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UNIVERSITÉ DE HAUTE-ALSACE

FACULTÉ DES SCIENCES ECONOMIQUES, SOCIALES ET JURIDIQUES

HISTOIRE DU DROIT ET DES INSTITUTIONS

Année universitaire 2022-2023


Licence Droit 1ère année - 2e semestre

Cours dispensé par M. Thomas Boullu


Mail : boullu@unistra.fr
LA CONQUÊTE DU MONOPOLE DE LA LOI

À compter du règne de Saint-Louis entre


1226 et 1270, la monarchie conquiert le
monopole de la loi.

Le roi demeure un roi de justice mais tend à


étendre son autorité sur l’ensemble du
Royaume par la loi.

Il réussit également à mettre en œuvre la loi


en envoyant des agents sur les terres des
barons qui ne respectent pas ses décisions. Saint-Louis rendant la justice. Extrait de G. de Saint-
Pathus, Vie et miracles de Saint-Louis, ≈ 1330-1351
LES DÉCRÉTALES D’INNOCENT III

La conquête de la loi par le roi va être soutenue par des


ecclésiastiques. Ils sont romanistes, canonistes ou
théologiens et défendent le principe d’une autorité
royale supérieure.

Au début du XIIIe siècle, le Pape Innocent III adopte


deux décrétales qui confirment la souveraineté du roi.
En 1200, la décrétale Novit déclare que le roi détient la
« iurisdictio » et la « potestas ». En 1202, la décrétale Per
venerabilem confirme que le roi « ne se reconnaît pas de
supérieur au temporel ». Fresque d’Innocent III, Sanctuaire du Sacro
spectro (IT, Latium), ≈ 1219
LE SOUTIEN DES TECHNICIENS DU DROIT ET DE LA FOI

Les légistes sont des spécialistes du droit attachés au service du roi. Ils vont
justifier, par des arguments juridiques, la supériorité du roi et sa capacité à édicter
des normes générales.

Les théologiens vont reconnaître implicitement au roi le pouvoir d’édicter des


lois, à condition qu’elles ne heurtent pas Dieu ni les bonnes mœurs.

Les spécialistes de la coutume viennent également au soutien de la loi du roi.


Philippe de Beaumanoir considère que « le roi est souverain par dessus tout ».
L’IDENTIFICATION DU « BIEN COMMUN »

Peu à peu, l’idée que la loi est rattachée au « bien commun » se développe. Elle
transcende les intérêts publics pour servir les intérêts de tous. Cette dimension
justifie son caractère exorbitant.

Dans la seconde moitié du XIIIe siècle, Saint Thomas d’Aquin partage cette
approche. Il estime que toute loi « doit être ordonnée au bien commun ».

Le roi reprend cet argument d’autorité dans le contenu de la loi. La loi se


présente comme étant au service du « commun profit du royaume » .

Les romanistes insistent sur la nécessité de défendre le bien commun par la loi
royale. Blanot écrit au milieu du XIIIe siècle que « le roi a l’imperium sur tous les
hommes de son Royaume » afin d’assurer le bien commun.
DE LA LOI CONSENTIE À LA LOI IMPOSÉE

La loi sous les premiers capétiens se réalise avec l’assentiment des grands du
Royaume : elle relève d’un compromis. A partir de Saint-Louis puis de manière
plus marquée sous Louis VI et Louis VII, le roi revendique la faculté de l’édicter
d’autorité.

Dans un premier temps, les assemblées se maintiennent mais la loi devient


obligatoire « aussi bien à ceux qui ont juré qu’à ceux qui ne l’ont pas juré »
(Etablissement de Saint-Louis, 1223).

Peu à peu, le roi prend ses distances avec les Grands. Cette évolution est relatée
par le bailli Pierre de Fontaines qui affirme au milieu du XIIIe siècle que « les
mandements des Princes se font de leurs propres mouvements ».
DE LA LOI CONSENTIE À LA LOI IMPOSÉE

Au début du XIIIe siècle, le roi se présente comme l’unique législateur.


L’ordonnance de Philippe IV le Bel adoptée en 1303 précise que le roi crée le
droit « de sa certaine science et autorité et dans la plénitude de son pouvoir
royal ».

Au XIVe siècle, l’étude des ordonnances montre que le roi revendique cette
plénitude. Le contenu de la loi est justifiée, dans l’acte, par la formule « car telle
est notre volonté » ou encore « car ainsi nous plaist et volons que fait soi ».

Peu à peu, le roi prend ses distances avec les Grands. Cette évolution est relatée
par le bailli Pierre de Fontaines qui affirme au milieu du XIIIe siècle que les
mandements des Princes se font de leurs propres mouvements.
L’ESSOR DU DROIT ROYAL EN ANGLETERRE

L’Angleterre est un cas à part. L’autorité royale est rapidement acquise, dès le XIIe siècle. La
cour du roi est établie à Westminster et va créer du droit. Les writs jouent un rôle essentiel
dans le développement du droit royale.

Les writs sont des décisions individuelles adoptées par le Chancelier suite à la saisine de la
justice du roi par un particulier. Le writs renvoie l’étude de l’affaire au juge local mais en lui
indiquant comment trancher le litige. C’est un modus operandi. Le roi d’Angleterre construit le
droit royal à partir de ces décisions de justice et non à partir de la loi.

Au XIIIe siècle, les seigneurs contestent cette faculté créatrice du droit. Ils obtiennent dans
les statuts de Westminster de 1285 que le Chancelier ne puisse plus créer de nouveaux writs.
La cour du roi peut simplement répéter des solutions déjà énoncées dans d’anciens writs. Les
solution se répètent : la Common Law est davantage fixée à la règle du précédent.
LES PREMIÈRES LOIS IMPÉRIALES

Le Saint-Empire romain germanique est divisé en


duchés. La coutume constitue la principale source
du droit.

À compter de la fin du Xe siècle, l’Empereur


Othon III multiplie les actes de portée juridique. Il
s’agit d’actes individuels : la loi générale n’existe
pas.
Le diplôme de Conrad II adopté en 1037 sur la
succession des fiefs traduit un nouvel essor de la
loi. Adopté pour l’Italie, il est étendu au sein de
l’Empire. Son application dépasse les limites d’un
Duché.
LES LOIS DE FRÉDÉRIC IER BARBEROUSSE

Au milieu du XIIe siècle, l’Empereur Frédéric Barberousse


cherche à gouverner par les lois et bénéficie du soutien de
juristes romanistes et canonistes. En 1158, à Roncaglia au
sud de Milan, il adopte un édit de paix et la constitution
Habita visant à protéger les étudiants de Bologne.

Pourtant, l’Empereur peine à imposer sa loi. Comme en


France, la loi est le résultat d’une négociation. La loi est
prise dans le cadre d’une assemblée réunissant les grands
seigneurs : les « diètes ». Outre l’adoption de la loi, les
diètes permettent de désigner l’Empereur. La nature du
Saint-Empire romain germanique est contractuelle. Barberousse en habits de croisés in
Historia Hierosolymitana, ≈1188, Bib.
du Vatican.
LES LOIS DE FRÉDÉRIC II

Deux mouvements sont à distinguer dans l’étude de la législation édictée sous


Frédéric II

En 1220, la loi impériale reprend les canons sur les hérétiques issus du
Concile de Latran de 1215. La loi impériale laïque est une reformulation du
droit de l’Eglise.

En 1231, Frédéric II promulgue le Liber Augustalis également appelé


« Constitutions de Melfi » pour régir le Royaume de Sicile. Il s’agit d’un
recueil de lois préexistantes auxquelles s’ajoutent des règles nouvelles. Le
pape Grégoire IX s’oppose à cet acte de création. La loi impériale peine à
s’imposer.
LES PREMIÈRES LOIS DE LA PÉNINSULE
IBÉRIQUE

La péninsule ibérique est composée de


plusieurs royaumes chrétiens et de territoires
placés sous la domination de l’Empire arabe.
Les droits sont multiples ainsi que les
autorités politiques.

Le terme de fueros, qui désigne initialement les


sentences arbitrant des conflits de normes
féodales, définit progressivement le droit en
vigueur au sein d’un espace géographique.
On parle des fueros de Castille ou encore des
fueros d’Aragon.
La péninsule Ibérique au XIe siècle
LE DÉVELOPPEMENT DES CORTÈS

À compter du XIe siècle, la loi royale se développe au sein de ces royaumes.


Les premières manifestations se situent en Castille et dans le Léon au sein de la
curia du roi. Les curia deviennent progressivement des assemblées et prennent
le nom de cortès.

Les premières cortès adoptent des ordonnances de paix. C’est le cas de la Cortès
réunie à Oviedo en 1155 puis de la Cortès réunie par le roi de Léon et de
Galice en 1188. La paix et la guerre, comme en France et dans le Saint-
Empire romano germanique, sont les principaux objets de la loi.
LES LOIS DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE AU
XIIIE SIÈCLE

Au cours du XIIIe siècle, les juristes


soutiennent la capacité du roi de Léon et
Castille à édicter des lois générales. Raymond de
Peñafort affirme que le monarque peut édicter
des lois ainsi qu’il l’a toujours fait.

En Aragon, la doctrine soutient également


l’activité du monarque. En 1247, le roi Jaime Ier
adopte un code intitulé « Fueros d’Aragon ».

Dans ces deux royaumes, la loi reste toutefois le


produit d’un consensus avec les autres autorités
Adoption des Fueros d’Aragon, ≈XIIIe siècle in
politiques. Vidal de Canellas, Vidal Mayor.
LES LOIS DES ÉTATS DU PAPE

Dès le VIIIe siècle, les États du Pape


sont constitués au centre de l’Italie suite
à l’alliance établie entre les francs et la
papauté. Le Pape devient un souverain
temporel.

Au sein de cet espace territorial, la


papauté va adopter des lois qui se
distinguent des préceptes religieux. En
1357, le Cardinal Albornoz promulgue
les constitutions Égidiennes qui unifient
Carte établie par l’Institut européen en
le droit entre les différentes villes sciences des religions
italiennes.
LES ORDONNANCES DE RÉFORMATION

Les ordonnances de réformation visent à modifier profondément les institutions de la


monarchie. Leur étude montre les difficultés que rencontrent la loi et la royauté à compter du
XIVe siècle.

Les ordonnances de réformation sont répétées à de nombreuses reprises. D’un


règne à l’autre, cette répétition du droit montre la difficulté pour les monarques à
réformer le Royaume. L’ordonnance de 1303 est répétée une trentaine de fois.

Ces répétitions montrent également la faiblesse de la loi. La qualité de la loi n’est


plus la même : elle ne renvoie plus à un commandement du souverain suivi
d’exécution.
LES ORDONNANCES DE RÉFORMATION

Cette faiblesse de la loi au XIVe siècle s’explique de plusieurs manières :

Le contenu de la loi est mal acceptée. Le droit que produit le monarque devient
sévère et exigeant et fait l’objet de contestations. Certains seigneurs regrettent les
anciennes coutumes et s’opposent à l’affirmation du droit royal.

La loi devient à nouveau le produit d’un consensus avec d’autres autorités


politiques. Dans les importantes périodes de crise, comme sous le règne de
Charles VI dit Le Fol, la loi est parfois imposée au roi. L’ordonnance
cabochienne de 1413 est imposée au roi par les bourgeois et l’université de Paris.
LE CONSEIL DU ROI

L’influence exercée par des personnes


tierces sur la formation de la loi se confirme
dans le cadre des séances du conseil du roi.

Les membres du conseil du roi sont invités


par le roi à siéger. Le roi prend leurs conseils
afin de l’aider à gouverner le Royaume.

Au cours du XVe siècle, le conseil du roi


accroît son rôle sur la production du droit. Séance du Conseil du roi en 1314, in Les Rois maudits,
« Le roi de Fer », 1972. Disponible sur l’INA.
L’administration royale devient essentielle
dans l’adoption de la loi du roi.
LES ÉTATS-GÉNÉRAUX DE 1302

Suite à un conflit entre le pape Boniface


VIII et Philippe IV Le Bel, le roi de
France cherche à affirmer sa souveraineté

En 1302 à Paris, des bourgeois, des prélats


et des seigneurs sont réunis afin de se
prononcer sur ce conflit. C’est la première
tenue des états-généraux qui conduit les
trois ordres à se prononcer. Ils soutiennent
le roi de France. C’est une victoire
politique pour Philippe IV Le Bel.
J. Alaux, L’Assemblée des états-généraux le 10 avril
1302, XVIIIe siècle
LA PARTICIPATION DES ÉTATS-GÉNÉRAUX À LA
FABRIQUE DE LA LOI

Au XIVe siècle, les états-généraux se multiplient. Entre


1328 et 1350, le roi Philippe VI en convoque six. Sur
l’ensemble du XIVe siècle, on en dénombre vingt.

Au milieu du XIVe siècle, les états-généraux peuvent


être considérés comme des autorités concurrentes. La
loi semble redevenir un objet de négociation. Les
états-généraux réunis en 1357 visent à faire voter les
impôts qui permettront de payer la rançon du roi de
Robert Le Coq s’adressant aux officiers
France détenu en otage en Angleterre. En échange, de de France, in Grandes chroniques de France,
profondes réformes sont adoptées. ≈XVe siècle, BNF.
LA PARTICIPATION DES ÉTATS-GÉNÉRAUX À LA FABRIQUE DE LA LOI

L’incidence des états-généraux sur la production de la loi dépend du contexte


politique extérieur et intérieur. Les convocations se font plus rares sous Charles V
mais reprennent à un rythme soutenu dans le cadre du difficile règne de Charles VI
Le Fol entre 1380 et 1422.

Dans la seconde moitié du XVe siècle, le rôle des états-généraux est moins
important. Leurs revendications semblent peu écoutées à l’exception des
réformes adoptées en 1493 et en 1498 qui reprennent leurs doléances.

Dans la seconde moitié du XVIe siècle, les états-généraux exercent une


influence retrouvée sur la formation de la loi. Les guerres de religion
marquent durablement l’exercice du pouvoir politique. L’ordonnance
d’Orléans de 1561 répète les doléances formulées en 1560. Le Code Michaux
de 1629 est issu des revendications formulées en 1614.

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