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Entreprendre maintenant ou plus tard ?

Profils d’engagement des étudiants-entrepreneurs issus du PÉPITE


Laëtitia Gabay-Mariani, Jean-Pierre Boissin
Dans Entreprendre & Innover 2019/3 (n° 42-43), pages 119 à 131
Éditions De Boeck Supérieur
ISSN 2034-7634
ISBN 9782807392748
DOI 10.3917/entin.042.0119
© De Boeck Supérieur | Téléchargé le 15/08/2023 sur www.cairn.info (IP: 154.126.9.192)

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Entreprendre maintenant
ou plus tard ?
Profils d’engagement
des étudiants-entrepreneurs issus
du PÉPITE
Starting a business now or later?
The commitment profiles of student
entrepreneurs from PÉPITE
> Laëtitia Gabay-Mariani
> Jean-Pierre Boissin
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Résumé

Face à la nécessité d’individualiser les pratiques d’accompagnement à la création d’entreprise, être en


mesure de caractériser des profils d’entrepreneurs est devenu aujourd’hui fondamental pour les acteurs
de l’écosystème entrepreneurial. Dans la continuité des efforts destinés à mieux comprendre les étudiants-
entrepreneurs, notre recherche questionne les profils d’engagement les plus à même de favoriser un inves-
tissement personnel dans leur projet. Une enquête a été réalisée en juillet 2018 auprès de 139 individus
détenteurs du statut national étudiant-entrepreneur (SNEE). Elle vise à comprendre quelles logiques d’enga-
gement découlent respectivement d’une intention d’entreprendre à l’issue de ses études ou à plus long
terme dans sa carrière professionnelle, et si elle mène à l’investissement personnel effectif du porteur dans
son projet. Ces profils d’engagement ont été établis à partir du modèle d’Allen et Meyer, qui différencie l’en-
gagement affectif, normatif et calculé. Les résultats mettent en valeur les logiques d’engagement favorisant
l’investissement de l’étudiant-entrepreneur dans la création d’entreprise. Leur identification peut permettre
aux professionnels de l’accompagnement d’adapter leur offre à la diversité des trajectoires, mais également
de prévenir les risques liés à un engagement déséquilibré.

Entreprendre & Innover / 119


Mythes et réalités de l’éducation entrepreneuriale
Entreprendre maintenant ou plus tard ?

Abstract

Faced with the need to individualize support practices for business creation, being able to characterize entre-
preneur profiles has become crucial for professionals in the entrepreneurial ecosystem. In line with the
emerging efforts aiming to better understand student entrepreneurs, our research examines which com-
mitment profiles are the most likely to foster personal investment in their project. We conducted a survey
of individuals with the French national student entrepreneur status (statut national étudiant-entrepreneur;
SNEE). We sought to determine which commitment logics stem from intentions to start a business in the
short term or in the long term, respectively, and if they could explain the student entrepreneurs’ investment
of resources in their projects. Our results highlight different commitment profiles among student entrepre-
neurs, the identification of which might enable practitioners to adapt the support they provide to the diver-
sity of entrepreneurial paths, and also to be aware of their respective risks at the individual level.

Les points forts


• Deux profils d’étudiant-entrepreneurs coexistent : ceux qui se situent dans
une perspective de création immédiate et ceux qui s’y projettent à plus long
terme dans leur carrière professionnelle. Les premiers sont les plus à même
de s’investir personnellement dans leur projet entrepreneurial.
• Deux logiques d’engagement s’observent : alors qu’une perspective de
création post-étude favorise un type d’engagement calculé, la perspective
de création à plus long terme induit une logique d’engagement affective,
sur un mode plus aspirationnel. Les étudiants-entrepreneurs les plus investis
personnellement dans leur projet sont ceux qui combinent les deux.
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• L’accompagnement des étudiants-entrepreneurs gagne à prendre en compte
ces différentes logiques et les risques qui peuvent leur être associés : un sous-
investissement chez ceux qui ne se projettent finalement pas à long terme,
versus un surinvestissement chez ceux qui n’imaginent plus revenir en arrière.

D epuis une dizaine d’années, l’entre-


preneuriat étudiant s’est progressive-
ment hissé au rang de priorité nationale
Pour l’Innovation, le Transfert et l’Entre-
preneuriat), décidé en 2014 suite aux
Assises de l’Entrepreneuriat, a constitué
en France, parallèlement à une augmen-
tation exponentielle du nombre de dispo- pour le monde engagé à développer l’entrepreneuriat
sitifs de formation et d’accompagnement dans l’enseignement supérieur (enseignants-chercheurs
en entrepreneuriat, entrepreneurs dans leur diversité,
à l’entrepreneuriat. Parmi ces efforts des- structures d’accompagnement et de financement de
tinés à susciter et soutenir la création étu- la création d’entreprise). Plus d’informations peuvent
être trouvées sur le site du Ministère de l’Enseigne-
diante française, le PÉPITE 1 (Plan Étudiant ment supérieur, de la Recherche et de l’Innovation :
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/
1 Les mesures annoncées en novembre 2013 dans le cid79223/pepite-poles- etudiants-pour-l-innovation-le-
cadre du PÉPITE constituent des avancées importantes transfert-et-l-entrepreneuriat.html

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Laëtitia Gabay-Mariani, Jean-Pierre Boissin

l’une des mesures phares du Ministère mêmes logiques d’engagement, que ce


de l’Enseignement Supérieur, de la soit vis-à-vis de leur projet ou de l’entre-
Recherche et de l’Innovation (MESRI). preneuriat comme choix de carrière.
Cinq ans plus tard, il est possible de En découlerait donc un investissement
mettre en perspective les objectifs origi- contrasté du porteur dans son projet.
naux de la politique publique – favoriser Pour le déterminer, une enquête quanti-
la création d’entreprise chez les jeunes de tative a été réalisée en juillet 2018 auprès
l’enseignement supérieur et diffuser une de 139 individus détenteurs du statut
culture entrepreneuriale au sein de cette national étudiant-entrepreneur (SNEE).
population – avec son impact réel auprès Elle vise à comprendre quelles logiques
de plus de 13 000 entrepreneurs nais- d’engagement découlent respectivement
sants dotés du statut national étudiant- d’une intention d’entreprendre à l’issue
entrepreneur. En ce sens, la recherche de ses études ou, à plus long terme,
semble avoir un rôle à jouer pour mieux dans sa carrière professionnelle, et si
comprendre à quoi et surtout à qui sert elle mène à l’investissement personnel
ce type de programme de formation et effectif du porteur dans son projet. Ces
d’accompagnement. Celle-ci s’est d’ail- profils d’engagement ont été établis à
leurs emparée de ce qui pouvait encore, partir du modèle d’Allen et Meyer, qui
il y a quelques années, être qualifié de différencie l’engagement affectif, norma-
« phénomène émergent » 2, 3, à travers un tif et calculé. Les résultats démontrent
nombre croissant d’études consacrées des formes d’engagement et d’investis-
aux pratiques pédagogiques et d’accom- sement effectif différenciées selon la por-
pagnement adaptées à cette catégorie tée de l’intention entrepreneuriale des
d’entrepreneurs naissants. étudiants-entrepreneurs. En cela, notre
étude s’efforce d’éclairer davantage la
De l’intention à l’action, question du passage de l’intention au
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un passage problématique ? comportement entrepreneurial, cruciale
dans l’accompagnement de l’étudiant-
Dans la continuité des efforts destinés à entrepreneur. Parmi tous ceux qui s’y
mieux comprendre les étudiants-entre- essaient, lesquels iront jusqu’au bout de
preneurs, notre enquête questionne les l’aventure ? Et surtout, à quel point s’in-
modalités du passage de l’intention à vestiront-ils dans leur projet ?
l’action entrepreneuriale de cette popula-
tion, notamment ce qui les conduit vers De l’intention
la création d’entreprise. Si l’essentiel de à l’engagement
ces étudiants conduisent effectivement
un projet entrepreneurial, il n’est pas
des étudiants-entrepreneurs
certain qu’ils s’inscrivent tous dans les Qu’est-ce qui motive l’investissement d’un
individu dans un projet de création d’en-
2  En 2015, J-P Boissin fondait Pépite France avec la FNEGE treprise ? Depuis la fin des années 1980,
afin de fédérer et structurer les bonnes pratiques autour cette question est au cœur d’un courant
d’un réseau national d’étudiants-entrepreneurs avec une
chaire de recherche sur l’impact du dispositif. prolifique de recherche dans la littérature
3 Mars, M.M., Slaughter, S. & Rhoades, G. 2008, ‘The entrepreneuriale, s’articulant autour des
State-Sponsored Student Entrepreneur’, The Journal of modèles cognitifs d’intention.
Higher Education, vol. 79, no. 6, pp. 638-70.

Entreprendre & Innover / 121


Entreprendre maintenant ou plus tard ?

Figure 1 : Le modèle de l’intention entrepreneuriale

Source : adapté de Shapero (1982), Krueger (1993), Brueger et Brazeal (1994).


Note : Dans ce modèle, les facteurs situationnels et personnels déterminent la désirabilité et la faisabilité
perçue vis-à-vis de la création d’entreprise, qui déterminent à leur tour l’intention d’entreprendre de l’indi-
vidu. L’intention d’entreprendre est considérée comme un bon prédicteur du comportement entrepreneurial
effectif.

Fondés essentiellement sur la théorie du d’une entreprise, en particulier au sein de


comportement planifié 4 et des apports la population étudiante 7.
sur l’évènement entrepreneurial 5, ils
se trouvent cristallisés dans le modèle Ű Ű L’intention entrepreneuriale :
adapté de l’intention entrepreneuriale 6 entre perspective de création
(Figure 1). Ce modèle postule que le immédiate et projection différée
développement d’une intention d’entre-
De manière générale, l’intention a été
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prendre est le résultat des perceptions
définie comme un état d’esprit qui dirige
de faisabilité – c’est-à-dire de sa propre
l’attention, l’expérience et l’action d’un
capacité à créer une entreprise – et de
individu vers un objectif spécifique 8. Or,
désirabilité – c’est-à-dire d’un attrait pour
des études récentes sur les étudiants fran-
la création entreprise, résultant de ses
çais ont montré que la nature de cet objec-
propres croyances et de l’opinion de son
tif était loin d’être homogène au sein de
environnement. De fait, il a été largement
cette population. Trois profils d’étudiants
utilisé pour identifier les individus les plus
ont notamment été identifiés, en fonction
à même de s’impliquer dans la création
de la portée temporelle de leur intention
d’entreprendre 9 :

4 Ajzen, I. (1991). The theory of planned beha-


vior. Organizational behavior and human decision pro-
cesses, 50(2), 179-211. 7  Boissin, J., Chollet, B. & Emin, S. (2007). Les croyances
5  Shapero, A., & Sokol, L. (1982). The social dimensions des étudiants envers la création d’entreprise : Un état des
of entrepreneurship. Encyclopedia of entrepreneurship, lieux. Revue française de gestion, 180(11), 25-43.
72-90. 8 Bird, B. (1988). Implementing entrepreneurial ideas:
6  Krueger, N. (1993). The impact of prior entrepreneurial The case for intention. Academy of management Review,
exposure on perceptions of new venture feasibility and 13(3), 442-453.
desirability. Entrepreneurship theory and practice, 18(1), 9  Boissin, J. P., Favre-Bonté, V., & Fine-Falcy, S. (2017).
5-21. Diverse impacts of the determinants of entrepreneurial

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Laëtitia Gabay-Mariani, Jean-Pierre Boissin

1. Ceux qui ne souhaitent pas créer leur ne souhaitent pas ou ne se sentent pas
entreprise et préfèrent travailler comme capables de fournir au terme de leur cur-
salariés dans une organisation déjà exis- sus et décider de différer leur passage à
tante ; l’acte. D’autres peuvent y voir un moyen
de gagner en expérience et compétences
2. Ceux qui souhaitent créer leur entre-
avant de rejoindre les circuits du sala-
prise à court terme, c’est-à-dire immédia-
riat, sur une logique d’entrepreneuriat-
tement après leurs études ;
alterné 11. Distinguer les intentions à court
3. Ceux qui envisagent la création ulté- ou long termes peut permettre d’adapter
rieurement au cours de leur vie profes- l’accompagnement des étudiants-entre-
sionnelle, préférant d’abord gagner de preneurs à la diversité de leurs trajec-
l’expérience en tant que salarié dans une toires.
organisation existante.
Ű Ű De l’intention au comportement
Le poids de la désirabilité et de la faisabi-
lité perçues à entreprendre est différencié
entrepreneurial : des logiques
dans ces profils, le groupe visant à entre- d’engagement différenciées ?
prendre en sortie d’étude se sentant plus Notre hypothèse est qu’il découle de cette
capable d’entreprendre que les autres. distinction court/long terme des logiques
L’intention entrepreneuriale n’est donc d’engagement différenciées chez les étu-
pas toujours suivie d’action : elle peut diants-entrepreneurs. En fonction de la
exister de manière latente et s’activer portée de son objectif, l’individu ne sera
plus tardivement, à la faveur de condi- pas lié de la même façon à son projet, ni
tions favorables ou d’une confiance en soi à son statut d’entrepreneur. Des enquêtes
renforcée. exploratoires ont suggéré que le modèle
tridimensionnel d’engagement, déve-
Cette distinction entre intention à court
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loppé dans le contexte organisationnel 12,
et à long termes a tout son sens dans le
pouvait permettre de mieux comprendre
contexte de l’entrepreneuriat étudiant. La
ce passage de l’intention à l’action entre-
création en fin d’études peut constituer
preneuriale et à son maintien dans le
une étape au projet de carrière plus géné-
temps 13. Ce modèle distingue en effet
ral de devenir entrepreneur. Mais, si de
trois natures différentes d’engagement,
plus en plus nombreux sont les étudiants
qui analysées conjointement, permettent
à s’investir dans des projets entrepreneu-
riaux au cours de leurs études 10, tous ne se
situent pas dans une perspective de créa-
11  Bohas, A., Fabbri, J., Laniray, P. et De Vaujany, F. X.
tion d’entreprise immédiate. Ils peuvent (2018). Hybridations salariat-entrepreneuriat et nouvelles
réaliser au cours du processus que l’en- pratiques de travail : des slashers à l’entrepreneuriat-al-
terné. Technologie et Innovation, 18(1).
trepreneuriat requiert une constellation
12  Allen, N. J., & Meyer, J. P. (1990). The measurement
complexe d’efforts et d’activités qu’ils and antecedents of affective, continuance and normative
commitment to the organization. Journal of occupational
intention: three submodels, three student profiles. Revue psychology, 63(1), 1-18.
de l’Entrepreneuriat, 16(3), 17-43. 13  Adam, A. F. and Fayolle, A. (2015). Bridging the en-
10 Entre 2014 et 2018 par exemple, le nombre d’étu- trepreneurial intention–behaviour gap: the role of com-
diants et jeunes diplômés prenant le SNEE est passé de mitment and implementation intention. International
637 à plus de 3 500 étudiants-entrepreneur au niveau Journal of Entrepreneurship and Small Business, 25(1),
national. 36-54.

Entreprendre & Innover / 123


Entreprendre maintenant ou plus tard ?

d’expliquer la persistance dans un cours contrainte qui s’impose à l’individu et fait


d’action : peser sur lui la menace du déclassement
en cas de non-respect, ou s’il s’inscrit en
−− L’engagement affectif, renvoyant au
cohérence avec son système de valeur
lien émotionnel entretenu par l’individu
et s’expérimente davantage comme un
à l’égard de son organisation. L’individu
choix. Il en ressort des niveaux d’investis-
affectivement engagé reste employé dans
sements organisationnels contrastés.
son organisation principalement parce
qu’il le souhaite, estime son organisation Les nombreuses extensions du modèle
et s’y identifie. tridimensionnel d’engagement organisa-
tionnel nous portent à croire qu’il garde
−− L’engagement normatif, renvoyant
sa pertinence dans le contexte entrepre-
au sentiment d’obligation que l’indi-
neurial. La recherche sur ce point a en
vidu ressent vis-à-vis de son organisa-
effet montré que l’engagement psycho-
tion. L’individu demeure employé dans
logique pouvait avoir plusieurs cibles (ou
son organisation principalement parce
foci), aussi bien sociales (le manager,
qu’il considère le lui devoir et valorise la
l’équipe ou le client) que non-sociales
loyauté.
(l’atteinte d’objectif ou le changement
−− L’engagement calculé (ou dit de conti- organisationnel). Or, l’entrepreneuriat a
nuité), renvoyant aux coûts et alterna- pu être défini comme une relation dialo-
tives perçues par l’individu dans le cas où gique entre un individu et son projet 14,
il quitterait son organisation. L’individu impliquant à la fois un changement pour
qui expérimente ce dernier type d’enga- le projet, qui transforme une idée en créa-
gement reste employé parce quitter son tion de valeur nouvelle, mais aussi pour
organisation engendrerait pour lui des l’individu qui change progressivement de
pertes matérielles, financières, en capital statut et devient entrepreneur. Nous sug-
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humain mais aussi affectives et sociales et gérons ainsi que l’engagement entrepre-
qu’aucune alternative n’existe ou ne lui neurial peut viser deux cibles principales :
paraît désirable. une cible non sociale, qui est le projet en
tant que futur désirable pour l’individu et
Si ces trois dimensions permettent toutes
une cible sociale, son statut d’entrepre-
d’expliquer qu’un individu reste employé
neur (en contraste avec celui de salarié) 15.
dans une organisation, elles ont des impli-
Les trois dimensions de l’engagement
cations distinctes sur les comportements
peuvent permettre de mieux comprendre
des individus. Ainsi, l’engagement affectif
ce qui lie l’individu à son projet de créa-
est souvent associé à des comportements
tion d’entreprise, mais également à celui
positifs au sein de l’organisation, tels que
plus global de devenir entrepreneur. Plus
la performance, la participation ou encore
encore, elles participeraient à expliquer
la citoyenneté organisationnelle, alors
des comportements entrepreneuriaux,
que les individus engagés de manière cal-
culée sont plus sujets à l’absentéisme et
à s’en tenir uniquement à leur fiche de 14  Bruyat, C. (1993). Création d’entreprise : contributions
épistémologiques et modélisation (Doctoral dissertation,
poste. L’engagement normatif a des consé- Université Pierre Mendès-France-Grenoble II).
quences comportementales plus contras- 15  Kolvereid, L. (1996). Prediction of employment status
tées, selon qu’il est vécu comme une choice intentions. Entrepreneurship Theory and practice,
21(1), 47-58.

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Laëtitia Gabay-Mariani, Jean-Pierre Boissin

tels que les efforts engagés effectivement de l’engagement 17 a par ailleurs montré
par l’entrepreneur pour son projet. C’est que les individus étaient plus à même de
d’ailleurs sous le prisme de l’investisse- persister dans un cours d’action en vertu
ment de ressources mobilisées par les de leurs investissements passés. Notre
étudiants-entrepreneurs pour leur projet attention s’est donc portée sur le temps,
que nous avons choisi d’examiner l’action l’argent et l’énergie investis dans le pro-
entrepreneuriale. Ce choix est motivé par jet entrepreneurial, en considérant qu’ils
de précédentes études sur le processus constituaient des indices de la poursuite
entrepreneurial, dans lequel l’individu des efforts dans le projet de création d’en-
est considéré comme engagé lorsqu’il y treprise.
investit l’essentiel de son temps, de son
Sur la base de ces différents constats, et
énergie, de ses ressources financières,
pour mieux entrer dans la « black-box »
intellectuelles, relationnelles et émotion-
du passage à l’acte entrepreneurial, nous
nelles dans son projet entrepreneurial 16.
avons formulé le modèle suivant :
La recherche sur le phénomène d’escalade

Figure 2 : Modèle testé dans l’enquête


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17  Staw, B. M. (1981). The escalation of commitment to


16  Bruyat, C. (2001). Créer ou ne pas créer ? Revue de a course of action. Academy of management Review, 6(4),
l’Entrepreneuriat, 1(1), 25-42. 577-587.

Entreprendre & Innover / 125


Entreprendre maintenant ou plus tard ?

entrepreneuriale à court et à long terme,


Nous y différencions l’intention entre-
nous les avons interrogés sur leur préfé-
preneuriale à long terme et à court rence pour l’entrepreneuriat (être entrepre-
terme, pour déterminer son impact sur neur) ou le salariat (être salarié), « à l’issue
l’engagement psychologique des étu- de leurs études » et « un jour dans leur vie
diants-entrepreneurs, ainsi que sur leur professionnelle ». Enfin, nous avons adapté
investissement comportemental. Nous les échelles de l’engagement organisation-
nel au projet et au statut entrepreneurial.
avons également choisi de distinguer
Nous avons d’abord vérifié la qualité de nos
l’engagement attachant l’individu à son instruments de mesure, avant de tester
projet de celui le liant à l’entrepreneuriat notre modèle de recherche à l’aide de l’ap-
en tant que profession (ou statut), afin de proche des moindres carrés partiels (PLS)
déterminer si ces deux cibles pouvaient sur le logiciel XLSTAT. 19
avoir une influence différenciée sur le Cette méthode a l’avantage de tester simul-
tanément l’existence de relations causales
comportement entrepreneurial.
entre plusieurs variables non observables,
reflétées ou formées par un ensemble de
Méthodologie de l’enquête variables pouvant être mesurées.
Cette contribution est le résultat d’une
enquête quantitative menée entre juillet et
septembre 2018 dans le cadre de la chaire
Pépite France, auprès de porteurs de projet Les chemins de l’étudiant-
ayant bénéficié du statut national étudiant- entrepreneur : deux grandes
entrepreneur en 2017-2018. Ce statut est
accordé à tout étudiant ou jeune diplômé 18
logiques d’engagement
souhaitant mener un projet entrepreneu- Notre enquête démontre l’intérêt de
rial dans l’un des 31 Pôles Étudiants Pour considérer la distinction entre intention
l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneu-
entrepreneuriale à long terme et à court
riat, implantés sur les sites de l’enseigne-
ment supérieur français. Notre échantil- terme, ainsi que la nature de l’engage-
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lon final était constitué de 139 individus ment chez les étudiants-entrepreneurs.
conduisant des projets majoritairement en Le graphique ci-dessous (figure 3) synthé-
phase d’émergence (42,4 % avaient déjà tise les principales relations de causalité
immatriculé une structure, 1/3 en générait observées, accompagnées de leurs coef-
un revenu, parmi lesquels 24,1% seulement
ficients beta (ou paths coefficients), qui
déclaraient pouvoir en vivre décemment).
Afin de mesurer leur investissement effectif quantifient l’effet d’une variable sur une
dans leur projet, nous leur avons demandé autre (plus il se rapproche de 1 et plus l’ef-
de quantifier les ressources temporelles, fet est fort), ainsi que les coefficients de
financières et émotionnelles mobilisées régression (ou R2), qui indiquent la qualité
pour leur projet. Pour mesurer l’intention du modèle pour expliquer une variable par
plusieurs autres (plus il se rapproche de 1
18  Le SNEE est avant tout un statut pédagogique, per- et plus le modèle est précis et a un pou-
mettant aux jeunes diplômés de prolonger leurs droits
étudiants. Il implique pour le porteur une inscription
voir explicatif élevé).
pédagogique dans un établissement supérieur. Par ail-
leurs, il donne accès à une série de formations et d’ate-
liers à la création d’entreprise, un tutorat académique et
professionnel, ainsi que la possibilité de candidater dans 19 Pour obtenir plus d’information sur les caractéris-
les programmes d’accélération Pépite Starter au sein des tiques de notre échantillon, le détail de nos échelles de
PÉPITE. En cela, il permet aux jeunes diplômés de prolon- mesure et ses indicateurs de validité, nous invitons les
ger leur cursus. À noter que 38,1 % de notre échantillon lecteurs intéressés à prendre contact avec nous : laetitia.
est concerné par ce cas. gabay-mariani@conseil-et-recherche.com

126 /
Laëtitia Gabay-Mariani, Jean-Pierre Boissin

Figure 3 : Synthèse des principales relations de causalité observées

Note. Path coefficients et R² Calculés pour n = 139, bootstrap = 250. Les relations causales significatives au
niveau .05 ont été mises en exergue en gras. Les liens non-significatifs figurent en pointillés.
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À noter que les étudiants-entrepreneurs résultats montrent un impact différencié
présentent en moyenne une forte inten- de l’intention sur l’engagement psycholo-
tion d’entreprendre, par rapport à la popu- gique des étudiants-entrepreneurs, selon
lation étudiante dans sa globalité, que ce qu’elle vise la création post-études ou au
soit à court terme (moyenne = 3,98 contre cours de la vie professionnelle :
1,86 chez les étudiants 20) et à plus long
−− L’intention à court terme implique un
terme (moyenne = 4,38 contre 3,32). Pour
engagement de continuité au projet ;
autant, l’intention entrepreneuriale post-
études influence plus fortement l’inves- −− L’intention à long terme implique quant
tissement de ressources personnelles que à elle un engagement affectif ainsi qu’un
l’intention entrepreneuriale à plus long engagement normatif (au projet et au sta-
terme (avec des coefficients de régression tut d’entrepreneur) ;
respectifs de .30 et de .26).
Notre modèle permet finalement de mieux
À l’exclusion de l’engagement de conti- comprendre les déterminants du comporte-
nuité à la profession, expliqué à la fois par ment entrepreneurial (avec un coefficient
l’intention à court et à long terme, nos de régression de .51 pour l’investissement
comportemental). Pour autant, seules
20  Ibid note 8 certaines dimensions de l’engagement

Entreprendre & Innover / 127


Entreprendre maintenant ou plus tard ?

semblent être impliquées dans ce proces- professionnelle, influence l’engagement


sus. L’investissement de ressources dans affectif à l’entrepreneuriat en tant que
le projet entrepreneurial peut-être ainsi profession, qui lui-même explique l’inves-
prédit à part quasi-égales par l’engage- tissement comportemental de l’étudiant-
ment affectif au statut d’entrepreneur et entrepreneur ;
à l’engagement de continuité dans le pro-
−− L’intention entrepreneuriale concer-
jet entrepreneurial (avec des coefficients
nant la création d’entreprise immédiate
de régression proches, de 0.26 et 0.21).
post-études influence l’engagement
Deux chemins d’engagement se dégagent de continuité au projet, qui lui-même
ainsi : explique l’investissement comportemen-
tal de l’étudiant-entrepreneur (coefficient
−− L’intention entrepreneuriale concer-
de régression = .20).
nant la création à long terme dans la vie

Tableau 1 : Synthèse des résultats 


Nature de Nature de l’engagement Chemin menant
l’intention de de l’entrepreneur naissant à l’investissement
l’entrepreneur personnel dans un projet
Cible : projet Cible : métier
naissant de création d’entreprise
Une intention Calculé : le projet Calculé : la situation Une intention
d’entreprendre est préféré à d’autres
d’entrepreneur est d’entreprendre dès la fin
à la fin de ses alternatives et/ou préférée à d’autres de ses études, à l’origine
études (court son arrêt considéré opportunités d’un engagement
terme) comme trop coûteux professionnelles calculé envers le projet
ou est la seule entrepreneurial
accessible, le retour
au salariat considéré
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comme une perte
Une intention Affectif : un lien Affectif : un lien Une intention
d’entreprendre émotionnel et émotionnel et d’entreprendre au cours
au cours de sa vie identificatoire au identificatoire au de la vie professionnelle,
professionnelle projet entrepreneurial statut d’entrepreneur à l’origine d’un
(long terme) Normatif : Normatif : engagement affectif au
un sentiment un sentiment métier d’entrepreneur
d’obligation à d’obligation à rester
continuer son projet entrepreneur, par
opposition à la
situation salariale
Continuité :
la situation
d’entrepreneur est
préférée à d’autres
opportunités
professionnelles
ou est la seule
accessible, le retour
au salariat considéré
comme une perte

128 /
Laëtitia Gabay-Mariani, Jean-Pierre Boissin

Le passage à l’acte nécessité de l’entrepreneur, à qui le mar-


entrepreneurial, entre ché du travail n’offre pas d’autre alterna-
phénomène d’escalade tive que celle de créer son propre emploi.
et « entreprise de soi-même » Nous pouvons supposer au regard des
niveaux d’études des étudiants-entrepre-
Si la recherche en entrepreneuriat s’est
neurs, majoritairement titulaires d’un Bac
longtemps focalisée sur ce qui pouvait
+ 5, qu’elle n’existe que de façon margi-
pousser un individu à former une inten-
nale, dans des cursus aux débouchés
tion d’entreprendre, notre recherche met
encore précaires.
en lumière ce qui se joue lorsque l’indi-
vidu s’engage réellement dans la création 2. Une logique aspirationnelle, où l’in-
d’entreprise et surtout, les processus par vestissement des ressources dans un pro-
lesquels il sera amené à s’y investir davan- jet entrepreneurial s’explique davantage
tage. Or, il semble que deux logiques d’en- par un attachement émotionnel, voire
gagement se dégagent de nos résultats. un processus d’identification au métier/
statut d’entrepreneur. Pour l’étudiant
1. Une logique « d’escalade », où la
entrepreneur, cette logique est liée à une
poursuite des efforts s’explique par les
intention d’entreprendre à long terme,
coûts et l’absence d’alternative perçus
dans une perspective d’évolution profes-
par l’étudiant-entrepreneur en cas d’arrêt
sionnelle. Il s’agit alors finalement d’être
du projet entrepreneurial. Cette logique
entrepreneur de soi-même 21, et de se réa-
intervient lorsqu’il se situe dans une pers-
liser personnellement à travers la création
pective de création immédiate à l’issue de
d’entreprise. Le point focal d’engagement
ses études. La cible d’engagement princi-
est donc dans ce cas le statut profession-
pale est alors le projet. L’entrepreneur est
nel d’entrepreneur, en contraste avec
alors attaché de façon plutôt calculée à
celui de salarié.
son projet, suivant un arbitrage entre une
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probabilité de gain et une probabilité de Si certains s’engagent effectivement dans
perte. Ces coûts peuvent, bien sûr, être la création d’entreprise pour aller jusqu’au
financiers, mais aussi matériels, sociaux bout d’un projet dans lequel ils ont pu
ou encore affectifs. Les dispositifs d’ac- investir matériellement et émotionnelle-
compagnement comme le PEPITE visent ment, d’autres sont davantage attachés
notamment à réduire les risques finan- au fait d’être entrepreneurs, peu importe
ciers encourus par l’étudiant-entrepre- le projet qui les inscrit dans ce statut.
neur. Pour autant, celui-ci pourrait vivre Ces deux logiques ne sont toutefois pas
comme un échec ou avoir le sentiment de antinomiques et peuvent coexister chez
n’être pas allé au bout de sa démarche en les étudiants-entrepreneurs, ces derniers
arrêtant trop prématurément son projet. pouvant avoir l’intention d’entreprendre à
Il pourrait également craindre le regard l’issue de leurs études et ne pas envisager
des autres, notamment s’il en a parlé à une autre voie professionnelle que celle
son entourage ou si, comme beaucoup l’entrepreneuriat. Comme le suggèrent
de jeunes entrepreneurs, il a fait l’objet nos résultats, c’est d’ailleurs ce dernier
d’une médiatisation dans la presse ou sur profil d’engagement qui sera le plus à
les réseaux sociaux. Dans certains cas,
cette logique peut se coupler à celle de 21  Ehrenberg, A. (2008). La fatigue d’être soi : dépression
et société. Odile Jacob.

Entreprendre & Innover / 129


Entreprendre maintenant ou plus tard ?

même de s’investir personnellement dans plus attachés à la démarche consistant à


la création de son entreprise. créer quelque chose à partir de rien qu’à
leur projet (peu importe le flacon, pourvu
Entreprendre qu’on ait l’ivresse !). Ce profil sera peut-
ou être entreprenant ? être plus à même de suivre les traces d’un
serial entrepreneur, créant et recréant
Consolider les parcours successivement de nouvelles aventures
d’étudiants-entrepreneurs entrepreneuriales.
Notre enquête participe à une meilleure
Enfin, et c’est peut-être le point le plus
compréhension des étudiants-entrepre-
crucial, la nature – affective, normative et
neurs du dispositif PÉPITE. Elle met au jour
calculée – de l’engagement de l’étudiant-
les points d’entrée clés et les chemins par
entrepreneur peut également permettre
lesquels ces derniers s’investissent dans la
de prédire son niveau d’investissement
création d’entreprise, en précisant les dif-
personnel.
férentes manières dont ils peuvent y être
liés. La prise en compte de ces facteurs Un individu présentant une logique d’en-
psychologiques peut permettre d’aller gagement principalement d’escalade peut
vers une plus grande individualisation de s’exposer à un surinvestissement, associé
l’accompagnement et d’écarter le risque à des risques psychosociaux, comme le
de standardisation parfois pointé du stress ou l’anxiété. À l’inverse, un individu
doigt 22. Tout étudiant-entrepreneur n’as- uniquement affectivement engagé se sen-
pire, en effet, pas à créer une entreprise tira peut-être moins contraint à s’inves-
qu’il travaillera à développer le restant de tir et fournir les efforts nécessaires pour
sa carrière. Cet idéaltype se caractérise développer son projet. Être en mesure
dans notre étude par un engagement cal- d’identifier ces logiques chez les étu-
culé envers son projet et un engagement diants-entrepreneurs peut permettre aux
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affectif envers son statut d’entrepreneur. accompagnateurs de leur éviter de pour-
Pour autant, certains étudiants-entrepre- suivre un projet en sur ou sous-régime,
neurs peuvent être engagés envers leur alors qu’ils devraient raisonnablement
projet, mais ne verraient pas d’inconvé- l’arrêter. Tout du moins, cela peut per-
nients à le développer au sein d’une orga- mettre de préserver l’équilibre – propre
nisation leur fournissant des ressources à chacun – nécessaire dans la dialogique
et sponsors conséquents. Dans ce cas-là, individu / projet.
il s’agit plutôt de devenir entreprenant,
Laëtitia Gabay-Mariani, doctorante à l’Université
plus qu’entrepreneur (au sens de créa-
de Grenoble-Alpes, réalise une thèse sur l’engage-
teur d’entreprise). Au contraire, certains
ment psychologique des entrepreneurs naissants,
étudiants-entrepreneurs peuvent s’iden- dans le but de mieux comprendre le passage à
tifier très fortement au statut d’entre- l’acte entrepreneurial. Cette recherche s’effectue
preneur, et n’imaginent pas un retour au dans le cadre d’une CIFRE au sein du laboratoire
salariat possible, mais sont finalement privé Conseil & Recherche, spécialisé dans l’inter-
vention de chercheurs en entreprise. En parallèle
de ses travaux académiques, elle participe à des
22 Chabaud D., Messeghem K., Sammut S., (2010),
« L’accompagnement entrepreneurial ou l’émergence projets de recherche appliquée sur des théma-
d’un nouveau champ de recherche », Gestion 2000, tiques liées aux mutations du travail (nouveaux
vol. 27, n° 3, pp. 15-24.

130 /
Laëtitia Gabay-Mariani, Jean-Pierre Boissin

espaces de travail, intrapreneuriat, expérience col- du territoire national et la création d’un statut
laborateur, relations start-up / grands-groupes). national étudiant-entrepreneur (4501 étudiants-
entrepreneurs en 2019). En 2015, il a fondé Pépite
Jean-Pierre Boissin, Professeur à l’Université de France avec la FNEGE afin d’animer et fédérer les
Grenoble-Alpes (CERAG-IAE) en Entrepreneuriat, bonnes pratiques du dispositif tout en structurant
a fondé la première Maison de l’Entrepreneuriat à le réseau national des étudiants-entrepreneurs
Grenoble en 2001. Il a mis ce dispositif à l’échelle avec la création d’une chaire afin de mesurer
nationale de 2010 à 2019 dans le cadre d’une mis- l’impact du dispositif comme l’illustre cet article.
sion de coordination nationale auprès du Ministre Ses travaux académiques portent sur l’entrepre-
de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et neuriat étudiant et la gouvernance des start-up.
de l’Innovation avec 30 pôles PEPITE sur l’ensemble
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