Vous êtes sur la page 1sur 8

Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Chapitre 3
Matrice d’une application linéaire
Endomorphismes diagonalisables

Dans tout ce chapitre, 𝕂 désigne le corps ℝ ou le corps ℂ.

I. Applications linéaires et matrices

1. Matrice d’une application linéaire relativement à deux bases

Définition 1
Soit 𝐸 et 𝐹 deux 𝕂 -espaces vectoriels de dimensions finies non nulles 𝑛 et 𝑝.
Soit 𝐵 = (𝑒1 , . . . , 𝑒𝑛 ) une base de 𝐸 et 𝐵′ = (𝑒1′ , . . . , 𝑒𝑝′ ) une base de 𝐹. Soit 𝑓 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹).
La matrice de 𝒇 relativement aux bases 𝐵 et ′ , notée 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓), est la matrice de ℳ𝑝,𝑛 (𝕂) dont le
coefficient de la ligne 𝑖 et la colonne 𝑗, (𝑖, 𝑗) ∈ ⟦1, 𝑝⟧ × ⟦1, 𝑛⟧ est la 𝑖ème coordonnée du vecteur 𝑓(𝑒𝑗 )
dans la base 𝐵′ .

Exemple 1
On note 𝐵 = (𝑒1 , 𝑒2 , 𝑒3 ) et 𝐵 = (𝑒1′ , 𝑒2′ ) les bases canoniques respectives de ℝ3 et ℝ2 .
Soit 𝑓 l’élément de ℒ(ℝ3 , ℝ2 ) défini par 𝑓(𝑒1 ) = 2𝑒1′ − 𝑒2′ , 𝑓(𝑒2 ) = 𝑒2′ et 𝑓(𝑒3 ) = −𝑒1′ + 𝑒2′ .
2 0 −1
La matrice de 𝑓 relativement aux bases 𝐵 et 𝐵′ est : 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) = ( ). C’est un élément
−1 1 1
de ℳ2,3 (ℝ).

1.1 Ecriture matricielle d’une application linéaire


Proposition 1
Soient 𝐸 et 𝐹 deux 𝕂 -espaces vectoriels de dimensions finies non nulles 𝑛 et 𝑝.
Soient 𝐵 = (𝑒1 , . . . , 𝑒𝑛 ) une base de 𝐸 et 𝐵′ = (𝑒1′ , . . . , 𝑒𝑝′ ) une base de 𝐹.
Soit 𝑓 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹 ) puis 𝐴 = (𝑎𝑖𝑗 )1≤𝑖≤𝑝 la matrice de 𝑓 relativement aux bases 𝐵 et 𝐵′.
1≤𝑗≤𝑛
𝑥1
Soit 𝑥 = ∑𝑛𝑗=1 𝑥𝑗 𝑒𝑗
∈ 𝐸 puis (𝑥) = ∑𝑝𝑖=1 𝑦𝑖 𝑒𝑖′. Soient 𝑋
= ( ⋮ ) le vecteur colonne dont les
𝑥𝑛
𝑦1
composantes sont les coordonnées de 𝑥 dans la base 𝐵 et 𝑌 = ( ⋮ ) le vecteur colonne dont les
𝑦𝑝
composantes sont les coordonnées de 𝑦 = 𝑓(𝑥) dans la base 𝐵′. Alors 𝑌 = 𝐴𝑋.

Exemple 2
En reprenant l’exemple précédent : 𝑓 est l’élément de ℒ(ℝ3 , ℝ2 ) de matrice
2 0 −1
𝐴 =( ) relativement aux bases canoniques de ℝ3 et ℝ2 .
−1 1 1
𝑥
L’image par 𝑓 du triplet 𝑢 = (𝑥, 𝑦, 𝑧) est obtenu par le calcul matriciel suivant : en posant 𝑋 = 𝑦),
(
𝑧
𝑥
2 0 −1 (𝑦 ) ( 2𝑥 − 𝑧 )
𝐴𝑋 = ( ) = ou encore 𝑓 (𝑥, 𝑦, 𝑧) = (2𝑥 − 𝑧, −𝑥 + 𝑦 + 𝑧).
−1 1 1 −𝑥 + 𝑦 + 𝑧
𝑧

1.2 Isomorphisme entre 𝓜𝒑,𝒏 (𝕂) et 𝓛(𝑬, 𝑭)


Proposition 2 Soit 𝐸 et 𝐹 deux 𝕂 -espaces de dimensions finies non nulles. Soit 𝐵 une base de 𝐸 et
𝐵′ une base de 𝐹.
1. ∀𝑓, 𝑔 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹), 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓 + 𝑔) = 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) + 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑔).
2. ∀𝑓 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹), 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝜆𝑓) = 𝜆 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓).
3. ∀𝑓, 𝑔 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹), ∀𝜆, µ ∈ 𝕂 , 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝜆𝑓 + µ𝑔) = 𝜆𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) + µ 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑔)

1
Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Proposition 3
Soit 𝐸 et 𝐹 deux 𝕂 -espaces de dimensions finies non nulles notées respectivement 𝑛 et 𝑝. Soit 𝐵 une
base de 𝐸 et 𝐵′ une base de 𝐹.
L’application ℒ(𝐸, 𝐹 ) → ℳ𝑝,𝑛 (𝕂); 𝑓 ⟼ 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) est un isomorphime.

Remarque 1
1. Une conséquence de cette proposition est le fait qu’une application linéaire est uniquement
déterminée par la donnée de sa matrice relativement à deux bases.
2. L’isomorphisme de la proposition précédente n’est pas un isomorphisme canonique ou encore
n’est pas un isomorphisme privilégié parmi tous les isomorphismes car il dépend du choix de deux
bases. Si on prend deux autres bases, on obtient un nouvel isomorphisme qui a le même statut que
le premier isomorphisme fourni.

1.3 Matrice d’une composée. Interprétation du produit de deux matrices


Proposition 4
Soit 𝐸, 𝐹 et 𝐺 trois 𝕂 -espaces de dimensions finies non nulles notées respectivement 𝑛, 𝑝 et 𝑞. Soit
𝐵 une base de 𝐸, 𝐵′ une base de 𝐹 et 𝐵′′ une base de 𝐺.
Soit 𝑓 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹) et 𝑔 ∈ ℒ(𝐹, 𝐺). Alors, 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′′ (𝑔 ∘ 𝑓) = 𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵′′ (𝑔) × 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓).

Démonstration
Posons 𝐴 = 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓), 𝐵 = 𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵′′ (𝑔) et 𝐶 = 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′′ (𝑔 ∘ 𝑓). Soit 𝑥 ∈ 𝐸. Soient 𝑋, 𝑌 et 𝑍 les
vecteurs colonnes, éléments de ℳ𝑛,1 (𝕂), ℳ𝑝,1 (𝕂)et ℳ𝑞,1 (𝕂) respectivement, dont les
composantes sont les coordonnées de 𝑥, 𝑓(𝑥) et 𝑔(𝑓(𝑥)) dans les bases 𝐵, 𝐵 ′ et 𝐵′′ respectivement.
On a d’une part 𝑍 = 𝐶𝑋 et d’autre part 𝑍 = 𝐵𝑌 = 𝐵𝐴𝑋. Par suite, pour tout 𝑋 de ℳ𝑛,1 (𝕂), on a
𝐶𝑋 = 𝐵𝐴𝑋. On en déduit que 𝐶 = 𝐵𝐴.

Proposition 5
Soit 𝐸 un 𝕂 –espace de dimension finie non nulle 𝑛. Soit 𝐵 une base de 𝐸. Alors, 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝐼𝑑𝐸 ) = 𝐼𝑛 .

Démonstration
Posons 𝐵 = (𝑒1 , . . . , 𝑒𝑛 ). Pour 𝑗 ∈ ⟦1, 𝑛⟧, 𝐼𝑑𝐸 (𝑒𝑗 ) = 𝑒𝑗 = ∑𝑛𝑖=1 𝛿𝑖𝑗 𝑒𝑖.
Donc 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝐼𝑑𝐸 ) = (𝛿𝑖𝑗 )1≤𝑖,𝑗≤𝑛 = 𝐼𝑛.

Proposition 6
Soit 𝐸 et 𝐹 deux 𝕂 -espaces de même dimension non nulle 𝑛. Soit 𝐵 une base de 𝐸 et 𝐵′ une base de
𝐹. Soit 𝑓 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹).
Alors, 𝑓 est un isomorphisme si et seulement si 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) est inversible. Dans ce cas,
−1
𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵 ( 𝑓 −1 ) = (𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓)) .
Démonstration • Supposons 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) = 𝐴 inversible. Notons 𝑔 l’élément de ℒ(𝐹, 𝐸) de matrice
𝐴−1 relativement aux bases 𝐵′ et 𝐵.
𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑔 ∘ 𝑓) = 𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵 (𝑔) × 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) = 𝐴 −1 𝐴 = 𝐼𝑛, et donc 𝑔 ∘ 𝑓 = 𝐼𝑑𝐸.
De même, 𝑀𝑎𝑡𝐵′ (𝑓 ∘ 𝑔) = 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) × 𝑀𝑎𝑡𝐵′ ,𝐵 (𝑔) = 𝐴𝐴−1 = 𝐼𝑛, et donc 𝑓 ∘ 𝑔 = 𝐼𝑑𝐹 . On en
déduit que l’application linéaire 𝑓 est bijective et donc, est un isomorphisme de 𝐸 sur 𝐹.
• Supposons que 𝑓 soit un isomorphisme de 𝐸 sur 𝐹. Posons 𝐵 = 𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵 (𝑓 −1 ).
𝐵𝐴 = 𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵 (𝑓 −1 ) × 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) = 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑓 −1 ∘ 𝑓) = 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝐼𝑑𝐸) = 𝐼𝑛, et de même,
𝐴𝐵 = 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓) × 𝑀𝑎𝑡𝐵′ ,𝐵 (𝑓 −1 ) = 𝑀𝑎𝑡𝐵′ (𝑓 ∘ 𝑓 −1 ) = 𝑀𝑎𝑡𝐵′ (𝐼𝑑𝐹 ) = 𝐼𝑛 .
−1
On en déduit que la matrice 𝐴 est inversible et que 𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵 (𝑓 −1 ) = (𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵′ (𝑓)) .

2
Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Proposition 7
Soit 𝐴 ∈ ℳ𝑛(𝕂).
1) 𝐴 est inversible si et seulement si 𝐴 est inversible à droite si et seulement si 𝐴 est inversible à
gauche.
2) A est inversible si et seulement si 𝐾𝑒𝑟(𝐴) = {0} où 𝐾𝑒𝑟(𝐴) = {𝑋 ∈ ℳ𝑛,1 (𝕂)/ 𝐴𝑋 = 0}.
Démonstration
Soit 𝑓 l’endomorphisme de 𝕂𝑛 de matrice 𝐴 dans la base canonique de 𝕂𝑛 .
1) Si 𝐴 est inversible à gauche, il existe 𝐵 ∈ ℳ𝑛 (𝕂) telle que 𝐵𝐴 = 𝐼𝑛 . Soit 𝑔 l’endomorphisme de
𝕂𝑛 de matrice 𝐵 dans la base canonique de 𝕂𝑛 .
𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑔 ∘ 𝑓) = 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑔) × 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑓) = 𝐵𝐴 = 𝐼𝑛 et donc 𝑔 ∘ 𝑓 = 𝐼𝑑𝕂𝑛 .
Ainsi, 𝑓 est inversible à gauche et donc inversible car 𝑑𝑖𝑚 (𝕂𝑛 ) < +∞. D’où 𝐴 ∈ 𝐺𝐿𝑛 (𝕂).
2) Puisque 𝑑𝑖𝑚 (𝕂𝑛 ) < +∞, 𝐴 ∈ 𝐺𝐿𝑛 (𝕂) ⇔ 𝑓 ∈ 𝐺𝐿( 𝕂𝑛 ) ⇔ 𝐾𝑒𝑟(𝑓) = {0} ⇔ 𝐾𝑒𝑟(𝐴) = {0}

2. Changement de bases

2.1 Matrices de passage

Définition 2
Soit 𝐸 un 𝕂 –espace de dimension non nulle 𝑛 et soit 𝐵 et 𝐵′ deux bases de 𝐸.

La matrice de passage de la base B à la base B′, notée PBB , est la matrice de ℳn(𝕂) dont les
colonnes sont les coordonnées des vecteurs de B′, exprimés dans la base B.

Proposition 8 (Formule de changement de base)


Soit 𝐸 un 𝕂 –espace de dimension non nulle 𝑛 et soit 𝐵 et 𝐵′ deux bases de 𝐸. Soit 𝑃 la matrice de
passage de la base 𝐵 à la base 𝐵′.
Soit 𝑥 ∈ 𝐸. Soit 𝑋 (resp. 𝑋 ′) le vecteur colonne dont les composantes sont les coordonnées du
vecteur 𝑥 dans la base 𝐵 (resp. la base 𝐵′ ). Alors,
𝑋 = 𝑃𝑋′ .
Remarque 2
1. On doit noter que la formule 𝑋 = 𝑃𝑋′ exprime les anciennes coordonnées de 𝑥 (c’est-à-dire les
coordonnées de 𝑥 dans la base initiale 𝐵) en fonction des nouvelles coordonnées de 𝑥 (c’est-à-dire
les coordonnées de 𝑥 dans la nouvelle base 𝐵′).
′ −1
2. Pour toutes bases 𝐵 et 𝐵′ de 𝐸, (𝑃𝐵𝐵 ) = 𝑃𝐵𝐵′, autrement dit, la matrice de passage de 𝐵 et
𝐵′est inversible et son inverse est la matrice de passage de 𝐵′ à 𝐵. On a alors, 𝑋′ = 𝑃 −1 𝑋.

Exemple 3
Notons 𝐵 = (𝑒1 , 𝑒2 , 𝑒3 ) la base canonique de ℝ3 .
On considère la base 𝐵′ = (𝑢1 , 𝑢2 , 𝑢3 ) de ℝ3 où 𝑢1 = (2, 0, 0), 𝑢2 = (−1, 1, 0) et 𝑢3 = (3, 1, −1).
2 −1 3
La matrice de passage de la base 𝐵 = (𝑒1 , 𝑒2 , 𝑒3 ) à la base 𝐵′ = (𝑢1 , 𝑢2 ,𝑢3 ) est 𝑃 = (0 1 1)
0 0 −1
2.2 Changements de bases et applications linéaires
Proposition 9
Soit 𝐸 et 𝐹 deux 𝕂 -espaces de dimensions finies non nulles notées respe ctivement 𝑛 et 𝑝. Soit 𝐵 et
′ 𝐵′
𝐵’ deux bases de 𝐸 et 𝐵1 , 𝐵1′ deux bases de 𝐹. Soit 𝑃 = 𝑃𝐵𝐵 ∈ 𝐺𝐿𝑛 (𝕂) et 𝑄 = 𝑃𝐵11 ∈ 𝐺𝐿𝑝 (𝕂).
Soit 𝑓 ∈ ℒ(𝐸, 𝐹). Soit 𝐴 = 𝑀𝑎𝑡𝐵,𝐵1 (𝑓) ∈ ℳ𝑝,𝑛 (𝕂) et 𝐴′ = 𝑀𝑎𝑡𝐵′,𝐵1′ (𝑓) ∈ ℳ𝑝,𝑛 (𝕂). Alors,
𝐴′ = 𝑄 −1 𝐴𝑃.
Dans ce cas, on dit que les matrices 𝐴 et 𝐴’ sont équivalentes.

3
Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Démonstration
Soit 𝑥 ∈ 𝐸. Soit 𝑋 (resp. 𝑋′) le vecteur colonne dont les composantes sont les coordonnées de 𝑥 dans
𝐵 (resp. 𝐵′). Soit 𝑌 (resp. 𝑌′) le vecteur colonne dont les composantes sont les coordonnées de 𝑓(𝑥)
dans 𝐵1 (resp. 𝐵1′ ).
On a : 𝑄𝑌′ = 𝑌 = 𝐴𝑋 = 𝐴𝑃𝑋′ et donc 𝑌′ = 𝑄 −1 𝐴𝑃𝑋′.
D’autre part, 𝑌′ = 𝐴′𝑋′. Ainsi, ∀𝑋′ ∈ ℳ𝑛,1 (𝕂), 𝑄 −1 𝐴𝑃𝑋′ = 𝐴′𝑋′. D’où, 𝐴′ = 𝑄 −1 𝐴𝑃.

Un cas particulier très important est :

Proposition 10
Soit 𝐸 un 𝕂 –espace de dimension non nulle 𝑛 et soit 𝐵 et 𝐵′ deux bases de 𝐸.
Soit 𝑃 la matrice de passage de la base 𝐵 à la base 𝐵′.

Soit 𝑃 = 𝑃𝐵𝐵 ∈ 𝐺𝐿𝑛 (𝕂).
Soit 𝑓 ∈ ℒ(𝐸). Soit 𝐴 = 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑓) ∈ ℳ𝑛(𝕂) et 𝐴′ = 𝑀𝑎𝑡𝐵′ (𝑓) ∈ ℳ𝑛 (𝕂). Alors,
𝐴′ = 𝑃 −1 𝐴𝑃.
Dans ce cas, on dit que les matrices 𝐴 et 𝐴’ sont semblables.

Remarque 3
Si 𝐴 et 𝐵 sont deux matrices représentant un même endomorphisme 𝑓 dans deux bases distinctes,
alors il existe 𝑃 ∈ ℳ𝑛 (𝕂) inversible telle que 𝐵 = 𝑃 −1 𝐴𝑃. Alors 𝑑𝑒𝑡𝐵 = det (𝑃 −1 𝐴𝑃) = 𝑑𝑒𝑡𝐴.
Ainsi, on peut définir le déterminant de l’endomorphisme 𝑓, noté 𝑑𝑒𝑡𝑓. Il est indépendant du choix
de la base et il est égal au déterminant de la matrice de 𝑓 dans une base donnée.

II. Endomorphismes diagonalisables

Soient 𝐸 un 𝕂 –espace vectoriel de dimension finie non nulle et 𝑓 un endomorphisme de 𝐸.


Puisque la représentation matricielle de 𝑓 dépend du choix d’une base, la question est de savoir s’il
existe un choix judicieux d’une base qui rende la représentation matricielle de 𝑓 plus simple, par
exemple diagonale. Dans ce cas, cela revient à chercher une base 𝐵 = (𝑒1 , . . . , 𝑒𝑛 ) de 𝐸 où chaque
vecteur est colinéaire à son image par 𝑓 (∀𝑖 ∈ ⟦1, 𝑛⟧,∃𝜆𝑖 ∈ 𝕂, 𝑓 (𝑒𝑖 ) = 𝜆𝑖 𝑒𝑖 ).

Définition 3
On dit que 𝑓 est diagonalisable s’il existe une base de 𝐸 dans laquelle la matrice de 𝑓 est diagonale.

Les développements ultérieurs introduisent les outils théoriques qui permettent de procéder à la
diagonalisation d’un endomorphisme, lorsque cela est possible.

Dans tout ce qui suit, 𝐸 est un 𝕂 –espace de dimension finie non nulle 𝑛 et 𝑓 ∈ ℒ(𝐸 ).

3. Eléments propres

3.1 Eléments propres d’un endomorphisme

Définition 4
Un vecteur propre de 𝑓 est un vecteur 𝑢 non nul de 𝐸 tel qu'il existe 𝜆 ∈ 𝕂 tel que 𝑓(𝑢) = 𝜆𝑢.
Un tel nombre 𝜆 ∈ 𝕂 pour lequel il existe un vecteur 𝑢 non nul de 𝐸 tel que 𝑓(𝑢) = 𝜆𝑢 est appelé
une valeur propre de 𝑓 associée au vecteur propre 𝑢.

Remarque 4
Si 𝑢 est vecteur propre de 𝑓, alors, par linéarité de 𝑓, 𝛼𝑢 est vecteur propre de 𝑓 pour tout 𝛼 ≠ 0.

4
Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Définition 5
Si 𝜆 est une valeur propre de 𝑓 , on appelle sous-espace propre de 𝑓 associé à la valeur propre 𝜆, le
sous-espace vectoriel 𝑘𝑒𝑟(𝑓 − 𝜆𝐼𝑑𝐸 ), que l’on note 𝐸𝜆 (𝑓) ou plus simplement 𝐸𝜆 .
𝐸𝜆 (𝑓) = 𝑘𝑒𝑟 (𝑓 − 𝜆𝐼𝑑𝐸) = {𝑢 ∈ 𝐸, 𝑓(𝑢) = 𝜆𝑢}

Proposition 11 (Somme directe des sous-espaces propres)


Des sous-espaces propres 𝐸𝜆𝑖 (𝑓) associés à des valeurs propres 𝜆1 , … . , 𝜆𝑝 distinctes, sont toujours
en somme directe.

3.2. Eléments propres d’une matrice

Définition 6
Soit 𝐴 ∈ ℳ𝑛(𝕂).
1) On dit que 𝜆 est une valeur propre de 𝐴 s'il existe 𝑋 ∈ ℳ𝑛,1 (𝕂) non nul tel que 𝐴𝑋 = 𝜆𝑋. Alors 𝑋
est dit vecteur propre de la matrice 𝐴 associé à la valeur propre 𝜆.
2) On définit 𝐾𝑒𝑟 (𝐴 − 𝜆𝐼𝑛 ) = {𝑋 ∈ ℳ𝑛,1 (𝕂), 𝐴𝑋 = 𝜆𝑋} comme le sous-espace propre de 𝐴 associé
à la valeur propre 𝜆.

4. Polynôme caractéristique
Soit 𝜆 une valeur propre de 𝑓. L’endomorphisme 𝑓 − 𝜆𝐼𝑑𝐸 est alors non injectif puisqu’il existe
𝑢 ≠ 0 tel que 𝑓(𝑢) = 𝜆 𝑢. Comme on est en dimension finie, ceci est équivalent à sa non-bijectivité,
donc à ce que le déterminant de 𝑓 − 𝜆𝐼𝑑𝐸 soit nul.

Définition 7
Le déterminant de 𝑓 − 𝑋𝐼𝑑𝐸 est un polynôme de la variable 𝑋 de degré 𝑛 appelé polynôme
caractéristique de 𝑓 et noté 𝑃𝑓 (𝑋) .
𝑃𝑓 (𝑋) = 𝑑𝑒𝑡(𝑓 − 𝑋𝐼𝑑𝐸)
Remarque 5
Si 𝐴 = 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑓), où 𝐵 est une base de 𝐸, alors 𝑑𝑒𝑡(𝑓 − 𝑋𝐼𝑑𝐸 ) = 𝑑𝑒𝑡(𝐴 − 𝑋𝐼𝑛 ). On peut alors
définir le polynôme caractéristique de 𝐴, comme étant 𝑑𝑒𝑡(𝐴 − 𝑋𝐼𝑛 ).

Définition 8
On appelle polynôme caractéristique de 𝐴 ∈ ℳ𝑛 (𝕂), et on note 𝑃𝐴 (𝑋), le polynôme, de degré 𝑛 en
𝑋, 𝑑𝑒𝑡(𝐴 − 𝑋𝐼𝑛 ).
𝑃𝐴 (𝑋) = 𝑑𝑒𝑡(𝐴 − 𝑋𝐼𝑛 )

Proposition 12 (Polynôme caractéristique et valeur propre)


1) 𝑃𝐴 (𝑋) = (−1) 𝑛 𝑋𝑛 + (−1) 𝑛−1 𝑡𝑟(𝐴)𝑋𝑛−1 + · · · + 𝑑𝑒𝑡(𝐴).
En particulier, lorsque 𝑛 = 2, 𝑃𝐴 (𝑋) = 𝑋2 − 𝑡𝑟(𝐴)𝑋 + 𝑑𝑒𝑡(𝐴).
2) 𝜆 est une valeur propre de 𝐴 ⇔ 𝑑𝑒𝑡(𝐴 − 𝜆𝐼𝑛) = 0 ⇔ 𝜆 est une racine de 𝑃𝐴 (𝑋).

Définition 9
On dit qu’une valeur propre d’un endomorphisme 𝑓 (ou d’une matrice 𝐴 ∈ ℳ𝑛 (𝕂)) est de
multiplicité 𝛼 si elle est racine d’ordre 𝛼 du polynôme caractéristique de 𝑓 (ou du polynôme
caractéristique de 𝐴).

5
Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Définition 10
L’ensemble des valeurs propres d’un endomorphisme 𝑓 (ou d’une matrice 𝐴 ∈ ℳ𝑛 (𝕂)) est appelé le
spectre de 𝑓 (ou de 𝐴).

En pratique, on détermine les valeurs propres éventuelles d’un endomorphisme 𝑓 (ou d’une matrice
𝐴 ∈ ℳ𝑛 (𝕂)) en cherchant les racines de son polynôme caractéristique c’est-à-dire en résolvant
l’équation 𝑑𝑒𝑡(𝐴 − 𝑋𝐼𝑛 ) = 0.

Une fois les éventuelles valeurs propres trouvées, il reste à déterminer une base de 𝐸 constituée de
vecteurs propres associés aux valeurs propres déterminées. Mais cela n'est possible que sous
certaines conditions.

5. Diagonalisation

Proposition 13
Soit 𝜆 une valeur propre de 𝑓 de multiplicité 𝑘. Alors : 1 ≤ 𝑑𝑖𝑚𝐸𝜆 (𝑓) ≤ 𝑘.

Proposition 14 (CNS de diagonalisabilité)


L'endomorphisme 𝑓 est diagonalisable si et seulement si 𝐸 est somme directe de sous-espaces
propres de 𝑓.

Remarque 6
𝑖=𝑝
On a alors 𝐸 = ⊕𝑖=1 𝐸𝜆𝑖 , et donc il existe une base de E constituée de vecteurs propres de 𝑓 (une
telle base s'appelle une base de diagonalisation pour 𝑓).

Proposition 15 (CNS de diagonalisabilité)


L'endomorphisme 𝑓 est diagonalisable ssi les deux conditions suivantes sont satisfaites :
- Son polynôme caractéristique 𝑃𝑓 (𝑋) a toutes ses valeurs propres dans 𝕂 (on dit alors qu'il est
scindé sur 𝕂) ;
- Pour chaque valeur propre, la multiplicité est égale à la dimension du sous-espace propre associé.

Proposition 16 (CS de diagonalisabilité)


Si le polynôme caractéristique 𝑃𝑓 (𝑋) n'a que des racines simples toutes dans 𝕂 alors
l'endomorphisme 𝑓 est diagonalisable.

Définition 11 (Matrice diagonalisable)


La matrice 𝐴 est dite diagonalisable si elle est semblable à une matrice diagonale, c'est-à-dire s'il
existe une matrice inversible 𝑃 ∈ ℳ𝑛(𝕂) et une matrice diagonale 𝐷 ∈ ℳ𝑛(𝕂) telles que
𝐷 = 𝑃 −1 𝐴𝑃 ou encore 𝐴 = 𝑃𝐷𝑃 −1.

Proposition 17 (CNS de diagonalisabilité)


La matrice 𝐴 est diagonalisable ssi son polynôme caractéristique 𝑃𝐴 (𝑋) a toutes ses valeurs propres
dans 𝕂 et si la multiplicité de chaque valeur propre de 𝐴 est égale à la dimension du sous-espace
propre associé.
En particulier, si 𝑃𝐴 (𝑋) n'a que des racines simples toutes dans 𝕂 alors 𝐴 est diagonalisable.

6
Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Remarque 7
1) Lorsque 𝐴 est diagonalisable, les coefficients diagonaux de la matrice 𝐷 diagonale qui lui est
semblable sont exactement les valeurs propres de 𝐴 comptées avec leur multiplicité.

2) Si 𝐴 = 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑓), où 𝐵 est une base de 𝐸, alors 𝐴 et 𝑓 ont les mêmes valeurs propres, et 𝐴 est
diagonalisable ssi 𝑓 est diagonalisable.

3) Si 𝐴 = 𝑀𝑎𝑡𝐵 (𝑓) , et si 𝑃 est la matrice de passage de la base 𝐵 à la base de vecteurs propres 𝐵’,
alors la matrice 𝑃 est obtenue en mettant les coordonnées, dans la base 𝐵, des vecteurs propres de
𝐴, en colonnes (l’ordre des vecteurs propres dans la matrice de passage 𝑃 est celui des valeurs
propres dans la matrice diagonale 𝐷).

6. Applications de la diagonalisation

6.1. Calcul de puissances d’une matrice

Si 𝐴 est diagonalisable, il existe 𝑃 ∈ 𝐺𝐿𝑛 (𝕂) telle que 𝑃 −1 𝐴𝑃 = 𝐷 soit diagonale.


Alors 𝐴 = 𝑃𝐷𝑃 −1 et 𝐴𝑘 = 𝑃𝐷 𝑘 𝑃−1 , pour tout 𝑘 ∈ ℕ.
Si, de plus, la matrice 𝐴 est inversible alors 𝐷 est inversible et 𝐴−1 = 𝑃𝐷 −1 𝑃−1. La formule
précédente peut se généraliser alors à 𝑘 ∈ ℤ.

6.2. Résolution de systèmes linéaires de suites récurrentes

Illustrons cela par un exemple.


Considérons le système différentiel (𝑆) , d'inconnues les trois suites (𝑢𝑛 ), (𝑣𝑛 ) et (𝑤𝑛 ) définies par :
𝑢𝑛+1 = 2𝑢𝑛 + 4𝑤𝑛 𝑢0 = 1
{𝑣𝑛+1 = 3𝑢𝑛 − 4𝑣𝑛 + 12𝑤𝑛 , 𝑛 ∈ ℕ avec {𝑣0 = 0
𝑤𝑛+1 = 𝑢𝑛 − 2𝑣𝑛 + 5𝑤𝑛 𝑤0 = 0
𝑢𝑛 𝑢0 2 0 4
Posons 𝑋𝑛 = ( 𝑣𝑛 ), alors 𝑋0 = ( 𝑣0 ). Considérons 𝐴 = (3 −4 12) la matrice du système (𝑆).
𝑤𝑛 𝑤0 1 −2 5

Alors, le système s’écrit 𝑋𝑛+1 = 𝐴𝑋𝑛 , d’où, par récurrence, 𝑋𝑛+1 = 𝐴𝑛 𝑋0. On est ainsi ramené au
calcul de 𝐴𝑛 .

6.3. Résolution de systèmes différentiels

Considérons le système différentiel (𝑆) , d'inconnues les fonctions 𝑥1 ,𝑥 2 , … . , 𝑥 𝑛 de la variable 𝑡 ∈ ℝ,


suivant :
𝑥1 ′(𝑡) = 3𝑥1 (𝑡) + 𝑥 2(𝑡) + 𝑥 3 (𝑡) 𝑥1 ′(𝑡) = 𝑎11 𝑥1(𝑡) + ⋯ + 𝑎1𝑛 𝑥 𝑛 (𝑡)

{𝑥2 (𝑡) = 𝑥1 (𝑡) + 3𝑥 2(𝑡) + 𝑥 3 (𝑡) { ⋮
′ 𝑥 ′(𝑡) = 𝑎 𝑥 (𝑡) … + 𝑎 𝑥 (𝑡)
( ) ( ) ( )
𝑥3 𝑡 = 𝑥1 𝑡 + 𝑥 2 𝑡 + 3𝑥 3 𝑡 ( ) 𝑛 𝑛1 1 𝑛𝑛 𝑛

𝑥1 (𝑡) 𝑎11 … 𝑎1𝑛


Posons 𝑋(𝑡) = ( ⋮ ). Considérons 𝐴 = ( ⋮ ⋮ ⋮ ) la matrice du système (𝑆).
𝑥 𝑛(𝑡) 𝑎 𝑛1 … 𝑎 𝑛𝑝

7
Département d’informatique Prépa-A1 Algèbre II

Alors, le système s’écrit 𝑋′(𝑡) = 𝐴𝑋(𝑡) .


Il s'agit d'une équation différentielle matricielle linéaire du 1er ordre à coefficient matriciel constant.

La forme diagonalisée 𝐴 = 𝑃𝐷𝑃 −1 permet, grâce à un changement de fonctions inconnues d’obtenir


un système différentiel diagonal facile à résoudre. En effet, en posant 𝑌 (𝑡) = 𝑃 −1 𝑋(𝑡), on a :
𝑋′(𝑡) = 𝐴𝑋(𝑡) ⇔ 𝑋′(𝑡) = 𝑃𝐷𝑃 −1 𝑋(𝑡) ⇔ 𝑌′ (𝑡) = 𝐷𝑌(𝑡).

𝑦1 (𝑡)
Ainsi, en considérant que 𝑌(𝑡) = ( ⋮ ), le système (𝑆) est équivalent à :
𝑦𝑛 (𝑡)
𝑦1 ′ (𝑡) = 𝜆1 𝑦1 (𝑡)
{ ⋮
𝑦𝑛 ′ (𝑡) = 𝜆𝑛 𝑦𝑛 (𝑡)
Où les 𝜆𝑖 sont les valeurs propres de la matrice 𝐴.
𝑦1 (𝑡) = 𝛼1 𝑒 𝜆1 𝑡
Les solutions de (𝑆)sont donc : { ⋮
𝑦𝑛 (𝑡) = 𝛼𝑛 𝑒 𝜆𝑛 𝑡

Enfin, 𝑋(𝑡) = 𝑃𝑌(𝑡) = 𝛼1 𝑒 𝜆1 𝑡 𝐿1 + ⋯ + 𝛼𝑛 𝑒 𝜆𝑛 𝑡 𝐿𝑛 où les 𝐿𝑖 représentent les vecteurs lignes de la


matrice 𝑃.

Si, de plus, on fixe la condition initiale 𝑋(0) = 𝑋0 , la solution existe et est unique

Vous aimerez peut-être aussi