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Les anémies hémolytiques

Unité d’Hématologie FSS/UAC Année académique : 2022-2023


Dr ZOHOUN Alban
Dr BAGLO-AGBODANDE Tatiana
Professeur ANANI Ludovic
Objectifs

1-Définir une anémie hémolytique

2- Décrire les principaux mécanismes d’une hyperhémolyse

3- Indiquer les principales manifestations cliniques et biologiques selon le


mécanisme en jeu

4- Enumérer les principales étiologies des anémies hémolytiques dans notre


milieu

5- Indiquer les modalités courantes de traitement des anémies hémolytiques

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Plan

1- Définition

2- Physiopathologie et classification
2-1- Physiopathologie
2-2- Classification des anémies hémolytiques

3- Manifestations cliniques
3.1. Les anémies hémolytiques chroniques congénitales
3.2. Les anémies hémolytiques acquises

4- Manifestations biologiques des anémies hémolytiques


4.1. Les manifestations biologiques spécifiques d'une hyperhémolyse.
4.2. Signes d'accélération de l'érythropoïèse
4.3. Les tests de laboratoire spécifiques de certaines anémies hémolytiques

5- Diagnostic différentiel des anémies hémolytiques

6- Approche thérapeutique des anémies hémolytiques

7- Les étiologies des anémies hémolytiques


7.1. Les anémies hémolytiques corpusculaires ou constitutionnelles
7-1-1- Les hémoglobinopathies
7-1-2- Les enzymopathies
7-1-3- Les anémies hémolytiques par anomalies membranaires
7.2. Les anémies hémolytiques extra-corpusculaires ou acquis
7-2-1- Les causes immunologiques
7-2-2- Les anémies hémolytiques infectieuses et parasitaires
7-2-3- Les hémolyses d'origine mécanique
7-2-4- Les hémolyses toxiques
7-2-5- Hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)

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1 – Définition

L’anémie hémolytique est une anémie liée à une destruction précoce et exagérée des
globules rouges, conséquence d’une réduction de la durée de vie des hématies sans atteinte de
la fonction médullaire.

2 - Physiopathologie et classification

2.1. Physiopathologie
L'hyperhémolyse des hématies se traduit par la libération excessive dans la circulation
sanguine, des constituants habituels des hématies ou de leurs produits de catabolisme.
Dans les hémolyses chroniques (souvent intra-tissulaires au niveau des macrophages
médullaires, spléniques, parfois hépatiques) il existe une augmentation constante de bilirubine
libre (indirecte ou non conjuguée) qui provient de l'hypercatabolisme de l'hème. Dans les
hémolyses aiguës, l'hémoglobine est rapidement libérée dans le plasma et éliminée dans les
urines (élévation de l'hémoglobinémie plasmatique et de l'hémoglobinurie)

2.2 Classification des anémies hémolytiques


2.2.1. Plusieurs classifications des anémies hémolytiques ont été proposées. Parmi elles nous
retenons:
- la classification basée sur l'évolution aiguë ou chronique: elle est peu utile car une hémolyse
aiguë peut survenir dans un contexte chronique;
- la classification selon le site d'hémolyse. Nous avons ainsi:
+ Les anémies hémolytiques par hémolyse intra-tissulaire
La destruction des hématies s'effectue alors à l'intérieur des macrophages de la râte, du
foie ou parfois de la moelle. C'est le mode le plus habituel des hyperhémolyses caractérisé par
la survenue d'un ictère cutanéo-muqueux.
+ Les anémies hémolytiques par hémolyse intra-vasculaire
Ce mécanisme est plus ou moins rare et comporte une forme aiguë et une forme
chronique
Dans la forme aiguë, la destruction des hématies s'effectue dans les vaisseaux,
répondant habituellement à un phénomène aigu. La pâleur et l'asthénie s'installent en quelques
heures mais sans ictère au début, les urines étant brunes ou couleur acajou (coca-cola) avec un
reflet rougeâtre , expression d'une hémoglobinurie. Il s’agit généralement d’une urgence.
Dans la forme chronique, l'hémolyse persiste et l'ictère apparaît dans un deuxième
temps avec une hémosidénurie.
Les classifications sus-mentionnées ont leurs limites dans la démarche diagnostique
étiologique des anémies hémolytiques. C'est pourquoi la classification en anémie hémolytique
corpusculaire (presque toujours constitutionnelle) et anémie hémolytique extra- corpusculaire
(presque toujours acquise) est la plus courante.
Elle est en effet, non seulement la plus utile cliniquement, mais encore elle tient
compte de la différence physiopathologique entre la nature héréditaire et acquise des lésions.

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2.2.2. Les anémies hémolytiques corpusculaires
Encore appelées anémies hémolytiques intrinsèques, les anémies hémolytiques
corpusculaires peuvent être subdivisées en 3 sous-groupes selon les anomalies concernées:
* anomalies de la membrane érythrocytaire;
* anomalies enzymatiques;
* anomalies de l'hémoglobine

2.2.3. Les anémies hémolytiques extra-corpusculaires


Ces anémies hémolytiques, encore décrites comme extrinsèques, sont, quant à elles,
constituées de 4 sous-groupes selon la nature de l'effecteur extra-cellulaire de l’hémolyse. Il
s'agit de facteurs immunologique, mécanique, infectieux (bactérien, viral et parasitaire) et
toxique.

3 - Les manifestations cliniques


Le mécanisme de l'hémolyse et le lieu de la destruction des hématies déterminent les
manifestations cliniques et biologiques de l'anémie hémolytique. Elles dépendent aussi de la
durée du processus hémolytique et de sa sévérité. L'importance de l'anémie dépend de la
cause.
Cliniquement le diagnostic est soupçonné devant :
- une pâleur cutnéo-muqueuse plus ou moins intense, traduisant l’anémie responsable
de signes fonctionnels : asthénie, tacchycardie, polypnée
- un subictère conjonctival ou un ictère franc cutnéo-muqueux avec des urines colorées
et des selles non décolorées
- une splénomégalie souvent modérée.
Certaines particularités peuvent caractériser les anémies hémolytiques selon qu’elles sont
congénitales ou acquises.

3.1. Les anémies hémolytiques chroniques congénitales


Les hémolyses chroniques congénitales qui sont dues à des anomalies
constitutionnelles du globule rouge (GR) ont en commun:
- une histoire familiale où des cas similaires sont retrouvés sauf s'il s'agit du tout
premier cas;
- une origine géographique ou ethnique particulières. Cette particularité est surtout
retrouvée pour les hémoglobinopathies et certaines anomalies enzymatiques;
- une anémie: son intensité est variable d'un patient à un autre et même parmi les
patients souffrant de la même maladie. Mais habituellement l'anémie est modeste car
compensée par une hyperactivité médullaire. Souvent les patients s'adaptent bien à leur
anémie;

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- un ictère: son intensité est également variable pouvant apparaître dès l'enfance, être si
faible qu'il peut passer inaperçu, ou même être persistant sans s'intensifier. Souvent aussi
l'ictère bulbaire est la seule manifestation de l'hémolyse. La coloration des selles, l'absence de
prurit le distinguent d'un ictère cholestatique;
- des crises aplastiques: dans les anémies hémolytiques constitutionnelles, il existe
souvent des périodes de fragile équilibre où l'hémolyse anormale des GR est compensée par
l'hyperactivité médullaire. La rupture de cet équilibre induit une chute rapide et dramatique du
taux d'Hb. Elle provient le plus souvent d'une faillite transitoire de l'érythropoïèse: c'est la
crise aplastique. Dans la plupart de cas, si ce n'est dans tous les cas, elle est le fait de
l'infection par le Parvo-virus B 19. Mais il y a lieu de ne pas confondre crise aplastique et
séquestration splénique ou hépatique où la réticulocytose augmente ainsi que s'installe une
splénomégalie ou une hépatomégalie. De même il faut en distinguer une complication liée à
une carence folique, situation à laquelle sont prédisposés les sujets souffrant d'une anémie
hémolytique chronique constitutionnelle et qui survient progressivement.
- une splénomégalie: elle est très souvent présente; son volume est variable et peut
dépendre de l'intensité de l'hémolyse. Elle se voit aussi assez souvent dans les hémolyses
acquises;
- une lithiase hépatique: sa prévalence augmente avec l'âge des patients et l'intensité de
l'hémolyse;
- des ulcères de jambe: ils sont fréquents avec les hémolyses chroniques; ils sont
notamment retrouvés dans la sphérocytose héréditaire et la drépanocytose. Ils sont souvent
bilatéraux et siègent au niveau des malléoles ou des tiers (1/3) inférieurs des jambes. Ils sont
très récidivants;
- des anomalies osseuses: les modifications osseuses sont la conséquence de
l'hyperactivité de la moelle depuis l'enfance. Elles se développent aux dépends du tissu
osseux. Ainsi les corticales sont très minces, la voûte crânienne est épaissie avec parfois une
image en "poils de brosse"; des modifications maxillaires et dentaires sont aussi observées.
Ces anomalies sont caractéristiques de la -thalassémie majeure et notées dans la
drépanocytose.

3.2. Les anémies hémolytiques acquises


Les anémies hémolytiques acquises sont dues, dans la plupart des cas, à une
complication survenant dans un contexte évident.
Le plus souvent, leur début est insidieux, se développant des semaines ou des mois
durant. Les manifestations cliniques prennent alors l'allure d'une anémie hémolytique
congénitale: pâleur, ictère bulbaire, fatigabilité, dyspnée etc. sont constatés.
Dans le cas d'une transfusion incompatible ou de la prise d'un médicament oxydant par
un patient déficient en G6PD les principales manifestations de l’hémolyse aiguë seront
constituées de douleurs lombaires, abdominales, des membres ainsi que de céphalées, de
vomissements, de frissons avec fièvre. Prostration et choc ne sont pas rares suivis d'oligurie
ou d'anurie. Pâleur, ictère et tachycardie et d'autres signes d'une anémie sévère peuvent être au
premier plan.
Parfois, les symptômes de la maladie sous-jacentes prédominent sur les signes
d'hémolyse comme cela peut se voir dans les lymphomes, les infections sévères, les brûlures
étendues par exemple.

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4- Manifestations biologiques des anémies hemolytiques
Trois catégories de tests biologiques sont utilisés dans la mise au point des anémies
hémolytiques:
- les tests liés à l'hyperhémolyse
- ceux liés à la compensation de l'hyperhémolyse par accélération de l'érythropoïèse.
- les tests spécifiques de certaines anémies hémolytiques; ils sont donc utiles dans les
diagnostics différentiels.

4.1. Les manifestations biologiques spécifiques d'une hyperhémolyse

- Signes biologiques liés à une hyperhémolyse


* Bilirubinémie libre
Une hyperhémolyse est associée habituellement à une augmentation et à une
accélération de catabolisme de l'hème. Les principales catabolites de l'hème sont: le fer, le
monoxide de carbone et la bilirubine. Le taux de bilirubinémie indirecte est un indicateur
habituel. Son taux normal est moins de 10 mg/l
* La lactate déshydrogénase (LDH)
Cette enzyme érythrocytaire est libérée dans le courant circulatoire à la faveur de
l'hémolyse. Son taux normal est de 240 U/ml.

* L'hémoglobine glycosylée
Ce test est un bon indicateur d'hyperhémolyse en dehors du diabète. Son taux normal
se situe entre 2 à 6% de l’Hb totale. Le taux d'Hb glycosylée est constamment abaissé en cas
d'hémolyse.

- Signes biologiques spécifiques de l'hémolyse intra-vasculaire


* Hémoglobinémie
Le taux normal d'hémoglobinémie sérique est de 1 mg /dl de plasma. Ce taux s'élève
en cas d'hémolyse intra-vasculaire. Au dela de 50 mg/l, le plasma apparaît rouge.
Les valeurs très élevées, atteignant 1000 mg/dl sont caractéristiques de l'hémolyse
intra-vasculaire.
* L'haptoglobine
L'haptoglobine est une protéine d'origine hépatique qui se complexe avec une
hémoglobine circulante. Ce complexe est éliminée par le foie. Le taux d'haptoglobine tend à
s'abaisser voire disparaître en situation d'hémolyse aussi bien tissulaire qu'intravasculaire. Son
taux normal est de 1 à 3 g/l. Une chute de l'haptoglobine à moins de 250 mg/l confirme une
hyperhémolyse. Mais il ne faut pas oublier qu'une insuffisance hépatique s'accompagne d'une
synthèse amoindrie d'haptoglobine pendant que les situations d'infection sévère,
d'inflammation et de néoplasies en favorisent la synthèse, normalisant alors le taux
d'haptoglobine en cas d'hyperhémolyse.

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* L'hémoglobinurie
Elle survient quand l'hémoglobinémie dépasse les capacités de fixation de
l'haptoglobine. Les urines prennent alors un aspect variant de rosé à noir ou coca cola.
S'assurer que le sujet n'a pas consommé de betterave, certains médicaments comme
l'antipyrine, le pyridium qui colorent les urines. Ne pas confondre non plus avec une
porphyrinurie ou une myoglobinurie.
* Hémosidénurie
L’hémoglobine qui passe dans le glomérule est réabsorbée au niveau tubulaire où elle
est dégradée en hémosidérine. Par desquamation des cellules tubulaires, l’hémosidérine est
éliminée dans les urines entraînant une hémosidénurie.

4.2. Signes d'accélération de l'érythropoïèse


• L'hyperéticulocytose
• La macrocytose
• L'érythroblastose
• L'hyperleucocytose et la thrombocytose
• L'hyperplasie médullaire

4.3. Les tests de laboratoire spécifiques de certaines anémies hémolytiques


- Les anomalies morphologiques spécifiques constatées dans de bonnes conditions de
lecture de frottis sanguins peuvent permettre un diagnostique étiologique de l'anémie
hémolytique (Tableau I).
- Le tests de Coombs ou le test à l'antiglobuline.
C'est un test de routine pour détecter les anémies hémolytiques de cause
immunologique. Le test de Coombs direct est le plus utilisé dans ce contexte. Il permet de
détecté la présence ou non d’Ac sur la membrane du GR. Un test de Coombs positif indique
que les GR sont porteurs d'anticorps et ou de compléments.
- le test de fragilité osmotique. Ce test mesure la résistance des hématies à hémolyser
dans des solutions salines de plus en plus hypotonique. L'indice le plus utile est la fragilité
moyenne corpusculaire. Il indique la concentration saline à laquelle 50% des GR hémolysent.
L'augmentation de la fragilité osmotique correspond à la sphérocytose. Une résistance accrue
aux solutions hypotoniques est caractéristique des thalassémies, de la drépanocytose.
- L'électrophorèse de l'Hb
Elle met à profit les modifications électrostatiques dues à des modifications de la
structure primaire des hémoglobines pour les distinguer par leur différence de mobilité dans
un champ électrique. On distingue ainsi les HbSS, SC, AA, A2 etc.
D'autres tests paracliniques seront évoqués dans le cadre de l'étude des affections
pourvoyeuses d'anémies hémolytiques.
5 - Diagnostic différentiel des anémies hémolytiques

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L'hyperhémolyse avec hyperplasie médullaire, hyperréticulocytose et ictère
caractéristiques des anémies hémolytiques, peuvent être aussi retrouvées dans d'autres
circonstances pathologiques. Il y a donc lieu d'éviter la confusion. Ce sont:
- Les anémies par hémorragie aiguë ainsi que celles liées aux déficiences en Vit B12, Acide
folique et fer en traitement. Ces anémies sont transitoires et associées à une
hyperréticulocytose mais sans ictère habituellement.
- Les dysérythropoïèses (erythropoïèses inefficaces) sont souvent accompagnées
d'anémie, d'ictère et d'hyperplasie médullaire; la différence avec les anémies hémolytiques est
la réticulocytose normale ou abaissée.
- Les situations d'ictère à bilirubinémie libre mais sans anémie évoquent soit une
bonne compensation de l'hémolyse soit un défaut de conjugaison de la bilirubine comme dans
la maladie de Gilbert et la maladie Crigler Najjar. L'hyperréticulocytose nous conforte dans le
ème
premier cas et les perturbations de la fonction hépatique font la différence dans le 2 cas.
- L'hyperplasie médullaire avec anémie des hémopathies ne s'accompagne par d'ictère
et le médullogramme aidera à reconnaître la situation.
- La myoglobinurie se distingue de l'hémoglobinurie par les circonstances de survenue
(traumatisme musculaire) choc électrique, etc. De plus le taux d'haptoglobine est normal
puiqu’elle ne capte pas la myoglobine.

6 - Approche thérapeutique des anémies hémolytiques


La prise en charge des anémies hémolytiques dépend de leurs causes. Bien que cette
prise en charge thérapeutique soit spécifique des causes, une attitude thérapeutique globale
peut être observée face aux affections hémolytiques.
Cette attitude thérapeutique globale comporte:
En cas d'hémolyse aiguë une transfusion de culots globulaires après réalisation de tous
les tests immuno-hématologiques assurant une bonne compatibilité entre le sérum du patient
et les globules rouges à transfuser.
Si malgré ses précautions, l'hémolyse continue, il faudra envisager une transfusion
d'échange. Rappelons que la quantité de sang à transfuser est de 15 ml / kg chez l'adulte et de
20 ml / kg chez l'enfant, si l'état cardio-vasculaire est normal.
En cas de choc, il importe de réaliser rapidement une bonne rééquilibration hydro-
électrolytique et de prendre les dispositions nécessaires pour protéger les reins des
hémoglobinuries importantes.
Qand il s'agit des anémies hémolytiques immunologiques, les corticoïdes utilisées
dans des conditions adéquates sont d'une grande utilité. En cas d'échec, un traitement
immunosupresseur avec le cyclophosphamide par exemple peut être tenté.
La splénectomie est une réponse efficace dans les situations de sphérocytose
héréditaire et de certaines hémolyses à Ac chauds; elle l'est moins dans les anémies
hémolytiques par déficit enzymatique.
En situation d'hémolyse chronique, la supplémentation en acide folique préviendra les
les carences foliques.
Quant à l'hémoglobinurie chronique, elle suggère une supplémentation martiale.

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7 - Les étiologies des anémies hémolytiques
Elles sont multiples et très variées. Elles sont regroupées en corpusculaires et extra-
corpusculaires.

7.1. Les anémies hémolytiques corpusculaires ou constitutionnelles


7.1.1. Les hémoglobinopathies
Les hémoglobinopathies sont habituellement des affections génétiques, héréditaires
caractérisées par une anomalie qualitative ou quantitative de l'hémoglobine (Hb).
Les hémoglobinopathies les plus fréquentes surviennent prèsque toujours dans un
contexte ethnique et géographique particuliers. Certaines hémoglobinopathies s'accompagnent
de pathologie, d'autres sont silencieuses. Elles sont de diagnostic facile à l'électrophorèse de
l'Hb.
L'Hb normale comprend 3 fractions: l'Hb adulte ou Hb A, représentant 97% de l'Hb
totale; l'Hb A2, 1 à 2% et l'Hb foetale ou Hb F qui disparaît normalement dès la fin du 1er
semestre de vie.
Ces Hb ne diffèrent que par la structure de leur globine qui est constituée de 4 chaînes
polypeptidiques identiques 2 à 2. Ainsi, l'Hb A, 2 2 a 2 chaînes alpha et 2 chaînes bêta;
l'Hb A2 a pour formule 22 et l'Hb F, 22.
Le contrôle génétique de la synthèse de l'Hb est double:
- les gènes de strcture responsables de la qualité des chaînes synthétisées et
- les gènes régulateurs de la quantité relative des différentes chaînes.
Ces connaissances font de l'Hb la molécule la mieux connue et des
hémoglobinopathies un modèle à l'étude des maladies héréditaires.
Ainsi sont opposées deux types d'hémoglobinopathies: les hémoglobinopathies
qualitatives dont le prototype est la drépanocytose et les hémoglobinopathies quantitatives
représentées par les thalassémies.

7.1.1.1. LA DREPANOCYTOSE
La drépanocytose est une maladie héréditaire liée à la présence de l'Hb SS . Celle-ci
résulte d'une mutation au niveau du gène de structure de la chaîne  (chromosome 11)
aboutissant au remplacement du 6ème acide aminé normal, l'acide glutamique, par la valine. La
chaîne  demeure normale.

Epidémiologie
La drépanocytose est très répandue dans le monde: plus de 50 millions de sujets sont porteurs
du gène drépanocytaire. Sa répartition ethnique et géographique est remarquable. En effet les
sujets porteurs de l'HbS sont principalement rencontrés en Afrique où la fréquence maximale
se trouve dans les régions équatoriales et péri-équatoriales (ceinture sicklémique). Dans ces
zônes, la prévalence varie de 5 à 25% en Afrique de l'ouest et jusqu'à 40% dans certaines
ethnies d'Afrique Centrale. Cette affection est aussi présente en Amérique du Nord où l'on
retrouve une prévalence d'environ 9% chez les Noirs américains. Elle est présente en

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Amérique du Sud, dans les Antilles et dans toutes les régions d'émigration des esclaves noirs.
Elle existe également dans les pays du Magrheb, sur le pourtour de la Méditerranée, dans tout
le Moyen-Orient jusaqu'en Arabie Saoudite. Elle est présente en Inde. Enfin, la drépanocytose
est de plus en plus rencontrée en Europe de l'ouest à la faveur des mouvements de populations
des zônes de prédilection de la maladie vers l'Europe.
La transmission de la drépanocytose se fait selon le mode mendélien, autosomique et
codominant pour le biochimiste. Mais pour le clinicien, sa transmission est récessive puisque
seuls les homozygotes SS sont malades. Les sujets hétérozygotes AS sont habituellement
asymptomatiques.
Il existe d'autres anomalies de l'Hb pouvant s'associer à la drépanocytose: l'Hb C ( le
ème
6 acide aminé de la chaîne globinique  est remplacé par la lysine) et la -thalassémie.
Comme la drépanocytose, ces anomalies sont génétiques et se transmettent sur le mode
autosomique récessif. Les sujets qui en sont porteurs sont dits "double hétérozygotes" ou
"hétérozygotes composites" SC ou S-- thalassémiques. Sur le plan clinique, ces sujets ont
une maladie comparable à celle des homozygotes SS, mais quelque peu atténuée chez le sujet
SC.

Physiopathologie
Dans de bonnes conditions d'oxygénation, l'HbS demeure soluble et les cellules
contenant l’Hb anormale ne se distinguent pas de celles portant une Hb normale AA.
Sous une faible pression partielle en O2, mais aussi en cas d'acidose, de fièvre, de
déshydratation cellulaire, l'Hb se polymérise, perd sa solubilité, se prend en gel et forme des
cristaux allongés provoquant la falciformation des hématies. Ce sont les drépanocytes. Ces
modifications des molécules d'Hb et la falciformation des cellules sont réversibles dès que les
conditions d'oxygénation s'améliorent. Les drépanocytes sont donc réversibles, mais
seulement dans un premier temps.
Dans un deuxième temps à la faveur des altérations métaboliques (baisse de la pompe
+
à Na ) et membranaires induites par la falciformation répétée, les drépanocytes perdent leur
réversibilité.
Les hématies anormales sont alors détruites prématurément, essentiellement dans la
râte des enfants, puis dans l'ensemble du système des phagocytes mononucléés chez l'adulte.
S'il n'y avait que les drépanocytes, la maladie drépanocytaire n'aurait pas la gravité
qu'on lui connaît. Mais il faut compter avec les vaisseaux de la microcirculation dont le
diamètre intérieur peut atteindre parfois 3 microns alors que le diamètre moyen du GR est de
7,2 microns. Une adhérence augmentée à la paroi vasculaire des drépanocytes par rapport aux
hématies normales contribuerait aussi au processus de vaso-occlusion. L'adaptation des
drépanocytes à la microcirculation devient pratiquement impossible avec pour conséquences;
leur arrêt au niveau de la microcirculation, leur accumulation, une stase sanguine avec risque
de thrombose, d'anoxie, d'infarctus et de nécrose tissulaire au niveau de la zone de stase et en
aval. On comprend donc que la falciformation soit auto-entretenue, la stase sanguine
favorisant même une extension du phénomène.
Ainsi se forme et s'accélère le cercle vicieux conduisant à l'hémolyse chronique et aux
douleurs, expressions cliniques de la drépanocytose.
Les drépanocytaires ont aussi une susceptibilité accrue aux infections; ceci est liée à la
fois à un défaut d'opsonisation et à l'hyposplénie, conséquence, des vasocclusions répétitives.

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Manifestations cliniques
La drépanocytose homozygote se présente comme une anémie hémolytique chronique
entrecoupée d’hémolyses aiguës et de crises vaso-occlusives, souvent compliquée d'infections
bactériennes sévères.
Les signes cliniques font leur apparition après les 6 mois d'âge, quand l'hémoglobine S
a progressivement remplacé l'Hb F .
La symtomatologie clinique de la drépanocytose homozygote comporte 3 types de
situations.
* La phase stationnaire ou état basal
* Les complications aiguës dont la fréquence diminue avec l'âge sans pour autant
disparaître chez l'adolescent et l'adulte.
* Les complications chroniques

* L’état basal
Il est caractérisé en zone tropicale par :
- une anémie constante, 6 à 8 g/dl, plus ou moins régénérative, bien supportée, avec pâleur et
ictère conjonctivale d'intensité variable, conséquences de l'hémolyse chronique.
- une splénomégalie présente dès l'enfance jusqu'à l'âge de 6 - 8 ans pour disparaître
spontanément sauf dans quelques cas où elle persiste.
Le développement staturo-pondéral est habituellement en dessous de la moyenne; il
est souvent perturbé par les parasitoses et les carences alimentaires qui majorent l'anémie.
Le développement pubertaire est souvent satisfaisant bien que des retards pubertaires
par rapport à la population non malade ne soient pas rares.
En dehors des complications, les anomalies radiologiques regroupent: amincissement
des corticales diaphisaires, épaississement de la voûte crânienne, ostéoporose parfois
importante des vertèbres.
Sur le plan biologique, il est noté un VGM normal, la présence de drépanocytes sur le
frottis sanguin, une certaine hyperleucocytose avec polynucléose neutrophile.
Dans cette phase d'équilibre, le sujet mène une vie normale pour peu qu'il s'alimente
bien, s'hydrate suffissamment, observe les règles d'hygiène de vie conseillée, se protège des
moustiques etc. Cependant toutes ces précautions n'empêchent pas la survenue des
complications aiguës.
* Les crises douloureuses drépanocytaires.
Elles dominent la symptomatologie dans la petite enfance et l'adolescence. Elles
peuvent être spontanées ou provoquées par des facteurs comme la fièvre, le froid, la fatigue,
la déshydratation, le stress, même les émotions et toutes situation entraînant une hypoxémie.
Les douleurs osseuses ou ostéo-articulaires siègent le plus souvent aux membres, dans
les vertèbres, le bassin, induisant une impotence fonctionnelle d'intensité diverse.
Les douleurs impliquant les côtes et la région sternale sont responsables de douleurs
pariétales thoraciques.

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Les crises abdominales, assez fréquentes, peuvent correspondre à des infarctus
splénique et mésentérique. Très préoccupant est le tableau d'iléus paralytique avec
météorisme abdominal et vomissement simulant à la perfection un abdomen chirurgical.
Chez le nourrisson, un équivalent de la crise douloureuse et qui souvent révèle la
maladie est réalisée par le syndrome pied-main. Il s'agit d'une tuméfaction bilatéral des dos
des pieds et des mains avec impotence fonctionnelle importante. Le risque de dactylite est
important

* Les crises aiguës d'anémie


L'aggravation brutale de l'anémie est possible dans 3 circonstances.
- Les crises de séquestration splénique.
Elles sont l'apanage du nourrisson. Parfois précèdées d'un épisode infectieux, elles
débutent brutalement par une anémie aiguë profonde se constituant en quelques heures,
associant une splénomégalie considérable et une hypertrophie soudaine, du foie, un collapsus
hypovolémique menaçant, le tout résultant d'une séquestration de la masse globulaire dans les
organes hypertrophiés. La mort est habituelle en l'absence de transfusion et la récidive est
fréquente.
- Les crises aplasiques ou érythroblastopéniques
Elles s'observent à tout âge et sont presque toujours imputables au Parvo-virus B19.
Toutes les situations fébriles peuvent accentuer l'hémolyse et favoriser la survenue des
anémies aiguës.

* Les accidents vaso-occlusifs graves


Ils regroupent une série de complications dont: les déficits neurologiques et sensoriels.
Ces manifestations neuropsychiatriques peuvent être mineures (céphalées, vertige,
paresthésie) ou majeures ( hémiplégie, monoplégie soudaine ou progressive, aplasie,
convulsion, syndrome méningé). Ils sont dus à des microthromboses, à une hémorragie
cérébro-ménigée ou à une ménigite bactérienne (à pneumocoque surtout).
- Les syndromes thoraciques aigus sont provoqués par des thromboses des artérioles
pulmonaires; ils sont à différencier d'avec les crises douloureuses thoraciques pariétale et les
pneumopathies.
- Le priaprisme, c'est l'érection douloureuse sans envie sexuel
- L'hématurie macroscopique des nécroses papillaires dont l'évolution spontanée peut persister
plusieurs mois.
- Les manifestations occulaires sont conjonctivales et surtout rétinien sous forme de
décollement rétinien et d'hémorragie du vitré pouvant entraîner la cécité. Le dépistage
préventif par des examens réguliers de l'oeil doit être fait à partir de 12 - 14 ans

* Les infections
Les infections sont responsables d'une part importante de la mortalité et de la
morbidité de la drépanocytose.

13
La fréquence des accidents infectieux diminue avec l'âge, mais leur risque persiste
toute la vie.
Les pneumopathies représentent l'accident infectieux le plus fréquent chez les
drépanocytaires; suivent les ostéomyélites (où tous les os peuvent être atteints et les
localisation plurifocales ne sont pas rares) les méningites, les septicémies.
Les germes les plus impliqués sont: les pneumoccoques responsables de la plupart des
ménigites et des septicémies ; les salmonelles pour les ostéomyélites ; puis viennent par ordre
de fréquence l'hémophilus influenzae, les staphylocoques, les méningoccoques et les germes
gram négatifs. Le mycoplasma pneumiae à été égalemenent signalé.
Les GR contenant de l'Hb S ne serait pas favorable à la prolifération du plasmodium,
ce qui assurerait une certaine protection des sujets AS et SS contre un paludisme grave.

* Les complications chroniques


Elles sont plus observées chez les adolescents et les adultes que chez l'enfant. Ce sont:
- les ulcères de jambe
Ils sont assez fréquents. Ils siègent dans les régions malléolaires et sont favorisés par
les traumatismes. Ils sont le siège de douleurs. Inesthétiques et difficiles à traiter, ils sont
récidivants et peuvent être sources d'infections. Leur traitement repose sur des soins locaux
très réguliers associés parfois à la transfusion sanguine.
- Les nécroses aseptiques
Les têtes fémorales et humérales sont les plus concernées. Uni ou bilatérale, elles sont
responsables de douleurs avec impotense fonctionnelle et cofirmées radiographiquement par
une image d'usure voire un aplatissement de la tête fémorale ou humérale.
- Les complications rénales
De nombreux patients évoluent vers une insuffisance rénale chronique secondaire ou
non à des infections ou à l'anémie chronique.
- Les lithiases biliaires
Elles sont aussi fréquentes et suscpectées par des douleurs de l'hypochondre droit et
prouvée par échographie ou radiographie. Elles sont l'indication d'une cholécystectomie.

Traitement de la drépanocytose
Il n'y a pas de traitement spécifique de la drépanocytose, mais plusieurs moyens sont
disponibles pour prévenir les crises aiguës et traiter les complications.

* A l'état basal
C'est le moment idéal pour donner les conseils de tous ordres et de prendre des mesures
préventives des crises aiguës (prévention secondaire).
- Suplémentation en acide folique; 1 à 2 comprimés par jour, 15 jours chaque mois.
- Hydratation suffisante
- Alimentation équilibrée

14
- Prophylaxie anti-palustre chez les jeunes enfants et les femmes enceintes.
- L'usage systématique de moustiquaire
- Vaccination correct des enfants impliquant aussi bien les vaccin du programme élargi
de vaccination (PEV) que ceux anti-pneumoccociques (Pneumo 23) anti-hépatite B, anti-
Salmonelles et anti-hémophilus.
- Eviter la fatigue, les variations brusques de température, les séjours en altitude au-
delà de 1500 m.
. Consulter le médecin systématiquement tous les 2 - 3 mois même en l'abscence de tout
problème apparent.

* Traitement de la crise douloureuse


- Crises modérées : Repos, boissons abondantes et antalgiques simples (paracétamol et acide
acétyl salcylique suffiront).
- Crises sévères : Hospitalisation, hydratation massive 3 - 4 l par 24h par voie parentérale ou
buccale avec des antalgiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens à la posologie usuelle.
En cas d'échec, avoir recours aux antalgiques majeurs: exemple la buprénorphine (Temgésic®)
ou la pethidine à raison de 1-2 ampoules par jour voire la morphine.
On s'efforcera de retrouver et de traiter la cause déclenchante dans la mesure du
possible.
En cas de persistance des crises ou d'agravation malgré l'ensemble du traitement
institué, envisager une transfusion d'échange.

* Traitement des infections


- Les pneumopathies : leur traitement repose sur la connaissance de la vulnérabilité des
maladies drépanocytaires à certains germes.
- le pneumoccoque sensible à l'ampicilline, à l'amoxicilline et aux macrolides qui ont par
ailleurs une bonne diffusion tissulaire. Ne pas oublier la pénicilline toujours utile.
- L'hémophilus influenzae, sensible à la combinaison Amoxicilline +Acide clavulanique
- les infections aux mycoplasma pneumoniae sont sensibles aux macrolides.
- l'ostéomyélite : immobilisation plâtré avec antibiothérapie. Les salmonnelles et les
staphyloccoques dorés sont les plus rencontrés.

* Traitement des hémolyses aiguës (déglobulisations aiguës)


Transfusion d'emblée de culots globulaires. Les apports dépendent du degré
d'hémolyse.
Toutes ces attitudes doivent être observées tout en assurant constamment un fond de
psychothérapie.

Conclusion:

15
La drépanocytose ne se guerrit pas encore mais sa gravité et ses complicatons sont
généralement atténuées quand les patients sont précocement et régulièrement suivis par un
médecin averti. Lorsque la prise en charge est bien organisée et le traitement bien appliqué, la
drépanocytose devient une maladie qui ne met en jeu le pronostic vital qu'exceptionnellement.

7.1.1.2. LES SYNDROMES THALASSEMIQUES


Les syndromes thalassémiques regroupent les déficits de synthèse des chaînes  et 
de la globine. On parle d'alpha-thalassémie (-thal) et de bêta-thalassémie (-thal).
Les -thal sont rencontrées dans le pourtour méditerranéen, en Afrique du nord, au
Proche et Moyen-Orient, en Inde et en Extrêeme-Orient. Les -thal sont principalement vues
en afrique, en Asie et autour de la Méditerrannée.

*Génétique
Les -thalassémies: le génome humain comporte 4 gènes  sur le chromosome 16
codant chacun pour 25% de la chaîne . La traduction clinique et biologique des -thal
dépend du nombre résiduel des gènes fonctionnels.
Les -thalassémies: deux gènes , situés sur le chromosome 11, induisent chacun la
production de 50% de la chaîne . Les -thal résultent soit de l'absence de synthèse des
0 +
chaînes  ( -thal), soit de la réduction de sa synthèse ( -thal). Il existe 2 formes génétiques
de la -thal: la -thal hétérozygote et la -thal homozygote. Contrairement à l'-thal,
l'anomalie dans la -thal n'est pas une délétion mais une mutation survenue dans le gène ou
dans le voisinage.
Les syndromes thalassémiques se transmettent génétiquement selon le mode
autosomique récessif.

La -thalassémie majeure ou anémie de Cooley


Le défaut de synthèse des chaînes  (absence de chaînes A) entraîne un excès de
chaînes  (avec augmentationde l'Hb F) et des chaînes  (avec augmentation de l'Hb A2).
Cependant cette hyperproduction des Hb A2 et F est insuffisante pour compenser totalement
le défaut de synthèse de l'HbA. Les hématies produites sont alors hypochromes et
microcytaires.
L'anémie des thalassémies majeures résulte non seulement du trouble de la synthèse de
l'Hb, mais aussi de l'avortement intra-médullaire des érythroblastes et d'une hémolyse
périphérique. Les chaînes  précipiteraient au contact des membranes en les fragilisant.
Les manifestations cliniques débutent dans la première année de vie et associe: une
anémie avec ictère, une splénomégalie énorme, une hépatomégalie, un aspect mongoloïde
avec retard staturo-pondéral. Les images radiologiques du crâne montrent un aspect en poil de
brosse et une corticale amincie, témoin de l'expansion médullaire. Un hypersplénisme très
actif justifie parfois une splénectomie. Une lithiase biliaire survient chez 2/3 des patients.

16
La biologie met en évidence: une anémie avec un taux d'Hb < 6g/dl, microcytaire,
hypochrome et régénérative; une hyperbilirubinémie libre, un fer sérique augmenté et une
haptoglobine effondrée.
L'électrophorèse de l'Hb montre une Hb F très augmentée jusqu'à 90%; le reste étant
constitué d'Hb A2. Le test de Kleihauer montre une distribution hétérogène de l'Hb F dans les
hématies ( diagnostic différentiel avec la Persistance Héréditaire de l'Hb F)
Le pronostic est désastreux. Le malade est souvent emporté par une crise aiguë de
déglobulisation, une infection intercurrente ou par une complication grave de l'hémosidérose
transfusionnelle (cirrhose, insuffisance cardiaque, diabète, etc).
Le traitement repose sur : les transfusions, le traitement de la surcharge en fer
(Déferoxamine), l'apport d'acide folique et la splénectomie en cas d'hypersplénisme.

La -thalassémie mineure ou -thalassémie hétérozygote


La symptomatologie clinique est modeste, mineure ou nulle comparée à celle de la
maladie de Cooley. Les sujets atteints ne sont pas anémiques. Exceptionnellement une
splénomégalie de petite taille peut être perçue.
Sur le plan hématologique il est noté une pseudo-polyglobulie microcytaire, hypochrome, le
fer étant par ailleur normal.

Les -thalassémies
Elles sont plus rares que les -thal. Elles se rencontrent surtout en Chine du Sud et
dans le Sud-Est asiatique. Elles existent aussi en Afrique noire (sous sa forme mineure), en
Arabie Saoudite, sur le pourtour de la Méditérranée.
L'insuffisance de synthèse des chaînes  induit un déficit en Hb A (22), en Hb A2 (
22) et en Hb F (22). Les chaînes  ou  en excès sont utilisées pour la synthèse de
chaînes anormales: Hb Bart's ( 4 ou tétramère 4) chez le nouveau-né et Hb H, une Hb
instable (4) chez l'adulte.
Les -thal sont dues à une délétion d'un nombre variable de gènes codant pour la
chaîne .
- Le syndrome d'hydrops foetalis
Il correspond à un tableau d'anasarque foeto-placentaire lié à une absence totale de
gènes .
Le décès survient généralement in utéro ou peu de temps après la naissance par suite
de détresse respiratoire aiguë. L'Hb est constituée à 80% d'Hb Bart's (4) et à 10% par l'Hb H
(4).
- L'hémoglobinose H
Elle résulte de la délétion de 3 gènes . Le tableau clinique correspond à la
thalassémie intermédiaire. Elle associe une hémolyse, une anémie microcytaire et une
splénomegalie avec à l'électrophorèse une Hb H à 20-30% et une Hb A à 70%.

17
- Les -thalassémies mineures ou hétérozygotes
L'anémie est ici discrète. La microcytose est modérée et habituelle. Il s'agit le plus
fréquemment d'une forme asymptomatique dont le diagnostic est difficile car l'électrophorèse
de l'Hb est souvent normale.

7.1.2. Les enzymopathies

L'intégrité de la membrane du GR est maintenue par l'énergie fournie par la glycolyse


anaérobie (molécules d'ATP). Le maintient du fer de l'Hb à l'état réduit nécessaire pour le
transport de l'O2 aux tissus est assuré par le système d'oxydo-réduction du glutathion dont le
fonctionnement est guaranti par la glycolyse aérobie. Un déficit enzymatique portant sur l'une
des voies métaboliques du glucose peut être responsable d'une anémie hémolytique.

7.1.2.1. Le déficit en G6 PD
Le déficit en G6PD pertube le système d'oxydo-réduction du glutathion.
Cette perturbation entraine un trouble de la détoxication des peroxidases. La
conséquence en est l'oxydation de l'hémoglobine avec formation de methémoglobine et de
corps de Heinz (précipité de globine oxydée). Il y a également une peroxidation des lipides de
la membrane et hémolyse.
Le déficit en G6PD est de loin la plus fréquente des érythro-enzymopathies.
Il atteint plus de 100 millions d'individus au monde. Les groupes de population
concernés sont les Noirs (1 à 25% dans certaines populations africaines), les peuples
originaires du pourtour méditerranéen, de la Chine, de l' Indes, des Philippines. Il est rare dans
les populations blanches d'origine nord Européenne.
C'est une affection liée au chromosome sexuel X. Les hommes atteints sont
hémozygotes obligatoires; les femmes porteuses sont le plus souvent hétérozygotes, très
rarement homozygotes.

Nomenclature
L'hétérogéneité enzymatique des déficits est telle qu'une nomenclature est
indispensable. Il existe en effet plus de 100 variantes de la glucose-6-phosphate
déshydrogénase.
La variante B dite GD(+)B des sujets de race blanche est l'enzyme de référence. La
variante GD(+)A, d'activité normale caractérise les Noirs. Les enzymes d'activité insuffisante
sont dites GD(-).
Le déficit dans la race noire répond à la variante GD(-)A avec une activité
enzymatique à 20% de la normale, ne se traduisant que par des hémolyses aiguës
médicamenteuses.
Cliniquement le déficit en G6PD se traduit chez les Noirs par des accès d'hémolyse
aiguës presque toujours déclenchés par la prise d'un médicament oxydant.
La Primaquine a été le premier médicament reconnu. Certaines infections (hépatite
surtout) peuvent déclencher un accès.

18
L'accès hémolytique évolue en 3 phases :
- Déglobulisation avec anémie, splénomégalie, fièvre, ictère, hémoglobinurie en cas
d'hémolyse massive et réticulocyose élevée ;
ème ème
- réparation: elle survient du 10 au 40 jours même si le médicament en cause n'est pas
arrêté. L'anémie se corrige en 3 à 4 semaines tandis qu'une réticulocytose élevée témoigne de
l'intense activité médullaire.
- Equilibre : où l'anémie disparaît.
Chez les Blancs, les anémies hémolytiques aiguës sont non seulement d'origine
médicamenteuse mais aussi infectieuse. Elles sont plus sévère que chez les Noirs.
Le déficit en G6PD se révèle aussi par le favisme. C'est une anémie hémolytique
déclenchée par la consommation de fève ou par l'inhalation de leur pollen.
Parfois, c'est par la survenue d'un ictère hémolytique néonatal que le déficit en G6PD
se révèle chez le méditerranéens. Cet ictère néonatal survient sans incompatibilité foeto-
maternelle. L'exsanguino-transfusion est alors souvent nécessaires car l'ictère nucléaire est
possible.
Le diagnostic biologique des déficits en G6PD associe:
- des signes d'hémolyse intravasculaire, présence de corps de Heinz, une méthmoglobinémie,
une réticulocytose élevée vers le 8è jour. Une hémoglobinurie avec insuffisance rénale aiguë
est possible mais de pronostic favorable.
- Dosage du G6PD, loin des crises hémolytiques

Traitement
- Arrêt du médicament ayant induit l'hémolyse
- Transfusion, lors des accès aiguës
- Eviter de prendre à nouveau les médicaments en cause.

7.1.3. Les anémies hémolytiques par anomalies membranaires


La microsphérocytose congénitale ou maladie de Minkowski-Chauffard est le modèle
retenu pour illustrer ce groupe d'affections qui comporte entre autre l'elliptocytose.
La microsphérocytose héréditaire est l'une des anémies hémolytiques héréditaires les
plus fréquentes dans la race blanche. Sa transmission est autosomale dominante.
Une perte anormale du matériel lipidique de la membrane érythrocytaire est à la base
de la modification de la forme de l'hématie. Elle induit une diminution de la surface des GR
avec maintien du volume. Le résultat en est la microsphérocytose avec une augmentation de la
fragilité osmotique cellulaire.
La maladie est habituellement révélée dans l'enfance par l'association d'une anémie
modérée, d'un ictère cutanéo-muqueux avec splénomégalie ou par une crise de
déglobulisation à déclenchement infectieux.
Les dystrophies osseuses, en rapport avec l'hyperplasie médullaire sont assez rares.

19
Sur le plan biologique sont constatées les indicateurs d'une hyperhémolyse ainsi
qu'une fragilité osmotique accentuée, l'électrophorèse de l'Hb étant normale et le test de
Coombs négatif par ailleurs. Au frottis sanguin on note plus de 30% de microsphérocytose.
Le diagnostic différenttiel est fait par rapport aux autres anémies hémolytiques
chroniques notamment les anémies hémolytiques auto-immunes et les autres anémies
hémolytiques constitutionnelles par anomalie membranaire. Ce sont :
- l'ellipcytose ou ovalocytose, la stomatocytose, l'accantocytose.
Comme toutes les anémies hémolytiques chroniques, son évolution peut être grèvée de
complications aiguës à types de déglobulisation massive, crise aplastique (favorisées par une
infection virale), lithiase biliraire et cholestase par migration calculeuse, douleurs
abdominales par infarctus splénique;
Son traitement est la splénectomie qui ne se fera pas avant 6 ans en raison des risques
infectieux secondaires. Ne pas manquer de prévenir la carence folique et les infections par
toutes les vaccinations possibles. Une transfusion de culots globulaires en cas de
déglobulisation est nécessaire.

7.2. Les anémies hémolytiques extra-corpusculaires ou acquises


Les anémies hémolytiques acquises surviennent dans des situations très diverses où
l'hématie est menacée par une agression extérieure qui provoque sa destruction. Elles sont de
cause immunologique ou non immunologique.
Cependant une situation fait exception: l'hémoglobinurie paroxystique nocture (HPN)
ou la maladie de Machiafava Micheli. Elle est due à une anomalie intra-cellulaire acquise.

7.2.1. Les causes immunologiques


Elles ont en commun un test de Coombs positif. Ce test démontre la fixation d'un
anticorps avec ou sans complément sur le globule rouge, induisant ainsi sa destruction.
Les anémies hémolytiques immunologiques comportent: les anémies hémolytiques
auto-immunes, les anémies hémolytiques immuno-allergiques, et les anémies hémolytiques
allo-immunes.

7.2.1.1. Les anémie hémolytiques auto-immunes (AHAI)


* Définition : La définition d'une anémie hémolytique auto-immune implique obligatoirement
la présence d'une anémie, l'existence de signes d'hémolyse, un test de Coombs positif lié à la
présence d’un anticorps propre au patient mais dirigé contre ses propres globules rouges.
Elle se traduit cliniquement par des signes d'hémolyse aiguë si elle est intra-vasculaire
ou chronique si l'hémolyse est tissulaire avec principalement une anémie, une splénomégalie,
un ictère. Les signes cliniques de la maladie sous jacente peuvent-être prédominants.
Sur le plan biologique, l'AHAI associe une anémie normochrome monocytaire
regénérative avec les autres signes d'hémolyse aiguë ou chronique. Le myélogramme n'est pas
nécessaire.

20
* Mécanisme : Elles sont dues à la production par le sujet d'auto-anticorps dirigés contre un
ou plusieurs antigènes normaux de ses propres globules rouges.

* Etiologie
Les AHAI peuvent être secondaires à une affection donnée (50% des cas) ou
idiopathiques.
➢ Les AHAI secondaires
Elles peuvent être associées à :
- certaines infections bactériennes ou virales (mycoplasma pneumoniae, infections ORL de
l'enfant, cytomégalovirus, mononucléose infectieuse, hépatite virale) .
- Certaines lymphopathies malignes (LLC avec IgG anti-Rh, lymphomes, maladie de
Waldenström).
- Certaines tumeurs ovariennes (kystes dermoïdes): l'exérèse de la tumeur entraine
habituellement la guérison totale et définitive de l'AHAI.
- La prise prolongée d'alpha-méthyl-dopa (Aldomet). Pris plus de 3 mois, ce médicament
induit une auto-immunisation anti-Rh (IgG) qui regresse avec l'arrêt du médicament.
- Certaines connectivite, surtout le lupus érythémateux. Ils s'agit d'une IgG anti-Rh
- Autres affections : cirrhose hépatique, recto-colite ulcéro-hémorragique, maladie de
Biermer, certains déficits immunitaires, la syphilis.

➢ Les AHAI idiopathiques


Elles représentent en moyenne 50% des AHAI où aucune maladie associé n'est
retrouvée. Il existe :
- Les formes à IgG chaudes avec hémolyses habituellement cortico sensibles et souvent
améliorées par la splénectomie
- Les formes à IgM froides : maladie des agglutinines froides.
C'est une maladie de l'adulte (50 à 60 ans) se manifestant par une anémie hémolytique
chronique sur laquelle surviennent des accès d'hémolyse aiguë. Le caractère monoclonal des
agglutinines froides (Anti-I le plus souvent) fait suspecter une prolifération lymphoïde
monoclonal de type LLC ou Waldenström que l'AHAI peut précéder.

7.2.1.2. Les anémies hémolytiques immuno-allergiques


Elles sont dues à la destruction des GR par un complexe Ag-Ac, l'Ag pouvant être
libre dans la circulation ou fixé sur la paroi des GR avant de s'associer à l'Ac. L'Ag est
toujours un médicament, cible spécifique de l'Ac.
L'interrogatoire révèle alors une séquence évocatrice:
- prise médicamenteuse antérieure;
- arrêt du médicament;
- reprise du médicament puis hémolyse.

21
Les médicaments incriminés sont nombreux: Pénicilline, Céphalsporine, Rifampicine,
Phénacétine, Quinine (fièvre bilieuse hémoglobinurique), Sulfamide, ...etc.
Le test de Coombs direct est en règle positif de type complément. In vitro, les Ac
n'hémolysent les hématies qu'en présence du médicament contre lequel ils sont dirigés.
Le traitement est préventif car la reprise du médicament induit une rechute rapide. La
transfusion peut être nécessaire.

7.2.1.3. Les anémies hémolytiques allo-immunes


Il s'agit surtout de l'hémolyse pouvant faire suite à:
- une transfusion de GR incompatibles
La réaction immune qui s'en suit peut être immédiate, se manifestant par une hémolyse intra-
vasculaire aiguë (exemple: incompatibilité ABO) avec des signes cliniques déjà évoqués. Elle
peut être aussi retardée avec la survenue , des jours ou semaines après la transfusion, d'ictère
et d'anémie.
- une incompatibilité foeto-maternelle
La principale manifestation en est la maladie hémolytique du nouveau-né. Elle
survient lorsque la mère développe des Ac immuns (plus souvent Ac anti-Rh) spécifiques d'un
Ag susceptible d'être porté par son foetus. Le nouveau-né fait alors l'expérience d'une
hémolyse intense induisant anémie et ictère (avant les 24 heures de vie) avec le risque
important d'ictère nucléaire s'il n'est pas déjà victime, in utéro, d'un anasarque foeto-
placentaire de pronostic désatreux.
Le diagnostic nécessite:
- Un test de Coombs direct positif chez le nouveau-né avec anémie régénérative et
hyperbilirubinémie (200mg/l  risque d'ictère nucléaire );
- un test de Coombs indirect positif chez la mère
Le traitement radical est l'exsanguino-transfusion dont les buts sont:
-soustraire une partie des Ac maternels encore libres dans le plasma de l'enfant;
- substituer aux hématies sensibilisées (Rh+) de l'enfant des hématies normales ne portant pas
l'Ag cible de l'Ac maternel(Rh-).
Le choix du sang portera sur un sang de moins de 48 heures et ne devra pas porter
l'Ag que reconnait l'Ac maternel.
La prévention est assurée par l'injection de 300µg de sérum anti-D à toute femme Rh-
dont le mari est Rh+ dans un délai de 72 heures après un accouchement, un avortement
thérapeutique ou non.

7.2.2. Les anémies hémolytiques infectieuses et parasitaires


Les hémolyses bactériennes sont dues à l'action directe des toxines sur les GR et
réalisent un tableau d'hémolyse intra-vasculaire aiguë. Elles sont dominées par la septicémie
post abortum à clostridium perfringens. Plus rarement sont impliquées: la bartonellose, les
infections à hémophilus influenzae, leptospire, streptocoque bête-hémolytique, mycoplasme,

22
même les virus par des mécanismes auto-immuns (mononucléose infectieuse,
cytomégalovirus, rougeole, etc).
Les hémolyses parasitaires sont le fait du paludisme, survenant surtout au cours de
l'infestation par le Plasmodium falciparum. Plus rarement interviennent dans l'hémolyse
parasitaire la toxoplasmose congénitale, la leishmaniose viscérale, la babésiose.
Les hémolyses palustres doivent être différenciées de la fièvre bilieuse
hémoglobinurique, responsable d'une hémolyse aiguë intra-vasculaire mais liée à la prise de
Quinine par un sujet malade du paludisme.
Le traitement des hémolyses infectieuses repose sur: une antibiothérapie adaptée; une
réanimation correcte en cas de collapsus et d'anurie; les anti paludéens de synthèse en cas
d'infestation palustre.

7.2.3. Les hémolyses d'origine mécanique


Tout obstacle dans le lit vasculaire peut provoquer une fragmentation plus ou moins
importante des hématies. Il peut s'agir de turbulences provoquées par des prothèses
vasculaires ou d'altérations de la paroi des vaisseaux (micro-angiopathies). On constate alors
la présence dans le sang d'hématies déchiquetées ou schizocytes reconnaissables comme des
fragments de tailles et de formes variables. Qand cette fragmentation est progressive, les
hématies deviennent des sphérocytes qui vont se briser sur les obstacles ou être détruites dans
la râte.
L'hémolyse par fragmentation est habituellement intra-vasculaire et aiguë; mais
lorsque le phénomène est moins brutal, une part d'hémolyse intra-tissulaire s'y associe.

Etiologies
- Hémolyses traumatiques
* Cardiaques: prothèses valvulaires cardiaques, valvulopathies non opérées, et surtout
rétrécissement aortiques sont pourvoyeuses de l'hémolyse. La symptomatologie est chronique.
* Hémoglobinurie de marche: elle est observée chez des marcheurs de compétition ou des
coureurs de fond. Elle serait liée au traumatisme des GR au niveau de la plante des pieds.
* Les hémolyses par micro-angiopathies: les hématies se brisent sur les dépôts de fibrines.
+ La coagulation intra-vasculaire disséminée (CIVD) quelqu'en soit les causes;
+ le syndrome hémolytique et urémique (SHU) de l'enfant associant fièvre,ictère, insuffisance
rénale et troubles neurologiques.
+ Le syndrome de Moschowitz ou purpura thrombotique thrombopénique (PTT) associant
fièvre, hémolyse aiguë, purpura, thrombopénie, insuffisance rénale et signes neurologiques.
+ autres: hypertension artérielle maligne, éclampsie et cancers métastatiques diffus. Le
traitement est très difficile et le pronostic réservé.
* Les brulûres de 3ème degré: elles se compliquent souvent d'une hémolyse modérée mais
peuvent parfois détruire en quelques heures le 1/3 de la masse érythrocytaire.

7.2.4. Les hémolyses toxiques

23
Les toxiques impliqués agissent soit par altération massive du métabolisme globulaire avec
formation de corps de Heinz. Ils provoquent l'hémolyse par un mécanisme oxydatif qui
aboutit à la formation d'une methémoglobine ou d'une sulfhémoglobine. Ils agissent aussi par
agression directe de la membrane.
Les principaux toxiques sont:
*médicamenteux: la quinine et ses dérivés, les sulfamides et les sulfones, certains
antibiotiques tels que l'acide nalidixique, la nitrofurantoïne, le chloramphénicol, l'isoniazide,
l'acide para-amino-salycilique, des antalgiques tels que la phénacétine, le paracétamol,
l'amidopyrine, la vitamine K ...etc.
*professionels: l'aniline, les chlorates, le nitrobenzène, la naphtaline, le cuivre, le toluène,
l'hydrogène arsénié (entraîne une CIVD), le plomb (le saturnisme entraîne des déficits
enzymatiques au niveau de la synthèse de l'hème).
*Animaux: les piqûres de certaines araignées, guêpes ou les morsures de serpents peuvent
provoquer une hémolyse par le biais d’une CIVD mais aussi par effet hémolysant direct (
vénin de cobra).
*Divers: eau distillée si l'injection dépasse 600ml; oxygénation hyperbare;
hypophosphorémie.

7.2.5. Hémoglobinurie paroxystique nocturne (HPN)


C'est la maladie de Marchiafava Micheli. Elle est rare. Elle est définie par une
sensibilisation excessive des GR à l'action hémolysante du complément activé. C'est la seule
hémolyse corpusculaire non hérédidaire. Cette hypersensibilité paraît due à un déficit sur les
hématies de 3 proteines au moins qui ont un rôle d’inhibition du complément. Leur déficit
favorise l'activation sans limite du complément sur les hématies d'HPN.
Cliniquement, elle associe: une hémolyse chronique, des épisodes d'hémoglobinurie
(survenant pendant le sommeil diurne ou nocturne, déclenchée par une infection, une
vaccination, une transfusion, les règles etc), des douleurs lombaires et abdominales, une
splénomégalie, des thromboses artérielle et veineuse cause de décès.
Biologiquement sont constatées une anémie normochrome normocytaire dans un
premier temps puis microcytaire, une leucopénie et une thrombopénie, une hémosidénurie et
parfois une aplasie médullaire.
Le diagnostic est posé par le test de Ham-Dacie (hémolyse en milieu acide) et le test
au sucrose.
Son pronostic dépend des complications graves que sont les thromboses veineuses,
l'insuffisance médullaire, les hémorrhagies et les infections.
Le traitement se fait par les transfusions, les antibiotiques et les anticoagulants. Du fer
peut être donné en cas de nécessité. Les coticoïdes sont utlisés par certains. Parfois la greffe
médullaire est proposé.

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AUTRES CAUSES D'ANEMIES

1 - Les Anémies Aiguës Hémorragiques


1.1. Définition :
Les anémies aiguës hémorragiques correspondent à des saignements rapides et
abondandes entrainant une spoliation érythrocytaire et plasmatique.

1.2. Physiopathologie
Les conséquences en sont double:
- Hypovolémie aiguë, à l'origine d'un collapsus cardiovasculaire puis
- réduction du taux d'Hb avec hypoxie par anémie aiguë ne se manifestant que
secondairement.
En effet, de la restauration et du maintient de la masse sanguine dépend la survie
immédiate du patient en attendant que l'hémostase soit faite.
Des mécanismes compensatoires se mettent en place.
L'un est immédiat, mettant en oeuvre:
- une vasoconstruction artérielle des territoire cutanées, musculaires et splanchniques ;
- une réduction des débits hépatique et rénal en vue de conserver les débits cérébral et
cardiaque.
L'autre retardé, mobilise les protéines extra-vasculaires dans le compartiment
vasculaire et favorise une rétention hydrosodée.
Ces mécanismes sont limités dans le temps et en volume. Les risques importants de
collapsus hémorragique et de choc hypovolémique sont réels et imposent une compensation
volémique rapide devant toute hémorragie aiguë abondante.
Dans un tel contexte, la régénération érythrocytaire est très lente. L'hyper
ème ème
réticulocytose n'est constatée qu'entre le 3 et 6 jour avec une bonne répération du
volume globulaire en 5-6 semaines à condition qu'il n'y ait pas de carence martiale ni folique.

1-3- Diagnostic
Il est en général évident mais dans certains cas, l'hémorragie peut ne pas être connue.
Tous les signes d'anémie sont à leur maximum: Tacchycardie, hypotension, pâleur, polypnée
superficielle. Il existe souvent une soif intense, une fébricule et un ictère lié à la résorbtion de
quantités importantes de sang accumulées dans les tissus.
Le diagnostic différentiel se fait avec un choc cardiogénique (ECG fait la différence)
et un choc infectieux.

1-3- Traitement
Le traitement doit être mis en oeuvre en urgence et doit viser:
- la reconstitution et le maintient de la masse sanguine

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- l'arrêt de l'hémorragie
L'usage du sang total y trouve sa seule indication, s'il est disponible.
S'il n'est pas disponible, on peut lui substituer des culots globulaires et des plasmas
frais congelés.
En urgence, en attendant les résultats du groupage sanguin, des cristalloïdes ou mieux
des macromolécules devrait être utilisés.
Ne pas oublier une supplémentation martiale, une fois la situation urgente passée.

2 – Les Anémie Des Insuffisances Rénales Chroniques


L'insuffisance rénale chronique (ICR) induit une baisse de la production de
l'érythropoïètine, hormone stimulant l'érythropoïèse.
L'anémie associée à l'insuffisance rénale est connue de longue date. D'installation,
progressive et chronique, elle est souvent profonde et longtemps bien tolérée. Elle est parfois
la circonstance révelatrice de l'IRC dont elle est aussi une des complications.
L'efficacité du traitement par l'érythopoïétine recombinante confirme le rôle
prédominent du défaut de synthèse dans la génèse de l'anémie, mais d'autres facteurs y
contribuent.
En effet, trois autres mécanismes concourent à la survenue de cette anémie:
- hémolyses globulaires; elle est constante bien que modeste; elle serait liée à certaines
toxines, mal dialysées, qui augmenterait la fragilité osmotique des hématies in vitro. Par
ailleurs des causes d'hémolyses aiguës dues à des accidents d'hémodialyse existent. Ce sont :
intoxication par le formol, dialysat trop chaud, dialysat hypo ou hypertonique, présence
d'oxydant dans le dialysat.
- inhibition de l'érythropoïèse par des toxines urémiques (amélioration de l'anémie par
hémodialyse).
- Hémorragie du fait d'une éventuelle perturbation des fonctions plaquettaires.
Le traitement de cette anémie inclut l'usage des androgenes, de la transfusion si
l'intensité de l'anémie l'exige. L'érythropoïétine humaine recombinante est très efficace.
L'anémie est corrigée en 3 mois environ. Il en est de même par une transplantation rénale.
Les patients dialysés doivent être supplémentés en fer et en acide folique.

3 – Les Anémies Des Insuffisances Endocriniennes


D'autres hormones participent à la régulation des l'érythropoïèse. Les hormones
endocrines sont de ces hormones et leur effets portent surtout sur la lignée érythroïde ; le
défaut de production de la plupart de ces hormones conduit à la survenue d'une anémie.
- la glande thyroïde
Le myxoedème et les hypothyroïdies sont associés à une inhibition de l'érythropoïèse
par suite d'une baisse dans la consommation de l'oxygène.
L'anémie est modérée, normocytaire, normochrome mais peut être compliquée par
l'existence d'une carence martiale ou folique ou en Vit B12.

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- L'hypophyse
L'hormone anté-hypophysaire stimule la production des hormones thyroïdiennes et
gonadiques. L'hypopituitarisme s'accompagne d'une anémie normocytaire modérée. Elle
agirait sur l'érythropoïèse en inhibant la synthèse de l'érythropoïétine et des hormones
gonadiques.
- Les gonades
La testostérone et ses dérivés stimulent la prolifération des progéniteurs et la synthèse
de l'érythropoïétine.
Les oestrogènes paraissent avoir un effet inverse. C'est là une des explications de la
différence des taux d'Hb entre homme et femmes.
- Les autres glandes endocrines
L'hypercorticisme s'accompagne d'une tendance à la polyglobulie alors qu'une anémie
modérée s'associe aux insuffisances surrénales ainsi qu'une leucopénie et une neutropénie
Une anémie modérée peut être aussi observée au cours du diabète, elle est cependant
multifactorielle.

4- Les Anémies Des Affections Hépatiques


L'anémie est une manifestation habituelle dans les affections hépatiques. Elle est
caractéristique de la cirrhose, des intoxications éthyliques avec possibilité d'aplasie
médullaire.
De plus un éthylisme chronique peut induire une anémie sidéroblastique avec
perturbation du métabolisme des folates.
La survenue d'une hémorragie n'est pas rare dans les cirrhoses.
Certaines anémies ne répondent à aucun de ces mécanismes mais pourraient relever
d'une hypervolémie, d'une survie raccourcie des cellules ou de l'incapacité de la moelle à
réagir face à l'anémie.

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