plusieurs auteurs veu- l’immigration algérienne, salariés mobiles du tourisme) dans plusieurs
d’activités et de moyens. contextes (lieux de résidence, lieux des vacances, lieux de travail, etc.).
cherchent pas à l’envisager comme une dynamique liée à un ensemble Enfin, certains contributeurs font appel à des outils d’investigation
par la société civile ou par le « marché ». Mais en général, ces analyses ne assez peu utilisés jusqu’ici dans les recherches urbaines, à l’exemple de la
puissance publique, mais plutôt codécidée, influencée ou court-circuitée photographie et du film (Anne Jarrigeon), ou mobilisent des matériaux
dont le projet urbain est une forme. Elle n’apparaît plus planifiée par la « nouveaux », comme le fichier des abonnés d’une revue homosexuelle
abordée très indirectement, à travers le prisme de l’action publique locale, spécialisée pour identifier la localisation (résidentielle) des populations
brique » des villes comme pour contourner l’idée) est le plus souvent gay à Paris (Colin Giraud).
« production » (on parle plus couramment de « fabrication » ou de « fa- Ces différentes manières de faire contribuent au renouvellement de la
tent des éléments susceptibles d’alimenter ce débat. Aujourd’hui, cette sociologie urbaine (francophone) sur plusieurs aspects : l’analyse des pro-
Cette question n’est pas vraiment la leur, même si leurs travaux appor- ducteurs et de la production de la ville, la sociologie de l’habiter (au sens
la perte de centralité du politique dans la conduite des affaires urbaines. large du terme) et le traitement sociologique de la question de l’espace.
plus dans la ligne des théories de la gouvernance urbaine qui plaident
urbains, ils n’en défendent pas la primauté. Ils ne s’inscrivent pas non PRODUCTEURS ET PRODUCTION DE LA VILLE
blique. Mais, sans ignorer les dimensions économiques des phénomènes
tent en doute l’autonomie et la centralité de la sphère de décision pu- Certains auteurs s’emparent à nouveaux frais d’une question placée
comment la ville est-elle produite ? Comme leurs prédécesseurs, ils met- autrefois au cœur de la sous-discipline par la sociologie urbaine marxiste :
autrefois au cœur de la sous-discipline par la sociologie urbaine marxiste : comment la ville est-elle produite ? Comme leurs prédécesseurs, ils met-
Certains auteurs s’emparent à nouveaux frais d’une question placée tent en doute l’autonomie et la centralité de la sphère de décision pu-
blique. Mais, sans ignorer les dimensions économiques des phénomènes
PRODUCTEURS ET PRODUCTION DE LA VILLE urbains, ils n’en défendent pas la primauté. Ils ne s’inscrivent pas non
plus dans la ligne des théories de la gouvernance urbaine qui plaident
large du terme) et le traitement sociologique de la question de l’espace. la perte de centralité du politique dans la conduite des affaires urbaines.
ducteurs et de la production de la ville, la sociologie de l’habiter (au sens Cette question n’est pas vraiment la leur, même si leurs travaux appor-
sociologie urbaine (francophone) sur plusieurs aspects : l’analyse des pro- tent des éléments susceptibles d’alimenter ce débat. Aujourd’hui, cette
Ces différentes manières de faire contribuent au renouvellement de la « production » (on parle plus couramment de « fabrication » ou de « fa-
gay à Paris (Colin Giraud). brique » des villes comme pour contourner l’idée) est le plus souvent
spécialisée pour identifier la localisation (résidentielle) des populations abordée très indirectement, à travers le prisme de l’action publique locale,
« nouveaux », comme le fichier des abonnés d’une revue homosexuelle dont le projet urbain est une forme. Elle n’apparaît plus planifiée par la
photographie et du film (Anne Jarrigeon), ou mobilisent des matériaux puissance publique, mais plutôt codécidée, influencée ou court-circuitée
assez peu utilisés jusqu’ici dans les recherches urbaines, à l’exemple de la par la société civile ou par le « marché ». Mais en général, ces analyses ne
Enfin, certains contributeurs font appel à des outils d’investigation cherchent pas à l’envisager comme une dynamique liée à un ensemble
contextes (lieux de résidence, lieux des vacances, lieux de travail, etc.). d’activités et de moyens.
l’immigration algérienne, salariés mobiles du tourisme) dans plusieurs C’est cette complexité qu’il convient de saisir. Plusieurs auteurs veu-
les auteurs suivent et observent les mêmes populations (descendants de lent se réapproprier ce programme et prennent à bras-le-corps les di-
d’autres contributions, la démarche comparative est utilisée différemment : mensions économiques de cette production : la formation des prix, le
tes », quartiers « gentrifiés », quartiers « gay », espaces « périurbains »... Dans fonctionnement des marchés immobiliers, la construction mais aussi la
réinterroger leurs propres critères de sélection : espaces socialement « mix- gestion des espaces. Au passage, les travaux de Marie Muselle et d’Eleonora
Elguezabal attestent que la gestion mérite d’être redéfinie comme l’une
des modalités de la production de l’espace. Quel que soit leur objet,
Postface 224 ces textes ont en commun de s’intéresser en premier lieu à la question
des acteurs et à leur hétérogénéité croissante. Comment promoteurs,

des acteurs et à leur hétérogénéité croissante. Comment promoteurs,


ces textes ont en commun de s’intéresser en premier lieu à la question 224 Postface
des modalités de la production de l’espace. Quel que soit leur objet,
Elguezabal attestent que la gestion mérite d’être redéfinie comme l’une
gestion des espaces. Au passage, les travaux de Marie Muselle et d’Eleonora réinterroger leurs propres critères de sélection : espaces socialement « mix-
fonctionnement des marchés immobiliers, la construction mais aussi la tes », quartiers « gentrifiés », quartiers « gay », espaces « périurbains »... Dans
mensions économiques de cette production : la formation des prix, le d’autres contributions, la démarche comparative est utilisée différemment :
lent se réapproprier ce programme et prennent à bras-le-corps les di- les auteurs suivent et observent les mêmes populations (descendants de
C’est cette complexité qu’il convient de saisir. Plusieurs auteurs veu- l’immigration algérienne, salariés mobiles du tourisme) dans plusieurs
d’activités et de moyens. contextes (lieux de résidence, lieux des vacances, lieux de travail, etc.).
cherchent pas à l’envisager comme une dynamique liée à un ensemble Enfin, certains contributeurs font appel à des outils d’investigation
par la société civile ou par le « marché ». Mais en général, ces analyses ne assez peu utilisés jusqu’ici dans les recherches urbaines, à l’exemple de la
puissance publique, mais plutôt codécidée, influencée ou court-circuitée photographie et du film (Anne Jarrigeon), ou mobilisent des matériaux
dont le projet urbain est une forme. Elle n’apparaît plus planifiée par la « nouveaux », comme le fichier des abonnés d’une revue homosexuelle
abordée très indirectement, à travers le prisme de l’action publique locale, spécialisée pour identifier la localisation (résidentielle) des populations
brique » des villes comme pour contourner l’idée) est le plus souvent gay à Paris (Colin Giraud).
« production » (on parle plus couramment de « fabrication » ou de « fa- Ces différentes manières de faire contribuent au renouvellement de la
tent des éléments susceptibles d’alimenter ce débat. Aujourd’hui, cette sociologie urbaine (francophone) sur plusieurs aspects : l’analyse des pro-
Cette question n’est pas vraiment la leur, même si leurs travaux appor- ducteurs et de la production de la ville, la sociologie de l’habiter (au sens
la perte de centralité du politique dans la conduite des affaires urbaines. large du terme) et le traitement sociologique de la question de l’espace.
plus dans la ligne des théories de la gouvernance urbaine qui plaident
urbains, ils n’en défendent pas la primauté. Ils ne s’inscrivent pas non PRODUCTEURS ET PRODUCTION DE LA VILLE
blique. Mais, sans ignorer les dimensions économiques des phénomènes
tent en doute l’autonomie et la centralité de la sphère de décision pu- Certains auteurs s’emparent à nouveaux frais d’une question placée
comment la ville est-elle produite ? Comme leurs prédécesseurs, ils met- autrefois au cœur de la sous-discipline par la sociologie urbaine marxiste :
autrefois au cœur de la sous-discipline par la sociologie urbaine marxiste : comment la ville est-elle produite ? Comme leurs prédécesseurs, ils met-
Certains auteurs s’emparent à nouveaux frais d’une question placée tent en doute l’autonomie et la centralité de la sphère de décision pu-
blique. Mais, sans ignorer les dimensions économiques des phénomènes
PRODUCTEURS ET PRODUCTION DE LA VILLE urbains, ils n’en défendent pas la primauté. Ils ne s’inscrivent pas non
plus dans la ligne des théories de la gouvernance urbaine qui plaident
large du terme) et le traitement sociologique de la question de l’espace. la perte de centralité du politique dans la conduite des affaires urbaines.
ducteurs et de la production de la ville, la sociologie de l’habiter (au sens Cette question n’est pas vraiment la leur, même si leurs travaux appor-
sociologie urbaine (francophone) sur plusieurs aspects : l’analyse des pro- tent des éléments susceptibles d’alimenter ce débat. Aujourd’hui, cette
Ces différentes manières de faire contribuent au renouvellement de la « production » (on parle plus couramment de « fabrication » ou de « fa-
gay à Paris (Colin Giraud). brique » des villes comme pour contourner l’idée) est le plus souvent
spécialisée pour identifier la localisation (résidentielle) des populations abordée très indirectement, à travers le prisme de l’action publique locale,
« nouveaux », comme le fichier des abonnés d’une revue homosexuelle dont le projet urbain est une forme. Elle n’apparaît plus planifiée par la
photographie et du film (Anne Jarrigeon), ou mobilisent des matériaux puissance publique, mais plutôt codécidée, influencée ou court-circuitée
assez peu utilisés jusqu’ici dans les recherches urbaines, à l’exemple de la par la société civile ou par le « marché ». Mais en général, ces analyses ne
Enfin, certains contributeurs font appel à des outils d’investigation cherchent pas à l’envisager comme une dynamique liée à un ensemble
contextes (lieux de résidence, lieux des vacances, lieux de travail, etc.). d’activités et de moyens.
l’immigration algérienne, salariés mobiles du tourisme) dans plusieurs C’est cette complexité qu’il convient de saisir. Plusieurs auteurs veu-
les auteurs suivent et observent les mêmes populations (descendants de lent se réapproprier ce programme et prennent à bras-le-corps les di-
d’autres contributions, la démarche comparative est utilisée différemment : mensions économiques de cette production : la formation des prix, le
tes », quartiers « gentrifiés », quartiers « gay », espaces « périurbains »... Dans fonctionnement des marchés immobiliers, la construction mais aussi la
réinterroger leurs propres critères de sélection : espaces socialement « mix- gestion des espaces. Au passage, les travaux de Marie Muselle et d’Eleonora
Elguezabal attestent que la gestion mérite d’être redéfinie comme l’une
des modalités de la production de l’espace. Quel que soit leur objet,
Postface 224 ces textes ont en commun de s’intéresser en premier lieu à la question
des acteurs et à leur hétérogénéité croissante. Comment promoteurs,
exemple met au jour les différentes régulations sociales  : politiques
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 225 ont une ambition théorique et méthodologique. Burcu Özdirlik par
va bien au-delà des connaissances qu’ils apportent sur leur terrain. Ils
cet égard, l’intérêt des textes sur Istanbul, Montreuil, Buenos Aires, etc.,
entrepreneurs du bâtiment, investisseurs immobiliers, managers de projets, et qui lissent les particularités (la contingence ?) des processus locaux. À
gestionnaires de copropriétés, propriétaires « convertisseurs », entre autres, décrire les transformations d’un très grand nombre de villes aujourd’hui,
interviennent-ils dans la production urbaine ? Comment saisir et catégori- (fragmentation, patrimonialisation, renouvellement urbain) utilisées pour
ser ces acteurs plus ou moins repérés par la sociologie ? Quelles mutations cette complexité. Nous sommes très loin des catégorisations englobantes
les traversent ? Quelles sont leurs logiques d’action, leurs contraintes ? ou privées, ce qu’ils cherchent à mettre au jour empiriquement, c’est
Comment les mondes professionnels dont ils dépendent sont-ils struc- s’opposent ou s’entrecroisent. Qu’ils se focalisent sur des actions publiques
turés ? Sur ces différents points, plusieurs articles apportent des résultats inductivement comment les différentes forces de production interfèrent,
substantiels et contribuent à démontrer qu’on ne peut comprendre ce que des organisations et du travail principalement. Ils s’attachent à montrer
sont les villes sans s’interroger sur les acteurs de leur production, ce qui théoriques importés d’autres champs : sociologie économique, sociologie
nécessite éventuellement un détour par la sociologie des professions. à actualiser l’approche de ces questionnements anciens à partir de cadres
Comme l’observe Dominique Lorrain à propos des « firmes d’infrastruc- marxiste, leurs références sont ailleurs. Leur force consiste à renouveler et
tures », les entreprises qui construisent et gèrent les espaces urbains (leurs vaux reprennent certains aspects du programme de la sociologie urbaine
bâtiments, leurs services et leurs réseaux) se renouvellent en même temps mais ne résulte pas non plus de la seule logique de production. Si ces tra-
que les villes qu’ils produisent, des villes plus denses, plus complexes, plus (1973) : la production ne dépend pas d’un acteur public tout-puissant,
techniques (Lorrain, 2002) : la connaissance des villes demeure indispen- exemple analogue à celui d’Edmond Préteceille sur les grands ensembles
sable à celle des mutations du capitalisme. N’est-ce pas là une des plus ganisée rationnellement. De ce point de vue, leur raisonnement est par
anciennes vocations de la sociologie urbaine ? « processus de réalisation » pour montrer que la production n’est pas or-
En se référant à la notion classique d’action collective, plusieurs textes Ce faisant, ils mettent à nouveau en évidence l’intérêt d’analyser des
font l’économie de vaines discussions autour de la notion de gouver- ils participent.
nance. Parmi les auteurs qui s’intéressent à l’action publique, aucun ne actions, des règles auxquelles ils se réfèrent et à la construction desquelles
discute ni ne contourne cette notion. Ils se situent ailleurs et proposent un point de vue fondé sur l’analyse empirique des acteurs, de leurs inter-
un point de vue fondé sur l’analyse empirique des acteurs, de leurs inter- discute ni ne contourne cette notion. Ils se situent ailleurs et proposent
actions, des règles auxquelles ils se réfèrent et à la construction desquelles nance. Parmi les auteurs qui s’intéressent à l’action publique, aucun ne
ils participent. font l’économie de vaines discussions autour de la notion de gouver-
Ce faisant, ils mettent à nouveau en évidence l’intérêt d’analyser des En se référant à la notion classique d’action collective, plusieurs textes
« processus de réalisation » pour montrer que la production n’est pas or- anciennes vocations de la sociologie urbaine ?
ganisée rationnellement. De ce point de vue, leur raisonnement est par sable à celle des mutations du capitalisme. N’est-ce pas là une des plus
exemple analogue à celui d’Edmond Préteceille sur les grands ensembles techniques (Lorrain, 2002) : la connaissance des villes demeure indispen-
(1973) : la production ne dépend pas d’un acteur public tout-puissant, que les villes qu’ils produisent, des villes plus denses, plus complexes, plus
mais ne résulte pas non plus de la seule logique de production. Si ces tra- bâtiments, leurs services et leurs réseaux) se renouvellent en même temps
vaux reprennent certains aspects du programme de la sociologie urbaine tures », les entreprises qui construisent et gèrent les espaces urbains (leurs
marxiste, leurs références sont ailleurs. Leur force consiste à renouveler et Comme l’observe Dominique Lorrain à propos des « firmes d’infrastruc-
à actualiser l’approche de ces questionnements anciens à partir de cadres nécessite éventuellement un détour par la sociologie des professions.
théoriques importés d’autres champs : sociologie économique, sociologie sont les villes sans s’interroger sur les acteurs de leur production, ce qui
des organisations et du travail principalement. Ils s’attachent à montrer substantiels et contribuent à démontrer qu’on ne peut comprendre ce que
inductivement comment les différentes forces de production interfèrent, turés ? Sur ces différents points, plusieurs articles apportent des résultats
s’opposent ou s’entrecroisent. Qu’ils se focalisent sur des actions publiques Comment les mondes professionnels dont ils dépendent sont-ils struc-
ou privées, ce qu’ils cherchent à mettre au jour empiriquement, c’est les traversent ? Quelles sont leurs logiques d’action, leurs contraintes ?
cette complexité. Nous sommes très loin des catégorisations englobantes ser ces acteurs plus ou moins repérés par la sociologie ? Quelles mutations
(fragmentation, patrimonialisation, renouvellement urbain) utilisées pour interviennent-ils dans la production urbaine ? Comment saisir et catégori-
décrire les transformations d’un très grand nombre de villes aujourd’hui, gestionnaires de copropriétés, propriétaires « convertisseurs », entre autres,
et qui lissent les particularités (la contingence ?) des processus locaux. À entrepreneurs du bâtiment, investisseurs immobiliers, managers de projets,
cet égard, l’intérêt des textes sur Istanbul, Montreuil, Buenos Aires, etc.,
va bien au-delà des connaissances qu’ils apportent sur leur terrain. Ils
ont une ambition théorique et méthodologique. Burcu Özdirlik par 225 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
exemple met au jour les différentes régulations sociales  : politiques

exemple met au jour les différentes régulations sociales  : politiques


Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 225 ont une ambition théorique et méthodologique. Burcu Özdirlik par
va bien au-delà des connaissances qu’ils apportent sur leur terrain. Ils
cet égard, l’intérêt des textes sur Istanbul, Montreuil, Buenos Aires, etc.,
entrepreneurs du bâtiment, investisseurs immobiliers, managers de projets, et qui lissent les particularités (la contingence ?) des processus locaux. À
gestionnaires de copropriétés, propriétaires « convertisseurs », entre autres, décrire les transformations d’un très grand nombre de villes aujourd’hui,
interviennent-ils dans la production urbaine ? Comment saisir et catégori- (fragmentation, patrimonialisation, renouvellement urbain) utilisées pour
ser ces acteurs plus ou moins repérés par la sociologie ? Quelles mutations cette complexité. Nous sommes très loin des catégorisations englobantes
les traversent ? Quelles sont leurs logiques d’action, leurs contraintes ? ou privées, ce qu’ils cherchent à mettre au jour empiriquement, c’est
Comment les mondes professionnels dont ils dépendent sont-ils struc- s’opposent ou s’entrecroisent. Qu’ils se focalisent sur des actions publiques
turés ? Sur ces différents points, plusieurs articles apportent des résultats inductivement comment les différentes forces de production interfèrent,
substantiels et contribuent à démontrer qu’on ne peut comprendre ce que des organisations et du travail principalement. Ils s’attachent à montrer
sont les villes sans s’interroger sur les acteurs de leur production, ce qui théoriques importés d’autres champs : sociologie économique, sociologie
nécessite éventuellement un détour par la sociologie des professions. à actualiser l’approche de ces questionnements anciens à partir de cadres
Comme l’observe Dominique Lorrain à propos des « firmes d’infrastruc- marxiste, leurs références sont ailleurs. Leur force consiste à renouveler et
tures », les entreprises qui construisent et gèrent les espaces urbains (leurs vaux reprennent certains aspects du programme de la sociologie urbaine
bâtiments, leurs services et leurs réseaux) se renouvellent en même temps mais ne résulte pas non plus de la seule logique de production. Si ces tra-
que les villes qu’ils produisent, des villes plus denses, plus complexes, plus (1973) : la production ne dépend pas d’un acteur public tout-puissant,
techniques (Lorrain, 2002) : la connaissance des villes demeure indispen- exemple analogue à celui d’Edmond Préteceille sur les grands ensembles
sable à celle des mutations du capitalisme. N’est-ce pas là une des plus ganisée rationnellement. De ce point de vue, leur raisonnement est par
anciennes vocations de la sociologie urbaine ? « processus de réalisation » pour montrer que la production n’est pas or-
En se référant à la notion classique d’action collective, plusieurs textes Ce faisant, ils mettent à nouveau en évidence l’intérêt d’analyser des
font l’économie de vaines discussions autour de la notion de gouver- ils participent.
nance. Parmi les auteurs qui s’intéressent à l’action publique, aucun ne actions, des règles auxquelles ils se réfèrent et à la construction desquelles
discute ni ne contourne cette notion. Ils se situent ailleurs et proposent un point de vue fondé sur l’analyse empirique des acteurs, de leurs inter-
un point de vue fondé sur l’analyse empirique des acteurs, de leurs inter- discute ni ne contourne cette notion. Ils se situent ailleurs et proposent
actions, des règles auxquelles ils se réfèrent et à la construction desquelles nance. Parmi les auteurs qui s’intéressent à l’action publique, aucun ne
ils participent. font l’économie de vaines discussions autour de la notion de gouver-
Ce faisant, ils mettent à nouveau en évidence l’intérêt d’analyser des En se référant à la notion classique d’action collective, plusieurs textes
« processus de réalisation » pour montrer que la production n’est pas or- anciennes vocations de la sociologie urbaine ?
ganisée rationnellement. De ce point de vue, leur raisonnement est par sable à celle des mutations du capitalisme. N’est-ce pas là une des plus
exemple analogue à celui d’Edmond Préteceille sur les grands ensembles techniques (Lorrain, 2002) : la connaissance des villes demeure indispen-
(1973) : la production ne dépend pas d’un acteur public tout-puissant, que les villes qu’ils produisent, des villes plus denses, plus complexes, plus
mais ne résulte pas non plus de la seule logique de production. Si ces tra- bâtiments, leurs services et leurs réseaux) se renouvellent en même temps
vaux reprennent certains aspects du programme de la sociologie urbaine tures », les entreprises qui construisent et gèrent les espaces urbains (leurs
marxiste, leurs références sont ailleurs. Leur force consiste à renouveler et Comme l’observe Dominique Lorrain à propos des « firmes d’infrastruc-
à actualiser l’approche de ces questionnements anciens à partir de cadres nécessite éventuellement un détour par la sociologie des professions.
théoriques importés d’autres champs : sociologie économique, sociologie sont les villes sans s’interroger sur les acteurs de leur production, ce qui
des organisations et du travail principalement. Ils s’attachent à montrer substantiels et contribuent à démontrer qu’on ne peut comprendre ce que
inductivement comment les différentes forces de production interfèrent, turés ? Sur ces différents points, plusieurs articles apportent des résultats
s’opposent ou s’entrecroisent. Qu’ils se focalisent sur des actions publiques Comment les mondes professionnels dont ils dépendent sont-ils struc-
ou privées, ce qu’ils cherchent à mettre au jour empiriquement, c’est les traversent ? Quelles sont leurs logiques d’action, leurs contraintes ?
cette complexité. Nous sommes très loin des catégorisations englobantes ser ces acteurs plus ou moins repérés par la sociologie ? Quelles mutations
(fragmentation, patrimonialisation, renouvellement urbain) utilisées pour interviennent-ils dans la production urbaine ? Comment saisir et catégori-
décrire les transformations d’un très grand nombre de villes aujourd’hui, gestionnaires de copropriétés, propriétaires « convertisseurs », entre autres,
et qui lissent les particularités (la contingence ?) des processus locaux. À entrepreneurs du bâtiment, investisseurs immobiliers, managers de projets,
cet égard, l’intérêt des textes sur Istanbul, Montreuil, Buenos Aires, etc.,
va bien au-delà des connaissances qu’ils apportent sur leur terrain. Ils
ont une ambition théorique et méthodologique. Burcu Özdirlik par 225 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
exemple met au jour les différentes régulations sociales  : politiques
populaire, la « copropriété de fait », qui se réfère aux condominiums de
Machado-Martins décrit ainsi l’apparition d’un nouveau type d’habitat 226 Postface
interviennent des activités de classement et de catégorisation. Maira
ces processus de production des villes ou des espaces qui les constituent,
santes et figées comme le « périurbain » ou les « quartiers fermés ». Dans (celles qui concernent les relations entre les niveaux de gouverne-
de définir les espaces « urbains » (ou autres) via des catégories globali- ment, les élus et les techniciens des administrations locales), industrielles
contiennent en creux une charge critique contre celles qui se contentent (liées à la financiarisation et l’internationalisation des industries du bâti-
des régulations contingentes dont cette transformation procède : elles ment notamment), professionnelles (assurées notamment par des orga-
formation des espaces (à leur urbanisation, par exemple) dans une analyse nisations professionnelles qui structurent la « société civile ») à l’œuvre
Ces approches militent pour une sociologie qui s’intéresse à la trans- dans la fabrication d’un nouveau quartier d’affaires à Istanbul. Certains
une critique de la notion de « rente de situation » (Topalov, 1974). attestent aussi l’intérêt heuristique du recours à la théorie de la régulation
sociologique des prix fonciers et immobiliers  impliquant notamment sociale, notamment parce qu’elle permet de repenser la place de l’auto-
ou « value gap »). Bref, ce travail reprend à son compte l’idée d’une analyse rité politique dans le processus de production urbaine : en l’occurrence,
comme les bénéficiaires de gisements de valeur (profitant d’un « rent gap » celle-ci apparaît fragmentée, confrontée à l’importance déterminante
comme des consommateurs de biens immobiliers et les propriétaires de régulations propres aux différents secteurs qui interviennent dans la
assez étroite ou descriptive, considère généralement les « habitants » production urbaine, de plus en plus internationalisée... Cette approche
la littérature sur la gentrification, tributaire d’une lecture économique présente aussi l’avantage de désimbriquer recherche urbaine et débat
ment les biens qu’ils acquièrent. C’est un renversement de point de vue : public, tout en apportant un éclairage dont celui-ci peut se saisir, dévoi-
utilisant ces ressources pour transformer matériellement et symbolique- lant l’hétérogénéité des stratégies à l’œuvre au sein des trois sphères  :
(p. 127) : ils innovent et effectuent un travail, au sens fort du terme, en pouvoirs publics, secteur privé, société civile.
nit ces gentrifieurs comme des « micro-entrepreneurs sans but lucratif » Certaines transformations peuvent être envisagées comme de véri-
repose aussi sur des dispositions et des ressources non financières. Elle défi- tables productions. C’est ce qu’indique Anaïs Collet en regardant du côté
tion des prix. Elle montre en particulier que cette production de valeur de la sociologie économique : la production d’un espace gentrifié se fait
s’attache à dépasser la description strictement économique de la forma- par le biais des modalités concrètes d’appropriation et de conversion de
sant la contribution des « convertisseurs » à la production de valeur, elle bâtiments, la création de « “mètres carrés” habitables » (p. 120). En analy-
bâtiments, la création de « “mètres carrés” habitables » (p. 120). En analy- sant la contribution des « convertisseurs » à la production de valeur, elle
par le biais des modalités concrètes d’appropriation et de conversion de s’attache à dépasser la description strictement économique de la forma-
de la sociologie économique : la production d’un espace gentrifié se fait tion des prix. Elle montre en particulier que cette production de valeur
tables productions. C’est ce qu’indique Anaïs Collet en regardant du côté repose aussi sur des dispositions et des ressources non financières. Elle défi-
Certaines transformations peuvent être envisagées comme de véri- nit ces gentrifieurs comme des « micro-entrepreneurs sans but lucratif »
pouvoirs publics, secteur privé, société civile. (p. 127) : ils innovent et effectuent un travail, au sens fort du terme, en
lant l’hétérogénéité des stratégies à l’œuvre au sein des trois sphères  : utilisant ces ressources pour transformer matériellement et symbolique-
public, tout en apportant un éclairage dont celui-ci peut se saisir, dévoi- ment les biens qu’ils acquièrent. C’est un renversement de point de vue :
présente aussi l’avantage de désimbriquer recherche urbaine et débat la littérature sur la gentrification, tributaire d’une lecture économique
production urbaine, de plus en plus internationalisée... Cette approche assez étroite ou descriptive, considère généralement les « habitants »
de régulations propres aux différents secteurs qui interviennent dans la comme des consommateurs de biens immobiliers et les propriétaires
celle-ci apparaît fragmentée, confrontée à l’importance déterminante comme les bénéficiaires de gisements de valeur (profitant d’un « rent gap »
rité politique dans le processus de production urbaine : en l’occurrence, ou « value gap »). Bref, ce travail reprend à son compte l’idée d’une analyse
sociale, notamment parce qu’elle permet de repenser la place de l’auto- sociologique des prix fonciers et immobiliers  impliquant notamment
attestent aussi l’intérêt heuristique du recours à la théorie de la régulation une critique de la notion de « rente de situation » (Topalov, 1974).
dans la fabrication d’un nouveau quartier d’affaires à Istanbul. Certains Ces approches militent pour une sociologie qui s’intéresse à la trans-
nisations professionnelles qui structurent la « société civile ») à l’œuvre formation des espaces (à leur urbanisation, par exemple) dans une analyse
ment notamment), professionnelles (assurées notamment par des orga- des régulations contingentes dont cette transformation procède : elles
(liées à la financiarisation et l’internationalisation des industries du bâti- contiennent en creux une charge critique contre celles qui se contentent
ment, les élus et les techniciens des administrations locales), industrielles de définir les espaces « urbains » (ou autres) via des catégories globali-
(celles qui concernent les relations entre les niveaux de gouverne- santes et figées comme le « périurbain » ou les « quartiers fermés ». Dans
ces processus de production des villes ou des espaces qui les constituent,
interviennent des activités de classement et de catégorisation. Maira
Postface 226 Machado-Martins décrit ainsi l’apparition d’un nouveau type d’habitat
populaire, la « copropriété de fait », qui se réfère aux condominiums de

populaire, la « copropriété de fait », qui se réfère aux condominiums de


Machado-Martins décrit ainsi l’apparition d’un nouveau type d’habitat 226 Postface
interviennent des activités de classement et de catégorisation. Maira
ces processus de production des villes ou des espaces qui les constituent,
santes et figées comme le « périurbain » ou les « quartiers fermés ». Dans (celles qui concernent les relations entre les niveaux de gouverne-
de définir les espaces « urbains » (ou autres) via des catégories globali- ment, les élus et les techniciens des administrations locales), industrielles
contiennent en creux une charge critique contre celles qui se contentent (liées à la financiarisation et l’internationalisation des industries du bâti-
des régulations contingentes dont cette transformation procède : elles ment notamment), professionnelles (assurées notamment par des orga-
formation des espaces (à leur urbanisation, par exemple) dans une analyse nisations professionnelles qui structurent la « société civile ») à l’œuvre
Ces approches militent pour une sociologie qui s’intéresse à la trans- dans la fabrication d’un nouveau quartier d’affaires à Istanbul. Certains
une critique de la notion de « rente de situation » (Topalov, 1974). attestent aussi l’intérêt heuristique du recours à la théorie de la régulation
sociologique des prix fonciers et immobiliers  impliquant notamment sociale, notamment parce qu’elle permet de repenser la place de l’auto-
ou « value gap »). Bref, ce travail reprend à son compte l’idée d’une analyse rité politique dans le processus de production urbaine : en l’occurrence,
comme les bénéficiaires de gisements de valeur (profitant d’un « rent gap » celle-ci apparaît fragmentée, confrontée à l’importance déterminante
comme des consommateurs de biens immobiliers et les propriétaires de régulations propres aux différents secteurs qui interviennent dans la
assez étroite ou descriptive, considère généralement les « habitants » production urbaine, de plus en plus internationalisée... Cette approche
la littérature sur la gentrification, tributaire d’une lecture économique présente aussi l’avantage de désimbriquer recherche urbaine et débat
ment les biens qu’ils acquièrent. C’est un renversement de point de vue : public, tout en apportant un éclairage dont celui-ci peut se saisir, dévoi-
utilisant ces ressources pour transformer matériellement et symbolique- lant l’hétérogénéité des stratégies à l’œuvre au sein des trois sphères  :
(p. 127) : ils innovent et effectuent un travail, au sens fort du terme, en pouvoirs publics, secteur privé, société civile.
nit ces gentrifieurs comme des « micro-entrepreneurs sans but lucratif » Certaines transformations peuvent être envisagées comme de véri-
repose aussi sur des dispositions et des ressources non financières. Elle défi- tables productions. C’est ce qu’indique Anaïs Collet en regardant du côté
tion des prix. Elle montre en particulier que cette production de valeur de la sociologie économique : la production d’un espace gentrifié se fait
s’attache à dépasser la description strictement économique de la forma- par le biais des modalités concrètes d’appropriation et de conversion de
sant la contribution des « convertisseurs » à la production de valeur, elle bâtiments, la création de « “mètres carrés” habitables » (p. 120). En analy-
bâtiments, la création de « “mètres carrés” habitables » (p. 120). En analy- sant la contribution des « convertisseurs » à la production de valeur, elle
par le biais des modalités concrètes d’appropriation et de conversion de s’attache à dépasser la description strictement économique de la forma-
de la sociologie économique : la production d’un espace gentrifié se fait tion des prix. Elle montre en particulier que cette production de valeur
tables productions. C’est ce qu’indique Anaïs Collet en regardant du côté repose aussi sur des dispositions et des ressources non financières. Elle défi-
Certaines transformations peuvent être envisagées comme de véri- nit ces gentrifieurs comme des « micro-entrepreneurs sans but lucratif »
pouvoirs publics, secteur privé, société civile. (p. 127) : ils innovent et effectuent un travail, au sens fort du terme, en
lant l’hétérogénéité des stratégies à l’œuvre au sein des trois sphères  : utilisant ces ressources pour transformer matériellement et symbolique-
public, tout en apportant un éclairage dont celui-ci peut se saisir, dévoi- ment les biens qu’ils acquièrent. C’est un renversement de point de vue :
présente aussi l’avantage de désimbriquer recherche urbaine et débat la littérature sur la gentrification, tributaire d’une lecture économique
production urbaine, de plus en plus internationalisée... Cette approche assez étroite ou descriptive, considère généralement les « habitants »
de régulations propres aux différents secteurs qui interviennent dans la comme des consommateurs de biens immobiliers et les propriétaires
celle-ci apparaît fragmentée, confrontée à l’importance déterminante comme les bénéficiaires de gisements de valeur (profitant d’un « rent gap »
rité politique dans le processus de production urbaine : en l’occurrence, ou « value gap »). Bref, ce travail reprend à son compte l’idée d’une analyse
sociale, notamment parce qu’elle permet de repenser la place de l’auto- sociologique des prix fonciers et immobiliers  impliquant notamment
attestent aussi l’intérêt heuristique du recours à la théorie de la régulation une critique de la notion de « rente de situation » (Topalov, 1974).
dans la fabrication d’un nouveau quartier d’affaires à Istanbul. Certains Ces approches militent pour une sociologie qui s’intéresse à la trans-
nisations professionnelles qui structurent la « société civile ») à l’œuvre formation des espaces (à leur urbanisation, par exemple) dans une analyse
ment notamment), professionnelles (assurées notamment par des orga- des régulations contingentes dont cette transformation procède : elles
(liées à la financiarisation et l’internationalisation des industries du bâti- contiennent en creux une charge critique contre celles qui se contentent
ment, les élus et les techniciens des administrations locales), industrielles de définir les espaces « urbains » (ou autres) via des catégories globali-
(celles qui concernent les relations entre les niveaux de gouverne- santes et figées comme le « périurbain » ou les « quartiers fermés ». Dans
ces processus de production des villes ou des espaces qui les constituent,
interviennent des activités de classement et de catégorisation. Maira
Postface 226 Machado-Martins décrit ainsi l’apparition d’un nouveau type d’habitat
populaire, la « copropriété de fait », qui se réfère aux condominiums de
ture au cours des dernières décennies. D’autres s’en tiennent aux terrains
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 227 ce qui concerne l’accession à la propriété, un peu absente de la littéra-
environnant, aussi bien que le statut d’occupation –  en particulier tout
savent prendre en compte l’appropriation du logement et de l’espace
luxe et se distingue d’un type plus ancien, la favela. Marie Muselle met plus d’identifier ses nouveaux espaces de résidence (Violaine Girard), ils
en évidence les enjeux attachés à la ruralité (ou à la semi-ruralité) par les la classe ouvrière et sur la manière dont elle organise sa vie. Mais, en
gestionnaires d’espaces périurbains. Eleonora Elguezabal montre ce que ce qu’elle a de plus classique, c’est-à-dire la recherche sur les lieux où vit
révèlent les distinctions fines entre catégories de copropriétés fermées. Certains des auteurs de ce livre reviennent vers cette tradition dans
Aucune de ces catégorisations n’est « spontanée ».Toutes résultent d’acti- du type d’habitat, de la manière dont on se l’approprie et du mode de vie.
vités sociales dans lesquelles interviennent des acteurs identifiables : élus, tion entre stratification sociale et localisation l’emporte souvent sur celle
habitants, mais aussi professionnels de la construction ou de la gestion des modes de vie varie beaucoup selon les travaux. L’analyse de la rela-
immobilière. Bref, ces travaux révèlent aussi que la production est indis- part se rattachent à la sociologie. En outre, la place accordée à l’étude fine
sociablement matérielle et symbolique et qu’elle est envisagée ainsi par ment dans les travaux de Monique Eleb et de ses élèves, qui pour une
ceux qui en sont les acteurs. rarement le centre de l’analyse, sauf dans Les Pavillonnaires et ultérieure-
trification. Chez les uns et chez les autres, l’usage du logement occupe
UNE SOCIOLOGIE DE L’HABITER moment, des géographes anglo-saxons s’approprient le terme de gen-
s’installent au milieu puis à la place des catégories populaires. Au même
L’interrogation sur les manières d’habiter a connu des bonheurs divers transformation, en particulier ceux où les catégories moyennes diplômées
en sociologie urbaine, mais elle appartient sans aucun doute à sa tradi- Zachariasen puis Jean-Yves Authier, se concentrent sur des quartiers en
tion. Rappelons les travaux de l’École de Chicago et ceux de Herbert ment Sabine Chalvon-Demersay, Monique Vervaeke, Catherine Bidou-
Gans (1962), William H. Whyte (1956), Michael Young et Peter Willmot qui s’y déploient. Dans les années  1980, d’autres chercheurs, notam-
(1957), Richard Hoggart (1957) et, en France, entre autres, les travaux de celui de Whyte), à travers les modes de vie et les systèmes de relations
réalisés par l’équipe d’Henri Lefebvre, à la fin des années 1960, sur les (c’est le cas dans tous les ouvrages que nous venons de citer, à l’exception
pavillonnaires (Henri Raymond et al., 1966 ; Haumont, 1966 ; Marie- Classiquement, il s’agit d’analyser un quartier, généralement ouvrier
Geneviève Raymond, 1966). Chacun d’entre eux aborde à sa manière la question de l’habiter.
question de l’habiter. Geneviève Raymond, 1966). Chacun d’entre eux aborde à sa manière la
Classiquement, il s’agit d’analyser un quartier, généralement ouvrier pavillonnaires (Henri Raymond et al., 1966 ; Haumont, 1966 ; Marie-
(c’est le cas dans tous les ouvrages que nous venons de citer, à l’exception réalisés par l’équipe d’Henri Lefebvre, à la fin des années 1960, sur les
de celui de Whyte), à travers les modes de vie et les systèmes de relations (1957), Richard Hoggart (1957) et, en France, entre autres, les travaux
qui s’y déploient. Dans les années  1980, d’autres chercheurs, notam- Gans (1962), William H. Whyte (1956), Michael Young et Peter Willmot
ment Sabine Chalvon-Demersay, Monique Vervaeke, Catherine Bidou- tion. Rappelons les travaux de l’École de Chicago et ceux de Herbert
Zachariasen puis Jean-Yves Authier, se concentrent sur des quartiers en en sociologie urbaine, mais elle appartient sans aucun doute à sa tradi-
transformation, en particulier ceux où les catégories moyennes diplômées L’interrogation sur les manières d’habiter a connu des bonheurs divers
s’installent au milieu puis à la place des catégories populaires. Au même
moment, des géographes anglo-saxons s’approprient le terme de gen- UNE SOCIOLOGIE DE L’HABITER
trification. Chez les uns et chez les autres, l’usage du logement occupe
rarement le centre de l’analyse, sauf dans Les Pavillonnaires et ultérieure- ceux qui en sont les acteurs.
ment dans les travaux de Monique Eleb et de ses élèves, qui pour une sociablement matérielle et symbolique et qu’elle est envisagée ainsi par
part se rattachent à la sociologie. En outre, la place accordée à l’étude fine immobilière. Bref, ces travaux révèlent aussi que la production est indis-
des modes de vie varie beaucoup selon les travaux. L’analyse de la rela- habitants, mais aussi professionnels de la construction ou de la gestion
tion entre stratification sociale et localisation l’emporte souvent sur celle vités sociales dans lesquelles interviennent des acteurs identifiables : élus,
du type d’habitat, de la manière dont on se l’approprie et du mode de vie. Aucune de ces catégorisations n’est « spontanée ».Toutes résultent d’acti-
Certains des auteurs de ce livre reviennent vers cette tradition dans révèlent les distinctions fines entre catégories de copropriétés fermées.
ce qu’elle a de plus classique, c’est-à-dire la recherche sur les lieux où vit gestionnaires d’espaces périurbains. Eleonora Elguezabal montre ce que
la classe ouvrière et sur la manière dont elle organise sa vie. Mais, en en évidence les enjeux attachés à la ruralité (ou à la semi-ruralité) par les
plus d’identifier ses nouveaux espaces de résidence (Violaine Girard), ils luxe et se distingue d’un type plus ancien, la favela. Marie Muselle met
savent prendre en compte l’appropriation du logement et de l’espace
environnant, aussi bien que le statut d’occupation –  en particulier tout
ce qui concerne l’accession à la propriété, un peu absente de la littéra- 227 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
ture au cours des dernières décennies. D’autres s’en tiennent aux terrains

ture au cours des dernières décennies. D’autres s’en tiennent aux terrains
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 227 ce qui concerne l’accession à la propriété, un peu absente de la littéra-
environnant, aussi bien que le statut d’occupation –  en particulier tout
savent prendre en compte l’appropriation du logement et de l’espace
luxe et se distingue d’un type plus ancien, la favela. Marie Muselle met plus d’identifier ses nouveaux espaces de résidence (Violaine Girard), ils
en évidence les enjeux attachés à la ruralité (ou à la semi-ruralité) par les la classe ouvrière et sur la manière dont elle organise sa vie. Mais, en
gestionnaires d’espaces périurbains. Eleonora Elguezabal montre ce que ce qu’elle a de plus classique, c’est-à-dire la recherche sur les lieux où vit
révèlent les distinctions fines entre catégories de copropriétés fermées. Certains des auteurs de ce livre reviennent vers cette tradition dans
Aucune de ces catégorisations n’est « spontanée ».Toutes résultent d’acti- du type d’habitat, de la manière dont on se l’approprie et du mode de vie.
vités sociales dans lesquelles interviennent des acteurs identifiables : élus, tion entre stratification sociale et localisation l’emporte souvent sur celle
habitants, mais aussi professionnels de la construction ou de la gestion des modes de vie varie beaucoup selon les travaux. L’analyse de la rela-
immobilière. Bref, ces travaux révèlent aussi que la production est indis- part se rattachent à la sociologie. En outre, la place accordée à l’étude fine
sociablement matérielle et symbolique et qu’elle est envisagée ainsi par ment dans les travaux de Monique Eleb et de ses élèves, qui pour une
ceux qui en sont les acteurs. rarement le centre de l’analyse, sauf dans Les Pavillonnaires et ultérieure-
trification. Chez les uns et chez les autres, l’usage du logement occupe
UNE SOCIOLOGIE DE L’HABITER moment, des géographes anglo-saxons s’approprient le terme de gen-
s’installent au milieu puis à la place des catégories populaires. Au même
L’interrogation sur les manières d’habiter a connu des bonheurs divers transformation, en particulier ceux où les catégories moyennes diplômées
en sociologie urbaine, mais elle appartient sans aucun doute à sa tradi- Zachariasen puis Jean-Yves Authier, se concentrent sur des quartiers en
tion. Rappelons les travaux de l’École de Chicago et ceux de Herbert ment Sabine Chalvon-Demersay, Monique Vervaeke, Catherine Bidou-
Gans (1962), William H. Whyte (1956), Michael Young et Peter Willmot qui s’y déploient. Dans les années  1980, d’autres chercheurs, notam-
(1957), Richard Hoggart (1957) et, en France, entre autres, les travaux de celui de Whyte), à travers les modes de vie et les systèmes de relations
réalisés par l’équipe d’Henri Lefebvre, à la fin des années 1960, sur les (c’est le cas dans tous les ouvrages que nous venons de citer, à l’exception
pavillonnaires (Henri Raymond et al., 1966 ; Haumont, 1966 ; Marie- Classiquement, il s’agit d’analyser un quartier, généralement ouvrier
Geneviève Raymond, 1966). Chacun d’entre eux aborde à sa manière la question de l’habiter.
question de l’habiter. Geneviève Raymond, 1966). Chacun d’entre eux aborde à sa manière la
Classiquement, il s’agit d’analyser un quartier, généralement ouvrier pavillonnaires (Henri Raymond et al., 1966 ; Haumont, 1966 ; Marie-
(c’est le cas dans tous les ouvrages que nous venons de citer, à l’exception réalisés par l’équipe d’Henri Lefebvre, à la fin des années 1960, sur les
de celui de Whyte), à travers les modes de vie et les systèmes de relations (1957), Richard Hoggart (1957) et, en France, entre autres, les travaux
qui s’y déploient. Dans les années  1980, d’autres chercheurs, notam- Gans (1962), William H. Whyte (1956), Michael Young et Peter Willmot
ment Sabine Chalvon-Demersay, Monique Vervaeke, Catherine Bidou- tion. Rappelons les travaux de l’École de Chicago et ceux de Herbert
Zachariasen puis Jean-Yves Authier, se concentrent sur des quartiers en en sociologie urbaine, mais elle appartient sans aucun doute à sa tradi-
transformation, en particulier ceux où les catégories moyennes diplômées L’interrogation sur les manières d’habiter a connu des bonheurs divers
s’installent au milieu puis à la place des catégories populaires. Au même
moment, des géographes anglo-saxons s’approprient le terme de gen- UNE SOCIOLOGIE DE L’HABITER
trification. Chez les uns et chez les autres, l’usage du logement occupe
rarement le centre de l’analyse, sauf dans Les Pavillonnaires et ultérieure- ceux qui en sont les acteurs.
ment dans les travaux de Monique Eleb et de ses élèves, qui pour une sociablement matérielle et symbolique et qu’elle est envisagée ainsi par
part se rattachent à la sociologie. En outre, la place accordée à l’étude fine immobilière. Bref, ces travaux révèlent aussi que la production est indis-
des modes de vie varie beaucoup selon les travaux. L’analyse de la rela- habitants, mais aussi professionnels de la construction ou de la gestion
tion entre stratification sociale et localisation l’emporte souvent sur celle vités sociales dans lesquelles interviennent des acteurs identifiables : élus,
du type d’habitat, de la manière dont on se l’approprie et du mode de vie. Aucune de ces catégorisations n’est « spontanée ».Toutes résultent d’acti-
Certains des auteurs de ce livre reviennent vers cette tradition dans révèlent les distinctions fines entre catégories de copropriétés fermées.
ce qu’elle a de plus classique, c’est-à-dire la recherche sur les lieux où vit gestionnaires d’espaces périurbains. Eleonora Elguezabal montre ce que
la classe ouvrière et sur la manière dont elle organise sa vie. Mais, en en évidence les enjeux attachés à la ruralité (ou à la semi-ruralité) par les
plus d’identifier ses nouveaux espaces de résidence (Violaine Girard), ils luxe et se distingue d’un type plus ancien, la favela. Marie Muselle met
savent prendre en compte l’appropriation du logement et de l’espace
environnant, aussi bien que le statut d’occupation –  en particulier tout
ce qui concerne l’accession à la propriété, un peu absente de la littéra- 227 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
ture au cours des dernières décennies. D’autres s’en tiennent aux terrains
règles du jeu claires et partagées par tous. Ces interactions comportent
ne correspondent pas à un programme préétabli ni à un ensemble de 228 Postface
épreuves aléatoires, autrement dit un espace dans lequel les interactions
est d’abord celui de l’interaction, de l’anonymat, de la rencontre, des
la définition de l’espace public n’entraîne aucune difficulté. Cet espace habituels et plus récents de l’analyse de la gentrification, ainsi qu’aux
clarifié le débat. Pour les sociologues, du moins ceux qui s’expriment ici, raisonnements communément associés à cette thématique, mais ils y intè-
Les références à Hannah Arendt ou à Jürgen Habermas n’ont pas toujours grent l’étude des pratiques dans le logement et la dimension strictement
s’en saisissaient l’architecture, la géographie et plus que tout l’urbanisme. spatiale. Certaines contributions n’abordent qu’allusivement cette dimen-
La notion d’espace public a donné lieu à divers débats, à mesure que sion, d’autres y consacrent beaucoup de place, mais personne ne semble
occupent une place croissante : l’espace public et la mobilité. penser qu’elle se situe hors champ. Les réponses auraient certainement
sont longtemps restées marginales dans la sociologie urbaine mais qui été beaucoup plus contrastées quand triomphait le marxisme althussérien.
sujettes au changement dans le temps. Émergent alors deux notions qui Qu’ils se situent ou non dans le courant de recherche sur la gentrifi-
dra), qui sont fort différentes selon les groupes et les individus et sont cation, plusieurs auteurs se focalisent sur des groupes très précis, pour la
la ville où l’on se trouve (ou de la ville de référence, celle où l’on revien- plupart définis par d’autres critères que ceux de la littérature sur la stra-
fois d’user de son logement et de se comporter dans l’espace collectif de tification sociale. Il s’agit de communautés qui s’affichent comme telles
dans l’espace public. Il implique des manières d’habiter, c’est-à-dire à la (dans la gaytrification, chez Colin Giraud) de groupes définis par une si-
sur les phénomènes diasporiques) et s’appuie fortement sur l’inscription tuation spécifique (les travailleurs saisonniers du tourisme, chez Aurélien
ristes, il joue avec la multirésidence (ce que montrent aussi les travaux Gentil, les descendants de l’immigration qui retournent en vacances dans
Le processus social de l’enracinement concerne les voyageurs et les tou- une petite ville d’Algérie, chez Jennifer Bidet), ou de groupes (réels ou
nellement retenues (« celui qui arrive aujourd’hui et qui reste demain »). virtuels) qui apparaissent en cours d’enquête (Anaïs Collet). On voit là
sont considérées d’autres formes de mobilité que celles qui sont tradition- une sociologie influencée à la fois par le constructivisme et les approches
au long de l’histoire de la sous-discipline. La nouveauté tient à ce qu’ici inductives, même si elle reste solidement ancrée dans de grands choix
différente peut s’enraciner dans une ville. Cette préoccupation court tout théoriques : une sociologie qui réinterprète sa tradition.
l’immigration et par la manière dont l’étranger qui vient d’une culture Une autre manière de s’inscrire dans cette tradition consiste à inter-
dément marquée à son origine (avec Simmel, Thomas et Znaniecki) par roger les processus d’enracinement. La sociologie urbaine a été profon-
roger les processus d’enracinement. La sociologie urbaine a été profon- dément marquée à son origine (avec Simmel, Thomas et Znaniecki) par
Une autre manière de s’inscrire dans cette tradition consiste à inter- l’immigration et par la manière dont l’étranger qui vient d’une culture
théoriques : une sociologie qui réinterprète sa tradition. différente peut s’enraciner dans une ville. Cette préoccupation court tout
inductives, même si elle reste solidement ancrée dans de grands choix au long de l’histoire de la sous-discipline. La nouveauté tient à ce qu’ici
une sociologie influencée à la fois par le constructivisme et les approches sont considérées d’autres formes de mobilité que celles qui sont tradition-
virtuels) qui apparaissent en cours d’enquête (Anaïs Collet). On voit là nellement retenues (« celui qui arrive aujourd’hui et qui reste demain »).
une petite ville d’Algérie, chez Jennifer Bidet), ou de groupes (réels ou Le processus social de l’enracinement concerne les voyageurs et les tou-
Gentil, les descendants de l’immigration qui retournent en vacances dans ristes, il joue avec la multirésidence (ce que montrent aussi les travaux
tuation spécifique (les travailleurs saisonniers du tourisme, chez Aurélien sur les phénomènes diasporiques) et s’appuie fortement sur l’inscription
(dans la gaytrification, chez Colin Giraud) de groupes définis par une si- dans l’espace public. Il implique des manières d’habiter, c’est-à-dire à la
tification sociale. Il s’agit de communautés qui s’affichent comme telles fois d’user de son logement et de se comporter dans l’espace collectif de
plupart définis par d’autres critères que ceux de la littérature sur la stra- la ville où l’on se trouve (ou de la ville de référence, celle où l’on revien-
cation, plusieurs auteurs se focalisent sur des groupes très précis, pour la dra), qui sont fort différentes selon les groupes et les individus et sont
Qu’ils se situent ou non dans le courant de recherche sur la gentrifi- sujettes au changement dans le temps. Émergent alors deux notions qui
été beaucoup plus contrastées quand triomphait le marxisme althussérien. sont longtemps restées marginales dans la sociologie urbaine mais qui
penser qu’elle se situe hors champ. Les réponses auraient certainement occupent une place croissante : l’espace public et la mobilité.
sion, d’autres y consacrent beaucoup de place, mais personne ne semble La notion d’espace public a donné lieu à divers débats, à mesure que
spatiale. Certaines contributions n’abordent qu’allusivement cette dimen- s’en saisissaient l’architecture, la géographie et plus que tout l’urbanisme.
grent l’étude des pratiques dans le logement et la dimension strictement Les références à Hannah Arendt ou à Jürgen Habermas n’ont pas toujours
raisonnements communément associés à cette thématique, mais ils y intè- clarifié le débat. Pour les sociologues, du moins ceux qui s’expriment ici,
habituels et plus récents de l’analyse de la gentrification, ainsi qu’aux la définition de l’espace public n’entraîne aucune difficulté. Cet espace
est d’abord celui de l’interaction, de l’anonymat, de la rencontre, des
épreuves aléatoires, autrement dit un espace dans lequel les interactions
Postface 228 ne correspondent pas à un programme préétabli ni à un ensemble de
règles du jeu claires et partagées par tous. Ces interactions comportent

règles du jeu claires et partagées par tous. Ces interactions comportent


ne correspondent pas à un programme préétabli ni à un ensemble de 228 Postface
épreuves aléatoires, autrement dit un espace dans lequel les interactions
est d’abord celui de l’interaction, de l’anonymat, de la rencontre, des
la définition de l’espace public n’entraîne aucune difficulté. Cet espace habituels et plus récents de l’analyse de la gentrification, ainsi qu’aux
clarifié le débat. Pour les sociologues, du moins ceux qui s’expriment ici, raisonnements communément associés à cette thématique, mais ils y intè-
Les références à Hannah Arendt ou à Jürgen Habermas n’ont pas toujours grent l’étude des pratiques dans le logement et la dimension strictement
s’en saisissaient l’architecture, la géographie et plus que tout l’urbanisme. spatiale. Certaines contributions n’abordent qu’allusivement cette dimen-
La notion d’espace public a donné lieu à divers débats, à mesure que sion, d’autres y consacrent beaucoup de place, mais personne ne semble
occupent une place croissante : l’espace public et la mobilité. penser qu’elle se situe hors champ. Les réponses auraient certainement
sont longtemps restées marginales dans la sociologie urbaine mais qui été beaucoup plus contrastées quand triomphait le marxisme althussérien.
sujettes au changement dans le temps. Émergent alors deux notions qui Qu’ils se situent ou non dans le courant de recherche sur la gentrifi-
dra), qui sont fort différentes selon les groupes et les individus et sont cation, plusieurs auteurs se focalisent sur des groupes très précis, pour la
la ville où l’on se trouve (ou de la ville de référence, celle où l’on revien- plupart définis par d’autres critères que ceux de la littérature sur la stra-
fois d’user de son logement et de se comporter dans l’espace collectif de tification sociale. Il s’agit de communautés qui s’affichent comme telles
dans l’espace public. Il implique des manières d’habiter, c’est-à-dire à la (dans la gaytrification, chez Colin Giraud) de groupes définis par une si-
sur les phénomènes diasporiques) et s’appuie fortement sur l’inscription tuation spécifique (les travailleurs saisonniers du tourisme, chez Aurélien
ristes, il joue avec la multirésidence (ce que montrent aussi les travaux Gentil, les descendants de l’immigration qui retournent en vacances dans
Le processus social de l’enracinement concerne les voyageurs et les tou- une petite ville d’Algérie, chez Jennifer Bidet), ou de groupes (réels ou
nellement retenues (« celui qui arrive aujourd’hui et qui reste demain »). virtuels) qui apparaissent en cours d’enquête (Anaïs Collet). On voit là
sont considérées d’autres formes de mobilité que celles qui sont tradition- une sociologie influencée à la fois par le constructivisme et les approches
au long de l’histoire de la sous-discipline. La nouveauté tient à ce qu’ici inductives, même si elle reste solidement ancrée dans de grands choix
différente peut s’enraciner dans une ville. Cette préoccupation court tout théoriques : une sociologie qui réinterprète sa tradition.
l’immigration et par la manière dont l’étranger qui vient d’une culture Une autre manière de s’inscrire dans cette tradition consiste à inter-
dément marquée à son origine (avec Simmel, Thomas et Znaniecki) par roger les processus d’enracinement. La sociologie urbaine a été profon-
roger les processus d’enracinement. La sociologie urbaine a été profon- dément marquée à son origine (avec Simmel, Thomas et Znaniecki) par
Une autre manière de s’inscrire dans cette tradition consiste à inter- l’immigration et par la manière dont l’étranger qui vient d’une culture
théoriques : une sociologie qui réinterprète sa tradition. différente peut s’enraciner dans une ville. Cette préoccupation court tout
inductives, même si elle reste solidement ancrée dans de grands choix au long de l’histoire de la sous-discipline. La nouveauté tient à ce qu’ici
une sociologie influencée à la fois par le constructivisme et les approches sont considérées d’autres formes de mobilité que celles qui sont tradition-
virtuels) qui apparaissent en cours d’enquête (Anaïs Collet). On voit là nellement retenues (« celui qui arrive aujourd’hui et qui reste demain »).
une petite ville d’Algérie, chez Jennifer Bidet), ou de groupes (réels ou Le processus social de l’enracinement concerne les voyageurs et les tou-
Gentil, les descendants de l’immigration qui retournent en vacances dans ristes, il joue avec la multirésidence (ce que montrent aussi les travaux
tuation spécifique (les travailleurs saisonniers du tourisme, chez Aurélien sur les phénomènes diasporiques) et s’appuie fortement sur l’inscription
(dans la gaytrification, chez Colin Giraud) de groupes définis par une si- dans l’espace public. Il implique des manières d’habiter, c’est-à-dire à la
tification sociale. Il s’agit de communautés qui s’affichent comme telles fois d’user de son logement et de se comporter dans l’espace collectif de
plupart définis par d’autres critères que ceux de la littérature sur la stra- la ville où l’on se trouve (ou de la ville de référence, celle où l’on revien-
cation, plusieurs auteurs se focalisent sur des groupes très précis, pour la dra), qui sont fort différentes selon les groupes et les individus et sont
Qu’ils se situent ou non dans le courant de recherche sur la gentrifi- sujettes au changement dans le temps. Émergent alors deux notions qui
été beaucoup plus contrastées quand triomphait le marxisme althussérien. sont longtemps restées marginales dans la sociologie urbaine mais qui
penser qu’elle se situe hors champ. Les réponses auraient certainement occupent une place croissante : l’espace public et la mobilité.
sion, d’autres y consacrent beaucoup de place, mais personne ne semble La notion d’espace public a donné lieu à divers débats, à mesure que
spatiale. Certaines contributions n’abordent qu’allusivement cette dimen- s’en saisissaient l’architecture, la géographie et plus que tout l’urbanisme.
grent l’étude des pratiques dans le logement et la dimension strictement Les références à Hannah Arendt ou à Jürgen Habermas n’ont pas toujours
raisonnements communément associés à cette thématique, mais ils y intè- clarifié le débat. Pour les sociologues, du moins ceux qui s’expriment ici,
habituels et plus récents de l’analyse de la gentrification, ainsi qu’aux la définition de l’espace public n’entraîne aucune difficulté. Cet espace
est d’abord celui de l’interaction, de l’anonymat, de la rencontre, des
épreuves aléatoires, autrement dit un espace dans lequel les interactions
Postface 228 ne correspondent pas à un programme préétabli ni à un ensemble de
règles du jeu claires et partagées par tous. Ces interactions comportent
1. Voir à ce sujet les Cahiers internationaux de sociologie (2005).

Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 229 comme un ensemble matériel, financier, etc., de conditions « d’accès à ».
informations, les personnes auxquelles elle permet d’accéder, et la lire
Urry. On peut aussi définir la mobilité par les activités, les biens, les
donc une forte part d’incertitude et doivent être construites. Cela n’em- c’est ce qu’ont fait notamment divers chercheurs anglais autour de John
pêche pas qu’un ensemble de règles implicites, notamment d’inclusion mais sur l’expérience que représente le fait d’être en train de se déplacer :
et d’exclusion, commandent cette construction, mais elles résultent da- diverses  : on peut s’interroger non plus sur l’origine et la destination
vantage des rapports sociaux généraux que des qualifications de l’espace sociologue s’efforce de trouver d’autres points de départ1. Les voies sont
public lui-même. Cela se traduit en particulier dans la dimension genrée transports, qui peuvent modéliser des infrastructures et des services. Le
des relations, ce qui peut se réduire, au moins partiellement, à un point des flux, aux géographes, qui peuvent géolocaliser, et aux ingénieurs en
central de la réflexion des auteurs sur ce sujet : le caractère différencié de le sujet, ce qui convient bien aux économistes, qui peuvent raisonner sur
notre accès à l’espace public. matériels (origine, destination) reste au centre de nombreux travaux sur
Certains insistent sur la dimension corporelle de la présence dans l’es- en cours, encore loin d’aboutir. On sait que la mesure des déplacements
pace public (Anne Jarrigeon), d’autres associent plus directement espace doit chercher à en élaborer sa propre définition. Il s’agit là d’un processus
public et logement. Ces derniers interrogent le processus d’enfermement compte en laissant à d’autres le soin de la définir et de la mesurer : elle
défensif dans l’espace collectif de l’habitation, notamment dans les classes une contrainte extérieure que la sociologie urbaine devrait prendre en
populaires, face à un espace public qui paraît de moins en moins maîtri- à tort la population des villes (1938, 1984, p. 260). La mobilité n’est pas
sable. On retrouve là un autre thème très classique des études urbaines population que l’on saisit à l’endroit où elle dort et à laquelle on réduit
contemporaines (principalement géographiques, minoritairement socio- habitants, une « population nocturne », selon le mot de Louis Wirth : une
logiques), les gated communities ; mais ici, elles ne sont pas envisagées sous plus accepter des analyses où les urbains seraient immobiles, de simples
l’angle du supposé « entre-soi » des classes supérieures – dont beaucoup que la sociologie urbaine l’a désormais intégrée à sa réflexion et ne peut
de travaux, en particulier sur l’Amérique latine, montrent qu’il n’est pas butions ne s’occupent pas directement de mobilité, il apparaît clairement
toujours évident. À l’inverse, Maira Machado-Martins y voit plutôt un Jarrigeon). C’est là un élément essentiel de l’ouvrage : si certaines contri-
procédé défensif contre l’incertitude et l’insécurité de l’espace public. passe, autrement dit comme un lieu de mobilité (Clément Rivière, Anne
Lorsqu’il s’agit de l’espace public, les auteurs le conçoivent toujours, spontanément ou non, comme un espace auquel on accède et où l’on
spontanément ou non, comme un espace auquel on accède et où l’on Lorsqu’il s’agit de l’espace public, les auteurs le conçoivent toujours,
passe, autrement dit comme un lieu de mobilité (Clément Rivière, Anne procédé défensif contre l’incertitude et l’insécurité de l’espace public.
Jarrigeon). C’est là un élément essentiel de l’ouvrage : si certaines contri- toujours évident. À l’inverse, Maira Machado-Martins y voit plutôt un
butions ne s’occupent pas directement de mobilité, il apparaît clairement de travaux, en particulier sur l’Amérique latine, montrent qu’il n’est pas
que la sociologie urbaine l’a désormais intégrée à sa réflexion et ne peut l’angle du supposé « entre-soi » des classes supérieures – dont beaucoup
plus accepter des analyses où les urbains seraient immobiles, de simples logiques), les gated communities ; mais ici, elles ne sont pas envisagées sous
habitants, une « population nocturne », selon le mot de Louis Wirth : une contemporaines (principalement géographiques, minoritairement socio-
population que l’on saisit à l’endroit où elle dort et à laquelle on réduit sable. On retrouve là un autre thème très classique des études urbaines
à tort la population des villes (1938, 1984, p. 260). La mobilité n’est pas populaires, face à un espace public qui paraît de moins en moins maîtri-
une contrainte extérieure que la sociologie urbaine devrait prendre en défensif dans l’espace collectif de l’habitation, notamment dans les classes
compte en laissant à d’autres le soin de la définir et de la mesurer : elle public et logement. Ces derniers interrogent le processus d’enfermement
doit chercher à en élaborer sa propre définition. Il s’agit là d’un processus pace public (Anne Jarrigeon), d’autres associent plus directement espace
en cours, encore loin d’aboutir. On sait que la mesure des déplacements Certains insistent sur la dimension corporelle de la présence dans l’es-
matériels (origine, destination) reste au centre de nombreux travaux sur notre accès à l’espace public.
le sujet, ce qui convient bien aux économistes, qui peuvent raisonner sur central de la réflexion des auteurs sur ce sujet : le caractère différencié de
des flux, aux géographes, qui peuvent géolocaliser, et aux ingénieurs en des relations, ce qui peut se réduire, au moins partiellement, à un point
transports, qui peuvent modéliser des infrastructures et des services. Le public lui-même. Cela se traduit en particulier dans la dimension genrée
sociologue s’efforce de trouver d’autres points de départ1. Les voies sont vantage des rapports sociaux généraux que des qualifications de l’espace
diverses  : on peut s’interroger non plus sur l’origine et la destination et d’exclusion, commandent cette construction, mais elles résultent da-
mais sur l’expérience que représente le fait d’être en train de se déplacer : pêche pas qu’un ensemble de règles implicites, notamment d’inclusion
c’est ce qu’ont fait notamment divers chercheurs anglais autour de John donc une forte part d’incertitude et doivent être construites. Cela n’em-
Urry. On peut aussi définir la mobilité par les activités, les biens, les
informations, les personnes auxquelles elle permet d’accéder, et la lire
comme un ensemble matériel, financier, etc., de conditions « d’accès à ». 229 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre

1. Voir à ce sujet les Cahiers internationaux de sociologie (2005).

1. Voir à ce sujet les Cahiers internationaux de sociologie (2005).

Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 229 comme un ensemble matériel, financier, etc., de conditions « d’accès à ».
informations, les personnes auxquelles elle permet d’accéder, et la lire
Urry. On peut aussi définir la mobilité par les activités, les biens, les
donc une forte part d’incertitude et doivent être construites. Cela n’em- c’est ce qu’ont fait notamment divers chercheurs anglais autour de John
pêche pas qu’un ensemble de règles implicites, notamment d’inclusion mais sur l’expérience que représente le fait d’être en train de se déplacer :
et d’exclusion, commandent cette construction, mais elles résultent da- diverses  : on peut s’interroger non plus sur l’origine et la destination
vantage des rapports sociaux généraux que des qualifications de l’espace sociologue s’efforce de trouver d’autres points de départ1. Les voies sont
public lui-même. Cela se traduit en particulier dans la dimension genrée transports, qui peuvent modéliser des infrastructures et des services. Le
des relations, ce qui peut se réduire, au moins partiellement, à un point des flux, aux géographes, qui peuvent géolocaliser, et aux ingénieurs en
central de la réflexion des auteurs sur ce sujet : le caractère différencié de le sujet, ce qui convient bien aux économistes, qui peuvent raisonner sur
notre accès à l’espace public. matériels (origine, destination) reste au centre de nombreux travaux sur
Certains insistent sur la dimension corporelle de la présence dans l’es- en cours, encore loin d’aboutir. On sait que la mesure des déplacements
pace public (Anne Jarrigeon), d’autres associent plus directement espace doit chercher à en élaborer sa propre définition. Il s’agit là d’un processus
public et logement. Ces derniers interrogent le processus d’enfermement compte en laissant à d’autres le soin de la définir et de la mesurer : elle
défensif dans l’espace collectif de l’habitation, notamment dans les classes une contrainte extérieure que la sociologie urbaine devrait prendre en
populaires, face à un espace public qui paraît de moins en moins maîtri- à tort la population des villes (1938, 1984, p. 260). La mobilité n’est pas
sable. On retrouve là un autre thème très classique des études urbaines population que l’on saisit à l’endroit où elle dort et à laquelle on réduit
contemporaines (principalement géographiques, minoritairement socio- habitants, une « population nocturne », selon le mot de Louis Wirth : une
logiques), les gated communities ; mais ici, elles ne sont pas envisagées sous plus accepter des analyses où les urbains seraient immobiles, de simples
l’angle du supposé « entre-soi » des classes supérieures – dont beaucoup que la sociologie urbaine l’a désormais intégrée à sa réflexion et ne peut
de travaux, en particulier sur l’Amérique latine, montrent qu’il n’est pas butions ne s’occupent pas directement de mobilité, il apparaît clairement
toujours évident. À l’inverse, Maira Machado-Martins y voit plutôt un Jarrigeon). C’est là un élément essentiel de l’ouvrage : si certaines contri-
procédé défensif contre l’incertitude et l’insécurité de l’espace public. passe, autrement dit comme un lieu de mobilité (Clément Rivière, Anne
Lorsqu’il s’agit de l’espace public, les auteurs le conçoivent toujours, spontanément ou non, comme un espace auquel on accède et où l’on
spontanément ou non, comme un espace auquel on accède et où l’on Lorsqu’il s’agit de l’espace public, les auteurs le conçoivent toujours,
passe, autrement dit comme un lieu de mobilité (Clément Rivière, Anne procédé défensif contre l’incertitude et l’insécurité de l’espace public.
Jarrigeon). C’est là un élément essentiel de l’ouvrage : si certaines contri- toujours évident. À l’inverse, Maira Machado-Martins y voit plutôt un
butions ne s’occupent pas directement de mobilité, il apparaît clairement de travaux, en particulier sur l’Amérique latine, montrent qu’il n’est pas
que la sociologie urbaine l’a désormais intégrée à sa réflexion et ne peut l’angle du supposé « entre-soi » des classes supérieures – dont beaucoup
plus accepter des analyses où les urbains seraient immobiles, de simples logiques), les gated communities ; mais ici, elles ne sont pas envisagées sous
habitants, une « population nocturne », selon le mot de Louis Wirth : une contemporaines (principalement géographiques, minoritairement socio-
population que l’on saisit à l’endroit où elle dort et à laquelle on réduit sable. On retrouve là un autre thème très classique des études urbaines
à tort la population des villes (1938, 1984, p. 260). La mobilité n’est pas populaires, face à un espace public qui paraît de moins en moins maîtri-
une contrainte extérieure que la sociologie urbaine devrait prendre en défensif dans l’espace collectif de l’habitation, notamment dans les classes
compte en laissant à d’autres le soin de la définir et de la mesurer : elle public et logement. Ces derniers interrogent le processus d’enfermement
doit chercher à en élaborer sa propre définition. Il s’agit là d’un processus pace public (Anne Jarrigeon), d’autres associent plus directement espace
en cours, encore loin d’aboutir. On sait que la mesure des déplacements Certains insistent sur la dimension corporelle de la présence dans l’es-
matériels (origine, destination) reste au centre de nombreux travaux sur notre accès à l’espace public.
le sujet, ce qui convient bien aux économistes, qui peuvent raisonner sur central de la réflexion des auteurs sur ce sujet : le caractère différencié de
des flux, aux géographes, qui peuvent géolocaliser, et aux ingénieurs en des relations, ce qui peut se réduire, au moins partiellement, à un point
transports, qui peuvent modéliser des infrastructures et des services. Le public lui-même. Cela se traduit en particulier dans la dimension genrée
sociologue s’efforce de trouver d’autres points de départ1. Les voies sont vantage des rapports sociaux généraux que des qualifications de l’espace
diverses  : on peut s’interroger non plus sur l’origine et la destination et d’exclusion, commandent cette construction, mais elles résultent da-
mais sur l’expérience que représente le fait d’être en train de se déplacer : pêche pas qu’un ensemble de règles implicites, notamment d’inclusion
c’est ce qu’ont fait notamment divers chercheurs anglais autour de John donc une forte part d’incertitude et doivent être construites. Cela n’em-
Urry. On peut aussi définir la mobilité par les activités, les biens, les
informations, les personnes auxquelles elle permet d’accéder, et la lire
comme un ensemble matériel, financier, etc., de conditions « d’accès à ». 229 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre

1. Voir à ce sujet les Cahiers internationaux de sociologie (2005).


les plus contaminées par les débats idéologiques. Le concept de milieu,
discrète de prendre distance avec les définitions les plus traditionnelles et 230 Postface
Or les auteurs l’abordent avec une certaine prudence et la volonté
lequel s’inscrit une partie des travaux qu’elle a produits ?
Comment la sociologie pourrait-elle échapper à ce mouvement, dans D’autres y verront un phénomène plus anthropologique, dans lequel le
ciale font aujourd’hui grand bruit de la thématique de la justice spatiale. déplacement constitue un mode de structuration du rapport au monde.
d’une manière ou d’une autre. Certains courants de la géographie so- Plus traditionnellement, la mobilité peut encore être lue à l’aune de la
sur cette question, dont toutes les disciplines de la ville se sont saisies stratification sociale : comment se déplace-t-on, pourquoi, en associant
la société civile interpellent la recherche urbaine depuis des décennies le déplacement à quelles significations, selon la classe ou le groupe social
Comment pourrait-il en être autrement ? Les politiques, les techniciens, auquel on appartient ? Ce que Vincent Kaufmann théorise sous le terme
La notion de ségrégation se retrouve ainsi dans la plupart des textes. de motilité (2001, 2007), c’est-à-dire le « capital » de déplacement pos-
sible d’un individu, constitue un outil pour développer les analyses de
Une approche nouvelle de la ségrégation cette relation.
Sans doute faudra-t-il, pour aller plus loin, s’affranchir un peu plus
n’a rien à dire sur ce sujet. de la référence aux cadres classique de description de la stratification
d’autres disciplines de l’espace qui considèrent un peu trop vite qu’elle sociale. Une piste particulièrement intéressante est offerte par Nicolas
nouvelle pour la sociologie urbaine, notamment pour ses relations avec Oppenchaim, lorsqu’il définit la mobilité comme une « épreuve ». On
hérent de prises de position sur la théorie de l’espace. C’est une bonne pourrait le dire autrement, mais on retrouve ici la piste de la mobilité
même direction, constituent un ensemble très ouvert et relativement co- comme rapport au monde. Quoi qu’il en soit, l’élaboration de sa propre
Lefebvre, mais leurs approches, même si elles ne vont pas toutes dans la définition de la mobilité devient un enjeu fort pour la sociologie ur-
Allemagne et, dans une certaine mesure, les relecteurs américains d’Henri baine : compte tenu de l’importance quantitative et de la très forte or-
front la question de la théorie de l’espace comme le font Martina Löw en ganisation du milieu des chercheurs spécialisés sur les transports et la
l’espace dans la sociologie urbaine. Certes, les auteurs ne prennent pas de mobilité, elle devra batailler pour faire entendre sa voix.
Les contributions rassemblées dans ce livre marquent un retour de
LE RETOUR DE L’ESPACE
LE RETOUR DE L’ESPACE
Les contributions rassemblées dans ce livre marquent un retour de
mobilité, elle devra batailler pour faire entendre sa voix. l’espace dans la sociologie urbaine. Certes, les auteurs ne prennent pas de
ganisation du milieu des chercheurs spécialisés sur les transports et la front la question de la théorie de l’espace comme le font Martina Löw en
baine : compte tenu de l’importance quantitative et de la très forte or- Allemagne et, dans une certaine mesure, les relecteurs américains d’Henri
définition de la mobilité devient un enjeu fort pour la sociologie ur- Lefebvre, mais leurs approches, même si elles ne vont pas toutes dans la
comme rapport au monde. Quoi qu’il en soit, l’élaboration de sa propre même direction, constituent un ensemble très ouvert et relativement co-
pourrait le dire autrement, mais on retrouve ici la piste de la mobilité hérent de prises de position sur la théorie de l’espace. C’est une bonne
Oppenchaim, lorsqu’il définit la mobilité comme une « épreuve ». On nouvelle pour la sociologie urbaine, notamment pour ses relations avec
sociale. Une piste particulièrement intéressante est offerte par Nicolas d’autres disciplines de l’espace qui considèrent un peu trop vite qu’elle
de la référence aux cadres classique de description de la stratification n’a rien à dire sur ce sujet.
Sans doute faudra-t-il, pour aller plus loin, s’affranchir un peu plus
cette relation. Une approche nouvelle de la ségrégation
sible d’un individu, constitue un outil pour développer les analyses de
de motilité (2001, 2007), c’est-à-dire le « capital » de déplacement pos- La notion de ségrégation se retrouve ainsi dans la plupart des textes.
auquel on appartient ? Ce que Vincent Kaufmann théorise sous le terme Comment pourrait-il en être autrement ? Les politiques, les techniciens,
le déplacement à quelles significations, selon la classe ou le groupe social la société civile interpellent la recherche urbaine depuis des décennies
stratification sociale : comment se déplace-t-on, pourquoi, en associant sur cette question, dont toutes les disciplines de la ville se sont saisies
Plus traditionnellement, la mobilité peut encore être lue à l’aune de la d’une manière ou d’une autre. Certains courants de la géographie so-
déplacement constitue un mode de structuration du rapport au monde. ciale font aujourd’hui grand bruit de la thématique de la justice spatiale.
D’autres y verront un phénomène plus anthropologique, dans lequel le Comment la sociologie pourrait-elle échapper à ce mouvement, dans
lequel s’inscrit une partie des travaux qu’elle a produits ?
Or les auteurs l’abordent avec une certaine prudence et la volonté
Postface 230 discrète de prendre distance avec les définitions les plus traditionnelles et
les plus contaminées par les débats idéologiques. Le concept de milieu,

les plus contaminées par les débats idéologiques. Le concept de milieu,


discrète de prendre distance avec les définitions les plus traditionnelles et 230 Postface
Or les auteurs l’abordent avec une certaine prudence et la volonté
lequel s’inscrit une partie des travaux qu’elle a produits ?
Comment la sociologie pourrait-elle échapper à ce mouvement, dans D’autres y verront un phénomène plus anthropologique, dans lequel le
ciale font aujourd’hui grand bruit de la thématique de la justice spatiale. déplacement constitue un mode de structuration du rapport au monde.
d’une manière ou d’une autre. Certains courants de la géographie so- Plus traditionnellement, la mobilité peut encore être lue à l’aune de la
sur cette question, dont toutes les disciplines de la ville se sont saisies stratification sociale : comment se déplace-t-on, pourquoi, en associant
la société civile interpellent la recherche urbaine depuis des décennies le déplacement à quelles significations, selon la classe ou le groupe social
Comment pourrait-il en être autrement ? Les politiques, les techniciens, auquel on appartient ? Ce que Vincent Kaufmann théorise sous le terme
La notion de ségrégation se retrouve ainsi dans la plupart des textes. de motilité (2001, 2007), c’est-à-dire le « capital » de déplacement pos-
sible d’un individu, constitue un outil pour développer les analyses de
Une approche nouvelle de la ségrégation cette relation.
Sans doute faudra-t-il, pour aller plus loin, s’affranchir un peu plus
n’a rien à dire sur ce sujet. de la référence aux cadres classique de description de la stratification
d’autres disciplines de l’espace qui considèrent un peu trop vite qu’elle sociale. Une piste particulièrement intéressante est offerte par Nicolas
nouvelle pour la sociologie urbaine, notamment pour ses relations avec Oppenchaim, lorsqu’il définit la mobilité comme une « épreuve ». On
hérent de prises de position sur la théorie de l’espace. C’est une bonne pourrait le dire autrement, mais on retrouve ici la piste de la mobilité
même direction, constituent un ensemble très ouvert et relativement co- comme rapport au monde. Quoi qu’il en soit, l’élaboration de sa propre
Lefebvre, mais leurs approches, même si elles ne vont pas toutes dans la définition de la mobilité devient un enjeu fort pour la sociologie ur-
Allemagne et, dans une certaine mesure, les relecteurs américains d’Henri baine : compte tenu de l’importance quantitative et de la très forte or-
front la question de la théorie de l’espace comme le font Martina Löw en ganisation du milieu des chercheurs spécialisés sur les transports et la
l’espace dans la sociologie urbaine. Certes, les auteurs ne prennent pas de mobilité, elle devra batailler pour faire entendre sa voix.
Les contributions rassemblées dans ce livre marquent un retour de
LE RETOUR DE L’ESPACE
LE RETOUR DE L’ESPACE
Les contributions rassemblées dans ce livre marquent un retour de
mobilité, elle devra batailler pour faire entendre sa voix. l’espace dans la sociologie urbaine. Certes, les auteurs ne prennent pas de
ganisation du milieu des chercheurs spécialisés sur les transports et la front la question de la théorie de l’espace comme le font Martina Löw en
baine : compte tenu de l’importance quantitative et de la très forte or- Allemagne et, dans une certaine mesure, les relecteurs américains d’Henri
définition de la mobilité devient un enjeu fort pour la sociologie ur- Lefebvre, mais leurs approches, même si elles ne vont pas toutes dans la
comme rapport au monde. Quoi qu’il en soit, l’élaboration de sa propre même direction, constituent un ensemble très ouvert et relativement co-
pourrait le dire autrement, mais on retrouve ici la piste de la mobilité hérent de prises de position sur la théorie de l’espace. C’est une bonne
Oppenchaim, lorsqu’il définit la mobilité comme une « épreuve ». On nouvelle pour la sociologie urbaine, notamment pour ses relations avec
sociale. Une piste particulièrement intéressante est offerte par Nicolas d’autres disciplines de l’espace qui considèrent un peu trop vite qu’elle
de la référence aux cadres classique de description de la stratification n’a rien à dire sur ce sujet.
Sans doute faudra-t-il, pour aller plus loin, s’affranchir un peu plus
cette relation. Une approche nouvelle de la ségrégation
sible d’un individu, constitue un outil pour développer les analyses de
de motilité (2001, 2007), c’est-à-dire le « capital » de déplacement pos- La notion de ségrégation se retrouve ainsi dans la plupart des textes.
auquel on appartient ? Ce que Vincent Kaufmann théorise sous le terme Comment pourrait-il en être autrement ? Les politiques, les techniciens,
le déplacement à quelles significations, selon la classe ou le groupe social la société civile interpellent la recherche urbaine depuis des décennies
stratification sociale : comment se déplace-t-on, pourquoi, en associant sur cette question, dont toutes les disciplines de la ville se sont saisies
Plus traditionnellement, la mobilité peut encore être lue à l’aune de la d’une manière ou d’une autre. Certains courants de la géographie so-
déplacement constitue un mode de structuration du rapport au monde. ciale font aujourd’hui grand bruit de la thématique de la justice spatiale.
D’autres y verront un phénomène plus anthropologique, dans lequel le Comment la sociologie pourrait-elle échapper à ce mouvement, dans
lequel s’inscrit une partie des travaux qu’elle a produits ?
Or les auteurs l’abordent avec une certaine prudence et la volonté
Postface 230 discrète de prendre distance avec les définitions les plus traditionnelles et
les plus contaminées par les débats idéologiques. Le concept de milieu,
théorie aujourd’hui. On peut le regretter, car l’utilisation de catégories
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 231 d’entre eux vont jusqu’à remettre en cause la manière dont on utilise la
l’urbain sont produites (et les nomenclatures qui vont avec), mais peu
auteurs s’interrogent sur la manière dont les catégories spatiales de
sous la plume de certains d’entre eux, permet de déplacer le propos et de primarité / espaces de secondarité dans le texte de Jennifer Bidet. Plusieurs
le focaliser moins sur les déterminants sociaux de la ségrégation que sur sation originale de celles qui existent, par exemple le couple espaces de
la manière dont fonctionne le territoire ségrégué, sur les modes de vie et on voit apparaître de nouvelles catégorisations ou au moins une utili-
les formes de sociabilité qui s’y déploient. D’autres choisissent des objets simpliste, en particulier quand il s’agit de parler de l’espace. Au contraire,
qui se prêtent beaucoup moins bien que les questions résidentielles à sentes, mais elles font rarement l’objet d’une utilisation automatique ou
l’approche classique de la ségrégation, par exemple l’espace public, qui Certes, les grandes théories qui font la mode sociologique sont pré-
permet de reposer la question en termes d’accès. Certains s’efforcent de sociale qu’une catégorie d’analyse.
préciser la définition de la ségrégation, par exemple en différenciant celle « scientifique », en tout cas, ses utilisateurs y voient plutôt une étiquette
qui concerne les pratiques urbaines et celles qui concernent la résidence de foi (en général dénonciateurs) qui émaillent une certaine littérature
ou l’activité. Plusieurs d’entre eux insistent sur la nécessité d’un chan- de Los Angeles. Le terme de périurbain ne donne pas lieu aux actes
gement d’échelle, moins pour affiner la connaissance des phénomènes rales, comme celles de la fragmentation urbaine, développée par l’école
ségrégatifs que pour en proposer une approche compréhensive de portée méfiance à l’égard des grandes catégories officielles et des théories géné-
générale (Eleonora Elguezabal). Tous raisonnent comme si la catégorie Cette prudence vis-à-vis de la ségrégation va de pair avec une
n’était utilisable qu’à condition d’être redéfinie. Ils convergent également
sur un point : la ségrégation, ou toute forme de division sociale de l’es- Des catégories dominantes à l’expérience de l’espace
pace, doit être pensée comme une action (Clément Rivière, Anaïs Collet,
Eleonora Elguezabal, Colin Giraud). Elle procède d’un travail, d’une stra- diffusant certaines images (p. 137).
tégie, ou est l’enjeu même de la « gestion de l’espace » : une activité à part transformation symbolique d’un quartier en transformant l’habitat et en
entière. Les frontières et la spécialisation sociale de certains espaces ne ré- pour Colin Giraud, une « catégorie de population particulière » opère la
sultent pas mécaniquement des divisions sociales, mais de stratégies, indi- urbain » contribuent à la division sociale de l’espace (p. 109), tandis que
viduelles ou collectives, d’interactions entre les acteurs. Clément Rivière par exemple s’intéresse à la manière dont les « conduites d’évitement
par exemple s’intéresse à la manière dont les « conduites d’évitement viduelles ou collectives, d’interactions entre les acteurs. Clément Rivière
urbain » contribuent à la division sociale de l’espace (p. 109), tandis que sultent pas mécaniquement des divisions sociales, mais de stratégies, indi-
pour Colin Giraud, une « catégorie de population particulière » opère la entière. Les frontières et la spécialisation sociale de certains espaces ne ré-
transformation symbolique d’un quartier en transformant l’habitat et en tégie, ou est l’enjeu même de la « gestion de l’espace » : une activité à part
diffusant certaines images (p. 137). Eleonora Elguezabal, Colin Giraud). Elle procède d’un travail, d’une stra-
pace, doit être pensée comme une action (Clément Rivière, Anaïs Collet,
Des catégories dominantes à l’expérience de l’espace sur un point : la ségrégation, ou toute forme de division sociale de l’es-
n’était utilisable qu’à condition d’être redéfinie. Ils convergent également
Cette prudence vis-à-vis de la ségrégation va de pair avec une générale (Eleonora Elguezabal). Tous raisonnent comme si la catégorie
méfiance à l’égard des grandes catégories officielles et des théories géné- ségrégatifs que pour en proposer une approche compréhensive de portée
rales, comme celles de la fragmentation urbaine, développée par l’école gement d’échelle, moins pour affiner la connaissance des phénomènes
de Los Angeles. Le terme de périurbain ne donne pas lieu aux actes ou l’activité. Plusieurs d’entre eux insistent sur la nécessité d’un chan-
de foi (en général dénonciateurs) qui émaillent une certaine littérature qui concerne les pratiques urbaines et celles qui concernent la résidence
« scientifique », en tout cas, ses utilisateurs y voient plutôt une étiquette préciser la définition de la ségrégation, par exemple en différenciant celle
sociale qu’une catégorie d’analyse. permet de reposer la question en termes d’accès. Certains s’efforcent de
Certes, les grandes théories qui font la mode sociologique sont pré- l’approche classique de la ségrégation, par exemple l’espace public, qui
sentes, mais elles font rarement l’objet d’une utilisation automatique ou qui se prêtent beaucoup moins bien que les questions résidentielles à
simpliste, en particulier quand il s’agit de parler de l’espace. Au contraire, les formes de sociabilité qui s’y déploient. D’autres choisissent des objets
on voit apparaître de nouvelles catégorisations ou au moins une utili- la manière dont fonctionne le territoire ségrégué, sur les modes de vie et
sation originale de celles qui existent, par exemple le couple espaces de le focaliser moins sur les déterminants sociaux de la ségrégation que sur
primarité / espaces de secondarité dans le texte de Jennifer Bidet. Plusieurs sous la plume de certains d’entre eux, permet de déplacer le propos et de
auteurs s’interrogent sur la manière dont les catégories spatiales de
l’urbain sont produites (et les nomenclatures qui vont avec), mais peu
d’entre eux vont jusqu’à remettre en cause la manière dont on utilise la 231 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
théorie aujourd’hui. On peut le regretter, car l’utilisation de catégories

théorie aujourd’hui. On peut le regretter, car l’utilisation de catégories


Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 231 d’entre eux vont jusqu’à remettre en cause la manière dont on utilise la
l’urbain sont produites (et les nomenclatures qui vont avec), mais peu
auteurs s’interrogent sur la manière dont les catégories spatiales de
sous la plume de certains d’entre eux, permet de déplacer le propos et de primarité / espaces de secondarité dans le texte de Jennifer Bidet. Plusieurs
le focaliser moins sur les déterminants sociaux de la ségrégation que sur sation originale de celles qui existent, par exemple le couple espaces de
la manière dont fonctionne le territoire ségrégué, sur les modes de vie et on voit apparaître de nouvelles catégorisations ou au moins une utili-
les formes de sociabilité qui s’y déploient. D’autres choisissent des objets simpliste, en particulier quand il s’agit de parler de l’espace. Au contraire,
qui se prêtent beaucoup moins bien que les questions résidentielles à sentes, mais elles font rarement l’objet d’une utilisation automatique ou
l’approche classique de la ségrégation, par exemple l’espace public, qui Certes, les grandes théories qui font la mode sociologique sont pré-
permet de reposer la question en termes d’accès. Certains s’efforcent de sociale qu’une catégorie d’analyse.
préciser la définition de la ségrégation, par exemple en différenciant celle « scientifique », en tout cas, ses utilisateurs y voient plutôt une étiquette
qui concerne les pratiques urbaines et celles qui concernent la résidence de foi (en général dénonciateurs) qui émaillent une certaine littérature
ou l’activité. Plusieurs d’entre eux insistent sur la nécessité d’un chan- de Los Angeles. Le terme de périurbain ne donne pas lieu aux actes
gement d’échelle, moins pour affiner la connaissance des phénomènes rales, comme celles de la fragmentation urbaine, développée par l’école
ségrégatifs que pour en proposer une approche compréhensive de portée méfiance à l’égard des grandes catégories officielles et des théories géné-
générale (Eleonora Elguezabal). Tous raisonnent comme si la catégorie Cette prudence vis-à-vis de la ségrégation va de pair avec une
n’était utilisable qu’à condition d’être redéfinie. Ils convergent également
sur un point : la ségrégation, ou toute forme de division sociale de l’es- Des catégories dominantes à l’expérience de l’espace
pace, doit être pensée comme une action (Clément Rivière, Anaïs Collet,
Eleonora Elguezabal, Colin Giraud). Elle procède d’un travail, d’une stra- diffusant certaines images (p. 137).
tégie, ou est l’enjeu même de la « gestion de l’espace » : une activité à part transformation symbolique d’un quartier en transformant l’habitat et en
entière. Les frontières et la spécialisation sociale de certains espaces ne ré- pour Colin Giraud, une « catégorie de population particulière » opère la
sultent pas mécaniquement des divisions sociales, mais de stratégies, indi- urbain » contribuent à la division sociale de l’espace (p. 109), tandis que
viduelles ou collectives, d’interactions entre les acteurs. Clément Rivière par exemple s’intéresse à la manière dont les « conduites d’évitement
par exemple s’intéresse à la manière dont les « conduites d’évitement viduelles ou collectives, d’interactions entre les acteurs. Clément Rivière
urbain » contribuent à la division sociale de l’espace (p. 109), tandis que sultent pas mécaniquement des divisions sociales, mais de stratégies, indi-
pour Colin Giraud, une « catégorie de population particulière » opère la entière. Les frontières et la spécialisation sociale de certains espaces ne ré-
transformation symbolique d’un quartier en transformant l’habitat et en tégie, ou est l’enjeu même de la « gestion de l’espace » : une activité à part
diffusant certaines images (p. 137). Eleonora Elguezabal, Colin Giraud). Elle procède d’un travail, d’une stra-
pace, doit être pensée comme une action (Clément Rivière, Anaïs Collet,
Des catégories dominantes à l’expérience de l’espace sur un point : la ségrégation, ou toute forme de division sociale de l’es-
n’était utilisable qu’à condition d’être redéfinie. Ils convergent également
Cette prudence vis-à-vis de la ségrégation va de pair avec une générale (Eleonora Elguezabal). Tous raisonnent comme si la catégorie
méfiance à l’égard des grandes catégories officielles et des théories géné- ségrégatifs que pour en proposer une approche compréhensive de portée
rales, comme celles de la fragmentation urbaine, développée par l’école gement d’échelle, moins pour affiner la connaissance des phénomènes
de Los Angeles. Le terme de périurbain ne donne pas lieu aux actes ou l’activité. Plusieurs d’entre eux insistent sur la nécessité d’un chan-
de foi (en général dénonciateurs) qui émaillent une certaine littérature qui concerne les pratiques urbaines et celles qui concernent la résidence
« scientifique », en tout cas, ses utilisateurs y voient plutôt une étiquette préciser la définition de la ségrégation, par exemple en différenciant celle
sociale qu’une catégorie d’analyse. permet de reposer la question en termes d’accès. Certains s’efforcent de
Certes, les grandes théories qui font la mode sociologique sont pré- l’approche classique de la ségrégation, par exemple l’espace public, qui
sentes, mais elles font rarement l’objet d’une utilisation automatique ou qui se prêtent beaucoup moins bien que les questions résidentielles à
simpliste, en particulier quand il s’agit de parler de l’espace. Au contraire, les formes de sociabilité qui s’y déploient. D’autres choisissent des objets
on voit apparaître de nouvelles catégorisations ou au moins une utili- la manière dont fonctionne le territoire ségrégué, sur les modes de vie et
sation originale de celles qui existent, par exemple le couple espaces de le focaliser moins sur les déterminants sociaux de la ségrégation que sur
primarité / espaces de secondarité dans le texte de Jennifer Bidet. Plusieurs sous la plume de certains d’entre eux, permet de déplacer le propos et de
auteurs s’interrogent sur la manière dont les catégories spatiales de
l’urbain sont produites (et les nomenclatures qui vont avec), mais peu
d’entre eux vont jusqu’à remettre en cause la manière dont on utilise la 231 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
théorie aujourd’hui. On peut le regretter, car l’utilisation de catégories
l’étude enfin des fonctions sociales de ces modes d’inscription » (Verret, 1972, p. 318).
des groupes sociaux, celle des modes d’inscription spatio-temporelle de leurs pratiques,
vaux et de recherche  : « L’étude des déterminations spatio-temporelles de l’existence 232 Postface
2. Sous le terme de morphologie sociale, Halbwachs définissait trois directions de tra-

humains font leur propre géographie » (Giddens, 1984, 1987, p. 429) et officielles, en apparence empruntées aux sciences sociales et complète-
En montrant que « tout comme ils font leur propre histoire, les êtres ment déformées dans leur usage courant, pose problème et, si l’on en
été moins investie jusque-là. juge par ce qui s’écrit sur l’espace ici ou là, l’examen critique et irrévé-
résidentiel (Benoit-Guilbot, 1986). Mais cette ligne d’analyse a sans doute rencieux des théories « passe-partout » ne ferait pas de mal.
social » du CNRS, sur la construction de l’identité sociale dans le champ Mais ce débat plus épistémologique correspondrait mal à une ap-
cadre de l’action thématique programmée « Observation du changement proche que partagent une bonne part des auteurs et qui fait de l’espace
récemment et dans une tout autre perspective, les travaux réalisés, dans le l’objet d’une expérience. Comme l’affirmait en effet Edward T.  Hall
ciaux proposé il y a fort longtemps par Maurice Halbwachs2 ou, plus (1971), tout ce que l’homme est et tout ce qu’il fait est lié à l’expérience
le programme d’étude des structures morphologiques des groupes so- de l’espace. Si, à l’exception d’Anne Jarrigeon, aucun d’eux ne se réfère
pas non plus une véritable nouveauté, comme l’attestent par exemple explicitement à l’auteur de La Dimension cachée, certaines contributions
sociologie urbaine française et francophone, cette ligne d’analyse n’est accordent une large place aux diverses expériences que les individus
par un savoir ordinaire « concret et personnel » (1925, 1984). Dans la font des espaces – qu’ils habitent, qu’ils fréquentent, qu’ils parcourent – et
« paysan » qui, parce qu’il est isolé et enraciné, se caractérise au contraire aux effets de ces expériences sur leurs manières d’être, d’agir, de voir et
qui lui servent à décrire les scènes diverses sur lesquelles il passe » et le de penser (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien Gentil, Colin Giraud,
ménage et l’agitation des marchés », qui « acquiert les notions abstraites Anne Jarrigeon, Nicolas Oppenchaim, Clément Rivière). Autrement dit,
Robert E. Park distinguait ainsi le « juif errant », « élevé dans le remue- plusieurs auteurs s’intéressent, de façon centrale ou plus périphérique,
à l’environnement dans lequel ils vivent ou dans lequel ils ont vécu. au rôle de l’espace (l’espace-temps saisonnier, le quartier, le bled...) et
ment exploré ce que les manières d’être et de faire des citadins doivent des mobilités dans la socialisation des individus, saisonniers mobiles du
les premiers sociologues de l’École de Chicago ont en effet très large- tourisme, adolescents des ZUS, gays gentrifieurs, descendants de l’immi-
travaux de Simmel sur Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit (1903, 2013), gration algérienne, et / ou dans la construction de leur identité sociale.
nouveautés dans le champ (large) de la sociologie urbaine. À la suite des Cet intérêt et cette ligne d’analyse ne sont pas à proprement parler des
Cet intérêt et cette ligne d’analyse ne sont pas à proprement parler des nouveautés dans le champ (large) de la sociologie urbaine. À la suite des
gration algérienne, et / ou dans la construction de leur identité sociale. travaux de Simmel sur Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit (1903, 2013),
tourisme, adolescents des ZUS, gays gentrifieurs, descendants de l’immi- les premiers sociologues de l’École de Chicago ont en effet très large-
des mobilités dans la socialisation des individus, saisonniers mobiles du ment exploré ce que les manières d’être et de faire des citadins doivent
au rôle de l’espace (l’espace-temps saisonnier, le quartier, le bled...) et à l’environnement dans lequel ils vivent ou dans lequel ils ont vécu.
plusieurs auteurs s’intéressent, de façon centrale ou plus périphérique, Robert E. Park distinguait ainsi le « juif errant », « élevé dans le remue-
Anne Jarrigeon, Nicolas Oppenchaim, Clément Rivière). Autrement dit, ménage et l’agitation des marchés », qui « acquiert les notions abstraites
de penser (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien Gentil, Colin Giraud, qui lui servent à décrire les scènes diverses sur lesquelles il passe » et le
aux effets de ces expériences sur leurs manières d’être, d’agir, de voir et « paysan » qui, parce qu’il est isolé et enraciné, se caractérise au contraire
font des espaces – qu’ils habitent, qu’ils fréquentent, qu’ils parcourent – et par un savoir ordinaire « concret et personnel » (1925, 1984). Dans la
accordent une large place aux diverses expériences que les individus sociologie urbaine française et francophone, cette ligne d’analyse n’est
explicitement à l’auteur de La Dimension cachée, certaines contributions pas non plus une véritable nouveauté, comme l’attestent par exemple
de l’espace. Si, à l’exception d’Anne Jarrigeon, aucun d’eux ne se réfère le programme d’étude des structures morphologiques des groupes so-
(1971), tout ce que l’homme est et tout ce qu’il fait est lié à l’expérience ciaux proposé il y a fort longtemps par Maurice Halbwachs2 ou, plus
l’objet d’une expérience. Comme l’affirmait en effet Edward T.  Hall récemment et dans une tout autre perspective, les travaux réalisés, dans le
proche que partagent une bonne part des auteurs et qui fait de l’espace cadre de l’action thématique programmée « Observation du changement
Mais ce débat plus épistémologique correspondrait mal à une ap- social » du CNRS, sur la construction de l’identité sociale dans le champ
rencieux des théories « passe-partout » ne ferait pas de mal. résidentiel (Benoit-Guilbot, 1986). Mais cette ligne d’analyse a sans doute
juge par ce qui s’écrit sur l’espace ici ou là, l’examen critique et irrévé- été moins investie jusque-là.
ment déformées dans leur usage courant, pose problème et, si l’on en En montrant que « tout comme ils font leur propre histoire, les êtres
officielles, en apparence empruntées aux sciences sociales et complète- humains font leur propre géographie » (Giddens, 1984, 1987, p. 429) et

2. Sous le terme de morphologie sociale, Halbwachs définissait trois directions de tra-


Postface 232 vaux et de recherche  : « L’étude des déterminations spatio-temporelles de l’existence
des groupes sociaux, celle des modes d’inscription spatio-temporelle de leurs pratiques,
l’étude enfin des fonctions sociales de ces modes d’inscription » (Verret, 1972, p. 318).

l’étude enfin des fonctions sociales de ces modes d’inscription » (Verret, 1972, p. 318).
des groupes sociaux, celle des modes d’inscription spatio-temporelle de leurs pratiques,
vaux et de recherche  : « L’étude des déterminations spatio-temporelles de l’existence 232 Postface
2. Sous le terme de morphologie sociale, Halbwachs définissait trois directions de tra-

humains font leur propre géographie » (Giddens, 1984, 1987, p. 429) et officielles, en apparence empruntées aux sciences sociales et complète-
En montrant que « tout comme ils font leur propre histoire, les êtres ment déformées dans leur usage courant, pose problème et, si l’on en
été moins investie jusque-là. juge par ce qui s’écrit sur l’espace ici ou là, l’examen critique et irrévé-
résidentiel (Benoit-Guilbot, 1986). Mais cette ligne d’analyse a sans doute rencieux des théories « passe-partout » ne ferait pas de mal.
social » du CNRS, sur la construction de l’identité sociale dans le champ Mais ce débat plus épistémologique correspondrait mal à une ap-
cadre de l’action thématique programmée « Observation du changement proche que partagent une bonne part des auteurs et qui fait de l’espace
récemment et dans une tout autre perspective, les travaux réalisés, dans le l’objet d’une expérience. Comme l’affirmait en effet Edward T.  Hall
ciaux proposé il y a fort longtemps par Maurice Halbwachs2 ou, plus (1971), tout ce que l’homme est et tout ce qu’il fait est lié à l’expérience
le programme d’étude des structures morphologiques des groupes so- de l’espace. Si, à l’exception d’Anne Jarrigeon, aucun d’eux ne se réfère
pas non plus une véritable nouveauté, comme l’attestent par exemple explicitement à l’auteur de La Dimension cachée, certaines contributions
sociologie urbaine française et francophone, cette ligne d’analyse n’est accordent une large place aux diverses expériences que les individus
par un savoir ordinaire « concret et personnel » (1925, 1984). Dans la font des espaces – qu’ils habitent, qu’ils fréquentent, qu’ils parcourent – et
« paysan » qui, parce qu’il est isolé et enraciné, se caractérise au contraire aux effets de ces expériences sur leurs manières d’être, d’agir, de voir et
qui lui servent à décrire les scènes diverses sur lesquelles il passe » et le de penser (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien Gentil, Colin Giraud,
ménage et l’agitation des marchés », qui « acquiert les notions abstraites Anne Jarrigeon, Nicolas Oppenchaim, Clément Rivière). Autrement dit,
Robert E. Park distinguait ainsi le « juif errant », « élevé dans le remue- plusieurs auteurs s’intéressent, de façon centrale ou plus périphérique,
à l’environnement dans lequel ils vivent ou dans lequel ils ont vécu. au rôle de l’espace (l’espace-temps saisonnier, le quartier, le bled...) et
ment exploré ce que les manières d’être et de faire des citadins doivent des mobilités dans la socialisation des individus, saisonniers mobiles du
les premiers sociologues de l’École de Chicago ont en effet très large- tourisme, adolescents des ZUS, gays gentrifieurs, descendants de l’immi-
travaux de Simmel sur Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit (1903, 2013), gration algérienne, et / ou dans la construction de leur identité sociale.
nouveautés dans le champ (large) de la sociologie urbaine. À la suite des Cet intérêt et cette ligne d’analyse ne sont pas à proprement parler des
Cet intérêt et cette ligne d’analyse ne sont pas à proprement parler des nouveautés dans le champ (large) de la sociologie urbaine. À la suite des
gration algérienne, et / ou dans la construction de leur identité sociale. travaux de Simmel sur Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit (1903, 2013),
tourisme, adolescents des ZUS, gays gentrifieurs, descendants de l’immi- les premiers sociologues de l’École de Chicago ont en effet très large-
des mobilités dans la socialisation des individus, saisonniers mobiles du ment exploré ce que les manières d’être et de faire des citadins doivent
au rôle de l’espace (l’espace-temps saisonnier, le quartier, le bled...) et à l’environnement dans lequel ils vivent ou dans lequel ils ont vécu.
plusieurs auteurs s’intéressent, de façon centrale ou plus périphérique, Robert E. Park distinguait ainsi le « juif errant », « élevé dans le remue-
Anne Jarrigeon, Nicolas Oppenchaim, Clément Rivière). Autrement dit, ménage et l’agitation des marchés », qui « acquiert les notions abstraites
de penser (Jennifer Bidet, Anaïs Collet, Aurélien Gentil, Colin Giraud, qui lui servent à décrire les scènes diverses sur lesquelles il passe » et le
aux effets de ces expériences sur leurs manières d’être, d’agir, de voir et « paysan » qui, parce qu’il est isolé et enraciné, se caractérise au contraire
font des espaces – qu’ils habitent, qu’ils fréquentent, qu’ils parcourent – et par un savoir ordinaire « concret et personnel » (1925, 1984). Dans la
accordent une large place aux diverses expériences que les individus sociologie urbaine française et francophone, cette ligne d’analyse n’est
explicitement à l’auteur de La Dimension cachée, certaines contributions pas non plus une véritable nouveauté, comme l’attestent par exemple
de l’espace. Si, à l’exception d’Anne Jarrigeon, aucun d’eux ne se réfère le programme d’étude des structures morphologiques des groupes so-
(1971), tout ce que l’homme est et tout ce qu’il fait est lié à l’expérience ciaux proposé il y a fort longtemps par Maurice Halbwachs2 ou, plus
l’objet d’une expérience. Comme l’affirmait en effet Edward T.  Hall récemment et dans une tout autre perspective, les travaux réalisés, dans le
proche que partagent une bonne part des auteurs et qui fait de l’espace cadre de l’action thématique programmée « Observation du changement
Mais ce débat plus épistémologique correspondrait mal à une ap- social » du CNRS, sur la construction de l’identité sociale dans le champ
rencieux des théories « passe-partout » ne ferait pas de mal. résidentiel (Benoit-Guilbot, 1986). Mais cette ligne d’analyse a sans doute
juge par ce qui s’écrit sur l’espace ici ou là, l’examen critique et irrévé- été moins investie jusque-là.
ment déformées dans leur usage courant, pose problème et, si l’on en En montrant que « tout comme ils font leur propre histoire, les êtres
officielles, en apparence empruntées aux sciences sociales et complète- humains font leur propre géographie » (Giddens, 1984, 1987, p. 429) et

2. Sous le terme de morphologie sociale, Halbwachs définissait trois directions de tra-


Postface 232 vaux et de recherche  : « L’étude des déterminations spatio-temporelles de l’existence
des groupes sociaux, celle des modes d’inscription spatio-temporelle de leurs pratiques,
l’étude enfin des fonctions sociales de ces modes d’inscription » (Verret, 1972, p. 318).
éviter d’en faire le réceptacle neutre de l’action. Le langage du processus
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 233 Tous parlent donc d’espace, chacun à sa manière, et s’accordent pour

Une ouverture
en s’intéressant aux dimensions urbaines et spatiales de la formation des
individus, ces travaux renouvellent, au-delà du cadre de la sociologie ur- les projets ou l’inscription dans des dispositifs de classement.
baine, les recherches sur la socialisation qui, le plus souvent, accordent une professionnels, des citoyens ou des usagers, qui construit l’espace, à travers
faible place à l’espace (Darmon, 2006, 2010). En ce sens, ils en appellent production de l’espace par la gestion : c’est l’action organisée, celle des
d’autres, par exemple pour saisir, au-delà de l’encadrement parental des tration et d’anonymat, produisent l’espace. D’autres encore envisagent la
pratiques urbaines des enfants (Clément Rivière), les pratiques urbaines les interactions entre individus, en particulier dans les lieux de concen-
effectives des enfants et les effets socialisateurs de ces pratiques. et le justifient. D’autres textes montrent comment l’action collective ou
même, à la manière dont les acteurs le conçoivent, le prennent en charge
L’espace et l’action ou l’anthropologie de l’espace, qu’au processus de transformation lui-
comme on l’aurait fait dans les années 1970 en mobilisant la sémiotique
L’expérience de l’espace ne se dissocie pas du rapport à l’autre. Elle général, ils accordent moins d’importance à la description des contenus,
est également action sur l’espace. Martina Löw, qui défend une sociologie Collet) ou des copropriétés de fait de Rio (Maira Machado-Martins). En
de l’espace (2008), affirme que l’espace ne se comprend que dans son ments gay (Colin Giraud), des lofts des convertisseurs de Montreuil (Anaïs
rapport à l’action qu’il produit et qui le produit. La grande majorité des cision les transformations apportées à l’espace matériel, celui des apparte-
contributeurs – peut-être tous – adhéreraient à cette affirmation. C’est L’approche par les genres y contribue. Plusieurs textes analysent avec pré-
là une autre nouveauté : non seulement on parle de l’espace et on ne le d’un support neutre, elles informent l’espace et les auteurs y sont attentifs.
réduit pas à des définitions métaphoriques comme l’ont souvent fait les de s’installer dans un lieu ne peuvent se lire seulement comme l’usage
sociologues, mais on le pense, comme le veulent les pragmatistes, dans ou non dans un lit (Jennifer Bidet), les choix de localisation, les manières
son rapport à l’action. modes de vie, les pratiques les plus quotidiennes, comme le fait de dormir
L’ensemble du volume couvre une gamme étendue de manières d’en- qu’ils privilégient (Anne Jarrigeon, Clément Rivière, Colin Giraud). Les
visager l’action. Les uns considèrent l’espace des pratiques quotidiennes, en particulier individuelles et « genrées » ou sexuées, selon l’approche
en particulier individuelles et « genrées » ou sexuées, selon l’approche visager l’action. Les uns considèrent l’espace des pratiques quotidiennes,
qu’ils privilégient (Anne Jarrigeon, Clément Rivière, Colin Giraud). Les L’ensemble du volume couvre une gamme étendue de manières d’en-
modes de vie, les pratiques les plus quotidiennes, comme le fait de dormir son rapport à l’action.
ou non dans un lit (Jennifer Bidet), les choix de localisation, les manières sociologues, mais on le pense, comme le veulent les pragmatistes, dans
de s’installer dans un lieu ne peuvent se lire seulement comme l’usage réduit pas à des définitions métaphoriques comme l’ont souvent fait les
d’un support neutre, elles informent l’espace et les auteurs y sont attentifs. là une autre nouveauté : non seulement on parle de l’espace et on ne le
L’approche par les genres y contribue. Plusieurs textes analysent avec pré- contributeurs – peut-être tous – adhéreraient à cette affirmation. C’est
cision les transformations apportées à l’espace matériel, celui des apparte- rapport à l’action qu’il produit et qui le produit. La grande majorité des
ments gay (Colin Giraud), des lofts des convertisseurs de Montreuil (Anaïs de l’espace (2008), affirme que l’espace ne se comprend que dans son
Collet) ou des copropriétés de fait de Rio (Maira Machado-Martins). En est également action sur l’espace. Martina Löw, qui défend une sociologie
général, ils accordent moins d’importance à la description des contenus, L’expérience de l’espace ne se dissocie pas du rapport à l’autre. Elle
comme on l’aurait fait dans les années 1970 en mobilisant la sémiotique
ou l’anthropologie de l’espace, qu’au processus de transformation lui- L’espace et l’action
même, à la manière dont les acteurs le conçoivent, le prennent en charge
et le justifient. D’autres textes montrent comment l’action collective ou effectives des enfants et les effets socialisateurs de ces pratiques.
les interactions entre individus, en particulier dans les lieux de concen- pratiques urbaines des enfants (Clément Rivière), les pratiques urbaines
tration et d’anonymat, produisent l’espace. D’autres encore envisagent la d’autres, par exemple pour saisir, au-delà de l’encadrement parental des
production de l’espace par la gestion : c’est l’action organisée, celle des faible place à l’espace (Darmon, 2006, 2010). En ce sens, ils en appellent
professionnels, des citoyens ou des usagers, qui construit l’espace, à travers baine, les recherches sur la socialisation qui, le plus souvent, accordent une
les projets ou l’inscription dans des dispositifs de classement. individus, ces travaux renouvellent, au-delà du cadre de la sociologie ur-
en s’intéressant aux dimensions urbaines et spatiales de la formation des
Une ouverture

Tous parlent donc d’espace, chacun à sa manière, et s’accordent pour 233 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
éviter d’en faire le réceptacle neutre de l’action. Le langage du processus

éviter d’en faire le réceptacle neutre de l’action. Le langage du processus


Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 233 Tous parlent donc d’espace, chacun à sa manière, et s’accordent pour

Une ouverture
en s’intéressant aux dimensions urbaines et spatiales de la formation des
individus, ces travaux renouvellent, au-delà du cadre de la sociologie ur- les projets ou l’inscription dans des dispositifs de classement.
baine, les recherches sur la socialisation qui, le plus souvent, accordent une professionnels, des citoyens ou des usagers, qui construit l’espace, à travers
faible place à l’espace (Darmon, 2006, 2010). En ce sens, ils en appellent production de l’espace par la gestion : c’est l’action organisée, celle des
d’autres, par exemple pour saisir, au-delà de l’encadrement parental des tration et d’anonymat, produisent l’espace. D’autres encore envisagent la
pratiques urbaines des enfants (Clément Rivière), les pratiques urbaines les interactions entre individus, en particulier dans les lieux de concen-
effectives des enfants et les effets socialisateurs de ces pratiques. et le justifient. D’autres textes montrent comment l’action collective ou
même, à la manière dont les acteurs le conçoivent, le prennent en charge
L’espace et l’action ou l’anthropologie de l’espace, qu’au processus de transformation lui-
comme on l’aurait fait dans les années 1970 en mobilisant la sémiotique
L’expérience de l’espace ne se dissocie pas du rapport à l’autre. Elle général, ils accordent moins d’importance à la description des contenus,
est également action sur l’espace. Martina Löw, qui défend une sociologie Collet) ou des copropriétés de fait de Rio (Maira Machado-Martins). En
de l’espace (2008), affirme que l’espace ne se comprend que dans son ments gay (Colin Giraud), des lofts des convertisseurs de Montreuil (Anaïs
rapport à l’action qu’il produit et qui le produit. La grande majorité des cision les transformations apportées à l’espace matériel, celui des apparte-
contributeurs – peut-être tous – adhéreraient à cette affirmation. C’est L’approche par les genres y contribue. Plusieurs textes analysent avec pré-
là une autre nouveauté : non seulement on parle de l’espace et on ne le d’un support neutre, elles informent l’espace et les auteurs y sont attentifs.
réduit pas à des définitions métaphoriques comme l’ont souvent fait les de s’installer dans un lieu ne peuvent se lire seulement comme l’usage
sociologues, mais on le pense, comme le veulent les pragmatistes, dans ou non dans un lit (Jennifer Bidet), les choix de localisation, les manières
son rapport à l’action. modes de vie, les pratiques les plus quotidiennes, comme le fait de dormir
L’ensemble du volume couvre une gamme étendue de manières d’en- qu’ils privilégient (Anne Jarrigeon, Clément Rivière, Colin Giraud). Les
visager l’action. Les uns considèrent l’espace des pratiques quotidiennes, en particulier individuelles et « genrées » ou sexuées, selon l’approche
en particulier individuelles et « genrées » ou sexuées, selon l’approche visager l’action. Les uns considèrent l’espace des pratiques quotidiennes,
qu’ils privilégient (Anne Jarrigeon, Clément Rivière, Colin Giraud). Les L’ensemble du volume couvre une gamme étendue de manières d’en-
modes de vie, les pratiques les plus quotidiennes, comme le fait de dormir son rapport à l’action.
ou non dans un lit (Jennifer Bidet), les choix de localisation, les manières sociologues, mais on le pense, comme le veulent les pragmatistes, dans
de s’installer dans un lieu ne peuvent se lire seulement comme l’usage réduit pas à des définitions métaphoriques comme l’ont souvent fait les
d’un support neutre, elles informent l’espace et les auteurs y sont attentifs. là une autre nouveauté : non seulement on parle de l’espace et on ne le
L’approche par les genres y contribue. Plusieurs textes analysent avec pré- contributeurs – peut-être tous – adhéreraient à cette affirmation. C’est
cision les transformations apportées à l’espace matériel, celui des apparte- rapport à l’action qu’il produit et qui le produit. La grande majorité des
ments gay (Colin Giraud), des lofts des convertisseurs de Montreuil (Anaïs de l’espace (2008), affirme que l’espace ne se comprend que dans son
Collet) ou des copropriétés de fait de Rio (Maira Machado-Martins). En est également action sur l’espace. Martina Löw, qui défend une sociologie
général, ils accordent moins d’importance à la description des contenus, L’expérience de l’espace ne se dissocie pas du rapport à l’autre. Elle
comme on l’aurait fait dans les années 1970 en mobilisant la sémiotique
ou l’anthropologie de l’espace, qu’au processus de transformation lui- L’espace et l’action
même, à la manière dont les acteurs le conçoivent, le prennent en charge
et le justifient. D’autres textes montrent comment l’action collective ou effectives des enfants et les effets socialisateurs de ces pratiques.
les interactions entre individus, en particulier dans les lieux de concen- pratiques urbaines des enfants (Clément Rivière), les pratiques urbaines
tration et d’anonymat, produisent l’espace. D’autres encore envisagent la d’autres, par exemple pour saisir, au-delà de l’encadrement parental des
production de l’espace par la gestion : c’est l’action organisée, celle des faible place à l’espace (Darmon, 2006, 2010). En ce sens, ils en appellent
professionnels, des citoyens ou des usagers, qui construit l’espace, à travers baine, les recherches sur la socialisation qui, le plus souvent, accordent une
les projets ou l’inscription dans des dispositifs de classement. individus, ces travaux renouvellent, au-delà du cadre de la sociologie ur-
en s’intéressant aux dimensions urbaines et spatiales de la formation des
Une ouverture

Tous parlent donc d’espace, chacun à sa manière, et s’accordent pour 233 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
éviter d’en faire le réceptacle neutre de l’action. Le langage du processus
Glencoe.
Gans Herbert J. (1962), The Urban Villagers, New York, The Free Press of 234 Postface
Darmon Muriel (2006, 2010), La Socialisation, Paris, Armand Colin.
Paris, La Découverte.
(2008), La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire, permet d’articuler l’espace et le temps, notamment à travers les parcours
Cartier Marie, Coutant Isabelle, Masclet Olivier & Siblot Yasmine résidentiels (que l’on retrouve dans beaucoup de textes) ou les manières
Cahiers internationaux de sociologie (2005), no 118, « Mobilité et modernité ». d’habiter (en particulier celles des saisonniers ou des vacanciers). On voit
du CNRS, p. 127-156. réapparaître en creux le concept de mode de spatialisation à travers lequel
des lieux : localités et changement social en France, Collectif, Paris, Éditions Raymond Ledrut avait voulu montrer, contre le déterminisme étroit de
constitutions d’images et enjeux de stratégies localisées », dans L’Esprit certains marxistes, la dimension processuelle et interactionnelle de la pro-
Benoit-Guilbot Odile (1986), « Quartiers dortoirs, quartiers villages : duction de l’espace. Certains vont chercher un vocabulaire développé par
d’autres disciplines et devant lequel la sociologie s’est souvent montrée
Bibliographie réticente : « lieu » ou « ambiance » par exemple, deux termes que Martina
Löw, il est vrai, fait entrer par la grande porte dans la sociologie de l’es-
débouche sur des renouvellements importants. pace. Ceux-là participent à une approche de l’espace public qui, pour se
que ce n’est pas le cas. On verra dans les années à venir si ce mouvement référer à quelques sociologues reconnus comme Isaac Joseph, n’en est pas
réduire l’espace aux rapports sociaux. Les textes rassemblés ici montrent moins porteuse d’innovation. Lieu d’interaction, l’espace public (ou plu-
se crispait sur ses thématiques les plus traditionnelles et si elle voulait tôt sa pratique) est ici considéré comme une épreuve (même si le terme
Ce mouvement pourrait passer à côté de la sociologie urbaine, si elle est employé à propos de la mobilité). Un auteur insiste sur sa dimension
place importante à la réflexion sur l’espace et le temps dans la sociologie. corporelle et sur le rôle du corps dans la construction spatiale de l’anony-
n’est pas spécifique à la francophonie –, celui qui entend accorder une mat. Un autre définit l’espace public comme le lieu de la mise en danger
d’unité problématique ou théorique forte, mais un mouvement – qui de soi et d’autrui. On retrouve là des approches qui ne sont pas sans lien
tester des concepts un peu inhabituels ou étrangers. Il n’y a donc pas avec le courant éthologique qui a influencé l’anthropologie mais peu la
logie urbaine mobilise des paradigmes très divers. Il offre l’occasion de sociologie, malgré la lecture de Goffman.
presque tous les auteurs de ce volume, ce retour de l’espace dans la socio- Même si le rapport à l’action constitue un point de ralliement pour
Même si le rapport à l’action constitue un point de ralliement pour presque tous les auteurs de ce volume, ce retour de l’espace dans la socio-
sociologie, malgré la lecture de Goffman. logie urbaine mobilise des paradigmes très divers. Il offre l’occasion de
avec le courant éthologique qui a influencé l’anthropologie mais peu la tester des concepts un peu inhabituels ou étrangers. Il n’y a donc pas
de soi et d’autrui. On retrouve là des approches qui ne sont pas sans lien d’unité problématique ou théorique forte, mais un mouvement – qui
mat. Un autre définit l’espace public comme le lieu de la mise en danger n’est pas spécifique à la francophonie –, celui qui entend accorder une
corporelle et sur le rôle du corps dans la construction spatiale de l’anony- place importante à la réflexion sur l’espace et le temps dans la sociologie.
est employé à propos de la mobilité). Un auteur insiste sur sa dimension Ce mouvement pourrait passer à côté de la sociologie urbaine, si elle
tôt sa pratique) est ici considéré comme une épreuve (même si le terme se crispait sur ses thématiques les plus traditionnelles et si elle voulait
moins porteuse d’innovation. Lieu d’interaction, l’espace public (ou plu- réduire l’espace aux rapports sociaux. Les textes rassemblés ici montrent
référer à quelques sociologues reconnus comme Isaac Joseph, n’en est pas que ce n’est pas le cas. On verra dans les années à venir si ce mouvement
pace. Ceux-là participent à une approche de l’espace public qui, pour se débouche sur des renouvellements importants.
Löw, il est vrai, fait entrer par la grande porte dans la sociologie de l’es-
réticente : « lieu » ou « ambiance » par exemple, deux termes que Martina Bibliographie
d’autres disciplines et devant lequel la sociologie s’est souvent montrée
duction de l’espace. Certains vont chercher un vocabulaire développé par Benoit-Guilbot Odile (1986), « Quartiers dortoirs, quartiers villages :
certains marxistes, la dimension processuelle et interactionnelle de la pro- constitutions d’images et enjeux de stratégies localisées », dans L’Esprit
Raymond Ledrut avait voulu montrer, contre le déterminisme étroit de des lieux : localités et changement social en France, Collectif, Paris, Éditions
réapparaître en creux le concept de mode de spatialisation à travers lequel du CNRS, p. 127-156.
d’habiter (en particulier celles des saisonniers ou des vacanciers). On voit Cahiers internationaux de sociologie (2005), no 118, « Mobilité et modernité ».
résidentiels (que l’on retrouve dans beaucoup de textes) ou les manières Cartier Marie, Coutant Isabelle, Masclet Olivier & Siblot Yasmine
permet d’articuler l’espace et le temps, notamment à travers les parcours (2008), La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire,
Paris, La Découverte.
Darmon Muriel (2006, 2010), La Socialisation, Paris, Armand Colin.
Postface 234 Gans Herbert J. (1962), The Urban Villagers, New York, The Free Press of
Glencoe.

Glencoe.
Gans Herbert J. (1962), The Urban Villagers, New York, The Free Press of 234 Postface
Darmon Muriel (2006, 2010), La Socialisation, Paris, Armand Colin.
Paris, La Découverte.
(2008), La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire, permet d’articuler l’espace et le temps, notamment à travers les parcours
Cartier Marie, Coutant Isabelle, Masclet Olivier & Siblot Yasmine résidentiels (que l’on retrouve dans beaucoup de textes) ou les manières
Cahiers internationaux de sociologie (2005), no 118, « Mobilité et modernité ». d’habiter (en particulier celles des saisonniers ou des vacanciers). On voit
du CNRS, p. 127-156. réapparaître en creux le concept de mode de spatialisation à travers lequel
des lieux : localités et changement social en France, Collectif, Paris, Éditions Raymond Ledrut avait voulu montrer, contre le déterminisme étroit de
constitutions d’images et enjeux de stratégies localisées », dans L’Esprit certains marxistes, la dimension processuelle et interactionnelle de la pro-
Benoit-Guilbot Odile (1986), « Quartiers dortoirs, quartiers villages : duction de l’espace. Certains vont chercher un vocabulaire développé par
d’autres disciplines et devant lequel la sociologie s’est souvent montrée
Bibliographie réticente : « lieu » ou « ambiance » par exemple, deux termes que Martina
Löw, il est vrai, fait entrer par la grande porte dans la sociologie de l’es-
débouche sur des renouvellements importants. pace. Ceux-là participent à une approche de l’espace public qui, pour se
que ce n’est pas le cas. On verra dans les années à venir si ce mouvement référer à quelques sociologues reconnus comme Isaac Joseph, n’en est pas
réduire l’espace aux rapports sociaux. Les textes rassemblés ici montrent moins porteuse d’innovation. Lieu d’interaction, l’espace public (ou plu-
se crispait sur ses thématiques les plus traditionnelles et si elle voulait tôt sa pratique) est ici considéré comme une épreuve (même si le terme
Ce mouvement pourrait passer à côté de la sociologie urbaine, si elle est employé à propos de la mobilité). Un auteur insiste sur sa dimension
place importante à la réflexion sur l’espace et le temps dans la sociologie. corporelle et sur le rôle du corps dans la construction spatiale de l’anony-
n’est pas spécifique à la francophonie –, celui qui entend accorder une mat. Un autre définit l’espace public comme le lieu de la mise en danger
d’unité problématique ou théorique forte, mais un mouvement – qui de soi et d’autrui. On retrouve là des approches qui ne sont pas sans lien
tester des concepts un peu inhabituels ou étrangers. Il n’y a donc pas avec le courant éthologique qui a influencé l’anthropologie mais peu la
logie urbaine mobilise des paradigmes très divers. Il offre l’occasion de sociologie, malgré la lecture de Goffman.
presque tous les auteurs de ce volume, ce retour de l’espace dans la socio- Même si le rapport à l’action constitue un point de ralliement pour
Même si le rapport à l’action constitue un point de ralliement pour presque tous les auteurs de ce volume, ce retour de l’espace dans la socio-
sociologie, malgré la lecture de Goffman. logie urbaine mobilise des paradigmes très divers. Il offre l’occasion de
avec le courant éthologique qui a influencé l’anthropologie mais peu la tester des concepts un peu inhabituels ou étrangers. Il n’y a donc pas
de soi et d’autrui. On retrouve là des approches qui ne sont pas sans lien d’unité problématique ou théorique forte, mais un mouvement – qui
mat. Un autre définit l’espace public comme le lieu de la mise en danger n’est pas spécifique à la francophonie –, celui qui entend accorder une
corporelle et sur le rôle du corps dans la construction spatiale de l’anony- place importante à la réflexion sur l’espace et le temps dans la sociologie.
est employé à propos de la mobilité). Un auteur insiste sur sa dimension Ce mouvement pourrait passer à côté de la sociologie urbaine, si elle
tôt sa pratique) est ici considéré comme une épreuve (même si le terme se crispait sur ses thématiques les plus traditionnelles et si elle voulait
moins porteuse d’innovation. Lieu d’interaction, l’espace public (ou plu- réduire l’espace aux rapports sociaux. Les textes rassemblés ici montrent
référer à quelques sociologues reconnus comme Isaac Joseph, n’en est pas que ce n’est pas le cas. On verra dans les années à venir si ce mouvement
pace. Ceux-là participent à une approche de l’espace public qui, pour se débouche sur des renouvellements importants.
Löw, il est vrai, fait entrer par la grande porte dans la sociologie de l’es-
réticente : « lieu » ou « ambiance » par exemple, deux termes que Martina Bibliographie
d’autres disciplines et devant lequel la sociologie s’est souvent montrée
duction de l’espace. Certains vont chercher un vocabulaire développé par Benoit-Guilbot Odile (1986), « Quartiers dortoirs, quartiers villages :
certains marxistes, la dimension processuelle et interactionnelle de la pro- constitutions d’images et enjeux de stratégies localisées », dans L’Esprit
Raymond Ledrut avait voulu montrer, contre le déterminisme étroit de des lieux : localités et changement social en France, Collectif, Paris, Éditions
réapparaître en creux le concept de mode de spatialisation à travers lequel du CNRS, p. 127-156.
d’habiter (en particulier celles des saisonniers ou des vacanciers). On voit Cahiers internationaux de sociologie (2005), no 118, « Mobilité et modernité ».
résidentiels (que l’on retrouve dans beaucoup de textes) ou les manières Cartier Marie, Coutant Isabelle, Masclet Olivier & Siblot Yasmine
permet d’articuler l’espace et le temps, notamment à travers les parcours (2008), La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire,
Paris, La Découverte.
Darmon Muriel (2006, 2010), La Socialisation, Paris, Armand Colin.
Postface 234 Gans Herbert J. (1962), The Urban Villagers, New York, The Free Press of
Glencoe.
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 235
London, Londres, Routledge and Kegan Paul.
Young Michael D. & Willmott Peter (1957), Family and Kinship in East
Giddens Anthony (1984, 1987), La Constitution de la société, Michel Audet & Yves Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 255-282.
(trad.), Paris, Presses universitaires de France. vie », dans L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph
Halbwachs Maurice (1938), Morphologie sociale, Paris, Armand Colin. Wirth Louis (1938, 1984), «  Le phénomène urbain comme mode de
Hall Edward T. (1971), La Dimension cachée, Amélie Petita (trad.), Paris, Schuster.
Seuil. Whyte William H. (1956), The Organisation Man, New York, Simon and
Haumont Nicole (1966), Les Pavillonnaires : étude psychosociologique d’un misme », Cahiers internationaux de sociologie, no 53, p. 311-331.
mode d’habitat, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recher- Verret Michel (1972), «  Halbwachs ou le deuxième âge du durkhei-
ches d’urbanisme. lyse de la production capitaliste du logement en France, Paris, Mouton.
Hoggart Richard (1957), The Uses of Literacy, Londres, Chatto and Windus. Topalov Christian (1974), Les Promoteurs immobiliers : contribution à l’ana-
Kaufmann Vincent (2001, 2007), « La motilité : une notion clé pour re- Louis Vieillard-Baron & Frédéric Joly (trad.), Paris, Payot & Rivages.
visiter l’urbain ? », dans Enjeux de la sociologie urbaine, Michel Bassand, Simmel Georg (1903, 2013), Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit, Jean-
Vincent Kaufmann & Dominique Joye (dir.), Lausanne, Presses poly- Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches d’urbanisme.
techniques et universitaires romandes, p. 87-102. Raymond Marie-Geneviève (1966), La Politique pavillonnaire, Paris,
Ledrut Raymond (1977), L’Espace en question, Paris, Anthropos. d’urbanisme.
Lorrain Dominique (2002), « Capitalismes urbains : la montée des firmes Lefebvre, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches
d’infrastructures », Entreprises et histoire, no 30, p. 7-31. Haumont Antoine (1966), L’Habitat pavillonnaire, préface d’Henri
Löw Martina (2008), “The Constitution of Space: the Structuration of Raymond Henri, Haumont Nicole, Raymond Marie-Geneviève &
Spaces Through the Simultaneity of Effect and Perception”, European Mouton.
Journal of Social Theory, vol. 11, no 1, p. 25-49. Préteceille Edmond (1973), La Production des grands ensembles, Paris,
Park Robert Ezra (1925, 1984), “The City: Suggestions for the Inves- Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 79-126.
tigation of Human Behavior in the Urban Environment”, dans L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph & Yves
L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph & Yves tigation of Human Behavior in the Urban Environment”, dans
Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 79-126. Park Robert Ezra (1925, 1984), “The City: Suggestions for the Inves-
Préteceille Edmond (1973), La Production des grands ensembles, Paris, Journal of Social Theory, vol. 11, no 1, p. 25-49.
Mouton. Spaces Through the Simultaneity of Effect and Perception”, European
Raymond Henri, Haumont Nicole, Raymond Marie-Geneviève & Löw Martina (2008), “The Constitution of Space: the Structuration of
Haumont Antoine (1966), L’Habitat pavillonnaire, préface d’Henri d’infrastructures », Entreprises et histoire, no 30, p. 7-31.
Lefebvre, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches Lorrain Dominique (2002), « Capitalismes urbains : la montée des firmes
d’urbanisme. Ledrut Raymond (1977), L’Espace en question, Paris, Anthropos.
Raymond Marie-Geneviève (1966), La Politique pavillonnaire, Paris, techniques et universitaires romandes, p. 87-102.
Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches d’urbanisme. Vincent Kaufmann & Dominique Joye (dir.), Lausanne, Presses poly-
Simmel Georg (1903, 2013), Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit, Jean- visiter l’urbain ? », dans Enjeux de la sociologie urbaine, Michel Bassand,
Louis Vieillard-Baron & Frédéric Joly (trad.), Paris, Payot & Rivages. Kaufmann Vincent (2001, 2007), « La motilité : une notion clé pour re-
Topalov Christian (1974), Les Promoteurs immobiliers : contribution à l’ana- Hoggart Richard (1957), The Uses of Literacy, Londres, Chatto and Windus.
lyse de la production capitaliste du logement en France, Paris, Mouton. ches d’urbanisme.
Verret Michel (1972), «  Halbwachs ou le deuxième âge du durkhei- mode d’habitat, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recher-
misme », Cahiers internationaux de sociologie, no 53, p. 311-331. Haumont Nicole (1966), Les Pavillonnaires : étude psychosociologique d’un
Whyte William H. (1956), The Organisation Man, New York, Simon and Seuil.
Schuster. Hall Edward T. (1971), La Dimension cachée, Amélie Petita (trad.), Paris,
Wirth Louis (1938, 1984), «  Le phénomène urbain comme mode de Halbwachs Maurice (1938), Morphologie sociale, Paris, Armand Colin.
vie », dans L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph (trad.), Paris, Presses universitaires de France.
& Yves Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 255-282. Giddens Anthony (1984, 1987), La Constitution de la société, Michel Audet
Young Michael D. & Willmott Peter (1957), Family and Kinship in East
London, Londres, Routledge and Kegan Paul.
235 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre

Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre 235


London, Londres, Routledge and Kegan Paul.
Young Michael D. & Willmott Peter (1957), Family and Kinship in East
Giddens Anthony (1984, 1987), La Constitution de la société, Michel Audet & Yves Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 255-282.
(trad.), Paris, Presses universitaires de France. vie », dans L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph
Halbwachs Maurice (1938), Morphologie sociale, Paris, Armand Colin. Wirth Louis (1938, 1984), «  Le phénomène urbain comme mode de
Hall Edward T. (1971), La Dimension cachée, Amélie Petita (trad.), Paris, Schuster.
Seuil. Whyte William H. (1956), The Organisation Man, New York, Simon and
Haumont Nicole (1966), Les Pavillonnaires : étude psychosociologique d’un misme », Cahiers internationaux de sociologie, no 53, p. 311-331.
mode d’habitat, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recher- Verret Michel (1972), «  Halbwachs ou le deuxième âge du durkhei-
ches d’urbanisme. lyse de la production capitaliste du logement en France, Paris, Mouton.
Hoggart Richard (1957), The Uses of Literacy, Londres, Chatto and Windus. Topalov Christian (1974), Les Promoteurs immobiliers : contribution à l’ana-
Kaufmann Vincent (2001, 2007), « La motilité : une notion clé pour re- Louis Vieillard-Baron & Frédéric Joly (trad.), Paris, Payot & Rivages.
visiter l’urbain ? », dans Enjeux de la sociologie urbaine, Michel Bassand, Simmel Georg (1903, 2013), Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit, Jean-
Vincent Kaufmann & Dominique Joye (dir.), Lausanne, Presses poly- Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches d’urbanisme.
techniques et universitaires romandes, p. 87-102. Raymond Marie-Geneviève (1966), La Politique pavillonnaire, Paris,
Ledrut Raymond (1977), L’Espace en question, Paris, Anthropos. d’urbanisme.
Lorrain Dominique (2002), « Capitalismes urbains : la montée des firmes Lefebvre, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches
d’infrastructures », Entreprises et histoire, no 30, p. 7-31. Haumont Antoine (1966), L’Habitat pavillonnaire, préface d’Henri
Löw Martina (2008), “The Constitution of Space: the Structuration of Raymond Henri, Haumont Nicole, Raymond Marie-Geneviève &
Spaces Through the Simultaneity of Effect and Perception”, European Mouton.
Journal of Social Theory, vol. 11, no 1, p. 25-49. Préteceille Edmond (1973), La Production des grands ensembles, Paris,
Park Robert Ezra (1925, 1984), “The City: Suggestions for the Inves- Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 79-126.
tigation of Human Behavior in the Urban Environment”, dans L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph & Yves
L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph & Yves tigation of Human Behavior in the Urban Environment”, dans
Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 79-126. Park Robert Ezra (1925, 1984), “The City: Suggestions for the Inves-
Préteceille Edmond (1973), La Production des grands ensembles, Paris, Journal of Social Theory, vol. 11, no 1, p. 25-49.
Mouton. Spaces Through the Simultaneity of Effect and Perception”, European
Raymond Henri, Haumont Nicole, Raymond Marie-Geneviève & Löw Martina (2008), “The Constitution of Space: the Structuration of
Haumont Antoine (1966), L’Habitat pavillonnaire, préface d’Henri d’infrastructures », Entreprises et histoire, no 30, p. 7-31.
Lefebvre, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches Lorrain Dominique (2002), « Capitalismes urbains : la montée des firmes
d’urbanisme. Ledrut Raymond (1977), L’Espace en question, Paris, Anthropos.
Raymond Marie-Geneviève (1966), La Politique pavillonnaire, Paris, techniques et universitaires romandes, p. 87-102.
Institut de sociologie urbaine, Centre de recherches d’urbanisme. Vincent Kaufmann & Dominique Joye (dir.), Lausanne, Presses poly-
Simmel Georg (1903, 2013), Les Grandes Villes et la Vie de l’esprit, Jean- visiter l’urbain ? », dans Enjeux de la sociologie urbaine, Michel Bassand,
Louis Vieillard-Baron & Frédéric Joly (trad.), Paris, Payot & Rivages. Kaufmann Vincent (2001, 2007), « La motilité : une notion clé pour re-
Topalov Christian (1974), Les Promoteurs immobiliers : contribution à l’ana- Hoggart Richard (1957), The Uses of Literacy, Londres, Chatto and Windus.
lyse de la production capitaliste du logement en France, Paris, Mouton. ches d’urbanisme.
Verret Michel (1972), «  Halbwachs ou le deuxième âge du durkhei- mode d’habitat, Paris, Institut de sociologie urbaine, Centre de recher-
misme », Cahiers internationaux de sociologie, no 53, p. 311-331. Haumont Nicole (1966), Les Pavillonnaires : étude psychosociologique d’un
Whyte William H. (1956), The Organisation Man, New York, Simon and Seuil.
Schuster. Hall Edward T. (1971), La Dimension cachée, Amélie Petita (trad.), Paris,
Wirth Louis (1938, 1984), «  Le phénomène urbain comme mode de Halbwachs Maurice (1938), Morphologie sociale, Paris, Armand Colin.
vie », dans L’École de Chicago : naissance de l’écologie urbaine, Isaac Joseph (trad.), Paris, Presses universitaires de France.
& Yves Grafmeyer (trad.), Paris, Aubier, p. 255-282. Giddens Anthony (1984, 1987), La Constitution de la société, Michel Audet
Young Michael D. & Willmott Peter (1957), Family and Kinship in East
London, Londres, Routledge and Kegan Paul.
235 Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
métro, Aux Lieux d’être, 2007.
Presses universitaires de Rennes, et Verbaliser le client : les contrôleurs du
Frontières urbaines : les mondes sociaux des copropriétés fermées, à paraître aux
porté sur l’Argentine, la France et l’Angleterre. Elle a notamment publié
les et le classement résidentiel, la relation de service. Ses enquêtes ont
de sécurité autour du logement, le marquage des frontières territoria-
tiel. Ses thèmes de recherche sont l’usage et la circulation des dispositifs
PRÉSENTATION DES AUTEURS dans un quartier d’habitat social et sur les enjeux de classement résiden-
King’s College de Londres sur la mise en place de dispositifs de sécurité
a réalisé une recherche postdoctorale au département de géographie du
urbaines : les mondes sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires. Elle
Elle a soutenu sa thèse à l’EHESS en 2011 : La Production des frontières
Enquête, terrains, théories du Centre Maurice Halbwachs (CMH-ETT).
aux espaces ruraux (CESAER-INRA) et membre associée à l’équipe
Jennifer Bidet est enseignante (agrégée préparatrice) à l’ENS Paris. Elle che au Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et
a préparé et soutenu à l’Université Lumière Lyon 2, au sein de l’équipe Eleonora Elguezabal est sociologue, actuellement chargée de recher-
Modes, espaces et processus de socialisation (MEPS) du Centre Max
Weber, sa thèse intitulée Vacances au bled de descendants d’immigrés algé- classes moyennes, les choix résidentiels et la place des enfants dans la ville.
riens.Trajectoires, pratiques, appartenances. Initialement formée à la sociologie la gentrification des anciens quartiers populaires, les transformations des
urbaine, elle s’est spécialisée en sociologie des migrations et interroge les 2005, soutenue en 2010 à l’Université Lumière Lyon 2. Elle travaille sur
liens avec le pays d’origine, tels qu’ils sont maintenus ou reconstruits par social et changement urbain dans le Bas-Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-
des descendants d’immigrés à travers des pratiques matérielles directes lée Générations de classes moyennes et travail de gentrification. Changement
– en l’occurrence, les séjours de vacances dans le pays de naissance des (SAGE, UMR 7363). Elle est l’auteure d’une thèse de sociologie intitu-
parents. membre du laboratoire Sociétés, acteurs et gouvernements en Europe
Anaïs Collet est maîtresse de conférences à l’Université de Strasbourg,
Anaïs Collet est maîtresse de conférences à l’Université de Strasbourg,
membre du laboratoire Sociétés, acteurs et gouvernements en Europe parents.
(SAGE, UMR 7363). Elle est l’auteure d’une thèse de sociologie intitu- – en l’occurrence, les séjours de vacances dans le pays de naissance des
lée Générations de classes moyennes et travail de gentrification. Changement des descendants d’immigrés à travers des pratiques matérielles directes
social et changement urbain dans le Bas-Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975- liens avec le pays d’origine, tels qu’ils sont maintenus ou reconstruits par
2005, soutenue en 2010 à l’Université Lumière Lyon 2. Elle travaille sur urbaine, elle s’est spécialisée en sociologie des migrations et interroge les
la gentrification des anciens quartiers populaires, les transformations des riens.Trajectoires, pratiques, appartenances. Initialement formée à la sociologie
classes moyennes, les choix résidentiels et la place des enfants dans la ville. Weber, sa thèse intitulée Vacances au bled de descendants d’immigrés algé-
Modes, espaces et processus de socialisation (MEPS) du Centre Max
Eleonora Elguezabal est sociologue, actuellement chargée de recher- a préparé et soutenu à l’Université Lumière Lyon 2, au sein de l’équipe
che au Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et Jennifer Bidet est enseignante (agrégée préparatrice) à l’ENS Paris. Elle
aux espaces ruraux (CESAER-INRA) et membre associée à l’équipe
Enquête, terrains, théories du Centre Maurice Halbwachs (CMH-ETT).
Elle a soutenu sa thèse à l’EHESS en 2011 : La Production des frontières
urbaines : les mondes sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires. Elle
a réalisé une recherche postdoctorale au département de géographie du
King’s College de Londres sur la mise en place de dispositifs de sécurité
dans un quartier d’habitat social et sur les enjeux de classement résiden- PRÉSENTATION DES AUTEURS
tiel. Ses thèmes de recherche sont l’usage et la circulation des dispositifs
de sécurité autour du logement, le marquage des frontières territoria-
les et le classement résidentiel, la relation de service. Ses enquêtes ont
porté sur l’Argentine, la France et l’Angleterre. Elle a notamment publié
Frontières urbaines : les mondes sociaux des copropriétés fermées, à paraître aux
Presses universitaires de Rennes, et Verbaliser le client : les contrôleurs du
métro, Aux Lieux d’être, 2007.

métro, Aux Lieux d’être, 2007.


Presses universitaires de Rennes, et Verbaliser le client : les contrôleurs du
Frontières urbaines : les mondes sociaux des copropriétés fermées, à paraître aux
porté sur l’Argentine, la France et l’Angleterre. Elle a notamment publié
les et le classement résidentiel, la relation de service. Ses enquêtes ont
de sécurité autour du logement, le marquage des frontières territoria-
tiel. Ses thèmes de recherche sont l’usage et la circulation des dispositifs
PRÉSENTATION DES AUTEURS dans un quartier d’habitat social et sur les enjeux de classement résiden-
King’s College de Londres sur la mise en place de dispositifs de sécurité
a réalisé une recherche postdoctorale au département de géographie du
urbaines : les mondes sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires. Elle
Elle a soutenu sa thèse à l’EHESS en 2011 : La Production des frontières
Enquête, terrains, théories du Centre Maurice Halbwachs (CMH-ETT).
aux espaces ruraux (CESAER-INRA) et membre associée à l’équipe
Jennifer Bidet est enseignante (agrégée préparatrice) à l’ENS Paris. Elle che au Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et
a préparé et soutenu à l’Université Lumière Lyon 2, au sein de l’équipe Eleonora Elguezabal est sociologue, actuellement chargée de recher-
Modes, espaces et processus de socialisation (MEPS) du Centre Max
Weber, sa thèse intitulée Vacances au bled de descendants d’immigrés algé- classes moyennes, les choix résidentiels et la place des enfants dans la ville.
riens.Trajectoires, pratiques, appartenances. Initialement formée à la sociologie la gentrification des anciens quartiers populaires, les transformations des
urbaine, elle s’est spécialisée en sociologie des migrations et interroge les 2005, soutenue en 2010 à l’Université Lumière Lyon 2. Elle travaille sur
liens avec le pays d’origine, tels qu’ils sont maintenus ou reconstruits par social et changement urbain dans le Bas-Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975-
des descendants d’immigrés à travers des pratiques matérielles directes lée Générations de classes moyennes et travail de gentrification. Changement
– en l’occurrence, les séjours de vacances dans le pays de naissance des (SAGE, UMR 7363). Elle est l’auteure d’une thèse de sociologie intitu-
parents. membre du laboratoire Sociétés, acteurs et gouvernements en Europe
Anaïs Collet est maîtresse de conférences à l’Université de Strasbourg,
Anaïs Collet est maîtresse de conférences à l’Université de Strasbourg,
membre du laboratoire Sociétés, acteurs et gouvernements en Europe parents.
(SAGE, UMR 7363). Elle est l’auteure d’une thèse de sociologie intitu- – en l’occurrence, les séjours de vacances dans le pays de naissance des
lée Générations de classes moyennes et travail de gentrification. Changement des descendants d’immigrés à travers des pratiques matérielles directes
social et changement urbain dans le Bas-Montreuil et à la Croix-Rousse, 1975- liens avec le pays d’origine, tels qu’ils sont maintenus ou reconstruits par
2005, soutenue en 2010 à l’Université Lumière Lyon 2. Elle travaille sur urbaine, elle s’est spécialisée en sociologie des migrations et interroge les
la gentrification des anciens quartiers populaires, les transformations des riens.Trajectoires, pratiques, appartenances. Initialement formée à la sociologie
classes moyennes, les choix résidentiels et la place des enfants dans la ville. Weber, sa thèse intitulée Vacances au bled de descendants d’immigrés algé-
Modes, espaces et processus de socialisation (MEPS) du Centre Max
Eleonora Elguezabal est sociologue, actuellement chargée de recher- a préparé et soutenu à l’Université Lumière Lyon 2, au sein de l’équipe
che au Centre d’économie et de sociologie appliquées à l’agriculture et Jennifer Bidet est enseignante (agrégée préparatrice) à l’ENS Paris. Elle
aux espaces ruraux (CESAER-INRA) et membre associée à l’équipe
Enquête, terrains, théories du Centre Maurice Halbwachs (CMH-ETT).
Elle a soutenu sa thèse à l’EHESS en 2011 : La Production des frontières
urbaines : les mondes sociaux des « copropriétés fermées » à Buenos Aires. Elle
a réalisé une recherche postdoctorale au département de géographie du
King’s College de Londres sur la mise en place de dispositifs de sécurité
dans un quartier d’habitat social et sur les enjeux de classement résiden- PRÉSENTATION DES AUTEURS
tiel. Ses thèmes de recherche sont l’usage et la circulation des dispositifs
de sécurité autour du logement, le marquage des frontières territoria-
les et le classement résidentiel, la relation de service. Ses enquêtes ont
porté sur l’Argentine, la France et l’Angleterre. Elle a notamment publié
Frontières urbaines : les mondes sociaux des copropriétés fermées, à paraître aux
Presses universitaires de Rennes, et Verbaliser le client : les contrôleurs du
métro, Aux Lieux d’être, 2007.
ratoire d’ethnographie métropolitaine (LeMetro, Instituto de filosophia e
l’université catholique de Rio de Janeiro (PUC-RJ), membre du Labo- 238 La jeune sociologie urbaine
vimento científico e tecnológico (CNPq), maîtresse de conférences à
doctorale en anthropologie urbaine au Conselho nacional de desenvol-
Maira Machado-Martins est architecte-urbaniste, chercheure post- Aurélien Gentil est doctorant en sociologie à l’Université Lumière
Lyon 2, rattaché à l’équipe Modes, espaces et processus de socialisation
État de lieux, ENS Éditions, 2012. (MEPS) du Centre Max Weber. Son travail de thèse s’intitule Entre ancra-
film dans la recherche urbaine. Elle est notamment l’auteure de Gerland. ges et mobilités : les dimensions spatiales du processus de socialisation des salariés
s’intéresse tout particulièrement aux apports de la photographie et du bi-saisonniers mobiles du tourisme.
et de l’anthropologie visuelle. Également photographe et vidéaste, elle
bilité. Sa démarche se situe à la croisée de l’ethnologie, de la sémiotique Violaine Girard est maîtresse de conférences en sociologie à l’Univer-
les pratiques, les représentations et les imaginaires de la ville et de la mo- sité de Rouen et membre du laboratoire Dynamiques sociales et langa-
pologie poétique de l’anonymat parisien. Ses recherches actuelles portent sur gières (Dysola, EA 4701). Elle a soutenu sa thèse en 2009 à l’EHESS : Un
Université Paris 4), sa thèse s’intitule Corps à corps urbains.Vers une anthro- territoire périurbain, industriel et ouvrier. Promotions résidentielles de ménages
2007 au CELSA (Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées, des classes populaires et trajectoires d’élus salariés intermédiaires de l’industrie.
logies des transports, de l’aménagement et des réseaux). Soutenue en Elle a poursuivi cette enquête en explorant les formes de politisation de
nationale des ponts et chaussées, Institut français des sciences et techno- ménages populaires dont les trajectoires sociales sont liées aux évolutions
mobilité transport (UMR Université Paris-Est Marne-la-Vallée, École des emplois industriels.
et aménagement à l’Université Paris-Est, membre du laboratoire Ville
tion et de la communication, maîtresse de conférences en urbanisme Colin Giraud est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris-
Anne Jarrigeon est anthropologue, docteure en sciences de l’informa- Ouest Nanterre La Défense, où il est membre du laboratoire Sociologie,
philosophie et socio-anthropologie politiques (Sophiapol, EA 3932). Il est
ticles et publiera en 2014 Quartiers gays, aux Presses universitaires de France. aussi membre du Centre Max Weber (Université Lumière Lyon 2). Ses tra-
gays dans la gentrification à Paris et Montréal, il a fait paraître plusieurs ar- vaux portent sur les transformations des centres métropolitains, les dimen-
suite d’une thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2 sur le rôle des sions spatiales de la socialisation et la sociologie des homosexualités. À la
sions spatiales de la socialisation et la sociologie des homosexualités. À la suite d’une thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2 sur le rôle des
vaux portent sur les transformations des centres métropolitains, les dimen- gays dans la gentrification à Paris et Montréal, il a fait paraître plusieurs ar-
aussi membre du Centre Max Weber (Université Lumière Lyon 2). Ses tra- ticles et publiera en 2014 Quartiers gays, aux Presses universitaires de France.
philosophie et socio-anthropologie politiques (Sophiapol, EA 3932). Il est
Ouest Nanterre La Défense, où il est membre du laboratoire Sociologie, Anne Jarrigeon est anthropologue, docteure en sciences de l’informa-
Colin Giraud est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris- tion et de la communication, maîtresse de conférences en urbanisme
et aménagement à l’Université Paris-Est, membre du laboratoire Ville
des emplois industriels. mobilité transport (UMR Université Paris-Est Marne-la-Vallée, École
ménages populaires dont les trajectoires sociales sont liées aux évolutions nationale des ponts et chaussées, Institut français des sciences et techno-
Elle a poursuivi cette enquête en explorant les formes de politisation de logies des transports, de l’aménagement et des réseaux). Soutenue en
des classes populaires et trajectoires d’élus salariés intermédiaires de l’industrie. 2007 au CELSA (Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées,
territoire périurbain, industriel et ouvrier. Promotions résidentielles de ménages Université Paris 4), sa thèse s’intitule Corps à corps urbains.Vers une anthro-
gières (Dysola, EA 4701). Elle a soutenu sa thèse en 2009 à l’EHESS : Un pologie poétique de l’anonymat parisien. Ses recherches actuelles portent sur
sité de Rouen et membre du laboratoire Dynamiques sociales et langa- les pratiques, les représentations et les imaginaires de la ville et de la mo-
Violaine Girard est maîtresse de conférences en sociologie à l’Univer- bilité. Sa démarche se situe à la croisée de l’ethnologie, de la sémiotique
et de l’anthropologie visuelle. Également photographe et vidéaste, elle
bi-saisonniers mobiles du tourisme. s’intéresse tout particulièrement aux apports de la photographie et du
ges et mobilités : les dimensions spatiales du processus de socialisation des salariés film dans la recherche urbaine. Elle est notamment l’auteure de Gerland.
(MEPS) du Centre Max Weber. Son travail de thèse s’intitule Entre ancra- État de lieux, ENS Éditions, 2012.
Lyon 2, rattaché à l’équipe Modes, espaces et processus de socialisation
Aurélien Gentil est doctorant en sociologie à l’Université Lumière Maira Machado-Martins est architecte-urbaniste, chercheure post-
doctorale en anthropologie urbaine au Conselho nacional de desenvol-
vimento científico e tecnológico (CNPq), maîtresse de conférences à
La jeune sociologie urbaine 238 l’université catholique de Rio de Janeiro (PUC-RJ), membre du Labo-
ratoire d’ethnographie métropolitaine (LeMetro, Instituto de filosophia e

ratoire d’ethnographie métropolitaine (LeMetro, Instituto de filosophia e


l’université catholique de Rio de Janeiro (PUC-RJ), membre du Labo- 238 La jeune sociologie urbaine
vimento científico e tecnológico (CNPq), maîtresse de conférences à
doctorale en anthropologie urbaine au Conselho nacional de desenvol-
Maira Machado-Martins est architecte-urbaniste, chercheure post- Aurélien Gentil est doctorant en sociologie à l’Université Lumière
Lyon 2, rattaché à l’équipe Modes, espaces et processus de socialisation
État de lieux, ENS Éditions, 2012. (MEPS) du Centre Max Weber. Son travail de thèse s’intitule Entre ancra-
film dans la recherche urbaine. Elle est notamment l’auteure de Gerland. ges et mobilités : les dimensions spatiales du processus de socialisation des salariés
s’intéresse tout particulièrement aux apports de la photographie et du bi-saisonniers mobiles du tourisme.
et de l’anthropologie visuelle. Également photographe et vidéaste, elle
bilité. Sa démarche se situe à la croisée de l’ethnologie, de la sémiotique Violaine Girard est maîtresse de conférences en sociologie à l’Univer-
les pratiques, les représentations et les imaginaires de la ville et de la mo- sité de Rouen et membre du laboratoire Dynamiques sociales et langa-
pologie poétique de l’anonymat parisien. Ses recherches actuelles portent sur gières (Dysola, EA 4701). Elle a soutenu sa thèse en 2009 à l’EHESS : Un
Université Paris 4), sa thèse s’intitule Corps à corps urbains.Vers une anthro- territoire périurbain, industriel et ouvrier. Promotions résidentielles de ménages
2007 au CELSA (Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées, des classes populaires et trajectoires d’élus salariés intermédiaires de l’industrie.
logies des transports, de l’aménagement et des réseaux). Soutenue en Elle a poursuivi cette enquête en explorant les formes de politisation de
nationale des ponts et chaussées, Institut français des sciences et techno- ménages populaires dont les trajectoires sociales sont liées aux évolutions
mobilité transport (UMR Université Paris-Est Marne-la-Vallée, École des emplois industriels.
et aménagement à l’Université Paris-Est, membre du laboratoire Ville
tion et de la communication, maîtresse de conférences en urbanisme Colin Giraud est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris-
Anne Jarrigeon est anthropologue, docteure en sciences de l’informa- Ouest Nanterre La Défense, où il est membre du laboratoire Sociologie,
philosophie et socio-anthropologie politiques (Sophiapol, EA 3932). Il est
ticles et publiera en 2014 Quartiers gays, aux Presses universitaires de France. aussi membre du Centre Max Weber (Université Lumière Lyon 2). Ses tra-
gays dans la gentrification à Paris et Montréal, il a fait paraître plusieurs ar- vaux portent sur les transformations des centres métropolitains, les dimen-
suite d’une thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2 sur le rôle des sions spatiales de la socialisation et la sociologie des homosexualités. À la
sions spatiales de la socialisation et la sociologie des homosexualités. À la suite d’une thèse soutenue à l’Université Lumière Lyon 2 sur le rôle des
vaux portent sur les transformations des centres métropolitains, les dimen- gays dans la gentrification à Paris et Montréal, il a fait paraître plusieurs ar-
aussi membre du Centre Max Weber (Université Lumière Lyon 2). Ses tra- ticles et publiera en 2014 Quartiers gays, aux Presses universitaires de France.
philosophie et socio-anthropologie politiques (Sophiapol, EA 3932). Il est
Ouest Nanterre La Défense, où il est membre du laboratoire Sociologie, Anne Jarrigeon est anthropologue, docteure en sciences de l’informa-
Colin Giraud est maître de conférences en sociologie à l’Université Paris- tion et de la communication, maîtresse de conférences en urbanisme
et aménagement à l’Université Paris-Est, membre du laboratoire Ville
des emplois industriels. mobilité transport (UMR Université Paris-Est Marne-la-Vallée, École
ménages populaires dont les trajectoires sociales sont liées aux évolutions nationale des ponts et chaussées, Institut français des sciences et techno-
Elle a poursuivi cette enquête en explorant les formes de politisation de logies des transports, de l’aménagement et des réseaux). Soutenue en
des classes populaires et trajectoires d’élus salariés intermédiaires de l’industrie. 2007 au CELSA (Centre d’études littéraires et scientifiques appliquées,
territoire périurbain, industriel et ouvrier. Promotions résidentielles de ménages Université Paris 4), sa thèse s’intitule Corps à corps urbains.Vers une anthro-
gières (Dysola, EA 4701). Elle a soutenu sa thèse en 2009 à l’EHESS : Un pologie poétique de l’anonymat parisien. Ses recherches actuelles portent sur
sité de Rouen et membre du laboratoire Dynamiques sociales et langa- les pratiques, les représentations et les imaginaires de la ville et de la mo-
Violaine Girard est maîtresse de conférences en sociologie à l’Univer- bilité. Sa démarche se situe à la croisée de l’ethnologie, de la sémiotique
et de l’anthropologie visuelle. Également photographe et vidéaste, elle
bi-saisonniers mobiles du tourisme. s’intéresse tout particulièrement aux apports de la photographie et du
ges et mobilités : les dimensions spatiales du processus de socialisation des salariés film dans la recherche urbaine. Elle est notamment l’auteure de Gerland.
(MEPS) du Centre Max Weber. Son travail de thèse s’intitule Entre ancra- État de lieux, ENS Éditions, 2012.
Lyon 2, rattaché à l’équipe Modes, espaces et processus de socialisation
Aurélien Gentil est doctorant en sociologie à l’Université Lumière Maira Machado-Martins est architecte-urbaniste, chercheure post-
doctorale en anthropologie urbaine au Conselho nacional de desenvol-
vimento científico e tecnológico (CNPq), maîtresse de conférences à
La jeune sociologie urbaine 238 l’université catholique de Rio de Janeiro (PUC-RJ), membre du Labo-
ratoire d’ethnographie métropolitaine (LeMetro, Instituto de filosophia e
studi di Milano-Bicocca.
Présentation des auteurs 239 du changement (Institut d’études politiques de Paris) et l’Università degli
mixité sociale (Paris-Milan), en cotutelle avec l’Observatoire sociologique
sive de l’encadrement parental des pratiques urbaines des enfants en contexte de
ciências sociais, Universidade federal de Rio de Janeiro) et membre asso- espaces publics urbains : Ce que tous les parents disent ? Approche compréhen-
ciée au Lab’Urba (Université Paris-Est Marne-la-Vallée). Ses recherches visent à encadrer les déplacements et les activités des enfants au sein des
portent sur l’habitat informel et l’aménagement urbain. Sa thèse, intitulée cessus de socialisation urbaine sous l’entrée des pratiques parentales qui
Les Copropriétés populaires de l’avenida Brasil : étude d’une nouvelle forme et docteur en sociologie. Dans le cadre de sa thèse, il a interrogé le pro-
d’habitat informel à Rio de Janeiro dans les années 2000, a été soutenue à Clément Rivière est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris
l’Université Paris-Est en 2011.
le domaine de l’urbanisme.
Marie Muselle est actuellement commissaire d’arrondissement de la tion de la production de la ville et les pratiques de travail collaboratif dans
province de Namur (c’est-à-dire gouverneur adjoint) et maîtresse de et l’action collective à travers deux entrées complémentaires : la régula-
conférences à l’Université de Liège. Elle y assure des enseignements tant centre d’affaires d’Istanbul). Ses travaux portent sur la fabrication de la ville
dans le domaine du développement local et territorial que dans celui (L’Organisation de l’action collective urbaine. Le développement du nouveau
de la gestion de crise. Elle est également collaboratrice scientifique du Est Marne-la-Vallée). Elle est doctorante, en dernière année de thèse
Centre de recherche et d’intervention sociologique (CRIS) de l’Univer- tut français d’urbanisme et chercheure au Lab’Urba (Université Paris-
sité de Liège. Ses travaux portent sur la construction sociale et politique Burcu Özdirlik, architecte et urbaniste, est chargée de cours à l’Insti-
du cadre de vie et plus particulièrement sur la gestion des espaces péri-
urbains. Elle a entamé une thèse en cotutelle avec le Lab’Urba (Université l’exclusion.
Paris-Est Marne-la-Vallée) et le CRIS sur la gestion des espaces péri- lement dans le domaine de la sociologie urbaine et de la sociologie de
urbains dans les recompositions territoriales en Belgique et en France. des adolescents de zones urbaines sensibles. Ses travaux se situent principa-
dienne, socialisation et ségrégation : une analyse à partir des manières d’habiter
Nicolas Oppenchaim est maître de conférences en sociologie à en 2011 une thèse de sociologie à l’Université Paris-Est : Mobilité quoti-
l’Université François Rabelais de Tours et chercheur au laboratoire Cités, territoires, environnement et sociétés (Citeres, UMR 7324). Il a soutenu
territoires, environnement et sociétés (Citeres, UMR 7324). Il a soutenu l’Université François Rabelais de Tours et chercheur au laboratoire Cités,
en 2011 une thèse de sociologie à l’Université Paris-Est : Mobilité quoti- Nicolas Oppenchaim est maître de conférences en sociologie à
dienne, socialisation et ségrégation : une analyse à partir des manières d’habiter
des adolescents de zones urbaines sensibles. Ses travaux se situent principa- urbains dans les recompositions territoriales en Belgique et en France.
lement dans le domaine de la sociologie urbaine et de la sociologie de Paris-Est Marne-la-Vallée) et le CRIS sur la gestion des espaces péri-
l’exclusion. urbains. Elle a entamé une thèse en cotutelle avec le Lab’Urba (Université
du cadre de vie et plus particulièrement sur la gestion des espaces péri-
Burcu Özdirlik, architecte et urbaniste, est chargée de cours à l’Insti- sité de Liège. Ses travaux portent sur la construction sociale et politique
tut français d’urbanisme et chercheure au Lab’Urba (Université Paris- Centre de recherche et d’intervention sociologique (CRIS) de l’Univer-
Est Marne-la-Vallée). Elle est doctorante, en dernière année de thèse de la gestion de crise. Elle est également collaboratrice scientifique du
(L’Organisation de l’action collective urbaine. Le développement du nouveau dans le domaine du développement local et territorial que dans celui
centre d’affaires d’Istanbul). Ses travaux portent sur la fabrication de la ville conférences à l’Université de Liège. Elle y assure des enseignements tant
et l’action collective à travers deux entrées complémentaires : la régula- province de Namur (c’est-à-dire gouverneur adjoint) et maîtresse de
tion de la production de la ville et les pratiques de travail collaboratif dans Marie Muselle est actuellement commissaire d’arrondissement de la
le domaine de l’urbanisme.
l’Université Paris-Est en 2011.
Clément Rivière est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris d’habitat informel à Rio de Janeiro dans les années 2000, a été soutenue à
et docteur en sociologie. Dans le cadre de sa thèse, il a interrogé le pro- Les Copropriétés populaires de l’avenida Brasil : étude d’une nouvelle forme
cessus de socialisation urbaine sous l’entrée des pratiques parentales qui portent sur l’habitat informel et l’aménagement urbain. Sa thèse, intitulée
visent à encadrer les déplacements et les activités des enfants au sein des ciée au Lab’Urba (Université Paris-Est Marne-la-Vallée). Ses recherches
espaces publics urbains : Ce que tous les parents disent ? Approche compréhen- ciências sociais, Universidade federal de Rio de Janeiro) et membre asso-
sive de l’encadrement parental des pratiques urbaines des enfants en contexte de
mixité sociale (Paris-Milan), en cotutelle avec l’Observatoire sociologique
du changement (Institut d’études politiques de Paris) et l’Università degli 239 Présentation des auteurs
studi di Milano-Bicocca.

studi di Milano-Bicocca.
Présentation des auteurs 239 du changement (Institut d’études politiques de Paris) et l’Università degli
mixité sociale (Paris-Milan), en cotutelle avec l’Observatoire sociologique
sive de l’encadrement parental des pratiques urbaines des enfants en contexte de
ciências sociais, Universidade federal de Rio de Janeiro) et membre asso- espaces publics urbains : Ce que tous les parents disent ? Approche compréhen-
ciée au Lab’Urba (Université Paris-Est Marne-la-Vallée). Ses recherches visent à encadrer les déplacements et les activités des enfants au sein des
portent sur l’habitat informel et l’aménagement urbain. Sa thèse, intitulée cessus de socialisation urbaine sous l’entrée des pratiques parentales qui
Les Copropriétés populaires de l’avenida Brasil : étude d’une nouvelle forme et docteur en sociologie. Dans le cadre de sa thèse, il a interrogé le pro-
d’habitat informel à Rio de Janeiro dans les années 2000, a été soutenue à Clément Rivière est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris
l’Université Paris-Est en 2011.
le domaine de l’urbanisme.
Marie Muselle est actuellement commissaire d’arrondissement de la tion de la production de la ville et les pratiques de travail collaboratif dans
province de Namur (c’est-à-dire gouverneur adjoint) et maîtresse de et l’action collective à travers deux entrées complémentaires : la régula-
conférences à l’Université de Liège. Elle y assure des enseignements tant centre d’affaires d’Istanbul). Ses travaux portent sur la fabrication de la ville
dans le domaine du développement local et territorial que dans celui (L’Organisation de l’action collective urbaine. Le développement du nouveau
de la gestion de crise. Elle est également collaboratrice scientifique du Est Marne-la-Vallée). Elle est doctorante, en dernière année de thèse
Centre de recherche et d’intervention sociologique (CRIS) de l’Univer- tut français d’urbanisme et chercheure au Lab’Urba (Université Paris-
sité de Liège. Ses travaux portent sur la construction sociale et politique Burcu Özdirlik, architecte et urbaniste, est chargée de cours à l’Insti-
du cadre de vie et plus particulièrement sur la gestion des espaces péri-
urbains. Elle a entamé une thèse en cotutelle avec le Lab’Urba (Université l’exclusion.
Paris-Est Marne-la-Vallée) et le CRIS sur la gestion des espaces péri- lement dans le domaine de la sociologie urbaine et de la sociologie de
urbains dans les recompositions territoriales en Belgique et en France. des adolescents de zones urbaines sensibles. Ses travaux se situent principa-
dienne, socialisation et ségrégation : une analyse à partir des manières d’habiter
Nicolas Oppenchaim est maître de conférences en sociologie à en 2011 une thèse de sociologie à l’Université Paris-Est : Mobilité quoti-
l’Université François Rabelais de Tours et chercheur au laboratoire Cités, territoires, environnement et sociétés (Citeres, UMR 7324). Il a soutenu
territoires, environnement et sociétés (Citeres, UMR 7324). Il a soutenu l’Université François Rabelais de Tours et chercheur au laboratoire Cités,
en 2011 une thèse de sociologie à l’Université Paris-Est : Mobilité quoti- Nicolas Oppenchaim est maître de conférences en sociologie à
dienne, socialisation et ségrégation : une analyse à partir des manières d’habiter
des adolescents de zones urbaines sensibles. Ses travaux se situent principa- urbains dans les recompositions territoriales en Belgique et en France.
lement dans le domaine de la sociologie urbaine et de la sociologie de Paris-Est Marne-la-Vallée) et le CRIS sur la gestion des espaces péri-
l’exclusion. urbains. Elle a entamé une thèse en cotutelle avec le Lab’Urba (Université
du cadre de vie et plus particulièrement sur la gestion des espaces péri-
Burcu Özdirlik, architecte et urbaniste, est chargée de cours à l’Insti- sité de Liège. Ses travaux portent sur la construction sociale et politique
tut français d’urbanisme et chercheure au Lab’Urba (Université Paris- Centre de recherche et d’intervention sociologique (CRIS) de l’Univer-
Est Marne-la-Vallée). Elle est doctorante, en dernière année de thèse de la gestion de crise. Elle est également collaboratrice scientifique du
(L’Organisation de l’action collective urbaine. Le développement du nouveau dans le domaine du développement local et territorial que dans celui
centre d’affaires d’Istanbul). Ses travaux portent sur la fabrication de la ville conférences à l’Université de Liège. Elle y assure des enseignements tant
et l’action collective à travers deux entrées complémentaires : la régula- province de Namur (c’est-à-dire gouverneur adjoint) et maîtresse de
tion de la production de la ville et les pratiques de travail collaboratif dans Marie Muselle est actuellement commissaire d’arrondissement de la
le domaine de l’urbanisme.
l’Université Paris-Est en 2011.
Clément Rivière est diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris d’habitat informel à Rio de Janeiro dans les années 2000, a été soutenue à
et docteur en sociologie. Dans le cadre de sa thèse, il a interrogé le pro- Les Copropriétés populaires de l’avenida Brasil : étude d’une nouvelle forme
cessus de socialisation urbaine sous l’entrée des pratiques parentales qui portent sur l’habitat informel et l’aménagement urbain. Sa thèse, intitulée
visent à encadrer les déplacements et les activités des enfants au sein des ciée au Lab’Urba (Université Paris-Est Marne-la-Vallée). Ses recherches
espaces publics urbains : Ce que tous les parents disent ? Approche compréhen- ciências sociais, Universidade federal de Rio de Janeiro) et membre asso-
sive de l’encadrement parental des pratiques urbaines des enfants en contexte de
mixité sociale (Paris-Milan), en cotutelle avec l’Observatoire sociologique
du changement (Institut d’études politiques de Paris) et l’Università degli 239 Présentation des auteurs
studi di Milano-Bicocca.
Clément Rivière
approche par l’encadrement parental en contexte de mixité sociale ...................  105
Pratiques urbaines et ségrégation :

TABLE DES MATIÈRES


Violaine Girard
pavillonnaire et restructurations de l’emploi industriel (1982-1999) ....................  85
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain : accès à la propriété

AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION

Introduction ..............................................................................................  5
Anne Jarrigeon
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines ...............................  68

MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES


Nicolas Oppenchaim
la mobilité des adolescents de ZUS franciliennes ..............................................  51
Accessibilité, dispositions et épreuve :
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles du tourisme :
trois manières d’habiter l’espace-temps saisonnier ...........................................  11
Aurélien Gentil
Jennifer Bidet
l’espace comme support concret des identités .................................................  33
Vacances au bled et rapports aux origines :
Vacances au bled et rapports aux origines :
l’espace comme support concret des identités .................................................  33
Jennifer Bidet
Aurélien Gentil
trois manières d’habiter l’espace-temps saisonnier ...........................................  11
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles du tourisme :
Accessibilité, dispositions et épreuve :
la mobilité des adolescents de ZUS franciliennes ..............................................  51 MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES
Nicolas Oppenchaim

Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines ...............................  68


Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
Anne Jarrigeon
Introduction ..............................................................................................  5

AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION

Des classes populaires en recomposition dans le périurbain : accès à la propriété


pavillonnaire et restructurations de l’emploi industriel (1982-1999) ....................  85 TABLE DES MATIÈRES
Violaine Girard

Pratiques urbaines et ségrégation :


approche par l’encadrement parental en contexte de mixité sociale ...................  105
Clément Rivière

Clément Rivière
approche par l’encadrement parental en contexte de mixité sociale ...................  105
Pratiques urbaines et ségrégation :

TABLE DES MATIÈRES


Violaine Girard
pavillonnaire et restructurations de l’emploi industriel (1982-1999) ....................  85
Des classes populaires en recomposition dans le périurbain : accès à la propriété

AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION

Introduction ..............................................................................................  5
Anne Jarrigeon
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines ...............................  68

MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES


Nicolas Oppenchaim
la mobilité des adolescents de ZUS franciliennes ..............................................  51
Accessibilité, dispositions et épreuve :
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles du tourisme :
trois manières d’habiter l’espace-temps saisonnier ...........................................  11
Aurélien Gentil
Jennifer Bidet
l’espace comme support concret des identités .................................................  33
Vacances au bled et rapports aux origines :
Vacances au bled et rapports aux origines :
l’espace comme support concret des identités .................................................  33
Jennifer Bidet
Aurélien Gentil
trois manières d’habiter l’espace-temps saisonnier ...........................................  11
Trajectoires et processus de socialisation des salariés mobiles du tourisme :
Accessibilité, dispositions et épreuve :
la mobilité des adolescents de ZUS franciliennes ..............................................  51 MOBILITÉS, ANCRAGES, EXPÉRIENCES CITADINES
Nicolas Oppenchaim

Pour une anthropologie poétique des expériences urbaines ...............................  68


Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
Anne Jarrigeon
Introduction ..............................................................................................  5

AGRÉGATION, SÉGRÉGATION, GENTRIFICATION

Des classes populaires en recomposition dans le périurbain : accès à la propriété


pavillonnaire et restructurations de l’emploi industriel (1982-1999) ....................  85 TABLE DES MATIÈRES
Violaine Girard

Pratiques urbaines et ségrégation :


approche par l’encadrement parental en contexte de mixité sociale ...................  105
Clément Rivière
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?
Le travail de conversion immobilière dans le Bas-Montreuil .............................  119
Anaïs Collet

Renouveler les approches de la gentrification : le cas de la « gaytrification » ........  137


Colin Giraud
Présentation des auteurs ........................................................................... 237

PRODUCTION DE L’ESPACE ET ACTION COLLECTIVE


Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
et renouvellent la sociologie urbaine aujourd’hui ..........................................  221
Comment les jeunes chercheurs construisent L’organisation de l’action collective urbaine :
le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul ..............................  155
Burcu Özdirlik
POSTFACE
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? ..........................  173
Eleonora Elguezabal Marie Muselle
gestion et classement résidentiel à Buenos Aires ...........................................  203
Faire de l’immeuble une « copropriété fermée » :
Le logement populaire comme révélateur des transformations socio-urbaines .....  189
Maira Machado-Martins
Maira Machado-Martins
Le logement populaire comme révélateur des transformations socio-urbaines .....  189
Faire de l’immeuble une « copropriété fermée » :
gestion et classement résidentiel à Buenos Aires ...........................................  203
Marie Muselle Eleonora Elguezabal
Le périurbain : terrain ou concept pour la sociologie urbaine ? ..........................  173

POSTFACE
Burcu Özdirlik
le développement du nouveau centre d’affaires d’Istanbul ..............................  155
L’organisation de l’action collective urbaine : Comment les jeunes chercheurs construisent
et renouvellent la sociologie urbaine aujourd’hui ..........................................  221
Jean-Yves Authier, Alain Bourdin & Marie-Pierre Lefeuvre
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Présentation des auteurs ........................................................................... 237
Colin Giraud
Renouveler les approches de la gentrification : le cas de la « gaytrification » ........  137

Anaïs Collet
Le travail de conversion immobilière dans le Bas-Montreuil .............................  119
Les habitants, producteurs d’espaces gentrifiés ?

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Anaïs Collet

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Colin Giraud
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Eleonora Elguezabal Marie Muselle
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Maira Machado-Martins
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Dépôt légal : juin 2014
2, rue de la Pinsonnière – 37260 Monts
par Présence graphique
Achevé d’imprimer en juin 2014

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par Présence graphique
2, rue de la Pinsonnière – 37260 Monts
Dépôt légal : juin 2014

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