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LES COÏNDIVISAIRES IN BONIS ET LA PROCEDURE

COLLECTIVE DU DEBITEUR

Le droit des procédures collectives est traditionnellement défini comme un ensemble


de procédures faisant intervenir la justice lorsque le commerçant n’est plus en mesure de
payer ses dettes1. Il fait appel à un ensemble de mécanismes de sauvegarde et de sauvetage de
l’entreprise et dans le pire des cas de la liquidation des biens. Cette dernière est une procédure
collective destinée à la réalisation de l’actif de l’entreprise débitrice en cessation des
paiements dont la situation est irrémédiablement compromise pour apurer son passif 2. En
marge de la liquidation des biens, l’on dénombre d’autres mécanismes des procédures
collectives notamment la conciliation, le règlement préventif 3 et le redressement judiciaire4.
Ces deux dernières procédures sont dites simplifiées lorsque l’on est en présence de petites
entreprises5. Le droit des procédures collectives n’intéresse pas seulement le monde des
affaires. Il est souvent mis en œuvre en considération de la situation personnelle du débiteur.
Il peut donc arriver qu’il soit mis en œuvre de manière concomitante avec d’autres règles,
notamment celles issues du Code civil parmi lesquelles l’indivision. L’indivision en question
ici est celle de droit commun. Cette institution bien que provisoire selon les desseins des
rédacteurs du Code civil s’est développée avec une incursion dans le droit des sociétés
commerciales à travers les parts sociales indivises 6 et les entreprises indivises. Elle est définie
comme étant une situation juridique née de la concurrence de droits de même nature exercés

1GUYON (Y.), Droit des affaires, T. 2, entreprises en difficultés. Redressement judiciaire-faillite, 9e éd.,
Economica, p. 8.

2 Art. 2 al. 4 AUPCAP révisé.

3 Sur la question v. ELEVAMENOU (K. S.), Le concordat préventif, Thèse de Doctorat, Université Paris-Est,
2012, 479 p.

4Art. 2 AUPCAP révisé.

5Au sens de l’Art. 1-3 AUPCAP révisé, est considérée comme petite entreprise : « toute entreprise individuelle,
société ou autre personne morale de droit privé dont le nombre de travailleurs est inférieur ou égal à vingt (20) et
dont le chiffre d’affaires n’excède pas cinquante millions (50 000 000) de francs CFA, hors taxes, au cours des
12 mois précédents la saisine de la juridiction compétente ».

6Art. 859 AUDSCGIE « Sont réputés indivis entre les associés les biens acquis par emploi ou par remploi de
deniers indivis pendant la durée de la société, ainsi que ceux qui se trouvaient indivis avant d’être mis à la
disposition de la société ».
sur un même bien ou sur une même masse de biens par des personnes différentes, mais sans
qu’il y ait division matérielle de leurs parts7. Elle désigne aussi la pluralité de droits de
propriété s’exerçant sur un objet identique ; elle peut aussi designer la chose indivise elle-
même8. François Xavier TESTU l’appréhende comme une forme de propriété collective
supposant qu’une chose soit commune à plusieurs sujets de droit. On réserve spécialement le
terme d’indivision au cas où cette propriété collective ne fait pas l’objet d’une législation
particulière9. considérant les rapports personnels entre coïndivisaires unis par une
communauté d’intérêts comparable à celle qui unit les associés, on a pu rapprocher sans les
confondre les notions d’indivision et de société dont l’opposition s’atténue au fur et à mesure
que l’indivision s’organise et que l’on admet les sociétés sans personnalité morale10. Plus
spécifiquement, en présence des procédures collectives dans le cadre d’une entreprise indivise
on distinguera l’indivisaire soumis à la procédure collective dont la situation peut être
qualifiée de malus, des autres dits in bonis. "In bonis" est une expression d'allure latine,
actuellement d'une utilisation peu fréquente qui, caractérise la situation de celui ou de celle
qui jouit de l'ensemble des droits d'usage et de disposition que le droit lui confère sur son
patrimoine. A cette position s'oppose celle des personnes qui ayant été placées sous le régime
de la liquidation sont déchues du droit de disposer de leurs biens qui constituent le gage de
leurs créanciers ; In bonis est également compris comme un terme latin signifiant dans ses
biens. Aujourd’hui encore utilisé pour désigner le débiteur qui est à la tête de son patrimoine,
maître de ses biens, par opposition à celui qui est dessaisi de ses pouvoirs de gestion en raison
notamment d’une liquidation11. Cependant, la frontière entre ces deux situations est mince. Il
arrive souvent que dans le cadre d’une indivision, le coïndivisaire in bonis, bien que maître de
ses biens à la différence du coïndivisaire débiteur, personne physique soumise à une
procédure collective subisse les effets de cette dernière. Cette situation est à première vue
paradoxale en considération du sacro-saint principe de l’effet relatif des contrats. Le
coïndivisaire in bonis est normalement un tiers à l’activité du débiteur 12. Le tiers désigne ici

7GUINCHARD (S.), MONTAGNIER (G.), Lexique des termes juridiques, 14e éd., Dalloz, p.315.

8GATSI (J.), Nouveau Dictionnaire juridique, 2e éd, 2010, p. 174.

9TESTU (F.-X.), L’indivision, Connaissance du droit, Dalloz, 1996, p. 1.

10 JOURDAIN (P.), Les biens, Dalloz, 1995, pp. 80-81.

11 CORNU (G.), Vocabulaire juridique, 8e éd., PUF, 2005, p. 442.


12 L’activité du débiteur peut être civile ou commerciale. Toujours est-il que dans le cadre de cette étude, il
s’agit du tiers personne physique et dans une moindre mesure de la personne morale.
en droit celui qui n’est pas partie à un contrat ou à un litige. La doctrine avait construit
l’institution de penitus extranéi, les tiers absolus pour marquer véritablement cette distinction
entre les parties et les tiers 13. Les conséquences d’une telle conception ont toujours été
connues depuis l’article 1165 du Code civil qui dispose que les conventions « ne nuisent point
aux tiers et elles ne leur profitent que dans les cas prévus à l’article 1121 14 ». On en déduit
logiquement que le tiers ne doit pas s’ingérer dans les relations des parties qu’elles soient
contractuelles ou conflictuelles et ne doit pas non plus être importuné par celles-ci15.
Cependant, la porosité des frontières qui sépare le patrimoine du tiers de celui de ses
coïndivisaires est justifié par le fait que ceux-ci entretiennent des relations de proximité. En
effet, nombre de situations peuvent donner lieu à une indivision : elle peut tout d’abord
trouver sa source dans une succession lorsque le défunt était exploitant individuel. Il a depuis
longtemps été constaté que le décès du chef d’entreprise a souvent pour conséquence la
cessation des paiements de l’entreprise devenue indivise, en raison soit de l’inaptitude ou de
la mésentente des héritiers, soit de l’absorption des fonds propres de l’entreprise par l’impôt
successoral. Nombreuses sont également les entreprises qui sont indivises entre époux séparés
de biens16. L’intérêt d’étudier et de circonscrire l’ampleur de l’implication des membres de
l’indivision dans la procédure collective des uns et des autres est plus que d’actualité. Dans le
cadre de l’OHADA17 en particulier avec l’élargissement du champ des personnes susceptibles

13 V. GHESTIN (J.), « La distinction entre les parties et les tiers au contrat », JCP, 1992, I, p. 3628 et s.

14 Sur la stipulation pour autrui dont il est question dans l’article 1121 v. VENANDET (G.), « La stipulation
pour autrui avec obligation acceptée par le tiers bénéficiaire », JCP, 1989, I, p. 3391 et s.

15 BIBOUM BIKAY (F.), Le tiers dans le droit des voies d’exécution de l’OHADA, Thèse de Doctorat,
Université de Douala, 2009-2010, p. 5.

16 WICKER (G.), « L’entreprise indivise et les procédures collectives », Actes colloque organisé le 21 juin 2002
à l’Université Montesquieu-Bordeaux IV par l’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique
Française, p. 36.

17 L’organisation pour l’harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a été créée par le traité du
17 octobre 1993 signé à Port Louis, révisé le 17 octobre 2008 à Québec au Canada. Les objectifs assignés à cette
organisation sont de : faciliter les échanges et les investissements ainsi que garantir la sécurité juridique des
activités économiques; Accélérer le développement économique et créer un vaste marché intégré afin d’en faire
un pôle de développement ; A ce jour, l’ OHADA regroupe 17 Etats membres ( Benin, Burkina-Faso,
Cameroun, Comores, Congo, Cote d’ivoire, Gabon, Guinée équatoriale, Mali, Niger, République centrafricaine,
Sénégal, Tchad, Togo et République Démocratique du Congo). On dénombre dix Actes Uniformes que sont
l’Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général, l’Acte Uniforme sur le Droit des Sociétés Commerciales et
des Groupements d’Intérêt Economique, l’Acte Uniforme portant Organisation des Suretés, l’Acte Uniforme
portant Organisation des Procédures Simplifiées de Recouvrement et des Voies d’Exécutions, l’Acte Uniforme
relatif au Transport de Marchandises par Route, l’Acte Uniforme portant Organisation des Procédures
Collectives et d’Apurement du Passif, l’Acte uniforme sur les Sociétés Coopératives, l’Acte uniforme relatif au
droit de l’arbitrage, l’Acte Uniforme relatif au droit comptable et à l’information financière et l’Acte uniforme
relatif à la médiation. Plusieurs autres sont en chantier.
de faire l’objet de procédures collectives, suite à la révision de l’acte uniforme y relatif 18.
Antérieurement, il s’agissait de procédures ouvertes aux seules personnes physiques
commerçantes or, désormais la seule qualité de professionnel suffit pour s’en prévaloir ou
pour y être assujetti. La tendance « inclusive » du législateur OHADA devrait d’autant plus
être effective en considération des outils de « révélations » des acteurs du secteur informel
parmi lesquels le statut de l’entreprenant19. Il convient toutefois de préciser qu’il ne s’agira
pas de s’appesantir sur le cas des coïndivisaires associés dans une société commerciale. En
présence d’une société à responsabilité illimité et dans l’hypothèse où l’on est en présence de
conjoints, bien que ce type d’association leur soit interdit, on assistera à l’ouverture de
procédure distincte contre chacun d’eux. En présence d’une société à responsabilité limité, la
personnalité de celle-ci masque l’indivision. Ceci étant, on retient que les membres in bonis
d’une indivision peuvent être inclus dans la procédure collective de leur coïndivisaire débiteur
(I). Il leur est cependant reconnu le droit spécial de s’y soustraire mieux, de protéger leur
patrimoine car l’indivision tout comme les procédures collectives ont au moins pour point
commun d’être d’abord le droit des biens avant celui des personnes (II).

I- L’EXTENSION DE LA PROCEDURE COLLECTIVE DU DEBITEUR AUX


COÏNDIVISAIRES IN BONIS

A travers de l'extension de la procédure collective ouverte préalablement contre le


débiteur, le législateur a voulu principalement offrir aux créanciers sociaux, le patrimoine
non professionnel du débiteur comme gage supplémentaire pour le remboursement de leur
créance. Mais, il s'agirait aussi d'un instrument de lutte contre les actes d'abus du patrimoine
social. Sous un tout autre aspect, le débiteur peut ne pas avoir été le seul à profiter de la
période faste en raison de la relation qui existe entre les membres de l’indivision et lui car, il
s’agit très souvent des relations familiales. C’est pourquoi, la jurisprudence admet que
18 L’Article 1-1 al. 1 AUPCAP révisé dispose, « le présent acte uniforme est applicable à toute personne
physique exerçant une activité professionnelle, indépendante, civile, commerciale, artisanale ou agricole, à toute
personne morale de droit privé ainsi qu’à toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de
droit privé ».

19 L’article 30 de l’AUDCG définit l’entreprenant comme étant « un entrepreneur individuel, personne


physique, qui sur simple déclaration prévue par le présent acte uniforme exerce une activité professionnelle
civile, commerciale, artisanale ou agricole ». L’entreprenant n’a cependant pas la qualité de commerçant même
s’il peut accomplir les actes de commerce et est soumis aux mêmes obligations que celles des commerçants du
moins en ce qui concerne le fonctionnement normal de l’entreprise. Sa capacité à être soumis aux procédures
collectives a été discutée. La lecture littérale de l’ancien article 2 de l’acte uniforme sur les procédures
collectives d’apurement du passif l’excluait des procédures collectives. Le nouvel acte uniforme révisé lui étend
son champ d’application. V. art. 1-1 AUPCAP supra.
puisse être étendue la procédure aux coïndivisaires in bonis20. Il convient cependant de
distinguer l'extension de la procédure collective de l'action en comblement du passif21 qui,
est une forme particulière d'action en responsabilité greffée sur le redressement ou la
liquidation des biens de la personne morale. De par son importance et son caractère
dérogatoire, cette extension doit être fondée sur des faits bien établis (A) et est mise en
œuvre selon les mécanismes du droit des sociétés commerciales (B).

A- LES FONDEMENTS DE L’EXTENSION DE LA PROCEDURE COLLECTIVE DU


DEBITEUR AUX COÏNDIVISAIRES IN BONIS

La procédure collective peut être étendue à une ou plusieurs personnes par application
de la loi sur le fondement de faits qui justifient une telle mesure 22. Elle peut être étendue à des
personnes autres que le dirigeant fautif ou les coassociés responsables solidairement et
indéfiniment23. En matière d’indivision comme en toute autre, l’extension peut être fondée
soit sur l’implication des coïndivisaires dans la gestion de l’entreprise24 (1) et sur la confusion
des patrimoines (2).

1- L’immixtion des coïndivisaires dans la gestion de l’entreprise en difficultés

S’immiscer dans une affaire est traditionnellement entendu comme le fait de


s’introduire ou de s’infiltrer. Il arrive souvent que des personnes étrangères à une entreprise
en prennent le control et de fait, la gestion. Cette situation est commune en Afrique avec la
prolifération de petites unités d’exploitations familiales25. Cela se traduit par la gestion

20 Le législateur n’a expressément prévu l’extension des procédures collectives qu’aux dirigeants de la personne
morale. V. art. 189-193 AUPCAP révisé.

21 Art. 183 et s. AUPCAP révisé.

22 Lamy droit commercial, (fonds de commerce, baux commerciaux, marques, brevets, dessins et modèles,
redressement et liquidation judiciaires, n°3431, 1995, p.1134 ; GUIRAMAND (F.), HERAUD (A.), op. cit.
p.175.

23 Art. 189-193 ; l’AUPCAP révisé prévoit toute une section pour les dirigeants fautifs. Dans le cadre des
sociétés en participation, faute de personnalité morale, il est ouvert une procédure collective à l’égard de chacun
des associes indéfiniment et solidairement responsables.

24 Entreprise individuelle et entreprise sociétaire.

25 NGUEBOU TOUKAM (J.), « Les sociétés crées de fait entre époux en droit Camerounais », Rev.
trimestrielle de l’école supérieure des sciences économiques et commerciales, 1989, n°8, p. 66 et s. ;
« L’entreprise familiale étude de droit camerounais », Juridis info, 1995, n°21, p.59 et s. ; « L’entreprise
familiale, étude de droit camerounais (suite et fin) », Juridis info, 1995, n°22, p.91 et s.
d’affaires (a) qui est matérialisée par l’apparence du moment que les tiers avaient de bonnes
raisons de croire aux qualités du gérant d’affaire (b).

a- Le coïndivisaire gérant d’affaires

La gestion d’affaires est définie comme un acte d’immixtion dans les affaires d’autrui
accompli par une personne en dehors de tout pouvoir légal judiciaire ou conventionnel, dans
l’intérêt ou à l’insu ou au moins sans opposition du maître de l’affaire qui, oblige celui-ci
lorsque l’initiative était utile, à remplir les engagements pris par le gérant et à lui rembourser
ses dépenses26. La gestion d’affaires requiert donc l’accomplissement d’un acte de caractère
utile pour autrui. Dans le cadre d’une indivision successorale, il arrive parfois qu’à la suite du
décès d’un commerçant, les héritiers continuent d’exploiter le fonds en indivision. Cette
initiative est souvent commandée par l’urgence car le décès d’un entrepreneur est souvent
accompagné de la disparition de son entreprise. Dans ce cas de figure, la famille s’expose
dangereusement. Lorsque l’entreprise du de cujus connait des difficultés ou qu’elle
connaissait déjà des difficultés, le tribunal est emmené à connaitre les rôles de chacun. Ils
deviennent alors commerçants de fait et sont tous susceptibles de faire l’objet d’un
redressement judiciaire en cas de cessation des paiements27.
Dans une espèce, une Cour a constaté que deux frères avaient exploité en commun le
fonds de commerce familial et en avaient assumé l’un et l’autre la direction effective en se
substituant à leur mère âgée dans l’exercice d’une profession commerciale. A part ces seuls
motifs qui font apparaitre qu’ils étaient commerçants pour avoir de manière indépendante
effectué des actes de commerce à titre de profession habituelle, la Cour a justifié légalement
sa décision en prononçant leur propre redressement judiciaire à la suite de l’ouverture du
redressement judiciaire de leur mère28. Cette hypothèse renvoie à la gérance de fait 29 à
condition que les actes du gérant soient posés de manière indépendante et effective. Il se
posera encore le problème de la preuve de ces agissements. La pratique est dans ce cas
unanime pour prendre en compte l’apparence.

26 CORNU (G.), op. cit., p. 412.

27 GUYON (Y.), Droit des affaires, t. 2, entreprises en difficulté, redressement judiciaire et faillite, 8e éd, p.
119.

28 Casss.com., 30 mars 1993 ; Gaz. Pal., 1993, p. 223.

29 V. COZIAN (M.), VIANDER (A.), DEBOISSY (F.L.), Droit des sociétés, 12e éd.,; TRICOT (D.), « Les
critères de la gestion de fait », Dr. et patr., janvier 1996, p.24.
b- La prise en compte de l’apparence pour l’extension de la procédure collective aux
coïndivisaires gérants d’affaires

«L’apparence se définit communément comme ce qui apparait aux yeux et par la suite
l’aspect extérieure et par la suite l’aspect extérieur et visible d’une institution juridique »30,
l’apparence implique la réunion des éléments ou signes extérieurs par lesquels se manifeste un
état au profit du demandeur qui, ignorant la réalité juridique a pu être conduit à commettre
une erreur d’appréciation31. La prise en compte de la théorie de l’apparence pour l’extension
des procédures collectives est importante dans la mesure où, le fait que les tiers étaient dans
l’impossibilité de savoir que la personne qui s’est immiscée dans la gérance de l’exploitation
n’avait pas la qualité, encore moins les compétences requises ne l’exonère pas pour autant.
Comme celle de l’enrichissement sans cause32, la théorie de l’apparence est une création
jurisprudentielle, destinée à tempérer la rigueur aveugle des principes. Le rôle de la théorie de
l’apparence est de transformer en droit véritable ce qui n’était qu’une apparence trompeuse,
pourvu que cette apparence ait revêtu une force suffisante pour égarer les tiers. Ce tiers sera
donc regardé comme ayant bien acquis la chose ou le droit en cause, et cette acquisition sera
opposable au véritable titulaire. Dès lors si l’on est dans le cadre d’une exploitation
commerciale, celui qui a fait croire en une apparence trompeuse ne pourra pas se prévaloir de
la qualité de commerçant mais il pèsera sur lui la responsabilité liée à ce statut. Par ailleurs, le
cas du conjoint qui collabore avec l’autre dans une exploitation familiale est très édifiant. Le
statut de conjoint collaborateur s'adresse au conjoint du chef d’entreprise, non associé,
exerçant une activité professionnelle régulière dans l'entreprise commerciale, artisanale ou
libérale, sans percevoir de rémunération. Ce statut a une importance capitale car les actes
effectués par l’époux dans le cadre de l’entreprise sont passés pour le compte du chef
d’entreprise. Il est ainsi réputé avoir reçu mandat de ce dernier. Ce mandat ne le protège
cependant pas lorsque par sa faute il a fait subir un dommage à l’entreprise 33. Concrètement,
l’immixtion de l’épouse même séparée de biens dans la gestion de l’entreprise de son conjoint

30 VACRATE (S.), La société créée de fait, essai de thésaurisation, LGDJ, 2003, p. 5, no 713, cité par
VIERLING KOVAR (E.), Le contrat de la société en participation, Thèse de doctorat, Université de Strasbourg,
2013, p. 292.

31 DE GAUDEMARIS (M.), « Théorie de l’apparence et sociétés », Revue de sociétés, 1991, p. 145.


32 Sur l’action de in rem verso, v. NGUEBOU TOUKAM (J.), « Réflexions sur les applications contemporaines
du principe de la subsidiarité dans l’action en enrichissement sans cause », Annales de la Faculté des Sciences
Juridiques et Politiques de l’Université de Dschang, pp. 163-205.
peut justifier le recours contre elle des créanciers de l’entreprise34. Surtout que ces derniers
ont la faculté de demander l’ouverture des procédures collectives mais ils ont également un
droit de regard sur son déroulement. Il existe donc une pluralité de manières de s’immiscer
dans la gestion d’une entreprise. Reste que la faute de gestion qui se définit comme qualifiant
le manquement aux règles qui définissent le comportement d’un dirigeant normalement
diligent, c'est-à-dire le comportement d’un dirigeant soucieux de l’intérêt de sa société 35 est,
susceptible de motiver l’extension de la procédure collective ouverte contre le débiteur
principal. Cette faute est néanmoins subordonnée à la preuve d’un préjudice subi par la
société36. Ce préjudice, c’est l’insuffisance d’actif. Cependant, la preuve de la faute de
gestion est difficile à spécifier parce que si l’entreprise a été placée en redressement ou en
liquidation, c’est parce que le dirigeant ou celui qui avait les rênes n’a pas agi à temps 37. Les
faits de confusion de patrimoine sont plus significatifs.

2- La confusion entre les patrimoines des coïndivisaires

La confusion des patrimoines38 est une notion bien connue du droit des procédures
collectives. Initialement forgée par la jurisprudence française, elle a été reprise par le
législateur OHADA39. Cette création prétorienne est une notion incontournable du droit des

33 Il sera soumis au régime applicable au dirigeant fautif. L’acte uniforme utilise le terme générique dirigeant
sans préciser s’il s’agit du dirigeant de fait ou du dirigeant de droit. Par analogie, il en ressort que le conjoint
collaborateur rentre valablement dans ce cadre. Il peut par ailleurs faire l’objet d’une action individuelle et d’une
action sociale.

34 MAUBRU (B.), « Les sociétés crées de fait entre époux », Mélanges DERRUPPE, LITEC, 1991, p. 275.

35 BUSSSIERE (V.), Dirigeant, comment se prémunir contre une mise en cause de votre responsabilité ? Evitez
les fautes de gestion, Fiche conseil, www.trigone.fr, p. 1, consulté le 17 avril 2019.

36 BOURRIE-QUENILLET (M.), « La faute de gestion du dirigeant de société en cas d’insuffisance d’actif,


pratique judiciaire », JCP, E, 1998, p. 455 ; CALVO (J.), « L’action en comblement de passif et la faute de
gestion », Petites aff., n° 63, 27 mai 1998, spéc. 16 ; MARTIN-SERF (A.), « Panorama des fautes de gestion »,
RTD com., 1999, 983 ; SAINT-ALARY-HOUIN (C.), « La responsabilité patrimoniale des dirigeants des
sociétés en difficultés », Rev. proc. Coll., 2001, p. 145, cité par AKAM AKAM (A.), « La responsabilité civile
des dirigeants sociaux en droit OHADA », Revue internationale de droit économique, 2007, p. 236.

37 Il existe une panoplie de mesures de prévention des difficultés de l’entreprise notamment les mesures
bancaires, sociales et même structurelles.

38 V. TOE (S.), « Aperçu pratique des finalités de la procédure collective dans l’espace OHADA », Rev dr. unif,
juin 2010, p. 45 ; REILLE (F.), La notion de confusion des patrimoines cause d’extension des procédures
collectives, 1ère éd., 2015, p. 1. ; JADAUD (B.), Droit commercial, Montchrestien, 3e éd., 1997, p. 67 et s.

39 Art. 189 à 195 AUPCAP révisé. Le législateur OHADA ne consacre l’extension de la procédure collective
que pour le dirigeant des personnes morales. L’inclusion des autres est l’œuvre de la jurisprudence française.
procédures collectives dont il convient de cerner les contours (a) pour mieux l’appréhender
comme cause d’extension de la procédure collective (b).

a- La notion de confusion des patrimoines

Deux éléments permettent d’établir la confusion des patrimoines. Il s’agit de


l’imbrication des patrimoines et l’existence de flux financiers anormaux.
L'imbrication des patrimoines, se révèle spécialement par la confusion des comptes,
c'est-à-dire le désordre rendant impossible la détermination des droits de chacune des
personnes concernées au point qu'il n'est plus possible, de dissocier les masses actives et
passives de chacune des personnes pourtant juridiquement autonomes. Plus fréquemment,
l'indice majeur de confusion de patrimoines repose sur l'anormalité des flux financiers et des
relations financières. Le flux financier n'est anormal, que s'il cause un préjudice aux
créanciers de la société en difficulté. En France par exemple, la loi de sauvegarde des
entreprises du 26 juillet 2005 a permis l’extension de la procédure collective à « une ou
plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur »40.
Cette procédure affecte l’intégralité du patrimoine de cette personne, mais elle ne déborde
normalement pas au-delà de ce patrimoine, sauf si l’on peut établir que ce patrimoine a été
mélangé à un ou plusieurs autres. La procédure collective devrait alors être étendue à ce ou
ces autres patrimoines41.

b- Les effets de la confusion des patrimoines des coïndivisaires

La confusion des patrimoines est une « mesure sanction » du droit des procédures
collectives qui permettait à l’origine d’étendre la procédure au dirigeant fautif. En présence de
l’indivision, cette situation peut ne pas se limiter à sa seule personne mais aussi aux tiers :
conjoint marié sous un régime séparatiste, concubin, héritier, légataire sans que la liste puisse
être exhaustive. Il peut être ouvert une procédure collective contre le conjoint in bonis lorsque
la confusion des patrimoines est avérée. Cette extension permet l’ouverture d’une procédure
unique contre les époux. L’extension de la procédure peut résulter de l’initiative personnelle
du juge commissaire, ou à la demande des créanciers et ce, sous la condition de prouver

40 Art. L. 621-2 du Code de commerce

41 Ibidem.
l’existence d’une imbrication des patrimoines et de flux financiers anormaux 42. L’époux in
bonis peut être tenté de demander l’extension de la procédure afin de bénéficier de l’effet de
purge mais aussi et surtout dans le but d’être à l’abri des poursuites de ses créanciers. L’époux
in bonis n’est cependant pas maître de l’extension de la procédure : s’il la demande, il est rare
que les juges l’acceptent. S’il ne la demande pas, elle peut lui être imposée à la demande d’un
tiers ou d’un créancier43. De manière générale, lorsque deux personnes physiques exploitent
en commun une même entreprise commerciale, et accomplissent toutes deux de manière
indépendante des actes professionnels habituels dans cette exploitation commune, une
procédure collective peut être ouverte contre l’un ou l’autre, si elles sont l’une et l’autre en
état de cessation des paiements et sans que le tribunal ait à rechercher entre elles une société
créée de fait. Les deux procédures sont distinctes, mais les tribunaux organisent parfois une
procédure commune en relevant la confusion des patrimoines sans avoir à rechercher si les
deux époux par exemple se trouvent en cessation des paiements44.
Sous un tout autre aspect, les personnes physiques ou morales ayant entretenu des
relations financières anormales avec une société dans laquelle ils avaient ou non des intérêts
pourront voir rechercher leur propre solvabilité pour compenser les pertes subies par la
première société, notamment lorsque celle qui est placée en liquidation a consenti
d’importants sacrifices ou qu’elle a réalisé d’importantes concessions, anormales au regard de
l’opération en cause. Ces procédures doivent néanmoins être étendues selon des modalités
particulières.

B- LES MODALITES D’EXTENSION DE LA PROCEDURE COLLECTIVE DU


DEBITEUR AUX COÏNDIVISAIRES IN BONIS

Le droit des procédures collectives est un droit qui normalement organise les relations
entre débiteur et créanciers principalement. Comme évoquées supra, les coïndivisaires qui se
seraient mêlés de trop près du fonctionnement de la société ou contre qui aurait été établis des
faits de confusion de patrimoines pourront voir leur sort scellé avec celui du débiteur. Les
modalités d’extension des procédures collectives telles que prévues par le législateur ne

42 LUCAS (F.-X.), « La protection du conjoint d’un débiteur en difficulté », Petites Aff., 12 juillet 2002, n°139,
p. 4 ; « L’attraction du conjoint in bonis dans la procédure collective », Petites Aff., 24 avril 2003, n°82.

43 L'extension de procédure à la demande du débiteur a été instaurée en France par l'ordonnance du 12 mars
2014. V. FIRLEY (L.), « L'extension de procédure à la demande du débiteur instaurée par l'ordonnance du
12 mars 2014 : une réforme à la portée limitée », Revue des procédures collectives - Mai 2014 - n° 3.

44 Cass. Com., 26 mars 1985, Bull. civ., IV, n°108; 16 juin 1986, Bull. Civ., IV, n°147.
concerne que le dirigeant fautif. Ce manquement ne suffit pas à stopper le droit des
procédures collectives dans l’accomplissement de l’un de ses objectifs majeurs qui consiste en
le désintéressement des créanciers. C’est la raison pour laquelle il est coutume de se référer au
régime juridique applicable aux sociétés en nom collectif (1) même si lorsqu’il s’agit des
sanctions proprement dites, celles applicables sont celles prévues pour le dirigeant (2).

1- L’application du régime juridique de la société en nom collectif pour


l’extension de la procédure collective aux coïndivisaires in bonis

La société en nom collectif est une des sociétés de personnes contenue dans la
nomenclature des formes de sociétés de l’acte uniforme OHADA sur le droit des sociétés
commerciales et des groupements d’intérêt économique. Peu ou pas employée par les
opérateurs économiques, la société en nom collectif et surtout son régime juridique est
souvent appelé au secours pour pallier aux manquements du législateur. Son utilisation la
plus commune concerne la règlementation des sociétés dépourvues de personnalité morale 45.
Il serait judicieux de cerner ses principes de fonctionnement (a) avant de voir dans quelle
mesure ils règlent l’ouverture de la procédure collective contre les coïndivisaires in bonis (b).

a- Les principes de fonctionnement de la société en nom collectif

La société en nom collectif est celle qui unit deux ou plusieurs personnes ayant ou
prenant la qualité de commerçant en vue d’une exploitation commerciale. Chacun des
associés est tenu personnellement et tous sont solidaires entre eux. Ce sont des commerçants
associés qui selon POTHIER et SAVARY font le commerce sous leur nom collectif 46. La
société en nom collectif est une personne morale avec un patrimoine séparé de celui de ses
associés. Elle fait le commerce et peut faire l’objet d’une procédure collective comme toutes
les autres sociétés47. Dans ce cas, les créanciers sociaux sont payés sur les biens faisant partie
du patrimoine social par préférence aux créanciers personnels des coassociés. Mais la
personnalité morale n’est pas complètement dégagée de la personnalité de chacun des
coassociés. La responsabilité indéfinie et solidaire qui pèse sur eux emmène à deux

45 Art. 868 AUDSCGIE.

46 GERMAIN (M.), Traité de droit commercial, t. 2, LGDJ, 17e éd., p. 128.


conclusions. Les créanciers sociaux ont une série de gages garantissant leur paiement. En
premier lieu le patrimoine social et en second lieu l’ensemble des patrimoines des associés
tous pris individuellement. Le régime juridique de la société en nom collectif est relativement
souple quant à son fonctionnement mais il l’est moins lorsque la société connait des
difficultés.

b- Les implications du régime juridique de la société en nom collectif pour


l’ouverture d’une procédure collective contre un coïndivisaire in bonis

Lorsque la société cesse ses paiements, tous les associés en nom sont déclarés
personnellement en redressement ou en liquidation des biens en même temps qu’elle. Le
régime juridique de la société en nom collectif est un régime inclusif. Il permet de mêler
facilement les coassociés au processus de restructuration ou de liquidation de ladite société,
encore qu’il puisse être voté un concordat de redressement pour la société mais un ou
plusieurs associés peuvent être mis en liquidation. Leurs sorts sont liés à l’origine mais l’issue
réservée à chacun d’eux est indépendante. La responsabilité solidaire qui prévaut ici suppose
que les créanciers peuvent poursuivre un des associés pour la totalité de sa créance. C’est
l’obligation aux dettes qui doit être distinguée de la contribution aux pertes 48. Lorsqu’un
indivisaire se serait donc immiscé dans le fonctionnement de l’entreprise indivise ou en
dehors du cadre lui étant réservé, il sera embarqué dans les difficultés de l’entreprise comme
un associé commun en nom et supportera personnellement la procédure.
En pratique, l’héritier qui n’aura pas attendu le prononcé du jugement déclaratif de la
succession pourra être assimilé à un coassocié en nom du de cujus. Il faut néanmoins préciser
que l’extension ne sera décidée que par la juridiction compétente à la demande du
représentant des créanciers ou d’un créancier à charge pour celle-ci d’apprécier les faits qui
lui seront présentés. Lorsque l’extension de la procédure est ordonnée par la juridiction

47 Toutes les structures sous forme sociétaire peuvent faire l’objet d’une procédure collective. Le débat se posait
au niveau des entreprises publiques. Il est admis qu’elles peuvent faire l’objet de la procédure sauf à préciser que
des règlementations spéciales sont applicables aux sociétés au statut particulier. Au Cameroun par exemple, il
s’agit pour les établissements de crédit du Règlement N°02/14/CEMAC/UMAC/COBC/CM du 24/04/2014
relatif au traitement des établissements de crédit en difficulté, et de l’ordonnance n°96/02 du 24 juin 1996
relative à la restructuration des établissements de crédit ; pour les entreprises publiques de la loi n°99/016 du 22
décembre 1999 portant statut général des établissements publics administratifs et des entreprises du secteur
public et parapublic, modifiée par la loi n°2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements
publics et la loi n°2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques.

48V. CHARTIER, « L’évolution de l’engagement des associés », Rev. soc., 1980, p. 1; GIBRILA,
« L’obligation aux dettes sociales dans les sociétés civiles », Defrenois, 1998, p. 625.
compétente, le coïndivisaire concerné peut également être soumis au régime de sanction prévu
pour le dirigeant fautif.

2- L’application du régime de responsabilité du dirigeant aux coïndivisaires

On distingue traditionnellement deux catégories de dirigeants sociaux : le dirigeant de


droit et le dirigeant de fait. Le dirigeant de droit est celui qui a été investi à la tête de la
structure conformément aux règles du droit commercial. Le dirigeant de fait quant à lui est
celui qui exerce les fonctions du dirigeant de droit sans avoir été investi. Tous deux sont
cependant soumis au même régime de responsabilité. Le défaut d’investiture du dirigeant de
fait ne saurait le prémunir des conséquences de ses actes.
Toutefois, pour que leur responsabilité soit retenue dans le cadre d’une procédure
collective, il est nécessaire de réunir un certain nombre de conditions. La première exigence
de la loi est la preuve de l’existence d’une faute de gestion du dirigeant commise avant
l’ouverture de la procédure collective. La faute de gestion se définit comme qualifiant le
manquement aux règles qui définissent le comportement d’un dirigeant normalement diligent,
c'est-à-dire le comportement d’un dirigeant soucieux de l’intérêt de sa société 49. C’est une
notion qui n’est pas définie par la loi, elle est laissée à l’appréciation des juges du fond. En
résumé elle regroupe les faits d’incompétence, de négligence et de mauvaise foi du dirigeant
social. Le succès de l’action en responsabilité du dirigeant social basée sur l’existence d’une
faute de gestion est par ailleurs subordonné à la preuve d’un préjudice subi par la société 50. Ce
préjudice, c’est l’insuffisance d’actif. Il y’ a insuffisance de l’actif lorsque l’actif réalisé est
insuffisant pour désintéresser les créanciers. On distinguera la responsabilité civile (a) de la
responsabilité pénale du coïndivisaire dirigeant (b).

a- La responsabilité civile du coïndivisaire dirigeant

49 BUSSSIERE (V.), Dirigeant, comment se prémunir contre une mise en cause de votre responsabilité ? Evitez
les fautes de gestion, Fiche conseil, www.trigone.fr, p. 1, consulté le 08 avril 2020.

50BOURRIE-QUENILLET (M.), « La faute de gestion du dirigeant de société en cas d’insuffisance d’actif,


pratique judiciaire », JCP, E, 1998, p. 455 ; CALVO (J.), « L’action en comblement de passif et la faute de
gestion », Petites aff., n° 63, 27 mai 1998, spéc. 16 ; MARTIN-SERF (A.), « Panorama des fautes de gestion »,
RTD com., 1999, 983 ; SAINT-ALARY-HOUIN (C.), « La responsabilité patrimoniale des dirigeants des
sociétés en difficultés », Rev. proc. Coll., 2001, p. 145, cité par AKAM AKAM (A.), « La responsabilité civile
des dirigeants sociaux en droit OHADA », Revue internationale de droit économique, 2007, p. 236.
La responsabilité civile du dirigeant social est assimilée à l’action en comblement du
passif. Il en est ainsi parce que la condamnation des dirigeants sociaux, en vertu d’une telle
action, est subordonnée à la preuve d’une faute, d’un dommage et d’une relation de causalité
entre la faute et le dommage. L’action en comblement du passif est susceptible d’être exercée
contre diverses personnes. Suivant les dispositions de l’article 180 de l’AUPCAP, il s’agit des
« dirigeants personnes physiques ou morales, de droit ou de fait, apparents ou occultes,
rémunérés ou non et aux personnes physiques représentants permanents des personnes
morales dirigeantes ». L’action en comblement du passif vise donc les dirigeants de droit,
mais aussi tous ceux qui, sans cette qualité, se sont immiscés dans la direction de la société.
Elle vise autant les dirigeants en fonction au moment de l’ouverture de la procédure collective
que les dirigeants retirés, à condition que ceux-ci fussent en fonction au moment où la faute a
été commise51. Par ailleurs, l’action en comblement peut aussi être dirigée contre la personne
physique représentant de manière permanente une personne morale dirigeante. Enfin, la
jurisprudence française admet l’exercice d’une telle action contre les héritiers des dirigeants
fautifs52. L’action en comblement du passif peut être mise en œuvre soit à la requête du
syndic, soit d’office par le juge compétent 53. L’action exercée par le syndic l’est au nom de la
masse des créanciers. Nommé par le tribunal compétent, le syndic est chargé de représenter
les créanciers et par conséquent, d’exercer toutes actions tendant à préserver leurs intérêts. En
reconnaissant le droit au syndic d’exercer l’action en comblement du passif, la loi refuse le
droit d’agir aux créanciers pris individuellement. La question se pose de savoir si le syndic
agit librement ou s’il doit requérir l’avis ou l’autorisation des autres organes de la procédure
que sont le juge commissaire et les contrôleurs. Une certaine doctrine soutient que le syndic
doit consulter les contrôleurs lorsqu’il en existe. Cette exigence ne paraît ni utile ni justifiée,
le syndic agissant dans l’intérêt exclusif des créanciers dont il est le représentant légal. La
responsabilité des dirigeants peut aussi, d’office, être mise en œuvre par la juridiction
compétente en matière commerciale 54. Cette responsabilité peut être engagée sans préjudice
de sa responsabilité pénale.

51AKAM AKAM (A.), op. cit., p. 233.


52La jurisprudence admet une telle action en raison de son caractère patrimonial et à la condition que les
héritiers aient accepté la succession. V. Cass. com., 2 oct. 1984, Bull. civ., IV, n° 250 ; 19 mai 1982, Bull. civ.,
IV, n° 191 ; Versailles, 27 févr. 1997, R.J.D.A, 1998, n° 85, cité par AKAM AKAM (A.), op. cit., p. 234.

53 Art. 183 AUPCAP révisé.

54 AKAM AKAM (A.), op. cit., p. 236.


b- La responsabilité pénale du coïndivisaire dirigeant

Il a été vu que la responsabilité civile du dirigeant pouvait être mise en œuvre sans
préjudice de sa responsabilité pénale. L’un ou l’autre de ces régimes de responsabilité n’est
pas exclusif de l’autre. Le fondement de cette responsabilité est également la commission
d’une faute qui renvoie aux comportements préjudiciables qui sont de manière spécifique les
actes d’omission ou de commission 55. En matière d’indivision successorale, l’un des
copartageants prend souvent la tête de l’entreprise avant même le décès du débiteur principal
exploitant d’une entreprise individuelle. Conformément à l’article 189 de l’acte uniforme
suscité, « En cas de redressement judiciaire ou de liquidation des biens d’une personne
morale, peut être déclaré personnellement en redressement judiciaire ou en liquidation des
biens, tout dirigeant ». Le législateur communautaire a le mérite d’avoir élargi le champ
relatif au dirigeant social en cause. Le choix de la formule « tout dirigeant » est sécurisant
pour les créanciers qui voient leurs chances de désintéressement être accrues. Quand bien
même la procédure aura été clôturée pour insuffisance d’actifs comme c’est souvent le cas,
une autre option s’offre à eux à travers la personne des dirigeants réguliers et occasionnels.
Ces derniers pourront augmenter la bourse des créanciers à travers les sanctions pécuniaires,
notamment les amendes qui font partie de l’arsenal répressif du droit pénal. Au-delà de cette
perspicacité, il demeure un manquement qui a de tout temps été reproché à l’OHADA : le fait
de laisser la latitude d’élaborer le régime de sanctions aux législateurs internes, d’où la
survenance de paradis pénaux56. Le Cameroun pour sa part a adopté la loi n° 2003-008 du 10
juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains actes uniformes
OHADA. Aux termes des articles 28, 29 et 30 de cette loi, il est prévu en plus des affres de
l’ouverture d’une procédure collective personnalisée contre le dirigeant fautif, des peines
d’emprisonnement pouvant aller de 1 à 5 ans et des amendes pouvant atteindre 20 000 000 de
FCFA57. Eu égard de ce qui précède l’on pourrait penser que le droit des procédures

55 NGOUE (W. J.), « La mise en œuvre de la responsabilité des dirigeants des sociétés anonymes en droit
OHADA », www.ohada.com, Ohadata D-05-52, p. 4.

56Sur la question v. ANOUKAHA (F.) et autres, OHADA sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles,
2002, p. 237 ; TCHANTCHOU (H.), La supranationalité judiciaire dans le cadre de l’ OHADA : étude à la
lumière du système des communautés européennes, Thèse pour le doctorat, avril 2008, Université de Poitiers,
Faculté de droit et des Sciences Sociales, p. 212 ; FOKO (A.), « Analyse critique de quelques aspects du droit
pénal OHADA », Penant n°859 p.193 et s.; YAWAGA (S.), « Politique criminelle de l’OHADA », in
Encyclopédie du droit OHADA, (Dir) POUGOUE (P.-G), Lamy, 2011, pp. 1382-1401.

57 Art. 7-9 de la loi camerounaise n°2003-008 du 10 juillet 2003 portant répression des infractions prévues dans
certains actes uniformes OHADA.
collectives est un droit complètement dérogatoire au droit de l’indivision mais il n’en est rien.
Il existe des hypothèses où le droit des procédures collectives se plie à celui de l’indivision
qui s’impose à lui. Ainsi, les coïndivisaires disposent d’une marge de manœuvre pour se
soustraire de la procédure collective du débiteur.

II-L’EXCLUSION DES COÏNDIVISAIRES IN BONIS DE LA PROCEDURE


COLLECTIVE DU DEBITEUR

Comme nous l’avons vu supra, la conciliation entre le droit de l’indivision et le droit


des procédures collectives n’est pas toujours aisée58. Tant le droit de l'indivision que le droit
des procédures collectives ont des objectifs et des mécanismes différents, chacun constituant
un système juridique global, un ensemble spécifique organisé en fonction de sa propre
finalité59. L’indivision est caractérisée par sa flexibilité de par les nombreuses prérogatives
reconnues aux indivisaires comme le droit de demander le partage sans que l’on puisse
admettre la possibilité d’un abus de droit60. Par contre, les règles des procédures collectives
sont plus strictes. Elles sont d’ordre public61 ce qui correspond à la logique du législateur
OHADA62. Il est cependant admis que l’ensemble des procédures collectives sont organisées
autour d’un droit dont la particularité tient au fait qu’il s’agit d’un droit dérogatoire,
perturbateur qui altère et déforme les principes généraux du droit des contrats63. Ces règles
impératives ayant pour but principal de garantir la continuation de l’activité d’une entreprise
en difficulté pourraient être mises à mal dans bien des aspects par certaines dispositions
protectrices de l’indivision. S’il est clair que les biens du débiteur ne peuvent pas tomber en
jachère64 du fait de l’ouverture d’une procédure collective à son encontre, il n’est pas exclu

58 Actualité des procédures collectives, « Exercice des droits des indivisaires en cas de procédure collective de
l’un d’eux », Actualités des procédures collectives civiles et commerciales, n°16, 19 octobre 2012.

59V. art.815 CC; art.2 AUPCAP révisé.

60 TESTU (F.-X.), op.cit., p. 32.


61 V. VIDAL (D.), « Procédures collectives et procédures d'arbitrage : quelle rencontre ? », Gaz. Pal., 31
octobre 2009, n° 304, p. 3.

62 Art. 10 du traité OHADA modifié par le traité de Québec du 17 octobre 2008, « Les actes uniformes sont
directement applicables et obligatoires dans les Etats parties ».

63V. HOUIN (S.-A.), « préface » in, MONSERIE (M.-H.), Les contrats dans le redressement judiciaire et la
liquidation des entreprises, Litec, Paris, 1994, 700 p.

64 POUGOUE (P.-G.), KALIEU (Y. R.), L’organisation des procédures d’apurement du passif OHADA, PUA,
1999, p. 36.
que ce semi-repos connaisse des perturbations. C’est ainsi que l’existence d’une situation
d’indivision peut déteindre sur les principaux effets des procédures collectives que sont la
suspension des poursuites individuelles et le dessaisissement imposé au débiteur par la
liquidation des biens. Dans cet ordre d’idées il est possible que l’indivision dont est membre
le débiteur puisse être partagée (A) et qu’une partie du patrimoine soumis à la procédure
collective soit revendiquée (B).

A- L’ACTION EN PARTAGE DE L’INDIVISION : MODALITE


D’ETABLISSEMENT DU DROIT DE PROPRIETE DES COÏNDIVISAIRES IN
BONIS

La décision qui prononce l'ouverture d'une procédure collective quelle qu'elle soit,
emporte de nombreux effets. Vis-à-vis des créanciers notamment, elle instaure une discipline
collective65 en constituant les créanciers en une masse66 représentée par le syndic qui, seul agit
en son nom et dans l'intérêt collectif, arrête le cours des inscriptions de toutes sûretés
mobilières ou immobilières, mais surtout, et cette solution est la même qu'il s'agisse du
règlement préventif, du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens, elle arrête ou
interdit toutes les poursuites individuelles 67. La volonté du législateur est de laisser à
l’entreprise le répit nécessaire à l’établissement d’un bilan et à l’élaboration d’un concordat de
redressement68. La suspension automatique69 des poursuites individuelles donne tout son sens
au droit des procédures collectives. C'est en ce sens que sont interdites toutes les actions en
65 Art. 73, 75,77 et 78 AUPCAP révisé; V. Echange franco-russe ‘‘la discipline collective en droit des
entreprises en difficultés’’, organisé par le centre des études en droit des procédures CERDP, organisé à la
faculté de droit et de science politique de Nice le vendredi, 23 mai 2014.

66 La masse est composée des créanciers de la procédure collective. Il convient cependant de distinguer les
créanciers dans la masse dont la créance est née avant l’ouverture de la procédure collective créanciers de la
masse, dont la créance est née après l’ouverture de la procédure. Ces derniers ne sont pas assujettis à la
suspension des poursuites individuelles.

67 V. Art. 9 et 75 al. 1 et 75-1 de l'AUPCAP révisé; TGI du Wouri, jugement civil n°159 du 1 er décembre 2005,
Aff : la société anonyme les transports BLAT et Cie : note KALIEU ELONGO (Y. R.), Ohadata J-12-59. ; TGI
du Wouri, jugement civil n° 030 du 06 octobre 2005, Aff : la société automobile Camerounaise (SACAM
SARL), obs. KALIEU ELONGO (Y. R.), Ohadata J-12-58. ; Cour d’appel d’Abidjan, 5ème chambre civile et
commerciale B, Arrêt n°255 du 26 mai 2011 : Aff: SGBCI c/ rue des pêcheurs. JurisOhada, n°4, octobre-
décembre 2011, p. 50, Ohadata J-13-18. ; Tribunal de commerce de Pointe-Noire Ordonnance de référé n° 432
du 12 octobre 2010, Aff : Dame Philomène MPIKA, Ohadata J-13-98.

68 RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) par DELEBECQUE (Ph.), GERMAIN (M.), Traité de droit commercial, t. 2,
LGDJ, 17e éd., p. 954.

69 KANTE (A.), « Réflexion sur le principe de l'égalité entre les créanciers dans le droit des procédures
collectives d'apurement du passif OHADA », E.D.J.A, n° 56, www.ohada.com/ohadata D-06-47.
justice exercées par les créanciers tendant à la reconnaissance des droits et des créances à
l'issue de la décision d'ouverture des procédures collectives 70. En présence de l’indivision, la
donne peut être faussée en raison des droits des acteurs principaux de l’indivision que sont les
coïndivisaires in bonis. Il s’agit principalement du droit de demander le partage (1) qui
lorsqu’il est mis en œuvre suit un canevas bien défini (2).

1- Le caractère absolu du droit de demander le partage de l’indivision

Le droit de propriété constitue l’un des droits fondamentaux reconnus à chaque


individu71. En dépit de ce que le droit des procédures collectives affiche une tendance de plus
en plus économique72. On relève que le sauvetage de l’entreprise a pris une place prééminente
dans les législations récentes en raison de la prise de conscience de l’importance de
l’entreprise au plan de l’emploi et de « la paix sociale », au plan des investissements, de la
balance commerciale et de la balance des paiements, au plan des recettes fiscales 73. Mais, les
considérations d’ordre économiques74 ayant guidé l’édification du droit de la faillite 75 n’ont
pas suffi à ébranler une prérogative chère aux yeux des individus. Ainsi, les coïndivisaires in
bonis en tant que tiers à la procédure continuent d’exercer leurs droits et à supposer que
l’objet soit compris dans l’actif de liquidation, ils peuvent toujours le revendiquer. Plus
simplement, l'inaliénabilité « totale » des biens ne peut concerner que ceux qui sont la
propriété exclusive du débiteur. En ce qui concerne les biens indivis, le débiteur n'est titulaire
que d'une quote-part abstraite en attendant le partage. Par suite, l'inaliénabilité des biens

70 Dans le règlement préventif, il s'agit des créances désignées par le débiteur dans la requête au moment de
l'introduction de l'instance. Art. 9 de l'AU PCAP. Tandis que dans le redressement et la liquidation, il s’agit des
créances nées avant le jugement d’ouverture.

71 V. Art. 17 DUDH.

72 PLANTIN (G.), THESMAR (D.), TIROLE (J.), « Les enjeux économiques du droit de la faillite, les notes du
conseil économique », n°7, juin 2013, p. 12. ; En France, cette évolution se manifeste à travers la régularité des
modifications que connait le droit des procédures collectives depuis les années 1980 ; On parle d’ailleurs
aujourd’hui de loi de sauvegarde avec la loi n°2005- du 25 juillet 2005 ;

73 SAWADOGO (F.M.), OHADA Droit des entreprises en difficulté, collection droit uniforme africain,
Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 4.

74 Sur la question v. AZIBER (S. A.), « L’attractivité contractuelle du droit des procédures collectives de
l’espace OHADA », Droit et expertise, octobre 2012, pp. 8-9 ; KANE EBANGA (P.), « La nature juridique du
concordat du redressement judiciaire dans le droit des affaires de l’OHADA », Juridis, n° 50, 2002, p. 109 et s. ;
LEVRATTO (N.), « Quels indicateurs d’efficacité économique du droit des faillites ? Du classement de Doing
Business à une analyse des procédures effectives », Economix, 2009, p. 1 et s.; SOINNE (B.), Traité des
procédures collectives, LITEC, 2e éd, 1995, n°26.

75 Le droit de la faillite est l’ancienne appellation du droit des procédures collectives.


indivis n'est pas envisageable en raison de la propriété commune des indivisaires. La solution
posée par la Cour de cassation quant à l'articulation des textes est d'une indiscutable rigueur 76.
La demande de partage de l’indivision est donc une prérogative reconnue à tous les
indivisaires. L’article 815 du Code civil applicable au Cameroun dispose d’ailleurs que : « nul
ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué ».
Le droit de sortir de l’indivision est discrétionnaire, l’objectif poursuivi est indifférent et le
fait qu’il fut malicieux n’invaliderait pas la demande 77. Le principe est donc que le partage
puisse toujours être demandé.
Toutefois, pour des raisons pratiques il est également admis qu’un sursis au partage,
mesure temporaire de suspension d’une exécution 78 puisse être prononcé par le juge mais, il
peut également être convenu entre les parties dans le cadre d’une indivision conventionnelle79.
Nonobstant l’ouverture d’une procédure collective à l’encontre du débiteur, membre d’une
indivision, exception faite de celle portant sur une entreprise indivise, ces règles trouvent à
s’appliquer. On distingue deux situations selon que le débiteur possède des biens en
indivision appréhendés par la procédure collective (a) et selon que les biens indivis soient
soumis à une procédure collective (b).

a- L’hypothèse de l’appréhension des biens indivis par une procédure collective

Au regard de l’étendue des effets produits par les procédures collectives, le


règlement préventif80peut être écarté dans la mesure où il ne pose pas de véritable difficultés,
le débiteur étant encore maitre de ses biens, le régime de l’indivision dont il ferait partie
profitant également de cette simplicité. Les choses sont plus complexes dans le cadre du
redressement et de la liquidation des biens. L’appréhension des biens du débiteur exploitant à
titre individuel concerne donc tous ses biens, personnels et communs actuels et à venir 81.
Celui-ci exerce son activité en son nom et pour son compte. L’entreprise individuelle n’a

76 HENRY (L.-C.), « Primauté de l’indivision après dissolution du mariage sur la procédure collective »,
www.infogreffe.fr, extrait n°84 mars 2015.

77 TESTU (F.-X.), op. cit., p. 32.

78 CORNU (G.), op. cit., p. 846.

79Art. 815 al. 2 CC « La convention qui suspend le partage ne peut être obligatoire au-delà de 05 ans mais elle
peut être renouvelée » ; quant au sursis judiciaire, la décision peut être motivée par le souci de préserver la
valeur du bien ou lorsque en matière successorale, l’un des héritiers est mineur.

80 SAWADOGO (F.M.), « Le règlement préventif est une mesure de prévention des difficultés de l’entreprise
qui nécessite l’intervention du juge. », op. cit. p. 56 et s.
cependant pas de patrimoine propre. L’entreprise individuelle n’a pas de personnalité
juridique elle se confond avec la personne de l’entrepreneur. Cette structure est la plus
fréquente dans l’espace OHADA. L’entrepreneur personne physique, répond seul des
obligations nées de l’exercice de l’activité de l’entreprise 82. Ainsi, le débiteur peut entrainer
dans ses malheurs tous les autres coïndivisaires en portant atteinte à leur faculté d’abusus 83
reconnue à tout propriétaire lorsque le bien était utilisé dans le cadre de son activité. La
situation peut se produire dans le cadre de toutes les institutions sources d’indivision
notamment les régimes matrimoniaux, les successions et l’achat de biens en copropriété.
Dans le cadre des régimes matrimoniaux, le conjoint peut faire entrer le bien indivis
dans les procédures aussi bien pendant l’existence de la communauté qu’à sa dissolution.
Pendant l’existence du lien matrimonial, l’acquisition de biens indivis par des conjoints est
valable lorsque ceux-ci se sont mariés sous le régime de la séparation des biens. A la vérité, la
question ne concerne guère les époux communs en biens car les acquêts ont vocation en pareil
cas à tomber dans la masse commune ce qui désamorce l’intérêt d’une qualification indivise 84.
La doctrine a décrit la patiente articulation des règles matrimoniales et des règles de
l’indivision85. Dès lors, la communauté chasse l’indivision au nom du bon sens, c'est-à-dire
par crainte du double emploi et par esprit de simplicité 86. Ces précisions ainsi relevées, les
biens acquis en indivision par un couple marié sous le régime de la séparation des biens
peuvent constituer le gage des créanciers des conjoints et par ricochet celui des créanciers de
la procédure collective de l’un d’eux, en raison de la présomption mucienne 87 devenue action
en réintégration puis action en rapport88.

81 Il s’agit d’une reprise de l’art 2092 du Code civil aux termes duquel « les biens du débiteur constituent le
gage commun de ses créanciers ».

82NEMEDEU (R.), « Société unipersonnelle du droit OHADA »,in Encyclopédie du droit OHADA, (Dir)
POUGOUE (P.-G), éd. Lamy 2011, p. 2050. ; NYAMA (J. M.), Droit bancaire en zone CEMAC, 2e éd.,
PUCAC, Yaoundé Cameroun, février 2015, p. 197.

83 TESTU (F.-X.), op. cit., p. 45. ; CORNU (G.), op. cit., p. 8.

84 BOLZE (V.A.), « Les rapports patrimoniaux des couples en dehors de la communauté légale », Dr. Fam,
chron. 5, n°13 ; art. 1408 CC.

85 V. CATALA (P.), « L’indivision entre époux », in Mélanges HEBRAUD (P.), Toulouse, Université des
sciences sociales, 1981, p. 185 et s.; SIMLER (Ph.), « L’indivision entre époux séparés de biens, une quasi
-communauté ? », in Mélanges COLOMER (A.), Litec, 1993, p. 461 et s.

86 VAREILLE (B.), « Le couple et l’indivision », Actes du colloque organisé le 21 juin 2002 à l’Université
Montesquieu Bordeaux IV par l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Dalloz,
2005, p. 5.
Le conjoint qui se sent menacé peut toujours demander à faire individualiser 89 sa part
devant la juridiction compétente90 en apportant la preuve de sa propriété 91. Le plus souvent,
les époux seront tentés de demander le divorce avec liquidation de la communauté des
meubles et des acquêts sauf à préciser que ces initiatives seront vaines si le conjoint in bonis a
eu la mauvaise idée de se porter caution pour le débiteur comme c’est souvent le cas92. La
demande de divorce peut toujours être introduite aussi bien par le débiteur que son conjoint
sauf que le jugement définitif n’est pas opposable au syndic si la procédure collective a eu
lieu avant le prononcé du jugement 93. Par ailleurs la liquidation de la communauté survenue
avant l’ouverture de la procédure est opposable aux tiers mais peut être contestée si des actes
ont été passés pendant la période suspecte.

87 La présomption mucienne a pendant longtemps caractérisée le sort de la femme dans les procédures
collectives. Quel que soit le régime matrimonial, il était admis que les biens acquis par la femme du failli
appartiennent au mari, ont été payés de ses deniers et doivent être réunis à la masse de son actif. L’une des
reformes importantes de la loi de 1967 sur la faillite en France largement reprise en droit OHADA a été de
supprimer la présomption mucienne. Si le représentant des créanciers veut faire entrer les biens acquis par le
conjoint du débiteur dans l’actif soumis à la procédure collective, il lui appartient de prouver que ces biens ont
été achetés avec des valeurs fournies par le débiteur. La preuve de l’origine de ces biens peut être établie par tous
moyens. Elle est suffisamment établie dès lors qu’il est démontré que le conjoint n’avait à l’époque de
l’acquisition ni fortune, ni activités personnelles lui permettant de payer le prix. ; V. SIMLER, « Le conflit des
présomptions en régime de communauté », R.T.D civ, 1970, 478 cité par DELEBECQUE (Ph.) et GERMAIN
(M.), op. cit., p. 1125; SAWADOGO (F. M.), « Les effets de l’ouverture d’une procédure collective à l’égard des
créanciers », in Encyclopédie du droit OHADA, 2011, p. 741. ; OBELLIANNE (S.), « La discrète résurrection
de la présomption mucienne au sujet de l'arrêt de la Cour de Cassation du 16 janvier 2007 », Revue des
procédures collectives - Janvier 2008 - n° 1.

88 DELMOTE (P.), « L'action en rapport contre le conjoint ne concerne pas les biens propres », Recueil Dalloz
2003, p. 2167.

89 Art. 99-100 AUPCAP révisé.

90 Lorsque le conjoint débiteur a été placé en procédure collective, le juge compétent pour toute demande
incidente est celui qui est en charge de la procédure, a l’exception des questions qui relèvent de la compétence
des juridictions administratives, pénales et sociales. V. art. 3 AUPCAP révisé.

91 V. TIGER (Ph.), « Droit de la preuve dans l’espace OHADA : introduction générale », Rev.de dr. Unif., n°1,
p.10.

92 Au regard des dispositions de l’ancien article 5 de l’acte Uniforme, il était dit que seul le débiteur principal
pouvait solliciter de la juridiction compétente, l’ouverture à son profit d’un règlement préventif. Il en découlait
que la suspension des poursuites ordonnée, ne bénéficiait qu’au débiteur principal, la caution ne pouvant
nullement s’en prévaloir. Par conséquent, rien n’empêchait que la caution soit immédiatement poursuivie pour
l’ensemble de la créance, nonobstant la suspension des poursuites individuelles. Il en allait de même lorsqu’il
s’agissait d’un redressement ou d’une liquidation des biens; v. AGBENOTO MAWUNYO (K.), Le
cautionnement à l’épreuve de la procédure collective, Thèse de Doctorat, Université de Lomé, 2008, p. 16 ;
DECKON KUASSI (F.), « le conjoint du débiteur soumis à la procédure collective en droit uniforme de
l’OHADA », (première partie), Petites Aff, 14 janv. 2008, p. 6 et s. Désormais, la caution au même titre que le
débiteur bénéficie de la suspension des poursuites individuelles. V. Art. 9-5 AUPCAP révisé.

93 HENRY (L.-C.), Primauté de l'indivision, Bulletin d'Actualité des Greffiers, extrait du N°84, mars 2015.
Dans le cadre des successions, lorsque le partage effectué n’était qu’un partage
provisionnel et que le coïndivisaire a utilisé une portion des biens pour son exploitation
personnelle et s’est retrouvé en difficulté, il peut être procédé à un partage définitif de sorte
que la procédure n’affecte que sa part du bien indivis. Il peut également arriver que le débiteur
ait donné le bien en hypothèque, celle-ci reste valable pour le montant de sa part. Les autres
pourront introduire une action en revendication adressée au juge commissaire de manière à
extraire le bien de la procédure. Le partage de l’indivision peut toujours être mis en œuvre et
la multiplicité des situations est entérinée par la complexité et la subtilité des solutions y
applicables. Cette complexité est encore plus accentuée lorsque des biens indivis sont soumis
à une procédure collective.

b- L’hypothèse de la soumission des biens indivis à une procédure collective

Les biens indivis peuvent être soumis à la procédure collective dans le cadre d’une
entreprise indivise. On parle d’entreprise indivise lorsque des biens indivis sont affectés à
l’exercice d’une activité économique. Autrement dit, c’est l’usage particulier assigné aux
biens qui sont indivis entre les indivisaires qui détermine l’existence d’une entreprise
indivise94. Une nouvelle forme de société semble surgir ce que la jurisprudence française a
appelé « société d’indivision ». Cette jurisprudence avait déjà anticipé sur les constructions
législatives en rapprochant la société de l’indivision et en reconnaissant l’existence de
sociétés d’indivision qui ont été consacrées en France par la loi du 04 février 1976 reformant
les dispositions du Code civil sur la société 95. De manière spécifique, il s’agit d’une indivision
conventionnelle où les indivisaires décident de mettre leurs biens en indivision dans le cadre
d’une entreprise commune car il faut une pluralité de personnes. Le choix sera souvent de
créer une société en participation avec la constitution de parts en indivision 96. L’on pourrait
également faire le parallèle avec certaines parts sociales qui peuvent être mises en indivision
dans le cadre des sociétés commerciales97 mais, ces parts ne confèrent pas le caractère indivis
à ladite entreprise car la société est dotée de la personnalité morale ce qui n’est pas le cas de
94 WICKER (G.), « L’entreprise indivise et les procédures collectives », Actes du colloque organisé le 21 juin
2002 à l’Université Montesquieu bordeaux IV par l’association Henri Capitant des amis de la culture juridique
française, Dalloz, 2005, p. 31.

95RIPERT (G.) et ROBLOT (R.) par GERMAIN (M.), Traité de droit commercial les sociétés commerciales, t.
1, vol 2, 18e éd., LGDJ, 2002, p. 9.

96 Art. 127, 519, 527, 858, et 859 AUDSCGIE.

97Ibidem.
l’indivision98. L’entité sociétale ici masque l’indivision. Il faut donc exclure de la notion
l’entreprise exploitée sur la forme d’une société, personne morale dont les titres sociaux sont
en indivision99. En réalité, on observe une multiplicité d’hypothèses pouvant donner lieu à une
entreprise indivise.
Elle peut trouver sa source dans la succession lorsque le de cujus entrepreneur
individuel, est décédé en état de cessation de paiements et que les héritiers ont continué
d’exploiter le fonds en indivision100. Très souvent même si le de cujus a laissé une entreprise
in bonis, l’inaptitude et la mésentente entre les héritiers peut entrainer des difficultés encore
que ces dernières constituent une cause de dissolution de la société101. Nombreuses sont
également les entreprises indivises entre les époux séparés de biens mais, aussi entre les
concubins, l’extension du lien conjugal se reflétant aussi dans la vie des affaires. Il n’est
cependant pas envisageable de demander le partage d’une entreprise indivise en difficulté
dans la mesure où l’ouverture de la procédure vaut hypothèque des biens affectés à l’activité
de l’entreprise. Ils sont frappés d’indisponibilité. Cette indisponibilité est transposée aux biens
personnels des membres de l’entreprise indivise en raison de l’absence de personnalité morale
de celle-ci.
En présence des autres situations, les indivisaires in bonis pourront toujours
demander leur part qui ne sera pas aisée à obtenir mais ils pourront user de « moyens
astucieux ». Les indivisaires pourront s’entendre de manière à faire peser la procédure sur l’un
d’eux ou sur certains d’entre eux. Cette stratégie sera aisée à mettre en place lorsque
l’entreprise est occulte. Si elle est ostensible, les choses seront moins évidentes. Dès lors la
procédure sera ouverte contre chacun sous condition de leur responsabilité indéfinie et
solidaire lorsque l’entreprise exerce une activité commerciale et conjointe lorsque l’activité
exercée est civile.
Il faut par ailleurs noter que plusieurs indivisions peuvent se superposer. Derrière
l’entreprise indivise peut se cacher l’indivision post communautaire des participants qui
pourra toujours prendre fin en dépit de la procédure ouverte contre eux. La solution retenue
dans ces cas ne permet cependant pas de redresser l’entreprise dans la mesure où la procédure

98 V. art 853 AUDSCGIE.

99 LUCET (F.), « L’entreprise indivise à la merci des créanciers personnels de chaque indivisaire », in Mélanges
DERRUPE (J.), éd. GLN-JOLY, 1991, p. 315 et s., n°2, cité par WICKER (G.), op. cit., p. 32.

100 GUYON (Y.), op. cit., p. 119.

101 L’acte uniforme OHADA consacre la mésintelligence entre associés comme une cause de dissolution de la
société. Cette disposition s’applique aux héritiers d’un entrepreneur individuel. V. art 200 al. 5 AUDSCGIE.
est lourde mais aussi elle ne garantit pas la solvabilité des coïndivisaires. Sous un tout autre
plan, si la procédure de règlement préventif est plus tard convertie en redressement judiciaire
ou en liquidation des biens, les actes ainsi passés peuvent tomber sous le coup des
inopposabilités de la période suspecte. Du jour de la cessation des paiements 102 effective, à
celui du jugement d’ouverture, les actes accomplis par le débiteur sont suspects de fraude
avec le créancier concerné. C’est pourquoi le Code de commerce de 1807, de façon radicale,
déclarait tous les actes accomplis pendant cette période nuls sans distinction. Or, l’acte
uniforme ne parle pas de nullités mais d’inopposabilités et, elle a une approche duale en
distinguant les inopposabilités de droit des inopposabilités de fait 103. La période suspecte
s’étend du jour de la cessation des paiements ou dans certains cas des six mois qui l’ont
précédé au jour de la décision d’ouverture de la procédure 104. Une autre astuce avec le
concours du juge commissaire et du syndic serait de procéder à une cession d’actifs car ce
dernier peut sous autorisation compromettre et transiger sur toutes les contestations qui
intéressent la masse même sur celles qui sont relatives à des droits ou actions immobiliers 105.
Cette possibilité pose encore le problème de la responsabilité du syndic avec acuité mais, il
est de bon ton de reconnaitre qu’il dispose d’une certaine marge de manœuvre non seulement
dans le cadre de ses missions mais également en dehors. Le droit de préemption 106 qui est la
faculté conférée par la loi ou par la convention à une personne d’acquérir de préférence à tout
autre un bien que son propriétaire se propose de céder en, se portant acquéreur de ce bien dans

102 Le législateur OHADA en son article 25 de l’AUPCAP révisé dispose que « le débiteur qui est dans
l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible, à l’exclusion des situations où des
réserves de crédit ou les délais de paiement dont le débiteur bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent
de faire face à son passif exigible » est en état de cessation des paiements. Sur la question v. MEUKE (Y. B.),
« Quelques précisions sur la notion de cessation des paiements en OHADA, Ohadata D-08-13, 2009 ; DIALLO
(B.), La cessation des paiements du débiteur en OHADA, Note sous cour d’appel de Ouagadougou, Arrêt n° 52
du 16 avril 2004, chambre civile et commerciale, Ohadata D-10-64 ; c’est donc une notion de droit et il revient à
la juridiction compétente d’exercer un contrôle sur le fait de savoir si les faits souverainement constatés par le
juge du fond sont révélateurs de la cessation des paiements. Voir également jugement n° 32/Civ/TGI du Nyong
et Kelle à Eseka, du 21 nov. 2011, Aff : Caisse de crédit et d’épargne pour le développement CADED C/Etat du
Cameroun ; CCJA arrêt n° 022/2011 du 19 janvier 2007 : Aff : compagnie cotonnière ivoirienne C/TIEMOKO
KOFFI et GUILLEMAIN (A.)/. Cour d’Appel du littoral, Arrêt n° 040 du 16 mars 2012, Aff : Ets BUT
C/MOULINS D’AFRIQUE ; Dans cette dernière espèce, la cour déclare que « toute entreprise dont l’actif est
insuffisant pour faire face à son passif est en état de cessation des paiements et doit proposer un concordat de
redressement… », Ohadata J-13-150, cité par NLEP BILLONG (Y.), Les difficultés des entreprises en droit
OHADA, Mémoire de DEA, Université de Douala, 2014, p. 1.

103 Art. 68 et 69 AUPCAP révisé.

104 Art. 67 AUPCAP révisé; SAWADOGO (F.M.), OHADA Droit des entreprises en difficultés, coll. Bruylant
Bruxelles, 2002, pp. 221-223.

105 Art. 148 AUPCAP révisé.

106 CORNU (G.), op. cit., p. 659.


un délai donné en général aux prix et conditions de la cession projetée aidant, la procédure
sera mise à la charge d’un seul coïndivisaire qui dans l’idéal devra être le plus solvable. La
législation française quant à elle opte pour faire supporter la charge à celui des conjoints
contre qui sera retenue la qualification professionnelle 107. Ces procédés sont certes malicieux
et pourraient être confrontés aux inopposabilités de la période suspecte mais constituent tout
de même un moyen de sortir de l’indivision de « manière déguisée ».
Dans tous les cas, les indivisaires peuvent toujours sortir de l’indivision nonobstant
l’ouverture de la procédure collective encore que le régime de partage de l’indivision s’ils
décident de s’y conformer est bien règlementé.

2- Les modalités de liquidation de l’indivision

L’indivision est une institution du Code civil qui fonctionne de manière quasi
autonome. Elle a son propre régime juridique qui détermine les droits de tous ses acteurs
pendant son fonctionnement mais elle organise aussi la fin de l’indivision. La survenance ou
la rencontre avec une procédure collective est sans influence sur les voies normales de partage
de l’indivision que sont le partage amiable (a) et le partage judiciaire (b).

a- Le partage amiable de l’indivision

L’indivision peut être partagée à l’amiable dans la seule hypothèse du règlement


préventif car le débiteur est en pleine possession de ses droits et n’est pas sous l’effet de
l’assistance ou du dessaisissement imposé par les autres procédures. Les indivisaires peuvent
donc user de leurs prérogatives sans avoir à s’inquiéter de la présence du syndic et surtout des
contrôleurs108. Le partage amiable c'est-à-dire sans l’intervention des autorités judiciaires peut
être partiel ou total. Il sera partiel, lorsqu'il porte sur un des biens ou plusieurs biens de
l'indivision, laissant subsister l’indivision sur les autres biens ou entre les indivisaires qui
veulent y rester. Un partage unique peut se concevoir lorsque plusieurs indivisions existent

107 L’article 1387-1 du Code civil applicable en France, introduit par une loi du 5 août 2005, révèle que le
législateur a souhaité venir en aide non pas à l’époux professionnel en difficulté qui divorce mais à son conjoint.
Ce texte prévoit ainsi que lorsque le divorce est prononcé, « si des dettes ou suretés ont été consenties par les
époux, solidairement ou séparément, dans le cadre de la gestion d’une entreprise, le tribunal de grande instance
peut décider d’en faire supporter la charge exclusive au conjoint qui conserve le patrimoine professionnel ou, à
défaut, la qualification professionnelle ayant servi de fondement à l’entreprise ».

108 V. art. 41-49 AUPCAP révisé.


entre les mêmes personnes109 et qu’elles concernent ou non les mêmes biens. En pratique, il
est toujours préférable que les copartageants se réunissent de manière privée, et discutent de la
répartition des biens de l'indivision. A défaut de se réunir spontanément, le notaire chargé de
la succession par exemple réunira les héritiers pour connaitre la situation de chacun.
S’agissant de la forme, le partage peut être en nature c'est-à-dire porter sur les biens pris
individuellement ou contenus dans un lot110 ou en numéraire. Lorsque le partage en nature est
impossible, les biens peuvent être vendus et le prix de la vente distribué à proportion de la
part de chacun dans l’indivision111.Un ou plusieurs coïndivisaires peuvent demander une
attribution préférentielle112, c'est-à-dire qu'ils peuvent demander à ce qu'une partie de la
succession leur soit attribuée en premier lieu. Lorsque cette demande est acceptée par les
autres, il sera parfois nécessaire de verser une soulte 113 ou indemnité, lorsque la valeur du bien
attribué par préférence en raison de l’importance de ce bien pour l’activité du copartageant
114
sera supérieure à la part des autres.
Dans une succession, il est toujours possible de vendre les biens immobiliers et
mobiliers, et de répartir le fruit de la vente entre les héritiers. Il s'agit de la solution la plus
simple, qui évite toute source de conflits. Cependant, lorsque l’indivision porte sur des biens
immobiliers, l’acte de partage devra être notarié et publié à la conservation des
hypothèques115. Le partage pourra être annulé en cas de violence, dol, erreur et omission d’un
ayant droit. La précision est importante car, si le partage est équilibré, c’est-à-dire si les
parties n’ont pas joué sur les évaluations et n’ont pas fait d’abandon de soulte, le partage ne
peut encourir une inopposabilité de droit116. Le partage déclaré inopposable, les biens en cause

109 Lors du décès de l’entrepreneur individuel, l’indivision est créée vis-à-vis du conjoint survivant mais aussi
entre ce dernier et les héritiers.

110 Art. 831 CC.

111 Art. 1686 CC.

112Art. 832 CC ; VOIRIN (P.), « La technique du phénix » ; D. 1962, chron. p. 143 ; MORIN (G.),
« L’attribution préférentielle de droit des exploitants agricoles », Defrenois, 1970, art 29673 et 29727 bis cité par
GATSI (J.), « Les créanciers du coïndivisaire », La semaine juridique, JCP, n°46, 1999, p.1654.

113 La soulte représente la somme d’argent que doit verser un copartageant ou un échangiste aux autres parties
lorsque les lots ou les biens échangés sont inégaux en valeur , Lexique des termes juridiques, Dalloz, 14e éd.,
2003, p.543.

114 A l’origine, l’attribution préférentielle ne concernait que les biens relatifs à une exploitation agricole. Elle
s’est étendue à tous les autres exploitants.

115 Sur le processus de publication v.le décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du
titre foncier au Cameroun et le décret n° 2005/481 du 16 décembre 2005 modifiant et complétant certaines
dispositions du décret n° 76/165 du 27 avril 1976 fixant les conditions d'obtention du titre foncier.
pourront faire l’objet de réintégration 117 à la suite d’une action en inopposabilité 118 exercée par
le syndic ou d’une action paulienne 119 intentée par un créancier dans le cadre de l’action ut
singuli. Celle-ci est une formule latine signifiant littéralement « en tant que chacun en
particulier »120 ; Elle est une action individuelle d’un créancier fondée sur une fraction
d’intérêt collectif, les sommes recouvrées sont versées dans le patrimoine du débiteur 121.
L’acte uniforme ne se prononce pas mais paraitrait justifier cette action individuelle d’intérêt
collectif à travers plusieurs dispositions de ce texte qui laissent penser que les sommes
recouvrées à la suite d’une telle action entreraient dans le patrimoine du débiteur (parce que
existence de la masse des créanciers, articles 42 alinéa 1 er, 72 alinéa 1er, 75 alinéa 1er, 75 alinéa
4, 88 alinéa 1er, 78 à 80, 141 etc.)122. A défaut de procéder au partage amiable ou lorsque des
contestations s’élèvent la voie judiciaire est indiquée.

b- Le partage judiciaire de l’indivision

Le partage judiciaire est comme son nom l’indique fait devant le juge et correspond
au caractère juridictionnel de la procédure collective. Dans ce cas de figure, il est obligatoire.
Dès le prononcé du jugement d’ouverture, le tribunal a la main mise sur toutes les opérations

116 VAUVILLE (F.), « Divorce et procédure collective », www.vivaldi-chronos.com, 09 août 2015; Art. 68
AUPCAP.

117 L’idée générale en matière de réintégration est de faire rentrer le bien ou une partie du bien dans le
patrimoine du débiteur.

118 V. art. 70 AUPCAP révisé.

119 Art. 1167 CC ; V. LE CORRE (P.M.), « Pratique du droit des procédures collectives », éd. Dalloz référence
2001, préc. n°376, p.289 cité par SENECHAL (M.), « Qui peut exercer l’action paulienne au cours d’une
procédure collective ? Un prochain revirement de jurisprudence ? » Note sous cass. Com, 13 novembre 2001,
Mariani ès-qual. c/sté ACM Entreprises et sociétés Flarys Arrêt n°1855 FS-P ; Pourvoi n°98-18.292 ; ; Par un
arrêt de chambre mixte du 6 décembre 1985, rendu sous l’empire de la loi de 1967, la cour a estimé que le syndic
pouvait agir en inopposabilité à la masse à l’encontre de l’état liquidatif compris dans une convention de divorce
sur demande conjointe (D.1986, page 185, note DERIDDA (F.); Adde notre étude « Divorce et liquidation
judiciaire : astuces et pièges », RJPF 2001-1/11). L’action paulienne et l’action en inopposabilité présentent des
similitudes car toutes deux semblent réprimer une fraude commise par le débiteur. Il convient toutefois de
préciser que l’action paulienne concerne les fautes prouvées tandis que l’action en inopposabilité peut concerner
les fraudes présumées ou supposées. Il se peut qu’il n’y ait pas de fraude en tant que telle parce que cette
dernière action vise également le rétablissement de l’égalité entre les créanciers. V. SAWADOGO (F. M.), op.
cit., p. 222.

120 CORNU (G.), op. cit., p. 891.

121JADAUD (B.), Droit commercial, Montchrestien, 3e éd., 1997, p. 157 et s.

122 TCHOUAMBIA TOMTOM (L. J. B.), La transparence dans les procédures collectives d’apurement du
passif de l’OHADA, Thèse de Doctorat, Université de Dschang, 2013, p. 144.
y compris celles sur lesquelles la procédure a une influence juridique conformément à l’article
3 alinéa 2 de l’acte uniforme sur le droit des procédures collectives.
La demande peut être directe c'est-à-dire concerner le partage proprement dit ou
indirecte c'est-à-dire résulter de la dissolution d’une situation préexistante. L’action en partage
judiciaire est introduite par assignation d’un des coïndivisaires aux autres y compris celui
soumis à la procédure collective ou par requête collective de tout ou partie des
coïndivisaires123. Le tribunal de grande instance commet un notaire et désigne un juge
commissaire124. Il est procédé à l’estimation des biens, si le partage en nature est impossible, il
est procédé à une vente aux enchères publiques ou licitation 125. Toutefois, le juge commissaire
dans le cadre de la procédure collective peut lorsque le bien indivis fait partie du concordat de
redressement judiciaire demander un sursis au partage126. Le partage produit un effet
déclaratif127. L’effet déclaratif a pour but d’assurer l’égalité entre les anciens coïndivisaires et
de mettre chacun d’eux à l’abri de l’insolvabilité des autres 128. Ainsi, les coïndivisaires in
bonis pourront toujours demander la liquidation de l’indivision à condition de tout mettre en
œuvre pour faire échapper leur séparation aux inopposabilités de la période suspecte car,
s’agissant de l’indivision post communautaire, il est clair qu’on ne peut mener à bien la
procédure de divorce qui intéresse un entrepreneur en difficulté si l’on ne connait pas un tant
soit peu le droit des procédures collectives129. La faculté de demander le partage peut donc
porter un sérieux coup au déroulement de la procédure, dans la mesure où les griefs sur
lesquels doivent plancher les organes de la procédure sont nombreux d’une part et l’actif du
débiteur ou des débiteurs en cas de pluralité peut être réduit. L’exercice des droits des
créanciers de l’indivision n’est pas en reste.

123 Lorsqu’il a été assigné à un partage, le débiteur doit en informer le syndic surtout lorsqu’il est soumis à la
liquidation des biens.

124 Art. 828 CC.

125 V. art 290 et s. AUVE.

126 Art. 39 al 5 AUPCAP révisé.

127 Art. 883 CC « chaque héritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans
son lot, ou à lui échus sur licitation et n’avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession. »

128 VOIRIN (P.), GOUBEAUX (G.), op.cit., p. 299.

129 VAUVILLE (F.), « Divorce et procédure collective », www.vivaldi-chronos.com, consulté le 09 août 2015.
B- L’ACTION EN REVENDICATION : MODALITE DE PROTECTION DU
DROIT DE PROPRIETE DES COÏNDIVISAIRES IN BONIS

Lorsque la procédure collective de l’un des indivisaires a appréhendé les biens indivis,
parce que confondus dans le patrimoine du débiteur, les coïndivisaires in bonis peuvent
procéder à leur réclamation à travers de l’action en revendication. L'action en revendication
est celle qui permet au propriétaire d'une chose détenue par un tiers, ici le débiteur, de
reprendre cette chose en établissant son droit de propriété 130. Elle est une mesure de faveur
exceptionnelle qui permet au propriétaire d’extraire son bien ou la partie du bien qui lui
revient. Ce droit permet au coïndivisaires d’échapper à l’inflexibilité des procédures de
concours131. Cette action doit être mise en œuvre suivant une procédure bien spécifique (1).
Lorsque l’issue est positive, elle produit certains effets (2).

1- La procédure de l’action en revendication

La procédure de l’action en revendication suit un régime particulier en droit OHADA


mais elle est largement inspirée du droit français à quelques nuances près 132. Toute personne
qui entend faire valoir son droit de revendication est tenue de déclarer sa créance (a) et surtout
faire connaitre son intention de la revendiquer (b).

a- L’exigence de déclaration de créance

En principe, la déclaration de créance est l’apanage du débiteur. En effet, lorsqu’il


sollicite l’ouverture d’une procédure collective, il est tenu de remplir un certain nombre de
formalités au rang desquelles l’inventaire de ses biens avec indication des biens mobiliers
soumis à revendication133. Cette déclaration doit de faire dans un délai de 30 jours à compter

130 DRUFFIN-BRICCA (S.), L’essentiel du droit des biens, Gualino lextenso, 4e éd., Paris, 2008, p. 73.

131 KALIEU (Y. R.), « Réflexion sur les attributs du droit de propriété : à propos de la propriété utilisée aux fins
de garanties de crédits » : Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université de
Dschang, t.1, vol. 1, pp. 193 et s. cité par NANDJIP MONEYANG (S.), « Réflexion sur l’égalité des créanciers
dans les procédures collectives OHADA », Rev. proc. coll., juillet- août 2010, pp. 24-31.

132 MODI KOKO BEYBEY (H.D.), L’action en revendication dans les procédures collectives du droit Français
et de l’OHADA (études de droit comparé), R.T.D.J.A, n° 002, 2009, p. 27 et s.

133 Art. 26 (5) AUPCAP révisé.


de sa cessation des paiements. Le débiteur peut également être substitué par le syndic lors de
l’établissement de son inventaire134. A défaut de déclaration ou en cas de déclaration
incomplète, le coïndivisaire in bonis peut se prendre les devants en rédigeant un courrier qui
doit être adressé aux organes de la procédure et leur demander de se prononcer sur le droit de
propriété pour faire valoir demande de revendication135. Bien entendu la saisine du juge
commissaire est obligatoire lorsque l’on est en dehors du règlement préventif sous lequel le
coïndivisaire débiteur est maître de ses biens. Dans ce cas de figure, le coïndivisaire in bonis
peut destiner son action en revendication directement entre les mains de son coïndivisaire. En
cas de difficultés, il peut porter l’affaire devant les juridictions compétentes sans se voir
opposer la suspension des poursuites individuelles.
Il est par ailleurs fait obligation aux coïndivisaires, tout comme aux autres revendiquants, en
plus de déclarer leur créance, de manifester clairement leur intention de la revendiquer.

b- L’obligation de manifester l’intention de revendiquer le bien

Les coïndivisaires sont tenus de manifester en plus de la déclaration de créance leur


intention expresse de la revendiquer. A défaut d’exercer ces opérations simultanément, ils
pourront toujours les accomplir tant que le délai n’est pas arrivé à échéance. Cette solution se
justifierait d’autant plus que l’article 79 al 1 impose au syndic, l’obligation d’informer
personnellement par lettre recommandée avec accusé de réception, tous les créanciers connus
qui n’ont pas produit leur créance ou leur revendication dans les 15 jours de la première
publication du jugement d’ouverture. On peut alors parfaitement concevoir que ce rappel
puisse également s’adresser aux revendiquants qui auraient omis de déclarer leur volonté
d’exercer l’action en revendication136. Les revendiquant ont donc en principe un délai de 03
mois pour agir137 mais il ne faudrait pas se limiter à ce seul délai138. L’Acte Uniforme se
montre quelque peu exhaustif. Cette situation engendre régulièrement des confusions et des
hésitations. Lorsque la demande a été normalement introduite, elle peut être rejetée ou
acceptée. Dans ce cas de figure, les effets sont significatifs.
134 Art. 63 AUPCAP.

135 MONSERIE-BON (M.-H.), « Demande en revendication », Rev. proc. coll., septembre 2013, n°5.

136 MODI KOKO BEYBEY (H. D.), op. cit. p. 32.

137 Art. 101 AUPCAP.

138 POUGOUE (P.-G), KALIEU (Y. R.), L’organisation des procédures collectives d’apurement du passif
OHADA, coll. Droit uniforme, PUA, 1999, p. 56. Cité par MODI KOKO BEYBEY (H. D.), op.cit. p.33.
2- Les effets de l’action en revendication

L’action en revendication permet aux créanciers d’évoluer en marge de la masse et donc


de la procédure de redressement frappant le débiteur spécialement, lorsqu’il sera en
possession de certaines garanties les mettant en position favorable face aux autres créanciers,
spécialement, le banquier titulaire de suretés relatives au droit de propriété 139. Ce droit de
propriété correspond à celui dont dispose les coïndivisaires in bonis sur leur quote-part. En
effet, la propriété apparait comme une garantie suffisamment frustre même pour certains
créanciers qui permettent d’échapper aux rigueurs des procédures de concours des
créanciers140.

a- L’effet attributif de l’action en revendication


Lorsque la demande n’a pas été rejetée, elle a pour conséquence logique la restitution du
bien en cause au revendiquant qui retrouve la jouissance de son droit de propriété 141. Le
syndic qui est supposé être à la tête du patrimoine du débiteur est tenu d’extraire le bien
querellé ou précisément la portion du bien et de l’allouer aux revendiquants. Cette opération
entre en droite ligne avec ses fonctions. La restitution du bien en nature peut néanmoins
s’avérer être impossible. C’est le cas, en raison de la nature du bien lorsque le débiteur en a
fait une utilisation privative. Selon les règles de l’indivision, il est redevable d’une indemnité.
Cette indemnité vient compenser la perte des fruits et revenus du bien ou du bien lui-même.
Le syndic devra donc indemniser les coïndivisaires en argent. Cela suppose qu’ils vont entrer
dans la procédure comme des créanciers chirographaires et participer au partage à la fin des
opérations. Bien que les indivisaires soient en concours avec les autres créanciers du débiteur,
ils conservent la chance de recouvrer une partie de l’indemnité qui leur est due nonobstant
l’exercice de leurs droits à l’issue de la procédure collective.

139 GRIMALDI (V. M.), « L’acte uniforme portant organisation des sûretés », in Petites Aff., du 13 octobre,
2004, p. 30 et s.

140 KALIEU (Y. R.), « Réflexion sur les nouveaux attributs du droit de propriété : à propos de la garantie
utilisée aux fins de garanties de crédits », in Annales de la faculté des sciences juridiques et politiques de
l’Université de Dschang, t. 1, Vol. 1, p. 193 et s.; DELEBECQUE (Ph.), « La propriété en tant que sûreté dans
les procédures collectives », in R.T.D com, 1995, p. 385 et s. ; MOULY (S.), « Assainir le régime des sûretés »,
in études dédiées à ROBLOT (R.), LGDJ, 1984, p. 529 et s. cité par GATSI (J.), L’effectivité du droit OHADA,
PUA, 2005, p. 152.

141 DRUFFIN-BRICCA (S.), op. cit., p. 74.


Par ailleurs, l’action en revendication constitue un moyen de protection du domicile familial.
Il a été vu que le conjoint peut rapporter la preuve que les biens en cause ont été acquis avec
ses deniers ou encore que le débiteur soit créancier de l’indivision lorsqu’il a fait une
utilisation privative d’une partie ou de tout le bien. Il existe donc quelques moyens pour éviter
ou plus exactement retarder la sortie des biens indivis du patrimoine des indivisaires. A
l’analyse cependant, ces moyens sont précaires dans la mesure où le syndic et les créanciers
hors procédures peuvent toujours essayer de les contredire.

b- L’effet soustractif de l’action en revendication

Le corolaire de l’effet attributif de l’entrée du bien indivis revendiqué dans le patrimoine du


coïndivisaire in bonis est la soustraction de ce bien de la masse des biens sous procédure
collective. La liquidation de l’indivision en elle-même nécessite certaines impenses que sont
les frais de notaire, d’expertise, les frais d’instance sans que la liste puisse être exhaustive.
L’acquittement de ces frais demande le concours de tous les indivisaires ou à défaut de celui
qui en fait la demande. Lorsque le partage a été provoqué par l’organe de la procédure
habilité, les montants seront puisés dans la caisse de l’entreprise déjà en difficulté sous
réserve de leur prise en compte au moment de la répartition définitive des deniers. En effet,
dans lorsque le coïndivisaire débiteur possède des biens en indivision, Les organes de la
procédure collective ne peuvent qu’intervenir au partage de l’indivision ou le provoquer 142. Il
apparait donc que la disposition qui veut que soit établit l’état provisoire ou définitif des
créances143 est adéquate car, il peut évoluer surtout que les coïndivisaires in bonis et leurs
créanciers communs ne sont pas concernés par la forclusion. Ces derniers, maillons
importants de la diminution de l’actif de la procédure peuvent peser lourd dans la balance. Ils
auraient pu être confondus avec les créanciers personnels du débiteur ou des coïndivisaires in
bonis d’où leur distinction : Créanciers de l’indivision et créanciers de la procédure collective.
Cette précision sémantique apparemment anodine produit de grandes conséquences juridiques
qui méritent de plus amples développements.

142 V. GATSI (J.), « Les créanciers du coïndivisaire », JCP, n°46, 1999, p. 1650 et s.; sur la possibilité pour les
coïndivisaires non soumis à une procédure collective d’arrêter le cours de l’action en partage : GATSI (J.), « La
sauvegarde des intérêts des coïndivisaires du débiteur », p. 1498 et s ., cité par WICKER (G.), « L’entreprise
indivise et les procédures collectives », Actes colloque organisé le 21 juin 2002 à l’Université Montesquieu-
Bordeaux IV par l’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique Française, p. 47 ; KUATE
TAMEGHE (S. S.), « Les mystères des articles 50 al 1 et 51 de l’acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution », www.afrilex.u-4bordeaux4.fr. , p. 182 et s. :

143 Art. 86 AUPCAP révisé.


CONCLUSION

Eu égard à ce qui précède, il apparait que le droit des procédures collectives et celui de
l’indivision sont des droits spécifiques, difficilement conciliables. L’indivision au même titre
que les procédures collectives subit des effets perturbateurs. En effet, la proximité qui existe
entre les coïndivisaires peut influencer sur leurs destins en les faisant tous supporter la
procédure collective initialement ouverte contre l’un d’eux. Sous un tout autre plan, les
coïndivisaires in bonis en tant que tiers à la procédure collective ouverte contre l’un d’eux
continuent d’exercer leurs droits ; et à supposer que le bien indivis soit compris dans l’actif de
la procédure collective, ils peuvent toujours le revendiquer. L'inaliénabilité « totale » des
biens qui est la règle en matière d’ouverture des procédures collectives ne peut concerner que
ceux qui sont la propriété exclusive du débiteur. Il appert au demeurant que le droit de
l’indivision et celui des procédures collectives subissent des réciproquement des interférences
ce qui ne facilite pas leur mise en œuvre concomitante. Il est donc important de mener une
réflexion sur les modalités d’application harmonieuse de ces deux droits.

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