Vous êtes sur la page 1sur 2

Quelques repères autour de la notion de religion

Repères conceptuels généraux Points de vue sur l’existence de Dieu

- CROYANCE (sens général) : attitude de l’esprit consistant à - ATHÉISME : thèse niant l’existence de toute divinité, quelle
tenir quelque chose pour vrai. qu’elle soit, et affirmant que seule la réalité matérielle est
réelle.
- CROIRE QUE (aspect théorique de la croyance) : renvoie à
une dimension intellectuelle, ici la croyance est définie par - THÉISME : thèse qu’il existe un dieu, un être personnel
son contenu (croire que Dieu existe / croire que l’enfer incorporel, doté de capacités infinies, transcendant et
n’existe pas... etc.). créateur de l’univers. Les principaux représentants du
théisme sont les trois religions monothéistes.
- CROIRE EN (aspect relationnel de la croyance) : renvoie à
la confiance que l’on investit en une personne ou une - DÉISME : position selon laquelle on peut parvenir à une
institution, qui à nos yeux fait figure d’autorité. C’est un connaissance rationnelle de l’existence de Dieu, à l’écart de
engagement actif qui implique une dimension émotionnelle, toute révélation et de toute religion instituée faisant office
des rites et des institutions. d’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Au XVIIIe siècle, le
déisme est parfois dénommé « religion naturelle », faisant
- FOI : du latin fides (loyauté, fidélité, respect de la parole ainsi référence au fait que Dieu, l’ordre de la nature et la
donnée), renvoie au sens de croire en..., car il s’agit d’une morale sont directement accessibles à l’homme par la voie de
forme de confiance : en Dieu, en ses qualités et ses intentions, sa « lumière naturelle » : sa raison, voire ses sentiments.
en l’autorité de l’institution religieuse, en la valeur religieuse
de rites, d’objets sacrés... - AGNOSTICISME : position selon laquelle l’esprit humain
n’est pas capable de trancher la question de l’existence de
- SACRÉ/PROFANE : le sacré renvoie à l’idée de ce qui est dieu, n’ayant aucun moyen d’apporter de preuve définitive
« interdit », à ce qui du fait de sa dimension religieuse dans un sens ou dans l’autre, et devant donc faire preuve de
n’appartient pas au monde « profane » et fait donc l’objet scepticisme à cet égard.
d’attitudes spécifiques : adoration, révérence, respect, culte,
approche réservée à ceux qui en ont l’autorité.

Problématiques particulières en philosophie des religions

- FOI ET RAISON : Il est fréquent d’entendre que la foi religieuse peut conduire à des attitudes peu rationnelles, et que par
conséquent foi et raison s’opposent. Premièrement, la foi implique une forte dimension affective, dans la mesure où elle suppose
que le croyant s’engage entièrement dans sa croyance et organise son existence autour d’elle. Les formes de la vie religieuse
sont en effet souvent intenses (individuellement comme collectivement) et exigent parfois du croyant des manifestations voire
des actions par lesquelles il témoigne d’une fidélité sans faille. On sait bien que le fanatisme est l’une des possibilités essentielles
de l’expression religieuse. Deuxièmement, l’aspect théorique de la foi implique d’adhérer à des thèses qui sont au-delà de la
raison, du visible et de ce qu’il est matériellement possible de prouver : miracles, révélations, divinité(s), immortalité de l’âme,
vie après la mort, etc. En réunissant ces deux aspects, on peut donc en conclure qu’avoir la foi, c’est avoir une confiance aveugle
en un ensemble d’entités, d’institutions et de personnes, lesquelles nous demandent de croire en un ensemble d’évènements et
de réalités surnaturelles et invisibles. Il faut néanmoins apporter quelques précisions sur la façon dont cette opposition peut
être conçue, et parfois nuancée . 1. Le FIDÉISME (de fides) (par exemple : Pascal, Kierkegaard) défend l’idée que la raison ne
joue aucun rôle dans la foi, et même que la foi lui est supérieure. La raison ne peut saisir que des vérités limitées, tandis que la
foi se veut une confiance absolue qui se passe de justification. 2. À l’opposé, une conception plus « optimiste » pourrait être
trouvée chez des auteurs du Moyen-Âge comme Thomas d’Aquin et Averroès. L’un comme l’autre affirment que Dieu étant à
l’origine aussi bien de la révélation que de la raison humaine, il n’est pas possible que l’une contredise l’autre. Les vérités
révélées ne peuvent pas être contradictoires avec les vérités scientifiques. Pour Thomas d’Aquin, les vérités que la foi reconnaît
sont fermes, mais la raison peut aider à les soutenir (par exemple, en nous empêchant de croire tout et n’importe quoi selon
notre fantaisie personnelle), en nous aidant à les comprendre. Aujourd’hui, cette position se nomme « concordisme » (faire
concorder religion et connaissances scientifiques). 3. Une autre voie peut consister à penser que la foi peut en elle-même être
tout à fait rationnelle et constituer une forme de connaissance qui peut se passer du raisonnement. Alvin Plantinga (né en 1932)
défend l’idée qu’à la racine de nos raisonnements et de nos croyances les plus rationnelles, il y a toujours des croyances non
argumentées (que le monde existe, que nous sommes face à des humains et non des robots, etc.). Ces croyances « basiques » ne
sont pas irrationnelles mais elles supposent une « foi » dans les réalités de base de notre monde. Or, il existe des cas où nous ne
partageons pas totalement les mêmes croyances basiques. Ainsi, il n’y a aucune raison de pense qu’un croyant est un fou ou une
personne dont la perception est défaillante : c’est quelqu’un qui perçoit le monde à travers sa croyance en Dieu, tout comme le
non croyant perçoit le monde comme une réalité sans Dieu. Ces deux positions reposent juste sur des croyances basiques
différentes qui sont toutes deux acceptables, puisque largement répandues.
- LES DISCUSSIONS PHILOSOPHIQUES AUTOUR DE L’EXISTENCE DE DIEU : Les philosophes et les théologiens ont depuis
longtemps développé des arguments pour ou contre l’existence de Dieu, uniquement sur la base du raisonnement et sans faire
appel à aucune autorité ni révélation ni expérience personnelle. Cette discipline se nomme la théologie naturelle. Voici une liste
non exhaustive de ces différents arguments.

Arguments pour l’existence de Dieu Arguments contre l’existence de Dieu

- Argument ontologique : ce genre d’argument vise à - L’athéisme est la position par défaut. C’est au
déduire l’existence de Dieu uniquement à partir du concept de croyant d’apporter des preuves que Dieu existe.
Dieu, sans s’appuyer sur la moindre expérience ou En effet, l’observation du monde ne nous montre aucun
observation du monde. Exemple avec Descartes : un être Dieu, ni aucune preuve directe et irréfutable qui
parfait a nécessairement toutes les perfections. Or, l’existence s’imposerait à tous. C’est au croyant d’apporter des
est une perfection. Donc Dieu possède l’existence. Donc Dieu preuves, et s’il n’est pas convaincant, l’athéisme reste la
existe. position de base puisqu’il lui suffit de dire : personne n’a
jamais vu Dieu.
- Argument cosmologique : ce genre d’argument essaie de
répondre à la question « pourquoi existe-t-il quelque chose - La science explique l’univers de façon beaucoup
plutôt que rien ? ». Point de départ : puisque le monde est plus simple que si on fait intervenir une entité divine.
contingent (il aurait pu ne pas exister), il faut bien que En effet, pourquoi rajouter un Dieu si on peut
quelque chose qui, lui, est nécessaire, l’ait amené à l’existence. suffisamment expliquer la nature à partir de lois
Il existe donc un être nécessaire qui explique l’existence de scientifiquement démontrables et vérifiables ? Invoquer
tout ce qui est contingent. Version dite « du Kalam » la création divine complique inutilement les choses et
(développée par l’école musulmane des mutakallimins) : tout rajoute une hypothèse sans intérêt (puisque la science se
ce qui commence d’exister a une cause extérieure à soi. Or il débrouille très bien sans l’hypothèse théiste).
ne peut y avoir une chaîne infinie de causes et d’effets, il faut
une première cause non causée et éternelle (Dieu). - Le problème du mal : le théiste se trouve obligé
d’expliquer la présence du mal, mais pas l’athée.
- Argument téléologique : ce genre d’argument part du En effet, le théiste doit expliquer pourquoi Dieu aurait
sentiment que nous pouvons avoir face à la beauté et à créé un monde qui contient : 1/ du mal naturel
l’harmonie de la nature et de l’univers. Imaginez que vous (l’ensemble des catastrophes naturelles qui causent des
explorez une nouvelle planète, totalement inconnue. Soudain, souffrances aux êtres humains), et surtout 2/ du mal
au milieu d’un désert glacé, vous tombez sur une maison. Il moral (l’ensemble des souffrances causées aux humains
paraîtrait totalement absurde que celle-ci se soit formée toute par d’autres êtres humains). Le croyant doit donc
seule, au gré des forces naturelles, des vents et des justifier ce mal pour le rendre compatible avec
mouvements du sol. Vous en concluez donc que cet objet ne l’existence d’un Dieu parfaitement bon et tout puissant.
peut être que le fruit d’une intelligence qui l’a pensé puis S’il existait un Dieu bon, omniscient et tout puissant, 1/ il
construit. C’est donc un argument dit « finaliste », car il ne voudrait pas qu’il existe tant de maux et de
exprime l’idée que l’objet a été pensé et voulu (que son souffrances, 2/ il saurait que le mal va se produire dans
fabriquant avait en tête cet objet pour but), ce qui se voit dans sa création, et donc 3/ il pourrait l’empêcher d’exister.
sa forme. L’ordre de l’univers, l’harmonie et la beauté de la Conclusion : l’existence du mal est contradictoire avec
nature semblent donc renvoyer à une cause intelligente l’existence du dieu du théisme.
(intelligent design dans les discussions contemporaines).
- L’argument du dieu caché : si Dieu existait, il ne
- Le pari de Pascal : Pour Pascal, il n’existe que deux resterait pas caché à ceux qui l’aiment et le
possibilités : soit Dieu existe, soit Dieu n’existe pas. recherchent sincèrement.
Cependant, notre raison n’est pas en mesure de déterminer « Si Dieu existait, il devrait, par amour, se manifester à
laquelle de ces deux propositions est vraie. Pascal estime que tous ceux qui aspirent sincèrement et honnêtement à une
croire en Dieu est plus avantageux que ne pas y croire. Ce relation avec lui. S’il existait un dieu parfaitement bon,
tableau nous dit pourquoi il vaut mieux parier que Dieu existe omniscient et omnipotent, il ne serait pas caché de
: manière injuste. Il est en effet injuste de refuser une
relation comme l’amour à une personne qui le mérite. Or
Dieu semble rester caché à certains humains de manière
injuste, donc il n’existe pas. » (Yann Schmitt, Introduction
à la philosophie des religions).

Vous aimerez peut-être aussi