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DICTATURE ET DESPOTISME CHEZ LES ANCIENS ET CHEZ LES MODERNES


Author(s): Chantal Millon-Delsol
Source: Revue Française d'Histoire des Idées Politiques, No. 6, Dictature absolutisme et
totalitarisme: Colloque des 15 et 16 mai 1997 à la Fondation Singer-Polignac (2e semestre
1997), pp. 245-250
Published by: L'Harmattan
Stable URL: http://www.jstor.org/stable/24610288
Accessed: 05-05-2016 08:34 UTC

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C O L L O Q u E

DICTATURE ET DESPOTISME
CHEZ LES ANCIENS
ET CHEZ LES MODERNES

par Chantal Millon-Delsol*

L'exercice comparatif est l'un des plus périlleux. Je m'y essaierai avec
prudence : en proposant de décrire deux aspects qui relient, l'un la dictature
ancienne à certaines dictatures modernes préalablement spécifiées, l'autre
le despotisme ancien à certains systèmes politiques modernes. Il s'agit, pour
le premier, de la notion de salut public. Pour le second, de la différence
qualitative entre gouvernant et gouvernés, assortie d'une organisation cen
tralisée.

La dictature est une magistrature, créée à Rome dans le cadre de la


République, lorsque celle-ci, une dizaine d'années après sa création en 509,
fut jugée trop faible en cas de situation exceptionnelle. Le dictateur, doté
des pleins pouvoirs et nommé pour un maximum de six mois, avait donc
pour mission de protéger la République, aussi paradoxal que cela paraisse.
Cette institution fonctionna correctement pendant environ quatre siècles. En
ce qui concerne l'époque moderne, les dictatures du XXe siècle en Occident
sont le plus souvent apparentées au fascisme italien, qui reprend les sym
boles (faisceaux) de l'ancienne dictature romaine. Il faudrait néanmoins
nuancer, et parler de deux branches de dictatures assez différentes : le fas
cisme et le corporatisme, symbolisés respectivement par Mussolini et Sala
zar, et répercutés dans l'Europe entière à cette époque (Franco en Espagne,
Metaxas en Grèce, Mgr Seipel en Autriche, Hlinka et Mgr Tiso en Slova
quie, Horthy en Hongrie, sans compter les mouvements qui n'ont pas accédé
au pouvoir).
La dictature romaine obéit à l'exigence du salut public. Dans l'antiquité,

* Chantai Millon-Delsol est professeur de philosophie à l'Université de Marne-La-Vallée.

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on peut rapprocher le dictateur de l'aisymnète grec, chef au pouvoir absolu


mais légitime, porté au pouvoir par l'inquiétude d'une cité devant le désor
dre interne (celui que nous connaissons le mieux est Pittacos de Mytilène
au vne siècle, mais on trouve des traces de ce pouvoir dans d'autres cités
grecques orientales). La dictature comme l'aisymnétie est une autocratie
décrétée en cas de situation exceptionnelle, lorsque les institutions ne fonc
tionnent plus (Denys d'Halicarnasse, V, 77, 3 : « Ils ont toujours été per
suadés que la dictature était l'unique remède à tous les maux incurables, et
la dernière espérance de salut quand toutes les autres leur avaient été ôtées
par quelque malheur »). Rome est à l'époque une cité petite, faible, et
menacée en permanence par des agressions extérieures. Tout au long du
Ve siècle, on voit des dictateurs sauver l'armée romaine contre des envahis
seurs. Accompagné de 24 licteurs (les rois n'en possédaient que la moitié),
qui symbolisent l'ampleur du pouvoir, le dictateur jouit d'un pouvoir irres
ponsable, au sens où il n'a de compte à rendre à personne. Il est choisi
pour ses hautes qualités humaines, à la fois parce que la tâche est ardue et
parce que le danger est grand de le voir se saisir définitivement d'un pouvoir
qu'une fois la tâche accomplie, il rendra par sa seule volonté d'honnête
homme. L'institution de cette magistrature étrange, marque le sens politique
aigû des Romains, et leur empirisme, qui probablement permit à la cité de
durer. Ils comprirent, dès l'origine, que l'institution républicaine possédait
des défauts graves, et ils surent corriger ces défauts avec bon sens et sans
esprit partisan (lequel eut commandé de refuser tout pouvoir absolu en
souvenir des Tarquins). Il fallait pour cela désigner la situation exception
nelle, celle qui échappait aux institutions libres, et accepter de regarder avec
lucidité les faiblesses d'un régime par ailleurs porté au pinacle. Il fallait ne
pas identifier la cité à ses principes de références, ou encore, ne pas sacra
liser ces derniers au détriment de la survie de la cité. Les Romains haïssaient
le pouvoir absolu, mais ils avaient fait la part de la nécessité au regard de
la survie d'une culture. La République était aimable, mais dans certains cas,
malheureusement insuffisante.
On sait le rôle que joua la hantise de la décadence dans la naissance des
fascismes européens du XXe siècle. La patrie humiliée (Italie, Portugal, Alle
magne - quoique le nazisme, par sa nature totalitaire, ne puisse être identifié
au fascisme), craint que le temps présent n'annonce la chute définitive. La
crise économique et morale trouve devant elle des institutions démocratiques
défaillantes, jugées trop faibles pour répondre aux dangers. La description
de la société du temps est apocalyptique partout où apparaissent les divers
fascismes : triomphe du matérialisme destructeur de culture, dissolution des
liens entre les individus, corruption des gouvernants. A la différence de ce
qui se passait dans la Rome antique, les institutions libres sont décriées.
C'est pourquoi l'autocratie s'installera ici pour durer, à la place de la démo
cratie, et en général avec l'appui populaire (même si Salazar écrivait que
la dictature « est un pouvoir presque sans contrôle, et cette circonstance en

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fait un instrument délicat qui s'use sans peine et dont on peut facilement
abuser ; pour cette raison, il ne faut pas qu'elle aspire à l'éternité », Une
révolution dans la paix, p.80). Le concept de salut est utilisé à satiété par
Mussolini et par Salazar. En justifiant son pouvoir par l'argument du salut
public, Mussolini établit clairement la comparaison avec l'ancien pouvoir
romain. Mais la magistrature dictatoriale était légitimée par une crise tem
poraire et par la faiblesse limitée et structurelle du régime de liberté. Tandis
qu'ici, la crise est donnée comme structurelle et durable, face à un régime
de liberté en déclin et à des institutions devenues pour ainsi dire inutilisables.
Il y a donc, par rapport à ce qui se passait dans l'antiquité, une transfor
mation de la nature de la crise. La situation exceptionnelle n'est plus un
passage douloureux et transitoire qu'il s'agit de franchir : mais un moment
historique de rupture des temps, justifiant l'avènement d'un autre régime.
La dictature devient le seul moyen, non plus de sauver une société saine
accusant une faiblesse momentanée, mais de sauver une société considérée
comme globalement malade, qui refuse tout naturellement de mourir. Cette
interprétation rappelle l'état d'esprit qui présida à la naissance du principat
romain à la fin du Ie siècle avant J.-C. A cette époque, la crise est vécue
comme structurelle, il ne s'agit plus d'une situation exceptionnelle tempo
raire mais d'une rupture des temps, et les institutions républicaines elles
mêmes sont remises en cause. La nécessité du salut public devient alors
capable d'abolir la valeur de référence à laquelle jusque là, la cité s'iden
tifiait : la liberté politique. A ce stade, la dissociation entre les valeurs de
la cité, et la survie de la cité, dissociation amorcée au temps de la création
de la dictature, devient complète : la survie de la cité passe par la négation
de ses valeurs. Le principe en est ainsi expliqué par Cicéron (cité par
Augustin, Cité de Dieu, XXII, 6) : un individu peut choisir de sacrifier sa
vie à ses valeurs ou à son honneur, mais un peuple ne le peut, il lui faut
d'abord survivre, car « lorsqu'un État disparait, s'abîme, est anéanti, c'est
en quelque sorte, pour comparer les petites choses aux grandes, comme si
le monde entier périssait et s'écroulait ».

Les anciens Grecs confèrent au roi oriental le nom du « maître de mai


son » (despotès), parce que le despote gouverne son pays comme le domaine
économique dans lequel vit une famille élargie : il traite ses sujets soit
comme des esclaves, soit comme des enfants, en tout cas comme des êtres
incomplets. En effet, le maître de maison est le seul connaisseur pour les
affaires qui concerne sa communauté : « celui qui sait ». Il la dirige donc
d'une manière davantage économique que politique, si l'on tient compte de
la signification du mot éco-nomie, administration de la maison. Il gère et
administre. Il ne gouverne pas, en tout cas, il ne gouverne pas dans le sens
grec où l'on fait de la « politique » : faire de la politique signifie « gouverner
des hommes libres » (Aristote). Les administrés sont donc des sujets et non
des citoyens. Dans la grande maison, ils sont enfants, femmes ou esclaves,

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tous êtres inférieurs soit temporairement soit par nature. Dans le royaume
oriental, ils sont sujets immatures, privés d'autonomie, considérés comme
ignorants de leur propre bien, que le roi est seul à connaître. Le gouverne
ment du despote traduit donc une différence qualitative entre le gouvernant
et les gouvernés, dans la maison comme dans le royaume, tandis que la
politique ou gouvernement de la cité, traduit une égalité de nature entre
tous les hommes, les hommes libres en tout cas, d'où la création démocra
tique : il faudra gouverner tour à tour. L'analogie entre le despotès-maître
de maison et le despotès-roi oriental, explique qu'à l'époque de la défail
lance démocratique, un défenseur de la monarchie comme Xénophon iden
tifie le gouvernement à l'économie, identification que l'on trouvait déjà chez
Platon, quand il défend une autocratie éclairée (c'est sur ce point qu'Aristote
le critique au début de La Politique). Le despotisme transpose le pouvoir
domestique au niveau de la société toute entière. Ici le pouvoir est absolu
par le monopole et la solitude de la compétence.
La centralisation du pouvoir provient directement de cette supposée dif
férence de nature entre gouvernant et gouvernés : comment laisser leur
autonomie à des gouvernés inférieurs ? Les Anciens savent peu de choses
sur l'organisation sophistiquée et titanesque des monarchies orientales. On
trouve dans les textes quelques mentions concernant la bureaucratie, la
centralisation économique, la fonctionnarisation chez les Égyptiens ou les
Perses aux époques des grands rois. Les Grecs relèvent un certain nombre
de détails pittoresques, devant lesquels ils s'exclament : les provinces du
Grand Roi pillées par l'impôt afin de payer la coiffe ou la ceinture de la
reine (Platon, Alcibiade, 123 b et ss), la pyramide de Chéops érigée grâce
au système de la corvée (Hérodote, II, 124), ou la rapidité de la poste perse
(Hérodote, VIII, 98). Mais les auteurs anciens vont pour ainsi dire à l'essen
tiel : ils ont bien vu que là-bas le monarque est le seul connaisseur du « bien
commun », par une supériorité intrinsèque due à son caractère divin ou
apparenté, selon les cas. Ils aperçoivent que le prince à lui seul résume
l'État, identifie le domaine public et le domaine privé, et enfin, égalise tous
ses sujets par l'obéissance et le service. Et, avec ironie ou mépris, résument :
« Les barbares sont tous esclaves, sauf un seul » (Euripide, Hélène, V, 276),
ou encore : « Tous les hommes de l'empire perse, sauf un seul, sont plus
exercés à la servitude qu'à la vaillance» (Xénophon, Hélléniques, VI, 1,
12).
D'où la fatale erreur du pouvoir despotique vu par les Anciens, erreur
qui l'empêche d'être un véritable « gouvernement politique » : il traite en
inférieurs des êtres qui en réalité ne le sont pas, il « transgresse l'égalité
originelle » (Aristote, Politique, VII, 3, 1325 b, 5).
Il est impossible de ne pas comparer le despotisme tel que les Anciens
le regardent, avec les régimes centralisés de l'ère moderne et essentiellement
du siècle qui vient de s'écouler. La centralisation apparait d'abord dans les
régimes totalitaires, où elle représente le moyen de la transformation du

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monde social : elle traduit bien la volonté d'imposer d'en haut une image
du bonheur que les individus ne poursuivraient pas séparemment. Face au
courant représenté par Plekhanov, qui sera finalement vaincu dans la course
au pouvoir, Lénine institue le gouvernant comme « celui qui sait », trans
formant finalement la dictature du prolétariat en dictature sur le prolétariat.
Le système communiste apparait ainsi proche du despotisme ancien. D'ail
leurs les commentateurs ne s'y sont pas trompés, puisque c'était bien dans
l'esprit de cette analogie que Karl Wittfogel publiait en 1957 son ouvrage
Le despotisme oriental, bientôt mis à l'index et ridiculisé par l'idéologie
soviétique et pro-soviétique. On se souvient que Marx, lors de la querelle
avec Proudhon et Bakounine, avait en son temps buté sur le concept de
« despotisme oriental », qui représentait le point d'achoppement de sa théo
rie (en supprimant les classes sociales, ne retournera-t-on pas vers un sys
tème où se rejoignent l'égalité et le pouvoir autocratique, conjonction déjà
présente chez les monarques orientaux de l'antiquité ? La suppression des
classes ferait émerger un État tentaculaire, plutôt que de permettre l'abolition
de l'État). Lénine, dans ses notes de Décembre 1922, écrivait avec tristesse
que le régime soviétique risquait de devenir un avatar du despotisme des
tsars. Ses successeurs vont escamoter le mot pour se débarrasser de l'idée
gênante, et dans les textes historiques, remplacer « despotique » par « féo
dal », ce qui signifie à peu près le contraire... En tout cas, le pouvoir
centralisé des Soviets, qui concentre dans sa main l'ensemble de la puissance
politique, économique et créatrice, rappelle celui des rois égyptiens des
époques absolutistes, pendant lesquelles aucun paysan ne pouvait couper un
arbre sans autorisation administrative. Les rois égyptiens nationalisaient les
biens essentiels, de même que l'empereur chinois avait nationalisé le sel et
le fer. Les caractères spécifiques du totalitarisme sont à ce jour suffisamment
connus pour que l'on n'insiste pas davantage sur l'infantilisation des indi
vidus, et la privation d'autonomie qu'on leur impose, dans un but d'égalité
- lequel était également l'une des finalités du despotisme chinois ancien -.
On peut se demander si une forme différente du despotisme moderne
n'est pas également repérable dans les manifestations les plus développées
de l'État-providence démocratique, mâtiné ou non d'idéologie socialiste.
Dans la société française contemporaine, le discours de la classe politique,
qui se confie pour gouverner à la science plus qu'à la prudence, prétend à
tout propos que sa politique est « la seule politique possible », et gère plutôt
qu'elle ne gouverne, entre bien souvent dans le registre de l'économie plus
que dans celui de la vraie « politique » : ce qui est fondamentalement
l'essence du despotisme tel que le décrivent les anciens.

Il reste que les pouvoirs forts de la modernité laissent apparaitre une


dimension fondamentale, complètement ignorée des Anciens : la dimension
idéologique. Celle-ci est présente dans tous les régimes modernes que nous
avons cités, même si elle n'apparait pas partout sous sa forme totalitaire.

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Sans parler du communisme et du nazisme, c'est bien au nom d'une idéo


logie que Mussolini et Salazar établissent la dictature. Si les anciens n'avan
çaient jamais ce type de finalité, c'est qu'ils reconnaissaient une cosmologie
et une religion unique et consensuelle, et ne désiraient pas changer la société,
car leur interprétation du monde contenait une anthropologie donnée pour
vraie. La révolution moderne, qui fait de l'homme une cire molle, apte à
tous les devenirs, mobilise le pouvoir pour servir les projets démiurgiques.
Il est parfaitement normal qu'elle recquierre pour cela des pouvoirs forts :
il faut la puissance pour briser le vieil homme et permettre la douloureuse
naissance de l'homme nouveau. Les organisations autocratiques sont tout
naturellement réquisitionnées pour servir de moyen aux projets titanesques
de la modernité créatrice.
A cet égard, la même cause explique les différences entre les démocraties
antiques et modernes, et entre les autocraties antiques et modernes. La
démocratie moderne a pour vocation d'ouvrir le débat entre les différentes
visions du bonheur, parce que nous considérons que l'anthropologie n'est
ni figée ni close. Les Anciens ne connaissaient pas la pluralité des visions
sociales, aussi leurs démocraties s'inscrivent-elles dans un cadre que nous
disons « holiste ». Pour la même raison, ils ne se sont pas livrés aux excès
idéologiques (même si quelques bribes apparaissent ici et là, par exemple
chez les Gracches ou dans la cité du soleil de Spartacus). Comme leurs
démocraties, leurs autocraties demeurent finalisées à la perpétuation d'un
ordre du monde que nul ne récuse. C'est pourquoi si elles peuvent, comme
certaines tyrannies, laisser derrière elles des cités mortes, elles n'en viennent
jamais, contrairement aux nôtres, à engendrer des anti-mondes.

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