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Le Moyen-Orient,

Une région-carrefour au cœur de la géopolitique mondiale

Introduction : Région carrefour, berceau des civilisations monothéistes et de l’écrit, d’antique tradition
commerçante à l’intersection des mondes africains, européens et asiatiques, centre avancé de diffusion d’une
civilisation brillante au Moyen-Âge et au début de l’époque moderne, le Moyen-Orient est un espace renaissant,
redevenu, après une longue période d’effacement et de domination, un cœur de la géopolitique et de l’économie-
monde au XX° siècle, mais particulièrement disputé et d’une conflictualité aussi chronique que contagieuse.

Comment expliquer la difficulté des acteurs de la région et de leurs partenaires internationaux à stabiliser
cet espace émergent, menacé par de récurrents conflits régionaux qui contaminent l’échelle mondiale et modifient
profondément des équilibres de vie de tous les citoyens du monde ?

Première idée : Le Moyen-Orient est un espace mosaïque, carrefour d’une complexité qui en fait à la fois la
richesse, la particularité et la source d’un potentiel conflictuel assez unique au monde

Première sous idée : Le MO est d’abord un carrefour géographique unique au monde, à l’intersection de
plusieurs mondes géoculturels riches qui le rendent complexe à définir de façon consensuelle.

Idée 1 : un carrefour géographique, à l’intersection de trois continents, mais plusieurs mondes.

M-O = Région carrefour entre 3 continents l’Asie à laquelle elle appartient, l’Europe sur laquelle elle est ouverte par
la Turquie (Europe orientale) et par la Méditerranée (Europe du Sud), et l’Afrique par l’Égypte (Espace désertique
arabo-musulman), la Mer Rouge (Afrique orientale Nord) et l’Océan Indien (Afrique orientale Sud). Le M-O fait
traditionnellement le lien entre les différentes cultures depuis toujours, par son interface avec l’espace
Méditerranéen. Moyen de rappeler qu’il aussi une région carrefour entre les différents espaces maritimes (et pas
seulement terrestres) déjà cités qui l’encadrent. Un carrefour entre les mondes européen, méditerranéen, africain,
indien et d’Asie centrale.

Idée 2 : un carrefour à géométrie variable qui ajoute en complexité d’analyse.

Confrontation définition anglaise / définition française, source de confusion. Les Français parlent de « Proche
Orient » ou de « levant » pour qualifier les régions asiatiques qui bordent la Méditerranée de la Turquie à l’Egypte
(incluse par le Sinaï, partie orientale du canal de Suez entre les deux bras de la Mer Rouge). Les Anglais désignent
par Moyen-Orient toute la région proche-asiatique comprise entre les 5 mers (Oman, Rouge, Méditerranée, Noire,
Caspienne) et l’Océan Indien au Sud, englobant à l’Ouest le Proche-Orient français et allant à l’Est jusqu’à l’Iran,
parfois jusqu’à l’Afghanistan. L’actualité conflictuelle de cette dernière décennie et la répartition ethnique
transgressant les frontières amène à inclure l’Afghanistan. La définition britannique, à l’intermédiaire des deux
autres, fait référence, mais sans que les Français aient renoncé à une supposée particularité du Proche-Orient. En
conclusion : au-delà des divergences culturelles et historiques, Moyen-Orient désigne parfois la région qui englobe le
Proche-Orient, parfois la région qui lui succède, parfois les deux sont synonymes. Être vigilant donc….

Deuxième sous idée : Le MO est donc un carrefour de cultures, de civilisations et de religions d’une
diversité rare, autant source d’échanges et d’hybridations que de conflits, et qui empêche de l’enfermer dans
l’image réductrice d’un monde uniquement arabo-musulman

Idée 1 : un carrefour de peuples et de cultures qui cohabitent, partagent, s’influencent, se rejettent.


Plusieurs peuples cohabitent, les uns nomades ou de traditions et mentalités nomades survivantes malgré la
sédentarisation (exemple : mépris du travail manuel des sociétés arabes nomades du sud du M-O), les autres tôt
sédentarisés et urbanisés. Majoritaires : les arabophones = près de 200 millions. Puis les Farsi, surtout en Iran =
près de 70 millions. Les Turcophones = 60 millions. Les Kurdes = 30 millions + cas particulier : les « juifs ». Pas un
peuple, mais une religion. Mais seul élément culturel solidaire pour un groupe composite, relativement ténu (= 5
millions), comprenant des occidentaux, des orientaux et des Nord et Est-Africains. Point commun à tous, lié à a
position géographique : une culture de l’échange et du commerce, traditionnellement régulatrice des conflictualités,
mais une fierté identitaire qui en est elle volontiers le vecteur.

Idée 2 : un carrefour de religions qui se nourrissent puis se repoussent, avec plus de divisions
intrinsèques d’extrinsèques Le MO est la Région-berceau des 3 grandes religions monothéistes qui s’y côtoient. Juifs,
chrétiens et musulmans. Avec des tensions entre elles parfois (cf Liban : musulmans contre chrétiens + NB : ne pas
faire du conflit israélo-palestinien un conflit religieux, même si les revendications territoriales peuvent avoir une base
culturelle religieuse) déplaçant finalement davantage les conflictualités à l’intérieur des mêmes nébuleuses, entre
courants ou mouvements rivaux (ex : entre chi’ites et sunnites. Cf confrontation Iran / chi’ite / farsi et Irak / sunnite /
arabe). Difficulté de cohabitation dans certains lieux jugés saints. Jérusalem, Hébron (tombeau d’Abraham) communs
aux trois religions, mais aussi La Mecque et Médine dont l’Iran conteste la garde à l’Arabie Saoudite.

Troisième sous idée : Un carrefour d’idéologies propres au MO, qui contribuent à la complexité
géopolitique de la région. Première idéologie : le « panarabisme » lancé à la fin du XIX° siècle sur le délitement de
l’empire ottoman par la « Nahda », mouvement de renaissance arabe. Cette renaissance débouche sur plusieurs formes
de combat (ex : Nasser et le Nassérisme,1955-1970) et d’organisations politiques (cf la Ligue arabe). Deuxième
idéologie : l’ « islamisme », idéologie fondamentaliste traditionnaliste, résolument antimoderniste et anti-occidentale,
développée par les Frères musulmans créés en Égypte en 1928 qui diffusent l’idéologie dans tout le MO après la SGM
en profitant de l’échec du panarabisme laïc qui n’a pas su répondre aux espoirs des masses populaires arabes. Il en naît
plusieurs formes de terrorisme : l’un chi’ite et localisé au M-O, les hezbollahs, l’autre, sunnite et internationale,
nourrie par la tendance salafiste saoudienne qui accueille les Frères musulmans chassés d’Égypte et donne naissance à
deux nébuleuses : al-Qaïda puis Da’ech. Troisième idéologie : le « baathisme » fondé en Turquie à la fin de la SGM
par un musulman et un chrétien syrien = mouvement progressiste socialiste et laïc spécifiquement arabe proposant un
autre modèle que le marxisme ou l’islamisme, pouvant s’inscrire sans la mouvance panarabiste, mais qui en Iraq
comme en Syrie débouche sur des dictatures personnelles et claniques s’appuyant sur l’armée. Quatrième idéologie
enfin : le « sionisme », idéologie du « retour » pour la diaspora juive ranimée en France, durant l’affaire Dreyfus, par
le journaliste autrichien Herzl, et fondée sur la revendication, nourrie de la bible, écrit plus politique qu’historique, de
la terre de Palestine comme « terre promise » aux Juifs. Idéologie qui nourrit des mouvements de fonds pour acheter
des terres et financer un lobbying important en occident dans l’entre deux-guerres et débouche finalement sur le
partage de Palestine en 1947 et la création de l’Etat d’Israël en 1948.

Deuxième idée : Le Moyen-Orient est un espace tour à tour convoité et en partie dominé par toutes les grandes
puissances du XX° siècle, attirés par la manne pétrolière dont les États producteurs de la région reprennent
peu à peu le contrôle et le profit.

Première sous idée : Avant la SGM, le MO est un espace essentiellement convoité, contrôlé par les Anglais
et les Français, « protecteurs » officiels de la région et propriétaires du canal de Suez, porte d’entrée du MO.

Idée 1 : Les Britanniques et les Français sont chez eux au MO entre la PGM et la SGM. En 1879, le
PM Benjamin Disraeli fait racheter par l’Angleterre les 4 millions de £ de parts du Khédive (prince représentant le
sultan ottoman) ruiné sur le canal de Suez, faisant des Britanniques les cogérants du canal avec la France. Très vite,
dès 1882, profitant d’émeutes xénophobes, les Britanniques installent un « protectorat » de fait sur l’Égypte qu’ils
officialisent en 1914. Mais c’est la deuxième révolution industrielle et le développement de la motorisation au pétrole
qui remplace le charbon, en particulier dans la propulsion des navires, qui augmente l’attrait de la région avec le
découverte, en 1908, des premiers gisements d’hydrocarbure en Perse. Dès 1909, Winston Churchill premier Lord de
l’Amirauté envisage de remplacer les vieux cuirassés au charbon de la Navy par les « Dreadnoughts » au mazout
(1913). Il crée alors pour les approvisionner l’Anglo-Persian Oil Company, la future BP, dans laquelle l’Etat
britannique est majoritaire (51%). La PGM amplifient l’emprise des Britanniques dans la régions. En 1916, les
Anglais suscitent à partir de l’Égypte le soulèvement des Arabes dirigés par le Chérif de La Mecque Hussein ibn Ali
qui se proclame roi du Hedjaz puis des Arabes. Les accords Sykes-Picot prévoient le partage du Moyen-Orient entre
la GB et la France. En 1917, aidés par les combattants arabes, les Britanniques prennent Jérusalem et Bagdad. En
1919, les Britanniques prennent Damas et poussent jusqu’à Bakou, au Kazakhstan, pour mettre la main sur les
pétroles. En 1920, le traité de Sèvre démantèle l’empire ottoman. La SDN confirme aux Britanniques leur protectorat
sur la Palestine, l’Irak et la Transjordanie, et aux Français celui sur la Syrie et le futur Liban.

Idée 2 : Ils sont tellement chez eux au MO qu’ils peuvent réorganiser les frontières et les États à
leur guise et créer des simulacres d’autonomie qui ne trompent personne. Les Français séparent le Grand Liban de
la Syrie en 1920. Chassé par les Français de Damas, l’émir Fayçal est installé par les Britanniques à Bagdad et son
frère Abdallah en Transjordanie. En 1922, l’Égypte devient officiellement indépendante, mais dans les faits dominée
par la GB. Cette occupation rencontre des résistances. En 1925, les Druzes de Syrie se révoltent contre les Français
qui bombardent Damas. Cette maîtrise géopolitique de la région permet aux grandes compagnies pétrolières
anglaises, de se partager, en 1928, par les accords d’Achnacarry, en Ecosse, l’exploitation des gisements de pétrole
du Moyen-Orient. Cette liberté laissée aux grandes compagnies, permet aux Anglais de laisser plus d’autonomie en
apparence aux États de la région, en suivant le modèle expérimenté en Égypte. En 1930, l’Irak est officiellement
indépendant, mais dans les faits dominé par la GB. Il entre à la SDN, le premier au Moyen-Orient, en 1932. L’Egypte
le suit en 1936.
Idée 3 : La SGM est l’occasion pour les Anglais, aidés par leurs alliés, d’accroître opportunément
leur emprise sur la région. En 1941, Britanniques et soviétiques occupent simultanément l’Iran et obligent le khan
cosaque Reza Shah Pahlavi, au pouvoir depuis 1921, à abdiquer en faveur de son fils Muhammad Reza Shah Pahlavi,
occidentalisé. En 1942, les Britanniques bousculent les Allemands à El-Alamein et redeviennent maîtres du Moyen-
Orient. Mais cette domination est de courte durée. L’Angleterre épuisée et ruinée par la guerre n’a plus les moyens
de sa puissance outremer et de résister à la montée en puissance des EU dans la région. Elle ne parvient pas à
s’opposer au rapprochement avec l’URSS du premier ministre iranien Mossadegh en 1951. Écarté pour avoir
nationalisé les compagnies anglo-américaines d’extraction du pétrole après leur refus d’une plus juste répartition des
dividendes, il est rappelé par des manifestations nationalistes qui demandent son retour en 1952. La même année, les
Britanniques ne peuvent empêcher le renversement en Egypte de leur marionnette, le roi Farouk, par deux officier
égyptien, le général Naguib et le colonel Nasser. En 1961, en réponse au coup d’Etat militaire de 1958 qui a renversé
en Irak la monarchie chérifienne protégée des Britanniques, le roi et son premier ministre ayant été lynchés par la
foule, l’Angleterre donne son indépendance au Koweït revendiqué par les Irakiens et envoie des troupes pour e
protéger, avant d’être relayés par les troupes de la ligue arabe qui reconnaît la même année le Koweït.

Deuxième sous idée : Grands vainqueurs de la SGM, les Américains et les Soviétiques bousculent les
vieilles puissances coloniales et étendent au MO leur compétition hégémonique et la course aux matières premières
indispensables au maintien de leur puissance industrielle.

Idée 1 : Présents dans la région du MO dès les années 1930, les EU intensifient leur présence et
leur influence dans la région, pour assurer leur approvisionnement en pétrole et contenir la menace soviétique.
Dès 1932, à la fondation de l’Arabie saoudite par Ibn Saoud qui évincé le chérif Hussein Ben Ali en 1922, le royaume
s’ouvre aux compagnies pétrolières américaines qui se réuniront dans l’ARAMCO (Arabian American Oil Company)
en 1944. En 1945, de retour de Yalta, le président F.D. Roosevelt reçoit le roi Ibn Saoud sur son croiseur de la
Marine américaine, le Quincy, et signe avec lui le traité du Quincy qui engage les deux pays pour 60 ans, les EU à
fournir une aide militaire permanente et assurer la sécurité de la région, l’AS à donner le monopole de l’exploitation
du pétrole à l’ARAMCO. En 1950, l’Arabie Saoudite et l’ARAMCO tombent d’accord, pour se partager 50/50 les
revenus pétroliers. Au début des années 1950, les EU étendent leur influence dans le reste du MO. En 1952, ils
intègrent la Turquie à l’OTAN et dénoncent les accords d’Achnacarry qui faussaient la concurrence. Appelés à l’aide
par les Britanniques pour se débarrasser de Mossadegh en Iran, les EU chargent la CIA d’organiser un premier coup
d’Etat en 1952, puis un second après son retour en 1953. En 1954, Après s’être débarrassés de Mossadegh, les
majors américaines, anglaises, françaises et néerlandaises forment un consortium pétrolier pour exploiter les
gisements iraniens. L’Anglo-Persian Oil Company fondée en 1909 devient alors la BP (British Petroleum). En 1955,
les EU et le RU signent avec la Turquie, l’Iran, l’Irak et le Pakistan le pacte de Bagdad. En 1957, la doctrine
Eisenhower, corollaire Doctrine Truman et du plan Marshall, propose l’aide économique des États aux États du MO.
Parallèlement, alors qu’ils soutiennent l’Etat d’Israël depuis sa création en 1948, les différentes administrations EU
(Truman, Eisenhower, Kennedy, Johnson) tentent d’empêcher Israël de se doter de l’arme nucléaire, de peur de voir
le jeune Etat mal accepté par les pays arabes enflammer la région. Israël négocie en échange d’un renoncement de
façade qu’il ne respecte pas, un soutien exponentiel en livraison de matériel militaire classique d’une puissance de feu
suffisante pour attaquer l’Egypte et la Jordanie en 1967, et les vaincre en 6 jours, en dépit de l’aide apportée par
l’URSS à l’Egypte.

Idée 2 : Consciente depuis la GM de l’enjeu énergétique et géopolitique de la région depuis la


SGM, et du poids qu’elle représente pour les EU, l’URSS tente à la faveur de la guerre froide d’étendre elle aussi
son influence dans la région. Intervenue en Iran en 1941, une des premières à reconnaître la Syrie semi-
indépendante du mandat français en 1943, elle soutient comme les EU le partage de la Palestine en 1947 et la
création de l’Etat d’Israël en 1948, d’inspiration socialiste, qu’elle arme durant sa guerre contre ses voisins arabes
en 1948-49. En 1955, en réponse au pacte de Bagdad qui place sous domination anglo-américaine la Turquie, l’Iran,
l’Irak et le Pakistan, elle soutient la Syrie dirigée, dans une succession de coups d’Etat, tantôt par les militaires tantôt
par des coalitions de socialistes et des baasistes, et l’Egypte, qu’elle arme toutes les deux, puis soutient sur le plan
économique à partir de la fin des années 1950. En 1956, les soviétiques interviennent lorsque Nasser nationalise le
canal de Suez et que les Français, les Britanniques et les Israéliens occupent militairement le canal, sans le soutien
des EU. Ils menacent alors d’intervenir militairement. Français, Anglais et Israéliens, lâchés par les EU se retirent. A
partir de 1959, l’URSS finance la construction du barrage d’Assouan (1959-1970) en Egypte. En 1962, les soviétiques
soutiennent le renversement de la monarchie au Yémen, coupé en deux (déjà) entre le nord pro-occidental et le sud
prosoviétique. En 1963,ils soutiennent le coup d’Etat du parti Baas en Irak et le projet d’une union entre l’Egypte, la
Syrie et l’Irak. En 1964, Nikita Khrouchtchev est reçu en Egypte par Nasser qui rappelle le rôle primordial joué par
l’URSS dans le développement et l’indépendance économiques de l’Egypte. L’équipement de l’Egypte en avions de
chasse pousse les Israéliens, soutenus par les EU, à déclencher en 1967 la guerre éclair des 6 jours pour détruire cet
arsenal avant une montée en puissance de l’Egypte qui ne serait plus contrôlable.
Troisième sous idée : Cette concurrence étrangère favorise finalement l’autonomisation rapide des États de
la région, courtisés pour ce patrimoine énergétique qui leur permet d’entrer dans la compétition hégémonique.

Idée 1 : La compétition des nouvelles puissances anticolonialistes avec les anciennes puissances
coloniales, la guerre froide, la demande croissante d’hydrocarbures qui accompagne les 30 Glorieuses sont autant de
facteurs dont la conjonction constitue une opportunité sans précédent pour les jeunes États du Moyen-Orient. Et de
fait, la volonté des peuples et/ou des élites de la région d’être les principaux bénéficiaires de l’exploitation de leurs
richesses naturelles est au cœur des nationalismes qui s’expriment de façon exponentielle à partir de la seconde
guerre mondiale. Si Mossadegh échoue en 1952-53, son éviction ne met pas fin aux revendications nationalistes. Dès
1962, la « révolution blanche » opérée par le Shah pour moderniser l’Iran à l’occidentale, mais de façon autoritaire,
avec les soutien des EU et de la CIA, déclenche des résistances et révoltes des milieux traditionnalistes dirigés par
l’ayatollah Khomeiny. Arrêté, il exilé en 1963, en Irak, en Turquie, puis en France d’où il appellera à la révolution
islamique qui renversera le Shah et chassera les EU en 1979. Les anciennes puissances coloniales échouent à
empêcher la nationalisation du canal de Suez en 1956. Au début des années 1960, les 9 États arabes du Golfe dits
« États de la Trêve » (7 émirats aujourd’hui arabes unis + Qatar + Bahreïn) sous mandat britannique depuis 1892
découvrent leurs réserves de pétrole et accèdent à l’indépendance en 1971. En 1972, en Irak, l’alliance du parti Baas
dirigé par Saddam Hussein et de l’armée dirigée par le général al-Bakr, qui s’est emparée du pouvoir en 1963,
nationalise l’Iraq Petroleum Company britannique. Ce nationalisme résistant aux velléités des uns ou des autres,
réelles ou fantasmées, instrumentalisées, favorise la stabilité des clans au pouvoir, à l’image du clan el-Assad, qui s’
Impose en Syrie à partir de 1970,et se maintient autant grâce à l’aide de l’URSS, puis la Russie, que par l’opposition
conjointe aux EU et aux puissances soutenues par les EU.

Idée 2 : La révolution islamique et l’éviction brutale des EU marque néanmoins un tournant majeur
dans la géopolitique de la région. L’Iran devient pour les EU l’ennemi à abattre. Leur soutien aux puissances
concurrente favorise alors une concurrence hégémonique sans précédent. Soutien à l’Irak de Saddam Hussein qui en
1979 écarte le général al-Bakr et qu’ils poussent à la guerre contre l’Iran en 1980. Soutien accru à Israël et à
l’Arabie Saoudite qui deviennent les principales cibles de l’Iran dans la région. Cf renouvellement des accords du
Quincy en 2005. Soutien à l’Egypte d’Hosni Moubarak qu’ils portent au pouvoir en 1979 profitant du retrait de
l’URSS engluée dans sa guerre en Afghanistan (1979-1989). Soutien renforcé à la Turquie, toujours me membre de
l’OTAN. Cf déploiement de radars américains en Turquie pour contenir la menace de l’Iran en 2011.

Troisième idée : Une conjonction complexe de jeux de pouvoirs et d’enjeux géopolitiques et économiques qui fait
du Moyen-Orient un foyer de conflits à la fois multidimensionnels et multiscalaires, chroniques et contagieux
qui mobilisent et divisent faucons de tous les bords contre colombes de toutes les nationalités

Première sous idée : des conflits pour la terre et pour l’eau, conflits localisés qui contaminent l’échelle
régionale et l’échelle mondiale.

Idée 1 : le poison inguérissable du conflit arabo-israélo-palestinien en dépit des efforts de paix


répétés et des énergies engagées à toutes les échelles. 1896 : Le journaliste juif viennois Théodore Herzl, envoyé
à Paris pour couvrir l’affaire Dreyfus en 1894, publie l’Etat des juifs dans lequel il demande
l’établissement d’un foyer de peuplement en Palestine pour les protéger de la « catastrophe » à venir qu’il
entrevoit. 1909 : Les Juifs installés en Palestine sur des terres achetées aux Arabes par les organisations
sionistes fondent Tel Aviv, près de Jaffa, et le premier kibboutz de Degania. 1917 : Pour remercier les Juifs
de leur soutien à la guerre, le premier ministre Lord Balfour leur promet de les autoriser, après la guerre, à
créer un foyer national juif en Palestine (= déclaration Balfour)1918 : Le chérif Hussein et son fils Fayçal
acceptent la «Déclaration Balfour » sous réserve que les lieux saints restent sous domination arabe. 1922 :
confirmation par la SDN du mandat britannique sur la Palestine. 1929 : massacre des Juifs d’Hébron par la
population arabe. 1936-1939 : Grande révolte arabe en Palestine pour protester contre la massification de
l’immigration juive en Palestine. Répression brutale des Anglais, mais qui accèdent en 1939 à la principale
revendication des Palestiniens arabes : limiter l’immigration juive en Palestine. 1947 : Épopée de l’Exodus
organisée et instrumentalisée par la milice juive sioniste de Palestine, la Haganah, pour sensibiliser
l’opinion internationale au rêve sioniste d’une partie des Juifs rejetés et martyrisés en Europe durant la
SGM de pouvoir établir en Palestine un Etat juif. La campagne médiatique qui s’en suit, les soutiens
soviétique et américain pèsent lourd dans vote à l’ONU du partage de la Palestine la même année (55%
pour les Palestiniens juifs qui représentent 30% de la population et 45% pour les Palestiniens arabes
musulmans et chrétiens qui représentent 70% de la population). 1948 : proclamation de l’Etat d’Israël.
Début de la première guerre israélo-arabe dont les Israël sort vainqueur et agrandi (81% de la Palestine,
dont Jérusalem-ouest = conquête de la moitié des terres données aux arabes par le partage de 1947),
poussant vers l’exil près de 800 000 Palestiniens. 1964 : création de l’OLP par la Ligue arabe, à l’initiative
du président Nasser. 1966 : Israël déclare détenir l’arme nucléaire. 1967 : Guerre des Six-Jours. Israël
conquiert encore des territoires donnés aux Palestiniens en 1947 et entre temps accaparés par la Jordanie
et l’Egypte, et qui deviennent alors, malgré la condamnation de la résolution 242 de l’ONU, territoires
occupés : la partie Est de Jérusalem, la Cisjordanie, le plateau du Golan, réserve d’eau de la région, la
bande de Gaza et le désert du Sinaï.1969 : Yasser Arafat, chef d’un mouvement armé palestinien qui lance
des attaques contre Israël à partir de la Jordanie, prend la tête de l’OLP. 1970 : « Septembre Noir » : les
combattants palestiniens installés Jordanie et devenus incontrôlables sont chassés de Jordanie au mois de
septembre. Des extrémistes palestiniens décident de prendre le nom de « Septembre Noir » pour s’attaquer
autant à Israël qu’à la Jordanie. La plupart des Palestiniens se replient sur le Liban. 1973 : Guerre de
Kippour. Israël ne parvient à repousser l’Egypte et la Syrie que grâce aux EU. 1978 : accords de camp
David (EU) entre Israël et l’Egypte. Le président Jimmy Carter parraine à Camp David un traité de Paix
signé entre Anouar el-Sadate (successeur de Nasser) pour l’Egypte et Menahem Begin pour Israël.
L’Egypte reconnaît Israël qui se retire du Sinaï.1979 : Le président Sadate est assassiné en Egypte par sa
garde présidentielle. 1987 : Création du Hamas, mouvement palestinien islamiste. Déclenchement dans les
territoires occupés de la première « Intifada » ou « guerre des pierres ». L’armée israélienne se bat contre
des enfants palestiniens. 1989 : en visite à Paris, Yasser Arafat renonce au nom de l’OLP à la revendication
de la destruction d’Israël inscrite dans la charte de l’OLP de 1968. 1992 : les travaillistes ou « colombes »
reviennent au pouvoir en Israël et entament des négociations de paix avec les Palestiniens qui débouchent
en 1993 sur les accords de Washington dits d’Oslo. 1993 : accords de Washington dits d’Oslo I signés entre
Yasser Arafat et Itzak Rabin qui, sous le parrainage Du président américain Bill Clinton, se serrent la main
pour la première foi, symbole d’une reconnaissance mutuelle, et de l’acceptation par les Israéliens de la
création d’une autorité palestinienne sur la Cisjordanie et Gaza qu’ils s’engagent à évacuer. 1994 : c’est au
tour de la Jordanie de signer un accord de paix avec Israël.1995 : accords d’Oslo II confirment les
premiers, entraînant l’assassinat d’Itzak Rabin par un extrémiste israélien. Mais la paix tarde à venir et le
conflit s’enlise ouvrant la voie à la montée du radicalisme islamique. 1997 : relance par les Israéliens de la
colonisation des territoires occupés. 2000 : à la suite d’une provocation d’Ariel Sharon, éclate la deuxième
« Intifada » soutenue par la police palestinienne qui entraîne en 2001 le retour des faucons au pouvoir en
Israël, puis la montée de l’extrême droite. 2005 : Les Israéliens, comme promis à Oslo, évacuent les
territoires occupés. En Iran, le président Mahmoud Ahmadinejad, qui a fait partie des preneurs d’otage
iraniens de l’ambassade américaine en 1979, appelle à rayer Israël de la carte et relance le projet nucléaire
iranien. 2006 : les Israéliens commencent la construction de murs entre Israël et les territoires palestiniens.
2007 : victoire aux élections palestiniennes du mouvement radical « Hamas » dans la bande de Gaza.
2011 : Demande du président palestinien démocratiquement élu de l’adhésion de la Palestine reconnue
dans ses frontières de 1967 à l’ONU. Veto des EU. 2019 : transfert par l’administration Trump de
l’ambassade des EU de tel Aviv à Jérusalem.

Idée 2 : Le Liban, l’exemple d’un Etat déchiré et contaminé par des enjeux hégémoniques et des
conflictualités qui le dépassent. 1920 : création du Liban par les Français. 1925 : Révolte des Druzes, chi’ites,
contre l’occupation française. 1943 : Indépendance du Liban. 1946 : Indépendance de la Syrie et de la
Transjordanie. 1975 : Début de la guerre du Liban (1975-1980) causée par le conflit entre combattants
palestiniens repliés sur le Liban, milices pro-syriennes partisanes d’un rattachement à la Syrie et milices
chrétiennes attachées à l’indépendance du Liban. 1976 : les troupes syriennes occupent le Liban et
soutiennent les combattants palestiniens (les Fédayins) installés au Liban dans leur lutte contre Israël.
Massacres de palestiniens vivant dans le bidonville de la Quarantaine à Beyrouth par des milices
chrétiennes. 1978 : Pour protéger sa frontière, Israël occupe le Sud-Liban. L’ONU décide l’envoi d’une
Force Intérimaire des Nations Unies au Liban, la FINUL. 1982 : Déclenchement par Israël de l’opération
« Paix en Galilée » au Liban: les israéliens poussent jusqu’à Beyrouth pour en chasser les combattants de
l’OLP au Liban qui menace sa sécurité et s’allient aux milices chrétiennes. Exil de Yasser Arafat et des
cadres de l’OLP à Tunis. L’armée israélienne qui encercle les camps palestiniens de Sabra et Chatila, dans
Beyrouth-ouest, laissent les milices chrétiennes, deux jours après l’assassinat du président libanais chrétien,
Béchir Gemayel, pénétrer dans les camps pour en extraire les combattants palestiniens. L’expédition tourne
au massacre sans que les Israéliens n’interviennent pour l’interrompre. 1983, le Hezbollah libanais armé
par l’Iran fait des attentats contre les quartiers généraux français et américain à Beyrouth. 1989, Les
accords de Taëf mettent fin à la guerre civile libanaise et valident le contrôle de la Syrie sur le Liban. 2000 :
Israël évacue le Sud-Liban, laissant le Hezbollah chi’ite pro-iranien s’y installer. 2005 : assassinat par les
Syriens du premier ministre chrétien Rafic Hariri, obligeant les Syriens sous la pression internationale à
quitter le Liban. 2006 : reprise des combats au sud-Liban entre le Hezbollah chiite pro-iranien et l’armée
israélienne qui intervient à nouveau au Sud-Liban pour mettre fin aux tirs de roquettes du Hezbollah
libanais sur son territoire.

Deuxième sous idée : Les guerre du Golfe, des conflits d’échelle régionale et mondiale d’une complexité
géopolitique qui dépasse le seul enjeu de l’accès aux matières premières.

Idée 1 : La guerre Iran-Iraq ou première guerre du Golfe qui ne dit pas son nom. 1980 : Début de
la guerre Iran-Irak (1980-1988). Soutenu par les occidentaux inquiets de l’arrivée des islamistes au pouvoir
en Iran, Saddam Hussein revendique la souveraineté de l’Irak sur la Chatt al-Arab, région de perse peuplée
essentiellement d’Arabes et riche en pétrole. Cette guerre dure 8 ans, fait près d’un million de morts, met
l’Iraq et l’Iran à genoux. Mais l’Iraq ne parvient pas à vaincre l’Iran qui voit dans cette résistance une
victoire et un titre de gloire pour les gardiens de la révolution très engagés dans ce conflit.

Idée 2 : La première guerre du Golfe proprement dite. 1990 : Profitant d’un contentieux sur
l’exploitation d’une réserve commune de pétrole, Saddam Hussein, sûr de son armée et se croyant toujours
soutenu par les occidentaux (malgré la fin de la guerre froide), envahit le Koweït qu’il considère comme
terre irakienne, mais surtout riche de 20% des réserves mondiales de pétrole. L’Arabie Saoudite, qui dirige
le CCG, appelle alors les EU à intervenir pour rendre au Koweït sa souveraineté et ramener la paix dans la
région, en conformité avec ses engagements. L’ONU autorise une intervention multinationale. 1991 :
Intervention des EU et des occidentaux sous mandat de l’ONU sous le nom de code d’opération « tempête
du désert ». Près d’ un million d’hommes dont la moitié d’Américains débarquent dans le Golfe et
repoussent les Irakiens qui dans leur retraire enflamment les puits de pétrole koweïtiens. Les images de la
première guerre-spectacle en direct et du drame écologique font le tour du monde.

Idée 3 : La deuxième guerre du Golfe, une guerre contre le terrorisme qui cherche à finir la
première laissée inachevée, sans mandat de l’ONU, avec de lourdes conséquences annoncées par certains des
Alliés historiques des EU, dont la France, qui refusent d’y participer. 2003 : intervention des EU en Irak dans le
cadre de l’OTAN pour mettre fin au régime de Saddam Hussein qu’ils accusent d’être impliqués dans
l’organisation des attentats du 11 septembre 2001,, mais qui a pour effet pervers de réveiller les tensions
communautaires et de faire des chrétiens arabes d’Irak les cibles d’une série d’attentats à partir de 2004.
2005 : arrestation et début du jugement de Saddam Hussein, exécuté en 2006. Mais les EU ne parviennent
pas à pacifier la région et à éliminer tous les anciens de l’armée irakienne, aiguisant notamment
l’opposition des sunnites en survalorisant le poids des chiites dans la nouvelle administration de l’Irak
qu’ils soutiennent. La région Nord qui leur échappe déclenche alors une rébellion qui mobilise sur des
revendications islamistes de circonstances et permet de former à partir de 2011 un califat qu’une coalition
internationale mettra plus de 8 ans à éradiquer.

Troisième sous idée : Le terrorisme islamiste, l’essence d’un conflit multiscalaire et multidimensionnel par
excellence, alliant relents de croisade et résistance moins archaïsante qu’il n’y paraît à a mondialisation.

Idée 1 : La renaissance du « Djihad », une réponse récente à un conflit ancien entre présence
occidentale au Moyen-Orient et revendication identitaire. Le conflit date de l’apparition des frères musulmans en
opposition à la présence britannique dans la région dans l’entre-deux guerres. Leur éviction d’Egypte puis du
Proche-Orient par le nassérisme puis le baasisme les conduit à se replier sur l’Arabie saoudite waabite qui les
accueille, leur permettant d’élaborer une doctrine qui mélange pour la première fois à l’échelle du MO les voies
salafistes quiétistes et violentes à partir des années 1970. La présence massive des occidentaux au début des années
1990, la volonté de revanche de l’Irak, la montée en puissance de l’Iran et du chiisme soutenu par l’Iran, favorisent
une renaissance islamiste au début des années 1990. 1993 : Al-Qaïda, nébuleuse terroriste créée au début des années
1990 par Oussama Ben Laden organise un premier attentat contre le Word Trade Center. 1996 : Attentat d’Al-Qaïda,
à Dharan, contre les troupes américaines stationnées en Arabie saoudite 1998, Al-Qaïda organise des attentats
simultanés contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie. 2001, c’est l’attentat le plus meurtrier et le
plus spectaculaire contre le World Trade Center, qui fait près de 3000 mort et défigure l’île de Manhattan, à New
York. 2004 : Attentat d’Al-Qaîda à Madrid. 2005 : Attentat d’Al-Qaïda à Londres 2011 : L’élimination d’Oussama
Ben Laden coïncide avec le soulèvement de Daech dans le nord de l’Irak qui prend peu à peu la place d’Al-Qaida
dont la nouvelle nébuleuse mobilise les réseaux logistiques qui eux-mêmes s’étaient appuyés en Europe sur les
réseaux dormants des GIA des années 1980. 2012-2017 : La France et la Belgique sont touchées par plusieurs
attentats qui mettent en exergue l’importance des réseaux islamistes dans ces deux pays.

Idée 2 : la guerre contre le terrorisme. Dès 2001, G. W. Bush lance sa guerre contre le terrorisme en
attaquant l’Afghanistan. Un échec. En 2015, les Américains doivent quitter l’Afghanistan sans avoir réussi à éliminer
les talibans qui avaient soutenu Al-Qaida et s’étaient réfugiés dans les zones tribales à la frontière du Pakistan.
Depuis 2017, ils négocient avec eux un accord de gouvernement. 2011. Exécution d’Oussama Ben Laden, le leader
d’Al-Qaïda, au Pakistan, par les Américains. Les occidentaux soutiennent alors les printemps arabe en Egypte :
renversement du dictateur égyptien Hosni Moubarak et en Libye (renversement du dictateur libyen voisin Mouammar
Kadhafi), mais soutiennent l’Arabie saoudite qui étouffe un printemps arabe au Bahreïn. A partir de 2011, une
coalition internationale hétéroclite associant américains, russes, forces kurdes, turques et européens engage la lutte
contre le califat mis en place par Daech au nord de la Syrie et de l’Irak, réduit en 2019, mais sans pouvoir empêcher
la délocalisation du conflit à l’échelle mondiale.

Conclusion : De région qui attire les puissances du monde entier, le Moyen-Orient est devenue région qui diffuse
non seulement son pétrole, source d’énergie toujours indispensable au développement de l’économie-monde, mais
aussi ses conflits intestins à l’ensemble de l’échelle mondiale, avec un nouveau mode de guerre, asymétrique, le
terrorisme, qui n’a plus ni front ni frontière, même s’il ravage et détruit d’abord et surtout le Moyen-Orient et ses
populations, majoritairement musulmanes, qui représentent les 9/10° des victimes de cette guerre aveugle.

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