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Frontières
Frontières
Amael Cattaruzza
Depuis plus de 10 ans on assiste à un phénomène de « retour des frontières » après les 90’ où l’on parlait de leur
disparition. Des barrières frontalières s’érigent et prennent parfois la forme de murs dans beaucoup de régions dans le
monde. Frontières qui semblent redevenir des outils dans la gestion de crise. Des frontières qui se durcissent, se
ferment.
Et pourtant monde aussi caractérisé par une quantité de flux, une société liquide.
Ouverture et fermeture constitutifs de frontières contemporaines.
Bien des frontières s’ouvrent, processus de régionalisation. Mais ouverture qui ne signifie pas forcément disparition du
contrôle frontalier. Tout un tas de nouveaux dispositifs, les frontières opèrent aussi à l’intérieur-même des territoires.
Réapparaissent à travers un double-processus. Michel Foucher, 2007 : le XXe un siècle de création de frontières
exceptionnelles, entre 1991 et 2007 plus de 26.000 km de frontières sont apparus. Et un autre processus dee
fermeture progressive des frontières, sous la forme de barrières ou de murs, ou de politiques de contrôles fermes sur
les flux migratoires.
Les conflits frontaliers sont restés d’actualité. Même s’ils n’ont plus la même signification aujourd’hui. Les dynamiques
de mondialisation appellent une mutation de l’articulation conflit-frontière. Les conflits ne sont plus l’apanage des
seuls états, des acteurs gravitent autour de la frontière et peuvent être partie prenante de situation conflictuelle. Le
conflit frontalier va pouvoir être analysé sur un jeu complexe d’emboîtement d’échelles locales-internationales.
B. Définir la frontière
Jean Gottmann = la frontière est une ligne qui délimite l’espace sur lequel s’étend la souveraineté de l’État.
Y compris à l’époque de Gottmann, on dit bien que ce n’est pas qu’une ligne. Une frontière prend l’aspect d’une zone-
frontière. La frontière prend différentes formes selon les milieux dans lesquels elle s’exprime (les frontières maritimes
dont des zones avec des dégradés de souveraineté ; frontières aériennes ; cyberespace, etc).
Les frontières prennent différentes formes, on peut avoir des phénomènes frontaliers, comme les zones grises par
exemple.
La géographie ne s’intéresse pas simplement aux frontières étatiques.
L’effet frontière = outil qui considère qu’en géographie on n’observe pas simplement des limites sur la scène
internationale, mais des limites politiques qui produsent des effets de disparité socio-spatiale. l’effet frontière peut
être un effet-barrière bloquant ; un effet d’interface ; un effet de territoire ; un effet de confins (dégradé, dégradation
du pouvoir, de l’effet territorial)
Des frontières qui ne sont pas complètement inter-étatiques, mais se trouvent à l’interaction entre frontière et conflit.
Effet frontière qui peut se retrouver aussi dans une ville divisée (Sarajevo ; villes de Palestine, etc.) Entre les deux
parties de Sarajevo on a des administrations différentes, des économies différentes, des langues différentes, effet
frontière très fort quand bien-même on n’a pas affaire à une frontière internationale.
Dyade = (Foucher) une frontière n’est jamais la frontière d’un État mais de deux États, de deux acteurs. Elle suppose
une notion relationnelle. La frontière est toujours une relation d’acteurs.
Les frontières de la Suisse sont par exemple définies par quatre dyades.
Des discontinuités territoriales à fonction de marquage politique. La frontière peut être appréhendée de façon plus
souple qu’une ligne ou un point. Un aéroport est une frontière.
Notion de frontière et notion d’État sont donc désolidarisées, zone grise qui est un exemple type dans les conflits de
désolidarisation État/frontière/conflit
Le conflit à la frontière s’articule autour de plusieurs acteurs et plusieurs échelles, y compris dans des conflits inter-
étatiques, il faut toujours articuler les échelles et les acteurs, toujours des dimensions locales et internationales.
Michel Foucher identifie 3 échelles :
- les frontières de l’État, où les frontières ont une dimension politique, c’est un espace de souveraineté, espace
symbolique
- les frontières inter-étatiques, où se jouent la reconnaissance mutuelle des États, à cette échelle que s’applique la
notion d’inviolabilité des frontières
- échelle régionale ou locale, ici se jouent des pratiques sociales qui varient selon le degré d’ouverture de la frontière.
On a tantôt des espaces délaissés, la frontière est une barrière, tantôt des espaces dynamiques, où la frontière est une
ressource.
Articulation de différentes échelles et donc de différents acteurs : États, populations locales, populations migrantes,
groupes transnationaux, acteurs internationaux (ONU, Résolution 181 de l’ONU qui le 29 novembre 47 établit le plan
de partage de la Palestine. Résolution 687 qui le 3 avril 1991 établit la frontière entre Irak et Koweït. ; Cour
Internationale de Justice qui peut départager des États dans le cas de disputes frontalières, entre le Burkina Faso et le
Niger par exemple en 2013, entre Costa Rica e Nicaragua en 2010. Parfois, le conflit est micro-local, quelques centaines
de mètres).
La frontière est souvent le lieu dans lequel les populations réfugiées sont accueillies, le lieu du transit de l’aide
humanitaire.
étymologie de frontière qui fait entendre la notion de front. Elles sont traditionnellement associées à un imaginaire
guerrier et militaire. Notion de front/frontière qui est en réalité restrictive, ne présente qu’une portion congrue de la
multiplicité des conflits de frontière.
« conflits pour la frontière », logique d’appropriation territoriale, peut aller de la rivalité diplomatique au conflit armé,
et souvent les acteurs de ces conflits mettent en jeu des États, soit entre eux, soit État face à un groupe sécessionniste.
cf. Article de Stéphane Rosière, 2011, sur la fragmentation territoriale. Manière dont les frontières potentielles
peuvent être celles de régions autonomes qui créent des effets frontières, planisphère à 230 États ?
« conflits aux frontières », portent eux atteinte aux logiques de flux, d’échange ou de franchissement frontalier. Conflit
qui s’est ouvert entre la Chine et les EU a eu un effet de durcissement des frontières, un conflit qui se joue et qui se
joue aussi sur la frontière, à la frontière. Les politiques de contrôle migratoire sont aussi l’effet de conflits à la frontière,
EU/Mexique mais aussi en Europe, murs, murets, clôtures (Hongrie).
aujourd’hui de plus en plus on entend le terme de « démondialisation », tendance à la fermeture des frontières dans le
monde. Dans les phénomènes de régionalisation on a aussi des phénomènes extérieurs de fermeture des frontières.
→ le cas du Kosovo
Ancienne province de la Serbie (encore aujourd’hui en droit international est rattaché à la Serbie, résolution 12.44 de
1999 juste à la fin de la guerre du Kosovo qui stipulait que le Kosovo était une zone sous administration internationale
mais qui restait rattachée administrativement et politiquement à la Serbie).
Au Kosovo, la majorité de la population est albanaise, une minorité serbe aussi très importante, notamment au Nord
du Kosovo, qui est rattaché, contigu à la Serbie. La frontière Serbie-Kosovo est une frontière où on a des serbes de part
et d’autre. Tous les postes-frontières qui ont été installés entre 2008 et 2014 ont été détruits par les populations
locales. Indépendance du Kosovo 2008. Question de la frontière Nord-Kosovo, notamment autour des deux postes-
frontière de Gazi Voda et de Jarine.
En réalité, la frontière effective au Kosovo est au sein-même de la ville de Mitrovica, entre zone serbe et zone
albanaise. L’effet-frontière (administrations différentes, systèmes politiques différents, monnaies différentes (dinar VS
euro) alphabets différents, pas la même presse, pas les mêmes opérateurs téléphoniques) est à Mitrovica, pont de
Mitrovica qui est emblématique.
Des échauffourées très violents dans le Nord autour des tentatives d’installation des postes-frontière.
Des enjeux économiques très forts : la zone Nord-Kosovo ne paye des impôts ni à la Serbie ni au Kosovo, profite
largement de cet entre-deux juridique. Est aussi une zone de trafic important (cigarettes, essence, etc).
Les négociations ne sont donc pas que symboliques mais largement économiques. Effet-frontière entre Mitrovica nord
et sud qui profite à un certain nombre d’acteurs.
On trouve les mêmes logiques entre territoire palestinien et israélien, cf. Cédric Parisot sur l’économie à Gaza. Des
échanges y compris entre populations, États, groupes en conflit, qui profitent à certains acteurs.
C. La frontière « zone-grise »
→ ex. en Afghanistan, pendant la guerre, zone qui échappe au contrôle de l’administration politique qui contrôle
Kaboul mais pas la zone frontalière entre Afghanistan et Pakistan, zone où on a une population pachtoune, on a à la
fois un contrôle politique d’acteurs politiques, talibans mais pas que. Mais aussi une zone d’importance économique.
Exemple-type de la fermeture des frontières, des murs qui se multiplient lors de la crise de 2014-2015,
migrants/réfugiés.
Conjugaison de plusieurs crises ; en Libye, Afghanistan, Irak, Syrie.
Différentes routes : une route maritime méditerranéenne, principalement sud-nord, et est-ouest. Mais aussi des routes
terrestres à partir de 2015, depuis le renforcement du contrôle des routes maritimes (Frontex), la route des Balkans.
Construction d’un mur sur les frontières hongroises (en réalité il y en a eu d’autres ailleurs, en Slovénie notamment).
Mur hongrois : un mur qui se faisait à l’encontre des politiques des acteurs européens de l’époque. En réalité il y a des
murs en Europe, l’UE produit des murs que personne ne questionne, Ceuta et Mellila, entre la Grèce et la Turquie
(financé en partie par l’UE), ce qui a choqué est que les autres acteurs européens n’étaient pas d’accord. Contrecarre
les politiques d’accueil et de contrôle des flux mis en place par l’Europe sur les frontières extérieures. À l’époque, Italie
et Grèce qui connaissent les mêmes problèmes. Des disparités entre pays frontaliers extérieurs et intérieurs de
l’Europe. Mur hongrois mis en débat car a été construit en réaction à une politique européenne. Ce qui a le plus fait
réagir est en fait qu’il était dirigé contre l’Europe.
La barrière matérielle qu’est le mur est en réalité doublé d’un dispositif juridique spécifique, en même temps qu’elle
construit le mur la Hongrie met en place un dispositif juridique qui permet de pénaliser les personnes franchissant la
frontière, le mur frontalier. → toujours penser à ce qui accompagne un ‘simple’ mur frontalier.
Sécuriser le territoire par l’exclusion, et par une ancienne forme d’enfermement.
B. De la frontière-mur à la frontière-filtre
Wendy Brown → dimension contemporaine des murs qui ont évolué (dans les imaginaires, c’était le mur défensif, ligne
Maginot, mur d’Hadrien). En réalité les murs d’aujourd’hui sont construits pour être filtrés, ce sont des espaces denses
d’échanges. La frontière EU/Mexique est le premier point de passage humain mondial.
On n’est donc plus dans le même dispositif sécuritaire que celui de la frontière-ligne.
Donc, anticipation des flux, administration américaine qui peut ainsi bloquer le passage d’un passager avant même
d’avoir pris l’avion. La frontière est dans le réseau de données, contrôle les flux à distance et à l’avance.
Canalisation des flux. Les murs servent à concentrer les flux, des points de passage, Checkpoint. Le checkpoint est le
lieu dans lequel on va identifier les flux. Suppose une centralisation des données, qui ne sont plus stockées à la
frontière mais intégrées dans des agences de renseignement, nationales ou européennes : Frontex, un nouvel acteur
régional de contrôle aux frontières, une frontière qui n’est plus linéaire mais en réseau. Europol, est d’abord une
agence de renseignement, qui capte puis distribue des données. Eurosur, centraliser l’ensemble des données d’agences
de sécurité européennes, base de données.
Stephen Graham → la frontière est un point de passage parmi d’autres. Elle fait partie d’un système plus large de
contrôle des données.
// Douanes volantes.
On passe d’un modèle stratégique westphalien, à un contrôle « post-westphalien », la menace n’est plus l’État à la
frontière, le voisin, mais les flux. Le contrôle des flux se fait donc en amont, en aval, et le contrôle frontalier n’est plus
qu’un élément parmi d’autres. Frontières mobiles. Contrôle partagé, qui suppose des logiques de coopération.
Attaques terroristes 2015, Covid, fermeture des frontières qui reste cependant tout de même un instrument de gestion
de crise par excellence. Y compris lorsque c’est totalement inutile (Covid…). Difficulté de fermer des frontières en
Europe. Frontières fermées aux individus mais pas aux marchandises.
CONCLUSION
L’étude des conflits au frontières nécessite une étude de l’ensemble des interactions entre les acteurs. Modèle de la
frontière qui n’est plus celui d’une enveloppe territoriale ou d’une limite. La frontière, y compris nouvelle, en réseau,
reste l’expression d’un rapport de forces.