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REVUE FRANCOPHONE DE LA

DÉFICIENCE INTELLECTUELLE
VOLUME 22, 112-128

LES PROGRAMMES DE GESTION DE LA COLÈRE AVEC DES PERSONNES AYANT UNE


DÉFICIENCE INTELLECTUELLE : LES DERNIÈRES AVANCÉES

Marlène Galdin, Annie Stipanicic et Luc Robitaille

Cette revue de la documentation recense les études parues entre 2001 et 2010 mesurant les effets
de programmes de gestion de la colère élaborés pour des personnes ayant une déficience
intellectuelle (DI) et des troubles de comportement (TC). L’objectif de cet article est de présenter
et d’analyser la constitution des programmes de gestion de la colère utilisés récemment dans le
contexte singulier de la DI et des TC. Les études recensées (N = 12) ont été différenciées selon
deux approches. Les résultats de ces recherches montrent que les programmes établis selon
l’approche cognitivo-comportementale ayant une composante de relaxation (n = 8), tout comme
ceux établis sur l’approche cognitivo-comportementale basée sur le « mindfulness » (n = 4)
auraient des effets bénéfiques sur les TC malgré des fondements différents. L’adéquation des choix
des composantes des programmes expérimentés et l’adaptation des situations d’apprentissage en
lien avec la DI sont discutées.

INTRODUCTION mais restent toujours élevés pour cette population.


Le stress, l’anxiété ou les troubles de l’humeur sont
Hill et Bruininks (1984) ont estimé à 26,6 % la des états associés à une mauvaise régulation des
prévalence des comportements agressifs des émotions. Ils affectent particulièrement les
personnes ayant une DI envers leurs intervenants personnes ayant une DI (Girouard et Tassé, 2002;
(sur 236 résidences de types communautaire et Holten et Gitlesen, 2002). L’agressivité et la
institutionnel aux États-Unis). Ce pourcentage violence physique émergeraient des conséquences
s’élèverait à 36,9 % en institution alors qu’il se situe d’une mauvaise régulation de l’émotion de la colère
à 16,3 % en contexte communautaire. Les (Novaco, 1994). Cette situation rendrait donc
pourcentages reflétant la présence d’agressivité sont compte de l’occurrence élevée de comportements
différents d’une étude à l’autre (p. ex. 35 % des agressifs auprès de la clientèle présentant une DI
personnes ayant une DI en institution et 17 % de (Gardner, Cole, Berry et Nowinsky, 1983).
celles vivant en résidence supervisée [Taylor, 2002],
9 % à 24 % des personnes ayant une DI [Gardner et L’agressivité et la violence physique sont
Moffat, 1990] et jusqu’à 51,7 % des personnes ayant considérées comme des troubles de comportement
une DI [Crocker, Mercier, Allaire et Roy, 2007]), (TC). Ils sont définis comme « une action ou un
_______________________________________ ensemble d'actions qui est jugé problématique parce
qu'il s'écarte des normes sociales, culturelles ou
Marlène Galdin, Ph.D., Centre de réadaptation en déficience développementales et qui est préjudiciable à la
intellectuelle et en troubles envahissants du développement de
la Mauricie et du Centre-du-Québec – Institut universitaire
personne ou à son environnement social ou
(CRDITED MCQ), Adresse électronique : physique » (Tassé, Sabourin, Garcin et Lecavalier,
marlene_galdin@ssss.gouv.qc.ca; Annie Stipanicic, Ph.D., 2010). Selon Tassé et al. (2010), un TC peut s’élever
Département de psychologie, Université du Québec à Trois- à un niveau de sévérité tel qu’il mettra en danger,
Rivières (UQTR); Luc Robitaille, B.A., B.Sc, Département réellement ou potentiellement, l’intégrité physique
des sciences de l’activité physique, UQTR.

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ou psychologique de la personne, d’autrui ou de l’intervention en gestion de la colère, avec les
l’environnement, ou qu’il compromettra sa liberté, personnes ayant une DI, pourrait être rapportée à une
son intégration ou ses liens sociaux. Il est alors composante principale et prioritaire : une
question de trouble grave de comportement (TGC). intervention basée sur les thérapies de mindfulness
(pleine conscience). En ce qui concerne les
Au-delà du traitement pharmacologique, Whitaker personnes ayant une DI, Singh et al. (2003) postulent
(2001) mentionne que les interventions visant le que l’utilisation d’une méditation simple et
contrôle de la colère et la réduction des troubles de l’apprentissage des principes fondateurs du
comportement sont réparties en quatre catégories : « mindfulness » devraient avoir des effets positifs
(a) les interventions comportementales1- suppression sur les problématiques comportementales. Les
du comportement inadéquat en ayant recours à la thérapies « mindfulness » ou thérapies fondées sur la
punition ou à des renforcements différentiels; (b) les pleine conscience ont pris naissance suite à la
interventions écologiques - modification de la rencontre des thérapies cognitives et des méditations
routine ou de l’environnement afin de prévenir bouddhistes (Bishop, Lau, Shapiro et Carlson, 2004).
l’apparition des comportements inappropriés; (c) les Ces thérapies semblent efficaces avec différents
stratégies réactives - acquisition de techniques et types de population ayant des problèmes
stratégies par les intervenants pour gérer le émotionnels et des troubles du comportement (Singh
comportement (p. ex. agressif) quand il apparaît, et et al. 2007). Être pleinement conscient peut être
(d) la programmation positive - acquisition de décrit comme avoir un esprit clair et calme, focalisé
nouvelles habiletés permettant à la personne ayant sur le moment présent. Une technique de méditation
une DI de vivre dans son environnement sans simple, liée au « mindfulness », se nomme « Soles of
ressentir le besoin d’utiliser les comportements the feet ». Cette dernière a été utilisée auprès
inappropriés. Les interventions inspirées de la d’échantillons sans DI. Par exemple, elle a été
programmation positive reposent sur l’objectif de utilisée auprès d’adolescents présentant un trouble
fournir à l’individu un contrôle intrinsèque sur son oppositionnel (Singh et al., 2007). Les résultats de
comportement. Les moyens d’intervention ces études tendent vers une efficacité de la pratique
extrinsèques (a, b, c) imposent une dépendance de de cette méditation sur la réduction des
l’individu vis-à-vis des services lui permettant comportements problématiques. Le nombre de
d’optimiser sa gestion des comportements participants demeure cependant petit et les
(Whitaker, 2001). Dans une perspective protocoles expérimentaux reposent sur des mesures
d’émancipation de l’autonomie des personnes ayant prises en pré et post traitement.
une DI et dans une visée d’intégration sociale,
l’optimisation des ressources intrinsèques de Selon Whitaker (2001), la preuve scientifique
l’individu doit être encouragée. L’acquisition de l’efficacité des approches cognitivo-
d’habiletés d’autorégulation, particulièrement comportementales de gestion de la colère, avec les
d’autorégulation émotionnelle, trouve ainsi sa place personnes ayant une DI, reste plus fragile que celle
dans un plan de réadaptation. Des programmes concernant les effets des approches
cognitivo-comportementaux d’acquisition comportementales sur la réduction des com-
d’habiletés de gestion des émotions et, notamment portements agressifs. Cependant, non seulement les
de gestion de la colère ont été adaptés pour les thérapies comportementales n’entrainent pas
personnes ayant une DI dans les cas de l’apprentissage d’habiletés d’autocontrôle, mais elles
comportements agressifs physiques ou verbaux et de ont aussi démontré leur efficacité surtout en milieu
destruction de biens. expérimental et contrôlé. Taylor (2002), en accord
avec Whitaker (2001) et tous deux auteurs de revues
Selon le Mindfulness Research Group, les de littérature sur les traitements de gestion de la
approches cognitivo-comportementales semblent colère chez des personnes ayant une DI, met en
prometteuses en DI pour les cas de TC/TGC (Singh, évidence le besoin de développement d’outils
Wahler, Adkins et Myers, 2003). Selon eux, d’évaluation standardisés de la colère et de gestion
de la colère avec les personnes ayant une DI. Les
1
Ceci est notre traduction de ce que l’auteur nomme lacunes méthodologiques dans les études
« contingency management ». testant l’efficacité des programmes cognitivo-

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comportementaux sont observées par les deux « mental retardation », « intellectual disabilit* »,
auteurs. L’ajout d’un groupe contrôle, la « learning disabilit* », « problem* behavio(u)r* »,
comparaison de traitements et la combinaison des « challeng* behavior* », « anger » et « agress* »,
traitements (pharmacologique et cognitivo- « managment », « control », « treatment » et
comportemental) sont des recommandations faites finalement « effects», fut conduite en tenant compte
par ces derniers. Whitaker (2001) recommandait de toutes les tranches d’âge. Les articles recherchés
également d’allonger la durée des programmes pour devaient relater la mesure des effets de programmes
les personnes ayant une DI, car lors de sa recension, de gestion de la colère dans le cas de personnes
les interventions se déroulaient, le plus souvent, ayant une DI et des TC tout en offrant de
durant 12 séances. Hassiotis et Hall (2009), quant à l’information sur la procédure d’intervention
eux, ont recensé quatre études mesurant les effets utilisée.
des programmes cognitivo-comportementaux ayant
une composante de relaxation. Ces études ont été Suite à cette recherche et au sondage des références
retenues pour la qualité de leur protocole bibliographiques des articles éligibles (pour les plus
expérimental. En effet, ces dernières étaient récents), 12 études publiées ont été retenues. Nous
randomisées ou quasi randomisées. Hassiotis et Hall avons classé ces dernières selon deux approches.
(2009) concluent à leur tour que les résultats de ces Nous différencions ici les programmes établis selon
études suggèrent que les techniques cognitivo- l’approche cognitivo-comportementale ayant une
comportementales ont le potentiel de réduire composante de relaxation (n = 8) de ceux ayant une
l’agressivité dirigée vers autrui chez les individus approche cognitivo-comportementale axée sur le
ayant une DI. Cependant, ces auteurs notent le peu « mindfulness » (n = 4).
d’études retenues et soulignent certaines lacunes
méthodologiques : grandeur de l’échantillon,
manque de définition des critères d’inclusion et RÉSULTATS
durée de la période de suivi.
Les programmes de gestion de la colère établis
sur l’approche cognitivo-comportementale ayant
MÉTHODE une composante relaxation

Dans la lignée de Whitaker (2001) et Taylor (2002), Ces programmes conceptualisent la colère comme
nous avons effectué une revue de littérature portant une réponse émotionnelle à une situation à l’intérieur
sur les programmes de gestion de la colère destinés de laquelle l’individu perçoit une forme de
aux personnes ayant une DI, pour la période de 2001 provocation. Selon l’approche Novaco, la colère
à 2010. De plus, nous avons élargi les critères constitue un état émotionnel subjectif caractérisé par
d’inclusion des études retenues par Hassiotis et Hall la présence d’une activation physiologique et des
(2009) qui ne retenaient que les études mesurant les cognitions d’opposition (Novaco, 1994). La méthode
effets des programmes (études randomisées ou quasi Novaco de gestion de la colère, élaborée en fonction
randomisées). Notre objectif est de mettre en de ce présupposé, a été testée chez plusieurs
évidence les composantes utilisées récemment dans populations et son efficacité est fréquemment
les programmes de gestion de la colère dans le rapportée (Burns, Bird, Leach et Higgins, 2003). Les
contexte singulier de la DI et des TC. programmes de gestion de la colère ont le plus
souvent un rationnel de planification de leurs
Les bases de données MEDLINE, PSYCHINFO, séances et activités issues de cette méthode. Huit
ERIC, Psychologyand Behavioral Science Collection études mesurant l’efficacité des programmes de ce
et Google Scholar ont été sondées afin de recenser type auprès de personnes ayant une DI ont été
les articles concernant les interventions impliquant retenues.
un ou des processus d’acquisition d’habiletés
d’autorégulation et de gestion des émotions. Les Description des études
années de sélection se situaient entre 2001 et 2010
pour les articles de langue anglaise et française. Les résultats de ces études (Tableau 1) indiquent
Une recherche combinée des termes suivants : généralement une diminution de l’intensité de la

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colère suite à la participation aux programmes ainsi etc.); (d) la résolution de problème (entraîner le
qu’une amélioration de la capacité de gestion de participant à considérer la situation comme un
cette dernière. Cependant, quelques résultats problème et à le résoudre). Les deux derniers
seulement sont appuyés par des seuils statistiques éléments peuvent quelquefois être considérés comme
significatifs. un seul, car l’auto-instruction implique fréquemment
des éléments de la résolution de problème
Les protocoles expérimentaux sont, pour la moitié, (Whitaker, 2001). Les résultats de cette revue de
des mesures pré et post-traitement (avec prise de littérature ne permettaient pas de savoir quelle était
mesure de maintien de 1 à 4 mois suivant l’efficacité individuelle des différentes composantes
l’intervention). Plus de la moitié des études des programmes. Seules les composantes plus
présentent un groupe contrôle. Deux des études comportementales des programmes semblaient être
(Taylor, Novaco, Gillmer, Robertson et Thorne, soutenues par quelques données probantes. Par
2005; Willner, Jones, Tams et Green, 2002) retenues exemple, la relaxation, prise individuellement, a fait
font partie des études présentées par Hassiotis et l’objet de quelques études quant à son effet sur les
Hall (2009). Le nombre de participants varie de 3 à TC (p. ex. Lindsay et Baty, 1989).
47 (avec une moyenne de 20 participants pour les
huit études). Le niveau de la DI varie de léger à À notre avis, la structure des programmes s’organise
grave. Lors des recensions d’études précédentes, autour de cinq catégories, soit (a) le contrôle
aucune ne comportait de niveau atteignant la DI physiologique per se, (b) l’apport d’un nouveau
profonde. Le nombre de séances des programmes contenu cognitif à propos des émotions et des signes
varie de neuf séances par semaine à raison de deux physiologiques (éducation), (c) la modification des
heures par séance (Willner et al., 2002) à 40 séances cognitions, (d) l’apprentissage de comportements et
sur neuf mois à raison de 40 à 60 minutes par séance (e) les stratégies facilitatrices d’intégration du
(Lindsay et al., 2004). Le niveau de gravité du TC contenu proposé (p. ex. pictogrammes). Les
n’est pas toujours mentionné dans les études catégories peuvent être interreliées en fonction de la
retenues. Cependant, Taylor, Novaco, Gillmer et logique sous-tendant la présentation des modules des
Thorne (2002) effectuent leur étude avec des programmes.
participants en milieu médico-légal, indiquant une
certaine gravité des actes. De plus, des participants En examinant les différents programmes retenus par
de deux des études avaient des problèmes notre propre recension des écrits, nous avons mis en
psychiatriques associés (Burns et al., 2003; Jones, évidence les modules les plus fréquemment utilisés.
Minnes, Elms, Paret et Vilela, 2007). Sept des études Ainsi, neuf modules sont identifiés dans les
obtiennent des résultats significatifs. procédures d’intervention, soit (a) la relaxation
(8/8)2, (b) l’identification des émotions (7/8), (c) la
Dans la recension des écrits de Whitaker (2001), les reconnaissance des signes physiologiques (6/8), (d)
éléments clés des programmes visant la gestion de la la résolution de problème (6/8), (e) les jeux de rôle
colère étaient (a) la relaxation; (b) la surveillance (6/8), (f) la restructuration cognitive (5/8), (g) le
(monitoring) de ses comportements et sentiments discours interne (4/8), (h) le journal de bord (3/8), et
incluant l’autoévaluation, l’auto-renforcement et (i) l’utilisation de pictogrammes (2/8). Il est à noter
l’autopunition; (c) l’éducation à propos de la colère que deux études ont utilisé l’affirmation de soi dans
(observer le patron de sa colère, introduire le concept le module de la résolution de problème (Hagiliassis,
de responsabilité, examiner les conséquences, Gulbenkoglu, Di Marco, Young et Hudson, 2005;
apprendre à utiliser la colère comme signe pour Jones et al., 2007). Les huit programmes utilisent
commencer à penser, etc.) et d’autres émotions, cinq modules ou plus pour permettre aux personnes
l’auto-instruction (utiliser ses paroles pour diriger ayant une DI d’acquérir l’habileté de gestion de la
ses comportements, différencier les phrases qui colère.
provoquent la colère de celles amenant à se calmer,

2
Le chiffre entre parenthèses réfère à la fréquence d’utilisation
de la composante dans les huit études utilisant l’approche
cognitivo-comportementale avec une composante relaxation.

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Les programmes de gestion de la colère ex. en bougeant les orteils, en ressentant les points
d’approche cognitivo-comportementale axée sur d’appui) jusqu’à devenir calme et avoir les idées
le « mindfulness » claires. Enfin, le participant doit s’éloigner de la
situation avec un sourire ou répondre de manière
Lors de la recension des programmes visant la appropriée.
gestion de la colère, quatre études sur l’évaluation
des effets de l’utilisation du « mindfulness » avec la Ainsi, il était demandé au participant de reconnaître
méditation « Soles of the feet », auprès de personnes les situations qui déclenchent la colère et les
ayant une DI, ont été recensées. précurseurs de l’agression physique ou verbale. Les
auteurs recommandent d’utiliser une procédure
Description des études nommée « recreating the scene » visant à faire
revivre au participant, sous surveillance et accord du
Pour les quatre études recensées (Tableau 2), le personnel de soin, une situation réellement vécue si
niveau de DI varie de léger (Singh et al., 2003, Singh les déficits cognitifs sont plus importants. Puis, la
et al., 2008) à moyen (Adkins, Singh, Winton, procédure « Soles of the feet » est enseignée de
McKeegan et Singh, 2010; Singh et al., 2007) chez manière intensive durant une semaine (deux fois par
les participants. Le nombre des participants est peu jour durant 30 minutes) alors que le participant est
élevé, variant de un participant pour Singh et al. assis confortablement (Singh et al., 2003). Des
(2003) à six participants pour Singh et al. (2008). exercices, à faire en dehors de la formation, sont
Les participants de chacune des études avaient des aussi prescrits durant la deuxième semaine. Des
comportements agressifs d’une telle gravité, que leur supports audio peuvent être fournis aux participants.
retour (ou leur maintien) dans la communauté était Une fois que le participant effectue la procédure de
remis en question. Plusieurs des participants avaient manière automatisée, il est invité à la réaliser dans
vécu des épisodes d’institutionnalisation à répétition diverses positions physiques et conditions
dus à leurs comportements. Des troubles environnementales. Cette période de pratique peut
psychiatriques, sur l’axe I du DSM-IV (2000), durer jusqu’à 35 semaines (Singh et al., 2007) et est
étaient associés à la DI tels que le trouble de la supervisée par les intervenants au moins deux fois
conduite, le symptôme psychotique (Singh et al., par jour. Pour l’étude de Singh et al. (2008), certains
2003), le trouble bipolaire ou encore le déficit de aménagements ont dû être mis en place afin que les
l’attention avec hyperactivité (Singh et al., 2008), participants ayant une DI moyenne puissent utiliser
pour n’en citer que quelques exemples. Certains correctement la procédure enseignée. Ainsi, un
participants présentaient un trouble du diachylon de 1,27 cm de diamètre a été appliqué
comportement sexuel et un trouble du comportement sous les pieds des participants afin de faciliter le
agressif. L’étude d’Adkins et al. (2010) se déroulait changement de l’attention et de la concentration sur
dans un contexte non institutionnalisé, ce qui n’est ce point.
pas le cas pour les trois autres études.
Les quatre protocoles expérimentaux proposés sont
Le programme de gestion de la colère, élaboré des prises de mesure pré et post traitement
autour de la méditation « Soles of the feet », est (« multiple baseline design »). Les mesures de
décrit selon cinq étapes (Singh et al., 2003). La maintien sont faites 12 mois après l’entraînement au
première étape consiste à reconnaître les situations « mindfulness » pour l’étude de Singh et al. (2003)
critiques et les précurseurs d’une agression physique et après 24 mois pour celle de Singh et al. (2007). Il
ou verbale (cela se faisant au besoin par l’utilisation n’y a pas de mesure de maintien pour l’étude de
de jeux de rôle). Ensuite, le participant doit laisser Singh et al. (2008), même si la durée totale des
l’émotion, le ressenti et les pensées liés à la colère prises de mesure en lien avec la formation au
émerger sans tenter de les interrompre ni d’y « mindfulness » s’étale sur 27 mois. Les variables
répondre physiquement. Lors d’une troisième étape, mesurées sont (a) le nombre de comportements
ce dernier doit porter son attention sur sa plante des agressifs (Singh et al., 2003; Singh et al., 2007;
pieds tout en prenant une posture et une respiration Singh et al., 2008), (b) le nombre de mesures mises
naturelle. Puis, il est alors invité à prendre en place par les intervenants, (c) le nombre de
pleinement conscience de la plante de ses pieds (p. blessures infligées au personnel (Singh et al., 2008)

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et (d) la médication (Singh et al., 2003). Pour les notamment avec le « Novaco Anger Scale » et le
quatre études, on observe une diminution drastique « Provocation Inventory » (p. ex. Burns et al., 2003;
de ces variables ainsi que le maintien de ces résultats Taylor et al., 2002) et montrent des changements
à travers le temps. Dans l’étude de Singh et al. statistiquement significatifs. Cela dit, les mesures
(2008), les comportements d’un des participants des effets indirects tels que la gravité du TGC, la
auraient même disparus. Les mesures sont qualité de vie ou, encore, le maintien dans la
complétées par les participants (quand le niveau de communauté, restent peu présentes. À l’instar des
DI le permet), mais principalement par les études relevées par Whitaker (2001), les études que
intervenants. Adkins et al. (2010) ajoutent des nous avons recensées n’abordent pas non plus
mesures de stress, de dépression et d’anxiété. Les l’efficacité relative des différentes composantes sur
scores de ces variables baissent durant la gestion de la colère ou sur le TGC.
l’entraînement initial au « mindfulness » et
continuent à baisser avec la pratique de la La mise en contexte des cognitions et des réponses
méditation. Cela dit, les résultats de ces études sont aux situations évoquant la colère, par l’intermédiaire
de nature descriptive. Les auteurs n’indiquent aucun des jeux de rôle, est présente dans la plupart des
indice de significativité statistique. études recensées. Ainsi, les personnes ayant une DI
n’ont plus uniquement à comprendre les concepts
théoriques de la colère, mais peuvent se mettre en
DISCUSSION situation et travailler avec les cognitions ainsi que
les comportements reliés à la colère qui leur sont
Notre article a pour objectif de faire le point sur les personnels. Ce constat ouvre la porte à l’intérêt de
dernières avancées concernant les procédures l’évaluation (et de la compréhension) des schémas et
utilisées dans les programmes de gestion de la colère des processus cognitifs mis en jeu dans le cadre de la
basés sur les approches cognitivo-comportementales mauvaise gestion de la colère et du TC chez des
dédiées aux personnes ayant une DI. Sturmey (2004) personnes ayant une DI, telle que recommandée dans
mentionne que la plupart des interventions de type les travaux deWhitaker (2001) et Taylor (2002).
cognitif sont, en fait, des curriculums incluant des Force est de constater qu’à ce jour, aucune étude n’a
interventions comportementales comme la relaxation permis cette analyse. De plus, aucune d’entre elles
et l’entraînement à des habiletés sociales ne s’est intéressée aux effets potentiels des
conjointement à des méthodes cognitives. Cette programmes sur les capacités cognitives des
recension des écrits nous a permis de faire une personnes ayant une DI.
différenciation entre les techniques axées sur la
relaxation et celles axées sur le « mindfulness ». Nous retenons par contre l’étude d’Hagiliassis et al.
(2005). Ces auteurs ont évalué un programme dédié
L’efficacité des programmes de gestion de la colère, à des personnes ayant une DI profonde ou grave et
établie selon l’approche cognitivo-comportementale présentant donc des difficultés de communication
ayant une composante relaxation, semble se verbale importantes. Ils ont introduit l’utilisation
confirmer, notamment quant à l’expressivité de la systématique de pictogrammes non seulement pour
colère. Les mesures prises dans les études publiées représenter les expressions faciales, mais bien
portent principalement sur l’évaluation de la colère, comme des aides visuelles d’apprentissage et comme
de son évocation et de sa démonstration à travers un medium facilitant la communication pour
l’acte agressif. Les recommandations faites par l’ensemble du contenu du programme. L’utilisation
Whitaker (2001) et Taylor (2002) ont donc été du jeu de rôle et des répétitions verbales permet
retenues par les chercheurs. Ainsi, ces derniers également de faciliter l’apprentissage des habiletés.
évaluent les effets directs des programmes de gestion Ces auteurs sont les premiers à introduire des
de la colère. Les évaluations spécifiques de la colère mesures telles que le « Peabody Picture Vocabulary
semblent s’uniformiser dans la plupart des études, Test » et le « Raven Coloured Progressive Test ».

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Tableau 1

Études recensées de 2001 à 2010 : gestion de la colère par l’approche cognitivo-comportementale incluant la relaxation

Auteurs/ Année Force** Échantillon Mesures Durée Procédure Conclusions

Taylor et al. (2002) 2 N =19 (DI) Provocation inventory (PI) 18 sessions Traitement individuel Diminution de l’intensité colère (auto-
(QI entre 55-80) Ward anger scale (WARS) d’une heure reportée) a été montrée par une
Approche cognitivo-comportementale
variation du PI.
Groupe Clinician Rating scale 2 sessions par basée sur l’approche de Novacoª
Une diminution non significative de la
expérimental (CRS) semaine Comparaison des résultats pré et post colère perçue par les intervenants a été
(n = 9) traitement. observée avec les résultats du WARS.
Mesures prises :
Groupe contrôle Les traitements ont été administrés
Pré Les mesures au CRS permettent
(n = 10) par trois psychologues expérimentés.
Post d’observer une amélioration des
Suivi (1 mois après la fin) Divisée en phases : comportements sociaux associés à la
(a) six sessions préparatoires (donner gestion de la colère. Ces résultats se
de l’information sur le traitement, sont maintenus pendant un suivi de un
motiver le changement des mois.
comportements mettant en évidence le
coût des comportements dérangeants,
encourager la confiance envers le
thérapeute, favoriser la collaboration,
développer des habiletés de base);
(b) 12 sessions de traitement
(monitoring des signes de la colère,
analyse détaillée de la manière de
gérer la colère, hiérarchiser les causes
de la colère, restructuration cognitive,
« arousal reduction techniques », jeu
de rôle pour aider la résolution de
problème, développement de l’auto-
instruction).

Willner et al. 2 N = 14 Wechsler Adult Neuf séances Intervention de groupe Diminution de la colère dans le groupe
(2002)* Difficulté Intelligence Scale-Revised de 2 heures Toutes les séances commencent par un expérimental (Anger Inventory).
d’apprentissage échauffement et une pause thé/café au
Anger Inventory Une séance par milieu.
Groupe semaine Un maintien des améliorations aux
expérimental Provocation Index Apprentissage de techniques de évaluations 3 mois post-traitement.
(n = 7) Rapports des intervenants Séances de relaxation Les sujets accompagnés de leurs
groupe aidants (n = 4) ont eu une plus grande

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Liste d’attente Rapports personnels Liste des sujets abordés : amélioration que ceux n’ayant pas
(n = 7) buts et règles du groupe, les d’aidant présent (n = 3) aux rencontres.
Pré (3 semaines avant le déclencheurs de la colère,
début) composantes physiologiques et
Post (3 semaines après la comportementales de la colère,
fin) stratégies cognitives et
Suivi (3 mois après la fin) comportementales pour éviter et gérer
l’escalade de la colère, affirmation de
soi.
Utilisation du jeu de rôle utilisant les
situations frustrantes vécues, par le
sujet, dans la semaine.

Burns et al. (2003) 4 N=3 Novaco Anger Scale Une séance par Basé sur Williams et Barlow (1998) Diminution du NAS pendant
Hommes (NAS) semaine l’intervention, mais avec une
Augmentation de la conscience à la
(33-37 ans) augmentation suite à l’intervention
Spielberger State-Trait 2h30 par colère
pour un des participants.
Anger Expression séance
Identification des liens entre pensées
Inventory 2 (SSTAEI) Tendance à diminuer les résultats au
Durée de 12 Émotions et comportements SSTAEI, mais résultats non
Modified Overt Agression
semaines Jeux de rôles significatifs.
(MOAS)
Relaxation Résultats non significatifs au MOAS.
Mesures pré (8 semaines),
pendant et post traitement Reconnaissance des signes
(8 semaines) physiologiques
Inoculation de stress
Restructuration cognitive
Résolution de problème

Lindsay et al. (2004) 2 N = 47 Dundee Provocation 40 sessions Intervention de groupe Une diminution du « provocation
DI légère Inventory d’environ inventaire » a été observée.
Approche cognitivo-comportementale
Groupe Anger Provoking Role inspirée des travaux de Novaco Amélioration des capacités de gestion
40-60 minutes
expérimental Play Cinq phases : des émotions maintenue pendant une
chacune
(n = 33) 1- apprentissage de méthodes de période d’au moins neuf mois.
Auto report sur la colère
Durée totale de relaxation; 2- inoculation de situations
Groupe contrôle Manque de constance dans les
Mesures prises: 9 mois stressantes; 3- discussion sur la colère,
(n = 14) réponses des rapports ne permet pas de
Pré les comportements, les cognitions, la
généraliser ces résultats.
Post physiologie; 4- introduction de
suivi (3 mois après) résolution de problème; 5- inoculation
Pourcentage de récidives du groupe
de stress et jeux de rôle.
expérimental a été significativement
plus bas que le groupe contrôle.
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Les mesures ont été prises pré et post
traitement et un suivi de 3 et 9 mois a
été mesuré.

Hagiliassis et al. 2 N = 29 Novaco Anger Scale 12 semaines à Intervention de groupe Augmentation du score moyen au NAS
(2005) DI (de légère à raison d’une correspondant à une augmentation du
Outcome Rating Scale
grave) séance de 2 Inspiré des travaux de Novaco (1975) contrôle de la colère pour le groupe
Peabody Picture heures par et Benson (1986) expérimental.
Randomisée
Vocabulary Test semaine
Maintien des résultats sur une période
Les deux groupes ont éventuellement
Groupe de 4 mois.
Raven Coloured Une pause de reçu l’intervention (le groupe contrôle
expérimental
Progressive Matrice 15 minutes étant sur une liste d’attente). Association entre l’amélioration de la
(n = 14)
gestion de la colère avec le niveau de
Mesures prises: Trois aspects au programme
Groupe contrôle raisonnement non verbal de l’individu.
Pré (4 semaines avant le d’intervention : (a) techniques de
(n = 15)
début) relaxation, (b) restructuration
Post-traitement cognitive, (c) résolution de problème
Suivi (4 mois après la fin) et affirmation de soi.

Taylor et al. (2005)* 2 N = 36 Novaco Anger Scale 18 sessions de Intervention individuelle Le score d’intensité de la colère (sous-
DI (QI entre traitement échelle provocation) a diminué
Anger Expression Scale du Même procédure que l’étude de 2002
55 et 85) individuel significativement dans le groupe
Spielberger State-Trait
expérimental.
Avec historique Anger Expression Minimum
d’agression et de Inventory (STAXI) d’une session Diminution du score du Ward Anger
violence par semaine Rating Scale post-traitement et pendant
Ward Anger Rating Scale
un suivi de 4 mois (sans toutefois avoir
En institution Mesures prises: de différence significative).
(hôpital) Baseline
Le score au STAXI n’a pas démontré
Pré
d’amélioration significative, mais les
Groupe Post
moyennes tendent vers une
expérimental Suivi (4 mois après)
amélioration.
(n = 16)
Le nombre d’améliorations est plus
Groupe contrôle significatif dans le groupe
(n = 20) expérimental que dans le groupe
contrôle.

Chapman, Shedlack 4 N=3 Rapports des intervenants, Non Intervention individuelle Pour chacun des cas étudiés, les
et France (2006) DI légère à rapports des sujets, mentionnée rapports et l’ABC montrent une
Basée sur les travaux de Benson
moyenne comportements agressifs diminution des scores signifiant une
(1986) b
sur vidéo meilleure gestion des émotions.
Utilisation d’une triade de mots (Stop-
Abherent Behavior Le 1er cas et le 2e cas ont eu une
think-relax) pour une stratégie
Checklist (ABC), diminution significative de l’irritabilité
Volume 22, 2011 120
d’autocontrôle et de gestion de la et de l’hyperactivité.
Étude de cas
colère.
Seule la 3e étude de cas a montré une
Mesures prises:
augmentation de la stéréotypie. Toutes
Pré et
les autres sous-échelles de l’ABC ont
post traitement
diminué pour cette même personne.

Jones et al. (2007) 3 N = 10 Novaco Anger Scale and 12 sessions de Intervention de groupe La diminution du score du NAS n’est
4 hommes, 6 Provocation Inventory 2 heures pas significative statistiquement.
Évaluation pré et post-traitement
femmes chacune
(psychologue, psychométricien, Les scores au PI n’ont pas diminué
Présences travailleur social) significativement.
d’aidants
Intervention basée sur le modèle Une diminution du « Self-Rated Anger
Langage Novaco (éducation, acquisition Behaviour » a été observée chez les
expressif minimal d’habiletés et pratique) individus ainsi que chez leurs aidants,
sans toutefois être significative.
Déficience Chaque séance faisait un retour sur la
développementale dernière, puis enseignement Une augmentation, non significative,
d’habiletés de gestion, analyse de de l’échelle « Anger Regulation » a été
Trouble
l’acquisition des habiletés, techniques observée chez les participants. Les
psychiatrique
de relaxation. aidants ont eux aussi mentionné cette
amélioration dans la capacité de
Les thèmes abordés lors des séances :
gestion de la colère.
identification des émotions, définition
de la colère et des agressions, profil de 50 % des améliorations liées au
la gestion de colère des individus, programme l’ont été par plus d’un
stratégies de gestion, gestion des écart-type (NAS)
situations provocatrices et diminution
33% des améliorations dues au
de l’« arousal ».
traitement l’ont été par plus d’un écart-
Les techniques cognitives incluent type (PI).
restructuration cognitive, entrainement
83% des personnes ont connu une
des habiletés et diminution de
amélioration au niveau de la régulation
l’« arousal ».
de la colère.
Tenue d’un journal de bord comme
travail à la maison.

ª Les approches inspirées de Novaco (1994) utilisent trois composantes principales afin d’influencer la gestion des émotions. Ces composantes sont a) l’auto-instruction, b) la restructuration
cognitive et c) l’utilisation de méthodes de relaxation.
b
Les modèles inspirés de cette méthode comptent cinq étapes : 1- l’évaluation, 2-la reconnaissance et l’identification des émotions, 3- la pratique de la relaxation, 4- l’auto instruction et 5-
l’acquisition d’habiletés de résolution de problème.
* Réfère aux articles retenus dans la revue de littérature de Hassiotis et Hall (2009). Seules deux des quatre études ont été retenues, dans notre revue de littérature, en raison de leur date de
publication.
** Gradation : (1) revue de littérature systématique ayant au moins une étude randomisée avec groupe contrôle; (2) étude randomisée avec groupe contrôle; (3) étude de groupe sans
randomisation ou groupe de comparaison; (4) étude systématique sans randomisation ou groupe de comparaison; (5) opinion d’experts.

121 REVUE FRANCOPHONE DE LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE


Tableau 2

Présentation des études recensées 2001-2010 : utilisation du « mindfulness »

Auteurs/Année Force** Échantillons Mesures Durée Procédures Conclusions

Singh et al. (2003) 4 N = 1 (27 ans) Médication 2 fois 30 minutes par Méthode mindfulness « Soles of the Diminution majeure du nombre
jour feet » d’incidents agressifs physiques et
Déficience Journal d’observation des verbaux.
intellectuelle comportements agressifs 5 fois par semaine Reconnaitre les situations causant
légère verbaux et physiques (auto- l’agressivité par des jeux de rôle : Amélioration de l’autocontrôle et du
rapportés) Phase « recreating-the-scene » nombre d’activités sociales auxquelles
d’entraînement : la personne participe.
Rapports du personnel 2 semaines Trouver une posture naturelle
(nombre d’événements Respiration naturelle Diminution graduelle de la médication
agressifs verbaux et Phase de pratique : Permettre aux pensées de circuler pour l’agressivité (Risperdal, Seroquel
physiques, nombre 12 mois sans leur répondre ou les arrêter et Zyprexa) jusqu’à l’arrêt total de
d’évènements où la personne Focalisation sur la plante du pied prise de médicaments.
utilise de l’autocontrôle, etc.) (au besoin utilisation d’un
marqueur)
Mesures pré-post Quitter la situation avec un
Suivi de 12 mois demi-sourire
Exercices à la maison
Pratique de la technique avec
support audio.

Singh et al. (2007) 4 N=3 Données sur le nombre 35 semaines Méthode mindfulness « Soles of the Diminution du nombre de
Adultes d’évènements agressifs Feet » de Singh et al. (2003). comportements agressifs chez les 3
(physiques et verbaux) 2 fois par jour participants.
Trouble du envers autrui minimum
comportement Maintien des résultats sur 2 ans.
Suivi de 24 mois Période
Déficience d’entrainement et de
intellectuelle pratique :
moyenne 35 semaines

Singh et al. (2008) 4 N=6 Données sur le nombre 27 mois Méthode mindfulness « Soles of the Diminution, allant jusqu’à l’absence,
Adultes d’agressions physiques et Feet » de Singh et al. (2003). des comportements agressifs chez
verbales 2 fois par jour chacun des participants.
Milieu carcéral Calcul des coûts-bénéfices minimum Tous les participants ont montré une

Volume 22, 2011 122


Suivi de 12 mois absence de comportements
Déficience Période physiquement agressifs au moins 6
intellectuelle d’entraînement et de mois avant la fin du programme.
légère à pratique :
moyenne 27 semaines Diminution du nombre de mesures
prises par le personnel.

Diminution du nombre de blessures


infligées au personnel.

Adkins et al. (2010) 4 N = 3 (adultes) Nombre de comportements Une heure par jour, Méthode mindfulness « Soles of the Diminution des comportements
d’agression (physiques et 5 jours par semaine Feet » de Singh et al. (2003). inappropriés a été observée chez les 3
Résidence verbaux), de comportements participants lors de la phase de
communautaire inappropriés, comportements Phase pratique de l’expérimentation.
dérangeants, jouer avec ses d’entraînement :
Troubles graves selles, cris, pleurs. 2, 4 et 5 semaines Fréquence peu élevée des
du comportements a pu être observée lors
comportement Nombre de pratiques de Phase de pratique : de la phase de maintien.
« mindfulness » initiées par le 12, 12 et 26 semaines
Déficience participant. en fonction des
intellectuelle participants
légère - Subjective Units of
Disturbance Scale (SUDS)
- Yale-Brown Obsessive
Compulsive Scale (Y-BOCS)
- Beck Depression Inventory
(BDI-II)
- State-Trait Anxiety
Inventory

Suivi entre 4 et 8 mois


** Gradation : (1) revue de littérature systématique ayant au moins une étude randomisée avec groupe contrôle ; (2) étude randomisée avec groupe contrôle ; (3) étude de groupe sans
randomisation ou groupe de comparaison; (4) étude systématique sans randomisation ou groupe de comparaison ; (5) opinion d’experts.

123 REVUE FRANCOPHONE DE LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE


Ainsi, les résultats indiquent que leur programme essentiel pour l’apprentissage de cette technique de
serait plus efficace pour les personnes présentant de régulation émotionnelle.
plus grandes difficultés au plan de la
communication. Selon Hagiliassis et al. (2005), des De plus, une fois la situation remémorée, les
mesures telles que le Peabody et le Raven permettent participants n’étaient pas en mesure de reporter leur
de mettre en référence le niveau des compétences attention sur leurs plantes de pied. L’utilisation d’un
verbales des participants avec les effets du autocollant sous leurs plantes de pied fut nécessaire
programme de gestion de la colère. Même si pour les guider. Après plusieurs entraînements par
l’efficacité individuelle des composantes utilisées jour, les participants ont été en mesure d’effectuer la
dans ce programme n’a pas été évaluée, il semble procédure sans aide. Il semble donc qu’il faille, pour
incontournable de mesurer les compétences et certains cas, mettre en place des stratégies
déficiences spécifiques des personnes ayant une DI, complémentaires permettant le soutien de
ainsi que leur perception de ce qu’est la colère pour l’apprentissage de la méditation « Soles of the feet ».
l’élaboration et le développement des programmes À nouveau, certaines caractéristiques cognitives
de gestion de la colère qui leur sont proposés. concomitantes à la présence de DI doivent être
considérées dans la mise en place des programmes.
Les résultats des quatre études recensées quant à
l’utilisation de la méditation « Soles of the feet » Heeren, Van Broeck et Phillipot (2009) ont étudié
semblent très prometteurs, même si les études sur les les effets du « mindfulness » sur les processus
effets des programmes de gestion de la colère exécutifs. Les résultats indiquent que l’entraînement
utilisant la relaxation sont plus nombreuses et ont au « mindfulness » améliore l’inhibition cognitive et
obtenu des résultats significatifs quant à leur la flexibilité cognitive. Selon Roemer et Orsillo
efficacité. Il serait donc pertinent d’approfondir (2003), les chercheurs étudiant le « mindfulness »
l’examen des effets de cette procédure auprès des suggèrent qu’un de ses objectifs est l’amélioration de
personnes ayant une DI légère ou moyenne et la régulation et de la flexibilité émotionnelles
présentant des TC ou des TGC.L’apprentissage de la (expérimenter des émotions et revenir à un niveau de
technique de méditation et sa compréhension se fait base après les réponses émotionnelles). Selon Büchel
sur une période relativement courte et intense. et Paour (2005), les capacités cognitives de
Cependant, la pratique de la méditation s’effectue traitement de l’information sont présentes et
sur une longue période (au moins 12 mois) et doit mobilisables même si elles sont, d’une certaine
être soutenue par les intervenants qui encouragent le façon, limitées chez les personnes ayant une DI.
client à pratiquer au moins deux fois par jour la Selon nous, il serait avantageux de vérifier les effets
méditation et à l’utiliser à bon escient. Ainsi, de l’entraînement au « mindfulness » sur l’inhibition
l’environnement humain serait un facteur et la flexibilité cognitives chez les personnes ayant
déterminant de l’efficacité de cette méditation. Dans une DI.
le cas des participants ayant une DI moyenne (Singh
et al., 2007), le souvenir de situations passées ayant Dans les programmes cognitivo-comportementaux
induit chez eux de la colère serait difficile à se axés sur le « mindfulness », seule la description de la
remémorer durant la semaine intensive procédure de méditation est fournie par les auteurs.
d’apprentissage de la procédure « Soles of the feet ». Il est mentionné que la personne, une fois calme et
L’ajout de la technique de méditation « recreating sereine, peut choisir de répondre de manière
the scene », réalisée avec la participation des adéquate ou bien de s’éloigner en souriant. Dans les
intervenants, a permis aux participants d’imaginer programmes de gestion de la colère plus
plusieurs scènes durant lesquelles ils avaient déjà traditionnels (basés sur la relaxation), ces étapes sont
répondu avec agressivité. Cette observation met en abordées avec un apprentissage de comportements
avant le besoin de prendre en considération la adéquats et des stratégies de résolution de problème
compréhension réelle des participants de la raison (Burns et al.,2003; Hagiliassis et al., 2005; Lindsay
pour laquelle un programme de gestion de la colère et al., 2004; Willner et al., 2002). Selon Singh et al.
leur est proposé. La qualité de la répétition, tout (2003), « Soles of the feet » serait une intervention à
comme celle du soutien extérieur, semble un élément une seule composante qui permettrait à l’individu

Volume 22, 2011 124


d’apprendre une méthode simple de contrôle comportementaux de gestion de la colère sur les TC
internalisé de son comportement agressif. Cela laisse ou TGC chez les personnes ayant une DI, certaines
supposer que la personne est laissée à ses propres limites méthodologiques ne permettent pas
ressources pour élaborer le comportement adéquat à d’affirmer qu’ils soient une panacée à ce moment-ci.
adopter. Les effets positifs résultant des études menées sur les
programmes de gestion de la colère ont été relevés
Notons cependant que, pour les quatre études sur le après l’application des programmes complets (tous
« mindfulness », les individus avaient tous comme les modules proposés, le temps requis d’acquisition
objectif de revenir ou de rester dans la communauté et d’entraînement, l’aide nécessaire). Ainsi, il est
(ou d’y retourner). S’ils parvenaient à suivre le recommandé de proposer l’ensemble des
programme et à appliquer la procédure correctement composantes et des modules proposés dans les
(donc à réduire effectivement la fréquence et la programmes au moment de l’intervention. Ces types
gravité de leurs comportements agressifs), ils d’intervention peuvent s’avérer bénéfiques autant
atteignaient leur objectif. De plus, la procédure était pour le participant dans une perspective positive de
proposée individuellement aux participants avec un l’intervention en réadaptation que pour
soutien important du responsable du programme et l’environnement social. La différence entre les
des intervenants. En ce qui concerne les variables programmes de gestion de la colère proposés à un
mesurées, les auteurs s’intéressent particulièrement public tout-venant comparativement à ceux proposés
aux incidents rapportés par les intervenants et les aux personnes ayant une DI nous semble reposer
participants (lorsque possible). Ces incidents sont principalement sur les stratégies facilitatrices de
répartis en fonction de leur nature (p. ex. nombre compréhension du contenu des programmes plutôt
d’agressions physiques, nombre de mesures que sur la structure des programmes. L’étude de la
restrictives, nombres de blessures du personnel, construction cognitive qui mène à la colère ou aux
etc.). Les variables en lien direct avec l’entraînement comportements agressifs chez les personnes ayant
au « mindfulness » et celles en lien avec les une DI, malgré les difficultés de communication,
mécanismes qui sous-tendent l’acquisition de nous semble importante à approfondir. Également,
l’habileté à acquérir ou à mettre en œuvre lors du l’adaptation des supports à la compréhension de la
« mindfulness » ne sont pas considérées. Une mesure gestion de la colère et à la communication dans les
du « mindfulness » devrait être adaptée aux programmes devrait être poursuivie. Il est reconnu
personnes ayant une DI afin de vérifier les relations que les personnes ayant une DI ont des capacités
entre l’entraînement à la méditation « Soles of the cognitives, même si la compréhension de l’ensemble
feet » et la réduction des comportements agressifs. de ces capacités et de leur potentiel reste à l’étude.
Des efforts dans ce sens devront donc être faits, dans Les futures recherches devraient considérer les effets
le futur, afin de confirmer ou d’infirmer les effets de des différentes composantes des programmes sur ces
l’intervention auprès d’une population ayant une DI capacités ou s’appuyer sur ces dernières en les
et des TGC. considérant comme des éléments permettant
d’améliorer les programmes qui leur sont proposés.
CONCLUSION Enfin, la comparaison entre les effets des
programmes basés sur la relaxation et ceux basés sur
Malgré des résultats qui semblent tendre le « mindfulness » reste à entreprendre.
vers une efficacité des programmes cognitivo-

125 REVUE FRANCOPHONE DE LA DÉFICIENCE INTELLECTUELLE


ANGER MANAGEMENT PROGRAMS FOR PEOPLE WITH INTELLECTUAL DISABILITIES:
LAST IMPROVEMENTS

This review of the literature (from 2001 to 2010) examined the effects of anger management
programs developed for people with intellectual disabilities (ID) and challenging behavior (CB).
The aim of this paper is to present recent development of these programs in the particular context
of ID and CB. The studies reviewed (N = 12) were separated in two types of approach. The results
of these studies show some beneficial effects on CB for programs based on cognitive-behavioral
approach and relaxation (n = 8) and those based on “mindfulness” approach (n = 4). The adequacy
of the components and the adaptation of different learning situations in these programs are
discussed.

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