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L’ECOLE VIENNOISE

(Otto Wagner, par Peter Goëssel ed. Taschen, Josef Hoffmann par August Sarnitz même collection)
Voir aussi :
http://www.la-belle-epoque.de/wien/wiendexf.htm
Le site de la société WOKA qui fabrique des reproductions de luminaires Wiener Werkstätte :
http://woka.at/infos/index.asp?go=english/designer/ww.asp&Designer=Wiener+Werkstaette&Art=NO

Vienne en 1900 - Sécession - Otto Wagner - Wiener Werkstätte

Qu'est-ce que l'art ? la vie! qu'est-ce que la vie ? l'art ! Vienne fin de siècle, légèreté, mondanité,
gaieté, ironie enjouée, plaisir de la fête, goût de l'art et de la culture. Pour nulle autre bourgeoisie en
Europe les arts ne font autant figure de prestige personnel et social que pour celle de Vienne. L'art
permet en effet à cette bourgeoisie viennoise de se mesurer à l'aristocratie qu'elle ne peut priver de
son pouvoir ni pénétrer le monde clos, comme c'est le cas dans d'autres pays. Les grandes
constructions de la Ringstrasse, qui transforment de fond en comble la physionomie de la
ville, constituent une sorte de manifeste de la grande bourgeoisie viennoise. Celle-ci pratique
le mécénat dans tous les domaines de l'art, reprenant ainsi à son compte la tâche dévolue
traditionnellement à la noblesse. L'année 1896 est celle de l'«Exposition du Congrès de Vienne», qui
fait renaître un moment merveilleux de la Vienne impériale. Des tableaux de jolies femmes et des
bijoux précieux, témoignages de la vie élégante de cette époque, sont présentés à un public
enthousiaste. Le faste surchargé de cette fin de siècle trouve encore à Vienne un large et favorable
écho. Hans Makart, le prince des peintres, celui dont l'atelier ressemble à un cabinet de
curiosités, est vénéré comme un dieu. Elevé au rang d'«artiste d'Etat» par l'Empereur, il
règne en maître sur les canons du bon goût artistique. Sa peinture exerce une grande
fascination - il a mis sa puissance créatrice au service d'une passion quasi idolâtre de la femme -
même chez des artistes plus jeunes, comme l'œuvre de jeunesse de Gustav Klimt en témoigne. A
Vienne, on ne fait pas table rase du passé, ce qui est nouveau se base désormais sur l'esthétique et
moins sur l'éthique. Il suffit de trouver la forme, Vienne en est la matière.

Lorsque Auguste Rodin, en visite à Vienne en 1902, exprime son admiration enthousiaste pour la
ville, Klimt lui répond: «Aut-riche!». Ce genre de jeux de mots se faisait au café, une institution
typiquement viennoise. Le café de 1900 n'est pas seulement le théâtre de la vie en société, il est avant
tout un établissement culturel. En 1876, une première association d'artistes d'avant-garde voit le jour
à l'auberge «Zum blauen Freibaus», association baptisée «Hagenbund» du nom de l'aubergiste. Peu de
temps après, au café Sperl, se crée le «SieLener Club» (Club des Sept). Puis le 3 avril 1897, une autre
association appelée «Aufbruch» (Elan nouveau) est fondée au café Griensteidl. C'est dans cet
établissement que la même année la Sécession viennoise voit le jour, suivie, six ans plus tard, de la
fondation, à la «même table de café», de la Wiener Werkstätte (Ateliers viennois).
La Sécession viennoise est constituée de 50 membres fondateurs, Gustav Klimt en est le président.
Le pavillon d'exposition de la Sécession, construit par Joseph Maria Olbrich, est inauguré dès 1898.
Son fronton porte en grosses lettres la devise suivante : «A chaque siècle son art, à l'art sa liberté».
Cette construction de génie produit toujours son effet. «C'est une impression merveilleuse», écrit
Ludwig Hevesi sur ce pavillon tout à fait à part, un volume cubique très fort, couronné d'une coupole
de métal ajouré, en feuilles de laurier dorées. L'«appel» lancé par ce nouvel art a pris corps et ne
passe pas inaperçu. Le style Sécession aux lignes souples et fluides connaît vite un grand
succès, pourtant dès 1902 - année de l'exposition triomphale de l'Art nouveau à Turin -
s'annonce la fin des lignes agréables de l'ornementation Sécession. Depuis quelques années
déjà, les «voies artistiques» se sont engagées dans une direction toute différente. Contrastant avec
ce style raffiné et son langage formel végétal s'affirme une autre tendance esthétique basée
sur le rationnel et le principe utilitaire. C'est à ce dernier mouvement que se rattache la Wiener
Werkstätte. Otto Wagner, le père-fondateur de l'architecture autrichienne moderne, prône ce
qui est «simple, pratique», une idée vraiment neuve pour l'époque. Pour en mesurer le ca-
ractère révolutionnaire, il suffit de faire une comparaison entre deux réalisations, la Caisse d'épargne
de la poste construite par Wagner et la chambre d'apparat de l'impératrice Elisabeth qui promène son
désenchantement d'un pays à l’autre la tête pleine d'idées révolutionnaires elle aussi. La décoration
monumentale de la chambre à coucher, une manière pompeuse de déguiser sa fonction, a pour
contrepoint la morale fonctionnaliste qui vise à rétablir le lien entre la forme et le sens des choses, de
les mesurer à leur nécessité fonctionnelle. «Ce n'est pas une renaissance de la Renaissance qui
se produit mais une « Naissance », note Wagner.
Toutes les «Renaissances» qui se succèdent sans interruption depuis les années 70 ont fini par se
confondre en un fatras pompeux presque insupportable. C'en est trop pour les jeunes artistes rebelles
qui veulent en finir une fois pour toutes avec «la mascarade stylistique» de l'éclectisme. S'ils
s'insurgent contre la multiplicité des styles imités, ils ne remettent toutefois en cause ni le style en soi
ni sa création. En 1905, l'année où il quitte la Sécession avec Gustav Klimt et Koloman Moser, Otto
Wagner construit la Caisse d'épargne de la poste, une construction pleine de distinction, dont les
formes sont réduites à l'essentiel: sobre, fonctionnelle et néanmoins d'une grande élégance artistique.
De nos jours encore, la salle des guichets fait figure de sensation architecturale.

Otto Wagner: Caisse d'épargne de la poste, Vienne, 1905. La chambre d'apparat de l'impératrice Elisabeth

Cette architecture noble, réduite à l'essentiel, forme un contrepoint à la « décoration à coucher » d'une
impératrice sans cesse en voyage. Un trait caractéristique de l'école d'architecture viennoise est la fine
décoration géométrique tendue comme un réseau de mailles sur de minces piliers en fer anguleux. Les
moyens utilisés et la fonction de l'objet en devenir produiront un équilibre constant entre utilité pure
et réalisation artistique.

Fondation de la Wiener Werkstatte (1903)

Elégance, sobriété, adéquation avec la fonction, tels sont aussi les principes visés par
l'Atelier viennois à sa fondation. C'est de cette manière qu'un architecte, un peintre et un mécène
parviennent à donner à l'architecture viennoise comme à l'art appliqué une dimension et une qualité
internationales. La fin prochaine de la Sécession et la disparition de la revue «Ver Sacrum»
(Printemps sacré), organe du mouvement, annoncent en même temps la «Naissance», selon la
formule d'Otto Wagner, de l'idée de «Gesamtkunstwerk» (œuvre d'art totale) qui dominera près
de trente ans (1903-1932). Un chemin pavé d'obstacles, particulièrement à Vienne : «Toute sa vie,
l'artiste viennois se tape la tête jusqu'au sang contre un grand mur gris sur lequel est collé un cœur en
papier buvard. Le grand mur est la Vienne indolente et le cœur en papier buvard son cœur en or.»,
selon la description imagée qu'en fait Rudolf von Alt (peintre autrichien du XIXe mort en 1905) en
1900.
L'indifférence, la propension viennoise à célébrer ses «grands personnages» à titre posthume
constituent un premier segment de ce rude chemin, un autre, la «pureté de l'idéal» qui apparaît dès la
dénomination de l'entreprise. On trouve souvent dans les premières recherches sur l'art au tournant du
siècle, mis au pilori pendant longtemps, le nom de « Wiener Werkstätten » (Ateliers viennois) au lieu
de «Wiener Werkstatte» (Atelier viennois). Bien que le pluriel soit juste objectivement parlant et
«coule» mieux à la prononciation, il s'agit en fait d'un seul atelier organisé en plusieurs sous-ateliers,
une œuvre d'art synthèse réussie de tous les arts.
«Le décor de la vie était si riche, si varié, si surchargé qu'il ne restait presque plus aucune place pour
la vie elle-même». Thomas Mann, critique incisif de son temps, écrit cette phrase en 1905 dans sa
nouvelle «Walsungenblut» (Le sang des Valsungs). Surchargés, dans le sens de pléthore d'objets, les
intérieurs conçus par la Wiener Werkstatte ne l'étaient pas vraiment, ils reflétaient plutôt
l'idée séduisante de vouloir tout élever au rang de chef-d'œuvre. Les hasards, ceux de la vie
comme ceux des choses, n'avaient plus leur place. Les gens assoiffés de beau désiraient échapper à la
monotonie de la standardisation sans pour autant être condamnés au carcan d'un style de vie
spécifique. Les difficultés financières que devait connaître la Wiener Werkstätte durant toute son
existence ne résultaient pas d'une mauvaise gestion mais surtout du fait qu'elle ne pouvait toucher
le grand public.
Le capital de fondation avait été apporté par le «manager artistique» Fritz Waerndorfer qui, à cause de
l'entreprise, dut faire face dès 1906 à de graves problèmes financiers. Il tenta d'obtenir un prêt auprès
de la femme de Koloman Moser, la riche Ditha Mautner-Markhof, et ce à l'insu de Moser, ce qui
provoqua entre autres le départ de celui-ci. L'Atelier qui souffrait d'un manque de liquidité quasi
constant fut restructuré à plusieurs reprises à partir de 1912. La Wiener Werkstätte fut d'abord
transformée en une société anonyme anglaise. Au cours de l'année 1914, Fritz Waernodorfer émigra
aux Etats-Unis, sous la pression de sa famille qui certainement ne supportait plus de le voir acculé à la
ruine. 1914 est aussi l'année où on procéda à la liquidation de l'entreprise et à la création d'une société
à responsabilité limitée. Les sociétaires se trouvaient être des clients, des mécènes et des
collaborateurs, Robert Primavesi en faisait partie lui aussi. Son cousin Otto Primasevi reprit le poste de
directeur commercial en 1915 après de nouvelles pertes financières. Philipp Hausler, un ancien de
l'Ecole des Arts appliqués de Vienne et collaborateur de Josef Hoffmann, devint directeur d'exploitation
et fut chargé d'assainir l'entreprise. Il essaya de limiter les gaspillages dûs au laisser-aller et aux
extravagances de toutes sortes. Hausler, avec son sens des affaires et son pragmatisme, voulait
encourager la vente auprès d'une plus large clientèle, les artistes en revanche tenaient toujours à leur
production quantitativement limitée et d'un coût élevé. En 1925, Hausler quitta la Wiener Werkstàtte
en raison de différends profonds avec le couple Primavesi. Otto Primavesi, lui-même lassé des conflits,
fit don de ses parts à sa femme Eugenie. Peu de temps après, la Wiener Werkstätte faisait faillite. Au
cours de la procédure de compensation agréée en août 1926, Kuno Grohmann, un parent d'Eugenie
Primavesi, et deux industriels versérent une somme importante pour renflouer la caisse de l'Atelier. Les
tentatives pour transformer juridiquement l'entreprise en une société anonyme par actions échouèrent
en 1927, mais Kuno Grohmann, magnat du textile, réussit à stabiliser, provisoirement au moins, les
comptes de l'entreprise. Après bien des efforts et des sacrifices, il se retira de l'affaire en 1930,
l'écroulement financier de la Wiener Werkstätte commencait. Celle-ci fut rayée du registre du
commerce en 1939, les années précédentes ayant été plus ou moins une liquidation de l'entreprise.
Une douloureuse histoire d'art et d'argent, mais si viennoise par le charme de la «belle mort». Le
philosophe et écrivain espagnol, José Ortega y Gasset, polémiquait contre « le bannissement de
l'homme hors de l'art » qui avait selon lui commencé - il s'en prenait à l'art soi-disant abstrait. Le
bannissement de l'homme hors de l'art n'est que l'inverse de l'intégration de l'homme dans l'art(…). Ce
phénomène s'était amorcé avec l'apparition de l'Art nouveau.

Koloman Moser : Couverture de Ver Sacrum II, 1899,


cahier n°4. La revue, « Organ der Vereinigung Bilbender Kunstler Osterreichs » (Organe de l'union
des artistes plasticiens d'Autriche), la voix des sécessionnistes et du groupe littéraire «
Jung-Wien », doit accepter de faire elle même l'objet de satires et de parodies. Dès la parution des
premiers numéros, de jeunes artistes, parmi lesquels Bertold Loffler, futur membre de la Wiener
Werkstätte, publièrent une parodie de revue «Quer Sacrum», «Organ der Vereinigung Bildender
Kunstler Irrlands » (Organe de l'union des artistes du Pays de l'Egarement: « Irrland » est un jeu de
mots formé du prélixe « Irr » qui signifie en allemand égarement et de «Land », pays).

Références anglo-saxonnes

Le berceau du mouvement dont l'ambition esthétique était de donner ses lettres de noblesse
au plus petit objet usuel est l'Angleterre. Les figures directrices de la Wiener Werkstätte se
nommaient John Ruskin, William Morris, Charles Robert Ashbee et l'Ecossais Charles Rennie
Mackintosh. Dans son programme, la Wiener Werkstätte se réclamait de John Ruskin, de
Morris et d'Ashbee pour le principe d'atelier artisanal et de Mackintosh pour celui de création.
Si Morris cherchait encore ses sources dans le gothique et le Moyen-Age, Ashbee et surtout Makintosh
s'étaient déjà détournés des références historiques. Morris préconisait le retour à l'artisanat, il
fustigeait la production industrielle et le «luxe obscène» des riches, mais dans son atelier,
Morris & Co., il fabriquait surtout des meubles en série pour arriver à vivre. On raconte qu'un
des ses amis le surprit un jour devant un établi : «Qu'est-ce que tu fais de beau, William ? » Morris lui
répondit: «Je fais à la sueur de mon front des meubles simples et si chers que seuls les plus riches des
capitalistes peuvent se les payer.» Une phrase clé qui révèle de façon implicite l'échec de ses idées et
augure les problèmes qu'allait rencontrer la Wiener Werkstätte. Morris et Ashbee cependant avaient
créé non une «communauté de production» mais une sorte de secte, le mouvement
«Arts-and-Crafts». Ne pouvant continuer à travailler à Londres, Ashbee était parti s'installer à la
campagne avec ses «disciples». Pour sauver la communauté installée à Chipping Campben, il dut faire
appel à la générosité de quelques personnes fortunées.
Les artistes de Glasgow étaient moins portés sur le socialisme et l'esprit missionnaire.
Mackintosh, l'architecte Herbert MacNair et les sœurs Margaret et Frances Mac Donald formèrent un
groupe appelé «The Four». Leur projet pour la School of Art (Ecole d'art) de Glasgow fut
réalisé en 1897.

Glasgow School of Art 1897 Hous’Hill, bedroom, 1904.

L'attrait de cet édifice tient au contraste entre un volume rectangulaire et compact et une surface aux
lignes brisées formant un dessin d'une rigoureuse géométrie. Les meubles sont basés comme
l'architecture sur le carré et le cube, la «manie» de la géométrie d'un Hoffmann est tempérée chez
Mackintosh par la poésie décorative de sa femme Margaret Mc Donald Mackintosh. Voici ce que dit Dolf
Sternberger à ce propos: «De longues figures incorporelles, dissoutes ou tendues en une toile
diaphane tissée de fils et de baguettes, seules leurs têtes ont quelque chose d'humain ou de
hiératique, logèrement penchées, l'une comme l'autre, les paupières closes, les chevelures sombres et
abondantes - figures d'une fresque, vert pâle et rose, pour un salon de thé Cranston à Glasgow...
exsangues, frêles, fragiles, décharnées, formes et figures toutes de nature spirituelle et onirique,
usuelles ou décoratives - un univers surnaturel unique, non dénué de sensualité cependant, abstrait,
semble-t-il, et épuré des figures angéliques des prédécesseurs préraphaélites : ainsi se présentait la
physionomie de l'école écossaise.»

Japonisme : influences du Japon sur l'art occidental

On peut dire sans exagérer le moins du monde que l'esthétique et l'art japonais eurent une influence
capitale sur presque tous les artistes au tournant du siècle, même si un lien direct avec les œuvres
originales japonaises n'est pas toujours perceptible. La conception japonaise de l'aménagement
intérieur, de la décoration et de l'art appliqué déteignit sur l'attitude des artisans d'art
envers leur propre création. De la même manière, les estampes japonaises marquèrent de leur
empreinte les peintres et les dessinateurs européens. Ceux-ci reprirent l'éclat lumineux de leurs
couleurs, le tracé rythmé des lignes et des points, l'expressivité des contours simplificateurs et
l'ancrage de surfaces décoratives dans le plan de l'image. A l'instar de Vincent Van Gogh, William
Morris était un fervent admirateur des estampes japonaises. Les magasins londoniens Liberty
avaient commencé en 1875 à importer en grande quantité de marchandises en provenance d'Extrême-
Orient. Charles Rennie Mackintosh, lui aussi, rendait hommage aux maîtres japonais et les Viennois
firent visiblement connaissance avec le Japon à diverses occasions.

Cet intérêt de l'Europe pour le Japon vers 1900 peut s'expliquer de trois manières :

- la recherche d'un luxe exotique,

- la réceptivité des peintres, artisans d'art, stylistes et architectes à des formes et à des motifs neufs
qui leur permettent de se débarrasser des poncifs du naturalisme et de l'éclectisme,

et enfin l'apparition d'une nouvelle spiritualité s'opposant aux processus destructeurs de la société
industrielle et à l'aliénation de la nature intrinsèque de l'homme moderne et de son environnement.

Pour approfondir leurs connaissances des arts du Japon, les Viennois avaient à leur disposition la
collection japonaise du Osterreichisches Museum fur Kunst und Industrie (Musée autrichien des Arts et
Métiers). Les lignes onduleuses et florales et les «Quadratln» (mot autrichien pour carrés) -
éléments apparemment opposés - caractérisent l'art de Koloman Moser et de Josef
Hoffmann. Ces deux facettes se retrouvent dans les compositions japonaises où se
combinent harmonieusement motifs organiques et motifs géométriques.
L'artiste artisan japonais offrait également un modèle à suivre aux artistes de la Wiener Werkstatte
dont l'objectif était de mettre au même rang les arts appliqués, qualifiés de mineurs, et les
arts nobles. Très tôt le Zen de par son expression formelle eut un impact direct sur l'architecture de
Vienne où l'on vit bientôt apparaître une fluidité spatiale entre intérieur et extérieur grâce à des
constructions simples et conformes aux matériaux. Les objets aux formes épurées transitèrent le vide
dans le plein et le matériau reste visible dans son caractère spécifique. «Un connaisseur du Japon nous
relate dans ses souvenirs de voyage une cérémonie du thé à l'issue de laquelle la théière vide passa de
main en main et souleva l'admiration des participants pour sa perfection. La jouissance du beau
artistique constituait le moment suprême de la cérémonie. Ce cas serait loin d'être
exceptionnel, au contraire, l'habitude serait d'accorder une attention particulière à la qualité des objets
et au travail artistique, son corollaire. Pour les Européens d'aujourd'hui, de telles choses sont
tout simplement fabuleuses. » (Josef August Lux)

Outre Frank Lloyd Wright, les artistes qui gravitaient autour de Josef Hoffmann réussirent à transposer
dans leurs œuvres la vision du beau de l'art japonais, ce que l'œil occidental a souvent du mal à saisir
: le réalisme crée le perfectionnement absolu du décoratif, la perfection achevée du décoratif est la
révélation suprême du spirituel. L'échange culturel était cependant réciproque, comme en témoigne
l'école de ski ouverte au Japon en 1900 par des moniteurs de ski autrichiens.
L'œuvre la plus mûrie et la plus accomplie du Jugendstil et de la Wiener Werkstatte était la
maison, maison considérce commè le royaume de la vie individuelle, œuvre entièrement composée,
où la synthèse de l'art avait à faire ses preuves en harmonisant parfaitement l'intérieur et l'extérieur,
la décoration, le mobilier, l'éclairage et l'ensemble des travaux d'artisanat.(…)
Les œuvres de la Wiener Werkstätte sont compilées de facon remarquable dans la revue « Deutsche
Kunst und Dekoration » (Art et Décoration allemands). Grâce à l'intérêt de l'éditeur pour ses
recherches, nous avons à notre disposition une riche documentation de plus de 1000 illustrations,
documentation indispensable pour présenter le travail de la Wiener Werkstätte.

Josef Hoffmann : Table, vers 1903/04, chêne massif noir, pores


blanchies à la chaux, incrustations en érable, métal blanc. Les pieds s'évasant vers le bas sont retenus
par un motif de grille

Koloman Moser, étude d’un motif de lapins, tempera et mine de


plomb sur papier millimétré.

Marque de fabrique et monogramme d'artistes de la Wiener Werkstatte


extraits du programme de travail, 1905

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