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La rédaction de la sentence arbitrale

23 juillet 2019
Yann Schneller
SOMMAIRE :

1. Définition
2. Les différents types de sentences
3. La structure et le contenu de la sentence
4. L’opinion dissidente
5. Le contrôle de la sentence par l’institution arbitrale

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Définition

Quel est l’enjeu de la qualification ?

Seule la sentence :

- a autorité de chose jugée ;

- peut faire l’objet d’une exécution forcée ;

- peut faire l’objet d’un recours en annulation.

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Définition

Le droit français de l’arbitrage comme l’Acte Uniforme ne


définissent pas la sentence arbitrale.

En droit français de l’arbitrage, la qualification de sentence


arbitrale ne dépend pas des termes retenus par le tribunal
arbitral ou les parties.

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Définition

En droit français de l’arbitrage, constituent des sentences toutes


:

« Les décisions des arbitres qui tranchent, de manière


définitive, en tout ou partie, le litige qui leur a été soumis, que
ce soit sur le fond, sur la compétence ou sur un moyen de
procédure qui les conduit à mettre fin à l’instance. » (Civ. 1re,
12 oct. 2011)

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SOMMAIRE :

1. Définition
2. Les différents types de sentences
3. La structure et le contenu de la sentence
4. L’opinion dissidente
5. Le contrôle de la sentence par l’institution arbitrale

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Les différents types de sentences

 Sentence finale.

 Sentence partielle, intérimaire ou interlocutoire.

 Sentence provisoire.

 Sentence rendue par défaut.

 Sentence d’accord-parties (article 20 du règlement CCJA).

 Addendum à la sentence: sentence additionnelle ou


rectificative (26 CCJA)

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SOMMAIRE :

1. Définition
2. Les différents types de sentences
3. La structure et le contenu de la sentence
4. L’opinion dissidente
5. Le contrôle de la sentence par l’institution arbitrale

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Structure et contenu de la sentence

Les règlements d’arbitrage ne donnent que peu d’indications sur la


structure et le contenu de la sentence.

La sentence :
- doit contenir certaines mentions obligatoires (22.1 CCJA) ;
- doit être motivée (22.1 CCJA) ;
- statue sur les frais (24.1 CCJA).

Les arbitres ont donc, en principe, une grande liberté dans la


présentation de leur sentence.

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Structure et contenu de la sentence

En pratique, la plupart des sentences sont rédigées sur une structure


commune qui comprend :

1. Le cadre procédural de l’arbitrage


2. La description de la procédure
3. L’exposé des faits
4. Les positions des parties
5. La décision du tribunal
6. Les frais et honoraires
7. Le dispositif

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1. Le cadre procédural de l’arbitrage

Objectif : l’utilité de cette section est de rappeler la compétence des


arbitres, leur mission et le cadre procédural de l’arbitrage.

Contenu de cette section :


- Noms et adresses des parties et de leurs représentants ou
conseils
- Nom des arbitres et constitution du tribunal arbitral ;
- La convention d’arbitrage et le cadre de l’arbitrage : siège,
langue, délai et extensions ;
- La loi applicable à la procédure et la loi applicable au fond.
Conseils de rédaction : il est possible de reproduire le procès-verbal de
cadrage ou l’acte de mission sur ces questions. C’est le point de départ
de la sentence.

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2. La description de la procédure

Objectif : l’utilité principale est de permettre à l’institution et aux


juridictions statuant sur la validité de la sentence et son exécution
d’exercer leur contrôle.

Contenu de cette section :


- La description de la procédure doit être chronologique ;
- Elle décrit, notamment, l’acte de mission, le calendrier, les
mémoires des parties, les ordonnances et sentences partielles
du tribunal, les audiences, la clôture des débats ;
- Elle ne comprend pas de description des délibérations (dates de
réunion du tribunal, échanges écrits entre les arbitres, etc.).
Conseils de rédaction : il est conseillé d’établir le résumé de la
procédure au fur et à mesure que la procédure progresse.

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3. L’exposé des faits

Objectif : l’utilité de cette partie est de présenter les faits utiles à la


compréhension de la sentence. Il faut donc sélectionner les faits
pertinents.

Contenu de cette section :


- En principe, la présentation des faits est chronologique ;
- Il faut éviter de mélanger les faits et les arguments.
Conseils de rédaction : la rédaction de cette section ne présente pas de
difficulté particulière. On peut généralement utiliser, en les adaptant, les
présentations des faits réalisées par les parties dans leurs mémoires.

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4. La position des parties (1/2)

Objectif : situer le débat que le tribunal devra trancher et poser les


questions auxquelles il devra répondre.

Contenu de cette section :


- De préférence, diviser la présentation par demandes : pour
chaque demande, faire suivre la présentation de la position des
parties de la décision du tribunal ;
- La sentence doit traiter tous les points en litige. Faire une
présentation exhaustive des positions exprimées dans les
mémoires pour montrer aux parties que leurs arguments ont tous
été pris en compte par le tribunal ;

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4. La position des parties (2/2)

Contenu de cette section (suite) :


- Reformuler et synthétiser les arguments pour montrer aux parties
que leurs arguments ont bien été compris par le tribunal ;
- Indiquer s’il y a des demandes nouvelles ou abandonnées.
Conseils de rédaction : éviter le copié-collé des mémoires des parties,
trop long, souvent disproportionné et qui donne l’impression que le
tribunal a choisi la facilité. Cela peut toutefois être utile comme premier
document de travail avant d’élaborer une synthèse.

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5. La décision du tribunal (1/3)

Objectif : le principe général est que la sentence doit fournir aux parties
toutes les informations nécessaires pour comprendre les motifs de la
décision. L’objectif est que la partie perdante accepte la décision ou à
tout le moins, qu’elle l’a comprenne. C’est la partie la plus délicate de la
rédaction de la sentence. Les arbitres doivent y apporter un soin
particulier. Il va de soi que la rédaction doit être aussi claire et logique
que possible.

Contenu de cette section :


- Les développements juridiques doivent exprimer toutes les
étapes du raisonnement (syllogisme juridique) ;
- Les développements factuels doivent exprimer l’appréciation du
tribunal sur la force probante des éléments qui lui sont soumis
(valeur des documents, des témoignages) ;
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5. La décision du tribunal (2/3)

Contenu de cette section (suite) :


- La concision du style judiciaire français n’est pas de rigueur
(influence du style anglo-saxon). Il est d’usage d’expliquer assez
complètement le cheminement intellectuel qui a conduit le
tribunal à sa décision ;
- Éviter de motiver la décision par simple référence aux positions
des parties. Par exemple : « au vu des positions exprimées par
les parties visées ci-dessus, le tribunal décide… » ;
- Il faut s’en tenir uniquement aux questions en litige. S’abstenir de
digressions sur une question de droit non nécessaire à la
solution du litige (obiter dictum). La sentence n’a pas vocation à
faire jurisprudence (à la différence de certaines sentences
CIRDI).

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5. La décision du tribunal (3/3)

Conseils de rédaction : le style doit être impersonnel et mesuré.


Éviter toute accusation excessive. Éviter de critiquer le travail
des conseils sauf si cela a une influence sur la décision
(notamment en matière de coûts). Penser que la sentence doit
être acceptée par la partie perdante.

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6. Les frais et honoraires (1/2)

Objectif : en raison du coût élevé de l’arbitrage, c’est une section


importante qui doit faire l’objet de développements spécifiques.

Contenu de cette section :


- Les frais administratifs et les honoraires et frais des arbitres sont
fixés par la Cour. Ils sont notifiés aux arbitres par cette dernière ;
- La sentence doit statuer sur la répartition des frais et honoraires
d’arbitrage entre les parties ;
Conseils de rédaction : il est conseillé d’établir le résumé de la
procédure au fur et à mesure que la procédure progresse.

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6. Les frais et honoraires (2/2)

Contenu de cette section (suite) :


- La sentence doit également statuer sur la répartition des coûts
supportés par les parties dans le cadre de l’arbitrage (honoraires
des conseils et des experts, frais de sténotypie, de salles
d’audience, de déplacements …) ;
- Les motifs de cette répartition doivent être expliqués en détail
- Conseils de rédaction : il est conseillé de faire des
développements séparés sur les frais d’arbitrage et sur les frais
supportés directement par les parties (conseils et autres), car la
logique n’est pas la même pour ces deux catégories de frais.

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7. Le dispositif (1/2)

Objectif : le dispositif est indispensable pour permettre l’exécution de la


sentence. Il doit contenir ce qui est nécessaire pour permettre aux
parties, ou le cas échéant au juge chargé des voies d’exécution ou à
l’huissier, de procéder à son exécution.

Contenu du dispositif :
- Le dispositif doit être énoncé clairement pour permettre son
exécution par une juridiction ;
- Les différents points du dispositif sont généralement précédés
des termes « déclare, ordonne, condamne » ;
- Le dispositif doit statuer sur toutes les demandes des parties et
seulement sur les demandes des parties ;

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7. Le dispositif (2/2)

Contenu du dispositif (suite) :


- Indiquer que toutes les autres demandes des parties sont
rejetées ;
- Le dispositif est suivi de l’indication du lieu de l’arbitrage (et non
du lieu où la sentence a été signée), de la date et de la signature
de chacun des arbitres.
Conseils de rédaction : éviter les dispositifs trop longs qui reprennent
certaines constatations de fait ou de droit qui se trouvent dans les
motifs de la sentence.

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Le contrôle final du projet de sentence (1/2)

Objectif : Une fois le projet de sentence rédigé, il faut procéder à un


contrôle final pour repérer les incohérences, les erreurs ou les
omissions :
- Reprendre la « check-list » et vérifier que tous les points sont
traités ;
- vérifier le sommaire, les titres, la numérotation des paragraphes ;
- vérifier que la sentence se suffit à elle-même. Elle doit faire
référence aux pièces du dossier conformément à la numérotation
adoptée par les parties (ne pas prévoir d’annexes ou renvoyer à
d’autres documents) ;
- vérifier la cohérence des motifs, s’assurer qu’il n’y a pas
d’ambiguïtés dans la rédaction ;

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Le contrôle final du projet de sentence (2/2)

Contrôle final (suite) :

- Vérifier tout particulièrement l’exactitude des calculs (préjudice,


intérêts) ;

- Vérifier que tous les points sont traités dans le dispositif ;

- S’assurer que la sentence pourra être exécutée.

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SOMMAIRE :

1. Définition
2. Les différents types de sentences
3. La structure et le contenu de la sentence
4. L’opinion dissidente
5. Le contrôle de la sentence par l’institution arbitrale

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L’ opinion dissidente

L’opinion dissidente est issue d’une pratique des juges américains et


anglais. Mais dans l’arbitrage, les arbitres sont nommés par les parties.

Les opinions dissidentes sont expressément prévues dans l’arbitrage


CCJA (article 22.4).

Dans l’arbitrage CCI, l’opinion dissidente est généralement transmise à


la Cour et aux parties, mais elle ne fait pas partie de la sentence.

Dans l’arbitrage CCJA, l’opinion dissidente est jointe à la sentence.

Dans les deux cas, l’opinion dissidente n’est pas soumise à l’examen
préalable de l’institution.

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Les opinions dissidentes

Les opinions dissidentes soulèvent des difficultés procédurales : elles


vont à l’encontre de la confidentialité des délibérations, voire de la
collégialité.

En pratique, elles sont souvent utilisées par un arbitre pour montrer


qu’il a rempli son rôle à l’égard de la partie qui l’a nommé.

Elles peuvent être employées pour révéler des éléments permettant


d’attaquer la validité de la sentence.

Il est préférable de ne pas intégrer les opinions dissidentes dans la


sentence elle-même car cela nuit à la cohérence et à la solidité des
motifs.

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SOMMAIRE :

1. Définition
2. Les différents types de sentences
3. La structure et le contenu de la sentence
4. L’opinion dissidente
5. Le contrôle de la sentence par l’institution arbitrale

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L’examen du projet de sentence par l’institution

La CCJA-OHADA prévoit un examen préalable de la sentence par


l’institution arbitrale (article 23 CCJA).

L’examen préalable vise à assurer la qualité de la sentence et son


efficacité d’un point de vue juridique.

L’examen préalable est applicable aux projets de sentences sur la


compétence, de sentences partielles qui mettent un terme à certaines
prétentions des parties et de sentences définitives.

Dans l’arbitrage CCJA, la sentence d’accord parties n’est pas soumise


à examen préalable.

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La rédaction de la sentence arbitrale
23 juillet 2019
Yann Schneller

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