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Révéroni - Saint-Cyr - Pauliska Ou La Perversité Moderne
Révéroni - Saint-Cyr - Pauliska Ou La Perversité Moderne
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'
lè‘7 Ai/ \ v \
V I
MÉMOIRES. RÉÇENS
| 1....L
D’ U NE PO L ON AISE.; ,
TOME IL
À Paris,
CliezLEMiERRE, Libraire,
rue Jacob, n°. 12 ;
yis-à-vis celle des Deux Anges.,
(O 1
53
Trench était un Hongrois à la
face verte au nez écrasé, à l’œil
,
d’encre ombragé de sourcils épais.
Cette belle figure était surmontée d’un i
3>
deux, dit-il en mordant son poing 1
li
tête ; être trôle! le houleb emporte
le chamhe et laisse le piecle.... et il
continue d’étouffer de rire. Ce trait
suffit pour peindre la férocité de cette
soldatesque et c’est avec de tels êtres
,
étions condamnés à vivre!
que nous
Julie faillit s’évanouir de l’im
59
Chanson Cosaque*
M,
en cœur grandement lâche
Quand toi fuir Oniskoix
Toi traîneau
,
toi fourrure
,
Tenir tout d’Oniskoi ;
La cbenick la plus pure
Versir toujours à toi :
À frapper Oniskoi ;
De ta main que j’embrasse
Noircir peau blanche à moi»
Bien mériter la grâce
Suis S3ge et douce, uu vrai mouton!
Encore un coup ( bis. ) de bâton
. . . .
Pon !
pon !
pon ! ( plus fort. )
Plaisir beaucoup extrême
A S
fort les lignes de circonvallation ;
,
pendant que l’armée Prussienne s’em
ployait principalement aux travaux du
siège. Les volontaires de Giuiai eurent
ordre départir sous vingt-quatre heures
pour les environs de Marienborn ou 1
infortunée : li
être mort! gètir clan
le fossé!
a
mir; je m’opposai de toutes mes forces
à cette cruauté mouie
;
enfin le bar
i- bare las de mon opposition et voulant
que l’amitié. av
et les dé-
crier contre cette erreur r
mais j’avais affaire à des d
tromper ;
Hongrois ; c’est-à-dire à des hommes ji
extrêmement durs. Il fallut avancer sr
des
C 25 )
des nouvelles de mon malheureux
compagnon,, nulle réponse, nul in
dicé...— Enfin je fus mis
en liberté
le quatrième jour,
et dûs paraître
sous les drapeaux à midi sur la grande
place avec la troupe.
Ce n’était pas jour de
m revue du
Commissaire Impérial je présumai
;
que le Prince-Royal passant,
on se
mettait en parade, je me rendis donc
à mon poste. Nous y restâmes deux
lîeures sous' les
armes. Un air sombre
farouche répandu
et sur les visages
mmqniettait ; mais je n’en pouvais
deviner la
cause. Je n’osais proférer un
mot. J’observai seulement que Trench
semblait rayonner de joye et guetter
l’instant de
me trouver en faute : je
ne lui donnai point cette satisfaction.
Cependant
ne pouvant résister à mon
incertitude j’allais jetter regard
, un
sur,le peloton où devait être Julie;
Tome II. B
lorsqu’un roulement général annonce
un silence un Adjudant lit un papier
,
dont personne n’entend le contenu,;
bientôt on distribue des baguettes,
et je suis saisi comme d’un coup de
foudre de cette exécution inattendue.
» On nous forme bientôt sur deux >
33 me dit -
il en levant les yeux au
3>
Ciel, et commencez....33 J’ignorais
absolument les prières d’usage ; les
Réfugiés Polonais n’étaient pas forts
sur les formules d’église. J’essayai
cependant de marmotter les premiers
mots usités et j’enchantai le Père qui
paraissait aussi empressé que moi d’en
venir à l’énumération des pécadilles.
Après quelques aveux généraux
33
33
vée au bercail du Seigneur? 33
Je lui
détaillai alors les préventions, les so
phismes de la secte et sur-tout le vœu
formel de rompre toute communica-
( 35 )
tien physique avec le genre masculin.-.
« Avec des Français, à la bonne heure,
3)
s’écria-t-il ! ils ont renoncé
au nom.
33
d’homme; mais avec l’espèce, les
33
conciles s’y opposent,33 et à la
suite de son assertion il entasse pour
autorités, St-Augustin, tous les Pères
>
33
évidi
s
traide sur Basîe per-
» Corne les
»:dent beaucoup, jé chcins izi
a une
p « ordre sur Genef de ladite some
üf « de i5,3oo liv» pien blacés ché un
11S 53 pone Banquier à vodre disbosition,
jé cardé le pedit diamant
;r* « pour
l.et 53 ma commission; cez un bagaîel,
se 33 et bis i faut pien payer le secrai»
Munis de cette excellente pièce
55 1
35
m
Non ; mais en voici de sa fripon
nerie, m’écriai-je en lui montrant la
lettre du Juif,
voyez à qui vous don
niez votre confiance
pour^votre amQ
et votre fortune»
C 46 )
sî
A peine achevais-je ces mots, que
la porte s’ouvre avec fracas et nous
montre le Père Parent furieux, cc
Lettre
contrefaite! perfide! s’écrie-t-il en
s’adressant à moi, la fraude est dé-
,,
couverte le Ciel m’en instruit !
,, ,
et vous, femme faible et injuste,»
,, c
s’écrie-t~ il en s’adressant à Mlle,
1
, n
Brunher qui reste pétrifiée , cc vous
, tr
méritez votre sort, vous avez reçu
,,, P
Satan en personne, un ravisseur,
,, vétemens en
un homme sons les d’une
•èt'c
53
Je n’osaisrespirer il y passa
une heure entière, pendant laquelle
j’entendis ses sanglots. Enfin, il s’ar
racha à ce spectacle, en disant :
« adieu, ma fille ; tu reposes du som>
» meil de l’innocence ; et moi, qui
créai ton juge, je ne dors plus!33
33 me
Il séloigna ; un vent violent se leva ;
il partit seul, et je regagnai ma de
meure, plus calme après cette scène
C 6
( 6o )
d’affection paternelle. Cependant l’o
rage croissait, les ténèbres fort som
bres n’étaient coupées que par des
éclairs rares : les vents déchaînés
faisaient entendre au loin le fracas
des branchages brisés et roulant du
,
haut des rochers. Je suivais un sen
tier qui m’était connu j mais la ferme
de Smith étant la plus isolée du
« canton, et c’est pour cela qu’on l’a
vait choisie ; le Baron en connaissait
peu la route. Je marchai long-tems
absorbé dans mes-réflexions lorsqu’à
,
la jonction des deux sentiers je me
rencontrai avec lui. Je frissonnai...,
cc
Hola î Tyrolien ! avance me dit-
,
» il, où sommes - nous ? ^ Je suis
perdu comme vous Monseigneur,
,
lui dis-je en allemand. —< « Tu n’es
donc pas du pays ?
33
Trentin.
^ Je suis du
, to
à me jetter dans cette perplexité
,
un
cette absence d’esprit où l’on dispose
de nous, sans qu’on ait la force de s’y ¥
tai
opposer. On me conduisit dans un i
me
appartement du château proprement;
et j
mais assez rustiquement meublé,
Un
«c
M’étant éloigné en chassant, dit
elle
Ernest au Baron, j’ai rencontré
qua
C 69 )
une voiture de voyage renversée
dans les rochers Madame était
„ ;
évanouie, et je me suis empressé
de lui porter des secours. J’ai pensé
„
„ que vous ne désapprouveriez point
l’hospitalité que je lui ai offerte à
titre de compatriote de Polonais
„ ,
malheureux, et du premier qui se
„
soit présenté pour la dégagera
,,
» Le Baron loua les soins d’Er
nest ; mais je remarquai que Julie
gardait un profond silence, en m’ob
servant attentivement. ïî régnait dans
tout l’extérieur de cette étrange fille,
suites
égards ; mais nous devant à tous deux
( 71 )
de fuir une explication dans la po
,
sition où nous nous trouvions il
, ne
lui échappa rien qui pût donner des
allarmes à son épouse jusqu’au
qua
trième jour où j’en fus la cause
j
innocente.
Je me promenais sur le donjon,
au crépuscule. Je m’arrêtai à un des
crénaux de cette antique
mazure, les
yeux fixés sur un Ciel étoilé et pur.
Là, je me livrais à
ma mélancolie,
suite de tant de souvenirs affligeans
et si peu mérités,
ce
J’ai perdu mon
«fils me disait voix intérieure
, une
«et déchirante; j’ai perdu inno»
« cemment ce voile de la décence,
béissance ? &0
Je tombais ainsi dans Fabime, pet
grins, 2
î.
( 74 ) |
J
99
Et frissonner verser des pleurs tour- moi
,
à-tour, et le résultat de mon bis- de i
attendais. M:
tour
Nous étions plongés tous deux dans ses p
un silence profond, fruit de son éton
nement et de ma confusion. Ernest
tenait une de mes mains laquelle
sur
il laissait tomber quelques larmes
quand tout-à-coup il la retire
;
avec
effroi, en s’écriant
: cc j’apperçois Julie!
elle revient de la chasse. Notre
,,
amitié même doit être prudente,
„
„ me dit - il ; l’hymen en éclairant
Julie sur ses droits, l’a rendue
„ ter-
rible. Cet enfant de la nature serait
„
.n
énergique dans sa jalousie, comme
dans son affection. Prévenons
„ ses
,, soupçons^ il en coûtera peu à l’in-
,> nocence. ,, Comme il achevait ces
mots, j’apperçus Julie assise
au clair
de la lune,
sur le bord du canal, ou
fossé du château-,
son visage caché
dans mains et dans une attitude
ses
douloureuse. L’ombre prolongée
de la
tour se dessinait
sur les eaux jusqu’à
ses pieds, celle de
son époux et la
D 3
même.... Je prêtais l'oreille, troublée,
il
car me sembla que Julie parlait à nos
ombres avec action, cc Encore en-
semble toujours ensemble, disait-
,, ,
elle avec un accent égaré et sen-
,,
sible; cette femme m’en impose....
,,
cruelle étrangère!.... quel mal tu 1
,, ajoutait-elle
me fais !..... » en en
,, ,
fonçant sa lance de chasse dans mon
image tracée sur les eaux cc
Sens-tu
le poignard qui me déchire !.. et je
,, vaine ombre!...»
ne suis pas une
,,
Ces mots faiblement entendus me sai
sirent j cet amour véhément et naïf,
soutenu par des droits sacrés, m’in
terdit m’ôta même toute lueur de
,
sensibilité pour Ernest. Confondue,
attendrie je descendis du donjon
,
proférer mot, et m’ap-
sans un sans
percevoir que j’étais suivie par mon
( 77 )
Julie në parut point le soir dans le
sallon, ni au souper ; elle resta dans
son appartement, où nous l’enten-
dimes chanter avec plus de feu encore
cette Romance Tyrolienne qu’elle ré
pétait souvent dans sa solitude.
R O MAN C E.
La Jalousie*
È
nfAn t des bois et des montagne*
Je suis sans art :
€îe cri d’amour’, 6 mes compagnes !
De mon cœur, part ;
Epargnez une infortunée
D 3
( 78 )
$1 mon ami sur la verdure
,, me déparent , ce
,, fut pour lui pour lui servir d’é-
,
„ gide !
ils un crime ?
Mes sacrifices seraient-
,, et l’amour ex-
,, tréme
,
n’est
- il donc pas une
beauté ?»
,,
( 8i )
A ces mots elle éclate en pfceurs ,*
laisse tomber sa lampe, et nous nous
trouvons dans une obscurité profonde:
moi, consternée, tremblante près de
cet enfant naïf et terrible dans sa
jalousie ; Julie assise sur mon fau^
leuil, me tenant fortement les mains,
et dans un état convulsif qui me fai
sait frémir. J’essaye enfin de me dé
gager, et m’habillant, de calmer son
esprit par le langage de l’amitié, de
la confiance, j’y réussissais peut-être
5
elle paraissaits’adoucir, quand tout-
à-coup elle se lève avec feu en s’é
criant : c< Elle m’attendrirait moi-
» même! moi qui la hais à la fureur,
»et si Ernest l’écoutait...... oh! par-
» tez à l’instant, qu’il ne vous voie
« plus, ne vous entende plus ; j’ai
»fait préparer votre voiture, descen
dons sans bruit n Aussi-tôt elle
m’entraîne à demi-vêtue, et avec
D 5
( 82 )
une force surprenante. Nous des-'
cendons dans les cours ; je vois une
voiture préparée ; un silence profond
régnait parmi les gens aucune clarté
,
ne me faisait reconnaître ceux qui
m’entouraient. Je ne pus me défendre
d’un mouvement d’effroi. Tantôt j’i-
,
contrées. q
Je vis Mantoue, ses palais ses ta* à
,
bleaux assez nombreux ; je souris aux tii
i
,
et
duite avec tous les égards qui m’é
taient dus dans le cabinet de Paolo
Guardia. Il me reçut dans
une doucë
obscurité, m’observa
par dégrés, puis
ouvrant la jalousie aussi-tôt que la
,
porte fut refermée et que je
me fus
assise
,
il jetta un cri de surprise,
tira vivement
un portrait de sa poche
et dit froidement, à pré~ont je l’ai
trouvée adesso Vho trovata ! Je
ne
compris rien d’ahord à cette excla
mation; mais le sens m’en fut bien
tôt connu lorsque je vis son ca
,
binet, rempli de sujets,
tous repré
sentant mon fils sous diverses formes.
saisie, je supposai a cette vue, que «
le Peintre était un agent de celui »
qui m’avait ravi Edvinski, et que I
3) ;
pu 3
Mc
rielle
,
il se bornait à nier que ce
J
fut mon fils. affr
Enfin il fut obligé après mille dé poig
,,
On souscrit à ma demande ;, on fait ei
sortir Paolo Guardia. Le Peintre lance pi
un regard terrible et menaçant à Ed-
yinski : l’enfant l’observait du coin, fa
de l’œil marchant an milieu des sai
,
Sbires. A peine Paolo a-t-il passé le b
seuil qu’il s’élance dans mes bras en me
s’écriant ! ce O ma mère ! il m’avait le
.
doc* passait
personne. Tout se réunissait
m pour m’accabler
et me laisser périr
C 96 )
de douleur et de faim. Le troisième
jour je n’avais rien mangé ; une faible
espérance de te revoir, me soutenait
encore : je jettai les yeux autour de
moi pour trouver quelques alimens.
Pas le moindre vestige ne s'offrait;
pas meme un fragment de pain ou
de riz. Je tombai d’inanition étendu
par terre, sans force et prêt à perdre
connaissance.
y>
Je crus dans cet état, entendre
,
faiblement qu’on frappait bien loin
à la première porte. Je voulus faire
un effort pour me relever et aller
ouvrir , je retombai plus faible qu’au-
paravant. On frappe de nouveau,
même essai inutile ; je retombai pres
que expirant. Oh ! combien je souf
v '>
.
(93)
avec des cordiaux. Mon esprit était
encore égaré ; mais ma faiblesse ne
m’a pas empêché de reconnaître bien
tôt plusieurs des personnes qui me
soignaient et sur - tout mon Maître
d’écriture de Ust digne frère de
,
Paolo Guardia, et agent du Baron.
Cette vue a failli me replonger dans
mon premier état. J’ai senti qu’on
avait suivi nos pas depuis Bude,
et que nos malheurs allaient recom
mencer. Mon Maître est sorti quel
ques instans et s’est tenu darîs la pièce
précédente jusqu’à ce que j’eusse
,
repris la parole. J’ai remarqué alors
qu’il parlait au propriétaire de la mai
son d’un air d’autorité qu’il payait
,
sans compter, et que tout le monde
x>
Quand il m’a vu parfaitement
rétabli, il m’a annoncé qu’il allait
me conduire à ma mère. J’ai voulu
le questionner sur ton absence, il
a
ajouté que tu étais malade, et qu’il
n’y avait pas de tems à perdre. Le
cruel homme me frappait ainsi par
l'endroit le plus sensible et je
me suis
élancé moi-meme dans la voiture qui
est partie comme un trait. J’espèrais
quelle s’arrêterait dans quelque
rue
voisine quel a été mon étonne
,
ment de me trouver en rase cam
pagne! J’ai voulu pousser des cris,
mon conducteur m’a dit avec calme,
que nous serions bientôt arrivés à la
maison de plaisance où tu étais. L’im
posteur ! la voiture n’a fait qu’une
traite jusqu’à Clagenfurth. Là,
nous
avons changé de chevaux hors la
E 2
f
( 100 )
ville, et pendant tout ce tems mon
Maître d’écriture a tenu son mou
choir sur ma bouche. Quelqu’un a
ouvert la portière, en entendant un
cri sourd, ce Ce n est rien , cet enfant
>->a une légère hèmoragie, » a ré
pondu le maître en m’étouffant de son
mouchoir, et la voiture est repartie
de nouveau. Mêmes soins, même
course précipitée jusqu’à Bologne, où
je suis descendu et où j’ai été con
duit mystérieusement chez le Peintre,
frère de mon Maître d’écriture. J’ai
été reçu avec des précautions'ex
trêmes des soins physiques extraor
,
dinaire ; mais ma mère !.. mais
l’esclavage ! J’ai remarqué que
mon guide a donné une lettre à
s.on frère en descendant, et que dès
le lendemain on a commencé à
,
me peindre et à me mettre au ré
gime. J’ai eu le bonheur de sous-
101
traire cette lettre, puisse-t-elle vous
éclairer ! »
Nous lûmes avec avidité ces mots
du Baron d’Olnitz ; car je reconnus
son écriture :
Je vous envoyé cet enfant dont
ec
3)
telle perte serait irréparable pour les
33 arts. Le plus beau modèle, le sang
33
le plus pur, les effets déjà certains
33
de Xhaleine condensée et du ré-
>3
gime exaltant, tout contribuait à
33 assurer le succès des plus belles
33
expériences qui se soient jamais
» faites. L’amour et les arts me
E 3
( 102 )
33
font attacher ma destinée à
re~
» trouver cette femme unique. Entre
33
mille expédiens que j’ai mis
en
33 usage pour connaître sa retraite,
33
soit en annonçant dans les papiers
33 un héritage à recouvrer ou des in-
33
dices sur l’asyle de son enfant;
33 en voici un dont je vous charge
33 et dont je pairai amplement l’exé-
33
cution. Choisissez un grand nombre
33
de sujets d’histoire peu composés,
3>
où vous ferez figurer le portrait:
33
d’Edvinski sous les formes d’un
,
33 amour d’un silphe d’un ange..,
, ,
33 car traits divins seuls bien rem
ses
33
dus peuvent faire la réputation
,
33
d’un Peintre, Celte figure dissé-
minée ainsi par moi, dans
,33
un grand
33
nombre de villes, doit frapper
non-
33
seulement les connaisseurs mais
;
33 tous les yeux et sur - tout une
,
3a mire. le suis sur qu’elle volera aux
( *o3 )
33
pieds de l’artiste dès qu’elle en con^
'a naîtra le nom. C’est à vous alors
» à m’expédier un courier rapide-
3) ment, pour que je m’assure à ja=*
» mais la possession d’une femme
,
?>
si rare sous tous les rapports. 33
33
l’ouvrage. 3>
, ^
.Frère Taillandino. Je tressaillis in di
naire. ; tab
|
5?
Cet homme portait sous son | poi
bras une petite boîte , couverte en j far
,
maroquin rouge. Il posa ses lunettes j ce
après quelques instans de conversa Edv
r
tion dans un coin du cabinet avec grai
Paolo : puis se retournant vers moi, ribl<
( 10 9 )
il dit i est - ce lui ! Et quand je le
croyais bien loin ,
il m’atteignit de
immense bras sans bouger de
son
place, fit tourner ma tète en plu
sa
sieurs sens avec sa main énorme 3
et dit froidement : cc il est beau*, dans
trois jours on fera l'operazione*
»
Voyons maintenant. » On me con
»
duit alors clans Y arrière-cabinet ^ qui
à double porte on les ferme à
est ,
triple tour, le grand Frère noir met
lunettes retrousse ses manches
ses ,
jusqu’au coude, que je pris pour son
épaule ; puis tout-à-coup il m’enlève
plume, m’étend sur une
comme une
table rembourée, et me couvrant la
poitrine entière comme d’un filet
,
seule main... je n’ose te dire
par une ;
qu’il entreprit, ajouta le pauvre
ce
Edvinski Je demandai pardon à
grands cris, j’étais dans un état hor
rible, pleurant et gémissant. La, ia^
C 1 10 )
taisez-vous, taisez vous vous aurez
- ,
une belle voix , avrete un a bella
voce , disait machinalement le Frère
noir en achevant de me dépouiller,
et continuant tranquillement ses ob
servations après quelques minutes de
:
supplice, pendant lesquelles il agita
d’horribles ferremens, il dit: cela
sera
facile ; répéta en me caressant
, ces
mots : laissez-vous petit, avrete una
bella voce; referma sa boite et sortit,
après avoir laissé une ordonnance
re
lative au régime préparatoire.
53
Je tremblais pour le jour indi
qué. Le frère de Paolo vint le meme
soir. Cet homme malgré la vio
,
lence dont il avait usé envers moi,
avait des manières douces cares
,
santes , et je le voyais avec moins
d’horreur. Dans l’abandon affreux où
j’étais et frémissant de mon sort
,
je pris le parti de lui confier
mes
craintes et le traitement que féproia-
yais. Il en parut fort étonné et s’é
cria à part tradibore! Bientôt son
frère entra, il passa avec lui dans le
cabinet, et j’entendis une partie de
leur conversation qui fut fort animée»
im
Ce
cc
n'est pas l’intention du Baron,
disait mon Maître d’écriture, après
„
les dépenses qu’il a faites pour cet
„
enfant ; d’après l’attachement qu’il
„
f, a conçu pour sa mère, il ne souf-
frira pas qu’on le lui enlève, et vous
,,
paierez cher cette violence. —< Bon !
,,
le Cardinal-Legat n’est-il pas tout**
,,
puissant reprit Paoio? Le Baron
,, ,
,, passe pour un illuminé , un sec-
,,
taire anti -
papiste , on a mille
moyens pour s’en défaire. —< Mais,
,,
reprenait mon Maître s’il publie
„ ,
horreurs, vous soulèverez d’ip-
„ vos
dignation toute l’Italie. —i Paolo
,,
),
éclata de rire à ce propos et re~
C U2 )
,, prit : ne voit-on pas de ces opéra-
lions tous les jours? Et que devien-
,,
draient nos Soprani, nos Conser-
,,
,, vatoires les Concerts de la Basi-
,
5 ,
liqLte?
—*
Ainsi la musique passe
avant les lois et l’humanité;? s’écria
,, mon maître. —< Comme les expé-
riences de ton Patron, reprit P'aolo.
,,
Qu’un anatomiste habile un
,, —*
,
métaphysicien profond fasse des
essais, nullement dangéreux sur le
,,
corps humain ; qu’il se serve de
,,
filtres, d’haleine condensée, de
,,
quelques alimens échauffans, mais
,,
point destructeurs des organes
,, ;
qu’il tente des essais chimériques
peut-être mais nullement liomi-
,, ,
cides, je ne vois rien là, lui répli-
,,
,, cjua mon maître , qui doive ré-
volter tout homme qui pense, tout
,,
ami des. arts; niais que des chefs
,,
de l’Eglise qui le condamnent, qui
,,
( n3 5
b
le brûleraient, que des apôtres de
1- ,,
l’humanité, sous le prétexte de la
,,
décence en violent les premières
,,
loispour fuir un sexe, mutilent
„ ;
l’autre pour adorer un Dieu dé-
„ ,
naturent son ouvrage, et osent pîa-
„
cer devant lui en holocaustes , des
,,
milliers de victimes, dont chaque
,,
son est mie plainte qui perce la
,,
nue et va provoquer la foudre...»
,,
C’est le comble de la corruption
,,
]e et des absurdités humaines. :»
,,
qs » Ils conversèrent encore quelque
tems avec feu. J’entendis bientôt que
5.
Paolo faisait sonner des bourses de
es
5,
livrerai, quoiqu’il puisse faire,))
s
Paolo ferma la porte sur lui avec T*
n
sentis sa main douce qui s’attachait à •
, , un
sous est recouvert d’une toile peinte
ma
en Ciel, je l’ai déclouée adroite à el
f)
me dit-elle, tu
vinski V n’as plus
de mère c’est à moi fille de
,, , ,
Dieu, à t’en servir, à veiller sur
,,
toi, et prévenir les malheurs qui
,,
te menacent. Promets - moi donc
„
de faire exactement tout ce que
„
lé Ciel ordonnera ; mais sur-tout
„
jure moi de ne jamais en dire
„ -
un seul mot, car Paolo nous ferait
;
„
périr tous deux et ne me par-
i
„ ,
donnerait pas même de t’aimer...
„
comme une mère. Je lui jurai
„ ,,
un silence profond ; mais je jurais à
ma mère ; c’est donc à toi et non
,
à elle qui m’a trompé
, que ce ser
ment m’attachait, ce Eh bien, mon
„
ami, reprit - elle
,
puisque tu en
es digne à présent^ le Ciel va t’ap-.
„
s,
prendre par moi , des choses
,
qu’on ne révèle qu’aux êtres formés
»
,,
cria-t- elle en me serrant de toutes j
,, ,
Conservatoire. Je t’expliqueraiaprès „
,,
;, toute l’étendue de ce mot. Apprends
„
que tu es un homme, et qu’on veut »
,,
t’arracher ce beau titre. C’est à „
,,
ta mère éplorée à sauver son ou- „
9,
vrage. Connais par quels moyens „
,, état
tu serais réduit à cet humi-
„
,,
liant.... m Hors de moi, le visBge „
5 ,
prise, quand
tout-à-coup, il m’apperçoit: soudain,
coup de théâtre ; il pense qu’il faut
me consoler par un rizforuando,
et le voilà qui perd connaissance.
Sa belle furieuse de la perfidie
, ,
ferme sa fenêtre avec fracas; l’amant
cc
Qu’elle fatalité me suit, disais-je s
33
dit -
il en baissant les yeux , une 3
35
les arts. Votre perte eût été irré- y
35
parabie et mes vues sont pures. »
,
35
Vous êtes libre de 'tout engagement, »
33
donner à vous les sentimens et à »
,
35
moi l’amabilité nécessaire pour cettê
c I5i )
n union. Pourquoi le dédain, le mé~
» pris se peignent-ils clans vos traits
y)
à cette proposition ? Qu’ai-je fait
» d’assez exagéré pour les mériter ?
» Daignez raisonner un instant avec
3)
moi. J’ai cherché par des moyens
33
chimiques à créer en vous un senti-
» ment; si je réussis, où est la vio-
33
lence? Vous suivez alors votre pen-
33
chant, quelle qu’en soit la cause. Si
33 mes essais sont vains , si mes pro-
cédés chimiques ne peuvent
33 vous
33
enflammer m’avez-vous vu abuser
,
33
de votre état de faiblesse, 'et suivre
33
solée. Me laisserez-vous dans l’af-
33
freuse incertitude où j’ai gémi si
33
long - tems pour lui par suite de
,
33 vos infâmes procédés ?
-h Votre
33
fils. Madame est déjà près de vous*
C 154 )
55 pour vous , ni pour les êtres qui
55 vous sont chers. 55
Il
verre. tourne ensuite la grande roue
,
physiciens dont les caresses , les »
,
dons et les soins tardifs ne peuvent >
)
nudité absolue aux yeux d’un étran-
r, Souffrirai-je les plus belles
ger ! que
formes humaines soient flétries
,
et brûlées par des expériences inu-
,,
tiles I non, non. ,, Et en disant ces
,,
mots il me montra une suite de des
seins représentant les principales ex
périences de Salviati. Celle du Baron
en effet, près de celles
- ci n’étaient
-
.
( >7 5 )
main-forte à ses confrères, cc
Grand
,, Dieu!
les scélérats ont donc un
point de contact en tous lieux,
m’écriai-je ! A peine achevais-je mon
„
exclamation, que nous sommes saisies
et garottées par le grand Frère, expé
ditif en cette matière.
On nous attache chacune à mi
poteau de la grande roue , on lie
nos cheveux ensemble par - dessus
nos tètes penchées en arrière ; on
,,
\ 1
,
peine me porter je m’appuyais sur
,
un garde. Zépliirina aussi troublée que
moi, voulut me soutenir, je îa re
poussai avec Horreur. Elle ne dit mot,
et s'éloigna avec confusion.
Arrivés à une espèce de carrefour,
et où aboutissaient plusieurs souter
rains sur lesquels s’ouvraient des por
,
tes de fer, un des gardes prit une torche
et un papier, parcourut les numéros
puis nous plaça successivement. Sal-
viati en entrant, observa sa porte de
fer. On voulut le dépouiller de son man
teau, il dit qu’il était dans un accès de
fièvre violent, et décomposa sa ligure
à tel point qu’il eut l’air d’un agoni
>
veiller sur cet enfant si cher ; et mal-
il- gré la certitude qu’il remplirait sa
es promesse , ce motif me faisait sou-
e ‘ pirer avec plus d’ardeur après l’ins-
tant de ma liberté.
1®
cuteurs ! spe
( 1 9I )
 la pointe du jour les lampes s’é
teignaient ; ce silence de mort fut
rompu par l’apparition des Huissiers
du Tribunal qui vinrent
nous cher
cher. On nous retira de
nos cachots
et nous fumes escortés avec assez de
douceur jusqu’au grand carrefour, où
l’on nous fît attendre Salviati et le
Baron. Ils avaient pour escorte
une
troupe nombreuse. Je compris aux dis
cours de ces soldats , qu’ils les trai
taient de Magiciens. Salviati enve
loppé dans son manteau était
, en
touré de baïonnettes : plusieurs gardes
portaient les uns des sceaux d’eau
,
pour prévenir le feu dont l’Avocat
pariassait disposer; les autres des
ro
saires pour exorciser le démon dont
on
le disait possédé. Ce grouppe de gens
effrayés et armés autour du Physi
,
cien calme et fier produisait un
,
spectacle extraordinaire. Quant
an
( ] 92 )
Baron d’Olnitz, il était extrêmement
pâle et défait et cherchait à s’ap
puyer; mais chacun fuyait son attou
chement, et le malheureux fut obligé ,
*-*
Ami des hommes et confident
de la nature.
Tome IL l
( >94 )
Ecrivez, dit le Juge au Greffier,
dernier blasphème.
ce
Le Greffier écrit. A peine a-t-il
tracé quelque caractères sur le pa
pier , que tout - à - coup son encre
bouillonne, et parait se changer en
une coupe de sang. Les caractères
33
Très-Haut, et auxquels il ne daigna
•-H
La Comtesse Pauliska dit la
,
voix qui avait porté les conclusions..»
je frémis! — «mise, en liberté, ainsi
que son fils et Benoit Durand. x>
Je
faillis m’évanouir de joye. A peine
pus~je,entendre les jugemens suivans :
—* ce
Marie-Léopolde Guardia, dite
( 211 )
Zéphirina, ancienne Novice à Santa-
Maria, condamnée à une détention
perpétuelle aux Pénitentes Bleues. 52 —*
Ce jugement valait une mort lente.
L’infortunée fondit en pleurs et ne
dit que ces mots : je ne le verrai
donc plus.
Paolo Guardia, Taillandino
<
ce ,
renvoyés à un plus ample informé.
Il était évident qu’on avait dessein
de les faire échapper par le crédit
du Cardinal-Legat.
Enfin, Théodore-MaximinSalviati,
convaincu d’athéisme, d’immoralité,
d’attentats sur l’honneur et la vie de
plusieurs femmes et enfans, condamné
C 212 )
à une détention perpétuelle, dans les
plombs des égouts du Château Saint-
Ange.
—i
Non! s’écrie alors avec un accent
plus terrible encore la même voix sé
pulcrale, qui avait déjà fait raisonner
les voûtes, la veille, parle même mot.
Et dans l’instant , une explosion
épouvantable se fait entendre ; l’air
comprimé des cachots nous suffoque.
Les voûtes fendues, brisées à l’extré
mité du souterrain , laissent arriver
un jour rouge à travers une fumée
épaisse et plusieurs soldats et pri
:
sonniers passent en criant que le bas
tion du Magasin à poudre du Châ
teau avait sauté en l’air , au jnoyen
de mèches disposées par Salviati et ses
aides. (*)
(*) Tous ont parlé récemment de cette .
les papiers
explosion d’un Magasin à poudre du Château Saint-
Ange; accident dont la cause véritable était inconnue»
( 2>3 )
Dans ce désordre horrible, nous
firmes long teins sans nous recon
-
naître ; à demi étouffés brûlés
- , ,
comment chercher une issue ! com
ment former un projet ? Par suite
de cet instinct naturel qui nous porte
>3 cœur
n’était pas de ce siècle. Une
33
jalousie extrême l’a minée lente-
» ment , et l’a conduite au tom-
( 221 )
soins aucuns té-
beau. Aucuns ,
moignages de tendresse n’ont pu
35
fond de mélancolie }
dissiper un
3)
persuasion de mon in-
suite de la
33
différence pour elle, et d’un atta-
33
Elle n’est plus,
chement pour vous.
33
•«*.
inventaire
ya/rnoQrt
7
5769t