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Le métier d’artiste

(conversation avec mon père)


Lien de la vidéo

Aujourd'hui, je vous propose une vidéo un peu différente.


C'est une interview que j'ai faite avec mon père, la dernière
fois que j'étais en France, pour parler de son travail, de son
métier d'artiste. Je pense que ça va être un bon exercice de occupation
compréhension pour vous parce que c'est une conversation
authentique à vitesse réelle. Et ça va vous permettre
d'apprendre du vocabulaire sur l'art et aussi plusieurs
expressions informelles. D'ailleurs, je vous rappelle que vous By the way
pouvez télécharger la transcription de cette vidéo avec tout
le vocabulaire en cliquant sur le lien qui est dans la
description.

[00:00:39] Hugo : Salut papa ! Est-ce que tu pourrais te


présenter ?

[00:00:52] Nicolas : Bah oui. Je suis le papa de trois grands


garçons maintenant. Je m'appelle Nicolas Cotton et j'ai 59
ans.

[00:01:00] Hugo : Et ton métier, c'est ?

[00:01:02] Nicolas : Artiste peintre et sculpteur.

[00:01:04] Hugo : Et est-ce que tu as toujours été artiste ?

[00:01:07] Nicolas : Dans l'âme, je pense, oui. Je pense qu'on At heart


naît artiste. On naît artiste et puis, il y a toute l'éducation de (âme = soul)

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tes grands-parents, les visites des musées à Paris, la
musique à six ans, la littérature aussi à six, sept ans. Ça m'a It has nourished me
nourri. Je pense que ça nourrit. Il faut se nourrir l'œil pour the eye
devenir un artiste. L'œil, l'oreille pour les musiciens. Pour moi, the ear
c'est un ensemble. it’s a whole

[00:01:34] Hugo : Mais après tes études, tu n'es pas tout de immediately
suite devenu artiste. Tu as eu une autre carrière avant ça.

[00:01:42] Nicolas : Oui, j'ai eu une autre carrière. J'ai voulu


être photographe. Donc voilà, là, j'ai fait pas mal... Ce qui me which is really useful
sert énormément maintenant pour prendre mes toiles (c'est paintings
très dur de prendre des toiles en photo pour les mettre sur
les sites, etc.). J'ai été imprimeur aussi, donc je connais bien printer
la couleur : le cyan, magenta, jaune, noir. Et puis, comédien
aussi, ça m'a appris. J'étais relativement timide. C'est un
métier où il faut se vendre. to sell yourself

[00:02:08] Hugo : Comédien ou artiste ?

[00:02:11] Nicolas : Artiste peintre. Il faut savoir parler de son


travail. Il faut savoir s'exprimer. Les gens ont besoin de savoir,
ont envie de comprendre et de savoir le pourquoi du the how and the
comment. Alors, quand on pique un fard et puis qu'on n'est why you blush
pas capable d'aligner quatre mots, ça m'a aidé à reel off four words
m'exprimer.

[00:02:28] Hugo : Et tu penses que c'est important pour un


artiste d'être capable d'expliquer son travail ?

[00:02:33] Nicolas : C'est important pour les gens qui ont


besoin de savoir, d'expliquer un petit peu la démarche. Mais approach
je pense qu'une œuvre d'art doit parler d'elle-même. C'est work of art, speak
avant tout de l'émotion. C'est ce que je dis aux gens. Il y a for itself
plein de gens qui ont des tabous.
« Oui, moi, j'y connais rien en peinture contemporaine, je sais
pas… » Je leur dis : « mais c'est pas... C'est juste une question
d'émotion. » Moi, je pense que je vends de l'émotion, quoi.
C'est-à-dire qu'il y a des gens qui vont s'arrêter devant une
toile, ils savent pas pourquoi. Mais ils ont eu une émotion, ils they were taken
ont eu un coup de cœur, une émotion. Et comme je suis with it

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abstrait, c'est pas parce que le paysage était beau ou…, c'est
parce que la toile leur a transmis un message. On est des
transmetteurs, voilà.

[00:03:12] Hugo : Justement, il y a une critique qu'on entend


assez souvent sur l'art abstrait, c'est que n'importe qui peut anyone
faire ça, même les enfants. Qu'est-ce que tu réponds à ce
genre de critique ?

[00:03:24] Nicolas : Essayez ! Tout simplement « essayez ».


Essayez de... comme on dit... Certaines personnes disent
« c'est du barbouillage, du gribouillage. » Essayez, vous daubing
verrez et vous allez trouver le temps long avant de sortir
quelque chose qui a une signification. Parce que même si le
mot « abstrait » veut tout dire, il y a un message dedans, il y
a quelque chose. Moi, il y a des images latentes dedans, il y a
des palimpsestes. J'ai des clients qui me rappellent en me parchemins
disant « Vous aviez vu ça dedans ? ». J'ai des gens qui me (manuscrits dont on
racontent des histoires devant mes toiles, quand je suis en a effacé le texte
exposition, que j'ai pas... J'essaie pas de faire passer un pour en écrire un
message, mais je vois quand même des choses. Quand je autre)
travaille, je travaille pas en aveugle. blindly

[00:04:08] Nicolas : Moi, la musique est très importante parce


que je souffre d'acouphènes, donc c'est insupportable. J'ai ringing in the ears
de la musique du matin au soir dans la maison et quand je unbearable
travaille, c'est toujours en musique. Et il y a certains grands
artistes comme Bashung, comme Léotard qui me... Leurs
textes m'inspirent, me donnent envie de, me donnent envie
d'avancer. Mais l'inspiration peut venir d'ailleurs. Des fois, je
regarde, j'ai plein de bouquins d'art, j'ai plein de choses. Des books (familiar)
fois une image, la peinture de quelqu'un d'autre va me
donner envie de partir vers ça. Mais je suis pas un copiste. Je
refais pas la même toile.

[00:04:44] Hugo : Et qu'est-ce qui te donne le plus de plaisir


dans ton travail ?

[00:04:47] Nicolas : Je suis plus ce qu'on appelle un


alchimiste. J'adore expérimenter. J'expérimente beaucoup
au travers des collages, au travers des... Je fais ce qu'on

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appelle aussi des repentirs, c'est-à-dire que je repars sur pentimentos
des toiles qui ont 10, 15 ans et je retravaille dessus. J'ai des
repentirs qui ont quatre, cinq dates sur 20 ans derrière, parce
qu'elles sont signées devant, mais je les signe aussi au dos behind
pour mettre la date et le titre. Elles se nourrissent les unes les each others
autres. C'est important pour moi, pour décoller, d'avoir to get started
quelque chose. Donc maintenant, j'arrive avec une
technique particulière au décapeur thermique où je fais heat gun
réapparaître certaines couches et j'en laisse d'autres. Je
retrouve des vieux papiers collés en dessous que j'avais
oubliés. Et après, je retravaille dessus, je retravaille la
composition. Je me contente pas de décaper la toile. to strip

[00:05:48] Hugo : C'est presque un travail d'archéologue,


finalement.

[00:05:50] Nicolas : D'archéologue aussi. Puis ça se termine


parfois au karcher aussi, au karcher dans la cour. Voilà, mes in the courtyard
toiles souffrent énormément. C'est pas dans la joie et la
bonne humeur qu'on crée. C'est souvent un peu dans la
souffrance. On peut se faire très mal, moralement,
physiquement. Au niveau de sa famille aussi, on peut faire
des bêtises, des mauvais choix…

[00:06:18] Hugo : Tu as dit que tu aimais nourrir tes toiles. Je


trouve que c'est une métaphore intéressante. Est-ce que tu
pourrais développer ça et expliquer un peu ton processus de
création ?

[00:06:29] Nicolas : Oui, parce que nourrir une toile, c'est lui
apporter de la... Moi, il y a beaucoup de matière. Sur mes
toiles, il y a beaucoup de matière. Elles sont assez lourdes
parce que j'aime bien pouvoir, après, les redécaper, les strip again
regratter, les reponcer. Et les nourrir, c'est leur apporter de la scrub again, sand
couleur, leur apporter des pigments. Je travaille avec des again
pigments naturels. C'est comme un enfant qu'on élève, quoi.
On amène, on part de rien, enfin de pas grand-chose. Et not much
puis, le but du jeu, c'est d'arriver à quelque chose qui me
parle. Voilà, la toile, il faut qu'elle me parle.

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[00:07:04] Hugo : Et à quel moment tu décides qu'une toile
est terminée ?

[00:07:06] Nicolas : Ça, c'est la question piège que beaucoup trick question
de gens posent. En peinture abstraite, quand est-ce qu'on
s'arrête ? C'est très, très difficile. J'ai raté des toiles parce que I’ve spoiled
je suis allé trop loin. Après, j'ai regretté. Je me suis dit « Tiens,
hier soir, quand t'es monté, elle était finie. » Et puis, le Damn
lendemain matin, on redescend, on a un autre œil, on a une
autre émotion, on est dans un autre état d'esprit. Et puis « Ah
non, non, j'aurais pu aller plus loin » et puis voilà. Mais il y a
quatre, cinq toiles peut-être sur les trois ou quatre cents que
j'ai faites qui sont ce que j'appelle « des premiers jets ». C'est first drafts
des toiles qui sont sorties en quatre, cinq heures et après, j'ai
dit « Tu n'y touches plus ». Mais c'est des toiles qui sont
complètement différentes de ma production habituelle.
Parce que justement, elles ont pas été nourries, nourries,
nourries pendant des semaines, parfois des mois.

[00:07:56] Nicolas : Je peux passer trois mois sur une toile,


sur trois, quatre toiles en même temps, parce qu'il faut varier.
Sinon, on passe déjà beaucoup de temps dans le fauteuil à armchair
regarder, à chercher, à vouloir comprendre où on va, où on
veut aller. Et des fois, la musique suffit pas à nous faire isn’t enough
trouver l'inspiration. Moi, j'aime bien travailler sur deux, trois
toiles en même temps. J'aime bien avoir plusieurs images,
on va dire. Je pense que c'est le cerveau reptilien qui
fonctionne dans ce cas-là. Moi j'ai besoin d'images. Il y a des
images partout dans mon atelier. Il y a des images sur les workshop, walls
murs.

J'essuie mes pinceaux sur les murs, mais un peintre essuie I wipe my
jamais ses pinceaux n'importe comment. Même quand on paintbrushes
nettoie le pinceau, on est encore dans la création, même sur we wash
un mur. Je peux passer trois jours devant une toile blanche
et c'est un peu insupportable. Donc des fois, je me force à la
nourrir, lui mettre des couches de pigments, de choses et
tout pour voir, la voir apparaître, la voir naître, la voir grandir,
la voir grandir comme les enfants, un parallèle avec
l'enfance. childhood

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[00:09:11] Hugo : Qu'est-ce que tu trouves le plus difficile dans
le métier de peintre ?

[00:09:16] Nicolas : C'est les périodes de toiles blanches, quoi.


Ça arrive, ça arrive, il se passe plus rien. Et c'est souvent des nothing happens
cycles. J'ai eu cinq... non, on va dire sept ou huit périodes anymore
différentes où je m'ennuie dans une technique. Une fois que
je suis allé au bout, je suis un alchimiste, je travaille at the end
beaucoup avec les matériaux, le mélange des matériaux,
des collages de vieux papiers qui sont parfois du XVIIᵉ, XVIIIᵉ
siècles. Et quand je sens que je suis... Non, c'est que je I get bored
m'ennuie parce que je vais pas faire ça comme, an assembly-line
malheureusement, un travailleur à la chaîne. Faire tous les worker
jours la même chose, en étant artiste, c'est pas intéressant.
Et je pense qu'on est des créatifs. On a besoin de se to reinvent yourself
renouveler. Voilà, moi, j'ai vu des peintres qui ont fait toute
leur carrière, toute leur vie, la même chose. Pour moi, ce
serait insupportable, quoi.

[00:10:10] Nicolas : J'ai perdu des clients parce qu'à une


époque, j'ai travaillé avec une technique particulière sur des
draps de lin et tout, marouflés sur des châssis en bois. Et linen sheets
après, je suis passé à une autre technique sur des vrais mounted on
châssis parce que j'avais des problèmes de dos. Et j'ai perdu wooden frames
des clients parce que j'ai changé complètement de
technique. J'ai même changé ma palette de couleurs. Et il y
a des gens qui, quand ils viennent, ils veulent les... Il m'en I still have some
reste quelques-unes des anciennes collections et ils vont go into (familiar)
taper, chercher dans les anciennes collections, pas dans ce
que je fais de nouveau. Et ils me le disent sincèrement : «
Écoute, Nicolas, on aimait beaucoup ce que tu faisais il y a
dix ans. Là, on comprend pas, on comprend moins. ». Mais
c'est comme ça. Moi, je suis un alchimiste chercheur. J'aime
bien me renouveler. Sinon, je m'ennuie. J'ai l'impression de
refaire la même chose et en plus, c'est facile.
[00:10:57] Hugo : Et est-ce que ça te fait douter quand tes
clients te disent qu'ils préfèrent tes anciennes œuvres ?

[00:11:02] Nicolas : Je travaille pour... La reconnaissance est recognition


importante, mais c'est pas parce qu'on me dit « c'était mieux
avant » que je vais me remettre à faire du avant. Non, il faut to get back to

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que... C'est pas à moi de m'adapter. Mon travail, c'est de
créer. C'est pas de m'adapter. Et puis les gens qui me disent
« On a un canapé orange, est-ce que vous auriez une toile
qui va bien au-dessus ? » Je leur réponds « Non. » C'est pas
de la déco. C'est pas de la décoration, ce qu'on fait.

[00:11:27] Hugo : Pour toi, est-ce que c'est une nécessité de


créer, de continuer à peindre ?

[00:11:31] Nicolas : Cet atelier, déjà, m'a demandé quatre ans


de travail pour cette nouvelle maison atelier-galerie. Quatre
ans de travail où j'ai laissé pas mal de plumes au niveau I didn’t come out
physique. J'ai un peu ralenti, j'ai diminué les expositions. Je unscathed,
suis moins monté à Paris et je me suis vraiment consacré à exhibitions
ce lieu. J'ai tout donné pour ce lieu, pour recevoir les gens. Et
je fais des animations tous les trois mois. Il y a une expo de an exhibition
mon travail plus un invité, un artiste invité, un ami ou une (informal)
connaissance, plus une pièce de théâtre ou du jazz, de la
musique. J'essaie de créer une animation dans ce petit
village de 900 habitants.

[00:12:10] Hugo : Pour finir, est-ce que tu aurais des conseils à


donner à quelqu'un qui envisage le métier d'artiste ? thinks of

[00:12:19] Nicolas : Il faut en être sûr au fond de soi, déjà. Il deep inside
faut que ça devienne une évidence. Parce que moi, quand obvious
j'ai commencé, je travaillais huit heures par jour comme tout
le monde. Je faisais ça le soir, la nuit. Il faut déjà sentir que
c'est vital. Il faut sentir un peu que c'est vital.
Il faut se nourrir, il faut énormément se nourrir l'œil. Je
prétends pas que j'ai l'œil absolu, mais c'est comme la
musique, il y a une oreille absolue et il y a un œil aussi, on
voit des choses. Il faut apprendre à voir et à regarder et à
prendre le temps de regarder les choses.

[00:12:52] Nicolas : Et sans vouloir critiquer, je pense qu'on


peut prendre des cours de dessin si on veut apprendre à drawing classes
dessiner, mais il faut éviter les grandes écoles de to avoid art schools
beaux-arts. Moi, j'ai plusieurs amis qui ont mis dix ans à
désapprendre pour se faire leur propre patte. Moi, je suis their own touch
autodidacte. C'est vrai que j'ai perdu énormément d'années self-taught

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parce que j'ai tout réappris tout seul avec des bouquins,
avec des choses, mais à ma façon. Et personne ne m'a
jamais dit « C'est pas comme ça qu'il faut faire ». Voilà, je I realized it by
m'en suis rendu compte tout seul de par mes erreurs. myself

[00:13:27] Nicolas : Donc, il faut se lâcher. Et c'est surtout si ça to let yourself go


fait du bien. Si ça fait du bien moralement, it feels good
intellectuellement. Moi, j'ai travaillé en art-thérapie avec des
schizophrènes. J'ai donné des cours pendant six ans avec
des gens. Et j'ai vu des gens évoluer, changer leur traitement,
être beaucoup plus calmes et tout. C'est quelque chose, les
maladies... L'art dans le milieu psychiatrique en ce moment
est énormément négligé. Tous les budgets sont cassés et je
pense que c'est dommage. C'est dommage surtout que it’s a shame
j'avais eu des très, très beaux résultats. Et c'était pas du
Cotton qu'ils faisaient parce que j'ai toujours refusé de
donner des cours. On voulait que je donne des cours et j'ai
toujours refusé parce qu'après, les élèves font le même
travail que le maître et je veux pas avoir des... Voilà, mon fils.

[00:14:21] Voilà, j'espère que cette conversation vous a plu. Si


vous voulez voir les œuvres de mon père, vous pouvez aller
faire un tour sur son site internet nicolascotton.com. Je
mettrai le lien dans la description de la vidéo. Dites-moi
dans les commentaires ce que vous avez pensé de ce
format, si c'était trop difficile ou pas. Peut-être que je ferai
d'autres interviews pour vous faire découvrir d'autres
métiers, d'autres carrières. Et en attendant, je vous dis à
bientôt !

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