Vous êtes sur la page 1sur 9

58 ÉCLAIRAGES

p. 68 Les Ukrainiens l’ont-ils bien cherché ? p. 72 Une version aboutie de soi-même ?

Fanny, malade
des médias
Pandémie de Covid-19, guerre en Ukraine, réchauffement
climatique : des actualités catastrophistes que Fanny
ne cesse de suivre dans les médias… Un mal appelé
« doomscrolling » (faire défiler sans fin les nouvelles
angoissantes) qui a provoqué chez elle un « syndrome
de stress médiatique » – et qui l’amène au bord
de l’effondrement psychique.
© Stesy/Shutterstock

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 58 20/04/2022 17:26


59

Cas clinique

GRÉGORY MICHEL
Professeur de psychologie clinique et de psychopathologie
à l’université de Bordeaux, chercheur à l’Institut des sciences
criminelles et de la justice, psychologue et psychothérapeute
en cabinet libéral, et expert auprès des tribunaux.

EN BREF
£ Quand Fanny
consulte un
psychothérapeute,
E n tout début de matinée, avant que les embou-
teillages ne paralysent les grands boulevards de la métropole, je
reçois dans mon cabinet une patiente d’une quarantaine d’années
prénommée Fanny. C’est une femme aux cheveux châtain acajou,
mi-longs, aux grands yeux noirs. Maquillée de façon discrète, elle
porte quelques bijoux – des boucles d’oreilles dorées de forme carrée,
elle souffre de douleurs assorties à l’une de ses bagues. Elle est vêtue de façon classique,
au dos mais aussi quoique austère et sombre, de la tête aux pieds : pull gris foncé, jupe
de troubles respiratoires, noire mi-longue et mocassins noirs. Sa plainte ? « Depuis quelques
cardiaques et digestifs…
mois, j’ai des douleurs un peu partout dans le corps, mais essentielle-
£ Derrière ces signes ment dans le dos, et mon médecin pense que c’est psychologique… »
somatiques : un stress
qui n’a fait que croître UNE LOMBALGIE SANS CAUSE IDENTIFIÉE
depuis le début
de la pandémie, et s’est Les signes de tension ne trompent pas. Sa mâchoire est crispée, ses
aggravé avec la guerre traits tendus. Je commence par la questionner sur son moral. Elle me
en Ukraine. regarde droit dans les yeux, avec un port de tête rigide, puis hausse
ses fins sourcils en me disant : « À vrai dire, je ne sais pas si c’est psy-
£ En fait, Fanny souffre chologique… Mais en tout cas, j’ai fait tous les examens médicaux
d’un trouble anxieux lié
aux médias : elle ne peut possibles : des radiographies, des IRM, des scanners, et ça ne donne
s’empêcher de les rien. J’ai vu aussi des kinés et des ostéopathes. Cela me soulageait
consulter, car elle a peur parfois un temps, puis ça revenait. »
de l’avenir, et pense ainsi Les douleurs prolongées et lancinantes, parfois très intenses et
se rassurer… Et cela fait
écho à certains épisodes situées en bas du dos, dont elle souffre, correspondent à une lombal-
de son enfance. gie. Or les examens cliniques n’ont mis en évidence ni scoliose, ni
fracture de vertèbre, ni spondylarthrite – une maladie inflammatoire
£ Face au syndrome chronique qui touche surtout les articulations des vertèbres – ni infec-
de stress médiatique, tion localisée dans la colonne vertébrale… La piste d’origine psychique
une thérapie ciblée
est nécessaire est donc plausible…
– et se révélera efficace. Comme Fanny ne m’a pas répondu concernant son « moral », je me
focalise dans un premier temps sur l’examen de ses douleurs

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 59 20/04/2022 17:26


60 ÉCLAIRAGES Cas clinique
FANNY, MALADE DES MÉDIAS

somatiques – ce qui se révèle très intéressant. En ne voulais pas l’admettre, mais je ne suis pas bien
effet, ses douleurs ne se limitent pas au dos. depuis quelque temps… Il n’y a pas que mon dos
Fanny se plaint également de douleurs cervicales, qui me rend malheureuse. » Elle commence dès
ainsi qu’au niveau des épaules, ce qui laisse lors à dépeindre une certaine lassitude, un senti-
craindre des troubles du système musculosque- ment d’épuisement qui ne correspond pas à de la
lettique. Or, là encore, aucune cause n’est mani- fatigue normale mais plutôt à une asthénie, une
feste, qu’elle soit traumatique, osseuse ou articu- fatigue qui perdure malgré un sommeil et un
laire… Et le bilan médical qu’elle a réalisé n’a mis repos suffisants. « J’ai déjà été déprimée dans ma
en évidence aucun facteur biomécanique lié à son vie, certes, et je sais ce que c’est. Mais ce que je
travail, comme de mauvaises postures prolongées ressens actuellement ne ressemble pas à une
ou des exercices de force. Cadre commerciale dépression, c’est autre chose… »
dans les assurances, ma patiente passe certes du Fanny décrit notamment une sensation désa-
temps en posture assise, mais du fait qu’elle gère gréable, et persistante, de ne plus être en mesure
de nombreux comptes pour de grands clients, elle de mener à bien ses activités professionnelles et
se déplace aussi beaucoup. L’origine de ses souf- quotidiennes. « Je me sens constamment en désé-
frances doit venir d’ailleurs. quilibre entre ce que je dois accomplir et ce que
Alors que je lui demande si elle ressent des je me sens capable de faire… Je stresse. » Le mot
douleurs à d’autres endroits, la jeune femme est enfin lâché : « stress ».
évoque de nombreux symptômes dits « neuromus-
culaires » : « J’ai parfois des douleurs aux muscles « JE STRESSE »
des jambes, comme des crampes, des raideurs, Et cela va décrisper la jeune femme, comme si
ainsi que des tremblements… Par exemple, au ce mot était à lui seul capable de rendre compte de
niveau des yeux : depuis quelques jours, j’ai les son état intérieur. « C’est ça, je me sens très stres-
paupières qui tremblent beaucoup. » Elle me fait sée depuis quelque temps. En fait, cela ne date pas
part également de sensations de bouffées de cha- d’hier… Depuis le premier confinement, je ne suis
leur, accompagnées de rougeurs du visage, et de pas bien. Mais là, je crois que ça s’est aggravé ces
troubles respiratoires, comme une respiration dernières semaines. » Elle me décrit alors les peurs
haletante, désagréable voire gênante, avec impres- multiples qu’elle ressent dans sa vie de femme,
sions d’étouffement. « J’ai parfois le cœur qui s’em- dans son travail, concernant ses enfants, mais
balle dans la journée, je me mets à trembler et j’ai aussi le Covid-19, le réchauffement climatique,
même eu peur, deux ou trois fois, de perdre l’écologie, et encore la guerre en Ukraine. Elle se
connaissance. » À cette tachycardie et ces vertiges montre très anxieuse, avec des ruminations inces-
s’ajoutent une impression de bouche sèche et des santes, des doutes permanents, des sentiments
maux de tête de plus en plus fréquents. Sur le plan profonds d’insécurité et des peurs sans objet réel
gastro-intestinal, Fanny mentionne aussi une dys- ou bien défini. « J’ai peur pour l’avenir. J’ai l’im-
pepsie – des douleurs gastriques – et une sensation pression de m’attendre au pire. Comme si j’avais le
de trop-plein avec des brûlures épigastriques. pressentiment que c’est la fin… »
« Depuis quelques jours, dit-elle, je mange moins, Ce désarroi psychique intense nuit indénia-
car j’éprouve de plus en plus de difficultés à digé- blement à sa productivité au travail. « J’ai par-
rer. J’ai comme des remontées gastriques qui fois du mal à savoir ce que je fais ou ce que j’ai
m’empêchent de bien dormir… » à faire. Je n’arrive plus à me concentrer. J’ai des
oublis. Mais des pensées reviennent sans cesse,
DES SYMPTÔMES ANXIEUX GRAVES me parasitent et me perturbent. J’ai même des
Fasciculations musculaires des paupières images dans la tête, comme des « scotchs » qui
(brèves contractions), douleurs musculaires, se collent à mon esprit et dont je n’arrive pas à
troubles respiratoires, cardiaques, digestifs : me défaire. Ça colle, ça colle, comme sur le
autant de symptômes somatiques relevant d’une bout des doigts, et quand j’en décolle un, il y
grave anxiété. Alors que Fanny n’évoque rien à ce en a un autre qui se présente. C’est permanent
sujet, voire se défend de troubles psychiques, son et c’est insupportable. »
corps, lui, parle pour elle ! Mais d’où viennent tous Cette anxiété généralisée, cette angoisse anti-
ces symptômes ? Et surtout, que révèlent-ils ? cipatoire la rendent hyperémotive : elle sursaute
C’est à la suite de l’énumération de toutes ses à chaque bruit, son niveau de vigilance est exa-
souffrances corporelles que la jeune femme cerbé, et elle se met parfois à pleurer en cachette
s’écroule dans son fauteuil, en me parlant, avec dans son bureau, souvent dans sa voiture
de nombreux soupirs, des sanglots qu’elle a dû lorsqu’elle rentre chez elle pour retrouver ses
dissimuler la veille, presque toute la journée. « Je enfants… Toutes ces peurs perturbent son

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 60 20/04/2022 17:26


61

sommeil. « Je n’ai jamais eu un très bon sommeil


mais, depuis deux ans, il est encore pire et s’est
vraiment dégradé récemment. » Fanny décrit des
troubles de l’endormissement : « J’ai des pensées
qui ne s’arrêtent jamais et, quand je me couche,
elles empirent. Je revois en boucle des images de
la guerre… Ce qui m’aide à m’endormir, c’est de
compter sans arrêt l’argent dont je dispose sur
mes comptes, car, au cas où il y aurait un pépin,
je veux savoir que je pourrai assurer. »
En jargon psychiatrique, on appelle cela
l’« arithmomanie » (une manie « arithmétique ») :
soulager ses angoisses en comptant de façon com-
pulsive. Mais Fanny se réveille aussi la nuit, « de
plus en plus souvent, avec des impressions extrê-
mement pénibles qu’un danger serait imminent.
J’ai la poitrine oppressée, mon cœur bat très
vite ». À cela s’ajoutent des réveils précoces, « vers
5 heures ou 5 heures et demie du matin, puis
impossible de me rendormir ». Quelles sont les
causes de toutes ses angoisses ?

DES IMAGES DE GUERRE PLEIN LA TÊTE


Clairement, Fanny m’évoque abondamment
Covid-19, réchauffement
les images de guerre qu’elle a en tête. De la climatique, guerre en Ukraine.
guerre en Ukraine. « Depuis le 24 février dernier
et l’invasion de l’Ukraine par Poutine, j’ai peur et « J’ai peur pour l’avenir.
cela m’angoisse énormément. Les images des
chars, des bombardements, des blessés et des
J’ai l’impression de m’attendre
réfugiés sont terrifiantes. » Elle me dit y penser
sans cesse, qu’elle soit au travail, à la maison ou
au pire. Comme si j’avais le
en balade. Elle en parle continuellement, avec ses pressentiment que c’est la fin… »
collègues, ses amis, sa famille et surtout son
conjoint. Elle me précise alors avoir souffert de Fanny, 43 ans
deux crises d’angoisse, brutales et intenses, mais
de courte durée, l’une après son travail et l’autre exclusive. Elle a un conjoint depuis trois ans, avec
en début de nuit. Il s’agissait certainement d’at- lequel elle vit en pointillé. Son ex-mari, Jacques,
taques de panique. « Soudainement, j’ai ressenti un architecte plus âgé qu’elle de neuf ans, l’a quit-
des douleurs très puissantes dans le corps, au tée brutalement il y a sept ans. « Il travaillait toute
niveau du souffle, du cœur… Comme si un dan- la semaine dans la capitale et, un soir, il m’a
ger irrémédiable allait arriver… Je me sentais annoncé qu’il voulait changer de vie. » Fanny
impuissante et j’allais mourir. À chaque fois, sombre alors dans la dépression. « Ma vie s’est
j’étais toute seule quand ça s’est produit. » Et écroulée. Je savais qu’il me trompait, mais j’étais
Fanny rapporte également un sentiment de persuadée qu’il ne me quitterait pas à cause des
dépersonnalisation, de dissociation : « Je n’étais enfants. J’ai eu tort. » Elle avait rencontré Jacques
plus moi-même. J’avais l’impression d’être dans au début de sa vie active, alors qu’il venait de se
un autre monde, comme si ce n’était pas réel, séparer d’une autre femme. Selon elle, leur couple
comme si c’était étranger à moi-même. J’avais la allait très bien. Cette séparation a été un véritable
sensation de voir les chars russes envahir la coup de tonnerre. Au fond du trou, elle a fini par
France… » Une forme de télescopage entre la réa- consulter un psychiatre, et a pris, pendant deux
lité et des images vues dans les médias. ans, des antidépresseurs et des anxiolytiques.
© Moremar/Shutterstock

Avant d’aller plus loin, faisons davantage


connaissance avec Fanny. Âgée de 43 ans, cadre ELLE ENCHAÎNE LES ABANDONS ET…
supérieure dans les assurances, divorcée depuis LES DÉPRESSIONS
cinq ans, elle est mère de deux enfants, Emma, Mais ce n’était pas son premier épisode
12 ans, et Clovis, 9 ans, dont elle a la garde dépressif. Son premier était survenu en deuxième

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 61 20/04/2022 17:26


62 ÉCLAIRAGES Cas clinique
Fanny, malade des médias

DU « DOOMSCROLLING » AU TROUBLE ANXIEUX


LIÉ AUX MÉDIAS

I l a été envisagé maintes fois que l’afflux massif d’informations


diffusées très rapidement, grâce aux nouvelles technologies,
puisse causer des dommages sur la santé psychologique
Plus précisément, en 2020, Dana Rose Garfin, de l’université
de Californie à Irvine, et ses collègues ont montré qu’une consommation
excessive des médias, en particulier des réseaux sociaux traitant
de la population. Dès le début du xixe siècle, avec la généralisation de la pandémie de Covid-19, notamment avec la désinformation et les
de la radio, on a suggéré qu’une consommation excessive fake news, perturbait la santé mentale avec pour conséquences stress,
d’informations entraînait parfois un « épuisement nerveux » anxiété, voire dépression. En 2022, Roy Perlis, de l’école de médecine
et d’autres maladies, menaçant la stabilité mentale de certaines de Harvard, à Boston, et ses collègues ont mis en évidence
personnes. Ainsi, en 1923, un article en une du New York Times que la croyance en la désinformation, en une information manipulée,
rapportait le cas d’une femme du Minnesota qui demandait par exemple sur les vaccins contre le Covid-19, aurait aussi un impact
le divorce, car son mari souffrait de « radiomania » : elle estimait psychologique en termes de symptômes dépressifs. En outre, d’autres
qu’il « accordait plus d’attention à son appareil radio qu’à elle-même ». études récentes ont montré que l’incertitude quant à la fiabilité
Les contextes de guerres et d’attentats ont ensuite amplifié des informations est de nature à augmenter l’anxiété.
le phénomène. Certaines études ont en effet mis en évidence des liens
entre une surexposition aux médias en contexte de guerre et la santé « FAIRE DÉFILER LES MAUVAISES NOUVELLES À L’INFINI »
mentale. Par exemple, en 2015, une étude israélienne a montré que À l’ère des smartphones, est apparu le terme doomscrolling, composé
l’augmentation de la fréquence de visionnage des bulletins de nouvelles des mots anglais doom signifiant « chute, ruine, mort », associé au mal
était associée à une élévation significative de l’anxiété, se traduisant et aux ténèbres, et de scrolling (« faire défiler » son écran), qui signifie
par une peur incontrôlée, une hyperexcitation physiologique, donc « faire défiler sans fin des images de malheur ». Il désigne
des troubles du sommeil et des pensées effrayantes. le fait de passer un temps d’écran excessif sur les fils d’actualité
Twitter, Instagram, Reddit, Facebook, etc., pour absorber des nouvelles,
GUERRES, ATTENTATS, PANDÉMIES, la plupart du temps négatives, par exemple des événements
RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE, EN BOUCLE
De même, en 2019, Rebecca Thompson, de l’université de Californie
à Irvine, et ses collègues ont établi que l’exposition répétée aux médias
traitant des attentats à la bombe – lors du marathon de Boston en 2013
et à Orlando en 2016 – augmentait le risque de présenter des symptômes
de stress post-traumatique sur un échantillon de 4 165 Américains.
Les chercheurs précisent que ce risque était d’autant plus élevé que
les sujets avaient eux-mêmes vécu le traumatisme, mais que cet effet
s’exerçait aussi pour ceux qui n’y avaient pas été directement exposés.
L’impact des médias a parfois des conséquences à long terme. En effet,
en 2013, Roxane Silver, de l’université de Californie à Irvine, et ses
collègues ont montré un lien entre l’exposition aux médias traitant des
attentats du 11 septembre et la détresse psychologique, les symptômes
de stress post-traumatique pouvant persister pendant deux à trois ans.
Notons également que la façon dont les attentats, mais aussi
les guerres, sont couverts sur les réseaux sociaux a radicalement changé
au fil du temps. En 2011, TikTok n’existait pas et Instagram
avait 1 an d’âge. Au 7 mars 2022, les vidéos TikTok taguées avec
#ukrainewar ont été visionnées plus de 600 millions de fois,
et près de 180 000 publications Instagram ont utilisé ce hashtag. Quant
© Worawee Meepian/Shutterstock

à la pandémie mondiale du Covid-19, plusieurs études, dont celles de Miao


Chao, de la Tianjin Normal University en Chine, et de ses collègues,
et de Ruth Neill, de la Queen’s University de Belfast, au Royaume-Uni, et
de ses collègues, ont montré sans surprise que les comportements, afin de
se rassurer, de recherche d’informations par le biais des médias traditionnels
et sociaux conduisaient parfois à développer, à l’opposé de l’effet
recherché, un sentiment d’incertitude retentissant sur la santé mentale.

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 62 20/04/2022 17:27


63

année de droit, à cause d’une rupture sentimen-


tale. « Je pleurais tout le temps. Je n’allais plus en
cours. Mais je pensais que c’était normal. C’est
ma mère qui a pris les choses en main. Elle avait
déjà fait une dépression. Elle m’a envoyé voir un
médecin et j’ai commencé les antidépresseurs. »
dramatiques. Le doomscrolling, l’habitude de scroller en négatif
et à l’infini, a gagné en popularité dans les médias pendant la pandémie LA PEUR « QUE QUELQUE CHOSE
de Covid-19, l’assaut du Capitole des États-Unis et la guerre en Ukraine. LUI TOMBE DESSUS »
Mais il est aussi mis en œuvre dans la recherche d’informations En butte à la perte soudaine et imprévisible de
concernant les conséquences globales et désastreuses du changement ses repères, Fanny rejoue l’histoire de sa mère. La
climatique. famille de Fanny enfant compte une mère au foyer
Les professionnels de la santé ont prévenu qu’un doomscrolling excessif et un père militaire. Une sœur, de deux ans son
présentait un risque d’impact négatif sur la santé mentale : distorsions aînée, et une demi-sœur née du premier mariage
cognitives comme le catastrophisme, pensées ruminatives, anxiété, de son père, qu’elle connaît à peine. Alors que
dépression, stress, craintes, isolement, troubles du sommeil, attaques Fanny a 12 ans, ses parents se séparent. « Je m’en
de panique, voire trouble de stress post-traumatique, notamment lors souviens très bien. Mon père nous a annoncé un
de la pandémie du Covid-19, d’après Kathryn Buchanan, de l’université soir, la veille d’un week-end que je devais passer
d’Essex, au Royaume-Uni, et ses collègues (2021). avec ma cousine et ma sœur dans un parc d’attrac-
Notons que la pandémie semble avoir exacerbé la recherche tions, qu’il quittait notre mère, qu’il nous quittait.
de nouvelles apocalyptiques et que les réseaux sociaux ont décuplé Ma mère s’est effondrée. » Une séparation à l’ori-
ce phénomène. Cette quête perpétuelle répond à un mécanisme gine d’une dépression, qui durera plusieurs
d’adaptation relevant de la « surveillance d’une situation anxiogène », années. Fanny et sa sœur vivent alors quelques
mais cela amplifie le sentiment d’impuissance et d’anxiété, tout mois chez leurs grands-parents maternels, durant
en alimentant l’addiction. Un peu comme si l’on cherchait à prendre l’hospitalisation de leur maman.
le contrôle d’une situation, de façon illusoire, en obtenant autant Toutefois, avant le divorce de ses parents,
d’informations que possible. Mais cette dépendance n’est jamais Fanny décrit une enfance très heureuse. Mais
satisfaite, car le besoin de sûreté ou de certitude est inassouvi du fait « après la séparation, ce fut très difficile pour
des constantes évolutions des nouvelles anxiogènes et dramatiques. nous. Je ne voyais mon père que pendant les
Elle crée donc, à terme, un sentiment d’épuisement psychique vacances. Il me manquait beaucoup ». Enfant,
qui provoque parfois des troubles psychologiques. Fanny n’a pas présenté de souci au cours de son
développement ni de sa scolarité. « J’étais une
LE TROUBLE ANXIEUX très bonne élève, très studieuse, je voulais rame-
LIÉ AUX MÉDIAS OU AUX GROS TITRES ner de bonnes notes pour que mes parents soient
Dès lors, le doomscrolling provoque parfois un trouble mental, fiers de moi. » Elle se considère comme perfec-
le headline stress disorder, que l’on traduit par « trouble anxieux lié tionniste, voulant toujours bien faire, « trop bien
aux médias ou aux gros titres ». C’est le psychologue Steven Stosny faire », mais ayant des difficultés avec tout ce qui
qui l’a défini, en 2016, en tant que réponse émotionnelle élevée, est imprévu. « Enfant, je prévoyais toujours tout
avec anxiété et stress, à des reportages dans les médias d’information. ce que j’allais faire à l’avance. Tôt dans la
Il y inclut des symptômes somatiques, neurovégétatifs et fonctionnels : semaine, je demandais toujours à mes copines où
palpitations, difficultés respiratoires, insomnie, douleurs physiques, l’on irait le week-end suivant. »
musculaires. Il mentionne également des évolutions avec l’apparition Fanny se présente aussi comme très supersti-
de troubles anxieux pathologiques, de troubles dépressifs, de troubles tieuse. « Au lycée, j’imaginais des scénarios à
endocriniens et d’hypertension. Par exemple, la tempête médiatique l’avance, souvent les plus catastrophistes, mais
qui a déferlé lors de la crise d’Ebola aurait occasionné ce type comme ça, j’étais préparée au cas où… le pire arri-
de symptômes chez certaines personnes. verait. D’ailleurs, je fonctionne toujours comme
Aussi certains chercheurs insistent-ils sur le rôle et la responsabilité ça. » Elle ne supporte pas l’imprévu, car ce qui n’est
© Worawee Meepian/Shutterstock

importante des médias dans la diffusion des nouvelles relatives pas contrôlé et anticipé n’est jamais positif. « À
aux crises de santé publique, car ces derniers ont un impact direct chaque fois que quelque chose d’imprévu est
ou indirect, mais indéniable, non seulement sur les comportements arrivé, c’était négatif. Comme le divorce de mes
du public, mais aussi sur sa santé mentale, notamment pour parents ou lorsque Jacques m’a quittée. » Au tra-
les personnes les plus vulnérables. Steven Stosny a donc préconisé vail, même combat : perfectionniste, elle contrôle
de consulter des sources fiables et à jour, et de prévoir un temps tout, vérifie plusieurs fois que tout est parfait. « On
raisonnable et défini à l’avance pour s’informer. me dit que je suis très professionnelle… Mais, par-
fois, un peu trop. Je me mets la pression comme je
l’impose aussi à mes collègues. »

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 63 20/04/2022 17:27


64 ÉCLAIRAGES Cas clinique
Fanny, malade des médias

Aussi toutes ses angoisses intenses associées au Tous ces symptômes et comportements res-
contexte politique et sanitaire actuel s’appuient sur semblent aux mécanismes de l’addiction et, sur-
un profil déjà très anxieux et fragilisé par plusieurs tout, de la compulsion, afin de lutter contre des
dépressions liées à l’incertitude… Fanny me précise peurs obsessionnelles. « Je n’arrive pas à m’arrê-
ensuite qu’elle regarde beaucoup les médias et uti- ter. Je m’en rends compte maintenant : c’est
lise énormément les réseaux sociaux et différentes comme si, sans le savoir, je recherchais des sites
plateformes d’information. pouvant me donner des infos qui m’angoissent.
Elle veut tout savoir sur l’actualité de la Par exemple, c’est terrible de savoir que Poutine
guerre en Ukraine : les bombardements, les est malade, qu’il n’a rien à perdre et peut donc
décès, les décisions politiques, depuis l’origine du déclencher une vraie guerre nucléaire. D’autant
conflit jusqu’aux conséquences à court terme. Et qu’il aurait le syndrome d’hubris, comme j’ai pu
perçoit tout comme des risques, des dangers et le lire. » Le syndrome d’hubris n’est pas reconnu
des menaces pour le monde. Pour s’informer, elle comme un trouble mental ni comme un trouble
lit les grands quotidiens, regarde les journaux de la personnalité. C’est le docteur David Owen
télévisés, mais aussi et surtout les médias alter- qui l’a défini en 2008 chez les personnes au pou-
natifs, différentes plateformes, qui diffusent un voir, notamment les politiciens, qui présentent
flot continu d’images, de vidéos, souvent très des comportements, des envies et des besoins
explicites et spectaculaires, sur les ravages de la caractérisés par la démesure. En voici les symp-
guerre en Ukraine… tômes, selon Owen : un sentiment de toute-­
puissance narcissique, un mépris pour les cri-
ACCRO AUX « NEWS » tiques, les règles, voire le droit, la conviction que
« Dès les premières minutes de l’invasion, son projet est juste, le souhait de rentrer dans
nous avons été abreuvés d’images ; il y a eu une l’histoire, l’impulsivité dans la prise de déci-
avalanche de vidéos… Je les ai regardées et je sions, sans en évaluer les conséquences, la perte
me suis tenue informée en permanence. Sur du sens de la réalité… Des signes qui se révéle-
mon portable, j’avais plusieurs fenêtres de sites raient particulièrement dangereux dans l’exer-
me donnant des informations simultanément. » cice du pouvoir, surtout en temps de guerre…
Fanny décrit alors une sorte de fascination qui Fanny ajoute : « La guerre en Ukraine fait suite
la plonge dans une hyperconnexion ; dès son à deux ans de mauvaises nouvelles et de fake
réveil, elle regarde les réseaux sociaux au cas où news presque ininterrompues sur la pandémie et
une information ne serait pas encore relayée ou sur le réchauffement climatique. Tout cela est
lui aurait échappé. Le matin, sur le trajet de hyperangoissant. »
l’école avec ses enfants, elle écoute l’actualité à Par ailleurs, tout ce contexte de guerre fait
la radio. Elle consulte son téléphone ou les sites écho à l’histoire personnelle de la jeune femme.
d’actualités sur son ordinateur vingt à trente fois Son père, militaire, né durant la Seconde Guerre
par jour. Une véritable compulsion. Le soir, mondiale, a fait la guerre d’Algérie, et ses deux
impossible de se coucher sans passer plusieurs grands-pères et arrière-grands-pères ont égale-
minutes, voire plusieurs heures, à faire défiler ment été soldats pendant les deux guerres mon-
les informations et les images. « J’étais tellement diales. « En voyant tous ces réfugiés, j’imagine
terrifiée que je voulais connaître le déroulement combien la guerre a dû être terrible pour ma
des événements en temps réel… Et c’est encore famille. En plus, ça se passe à moins de 3 000 kilo-
le cas. Je scrolle. Je cherche des données pour mètres de chez nous… » Et elle ajoute : « Je dois
me rassurer, car j’ai besoin de savoir. Mais le dire… Je suis beaucoup plus sensible à ce qui
aucune info ne me rassure. Bien au contraire. » se passe en Ukraine que lors des autres guerres.
Fanny avale donc des informations sans les Je m’identifie à une Ukrainienne. »
digérer ; elle se remplit d’images, certes, mais
surtout d’émotions négatives, d’angoisses, de À LA BASE, LA PEUR
peurs, sans qu’elle leur donne du sens. Elle n’a Fanny reconnaît – très justement – que son
aucune vision globale des événements, comme empathie fonctionne par identification, en l’oc-
elle le dit elle-même : « En allant sur certains currence avec les Ukrainiens : elle a développé
sites, je n’ai que des bouts d’informations, des une sorte de « co-souffrance », qu’elle n’hésite
bribes d’un événement. Je l’avoue, j’ai sans doute pas à mettre en avant pour justifier sa dépen-
une curiosité morbide. » Elle fonctionne en dance à l’actualité… Mais la réalité est tout
boucle : elle recherche des informations pour autre. En effet, s’il est vrai que ce mécanisme de
apaiser ses angoisses, alors qu’elles ne font, au douleur empathique a pu, au départ, déclencher
contraire, que les nourrir. son appétence pour les informations,

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 64 20/04/2022 17:27


65

maintenant sa peur est uniquement centrée sur « trouble anxieux lié aux médias ou aux gros
elle. Elle a peur que le conflit dégénère, redoute titres ». Je précise que tout cela s’est développé
la menace nucléaire, craint que la France entre parce que Fanny présentait déjà une fragilité psy-
en guerre, s’inquiète des conséquences écono- chologique liée à ses antécédents de dépression,
miques… En définitive, elle a peur pour elle… ainsi qu’à sa personnalité, de type anxieuse et
Elle n’est donc pas plus empathique qu’une insécure, à cause des différentes séparations
autre personne, mais elle est piégée dans son qu’elle a vécues.
incapacité à maîtriser sa soif d’images, sans arri-
ver à prendre suffisamment de recul sur ce que COMMENT TRAITER LE TROUBLE ANXIEUX
ces dernières lui apportent vraiment. Finalement, LIÉ AUX MÉDIAS ?
elle s’enferme de façon assez narcissique dans Par conséquent, je décide de prendre en
une forme d’identification, de projection de ce qui charge ma patiente sur plusieurs fronts : l’utili-
pourrait lui arriver. sation raisonnée des médias et la gestion des
Mais en explorant davantage son usage exces- émotions. Il s’agit d’amener la jeune femme à
sif et sans limites des médias, je me rends compte
que celui-ci ne dépend pas seulement de la guerre
en Ukraine. En effet, il existe depuis longtemps
et s’est accru ces deux dernières années. « Durant
le premier confinement, j’ai été médusée par le
décompte quotidien des morts du coronavirus…
Je passais mon temps à chercher des informa-
tions, parfois même sur des sites aux sources dou-
teuses. » Elle développe alors une « habitude fré-
nétique », comme elle le dit elle-même, qui ne
porte que sur la recherche des mauvaises nou-
velles du monde. Fanny s’engouffre dans une
sorte de « vortex », selon son expression, de tour-
billon d’images, de communiqués, de déclara-
tions de soi-disant experts, de commentaires
d’internautes, dont la plupart sont faux. Elle se
passionne même pour la prise du Capitole, à
Washington, en janvier 2021, par le mouvement
conspirationniste QAnon. « Mon conjoint me
disait d’arrêter de regarder tous ces sites qui en
parlaient, mais c’était plus fort que moi… »

ELLE « DOOMSCROLLE »
Fanny s’enfonce donc et s’abîme dans un
catastrophisme mondial, un pessimisme social
et économique, produit et renforcé par sa pro-
pension à ne scroller que des mauvaises nou- « J’ai des images dans la tête,
velles. Un processus que l’on nomme doomscrol-
ling (« faire défiler sans fin les catastrophes sur
comme des “scotchs” qui
son écran ») et qui provoque un sentiment d’im-
puissance extrêmement anxiogène (voir l’enca-
se collent à mon esprit et dont
dré page 62). « Je suis terrifiée par tout ce qui se je n’arrive pas à me défaire.
passe sur la planète et je ne peux rien faire. Je
suis impuissante. » Ça colle, ça colle, comme sur
Dès lors, on peut dire que la jeune femme
souffre d’un syndrome anxieux caractérisé par
le bout des doigts, et quand
© FrameFemme/Shutterstock

des peurs, des angoisses, des sensations intenses


de détresse psychique et des symptômes soma-
j’en décolle un, il y en a un autre
tiques graves, et provoqué par la consultation qui se présente. C’est permanent
excessive d’informations très anxiogènes. Ce
trouble, qui découle du doomscrolling, est nommé et c’est insupportable. »
headline stress disorder, que l’on traduirait par Fanny, 43 ans

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 65 20/04/2022 17:27


66 ÉCLAIRAGES Cas clinique
Fanny, malade des médias

utiliser à bon escient les actualités, en se cen- mettre en danger son bien-être ». Aussi l’événe-
trant sur le contenu et la qualité plutôt que sur ment en lui-même devient-il secondaire, au pro-
la quantité. Il faut l’éveiller à faire preuve de fit de la notion de stress perçu. Fanny est ainsi
discernement vis-à-vis des informations et confrontée non seulement à la guerre en
images diffusées, en utilisant les canaux offi- Ukraine, qui, intrinsèquement, est une situation Bibliographie
ciels et non plus les médias alternatifs qui pro- très anxiogène provoquant son angoisse, mais
meuvent souvent des contenus idéologiques aussi à son incapacité à y faire face, de sorte R. H. Perlis et al.,
anxiogènes, avec des vidéos brutes et person- qu’elle ne contrôle pas la situation anxiogène. Et Association of major
nelles, comme celles de TikTok, d’Instagram ou c’est dans cette perception du contrôle que se depressive symptoms
de Twitter. Car l’ingestion de bribes d’informa- loge l’enjeu thérapeutique via l’identification de with endorsement
tion morcelée, véhiculées par les médias de stratégies d’adaptation au stress. of Covid-19 vaccine
misinformation among
façon quasi instantanée, entrave toute reconsti- Bien qu’il existe différents types de stratégies
US adults, JAMA
tution d’un récit cohérent et compréhensible des d’ajustement au stress, que l’on appelle aussi Network Open, 2022.
événements en cours… Happée dans une sorte coping (de l’anglais to cope signifiant « faire
de « trou noir de l’information », Fanny manquait K. Buchanan et al.,
face »), on en retient en général deux grands
Brief exposure to social
effectivement de recul politique, diplomatique types : le coping centré sur le problème, qui vise media during the
et historique, car toutes les informations s’entre- à réduire les exigences de la situation ou à aug- Covid-19 pandemic :
choquaient les unes avec les autres, venant menter ses propres ressources pour mieux y faire Doom-scrolling has
même faire écho à son histoire familiale, ce qui face ; et le coping centré sur l’émotion, qui corres- negative emotional
provoquait des conflits cognitifs impactant gra- pond aux tentatives pour réguler les tensions consequences, but
vement sa santé mentale. émotionnelles induites par la situation. kindness-scrolling does
La thérapie s’inscrit donc dans une révision not, Plos one, 2021.
de ses modalités de consommation. Et aussi des LA THÉRAPIE CENTRÉE SUR L’ACCEPTATION R. D. Neill et al., Media
temps choisis pour s’informer, en les réduisant Fanny étant déjà trop centrée sur le pro- consumption and
et en trouvant les moments propices pour lire blème – la guerre en Ukraine, le réchauffement mental health during
ou regarder les nouvelles. Ce que Fanny va réus- climatique, le Covid-19 –, elle se focalisera sur Covid-19 lockdown :
sir avec brio : elle diminue fortement sa consom- les stratégies de régulation de ses émotions. Par A UK cross-sectional
mation de médias et, progressivement, reprend exemple, celles de soutien social : elles l’aide- study across England,
Wales, Scotland and
le contrôle. ront à condition que les échanges et les activités
Northern Ireland,
avec ses amis ne portent pas sur ses sources Journal of Public
GÉRER SES ÉMOTIONS ET LE STRESS d’angoisse… Il ne s’agira pas d’éviter tous les Health, 2021.
Parallèlement, le deuxième aspect de la psy- médias, ou de ne plus en parler, car elle a
M. Chao et al.,
chothérapie porte sur la gestion du stress. Le « besoin » de savoir. Mais nous développons une
Media use and acute
stress, du latin stringere signifiant « mise en ten- psychothérapie intégrative relevant d’un psychological outcomes
sion », est l’ensemble des réactions physiologiques contrôle de l’utilisation des médias, combinée à during Covid-19
d’un organisme soumis à des agressions. D’après une thérapie centrée sur l’acceptation (ACT) : outbreak in China,
l’endocrinologue Hans Selye, le syndrome de identification et acceptation de ses émotions Journal of Anxiety
stress qu’il appelle « syndrome général d’adapta- – notamment de la peur, qui est normale dans Disorders, 2020.
tion » évolue selon trois stades successifs : une ces contextes –, de ses ruminations mentales, D. R. Garfin et al.,
réaction d’alarme (état de choc, surprise, agres- de l’incertitude, de l’imprévisibilité et de l’im- The novel coronavirus
sivité), où l’organisme se défend face à une agres- permanence, pour elle qui, au contraire, est (Covid-2019) outbreak :
sion, à un agent stressant, auquel il n’est pas toujours dans le contrôle… Un travail sur son Amplification of public
adapté ; une phase de résistance où l’organisme insécurité intérieure à travers une analyse de health consequences by
tente de s’adapter à l’agent stressant qui perdure ; son histoire personnelle et familiale viendra en media exposure, Health
et une phase d’épuisement, où l’organisme n’est complément. Ce dispositif thérapeutique va Psychology, 2020.
plus en mesure de s’adapter à ce que l’agent stres- ainsi lui permettre rapidement de se dégager du C. Wang et al.,
sant a engendré, de sorte qu’il s’épuise… cercle vicieux du trouble anxieux lié aux médias. Immediate psychological
L’approche dite « transactionnelle » se révèle Actuellement, Fanny va beaucoup mieux. Elle responses and associated
très utile pour Fanny. En effet, selon Richard est encore anxieuse, mais ne souffre plus de factors during the initial
stage of the 2019
Lazarus, professeur de psychologie à l’université symptômes physiques. Elle utilise les médias à
coronavirus disease
de Californie à Berkeley, et Susan Folkman bon escient, a arrêté ses somnifères et poursuit (Covid-19) epidemic
(en  1984), professeuse à l’université de sa psychothérapie toutes les deux semaines. Cette among the general
Californie à San Francisco, le stress est une dernière s’est orientée presque exclusivement sur population in China,
« transaction particulière entre un individu et une compréhension et une acceptation de son Int. J. Environ. Res.
une situation, évaluée par ce dernier comme histoire de vie, associée à une pratique régulière Public Health, 2020.
débordant de ses propres ressources et pouvant de la méditation de pleine conscience. £

N° 144 - Juin 2022

CP0144-cas-clinique.indd 66 20/04/2022 17:27

Vous aimerez peut-être aussi