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Comment Soutenir La Démarche Réflexive - Outils Et Grilles D'analyse Des Pratiques-2020 2
Comment Soutenir La Démarche Réflexive - Outils Et Grilles D'analyse Des Pratiques-2020 2
la démarche réflexive ?
Sous la direction de Jean-Marie
De Ketele, professeur émérite
de l’Université
e s catholique de Louvain
G RM
FO
et scientifiquement validées aux questions que
se posent les professionnels de l’éducation :
enseignants et futurs enseignants du
supérieur, responsables pédagogiques,
responsables d’établissements scolaires,
formateurs, formateurs d’adultes,
formateurs de formateurs,
étudiants adultes en
formation continue…
Comment soutenir
la démarche
réflexive ?
Outils et grilles d’analyse
des pratiques
2e édition
Évelyne Charlier
Sandrine Biemar
Séphora Boucenna
Jacqueline Beckers
Nathalie François
Charlène Leroy
Pour toute information sur notre fonds
et les nouveautés dans votre domaine de
spécialisation, consultez notre site web :
www.deboecksuperieur.com
Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : mai 2020
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2020/13647/051
ISBN 978-2-8073-2813-6
Sommaire
SOMMAIRE ......................................................................................................... 5
INTRODUCTION ................................................................................................ 7
CHAPITRE 1
FONDEMENTS..................................................................................................... 11
CHAPITRE 2
COMPOSANTES DE L’ANALYSE DES PRATIQUES ................................ 19
CHAPITRE 3
OUTILS .................................................................................................................... 41
5
Introduction
Dans une société où les changements s’accélèrent, les métiers évoluent rapidement
tout comme la définition des qualifications requises pour les exercer. Si l’on tente de défi-
nir celles-ci, une fois réalisé, cet inventaire est vite dépassé et doit être revu et modifié.
La démarche réflexive permet de questionner les situations professionnelles en change-
ment, toujours singulières, pour construire du sens, dégager des invariants, construire
des savoirs qui peuvent être investis dans d’autres situations professionnelles. Elle permet
de développer des savoirs de compréhension et d’action réinvestissables dans d’autres
pratiques. Pour Clot (1999), « l’activité est unique mais il y a de l’invariance, non pas
dans la conduite de l’activité mais dans l’organisation cognitive de cette activité, et c’est
cette invariance qui la rend reproductible, adaptable et intelligible, donc analysable ».
La réflexivité peut avoir plusieurs objectifs. Elle peut, d’une part, aider à socialiser le
novice, l’acculturer aux normes du métier, d’un établissement ou d’une institution et
aussi, d’autre part, permettre au novice et au professionnel de se socialiser aux normes
du métier et de définir sa propre façon d’agir en situation professionnelle.
Ceci nous amène à interroger la notion de bonne pratique. Nous ne pouvons réduire la
pratique à une simple déduction ou application des ressources scientifiques en situation
professionnelle. Il importe de tenir compte des contextes et des acteurs concernés, de leurs
représentations et de leurs analyses des situations. D’ailleurs existe-t-il de bonnes pratiques ?
Ne devrait-on pas plutôt parler de pratiques ancrées dans des contextes singuliers, ayant
montré leur efficacité dans un environnement et avec des acteurs qui leur donnent du sens.
Dans cet ouvrage, nous proposons des balises pour construire des dispositifs de formation
intégrant une approche réflexive. Ceux-ci reposent sur différents présupposés relatifs aux
acteurs impliqués :
• les (futurs) professionnels ont un vécu qui peut être un levier ou un obstacle
à l’apprentissage. L’analyse de ce vécu permet de le transformer en expérience
réinvestissable dans le développement de nouveaux savoirs de compréhension et
d’action : « L’expérience n’est pas un donné qui s’offre à voir passivement à la
conscience de celui qui vit mais davantage ce que l’on est susceptible d’en faire
de façon active » (Deprez, 2001) ;
• la réflexivité implique de considérer les (futurs) professionnels comme des(jeunes)
adultes en recherche, de faire confiance à leur jugement, et de leur reconnaître
une posture d’auteur voire d’acteur, plutôt que de sujet ;
7
• l’accompagnateur d’un dispositif de réflexivité aide les participants à déga-
ger leurs propres normes ou celles qui guident leur compréhension, leurs
analyses, à construire leurs grilles de lecture et à prendre des décisions.
Il ne se substitue pas à eux, en proposant ses propres normes, jugements,
analyses ;
• l’accompagnateur reconnaît la pratique comme une source de construction de
savoirs ainsi que l’existence de différents types de savoirs : savoirs d’action,
pour l’action, sur l’action…
• l’accompagnateur étant amené à rencontrer différents contextes peut inviter
les participants à visiter d’autres possibles, à convoquer d’autres cadres de
référence et ainsi à adopter d’autres points de vue.
Introduction 9
lecteur à prendre connaissance des composantes de la démarche réflexive,
véritable colonne vertébrale de l’ouvrage, en lisant le chapitre qui leur est
consacré dans la seconde partie.
• Deux autres icônes sont utilisées, l’une signale la référence à des fon-
dements théoriques, l’autre alerte la vigilance du lecteur sur des effets
possibles de certaines pratiques, sur des précautions particulières à prendre,
sur des précisions importantes de consignes, etc.
• L’icône suivante indique la présence d’un extrait, proposé comme un
exemple issu de la mise en œuvre des outils.
Pour plus d’informations sur les activités de formation et de recherche menées
par les équipes qui ont collaboré à la réalisation de ce livre, nous vous invitons à
consulter les sites Internet suivants :
Le département des Sciences de l’Éducation de l’ULiège :
https://www.fapse.uliege.be/cms/c_4822667/fr/psy-sciences-de-l-education
Le département Éducation et Technologie de l’UNamur :
https://www.unamur.be/det
1.4 En synthèse 17
11
1.1 Pourquoi analyser ses pratiques ?
L’analyse des pratiques, telle qu’elle est décrite dans cet ouvrage, poursuit
prioritairement un objectif de formation, initiale ou continuée. Elle cherche à favo-
riser tant la maîtrise de gestes ou d’attitudes professionnels que le questionnement
du sujet sur la situation qu’il a rencontrée, sur ce qu’elle a provoqué en lui, sur la
manière dont il s’y est comporté et sur les répercussions de cette action. L’intention
est donc à la fois de susciter un développement des compétences professionnelles
et de nourrir le processus de construction identitaire. La visée de professionnali-
sation est la plus prégnante, même si elle peut s’accompagner d’une volonté de
transformation des pratiques et d’élaboration de savoirs sur la manière dont se
développent l’action professionnelle et le sujet dans cette action (voir Marcel, Olry,
Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002).
Les publics auxquels s’adressent les outils proposés dans cet ouvrage relèvent tant
de la formation initiale que de la formation continuée. La nature du public n’est
pas sans incidences sur le choix du dispositif et la manière de le gérer, impliquant
par là des logiques potentiellement différentes.
Il n’est pas inutile de préciser ces logiques parce qu’elles influencent la posture et le
rôle du formateur dans l’analyse des pratiques, colorant ainsi ses propres pratiques.
Selon les moments de la professionnalisation (formation initiale, insertion profes-
sionnelle ou formation en cours de carrière), les objectifs de formation poursuivis et
les dispositifs privilégiés peuvent relever davantage d’une logique de socialisation
aux normes portées par les référents d’une profession ou davantage d’une logique
de recherche d’intelligibilité. Les deux logiques peuvent aussi se croiser. La plupart
des dispositifs de cet ouvrage s’inscrivent dans les deux logiques, même si parfois
l’une est plus prégnante que l’autre. Dans les deux logiques cependant, l’objectif est
d’amener le participant à appréhender la complexité de la situation pour y situer
son action et décoder les éléments qui peuvent l’influencer, lui permettant ainsi
d’augmenter son pouvoir d’agir. Toutes deux s’inscrivent dans une perspective de
professionnalisation.
Chapitre 1 Fondements 13
Sans adopter sur l’action des futurs professionnels un point de vue déficitaire épin-
glant les écarts par rapport à un modèle de référence, il assume néanmoins que
certaines pratiques sont plus efficaces et plus équitables que d’autres en regard
des objectifs prioritaires du métier et que celles-ci sont à élaborer par chacun en
fonction de ses caractéristiques propres, des théories reconnues par la communauté
scientifique et des prescrits. La réflexion sur l’action professionnelle poursuit comme
objectif de permettre au sujet à la fois de faire évoluer la relation qu’il entretient
avec la situation professionnelle et de se réapproprier son vécu en l’intégrant dans
son histoire personnelle.
Le public de la formation continue peut, lui aussi, être engagé dans un proces-
sus de socialisation quand les autorités publiques visent à diffuser de nouvelles
réformes par exemple ou quand de nouvelles données scientifiques ou références
apparaissent.
Chapitre 1 Fondements 15
Ces exemples montrent que l’analyste peut être la personne qui vit ou a vécu la
situation (par exemple, le stagiaire qui a donné la leçon) ou que la situation peut
être ou avoir été vécue par d’autres (le récit de collègues qui rapportent un évé-
nement). Selon les cas, l’implication identitaire de l’analyste sera différente et la
distanciation par rapport à la situation analysée sera plus ou moins aisée.
Bien entendu, ces matériaux s’inscrivent dans une temporalité, certains faisant
référence à des situations passées et d’autres à des situations projetées.
Dans le présent ouvrage, deux matériaux sont particulièrement utilisés : la séquence
filmée, qui met en scène l’analyste ou ses collègues (stagiaires) des années précé-
dentes, et le récit de ses propres expériences ou de celles des autres.
Ainsi, une séquence vidéo permet d’obtenir des traces d’activité et donc de revoir
la situation, à plusieurs reprises, comme si on y était, ou presque, car l’angle de
vue, la sélection des plans, l’œil du caméraman construisent une réalité subjective,
différente selon la place occupée par chaque acteur présent.
Le récit, quant à lui, permet de se rappeler les faits saillants, d’exprimer les émo-
tions vécues en situation tout en s’appuyant sur un discours. En effet, le langage
constitue une mise en forme qui engage nécessairement une reconstruction. Chacun
de ces matériaux est singulier et son analyse aura ses spécificités.
1.4 En synthèse
Dans cette partie de l’ouvrage, nous avons tenté d’expliciter les finalités de
l’analyse des pratiques : socialiser les professionnels afin de les aider à découvrir
mais aussi à adopter une culture de métier ou d’organisation, ou mieux comprendre
les situations professionnelles et le rôle qu’on y joue pour développer son style
propre. Nous avons également adopté une posture pragmatique en attirant l’atten-
tion sur l’importance de s’interroger sur les caractéristiques des matériaux traités,
chacun introduisant un angle de lecture, un rapport à l’objet qui lui est spécifique.
Enfin, nous avons rappelé la complexité des objets et la nécessité de délimiter les
objets analysés afin d’éviter des généralisations abusives.
Chapitre 1 Fondements 17
Chapitre 2
Composantes de l’analyse
des pratiques
19
Préambule
Ce chapitre présente le résultat d’un travail d’analyse de nos propres disposi-
tifs de formation visant le développement de la réflexion de professionnels et futurs
professionnels des métiers de l’interaction humaine sur leurs pratiques. Ce travail
a permis l’identification de composantes de la démarche réflexive qui constituent
la colonne vertébrale de l’ouvrage. C’est à dessein que nous utilisons le terme de
composantes, non pas pour suggérer le découpage analytique, mais pour souligner
plutôt l’originalité créative du travail de composition à l’œuvre dans les dispositifs
d’analyse des pratiques, à réarticuler voire à réinventer pour mieux s’adapter aux
publics et aux contextes d’utilisation.
C’est l’articulation des différentes composantes qui traduit une démarche réflexive.
Chaque composante identifie les processus qui, à nos yeux, devraient en piloter le
déroulement non pas en se succédant de manière stéréotypée et rigide, mais comme
des focalisations complémentaires qui, au total, l’enrichissent et en maximisent
les effets professionnalisants. Toutes les composantes ne sont pas nécessairement
ordonnées ni présentes dans chacun des dispositifs/outils présentés dans le présent
ouvrage.
Il s’agit d’une composition complexe de différentes composantes. Nous en avons
isolé cinq que nous développerons successivement :
Décrire
Problématiser
Analyser
).
Chacune des composantes est illustrée par des extraits d’un cas exploité lors d’une
séance de réflexivité partagée avec un groupe d’enseignants. Les participants et
l’animateur y sont tous dans une posture d’accompagnateurs du processus d’analyse.
L’animateur gère les échanges et les autres membres présents seront considérés
comme des pairs. La personne qui expose le cas (l’exposant) se prénomme Jean
dans notre illustration.
Dans le cadre d’une telle séance, chaque personne qui prend la parole s’engage à
ne pas formuler de jugements sur les personnes ou sur les faits. L’empathie sous-
tend les interventions de chacun, le contenu de ce que chacun veut exprimer. La
séance est une occasion de développement professionnel : elle permet au narrateur
de mieux comprendre sa pratique et son contexte et à chacun des participants
d’élargir son répertoire des pratiques.
Pourquoi décrire ?
La description peut être tantôt un élément de la démarche de réflexivité,
tantôt une fin en soi, destinée à former l’enseignant à décrire une situation pour
la partager ensuite avec d’autres : parents, enseignants, élèves…
Diverses raisons peuvent justifier ce passage par la description : pour le narrateur,
la description permet de se remettre dans le contexte de l’action professionnelle,
« en position de parole incarnée » (parole en « je »), en établissant des ponts sen-
soriels avec le vécu, en revivant les émotions. Elle aide à passer de l’implicite du
vécu à la conscience réfléchie. L’explicitation de la situation permet de construire
le matériau qui fera l’objet du retour réflexif (Vermersch, 1994, 2004) :
• le narrateur va recréer une expérience sur laquelle il va engager une
réflexion : « le réel de l’activité est également ce qui ne se fait pas, ce que
l’on cherche à faire sans y parvenir – le drame des échecs – ce que l’on
aurait voulu ou pu faire, ce que l’on pense pouvoir faire ailleurs. Il faut y
ajouter – paradoxe fréquent – ce que l’on fait pour ne pas faire et ce qui
est à faire » (Clot et al., 2001, p. 2) ;
• quand la situation n’émane pas d’un membre du groupe, mais est amenée
par l’animateur (sous forme de vidéo, d’une description d’un cas), chaque
participant va reconstruire la situation sur laquelle le groupe s’apprête à
réfléchir et ainsi expliciter sa manière de lire la situation ;
• dans une situation de réflexivité partagée, la description permet aussi de
rendre la situation accessible à d’autres. Elle fait exister un objet commun
d’échange et d’analyse. Elle permet de revenir aux faits et d’avoir une base
sur laquelle partager avec d’autres.
Comment décrire ?
La description prend appui sur un vocabulaire spécifique centré sur ce qui
est observable, sur les faits et le ressenti dans la situation.
Elle gagne en rigueur si le narrateur est capable (Donnay et Charlier, 2008,
pp. 105-107) :
• d’être son propre dictionnaire, c’est-à-dire qu’il peut expliciter le sens qu’il
donne à certains concepts (ex. : « lorsque je dis que les élèves sont motivés,
je veux dire qu’ils posent des questions spontanément ») ;
• de repérer les mots leurres (ex. : « généralement… ») et utiliser des termes
précis (ex. : « à chaque fois que je posais une question… ») ;
Les questions seront ouvertes, non inductrices d’une réponse attendue (Vermersch,
2004). Elles permettent ainsi une clarification, une compréhension plus fine des
faits exposés.
Quand décrire ?
Cette phase est indispensable à l’analyse. Elle permet de constituer le maté-
riau sur lequel portera l’analyse. Généralement située en début de processus de
réflexivité, elle peut être itérative, la description s’enrichissant au fil de la défini-
tion du projet d’analyse et de la problématisation.
Extrait
Problématisation spontanée
Animateur : « Qu’est-ce qui te paraît intéressant à analyser dans la situation que tu as décrite ? »
Jean : « Eh bien, pour moi, c’est une agression, ni plus ni moins. En effet, il m’a lancé un projectile quand
même ! On entend partout parler de violence scolaire, je pense que ce qui s’est passé, c’est le début. Alors,
tolérance zéro même si ce n’est qu’un crayon. Mais peut-être que c’est excessif… »
Pourquoi problématiser ?
La problématisation permet de prendre conscience de ses représentations et
surtout des angles d’analyse privilégiés. Le narrateur a ainsi la possibilité de déco-
der ses habitus de lecture des situations professionnelles. Cette démarche participe
à une explicitation de l’identité professionnelle du participant et à un retour réflexif
sur ses représentations du métier.
Extrait
Ouverture vers d’autres problématisations possibles.
Animateur : « Y en a-t-il qui auraient une autre lecture de cette situation ? »
− Participant 1 : « Moi, je me dis que ce sont des comportements d’ados et que c’est difficile de les gérer. »
− Participant 2 : « Rendre les points des évaluations, ça pose problème quand ils sont mauvais. »
Quand problématiser ?
Située dans un entre-deux, la problématisation prend appui sur la situation
décrite et amorce l’analyse.
Décrire et problématiser sont deux étapes qui renvoient l’une à l’autre, qui peuvent
se juxtaposer ou s’alterner.
La problématisation guide l’analyse et se positionne en amont de l’analyse pro-
prement dite. Elle peut évoluer, s’enrichir, se redéfinir sous l’influence de celle-ci.
Les problématiques construites constituent chacune un champ à investiguer lors
de l’analyse. Problématisation et analyse sont interreliées et se succèdent dans un
processus itératif d’approfondissement de la situation.
Extrait
− Animateur : « Tu parles d’agression. C’est quoi pour toi une agression ? À partir de quand peut-on parler
d’agression ? Est-ce pareil que s’il avait jeté une poubelle ou un cutter ? »
Jean : « Une agression, c’est à la fois verbal ou non verbal et physique. On peut se sentir agressé même
quand les élèves ne disent rien. L’agression physique vient du fait que l’élève a lancé un crayon. Bin oui,
ce serait sans doute pire avec un cutter, mais enfin… »
− Intervention d’un participant : « Je me demande si on ne devrait pas s’interroger sur les raisons de ce
mouvement d’humeur de l’élève. À la limite, es-tu sûr que c’était dirigé contre toi ? Ou bien a-t-il lancé
le crayon de rage, et par malheur il est arrivé sur toi ? »
Jean : « Au départ, j’ai pensé que c’était volontaire et ciblé sur moi, mais maintenant en repensant à
l’ensemble de la situation, il est possible qu’il y ait des éléments dont je n’ai pas tenu compte. D’un autre
côté, si ce n’était pas l’intention de l’élève, il aurait pu le préciser ou s’excuser. Et personne n’a parlé. »
− Animateur : « Pourquoi as-tu d’abord pensé que c’était ciblé sur toi ? Ce serait quoi, maintenant, les
éléments dont tu n’as pas tenu compte ? »
Jean : « Les résultats catastrophiques ont pu provoquer une réaction chez certains, et finalement un d’entre
eux a montré son mécontentement. Ils ont réagi quand j’ai rendu les points, comme je l’ai dit, il y en a
un qui a répondu “ras-le-bol‘. »
« Mais c’est vrai, ils se sont aussi disputés à propos de leur match de foot, les filles se moquaient. Ah,
oui, une des filles qui se moquaient, c’est une bonne élève, elle a aussi fait une remarque sur les mauvais
résultats de certains. »
« C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de choses dès l’entrée en classe, l’atmosphère était déjà chargée suite à la
récréation, et puis j’ai parlé de l’évaluation, cette élève qui a souvent tendance à montrer qu’elle fait bien
et parfois, pas méchamment, à taquiner ceux qui ont plus de difficultés. »
La situation décrite est ainsi découpée et organisée grâce à des théories per-
sonnelles. Selon les théories exploitées, le professionnel ou futur professionnel
identifie des éléments de la situation et des relations entre ceux-ci. Il modélisera
progressivement la situation.
Selon les théories rapportées par les uns et les autres, les ébauches de modélisation
varieront. Néanmoins, les théories personnelles ne sont pas les seules à pouvoir
être sollicitées. Pour Ardoino (1993), analyser suppose une multiréférentialité. Des
théories reconnues par la communauté scientifique, issues de différentes disciplines
Extrait
− Animateur : « Tu parles d’agression. Mais que nous dit la littérature par rapport à ce concept d’agres-
sion ? Quelles en sont, selon les auteurs, les caractéristiques principales ? Identifies-tu, dans la situation
rapportée, des éléments en lien avec ces caractéristiques ? En conséquence, peut-on parler d’agression ?
Si oui, en quoi ? Si non, en quoi la situation décrite en diffère-t-elle ? »
− Animateur : « En outre, les auteurs n’évoquent-ils pas des éléments relatifs au contexte de la situation
qui entre en jeu ? Que peut-on dire par rapport au contexte dans lequel s’inscrit la situation perçue
comme étant agressive ? Que peux-tu en dire ? Quels liens peux-tu faire entre ce que disent les auteurs
et la situation vécue ? Comment relis-tu cette situation à la lumière de tes lectures/de tes découvertes ?
Peut-on parler d’agression ? Quels sont les facteurs qui provoquent la réaction de l’élève ? »
Pourquoi analyser ?
L’analyse invite à une prise de distance supplémentaire par rapport à la
situation vécue et à soi dans la situation.
La situation est appréhendée selon un angle choisi consciemment. Cela permet à la
fois de dépasser son appréhension globale, émotionnelle et syncrétique et de rendre
explicite une partie de l’implicite de la situation.
L’analyse aide tout professionnel à se donner une intelligibilité sur les actes posés,
les objets utilisés pour s’emparer du réel, et à devenir acteur de son histoire pro-
fessionnelle tout en étoffant son répertoire de gestes professionnels.
Extrait
− Intervention d’un participant : « Du coup, après tout ce qu’on vient de décortiquer, que penses-tu de
ta réaction ? »
− Jean : « Oui, ce n’était sans doute pas approprié, j’ai certainement réagi sur le coup de la colère. »
− Accompagnateur : « Arrêtons-nous sur la sanction que tu as proposée. Quelles sont les règles en vigueur
dans ton école dans une telle situation ? »
− Jean : « Dans le ROI, on parle de coups et de blessures portés de façon volontaire, qui sont inadmis-
sibles et qui peuvent entraîner une sanction, qui peut être une observation dans le journal, un travail,
une retenue… »
− Accompagnateur : « Quel lien fais-tu entre la situation vécue et ce passage du ROI ? »
− Jean : « Je ne pense pas qu’il s’agisse de coups et de blessures. De plus, j’ai été tellement surpris que
je voulais juste leur faire comprendre que je ne tolérais pas ce comportement. En fait, je ne sais pas
qui a lancé et je ne sais pas pourquoi. Le crayon n’est pas arrivé comme une flèche dans mon dos… je
ne pense pas qu’il y avait une volonté de faire mal. Après coup, je me rends compte que j’ai pris une
“sanction” collective alors qu’un seul élève a lancé le crayon. En plus, les élèves qui n’ont pas réussi
l’interrogation n’ont pas l’occasion de se rattraper. »
Comment analyser ?
Spontanément, le narrateur utilise des théories personnelles pour conférer
un sens et une valeur aux faits relatés. Ces théories personnelles sont souvent peu
explicitées, voire implicites. L’explicitation de ces théories sous-jacentes par le biais
de questions comme « Que mets-tu derrière ce terme agression ? », « Qu’as-tu voulu
dire en relevant que l’atmosphère était chargée suite à la récréation ? » permet de
mieux comprendre les grilles de lecture du réel utilisée par le narrateur. Cela lui
donne un outil d’intelligibilité de lui-même, des éléments qui attirent son attention
et de ses cadres de référence.
Extrait
L’animateur pourrait rebondir sur des théories concernant la violence scolaire, l’agressivité et le développe-
ment des adolescents (ex. : moquerie d’une élève – frustration chez les autres) qui sont de nature à enrichir
l’analyse. Il pourrait aussi faire référence à un cadre qui balise l’exercice du métier d’enseignant.
L’analyse doit être ancrée dans la description. Ainsi elle renvoie systémati-
quement à des faits décrits.
Selon la question posée, tous les éléments de la description ne seront
pas repris dans l’analyse. Celle-ci fait un zoom sur certains aspects de la
description en fonction de l’angle choisi.
L’analyse permet d’organiser des éléments de la description selon une grille définie
ou à définir.
L’analyse n’est pas de l’ordre du jugement. Elle permet de déplier une réalité afin
de mieux la comprendre.
Une même description, une même question peuvent aboutir à des analyses diffé-
rentes selon les modèles qui vont fonder l’analyse.
Extrait
« Certains élèves peuvent se sentir agressés quand le professeur annonce de mauvais résultats par un
commentaire général en logeant tout le monde à la même enseigne “globalement pas fameux”. Des inter-
ventions d’élèves qui soulignent la fatalité de certaines notes peuvent avoir le même résultat “on se doute
bien de qui a réussi et qui a raté”. » « La frustration liée à une réaction du prof ou des élèves est ressentie
par d’autres comme agressive et peut engendrer une nouvelle réaction agressive. »
« Quand on a retrouvé une certaine sérénité, c’est intéressant de revenir sur la situation, d’expliquer comment
on l’a perçue et de demander aussi aux élèves de donner leur point de vue ou leurs interprétations. Ce qui
me permettrait d’éviter certains malentendus à l’avenir. »
« Lorsqu’on sent qu’on risque d’être envahi par l’émotion, il faut prendre un peu de temps pour respirer, par
exemple demander aux élèves de faire un travail en individuel. »
Extrait
Animateur : « Jean, étant donné ce que tu es et en fonction de ton contexte, que retires-tu pour ta pratique ? »
Jean : « Moi, je débute dans le métier, donc l’idée de me donner du temps pour me reprendre en faisant faire
autre chose aux élèves, ça me convient bien. Cela me permettra de dominer mon émotion et de prendre du
recul. Par contre, il faudrait que je sois un peu plus aguerri pour parvenir à en discuter avec eux. Par ailleurs,
je me rends compte qu’il faut que je réfléchisse à l’avance à la manière dont je communique les résultats. »
Animateur : « D’autres en retiennent-ils d’autres choses pour leur pratique ? »
Extrait
Ainsi, Jean pourrait, quelques mois après avoir proposé son cas à l’analyse, faire part au groupe d’un
réinvestissement :
« La semaine dernière, j’ai été amené à remettre des copies d’évaluation. J’ai veillé à ne pas commencer mon
cours par cette remise des notes. J’ai entamé mon cours en revenant sur des notions qui vraisemblablement
n’avaient pas été comprises, et cela sans le dire explicitement aux élèves. Ensuite, j’ai fait des exercices
par duos afin de les amener à revoir ces notions. Je suis passé dans chaque duo pour voir comment cela
était compris. Et puis, seulement, j’ai distribué les copies en leur proposant un temps de correction, étant
donné que maintenant ils disposaient de plus d’outils pour y répondre. »
L’animateur doit veiller à ce que les pistes d’action proposées soient bien
en rapport avec l’analyse réalisée. Si ce n’est pas le cas, il s’agit davantage
de recettes ou idées préexistantes à l’analyse que du fruit de celle-ci.
Elles risquent d’être tout à fait déconnectées de la situation et peu
ciblées sur celle-ci.
41
En préambule, remarquons que dans la plupart des outils présentés, les matériaux
utilisés peuvent s’identifier au travers du classement proposé au premier chapitre.
Cependant, selon les contextes de formation, ceux-ci peuvent varier et impliquer
les acteurs à des degrés divers. De ce fait, les catégories de classement peuvent
ne pas être exclusives.
Origine
La méthode décrite ici s’inspire au départ du « Groupe d’approfondisse-
ment professionnel » présenté par A. de Peretti, J.-A. Legrand et J. Boniface dans
Techniques pour communiquer (Hachette Éducation, 1994, pp. 91-99). Cette méthode
s’inspire des groupes Balint ainsi que de l’orientation rogérienne des groupes de
rencontre. Comme son nom l’indique, elle offre une occasion de développement à
des groupes de professionnels.
De Peretti, Legrand et Boniface (1994) se réfèrent à Balint en expliquant
qu’il s’agit de centrer les échanges sur les pratiques professionnelles et non
pas sur la « personnalité profonde » des participants, en n’imposant pas de
bonnes méthodes à appliquer.
Les exploitations que l’équipe liégeoise fait de la méthode narrative reposent sur
les hypothèses théoriques suivantes :
• La mise en mots systématisée de ses actions professionnelles par le sujet
contribue au développement de ses compétences professionnelles et à sa
construction identitaire :
− en favorisant sa prise de conscience (passer de l’implicite du vécu à la
conscience réfléchie : Vermersch, 1994, 2004) ;
− en lui offrant l’occasion de recréer son expérience pour s’ouvrir à de
nouvelles (Clot, 1999 ; Pastré, 2002) ;
• l’échange avec autrui dans un contexte non normatif favorise la décentration
de son propre point de vue et l’ouverture à des interprétations et pistes
d’action alternatives ;
• l’appel aux savoirs scientifiques de référence favorise la décontextualisation et la
recontextualisation des actions vécues et le transfert des apprentissages. C’est ici
que l’animateur joue un rôle spécifique important : il peut saisir l’occasion pour
« introduire du savoir dans le faire », selon la formule de Patrick Mayen (2006).
Les savoirs scientifiques de référence servent de médiateur aux transformations
qu’on essaie d’enclencher chez les professionnels ou futurs professionnels. Par
ailleurs, il existe un réel enjeu à ce que la formation initiale donne aux futurs
professionnels ce goût d’investir des savoirs scientifiques dans leur pratique.
De multiples exploitations ont été réalisées dans des contextes variés en poursui-
vant des objectifs différents et en fondant les démarches sur des référents théo-
riques multiples et variables selon ces exploitations :
• dans le programme de formation de futurs enseignants (AESS) en psychologie
et sciences de l’éducation ;
• dans les formations qualifiantes du secteur 8 (futur.e.s agents d’éducation,
puéricultrices, animateurs, aides-soignantes, aides familiales) ;
Chapitre 3 Outils 43
• dans des formations continues de métiers de service, par exemple des
puéricultrices.
Public
• Des futurs professionnels (FP) de l’enseignement et autres métiers de l’inte-
raction humaine1.
• Des professionnels de terrain (P) de ces mêmes métiers.
Objectifs
Permettre à un sujet (professionnel ou futur professionnel) :
• de mettre en mots une expérience professionnelle vécue ;
• de prendre conscience de la manière dont il a interagi en situation (rapport
à lui-même, à autrui et aux objets) et dont il a vécu cette expérience ;
• d’enrichir sa réflexion par des échanges avec des pairs ;
• de formaliser cette réflexion et de la nourrir par un apport théorique ;
• de prévenir la création d’un sentiment d’incompétence et le désengagement ;
• de réguler son action professionnelle : identification et, idéalement, expéri-
mentation de pistes d’action nouvelles.
Modalités
Matériau
Le matériau est toujours constitué du vécu d’un participant au moins (élève/
étudiant/professionnel) en situation authentique (stages/travail de terrain). Ce par-
ticipant est désigné dans la suite du texte comme « propriétaire du cas ».
Type d’animation
Nous l’utilisons de plusieurs manières : de la plus ouverte à la plus orientée
en fonction des objectifs spécifiquement poursuivis.
• Animation 1 : avec l’objectif d’offrir une occasion de développement pro-
fessionnel totalement ouverte, en laissant le choix des objets abordés aux
membres du groupe.
• Animation 2 : avec l’objectif d’aborder une famille de situations critiques du
métier ou d’approfondir une problématique partagée par plusieurs membres
du groupe2.
Un moment de formalisation
Ce moment achève la démarche. Il est nécessairement géré par l’animateur
qui fait appel à des concepts ou théories pour éclairer l’analyse de la situation et
Chapitre 3 Outils 45
favorise, par la multiplicité des exemples, la décontextualisation et l’identification
de variables structuralement pertinentes dans le type de situations travaillées.
Si plusieurs sous-groupes ont travaillé sur des thématiques différentes, l’animateur
pourra gérer cette phase en plusieurs séances si nécessaire.
L’animateur peut aussi alimenter la réflexion par les trois niveaux de réflexi-
vité décrits en 1977 par Van Manen :
• le niveau technique consiste à réfléchir à l’action professionnelle surtout en
termes d’efficacité (est-ce que j’ai atteint l’objectif que je me donnais ?) et
en termes d’efficience (est-ce que les moyens que j’ai mis en œuvre sont
des moyens pertinents ?) ;
• le niveau pratique questionne la valeur des objectifs qu’on poursuivait et
des moyens qu’on a mis en œuvre ;
• le niveau critique analyse en outre l’action professionnelle à la lumière de
critères moraux et éthiques.
Description de l’outil
De Peretti, Legrand et Boniface (1994) décrivent le GAP en plusieurs phases.
Dans l’utilisation développée ici, certaines d’entre elles ont été modifiées. De plus,
trois phases ont été ajoutées à la méthode décrite initialement : une première
phase écrite individuelle ainsi que deux phases de formalisation par l’animateur.
Chapitre 3 Outils 47
Dans le GAP, de Peretti, Legrand et Boniface (1994) proposent d’autres formulations
de questions qui peuvent être plus évidentes pour le participant :
• Pour la recherche de sens-analyse : « À ta place, ma difficulté dans ce pro-
blème aurait été la suivante… »
• Pour la recherche d’alternatives : « Si j’étais toi, voilà ce que j’essaierais… »
Origine
Pour un formateur, particulièrement en formation initiale, un des enjeux de
l’accompagnement des pratiques est que le futur professionnel s’engage dans un proces-
sus d’autorégulation de son action en accord avec les buts prioritaires du métier, plutôt
que de se conformer stratégiquement aux attentes sous la pression de l’évaluation.
Pour un sujet, une première condition de l’autorégulation identifiée par
Vermersch (1994) est de pouvoir « s’auto-informer » sur le déroulement de son
action professionnelle : avec le recul dans une démarche de réflexion sur l’ac-
tion une fois celle-ci terminée, mais aussi en reprenant la distinction établie par Schön
(1983, trad. 1994) dans l’action elle-même, en prenant conscience de ce qui est en
train de se passer et en réorientant son intervention pour une meilleure efficacité. La
prise de conscience est nécessaire à l’engagement du sujet dans un processus intention-
nel de changement. La réflexion dans l’action consiste à « être à l’écoute, voire se laisser
surprendre » par l’action en cours, grâce à une prise de distance consciente de ce qui
est en train de se passer et une tentative de régulation pour une meilleure efficacité.
Pour Schön, c’est cette modalité de réflexion qui signe la vraie expertise des « praticiens
réflexifs », alimentée par le répertoire d’expériences professionnelles constamment réé-
laborées qu’ils se sont construit. Cette modalité de réflexion est beaucoup plus difficile
pour le débutant et nécessite donc certainement qu’une attention particulière y soit
consacrée. Les prolongements de l’outil proposés vont, dès lors, dans ce sens.
Inspirée par ces développements théoriques, la démarche de l’Entretien de régula-
tion a d’abord été conçue par le service PERF (Professionnalisation en Éducation :
Recherche et Formation) de l’ULiège (Université de Liège) pour un public de futurs
enseignants (FE) du maternel au secondaire inférieur où elle était insérée dans un
dispositif plus général de « compagnonnage réflexif » géré par de futurs formateurs
d’enseignants eux-mêmes en formation (Beckers, 2007, pp. 275-294). L’entretien
de régulation est exploité dans une démarche cyclique : la « démarche régulatrice
personnalisée » (action observée, analyse conjointe de l’observable, décision de
régulation, mise en œuvre des décisions dans l’action, nouvelle observation et ana-
lyse conjointe…) qui donne au FE l’occasion de percevoir qu’il y a des éléments sur
lesquels il peut agir délibérément et qui améliorent la situation. Cette perception
qu’il a, en partie, prise sur les difficultés ressenties dans l’action professionnelle
contribue puissamment à l’instauration d’un sentiment de contrôlabilité. Cette expé-
rience de maîtrise renforce le sentiment de compétence (Bandura, 1997).
L’outil concrètement utilisé dans ce contexte est décrit ci-après comme « Entretien
de régulation ».
Cette démarche a ensuite été aménagée, par le même service PERF, pour un public
de futurs enseignants (FE) de l’enseignement secondaire supérieur, dans un contexte
Chapitre 3 Outils 49
où les stages sont plus courts. Ces FE sont ici accompagnés par un formateur de
l’équipe. L’outil concrètement utilisé dans ce contexte est décrit ci-après comme
« Autoconfrontation accompagnée ».
Dans les deux cas, l’animateur de l’entretien de régulation ne participe pas à l’éva-
luation certificative des FE.
Public
Des professionnels ou futurs professionnels de l’interaction humaine (enseignants,
mais aussi éducateurs, infirmiers…) pour autant que la présence d’un observateur et
éventuellement d’une caméra soit compatible avec les conditions d’exercice du métier.
Objectifs
Les objectifs prioritairement visés par l’entretien de régulation sont de per-
mettre au professionnel ou futur professionnel d’apprendre de son action et de sa
réflexion dans et sur cette action (« s’auto-informer ») mais aussi de s’engager dans
un processus d’autorégulation.
Modalités
Matériau
Le matériau est toujours constitué de traces observables (prise de notes,
grille d’observation, schéma photographique ou enregistrement vidéo) de l’activité
professionnelle du sujet telle qu’elle s’est déroulée en situation authentique.
Type d’animation
En duo : un compagnon, non investi de pouvoir évaluatif, soutient
le processus de prise de conscience et d’analyse du professionnel ou du
futur professionnel.
Dans le but de diminuer les conduites défensives du sujet, obstacle à son
engagement dans le processus de changement, l’animateur :
• respecte sa demande quant à la thématique à travailler ;
• lui donne du pouvoir décisionnel sur les modalités d’organisation de l’accom-
pagnement, l’utilisation de la caméra ainsi que le choix des données ou
extraits filmés à analyser ;
• évite les jugements portés sur la personne ou ses pratiques.
Description de l’outil
Précautions préalables
Avant d’entamer l’entretien, l’animateur rappelle les termes du
contrat qui lie le duo : les objectifs, les étapes de l’accompagnement
et la confidentialité.
1. Pastré (2005, p. 232) définit comme « modèle opératif » du sujet la manière avec laquelle celui-ci
se représente la structure conceptuelle de la situation professionnelle qu’il a à gérer (c’est-à-dire tout
ce qu’il faut prendre en compte pour que l’action soit efficace) et selon laquelle il organise son acti-
vité. Pastré s’inspire de la notion de schème tel que décrit par Vergnaud (1996) incluant les invariants
opératoires (concepts et théorèmes en actes) qui définissent plus particulièrement la manière invariante
selon laquelle le sujet organise son activité.
Chapitre 3 Outils 51
Exemples
• Sur la base de traces telles que les prises de notes ou les grilles d’observation : « Quand tu dis que tu
leur as demandé de répondre à ta question, peux-tu préciser comment tu t’y es pris(e) ? Qu’est-ce que
tu leur as demandé ? Quelle question as-tu posée ?
• Sur la base d’un enregistrement vidéo de la pratique : « Tu me dis que tu te diriges vers l’élève pour
voir s’il travaille bien…
− Qu’as-tu observé du travail de l’élève ?
− Qu’en as-tu pensé ?
− Que faisait-il à ce moment-là ?
− Qu’avait-il écrit sur sa feuille ? »
Chapitre 3 Outils 53
pouvoir manifester une attitude de facilitateur bienveillant soutenant la motivation
et la prise de risque du bénéficiaire, renforçant le sentiment de contrôlabilité et
d’efficacité de ce dernier et ce, grâce à ses comportements verbaux et non verbaux.
La congruence entre ces deux canaux de communication nécessite tout un travail
sur soi et son propre corps.
Extrait
Exemple de verbatim issu d’un entretien :
Accompagnateur : « Tu entends ce qu’elle te dit quand elle te dit “c’est des dons” ? »
Bénéficiaire : « Non, je n’écoute pas, j’étais en train de réfléchir à ce que j’allais dire, comment je vais
expliquer un subside, je me dis, je me rappelle même, je vais expliquer par rapport au sport ou quoi, voilà
des entreprises qui vont donner des sous à une équipe de basket et voilà ils ont leur nom sur le tee-shirt.
Je pensais à des trucs comme cela. »
Chapitre 3 Outils 55
3.3 Le groupe de codéveloppement
professionnel
Sephora Boucenna
Origine
La démarche présentée ci-après est développée depuis 1998 par l’équipe du
Département Éducation et Technologie (tant dans l’enseignement fondamental que
dans l’enseignement secondaire). Cet outil tel que formalisé dans les lignes sui-
vantes est le produit de plus de 600 séances animées par Sephora Boucenna avec
de futurs enseignants, des enseignants confirmés, des coordinateurs de branche,
des inspecteurs, des conseillers pédagogiques, des directions, mais aussi avec des
formateurs d’adultes dans divers secteurs ; des étudiants en promotion sociale, des
responsables de formation et encore d’autres publics.
Cet outil est largement inspiré du « Codéveloppement professionnel par le groupe
de pairs » développé par Adrien Payette et Claude Champagne (1997).
Ce qui définit en premier lieu le codéveloppement professionnel, c’est son caractère
social, c’est-à-dire cette volonté qu’ont les individus d’apprendre les uns des autres.
Payette et Champagne (1997) proposent la définition suivante : « Le groupe de codévelop-
pement professionnel est une approche de développement pour des personnes qui croient
pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique. La réflexion effectuée,
individuellement et en groupe, est favorisée par un exercice structuré de consultation qui
porte sur des problématiques vécues actuellement par au moins un des participants. L’un
après l’autre, les participants prennent le rôle de personne qui propose le cas pour exposer
l’aspect de leur pratique qu’ils veulent améliorer, pendant que les autres agissent comme
consultants pour aider cette personne qui propose le cas à rendre sa pratique plus efficace
en enrichissant sa compréhension et en élargissant sa capacité d’action. »
Voici, par ailleurs, la définition proposée dans Boucenna, Charlier et Donnay (2007) : « Le
groupe de codéveloppement par les pairs est une approche structurée de développement pour
les professionnels qui croient pouvoir apprendre les uns des autres afin d’améliorer leur pra-
tique. La réflexion effectuée individuellement et en groupe est favorisée par un exercice d’ana-
lyse qui porte sur des problématiques vécues actuellement par au moins un des participants. »
Public
Tous les professionnels, débutants ou experts.
Le groupe doit :
• avoir des centres d’intérêt communs (des objets de réflexion qui se rejoignent
comme l’éducation, la gestion, ou la qualité dans une organisation) ;
• être homogène dans sa composition hiérarchique (pas de composition
pluri-hiérarchique).
Contexte
Ce dispositif prend place dans le cadre d’une formation professionnelle,
tant en formation initiale que continue.
Objectifs
Le codéveloppement pourrait s’affilier aux dispositifs de résolution de
problème. Sa méthodologie et l’usage qui est proposé l’affilient cependant aux
démarches d’analyse des pratiques professionnelles, même si l’analyse n’est jamais
exprimée explicitement et qu’un des premiers objectifs réside dans l’amélioration
de sa pratique professionnelle par la recherche d’efficacité et la recherche de
solutions à un problème ponctuel.
D’autres objectifs sont poursuivis au travers de ce dispositif, à savoir :
• l’élargissement de sa capacité d’action et de réflexion ;
• la réflexion sur sa propre pratique et sur ses modes d’apprentissage :
− ses propres grilles de lecture de la réalité ;
− ses répertoires d’action ;
− ses valeurs ;
− sa dynamique émotive ;
• la compréhension et la formalisation de ses propres modèles :
− une conscience plus claire de ses forces et de ses faiblesses ;
− une vision plus objective de ses a priori, de ses postulats et de ses préjugés.
Modalités
Matériau
Le matériau est un cas rapporté. C’est une situation professionnelle vécue
par un des participants (l’exposant) qui présente une difficulté ou qui l’amène à
se questionner sur les modes d’action à adopter. Ce dernier précise au groupe ce
qui lui pose question ou problème en définissant la nature de ses attentes par
une question qui induit l’action et non l’analyse.
Type de regroupement/configuration
La situation est retenue en séance en fonction de la dynamique de groupe
ou des intérêts manifestés pour un objet spécifique.
Chapitre 3 Outils 57
Type d’animation
L’animateur structure la séance et assure la qualité des échanges. Il conduit
la séance de codéveloppement professionnel en explicitant ou en rappelant au
début de chaque étape les actions attendues de chacun. Il remplit aussi la fonc-
tion de régulateur des échanges en répartissant les temps de parole, tout en
veillant au respect de l’intégrité de chacun des intervenants. Il est important de
préciser qu’il n’est pas analyseur et que ses interventions concernent l’aspect for-
mel de la séance uniquement. Il doit éviter de clôturer la séance en distribuant la
bonne parole et de proposer « ses propres solutions » au cas présenté. L’animateur
doit s’astreindre à ne pas participer au contenu de la séance et donc il ne doit
pas assumer une double casquette d’analyseur et d’animateur même si ce qui est
présenté par les participants va à l’encontre de ses convictions.
Les analyseurs, c’est-à-dire tous les autres membres du groupe à l’exception de
l’animateur et de l’exposant, remplissent leur rôle de consultants et tentent, en
collaboration avec l’exposant, d’apporter un regard différent sur la situation. La
multiplicité des angles de compréhension doit aboutir à la conception de pistes
d’action diversifiées et favorables à la résolution du problème présenté.
Description de l’outil
Le contrat de confiance
Pour pouvoir « se mettre sur l’ouvrage » et positionner la situation vécue
comme objet d’étude, un climat de confiance est nécessaire. Pour qu’il puisse se
construire, certaines conditions de fonctionnement du groupe sont à aménager.
Nous proposons à l’animateur d’utiliser le contrat de confiance proposé à la fin
de cet outil pour établir ce climat.
L’animateur veille à ce que chacun s’engage formellement à respecter les
clauses du contrat. S’il y a déficit de la confidentialité, du huis clos ou du
« non-jugement », cela annule l’exercice d’analyse et met les partenaires
en difficulté, voire en danger.
Chapitre 3 Outils 59
L’exposant termine son récit en posant au groupe une question de « consultance »
qui appartiendra plus au registre du « comment faire » qu’au registre du « pourquoi
faire ».
Le travail de l’animateur sera de veiller à ce que le narrateur soit bien descriptif
dans sa démarche. Il le reprendra s’il le faut quand celui-ci se lance dans des
spéculations, des interprétations, des analyses. Il l’aidera à reformuler pour que
son récit demeure descriptif.
L’exposant fera uniquement référence à des faits et à ses propres émotions au
moment des faits.
Lors d’un premier contact, il convient de laisser l’exposant s’exprimer, même
s’il utilise le registre de l’interprétation, et de réguler après sa prise de parole.
L’exercice de parler de soi alors qu’on éprouve une difficulté est un exercice suf-
fisamment coûteux émotionnellement.
Les situations traitées correspondront à des situations réelles (elles ne peuvent
être des cas fictifs), elles seront ancrées temporellement (ce ne sont pas des
situations génériques) et elles ne sont pas encore résolues. Lorsque l’exposant
souhaite faire légitimer par le groupe ses propres choix d’action déjà entéri-
nés, cela met en péril la séance et empêche le groupe de monter en qualité de
réflexion, car il est alors concentré sur une activité polémique.
L’animateur veillera à ce que l’exposant ne pense pas à la place des autres ou n’inter-
prète pas les intentions et les sentiments des protagonistes de la situation décrite.
Chapitre 3 Outils 61
les expressions génériques (ils, ça, on, généreux, actifs…) et les plans
d’action utopiques ;
• dans un second temps, l’exposant, après avoir noté les plans d’action,
en rédigera un à son tour et le communiquera au groupe (toujours sans
commentaires). Ce plan d’action se doit d’être réaliste et réalisable par
la personne qui le propose tout en conservant un caractère dynamique,
à savoir la possibilité de le compléter ou de le modifier en fonction des
besoins et des circonstances.
L’exposant s’engage à informer les participants de la suite des événements, lors
de la séance suivante, en décrivant la dernière version de son plan d’action et en
présentant les résultats observés sur le terrain suite à l’application de ce même
plan d’action.
L’animateur invitera à la concision et évitera les débats idéologiques. Il
précisera le caractère pratique et concret des plans d’action. Enfin, il
invitera les participants à être les plus précis possible.
Origine
La démarche présentée ci-après est développée depuis 2005, à la demande
d’une équipe d’enseignants du supérieur issus de différents établissements mais
intervenant ensemble dans un programme de maintien dans la scolarisation et de
réorientation des étudiants. Cette équipe souffrait d’une absence de gouvernance
et voulait en comprendre les raisons. Cette démarche a été ensuite réinvestie et
proposée pour divers publics dont des enseignants du secondaire, du supérieur, des
coordinateurs de branche, des conseillers pédagogiques, des directions, mais aussi
des formateurs d’adultes dans divers secteurs. Cette démarche est née du besoin
reconnu chez les acteurs de l’éducation d’identifier, lors de séances d’analyse des
pratiques professionnelles, les enjeux présents dans une situation professionnelle
vécue comme présentant des difficultés.
Dans ses modalités, le DAGNEA s’inspire de démarches telles que le codéveloppement
professionnel de Payette et Champagne (1997) ou le GEASE développé par Fumat,
Vincens et Étienne (2003). Cependant, contrairement à ces dispositifs qui invitent
les participants à explorer des grilles d’analyse plus variées et à explorer la multiréférencia-
lité, le DAGNEA propose à l’ensemble des participants une même grille d’analyse : les natures
d’enjeux. Cette dernière s’inspire du travail de Jacques Ardoino (1980) qui propose d’analyser
une situation à partir des différents niveaux d’analyse. Ce protocole détourne les cinq niveaux
d’analyse d’une situation pour en faire cinq natures d’enjeux (individuel, interpersonnel,
groupal, organisationnel et institutionnel).
Public
Tous les professionnels, débutants ou experts.
Le groupe présente les caractéristiques d’un groupe d’analyse des pratiques profes-
sionnelles. Les membres du groupe doivent connaitre les intentions bienveillantes
de chacun. Une composition homogène en termes de niveaux hiérarchiques consti-
tue un facteur de facilitation.
Contexte
Ce dispositif prend place dans le cadre d’une formation professionnelle, tant
en formation initiale que continue. Mais si elle s’adresse à des débutants, ceux-ci
doivent avoir vécu au minimum un stage de pratique professionnelle.
Ce dispositif peut aussi intervenir alors qu’une équipe ressent le besoin d’analyser
ce qui se joue en son sein et qui amène des dysfonctionnements vécus comme
pénibles par plusieurs personnes.
Chapitre 3 Outils 63
Temporalité
Cette démarche peut constituer la seule et unique démarche d’un dispositif
comme elle peut s’insérer dans un ensemble de démarches d’analyse de pratiques
professionnelles variées. Elle ne s’inscrit pas dans une temporalité particulière. Les
membres du groupe peuvent se retrouver toutes les trois semaines par exemple.
Objectifs
Le DAGNEA est une démarche qui vise à permettre à des professionnels
d’analyser leurs pratiques professionnelles. Il est bien question d’intelligibilité, de
compréhension de soi et de l’environnement dans lequel chacun évolue et des
interactions entre soi et ce même environnement. La grille de lecture privilégiée
est celle des enjeux qu’on va pouvoir identifier à différents niveaux.
La compréhension de ce qui se vit et des enjeux de natures différentes présents
et portés par les acteurs impliqués dans la situation peut aboutir à l’élaboration
de pistes d’actions. Mais ceci n’est pas prioritaire. C’est une étape complémentaire
possible.
Enfin, le DAGNEA permet la construction d’une grille de compréhension commune à
l’ensemble des membres du groupe d’analyse des pratiques professionnelles.
Modalités
Matériau
Le matériau est un cas rapporté. C’est une situation professionnelle vécue par
un des participants (l’exposant), voire par plusieurs participants impliqués dans la
même situation professionnelle, qui est présentée. Cette situation contient :
• soit une difficulté ou un questionnement sur les modes d’action à adopter.
L’exposant précise au groupe ce qui lui pose question ou problème en définissant
la nature de ses attentes par une question qui induit l’action et non l’analyse ;
• soit une satisfaction liée à un vécu connoté positivement.
Type de regroupement
La situation peut être retenue en séance en fonction de critères d’urgence
ou d’intérêt pour les participants.
Elle peut aussi être préparée par une ou plusieurs personnes impliquées dans la
même situation.
Type d’animation
L’animateur structure la séance et assure la qualité des échanges. Il conduit
la séance de DAGNEA en explicitant ou en rappelant au début de chaque étape les
actions attendues de chacun. Il remplit aussi la fonction de régulateur des échanges
en répartissant les temps de parole, tout en veillant au respect de l’intégrité et de
la sécurité de chacun des participants.
Description de l’outil
Le contrat de confiance
Pour pouvoir « se mettre sur l’ouvrage » et positionner la situation vécue
comme objet d’étude, un climat de confiance est nécessaire. Pour qu’il puisse se
construire, certaines formes d’interactions doivent pouvoir être discutées en groupe,
de manière à ce que chacun se sente suffisamment en confiance que pour oser
l’expérience de l’analyse et de l’intelligibilité.
Nous proposons à l’animateur d’utiliser le contrat de confiance proposé dans
l’outil « codéveloppement professionnel ». Cependant, un tel contrat peut ne pas
suffire à établir ce climat de confiance. Un vécu préalable permettant d’asseoir
cette confiance peut s’imposer dans certains groupes. Le contrat peut aussi être
élaboré collégialement lors de la séance d’analyse des pratiques professionnelles.
L’animateur peut inviter les participants à exprimer sur un post-it deux idées
relatives aux conditions interactionnelles pour qu’ils se sentent en confiance.
Chacune de ces idées est validée par les autres membres du groupe ou discutées.
À l’issue du partage des propositions, celles retenues sont affichées durant toute
la séance.
L’animateur veille à ce que chacun s’engage formellement à respecter les
clauses du contrat. S’il y a déficit de la confidentialité, du huis clos ou du
« non-jugement », cela annule l’exercice d’analyse et met les partenaires
en difficulté, voire en danger.
Chapitre 3 Outils 65
L’exposant n’est pas interrompu lors de cette première étape. Les autres participants
écoutent.
Le travail de l’animateur ne consistera pas à veiller à ce que le narrateur soit bien
descriptif dans sa démarche, il n’alertera pas le groupe sur les parties du discours
qui relèvent du jugement ou de l’interprétation, il précisera que l’ensemble du
discours de l’exposant constitue le matériau de l’analyse, même si ce dernier n’est
pas invité à le faire.
L’exposant reçoit la consigne de présenter des faits et ses propres émotions au
moment des faits s’il le veut.
Les situations traitées correspondront à des situations réelles (cela ne peut pas
être des cas fictifs), elles seront ancrées temporellement (ce ne sont pas des cas
généraux) et elles sont vécues à la première personne (vécue par l’exposant).
Chapitre 3 Outils 67
Étape 6 : les bilans
La dernière étape invite chacun à établir un triple bilan. L’exposant puis les
analyseurs sont amenés à exprimer ce qu’ils retiennent de l’exercice en termes :
• de contenu propre à la situation analysée ;
• de démarche vécue lors de la séance ;
• de modes de traitements personnels des contenus de la situation de même
que de ses propres modes interactionnels observés lors de la séance, en
lien avec les contenus de la séance ou avec les étapes de la démarche
vécue.
Origine
Dans les formations professionnalisantes (préparation à divers métiers de
l’interaction humaine) gérées par l’équipe PERF de l’Université de Liège, les sup-
ports audiovisuels sont couramment exploités, car ils rendent mieux compte de la
complexité des interactions verbales et non verbales que les descriptions écrites de
cas. Ce matériau est d’autant plus précieux que, dans certains métiers, l’observa-
tion de professionnels en activité sur le terrain ou de bénéficiaires peut poser des
problèmes d’ordre organisationnel ou éthique.
La transposition didactique de cet outil a été travaillée :
• avec des futurs agrégés en psychologie et sciences de l’éducation suscep-
tibles d’être enseignants dans des sections qualifiantes du secteur 8 (futur.e.s
agents d’éducation, puériculteurs, animateurs-trices, aides-soignants, aides
familiales). Elle a pris la forme de préparations et de microenseignements
préparatoires aux deux stages menés par ces agrégés dans ces sections ;
• dans des formations continues de métiers de service, par exemple avec des
puéricultrices.
Public
Des futurs professionnels (FP), par exemple pour la préparation aux stages.
Des professionnels de terrain (P) en fonction lors de formations continuées.
Objectifs
L’exploitation d’un matériel audiovisuel est mise au service de l’un et/ou
l’autre des objectifs suivants :
• observer des professionnels en activité pour repérer des critères de qualité
de l’action professionnelle ou pour analyser les difficultés qui peuvent appa-
raître dans l’action ;
• apprendre à observer des bénéficiaires afin d’orienter l’action professionnelle
(des élèves pour les enseignants, des bébés pour les puéricultrices, des enfants
ou des jeunes pour des éducateurs, des personnes âgées pour des aides fami-
liales ou aides-soignantes…).
Modalités
Matériau
La présentation du cas prend la forme d’un film cinéma/vidéo présentant la
situation professionnelle.
Chapitre 3 Outils 69
Les cas vidéo peuvent être d’origines différentes :
• un documentaire ou un film mettant en scène un professionnel en action ;
• une vidéo d’un professionnel ou futur professionnel filmé en situation réelle
par le formateur ;
• un documentaire ou un film mettant en scène un ou plusieurs bénéficiaires.
Type d’animation
En fonction de l’objectif poursuivi, l’animation pourra comporter une phase
individuelle ou en sous-groupes ; le dispositif comporte toujours une discussion
collective.
Description de l’outil
Situation 1
Lors de l’exploitation de divers documents avec de futurs enseignants (film
« Entre les murs », documentaire « L’envers du tableau : pile profs, face élèves »
France 2, vidéos de futurs enseignants lors de stages), des questions à visée des-
criptive sont posées à l’ensemble du groupe afin de guider la discussion à venir.
Exemples : quels sont les comportements du professionnel ? Quels sont les compor-
tements du bénéficiaire ? Quelles sont les réactions du professionnel ?
Situation 2
Une question plus ciblée sur une thématique spécifique oriente l’observation
de l’extrait.
Par exemple, en fonction du public auquel ils s’adresseront dans leur prochain stage,
les futurs enseignants sont répartis en sous-groupes. Chaque sous-groupe exploite
une vidéo mettant en scène des manifestations agressives de la part de bénéficiaires
(des adolescents pour un public de futurs enseignants du secondaire, des jeunes
enfants pour un public d’instituteurs, etc.). La consigne précise d’observer comment
le professionnel gère les manifestations agressives du ou des bénéficiaires.
Situation 3
L’observation se centre sur un ou des bénéficiaires et pas sur un professionnel.
Chapitre 3 Outils 71
3.6 Analyse par problème en groupe
Sandrine Biémar
Origine
Ce dispositif a été conçu, formalisé et mis en œuvre par l’équipe de l’Univer-
sité de Namur dans le cadre du programme de formation initiale des enseignants du
secondaire supérieur (master didactique, agrégation). Il s’inspire des dispositifs de
résolution de problèmes proposés dans l’enseignement supérieur (Galand et Frenay,
2005).
Il part du constat que les étudiants arrivent avec un bagage disciplinaire
assez important en sciences, mathématiques ou sciences de gestion sans avoir
conscience que les champs des sciences humaines, et des sciences de l’éducation
en particulier, regorgent également de ressources théoriques sur les démarches
d’apprentissage, la motivation, la gestion de la classe, etc. Certains étudiants
semblent accorder moins de valeur à ces savoirs théoriques et ne les réinves-
tissent pas dans leurs pratiques.
Pour pallier cela, les formateurs ont élaboré un dispositif qui pousse les étudiants
à faire des liens explicites entre la théorie vue au cours et la pratique enseignante
et ainsi, à affiner leur compréhension des situations pédagogiques.
L’équipe prend appui sur les écrits de Schön (1994), Paquay, Altet, Charlier et
Perrenoud (2001), Kelchtermans (2001), Beckers et al. (2002), Barbier (2004), pour
considérer que le professionnel développe ses compétences par l’action et la
réflexion sur l’action. Par ailleurs, elle a pu identifier les particularités des dispositifs pro-
fessionnalisants mis en évidence par Paquay et Beckers (2002) ainsi que Barbier (2004)
comme la prise en compte de la complexité des situations travaillées, la proximité avec le
contexte professionnel. En outre, dans la mouvance socioconstructiviste du soutien à l’ap-
prentissage, de nombreux dispositifs intégrant l’analyse par problèmes sont développés dans
l’enseignement supérieur (Galand, 2005 ; Leclercq, 2016).
L’enjeu de cette pratique pédagogique est de former des professionnels à un mode de
questionnement expert qui les aide à apporter des éléments de réponse à des problèmes
complexes, proches de leur vie professionnelle future. Par exemple, en Faculté de Médecine,
le cas d’un patient leur est soumis. Ils doivent ensuite, en groupe, identifier, rassembler les
ressources et les utiliser pour élaborer des réponses. Notre originalité est de proposer ce
type d’activités en formation pédagogique.
Public
Les séances d’Apprentissage Par Problème (APP) sont proposées aux étu-
diants en formation initiale d’enseignants.
Contexte
Il prend place dans la formation initiale des enseignants du secondaire
supérieur.
Un problème est traité en quatre heures de cours. Plusieurs séances d’APP sont
organisées au fil de l’année académique.
Modalités
Matériau
Une situation problématique authentique issue du monde de l’enseignement
est présentée aux étudiants sous forme écrite ou par vidéo. Il peut s’agir d’une situa-
tion de classe où des élèves refusent de travailler ou encore d’une situation de conseil
de classe où les enseignants discutent du cas d’un élève. Ce sont là des thématiques
qui seront abordées en parallèle ou par la suite lors des cours théoriques portant sur
la motivation, l’évaluation ou encore la gestion de la discipline.
Une personne externe au groupe d’étudiants (un chercheur, un assistant, un
formateur, un enseignant) est désignée comme tuteur pour accompagner
chaque groupe dans la démarche. Il remplit la fonction de garant du dis-
positif d’analyse. Il explicite les différentes étapes, pose des questions
de clarification, veille à la répartition des rôles, etc. Il se positionne en
accompagnateur. Il se met au service du projet des étudiants en s’adaptant à leurs
besoins et veille à ce que le groupe prenne son autonomie.
Le rôle de tuteur ne s’improvise pas. Une formation est organisée pour les sensi-
biliser à ce rôle et leur donner des balises pour agir. Un carnet de bord du tuteur
est mis à leur disposition. Il reprend des états de vigilance, propose des questions
à poser aux différentes étapes, etc.
La présence d’un tuteur n’est pas toujours indispensable et dépend des ressources
humaines à disposition. Les groupes peuvent aussi travailler de manière autonome.
Chapitre 3 Outils 73
Néanmoins, ce travail en autonomie ne s’improvise pas. Il est important de sensibi-
liser les étudiants à la démarche d’analyse et aux spécificités du travail de groupe,
soit par des séances de sensibilisation, de formation ou par le biais d’un carnet de
bord ou d’un guide d’usage soutenant la démarche.
Plusieurs cas étant traités au cours de la formation, une progressivité est mise en
place :
• au niveau des ressources à disposition : lors du premier cas, des porte-
feuilles de lectures reprenant des articles variés, dans le champ de la
pédagogie et de la psychologie, sont mis à la disposition des étudiants. Par
la suite, les étudiants sont invités à rechercher les ressources de manière
autonome (recherche en bibliothèque, via Internet, etc.). Une liste des
sites intéressants ainsi que des noms de revues sont mis à leur disposition ;
• au niveau du cas à traiter : les deux premiers cas présentent des situa-
tions authentiques rapportées et tous les groupes travaillent à partir de
la même situation. Pour le troisième cas, les étudiants sont invités à faire
un choix entre trois situations. Ce choix fait l’objet de discussions au sein
du groupe pour que tous soient en phase avec le cas traité. Ces situations
sont externes à l’étudiant. Cette approche semble plus sécurisante, dans
un premier temps. Par la suite, il est proposé aux étudiants de travailler à
partir de situations personnelles. Un membre du groupe peut ainsi apporter
une situation problématique qui sera analysée avec son groupe ;
• concernant l’intervention du tuteur : son rôle est capital lors de l’analyse
du premier cas. C’est lui qui va rappeler la démarche, expliciter les étapes
et être le gérant du processus. Par la suite, son intervention est négociée
avec les étudiants en fonction de leurs besoins. Il peut ainsi ne participer
qu’à une partie des séances ou lors de certaines étapes. L’idée est de per-
mettre au groupe de prendre progressivement son autonomie dans l’analyse
du problème.
Type de regroupement
Les étudiants sont répartis par sous-groupes de cinq. Chaque sous-groupe
reste inchangé pour l’ensemble des cas travaillés. Un tuteur accompagne chaque
groupe.
Le travail en groupe constitue une expérience d’apprentissage collaboratif. La
confrontation des points de vue est propice aux conflits sociocognitifs. De plus,
chacun apprend à se positionner au sein d’un groupe d’apprentissage. Ce type de
travail nécessite de sensibiliser voire préparer les étudiants au travail en groupe.
Dans notre cas, nous organisons des séances de formation, car apprendre en équipe,
ça s’apprend.
Type d’animation
Les étudiants expérimentent une démarche d’analyse qui les pousse à dépas-
ser leurs premières interprétations et à aller voir du côté des savoirs plus stan-
dardisés dans les champs de la psychologie, de la pédagogie, de la sociologie,
Chapitre 3 Outils 75
découvrir les autres cas ainsi que d’autres manières d’analyser le même cas. Chaque
groupe présente la démarche d’analyse sur un poster qui est exposé et présenté aux
autres groupes. Des discussions peuvent être amorcées sur les différentes manières
d’analyser un même problème :
• le problème considéré ;
• les interprétations réalisées ;
• les ressources utilisées.
Chapitre 3 Outils
77
Étapes Consigne Action des participants Actions du tuteur
78
Identification Les interprétations personnelles issues Chaque participant est invité à choisir des pistes Le tuteur aide les participants
des pistes de de l’étape 2 sont un point de départ. d’investigation précises (articles, sites, revues, etc.) à se recentrer sur le champ des
recherches Elles méritent d’être approfondies qu’il aurait plus particulièrement envie d’investiguer ressources à explorer en fonction
et alimentées par des connaissances individuellement pour la séance suivante. du problème traité et des
théoriques. Le groupe a sans doute interprétations formulées.
identifié une série de pistes théoriques
qui permettraient une analyse du
problème lors de l’étape 3.
Travail individuel Chaque membre du groupe réalise, entre Chacun s’engage, hors de la séance, dans un travail En préparation de cette étape
les deux séances d’une même APP, la de recherche individuel et dans des lectures. et de la suivante, le tuteur peut
lecture ou les lectures pour lesquelles il inviter le groupe à construire
s’est engagé. une modalité d’investigation
Tout en lisant, chacun se posera la des textes (soutien
question suivante : « En quoi ce que je méthodologique).
Origine
L’atelier de praxéologie1 est une méthode développée au Département
de psychologie de l’Université de Sherbrooke (Québec), pour aider des pra-
ticiens des métiers de l’interaction humaine à devenir plus efficaces dans
l’exercice de leur profession (St-Arnaud, 1995).
Cette méthode s’inspire des travaux d’Argyris et Schön (1974) soulignant l’impor-
tance de faire une place, à côté du paradigme de l’expertise, au paradigme de
l’incertitude pour définir et comprendre l’activité humaine.
Quand il agit selon le paradigme de l’expertise, l’acteur s’appuie sur le savoir homo-
logué (théories, concepts, modèles, grilles d’analyse, etc.) pour expliquer ce qui se
passe dans une interaction et planifier son action (que nous dénommerons facteur G
dans la suite du texte). Cette réflexion sur l’action est pilotée par ce qu’on peut
appeler un surmoi professionnel. Quand il agit selon le paradigme de l’incertitude,
l’acteur s’appuie sur ce qu’il y a d’unique et d’incertain dans chaque interaction (que
nous dénommerons facteur P dans la suite du texte) pour s’autoréguler dans l’action.
La distinction entre ces deux paradigmes est éclairante relativement aux métiers de
l’interaction humaine où la part du facteur P l’emporte largement.
Selon St Arnaud (2003, p. 10), les difficultés rencontrées en situation d’interaction
peuvent être attribuées à différentes sources :
• au procédé particulier (parole ou geste), au moyen utilisé par l’acteur pour
produire un effet immédiat (question ambiguë, faux argument, langage inap-
proprié, etc.) : c’est une erreur qualifiée de technique ;
• au caractère irréaliste de la visée de l’acteur, lorsque l’écart entre l’effet
produit et l’effet visé se maintient malgré une variation dans les moyens
utilisés pour produire cet effet immédiat (dans le déroulement du jeu de
rôle – désigné « JdR » dans la suite du texte –, il y a succession de codes
rouges) : c’est une erreur dite de visée ;
• au fait que l’acteur persiste à vouloir produire un effet immédiat pour répondre
à un besoin personnel en répétant des paroles ou des comportements qui
relèvent d’une visée qui s’est avérée irréaliste (dans le déroulement du JdR,
il y a aussi succession de codes rouges) : c’est une erreur dite d’aspiration.
On le voit, l’efficacité dans l’interaction suppose un processus d’autorégulation qui
dépend de la prise de conscience par l’acteur de ses intentions vraies et de leur
adéquation.
1. Le terme praxéologie désigne ici « une démarche structurée visant à rendre l’action consciente,
autonome et efficace ».
Chapitre 3 Outils 79
Saint-Arnaud et ses collègues proposent au professionnel d’utiliser sa réaction sub-
jective, sa perception d’efficacité et son ressenti plus ou moins agréable devant la
réaction de son interlocuteur comme indicateur de son intention réelle. En effet,
l’affect est plus rapide que toute analyse rationnelle. On peut donc l’utiliser dans
le feu de l’action pour savoir de façon rapide si on est efficace ou non.
C’est ce qu’ils appellent le test personnel d’efficacité : activité mentale qui permet à
l’acteur de s’autoréguler dans le feu de l’action à partir de la perception qu’il a des
effets observés (réaction verbale et non verbale) chez son interlocuteur. L’objectif
est qu’il devienne conscient de ses intentions, autonome dans l’utilisation des
modèles dont il s’inspire et efficace dans son action.
Selon le degré de satisfaction ou d’insatisfaction qu’il éprouve, l’acteur assigne un
code couleur au comportement verbal ou non verbal de l’interlocuteur :
• vert : intervention efficace (l’effet visé est observé chez l’interlocuteur) ;
• jaune : effet mixte (l’effet visé n’est pas vraiment là, mais il y a une ouverture) ;
• rouge : intervention inefficace (l’interlocuteur ne réagit pas dans le sens de
l’effet visé).
Nous avons expérimenté dans l’équipe PERF, avec de futurs enseignants et de futurs
formateurs d’enseignants, plusieurs manières d’exploiter l’originalité de la méthode,
notamment le test personnel d’efficacité sans casser la spontanéité du JdR. La des-
cription de l’outil fait état du résultat de ces essais. Au final, nous utilisons assez
librement la démarche.
Public
Des formateurs ou futurs formateurs (FF) à des métiers de l’interaction
humaine en préparation ou en retour de stage.
Objectifs
Les objectifs sont doubles. Il s’agit de permettre aux formateurs ou futurs
formateurs :
• de s’exercer à l’interaction dans une situation qu’ils sont amenés à vivre dans
leur profession ou éventuellement lors d’un stage (par ex., mener un entretien
de régulation avec un stagiaire observé dans sa pratique professionnelle) ;
• de réfléchir à l’utilisation qu’ils peuvent faire de cette modalité de JdR avec
leurs étudiants, futurs professionnels des métiers de l’interaction humaine
(isomorphisme).
Le premier objectif (a) se décline comme suit :
− inviter le professionnel ou futur professionnel à s’engager dans un
registre de fonctionnement, laissant place à une régulation émotionnelle
plutôt que rationnelle ;
− développer son autonomie de fonctionnement par rapport au surmoi
professionnel ;
Modalités
La méthodologie de St-Arnaud (2003) exploite une difficulté vécue ou anti-
cipée par un des membres du groupe de professionnels réunis pour un atelier
praxéologique. Nous avons dans l’équipe PERF utilisé assez librement la démarche
selon deux modalités :
• la première (a), franchement distincte de la méthodologie de St-Arnaud
et ses collègues (2003), comme exercice préparatoire (avant l’action
professionnelle) ;
• la seconde (b), qui s’en inspire plus directement, comme modalité de pra-
tiques réflexives (après l’action).
Matériau
Dans le cas (a), la situation de départ est choisie par le formateur parce
qu’elle illustre une situation que les futurs professionnels vont effectivement ren-
contrer. Le but est de les y préparer. Dans le cas (b), la situation est effectivement
amenée par un membre du groupe qui l’a vécue (il ne s’agit pas d’une anticipation).
Type d’animation
La démarche comporte les éléments suivants :
• un moment dédié au(x) JdR entre un acteur (professionnel gérant une inte-
raction avec un bénéficiaire) et un interlocuteur (le bénéficiaire). Plusieurs
JdR peuvent se dérouler en succession si les participants souhaitent explorer
par ce biais d’autres visées et manières de les concrétiser ;
• des observateurs invités à donner leur avis sur l’efficacité des différentes
interactions (évaluation externe d’efficacité) sur le JdR qu’ils viennent
d’observer ou sur la base de son visionnement ;
• une évaluation par l’acteur de l’efficacité de ses différentes interactions
(test d’efficacité personnelle) directement après le JdR ou sur la base de
son visionnement ;
• un moment de partage des ressentis et avis sur l’efficacité des différentes
interventions de l’acteur en donnant la priorité à l’acteur d’abord, ensuite à
l’interlocuteur, enfin aux observateurs ;
• un moment de synthèse sur les « enseignements » retirés de l’activité vécue
et analysée.
Chapitre 3 Outils 81
Description de l’outil
Quand il est utilisé en préparation à une action
professionnelle récurrente
Avec le public des FF en préparation à un de leurs stages, la démarche est
centrée sur une famille de tâches professionnelles spécifiquement travaillées lors de
ce stage : la gestion d’un entretien de régulation avec un stagiaire futur profession-
nel, consécutif à l’observation de l’activité professionnelle de celui-ci.
Le déroulement général de la séance est expliqué aux participants.
Un participant qui avait « prévu de faire autrement » est à son tour invité à « jouer »
l’interaction avec un autre « stagiaire ». La démarche est la même.
Plusieurs visées peuvent ainsi être jouées, autant que de manières différentes de
faire, de s’y prendre… Après quelques expérimentations selon la méthode originale
de Saint Arnaud et al., nous avons décidé de filmer chacun des JdR qui se suc-
cèdent sans discussion intermédiaire pour éviter qu’un projet d’intervention ne soit
influencé par la discussion précédente. On visionne l’enregistrement vidéo juste
avant la discussion.
Chapitre 3 Outils 83
Étape 5 : pour jalonner la démarche d’analyse, la
parole est d’abord donnée à l’acteur
• Quelle était sa visée ?
• Comment a-t-il régulé les interactions ? Avec quels moyens ? Comment a-t-il
perçu l’efficacité de ses interventions au moment où elles se déroulaient ?
Cette première discussion est surtout centrée sur la pertinence des moyens
et leurs effets (code couleur).
• Éventuellement, avec l’aide des mots-clefs qu’il a notés, l’animateur interroge
l’intervenant sur sa perception d’un moment précis.
Ensuite, la parole est donnée à l’interlocuteur :
• Dans quel état d’esprit était-il en commençant l’entretien ?
• Y a-t-il eu une intervention de l’acteur qu’il voudrait relever parce qu’elle a eu un
effet (positif ou négatif) sur lui et l’évolution éventuelle de son état d’esprit ?
Enfin, la parole est donnée aux observateurs :
• Quelles interventions ont été particulièrement efficaces à leurs yeux (pas de
jugement sur la personne, mais sur l’interaction) ?
• Quelles interventions ont à leurs yeux été déterminantes (pour leurs effets
positifs ou négatifs) ?
• Les observateurs sont invités à évoquer la visée qu’ils ont identifiée, peut-
être différente de celle que l’acteur a exprimée. Cette deuxième discussion
peut aider à mettre au jour un besoin non conscient chez l’acteur.
La confrontation aux points de vue exprimés par l’interlocuteur éclaire l’acteur sur les
effets que ses interventions produisent, effets dont il n’est pas nécessairement conscient.
L’écart éventuel entre la perception personnelle d’efficacité de ses différentes interven-
tions et la perception qu’en ont eue les observateurs, entre la visée annoncée et la
visée repérée par les observateurs, permet à l’intervenant de prendre conscience de ses
intentions effectives et de son fonctionnement en situation. Il peut alors essayer de le
réguler. L’acteur peut disposer de la trace vidéo pour la revoir s’il en éprouve le besoin.
Chapitre 3 Outils 85
3.8 Analyse des pratiques
à partir de situations semi-authentiques
Évelyne Charlier
Origine
Cette démarche a été développée par Jean Donnay et Évelyne Charlier dans
les cours d’agrégation proposés par le Département Éducation et Technologie de
l’Université de Namur. Les étudiants participant à la formation ont, pour certains,
uniquement réalisé un stage de quelques dizaines d’heures. Ils sont invités à vivre
collégialement une situation de formation qui les positionne comme public. Hormis
l’étudiant qui sera choisi pour être le formateur, le groupe sera en situation de
devoir apprendre un contenu. Les situations d’apprentissage ainsi vécues seront
analysées par les étudiants. En plus d’un travail de formation avec les étudiants
en formation des maîtres, cette technique a aussi été utilisée dans des formations
continues de différents acteurs éducatifs : enseignants, directeurs d’école, inspec-
teurs, conseillers pédagogiques, formateurs en entreprises… avec le même succès.
Public
Des futurs professionnels (FP) : futurs enseignants.
Des professionnels de terrain (P) : formateurs, enseignants ou autres acteurs éducatifs.
Contexte
Tant en formation initiale (agrégation, maîtrise à finalité didactique…) que
dans les formations continues.
Temporalité
Ce dispositif intervient en formation initiale des enseignants quand les étu-
diants ont au moins vécu un stage de pratique professionnelle où ils ont été actifs.
En formation continue, cela n’a pas d’importance.
Objectifs
Permettre à un professionnel ou à un futur professionnel :
• de mettre en mots une expérience professionnelle vécue en tant qu’appre-
nant ou en tant que formateur ;
• de décrire des situations de formation ;
• d’expliciter les choix pédagogiques qui sous-tendent la démarche pédago-
gique vécue ;
• d’analyser les conséquences attendues et les effets constatés de ses choix
sur la situation de formation, sur l’apprentissage ;
Modalités
Matériau
Le matériau est constitué d’une situation de formation construite pour
l’activité d’analyse. Un participant, qui remplit la fonction de formateur, plani-
fie une séquence de formation destinée aux autres participants, qui seront ses
apprenants.
Durant celle-ci, les apprenants sont mis en situation d’apprendre quelque chose en
un temps limité (souvent 30 à 40 minutes). En cela, la situation d’apprentissage
est authentique. Par ailleurs, cette situation est hors du temps, il n’y a pas d’avant
ni d’après. Elle est hors des contraintes institutionnelles et c’est pourquoi elle est
désignée par le terme de situation semi-authentique.
Type de regroupement
Un participant, qui sera désigné comme participant-formateur, est invité à
concevoir pour la faire vivre une situation de formation destinée à ses collègues
du groupe d’analyse des pratiques professionnelles. Il doit concevoir la séquence
de formation de manière à ce qu’elle favorise des apprentissages réels, c’est-à-dire
non fictifs, chez le public assistant à cette formation.
Type d’animation
L’animateur de la séance encadre le déroulement méthodologique. Il veille
à ce que chaque étape se déroule dans les meilleures conditions. Il assure la qua-
lité des échanges en réajustant les propos si cela s’y prête et veille à ce que les
analyses ne contiennent pas de jugements de la part des participants analyseurs.
Description de l’outil
La démarche est structurée en six étapes.
1. Le participant-formateur planifie une situation semi-authentique pour les
autres participants.
2. Le participant-formateur et les participants-analyseurs vivent la situation
semi-authentique qui est filmée.
Chapitre 3 Outils 87
3. Le participant-formateur et les participants-analyseurs choisissent des
moments qu’ils souhaitent visionner.
4. Tous sont invités à décrire ce qu’ils ont vécu.
5. Ensuite, tous sont invités à proposer une analyse de façon à faire émerger
des hypothèses explicatives à propos du déroulement de la situation de for-
mation. Ils sont aussi invités à imaginer d’autres possibles d’interventions.
6. Enfin, chacun est invité à s’approprier les possibles pour les adapter à ses
situations de travail et à sa façon de concevoir les situations de formation.
L’animateur de la séance réagit pour rendre saillants les jugements et les inférences
s’il y en a.
Il lui est aussi demandé de cibler les séquences qu’il souhaiterait analyser ou
revoir et d’adresser aux apprenants deux questions sur la façon dont ils ont vécu
la formation.
Chapitre 3 Outils 89
Étape 5 : analyse des moments épinglés
sur la vidéo
Les participants seuls ou en sous-groupe proposent différentes analyses des
situations repérées et énoncent les questions de problématisation auxquelles ils
tentent de proposer des pistes de compréhension à travers ces analyses. Ils pro-
posent un modèle de la situation, orienté par leur question, qui explicite les inte-
ractions entre les éléments de la situation.
Ces analyses sont articulées par des théories ou des grilles explicites (théorisation).
La théorie joue le rôle d’objet tiers. Elle permet aux participants de ne pas s’enliser
dans leurs émotions face à une situation qui peut générer de gros malaises liés à
des convictions pédagogiques.
La consigne est la suivante : « Étant donné une question que vous vous posez sur
cette situation de formation, réalisez un schéma pour rendre compte des éléments
de la situation qui interviennent de manière significative dans la situation et expli-
quez à travers celui-ci ce qui se passe. Explicitez la théorie sur laquelle vous vous
basez pour faire cette analyse ».
Origine
Ce dispositif a été conçu, formalisé et mis en œuvre par l’équipe de l’Uni-
versité de Namur dans le cadre du programme de formation initiale des enseignants
du secondaire supérieur (master didactique, agrégation).
Il s’inscrit dans la continuité du travail initié par Jean Donnay qui, lui, utilisait
des livrets de réflexivité.
Le journal de réflexivité est un dispositif d’écriture individuelle qui accompagne les
étudiants du cours de psychopédagogie dans une démarche de prise de recul sur
leur professionnalité en construction.1
Il vise à leur donner la possibilité de clarifier leur projet professionnel, de l’ana-
lyser à la lumière des apports de certains cours et ainsi, à se donner davantage
de prise sur leurs situations de travail. Il s’agit d’aider l’étudiant à se constituer
progressivement une identité professionnelle et à prendre conscience du processus
dans lequel il est engagé, en tant qu’enseignant.
Ce journal se compose de différentes sections, en lien avec des thématiques abor-
dées lors des cours.
Chaque étudiant est invité à les compléter individuellement en regard d’échéances
définies.
Concrètement, il est invité à mettre par écrit des représentations, des récits d’expé-
rience, des intentions, des avis personnels, des analyses, en étant guidé par des
consignes d’écriture. Certains contenus de ce journal peuvent être utilisés lors de
certains cours comme support d’analyse.
Le contenu de ce journal n’est pas évalué.
Ce dispositif prend appui sur les écrits de Schön (1994), Paquay, Altet, Charlier et
Perrenoud (2001), Kelchtermans (2001), Beckers et al. (2002), Barbier (2004), qui
mettent largement en évidence que le professionnel développe ses compétences par
l’action et la réflexion sur l’action.
La démarche réflexive est au cœur des questions et consignes d’analyse proposées.
Public
Pour des enseignants en début de carrière ou en formation pour le devenir.
Mais de manière plus générale, les questions du journal peuvent être adaptées pour
soutenir un professionnel à prendre du recul sur son identité, son processus de
développement professionnel à différentes étapes de son parcours.
1. Ce cours est destiné à des étudiants qui soit ont terminé un master en sciences (biologie, chimie,
physique, mathématiques) ou en gestion et décident de faire une formation pour enseigner (agrégation),
soit entament un master à finalité didactique en sciences ou en gestion après leur bac. Ils seront amenés
à enseigner dans l’enseignement secondaire supérieur.)
Chapitre 3 Outils 91
Contexte
Dans le cadre de la formation à l’enseignement mais il peut prendre place
dans n’importe quel contexte de formation professionnalisante.
Temporalité
Cet outil accompagne l’étudiant tout au long de sa formation, même si le
journal est attaché à un cours particulier.
Objectifs
Le but poursuivi par le dispositif est de permettre à chaque étudiant de cla-
rifier son identité professionnelle en construction en en identifiant les spécificités
et de se mettre en perspective pour la suite de sa carrière.
Ainsi, il est mentionné dans l’introduction du journal : « Il s’agit de vous aider à
mieux comprendre vos manières d’être, de faire, vos intentions, vos valeurs, vos
représentations du métier, des élèves… »
Il est ainsi amené à :
• prendre conscience des implicites qui dirigent ses actions, des valeurs qui
sous-tendent son identité professionnelle ;
• développer un langage pour parler de ce qu’il fait, de ses valeurs, du type
de relation (pédagogique) qu’il souhaite établir avec ses élèves et ce, dans
un langage professionnel ;
• se placer dans une perspective de développement professionnel et se posi-
tionner sur une trajectoire explicitée.
Modalités
Matériau
L’étudiant est invité à écrire, à s’écrire, en répondant aux questions et
consignes des différentes sections du journal.
Ainsi, des consignes l’invitent à décrire des situations vécues ou à donner des
avis par rapport au métier, à sa manière d’envisager la rencontre avec des adoles-
cents, etc. Elles sont balisées dans le temps.
L’écriture constitue une trace. Elle soutient la structuration de la pensée et devient
un support utile pour la prise de recul. Elle donne également à circonscrire, par
le biais des textes produits, un objet à analyser. L’aspect émotionnel est intégré
dans l’écriture : l’étudiant est invité à faire mention de ses ressentis. Le contenu
du journal reste la propriété de l’étudiant, la trace de sa réflexion en construction.
Le journal de réflexivité a longtemps été présenté sous la forme d’un livret papier.
Il est maintenant numérisé au sein de l’intranet de notre université. Les différentes
sections du journal sont ainsi ouvertes à des moments définis et des annonces
régulières guident les étudiants dans cette démarche d’écriture.
Description de l’outil
Voici quelques exemples de questions proposées dans le journal de réflexivité
actuel, en fonction des thèmes qui structurent le cours de psychopédagogie. Ces
questions sont sujettes à évolution.
Chapitre 3 Outils 93
• Suite au cours sur le concept d’identité professionnelle, comment relisez-
vous vos écrits à la lumière de ce qui a été abordé au cours ?
• Quelles sont les spécificités de votre identité professionnelle ?
• Qu’avez-vous appris sur vous et sur vos relations avec les élèves ?
Chapitre 3 Outils 95
3.10 Le parcours de formation
Une démarche méthodologique pour réfléchir sur sa pratique
Origine
Si une formation professionnelle ambitionne d’amorcer une construc-
tion identitaire, elle s’inscrit forcément, si l’on suit Dubar (2000), dans
un processus de socialisation secondaire de type relationnel : celui des
acteurs en interaction dans un système d’action précis, finalisé, traversé
par des enjeux divers. Les stages proposés dans la plupart des formations profes-
sionnalisantes autorisent cette immersion dans une pratique professionnelle où les
praticiens partagent des façons de faire, mais aussi de penser et de se comporter,
en quelque sorte reconnues et validées par le milieu professionnel. Ces formes
identitaires socialisées fondent l’appartenance à un métier : « être du métier ».
Cette participation aux activités professionnelles devrait permettre de développer
des compétences, mais aussi de contribuer à modifier et/ou à faire évoluer l’image
que le futur professionnel se fait du métier et de lui-même dans l’exercice de ce
métier. L’outil présenté ici devrait aider le futur professionnel à prendre conscience
de ces images et à s’inscrire dans un processus de construction identitaire.
Dès lors qu’il s’engage aux côtés d’autrui dans une action collective, le futur pro-
fessionnel se voit attribuer une identité par autrui, fondement de la reconnais-
sance (identité pour autrui : « comment les autres me voient ? », Dubar, 2000).
L’intériorisation de cette identité (l’incorporation dans son « identité pour soi »,
Dubar, 2000) est variable selon les individus et fluctuante dans le temps. Selon
Pastré (2005), il y a genèse identitaire quand les traces du vécu sont reconnues par
le sujet comme siennes et leur responsabilité assumée dans une démarche réflexive.
Cet outil a été construit par l’équipe PERF (Professionnalisation en Éducation :
Recherche et Formation) de l’ULiège (Université de Liège) pour accompagner la
construction identitaire des futurs enseignants du secondaire (AESS) en psychologie
et sciences de l’éducation. Il a également été utilisé dans la région liégeoise dans
les formations qualifiantes du secteur 8 (futur.e.s agents d’éducation, puéricultrices,
animateurs, aides-soignantes, aides familiales) ainsi que dans les formations conti-
nues de métiers de service, par exemple destinées à des puéricultrices.
Contexte d’utilisation
Des futurs professionnels (FP) et des futurs enseignants (FE)1.
1. Avec des aménagements, la démarche est également exploitable avec de futurs professionnels, élèves
de l’enseignement secondaire qualifiant (secteur « service aux personnes ») ayant une pratique en stage :
sa transposition didactique a été travaillée avec de futurs enseignants de ces sections, susceptibles
d’accompagner leurs élèves dans l’élaboration de leur pratique professionnelle.
Modalités
Matériau
Le matériau est constitué par le vécu du participant (futur professionnel ou
professionnel en fonction) en situation authentique (stages/travail de terrain) sur
une période plus ou moins longue, mais également lors de moments de réflexion
individuelle (pauses identitaires) et en groupes tout au long de la formation initiale
ou au sein d’un dispositif d’accompagnement de professionnels de terrain.
Type d’animation
La description de la démarche se base sur l’exploitation de cet outil avec de
futurs enseignants. La démarche comporte trois temps :
Chapitre 3 Outils 97
• Susciter, grâce à des outils sémiotiques proposés en support (par ex. « mon
premier passage de l’autre côté du miroir » au retour du premier stage ou
l’utilisation d’un outil métaphorique comme le bonhomme ou le vélo pour
faire le bilan de son stage [cf. Beckers, Delchambre et François, 2009]), une
réflexion sur l’action professionnelle qui vient de se dérouler.
Sur la base des traces récoltées, des rencontres, des visites des formateurs
lors des stages, des moments d’échanges (avec les formateurs et enseignants du
terrain avant et pendant les stages), etc., les futurs enseignants arrivés en fin de
parcours de formation sont invités à rédiger un document intitulé « Mon parcours
de formation ». Celui-ci doit rendre compte de leur double évolution relativement
à leur image du métier et à l’image qu’ils ont progressivement construite d’eux-
mêmes dans ce métier. Il leur est demandé de décrire les éléments étayant cette
double évolution ainsi que de les questionner et de les analyser. Sur la base de leur
récit et de leur analyse, ils dégagent des enseignements sous la forme de pistes
d’actions pour leur pratique future d’enseignant. Ce texte est transmis à chacun des
formateurs pour être lu de manière indépendante avant la rencontre de fin d’année.
En fin d’année, une discussion réunit un FP et tous les formateurs. Elle est
l’occasion de revenir sur des éléments relatés dans le parcours ainsi que sur l’évo-
lution du FP au fil des stages telle que celui-ci la voit et telle que les formateurs
l’ont appréhendée au fil des visites.
Le parcours et sa mise en discussion avec les formateurs font l’objet d’une évaluation.
Description de l’outil
Étape 1 : Pauses réflexives tout au long de l’année
Tout au long de l’année, les futurs enseignants rédigent des textes-traces
lors de pauses réflexives organisées par les formateurs. Ces écrits sont datés et
conservés dans leur « Journal de bord », strictement personnel, qui ne sera jamais lu
par les formateurs. Certains outils utilisés lors de ces moments sont décrits dans le
livre : la méthode narrative, les ateliers praxéologiques, les analyses de cas vidéo.
Les futurs enseignants sont aussi invités à prendre spontanément la plume pour
compléter à leur guise ce journal de bord, éventuellement pour y coucher leurs
réflexions suite à différents moments d’échanges avec l’équipe (permanence avant
un stage, débriefing après une visite de stage…).
Les documents recensés dans chacun des rapports de stage (préparations, traces
des activités gérées et retours réflexifs sur leur déroulement, analyse du dispositif
mis en place) font l’objet d’une évaluation et constituent un « Portfolio évalué ».
retracez la manière dont votre image du métier et l’image que vous avez pro-
gressivement construite de vous-même comme enseignant ont évolué durant cette
année. Décrivez les éléments sur lesquels vous vous basez pour étayer cette double
évolution.
Cette description sera assortie d’un questionnement et d’une analyse fondée sur l’un
ou l’autre modèle ou grille de lecture théorique et utilisant un langage adéquat sur
un plan scientifique, signe de professionnalité.
Sur la base de votre récit et de votre analyse, dégagez les enseignements que
vous avez retirés de votre parcours de formation sous la forme de pistes d’actions
pour votre pratique future d’enseignant. »
Chapitre 3 Outils 99
3.11 Réfléchir à sa manière de mener
un entretien de régulation
Jacqueline Beckers et Sylvie Vanderlinden
Origine
L’outil dont il sera question ici permet de préparer à la gestion des
entretiens de régulation (outil n° 7.2). Les fondements théoriques sont
donc identiques.
Ce dispositif de simulation d’entretien, conçu par le service PERF (Professionnalisation
en Éducation : Recherche et Formation) de l’Université de Liège fait partie de la
préparation de futurs formateurs d’enseignants à l’accompagnement de futurs ensei-
gnants en stage dans le cadre d’un module intitulé « Compagnonnage réflexif ».
Il cible la gestion d’entretiens de régulation constituant le cœur de la démarche
régulatrice personnalisée en formation initiale.
Ensemble, les membres du duo s’engagent dans une démarche cyclique : mise à
disposition d’un observable, notamment par enregistrement vidéo des pratiques
d’enseignement, analyse conjointe, décision d’action régulatrice, nouvel observable
soumis à l’analyse…
Public
Professionnels ou futurs professionnels amenés à mener des entretiens de
régulation d’une pratique professionnelle. Dans la suite du texte, ils seront repris
sous l’abréviation FE.
Contexte
En formation initiale ou en formation continue.
Temporalité
En amont d’entretiens de régulation.
Objectifs
Prendre conscience de son fonctionnement lors de la gestion d’un entretien
de régulation pour le réguler.
Modalités
Matériau
Pour le FE : la retranscription de son entretien de régulation, enregistré au
dictaphone pendant le jeu de rôle, le questionnaire qu’il a complété à chaud suite
au jeu de rôle où il intervenait comme formateur, le questionnaire complété par
Type d’animation
Le jeu de rôle se déroule en duo ; la retranscription et l’analyse par chaque
futur formateur de son entretien sont menées individuellement. Il reçoit un feed-
back individuel relatif à l’analyse de sa retranscription.
Description de l’outil
Étape 1 : consignes et visionnage d’une séquence
d’enseignement-apprentissage filmée
La séquence est gérée par un futur enseignant. Celle-ci est issue des stages
des années précédentes. L’autorisation du FE a été obtenue. Tous les participants du
groupe seront engagés dans deux jeux de rôle successifs, une fois comme formateur
(rôle F), une fois comme stagiaire : le futur enseignant de la vidéo (rôle FE). Les
duos (un F et un FE), non identiques dans les deux jeux de rôles ont été constitués
par l’animateur et sont présentés dans un tableau écrit.
Origine
La démarche présentée ci-après est développée depuis 2005 par Sephora
Boucenna, membre de l’équipe du Département Éducation et Technologie. Elle a été
proposée à des publics fort différents issus de la formation initiale, mais surtout
aux publics de la formation continue (tant dans l’enseignement fondamental que
dans l’enseignement secondaire ou supérieur) des enseignants confirmés, des coor-
dinateurs de branche, des inspecteurs, des conseillers pédagogiques, des directions,
mais aussi des formateurs d’adultes dans différents secteurs.
Ce qui caractérise en premier lieu cet outil de réflexivité, c’est l’écriture sous un
format particulier. En effet, non seulement les participants sont invités à produire
un écrit à propos d’une situation vécue, mais les échanges tout au long du dispo-
sitif se font par écrit et non oralement.
Le dispositif intitulé « Analyse de ses propres questions de clarification » (AQCED)
est une démarche d’analyse privilégiant une modalité de communication écrite entre
deux partenaires : un narrateur et un analyseur. Cet exercice, qui s’inscrit dans un
processus de mise en abîme, invite l’analyseur à engager un exercice d’analyse à
partir d’un matériau provoqué pour l’occasion à partir du récit d’autrui, à savoir
l’exploration de ses propres questions de clarification posées au narrateur.
Cet outil a été publié, par ailleurs, dans un article écrit avec Yann Vacher dans un
ouvrage collectif portant sur la réflexivité et l’apprentissage autorégulé (Boucenna
et Vacher, 2016).
Public
Tous les professionnels, débutants ou confirmés, qui visent à interroger puis
à optimiser la manière dont ils « ouvrent l’espace de parole d’autrui » dans les inte-
ractions professionnelles, qu’elles soient pédagogiques ou autres.
Contexte
Ce dispositif prend place dans le cadre d’une formation professionnelle, tant
en formation initiale que continue.
Temporalité
Cette démarche peut être utilisée dans une formation qui propose différentes
modalités d’analyse des pratiques. Elle peut intervenir après plusieurs séances
vécues par un groupe de codéveloppement professionnel par le groupe de pairs
ou de séances d’analyse des pratiques en groupes de pairs. Elle met la focale sur
les théories contenues dans les questions qui sont formulées dans un contexte
Objectifs
L’exercice qui suit poursuit comme objectifs :
• de permettre au narrateur comme à l’analyseur de décoder certaines dimen-
sions de leurs pratiques professionnelles respectives ;
• d’identifier l’impact perlocutoire (Vermersch, 2007) de la formulation des
questions de clarification et de l’analyse sur l’autre et sur soi ;
• d’apprendre à formuler des questions qui ouvrent l’espace de communication ;
• d’identifier les implicites contenus dans les questions de clarification de
même que les théories personnelles ou collectives qui les sous-tendent ;
• d’identifier certains référents qui sous-tendent la pratique professionnelle ;
• d’identifier l’objet de l’attention particulière du narrateur et de l’analyseur ;
• de savoir questionner l’autre pour l’aider à décoder sa pratique – « offrir un
questionnement au service de l’autre ».
Modalités
Matériau
Le matériau est constitué par les questions de clarification, écrites et des-
tinées au narrateur suite à son récit (lui aussi écrit). Ce récit correspond à une
situation professionnelle vécue par ce même narrateur et qui l’interroge (Vacher,
2015).
Cet exercice exige des participants d’occuper une quadruple posture comprenant à
la fois :
1. celle d’exposant/narrateur (celui qui décrit une situation professionnelle
réelle et vécue à la première personne du singulier) ;
2. celle de professionnel porteur de différentes normes et référents ;
3. celle d’analyseur du récit du collègue avec les questions de clarification ;
4. celle d’analyseur de ses propres formulations de questions de clarification.
Type d’animation
L’animateur structure temporellement la séance et veille au bon suivi des
consignes. Il est important que tout le monde soit aligné dans les tâches, car
chaque participant est en interaction directe et dans un lien d’interdépendance avec
ses voisins directs de droite et de gauche. Il organise les temps de partage après
la rédaction de la partie réflexive de l’outil.
Dans les étapes qui suivent, chaque participant occupe deux rôles : celui de nar-
rateur et celui d’analyseur. La démarche comprend huit étapes. L’outil, dans sa
version scripturale et support à l’exercice, est proposé à la fin de la description
des étapes. Ces supports présentés sous forme de fiches-outils sont à imprimer sur
des feuilles A4.
Étape 1
Chaque participant rédige le récit d’un aspect de sa pratique professionnelle
qui lui pose question dans l’encadré prévu à cet effet. Il aura préalablement noté
son prénom comme narrateur sur toutes les feuilles du document support.
Étape 2
Chaque paquet de feuilles du document support passe au voisin de gauche.
Chaque participant devient alors analyseur. Chacun lit le récit du narrateur (le
collègue de droite) et précise son ressenti à cette lecture dans l’encadré prévu à
cet effet. Il aura préalablement noté son prénom comme analyseur sur toutes les
feuilles du document support.
Étape 3
Après avoir noté la résonance produite par le récit du narrateur et avoir plié
la feuille de manière à ce que le narrateur ne puisse pas la lire, chaque participant
dans son rôle d’analyseur pose des questions de clarification par écrit pour obte-
nir suffisamment d’informations de manière à pouvoir produire une analyse de la
situation. Les questions sur le contexte ne sont pas les plus porteuses. Celles qui
portent sur la pratique du narrateur sont à privilégier.
Étape 4
Chaque paquet (re)passe au voisin de droite et les participants adoptent
leur rôle de narrateur. Sans lire le ressenti de l’analyseur, mais en se concentrant
sur les questions de clarification, chaque narrateur écrit à son tour son ressenti
à la lecture des questions de clarification. Le ressenti est différent du jugement.
C’est une réponse à la question : « en lisant cette question, qu’est-ce qui me vient,
qu’est-ce que je ressens ? »
Étape 6
Chaque paquet (re)passe au voisin de gauche et tous les participants
reprennent leur rôle d’analyseur. Après avoir lu la résonance précisée par le narra-
teur et ses réponses aux questions de clarification, chaque analyseur identifie les
hypothèses et les théories contenues dans ses propres questions de clarification.
Ce passage à l’exercice réflexif est accueilli avec inquiétude par les personnes qui
participent pour la première fois à cet outil. Il s’agit de formuler les « règles » pré-
sentes dans les questions de clarification. Prenons deux exemples.
Exemple 1
Question de clarification posée par l’analyseur au narrateur : « Comment les per-
sonnes étaient-elles disposées dans le local de réunion ? »
Théorie inférée de la question : « la disposition des protagonistes de la situation
analysée influe sur l’issue de la réunion ».
Exemple 2
Question de clarification posée par l’analyseur au narrateur : « As-tu observé qu’à
l’issue de la consigne de travail que tu as donnée oralement, les élèves se sont
engagés dans le travail ? ».
Théorie 1 inférée de la question : « Le média utilisé par l’enseignant pour commu-
niquer des consignes de travail influe sur l’engagement des élèves dans la tâche ».
Théorie 2 inférée de la question : « L’enseignant est un professionnel qui observe ses
élèves suffisamment pour pouvoir établir des liens entre ses actes et les compor-
tements de ses élèves ».
En fonction du contexte des situations décrites, plusieurs autres hypothèses pour-
raient être inférées à partir des questions de clarification posées.
Étape 7
Les paquets demeurent chez les participants dans leur rôle d’analyseur.
Chaque participant reformule les questions de clarification pour lesquelles il a ana-
lysé qu’elles contenaient des jugements, des propositions d’action déguisées, des
invitations à l’analyse ou qui étaient fermées.
Étape 8
Les paquets demeurent chez les participants dans leur rôle d’analyseur.
Chaque participant réalise un bilan sur sa manière de produire des questions de
clarification, puis sur les théories qu’il a inférées à partir des formulations.
Chaque analyseur réalise un bilan de ses différentes prises de conscience et de sa
définition de ce qu’est une question de clarification. Il partage en groupe ce qui
lui semble partageable.
* * *
* * *
* * *
113
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SOMMAIRE ........................................................................................................... 5
INTRODUCTION .................................................................................................. 7
CHAPITRE 1
FONDEMENTS 11
CHAPITRE 2
COMPOSANTES DE L’ANALYSE DES PRATIQUES 19
117
Qu’est-ce qu’analyser ?.......................................................................... 30
Pourquoi analyser ? ................................................................................ 31
Comment analyser ? ............................................................................... 32
Comment aider à analyser ? ................................................................ 33
CHAPITRE 3
OUTILS 41
Origine ...................................................................................................... 43
Public ......................................................................................................... 44
Objectifs .................................................................................................... 44
Modalités .................................................................................................. 45
Matériau ............................................................................................... 44
Type d’animation ................................................................................. 44
Un moment individuel .................................................................. 45
Un moment d’échange avec les pairs ......................................... 45
Un moment de formalisation....................................................... 45
Un moment favorable au réinvestissement ................................ 46
Description de l’outil ............................................................................. 46
Étape 1 : préparation de la situation par son propriétaire ............. 46
Étape 2 : exposé du cas ...................................................................... 47
Étape 3 : questions par le groupe ..................................................... 47
Étape 4 : temps d’échange avec le groupe ....................................... 47
Étape 5 : réactions du propriétaire du cas et débat ........................ 48
Étape 6 : phase de formalisation ....................................................... 48
Origine ...................................................................................................... 49
Public ......................................................................................................... 50
Origine ...................................................................................................... 56
Public ......................................................................................................... 56
Contexte ................................................................................................... 56
Temporalité .............................................................................................. 57
Objectifs .................................................................................................... 57
Modalités .................................................................................................. 57
Matériau ............................................................................................... 57
Type de regroupement/configuration ............................................... 57
Type d’animation ................................................................................. 58
Description de l’outil ............................................................................. 58
Le contrat de confiance ...................................................................... 58
Proposition d’une base de contrat de confiance ........................ 58
Étape 1 : description de la situation « problème » ........................... 59
Étape 2 : questions de clarification ................................................... 60
Étape 3 : reformulation de la question problème ........................... 61
Étape 4 : propositions de plans d’action ........................................... 61
Étape 5 : bilan des apprentissages..................................................... 62
Origine ...................................................................................................... 63
Public ......................................................................................................... 63
Contexte ................................................................................................... 63
Temporalité .............................................................................................. 64
Objectifs .................................................................................................... 64
Origine ...................................................................................................... 72
Public ......................................................................................................... 72
Contexte ................................................................................................... 72
Objectifs .................................................................................................... 73
Modalités .................................................................................................. 73
Matériau ............................................................................................... 73
Type de regroupement ................................................................. 74
Type d’animation .......................................................................... 74
Description de l’outil ............................................................................. 77
Origine ...................................................................................................... 86
Public ......................................................................................................... 86
Contexte ................................................................................................... 86
Temporalité .............................................................................................. 86
Objectifs .................................................................................................... 86
Modalités .................................................................................................. 87
Matériau ............................................................................................... 87
Type de regroupement ....................................................................... 87
Type d’animation ................................................................................. 87
Description de l’outil ............................................................................. 87
Étape 1 : planification de la situation
par le participant-formateur .............................................................. 88
Étape 2 : réalisation de la séquence de formation .......................... 89
Étape 3 : choix des moments à revoir ............................................... 89
Étape 4 : description des moments choisis........................................ 89
Étape 5 : analyse des moments épinglés sur la vidéo...................... 90
Étape 6 : construction de stratégies alternatives ............................. 90
Origine ...................................................................................................... 91
Public ......................................................................................................... 91
Contexte ................................................................................................... 92
Temporalité .............................................................................................. 92
Objectifs .................................................................................................... 92
Modalités .................................................................................................. 92
Matériau ............................................................................................... 92
Type d’animation ................................................................................. 93
Description de l’outil ............................................................................. 93
Interroger l’identité professionnelle .................................................. 93
Interroger la relation pédagogique ................................................... 94
Interroger le parcours de formation ................................................. 94
Origine ...................................................................................................... 96
Contexte d’utilisation............................................................................ 96
Objectifs .................................................................................................... 97
Modalités .................................................................................................. 97
Matériau ............................................................................................... 97
Type d’animation ................................................................................. 97
1. Des moments de réflexion échelonnés sur toute la durée
de la formation (ou d’un dispositif d’accompagnement) ....... 97
2. Un travail individuel de rédaction : le parcours de formation 98
3. Un moment d’échange avec les formateurs .......................... 98
Description de l’outil ........................................................................... 98
Étape 1 : Pauses réflexives tout au long de l’année.................. 98
Étape 2 : rédaction du parcours de formation........................... 99
Les pistes d’actions professionnelles .......................................... 99
Étape 3 : rencontre avec les formateurs ..................................... 99