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Comment soutenir

la démarche réflexive ?
Sous la direction de Jean-Marie
De Ketele, professeur émérite
de l’Université

e s catholique de Louvain

e s at E FO iqu RMER Privilégiant le point de vue de l’utilisateur,

u io or ER ET S cette collection propose des réponses pratiques

G RM
FO
et scientifiquement validées aux questions que
se posent les professionnels de l’éducation :
enseignants et futurs enseignants du
supérieur, responsables pédagogiques,
responsables d’établissements scolaires,
formateurs, formateurs d’adultes,
formateurs de formateurs,
étudiants adultes en
formation continue…

BERNARD H., Comment évaluer, améliorer, valoriser l’enseignement supérieur ?


BERTRAND BASCHWITZ M. A., Comment me documenter ?
CANZITTU D., Demeuse M., Comment rendre une école réellement orientante ?
CHARNET C., Comment réaliser une formation ou un enseignement numérique à
distance ?
CHARLIER É., BECKERS J., BOUCENNA S., BIEMAR S., FRANÇOIS N., LEROY CH.,
Comment soutenir la démarche réflexive ? Outils et grilles d’analyse des pratiques
CURCHOD-RUEDI D., DOUDIN P.-A., Comment soutenir les enseignants face aux
situations complexes ? Soutien social Modèle d’intervention
DEVERMELLES V., Comment utiliser la vidéo pour améliorer sa pratique
professionnelle ?
DUPONT C., LETESSON M., Comment développer une action intergénérationnelle ?
ETIENNE R., FUMAT Y., Comment analyser les pratiques éducatives pour se former
et agir ?
FAULX D., DANSE C., Comment favoriser l’apprentissage et la formation des
adultes ?
FRERES G., Comment rendre efficace le « Conseil de classe » ?
HUME K., Comment pratiquer la pédagogie différenciée avec de jeunes adolescents ?
LE BRUN I., LAFOURCADE P., Comment s’exercer à apprendre ?
LEBRUN M., SMIDTS D., BRICOULT G., Comment construire un dispositif de
formation ?
LEMENU D., HEINEN E., Comment passer des compétences à l’évaluation des acquis
des étudiants.
LETOR C., Comment travailler en équipe au sein des établissements scolaires ?
MALDEREZ A., BODOCZKY C., Comment pratiquer un tutorat de qualité ?
MUSIAL M., PRADÈRE F., TRICOT A., Comment concevoir un enseignement ?
PARENT F., JOUQUAN J., Comment élaborer et analyser un référentiel de
compétences en santé ?
PEYRAT-MALATERRE M.-F., Comment faire travailler efficacement des élèves en
groupe ?
TASSIN-GHYMERS M., Comment donner sens et saveur aux savoirs ?
THÉORÊT M., LEROUX M., Comment améliorer le bien-être et la santé des
enseignants ?
VIANIN P., Comment développer un processus d’aide pour les élèves en difficulté ?
e s
e iqu RMER
s at E FO • Formateurs d’enseignants
u io or ER ET S • Enseignants
G FO
RM
• Formateurs d’adultes

Comment soutenir
la démarche
réflexive ?
Outils et grilles d’analyse
des pratiques
2e édition
Évelyne Charlier
Sandrine Biemar
Séphora Boucenna
Jacqueline Beckers
Nathalie François
Charlène Leroy
Pour toute information sur notre fonds
et les nouveautés dans votre domaine de
spécialisation, consultez notre site web :
www.deboecksuperieur.com

© De Boeck Supérieur s.a., 2020


Rue du Bosquet, 7 – B1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits réservés pour tous pays.


Il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par
photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une
banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque
manière que ce soit.

Dépôt légal :
Bibliothèque nationale, Paris : mai 2020
Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2020/13647/051
ISBN 978-2-8073-2813-6
Sommaire

SOMMAIRE ......................................................................................................... 5

INTRODUCTION ................................................................................................ 7

CHAPITRE 1
FONDEMENTS..................................................................................................... 11

CHAPITRE 2
COMPOSANTES DE L’ANALYSE DES PRATIQUES ................................ 19

CHAPITRE 3
OUTILS .................................................................................................................... 41

LE MOT DE LA FIN ............................................................................................ 113

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 115

TABLE DES MATIÈRES ...................................................................................... 117

5
Introduction
Dans une société où les changements s’accélèrent, les métiers évoluent rapidement
tout comme la définition des qualifications requises pour les exercer. Si l’on tente de défi-
nir celles-ci, une fois réalisé, cet inventaire est vite dépassé et doit être revu et modifié.
La démarche réflexive permet de questionner les situations professionnelles en change-
ment, toujours singulières, pour construire du sens, dégager des invariants, construire
des savoirs qui peuvent être investis dans d’autres situations professionnelles. Elle permet
de développer des savoirs de compréhension et d’action réinvestissables dans d’autres
pratiques. Pour Clot (1999), « l’activité est unique mais il y a de l’invariance, non pas
dans la conduite de l’activité mais dans l’organisation cognitive de cette activité, et c’est
cette invariance qui la rend reproductible, adaptable et intelligible, donc analysable ».
La réflexivité peut avoir plusieurs objectifs. Elle peut, d’une part, aider à socialiser le
novice, l’acculturer aux normes du métier, d’un établissement ou d’une institution et
aussi, d’autre part, permettre au novice et au professionnel de se socialiser aux normes
du métier et de définir sa propre façon d’agir en situation professionnelle.
Ceci nous amène à interroger la notion de bonne pratique. Nous ne pouvons réduire la
pratique à une simple déduction ou application des ressources scientifiques en situation
professionnelle. Il importe de tenir compte des contextes et des acteurs concernés, de leurs
représentations et de leurs analyses des situations. D’ailleurs existe-t-il de bonnes pratiques ?
Ne devrait-on pas plutôt parler de pratiques ancrées dans des contextes singuliers, ayant
montré leur efficacité dans un environnement et avec des acteurs qui leur donnent du sens.
Dans cet ouvrage, nous proposons des balises pour construire des dispositifs de formation
intégrant une approche réflexive. Ceux-ci reposent sur différents présupposés relatifs aux
acteurs impliqués :
• les (futurs) professionnels ont un vécu qui peut être un levier ou un obstacle
à l’apprentissage. L’analyse de ce vécu permet de le transformer en expérience
réinvestissable dans le développement de nouveaux savoirs de compréhension et
d’action  : « L’expérience n’est pas un donné qui s’offre à voir passivement à la
conscience de celui qui vit mais davantage ce que l’on est susceptible d’en faire
de façon active » (Deprez, 2001) ;
• la réflexivité implique de considérer les (futurs) professionnels comme des(jeunes)
adultes en recherche, de faire confiance à leur jugement, et de leur reconnaître
une posture d’auteur voire d’acteur, plutôt que de sujet ;

7
• l’accompagnateur d’un dispositif de réflexivité aide les participants à déga-
ger leurs propres normes ou celles qui guident leur compréhension, leurs
analyses, à construire leurs grilles de lecture et à prendre des décisions.
Il ne se substitue pas à eux, en proposant ses propres normes, jugements,
analyses ;
• l’accompagnateur reconnaît la pratique comme une source de construction de
savoirs ainsi que l’existence de différents types de savoirs : savoirs d’action,
pour l’action, sur l’action…
• l’accompagnateur étant amené à rencontrer différents contextes peut inviter
les participants à visiter d’autres possibles, à convoquer d’autres cadres de
référence et ainsi à adopter d’autres points de vue.

Sur la base de ces représentations des acteurs en présence, la formation à laquelle


ils participent est conçue comme :
• une formation ancrée dans les situations professionnelles qui mise sur le
développement des compétences d’analyse pour développer des savoirs et
des actions utilisables dans des classes de situations professionnelles pré-
sentant des similarités avec la situation analysée. « Le développement de
l’Adulte consiste en un accroissement progressif de son aptitude à analyser
ses vécus antérieurs, grâce à un dialogue réflexif » (Mezirow, 2001) ;
• une formation qui suppose le développement d’un langage permettant l’expli-
citation du vécu, son partage et son analyse ;
• une formation d’adultes, dans certains cas, ce qui suppose que « Les for-
mateurs d’adultes s’adressent à des personnes porteuses d’expériences
socialement et professionnellement ancrées, ce qui les différencie des
enseignants. La formation d’adultes se réfère à un autre champ qu’elle-
même, celui du travail… et de l’expérience du travail. » (Barbier, 1996).
Cette référence au travail vécu, anticipé ou observé influence le choix des
matériaux analysés.
• une opportunité de formaliser et d’acquérir de nouveaux savoirs ;

Un dispositif de formation réflexive questionne non seulement les situations


professionnelles mais aussi celui qui choisit de s’investir dans leur analyse. Elle
s’inscrit dans une démarche de développement professionnel, conçu comme le
développement de compétences professionnelles et de l’identité professionnelle,
dans le cadre d’une éthique professionnelle (Donnay et Charlier, 2008). Elle a
de fortes implications identitaires. En effet, elle se rapporte nécessairement à
des pratiques sociales ancrées dans des contextes professionnels, qui impliquent
tant la personne en formation que des collègues. Si la réflexivité permet de
questionner des pratiques sociales, de les formaliser pour construire de nou-
veaux savoirs, elle questionne les rapports à l’Autre et la place du professionnel
au sein dans sa communauté professionnelle de référence. Progresser dans ses
apprentissages, c’est modifier sa représentation de soi et de soi dans ce col-
lectif, c’est peut-être aussi changer de statut au sein de cette communauté.
Il y a donc des liens étroits entre apprentissage de compétences réflexives et
dynamique identitaire.

8 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Cet ouvrage est le produit de la collaboration entre deux équipes de formateurs
chercheurs issus des universités de Liège et de Namur, engagées depuis de nom-
breuses années dans la formation initiale et/ou continuée de divers professionnels
de l’enseignement et autres métiers de l’interaction humaine.
L’ouvrage se compose de trois parties.
La première présente les fondements de l’analyse des pratiques et les facettes
conceptuelles qui fondent ces propositions. Ceci permet à l’utilisateur une appro-
priation raisonnée et une adaptation de ces mêmes outils à son contexte.
La deuxième partie formalise la démarche d’analyse de pratiques à partir de ses
composantes. Les échanges sur les outils des deux équipes et la réflexion sur les
pratiques des uns et des autres ont conduit les chercheurs à dégager les éléments
essentiels des démarches réflexives expérimentées à de nombreuses reprises, tant
personnellement que comme accompagnateurs. Ainsi, c’est en se prêtant à un tra-
vail collectif d’analyse de leurs propres pratiques que ces formateurs ont fait émer-
ger et ont articulé des composantes de l’analyse des pratiques professionnelles.
La troisième partie présente des outils permettant au formateur d’analyser sa pra-
tique ou d’accompagner l’analyse de celles d’autres professionnels. Au fil de leurs
interventions, les équipes universitaires ont élaboré ou adapté ces outils d’analyse
des pratiques.
Les échanges entre équipes sur les outils utilisés par chacune ont également permis
de réarticuler et d’enrichir ceux-ci.
La visée dominante des outils et dispositifs présentés dans l’ouvrage est de contri-
buer à la professionnalisation des acteurs des métiers de la relation humaine, tant
en formation initiale que continuée.
Cet ouvrage propose aux praticiens, formateurs ou accompagnateurs d’équipes des
exemples pour qu’ils puissent les « mettre à leur main » et les exploiter dans la pers-
pective de favoriser la réflexion d’autrui sur son action professionnelle. Il vise aussi
à permettre aux animateurs de dispositifs d’analyse des pratiques de disposer eux-
mêmes de balises ou de soutien dans leur propre démarche d’analyse de leur action.
Par ailleurs, ces outils sont le fruit de réflexions et de mises en pratique sur le ter-
rain qui s’étalent sur plusieurs années, réalisées dans des contextes différents avec
des participants d’origines diverses. Ils ont fait l’objet de réajustements multiples
et évoluent encore aujourd’hui.
Tous les outils peuvent être utilisés de façon indépendante. Il n’y a pas d’ordre
conseillé ni de prérequis. Néanmoins, ils ont été organisés en catégories en fonction
d’éléments qu’ils ont en commun. La catégorisation adoptée est présentée au début
de la troisième partie.
La présentation de chaque outil est jalonnée de deux types d’icônes. Leur finalité
est de favoriser le repérage, par le lecteur découvrant un outil, de certaines de ses
caractéristiques sans alourdir le texte.
• La présence d’un dé, portant une lettre sur une de ses faces , permet au
lecteur d’identifier, au fil de la lecture d’un outil, la composante du processus
réflexif plus particulièrement travaillée à l’étape concernée. Nous invitons le

Introduction 9
lecteur à prendre connaissance des composantes de la démarche réflexive,
véritable colonne vertébrale de l’ouvrage, en lisant le chapitre qui leur est
consacré dans la seconde partie.
• Deux autres icônes sont utilisées, l’une signale la référence à des fon-
dements théoriques, l’autre alerte la vigilance du lecteur sur des effets
possibles de certaines pratiques, sur des précautions particulières à prendre,
sur des précisions importantes de consignes, etc.
• L’icône suivante indique la présence d’un extrait, proposé comme un
exemple issu de la mise en œuvre des outils.
Pour plus d’informations sur les activités de formation et de recherche menées
par les équipes qui ont collaboré à la réalisation de ce livre, nous vous invitons à
consulter les sites Internet suivants :
Le département des Sciences de l’Éducation de l’ULiège :
https://www.fapse.uliege.be/cms/c_4822667/fr/psy-sciences-de-l-education
Le département Éducation et Technologie de l’UNamur :
https://www.unamur.be/det

10 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Chapitre 1
Fondements

1.1 Pourquoi analyser ses pratiques ? 13

1.2 Les matériaux 15

1.3 Les objets d’analyse 16

1.4 En synthèse 17

11
1.1 Pourquoi analyser ses pratiques ?
L’analyse des pratiques, telle qu’elle est décrite dans cet ouvrage, poursuit
prioritairement un objectif de formation, initiale ou continuée. Elle cherche à favo-
riser tant la maîtrise de gestes ou d’attitudes professionnels que le questionnement
du sujet sur la situation qu’il a rencontrée, sur ce qu’elle a provoqué en lui, sur la
manière dont il s’y est comporté et sur les répercussions de cette action. L’intention
est donc à la fois de susciter un développement des compétences professionnelles
et de nourrir le processus de construction identitaire. La visée de professionnali-
sation est la plus prégnante, même si elle peut s’accompagner d’une volonté de
transformation des pratiques et d’élaboration de savoirs sur la manière dont se
développent l’action professionnelle et le sujet dans cette action (voir Marcel, Olry,
Rothier-Bautzer et Sonntag, 2002).
Les publics auxquels s’adressent les outils proposés dans cet ouvrage relèvent tant
de la formation initiale que de la formation continuée. La nature du public n’est
pas sans incidences sur le choix du dispositif et la manière de le gérer, impliquant
par là des logiques potentiellement différentes.
Il n’est pas inutile de préciser ces logiques parce qu’elles influencent la posture et le
rôle du formateur dans l’analyse des pratiques, colorant ainsi ses propres pratiques.
Selon les moments de la professionnalisation (formation initiale, insertion profes-
sionnelle ou formation en cours de carrière), les objectifs de formation poursuivis et
les dispositifs privilégiés peuvent relever davantage d’une logique de socialisation
aux normes portées par les référents d’une profession ou davantage d’une logique
de recherche d’intelligibilité. Les deux logiques peuvent aussi se croiser. La plupart
des dispositifs de cet ouvrage s’inscrivent dans les deux logiques, même si parfois
l’une est plus prégnante que l’autre. Dans les deux logiques cependant, l’objectif est
d’amener le participant à appréhender la complexité de la situation pour y situer
son action et décoder les éléments qui peuvent l’influencer, lui permettant ainsi
d’augmenter son pouvoir d’agir. Toutes deux s’inscrivent dans une perspective de
professionnalisation.

Une logique de socialisation professionnelle


La logique de socialisation professionnelle vise prioritairement à permettre
au public concerné (le plus souvent un public de formation initiale) d’incorporer
des gestes et des normes du métier. L’absence d’expérience des novices, ou en
tout cas le caractère limité de celle-ci, ne leur a pas encore permis d’appréhender
comment ajuster et mobiliser les ressources pour être efficaces dans l’action. Les
dispositifs d’analyse des pratiques mis en place avec ceux-ci peuvent les inviter à
découvrir après coup les mécanismes qu’ils ont utilisés plus ou moins consciemment
dans l’action et à les analyser. Il s’agit donc à la fois de revenir sur les intentions
qu’ils avaient avant de s’engager dans l’action et de voir ce qu’elles sont devenues,
mais aussi de prendre conscience d’un fonctionnement qui peut avoir émergé dans
l’action pour le meilleur ou pour le pire…
Un enjeu important pour le formateur est que la pratique professionnelle des futurs
professionnels s’attache progressivement à rencontrer les buts prioritaires du métier.

Chapitre 1 Fondements 13
Sans adopter sur l’action des futurs professionnels un point de vue déficitaire épin-
glant les écarts par rapport à un modèle de référence, il assume néanmoins que
certaines pratiques sont plus efficaces et plus équitables que d’autres en regard
des objectifs prioritaires du métier et que celles-ci sont à élaborer par chacun en
fonction de ses caractéristiques propres, des théories reconnues par la communauté
scientifique et des prescrits. La réflexion sur l’action professionnelle poursuit comme
objectif de permettre au sujet à la fois de faire évoluer la relation qu’il entretient
avec la situation professionnelle et de se réapproprier son vécu en l’intégrant dans
son histoire personnelle.
Le public de la formation continue peut, lui aussi, être engagé dans un proces-
sus de socialisation quand les autorités publiques visent à diffuser de nouvelles
réformes par exemple ou quand de nouvelles données scientifiques ou références
apparaissent.

Une logique de l’intelligibilité


Dans la mouvance de P.  Freire, l’analyse des pratiques constitue un outil
d’émancipation pour le professionnel. Elle offre au participant l’occasion de dévelop-
per une lecture personnelle des situations et de soi en situation. Elle vise à permettre
au participant de développer ses propres grilles de lecture des situations, de prendre
conscience des éléments de son histoire personnelle et sociale qui déterminent celle-
ci. Elle reconnaît que chaque situation est singulière et que chaque professionnel
devra trouver sa propre façon de s’y situer. Dans cette perspective, seul le profes-
sionnel peut, en définitive, dans le cadre de ses valeurs et de son éthique, faire les
choix professionnels adéquats. Il s’agit donc, à travers l’analyse des pratiques, de
développer un pouvoir d’agir singulier inscrit, bien entendu, dans un contexte orga-
nisationnel et institutionnel qui est à décoder pour y repérer les marges de manœuvre
possibles. Cette logique promeut la compréhension des situations, au travers des
logiques d’acteurs qui y sont impliquées, des logiques institutionnelles, des enjeux.
Il ne sera pas question d’évaluer des pratiques ou de les comparer à des référentiels.
Il s’agira de développer une conscience de soi, des autres, et des interactions des
différents acteurs avec l’environnement et des conséquences possibles de son action.
Cette logique s’inscrit dans le paradigme du doute et de l’incertitude. En effet, le
public n’est pas invité à adopter « les bonnes pratiques ». Il est initié à poser le
doute comme option méthodologique, voire comme posture. Ce qui est important,
c’est de comprendre comment on construit du sens à partir de ce qu’on vit et de
ce qu’on pratique. Par ailleurs, les propositions de pistes d’actions qui peuvent clô-
turer un dispositif occupent un statut d’hypothèses d’action. Dès lors, les théories
psychopédagogiques constituent des repères et des grilles de lecture qui pourront
inspirer la construction de ses propres outils de décodage des situations, de sa
posture et de ses choix dans les situations analysées.
Dans ce cadre, le rôle du formateur consiste à organiser un environnement qui per-
mette au participant d’identifier ce qui, dans sa pratique professionnelle, relève de
ses choix et ce qui relève d’actes « automatiques », de non-choix, liés aux contraintes
de l’environnement ou d’actes involontaires. Il l’invitera à exprimer ses choix et à les
argumenter en fonction de ses représentations de la situation et de lui-même.

14 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Cette logique est fortement affiliée, dans son opérationnalisation, aux démarches
de recherche scientifique. Les participants adoptent progressivement une posture de
chercheur. Sauf que leur objet principal n’est autre qu’eux-mêmes dans un champ
bien spécifique qui est celui du monde professionnel.

1.2 Les matériaux


Les pratiques s’inscrivent dans des situations complexes. Lors de leur ana-
lyse, le professionnel, guidé par le formateur, va être amené à les réduire, tout en
reconnaissant leur complexité de façon à ce qu’elles restent significatives pour lui.
Analyser une situation professionnelle, c’est une façon de la mettre à distance
pour mieux l’appréhender et ainsi gérer son degré d’implication dans la situation.
Analyser permet de réduire la complexité pour mieux comprendre les situations
professionnelles en dégageant les éléments significatifs.
Choisir la situation à analyser, c’est gérer une tension entre l’implication et la
prise de recul. En effet, pour que l’analyse soit significative, le professionnel doit
reconnaître la situation comme suffisamment proche de son vécu pour s’investir
dans l’analyse, et suffisamment distante de celui-ci pour qu’il ne se sente pas
remis en cause, voire menacé au niveau de son identité (Donnay et Charlier, 2008).
Les situations à analyser peuvent être de différents types qui sont décrits dans le
tableau ci-dessous.
Ainsi, l’analyse des pratiques peut se réaliser sur différents matériaux selon les
objectifs poursuivis. Tous ont leurs spécificités et leurs limites.
Donnay et Charlier (2008) proposent de différencier les matériaux selon le degré
de construction du matériau et les acteurs en jeu.
La première dimension fait référence au caractère vécu ou non de la situation et
la seconde, à la place des acteurs, impliqués ou non dans la situation.
Nous illustrons cette proposition de classement des matériaux par quelques
exemples :
Type
Place des acteurs Exemples
de situation
Situations Participant(s) directement Dialogue entre un maître de stage
vécues impliqué(s) et son stagiaire après la leçon
Leçon observée par un collègue et analysée
ensuite
Participant(s) indirectement Participant racontant une situation de
impliqué(s) conflit entre ses collègues, observée
antérieurement
Récits d’expériences vécues par d’autres
Séquences vécues filmées
Situations Participant(s) directement Situations semi-authentiques
rapportées impliqué(s) Jeux, simulations
Participant(s) indirectement Récits, photos-langages, films de fiction
impliqué(s)

Chapitre 1 Fondements 15
Ces exemples montrent que l’analyste peut être la personne qui vit ou a vécu la
situation (par exemple, le stagiaire qui a donné la leçon) ou que la situation peut
être ou avoir été vécue par d’autres (le récit de collègues qui rapportent un évé-
nement). Selon les cas, l’implication identitaire de l’analyste sera différente et la
distanciation par rapport à la situation analysée sera plus ou moins aisée.
Bien entendu, ces matériaux s’inscrivent dans une temporalité, certains faisant
référence à des situations passées et d’autres à des situations projetées.
Dans le présent ouvrage, deux matériaux sont particulièrement utilisés : la séquence
filmée, qui met en scène l’analyste ou ses collègues (stagiaires) des années précé-
dentes, et le récit de ses propres expériences ou de celles des autres.
Ainsi, une séquence vidéo permet d’obtenir des traces d’activité et donc de revoir
la situation, à plusieurs reprises, comme si on y était, ou presque, car l’angle de
vue, la sélection des plans, l’œil du caméraman construisent une réalité subjective,
différente selon la place occupée par chaque acteur présent.
Le récit, quant à lui, permet de se rappeler les faits saillants, d’exprimer les émo-
tions vécues en situation tout en s’appuyant sur un discours. En effet, le langage
constitue une mise en forme qui engage nécessairement une reconstruction. Chacun
de ces matériaux est singulier et son analyse aura ses spécificités.

1.3 Les objets d’analyse


L’analyse peut porter sur des objets différents. Délimiter explicitement l’objet
que l’on va analyser peut aider à circonscrire le propos et à éviter des généralisa-
tions qui iraient au-delà de l’objet traité.
Parmi toutes les entrées possibles, les dispositifs proposés dans cet ouvrage choi-
sissent des portes d’entrée diversifiées comme, par exemple :
• la situation d’enseignement ou de formation. Donnay et Charlier (2008)
ont proposé un schéma des situations éducatives qui permet d’identifier
différents objets au sein de la situation analysée. Ils considèrent que trois
variables principales sont en interaction  dans un environnement organi-
sationnel, située dans le temps  : la matière à enseigner ou apprendre, le
formateur et le(s) apprenants. À l’interaction entre ces trois variables, on
trouve les stratégies d’enseignement. On pourrait par exemple choisir d’ana-
lyser la motivation des apprenants au début ou en fin d’un travail de groupe
où l’enseignant joue le rôle de personne-ressource, dans le cadre de l’étude
des romans de fiction ;
• l’émotion ressentie par les acteurs. Qu’il s’agisse des apprenants ou du forma-
teur. L’émotion, les sentiments et leurs conséquences sur les comportements
des acteurs en situation peuvent être décrits puis analysés afin de pouvoir
les reconnaître et mieux les gérer à l’avenir ;
• le questionnement exprimé par l’analyste à propos de la situation, de ses
origines, de ses présupposés. Différents types de questions peuvent être ana-
lysées : les questions de clarification, d’explicitation, de problématisation en
termes de théories sous-jacentes, de valeurs qui les sous-tendent, d’enjeux… ;

16 Comment soutenir la démarche réflexive ?


• le geste professionnel posé par les formateurs, pour introduire, développer ou
conclure la séance d’analyse des pratiques. Jorro (2002) propose par exemple
de différencier chez l’accompagnateur : les gestes de soutien, de régulation
et d’accompagnement. Chacun peut faire l’objet d’une analyse spécifique.

1.4 En synthèse
Dans cette partie de l’ouvrage, nous avons tenté d’expliciter les finalités de
l’analyse des pratiques  : socialiser les professionnels afin de les aider à découvrir
mais aussi à adopter une culture de métier ou d’organisation, ou mieux comprendre
les situations professionnelles et le rôle qu’on y joue pour développer son style
propre. Nous avons également adopté une posture pragmatique en attirant l’atten-
tion sur l’importance de s’interroger sur les caractéristiques des matériaux traités,
chacun introduisant un angle de lecture, un rapport à l’objet qui lui est spécifique.
Enfin, nous avons rappelé la complexité des objets et la nécessité de délimiter les
objets analysés afin d’éviter des généralisations abusives.

Chapitre 1 Fondements 17
Chapitre 2
Composantes de l’analyse
des pratiques

2.1 D comme Décrire 23

2.2 P comme Problématiser 27

2.3 A comme Analyser 30

2.4 T comme construire une Théorie de l’action 35

2.5 R comme Réinvestir dans l’action 37

19
Préambule
Ce chapitre présente le résultat d’un travail d’analyse de nos propres disposi-
tifs de formation visant le développement de la réflexion de professionnels et futurs
professionnels des métiers de l’interaction humaine sur leurs pratiques. Ce travail
a permis l’identification de composantes de la démarche réflexive qui constituent
la colonne vertébrale de l’ouvrage. C’est à dessein que nous utilisons le terme de
composantes, non pas pour suggérer le découpage analytique, mais pour souligner
plutôt l’originalité créative du travail de composition à l’œuvre dans les dispositifs
d’analyse des pratiques, à réarticuler voire à réinventer pour mieux s’adapter aux
publics et aux contextes d’utilisation.
C’est l’articulation des différentes composantes qui traduit une démarche réflexive.
Chaque composante identifie les processus qui, à nos yeux, devraient en piloter le
déroulement non pas en se succédant de manière stéréotypée et rigide, mais comme
des focalisations complémentaires qui, au total, l’enrichissent et en maximisent
les effets professionnalisants. Toutes les composantes ne sont pas nécessairement
ordonnées ni présentes dans chacun des dispositifs/outils présentés dans le présent
ouvrage.
Il s’agit d’une composition complexe de différentes composantes. Nous en avons
isolé cinq que nous développerons successivement :

Décrire

Problématiser

Analyser

Construire une théorie de l’action

Réinvestir dans l’action


La séquence de ces processus peut être différente selon les techniques et les dispo-
sitifs d’analyse de pratiques déployés (cf. troisième partie). Ainsi, des éléments de
description peuvent être, à nouveau, intégrés après la phase de problématisation.
De même, la phase d’analyse peut être entrecoupée de retours vers la description.
Parfois encore, les processus de construction d’une théorie de l’action d’une part,
et de réinvestissement dans l’action d’autre part, peuvent se combiner dans une
même phase.
Chacune des composantes est identifiable grâce à une lettre sur un dé. Au fil de la
présentation d’un outil, la facette visible de ce dé permettra au lecteur d’identifier
la ou les composante(s) travaillée(s) dans chaque étape.
Par exemple, au moment où l’outil présenté mobilise la composante « analyser »
apparaîtra l’icône suivante : .

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 21


Pour chaque composante, ce chapitre propose :
• La définition de la composante : qu’est-ce qu’analyser ?
• Les objectifs poursuivis par la composante : pourquoi analyser ?
• Les démarches liées à l’opérationnalisation de la composante  : comment
analyser ?
• Les indications pour que l’animateur-formateur puisse soutenir le processus
en question : comment aider à analyser ?
• Les repères temporels pour intégrer la composante dans l’ensemble d’un
dispositif : quand analyser ?
• Les vigilances à prendre en considération pour se prémunir de comporte-
ments qui pourraient nuire à la démarche (symbolisées par l’icône suivante :

).
Chacune des composantes est illustrée par des extraits d’un cas exploité lors d’une
séance de réflexivité partagée avec un groupe d’enseignants. Les participants et
l’animateur y sont tous dans une posture d’accompagnateurs du processus d’analyse.
L’animateur gère les échanges et les autres membres présents seront considérés
comme des pairs. La personne qui expose le cas (l’exposant) se prénomme Jean
dans notre illustration.
Dans le cadre d’une telle séance, chaque personne qui prend la parole s’engage à
ne pas formuler de jugements sur les personnes ou sur les faits. L’empathie sous-
tend les interventions de chacun, le contenu de ce que chacun veut exprimer. La
séance est une occasion de développement professionnel : elle permet au narrateur
de mieux comprendre sa pratique et son contexte et à chacun des participants
d’élargir son répertoire des pratiques.

22 Comment soutenir la démarche réflexive ?


2.1 D comme Décrire
Qu’est-ce que décrire ?
Décrire, c’est relater des faits en s’efforçant d’être aussi
proche que possible de ce qui s’est passé, de ce qui a été ressenti.
Le narrateur organise son récit selon une logique qu’il choisit, selon un point de
vue qu’il adopte pour raconter ce qui s’est passé. Ainsi, il peut organiser les faits
de différentes façons :
• chronologiquement (déroulement des faits) ;
• spatialement (arrêts sur image / position des personnes et objets) ;
• émotionnellement (la tonalité affective des faits) ;
• selon les différents protagonistes (leurs propos, leurs actes ou leurs attitudes) ;
• ou encore…
Plusieurs de ces modes de description peuvent se combiner.
Décrire n’est pas une démarche naturelle, elle suppose une rigueur et un souci de
mettre des mots sur ce qui s’est passé ou ce qui a été ressenti pour reconstruire
une situation. Cet effort d’objectivation de la situation, au sens de la constituer
en un objet, permet de la rendre communicable. Il s’agit donc de faire émerger un
objet qui sera ensuite analysé.
« La description n’échappe pas à la subjectivité constitutive de toute approche
humaine du réel » (Donnay et Charlier, 2008, pp. 95-103). Aucune description n’est
objective. Elle traduit toujours le point de vue adopté par l’auteur.
Ainsi, des narrateurs différents peuvent construire des descriptions différentes de la
même situation, selon leur angle d’entrée dans la situation, éventuellement selon
leurs projets d’analyse, selon la problématisation qu’ils vont définir.
Une même personne peut aussi construire des descriptions différentes, selon les
moments et selon ses projets.
Ce qui nous paraît important, c’est de revenir aux faits, de façon à pouvoir
s’accorder avec les participants à la séance d’analyse de pratiques sur ce qui
s’est passé.

Extrait de l’illustration d’une analyse de pratiques


Proposition de description
« Qui souhaite mettre en discussion une situation vécue en classe qui pose question, qui amène à
s’interroger ? »
Jean se propose…
Voici la première description par Jean d’un épisode qui s’est passé dans sa classe
« Les élèves reviennent de la récré, certains élèves ont joué au foot, mais j’entends que cela s’est mal passé,
toute la classe est agitée… je commence à distribuer la dernière interro. de la période, 80 % de la classe
est en échec. Je veux corriger au tableau, je commence et au moment où je me mets à écrire au tableau,
je reçois un crayon dans le dos !

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 23


Je me retourne et je leur demande : “Qui a lancé le crayon ?”
Personne ne répond. Je leur dis que j’arrête mon cours tant que le lanceur ne s’est pas manifesté. Personne
ne réagit et je leur dis : “Si c’est ainsi, je ne corrige pas l’évaluation et je préviens le directeur de votre
attitude.” C’est ce que j’ai fait. »

Pourquoi décrire ?
La description peut être tantôt un élément de la démarche de réflexivité,
tantôt une fin en soi, destinée à former l’enseignant à décrire une situation pour
la partager ensuite avec d’autres : parents, enseignants, élèves…
Diverses raisons peuvent justifier ce passage par la description : pour le narrateur,
la description permet de se remettre dans le contexte de l’action professionnelle,
« en position de parole incarnée » (parole en « je »), en établissant des ponts sen-
soriels avec le vécu, en revivant les émotions. Elle aide à passer de l’implicite du
vécu à la conscience réfléchie. L’explicitation de la situation permet de construire
le matériau qui fera l’objet du retour réflexif (Vermersch, 1994, 2004) :
• le narrateur va recréer une expérience sur laquelle il va engager une
réflexion : « le réel de l’activité est également ce qui ne se fait pas, ce que
l’on cherche à faire sans y parvenir – le drame des échecs – ce que l’on
aurait voulu ou pu faire, ce que l’on pense pouvoir faire ailleurs. Il faut y
ajouter – paradoxe fréquent – ce que l’on fait pour ne pas faire et ce qui
est à faire » (Clot et al., 2001, p. 2) ;
• quand la situation n’émane pas d’un membre du groupe, mais est amenée
par l’animateur (sous forme de vidéo, d’une description d’un cas), chaque
participant va reconstruire la situation sur laquelle le groupe s’apprête à
réfléchir et ainsi expliciter sa manière de lire la situation ;
• dans une situation de réflexivité partagée, la description permet aussi de
rendre la situation accessible à d’autres. Elle fait exister un objet commun
d’échange et d’analyse. Elle permet de revenir aux faits et d’avoir une base
sur laquelle partager avec d’autres.

Comment décrire ?
La description prend appui sur un vocabulaire spécifique centré sur ce qui
est observable, sur les faits et le ressenti dans la situation.
Elle gagne en rigueur si le narrateur est capable (Donnay et Charlier, 2008,
pp. 105-107) :
• d’être son propre dictionnaire, c’est-à-dire qu’il peut expliciter le sens qu’il
donne à certains concepts (ex. : « lorsque je dis que les élèves sont motivés,
je veux dire qu’ils posent des questions spontanément ») ;
• de repérer les mots leurres (ex. : « généralement… ») et utiliser des termes
précis (ex. : « à chaque fois que je posais une question… ») ;

24 Comment soutenir la démarche réflexive ?


• d’expliciter son projet de description (ex.  : « je vais me centrer sur ce qui
aide les élèves à apprendre ») ;
• …

Comment aider à décrire ?


Dans les dispositifs de réflexivité partagée, un formateur ou des collègues peuvent
aider le narrateur à décrire. Ils peuvent l’inviter à :
• expliciter l’action, son contexte et ses acteurs (identifier sans équivoque
ceux qui sont concernés  : éviter les « on », les « nous »), en lui posant des
questions sur les conditions :
− temporelles (quand ? à quel rythme ? pendant combien de temps ?) ;
− spatiales (où ?…), physiques (quelle disposition de classe ?…) ;
− organisationnelles (quelle école, quel réseau, quelle section ?…) ;
− relationnelles (avec qui ? pour qui ?…) ;
• clarifier son point de vue (quel était ton angle d’approche, celui d’un ensei-
gnant, d’un parent ou d’un externe ?) ;
• préciser les termes leurres tels que « ça », « généralement »… (que veux-tu
dire par « généralement » ?) ;
• dépasser les interprétations (qu’est-ce qui te permet de dire que tu as été
très mauvais ?, qu’est-ce qui te fait dire que les élèves étaient agressifs ?) ;
• se rappeler les émotions ressenties dans la situation (comment te sentais-tu
à ce moment-là ?).

Les questions seront ouvertes, non inductrices d’une réponse attendue (Vermersch,
2004). Elles permettent ainsi une clarification, une compréhension plus fine des
faits exposés.

Il convient de noter que la question « pourquoi ? » n’est pas conseillée à


cette étape. Elle risque d’appeler davantage des éléments de problémati-
sation voire de justification que de description. L’utilisation d’une grille
peut aussi aider à systématiser la description (quoi, qui, quand, comment,
où, avec quels moyens, quelles ressources).
La clarification vient souvent d’une interpellation d’autrui. Cependant, quand la des-
cription est individuelle, le narrateur devient « autrui » pour lui-même, par exemple
quand il relit ce qu’il a écrit.

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 25


Extrait
Les questions sont posées par l’accompagnateur ou par des participants.
− « Combien d’élèves y avait-il dans la classe ? Quelle année ? Quelle section ? Quel cours ? Combien de
filles ? Combien de garçons ? »
Jean : 21 élèves (12 filles, 9 garçons), 4e année secondaire, enseignement général, dans le cadre du cours
de français.
− « Comment la classe est-elle disposée ? »
Jean : disposition classique : 4 lignes de bancs parallèles.
− « Après quelle récréation les faits se sont-ils déroulés ? Le matin ? L’après-midi ? »
Jean : l’après-midi.
− « Qu’entends-tu par “la classe est agitée” dans ce cas-ci ? Comment cela s’est-il manifesté concrètement ? »
Jean  : « L’entrée en classe se fait en bousculade, quatre garçons ont une discussion animée au sujet du
match de foot de la récréation. Un élève s’exclame qu’il y avait faute, un autre répond que non. Quatre filles
gloussent et semblent participer au débat des garçons en se moquant de la chute de l’un d’eux. »
− « Comment as-tu annoncé les résultats ? Qu’as-tu dit exactement aux élèves ? »
Jean : « Je leur ai laissé le temps de s’asseoir et de s’installer, je leur ai demandé le calme pour distribuer
les résultats de l’évaluation. Je leur ai dit d’être attentifs à la correction parce que les résultats n’étaient
globalement pas fameux. »
− « Comment ont réagi les élèves à l’annonce des mauvais résultats ? »
Jean : « Certains ont soufflé, un s’est exclamé “ras-le-bol‘. Pendant que je distribuais les feuilles, une fille
du premier rang s’est retournée et a dit ‘on se doute bien de qui a réussi et qui a raté ‘. »
− « Quand tu as reçu le crayon dans le dos, qu’as-tu ressenti ? »
Jean : « J’ai vraiment été surpris, j’étais en colère et déçu. »

Quand décrire ?
Cette phase est indispensable à l’analyse. Elle permet de constituer le maté-
riau sur lequel portera l’analyse. Généralement située en début de processus de
réflexivité, elle peut être itérative, la description s’enrichissant au fil de la défini-
tion du projet d’analyse et de la problématisation.

La principale difficulté rencontrée par les professionnels ou futurs profes-


sionnels consiste à différencier : décrire et interpréter. L’accompagnateur
veillera à ce que le narrateur ne s’engouffre pas trop vite dans une
interprétation (« je faisais cela parce que je voulais les aider »), dans une
justification (« je trouvais important d’agir comme cela parce que… »),
dans un jugement (« c’est bien…, cela aurait sans doute été mieux si… »), ou dans
une proposition déguisée d’action (« si j’avais voulu définir mes objectifs… »).
L’accompagnateur veillera à ramener aux faits et à ne pas proposer trop rapidement
des pistes d’action.

26 Comment soutenir la démarche réflexive ?


2.2 P comme Problématiser
Qu’est-ce que problématiser ?
Problématiser, c’est identifier le point d’entrée pour traiter
la situation, ce qui pose question, ce qui attire l’attention, le point
d’ancrage retenu. C’est prendre appui sur la description et choisir un angle d’analyse.
Ainsi, problématiser consiste à isoler dans une situation un angle de lecture pour
la rendre traitable et définir plus finement ce qui fera l’objet de l’analyse. Ce champ
d’investigation est éventuellement ciblé par une ou plusieurs questions qui vont
guider l’analyse.
Il s’agit de se mettre en dehors de la situation pour la regarder et prendre du recul
afin d’identifier une problématique à explorer. Ce début de distanciation se traduit
par le passage des faits décrits (Jean a reçu un crayon dans le dos…) vers un
phénomène plus large à explorer (l’agression).
Problématiser suppose donc un changement de niveau de langage.
Parfois, la question de problématisation choisie supposera un retour vers la des-
cription pour la compléter et y inclure des éléments permettant d’analyser ensuite
la situation sous l’angle de la question posée.
Bien entendu, une même situation peut être problématisée selon des angles très
différents. Le projet de celui qui va analyser ou de l’animateur orientera explicite-
ment ou implicitement le choix de la ou des question(s).
Certains dispositifs privilégieront une focalisation sur la problématique construite
par le porteur du cas, d’autres dispositifs inviteront les participants à reconstruire/
choisir collégialement la problématique à explorer, enfin, d’autres dispositifs invi-
teront chaque participant à explorer la problématique qu’il a soulevée.
Dans l’exemple choisi, l’animateur laisse à Jean la responsabilité du choix de la
problématisation.

Extrait
Problématisation spontanée
Animateur : « Qu’est-ce qui te paraît intéressant à analyser dans la situation que tu as décrite ? »
Jean : « Eh bien, pour moi, c’est une agression, ni plus ni moins. En effet, il m’a lancé un projectile quand
même ! On entend partout parler de violence scolaire, je pense que ce qui s’est passé, c’est le début. Alors,
tolérance zéro même si ce n’est qu’un crayon. Mais peut-être que c’est excessif… »

Pourquoi problématiser ?
La problématisation permet de prendre conscience de ses représentations et
surtout des angles d’analyse privilégiés. Le narrateur a ainsi la possibilité de déco-
der ses habitus de lecture des situations professionnelles. Cette démarche participe
à une explicitation de l’identité professionnelle du participant et à un retour réflexif
sur ses représentations du métier.

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 27


Dans le cas d’une réflexivité partagée, problématiser permet :
• de prendre conscience de la spécificité de ses interprétations en étant
confronté à différentes problématisations ;
• de s’ouvrir à d’autres lectures possibles. Dans la mesure où une situation
d’enseignement peut être analysée sous de multiples angles, problémati-
ser permet de sensibiliser les participants aux variations d’entrées possibles
dans le processus d’analyse d’une situation. L’explicitation de différentes
problématisations possibles sur un même matériau peut contribuer à ouvrir
les participants à une diversité de façons de poser un problème à partir des
mêmes faits, sans hiérarchiser celles-ci, et ainsi enrichir leur propre façon
de problématiser la situation.

Extrait
Ouverture vers d’autres problématisations possibles.
Animateur : « Y en a-t-il qui auraient une autre lecture de cette situation ? »
− Participant 1 : « Moi, je me dis que ce sont des comportements d’ados et que c’est difficile de les gérer. »
− Participant 2 : « Rendre les points des évaluations, ça pose problème quand ils sont mauvais. »

Comment susciter la problématisation ?


Le formateur peut susciter la problématisation par des questions invitant
chacun à la réflexion sur ce qui, à ses yeux, mérite que le groupe s’y attarde. Il
peut aussi identifier les variables critiques de la situation professionnelle auxquelles
l’épisode décrit lui paraît se rattacher. Exemple  : « Qu’est-ce qui est en jeu pour
toi dans cette situation ? À quoi se rattache cet épisode dans ta conception du
métier ou dans l’exercice du métier ? Qu’est-ce qui fait difficulté pour toi dans cette
situation ? »
Le formateur peut également formuler des questions ouvertes rappelant les enjeux
de cette phase, à savoir cibler l’analyse  : « Qu’est-ce que tu souhaiterais analyser
et qu’est-ce que tu poserais comme question pour guider cette analyse ? »

Quand problématiser ?
Située dans un entre-deux, la problématisation prend appui sur la situation
décrite et amorce l’analyse.
Décrire et problématiser sont deux étapes qui renvoient l’une à l’autre, qui peuvent
se juxtaposer ou s’alterner.
La problématisation guide l’analyse et se positionne en amont de l’analyse pro-
prement dite. Elle peut évoluer, s’enrichir, se redéfinir sous l’influence de celle-ci.
Les problématiques construites constituent chacune un champ à investiguer lors
de l’analyse. Problématisation et analyse sont interreliées et se succèdent dans un
processus itératif d’approfondissement de la situation.

28 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Vermersch (1994) conseille d’éviter certaines questions  : « Pourquoi ? »
comme dans « Pourquoi as-tu fait ça ? Pourquoi interprètes-tu comme
ça ? », parce qu’elles suscitent des autojustifications et des rationalisa-
tions. Par contre, dire « En quoi est-ce difficile pour toi ? En quoi cette
situation t’interpelle-t-elle ? Qu’est-ce qui te paraît intéressant à analy-
ser ? » peut constituer une bonne amorce de problématisation.
« Problématisation » ne signifie pas « problème à résoudre », « difficulté à surmonter »
mais davantage « angle de lecture choisi ».
On peut poser une question de problématisation sur une facette de la situation
qui nous paraît particulièrement intéressante à analyser, sur des éléments de la
situation qui nous surprennent, des réactions des apprenants ou du formateur qui
ne correspondent pas à nos façons d’envisager les choses, d’intervenir dans cette
situation…

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 29


2.3 A comme Analyser
Qu’est-ce qu’analyser ?
Analyser, c’est créer du sens en fonction d’un angle choisi. Analyser
suppose de repérer des caractéristiques essentielles d’une situation, et de les
distinguer des caractéristiques accessoires et contingentes, en regard de la pro-
blématique traitée.
Lors de la problématisation, le choix a été posé d’investir un aspect de la situation
rapportée  : par exemple « l’agression de l’enseignant ». En conséquence, certains
éléments de la situation décrite sont choisis et reliés entre eux pour faire émerger
leur signification, « autour de cette agression ».

Extrait
− Animateur : « Tu parles d’agression. C’est quoi pour toi une agression ? À partir de quand peut-on parler
d’agression ? Est-ce pareil que s’il avait jeté une poubelle ou un cutter ? »
Jean  : « Une agression, c’est à la fois verbal ou non verbal et physique. On peut se sentir agressé même
quand les élèves ne disent rien. L’agression physique vient du fait que l’élève a lancé un crayon. Bin oui,
ce serait sans doute pire avec un cutter, mais enfin… »
− Intervention d’un participant : « Je me demande si on ne devrait pas s’interroger sur les raisons de ce
mouvement d’humeur de l’élève. À la limite, es-tu sûr que c’était dirigé contre toi ? Ou bien a-t-il lancé
le crayon de rage, et par malheur il est arrivé sur toi ? »
Jean  : « Au départ, j’ai pensé que c’était volontaire et ciblé sur moi, mais maintenant en repensant à
l’ensemble de la situation, il est possible qu’il y ait des éléments dont je n’ai pas tenu compte. D’un autre
côté, si ce n’était pas l’intention de l’élève, il aurait pu le préciser ou s’excuser. Et personne n’a parlé. »
− Animateur  : « Pourquoi as-tu d’abord pensé que c’était ciblé sur toi ? Ce serait quoi, maintenant, les
éléments dont tu n’as pas tenu compte ? »
Jean : « Les résultats catastrophiques ont pu provoquer une réaction chez certains, et finalement un d’entre
eux a montré son mécontentement. Ils ont réagi quand j’ai rendu les points, comme je l’ai dit, il y en a
un qui a répondu “ras-le-bol‘. »
« Mais c’est vrai, ils se sont aussi disputés à propos de leur match de foot, les filles se moquaient. Ah,
oui, une des filles qui se moquaient, c’est une bonne élève, elle a aussi fait une remarque sur les mauvais
résultats de certains. »
« C’est vrai qu’il y a eu beaucoup de choses dès l’entrée en classe, l’atmosphère était déjà chargée suite à la
récréation, et puis j’ai parlé de l’évaluation, cette élève qui a souvent tendance à montrer qu’elle fait bien
et parfois, pas méchamment, à taquiner ceux qui ont plus de difficultés. »

La situation décrite est ainsi découpée et organisée grâce à des théories per-
sonnelles. Selon les théories exploitées, le professionnel ou futur professionnel
identifie des éléments de la situation et des relations entre ceux-ci. Il modélisera
progressivement la situation.
Selon les théories rapportées par les uns et les autres, les ébauches de modélisation
varieront. Néanmoins, les théories personnelles ne sont pas les seules à pouvoir
être sollicitées. Pour Ardoino (1993), analyser suppose une multiréférentialité. Des
théories reconnues par la communauté scientifique, issues de différentes disciplines

30 Comment soutenir la démarche réflexive ?


peuvent être utilisées pour soutenir une nouvelle organisation des éléments de la
situation.
C’est en cela que l’analyse permettra au professionnel de dépasser le sens commun
et/ou son habitus professionnel. Sur la base des théories rapportées, il affinera
encore sa compréhension de la problématique en jeu. Il apprendra de son analyse
pour progressivement développer de nouvelles compétences.

Extrait
− Animateur  : « Tu parles d’agression. Mais que nous dit la littérature par rapport à ce concept d’agres-
sion ? Quelles en sont, selon les auteurs, les caractéristiques principales ? Identifies-tu, dans la situation
rapportée, des éléments en lien avec ces caractéristiques ? En conséquence, peut-on parler d’agression ?
Si oui, en quoi ? Si non, en quoi la situation décrite en diffère-t-elle ? »
− Animateur : « En outre, les auteurs n’évoquent-ils pas des éléments relatifs au contexte de la situation
qui entre en jeu ? Que peut-on dire par rapport au contexte dans lequel s’inscrit la situation perçue
comme étant agressive ? Que peux-tu en dire ? Quels liens peux-tu faire entre ce que disent les auteurs
et la situation vécue ? Comment relis-tu cette situation à la lumière de tes lectures/de tes découvertes ?
Peut-on parler d’agression ? Quels sont les facteurs qui provoquent la réaction de l’élève ? »

En synthèse, analyser consiste à :


• prendre appui sur une problématique ou sur une question qui induit l’analyse,
pour repérer dans l’enchaînement des actions posées des relations (causali-
tés, corrélations, conséquences) ;
• se doter d’outils intellectuels personnels et issus de la communauté scien-
tifique (grilles d’analyse, modèles, théories…) pour construire une compré-
hension de la situation, au-delà d’un mouvement intuitif ;
• créer un sens nouveau autour de la situation rapportée et se doter d’outils
de compréhension pour l’action.

Pourquoi analyser ?
L’analyse invite à une prise de distance supplémentaire par rapport à la
situation vécue et à soi dans la situation.
La situation est appréhendée selon un angle choisi consciemment. Cela permet à la
fois de dépasser son appréhension globale, émotionnelle et syncrétique et de rendre
explicite une partie de l’implicite de la situation.

Nous analysons une situation pour :


• affiner la compréhension de la problématique qui s’y joue à la lumière de
théories personnelles partagées et/ou de théories issues de la littérature. Il
s’agit notamment de :
− apporter des éléments de réponses aux questions soulevées lors de la
problématisation ;
− formuler des hypothèses de compréhension et/ou d’explication ;

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 31


− faire émerger de nouvelles questions à propos de la situation ;
− identifier de nouvelles problématiques ;
• apprendre
− sur soi, et sa manière d’aborder une situation a priori (son identité
professionnelle) ;
− sur les gestes professionnels posés, en regard des nouveaux cadres de réfé-
rence découverts en cours d’analyse (ses compétences professionnelles) ;
− sur la problématique traitée, en repartant des faits, en sollicitant des
théories issues de différentes disciplines ;
• étoffer et/ou réguler son action en prenant appui sur les pistes d’actions qui
ont émergé, sur les autres possibles sur base des facettes abordées.

L’analyse aide tout professionnel à se donner une intelligibilité sur les actes posés,
les objets utilisés pour s’emparer du réel, et à devenir acteur de son histoire pro-
fessionnelle tout en étoffant son répertoire de gestes professionnels.

Extrait
− Intervention d’un participant  : « Du coup, après tout ce qu’on vient de décortiquer, que penses-tu de
ta réaction ? »
− Jean : « Oui, ce n’était sans doute pas approprié, j’ai certainement réagi sur le coup de la colère. »
− Accompagnateur : « Arrêtons-nous sur la sanction que tu as proposée. Quelles sont les règles en vigueur
dans ton école dans une telle situation ? »
− Jean  : « Dans le ROI, on parle de coups et de blessures portés de façon volontaire, qui sont inadmis-
sibles et qui peuvent entraîner une sanction, qui peut être une observation dans le journal, un travail,
une retenue… »
− Accompagnateur : « Quel lien fais-tu entre la situation vécue et ce passage du ROI ? »
− Jean : « Je ne pense pas qu’il s’agisse de coups et de blessures. De plus, j’ai été tellement surpris que
je voulais juste leur faire comprendre que je ne tolérais pas ce comportement. En fait, je ne sais pas
qui a lancé et je ne sais pas pourquoi. Le crayon n’est pas arrivé comme une flèche dans mon dos… je
ne pense pas qu’il y avait une volonté de faire mal. Après coup, je me rends compte que j’ai pris une
“sanction” collective alors qu’un seul élève a lancé le crayon. En plus, les élèves qui n’ont pas réussi
l’interrogation n’ont pas l’occasion de se rattraper. »

Comment analyser ?
Spontanément, le narrateur utilise des théories personnelles pour conférer
un sens et une valeur aux faits relatés. Ces théories personnelles sont souvent peu
explicitées, voire implicites. L’explicitation de ces théories sous-jacentes par le biais
de questions comme « Que mets-tu derrière ce terme agression ? », « Qu’as-tu voulu
dire en relevant que l’atmosphère était chargée suite à la récréation ? » permet de
mieux comprendre les grilles de lecture du réel utilisée par le narrateur. Cela lui
donne un outil d’intelligibilité de lui-même, des éléments qui attirent son attention
et de ses cadres de référence.

32 Comment soutenir la démarche réflexive ?


L’analyse peut également être réalisée en référence à des théories reconnues par
la communauté scientifique. Dans ce cas, le point de départ est la problématique
identifiée en amont.
Il s’agira d’aller chercher des articles, des ouvrages qui traitent de la problématique
afin d’en extraire des cadres de compréhension validés par des recherches et de
les mettre en relation avec les éléments de la situation décrite. À cette étape, il
est parfois intéressant de construire des grilles d’analyse qui reprennent les carac-
téristiques de la problématique telles qu’identifiées dans les différents travaux.
L’animateur peut ainsi aider le narrateur à organiser les éléments du réel.

Extrait
L’animateur pourrait rebondir sur des théories concernant la violence scolaire, l’agressivité et le développe-
ment des adolescents (ex. : moquerie d’une élève – frustration chez les autres) qui sont de nature à enrichir
l’analyse. Il pourrait aussi faire référence à un cadre qui balise l’exercice du métier d’enseignant.

Comment aider à analyser ?


Pour favoriser l’adoption d’une posture d’analyse, l’animateur invite le nar-
rateur à :
• expliciter les théories personnelles sous-jacentes au sens et à la valeur qu’il
confère aux faits relatés par des questions comme « sur quoi te fondes-tu
pour établir cette relation… » ;
• traduire les faits décrits sous forme d’un schéma (ligne du temps), d’un
tableau, d’une métaphore, afin de l’aider à en extraire les éléments saillants
et sa manière de leur donner du sens ;
• repérer des similitudes entre des situations et au sein de la situation décrite.
Par exemple : « As-tu déjà rencontré des situations semblables ? Lesquelles ?
Dans quel contexte ?… » ;
• relever ce qui distingue la situation d’autres situations. Par exemple  : « Ce
n’était pourtant pas tout à fait la même chose. En quoi ? Qu’est-ce qui dis-
tinguait ces situations ?… » ;
• exprimer les critères qu’il utilise pour catégoriser. Par exemple : « Qu’est-ce
qui te permet de dire que ces deux situations sont semblables ou diffé-
rentes ? À quoi te réfères-tu ? ».
Il est également utile d’encourager la personne à faire des liens entre les situations
vécues et des théories reconnues par la communauté scientifique. Par exemple  :
« Connais-tu des théories qui portent sur ce phénomène ? Que pourraient-elles
apporter ici pour comprendre la situation ? Qu’est-ce qui, dans cette situation,
te fait penser à ces théories ? Comment peux-tu les relier à ce qui s’est passé ?
Comment peux-tu relire la situation à la lumière de ces théories ? ».
L’animateur peut inviter les participants à résumer les théories découvertes sous
forme de tableau, de schéma reprenant les caractéristiques de la problématique.

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 33


Il s’agira alors de faire des liens entre les faits rapportés et la grille d’analyse
construite.
Au terme de ce travail, les participants auront construit une compréhension plus
affinée de la problématique. Ils en pointeront des caractéristiques qu’ils ne per-
cevaient pas au départ et identifieront des éléments (contexte, relation, etc.) qui
s’articulent et permettent d’expliquer que des faits se déroulent d’une certaine
manière. Bien souvent, le niveau de langage change. Les termes utilisés vont de
ceux issus du sens commun vers des termes plus précis, voire vers des concepts
explicités.
En synthèse, l’animateur peut proposer aux participants de répondre à la question
posée au départ et/ou d’expliciter la problématique telle qu’elle se joue dans la
situation. « Au terme de l’analyse réalisée, comment relis-tu la situation vécue ? »,
« Comment l’interprètes-tu au regard des cadres théoriques sollicités ? ».

L’analyse doit être ancrée dans la description. Ainsi elle renvoie systémati-
quement à des faits décrits.
Selon la question posée, tous les éléments de la description ne seront
pas repris dans l’analyse. Celle-ci fait un zoom sur certains aspects de la
description en fonction de l’angle choisi.
L’analyse permet d’organiser des éléments de la description selon une grille définie
ou à définir.
L’analyse n’est pas de l’ordre du jugement. Elle permet de déplier une réalité afin
de mieux la comprendre.
Une même description, une même question peuvent aboutir à des analyses diffé-
rentes selon les modèles qui vont fonder l’analyse.

34 Comment soutenir la démarche réflexive ?


2.4 T comme construire
une Théorie de l’action
Qu’est-ce que construire
une théorie de l’action ?
C’est identifier ce que l’analyse d’un événement, d’un épisode ou d’une
pratique nous apprend. Cela revient à prendre du recul par rapport à l’analyse et
à se doter de grilles pour mieux comprendre les situations à venir et y répondre
plus adéquatement.
Il s’agit pour le praticien de se créer des savoirs d’action et/ou de compréhension
qui lui seront utiles pour comprendre, orienter et gérer son action future.
Ces savoirs, construits à partir de l’analyse, peuvent être particuliers, spécifiques
au contexte du professionnel qui analyse une situation. Par ce biais, le profession-
nel ou futur professionnel anticipe le futur et élargit son répertoire d’actions. Ces
savoirs peuvent aussi être collectifs, partagés par une équipe ou une communauté
éducative en cas de réflexivité de groupe.
Concrètement, le professionnel, après l’analyse, dégage des « règles », des « modèles de
compréhension », qui élargissent son répertoire de savoirs et son potentiel d’actions.
Ces nouvelles ressources pourraient lui être utiles s’il rencontre des situations
ayant les mêmes caractéristiques. Il peut se lancer dans un processus de géné-
ralisation ou il peut faire des liens avec des situations similaires ou des classes
de situations similaires (par exemple, au départ du cas traité  : des situations où
une agression est ressentie, des situations de remise de résultats d’interro, etc.).
Toutefois, deux situations ne sont jamais identiques et les règles dégagées de l’une
devront être appropriées par chacun et adaptées aux spécificités des situations
rencontrées ultérieurement.

Extrait
« Certains élèves peuvent se sentir agressés quand le professeur annonce de mauvais résultats par un
commentaire général en logeant tout le monde à la même enseigne “globalement pas fameux”. Des inter-
ventions d’élèves qui soulignent la fatalité de certaines notes peuvent avoir le même résultat “on se doute
bien de qui a réussi et qui a raté”. » « La frustration liée à une réaction du prof ou des élèves est ressentie
par d’autres comme agressive et peut engendrer une nouvelle réaction agressive. »
« Quand on a retrouvé une certaine sérénité, c’est intéressant de revenir sur la situation, d’expliquer comment
on l’a perçue et de demander aussi aux élèves de donner leur point de vue ou leurs interprétations. Ce qui
me permettrait d’éviter certains malentendus à l’avenir. »
« Lorsqu’on sent qu’on risque d’être envahi par l’émotion, il faut prendre un peu de temps pour respirer, par
exemple demander aux élèves de faire un travail en individuel. »

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 35


Pourquoi construire une théorie de l’action ?
Se construire une théorie de l’action permet au professionnel de dégager
des savoirs d’action et/ou d’intelligibilité qui l’aident à diversifier son action. En
effet, les savoirs ainsi construits pourront être réinvestis dans des situations à
venir (cf. composante suivante). Par cette démarche, il cherche à apprendre de
son expérience, il se place dans une trajectoire de développement professionnel.

Comment aider à construire une théorie


de l’action ?
L’animateur pourra favoriser la construction de la théorie de l’action dans
deux directions :
• demander au(x) professionnel(s) de construire de nouveaux savoirs d’action :
− soit par une formulation ouverte : « Si tu devais expliquer à un collègue
ce que tu as appris à travers cette situation, que dirais-tu ? » ;
− soit en épinglant un aspect plus spécifique  : « Une manifestation
d’agressivité non verbale qui se manifeste par des gestes à l’encontre
de l’enseignant. » ;
• demander au(x) professionnel(s) d’affiner sa compréhension de la situation
et en extraire des points d’attention pour l’avenir :
− soit par des sollicitations plus spécifiques  : « Pourriez-vous formuler,
à partir de l’analyse, des hypothèses explicatives relativement aux types
de phénomènes observés ? » ;
− soit par une formulation ouverte  : « Quels sont selon toi les élé-
ments auxquels tu penses qu’il faudrait être attentif à l’avenir et
pourquoi ? ».

Quand construire une théorie de l’action ?


La théorisation succède à l’analyse et s’appuie sur elle. Elle peut nécessiter
des retours vers l’analyse, pour la compléter, la réorienter ou tester sa pertinence
pour d’autres situations. La théorisation est également liée à l’étape suivante, à
savoir le réinvestissement dans l’action et même, dans certains dispositifs d’analyse
de pratiques, faire partie de la même étape.

La théorisation correspond à un exercice qui oriente les perceptions du sujet


dans un mouvement qui va du « situé », du local vers une perception plus
générale ou généralisante. La personne cherche à se construire des pistes
de transfert, quant à sa lecture des événements ou quant aux modes opé-
ratoires qui ont été mobilisés, à d’autres situations futures ou passées.

36 Comment soutenir la démarche réflexive ?


2.5 R comme Réinvestir
dans l’action
Qu’est-ce que réinvestir
dans l’action ?
Le savoir construit lors de la théorisation de l’action prend sens pour le
praticien lorsqu’il est amené à le contextualiser pour agir dans une situation pro-
fessionnelle. C’est dans ces rencontres avec le réel professionnel que le praticien
pourra utiliser les savoirs d’action élaborés suite à l’analyse et ainsi, alimenter
ses pratiques. Il s’agit de pouvoir poser des actes qui prennent appui sur ce qui
a été appris lors de l’analyse.
Réinvestir les savoirs d’action dans le réel suppose :
• une réflexion sur la situation  : dans quelle mesure présente-t-elle des
caractéristiques qui renvoient à ce qui a été vécu précédemment ? En effet,
le transfert n’est possible que si des liens de similitudes sont réalisés entre
les situations rencontrées (Tardif, 1999 ; Frenay, 2006). Une analyse de
la situation sous cet angle favorisera la mobilisation des savoirs d’action
pertinents ;
• une réflexion identitaire : qu’est-ce que je peux faire mien dans ce que j’ai
appris étant donné qui je suis (mon identité), ce que je sais faire (mes
compétences), ce que je voudrais faire (mon projet). Qu’est-ce qui m’est
utile, à moi personnellement, pour comprendre ou agir ? Une réflexion sur
le contexte, les possibilités ou impossibilités qu’il génère, ainsi que ce qui
est immuable ou modifiable dans ce contexte. Quel est mon cadre d’action ?
Avec qui ? Dans quelle temporalité ?, etc.

Si les séances d’analyse de pratiques se répètent dans le temps avec un même


groupe, les participants peuvent revenir sur la manière dont ils ont concrétisé
les pistes de réinvestissement évoquées et entrer dans une nouvelle démarche
réflexive.

Pourquoi réinvestir dans l’action ?


De par sa nature pragmatique et orientée vers un futur « palpable », le
réinvestissement donne du sens à l’analyse réalisée. Il n’est pas question de
réfléchir pour « réfléchir », mais il est bien question de réfléchir pour apprendre
de l’analyse de la situation vécue, enrichir ses lectures de la situation et diver-
sifier sa pratique professionnelle. Les possibilités de réinvestissement dans l’ac-
tion constituent dès lors une condition au transfert des apprentissages réalisés
au cours de l’analyse.
Ce réinvestissement permet d’atteindre un des objectifs de l’analyse des pra-
tiques  : développer le pouvoir d’agir des acteurs de l’éducation (empowerment),
en leur donnant davantage de prise sur leurs situations professionnelles.

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 37


En cela, il constitue une voie privilégiée de développement professionnel indivi-
duel et collectif :
• au niveau individuel, le réinvestissement peut être orienté vers le porteur du
cas (ici Jean) qui, à travers l’analyse de la situation qu’il a apportée, a pu,
d’une part, construire de nouveaux savoirs utiles pour sa propre pratique et,
d’autre part, développer une conscience de qui il est comme enseignant et
des compétences qui sont les siennes ;
• au niveau collectif, dans une situation de réflexivité partagée, tous les par-
ticipants contribuent au développement de nouveaux savoirs et peuvent
aussi en tirer profit. D’une part, le partage de théories (personnelles et/
ou standardisées) est un apprentissage qui aide à comprendre une situation
professionnelle qu’ils pourraient chacun rencontrer. D’autre part, le fait de se
confronter à d’autres dans une démarche d’analyse leur donne à voir qui ils
sont, quels sont leurs cadres de références implicites, leur manière d’aborder
une problématique ou d’élaborer des actions, etc. L’analyse réalisée à partir
d’une situation qu’ils n’ont pas vécue peut être significative pour eux, selon
certains traits qu’ils choisissent, et leur donner l’occasion d’exploiter les
savoirs construits dans leur situation de travail.

Comment aider à réinvestir dans l’action ?


L’animateur est attentif au fait que les propositions soient, dans un premier
temps, centrées sur la personne qui a pris la parole.
Ici, il pourrait poser deux types de questions à Jean :
• l’une invitant à la réflexion identitaire  : qui il est comme professionnel,
comment il se voit évoluer et agir prochainement compte tenu du travail
d’analyse réalisé ? ;
• l’autre l’invitant à questionner les éléments qui peuvent changer ses lectures
du monde, sa pratique et son contexte de travail  : comment comptes-tu
dorénavant envisager ce type de situation ? Avec quelles postures ? À quoi
seras-tu attentif à l’égard de ton contexte de travail, de tes élèves ?
Dans un deuxième temps, dans le cadre d’une réflexivité partagée, l’animateur peut
solliciter explicitement une démarche de réinvestissement potentiel chez les autres
participants avec le même type de questions.

Extrait
Animateur : « Jean, étant donné ce que tu es et en fonction de ton contexte, que retires-tu pour ta pratique ? »
Jean : « Moi, je débute dans le métier, donc l’idée de me donner du temps pour me reprendre en faisant faire
autre chose aux élèves, ça me convient bien. Cela me permettra de dominer mon émotion et de prendre du
recul. Par contre, il faudrait que je sois un peu plus aguerri pour parvenir à en discuter avec eux. Par ailleurs,
je me rends compte qu’il faut que je réfléchisse à l’avance à la manière dont je communique les résultats. »
Animateur : « D’autres en retiennent-ils d’autres choses pour leur pratique ? »

38 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Cela permet de donner du poids à cette étape de réinvestissement. Dans certains
cas, c’est même un engagement du porteur du cas envers le collectif que de revenir
à la séance suivante sur ce réinvestissement et donc, une motivation supplémen-
taire à transférer les résultats de l’analyse.

Extrait
Ainsi, Jean pourrait, quelques mois après avoir proposé son cas à l’analyse, faire part au groupe d’un
réinvestissement :
« La semaine dernière, j’ai été amené à remettre des copies d’évaluation. J’ai veillé à ne pas commencer mon
cours par cette remise des notes. J’ai entamé mon cours en revenant sur des notions qui vraisemblablement
n’avaient pas été comprises, et cela sans le dire explicitement aux élèves. Ensuite, j’ai fait des exercices
par duos afin de les amener à revoir ces notions. Je suis passé dans chaque duo pour voir comment cela
était compris. Et puis, seulement, j’ai distribué les copies en leur proposant un temps de correction, étant
donné que maintenant ils disposaient de plus d’outils pour y répondre. »

Quand réinvestir dans l’action ?


Les phases antérieures de l’analyse ont permis de se donner le temps de
la distanciation avec l’émotion inhérente à chaque situation. Le réinvestissement
dans l’action, quand il fait partie du dispositif, s’organise en fin de séance. Il peut
s’agir d’une projection : « Au terme de l’analyse, voici ce que j’en retire, ce que je
compte en faire », mais qui reste de l’intention. Le réinvestissement dépendra du
parcours professionnel ultérieur et des situations effectivement rencontrées. Il est
donc assez hypothétique et de l’ordre de la liberté individuelle.
Néanmoins, l’animateur peut aussi inviter et soutenir ce transfert dans les pratiques
de différentes manières :
• si le groupe se retrouve par la suite de manière récurrente, il s’agira de
demander au porteur du cas précédent, comment il a effectivement réinvesti
les éléments d’analyse dans ses pratiques ou dans sa manière d’envisager
son métier, etc. ;
• si l’analyse est isolée, l’animateur peut, après quelques semaines, envoyer
un petit questionnaire aux participants afin de savoir comment l’exercice
d’analyse a fait écho dans leur quotidien. C’est une manière de réactiver les
apprentissages et de soutenir leur appropriation en contexte.

L’animateur doit veiller à ce que les pistes d’action proposées soient bien
en rapport avec l’analyse réalisée. Si ce n’est pas le cas, il s’agit davantage
de recettes ou idées préexistantes à l’analyse que du fruit de celle-ci.
Elles risquent d’être tout à fait déconnectées de la situation et peu
ciblées sur celle-ci.

Chapitre 2 Composantes de l’analyse des pratiques 39


Chapitre 3
Outils

3.1 La méthode narrative 43

3.2 Entretien de régulation


et autoconfrontation accompagnée 49

3.3 Le groupe de codéveloppement professionnel 56

3.4 Démarche d’Analyse en Groupe à partir des Natures d’Enjeux – DAGNEA 63

3.5 L’analyse de cas vidéo 69

3.6 Analyse par problème en groupe 72

3.7 Les ateliers praxéologiques 79

3.8 Analyse des pratiques à partir de situations semi-authentiques 86

3.9 Le journal de réflexivité 91

3.10 Le parcours de formation 96

3.11 Réfléchir à sa manière de mener un entretien de régulation 100

3.12 Analyser ses questions de clarification en duo 104

41
En préambule, remarquons que dans la plupart des outils présentés, les matériaux
utilisés peuvent s’identifier au travers du classement proposé au premier chapitre.
Cependant, selon les contextes de formation, ceux-ci peuvent varier et  impliquer
les acteurs à des degrés divers. De ce fait, les catégories de classement peuvent
ne pas être exclusives.

42 Comment soutenir la démarche réflexive ?


3.1 La méthode narrative
Une démarche méthodologique pour réfléchir sur sa pratique
Jacqueline Beckers et Nathalie François

Origine
La méthode décrite ici s’inspire au départ du « Groupe d’approfondisse-
ment professionnel » présenté par A. de Peretti, J.-A. Legrand et J. Boniface dans
Techniques pour communiquer (Hachette Éducation, 1994, pp. 91-99). Cette méthode
s’inspire des groupes Balint ainsi que de l’orientation rogérienne des groupes de
rencontre. Comme son nom l’indique, elle offre une occasion de développement à
des groupes de professionnels.
De Peretti, Legrand et Boniface (1994) se réfèrent à Balint en expliquant
qu’il s’agit de centrer les échanges sur les pratiques professionnelles et non
pas sur la « personnalité profonde » des participants, en n’imposant pas de
bonnes méthodes à appliquer.
Les exploitations que l’équipe liégeoise fait de la méthode narrative reposent sur
les hypothèses théoriques suivantes :
• La mise en mots systématisée de ses actions professionnelles par le sujet
contribue au développement de ses compétences professionnelles et à sa
construction identitaire :
− en favorisant sa prise de conscience (passer de l’implicite du vécu à la
conscience réfléchie : Vermersch, 1994, 2004) ;
− en lui offrant l’occasion de recréer son expérience pour s’ouvrir à de
nouvelles (Clot, 1999 ; Pastré, 2002) ;
• l’échange avec autrui dans un contexte non normatif favorise la décentration
de son propre point de vue et l’ouverture à des interprétations et pistes
d’action alternatives ;
• l’appel aux savoirs scientifiques de référence favorise la décontextualisation et la
recontextualisation des actions vécues et le transfert des apprentissages. C’est ici
que l’animateur joue un rôle spécifique important : il peut saisir l’occasion pour
« introduire du savoir dans le faire », selon la formule de Patrick Mayen (2006).
Les savoirs scientifiques de référence servent de médiateur aux transformations
qu’on essaie d’enclencher chez les professionnels ou futurs professionnels. Par
ailleurs, il existe un réel enjeu à ce que la formation initiale donne aux futurs
professionnels ce goût d’investir des savoirs scientifiques dans leur pratique.
De multiples exploitations ont été réalisées dans des contextes variés en poursui-
vant des objectifs différents et en fondant les démarches sur des référents théo-
riques multiples et variables selon ces exploitations :
• dans le programme de formation de futurs enseignants (AESS) en psychologie
et sciences de l’éducation ;
• dans les formations qualifiantes du secteur  8 (futur.e.s agents d’éducation,
puéricultrices, animateurs, aides-soignantes, aides familiales) ;

Chapitre 3 Outils 43
• dans des formations continues de métiers de service, par exemple des
puéricultrices.

Public
• Des futurs professionnels (FP) de l’enseignement et autres métiers de l’inte-
raction humaine1.
• Des professionnels de terrain (P) de ces mêmes métiers.

Objectifs
Permettre à un sujet (professionnel ou futur professionnel) :
• de mettre en mots une expérience professionnelle vécue ;
• de prendre conscience de la manière dont il a interagi en situation (rapport
à lui-même, à autrui et aux objets) et dont il a vécu cette expérience ;
• d’enrichir sa réflexion par des échanges avec des pairs ;
• de formaliser cette réflexion et de la nourrir par un apport théorique ;
• de prévenir la création d’un sentiment d’incompétence et le désengagement ;
• de réguler son action professionnelle : identification et, idéalement, expéri-
mentation de pistes d’action nouvelles.

Modalités
Matériau
Le matériau est toujours constitué du vécu d’un participant au moins (élève/
étudiant/professionnel) en situation authentique (stages/travail de terrain). Ce par-
ticipant est désigné dans la suite du texte comme « propriétaire du cas ».

Type d’animation
Nous l’utilisons de plusieurs manières : de la plus ouverte à la plus orientée
en fonction des objectifs spécifiquement poursuivis.
• Animation 1  : avec l’objectif d’offrir une occasion de développement pro-
fessionnel totalement ouverte, en laissant le choix des objets abordés aux
membres du groupe.
• Animation 2 : avec l’objectif d’aborder une famille de situations critiques du
métier ou d’approfondir une problématique partagée par plusieurs membres
du groupe2.

La démarche comporte toujours les quatre moments suivants : individuel, d’échange


avec les pairs, de formalisation et de réinvestissement.

1. La transposition didactique de l’outil aux futurs professionnels, élèves de l’enseignement secondaire


qualifiant ayant une pratique en stage (secteur « service aux personnes »), est travaillée avec les futurs
enseignants de ces sections.
2. En collectant les récits rédigés ou en leur demandant de les envoyer à l’avance.

44 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Un moment individuel
Le sujet met en mots un épisode de son expérience professionnelle. Cette
mise en mots individuelle a toute son utilité (les mots aident à penser). Ce moment
est soutenu par une consigne écrite qui invite à une description précise de l’action
professionnelle favorisant la contextualisation de l’épisode vécu. Les consignes
n’obligent pas à aller vers le vécu émotionnel, mais le rendent légitime. C’est une
occasion d’évoquer des contradictions parfois très mal vécues entre le terrain de
stage et l’institution de formation, d’évoquer aussi les plaisirs et les souffrances
qui sont liés à l’image que le sujet a de lui-même dans l’exercice du métier. Ces
occasions sont importantes parce que, effectivement, elles peuvent aider à prévenir
la création d’un sentiment d’incompétence et le désengagement.
Les participants savent que l’on proposera à l’un ou l’autre (volontaire ou désigné
selon les exploitations) de partager avec le groupe l’épisode qu’il a relaté.
Quand le dispositif s’adresse à des FP en formation initiale évaluée (élèves du
secondaire, étudiants universitaires…), on donne du temps lors des séances de
cours pour des mises en mots écrits pour être sûrs qu’ils se livrent effectivement
à cette mise à distance, sans devoir agiter la contrainte de l’évaluation du texte
rendu. Les formateurs souhaitent en effet que ces traces restent personnelles, car
ils font l’hypothèse qu’elles sont dès lors plus authentiques. Est donc privilégiée
l’existence de traces construites au cours et sur lesquelles les étudiants seront
invités à revenir ultérieurement pour s’approprier leur parcours de formation (voir
outil correspondant).

Un moment d’échange avec les pairs


• Quand les participants sont peu nombreux, l’animateur gère le groupe.
• Quand les participants sont nombreux (ce qui peut être le cas en formation
initiale), ils peuvent fonctionner en sous-groupes sans formateur pour cette
phase. L’échange de significations sera sans doute plus efficace s’il est balisé
par un support (cf. Étape 4 de la description de l’outil) qui aide à organiser
la réflexion. Cet échange géré sur le plan organisationnel par un membre du
groupe se centrera essentiellement sur le propriétaire du cas alors que, dans
une phase ultérieure gérée par l’animateur, celui-ci en fera une occasion de
développement professionnel pour chacun des participants.
L’organisation des sous-groupes peut prendre deux formes :
• Les groupes travaillent sur la même thématique (repérée sur la base des
récits envoyés à l’avance), mais abordée dans chaque groupe par le proprié-
taire d’un cas vécu.
• Les groupes travaillent sur des thématiques différentes (repérées sur la base
des récits envoyés à l’avance).

Un moment de formalisation
Ce moment achève la démarche. Il est nécessairement géré par l’animateur
qui fait appel à des concepts ou théories pour éclairer l’analyse de la situation et

Chapitre 3 Outils 45
favorise, par la multiplicité des exemples, la décontextualisation et l’identification
de variables structuralement pertinentes dans le type de situations travaillées.
Si plusieurs sous-groupes ont travaillé sur des thématiques différentes, l’animateur
pourra gérer cette phase en plusieurs séances si nécessaire.
L’animateur peut aussi alimenter la réflexion par les trois niveaux de réflexi-
vité décrits en 1977 par Van Manen :
• le niveau technique consiste à réfléchir à l’action professionnelle surtout en
termes d’efficacité (est-ce que j’ai atteint l’objectif que je me donnais ?) et
en termes d’efficience (est-ce que les moyens que j’ai mis en œuvre sont
des moyens pertinents ?) ;
• le niveau pratique questionne la valeur des objectifs qu’on poursuivait et
des moyens qu’on a mis en œuvre ;
• le niveau critique analyse en outre l’action professionnelle à la lumière de
critères moraux et éthiques.

Un moment favorable au réinvestissement


Le rôle d’un formateur est essentiel pour favoriser le passage de « comprendre
et orienter un agir local » (ce que j’ai fait moi dans ma situation professionnelle)
à « construire un savoir d’intelligibilité et d’action généralisable et exploitable par
d’autres et dans d’autres contextes » (recontextualisation).

Description de l’outil
De Peretti, Legrand et Boniface (1994) décrivent le GAP en plusieurs phases.
Dans l’utilisation développée ici, certaines d’entre elles ont été modifiées. De plus,
trois phases ont été ajoutées à la méthode décrite initialement  : une première
phase écrite individuelle ainsi que deux phases de formalisation par l’animateur.

Étape 1 : préparation de la situation


par son propriétaire
Les participants sont invités à rédiger, en quelques lignes, au moment
de la rencontre, une difficulté professionnelle vécue. Selon la modalité utilisée,
la situation relatée peut porter sur une difficulté laissée au choix du partici-
pant (modalité  1) ou sur une catégorie de difficulté définie par l’animateur
(modalité 2).
Dans la modalité 2, les participants envoient à l’avance leur situation aux anima-
teurs qui peuvent alors préparer notamment la phase de formalisation.
Pour la modalité  1, lors de l’utilisation de l’outil avec de futurs enseignants, la
consigne de départ est la suivante :
« Vous êtes invités à vous remémorer une difficulté rencontrée en classe durant votre
stage (ou durant une observation ou durant votre pratique professionnelle). Il pourrait
s’agir d’une activité qui n’a pas fonctionné comme vous l’aviez prévu, une réaction
inexpliquée de la classe ou de certains élèves, un événement ou un comportement

46 Comment soutenir la démarche réflexive ?


surprenant, une explication difficile à donner ou toute autre chose. Remettez-vous
dans le contexte de l’action telle qu’elle s’est déroulée et laissez revenir toutes les
informations brutes concernant cette situation, éléments contextuels, impressions
sensorielles, vécu émotionnel. Racontez cet épisode sous forme d’un mini-récit rédigé
à la première personne du singulier (10 lignes environ). »
Pour la modalité 2, lors de l’utilisation de l’outil avec des professionnels de la petite
enfance une consigne de départ peut être la suivante :
« Vous êtes invités à vous remémorer une difficulté rencontrée dans votre pratique
professionnelle relative à la communication avec les parents. Remettez-vous dans
le contexte de l’action telle qu’elle s’est déroulée et laissez revenir toutes les
informations brutes concernant cette situation, éléments contextuels, impressions
sensorielles, vécu émotionnel. Racontez cet épisode sous forme d’un mini-récit
rédigé à la première personne du singulier (10 lignes environ). »

Étape 2 : exposé du cas


Le propriétaire du cas raconte les événements, leur contexte d’apparition, ses
réactions, les réactions des autres partenaires. Il exprime ce qu’il a ressenti sans
entrer dans l’analyse. Il n’est pas interrompu pendant cette phase.

Étape 3 : questions par le groupe


Questions portant uniquement sur les faits – sans interprétation ni débat.
Régulation par l’animateur du groupe si besoin est. Ces questions permettent de
bien appréhender la complexité de l’action située.

Étape 4 : temps d’échange


avec le groupe
Évocation de vécus semblables (jaune) : qu’est-ce que la situation évoque
pour vous ? Quels souvenirs rappelle-t-elle ? Quels ressentis et/ou quelles images
provoque-t-elle ?
Recherche de sens et analyse (rose) : dans cette situation évoquée, qu’est-ce qui
vous paraît être la difficulté ? Quelles hypothèses explicatives poseriez-vous pour
donner du sens, expliquer cette situation ?
Recherches d’alternative (vert) : dans cette situation évoquée, sur quoi auriez-vous
tenté de jouer ? Comment pourrait-on prévenir/agir/réagir dans une telle situation ?
La réponse à ces questions se fait individuellement : chaque participant note
lisiblement ses idées sur des feuilles A4 de couleurs distinctes (une idée par
feuille). Celles-ci sont ensuite placées au tableau par couleur en fonction
de la proximité des idées évoquées. Cette contrainte garantit que chaque
participant prenne connaissance des réponses des autres et situe, par rapport
à elles, ses propres propositions. Pour chaque catégorie de réponses, l’accompagnateur
relit toutes les propositions pour que tous les participants, y compris le propriétaire
du cas, aient une vision complète de l’ensemble des propositions.

Chapitre 3 Outils 47
Dans le GAP, de Peretti, Legrand et Boniface (1994) proposent d’autres formulations
de questions qui peuvent être plus évidentes pour le participant :
• Pour la recherche de sens-analyse : « À ta place, ma difficulté dans ce pro-
blème aurait été la suivante… »
• Pour la recherche d’alternatives : « Si j’étais toi, voilà ce que j’essaierais… »

Étape 5 : réactions du propriétaire du cas et débat


Le propriétaire du cas réagit par rapport aux éléments de réponse qui l’inter-
pellent. Il se prononce sur les idées émises, les suggestions en indiquant celle(s)
qu’il choisirait pour résoudre son problème. L’animateur invite chacun à identifier
des pistes de réinvestissement.
L’ouverture à l’échange après une première catégorie de réponses risque de
conduire à des anticipations sur le contenu des deux autres catégories.
L’échange sera plus riche une fois que le propriétaire et les participants
auront pris connaissance de l’ensemble des propositions. Ainsi, la lecture
des propositions et l’échange se feront idéalement après l’affichage de
l’ensemble des papiers.

Étape 6 : phase de formalisation


Quelles connaissances (ressources antérieures théoriques) seraient perti-
nentes pour éclairer l’analyse de la situation ? Par rapport aux thématiques abor-
dées au travers des situations analysées que garde-t-on comme enseignement pour
le futur ?

48 Comment soutenir la démarche réflexive ?


3.2 Entretien de régulation
et autoconfrontation accompagnée
Une voie de développement de la réflexion dans et sur l’action
Jacqueline Beckers et Charlène Leroy

Origine
Pour un formateur, particulièrement en formation initiale, un des enjeux de
l’accompagnement des pratiques est que le futur professionnel s’engage dans un proces-
sus d’autorégulation de son action en accord avec les buts prioritaires du métier, plutôt
que de se conformer stratégiquement aux attentes sous la pression de l’évaluation.
Pour un sujet, une première condition de l’autorégulation identifiée par
Vermersch (1994) est de pouvoir « s’auto-informer » sur le déroulement de son
action professionnelle : avec le recul dans une démarche de réflexion sur l’ac-
tion une fois celle-ci terminée, mais aussi en reprenant la distinction établie par Schön
(1983, trad. 1994) dans l’action elle-même, en prenant conscience de ce qui est en
train de se passer et en réorientant son intervention pour une meilleure efficacité. La
prise de conscience est nécessaire à l’engagement du sujet dans un processus intention-
nel de changement. La réflexion dans l’action consiste à « être à l’écoute, voire se laisser
surprendre » par l’action en cours, grâce à une prise de distance consciente de ce qui
est en train de se passer et une tentative de régulation pour une meilleure efficacité.
Pour Schön, c’est cette modalité de réflexion qui signe la vraie expertise des « praticiens
réflexifs », alimentée par le répertoire d’expériences professionnelles constamment réé-
laborées qu’ils se sont construit. Cette modalité de réflexion est beaucoup plus difficile
pour le débutant et nécessite donc certainement qu’une attention particulière y soit
consacrée. Les prolongements de l’outil proposés vont, dès lors, dans ce sens.
Inspirée par ces développements théoriques, la démarche de l’Entretien de régula-
tion a d’abord été conçue par le service PERF (Professionnalisation en Éducation :
Recherche et Formation) de l’ULiège (Université de Liège) pour un public de futurs
enseignants (FE) du maternel au secondaire inférieur où elle était insérée dans un
dispositif plus général de « compagnonnage réflexif » géré par de futurs formateurs
d’enseignants eux-mêmes en formation (Beckers, 2007, pp.  275-294). L’entretien
de régulation est exploité dans une démarche cyclique  : la « démarche régulatrice
personnalisée » (action observée, analyse conjointe de l’observable, décision de
régulation, mise en œuvre des décisions dans l’action, nouvelle observation et ana-
lyse conjointe…) qui donne au FE l’occasion de percevoir qu’il y a des éléments sur
lesquels il peut agir délibérément et qui améliorent la situation. Cette perception
qu’il a, en partie, prise sur les difficultés ressenties dans l’action professionnelle
contribue puissamment à l’instauration d’un sentiment de contrôlabilité. Cette expé-
rience de maîtrise renforce le sentiment de compétence (Bandura, 1997).
L’outil concrètement utilisé dans ce contexte est décrit ci-après comme « Entretien
de régulation ».
Cette démarche a ensuite été aménagée, par le même service PERF, pour un public
de futurs enseignants (FE) de l’enseignement secondaire supérieur, dans un contexte

Chapitre 3 Outils 49
où les stages sont plus courts. Ces FE sont ici accompagnés par un formateur de
l’équipe. L’outil concrètement utilisé dans ce contexte est décrit ci-après comme
« Autoconfrontation accompagnée ».
Dans les deux cas, l’animateur de l’entretien de régulation ne participe pas à l’éva-
luation certificative des FE.

Public
Des professionnels ou futurs professionnels de l’interaction humaine (enseignants,
mais aussi éducateurs, infirmiers…) pour autant que la présence d’un observateur et
éventuellement d’une caméra soit compatible avec les conditions d’exercice du métier.

Objectifs
Les objectifs prioritairement visés par l’entretien de régulation sont de per-
mettre au professionnel ou futur professionnel d’apprendre de son action et de sa
réflexion dans et sur cette action (« s’auto-informer ») mais aussi de s’engager dans
un processus d’autorégulation.

Modalités
Matériau
Le matériau est toujours constitué de traces observables (prise de notes,
grille d’observation, schéma photographique ou enregistrement vidéo) de l’activité
professionnelle du sujet telle qu’elle s’est déroulée en situation authentique.

Type d’animation
En duo : un compagnon, non investi de pouvoir évaluatif, soutient
le processus de prise de conscience et d’analyse du professionnel ou du
futur professionnel.
Dans le but de diminuer les conduites défensives du sujet, obstacle à son
engagement dans le processus de changement, l’animateur :
• respecte sa demande quant à la thématique à travailler ;
• lui donne du pouvoir décisionnel sur les modalités d’organisation de l’accom-
pagnement, l’utilisation de la caméra ainsi que le choix des données ou
extraits filmés à analyser ;
• évite les jugements portés sur la personne ou ses pratiques.

Description de l’outil
Précautions préalables
Avant d’entamer l’entretien, l’animateur rappelle les termes du
contrat qui lie le duo  : les objectifs, les étapes de l’accompagnement
et la confidentialité.

50 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Étape 1 : amorcer l’entretien : donner la main
Objectif spécifique  : entrer dans le système interprétatif du bénéficiaire
(identifier les variables fonctionnelles à ses yeux, les indicateurs qui structurent
son action, le sens qu’il donne aux événements, les émotions qui l’assaillent).
Dans ce but, on laissera au bénéficiaire l’initiative de :
• revenir sur les éléments de son activité qu’il souhaite approfondir ;
• choisir les éléments de l’observable auxquels il souhaite réagir dans un
premier temps.
Pour se donner une chance de percevoir ce qui prend prioritairement sens aux
yeux du bénéficiaire, on lui laissera le choix de la focalisation première en posant
des questions aussi neutres que possible. Le choix des mots peut en effet orienter
le registre exploré. Ainsi, des questions comme « Quel est ton ressenti ? Comment
as-tu vécu ta leçon ? » suscitent plutôt un épanchement, orientent vers le registre
émotionnel ; tandis qu’une question comme « Qu’as-tu pensé de ta leçon ? » suggère
davantage une évaluation cognitive. Par contre, une question comme « Sur quoi
souhaites-tu revenir d’abord ? » non seulement lui laisse le choix de l’objet (positif
ou négatif ; affectif ou cognitif…), mais centre d’emblée l’échange sur l’action qui
s’est déroulée.

Étape 2 : inviter à commenter l’observable


mis à disposition
Objectif spécifique : permettre au futur enseignant de prendre conscience de
son modèle opératif1 par l’accès à un observable sur sa pratique et une invitation
à la mettre en mots.
La composante « décrire » n’existe pas comme telle, car les deux membres du duo
(animateur et bénéficiaire) étaient présents au moment de l’action. C’est principa-
lement l’existence de l’observable qui remplit les fonctions de cette composante.
L’accès à l’observable et l’invitation faite au sujet de mettre des mots sur des élé-
ments de son vécu restés en partie implicites sont de nature à provoquer chez lui
une prise de conscience, en particulier quand la vidéo lui donne à voir son image.
Avec Vermersch (1994), nous considérons celle-ci comme un préalable à la démarche
de réflexion sur l’action.
Pour éviter le « choc autoscopique » en présence d’autrui, on laisse au bénéficiaire
la possibilité de regarder seul la vidéo dans un premier temps.
L’animateur rebondit sur les interventions du bénéficiaire en demandant des
précisions.

1. Pastré (2005, p. 232) définit comme « modèle opératif » du sujet la manière avec laquelle celui-ci
se représente la structure conceptuelle de la situation professionnelle qu’il a à gérer (c’est-à-dire tout
ce qu’il faut prendre en compte pour que l’action soit efficace) et selon laquelle il organise son acti-
vité. Pastré s’inspire de la notion de schème tel que décrit par Vergnaud (1996) incluant les invariants
opératoires (concepts et théorèmes en actes) qui définissent plus particulièrement la manière invariante
selon laquelle le sujet organise son activité.

Chapitre 3 Outils 51
Exemples
• Sur la base de traces telles que les prises de notes ou les grilles d’observation : « Quand tu dis que tu
leur as demandé de répondre à ta question, peux-tu préciser comment tu t’y es pris(e) ? Qu’est-ce que
tu leur as demandé ? Quelle question as-tu posée ?
• Sur la base d’un enregistrement vidéo de la pratique  : « Tu me dis que tu te diriges vers l’élève pour
voir s’il travaille bien…
− Qu’as-tu observé du travail de l’élève ?
− Qu’en as-tu pensé ?
− Que faisait-il à ce moment-là ?
− Qu’avait-il écrit sur sa feuille ? »

En suivant les indications formulées par Vermersch (1994), l’anima-


teur évitera les questions inductrices (par exemple « était-ce le bon
moment ? ») et les questions « Pourquoi ? », car celles-ci :
• orientent sur les raisons de l’action (plutôt que sur sa description), ce
qui induit un raisonnement incompatible avec la mémoire d’évocation que
Vermersch veut privilégier ;
• amènent à des rationalisations cognitives voire à des autojustifications,
conduites autodéfensives qui font obstacle à l’engagement dans un proces-
sus de changement.
Il utilisera plutôt des questions ouvertes, appelant à évoquer un vécu  : « Peux-tu
me relater le déroulement » ou « Qu’as-tu fait/pensé à ce moment-là ? », c’est-à-dire
des questions telles que : quoi, quand, où, comment ?

Étape 3 : ouvrir à d’autres interprétations


Objectifs spécifiques : élargir le registre interprétatif du sujet et favoriser la
décentration par la prise en compte d’autres points de vue possibles sur la situation.
Les éléments dont le bénéficiaire a pris conscience peuvent faire l’objet d’une ana-
lyse réflexive. Pour aider le bénéficiaire à se décentrer de son seul point de vue,
l’animateur l’invitera à prendre en considération d’autres éléments de la situation :
1. en pointant un observable qui mérite réflexion ;
2. en invitant à l’analyse ;
3. en apportant des éléments théoriques pour nourrir la réflexion.
Par la mise en évidence de liens entre différents épisodes analysés, l’animateur
peut susciter une démarche de généralisation d’actions qui ont eu un effet positif
(formation de concepts pragmatiques) ou l’élaboration d’hypothèses explicatives
porteuses dans le contexte analysé.

Étape 4 : susciter des décisions de régulation


Objectif spécifique  : engager le bénéficiaire dans un processus de change-
ment de l’action professionnelle.

52 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Dans ce but, l’animateur :
• propose de formuler des pistes d’action possibles en prenant en considé-
ration les analyses. Il s’agit de ne pas laisser le bénéficiaire seul avec la
nécessité de prendre des décisions de régulation ; il risquerait d’en retirer
un sentiment d’inutilité de l’entretien et peut-être même de l’analyse des
pratiques en général ;
• favorise la prise de décision en invitant le bénéficiaire à formuler des inten-
tions d’action et des moyens de les concrétiser ;
• négocie le moment et les modalités de la prochaine rencontre (observation
en contexte par l’animateur, centration éventuelle sur un objet précis, dis-
ponibilité pour un prochain ER) ;
• suscite la réflexion, lors d’un prochain entretien de régulation, sur le deve-
nir de ces intentions et les effets de leur concrétisation éventuelle dans le
contexte professionnel précis du bénéficiaire ;
• incite néanmoins à « se laisser surprendre » par la situation (Schön, 1983,
trad. 1994). En effet, la planification de pistes de régulation issues de l’ana-
lyse réflexive ne doit pas rendre imperméable au déroulement de la situation
et à ses imprévus. L’habitude prise d’évoquer précisément des éléments du
déroulement de l’action devrait favoriser cette sensibilité situationnelle.

Étape 5 : la clôture de l’entretien


Pour opérationnaliser le caractère cyclique du dispositif, l’animateur veil-
lera, tout au long de l’accompagnement, à :
• achever l’entretien de régulation par une synthèse des prises de décision ;
• revenir, lors de l’entretien de régulation suivant, sur ces prises de décision :
− soit d’emblée si le bénéficiaire ne met pas une préoccupation nouvelle
sur la table
− soit plus tard, après avoir donné l’occasion de travailler cette nouvelle
préoccupation.

Une structuration de l’entretien de régulation (ER) qui maximise les chances


d’atteindre les objectifs professionnels visés sans pour autant conduire à
une application rigide d’un canevas préétabli a été développée ci-dessus.
Cette structure est issue de l’observation, au fil des années, des tentatives
d’appropriation de ce type d’entretien par les futurs formateurs et des difficultés
qu’ils rencontrent dans sa conduite. Cette structure garantit à l’entretien de régula-
tion son caractère professionnel et le différencie d’une conversation du quotidien.
La gestion de l’entretien inscrite dans la dynamique des interactions est complexe
et comporte une part importante d’imprévus. Ainsi, l’animateur doit-il pouvoir alter-
ner souplement et à bon escient le recours aux différentes démarches de la super-
vision réflexive (inspirées de Schön, 1988 et exploitées dans une perspective de
didactique professionnelle) décrites ci-dessus comme « étapes », mais aussi pouvoir
gérer, sur le moment, les émotions qui peuvent surgir en relation avec un vécu,
celles du bénéficiaire et les siennes propres. Tout au long de l’entretien, il doit

Chapitre 3 Outils 53
pouvoir manifester une attitude de facilitateur bienveillant soutenant la motivation
et la prise de risque du bénéficiaire, renforçant le sentiment de contrôlabilité et
d’efficacité de ce dernier et ce, grâce à ses comportements verbaux et non verbaux.
La congruence entre ces deux canaux de communication nécessite tout un travail
sur soi et son propre corps.

Prolongements possibles de l’outil


La grille d’auto-évaluation
Il est intéressant de fournir ou de construire avec les participants une grille
d’auto-évaluation qui soutient la réflexion sur leur maîtrise progressive de ces
démarches. Elle mettra en regard des critères de qualité de chacune d’elles et des
pistes d’observation de leur évolution.

L’autoconfrontation accompagnée de traces vidéo


comme accès à la pensée dans l’action
Dans la variante de l’autoconfrontation accompagnée, les observables mis à
disposition sont uniquement des traces vidéo.
Cette variante part de l’hypothèse suivante. Les traces vidéo à disposition durant
l’entretien ne disent rien de la pensée dans l’action du sujet. Il est intéressant
d’accompagner le bénéficiaire dans la description de sa pensée dans l’action  : ce
qu’il voyait dans l’action, ce qui le préoccupait, comment il analysait la situation,
comment il a pris ses décisions au cours de son action professionnelle. Cette phase
de description constitue le cœur de cette variante. En effet, si le bénéficiaire
verbalise et prend en considération sa pensée et ses préoccupations lorsqu’il est
dans le feu de l’action, celles-ci alimenteront l’analyse de son action profession-
nelle. Ainsi, le bénéficiaire aura davantage de chance de formuler des pistes de
régulation qui tiennent compte de ce qu’il vit dans le feu de l’action et qu’il aura
ainsi probablement plus de chance de réussir à concrétiser. En outre, cet exercice
devrait permettre au bénéficiaire d’améliorer ses prises de décision dans le feu de
l’action.
Ici, la manière de donner l’initiative au bénéficiaire se concrétise dans le
choix des extraits soumis à la réflexion. En effet, c’est le bénéficiaire qui
interrompt la vidéo quand il le désire. Ce choix est guidé par l’expérience,
car nous avons constaté que lorsque l’animateur interrompt la vidéo à la
place du bénéficiaire, ce dernier essaie de deviner les motivations de son interlo-
cuteur plutôt que d’analyser et formuler des pistes de régulation de sa pratique.
Cependant, l’animateur peut dans un second temps, se donner l’opportunité d’ouvrir
la discussion sur un autre observable qui mérite réflexion.
Durant l’entretien, l’animateur essaie d’aider le bénéficiaire à différencier sa pensée
dans l’action de sa pensée durant la nouvelle expérience de l’entretien par des
questions explicites  : « C’est un élément que tu voyais à ce moment-là ou que tu
découvres en te regardant ? Qu’est-ce qui te préoccupait à ce moment-là ? ». Ensuite,
l’accompagnateur aide le bénéficiaire à enrichir la description de sa pensée dans
l’action grâce à la prise de distance de l’entretien : « Quand tu te vois, qu’est-ce qui

54 Comment soutenir la démarche réflexive ?


te préoccupe maintenant ? Que prends-tu en compte maintenant en te regardant,
que tu ne prenais pas en compte dans l’action ? » Il s’agit d’identifier la distance
ou la concordance plus ou moins importante entre la pensée dans l’action et les
analyses rendues possibles suite à la confrontation à son image.

Extrait
Exemple de verbatim issu d’un entretien :
Accompagnateur : « Tu entends ce qu’elle te dit quand elle te dit “c’est des dons” ? »
Bénéficiaire  : « Non, je n’écoute pas, j’étais en train de réfléchir à ce que j’allais dire, comment je vais
expliquer un subside, je me dis, je me rappelle même, je vais expliquer par rapport au sport ou quoi, voilà
des entreprises qui vont donner des sous à une équipe de basket et voilà ils ont leur nom sur le tee-shirt.
Je pensais à des trucs comme cela. »

Chapitre 3 Outils 55
3.3 Le groupe de codéveloppement
professionnel
Sephora Boucenna

Origine
La démarche présentée ci-après est développée depuis 1998 par l’équipe du
Département Éducation et Technologie (tant dans l’enseignement fondamental que
dans l’enseignement secondaire). Cet outil tel que formalisé dans les lignes sui-
vantes est le produit de plus de 600 séances animées par Sephora Boucenna avec
de futurs enseignants, des enseignants confirmés, des coordinateurs de branche,
des inspecteurs, des conseillers pédagogiques, des directions, mais aussi avec des
formateurs d’adultes dans divers secteurs ; des étudiants en promotion sociale, des
responsables de formation et encore d’autres publics.
Cet outil est largement inspiré du « Codéveloppement professionnel par le groupe
de pairs » développé par Adrien Payette et Claude Champagne (1997).
Ce qui définit en premier lieu le codéveloppement professionnel, c’est son caractère
social, c’est-à-dire cette volonté qu’ont les individus d’apprendre les uns des autres.
Payette et Champagne (1997) proposent la définition suivante : « Le groupe de codévelop-
pement professionnel est une approche de développement pour des personnes qui croient
pouvoir apprendre les unes des autres afin d’améliorer leur pratique. La réflexion effectuée,
individuellement et en groupe, est favorisée par un exercice structuré de consultation qui
porte sur des problématiques vécues actuellement par au moins un des participants. L’un
après l’autre, les participants prennent le rôle de personne qui propose le cas pour exposer
l’aspect de leur pratique qu’ils veulent améliorer, pendant que les autres agissent comme
consultants pour aider cette personne qui propose le cas à rendre sa pratique plus efficace
en enrichissant sa compréhension et en élargissant sa capacité d’action. »
Voici, par ailleurs, la définition proposée dans Boucenna, Charlier et Donnay (2007)  : « Le
groupe de codéveloppement par les pairs est une approche structurée de développement pour
les professionnels qui croient pouvoir apprendre les uns des autres afin d’améliorer leur pra-
tique. La réflexion effectuée individuellement et en groupe est favorisée par un exercice d’ana-
lyse qui porte sur des problématiques vécues actuellement par au moins un des participants. »

Public
Tous les professionnels, débutants ou experts.
Le groupe doit :
• avoir des centres d’intérêt communs (des objets de réflexion qui se rejoignent
comme l’éducation, la gestion, ou la qualité dans une organisation) ;
• être homogène dans sa composition hiérarchique (pas de composition
pluri-hiérarchique).

Contexte
Ce dispositif prend place dans le cadre d’une formation professionnelle,
tant en formation initiale que continue.

56 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Temporalité
Cette démarche peut constituer la seule et unique démarche d’un dispositif.
Elle ne s’inscrit pas dans une temporalité particulière. Les membres du groupe
peuvent se retrouver pour vivre cette démarche toutes les trois semaines.
Elle peut aussi ouvrir un cycle d’analyse de pratiques. C’est une modalité qui peut
contribuer à développer certains prérequis nécessaires à l’analyse des pratiques
professionnelles comme l’écoute et la problématisation.

Objectifs
Le codéveloppement pourrait s’affilier aux dispositifs de résolution de
problème. Sa méthodologie et l’usage qui est proposé l’affilient cependant aux
démarches d’analyse des pratiques professionnelles, même si l’analyse n’est jamais
exprimée explicitement et qu’un des premiers objectifs réside dans l’amélioration
de sa pratique professionnelle par la recherche d’efficacité et la recherche de
solutions à un problème ponctuel.
D’autres objectifs sont poursuivis au travers de ce dispositif, à savoir :
• l’élargissement de sa capacité d’action et de réflexion ;
• la réflexion sur sa propre pratique et sur ses modes d’apprentissage :
− ses propres grilles de lecture de la réalité ;
− ses répertoires d’action ;
− ses valeurs ;
− sa dynamique émotive ;
• la compréhension et la formalisation de ses propres modèles :
− une conscience plus claire de ses forces et de ses faiblesses ;
− une vision plus objective de ses a priori, de ses postulats et de ses préjugés.

Modalités
Matériau
Le matériau est un cas rapporté. C’est une situation professionnelle vécue
par un des participants (l’exposant) qui présente une difficulté ou qui l’amène à
se questionner sur les modes d’action à adopter. Ce dernier précise au groupe ce
qui lui pose question ou problème en définissant la nature de ses attentes par
une question qui induit l’action et non l’analyse.

Type de regroupement/configuration
La situation est retenue en séance en fonction de la dynamique de groupe
ou des intérêts manifestés pour un objet spécifique.

Chapitre 3 Outils 57
Type d’animation
L’animateur structure la séance et assure la qualité des échanges. Il conduit
la séance de codéveloppement professionnel en explicitant ou en rappelant au
début de chaque étape les actions attendues de chacun. Il remplit aussi la fonc-
tion de régulateur des échanges en répartissant les temps de parole, tout en
veillant au respect de l’intégrité de chacun des intervenants. Il est important de
préciser qu’il n’est pas analyseur et que ses interventions concernent l’aspect for-
mel de la séance uniquement. Il doit éviter de clôturer la séance en distribuant la
bonne parole et de proposer « ses propres solutions » au cas présenté. L’animateur
doit s’astreindre à ne pas participer au contenu de la séance et donc il ne doit
pas assumer une double casquette d’analyseur et d’animateur même si ce qui est
présenté par les participants va à l’encontre de ses convictions.
Les analyseurs, c’est-à-dire tous les autres membres du groupe à l’exception de
l’animateur et de l’exposant, remplissent leur rôle de consultants et tentent, en
collaboration avec l’exposant, d’apporter un regard différent sur la situation. La
multiplicité des angles de compréhension doit aboutir à la conception de pistes
d’action diversifiées et favorables à la résolution du problème présenté.

Description de l’outil
Le contrat de confiance
Pour pouvoir « se mettre sur l’ouvrage » et positionner la situation vécue
comme objet d’étude, un climat de confiance est nécessaire. Pour qu’il puisse se
construire, certaines conditions de fonctionnement du groupe sont à aménager.
Nous proposons à l’animateur d’utiliser le contrat de confiance proposé à la fin
de cet outil pour établir ce climat.
L’animateur veille à ce que chacun s’engage formellement à respecter les
clauses du contrat. S’il y a déficit de la confidentialité, du huis clos ou du
« non-jugement », cela annule l’exercice d’analyse et met les partenaires
en difficulté, voire en danger.

PROPOSITION D’UNE BASE DE CONTRAT DE CONFIANCE

Cette base est aménageable en fonction des propositions des membres


du groupe.
Pour que le groupe puisse s’engager dans une démarche d’analyse des pra-
tiques professionnelles, il faut à ses membres un contexte ressenti par  chacun
comme sécurisant. Pour permettre ce sentiment, les membres du groupe
s’engagent sur les points suivants :
1. « Arroser les fleurs et pas les mauvaises herbes »  : lorsqu’un membre du
groupe s’exprime, chacun l’écoutera avec un présupposé positif. On retien-
dra de cette parole ce qui nous permet de grandir, de nous développer,
de nous interroger. Le groupe n’est pas un espace qui cultive la polémique.

58 Comment soutenir la démarche réflexive ?


2. Lorsqu’un membre s’exprime, personne ne lui coupe la parole, chacun
l’écoute jusqu’au bout de son expression. Chacun évitera les apartés.
3. Le praticien n’exprime pas de jugement sur les faits relatés par l’autre,
ni sur ses gestes professionnels, ni sur sa posture, ni sur son identité
professionnelle, ni sur ses enjeux, ni sur ses valeurs…
4. Le praticien n’exprime pas de jugement sur les faits relatés par l’autre,
ni sur ses gestes professionnels, ni sur sa posture, ni sur son identité
professionnelle, ni sur ses enjeux, ni sur ses valeurs…
5. Le praticien en action est une personne unique dans une situation unique :
a) chaque personne est un tout que l’on ne doit réduire à aucune
de ses parties, si importante soit-elle ;
b) chaque personne est unique, chaque situation est unique et il ne faut
pas séparer la personne de sa situation ;
c) chaque personne est experte en ce qui concerne ce qu’elle vit. Elle est
la seule habilitée à juger de ce qu’il est possible d’expérimenter ou
non dans les situations professionnelles qu’elle vit. Chaque participant
(y compris soi-même) est un expert et un professionnel.
6. Chaque séance d’analyse des pratiques professionnelles se tient à huis
clos  : personne ne quitte la formation avant sa clôture et personne
n’entre en cours. Les portables (sauf cas de force majeure) sont éteints.
7. À tout moment de la formation, il est possible de demander un temps
méta (qui sera immédiatement effectif ou reporté ultérieurement si l’ani-
mateur évalue la nécessité de ne pas rompre une dynamique propre à une
activité).
8. La confidentialité : ce qui s’échange au sein de la formation ne s’exporte
pas (n’est pas rapporté) à des personnes étrangères à la formation.
9. L’animateur, tout comme l’ensemble des membres du groupe, s’assure
de l’application du présent contrat tout au long de la formation.

Étape 1 : description de la situation « problème »


L’exposant débute la séance en décrivant une situation problématique (au
sens large du terme, cela peut être un contenu matière pour lequel on ne voit pas
de dispositif pédagogique adapté, ou cela peut être un problème de gestion de
la communication dans la classe, ou encore une difficulté à motiver tel élève…)
pour laquelle il n’a pas trouvé de solution. La situation est réelle et non résolue.
Il peut s’aider des questions suivantes : quand ? où ? avec qui ? comment ? qui a
fait quoi ? Il décrit des faits et des émotions ressenties lors de l’incident. Il ter-
mine son récit en formulant une question problème (ou question de consultance).
Il s’agit bien de situer la difficulté dans un contexte, il ne s’agit en aucun cas
d’analyser, dans cette première phase, les événements.

Chapitre 3 Outils 59
L’exposant termine son récit en posant au groupe une question de « consultance »
qui appartiendra plus au registre du « comment faire » qu’au registre du « pourquoi
faire ».
Le travail de l’animateur sera de veiller à ce que le narrateur soit bien descriptif
dans sa démarche. Il le reprendra s’il le faut quand celui-ci se lance dans des
spéculations, des interprétations, des analyses. Il l’aidera à reformuler pour que
son récit demeure descriptif.
L’exposant fera uniquement référence à des faits et à ses propres émotions au
moment des faits.
Lors d’un premier contact, il convient de laisser l’exposant s’exprimer, même
s’il utilise le registre de l’interprétation, et de réguler après sa prise de parole.
L’exercice de parler de soi alors qu’on éprouve une difficulté est un exercice suf-
fisamment coûteux émotionnellement.
Les situations traitées correspondront à des situations réelles (elles ne peuvent
être des cas fictifs), elles seront ancrées temporellement (ce ne sont pas des
situations génériques) et elles ne sont pas encore résolues. Lorsque l’exposant
souhaite faire légitimer par le groupe ses propres choix d’action déjà entéri-
nés, cela met en péril la séance et empêche le groupe de monter en qualité de
réflexion, car il est alors concentré sur une activité polémique.
L’animateur veillera à ce que l’exposant ne pense pas à la place des autres ou n’inter-
prète pas les intentions et les sentiments des protagonistes de la situation décrite.

Étape 2 : questions de clarification


C’est lors de la deuxième étape que les analyseurs entrent en scène et
formulent des questions de clarification.
Les questions de clarification ne proposent pas d’interprétations déguisées ou de
jugements (comment gères-tu ton intolérance ?) ni de suggestions de solutions
(as-tu pensé à interpeller la direction ?), ni encore d’invitation à l’analyse (quel
lien identifies-tu entre son comportement et ses convictions ?). Ce seront des
questions ouvertes (la réponse est plus développée qu’un oui-non), plusieurs
propositions de réponses sont possibles.
Les questions visent à obtenir un maximum d’informations factuelles, c’est ce qui
constitue le matériau commun à l’ensemble des participants, contrairement aux
interprétations qui, elles, sont subjectives et donc spécifiques aux personnes qui
les formulent.
Chacun formule des questions qui sont de l’ordre du « comment » et pas du « pour-
quoi », pour faire expliciter ce qui est dit et pas ce que l’exposant aurait dû dire
ou faire. L’exposant répond aux questions et précise les faits.
L’animateur veille au caractère informatif des questions et les ajuste si nécessaire.
Il donnera, au moment de la consigne, des exemples décontextualisés de ques-
tions de clarification pour donner à voir aux participants ce qui est attendu d’eux.
L’animateur prendra bien soin de préciser son rôle de correcteur des questions
formulées. Cependant, lors des premières séances, il est important de laisser

60 Comment soutenir la démarche réflexive ?


passer certaines formulations autres que le format des questions de clarification
de manière à ne pas décourager les participants.
Il épuisera les questions en demandant aux analyseurs s’ils possèdent suffisam-
ment d’informations pour concevoir une nouvelle formulation de la question pro-
blème de même qu’un plan d’action.

Étape 3 : reformulation de la question problème


Une fois les questions de clarification épuisées, les participants sont invités à
reformuler la « question de consultance ». Cette étape a pour objectif d’amener l’expo-
sant à reformuler par la suite sa question problème. Elle est divisée en deux temps.
Les analyseurs sont invités à reformuler la « question de consultance ». Cette
nouvelle formulation traduit leur lecture et leur analyse de la situation décrite.
Chacun lit sa formulation de la question sans expliciter les théories sous-jacentes
(donc sans argumenter les choix de reformulation). Il termine sa lecture en pro-
duisant une version écrite à l’exposant. Plus il y a de reformulations différentes,
plus les perspectives sont nombreuses même si elles ne sont pas développées lors
de la séance de codéveloppement par le groupe de pairs.
L’exposant réunit les différentes formulations et, en retrait du groupe pendant cinq
à dix minutes, rédige une deuxième formulation de la question de consultance.
Cette dernière peut s’inspirer d’une ou de plusieurs des propositions faites par
les analyseurs. Elle peut aussi se transformer en une toute nouvelle formulation.
Enfin, elle peut également conserver sa forme initiale. Cependant, il faut veiller à
ce qu’il n’y ait qu’une seule question. La tentation est grande d’associer plusieurs
questions dans la perspective d’obtenir des pistes d’action diversifiées.
Cette dernière question de consultance est présentée au groupe, sans argumenter
le choix.
L’animateur doit veiller à ce que chacun lise à voix haute sa propre formulation
de la question problème et n’entre pas dans un exposé de ses propres théories.
L’animateur précise que le choix d’une nouvelle formulation de la question « pro-
blème » ne doit pas être influencé par les relations d’amitié ou d’inimitié entre
les membres de la séance, que le non-choix d’une formulation ne traduit pas une
absence de qualité, mais que l’exposant est le seul à même d’évaluer, en fonction
de son contexte, de ses compétences, des circonstances, de ses valeurs, ce qui
peut être envisagé.

Étape 4 : propositions de plans d’action


L’avant-dernière étape de la séance de codéveloppement professionnel vise
à amener l’exposant à concevoir un plan d’action qu’il expérimentera par la suite.
Cette étape se divise en deux temps :
• dans un premier temps, les analyseurs proposent chacun à l’exposant
un plan d’action qui répond à la dernière formulation par l’exposant de
la question problème. Ce plan d’action se présentera sous la forme la
plus pragmatique et la plus précise possible. On évitera de préférence

Chapitre 3 Outils 61
les expressions génériques (ils, ça, on, généreux, actifs…) et les plans
d’action utopiques ;
• dans un second temps, l’exposant, après avoir noté les plans d’action,
en rédigera un à son tour et le communiquera au groupe (toujours sans
commentaires). Ce plan d’action se doit d’être réaliste et réalisable par
la personne qui le propose tout en conservant un caractère dynamique,
à savoir la possibilité de le compléter ou de le modifier en fonction des
besoins et des circonstances.
L’exposant s’engage à informer les participants de la suite des événements, lors
de la séance suivante, en décrivant la dernière version de son plan d’action et en
présentant les résultats observés sur le terrain suite à l’application de ce même
plan d’action.
L’animateur invitera à la concision et évitera les débats idéologiques. Il
précisera le caractère pratique et concret des plans d’action. Enfin, il
invitera les participants à être les plus précis possible.

Étape 5 : bilan des apprentissages


La dernière étape de la séance de codéveloppement professionnel, et non
la moindre, permet d’établir un bilan. L’exposant, puis les analyseurs sont amenés
à exprimer ce qu’ils retiennent de l’exercice en termes :
• de contenus propres à la situation professionnelle étudiée ;
• de démarche vécue.

La séance est clôturée par la désignation du prochain exposant.

62 Comment soutenir la démarche réflexive ?


3.4 Démarche d’Analyse
en Groupe à partir des Natures
d’Enjeux – DAGNEA
Grille inspirée des travaux d’Ardoino sur les niveaux d’analyse
Sephora Boucenna

Origine
La démarche présentée ci-après est développée depuis 2005, à la demande
d’une équipe d’enseignants du supérieur issus de différents établissements mais
intervenant ensemble dans un programme de maintien dans la scolarisation et de
réorientation des étudiants. Cette équipe souffrait d’une absence de gouvernance
et voulait en comprendre les raisons. Cette démarche a été ensuite réinvestie et
proposée pour divers publics dont des enseignants du secondaire, du supérieur, des
coordinateurs de branche, des conseillers pédagogiques, des directions, mais aussi
des formateurs d’adultes dans divers secteurs. Cette démarche est née du besoin
reconnu chez les acteurs de l’éducation d’identifier, lors de séances d’analyse des
pratiques professionnelles, les enjeux présents dans une situation professionnelle
vécue comme présentant des difficultés.
Dans ses modalités, le DAGNEA s’inspire de démarches telles que le codéveloppement
professionnel de Payette et Champagne (1997) ou le GEASE développé par Fumat,
Vincens et Étienne (2003). Cependant, contrairement à ces dispositifs qui invitent
les participants à explorer des grilles d’analyse plus variées et à explorer la multiréférencia-
lité, le DAGNEA propose à l’ensemble des participants une même grille d’analyse : les natures
d’enjeux. Cette dernière s’inspire du travail de Jacques Ardoino (1980) qui propose d’analyser
une situation à partir des différents niveaux d’analyse. Ce protocole détourne les cinq niveaux
d’analyse d’une situation pour en faire cinq natures d’enjeux (individuel, interpersonnel,
groupal, organisationnel et institutionnel).

Public
Tous les professionnels, débutants ou experts.
Le groupe présente les caractéristiques d’un groupe d’analyse des pratiques profes-
sionnelles. Les membres du groupe doivent connaitre les intentions bienveillantes
de chacun. Une composition homogène en termes de niveaux hiérarchiques consti-
tue un facteur de facilitation.

Contexte
Ce dispositif prend place dans le cadre d’une formation professionnelle, tant
en formation initiale que continue. Mais si elle s’adresse à des débutants, ceux-ci
doivent avoir vécu au minimum un stage de pratique professionnelle.
Ce dispositif peut aussi intervenir alors qu’une équipe ressent le besoin d’analyser
ce qui se joue en son sein et qui amène des dysfonctionnements vécus comme
pénibles par plusieurs personnes.

Chapitre 3 Outils 63
Temporalité
Cette démarche peut constituer la seule et unique démarche d’un dispositif
comme elle peut s’insérer dans un ensemble de démarches d’analyse de pratiques
professionnelles variées. Elle ne s’inscrit pas dans une temporalité particulière. Les
membres du groupe peuvent se retrouver toutes les trois semaines par exemple.

Objectifs
Le DAGNEA est une démarche qui vise à permettre à des professionnels
d’analyser leurs pratiques professionnelles. Il est bien question d’intelligibilité, de
compréhension de soi et de l’environnement dans lequel chacun évolue et des
interactions entre soi et ce même environnement. La grille de lecture privilégiée
est celle des enjeux qu’on va pouvoir identifier à différents niveaux.
La compréhension de ce qui se vit et des enjeux de natures différentes présents
et portés par les acteurs impliqués dans la situation peut aboutir à l’élaboration
de pistes d’actions. Mais ceci n’est pas prioritaire. C’est une étape complémentaire
possible.
Enfin, le DAGNEA permet la construction d’une grille de compréhension commune à
l’ensemble des membres du groupe d’analyse des pratiques professionnelles.

Modalités
Matériau
Le matériau est un cas rapporté. C’est une situation professionnelle vécue par
un des participants (l’exposant), voire par plusieurs participants impliqués dans la
même situation professionnelle, qui est présentée. Cette situation contient :
• soit une difficulté ou un questionnement sur les modes d’action à adopter.
L’exposant précise au groupe ce qui lui pose question ou problème en définissant
la nature de ses attentes par une question qui induit l’action et non l’analyse ;
• soit une satisfaction liée à un vécu connoté positivement.

Type de regroupement
La situation peut être retenue en séance en fonction de critères d’urgence
ou d’intérêt pour les participants.
Elle peut aussi être préparée par une ou plusieurs personnes impliquées dans la
même situation.

Type d’animation
L’animateur structure la séance et assure la qualité des échanges. Il conduit
la séance de DAGNEA en explicitant ou en rappelant au début de chaque étape les
actions attendues de chacun. Il remplit aussi la fonction de régulateur des échanges
en répartissant les temps de parole, tout en veillant au respect de l’intégrité et de
la sécurité de chacun des participants.

64 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Il peut aussi intervenir comme analyseur si ses hypothèses ne sont pas proposées
par un membre du groupe. Cependant, son attention première se portera sur la
qualité des interactions de manière à ce que l’environnement soit favorable à la
construction d’une analyse, exercice souvent inédit.
Il structure les échanges de manière à ce que le groupe produise collégialement
l’analyse.
Si dans ce dispositif, il y a bien un exposant (ou plusieurs exposants) et des analy-
seurs, tous les membres du groupe sont invités à réaliser l’ensemble des démarches
d’analyse.
La multiplicité des angles de compréhension peut aboutir à la conception de pistes
d’action favorables à la résolution du problème présenté (si la situation présente
des difficultés pour l’exposant et que ces difficultés n’ont pas été résolues).

Description de l’outil
Le contrat de confiance
Pour pouvoir « se mettre sur l’ouvrage » et positionner la situation vécue
comme objet d’étude, un climat de confiance est nécessaire. Pour qu’il puisse se
construire, certaines formes d’interactions doivent pouvoir être discutées en groupe,
de manière à ce que chacun se sente suffisamment en confiance que pour oser
l’expérience de l’analyse et de l’intelligibilité.
Nous proposons à l’animateur d’utiliser le contrat de confiance proposé dans
l’outil « codéveloppement professionnel ». Cependant, un tel contrat peut ne pas
suffire à établir ce climat de confiance. Un vécu préalable permettant d’asseoir
cette confiance peut s’imposer dans certains groupes. Le contrat peut aussi être
élaboré collégialement lors de la séance d’analyse des pratiques professionnelles.
L’animateur peut inviter les participants à exprimer sur un post-it deux idées
relatives aux conditions interactionnelles pour qu’ils se sentent en confiance.
Chacune de ces idées est validée par les autres membres du groupe ou discutées.
À l’issue du partage des propositions, celles retenues sont affichées durant toute
la séance.
L’animateur veille à ce que chacun s’engage formellement à respecter les
clauses du contrat. S’il y a déficit de la confidentialité, du huis clos ou du
« non-jugement », cela annule l’exercice d’analyse et met les partenaires
en difficulté, voire en danger.

Étape 1 : description de la situation « problème »


ou qui interroge
L’exposant (ou les exposants) débute la séance en décrivant une situation
professionnelle qu’il souhaite analyser à la lumière des cinq enjeux issus de la grille
d’Ardoino et repris dans le schéma ci-dessous, pour laquelle il n’a pas trouvé de
solution. La situation est réelle.
Il peut s’aider des questions suivantes : quand ? où ? avec qui ? comment ? qui a fait
quoi ? Il décrit des faits et des émotions ressenties lors de l’incident.

Chapitre 3 Outils 65
L’exposant n’est pas interrompu lors de cette première étape. Les autres participants
écoutent.
Le travail de l’animateur ne consistera pas à veiller à ce que le narrateur soit bien
descriptif dans sa démarche, il n’alertera pas le groupe sur les parties du discours
qui relèvent du jugement ou de l’interprétation, il précisera que l’ensemble du
discours de l’exposant constitue le matériau de l’analyse, même si ce dernier n’est
pas invité à le faire.
L’exposant reçoit la consigne de présenter des faits et ses propres émotions au
moment des faits s’il le veut.
Les situations traitées correspondront à des situations réelles (cela ne peut pas
être des cas fictifs), elles seront ancrées temporellement (ce ne sont pas des cas
généraux) et elles sont vécues à la première personne (vécue par l’exposant).

Étape 2 : questions de clarification


C’est lors de la deuxième étape que les analyseurs entrent en scène et for-
mulent des questions de clarification.
Les questions ne proposent pas d’interprétations déguisées ou de jugements
(comment gères-tu ton intolérance ?) ni de suggestions de solutions (as-tu pensé
à interpeller la direction ?). Les questions ouvertes seront privilégiées (questions
où il ne faut pas répondre par oui-non, ce sont des questions avec plusieurs pro-
positions de réponses).
Les questions visent à obtenir un maximum d’informations factuelles, c’est le bien
commun à l’ensemble des participants, contrairement aux interprétations qui, elles,
sont subjectives.
Chacun formule des questions de l’ordre du « comment » et non pas du « pour-
quoi », pour faire expliciter ce qui est dit et pas ce que l’exposant aurait dû dire
ou faire.
L’exposant répond aux questions et précise les faits.
L’animateur veille au caractère informatif des questions et les ajuste si nécessaire.
Il donnera, au moment de la consigne, des exemples décontextualisés de questions
de clarification.
L’animateur prendra bien soin de préciser son rôle de correcteur des questions
formulées.
L’animateur épuisera les questions en demandant aux analyseurs s’ils possèdent
suffisamment d’informations pour concevoir une nouvelle formulation de la question
problème de même qu’un plan d’action.

Étape 3 : analyse individuelle des enjeux


Après avoir pris connaissance, ou après s’être rappelé, la grille des enjeux
(proposée en fin de cet outil), chacun (tous les analyseurs, mais aussi l’exposant et
l’animateur) s’attèle à repérer les enjeux de différentes natures pour les différents
acteurs et les liens qui existent entre ces différents enjeux. Il n’est pas question

66 Comment soutenir la démarche réflexive ?


de formuler pour chaque acteur, impliqué dans la situation évoquée, toutes les
natures d’enjeux qu’il porterait. Il est plus question de nommer, selon leur nature,
les enjeux identifiés. Il est important de préciser aussi que les enjeux n’existent
pas en dehors des acteurs qui les portent. Les acteurs de la situation sont porteurs
d’enjeux individuellement ou collectivement. Dans ce dernier cas, il faut identifier
chaque acteur constituant le collectif. Les acteurs génériques ou abstraits ne sont
pas convoqués dans l’analyse. Par exemple, on ne pourra pas dire que « la hiérarchie
est porteuse d’un enjeu institutionnel ». Il faudra toujours préciser quels sont les
acteurs qui composent la hiérarchie et démontrer en s’appuyant sur le matériau la
légitimité de l’inférence produite par l’analyseur.

Étape 4 : mise en commun des analyses et


construction d’un schéma d’analyse collectif
L’animateur invite chacun à présenter au groupe son analyse sur le prin-
cipe de non-redondance. Ce principe implique que le second participant amené à
présenter son analyse ne répète pas au groupe ce qui est similaire à l’analyse du
premier participant s’étant exprimé et ainsi de suite. Il en résulte que certains
participants peuvent se retrouver dans la situation où ils n’ont plus besoin de
s’exprimer, car l’ensemble de leur analyse est déjà présenté. L’animateur veil-
lera, cependant, à vérifier que chacun ait l’occasion d’exprimer son analyse, car
chaque analyse peut apporter des nuances qui pourraient bouleverser l’ensemble
de l’analyse.
Chaque élément présenté est discuté en groupe pour repérer des convergences ou
des divergences entre les analyses. S’il y a divergence, chacun argumente son pro-
pos en s’appuyant sur les faits énoncés par l’exposant.
Il s’agit ensuite de repérer combien les différents enjeux portés par les acteurs de
la situation convergent ou s’opposent. Parfois, des enjeux de natures différentes
portés par un même acteur peuvent s’opposer et parfois des enjeux de natures
différentes et portés par plusieurs acteurs peuvent converger.
L’animateur note au tableau, au fur et à mesure des présentations, les enjeux et
les liens entre ces enjeux et réalise un schéma intégrateur.

Étape 5 : propositions de plans d’action


S’il reste du temps (envisager trois heures pour une séance de DAGNEA) et
si la situation présentée était problématique, l’avant-dernière étape invite chacun
à concevoir un plan d’action en termes opérationnels, réaliste et réalisable. Ce plan
d’action s’inspire des produits de l’analyse, c’est-à-dire des différents enjeux portés
par les acteurs et leurs relations.
Chacun lit son plan d’action. Les autres participants écoutent sans entrer dans
un débat idéologique ni dans une évaluation des plans d’action des uns et des
autres.
L’animateur invitera à la concision et évitera les débats idéologiques. Il pré-
cisera le caractère pratique et concret des plans d’action. Enfin, il invitera
les participants à être les plus précis possible.

Chapitre 3 Outils 67
Étape 6 : les bilans
La dernière étape invite chacun à établir un triple bilan. L’exposant puis les
analyseurs sont amenés à exprimer ce qu’ils retiennent de l’exercice en termes :
• de contenu propre à la situation analysée ;
• de démarche vécue lors de la séance ;
• de modes de traitements personnels des contenus de la situation de même
que de ses propres modes interactionnels observés lors de la séance, en
lien avec les contenus de la séance ou avec les étapes de la démarche
vécue.

68 Comment soutenir la démarche réflexive ?


3.5 L’analyse de cas vidéo
Une démarche méthodologique pour réfléchir sur sa pratique

Jacqueline Beckers et Nathalie François

Origine
Dans les formations professionnalisantes (préparation à divers métiers de
l’interaction humaine) gérées par l’équipe PERF de l’Université de Liège, les sup-
ports audiovisuels sont couramment exploités, car ils rendent mieux compte de la
complexité des interactions verbales et non verbales que les descriptions écrites de
cas. Ce matériau est d’autant plus précieux que, dans certains métiers, l’observa-
tion de professionnels en activité sur le terrain ou de bénéficiaires peut poser des
problèmes d’ordre organisationnel ou éthique.
La transposition didactique de cet outil a été travaillée :
• avec des futurs agrégés en psychologie et sciences de l’éducation suscep-
tibles d’être enseignants dans des sections qualifiantes du secteur 8 (futur.e.s
agents d’éducation, puériculteurs, animateurs-trices, aides-soignants, aides
familiales). Elle a pris la forme de préparations et de microenseignements
préparatoires aux deux stages menés par ces agrégés dans ces sections ;
• dans des formations continues de métiers de service, par exemple avec des
puéricultrices.

Public
Des futurs professionnels (FP), par exemple pour la préparation aux stages.
Des professionnels de terrain (P) en fonction lors de formations continuées.

Objectifs
L’exploitation d’un matériel audiovisuel est mise au service de l’un et/ou
l’autre des objectifs suivants :
• observer des professionnels en activité pour repérer des critères de qualité
de l’action professionnelle ou pour analyser les difficultés qui peuvent appa-
raître dans l’action ;
• apprendre à observer des bénéficiaires afin d’orienter l’action professionnelle
(des élèves pour les enseignants, des bébés pour les puéricultrices, des enfants
ou des jeunes pour des éducateurs, des personnes âgées pour des aides fami-
liales ou aides-soignantes…).

Modalités
Matériau
La présentation du cas prend la forme d’un film cinéma/vidéo présentant la
situation professionnelle.

Chapitre 3 Outils 69
Les cas vidéo peuvent être d’origines différentes :
• un documentaire ou un film mettant en scène un professionnel en action ;
• une vidéo d’un professionnel ou futur professionnel filmé en situation réelle
par le formateur ;
• un documentaire ou un film mettant en scène un ou plusieurs bénéficiaires.

Type d’animation
En fonction de l’objectif poursuivi, l’animation pourra comporter une phase
individuelle ou en sous-groupes ; le dispositif comporte toujours une discussion
collective.

Description de l’outil

Étape 1 : contextualisation de l’extrait, consignes


et visionnement
Quelle que soit sa nature (documentaire, extrait de film ou vidéo réalisée par
le formateur), l’extrait est contextualisé par l’animateur avant sa diffusion (sujets,
lieu, moment…).
Ensuite, des consignes d’observation sont données aux participants pour leur per-
mettre de décrire ce qu’ils voient. Les types de consignes/questions respectent les
vigilances décrites dans la composante « Décrire ».

Situation 1
Lors de l’exploitation de divers documents avec de futurs enseignants (film
« Entre les murs », documentaire « L’envers du tableau  : pile profs, face élèves »
France 2, vidéos de futurs enseignants lors de stages), des questions à visée des-
criptive sont posées à l’ensemble du groupe afin de guider la discussion à venir.
Exemples : quels sont les comportements du professionnel ? Quels sont les compor-
tements du bénéficiaire ? Quelles sont les réactions du professionnel ?

Situation 2
Une question plus ciblée sur une thématique spécifique oriente l’observation
de l’extrait.
Par exemple, en fonction du public auquel ils s’adresseront dans leur prochain stage,
les futurs enseignants sont répartis en sous-groupes. Chaque sous-groupe exploite
une vidéo mettant en scène des manifestations agressives de la part de bénéficiaires
(des adolescents pour un public de futurs enseignants du secondaire, des jeunes
enfants pour un public d’instituteurs, etc.). La consigne précise d’observer comment
le professionnel gère les manifestations agressives du ou des bénéficiaires.

Situation 3
L’observation se centre sur un ou des bénéficiaires et pas sur un professionnel.

70 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Cette étape donne à voir une situation. Des questions de clarification par rapport
au contexte peuvent éventuellement être posées par les participants avant ou après
l’extrait.

Étape 2 : discussion en groupe


Chaque participant doit se positionner sur ce qui peut poser problème
à ses yeux et ensuite analyser le cas et réfléchir à des prises de décision.
Collectivement, les participants confrontent leurs éléments d’analyse. (Attention :
l’objectif n’est pas d’arriver à un consensus général, mais de susciter la réflexion
des participants.)
Dans la situation 1, l’animateur veille à orienter les discussions afin d’aborder dif-
férentes facettes du métier :
• les actes du professionnel ;
• les attitudes ;
• la distance professionnelle ;
• les réactions observées chez les bénéficiaires ;
• les hypothèses sur les conséquences possibles des actes et attitudes observés
chez le professionnel, même si elles ne sont pas observables sur l’extrait.

Dans la situation 2, l’animateur oriente la discussion sur la question cible. La


multiplication des contextes se prête particulièrement bien à une identification,
par-delà les variations contextuelles, des éléments invariants relatifs à une même
famille de tâches, dans notre exemple, la gestion de manifestations agressives chez
des bénéficiaires.
Dans la situation 3, le bénéficiaire est observé, ses actions sont analysées afin de
pouvoir en tirer des conséquences pour la pratique professionnelle.

Étape 3 : réflexion sur des pistes d’action future


Lors de la mise en commun, le formateur fait apparaître les divergences
et les convergences des différentes analyses et solutions afin d’attirer l’attention
des participants sur le fait qu’une situation peut provoquer des réactions et des
points de vue différents. Ceux-ci sont mis en perspective à la lumière des buts
prioritaires du métier. L’animateur synthétise ce que le groupe retient des diffé-
rentes analyses.

Chapitre 3 Outils 71
3.6 Analyse par problème en groupe
Sandrine Biémar

Origine
Ce dispositif a été conçu, formalisé et mis en œuvre par l’équipe de l’Univer-
sité de Namur dans le cadre du programme de formation initiale des enseignants du
secondaire supérieur (master didactique, agrégation). Il s’inspire des dispositifs de
résolution de problèmes proposés dans l’enseignement supérieur (Galand et Frenay,
2005).
Il part du constat que les étudiants arrivent avec un bagage disciplinaire
assez important en sciences, mathématiques ou sciences de gestion sans avoir
conscience que les champs des sciences humaines, et des sciences de l’éducation
en particulier, regorgent également de ressources théoriques sur les démarches
d’apprentissage, la motivation, la gestion de la classe,  etc. Certains étudiants
semblent accorder moins de valeur à ces savoirs théoriques et ne les réinves-
tissent pas dans leurs pratiques.
Pour pallier cela, les formateurs ont élaboré un dispositif qui pousse les étudiants
à faire des liens explicites entre la théorie vue au cours et la pratique enseignante
et ainsi, à affiner leur compréhension des situations pédagogiques.
L’équipe prend appui sur les écrits de Schön (1994), Paquay, Altet, Charlier et
Perrenoud (2001), Kelchtermans (2001), Beckers et al. (2002), Barbier (2004), pour
considérer que le professionnel développe ses compétences par l’action et la
réflexion sur l’action. Par ailleurs, elle a pu identifier les particularités des dispositifs pro-
fessionnalisants mis en évidence par Paquay et Beckers (2002) ainsi que Barbier (2004)
comme la prise en compte de la complexité des situations travaillées, la proximité avec le
contexte professionnel. En outre, dans la mouvance socioconstructiviste du soutien à l’ap-
prentissage, de nombreux dispositifs intégrant l’analyse par problèmes sont développés dans
l’enseignement supérieur (Galand, 2005 ; Leclercq, 2016).
L’enjeu de cette pratique pédagogique est de former des professionnels à un mode de
questionnement expert qui les aide à apporter des éléments de réponse à des problèmes
complexes, proches de leur vie professionnelle future. Par exemple, en Faculté de Médecine,
le cas d’un patient leur est soumis. Ils doivent ensuite, en groupe, identifier, rassembler les
ressources et les utiliser pour élaborer des réponses. Notre originalité est de proposer ce
type d’activités en formation pédagogique.

Public
Les séances d’Apprentissage Par Problème (APP) sont proposées aux étu-
diants en formation initiale d’enseignants.

Contexte
Il prend place dans la formation initiale des enseignants du secondaire
supérieur.
Un problème est traité en quatre heures de cours. Plusieurs séances d’APP sont
organisées au fil de l’année académique.

72 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Objectifs
L’objectif poursuivi par ce dispositif est de favoriser chez les futurs ensei-
gnants le recours à des théories ou modèles pédagogiques pour concevoir, analyser
et réguler des situations d’enseignement.
Pour ce faire, le dispositif propose aux futurs enseignants un questionnement péda-
gogique et didactique tout en les familiarisant à des ressources psychopédagogiques
existantes. Il les invite à entrer dans une démarche d’analyse et de recherche péda-
gogique où ils seront amenés à dépasser leurs interprétations a priori.
Il s’agit, pour ces futurs enseignants, de vivre une démarche d’analyse de problèmes
en groupe et ainsi :
• de prendre conscience de leurs implicites et de leurs impacts dans une ana-
lyse « interprétative » ;
• d’expérimenter une démarche d’analyse d’une situation professionnelle et
d’en identifier les étapes spécifiques ;
• d’expérimenter le travail en groupe ;
• de construire des liens entre la théorie et la pratique ;
• de prendre appui sur les analyses réalisées pour proposer des pistes d’action
étayées par la littérature pédagogique et les mettre en place en classe et/
ou dans l’école.

Modalités
Matériau
Une situation problématique authentique issue du monde de l’enseignement
est présentée aux étudiants sous forme écrite ou par vidéo. Il peut s’agir d’une situa-
tion de classe où des élèves refusent de travailler ou encore d’une situation de conseil
de classe où les enseignants discutent du cas d’un élève. Ce sont là des thématiques
qui seront abordées en parallèle ou par la suite lors des cours théoriques portant sur
la motivation, l’évaluation ou encore la gestion de la discipline.
Une personne externe au groupe d’étudiants (un chercheur, un assistant, un
formateur, un enseignant) est désignée comme tuteur pour accompagner
chaque groupe dans la démarche. Il remplit la fonction de garant du dis-
positif d’analyse. Il explicite les différentes étapes, pose des questions
de clarification, veille à la répartition des rôles,  etc. Il se positionne en
accompagnateur. Il se met au service du projet des étudiants en s’adaptant à leurs
besoins et veille à ce que le groupe prenne son autonomie.
Le rôle de tuteur ne s’improvise pas. Une formation est organisée pour les sensi-
biliser à ce rôle et leur donner des balises pour agir. Un carnet de bord du tuteur
est mis à leur disposition. Il reprend des états de vigilance, propose des questions
à poser aux différentes étapes, etc.
La présence d’un tuteur n’est pas toujours indispensable et dépend des ressources
humaines à disposition. Les groupes peuvent aussi travailler de manière autonome.

Chapitre 3 Outils 73
Néanmoins, ce travail en autonomie ne s’improvise pas. Il est important de sensibi-
liser les étudiants à la démarche d’analyse et aux spécificités du travail de groupe,
soit par des séances de sensibilisation, de formation ou par le biais d’un carnet de
bord ou d’un guide d’usage soutenant la démarche.
Plusieurs cas étant traités au cours de la formation, une progressivité est mise en
place :
• au niveau des ressources à disposition  : lors du premier cas, des porte-
feuilles de lectures reprenant des articles variés, dans le champ de la
pédagogie et de la psychologie, sont mis à la disposition des étudiants. Par
la suite, les étudiants sont invités à rechercher les ressources de manière
autonome (recherche en bibliothèque, via Internet,  etc.). Une liste des
sites intéressants ainsi que des noms de revues sont mis à leur disposition ;
• au niveau du cas à traiter  : les deux premiers cas présentent des situa-
tions authentiques rapportées et tous les groupes travaillent à partir de
la même situation. Pour le troisième cas, les étudiants sont invités à faire
un choix entre trois situations. Ce choix fait l’objet de discussions au sein
du groupe pour que tous soient en phase avec le cas traité. Ces situations
sont externes à l’étudiant. Cette approche semble plus sécurisante, dans
un premier temps. Par la suite, il est proposé aux étudiants de travailler à
partir de situations personnelles. Un membre du groupe peut ainsi apporter
une situation problématique qui sera analysée avec son groupe ;
• concernant l’intervention du tuteur  : son rôle est capital lors de l’analyse
du premier cas. C’est lui qui va rappeler la démarche, expliciter les étapes
et être le gérant du processus. Par la suite, son intervention est négociée
avec les étudiants en fonction de leurs besoins. Il peut ainsi ne participer
qu’à une partie des séances ou lors de certaines étapes. L’idée est de per-
mettre au groupe de prendre progressivement son autonomie dans l’analyse
du problème.

Type de regroupement
Les étudiants sont répartis par sous-groupes de cinq. Chaque sous-groupe
reste inchangé pour l’ensemble des cas travaillés. Un tuteur accompagne chaque
groupe.
Le travail en groupe constitue une expérience d’apprentissage collaboratif. La
confrontation des points de vue est propice aux conflits sociocognitifs. De plus,
chacun apprend à se positionner au sein d’un groupe d’apprentissage. Ce type de
travail nécessite de sensibiliser voire préparer les étudiants au travail en groupe.
Dans notre cas, nous organisons des séances de formation, car apprendre en équipe,
ça s’apprend.

Type d’animation
Les étudiants expérimentent une démarche d’analyse qui les pousse à dépas-
ser leurs premières interprétations et à aller voir du côté des savoirs plus stan-
dardisés dans les champs de la psychologie, de la pédagogie, de la sociologie,

74 Comment soutenir la démarche réflexive ?


pour éclairer leur analyse de la situation. Cette procédure cadrée soutient une
mise en lien explicite entre la pratique et la théorie. En outre, nous pensons
qu’elle constitue un outil professionnel à part entière pour un enseignant amené à
gérer des situations complexes au quotidien. Le dispositif s’articule autour de huit
étapes. Elles sont reprises dans un carnet de bord. Chaque secrétaire du groupe
est chargé de conserver les traces des apports et réflexions menées aux différentes
étapes. Toutes les étapes sont réalisées au sein du groupe, excepté l’étape  5 qui
est individuelle.
Au terme de la démarche, il est intéressant, voire utile, de proposer un temps de
prise de recul par rapport à l’analyse de cas réalisée, à la démarche ou au fonc-
tionnement du groupe.
• Prise de recul par rapport à l’analyse de cas :
− en collectif. Après le premier cas, nous présentons, à titre d’exemple,
trois analyses possibles du cas proposé. Les étudiants ont ainsi la pos-
sibilité de mieux comprendre les objectifs de la démarche et sa spéci-
ficité. Ils prennent conscience que plusieurs angles d’entrée d’un même
problème sont possibles et qu’ils amènent chacun à des analyses et des
pistes de solutions différentes tout en étant complémentaires ;
− par groupe. Au terme du cas, le groupe remet le carnet de bord
dans lequel il a rédigé ses analyses, la synthèse des ressources, les
pistes, etc. Ce dernier est lu et fait l’objet d’un feed-back au niveau de
la cohérence de l’analyse, des thèmes traités, des ressources utilisées,
de  l’analyse réalisée et des pistes proposées. C’est souvent l’occasion
pour les étudiants de bien comprendre les spécificités de chaque étape
en regard de ce qu’ils ont réalisé et de veiller à la lisibilité de leurs
réflexions.
• Prise de recul par rapport au fonctionnement du groupe
Ce temps est une opportunité pour l’étudiant d’identifier comment il se positionne
au sein d’un collectif, ses ressources ainsi que les aspects à développer. Le tuteur,
lorsqu’il est présent, peut aider les étudiants à exprimer leurs vécus par rapport à
cette pratique.
Plusieurs outils peuvent soutenir les échanges :
• un outil d’évaluation sous forme de schéma. Ce support soutient les échanges
par rapport au mode de fonctionnement du groupe ;
• des questions ciblées sur le ressenti, l’efficacité du travail, la place de cha-
cun. Les étudiants y répondent individuellement. Cela peut ensuite servir de
base à un échange entre les membres du groupe.
Ces échanges amènent les étudiants à réfléchir aux rôles adoptés par les uns et les
autres au cours des séances. C’est souvent l’occasion de régulations progressives.
• Prise de recul par rapport au travail réalisé par chaque groupe.
Pour le troisième cas, un choix entre plusieurs cas est proposé aux étudiants. Tous
les groupes ne travaillent plus sur le même cas. Dès lors, nous prévoyons un temps
de partage sous forme d’une « séance posters » pour permettre aux groupes de

Chapitre 3 Outils 75
découvrir les autres cas ainsi que d’autres manières d’analyser le même cas. Chaque
groupe présente la démarche d’analyse sur un poster qui est exposé et présenté aux
autres groupes. Des discussions peuvent être amorcées sur les différentes manières
d’analyser un même problème :
• le problème considéré ;
• les interprétations réalisées ;
• les ressources utilisées.

76 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Description de l’outil
Étapes Consigne Action des participants Actions du tuteur
Organisation Lors de cette première étape, il s’agit Les étudiants planifient leurs rencontres. Le tuteur rappelle l’importance
et distribution de prendre connaissance de l’organisation Ils définissent un mode de fonctionnement de cette étape.
des rôles des séances d’APP, de planifier leur en équipe et se distribuent les rôles.
déroulement et d’attribuer les différents
rôles à jouer (secrétaire, animateur,
scribe, etc.) qui faciliteront le travail.
Description Après avoir pris connaissance de la Les participants prennent connaissance d’un cas Le tuteur veille à ce que les
et clarification situation présentée (écrite ou vidéo), problématique à partir d’un support écrit ou vidéo. questions soient des questions
un temps est dédié à clarifier les termes Ils sont invités à poser des questions de clarification. Plus de l’ordre
utilisés. Il ne s’agit pas de définir des de clarification au tuteur pour s’assurer de la description que de
concepts théoriques, mais bien de vérifier de leur compréhension du cas. l’interprétation.
que les participants sont au clair avec
les mots.
Identification du/ Il s’agit de définir le ou les problèmes Les étudiants réalisent une première analyse Le tuteur veille à ce que chacun
des problèmes qui émergent de la situation et d’en du problème à partir de leurs idées, de leurs s’exprime en son nom : « Moi, je
et interprétation faire une première interprétation interprétations personnelles (basées sur leurs pense que… ». Les réponses à la
personnelle personnelle. Cela revient à répondre connaissances antérieures, leurs valeurs propres question « Comment expliquons-
à la question : « Comment expliquons- et leur identité professionnelle). Toutes les nous que… » sont privilégiées.
nous spontanément le problème ? » propositions sont à prendre en considération, même
si elles peuvent paraître naïves, absurdes ou pleines
de préjugés… Au terme des échanges, les étudiants
définissent ensemble un ou des problèmes à traiter.
Brainstorming Il s’agit de réaliser un brainstorming Les participants sont invités à faire un retour vers Les termes « brainstorming »,
des champs des connaissances (ressources théoriques, des ressources potentielles (théories, formalisation, « ressources » sont parfois
de ressources matière vue au cours, lectures, livres, sites…) via un brainstorming des champs à expliciter via des exemples.
à investiguer documentaires, rencontres…) de connaissances (acquises ou à explorer) qui Il peut s’agir de ressources
que l’ensemble du groupe a par rapport pourraient les aider à aller plus loin dans l’analyse que les participants possèdent
au problème et à ses causes probables. du problème, et ainsi à dépasser la première étape déjà ou qui seraient à explorer.
interprétative.

Chapitre 3 Outils
77
Étapes Consigne Action des participants Actions du tuteur

78
Identification Les interprétations personnelles issues Chaque participant est invité à choisir des pistes Le tuteur aide les participants
des pistes de de l’étape 2 sont un point de départ. d’investigation précises (articles, sites, revues, etc.) à se recentrer sur le champ des
recherches Elles méritent d’être approfondies qu’il aurait plus particulièrement envie d’investiguer ressources à explorer en fonction
et alimentées par des connaissances individuellement pour la séance suivante. du problème traité et des
théoriques. Le groupe a sans doute interprétations formulées.
identifié une série de pistes théoriques
qui permettraient une analyse du
problème lors de l’étape 3.
Travail individuel Chaque membre du groupe réalise, entre Chacun s’engage, hors de la séance, dans un travail En préparation de cette étape
les deux séances d’une même APP, la de recherche individuel et dans des lectures. et de la suivante, le tuteur peut
lecture ou les lectures pour lesquelles il inviter le groupe à construire
s’est engagé. une modalité d’investigation
Tout en lisant, chacun se posera la des textes (soutien
question suivante : « En quoi ce que je méthodologique).

Comment soutenir la démarche réflexive ?


lis permet-il d’apporter des réponses au
problème ? »
Partage des Chaque personne est invitée à partager De retour en groupe, chacun fait part des Le tuteur veille à ce que la
apprentissages aux autres ce qu’elle a appris lors de découvertes réalisées et des apprentissages réalisés modalité de partage soit définie
réalisés sa lecture et à préciser en quoi ces en lien avec le problème traité. et soutienne l’analyse du
nouvelles informations apportent des Après les apports individuels, les participants problème.
éléments de réponse au problème. réalisent une synthèse des apprentissages et les
mettent en lien avec le cas.
Analyse de Une relecture du problème est faite à Les participants explicitent les interprétations Le tuteur est souvent invité
la situation l’aide de l’ensemble de ces nouvelles formulées en prenant appui sur les ressources à expliciter ce qu’est une
problématique données. Il s’agit de répondre à la théoriques explorées. démarche d’analyse. Il veille
à la lumière des question : « En quoi les apprentissages Au terme de cette analyse, ils reformulent le à ce que les étudiants fassent
apprentissages de notre groupe ont-ils fait évoluer les problème relatif au cas. C’est souvent l’occasion d’un des liens entre le cas, les
réalisés interprétations personnelles (étape 2) ? » saut de langage vers un langage plus professionnel. apprentissages afin de les
amener à analyser le cas en
regard des ressources.
Propositions de Suite à l’analyse réalisée, le groupe Les participants formulent des pistes d’action Le tuteur veille à ce que les
pistes de solution propose des pistes de solution au concrètes, soit pour anticiper le problème, soit pour propositions soient concrètes
problème identifié. gérer ce type de problème. et constructives pour un
enseignant.
3.7 Les ateliers praxéologiques
Une démarche méthodologique pour réfléchir
sur sa future pratique professionnelle

Jacqueline Beckers et Nathalie François

Origine
L’atelier de praxéologie1 est une méthode développée au Département
de psychologie de l’Université de Sherbrooke (Québec), pour aider des pra-
ticiens des métiers de l’interaction humaine à devenir plus efficaces dans
l’exercice de leur profession (St-Arnaud, 1995).
Cette méthode s’inspire des travaux d’Argyris et Schön (1974) soulignant l’impor-
tance de faire une place, à côté du paradigme de l’expertise, au paradigme de
l’incertitude pour définir et comprendre l’activité humaine.
Quand il agit selon le paradigme de l’expertise, l’acteur s’appuie sur le savoir homo-
logué (théories, concepts, modèles, grilles d’analyse,  etc.) pour expliquer ce qui se
passe dans une interaction et planifier son action (que nous dénommerons facteur G
dans la suite du texte). Cette réflexion sur l’action est pilotée par ce qu’on peut
appeler un surmoi professionnel. Quand il agit selon le paradigme de l’incertitude,
l’acteur s’appuie sur ce qu’il y a d’unique et d’incertain dans chaque interaction (que
nous dénommerons facteur P dans la suite du texte) pour s’autoréguler dans l’action.
La distinction entre ces deux paradigmes est éclairante relativement aux métiers de
l’interaction humaine où la part du facteur P l’emporte largement.
Selon St Arnaud (2003, p. 10), les difficultés rencontrées en situation d’interaction
peuvent être attribuées à différentes sources :
• au procédé particulier (parole ou geste), au moyen utilisé par l’acteur pour
produire un effet immédiat (question ambiguë, faux argument, langage inap-
proprié, etc.) : c’est une erreur qualifiée de technique ;
• au caractère irréaliste de la visée de l’acteur, lorsque l’écart entre l’effet
produit et l’effet visé se maintient malgré une variation dans les moyens
utilisés pour produire cet effet immédiat (dans le déroulement du jeu de
rôle – désigné « JdR » dans la suite du texte –, il y a succession de codes
rouges) : c’est une erreur dite de visée ;
• au fait que l’acteur persiste à vouloir produire un effet immédiat pour répondre
à un besoin personnel en répétant des paroles ou des comportements qui
relèvent d’une visée qui s’est avérée irréaliste (dans le déroulement du JdR,
il y a aussi succession de codes rouges) : c’est une erreur dite d’aspiration.
On le voit, l’efficacité dans l’interaction suppose un processus d’autorégulation qui
dépend de la prise de conscience par l’acteur de ses intentions vraies et de leur
adéquation.

1. Le terme praxéologie désigne ici « une démarche structurée visant à rendre l’action consciente,
autonome et efficace ».

Chapitre 3 Outils 79
Saint-Arnaud et ses collègues proposent au professionnel d’utiliser sa réaction sub-
jective, sa perception d’efficacité et son ressenti plus ou moins agréable devant la
réaction de son interlocuteur comme indicateur de son intention réelle. En effet,
l’affect est plus rapide que toute analyse rationnelle. On peut donc l’utiliser dans
le feu de l’action pour savoir de façon rapide si on est efficace ou non.
C’est ce qu’ils appellent le test personnel d’efficacité : activité mentale qui permet à
l’acteur de s’autoréguler dans le feu de l’action à partir de la perception qu’il a des
effets observés (réaction verbale et non verbale) chez son interlocuteur. L’objectif
est qu’il devienne conscient de ses intentions, autonome dans l’utilisation des
modèles dont il s’inspire et efficace dans son action.
Selon le degré de satisfaction ou d’insatisfaction qu’il éprouve, l’acteur assigne un
code couleur au comportement verbal ou non verbal de l’interlocuteur :
• vert : intervention efficace (l’effet visé est observé chez l’interlocuteur) ;
• jaune : effet mixte (l’effet visé n’est pas vraiment là, mais il y a une ouverture) ;
• rouge : intervention inefficace (l’interlocuteur ne réagit pas dans le sens de
l’effet visé).
Nous avons expérimenté dans l’équipe PERF, avec de futurs enseignants et de futurs
formateurs d’enseignants, plusieurs manières d’exploiter l’originalité de la méthode,
notamment le test personnel d’efficacité sans casser la spontanéité du JdR. La des-
cription de l’outil fait état du résultat de ces essais. Au final, nous utilisons assez
librement la démarche.

Public
Des formateurs ou futurs formateurs (FF) à des métiers de l’interaction
humaine en préparation ou en retour de stage.

Objectifs
Les objectifs sont doubles. Il s’agit de permettre aux formateurs ou futurs
formateurs :
• de s’exercer à l’interaction dans une situation qu’ils sont amenés à vivre dans
leur profession ou éventuellement lors d’un stage (par ex., mener un entretien
de régulation avec un stagiaire observé dans sa pratique professionnelle) ;
• de réfléchir à l’utilisation qu’ils peuvent faire de cette modalité de JdR avec
leurs étudiants, futurs professionnels des métiers de l’interaction humaine
(isomorphisme).
Le premier objectif (a) se décline comme suit :
− inviter le professionnel ou futur professionnel à s’engager dans un
registre de fonctionnement, laissant place à une régulation émotionnelle
plutôt que rationnelle ;
− développer son autonomie de fonctionnement par rapport au surmoi
professionnel ;

80 Comment soutenir la démarche réflexive ?


− s’exercer à prendre conscience de son degré de satisfaction devant les
réactions de son interlocuteur à ses interventions, à prendre conscience
et à nommer ses intentions réelles dans l’action ;
− identifier les éléments dans l’interaction (verbale ou non verbale) qui
conduisent à une escalade négative ;
− s’exercer à autoréguler son fonctionnement en action (réflexion dans
l’action et pas seulement sur l’action) pour une augmentation de l’effi-
cacité en situation.

Modalités
La méthodologie de St-Arnaud (2003) exploite une difficulté vécue ou anti-
cipée par un des membres du groupe de professionnels réunis pour un atelier
praxéologique. Nous avons dans l’équipe PERF utilisé assez librement la démarche
selon deux modalités :
• la première (a), franchement distincte de la méthodologie de St-Arnaud
et ses collègues (2003), comme exercice préparatoire (avant l’action
professionnelle) ;
• la seconde (b), qui s’en inspire plus directement, comme modalité de pra-
tiques réflexives (après l’action).

Matériau
Dans le cas (a), la situation de départ est choisie par le formateur parce
qu’elle illustre une situation que les futurs professionnels vont effectivement ren-
contrer. Le but est de les y préparer. Dans le cas (b), la situation est effectivement
amenée par un membre du groupe qui l’a vécue (il ne s’agit pas d’une anticipation).

Type d’animation
La démarche comporte les éléments suivants :
• un moment dédié au(x) JdR entre un acteur (professionnel gérant une inte-
raction avec un bénéficiaire) et un interlocuteur (le bénéficiaire). Plusieurs
JdR peuvent se dérouler en succession si les participants souhaitent explorer
par ce biais d’autres visées et manières de les concrétiser ;
• des observateurs invités à donner leur avis sur l’efficacité des différentes
interactions (évaluation externe d’efficacité) sur le JdR qu’ils viennent
d’observer ou sur la base de son visionnement ;
• une évaluation par l’acteur de l’efficacité de ses différentes interactions
(test d’efficacité personnelle) directement après le JdR ou sur la base de
son visionnement ;
• un moment de partage des ressentis et avis sur l’efficacité des différentes
interventions de l’acteur en donnant la priorité à l’acteur d’abord, ensuite à
l’interlocuteur, enfin aux observateurs ;
• un moment de synthèse sur les « enseignements » retirés de l’activité vécue
et analysée.

Chapitre 3 Outils 81
Description de l’outil
Quand il est utilisé en préparation à une action
professionnelle récurrente
Avec le public des FF en préparation à un de leurs stages, la démarche est
centrée sur une famille de tâches professionnelles spécifiquement travaillées lors de
ce stage : la gestion d’un entretien de régulation avec un stagiaire futur profession-
nel, consécutif à l’observation de l’activité professionnelle de celui-ci.
Le déroulement général de la séance est expliqué aux participants.

Étape 1 : présentation de la situation


Idéalement, la situation n’est pas décrite, mais présentée par un extrait
vidéo de l’activité d’un professionnel (c’est « le stagiaire observé ») : elle est ainsi
située avec ses aspects verbaux et non verbaux.
L’animateur veillera à retenir une situation ouverte, c’est-à-dire susceptible d’inter-
prétations multiples par les acteurs et donc de visées diverses.
Par exemple : « Dans une cour d’école, un enfant pleure et crie tandis qu’un autre
essaie de lui prendre le ballon qu’il a dans les mains. » Des intervenants pourraient
avoir des interprétations diverses de la situation et donc des visées différentes  :
obtenir une coopération entre les deux enfants, mettre en place une activité
collective, sanctionner le fautif…
Ainsi, il s’est avéré que la consigne suivante, utilisée lors des premières
expérimentations, décrivant oralement la situation, était à la fois trop
inductive de visées et pas assez nourrie d’éléments contextualisant l’action
professionnelle.
« Professeur de psychologie dans une section de puéricultrices, vous vous trouvez
sur le terrain de stage de l’une de vos étudiantes. Lors du change d’un enfant,
celle-ci ne parle pas à l’enfant. À la fin de l’observation, vous expliquez à la sta-
giaire que tous ses actes techniques sont bons, mais qu’elle n’a pas suffisamment
interagi avec le bébé. L’étudiante réagit à ce reproche. »

Étape 2 : projection de chaque participant


dans la situation
Consigne : « Individuellement, écrivez la visée prioritaire que vous donneriez
au moment du retour avec le stagiaire sur l’épisode observé  : que voudriez-vous
obtenir par votre intervention dans une situation similaire. Écrivez aussi les mots,
la ou les phrases que vous vous proposez de dire. »
Dans le cas (a), la consigne n’invite pas à esquisser toute l’interaction, mais seulement,
après avoir précisé sa visée, à énoncer la première intervention. Il est utile d’insister sur
la nécessité, pour chaque participant, d’écrire vraiment la première interaction (l’inte-
raction d’amorce) : elle concrétise la visée et donne des indications sur les intentions.
Certains participants ne le font pas, signifiant ainsi leur difficulté à passer à l’action.

82 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Étape 3 : jeux de rôle successifs
L’animateur :
• recrute un duo de volontaires : un intervenant (un formateur ou un futur for-
mateur) et un interlocuteur (bénéficiaire). S’il n’y a pas de volontaires, deux
noms sont tirés au sort. L’intervenant arrête l’intervention quand il le souhaite ;
• veille à l’organisation spatiale du local : retrait de ceux qui jouent la situa-
tion par rapport aux observateurs.
Deux variations possibles :
• l’intervenant est invité à exprimer son degré de satisfaction après chaque
réplique de l’interlocuteur, en le notant sur une feuille devant lui sans le
dévoiler aux autres participants durant le JdR (test d’efficacité personnelle) ;
• le JdR est filmé et c’est au moment du visionnage du film que l’acteur expri-
mera son degré de satisfaction après chaque réplique de l’interlocuteur. Cette
variation a été mise en place suite au constat que l’expression du degré de
satisfaction pendant les interactions brise la spontanéité du JdR.
L’animateur note par des mots-clefs (à compléter éventuellement lors du visionnage)
des moments de l’interaction sur lesquels il souhaiterait éventuellement revenir.
Les observateurs, sur une feuille en deux colonnes où ils notent le nom des par-
tenaires du duo, attribuent un code de couleur en regard de certaines interactions
verbales ou non verbales (ils notent alors des mots-clefs) en fonction de l’efficacité
perçue de l’intervention (évaluation externe d’efficacité).
• Vert : intervention perçue comme efficace.
• Jaune : perception mixte (l’effet n’est pas vraiment positif, mais il y a une
ouverture).
• Rouge : intervention perçue comme inefficace (l’interlocuteur ne réagit pas
dans le sens de l’effet visé).

Un participant qui avait « prévu de faire autrement » est à son tour invité à « jouer »
l’interaction avec un autre « stagiaire ». La démarche est la même.
Plusieurs visées peuvent ainsi être jouées, autant que de manières différentes de
faire, de s’y prendre… Après quelques expérimentations selon la méthode originale
de Saint Arnaud et al., nous avons décidé de filmer chacun des JdR qui se suc-
cèdent sans discussion intermédiaire pour éviter qu’un projet d’intervention ne soit
influencé par la discussion précédente. On visionne l’enregistrement vidéo juste
avant la discussion.

Étape 4 : analyse des jeux de rôle successifs


Le premier JdR filmé est visionné par l’ensemble du groupe. L’acteur (l’inter-
venant) note des mots-clefs relatifs aux endroits qu’il trouve intéressants à relever et
attribue un code couleur à chacune de ses interventions (test d’efficacité personnelle).
Les observateurs conservent ou modifient le code couleur qu’ils ont affecté aux
interventions (évaluation externe d’efficacité).

Chapitre 3 Outils 83
Étape 5 : pour jalonner la démarche d’analyse, la
parole est d’abord donnée à l’acteur
• Quelle était sa visée ?
• Comment a-t-il régulé les interactions ? Avec quels moyens ? Comment a-t-il
perçu l’efficacité de ses interventions au moment où elles se déroulaient ?
Cette première discussion est surtout centrée sur la pertinence des moyens
et leurs effets (code couleur).
• Éventuellement, avec l’aide des mots-clefs qu’il a notés, l’animateur interroge
l’intervenant sur sa perception d’un moment précis.
Ensuite, la parole est donnée à l’interlocuteur :
• Dans quel état d’esprit était-il en commençant l’entretien ?
• Y a-t-il eu une intervention de l’acteur qu’il voudrait relever parce qu’elle a eu un
effet (positif ou négatif) sur lui et l’évolution éventuelle de son état d’esprit ?
Enfin, la parole est donnée aux observateurs :
• Quelles interventions ont été particulièrement efficaces à leurs yeux (pas de
jugement sur la personne, mais sur l’interaction) ?
• Quelles interventions ont à leurs yeux été déterminantes (pour leurs effets
positifs ou négatifs) ?
• Les observateurs sont invités à évoquer la visée qu’ils ont identifiée, peut-
être différente de celle que l’acteur a exprimée. Cette deuxième discussion
peut aider à mettre au jour un besoin non conscient chez l’acteur.
La confrontation aux points de vue exprimés par l’interlocuteur éclaire l’acteur sur les
effets que ses interventions produisent, effets dont il n’est pas nécessairement conscient.
L’écart éventuel entre la perception personnelle d’efficacité de ses différentes interven-
tions et la perception qu’en ont eue les observateurs, entre la visée annoncée et la
visée repérée par les observateurs, permet à l’intervenant de prendre conscience de ses
intentions effectives et de son fonctionnement en situation. Il peut alors essayer de le
réguler. L’acteur peut disposer de la trace vidéo pour la revoir s’il en éprouve le besoin.

Étape 6 : le deuxième JdR filmé est visionné


par l’ensemble du groupe et analysé selon
la même démarche.
Cette démarche est répliquée autant de fois qu’il y a eu de JdR.

La confrontation des différents JdR permet de discuter l’efficacité relative des


différentes visées et démarches.

Quand il est utilisé comme outil de réflexion


sur une action professionnelle passée
Étape 1 : préparation de la situation
Les participants qui le souhaitent peuvent soumettre au groupe une difficulté
rencontrée dans un échange avec une personne ou un petit groupe. Ils sont invités

84 Comment soutenir la démarche réflexive ?


à choisir uniquement une situation pour laquelle ils ont l’intuition qu’il y avait
moyen de faire mieux, mais sans savoir comment.
Le propriétaire du cas devra rédiger un document selon les consignes suivantes :
• décrire sommairement la difficulté éprouvée. Préciser le contexte dans lequel
la difficulté s’est présentée, informer sur ce qui s’est passé avant ou pendant
la rencontre et qui serait utile à la compréhension ;
• retranscrire la partie du dialogue jugée problématique.

Étape 2 : présentation de la situation : étude de cas mimée


L’auteur du cas devra choisir entre les trois rôles suivants :
1. Intervenant  : il joue la situation qu’il a précédemment vécue et est donc
dans le rôle de l’intervenant social.
2. Interlocuteur : il joue le rôle du bénéficiaire.
3. Observateur avec le reste du groupe.
Quel que soit le choix retenu par l’auteur, le scénario rédigé par le propriétaire du
cas devra être respecté par les acteurs ; c’est pourquoi on considère qu’il s’agit dans
cette première phase d’une étude de cas mimée. Elle est filmée.
Le fonctionnement de l’animateur et des observateurs est identique à celui de
l’exploitation précédente.

Étape 3 : jeux de rôle successifs mettant en scène


d’autres alternatives
Dans cette seconde phase, des alternatives à la situation de départ pourront être
proposées et essayées par d’autres participants. Chacune des alternatives est filmée.

Étape 4 : analyse des jeux de rôle successifs


Le déroulement de la démarche d’analyse est similaire à celui de l’exploita-
tion précédente.
Dans l’analyse du premier JdR, les effets sur la prise de conscience de l’auteur sont
potentiellement différents selon l’option retenue par l’auteur du cas, mais nous
n’avons pas d’éléments permettant des hypothèses à ce sujet.
Le jeu des alternatives peut suggérer à l’auteur du cas des pistes d’actions pour
faire face à la difficulté qu’il a rencontrée.

Étape 5 : le réinvestissement


L’animateur invite la personne qui a présenté la situation à faire un bilan
de la séance de travail, indiquant son ressenti et ce qu’il retient comme pertinent
pour augmenter sa compétence relationnelle.

Chapitre 3 Outils 85
3.8 Analyse des pratiques
à partir de situations semi-authentiques
Évelyne Charlier

Origine
Cette démarche a été développée par Jean Donnay et Évelyne Charlier dans
les cours d’agrégation proposés par le Département Éducation et Technologie de
l’Université de Namur. Les étudiants participant à la formation ont, pour certains,
uniquement réalisé un stage de quelques dizaines d’heures. Ils sont invités à vivre
collégialement une situation de formation qui les positionne comme public. Hormis
l’étudiant qui sera choisi pour être le formateur, le groupe sera en situation de
devoir apprendre un contenu. Les situations d’apprentissage ainsi vécues seront
analysées par les étudiants. En plus d’un travail de formation avec les étudiants
en formation des maîtres, cette technique a aussi été utilisée dans des formations
continues de différents acteurs éducatifs : enseignants, directeurs d’école, inspec-
teurs, conseillers pédagogiques, formateurs en entreprises… avec le même succès.

Public
Des futurs professionnels (FP) : futurs enseignants.
Des professionnels de terrain (P) : formateurs, enseignants ou autres acteurs éducatifs.

Contexte
Tant en formation initiale (agrégation, maîtrise à finalité didactique…) que
dans les formations continues.

Temporalité
Ce dispositif intervient en formation initiale des enseignants quand les étu-
diants ont au moins vécu un stage de pratique professionnelle où ils ont été actifs.
En formation continue, cela n’a pas d’importance.

Objectifs
Permettre à un professionnel ou à un futur professionnel :
• de mettre en mots une expérience professionnelle vécue en tant qu’appre-
nant ou en tant que formateur ;
• de décrire des situations de formation ;
• d’expliciter les choix pédagogiques qui sous-tendent la démarche pédago-
gique vécue ;
• d’analyser les conséquences attendues et les effets constatés de ses choix
sur la situation de formation, sur l’apprentissage ;

86 Comment soutenir la démarche réflexive ?


• d’analyser le déroulement de la séquence de formation en rapport avec des
théories psychopédagogiques ou personnelles de l’apprentissage, de l’ensei-
gnement ou de la formation ;
• de dégager des hypothèses explicatives du déroulement d’une séquence de
formation ;
• d’imaginer différentes alternatives d’action et d’anticiper leurs conséquences
sur la situation de formation ;
• de réguler son action professionnelle en construisant de nouveaux savoirs
d’action et en en imaginant d’autres possibles.

Modalités
Matériau
Le matériau est constitué d’une situation de formation construite pour
l’activité d’analyse. Un participant, qui remplit la fonction de formateur, plani-
fie une séquence de formation destinée aux autres participants, qui seront ses
apprenants.
Durant celle-ci, les apprenants sont mis en situation d’apprendre quelque chose en
un temps limité (souvent 30 à 40  minutes). En cela, la situation d’apprentissage
est authentique. Par ailleurs, cette situation est hors du temps, il n’y a pas d’avant
ni d’après. Elle est hors des contraintes institutionnelles et c’est pourquoi elle est
désignée par le terme de situation semi-authentique.

Type de regroupement
Un participant, qui sera désigné comme participant-formateur, est invité à
concevoir pour la faire vivre une situation de formation destinée à ses collègues
du groupe d’analyse des pratiques professionnelles. Il doit concevoir la séquence
de formation de manière à ce qu’elle favorise des apprentissages réels, c’est-à-dire
non fictifs, chez le public assistant à cette formation.

Type d’animation
L’animateur de la séance encadre le déroulement méthodologique. Il veille
à ce que chaque étape se déroule dans les meilleures conditions. Il assure la qua-
lité des échanges en réajustant les propos si cela s’y prête et veille à ce que les
analyses ne contiennent pas de jugements de la part des participants analyseurs.

Description de l’outil
La démarche est structurée en six étapes.
1. Le participant-formateur planifie une situation semi-authentique pour les
autres participants.
2. Le participant-formateur et les participants-analyseurs vivent la situation
semi-authentique qui est filmée.

Chapitre 3 Outils 87
3. Le participant-formateur et les participants-analyseurs choisissent des
moments qu’ils souhaitent visionner.
4. Tous sont invités à décrire ce qu’ils ont vécu.
5. Ensuite, tous sont invités à proposer une analyse de façon à faire émerger
des hypothèses explicatives à propos du déroulement de la situation de for-
mation. Ils sont aussi invités à imaginer d’autres possibles d’interventions.
6. Enfin, chacun est invité à s’approprier les possibles pour les adapter à ses
situations de travail et à sa façon de concevoir les situations de formation.

Étape 1 : planification de la situation


par le participant-formateur
Un participant volontaire est invité à préparer une courte séquence de for-
mation pour les autres participants. Ceux-ci seront mis en situation d’apprentissage.
Le choix du contenu à apprendre peut être libre ou suggéré par l’animateur.
La consigne de départ est la suivante : « Vous planifiez une séquence de formation
d’une trentaine de minutes au cours de laquelle les autres participants doivent
être mis en situation d’apprentissage. Ils ne jouent pas le rôle d’élève, mais sont
de réels apprenants. Choisissez donc vos objectifs et votre contenu de façon à ce
que cela soit le cas ».
En général, le participant-formateur reçoit la consigne quelques jours avant la
séance de formation de façon à avoir le temps de se préparer. Tous les participants
sont avertis qu’ils seront filmés durant la séquence de formation.
Veillez à ce qu’il s’agisse bien d’une situation d’apprentissage authentique
pour les participants-apprenants sinon la suite de la démarche sera faussée.
Afin de protéger le premier participant qui se propose pour remplir la fonc-
tion du formateur, cette étape peut être précédée d’un exercice de descrip-
tion et d’analyse. Ce dernier utilise comme support un film (vidéo d’un enseignant
en situation professionnelle) qui n’implique pas les participants. Cela permettra de
rendre saillant le caractère non jugeant de l’exercice d’analyse. Si vous optez pour
cette variante, voici les consignes proposées lors de cette séance préalable.
• Visionner la séquence d’un film.
• Puis, individuellement, répondre aux questions suivantes :
− quelles sont les questions que vous vous posez à propos de cette
séquence ?
− décrivez ce que vous avez observé et qui peut vous offrir des réponses
(ou des débuts de réponses) aux questions que vous vous posiez ?
• Ensuite, en sous-groupe de trois personnes :
− à partir du partage des trois descriptions, rédigez une description
commune ;
− suite à cet échange, quelles observations pouvez-vous partager avec les
autres membres du grand groupe ?

88 Comment soutenir la démarche réflexive ?


• Partager en grand groupe.
• Nouveau temps en sous-groupe :
− après avoir visionné une deuxième fois, complétez ou modifiez votre
première description en fonction de votre projet d’analyse ;
− quelles hypothèses pouvez-vous formuler pour expliquer ce qui se produit ?
− quels seraient les autres possibles ?

L’animateur de la séance réagit pour rendre saillants les jugements et les inférences
s’il y en a.

Étape 2 : réalisation de la séquence de formation


Les participants vivent la situation de formation. Celle-ci est enregistrée
sur vidéo.
Variante  : Il est possible de travailler sur le récit de ce qui s’est passé si l’on ne
dispose pas de matériel d’enregistrement. Cependant, la confrontation au réel est
perdue.

Étape 3 : choix des moments à revoir


Après la séquence, la parole est toujours donnée au participant-formateur
qui explicite :
• son ressenti ;
• ses surprises ;
• les moments où il a modifié ce qu’il avait planifié durant la séquence.

Il lui est aussi demandé de cibler les séquences qu’il souhaiterait analyser ou
revoir et d’adresser aux apprenants deux questions sur la façon dont ils ont vécu
la formation.

Étape 4 : description des moments choisis


Les participants-analyseurs décrivent les moments épinglés par le formateur.
Ils explicitent les gestes professionnels posés et leurs effets sur la situation de
formation.
Le participant-formateur décrit les comportements des apprenants qu’il observe. Les
participants-analyseurs peuvent compléter ou contester sa description. Ils peuvent
également témoigner des moments où ils ont appris, où ils se sont sentis particu-
lièrement motivés.
La consigne est de décrire à la fois ce qui peut être observé et ce qui a été vécu,
mais qui n’est pas observable. Chacun s’exprime en « je ». Les jugements et les
interprétations sont proscrits. L’animateur est garant de la démarche.

Chapitre 3 Outils 89
Étape 5 : analyse des moments épinglés
sur la vidéo
Les participants seuls ou en sous-groupe proposent différentes analyses des
situations repérées et énoncent les questions de problématisation auxquelles ils
tentent de proposer des pistes de compréhension à travers ces analyses. Ils pro-
posent un modèle de la situation, orienté par leur question, qui explicite les inte-
ractions entre les éléments de la situation.
Ces analyses sont articulées par des théories ou des grilles explicites (théorisation).
La théorie joue le rôle d’objet tiers. Elle permet aux participants de ne pas s’enliser
dans leurs émotions face à une situation qui peut générer de gros malaises liés à
des convictions pédagogiques.
La consigne est la suivante : « Étant donné une question que vous vous posez sur
cette situation de formation, réalisez un schéma pour rendre compte des éléments
de la situation qui interviennent de manière significative dans la situation et expli-
quez à travers celui-ci ce qui se passe. Explicitez la théorie sur laquelle vous vous
basez pour faire cette analyse ».

Étape 6 : construction de stratégies alternatives


Sur base de l’analyse, les participants sont amenés à proposer, par écrit, des
alternatives et à formuler les savoirs qu’ils ont construits.
Les consignes sont les suivantes :
« Sur la base de votre analyse, formulez d’autres façons d’agir dans cette situation
et imaginez les conséquences de ces actions sur les apprenants ou sur d’autres
éléments de la situation :
• vous, personnellement, que pourriez-vous mettre en place dans cette
situation ?
• formulez également ce que vous avez appris à travers cette analyse. Que
retenez-vous de cette situation ? »

90 Comment soutenir la démarche réflexive ?


3.9 Le journal de réflexivité
Sandrine Biémar

Origine
Ce dispositif a été conçu, formalisé et mis en œuvre par l’équipe de l’Uni-
versité de Namur dans le cadre du programme de formation initiale des enseignants
du secondaire supérieur (master didactique, agrégation).
Il s’inscrit dans la continuité du travail initié par Jean Donnay qui, lui, utilisait
des livrets de réflexivité.
Le journal de réflexivité est un dispositif d’écriture individuelle qui accompagne les
étudiants du cours de psychopédagogie dans une démarche de prise de recul sur
leur professionnalité en construction.1
Il vise à leur donner la possibilité de clarifier leur projet professionnel, de l’ana-
lyser à la lumière des apports de certains cours et ainsi, à se donner davantage
de prise sur leurs situations de travail. Il s’agit d’aider l’étudiant à se constituer
progressivement une identité professionnelle et à prendre conscience du processus
dans lequel il est engagé, en tant qu’enseignant.
Ce journal se compose de différentes sections, en lien avec des thématiques abor-
dées lors des cours.
Chaque étudiant est invité à les compléter individuellement en regard d’échéances
définies.
Concrètement, il est invité à mettre par écrit des représentations, des récits d’expé-
rience, des intentions, des avis personnels, des analyses, en étant guidé par des
consignes d’écriture. Certains contenus de ce journal peuvent être utilisés lors de
certains cours comme support d’analyse.
Le contenu de ce journal n’est pas évalué.
Ce dispositif prend appui sur les écrits de Schön (1994), Paquay, Altet, Charlier et
Perrenoud (2001), Kelchtermans (2001), Beckers et al. (2002), Barbier (2004), qui
mettent largement en évidence que le professionnel développe ses compétences par
l’action et la réflexion sur l’action.
La démarche réflexive est au cœur des questions et consignes d’analyse proposées.

Public
Pour des enseignants en début de carrière ou en formation pour le devenir.
Mais de manière plus générale, les questions du journal peuvent être adaptées pour
soutenir un professionnel à prendre du recul sur son identité, son processus de
développement professionnel à différentes étapes de son parcours.

1. Ce cours est destiné à des étudiants qui soit ont terminé un master en sciences (biologie, chimie,
physique, mathématiques) ou en gestion et décident de faire une formation pour enseigner (agrégation),
soit entament un master à finalité didactique en sciences ou en gestion après leur bac. Ils seront amenés
à enseigner dans l’enseignement secondaire supérieur.)

Chapitre 3 Outils 91
Contexte
Dans le cadre de la formation à l’enseignement mais il peut prendre place
dans n’importe quel contexte de formation professionnalisante.

Temporalité
Cet outil accompagne l’étudiant tout au long de sa formation, même si le
journal est attaché à un cours particulier.

Objectifs
Le but poursuivi par le dispositif est de permettre à chaque étudiant de cla-
rifier son identité professionnelle en construction en en identifiant les spécificités
et de se mettre en perspective pour la suite de sa carrière.
Ainsi, il est mentionné dans l’introduction du journal  : « Il s’agit de vous aider à
mieux comprendre vos manières d’être, de faire, vos intentions, vos valeurs, vos
représentations du métier, des élèves… »
Il est ainsi amené à :
• prendre conscience des implicites qui dirigent ses actions, des valeurs qui
sous-tendent son identité professionnelle ;
• développer un langage pour parler de ce qu’il fait, de ses valeurs, du type
de relation (pédagogique) qu’il souhaite établir avec ses élèves et ce, dans
un langage professionnel ;
• se placer dans une perspective de développement professionnel et se posi-
tionner sur une trajectoire explicitée.

Modalités
Matériau
L’étudiant est invité à écrire, à s’écrire, en répondant aux questions et
consignes des différentes sections du journal.
Ainsi, des consignes l’invitent à décrire des situations vécues ou à donner des
avis par rapport au métier, à sa manière d’envisager la rencontre avec des adoles-
cents, etc. Elles sont balisées dans le temps.
L’écriture constitue une trace. Elle soutient la structuration de la pensée et devient
un support utile pour la prise de recul. Elle donne également à circonscrire, par
le biais des textes produits, un objet à analyser. L’aspect émotionnel est intégré
dans l’écriture  : l’étudiant est invité à faire mention de ses ressentis. Le contenu
du journal reste la propriété de l’étudiant, la trace de sa réflexion en construction.
Le journal de réflexivité a longtemps été présenté sous la forme d’un livret papier.
Il est maintenant numérisé au sein de l’intranet de notre université. Les différentes
sections du journal sont ainsi ouvertes à des moments définis et des annonces
régulières guident les étudiants dans cette démarche d’écriture.

92 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Type d’animation
Le travail au sein du journal reste une démarche individuelle et personnelle,
tout en étant balisée au sein du parcours de formation, via des consignes et des
échéances apportées par le formateur. Le journal est propre à l’étudiant et son
contenu ne sera pas partagé. Écriture et analyse se combinent au sein du journal.
Ainsi, l’étudiant est invité à répondre à des questions qui l’invitent à décrire des
situations vécues tout en écrivant les représentations qui sont les siennes par rapport
au métier d’enseignant et à lui-même dans le métier,  etc. Lors de certains cours,
l’étudiant est invité à emmener son journal, qui servira de base pour mener une ana-
lyse outillée de ses écrits personnels. Parallèlement, le cours aborde des thématiques
traitées dans le journal, comme la relation pédagogique par exemple. Des grilles de
lecture, des apports théoriques sont amenés. L’étudiant est alors invité à analyser ses
écrits selon ces balises, non pas pour en revoir le fond, mais pour les reformuler ou
les restructurer en fonction des références qui lui sont fournies.
Il peut également arriver que le formateur, lors des séances collectives, invite les
étudiants à prendre appui sur ce qu’ils ont écrit pour entrer dans une démarche
d’analyse de leurs récits, individuellement ou en duo. Le regard du pair étant un
soutien à la prise de recul.
Au terme du parcours de formation, chaque étudiant est invité à relire ses écrits, à
en faire une synthèse où il décrit comment son identité professionnelle a évolué au
cours de l’année. Pour soutenir cette étape, une question invite l’étudiant à pointer
les domaines qu’il souhaite continuer à développer ainsi que ses objectifs pour les
années à venir. Cette section lui permet d’expliciter son projet professionnel et de
le positionner sur une trajectoire continue.

Description de l’outil
Voici quelques exemples de questions proposées dans le journal de réflexivité
actuel, en fonction des thèmes qui structurent le cours de psychopédagogie. Ces
questions sont sujettes à évolution.

Interroger l’identité professionnelle


• Décrivez aujourd’hui votre métier d’enseignant tel que vous vous le
représentez.
• Comment envisagez-vous votre rôle d’enseignant aujourd’hui ? Quels sont,
selon vous, les actes qui caractérisent ce rôle ?
• Quelles sont les questions que vous vous posez concernant l’exercice de
cette profession ?

• Comment anticipez-vous votre entrée dans le métier ?

Chapitre 3 Outils 93
• Suite au cours sur le concept d’identité professionnelle, comment relisez-
vous vos écrits à la lumière de ce qui a été abordé au cours ?
• Quelles sont les spécificités de votre identité professionnelle ?

Interroger la relation pédagogique


Décrivez une situation dans laquelle vous êtes en interaction avec un ou
plusieurs élèves. Par situation d’interaction, nous entendons une situation dans
laquelle vous, en tant que stagiaire ou enseignant (ou élève si vous n’avez pas
encore eu l’occasion d’adopter une position d’enseignant), vous êtes trouvé en
relation avec un ou des élèves (ou avec un enseignant). Il peut s’agir de situations
de classe ou au sein de l’école, où vous interagissez avec un ou plusieurs élèves :
• pour soutenir son apprentissage/leur apprentissage : lui/leur poser des ques-
tions, les faire réagir ;
• pour l’/les intéresser à une matière ;
• pour prendre de ses/leurs nouvelles ;
• pour faire connaissance ;
• pour le/les rappeler à l’ordre ;
• pour gérer un conflit.

Inviter à l’analyse à l’aide des questions suivantes :


• En lien direct avec la grille proposée au cours, pourriez-vous analyser la
situation d’interaction décrite, en prenant appui sur les actes et attitudes
que vous pouvez identifier dans votre description ?
• Au terme de cette analyse, comment vous, en tant qu’enseignant ou futur
enseignant, envisagez-vous (en termes d’actes, d’attitudes, d’intentions) la
relation avec vos élèves ?

Interroger le parcours de formation

Pour inviter à l’analyse, proposer les questions suivantes :


• Au terme de votre parcours de formation, nous vous invitons à relire les
différents écrits rassemblés au sein de votre journal de réflexivité.
• En regard de ce que vous venez de lire ou de relire, quels changements
ou confirmations pouvez-vous identifier quand vous reconsidérez vos

94 Comment soutenir la démarche réflexive ?


représentations de départ du métier, du rôle d’enseignant et de la relation
avec un ou plusieurs élèves, adolescents.

• Qu’avez-vous appris sur vous et sur vos relations avec les élèves ?

• Comment vous voyez-vous enseigner aujourd’hui ?


• Décrivez votre métier d’enseignant tel que vous vous le représentez.
• Écrire sur soi, sur ses pratiques, implique une posture de scripteur à
laquelle les étudiants provenant de cursus académiques sont parfois peu
habitués. Ce constat n’est sans doute pas spécifique à l’outil « journal de
réflexivité », ni au public étudiant. Dans ce cas précis, il semble impor-
tant de clarifier les spécificités de cette posture et sa finalité auprès des
étudiants au démarrage du dispositif. Une présentation d’écrits peut dans
certains cas aider les étudiants à prendre conscience du type d’écrits atten-
dus au sein du journal.
• Les questions proposées le sont à titre indicatif. Elles dépendent des thèmes
abordés en formation. Cela peut varier d’un dispositif à l’autre.
• La formulation des questions invite soit à la description, soit à l’analyse.
Nous veillons à la précision dans les termes utilisés pour guider les étudiants
dans l’une ou l’autre voie.
• Les thématiques du journal de réflexivité sont articulées aux contenus des
cours en vue de soutenir la démarche d’analyse. Cela nécessite une adap-
tation ainsi qu’une certaine coordination lorsque les cours sont donnés par
plusieurs enseignants.
• Le temps laissé lors des cours pour le retour sur les écrits est une spécificité
de notre dispositif. Il constitue pour l’étudiant un indicateur de la valorisa-
tion du travail d’analyse demandé dans le cadre du journal. Il permet aussi
un accompagnement dans la démarche réflexive.

Chapitre 3 Outils 95
3.10 Le parcours de formation
Une démarche méthodologique pour réfléchir sur sa pratique

Jacqueline Beckers et Nathalie François

Origine
Si une formation professionnelle ambitionne d’amorcer une construc-
tion identitaire, elle s’inscrit forcément, si l’on suit Dubar (2000), dans
un processus de socialisation secondaire de type relationnel  : celui des
acteurs en interaction dans un système d’action précis, finalisé, traversé
par des enjeux divers. Les stages proposés dans la plupart des formations profes-
sionnalisantes autorisent cette immersion dans une pratique professionnelle où les
praticiens partagent des façons de faire, mais aussi de penser et de se comporter,
en quelque sorte reconnues et validées par le milieu professionnel. Ces formes
identitaires socialisées fondent l’appartenance à un métier : « être du métier ».
Cette participation aux activités professionnelles devrait permettre de développer
des compétences, mais aussi de contribuer à modifier et/ou à faire évoluer l’image
que le futur professionnel se fait du métier et de lui-même dans l’exercice de ce
métier. L’outil présenté ici devrait aider le futur professionnel à prendre conscience
de ces images et à s’inscrire dans un processus de construction identitaire.
Dès lors qu’il s’engage aux côtés d’autrui dans une action collective, le futur pro-
fessionnel se voit attribuer une identité par autrui, fondement de la reconnais-
sance (identité pour autrui  : « comment les autres me voient ? », Dubar, 2000).
L’intériorisation de cette identité (l’incorporation dans son « identité pour soi »,
Dubar, 2000) est variable selon les individus et fluctuante dans le temps. Selon
Pastré (2005), il y a genèse identitaire quand les traces du vécu sont reconnues par
le sujet comme siennes et leur responsabilité assumée dans une démarche réflexive.
Cet outil a été construit par l’équipe PERF (Professionnalisation en Éducation  :
Recherche et Formation) de l’ULiège (Université de Liège) pour accompagner la
construction identitaire des futurs enseignants du secondaire (AESS) en psychologie
et sciences de l’éducation. Il a également été utilisé dans la région liégeoise dans
les formations qualifiantes du secteur 8 (futur.e.s agents d’éducation, puéricultrices,
animateurs, aides-soignantes, aides familiales) ainsi que dans les formations conti-
nues de métiers de service, par exemple destinées à des puéricultrices.

Contexte d’utilisation
Des futurs professionnels (FP) et des futurs enseignants (FE)1.

1. Avec des aménagements, la démarche est également exploitable avec de futurs professionnels, élèves
de l’enseignement secondaire qualifiant (secteur « service aux personnes ») ayant une pratique en stage :
sa transposition didactique a été travaillée avec de futurs enseignants de ces sections, susceptibles
d’accompagner leurs élèves dans l’élaboration de leur pratique professionnelle.

96 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Objectifs
• Permettre à un sujet (futur professionnel) d’élaborer et de conceptualiser son
expérience professionnelle.
• S’arrêter pour réfléchir à ce qui a été vécu pendant une période déterminée.
• Cibler les ressources et les freins rencontrés dans son action professionnelle.
• Formaliser cette réflexion et la nourrir par un apport théorique.
• Réguler son action professionnelle : identifier et, idéalement, expérimenter
des pistes d’actions nouvelles.

Modalités
Matériau
Le matériau est constitué par le vécu du participant (futur professionnel ou
professionnel en fonction) en situation authentique (stages/travail de terrain) sur
une période plus ou moins longue, mais également lors de moments de réflexion
individuelle (pauses identitaires) et en groupes tout au long de la formation initiale
ou au sein d’un dispositif d’accompagnement de professionnels de terrain.

Type d’animation
La description de la démarche se base sur l’exploitation de cet outil avec de
futurs enseignants. La démarche comporte trois temps :

1. DES MOMENTS DE RÉFLEXION ÉCHELONNÉS SUR TOUTE LA DURÉE


DE LA FORMATION (OU D’UN DISPOSITIF D’ACCOMPAGNEMENT)

Dans le cadre de la formation de futurs enseignants, dès les premiers temps


de la formation et à des moments clefs offerts au cours de didactique disciplinaire
(pour maximiser les chances qu’ils s’attellent effectivement à cette démarche d’écri-
ture), les futurs agrégés sont invités à des pauses réflexives sur l’image qu’ils se
font du métier et sur leur représentation d’eux-mêmes dans le métier. Ils conservent
ces traces datées dans leur « journal de bord », non évalué, car il reste strictement
personnel et n’est jamais rendu aux formateurs. Cette précaution paraît indispen-
sable pour garantir le caractère authentique de ces traces, non lues par autrui,
reflet d’un moment de leur parcours sur lequel ils seront invités à revenir au terme
de la formation.
Ces pauses identitaires peuvent poursuivre deux objectifs différents mais
complémentaires :
• Inviter à l’anticipation lorsque, par exemple, il est demandé aux FP de se
projeter dans la situation professionnelle qu’ils vont aborder (par exemple,
s’adresser à des élèves du qualifiant et les engager dans un projet profes-
sionnel ; c’est l’objectif prioritaire du deuxième stage des futurs agrégés).
L’hypothèse est que cette anticipation favorisera la réflexion dans l’action
professionnelle.

Chapitre 3 Outils 97
• Susciter, grâce à des outils sémiotiques proposés en support (par ex. « mon
premier passage de l’autre côté du miroir » au retour du premier stage ou
l’utilisation d’un outil métaphorique comme le bonhomme ou le vélo pour
faire le bilan de son stage [cf. Beckers, Delchambre et François, 2009]), une
réflexion sur l’action professionnelle qui vient de se dérouler.

Ces traces rédigées individuellement restent donc la propriété de l’étudiant. Les


moments de socialisation qui suivent ces pauses identitaires laissent à chacun
toute liberté de s’exprimer ou non. Cette partie du portfolio constitue donc un
outil personnel.

2. UN TRAVAIL INDIVIDUEL DE RÉDACTION : LE PARCOURS DE FORMATION

Sur la base des traces récoltées, des rencontres, des visites des formateurs
lors des stages, des moments d’échanges (avec les formateurs et enseignants du
terrain avant et pendant les stages), etc., les futurs enseignants arrivés en fin de
parcours de formation sont invités à rédiger un document intitulé « Mon parcours
de formation ». Celui-ci doit rendre compte de leur double évolution relativement
à leur image du métier et à l’image qu’ils ont progressivement construite d’eux-
mêmes dans ce métier. Il leur est demandé de décrire les éléments étayant cette
double évolution ainsi que de les questionner et de les analyser. Sur la base de leur
récit et de leur analyse, ils dégagent des enseignements sous la forme de pistes
d’actions pour leur pratique future d’enseignant. Ce texte est transmis à chacun des
formateurs pour être lu de manière indépendante avant la rencontre de fin d’année.

3. UN MOMENT D’ÉCHANGE AVEC LES FORMATEURS

En fin d’année, une discussion réunit un FP et tous les formateurs. Elle est
l’occasion de revenir sur des éléments relatés dans le parcours ainsi que sur l’évo-
lution du FP au fil des stages telle que celui-ci la voit et telle que les formateurs
l’ont appréhendée au fil des visites.
Le parcours et sa mise en discussion avec les formateurs font l’objet d’une évaluation.

Description de l’outil
Étape 1 : Pauses réflexives tout au long de l’année
Tout au long de l’année, les futurs enseignants rédigent des textes-traces
lors de pauses réflexives organisées par les formateurs. Ces écrits sont datés et
conservés dans leur « Journal de bord », strictement personnel, qui ne sera jamais lu
par les formateurs. Certains outils utilisés lors de ces moments sont décrits dans le
livre : la méthode narrative, les ateliers praxéologiques, les analyses de cas vidéo.
Les futurs enseignants sont aussi invités à prendre spontanément la plume pour
compléter à leur guise ce journal de bord, éventuellement pour y coucher leurs
réflexions suite à différents moments d’échanges avec l’équipe (permanence avant
un stage, débriefing après une visite de stage…).
Les documents recensés dans chacun des rapports de stage (préparations, traces
des activités gérées et retours réflexifs sur leur déroulement, analyse du dispositif
mis en place) font l’objet d’une évaluation et constituent un « Portfolio évalué ».

98 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Ces différents outils permettent d’entrer, à des degrés divers, dans les différentes
composantes de la démarche réflexive.
Dans le cas de professionnels en formation continue, ceux-ci sont invités à ras-
sembler les traces dont ils peuvent disposer par l’exercice de leur profession et qui
reflètent des moments de réflexion ou de changements dans le travail (exemple  :
PV de réunion d’équipe, projet…).

Étape 2 : rédaction du parcours de formation


Dans le cadre de la formation de futurs enseignants, la consigne suivante
est donnée :
Le récit de mon « parcours de formation »  : image du métier, image de moi
dans le métier
« Sur la base :
• d’une série de documents issus de votre journal de bord non évalué rédigés
lors des pauses identitaires (“La prise de représentations”, “La première fois
face à ma classe”, “De l’autre côté du miroir”, “Prise de recul par rapport
à mon fonctionnement”, “Mes élèves, de futurs professionnels ?”, “Méthode
narrative”, “Auto-évaluation des compétences d’enseignement après chaque
stage”) ;
• des moments de rencontre (et de leurs traces écrites) avec vos maîtres de
stage, avec les assistantes du service (lors des visites de stage, des perma-
nences…), avec vos condisciples… ;
• de vos rapports de stage (portfolio évalué) complétés des feed-back reçus ;
• …;

retracez la manière dont votre image du métier et l’image que vous avez pro-
gressivement construite de vous-même comme enseignant ont évolué durant cette
année. Décrivez les éléments sur lesquels vous vous basez pour étayer cette double
évolution.
Cette description sera assortie d’un questionnement et d’une analyse fondée sur l’un
ou l’autre modèle ou grille de lecture théorique et utilisant un langage adéquat sur
un plan scientifique, signe de professionnalité.

LES PISTES D’ACTIONS PROFESSIONNELLES

Sur la base de votre récit et de votre analyse, dégagez les enseignements que
vous avez retirés de votre parcours de formation sous la forme de pistes d’actions
pour votre pratique future d’enseignant. »

Étape 3 : rencontre avec les formateurs


Ce moment d’échange se base sur le document lu au préalable par les for-
mateurs. Ceux-ci posent des questions d’explicitation ou des questions visant à
approfondir l’analyse ou les pistes d’actions proposées.

Chapitre 3 Outils 99
3.11 Réfléchir à sa manière de mener
un entretien de régulation
Jacqueline Beckers et Sylvie Vanderlinden

Origine
L’outil dont il sera question ici permet de préparer à la gestion des
entretiens de régulation (outil n°  7.2). Les fondements théoriques sont
donc identiques.
Ce dispositif de simulation d’entretien, conçu par le service PERF (Professionnalisation
en Éducation  : Recherche et Formation) de l’Université de Liège fait partie de la
préparation de futurs formateurs d’enseignants à l’accompagnement de futurs ensei-
gnants en stage dans le cadre d’un module intitulé « Compagnonnage réflexif ».
Il cible la gestion d’entretiens de régulation constituant le cœur de la démarche
régulatrice personnalisée en formation initiale.
Ensemble, les membres du duo s’engagent dans une démarche cyclique  : mise à
disposition d’un observable, notamment par enregistrement vidéo des pratiques
d’enseignement, analyse conjointe, décision d’action régulatrice, nouvel observable
soumis à l’analyse…

Public
Professionnels ou futurs professionnels amenés à mener des entretiens de
régulation d’une pratique professionnelle. Dans la suite du texte, ils seront repris
sous l’abréviation FE.

Contexte
En formation initiale ou en formation continue.

Temporalité
En amont d’entretiens de régulation.

Objectifs
Prendre conscience de son fonctionnement lors de la gestion d’un entretien
de régulation pour le réguler.

Modalités
Matériau
Pour le FE : la retranscription de son entretien de régulation, enregistré au
dictaphone pendant le jeu de rôle, le questionnaire qu’il a complété à chaud suite
au jeu de rôle où il intervenait comme formateur, le questionnaire complété par

100 Comment soutenir la démarche réflexive ?


son condisciple jouant le rôle du futur enseignant auquel il s’est adressé, une grille
d’analyse de la retranscription.

Type d’animation
Le jeu de rôle se déroule en duo ; la retranscription et l’analyse par chaque
futur formateur de son entretien sont menées individuellement. Il reçoit un feed-
back individuel relatif à l’analyse de sa retranscription.

Description de l’outil
Étape 1 : consignes et visionnage d’une séquence
d’enseignement-apprentissage filmée
La séquence est gérée par un futur enseignant. Celle-ci est issue des stages
des années précédentes. L’autorisation du FE a été obtenue. Tous les participants du
groupe seront engagés dans deux jeux de rôle successifs, une fois comme formateur
(rôle F), une fois comme stagiaire : le futur enseignant de la vidéo (rôle FE). Les
duos (un F et un FE), non identiques dans les deux jeux de rôles ont été constitués
par l’animateur et sont présentés dans un tableau écrit.

Étape 2 : premier jeu de rôle


Lancement du premier jeu de rôle.
Répartition des rôles pour la simulation :
• pour moitié, les formateurs mènent les entretiens (rôle F) : ils n’ont pas de
rôle assigné, mais gèrent l’entretien selon la conception qu’ils s’en font ;
• pour l’autre moitié, ils se mettent dans la peau du futur enseignant observé
sur l’extrait visionné et reçoivent un rôle à jouer (rôle FE).

N.B. Ce premier jeu de rôles est enregistré sur dictaphone.

Étape 3 : questionnaires à chaud


Les F (qui menaient l’entretien) répondent aux questions suivantes :
• Qu’est-ce que je voulais obtenir de cet entretien ?
• Comment je m’y suis pris ?
• Y suis-je arrivé ?
• À quoi puis-je voir cela ?
Les FE répondent aux questions suivantes :
• Quels moments de l’entretien étaient les plus formateurs et pourquoi ?
• Quels moments l’étaient moins et pourquoi ?

Chaque étudiant FE donne son questionnaire rempli à son F.

Chapitre 3 Outils 101


Étape 4 : second jeu de rôles
Lancement du deuxième jeu de rôles.
Chaque étudiant joue le rôle inverse de celui qu’il a joué, mais pas dans le même
duo.
N.B. Le deuxième jeu de rôles est enregistré sur dictaphone.

Étape 5 : questionnaires à chaud


Les mêmes questionnaires sont complétés à chaud et également donnés par
les FE aux F.

Étape 6 : débriefing en grand groupe


L’animateur gère le débriefing en abordant successivement trois questions
notées au tableau et adressées aux étudiants quand ils étaient dans le rôle de
formateur F :
1. Comment avez-vous débuté l’entretien ? Quelle était votre première question ?
2. Comment avez-vous géré son déroulement ?
− Que vouliez-vous obtenir ?
− Comment vous y êtes-vous pris ?
− Par quelles questions ?
3. Comment avez-vous clôturé ?
Les différentes manières de procéder (les questions posées par le F, les sup-
ports éventuels mobilisés…) en réponse à une de ces questions sont listées au
tableau.
L’animateur fait appel à la manière dont les étudiants, quand ils étaient dans le
rôle de FE, ont perçu l’un ou l’autre type d’interaction avec leur F. À la lumière de
ces informations croisées, des hypothèses sont émises quant aux effets de certaines
postures et interventions, et des principes d’actions susceptibles d’engager autrui
dans un processus de prise de conscience et de réflexion sont formulés.
Les observations, hypothèses et principes d’action sont soutenus par l’éclairage
des théories de Vermersch (1994, 2004). L’opérationnalisation des principes de la
supervision réflexive décrits par Schön (1988) est proposée en synthèse. Ce sont
ces principes qui fondent la grille d’analyse que les futurs formateurs appliqueront
à la retranscription de leur entretien.

Étape 7 : feed-back et réflexion individuels


Chaque étudiant futur formateur repart avec l’enregistrement de la simula-
tion où il était F et les deux questionnaires complétés à chaud (le sien comme
F et celui de son FE). La lecture du questionnaire complété par son FE lui
permet de prendre conscience des effets sur autrui de ses positionnements et
interventions.

102 Comment soutenir la démarche réflexive ?


À domicile, il retranscrit l’entretien.
Ensuite, il l’analyse à la lumière des principes de la supervision réflexive inspirés
de Schön (1988). Cette démarche lui permet de revenir sur les éléments pointés
lors de la problématisation.
Cette simulation et son exploitation permettent aux étudiants de se projeter dans
le stage, de prendre conscience des interactions qu’il privilégie et de leurs effets, et
ainsi de développer une certaine vigilance relativement à sa manière de fonctionner
dans un entretien de régulation.

Chapitre 3 Outils 103


3.12 Analyser ses questions de clarification
en duo
Sephora Boucenna

Origine
La démarche présentée ci-après est développée depuis 2005 par Sephora
Boucenna, membre de l’équipe du Département Éducation et Technologie. Elle a été
proposée à des publics fort différents issus de la formation initiale, mais surtout
aux publics de la formation continue (tant dans l’enseignement fondamental que
dans l’enseignement secondaire ou supérieur) des enseignants confirmés, des coor-
dinateurs de branche, des inspecteurs, des conseillers pédagogiques, des directions,
mais aussi des formateurs d’adultes dans différents secteurs.
Ce qui caractérise en premier lieu cet outil de réflexivité, c’est l’écriture sous un
format particulier. En effet, non seulement les participants sont invités à produire
un écrit à propos d’une situation vécue, mais les échanges tout au long du dispo-
sitif se font par écrit et non oralement.
Le dispositif intitulé « Analyse de ses propres questions de clarification » (AQCED)
est une démarche d’analyse privilégiant une modalité de communication écrite entre
deux partenaires : un narrateur et un analyseur. Cet exercice, qui s’inscrit dans un
processus de mise en abîme, invite l’analyseur à engager un exercice d’analyse à
partir d’un matériau provoqué pour l’occasion à partir du récit d’autrui, à savoir
l’exploration de ses propres questions de clarification posées au narrateur.
Cet outil a été publié, par ailleurs, dans un article écrit avec Yann Vacher dans un
ouvrage collectif portant sur la réflexivité et l’apprentissage autorégulé (Boucenna
et Vacher, 2016).

Public
Tous les professionnels, débutants ou confirmés, qui visent à interroger puis
à optimiser la manière dont ils « ouvrent l’espace de parole d’autrui » dans les inte-
ractions professionnelles, qu’elles soient pédagogiques ou autres.

Contexte
Ce dispositif prend place dans le cadre d’une formation professionnelle, tant
en formation initiale que continue.

Temporalité
Cette démarche peut être utilisée dans une formation qui propose différentes
modalités d’analyse des pratiques. Elle peut intervenir après plusieurs séances
vécues par un groupe de codéveloppement professionnel par le groupe de pairs
ou de séances d’analyse des pratiques en groupes de pairs. Elle met la focale sur
les théories contenues dans les questions qui sont formulées dans un contexte

104 Comment soutenir la démarche réflexive ?


d’analyse des pratiques. Elle invite dès lors les participants à s’engager dans un
exercice « méta », c’est-à-dire qu’ils vont « se » regarder dans leurs modalités de
questionnement et les interroger.

Objectifs
L’exercice qui suit poursuit comme objectifs :
• de permettre au narrateur comme à l’analyseur de décoder certaines dimen-
sions de leurs pratiques professionnelles respectives ;
• d’identifier l’impact perlocutoire (Vermersch, 2007) de la formulation des
questions de clarification et de l’analyse sur l’autre et sur soi ;
• d’apprendre à formuler des questions qui ouvrent l’espace de communication ;
• d’identifier les implicites contenus dans les questions de clarification de
même que les théories personnelles ou collectives qui les sous-tendent ;
• d’identifier certains référents qui sous-tendent la pratique professionnelle ;
• d’identifier l’objet de l’attention particulière du narrateur et de l’analyseur ;
• de savoir questionner l’autre pour l’aider à décoder sa pratique – « offrir un
questionnement au service de l’autre ».

Modalités
Matériau
Le matériau est constitué par les questions de clarification, écrites et des-
tinées au narrateur suite à son récit (lui aussi écrit). Ce récit correspond à une
situation professionnelle vécue par ce même narrateur et qui l’interroge (Vacher,
2015).
Cet exercice exige des participants d’occuper une quadruple posture comprenant à
la fois :
1. celle d’exposant/narrateur (celui qui décrit une situation professionnelle
réelle et vécue à la première personne du singulier) ;
2. celle de professionnel porteur de différentes normes et référents ;
3. celle d’analyseur du récit du collègue avec les questions de clarification ;
4. celle d’analyseur de ses propres formulations de questions de clarification.

Type d’animation
L’animateur structure temporellement la séance et veille au bon suivi des
consignes. Il est important que tout le monde soit aligné dans les tâches, car
chaque participant est en interaction directe et dans un lien d’interdépendance avec
ses voisins directs de droite et de gauche. Il organise les temps de partage après
la rédaction de la partie réflexive de l’outil.

Chapitre 3 Outils 105


Description de l’outil
Le contrat de confiance
Pour pouvoir « se mettre sur l’ouvrage » et se positionner comme objet
d’étude, un climat de confiance est nécessaire. Pour qu’il puisse se construire,
certaines conditions de fonctionnement du groupe sont à aménager. Un contrat de
confiance vise à établir un climat où les participants osent exposer leurs pratiques
tel que proposé dans l’outil du codéveloppement par le groupe de pairs ou dans
l’outil du DAGNEA.

Dans les étapes qui suivent, chaque participant occupe deux rôles  : celui de nar-
rateur et celui d’analyseur. La démarche comprend huit étapes. L’outil, dans sa
version scripturale et support à l’exercice, est proposé à la fin de la description
des étapes. Ces supports présentés sous forme de fiches-outils sont à imprimer sur
des feuilles A4.

Étape 1
Chaque participant rédige le récit d’un aspect de sa pratique professionnelle
qui lui pose question dans l’encadré prévu à cet effet. Il aura préalablement noté
son prénom comme narrateur sur toutes les feuilles du document support.

Étape 2
Chaque paquet de feuilles du document support passe au voisin de gauche.
Chaque participant devient alors analyseur. Chacun lit le récit du narrateur (le
collègue de droite) et précise son ressenti à cette lecture dans l’encadré prévu à
cet effet. Il aura préalablement noté son prénom comme analyseur sur toutes les
feuilles du document support.

Étape 3
Après avoir noté la résonance produite par le récit du narrateur et avoir plié
la feuille de manière à ce que le narrateur ne puisse pas la lire, chaque participant
dans son rôle d’analyseur pose des questions de clarification par écrit pour obte-
nir suffisamment d’informations de manière à pouvoir produire une analyse de la
situation. Les questions sur le contexte ne sont pas les plus porteuses. Celles qui
portent sur la pratique du narrateur sont à privilégier.

Étape 4
Chaque paquet (re)passe au voisin de droite et les participants adoptent
leur rôle de narrateur. Sans lire le ressenti de l’analyseur, mais en se concentrant
sur les questions de clarification, chaque narrateur écrit à son tour son ressenti
à la lecture des questions de clarification. Le ressenti est différent du jugement.
C’est une réponse à la question : « en lisant cette question, qu’est-ce qui me vient,
qu’est-ce que je ressens ? »

106 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Étape 5
Puis, chaque narrateur répond aux questions de clarification. Si le narrateur
perçoit un jugement ou des propositions déguisées, il peut s’abstenir de répondre
à certaines questions en expliquant ce choix.

Étape 6
Chaque paquet (re)passe au voisin de gauche et tous les participants
reprennent leur rôle d’analyseur. Après avoir lu la résonance précisée par le narra-
teur et ses réponses aux questions de clarification, chaque analyseur identifie les
hypothèses et les théories contenues dans ses propres questions de clarification.
Ce passage à l’exercice réflexif est accueilli avec inquiétude par les personnes qui
participent pour la première fois à cet outil. Il s’agit de formuler les « règles » pré-
sentes dans les questions de clarification. Prenons deux exemples.
Exemple 1
Question de clarification posée par l’analyseur au narrateur  : « Comment les per-
sonnes étaient-elles disposées dans le local de réunion ? »
Théorie inférée de la question  : « la disposition des protagonistes de la situation
analysée influe sur l’issue de la réunion ».
Exemple 2
Question de clarification posée par l’analyseur au narrateur  : « As-tu observé qu’à
l’issue de la consigne de travail que tu as donnée oralement, les élèves se sont
engagés dans le travail ? ».
Théorie 1 inférée de la question : « Le média utilisé par l’enseignant pour commu-
niquer des consignes de travail influe sur l’engagement des élèves dans la tâche ».
Théorie 2 inférée de la question : « L’enseignant est un professionnel qui observe ses
élèves suffisamment pour pouvoir établir des liens entre ses actes et les compor-
tements de ses élèves ».
En fonction du contexte des situations décrites, plusieurs autres hypothèses pour-
raient être inférées à partir des questions de clarification posées.

Étape 7
Les paquets demeurent chez les participants dans leur rôle d’analyseur.
Chaque participant reformule les questions de clarification pour lesquelles il a ana-
lysé qu’elles contenaient des jugements, des propositions d’action déguisées, des
invitations à l’analyse ou qui étaient fermées.

Étape 8
Les paquets demeurent chez les participants dans leur rôle d’analyseur.
Chaque participant réalise un bilan sur sa manière de produire des questions de
clarification, puis sur les théories qu’il a inférées à partir des formulations.
Chaque analyseur réalise un bilan de ses différentes prises de conscience et de sa
définition de ce qu’est une question de clarification. Il partage en groupe ce qui
lui semble partageable.

Chapitre 3 Outils 107


Fiche-outil à imprimer en format A4

Narrateur : ................................................ Analyseur : .........................................................

« L’observable ; le perçu » Résonance Les questions de clarification


Il s’agira ici du récit Qu’est-ce qui m’interpelle Quelles sont les informations
d’un aspect de la pratique dans le cas présenté ? qui me manquent pour émettre
qui « pose question » au Quel est mon ressenti après des hypothèses explicatives ?
narrateur avoir lu la situation présentée ? (analyseur)
(analyseur)
Questions Objet sur lequel
porte chaque
question

108 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Fiche-outil à imprimer en format A4

Narrateur : ...................................................... Analyseur : .....................................................


Résonance Réponses aux questions de clarification
Sans lire le contenu de ce que l’analyseur (narrateur)
a écrit sur sa propre résonance avec le récit,
je précise ici ce que les questions de clarification
provoquent chez moi
(narrateur)

Chapitre 3 Outils 109


Fiche-outil à imprimer en format A4

Narrateur : ....................................................... Analyseur : ......................................................

Théories contenues dans les questions Reformulation éventuelle de certaines questions


Après avoir lu le contenu de la page 3, de clarification
quels sont les implicites ou les hypothèses contenus (analyseur)
dans les questions formulées ?
(analyseur)

110 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Fiche-outil à imprimer en format A4

(À partager avec les membres du groupe)

* * *

Mon projet en posant des questions de clarification à mon voisin

Qu’est-ce que je voulais savoir ?


......................................................................................................
......................................................................................................

Pourquoi je voulais le savoir ?


......................................................................................................
......................................................................................................

Quelles étaient mes implicites – mes hypothèses (mes théories) en formu-


lant ces questions ?
......................................................................................................
......................................................................................................

* * *

Au terme de ce questionnement, je prends conscience de :


......................................................................................................
......................................................................................................

Pour moi, poser des questions de clarification, c’est :


......................................................................................................
......................................................................................................

* * *

Au terme de ce travail, voici les objectifs que je fixe :


......................................................................................................
......................................................................................................

Chapitre 3 Outils 111


Le mot de la fin
Déplier la démarche réflexive et les démarches d’analyse des pratiques profession-
nelles et identifier ses composantes, c’est fournir au lecteur une grille d’intelligibilité de
ce que recouvre un tel processus, mais c’est aussi soutenir la conception de nouveaux
dispositifs ou l’aménagement de dispositifs déjà existants.
Ainsi, outre notre souhait de partager une démarche et des outils d’analyse de pratiques,
notre aspiration est d’offrir des clefs qui aideront des formateurs à professionnaliser leurs
propres pratiques.
Nous espérons que la découverte de cet ouvrage aura nourri votre réflexion ainsi que
vos pratiques.

113
Bibliographie
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catives. Paris, Gauthier-Villars : Unesco.
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Vermersch, P. (2007). Approches des effets perlocutoires. Expliciter, 71, 1-23.

116 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Table des matières

SOMMAIRE ........................................................................................................... 5

INTRODUCTION .................................................................................................. 7

CHAPITRE 1
FONDEMENTS 11

1.1 Pourquoi analyser ses pratiques ? ................................................. 13


Une logique de socialisation professionnelle ................................ 13
Une logique de l’intelligibilité ........................................................... 14

1.2 Les matériaux ........................................................................................ 15

1.3 Les objets d’analyse............................................................................ 16

1.4 En synthèse ............................................................................................ 17

CHAPITRE 2
COMPOSANTES DE L’ANALYSE DES PRATIQUES 19

2.1 D comme Décrire.................................................................................. 23


Qu’est-ce que décrire ? ......................................................................... 23
Pourquoi décrire ? .................................................................................. 24
Comment décrire ? ................................................................................. 24
Comment aider à décrire ? .................................................................. 25
Quand décrire ? ....................................................................................... 26

2.2 P comme Problématiser ..................................................................... 27


Qu’est-ce que problématiser ? ........................................................... 27
Pourquoi problématiser ? ..................................................................... 27
Comment susciter la problématisation ? .......................................... 28
Quand problématiser ?.......................................................................... 28

2.3 A comme Analyser .............................................................................. 30

117
Qu’est-ce qu’analyser ?.......................................................................... 30
Pourquoi analyser ? ................................................................................ 31
Comment analyser ? ............................................................................... 32
Comment aider à analyser ? ................................................................ 33

2.4 T comme construire une Théorie de l’action ............................ 35

Qu’est-ce que construire une théorie de l’action ? ...................... 35


Pourquoi construire une théorie de l’action ? ............................... 36
Comment aider à construire une théorie de l’action ? ............... 36
Quand construire une théorie de l’action ? .................................... 36

2.5 R comme Réinvestir dans l’action ................................................. 37

Qu’est-ce que réinvestir dans l’action ? ........................................... 37


Pourquoi réinvestir dans l’action ? .................................................... 37
Comment aider à réinvestir dans l’action ? .................................... 38
Quand réinvestir dans l’action ? ......................................................... 39

CHAPITRE 3
OUTILS 41

3.1 La méthode narrative ........................................................................ 43

Origine ...................................................................................................... 43
Public ......................................................................................................... 44
Objectifs .................................................................................................... 44
Modalités .................................................................................................. 45
Matériau ............................................................................................... 44
Type d’animation ................................................................................. 44
Un moment individuel .................................................................. 45
Un moment d’échange avec les pairs ......................................... 45
Un moment de formalisation....................................................... 45
Un moment favorable au réinvestissement ................................ 46
Description de l’outil ............................................................................. 46
Étape 1 : préparation de la situation par son propriétaire ............. 46
Étape 2 : exposé du cas ...................................................................... 47
Étape 3 : questions par le groupe ..................................................... 47
Étape 4 : temps d’échange avec le groupe ....................................... 47
Étape 5 : réactions du propriétaire du cas et débat ........................ 48
Étape 6 : phase de formalisation ....................................................... 48

3.2 Entretien de régulation


et autoconfrontation accompagnée ............................................. 49

Origine ...................................................................................................... 49
Public ......................................................................................................... 50

118 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Objectifs .................................................................................................... 50
Modalités .................................................................................................. 50
Matériau ............................................................................................... 50
Type d’animation ................................................................................. 50
Description de l’outil ............................................................................. 50
Précautions préalables ........................................................................ 50
Étape 1 : amorcer l’entretien : donner la main................................ 51
Étape 2 : inviter à commenter l’observable mis à disposition ........ 51
Étape 3 : ouvrir à d’autres interprétations ....................................... 52
Étape 4 : susciter des décisions de régulation .................................. 52
Étape 5 : la clôture de l’entretien...................................................... 53
Prolongements possibles de l’outil ................................................... 54
La grille d’auto-évaluation ................................................................. 54
L’autoconfrontation accompagnée de traces vidéo
comme accès à la pensée dans l’action ............................................. 54

3.3 Le groupe de codéveloppement professionnel ....................... 56

Origine ...................................................................................................... 56
Public ......................................................................................................... 56
Contexte ................................................................................................... 56
Temporalité .............................................................................................. 57
Objectifs .................................................................................................... 57
Modalités .................................................................................................. 57
Matériau ............................................................................................... 57
Type de regroupement/configuration ............................................... 57
Type d’animation ................................................................................. 58
Description de l’outil ............................................................................. 58
Le contrat de confiance ...................................................................... 58
Proposition d’une base de contrat de confiance ........................ 58
Étape 1 : description de la situation « problème » ........................... 59
Étape 2 : questions de clarification ................................................... 60
Étape 3 : reformulation de la question problème ........................... 61
Étape 4 : propositions de plans d’action ........................................... 61
Étape 5 : bilan des apprentissages..................................................... 62

3.4 Démarche d’Analyse en Groupe


à partir des Natures d’Enjeux – DAGNEA .................................. 63

Origine ...................................................................................................... 63
Public ......................................................................................................... 63
Contexte ................................................................................................... 63
Temporalité .............................................................................................. 64
Objectifs .................................................................................................... 64

Table des matières 119


Modalités .................................................................................................. 64
Matériau ............................................................................................... 64
Type de regroupement ....................................................................... 64
Type d’animation ................................................................................. 64
Description de l’outil ............................................................................. 65
Le contrat de confiance ...................................................................... 65
Étape 1 : description de la situation « problème »
ou qui interroge .................................................................................. 65
Étape 2 : questions de clarification ................................................... 66
Étape 3 : analyse individuelle des enjeux ......................................... 66
Étape 4 : mise en commun des analyses et construction
d’un schéma d’analyse collectif .......................................................... 67
Étape 5 : propositions de plans d’action ........................................... 67
Étape 6 : les bilans .............................................................................. 68

3.5 L’analyse de cas vidéo ....................................................................... 69


Origine ...................................................................................................... 69
Public ......................................................................................................... 69
Objectifs .................................................................................................... 69
Modalités .................................................................................................. 69
Matériau ............................................................................................... 69
Type d’animation ................................................................................. 70
Description de l’outil ............................................................................. 70
Étape 1 : contextualisation de l’extrait, consignes
et visionnement ................................................................................... 70
Situation 1 ..................................................................................... 70
Situation 2 ..................................................................................... 70
Situation 3 ..................................................................................... 70
Étape 2 : discussion en groupe .......................................................... 71
Étape 3 : réflexion sur des pistes d’action future ............................ 71

3.6 Analyse par problème en groupe ................................................. 72

Origine ...................................................................................................... 72
Public ......................................................................................................... 72
Contexte ................................................................................................... 72
Objectifs .................................................................................................... 73
Modalités .................................................................................................. 73
Matériau ............................................................................................... 73
Type de regroupement ................................................................. 74
Type d’animation .......................................................................... 74
Description de l’outil ............................................................................. 77

3.7 Les ateliers praxéologiques ............................................................. 79


Origine ...................................................................................................... 79

120 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Public ......................................................................................................... 80
Objectifs .................................................................................................... 80
Modalités .................................................................................................. 81
Matériau ........................................................................................ 81
Type d’animation .......................................................................... 81
Description de l’outil ............................................................................. 82
Quand il est utilisé en préparation à une action professionnelle
récurrente............................................................................................. 82
Étape 1 : présentation de la situation ........................................ 82
Étape 2 : projection de chaque participant dans la situation ..... 82
Étape 3 : jeux de rôle successifs................................................... 83
Étape 4 : analyse des jeux de rôle successifs .............................. 83
Étape 5 : pour jalonner la démarche d’analyse, la parole
est d’abord donnée à l’acteur ..................................................... 84
Étape 6 : le deuxième JdR filmé est visionné par l’ensemble
du groupe et analysé selon la même démarche. ....................... 84
Quand il est utilisé comme outil de réflexion
sur une action professionnelle passée ............................................... 84
Étape 1 : préparation de la situation .......................................... 84
Étape 2 : présentation de la situation : étude de cas mimée ... 85
Étape 3 : jeux de rôle successifs mettant en scène d’autres
alternatives .................................................................................... 85
Étape 4 : analyse des jeux de rôle successifs .............................. 85
Étape 5 : le réinvestissement ....................................................... 85

3.8 Analyse des pratiques à partir de situations


semi-authentiques ............................................................................... 86

Origine ...................................................................................................... 86
Public ......................................................................................................... 86
Contexte ................................................................................................... 86
Temporalité .............................................................................................. 86
Objectifs .................................................................................................... 86
Modalités .................................................................................................. 87
Matériau ............................................................................................... 87
Type de regroupement ....................................................................... 87
Type d’animation ................................................................................. 87
Description de l’outil ............................................................................. 87
Étape 1 : planification de la situation
par le participant-formateur .............................................................. 88
Étape 2 : réalisation de la séquence de formation .......................... 89
Étape 3 : choix des moments à revoir ............................................... 89
Étape 4 : description des moments choisis........................................ 89
Étape 5 : analyse des moments épinglés sur la vidéo...................... 90
Étape 6 : construction de stratégies alternatives ............................. 90

Table des matières 121


3.9 Le journal de réflexivité.................................................................... 91

Origine ...................................................................................................... 91
Public ......................................................................................................... 91
Contexte ................................................................................................... 92
Temporalité .............................................................................................. 92
Objectifs .................................................................................................... 92
Modalités .................................................................................................. 92
Matériau ............................................................................................... 92
Type d’animation ................................................................................. 93
Description de l’outil ............................................................................. 93
Interroger l’identité professionnelle .................................................. 93
Interroger la relation pédagogique ................................................... 94
Interroger le parcours de formation ................................................. 94

3.10 Le parcours de formation ................................................................. 96

Origine ...................................................................................................... 96
Contexte d’utilisation............................................................................ 96
Objectifs .................................................................................................... 97
Modalités .................................................................................................. 97
Matériau ............................................................................................... 97
Type d’animation ................................................................................. 97
1. Des moments de réflexion échelonnés sur toute la durée
de la formation (ou d’un dispositif d’accompagnement) ....... 97
2. Un travail individuel de rédaction : le parcours de formation 98
3. Un moment d’échange avec les formateurs .......................... 98
Description de l’outil ........................................................................... 98
Étape 1 : Pauses réflexives tout au long de l’année.................. 98
Étape 2 : rédaction du parcours de formation........................... 99
Les pistes d’actions professionnelles .......................................... 99
Étape 3 : rencontre avec les formateurs ..................................... 99

3.11 Réfléchir à sa manière de mener un entretien


de régulation ......................................................................................... 100

Origine ...................................................................................................... 100


Public ......................................................................................................... 100
Contexte ................................................................................................... 100
Temporalité .............................................................................................. 100
Objectifs .................................................................................................... 100
Modalités .................................................................................................. 100
Matériau ............................................................................................... 100
Type d’animation ................................................................................. 101
Description de l’outil ............................................................................. 101

122 Comment soutenir la démarche réflexive ?


Étape 1 : consignes et visionnage d’une séquence d’enseignement-
apprentissage filmée ........................................................................... 101
Étape 2 : premier jeu de rôle ............................................................. 101
Étape 3 : questionnaires à chaud....................................................... 101
Étape 4 : second jeu de rôles ............................................................. 102
Étape 5 : questionnaires à chaud....................................................... 102
Étape 6 : débriefing en grand groupe .............................................. 102
Étape 7 : feed-back et réflexion individuels ..................................... 102

3.12 Analyser ses questions de clarification en duo ....................... 104


Origine ...................................................................................................... 104
Public ......................................................................................................... 104
Contexte ................................................................................................... 104
Temporalité .............................................................................................. 104
Objectifs .................................................................................................... 105
Modalités .................................................................................................. 105
Matériau ............................................................................................... 105
Type d’animation ................................................................................. 105
Description de l’outil ............................................................................. 106
Le contrat de confiance ...................................................................... 106
Étape 1 ........................................................................................... 106
Étape 2 ........................................................................................... 106
Étape 3 ........................................................................................... 106
Étape 4 ........................................................................................... 106
Étape 5 ........................................................................................... 107
Étape 6 ........................................................................................... 107
Étape 7 ........................................................................................... 107
Étape 8 ........................................................................................... 107

LE MOT DE LA FIN ............................................................................................ 113

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................... 115

TABLE DES MATIÈRES ...................................................................................... 117

Table des matières 123

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