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v=v2V2qeoOjqE&t=53s

Aurélien Barrau - Comment habiter maintenant la Terre ? -


Grandes Conférences Liégeoises
23 janvier 2020

Vidéo regardée le 08/04/20

Il n’y a pas de problème climatique : au-delà de la de la litote ou de l’euphémisme de le dire


ainsi

Il n’y a pas de 6ème extension massive : c’est plutôt la première extermination drastique et
délibérée de la vie sur terre.

50 millions de morts engendrés par le néocolonialisme occidental depuis la 2ème guerre


mondiale ne nous empêche pas de dormir hélas. Il est dommage que nous ne connaissions que
maintenant l’existence de toute l’altérité humaine, végétale etc. alors qu’elle est en train de
disparaitre.

Super prédation qu’est la nôtre. Elle est en train de devenir suicidaire pour ceux-là même qui
en sont les coupables. Cela suffira-t-il à y mettre fin ?

Commençons par un bilan :


En une seule décennie, la biomasse à chuter de 67%.

La moitié des points dits de non retours ont été atteints dans l’urgence écologique.

Les animaux ne disparaissent pas, ils sont tués. Anéantissement biologique majeur pour
certains naturalistes.

En 40 ans, 400 millions d’oiseaux ont disparu du ciel d’Europe et vraisemblablement plus
d’un milliard aux Etats-Unis.

60% des populations d’animaux sauvages ont périclités.

Les grandes espèces de poissons d’eau douce de 88%.

1 million d’espèces sont menacées à très court terme.


1000 milliards d’animaux marins meurent chaque année (surpêche industrielle) via des
navires qui parcourent tous les ans 35 000 fois le diamètre de la terre.

 Les humains représentent seulement 0,01% des vivants sur Terre, mais sont à
l’origine de 85% des morts depuis le début de l’ère industrielle.

On peut imaginer que le réchauffement ne soit pas d’origine anthropique… La probabilité est
de 0,00005%. Chiffre un peu mince pour parier dessus notre avenir commun.

La part des humains qui seront soumis à des canicules potentiellement mortelles de + de 20
jours ‘élèvera a plus de 74% de la population à la fin du siècle.

44 pays sont en situation de stress hydrique aujourd’hui. L’ONU cite une « menace


existentielle directe ».

Le régime de croissance exponentielle qui se base sur l’utilisation des ressources dans lequel
nous nous trouvons actuellement est une instabilité en physique = état qui conduit presque
nécessairement au crash du système qui se trouve y être soumis.

Nous sommes en train d’organiser le crash du système vie à l’échelle de la planète.

Le dégèle du permafrost est 50x plus rapide que prévu.

L’océan de plastique fait 3 fois la taille de la France, sa masse est toujours en augmentation
exponentielle. A ce rythme, la production de déchet va augmenter de 70% dans les 30
prochaines années.

80 000 km carré de forêt disparaissant chaque année, ces années risquent de voir empirer ce
chiffre. Les forêts primaires vont très semblablement s’éteindre dans les prochaines décennies
du Paraguay, du Laos, de la Guinée Equatoriale. Il ne reste que 46% des arbres que la terre
comptait avant que l’humanité se lance dans l’agriculture il y a 12 000 ans.

La fonte des glaciers de montagne va donner beaucoup trop d’eau douce et ensuite beaucoup
trop peu à environ 2 milliards d’humains qui en dépendent directement. Ces glaciers
contiennent du mercure qui risque de se déverser dans l’eau. L’été dernier, en une seule
journée, 11 milliards de tonnes de glace fondait au Groenland. [Voir reportage Hugo
Clément !]

En Europe, la pollution tue environ 800 000 personnes par an. Chaque année, 89 millions
d’êtres humains doivent être nourris, alors que 40% de la production alimentaire mondiale est
gaspillée.
[Citation pour clore le constat et arriver au comment].

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Ce n’est pas le réchauffement climatique le grand coupable. Il est un mal parmi beaucoup
d’autre dont l’effondrement de la vie sur terre. Les vivants non humains n’ont plus d’espaces
pour vivre. Hyper colonialisme.

Surexploitation, en particulier la pêche. Observations satellitaires qui anticipent les


déplacements des bancs de poissons.

La recommandation de l’OMS de manger deux à trois fois par semaine du poisson  si tous
les humains appliquaient cela, les océans seraient vides.

Même si Gilles Deleuze aimait à rappeler que les poissons ne criaient pas, il est tout de même
bon de savoir que lors de la remontée des filets meurent dans d’affreuses souffrances.

Dans les causes majeures : agriculture intensive  pesticides.

Le réchauffement climatique n’est pas le seul problème.

Problématique connue depuis 40 ans ; étonnant de constater que depuis 1 an ou 2 réactions


étonnantes  beaucoup dénoncent l’écologie, afin que rien ne change. Certains grands
médias jouent leur rôle mais la situation est très clivée.

Les négateurs ne reprochent plus aux écologistes d’avoir tord mais d’être des dictateurs.
Comique non ? Hostilité de mise.

Il y aura entre 200 et 600 millions de réfugiés climatiques comme l’annonce l’ONU dans 30
ans. Il est probable que des régimes dictatoriaux soient mit en place.

Mémoire : lien crise écologique et migratoire  les futurs réfugiés climatiques.


Engagement écologique et social.

Greta Thunberg est moquée. Les lanceurs d’alerte demandent d’écouter les données
scientifiques sérieuses. Il faudrait aujourd’hui des alliances, des connivences face au désastre.
Malheureusement cela ne se profile pas ainsi. Plus de 200 militants écologistes dans la
dernière année ont été tués dans le monde.

Défendre la vie = position dangereuse ?


Les causes sont aussi nos mauvaises questions : est-il trop tard ? Trop tard pour quoi ? Cette
question n’a pas de sens. La seule question qui vaille est : jusqu’où sommes-nous prêts à
aller  ?

La deuxième mauvaise question est celle de la réversibilité : peut-on revenir en arrière ?


Non ! Les souffrances ne peuvent pas être relativisées.

Que pouvons-nous faire ? Être honnêtes et dire que nous n’allons pas dans la bonne
direction.

Le trafic aérien bat des records. 200 000 vols dans la même journée. Nous n’allons pas dans
la bonne direction.

Quelle a été la grande conséquence de la canicule de cet été ? Le décuplement des ventes
de climatisation.

En France, réforme des retraites en cours : idée qu’il faut travailler plus longtemps et produire
davantage. Une société riche et mature qui devrait être la notre devrait dégager du temps pour
vivre.

Les calculs fait par le gouvernement sont faits sous hypothèse de croissance, autrement dit
sous calcul de suicide.

Vision comptable et gestionnaire du monde qui nous mène au suicide.

La 5G  on sait que la surmultiplication numérique a des conséquences sur la santé


intellectuelle, et consomme 3x plus qu’un équipement 4G. Des milliards de téléphones
devront être créés pour s’adapter à la 5G. Mais personne dans les hautes sphères ne
s’intéresse sur la légitimité de la 5G. Il faudrait s’enorgueillir de perdre cette course. Folie qui
ne répond à aucun besoin direct.

Question de la liberté : les écolos sont liberticides, reproches qu’on leur fait souvent. Il faut
hiérarchiser nos priorités. Il faut assumer nos choix. Nos libertés sont endiguées et tant
mieux. Pourquoi sommes-nous autorisés à détruire la santé de nos petits enfants ? Il faudrait
créer d’autres lois ?

Que faire ?

Je ne sais pas mais quelques modes d’actions envisageables.


1) Dimension politique : Se rendre compte de l’impact du désastre. Il faut rendre les
politiques sérieux, ça veut dire les libérer. Nous ne devons pas accorder le moindre crédit à
un.e candidat.e qui ne ferait pas de l’écologie sa priorité.

En Grec le mot politique a trois déclinaisons : Politekos (l’organisation de la Cité) ;


Politeia (l’institution) ; Politiké (la pratique du pouvoir). Suivant ces trois prismes, la question
écologique est fondamentalement politique. Pourquoi ? Car la question est : quel monde
voulons-nous habiter ?

Il faut que nous prenions nos responsabilités. Le monde sait, alors que nous élisons
Trump, Bolsonaro, etc. il y a un problème politique.

L’option révolutionnaire est la voie : mettre à mal un système qui nous met à mal. L’Europe
n’est pas épargnée par ces vents de folie. Notre manière d’être est irrationnelle.

2) Question d’éthique individuelle. C’est trop facile d’en rester là car le problème est
systémique. Toutefois l’éthique peut aider. On part du microcosme pour aller vers le
macrocosme. On peut fustiger les entreprises les plus nocives et ne pas acheter ce qu’elles
vendent. Dire qu’on aime la vie et manger de la viande à tous les repas : contradictoire. La
suralimentation carnée est dramatique : surmortalité de 7 à 14% selon l’OMS. Il faut
beaucoup de calories végétales pour nourrir des calories animales et donc en décidant de se
nourrir de calories animales on décide que des hommes vont mourir de faim. 95% des
mammifères en biomasse sur terre c’est de la viande d’abatage. Qu’est-ce que la vie sur
terre ? L’élevage industriel.

Sortir du « ce n’est pas moi c’est l’autre ». Nous sommes tous coupables. Guerre entre Chine
et USA.

3) Question démographique : « Le problème c’est l’Afrique » (extraits du discours de Dakar


prononcé par Nicolas Sarkozy en 2007). Alors que Europe sur 200 ans les + pollueurs, puis
USA puis Chine sur les 10 dernières années ! Il disait que le problème est la démographie
galopante. La démographie se stabilisera. Cela voudrait dire que si l’occident était tout seul, il
pourrait jouir encore un peu (41 min). Pour que la démo baisse : Bonne sécu, retraite digne,
assurance chômage, accès à l’éducation. Connivence écologique et sociale

4) Question économique : la fiscalité fonctionne mais c’est injuste. Si on augmente les taxes
sur un produit, les pauvres ne pourront plus avoir accès au produit.

Il faut faire une remise en cause du dogme d’une croissance perpétuelle dans un monde de
taille fini. La croissance est la première cause de l’effondrement du vivant. On pourrait parler
de croissance du partage, de l’amour, etc. Nous ne parlons que de la croissance du PIB, de la
production. Il y a des conventions économiques mais pas des réalités économiques or la
température du monde est une réalité.

Bien sur que cela va être dur mais il faut qu’il y ait une notion de partage, accompagner ceux
qui vont le + souffrir.

Problème fondamental avec le capitalisme ? Quoiqu’on réponde on se fait toujours des


ennemis… Mais probablement. Mais ce n’est pas le capital qui détruit. Ex : une entreprise
auto-gérée communiste peut tout autant polluer.

Le vrai problème avec le capitalisme : il porte en son sein son propre principe d’illimitation.
C’est impossible de trouver des régulateurs assez puissants.

5) Dimension symbolique : nous sommes homo-symbolicus. Nous sommes des êtres de


symboles. Quand il est question d’autres questions pragmatiques, on fait les choses pour
l’image que nous avons envie de nous-même. Puissance considérable. Il est l’heure de dé
ringardiser les valeurs anti-prédation. Par exemple symboliquement il faut qu’il soit plus
ringard de partir en bateau à St Tropez plutôt que de partir en randonnée.

Enchanter l’ici sans indexer leur existence à une sorte d’inféodation de l’altérité.

La forêt n’est plus à penser en termes de ressources. La forêt amazonienne n’est pas un
poumon, elle n’est pas là pour nous ; elle vaut en tant que telle : mutation symbolique. Quand
Notre Dame brûlait tout le monde était un peu triste car elle était plus qu’une église. Une forêt
qui brûle est plus qu’une forêt [lien avec la perception cf. cour sur le monde]. Elle comporte
des millions de milliards d’habitants. En Australie on a aussi compté les morts animaux (on
s’en réjouit mais finalement les dromadaires vont être tirés au sniper). Aussi : quand les feux
dévastés les territoires aborigènes en Australie  on n’en parlait pas… Causé par le
réchauffement climatique mais pas que : les arbres sont fragilisés et portent en eux des agents
pathogènes [lire La Vie secrète des arbres] qui les rendent plus sensibles aux feux. Est—ce
un hasard que ça arrive en Australie ? Avec la privatisation de l’eau et le climato scepticisme
aux commandes.

6) Ressort psychologique : la fin du monde ne génère pas beaucoup de dopamines… La


révolution sera difficile car elle vise à réduire nos intérêts à court termes… Jamais un peuple
est descendu dans la rue pour dire on veut moins. Donc peu d’espoir. Mais ce n’est qu’une
ascèse face à des valeurs qui sont construites et donc déconstructibles. Nous voulons inventer
un devenir radicalement autre. Nous devons réinventer le sens du monde : plutôt excitant.

7) Dimensions mythologique. Nous sommes aussi es êtres d’histoire et nous ne savons pas
habiter Gaia sans lui demander nos origines. Nous serions légitimes à inventer un mythe plus
humble et récent : celui de la vie. Le héros pourrait être autre qu’un homme arrogant et
malicieux comme Ulysse, puissant et fier comme Achille, mais que le héros soit un hybride.
Une femme peut-être. Nous avons une ontologie à inventer. La question dépasse infiniment
celle des émissions de CO2.

8) Dimension philosophique : nous sommes les héritiers d’une longue tradition


vraisemblablement née en Grèce ancienne pour la civilisation occidentale. Ce geste
socratique, cette rupture platonicienne a fait émerger des couples d’oppositions binaires :
terre et ciel / homme et femme / vérité et mensonge / présence et absence / croyance et savoir.
Beaucoup ont remis en cause cette binarité et il faut la remettre en cause. L’opposition entre
nature et culture est dramatique. L’opposition entre humain et animal est infondé. Nous
sommes des animaux. Il faut en tirer les conséquences. Nos semblables angoissent, désirent
comme nous. D’ailleurs faut-il vraiment qu’ils soient comme nous pour commencer à les
aimer et les respecter ?

D’infimes différences culturelles génèrent des colères et des haines : la tâche est immense. Ce
qui compte ce n’est pas la vie, mais les vivants. Il n’y a pas d’effondrement heureux.

9) Dimension historique : néocolonialisme occidental. Incapacité structurelle de l’occident à


douter de son modèle est sidérante. La destruction de l’essentiel de ses autres cultures ne lui a
pas suffi, il est maintenant face à son propre suicide. Occident étymologiquement = lieu de la
chute.

10) Dimension sémiotique : lieu des signes. Homme Dieu moqueur et arrogant : surenchère
affirmatrice de la DOXA. C’est en aucun cas $être subversif.

11) Dimension technique : rien ne laisse aujourd’hui que la solution technique peut être la
solution. Le miracle technologique n’arrivera pas, et il serait triste. Une énergie totalement
propre par exemple et gratuite ne serait pas une bonne nouvelle. La terre serait couverte de
routes etc. il en serait terminé de la vie sur terre car dès qu’il y a un petit gain quelque part, à
la fois écologique et économique il y a sur utilisation. On ne vit jamais à usage constant ! Les
effets rebonds surcompensent presque toujours les gains. Quel monde voulons-nous  ? La
technique ne répond pas à cela.

12) Question taxinomique : liberté oui. Mais la liberté d’opprimer les minorités, libertés de
polluer… ces libertés-là doivent-elles être défendues ? J’en doute. Il faut spécifier les libertés
dont on parle. Personne n’est pour la violence. Mais face à un système qui est ultra violent,
l’inaction est une ultraviolente ! jean Genet distinguait la violence de la brutalité : il faut
combattre la brutalité systémique. A voir comment… Il faut que nous travaillions sur la
hiérarchie de la violence. La passivité est une violence.

13) Question énergétique : c’est une question importante, mais on en parle trop… La vraie
question n’est pas seulement la l’origine de l’énergie mais ce qu’on en fait. Ex : si on rase
la forêt amazonienne avec des bulldozer qui fonctionnent à l’énergie solaire, et bien on a tout
de même rasé la forêt [questionner l’oppositions entre les moyens et les fins… Aristote ?] et
c’est quand même une catastrophe. Si les avions n’émettaient pas de CO2 par exemple, le
tourisme serait catastrophique à outrance.

14) Dimension médiatique : les mots sont importants. Les êtres vivants ne disparaissent pas,
ils souffrent, ils sont tués. Caractère existentiel de cette crise. Il faudra penser aux détails 
Ex : la/ le journaliste en parlant de croissance ne devrait pas avoir un ton enjoué.

15) Dimension poétique : le poète a toujours raison  Jean Ferrat et Aragon. Il est celui qui
est tout à la fois infiniment soumis aux dictats de la langue et parce qu’il sait qu’il peut
réinventer la sémantique, la grammaire, et la syntaxe car il sait qu’il est en droit et presque en
devoir de le faire. Le poétique = élément essentiel aujourd’hui, car sans redéfinition des
possibles, les changements demeureront dérisoires. Les violences les plus abominables sont
celles qui n’ont pas encore été identifiées comme telles. Il faut être poète pour penser hors de
l’ordre [cf. Baudelaire l’Albatros].

Conclusion :

Traces des êtres humains dans 100 000 millions d’années (temps géologique). Il ne restera
rien. Il y aune manière de par laquelle nous léguons une preuve de notre existence : dans les
fossiles on pourra voir un affaissement drastique de toutes les formes de vies sur terres sans
causes géologiques ou météoritiques. Est-ce là la trace que nous voulons laisser dans
l’Histoire ?

Il est temps de proposer un activisme fractal : toutes les voies sont bonnes. Nous n’avons pas
à choisir. L’activisme doit se déployer à toutes les échelles. Face aux crises majeures, ceux
qui ont l’habitude des luttes sociales pensent en termes de rapport de force, ils ont souvent
raison mais c’es insuffisant. Il faut aussi voir les choses autrement que dans un rapport de
force. Evolution darwinienne : on le pense souvent comme la compétition, le carnage et le
meilleur gagne mais l’aspect collaboratif est fondamental dans l’émergence des espèces qui
survivront. Ce type de pensée doit nous guider.
Aujourd’hui, les gestes les plus inégalitaires et brutaux ont été présentés comme des mesures
d’apaisement de la part de classe politique dominante. Plus personnes n’y croit mais tout le
monde s’en fiche. Constat grave.

Aurélien Barrau pense comme Jean Genet que l’espoir est que la brutalité se perde en se
détruisant d’elle-même.

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