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Louis, un HPI
qui trompe
énormément
Louis est bon élève, mais il a de sérieuses difficultés
relationnelles à l’école. On lui « détecte » alors un HPI
(haut potentiel intellectuel), ce qui soulage sa mère,
pour qui cela explique tout. Mais derrière cette
étiquette se cache une autre réalité.
© melitas/Shutterstock

N° 152 - Mars 2023

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EN BREF
£ Une mère surinvestie
pour son fils Louis pense
que ses difficultés
à l’école sont dues au fait
qu’il est surdoué, ou HPI.
£ Mais l’intelligence
n’est pas une maladie.
Le garçon présente en
revanche des symptômes
d’autres troubles :
TDAH et anxiété.
£ Heureusement, son HPI
va l’aider à canaliser
son hyperactivité, à mieux
se concentrer et à lui
redonner confiance en lui.
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DÉCOUVERTES Cas clinique
GRÉGORY MICHEL
Professeur de psychologie clinique et de psychopathologie
à l’université de Bordeaux, chercheur à l’Institut des sciences
criminelles et de la justice, psychologue et psychothérapeute
en cabinet libéral, et expert auprès des tribunaux.
I
l y a quelques années, des parents,
inquiets pour leur fils, m’appellent un matin, crai-
gnant qu’il ne soit trop intelligent… « Bonjour
Professeur, notre fils a été diagnostiqué HPI. »
Comprenez « haut potentiel intellectuel ». Mais qui
ne connaît pas cet acronyme tant ce dernier est
devenu fréquent dans notre société ? Déferlement
non seulement d’ouvrages, dont certains flirtent
avec la mode du développement personnel, relayés
par les réseaux sociaux, mais aussi de sites alimen-
tés de vidéos, de témoignages pseudoscientifiques,
ce qui donne même lieu à la création de nombreux
centres prétendument experts en « détection des
HPI », partout en France.
HPI, LE TERME À LA MODE
À n’en pas douter, le HPI est à la mode. En
atteste aussi le retentissement médiatique, avec
notamment la création d’une série télévisée et de
bandes dessinées. Ainsi l’ampleur sociétale de ce
phénomène a-t-elle bien évidemment des réper-
cussions sur la façon dont certains parents se sont
saisis de la question du haut potentiel intellectuel
au sujet de leur enfant…
C’est le cas de Louis, dont les parents me
contactent ce jeudi matin de décembre : « Notre
médecin nous a dit que, comme il a été diagnosti-
qué HPI l’an passé, il doit être suivi par un spécia-
liste. » Je m’étonne : « Diagnostic, HPI ? Vous pouvez
préciser s’il vous plaît ? » Car le haut potentiel intel-
lectuel n’étant pas une pathologie, la notion de
diagnostic est – très – inappropriée. « Nous venons
d’arriver dans la région et mon fils a arrêté son
suivi psychologique, précise la maman. Je crains
qu’il ait les mêmes difficultés que dans son ancienne
école. » En effet, la particularité de son fils, liée à
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son HPI, le conduirait à être trop souvent incompris
des autres enfants, ainsi que de ses professeurs, et
tout cela se serait accentué depuis la rentrée.
Très vite, je reçois donc Louis accompagné de
sa maman. Dans la salle d’attente, sans écran à
la main ni magazine, ils sont tous deux plongés
dans leur livre respectif. Le jeune garçon, che-
veux bruns et petites lunettes rondes, sweat sur
chemise à boutons, chino bleu marine et baskets
de marque, dégage une impression à la fois bran-
chée et élégante. Et à l’appel de son prénom, il est
tellement absorbé par son livre d’aventures qu’il
met un temps à se lever.
LOUIS, PETIT GÉNIE DE SA MAMAN
Avec impétuosité, il entre ensuite dans le cabi-
net en devançant sa mère et s’installe le premier,
à la hâte, mais avec assurance, sur le fauteuil, en
me regardant droit dans les yeux. Sa mère reprend
ce qu’elle m’a dit au téléphone : « Comme Louis est
HPI, c’est difficile avec les autres, il n’est pas tou-
jours compris. Et comme il est hypersensible, il
réagit parfois très mal. » Louis interrompt sa mère :
« Oui, je suis plus intelligent que les autres. J’ai un
QI de plus de 130. » Sa mère surenchérit : « Oui, il
est très intelligent. Il est “zèbre” comme son père. »
Il y a plus de deux ans, en regardant une émis-
sion télévisée traitant du HPI, elle a souhaité que
son fils soit évalué. « Dans ce qu’ils racontaient, j’ai
tout de suite reconnu Louis : sa sensibilité, son
émotivité et sa précocité, évoquée par l’une de ses
professeurs. Alors j’ai décidé de lui faire passer un
test dans un centre parisien. Ils l’ont diagnostiqué
HPI. Puis Louis a été suivi depuis. »
Le garçon entamait alors son CE2 et commen-
çait à être en difficulté à l’école, non dans ses
apprentissages, mais davantage dans ses rapports
sociaux. « Son institutrice se plaignait de ses inter-
ventions en classe et avait même tendance à lui
interdire de répondre aux questions… Car, comme
il connaissait toutes les solutions, il empêchait les
autres élèves d’intervenir. » Ses résultats scolaires
étaient excellents, néanmoins, bien qu’entouré de
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 14 DÉCOUVERTES Cas clinique
LOUIS, UN HPI QUI TROMPE ÉNORMÉMENT
nombreux copains, il avait des relations sociales
compliquées. « Il est sociable, mais souvent un peu
trop à l’aise, de sorte qu’il s’emporte parfois un peu
vite. » Elle ajoute : « Et depuis cette rentrée, il lui
arrive de temps en temps de se refermer sur lui-
même, assez brutalement, sans que personne ne
comprenne vraiment pourquoi. »
Pendant que sa maman parle, scrutant ma
bibliothèque, Louis a repéré certains objets pro-
venant de pays lointains. « Vous avez des sta-
tuettes indiennes et de la mythologie. Moi, je
m’intéresse à la civilisation des Incas. » Sa mère
renchérit : « Oui, il est passionné par tout ce qui
concerne les civilisations anciennes et ce depuis
très longtemps. Avec mon mari, nous étions très
étonnés, car, déjà tout petit, il regardait avec nous
des reportages, alors que sa sœur, c’était plutôt
les dessins animés. La civilisation des Incas a été
une sorte de révélation pour lui. Il lit tout sur le
sujet. Nous sommes d’ailleurs allés au Pérou, il y
a deux ans, visiter les temples, comme le Machu
Picchu. Il était subjugué et intarissable. »
Après ce temps d’échange, je continue l’entre-
tien seul avec Louis. « Tu es donc passionné par
les Incas », lui dis-je. Bien installé dans son fau-
teuil, manipulant depuis le début de l’entretien
un stylo emprunté dans ma boîte à crayons, il me
répond, enthousiaste : « J’adore surtout l’empe-
reur Manco Capac, l’ancêtre des Incas. Vous savez
qu’il a inspiré Rascar Capac, dans Tintin ? » Il
enchaîne alors avec ferveur, empruntant des
détails tant dans l’album Les Sept Boules de cristal
que dans celui du Temple du Soleil, mais aussi
dans ses lectures d’ouvrages historiques.
UN ARTISTE GRAPHOMANE
Avec une voix éraillée, Louis s’exprime très
vite et fortement, presque en bredouillant. Il se
précipite, tant l’exalté qu’il est souhaite tout dire…
Une logorrhée, mais une logorrhée décousue. Tout
cela reflète une vive agitation intellectuelle. « C’est
parce que je suis zèbre que je pense trop. J’ai des
milliers de pensées tout le temps. Je pense aussi
trop vite pour les autres. Ma mère me dit que mes
copains n’arrivent pas à me suivre. » Le jeune gar-
çon décrit un flux permanent non seulement
d’idées, mais aussi de sensations, d’émotions et
d’images. « Tout, mais alors tout ça, s’organise mal
dans ma tête, ça dérange ma relation aux autres
et me gêne dans ma compréhension des exercices
proposés par l’institutrice. Je lui demande de répé-
ter, car je ne comprends pas, et elle s’énerve tou-
jours ! Ce n’est pas ma faute si je suis HPI ! »
Pendant qu’il parle – trop vite –, je constate que
Louis écrit, dessine, voire griffonne, sur une carte
de visite et un Post-it, mais aussi sur le dos de sa
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main gauche, tout un tas de dessins pas toujours
explicites… Sa mère me parlera plus tard de cette
graphorrhée, ou graphomanie : « Dès qu’il a réussi
à tenir un crayon, il n’a jamais cessé de gribouiller,
dessiner, partout, sur les serviettes, les livres, les
murs de sa chambre ou de l’entrée de notre maison,
sur ses vêtements… Un vrai artiste ! »
L’idéation – c’est-à-dire la faculté de former des
idées – du garçon est donc vive et riche, s’expri-
mant de diverses façons. Mais elle conduit aussi à
de nombreuses digressions, incontrôlables, comme
des associations verbales par souvenirs, qui
rendent notre discussion difficile à suivre. Voire
absconse par moments. Les coq-à-l’âne sont trop
nombreux. Face à cette « diffluence » de la pensée
et du discours – tout part dans tous les sens –, la
mère de Louis me précisera : « Mon fils est créatif,
il pense différemment. Comme tous les HPI, il a
une pensée en arborescence qui lui fait faire des
détours. Et il s’invente des chemins à prendre pour
dire et faire les choses. »
UNE PENSÉE QUI VA TROP VITE :
LA TACHYPSYCHIE
Mais tous ces propos de la mère ne remettent
pas en question mon premier diagnostic : Louis
présente une tachypsychie. Du grec tachy, signi-
fiant « rapide », et psyché, pour « pensée ». Il s’agit
d’une rapidité anormale du cours de la pensée,
ce qui provoque un séquençage perturbé, voire
un télescopage, des cognitions. D’où une fuite
des idées, des gribouillis partout, un discours
souvent incohérent.
Louis présente bien une hyperactivité intellec-
tuelle – comme le souligne si bien sa maman –,
mais elle se révèle souvent improductive tant le
traitement des informations est dysfonctionnel. Ce
qui énerve régulièrement le garçon. « Mon fils est
souvent nerveux, irritable et soupe au lait. Mais
c’est parce qu’il est hypersensible, qu’il ressent les
choses à 200 %. Parfois même des choses insigni-
fiantes. » Elle ajoute : « C’est pour ça qu’il s’emporte
face à l’injustice, comme cette année quand il s’est
fait punir, sans raison, par son institutrice. »
Après me l’avoir dissimulé, Louis me confirme
en effet qu’il a des difficultés relationnelles en
classe. « Mais c’est parce que je m’ennuie et
comme je pense à trop de choses en même temps,
je n’écoute pas bien les consignes de la maî-
tresse. » D’où la punition reçue après s’être
emporté quand elle lui a demandé d’écouter, et
ses difficultés scolaires récentes.
Comment un enfant, excellent élève, de sur-
croît HPI, peut-il en arriver là en début de CM2 ?
Âgé lui-même de 10 ans, Louis a une sœur aînée,
Clarisse, de 16 ans. Son père, ingénieur, occupe un
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poste à hautes responsabilités dans une importante

entreprise multinationale en informatique. Sa
mère ne travaille pas. Après avoir vécu à Paris près
de vingt ans, toute la famille revient dans la région
natale des deux parents, à la suite d’une promotion
du père. La petite tribu semble très unie, le père
travaille beaucoup, avec de fréquents voyages pro-
fessionnels. Quant à la mère, elle est très investie
dans l’éducation de ses enfants. « Dans notre
famille, il y a une bonne répartition des rôles.
Comme mon mari est très pris par ses responsabi-
lités professionnelles, car c’est quelqu’un de très
ambitieux, je m’occupe pleinement de mes enfants.
Ils sont la satisfaction de ma vie, ma réussite. »

LA MÈRE NOTAIT
TOUS LES PROGRÈS DE SON FILS
Louis a grandi tout à fait normalement. Je n’en
ai aucun doute quand je découvre le carnet que me

« Je pense trop et trop vite.

confie sa maman : « J’ai tenu un journal presque
tous les jours de la vie de Louis. J’y notais ses pro-
grès. » Dans ces pages, une myriade d’informations
écrites, des photos reprenant la croissance du gar-
çon, mais aussi les activités partagées avec son fils.
Louis a été très attendu, six ans le séparent de
sa sœur. Ce n’est pas un choix. « Après la naissance
de ma fille, j’ai voulu presque tout de suite un autre
enfant. Pour avoir un garçon. Mon mari, lui, pré-
férait attendre. » Et quand leur fille a eu 3 ans, les
parents se sont vraiment décidés : « Mais ça a été
très difficile d’avoir Louis. Je n’y arrivais pas. Mon
mari a moins souffert de l’attente… Et quand j’ai
envisagé une PMA, ou procréation médicalement
assistée, je suis tombée enceinte naturellement. »
La grossesse et l’accouchement se sont parfai-
tement bien passés et le bébé tant attendu a eu un
développement psychomoteur tout à fait normal,
voire précoce, selon sa maman. « Il a su très tôt
tenir sa tête et s’est assis avant ses six mois, bien
plus tôt que sa sœur. Il faisait du quatre-pattes
avant ses huit mois, en se déplaçant très vite. Il a
marché vers dix mois. Il a toujours été très éveillé,
en alerte sur ce qui l’entoure, très vif et impatient.
Il a babillé très tôt, vers cinq mois, et a prononcé
ses premières phrases de deux mots vers un an et
demi. Dès qu’il a commencé à parler, il ne s’est
jamais arrêté. » La maman insiste beaucoup sur le
fait que Louis venait facilement parler aux adultes.
« Il est très à l’aise, s’immisce dans nos discussions.
Il pose toujours des questions et a des arguments
© Sunny studio/Shutterstock
J’ai des milliers de pensées
tout le temps. Ma mère me
dit que mes copains n’arrivent
pas à me suivre. »
que lui était content d’aller à l’école. » Elle ajoute
que Louis dort peu. Il a vite arrêté les siestes et se
réveillait très tôt. « Avant 7 heures. Il venait nous
réveiller, puis on le retrouvait à jouer avec ses voi-
tures ou à lire ses livres. » Quand je le rencontre, le
garçon dort encore trop peu pour son âge, mais son
sommeil est de bonne qualité, même si des difficul-
tés d’endormissement existent depuis la rentrée.
À l’école, Louis aime apprendre et rentre bien
dans les apprentissages. « Tout petit, je lui expli-
quais tout. Je l’emmenais au musée, aux exposi-
tions, et je continue d’ailleurs. » Ce qui répond,
selon sa mère, a son appétence de savoirs. Hormis
ses difficultés relationnelles à l’école, la maman
précise qu’en CE2, il a eu quelques soucis avec
l’écriture, son institutrice de CE1 ayant déjà
remarqué que Louis faisait des erreurs avec des
syllabes et inversait des lettres. Mais quelques
séances chez une orthophoniste ont vite réglé ces
difficultés, qui « n’étaient que de légers troubles

convaincants. Il a toujours réponse à tout. C’est
assez difficile de négocier avec lui. »
Louis a été gardé par sa mère et ne connaîtra la
vie collective qu’à son entrée en maternelle. Mais il
s’est adapté sans aucune difficulté, me dit sa mère.
« C’est moi qui avais plus de mal à le laisser, alors
du langage écrit de type dyslexie et dysorthogra-
phie », ajoute la mère.
Avec tous ces éléments, je décide donc de pra-
tiquer un bilan psychologique, même si sa maman
me précise qu’il l’a déjà fait – il est HPI. Mais pas
seulement : je découvre que Louis présente un

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 16 DÉCOUVERTES Cas clinique
Louis, un HPI qui trompe énormément

QU’EST-CE QUE LE HAUT

POTENTIEL INTELLECTUEL ?
Avant toute chose, qu’est-ce que l’intelligence ? Du latin, intellĕgō,
dont le préfixe intĕr signifie « parmi » et le radical lĕgō, « ramasser, choisir »,
le mot intelligence signifie « comprendre en choisissant parmi un ensemble ».
Selon le psychologue Alfred Binet, coauteur du célèbre test psychométrique
du développement intellectuel Binet-Simon (l’ancêtre du test de QI),
l’intelligence est « la fonction vitale qui sert à nous adapter au milieu
physique de la nature et au milieu moral de nos semblables ».

S elon certains auteurs du début du XXe siècle,

comme Lewis Terman et Louis Leon Thurstone,
l’intelligence repose sur de nombreuses
compétences : des capacités d’abstraction,
la mémoire, le raisonnement logique, l’adaptation
à la nouveauté, la flexibilité mentale ou encore les
facultés d’inhibition. Le test Binet-Simon est créé
au début des années 1900 comme une aide
à l’orientation scolaire, afin d’identifier les élèves
en difficulté. En même temps, émerge la notion d’enfant
surdoué (gifted child) sans qu’elle repose sur des outils
psychométriques. Mais tout cela va inspirer des
chercheurs, comme Lewis Terman aux États-Unis, pour
étudier les enfants surdoués à partir des années 1920.
COMMENT MESURER
L’INTELLIGENCE ?
Les tests d’intelligence les plus utilisés dans le monde
ont été développés par le psychologue américain
David Wechsler (1896-1981). En 1949, il crée l’échelle
d’intelligence de Wechsler pour les enfants âgés
de 6 à 16 ans et 11 mois (Wechsler intelligence scale
for children, ou WISC). En 1955, c’est la version pour
mesurer l’intelligence des adultes (de plus de 16 ans)
qui sort (Wechsler adult intelligence scale, ou WAIS).
Et, en 1967, est publié le Wechsler preschool and
primary scale of intelligence, ou WPPSI, une adaptation
du WISC pour les petits âgés de 4 à 6 ans et 6 mois.
Tous ces tests sont révisés régulièrement.
David Wechsler estimait que l’intelligence n’était
pas unitaire, mais composite, les différents traits étant
mesurables séparément. Le test utilisé par Louis est
la cinquième version du WISC, parue en 2014.
Il comprend cinq composantes de l’intelligence
que voici, et qui sont évaluées à l’aide de questionnaires
et d’exercices bien précis.
 1 L’indice de compréhension verbale : capacités
langagières, raisonnement verbal, mémoire à long terme…
 2 L’indice visuospatial : capacité à créer une image
mentale, flexibilité cognitive…
 3 L’indice de raisonnement fluide : raisonnement
logique, relation d’équivalence…
 4 L’indice de mémoire de travail : mémoire
à court terme, capacité de concentration…
 5 L’indice de vitesse de traitement : vitesse de pensée
et d’exécution des tâches, capacité d’attention…
Tous ces indices permettent de calculer le QIT,
le quotient intellectuel total.
COMMENT DÉFINIR LE HPI ?
La notion de HPI, haut potentiel intellectuel, est
aujourd’hui associée à de nombreux termes,
comme « précocité », « surdouance », « pluripotentiel »,
ainsi qu’à des profils de personnalité, comme les zèbres,
les surdoués ou les philocognitifs, qui soulignent
les spécificités distinguant les HPI des
« normopensants ». Mais quelle est la définition
retenue par les scientifiques ?
Le haut potentiel intellectuel se caractérise par
des aptitudes cognitives hautement performantes
à un test standardisé, en comparaison avec des
personnes du même âge et du même contexte culturel.
Aussi devrait-on davantage utiliser le terme HQI,
haut quotient intellectuel, plutôt que HPI…
Le critère retenu pour être considéré comme HPI
est d’avoir un quotient intellectuel total (QIT) égal
ou supérieur à 130, ce qui correspond à deux écarts-
types au-dessus de la moyenne de la distribution du QIT
dans la population générale, qui se situe autour de 100.
Cela représente donc 2,3 % des personnes d’un âge
donné. Le qualificatif de sujets à très haut QI
– THQI – correspond quant à lui à un QIT supérieur
à 145. Aujourd’hui, dans le monde associatif, il n’est pas
rare de trouver un seuil de HPI à 120, ce qui correspond
à 10 % de la population générale… Mais ce chiffre n’est
pas retenu par les scientifiques.

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QUELLES SONT LES PARTICULARITÉS DU HPI ?
Fonctionnement cérébral
Les personnes HPI présentent un cerveau plus
volumineux et plus puissant, en moyenne, que le reste
de la population. La puissance résiderait dans la force
de certaines connexions neuronales qui amélioraient
le « dialogue » entre différentes régions du cerveau,
notamment les zones préfrontales (ayant un rôle dans
la coordination motrice volontaire, la planification,
la prise de décisions, le raisonnement, le langage)
et pariétales postérieures (ayant un rôle dans l’intégration
des informations issues des différentes modalités
sensorielles, comme la vision, le toucher, l’audition,
et dans la perception de l’espace et dans l’attention).
Réussite professionnelle et sociale
Le QI est positivement lié à la réussite scolaire, quel que
soit le niveau de scolarité. Le haut QI est même l’un des
meilleurs prédicteurs de réussite. Les HPI présentent
donc, en moyenne, des parcours de vie plutôt
épanouissants, font de meilleurs choix sur le plan social,
professionnel et pour leur santé. Notons que, selon
certaines études, ce serait pour les QI extrêmes
qu’il existerait un effet délétère de l’intelligence
sur l’intégration sociale.
Gestion des émotions
On entend souvent dire que les personnes HPI
présentent une hypersensibilité émotionnelle… Mais
20 % de la population générale est émotionnellement
hypersensible, proportion qui n’est pas différente
chez les sujets à haut QI…
Notion de « dyssynchronie »
Le psychologue Jean-Charles Terrassier a proposé
le concept de « dyssynchronie » pour nommer les
problèmes d’adaptation personnelle de certains HPI.
Il s’agit d’un décalage entre le développement
intellectuel et le développement physique et affectif.
Cette dyssynchronie serait liée aux troubles « dys »
(dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, dyspraxie…)
ou aux troubles neurodéveloppementaux, comme le
bégaiement. Mais elle correspondrait aussi à une forme
complexe de HPI, avec créativité, pensée divergente,
hypersensibilité, alors que la plupart des personnes
surdouées présentent plutôt une pensée
essentiellement analytique, linéaire et déductive, sans
dyssynchronie ni difficultés émotionnelles et sociales.
UN INDIVIDU HPI A-T-IL PLUS DE RISQUES
DE SOUFFRIR DE TROUBLES MENTAUX ?
Souvent, on « diagnostique » des enfants HPI comme
s’il s’agissait d’une pathologie ou d’un don associé
à de nombreuses difficultés, qu’elles soient
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L’intelligence est plutôt
un facteur qui favorise
la résolution de problèmes,
les stratégies d’adaptation,
la compréhension de soi
et d’autrui. Ce n’est pas
une maladie.
relationnelles, émotionnelles, cognitives et donc
scolaires… Il s’agirait ainsi de « soigner » ces jeunes,
le postulat étant que leur intelligence supérieure produirait
une conscience de soi aiguë, ce qui les rendrait plus
sensibles à l’adversité, à l’injustice, au stress…
Or l’intelligence est plutôt un facteur qui favorise
la résolution de problèmes, les stratégies d’adaptation,
la compréhension de soi et des autres. De nombreuses
études l’ont prouvé. Par exemple, la première analyse
de cohorte menée par Lewis Terman a montré des
différences de fonctionnement psychosocial, certes, mais
plutôt en faveur des HPI que de la moyenne des individus.
D’autres travaux ont révélé que les surdoués ne souffrent
pas plus d’insatisfaction personnelle que leurs pairs,
qu’ils s’ajustent souvent mieux à leur environnement
social et qu’ils n’ont pas plus de troubles émotionnels
et comportementaux. On a même montré que les enfants
et les adolescents HPI présentent des niveaux d’anxiété
similaires à leurs pairs non surdoués. Il en va de même
pour la mauvaise estime de soi et le TDAH, qui ne sont
pas plus représentés dans un groupe ou l’autre.
La majorité des études scientifiques prouvent donc
que les enfants HPI ont une santé mentale au moins
égale à celle des autres, et ne corroborent pas l’idée
selon laquelle le surdoué présenterait une vulnérabilité
psychopathologique. Néanmoins, il est probable que
les particularités du HPI associé à un trouble anxieux,
dépressif, ou à un TDAH, modifient les symptômes
dudit trouble. Mais cette idée, appelée « fragilité
psychopathologique », s’explique avant tout par un biais
d’échantillonnage, car les enfants HPI perçus comme
souffrants consultent souvent des professionnels
de la santé pour des problèmes psychologiques
qui ne sont, pour la plupart, pas liés à leur HPI,
de sorte que ces jeunes ne sont pas représentatifs
de la population générale…
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Louis, un HPI qui trompe énormément
trouble du déficit de l’attention avec hyperacti-
vité, ou TDAH, un trouble presque aussi popu-
laire aujourd’hui que le HPI. J’apprends alors que
son institutrice l’avait évoqué l’année dernière,
mais les parents de Louis considéraient déjà ses
particularités comme étant liées à son HPI.
Pourtant, par exemple, le test de Conners, auquel
je soumets Louis, qui permet d’évaluer l’inatten-
tion, l’hyperactivité et les comportements dits
« d’opposition » en milieu scolaire et à la maison,
révèle clairement des difficultés dites « envahis-
santes », c’est-à-dire considérées comme patholo-
giques, dans ces trois domaines.
Louis est facilement distrait et ne reste attentif
et concentré que peu de temps. « Quand le pro-
blème à résoudre dure trop longtemps, il passe à
autre chose et, surtout, comme il termine vite les
exercices, il se met à bavarder », me dira plus tard
sa maîtresse. Je découvre aussi chez le jeune gar-
çon des signes d’hyperactivité et d’impulsivité :
mouvements fréquents, instabilité psychomotrice,
agitation. Louis remue, se tortille beaucoup, a du
mal à se tenir tranquille, même si ce n’est pas inva-
lidant. Et il a des comportements excessifs en situa-
tion sociale, coupe fréquemment la parole et inter-
rompt les conversations, donnant l’impression qu’il
se met en scène et cherche à occuper toute la place.
Pour le pan affectif, je pratique d’autres tests
qui révèlent que l’enfant présente bien ce qu’on
appelle une « labilité émotionnelle ». Celle-ci est
d’ailleurs souvent associée au TDAH. Mais elle n’est
pas pathologique comme l’est le trouble disruptif
avec dysrégulation émotionnelle, qui correspond
à des accès de colère fréquents et à une humeur
irritable presque permanente entre ces crises.
Beaucoup des « énervements » de Louis, comme dit
sa mère, se produisent quand il n’est pas au centre
de l’attention. Il se sent frustré. La relation dya-
dique, presque exclusive, entre Louis et sa mère
nourrit donc des réactions émotionnelles chez le
garçon qui sont souvent – en réalité – des caprices
associés à des colères.
PEUR DE NE PAS RÉPONDRE AUX ATTENTES
Mais je découvre un autre aspect chez mon
jeune patient : l’anxiété. Notamment dans le
domaine scolaire, ce qui affecte son estime de
lui-même. En fait, derrière sa confiance affichée,
ses attitudes de prestance, donnant l’impression
qu’il est arrogant, se dissimulent des doutes sur
ses compétences et sur lui-même. « Ma mère me
dit sans arrêt que je suis hyperintelligent, mais,
pourtant, je ne comprends pas certaines choses
que mes copains assimilent. » Louis doute de plus
en plus de lui depuis un an, d’autant que ses
résultats sont moins bons que l’an passé.
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DÉCOUVERTES Cas clinique
On parle d’« anxiété de performance » et elle
pointe son nez chez Louis : il anticipe d’ailleurs
ses peurs – de ne pas être performant le lende-
main à l’école – au moment du coucher, d’où ses
difficultés d’endormissement. « Je lui ai toujours
lu des histoires avant de dormir. Mais depuis
quelques semaines, je dois rester plus longtemps
avec lui. Parfois, je dors même au pied de son lit. »
Louis se sent à nouveau en « décalage », pas
avec ses copains cette fois, mais avec les attentes
de ses parents, surtout de sa mère, en comparai-
son avec ce qu’il produit à l’école. Le doute l’enva-
hit et sans qu’il ne le dise clairement, je com-
prends qu’il se considère comme un usurpateur,
un imposteur. « Ma mère dit à tous ses amis que
j’ai des talents extraordinaires. Je me sens mal à
l’aise vis-à-vis de ma sœur et des autres… »
COMMENT AIDER LOUIS ?
Mais Louis est-il vraiment HPI ? J’utilise
l’échelle d’intelligence de Wechsler pour enfants
et adolescents (le WISC-V) afin d’évaluer ses apti-
tudes cognitives : le garçon est bien HPI avec un
quotient intellectuel total, ou QIT, de 131 (on
considère que quelqu’un est HPI au-delà de 130
de QI, voir l’encadré page 16).
Toutefois, son profil intellectuel est très hété-
rogène et correspond davantage à celui des enfants
souffrant d’un TDAH. Plus précisément, son indice
de compréhension verbale, qui est à 135 (un score
élevé, donc), confirme que Louis présente de fortes
capacités linguistiques, un excellent raisonnement
verbal, ainsi qu’un bon lexique, ce qui lui sert à
bien élaborer, et avec précision, ses réponses
lorsqu’il est placé dans une situation d’évaluation.
Je retrouve aussi des notes proches de 130 dans sa
capacité à penser logiquement, à résoudre des pro-
blèmes dans des situations nouvelles, ainsi que
dans le traitement spatial et visiomoteur des
tâches. Il aime relever les défis. « J’ai une collection
de casse-tête et je suis très rapide avec mon Rubik’s
Cube, j’arrive à le faire en moins d’une minute ! »
En revanche, son TDAH impacte significati-
vement ses indices de mémoire de travail et de
vitesse de traitement, qui se situent entre 110 et
115. Le garçon fait des erreurs d’étourderie, des
omissions et a des difficultés à se concentrer ou
à mémoriser des séquences trop longues ou trop
complexes. Ce qui l’énerve. « C’est nul. Recopier
et retenir ces symboles n’a aucun sens. »
Aussi le dépistage de son TDAH et de son
anxiété liée à la scolarité, aux relations sociales et
à l’estime de soi remet-il en question la thérapie
voulue par sa mère… En effet, les difficultés
d’adaptation et d’interaction de son fils s’expliquent
par la présence du TDAH – son impatience, son
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impulsivité et sa difficulté à écouter ; son HPI n’y

est pour rien. Certes, en ayant une intelligence éle-
vée, Louis se sent parfois en décalage vis-à-vis des
autres enfants, mais il arrive toujours à trouver des
terrains d’entente avec des jeux d’extérieurs.
Je commence donc un travail psychothérapeu-
tique axé sur son TDAH, son estime de soi et sa
relation avec sa mère. À l’école, on met en place des
Les difficultés d’adaptation
aménagements pédagogiques proches d’un plan et d’interaction de Louis
s’expliquent par la présence
d’accompagnement personnalisé (PAP). Par
exemple, Louis travaille coupé de toute source de
distraction et de bruit, et son enseignante lui per-
met de se déplacer dans certaines conditions utiles d’un TDAH ; son HPI n’y est
pour la classe, comme distribuer des feuilles d’exer-
cices, ce qui a l’avantage de favoriser son intégra-
pour rien.
tion. On veille également à ce qu’il ne soit pas mis
à l’écart des autres élèves dans la cour de récréa-
tion. Et compte tenu de ses ressources intellec- d’esprit critique, prend du recul sur de nom-
tuelles, on lui propose davantage d’activités d’éveil Bibliographie breuses situations scolaires et, progressivement,
et d’exploration de contenus nouveaux et variés. reprend confiance en lui. Son impression d’être
un imposteur s’estompe peu à peu.
N. Clobert et N. Gauvrit,
DIMINUER LA PRESSION
Psychologie du haut
En parallèle, je propose à ses parents des potentiel. Comprendre, DU SPORT POUR ÉVACUER L’HYPERACTIVITÉ
entretiens dits « de guidance parentale » afin qu’ils identifier, accompagner, Tout au long du suivi psychothérapeutique,
comprennent mieux la problématique de leur fils. De Boeck, 2021. l’intelligence du garçon sera une alliée formi-
Notamment pour sa mère, qui a reçu le diagnostic M. Liratni, Haut dable pour traiter ses difficultés. Louis développe
de TDAH très négativement : « C’est une catas- potentiel intellectuel des stratégies innovantes pour canaliser son
trophe, une calamité… Moi qui étais certaine de et psychopathologies : hyperactivité dans le sport, mais aussi dans le
son hyperintelligence… » Mais après lui avoir position réconciliatrice théâtre et, plus étonnamment, dans le dessin,
expliqué longuement que son fils présentait les et pistes thérapeutiques, alors qu’il a souffert de dysgraphie… Il apprend
deux, HPI et TDAH, et que son intelligence allait Anae, 2018. à gérer le temps, à mieux s’organiser dans son
l’aider à le soulager de ses symptômes d’hyperac- R. Francis et al., travail, en séquençant ses tâches, de sorte que ses
tivité, la mère reprendra pied, aussi grâce à son Intellectual giftedness difficultés attentionnelles s’améliorent nette-
mari. Elle accepte en effet d’entamer une psycho- and psychopathology in ment, ainsi que son anxiété.
thérapie tant les enjeux relationnels et affectifs children and adolescents : Il travaille aussi, et surtout, son empathie
entre elle et son fils l’ont conduite à surinvestir le A systematic literature comme l’une des clés de son adaptation sociale avec
HPI. Progressivement, elle éclaircit ses liens avec review, Exceptional les autres enfants. Car, même s’il est «  trop empa-
son fils : la problématique anxieuse autour de la Children, 2016. thique, et s’approprie la souffrance des autres »,
séparation, les idéalisations projetées sur son S. Bergold et al., comme disait souvent sa mère, il a des difficultés à
enfant et, bien entendu, les répercussions néga- Are gifted adolescents évaluer et à réguler ses émotions, afin de ne pas se
tives sur eux deux. Après plusieurs mois de travail more satisfied with their laisser déborder par elles, et à adopter le point de
personnel avec l’un de mes confrères, très émue, lives than their non- vue d’une autre personne pour comprendre ce
gifted peers ?, Frontiers
elle m’annoncera même combien elle a eu tort de qu’elle est censée penser ou ressentir – c’est la
in Psychology, 2015.
s’enfermer dans ce « diagnostic d’HPI ». Ces notion d’empathie cognitive, qui implique une flexi-
séances avec les parents se révèlent donc très effi- F. Guénolé et al., bilité mentale, très utile en situation sociale pour
Étude transversale
caces pour limiter, voire abaisser, leurs attentes et ne pas blesser autrui. Le garçon parviendra bien à
de l’anxiété trait dans
la pression vis-à-vis des exigences scolaires. un groupe de 111 enfants développer cette autre facette de l’empathie.
Quant à Louis, il s’inscrit rapidement dans un intellectuellement Aujourd’hui, Louis est en classe de troisième.
club de basket-ball, sport qu’il pratique plusieurs surdoués, L’Encéphale, Il présente, bien sûr, toujours un TDAH, mais ses
fois par semaine, ce qui nous permet de travailler 2013. difficultés sont modérées et son évolution est tout
sur sa sensibilité face à l’injustice lors des entraî- J.-C. Terrassier, à fait positive. Sa scolarité est fort satisfaisante,
nements et surtout lors des matchs, mais aussi sur Les Enfants surdoués ses résultats scolaires sont très bons. Il a un vrai
ses maladresses dans les relations interperson- ou la précocité cercle d’amis avec lesquels il pratique sport et
nelles, ainsi que sur ses difficultés d’autocontrôle. embarrassante, théâtre. Et, depuis un an, il s’investit dans son nou-
Bénéficiant d’une grande sensibilité et d’excel- ESF, 2009. veau centre d’intérêt, le journalisme, qui nourrit
lentes capacités introspectives, Louis fait preuve son souhait de devenir grand reporter. 

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